Endométriose stade III et IV : implications
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Endométriose stade III et IV : implications
J Gynecol Obstet Biol Reprod 2003 ; 32 : 4S15-4S19. Endométriose stade III et IV : implications physiopathologiques, cliniques et thérapeutiques D’après la communication de A. Audebert Gynécologue-Obstétricien à Bordeaux, France. RÉSUMÉ Le stade III de l’endométriose correspond à un score allant de 16 à 40 dans la classification révisée de l’American Fertility Society (r-AFS) et le stade IV à un score supérieur à 40. Les symptômes rencontrés lors des endométrioses profondes sont des algies pelviennes chroniques, des dysménorrhées et des dyspareunies. Le mécanisme physiopathologique de ces douleurs reste discuté. Il peut s’agir d’adhérences entraînant des douleurs par tension, d’endométriomes symptomatiques par tension ou rupture ou de douleurs par processus inflammatoire Dans la littérature, il est rapporté qu’il n’y a pas toujours une bonne corrélation entre l’extension des lésions et l’importance des douleurs. Le traitement non chirurgical est surtout symptomatique. Une contraception par stérilet délivrant du lévonorgestrel semble diminuer significativement les symptômes douloureux en cas d’endométriose profonde. S’il existe une infertilité, le traitement chirurgical semble incontournable, si possible par cœlioscopie et si possible en étant conservateur vis-à-vis des ovaires. Il y a une augmentation significative des taux de grossesse spontanée après traitement chirurgical des stades III et IV. Les traitements médicaux sont à préférer en cas de récidive après une chirurgie, car la chirurgie ovarienne itérative peut altérer la réserve ovarienne. SUMMARY: Pathophysiology, symptomatology and therapeutic management of stage III and IV endometriosis. Stage III endometriosis is defined by a r-AFS score respectively ranging from 16 to 40 and stage IV over 40. Deep pelvic endometriosis presents essentially in the form of a painful syndrome dominated by chronic pelvic painful, dysmenorrhea and deep dyspareunia. Pathophysiology of pelvic pain associated with endometriosis remains unknown. In the litterature, correlation between extension of the endometriosis and severity of the painful remains controversis. Contraception by levonorgestrel-releasing intra-uterine systems appears to decrease pain related to deeply infiltrating endometriosis. Surgery by laparoscopy remains the first intention treatment when infertility is associated with endometriosis, whereas medical treatment is only palliative in the majority of cases. Success of treatment depends on how radical surgical exeresis is. Spontaneous pregnancy rates are significantly increased after surgical treatment. Recurrent ovarian surgery is not recommended in women with infertility, as it might be deleterious for ovarian reserve. Medical treatment using Gn-RH agonists is indicated when recurrence occurs after surgery. INTRODUCTION Les stades III et IV de l’endométriose correspondent aux lésions les plus sévères de l’endométriose, c’est-à-dire les lésions respectivement considérées comme modérées et sévères, selon la classification de l’American Fertility Society (AFS). Les scores, purement arbitraires, vont de 16 à 4O pour le stade III et au-delà de 40 pour le stade IV. Cette classification a été réalisée par des chirurgiens et elle est basée sur des difficultés opératoires rencontrées lors de laparotomies. Les lésions qui apportent le plus de points sont donc les endométriomes, ovariens ou non, et surtout les adhérences. Cette classification n’a qu’une valeur fonctionnelle très relative. Par exemple, on voit des formes assez sévères qui n’ont pas de symptômes et, inversement des formes légères très symptomatiques. © MASSON, Paris, 2003. A. Audebert De plus, il y a des localisations qui ne sont pas prises en compte (lésions profondes, digestives, urinaires...). Il y aurait intérêt, au plan pratique, à isoler une catégorie supplémentaire, regroupant les lésions avec un score au-delà de 70, car très parlantes au plan de la symptomatologie et sources de grandes difficultés chirurgicales. Il faudrait donc distinguer un stade IV faible et un stade IV fort, ou stade V. Les endométrioses sévères exposent à 3 grands types de problèmes : – au plan clinique, elles sont associées à des douleurs chroniques marquées souvent très invalidantes et une infertilité, peu contestable ; - au plan thérapeutique, le recours à la chirurgie est pratiquement inéluctable ; – au plan de l’évolution, on observe une forte propension aux récidives, particulièrement pénibles tant pour les patientes que leurs praticiens.. RAPPEL ÉTIOPATHOGÉNIQUE La survenue d’une endométriose sévère peut découler de l’évolution d’une endométriose modérée. En effet, quand on regarde les essais thérapeutiques, 30 % des stades I ou II s’aggravent en 6 mois dans les groupes placebo. Il est donc concevable que les stades I et II puissent aussi s’aggraver, mais de façon peut-être moins inéluctable. Les grandes théories classiques sont opérantes. Mais, à l’heure actuelle, la tendance est de reconnaître un mécanisme histogénique différent pour les implants, les endométriomes et les lésions profondes, en particulier celles de la cloison rectovaginale, même si certaines assertions restent encore controversées. Il est très probable qu’il existe des facteurs prédisposant au développement d’une endométriose sévère. Il peut s’agir de prédispositions génétiques, immunologiques ou environnementales. À l’heure actuelle, la littérature n’offre pas de réponse validée concernant le rôle de ces facteurs. INCIDENCE DES DOULEURS DANS LES ENDOMÉTRIOSES SÉVÈRES Tous les implants endométriosiques ne sont pas douloureux. En moyenne, seulement 50 % d’entre eux semblent induire des algies, de divers types. Les adhérences entraînent des douleurs dans près de 25 % des cas, les endométriomes dans environ 50 % des cas et les lésions profondes dans plus de 4S16 90 % des cas. Une étude de Ch. Chapron, portant sur 241 femmes, retrouve que les symptômes rencontrés lors des endométrioses profondes sont des algies chroniques (91,5 % des cas), des dysménorrhées (89,2 %) et des dyspareunies (75,3 %) [1]. L’âge moyen des patientes de cette étude est de 31,6 ans, c’est-à-dire supérieur à celui habituellement observé pour les femmes présentant des endométrioses stade I ou II. Le mécanisme des douleurs n’est pas parfaitement compris, souvent il est hypothétique. On reconnaît globalement que les saignements répétés et l’inflammation interviennent, quel que soit le type de lésion. Pour les adhérences, les douleurs peuvent être liées aux phénomènes de tractions, surtout quand un viscère est impliqué, et probablement aussi à leur innervation propre bien démontrée. Pour les endométriomes, leur tension et leur rupture sont plus spécifiquement évoquées. Dans la littérature, il n’y a pas toujours une bonne corrélation entre l’extension des lésions et l’importance des douleurs. Une étude de Stovall observe une corrélation positive entre la sévérité de l’atteinte endométriosique et l’importance des douleurs, alors que 2 autres études ne retrouvent pas cette corrélation [2-4]. INFERTILITÉ ET ENDOMÉTRIOSES SÉVÈRES Il est bon de rappeler, pour fixer les idées, un travail d’Adamson qui a évalué les taux de grossesse spontané selon les stades d’endométriose (tableau I) [5]. Dans les stades I et II, il retrouve quasiment 40 % de grossesse spontanée. On peut donc se demander quel est l’intérêt de prescrire un traitement médical suppresseur, qui va bloquer toute capacité de conception pendant la durée de sa prescription. On comprend aussi aisément que pour démontrer qu’un traitement médical est efficace dans cette indication, il faudrait des milliers de patientes dans chaque bras, étant donné que le taux de grossesse sans traitement est déjà de 40 %. En revanche, dans les stades plus sévères, il est plus facile de démontrer l’efficacité d’un traitement (il est relativement plus aisé de faire mieux que 3 % pour les stades IV...). Tableau I Taux de grossesses spontanées selon les stades. Stade I/II Grossesse spontanées 37 % III 22 % IV 3% © MASSON, Paris, 2003. Endométriose stade III et IV Pour les stades III et IV, la relation causale avec l’infertilité est plus facile à admettre, surtout quand une “distorsion” marquée des organes pelviens est présente : il s’agit, tout simplement, d’une infertilité mécanique, comme après une infection annexielle ou pelvienne. Elle est plus controversée, en cas, par exemple, d’endométriome ovarien isolé. DIAGNOSTIC DES ENDOMÉTRIOSES DE STADE III ET IV patientes a trouvé que ce test avait une spécificité meilleure que le CA 125 (de l’ordre de 95 %), mais une sensibilité encore faible (65 %). La protéomique pourrait, dans l’avenir, identifier un marqueur spécifique de l’endométriose, ou au moins un profil d’expression protéique évocateur. À terme, on pourrait disposer ainsi d’un test de dépistage simple et spécifique de l’endométriose, voire peut-être aussi de la localisation de l’endométriose, corrélé avec la sévérité. Les tests thérapeutiques La clinique Le diagnostic devrait être essentiellement et avant tout clinique. En effet, les gros endométriomes, les nodules de la cloison rectovaginale et les nodules des ligaments utéro-sacrés sont facilement palpables. L’examen doit avoir lieu de préférence pendant les règles. Malheureusement, la pratique courante montre qu’il existe souvent un retard de plusieurs années pour l’établissement du diagnostic de l’endométriose et beaucoup de lésions profondes sont encore méconnues. L’imagerie L’imagerie (simple échographie) est bien sûr parlante en cas d’endométriome ovarien. Pour les lésions profondes, l’échographie endorectale et l’IRM peuvent être d’une aide précieuse, non seulement pour établir le diagnostic, mais aussi pour évaluer préopératoirement l’envahissement des organes voisins. La cœlioscopie Son rôle reste toujours diagnostic, pronostic et thérapeutique. L’exploration cœlioscopie est moins sensible que l’examen clinique et l’IRM pour faire le bilan des lésions d’endométriose profonde. Les marqueurs Le dosage du CA 125 ou du CA 19-9 restent toujours aussi décevants, tant pour le diagnostic, que pour le suivi sous traitement de l’endométriose. Le Metriotest, mis au point par une firme au Canada, permettrait un dépistage plus sensible et spécifique de l’endométriose. Pour réaliser ce test, le laboratoire doit recevoir une biopsie d’endomètre et du plasma de la patiente. Une étude portant sur 3 500 J Gynecol Obstet Biol Reprod / Volume 32, n° 8, cahier 2, 2003 Il est, pour le moins curieux, de voir les tests thérapeutiques revenir à la mode, compte tenu de l’évolution de la médecine. Il existe un certain nombre de tests thérapeutiques utilisables pour le diagnostic de l’endométriose. Une récente conférence de consensus a conclu que, pour les algies pelviennes chroniques, il était licite d’utiliser les analogues de la Gn-RH comme test thérapeutique, sans avoir besoin d’aller jusqu’à la cœlioscopie, compte tenu de ses risques [6]. TRAITEMENT DES ENDOMÉTRIOSES DE STADE III ET IV Pour ces lésions sévères, profondes et pour les adhérences ou les endométriomes, le traitement est bien évidemment avant tout chirurgical. En effet, ces lésions répondent peu ou pas au traitement médical. C’est souvent une chirurgie difficile et risquée, surtout quand le traitement concerne un segment du tube digestif est envahi profondément. Cette chirurgie doit être réalisée si possible par cœlioscopies . LA PRISE EN CHARGE DES DOULEURS La prise en charge de la douleur doit être multidisciplinaire. En doit s’effectuer, en particulier, en collaboration avec les spécialistes de la douleur, les urologues, les gastroentérologues, les psychiatres et les psychologues... En effet, 6 % des femmes atteintes d’endométriose ont des fibromyalgies [7]. Une cystite interstitielle est associée dans de nombreux cas d’endométriose sévère [8], et un terrain dépressif est présent dans 90 % des cas [9], d’où la nécessité d’accompagner 4S17 A. Audebert psychologiquement les patientes. Un accompagnement des patientes au sein d’une association est fortement souhaitable. Le traitement chirurgical La femme doit participer au choix thérapeutique. Si une chirurgie est décidée, elle doit absolument avoir conscience des risques potentiels de cette chirurgie fonctionnelle. Au plan de l’amélioration des douleurs, la chirurgie radicale semble plus efficace que le “debulking”. Cette notion est bien démontrée par un travail de J. Keckstein, présenté au Congrès Européen d’Endoscopie à Berlin en 2001 (tableau II). Toutefois, cette chirurgie radicale n’est pas toujours possible et elle peut parfois être très dangereuse. Le chirurgien doit absolument être formé et expérimenté pour cette chirurgie ou collaborer avec des . Il existe peu d’études concernant spécifiquement les stades III et IV. Une étude portant sur 73 cas rapporte les taux élevés de satisfaction des femmes après cœliochirurgie pour endométriose de stade III ou IV. Près de 88 % des femmes se déclaraient “satisfaites” dans cette étude, avec une diminution des douleurs chroniques, des dysménorrhées et des dyspareunies à 12 mois [10]. Ces scores de satisfaction semblent toutefois difficiles à reproduire. Les associations médicochirurgicales ont fait l’objet de quelques études. Dans une étude randomisée contrôlée portant sur 89 cas d’endométriose stade II ou IV, Busacca ne retrouve aucun bénéfice à l’emploi des analogues du Gn-RH en postopératoire sur la récidive des douleurs (23 % versus 29 % à 18 mois) [11]. Toutefois, si on opère une patiente et si les douleurs récidivent ensuite, il est licite de lui prescrire un traitement médical. Le traitement médical Le traitement médical a tout de même une place : on a démontré, avec un niveau de preuve correct, que Tableau II Comparaison des résultats de la chirurgie radicale et du debulking selon deux localisations lésionnelles. Infiltration des utéro-sacrés Debulking Douleurs résiduelles 45 % Chirurgie radicale 18 % Infiltration vésicale 4S18 les traitements médicaux pouvaient, dans certains cas, être bénéfiques pour certaines patientes. Pour ces lésions sévères, les analogues de la GnRH ont probablement une supériorité sur les autres types de traitement, même si les études comparatives sont peu nombreuses. Les traitements médicaux sont à envisager en cas de récidive après une chirurgie : les chirurgies itératives sont à éviter, car souvent de plus en plus difficiles à réaliser. Une contraception par stérilet au lévonorgestrel semble faire diminuer les symptômes douloureux en cas d’endométriose profonde ainsi que le volume ovarien et les dysménorrhées. LA PRISE EN CHARGE DE L’INFERTILITÉ S’il existe une infertilité, le traitement chirurgical semble incontournable, si possible par cœlioscopie et, si possible, en étant conservateur vis-à-vis des ovaires, car la chirurgie ovarienne itérative peut altérer la réserve ovarienne. Adamson retrouve des bons taux de grossesse spontanée après traitement chirurgical des stades II et IV [5] (tableau III). La fécondation in vitro (FIV) peut être le dernier recours pour ces femmes infertiles ayant eu une chirurgie sans résultat. Depuis quelques années, il a été proclamé, par divers auteurs, qu’il est bénéfique préparer la FIV par 3 mois d’analogues du Gn-RH. Cette approche semble améliorer les résultats. Le niveau de preuve est encore faible car on ne dispose que de peu d’études randomisées. CONCLUSION Les endométrioses de stade III et IV sont fréquemment associées à des douleurs invalidantes et à une infertilité. Le diagnostic des lésions sévères est avant tout clinique. Les lésions profondes peuvent toutefois être Tableau III Traitement Abstention Résultats des différentes modalités thérapeutiques en fonction du stade, selon Adamson [5]. Stade I et II 37,4 % Stade III 22,3 % Stade IV 3,1 % Debulking 79 % Médical 33 % 47,2 % 29,9 % Chirurgie radicale 8% Chirurgical 51,7 % 51,8 % 41,3 % © MASSON, Paris, 2003. Endométriose stade III et IV méconnues et une imagerie par échographie pelvienne ou IRM est nécessaire pour faire le diagnostic et le bilan de l’ensemble des lésions, avant de choisir la thérapeutique adaptée. Le traitement est avant tout chirurgical, mais, à la différence des stades I et II, le traitement médical a encore une place pour les stades III et IV, surtout en cas de douleurs récidivantes. RÉFÉRENCES 1. Chapron C, Fauconnier A, Dubuisson JB, Barakat H, Vieira M, Breart G. Deep infiltrating endometriosis: relation between severity of dysmenorrhoea and extent of disease. Hum Reprod 2003; 18: 760-6. 2. 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Consensus statement for the management of chronic pelvic pain and endometriosis: proceedings of an expert-panel consensus process. Fertil Steril 2002; 78: 961-72. 7. Sinaii N, Cleary SD, Ballweg ML, Nieman LK, Stratton P. High rates of autoimmune and endocrine disorders, fibromyalgia, chronic fatigue syndrome and atopic diseases among women with endometriosis: a survey analysis. Hum Reprod 2002; 17: 2715-24. 8. Chung MK, Chung RR, Gordon D, Jennings C. The evil twins of chronic pelvic pain syndrome: endometriosis and interstitial cystitis. JSLS 2002; 6: 311-4. 9. Lorencatto C, Vieira MJ, Pinto CL, Petta CA. Evaluation of the frequency of depression in patients with endometriosis and pelvic pain. Rev Assoc Med Bras 2002; 48: 217-21. 10. Jones KD, Sutton C. Patient satisfaction and changes in pain scores after ablative laparoscopic surgery for stage III-IV endometriosis and endometriotic cysts. Fertil Steril 2003; 79: 1086-90. 11. 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