LA PRISE DU POUVOIR PAR RICHARD III Eduard Roth
Transcription
LA PRISE DU POUVOIR PAR RICHARD III Eduard Roth
15 Octobre 2013 LA PRISE DU POUVOIR PAR RICHARD III Dialogue cynique à l’imitation des anciens entre Phédrus, Posanius, Erymacus, Aristocrate, Acrate, Sophane, Théotime et Alviade. Eduard Roth 1 . 2 DIALOGUE I L’assassinat comme l’un des Beaux-Arts Phédrus - Les mythes anglais De même que les Espagnols ont créé les mythes de Don Quichotte et de Don Juan, les Anglais ont créé, à leur propre image, les mythes des monstres les plus abominables de la littérature moderne. Ce n’est pas étonnant si presque tous leurs grands dirigeants politiques sont des criminels. Leurs créations se réduisent à quatre grands apartés: les monstres, les rois-monstres, les monstruosités et, finalement, la déroute monstrueuse. Les monstres: ils sont bien connus: Mister Hyde de Stevenson, le professeur Moriarty de Conan Doyle, Frankestein de Shelley, Lady Macbeth de Shakespeare, Jacques l’Eventreur, qui est l’initiateur de la saga des ‘serialkillers’, et finalement le ‘Grand-Frère’ de Orwell. Les rois-monstres: le Roi Lear, obsédé para la parcellisation de son territoire, Barbe-Bleue sous les traits de Henry VIII, qui est aussi le Roi-Pape, imité para l’Ayatollah Khoméini, Richard III le serial-killer, le roi frivole qui passe son temps dans les balnéaires de la Côte d’Azur comme Edward VII, et finalement le roi adultérin Edward VIII. Décidément le chiffre VIII porte malheur aux rois qui en font ce décompte. Mais là où le génie britannique a brillé davantage, c’est avec les reines: la reine vierge, veuve, sanguinaire, qui perd la tête comme Mary Stuart, avec sa contrepartie: le roi qui perd la sienne comme Charles I ou George III. En fait, toutes les reines anglaises s’inspirent de Lady Macbeth comme les rois de Richard III. 3 Les monstruosités: la flagellation, ou ‘vice anglais’, ou encore ‘discipline anglaise’ ou plus simplement ‘victorienne’, est un supplice qui peut entraı̂ner la mort de la victime, par exemple dans un navire de la Royal Navy du XVIIIème siècle. ‘Naval tradition is rum, sodomy and lash’, avait dit avec cynisme le Premier Lord de l’Amirauté, Winston Chruchill en l’occurence. L’humour anglais n’est qu’une forme déguisée de cynisme et qui, appliqué en politique, donne les Churchill ou les Thatcher. La décollation à la hache, ou guillotine anglaise, a été la specialité des rois anglais, de Richard III à Henry VIII. Le thé de 5 heures est une manifestation du mauvais goût gastronomique anglais, tout comme le ‘fish and chips’. La réputation de la cuisine anglaise est telle qu’elle a donné lieu à des remarques du style: ‘au paradis, le cuisinier est français, l’organisation allemande et la politesse italienne, et en enfer, le cuisinier est anglais, l’organisation italienne et la politesse française’. Le mauvais goût artistique est aussi une invention anglaise, il suffit de deux exemples: le Big Ben et les peintres préraphaëlites. Les Anglais ont inventé la piraterie navale avec Drake, et la piraterie financière avec la City de Londres, véritable ı̂le Tortuga du crime financier, et les paradis fiscaux des ı̂les du Channel et des Bermudas. Ils ont aussi inventé la piraterie militaire, qu’ils appellent la ‘cavalerie de Saint Georges’, un précédent de la Mafia Sicilienne. Ils ont inventé la prison perpétuelle, la Tour de Londres, face à une Bastille qui a brûlé depuis longtemps. Ils ont inventé la ‘morale victorienne’, une autre forme de cynisme qui conjugue l’austérité du sacré avec la débauche du secret. Ils ont inventé l’enfance exploitée avec Oliver Twist. Ils ont enfin inventé le capitalisme et son antidote, le marxisme, comme ils ont inventé le crime et son antidote, Sherlock Holmes, ou tout simplement le bien et le mal, Jeckyll et Hyde. En Angleterre, l’assassinat est l’un des Beaux-Arts, au même titre que son antidote, la résurrection des morts, ou Frankenstein. La déroute-monstre: les anglais ont inventé la défaite absurde, de même que la victoire absurde. La déroute absurde est celle de son armée coloniale, équipée de fusils à longue portée et de canons, face aux zoulous ou aux tribus arabes, armés de lances et de poignards. La victoire absurde est celle de Waterloo, où deux faits improbables se matérialisent simultanément: l’arrivée des Prussiens et le retard de Grouchy. Mais le comble c’est l’attaque à la cornemuse de Lord Lovat en Normandie qui provoque la débandade chez l’ennemi. Et, avec le résultat contraire, la charge de la cavalerie anglaise à Baklava pendant la Guerre de Crimée, l’une des manœuvres les plus absurdes de l’histoire militaire, en compétition avec les expéditions de Churchill. 4 Churchill qui, dans un autre accès de cynisme, avoua: ‘le succès est la capacité d’aller d’échec en échec sans perte d’enthousiasme’ et pour le démontrer, il sacrifia des milliers de ses compatriotes à Gallipoli, Dunquerque, Dieppe, Grèce, Singapour, Montecasino et Arnhem. Dans la foulée, les Anglais ont inventé la victoire en reculant, une spécialité mise au point par le Duc de Wellington lors de la guerre d’Espagne, puis perfectionnée par Chamberlain en Norvège et Churchill à Dunquerque. Ils sont passés maı̂tres dans l’art de la victoire obtenue par un coup bas, à tel point que, confrontés à eux quelque part dans le monde, les Français n’avaient d’autre choix que de supplier: ‘messieurs les Anglais, tirez les premiers’. Un autre mythe anglais de grande tradition est la ‘taupe’ qui, comme le crime, est doublée de son antidope, le superagent secret James Bond. La taupe est un agent ennemi infiltré dans les services secrets britanniques, aux noms singuliers de MI5 et MI6. Au dire de Graham Greene et John Le Carré, qui en savaient quelque chose, ces services sont les plus corrompus de monde. Les taupes les plus célèbres de l’histoire de l’espionnage sont des Anglais: Philby, Burgess, McLean et Blunt. En fait, ces quatres célébrités sont les seuls agents non cyniques et non criminels que lesdits services aient recrutés, raison pour laquelle ils l’ont fui. Les Anglais ont aussi inventé le roi déchu qui veut vendre son règne pour un cheval, de la même façon que Henry IV gagnait le sien par une messe. Et pour achever tant de mort en beauté, les Anglais ont inventé le mythe de l’explorateur perdu: Livingstone au cœur de l’Afrique, retrouvé par un trait d’humour anglais: ‘le docteur Watson, je suppose ?’ aurait dit Stanley, ‘élémentaire, mon cher Holmes’, aurait répondu Livingstone. Mais encore, Cook achevé à coups de flèches dans un ı̂lot perdu du Pacifique, comme le Général Gordon à Khartoum par des lances de bédouins, tous les deux émules du célèbre Général Custer. Et pour en finir, le plus beau sacrifice: celui de Mallory et Scott, morts congelés au plus haut et au plus bas du monde, respectivement. Les Anglais ne connaissent pas l’intermédiaire, ils n’ont que des vices extrêmes. Churchill, en grand connaisseur, avait dit de ses compatriotes: ‘Ils ont toutes les vertus que je déteste et aucun des vices que j’admire’. Posanius - La littérature anglaise La spécialité des écrivains anglais est, on pouvait s’en douter, le crime. Mawlowe situa son Massacre à Paris, mais Shakespeare le ramena au bon 5 endroit avec ses inoubliables Richard III, Macbeth et Hamlet, trois mythes de la littérature occidentale parmis les plus réussis. Dans la dernière scène de Hamlet, le Barde réussit à tuer tous ses acteurs, un fait inégalé dans l’histoire du théâtre: Hamlet, Ophélia, Laertes, Claudius, Gertrudis, Rosencrantz et Guildenstern passent à la trappe, sans compter Polonius. Il égale son propre record de Richard III, où huit têtes sont coupées: Vaughan, Grey, Rivers, Prince Edward, Prince Richard, Hastings, Buckingham et Richard III lui-même. Le mythe du criminel fut porté à sa hauteur suprême par Conan Doyle, avec son Sherlock Holmes et son Watson, les équivalents du Don Quichotte et Sancho Panza de la littérature cervantine, mais où l’échec final de Cervantès se mue en succès, un signe que le romantisme est passé par là. Agatha Chritie s’y essaya aussi au crime avec talent. Les espions, la Guerre Froide et la Guerre Chaude, avec taupes et cadavres, trouvèrent leurs maı̂tres inégalés chez Graham Greene et John Le Carré. Notre Agent à La Havane et L’Américain Tranquille sont des chefs-d’œuvre qui dénoncent le cynisme de ces services secrets qui sont devenus des pépinières de criminels. Mais il n’y a pas de taupe sans Karla, le manipulateur, le Grand Frère, et on revient à Orwell. Le cinéma anglais s’est chargé d’adapter tout ce monde en films ou séries télévisées, avec les inoubliables Orson Welles ou Laurence Olivier en personnages shakespeariens. Le XVIIIème siècle a aussi trouvé ses chefs-d’œuvre dans le Barry Lindon, adapté au Cinéma par Kubrick, dans les opuscules de Thomas de Quincey et l’histoire du roi-fou George III. L’épopée anti-napoléonienne a forgé deux mythes: Wellington et Nelson, invincibles sur terre et sur mer, respectivement. La mer déferle avec le crime transformé en fait glorieux, dans ‘Master and Commander’, ou reste à l’état de simple crime dans ‘Billy Budd’, dans le film comme dans l’opéra de Britten. Mais cette épopée maritime a vite été remplacée par l’aventure coloniale d’écrivains comme Kipling ou Conrad, de nouveau chanteurs du côté glorieux comme du côté sale. Quand on parle d’aventure coloniale, on n’est plus dans le crime mais dans le génocide, que ce soit au Soudan, en Afrique du Sud, en Inde ou en Afghanistan. Tout ceci a généré une centaine de films, c’est du moins ceux que j’ai vus: des trois lances de Bengale aux quatres plumes du Soudan, en passant par une charge à cheval bien légère. Tout ce génocide au ton plutôt épique s’achève para la Première Guerre Mondiale et son rondeau ‘In Flanders Fields’, qui cherche encore une justification du carnage, tout comme Lawrence d’Arabie justifie par l’amour à un petit nomade sa chevauchée du desert. Lawrence et devenu mythe en même temps que les sables d’Arabie. Retournons au XIXème siècle, sa révolution industrielle 6 et l’exploitation de l’enfance. Charles Dikens s’en est nourri pour fabriquer deux des plus grands mythes de notre enfance, Oliver Twist et David Copperfield, qui ne trouvent de compétition que dans la Cosette de Victor Hugo. Arrivés au XXème siècle, Forster prend les commandes, tout comme Thomas Mann en Allemagne. Le premier a dénoncé le colonialisme en Inde, comme le second a dénoncé le nationalisme métamorphosé en nazisme. Forster a écrit Maurice comme Thomas Mann ‘La Mort à Venise’. Maurice est aussi une histoire de sexualité réprimée, comme celle de Wilde, de ‘If’, ou de ‘Another country’. Dans l’histoire anglaise récente, Wilde se présente comme le contrepoids de Churchill, tous deux devenus célèbres par leurs admirables quotations. Curchill, qui est arrivé au triomphe final, d’échec en échec, et Wilde, à la défaite finale, de succès en succès. Dans ce subtil jeu de balancier, l’Irlandais de France, Beckett, oppose son absurde à la rage de Osborne et de Pinter. Un autre Irlandais, Joyce, transpose Homère à Dublin, cette ville où les girls are so pretty et où Leopold Bloom et Molly Malone ont remplacé le Cyclope et les sirènes. La poésie anglaise monte au pinacle avec le trio Auden, Shakespeare, Byron, dont leur mythe dépasse leur biographie. ‘Stop the clock and the telephone’, ‘the rest is silence’ et ‘si je meurs en terre étrangère, ce bout de terre deviendra l’Angleterre’. C’est ainsi que tout le monde est devenu l’Angleterre. Phédrus - Les Anglais et la finance L’économie est une science aussi britannique que le petit déjeuner au bacon, le fish and chips ou le 5 o’clock tea. Seulement trois noms: Adam Smith, Marx et Keynes. Précisons que Marx était allemand, mais que c’est à Londres qu’il passa sa vie, qu’il écrivit son œuvre capitale, et qu’il fut enterré. Les Anglais ont inventé le libéralisme, le communisme et la socialdémocratie. Le libéralisme conduisit au désordre mondial, à l’accumulation de la richesse par un petit nombre de pays privilégiés et dans ces pays, par une classe privilégiée, à l’impérialisme économique et au colonialisme, bref, au génocide. Le Communisme conduisit exactement aux mêmes résultats par d’autres moyens. Seul Keynes avait raison, mais il ne fut pas écouté. L’insistance des pays vainqueurs de la Première Guerre Mondiale à faire payer à l’Allemagne une indemnité de guerre colossale, contre l’avis de Keynes, produisit l’hyperinflation, un phénomène monstrueux qui démontre que l’économie 7 n’est pas une science, mais une espèce de casino où l’on joue 1 franc à la roulette et on en gagne 1 million, ou l’inverse. L’hyperinflation créa un autre monstre, Hitler qui, par un même jeu du hasard, tua quelque 40 millions de personnes. Hitler fut abattu par un monstre aussi dangereux que lui, Staline, qui lui aussi sacrifia un nombre équivalent de victimes dans son Goulag. Le Stalinisme disparut et fut remplacé par le capitalisme sauvage de l’Ecole de Chicago, appliqué dans toutes les autocraties du monde, du Chili à la Chine, en passant par la Yougoslavie. Le nombre de victimes fut comparable à celui du Nazisme et du Stalinisme. Il y a encore des gens qui pensent que Keynes est démodé. 8 DIALOGUE II Thatcher ou Lady Macbeth Erymacus - Le duo Reagan-Thatcher Quand on fera le bilan du XXème siècle, Reagan et Thatcher seront considérés aussi néfastes que Brezhnez ou Andropov. Ils se sont investis du pouvoir de massacrer et détruire n’importe qui dans n’importe quel coin du monde par les mêmes arguments. Les premiers au nom d’un supposé ‘monde libre’ composé pourtant en sa majorité de dictatures qu’ils ont soutenues, les seconds au nom de la dictature. Au moins, Brezhnez et Andropov n’ont pas eu le cynisme de se cacher derrière des idéaux de liberté pour commettre leurs crimes. Reagan et Thatcher l’ont fait. Ils ont été élus par une infime fraction de la population de la planète et, de ce fait, se sont octroyé le droit de liquider partout des gens à leur gré. Leur cynisme n’a pas eu de plancher, et leur action a été applaudie par les grands lobbys financiers et leur porte-parole médiatiques, par tous les politiciens corrompus du monde ironiquement appelé ‘libre’, qui n’a poutant engendré que ces monstres. Le XXème siècle est bien celui du cynisme triomphant. Aristocrate - Le duo Pinochet-Thatcher (1) Baltasar Garzón, né en 1955 en Espagne, magistrat à l’Audience Nationale, luttait contre le crime organisé. Il a combattu le traffic de drogues, l’ETA 9 et les crimes d’Etat. Le 10 octobre 1998 il mit en examen Augusto Pinochet pour avoir torturé des citoyens de nationalité espagnole. Il fit une requête d’extradition au gouvernement britannique. Pourquoi à Londres ? Parce que Pinochet s’amusait à faire ses achats dans les grands magasins de la City, comme tous les grands fraudeurs internationaux, qui y sont les bienvenus. Et que s’est-il passé ? Pinochet fut mis en état d’arrestation domiciliaire. Et ensuite la bataille légale dura 16 mois. En Angleterre, les crimes d’un chef d’Etat ne sont des délits que s’ils sont commis dans l’illégalité, donc jamais. La Chambre des Lords décréta que seuls les crimes commis après 1988 pouvaient être poursuivis, croyant à tort qu’il n’en avait plus commis après cette date. Thatcher et Bush se solidarisèrent avec Pinochet, car eux-mêmes avaient commis encore plus de crimes que lui, sans en être poursuivis pour autant. Qui plus est, la Cour de Justice de La Haye, qui ne poursuit que des crimes commis par des anciens communistes, se désintéressa de l’affaire. Finalement, le ministre du Foreign Office (Office des Aliénés), Jack l’Eventreur, refusa l’extradition en invoquant que Pinochet n’était qu’un malade mental, comme la plupart des dirigeants anglais, sans violation de légalité. Erymacus - Mensonges de Destruction Massive (1) Interrogé par le plus grand journal Anglais, ‘The Crimes’, Jack l’Eventreur s’exprima comme il suit, sans perdre à auncun moment le flegme légendaire attribué aux locataires d’Outre-Manche: Je suis Jack Straw, né en 1946 et MP depuis 1973. J’ai été Home Secretary depuis 1997 et secrétaire du Foreign Office depuis 2001, avec Blair comme Premier Ministre. Pourquoi ai-je libéré Pinochet en mars 2000 ? Je suis aussi criminel que lui, c’est de la simple solidarité professionnelle. C’est moi qui inventa l’histoire des Armes de Destruction Massives pour attaquer l’Irak en mars 2003. C’est surprenant de m’entendre dire cela ? Sans vouloir me blanchir, le travail sale a été fait par Blair et Bush. Je n’étais pas dans la photo des Açores, mais je vous fais remarquer que Blair et Bush sont des sots, incapables de prendre une telle décision. Pour inventer les MDW(A), il faut un cerveau. C’est quoi ces MDW(A) ? Massive Destruction Weapons (Arms). Pourquoi ai-je donc inventé ce nom ? Très simple, cher ami, cela s’obtient en réordonnant les lettres: MDW(A)-BUSH-BLAIR-SIN = SADAM-HUSEIN. Si vous prenez le W, vous avez W.BUSH, et si vous prenez le A, vous obtenez A.BLAIR, à 10 votre choix. En quoi consistaient ces MDW(A) ? Je vais vous le dire. Erymacus - Mensonges de Destruction Massive (2) C’était un gâteau fabriqué avec de l’uranium, des gaz vénimeux, des armes biologiques, et enfin un petit cocktail de tout ce qui est mortel. Mais pour en faire usage, Sadam avait besoin de missiles. En effet, nous inventâmes un canon fabriqué en pièces comme les jeux pour enfants. C’était le ‘Projet Babylon’. Et d’où avais-je tiré cette idée ? De Jules Verne, ‘De la Terre à la Lune’, aussi simple que cela. Lisez le rapport du MI6 et comparez-le au roman de Jules Verne. Il est copié mot à mot. Le 14 février 2003, le ministre français des Affaires Etrangères, Dominique de Villepin, fit un brillant discours devant le Conseil de Sécurité de l’ONU, où il dénonça notre guerre criminelle. Oui, j’ai répondu que le Royaume Uni était une vieille nation fondée par les Français. Oui, une petite frivolité, alors que nous nous apprêtions à massacrer des dizaines de milliers d’Irakiens, et détruire le pays pour des décennies. Vous avez raison, mais avez-vous jamais entendu un criminel autre que Churchill dire quelque chose d’intelligent avant de commettre ses crimes ? Churchill avait dit: ‘Une fois une guerre commencée il vaut mieux ne pas s’arrêter’, ainsi que: ‘Dans la guerre, il faut aller de crime en crime sans perte d’enthousiasme.’ Combien d’Irakiens sont morts ? Je n’en vois pas l’intérêt de votre question ! 150 000 me dites-vous ? Vous mentez, mon cher ami, il y en a eu beaucoup plus. Aristocrate - Le duo Pinochet-Thatcher (2) Juan Guzmán Tapia, juge chilien, politiquement conservateur et catholique, fut un opposant à Allende, puis il découvrit les crimes de Pinochet. Comment ? En 1998, indigné par l’indifférence des juges devant les crimes dénoncés par la presse, il lança une plainte contre X pour les faits appelés ‘Caravane de la Mort’. Lorsque Pinochet retourna de Londres en 1998, blanchi de ses crimes par les Anglais, il le plaça en examen pour crimes contre l’Humanité. Le procès ne s’arrêta qu’à cause de la mort du dictateur en 2006. Il fit de nombreuses recherches sur les ‘disparus’, et créa même dans la jurisprudence 11 pénale internationale le concept de ‘détenu disparu’ et de ‘séquestré permanent’. Combien de crimes ont été commis par Pinochet et ses subordonnés ? Il y a peut-être eu 200 000 détenus, 100 000 exilés, 50 000 torturés ou internés dans des camps, et 20 000 exécutés ou disparus. Et les fonds secrets de Pinochet à l’étranger ? Sa femme et son fils Marco Antonio ont volé à l’Etat 27 millions de dollars grâce à l’entrepise britannique BAE Systems, qui payait en argent noir à Pinochet pour achat de matériel de guerre. Cet argent se trouve dans les paradis fiscaux anglais aux Iles Vierges. C’est ce qu’on connaı̂t, mais la somme totale pourrait bien être très supérieure. Erymacus - Iron lies (1) Interrogée par le journal Anglais, ‘The Crimes’, Margaret Thatcher s’exprima ainsi. Je suis Margaret Thatcher, née en 1925 et de profession alchimiste. J’ai transmutté le Torysme en Thatchérisme, une idéologie basée sur l’injustice sociale, la guerre aux démunis, la défense des privilèges sociaux, et la guerre aux pays faibles pour dynamiser notre économie. Je me suis moi-même transmuttée en fer, sous le nom de ‘Iron Lady’. J’ai inventé l’euroscepticisme sous la devise ‘Give all the money I stole back’, et j’ai réhabilité le colonialisme en délivrant les Faklands. Mes crimes sont devenus aussi populaires en UK que ceux d’Hitler en Allemagne, ce qui m’a permis de gagner toutes les élections auxquelles je me suis présentée. J’ai occupé le poste de Premier Ministre pendant le temps record de 11 ans, entre 1979 et 1988, seulement 1 an de moins que Hitler, mais j’ai fait autant de dégâts que lui dans l’économie mondiale. Mon record criminel est impressionnant. Quel a été mon modèle ? Mais voyons, quelle question idiote, Lady Macbeth. Pourquoi cette haine contre les mineurs et les Trade Unions ? Car ce sont des communistes, des ennemis de la banque frauduleuse et des privilèges sociaux, du libéralisme, bref, de ce qu’il y a de plus sacré en Angleterre. Pourquoi cette haine contre l’Europe ? Le RU s’est trompé en rentrant en Europe. Il aurait dû rentrer aux USA. Erymacus - Iron lies (2) Pourquoi ai-je envahi les Faklands ? L’Argentine était une dictature mili12 taire. On ne pouvait pas laisser ce pays envahir un état démocratique. C’était comme la Pologne en 39. Pourquoi j’ai demandé le soutien de Pinochet? Car il était un grand démocrate qui a libéré son pays du communisme. Il a fait au Chili ce que moi au RU. En quoi consistait notre alliance ? L’Armée Chilienne surveillait l’Armée Argentine avec les moyens militaires modernes que nous lui avions vendus. Qui a vendu ce matériel militaire au Chili et pour quel montant ? Les entreprises anglaises d’armement, bien sûr, comme BAE Systems. L’industrie et le commerce anglais ont fait du coup un bon spectaculaire qui a dynamisé notre économie et le prix des actions à la bourse de Londres s’est envolé. Quel a été mon modèle ? Quelle question idiote, Hitler évidemment. C’est le triomphe du libéralisme à la Adam Smith, le triomphe du libre marché. On a fait chuter l’URSS, moi et Reagan. L’Histoire retiendra nos noms à côté de celui d’Hitler, qui n’arriva pourtant qu’aux portes de Moscou, je vous fait remarquer. Est-ce que notre système économique est basé sur la guerre ? Oui, mais une guerre qui conduit à notre hégémonie politique et économique, c’est là la grande différence entre nous et Hitler. Les pôts-de-vin ? Mais de quoi me parlez-vous ? De Pinochet et sa famille ? En avez-vous des preuves ? 13 DIALOGUE III Eden ou le malade non imaginaire Acrate Churchill avait dit: ‘Je n’aurais jamais fait cela sans l’accord des Américains, mais une fois lancé je n’aurais jamais osé m’arrêter’. Anthony Eden eut une carrière politique très brillante. MP à seulement 23 ans, il fut à 35 ans le ministre du Foreign Office le plus jeune de l’histoire. Il démissionna le 23 février 1938 pour protester contre la politique d’apaisement de Chamberlain. Peu de gens à l’époque eurent son courage et sa lucidité. En 1940, il rentra dans le gouvernement Churchill, d’abord à l’armée et ensuite pour remplacer Lord Halifax, de nouveau au Foreign Office. Lorsque Churchill fut battu en 45, il assuma le rôle de leader de l’opposition Tory. En 51, Churchill revient de nouveau au pouvoir, et Eden au Foreign Office. En tout, il passa dix ans de sa vie dans ce ministère. Il attendait sa chance une fois que le vieux lion fût mis en cage. Son atout principal face aux électeurs était son charme personnel, les femmes l’aimaient et sa popularité dépassait son propre camp. Malaparte a décrit ses entretient avec le Duce et le comte Ciano, son ministre des Affaires Etrangères, juste avant l’entrée en guerre de l’Italie en 1940. Eden était à l’époque un jeune blond qui fascinait l’écrivain italo-allemand, le Duce beaucoup moins. Lorsque Ciano annoça à l’ambassadeur français à Rome, André-François Poncet, que l’Italie déclarait la guerre à la France, ce dernier demanda avec inquiétude: ‘allez-vous bombarder Paris?’, mais Ciano 14 le rassura: ‘nous n’avons pas d’avions en état de voler’. Sophane Quel malheur pour l’humanité. Le 12 avril 1953, une opération banale de chirurgie appliquée au ministre du Foreign Office, l’extirpation de sa vésicule, tourna au cauchemar. Son médecin, Sir Horace Evans, lui avait proposé trois spécialistes de la colésistectomie, mais Eden écarta les trois et prit la décision fatale de choisir un médecin à la retraite et sans expérience, Sir Biff Tumor, qui jadis lui avait extirpé l’appendice sans plus de dommage. Tumor était si nerveux que l’opération fut arrêtée au moment le plus délicat, et il renonça même à continuer. Blacktumor, son adjoint, se chargea de la suite, avec un résultat encore plus noir. Eden fut sur le point de trépasser plusieurs fois au cours de cette opération longue et traumatique. D’après une étude d’experts médicaux chargés de l’enquête, on arriva à reconstruire les failles multiples du processus. On coupa plusieurs parties du corps de la victime sans jamais trouver l’organe recherché. Un étudiant en première année de médecine générale n’aurait pas commis autant d’erreurs fatales. Churchill intervint et ressuscita le mourant. Sa réputation de Docteur Jeckyll y était pour quelque chose, mais Eden n’était plus le même. Il ressemblait étrangement à Mr Hyde et les sceptiques de cet étrange travestisme allaient bientôt se confronter à cette dure réalité. Parmi eux se trouvait Churchill lui-même, qui trancha dans le vif avec mépris: ‘on m’extirpa mon appendice sur une table de cuisine, et je suis encore debout’, après quoi il s’écroula à cause d’un infarctus cérébral, tandis que Eden s’enfuyait à Boston pour se faire réparer à la Harvard Surgery School. Acrate Brain, le médecin de Churchill, soigna successivement le Prime Minister d’une disartrique, une faiblesse à la main gauche, et un pas chancelant qui l’empêchait de marcher, mais pas de manger et de boire. L’Angleterre tournait à vide sans guide à l’intérieur ni à l’extérieur. Churhill finit par décrocher en 1955, et il subit un nouvel infarctus, puis un autre en 56. Récupéré, Eden 15 reprit l’Extérieur, mais en 54 et 55 il eut de la fièvre et des refroidissements. Il pensait malgré tout que son heure était arrivée. Mais l’heure de quoi ? On va bientôt le savoir. Eden convoqua des élections après la démission de Churchill, et les gagna. Les électeurs ne savaient rien de ses désordres intestinaux. Il obtint 50% des voix, record absolu dans l’histoire de l’Angleterre d’après-guerre. Les enquêtes confirmèrent: Eden était l’homme politique le plus populaire. Staline était mort, et Eisenhower était devenu le Président des EEUU. Il fallait s’entendre avec ce grossier de Khrushchev, qui enlevait ses chaussures au milieu d’une discussion. Et cela devant un british gentleman qui n’enlevait jamais sa cravatte en public, et à la toilette impécable. On parla du nucléaire, de la bombe, de quelque chose qui pouvait donc anéantir l’humanité. Clarissa, la femme de Eden, écrivit dans son journal: ‘Anthony est fatigué et déprimé. C’est la presse et la Jordanie qui sont la cause de son mal’. Sophane L’année fatidique de 1956, celle de ma naissance, commença avec de virulentes attaques de presse. Le Daily Telegraph, qui avait soutenu la Droite, l’accusa de ‘ne pas taper assez fort lorsqu’il cognait la main gauche’ et que l’opinion attendait un coup fort du gouvernement. Alors, l’affaire de Suez éclata. Ce fut un coup dur pour les Anglais. Il y a des années qu’ils avaient renoncé à l’Inde, mais pas à la route qui menait à l’Inde, même si maintenant elle ne menait nullepart. On fit une feuille de route pour récupérer le road-map dans son intégrité. Eden était de nouveau souffrant au lit, incapable de décider. On l’interpela à la Chambre sur la Jordanie. Il s’énerva et reprocha à l’opposition de ne pas regarder la carte au bon endroit. Celle-ci demanda sa démission par manque de vision politique. C’était la géographie contre l’ophtalmologie. Sa femme insistait: ‘C’est la Jordanie son problème’, et Eden renvoya le Chef de l’Armée de façon fulminante. Le motif est resté inconnu malgré les nombreuses recherches des meilleurs spécialistes en cartographie. Eden s’expliqua finalement: Nasser pousse Hussein contre les Anglais, il faut l’extirper. Tout se réduisait à un problème médical affectant tout le corps, des yeux à l’intestin. Il fallait opérer et vite. Eden s’écria: ‘je veux la peau de Nasser’. On regarda encore une fois la carte, et la peau n’apparaissait pas, mais un petit cordon ombilical entre Nasser et Hussein. 16 C’est là qu’il fallait tectomiser. On avait finalement trouvé l’obstruction qui reliait les organes défaillants. Acrate Le RU avait gouverné l’Egypte de 1882 à 1952, lorsque le Roi Farouk, un pion anglais, fut renversé par Nasser. La voie libre à Suez était considérée par Eden comme vitale, même si on n’avait rien à y faire passer. C’est le passé qui repasse. Eden s’obstina: ‘C’est Nasser qui est la faute, son Anglais est fautif, il aurait dû venir se perfectionner à Oxford comme les Rajah Indous’. La dispute s’envenima lorsque Nasser se présenta sans cravate devant un impécable Eden en smoking noir. Eden contrattaqua par la pire des insultes, il parla en Arabe, la langue des mécréants. Nasser ne comprit rien car Eden parlait un Arabe avec l’accent de Oxford et pas celui des bédouins du désert recommandé par Lawrence d’Arabie. En fait, Eden parlait l’Arabe Classique et personne ne lui avait prévenu que seuls les intellectuels le comprennent, et Nasser ne se comptait pas parmi eux. Après la vision, un problème de langue, et Eden perdit la tête. Il fallait couper vite avant que le mal empire et colonise les intérêts vitaux. Nasser eut l’idée sogrenue de faire barrage au Nil à Assouan, alors que Eisenhower se récupérait de sa nihilite et Eden des obstructions à son courant sanguin. Foster Dulles, Secrétaire d’Etat américain, fut inflexible face à l’inondation d’idées soviétiques en Egypte, un terrain cultivé depuis toujours par le vent d’Ouest et dont la récolte risquait de pourrir sous un torrent de boue de couleur rougeâtre. Après l’anatomie et la cartographie, c’est la météorologie qui annonçait l’orage. Mais c’était un malentendu. Le problème venait en réalité de l’apareil auditif. Sophane Fallait-il laisser construire ce barrage du Nil ou barrer la route à cette construction pharaonique ? Fallait-il laisser libre cours au Soviétiques dans ce col de bouteille du monde qu’était le Canal de Suez, même si la bouteille était vide, ou leur faire barrage avant qu’ils n’inondent toute l’Afrique ? On n’était plus dans l’anatomie, la cartographie ou la météorologie, car la situation avait débouché dans un delta hydrologique à l’image du fleuve mythique 17 où l’histoire de la Haute Egypte s’était donné rendez-vous sans y être solicitée. Ce n’est pas surprenant qu’Eden sombrât dans ce maremagnum de l’est de l’Afrique. Eden ne s’entendit pas avec les Américains. La langue imposait encore ses caprices et entre l’Anglais de Oxford du Premier Anglais et le dialecte Texan de Eisenhower, il y avait une barrière infranchissable, comme ce stupide canal qui sépare Asie et Afrique. Aucun historien n’a réussi à ce jour à reconstruire les motifs qui ont poussé Eden à nier la réalité puis se renier lui-même. Toute tentative de le faire serait vouée à l’échec. Il y a des événements historiques qui se produisent sans cause, comme ceux que nous allons raconter. Nasser nationalise le Canal de Suez. On peut le comprendre, c’était son territoire. Mais pourquoi Eden pensait que cette décision était une menace contre l’Angleterre et décida d’intervenir militairement, sans l’appui des Américains, qu’il pensait pourtant avoir, sans attendre d’autre réponse positive que celle des troupes coloniales françaises d’Algérie, pourquoi cette décision à la fois absurde et fatale a eu lieu, ça on ne le saura jamais. Acrate Churchill, le plus grand expert en expéditions râtées de l’histoire, en compétion avec Alcibiade, décida qu’il était grand temps de reprendre les choses en main. Sans cartes à sa disposition, il conseilla l’attaque du Caire, qui n’est proche ni d’Assouan ni de Suez. On tombe ainsi dans un problème de distance, ou plutôt de triangulation. En effet, il n’y a pas eu de science qui n’ait été évoquée dans cette crise. Même l’économie s’invita avec des achats et des ventes frauduleuses d’actions à la Bourse de Paris. Le 17 août, peu importe l’année, Eden écrivit à Churchill: ‘Le plus important c’est que les Américains sont avec nous’, après avoir reçu de Eisenhower le message suivant: ‘L’opinion américaine s’oppose à l’usage de la force’. Vous conviendrez avec moi qu’il y a un problème de traduction. Cela me laisse rêveur car cet échec cuisant était peut-être voulu. Borgès avait dit que seul l’échec donne entière satisfaction. Et si ce n’était qu’un jeu ? Des manœuvres en temps de paix pour entraı̂ner l’armée à une vraie guerre ? Le docteur Owen lui-même, dont je suis jusqu’ici le récit avec fidélité, compare cette expédition insensée avec celle de l’Irak en 2003. Il s’agirait selon lui d’une folie, qu’il appelle syndrome d’Hybris, qui a corrompu la raison de tous les Premiers Ministres 18 Anglais de Pitt le Jeune à Blair, en passant par Lloyd George, Churchill et Thatcher. A l’extérieur du monde anglo-saxon on l’appelle paranoı̈a, ou parfois syndrôme du Général Custer. Sophane Le Dr Owen a essayé de justifier le comportement erratique de Eden par sa maladie. Dans son journal, Eden écrit le 21 août: ‘Je me sens mal. Je me réveille à trois heures du matin avec des douleurs. Je prends de la démonica, les médecins arrivent. Virgile est plus optimiste qu’Horace, ce n’est qu’une métaphore. Il faut changer de traitement. Conclusion: ‘Je devrais prendre des vacances dans un balnéaire de la Mer Rouge’. C’est la seule explication valable que j’ai trouvée pour l’invasion de Suez: un avis médical mal interprété. Faisons le point: fautes de traduction, malentendus, avis médicaux ambigus et, pire encore, prise massive de démonica, de barbituriques, anfétamines, sédatifs, benzédrine, examens aux rayons X, encore plus d’anfétamines, amilobarbitona, encore des sédatifs, drinamil, aussi appelé dexamil dans certains pays, et dont les effets secondaires sont l’insomnie, l’agitation, l’anxiété, l’irritabilité, l’excès de confiance, la désinhibition et le comportement atypique, qui peut aller jusqu’à la paranoı̈a et la perte de contact avec la réalité. La liste de médicaments ellaborée par le Dr Owen s’étend sur cinq pages, pas moins. ‘Jamais autant de médicaments eurent un effet aussi funeste’, aurait dit Churchill. Sa décision d’attaquer Suez fut prise dans cet état d’âme. Lorsqu’il démmissionna le 9 janvier de l’année suivante, il invoqua comme raison sa dépendance des drogues. Il souffrait en plus de colangite, frissons, tremblements, infection hépathique, fièvres et manque de contrôle du langage. L’échec cuisant de Suez ne figure pas parmi les causes de sa démission. Churchill, lui-même alcoolique, lui avait conseillé: ‘Ne reconnaissez jamais vos échecs. Il faut toujours invoquer une raison de santé. C’est ce que j’ai fait moi-même avec succès’. Acrate La débâcle de Suez eut de profonds effects sur la politique extérieure britannique et française, qui durent reconnaı̂tre qu’ils n’étaient plus de grandes 19 puissances, mais des pions dans l’échiquier où les pièces maı̂tresses étaient les Russes et les Américains. Lorsque Eden mourut en 1977, Le Times écrivit: ‘C’était le dernier ministre qui pensa à la Grandre-Bretagne en termes de grande-puissance, et le premier à prouver qu’elle ne l’était plus’. Des années après, les historiens ne comprennent toujours pas pourquoi Eden avait attaché autant d’importance au Canal de Suez, à Nasser et à l’Egypte, qui sont depuis longtemps des problèmes secondaires pour les intérêts britanniques dans le monde. Eden prit en très peu de temps, et alors qu’il était souffrant, trois décisions fatales: agir poussé par Israël, mentir à la Chambre des Communes, et mentir aux Américains. De même, lorsque GW Bush prit en 2003 la décision fatale d’envahir l’Irak, il agit poussé par Israël, en mentant à l’ONU et donc au monde entier. 20 DIALOGUE IV Churchill ou le Docteur Jeckyll Théotime - Le Politique (1) Churchill devint Premier Ministre le 10 mai 1940, à l’âge de 65 ans, dans une situation désespérée pour l’Angleterre. Il abandonna le pouvoir en juillet 1945, après une victoire militaire écrasante, qui se traduisit en défaite électorale aussi écrasante pour son parti. Les deux événements sont un mystère: pourquoi il affronta avec succès le péril hitlérien, et pourquoi il perdit des élections où il partait largement gagnant. La situation désespérée était la suivante: les Allemands avaient réussi à disloquer l’Armée Française en quatre jours, bien que la victoire finale n’arriva que lorsque Pétain demanda à Hitler un Armistice séparé le 17 juin. Entre temps, l’Italie était entrée en guerre, ouvrant ainsi un nouveau front en Méditéranée, où l’Angleterre possédait d’importants intérêts stratégiques: Gibraltar, Malte, Alexandrie et Suez. Churchill forma un cabinet de guerre avec trois ministres Tory (lui-même, Halifax et Chamberlain) et deux Travaillistes (Attlee et Greenwood). Son pire ennemi ne fut pas Hitler, mais Halifax, qui proposa la seule chose raisonnable: négocier avec Hitler et Mussolini en attendant des temps meilleurs. Churchill s’y opposa, et ce refus l’a fait passer à l’histoire comme l’un de ses plus grands héros. Les raisons de ce refus sont pourtant restées obscures. Churchill avait sans doute des cartes dans sa manche qui n’ont pas été révélées. Son raisonnement était le suivant: 1) Hitler ne peut pas envahir l’Angleterre sans navires, 2) Mussolini n’a pas d’armée efficace et 21 peut être rapidement neutralisé, 3) La Luftwaffe va bombarder l’Angleterre et cela coûtera du sang et des larmes. Mais les Hurricane et les Spitfire de la RAF sont meilleurs que les Me-109 de Goering, qui en plus est un piètre tacticien. L’Angleterre ne peut pas perdre une bataille dans les airs. Elle compte en plus avec le radar. Elle peut donc résister efficacement à Hitler, mais peut-elle vaincre Hitler ? Alviade - Le Politique (2) Evidemment non, à moins que... 1) Staline entre en guerre, 2) Roosevelt entre en guerre. La véritable question est donc de savoir quand ces événements, qui se sont produits en juin et novembre 1941, respectivement, ont été connus par Churchill. Très probablement au moment de l’armistice de 1940, mais cela n’a jamais été su, car c’était inavouable. Rappelons que ce n’est ni Staline ni Roosevelt qui ont déclaré la guerre à Hitler mais l’inverse. Cependant, Roosevelt fit tout son possible pour que Hitler lui déclare la guerre, en signant en particulier les accords de Lend-Lease, dès novembre 1940, avec Churchill. Il poussa également le Japon vers la guerre, en lui coupant tout son ravitaillement en matières premières. Le cas Staline est plus obscur. Il avait signé avec Hitler le surprenant Pacte Germano-Soviétique, en réalité un pacte de dupes, auquel ne croyait ni Hitler ni Staline. Pour le premier, c’était la garantie d’avoir les mains libres à l’ouest, et pour le second la garantie que Hitler allait attaquer à l’ouest en premier. Or la vitesse avec laquelle la France s’effondra surprit l’URSS au milieu d’une purge complète de son armée. Hitler dut prendre la décision d’attaquer l’URSS peu après la défaite de la France, et en donna des signes à Churchill: il laissa filer le Corps Expéditionnaire Britannique à Dunquerque. Mais Churchill a dû également recevoir des informations de la résistance intérieure à Hitler, qui s’organisa dès la Crise des Sudètes de 1938, et qui comptait parmi ses membres des personnages aussi hauts placés que le Général Beck, ancien Commandant en Chef de l’Armée Allemande, et l’Amiral Canaris, Chef des Services Secrets Allemands. La partie visible de cette trame fut mise à jour lors du coup râté contre Hitler en juillet 1944, mais il reste encore une partie non visible où l’on trouve entre autres le baron Weiszäcker, sous-secrétaire d’état aux affaires étrangères. Il serait étonnant que ce réseau de résistance n’ait pas informé Churchill à une date précoce des intentions de Hitler envers l’URSS. 22 Théotime - Le Militaire (1) Churchill était un politicien habile, mais un misérable chef militaire. Il aurait perdu la guerre si son staff militaire n’avait pas été là pour l’empêcher d’agir. Il faut rappeler que Churchill avait fait la Guerre des Boers et avait lancé des offensives absurdes pendant la Première Guerre Mondiale, alors que l’aviation n’existait pas encore. Il ne connaissait rien à la guerre sur terre avec des chars, ni à la guerre sur mer avec des avions. Lorsque Paul Reynaud, beaucoup plus lucide que lui, lui annonça le 15 mai 1940, que la France avait perdu la guerre, Churchill lui répondit que cela était impossible, que 100 chars allemands ne pouvaient pas prendre Paris tous seuls et gagner la guerre. Il se trompa. Tous les témoignages s’accordent sur ce fait: ses généraux et amiraux ignorèrent ses ordres. Et dans les rares cas où il ne fut pas ainsi, ce fut l’échec. Les Amiraux Cunningham et Sommerville, basés à Alexandrie et Gibraltar, respectivement, détruisirent en quelques jours la Flotte Italienne. L’offensive de Mussolini en Grèce et Egypte fut un échec d’une ampleur inespérée. Non seulement le Duce ne gagna aucun terrain, mais encore il perdit une partie du sien. Heureusement pour lui, Hitler arriva à son secours. Alviade - Le Militaire (2) Pourquoi Churchill refusa-t-il d’évacuer la Grèce et la Crète, en mettant en péril sa flotte en Méditerranée Orientale ? Pourquoi choisit-il des généraux plutôt médiocres pour ses offensives en Lybie ? Pourquoi lança-t-il le débarquement absurde à Dieppe en 1943, où tant de soldats canadiens périrent ? Pourquoi ordonna-t-il à Montgomery de prendre les ponts sur le Rhin à Arnhem en 1944, manœuvre qui se solda par un échec cuisant ? Pourquoi ordonna-t-il à ce même Maréchal de prendre Berlin avant les Russes, contre toutes les règles de la logique ? Pourquoi Roosevelt lui interdit de s’allier à dissidence allemande en 44, pour s’attaquer aux Russes ? Pourquoi voulait-il à tout prix débarquer en Grèce, avant que les Russes n’arrivent ? Pourquoi déclancha-t-il la guerre civile dans ce pays en octobre 44, lorsque les Allemands évacuèrent les Balkans ? Pourquoi déclara-t-il 23 au même moment que le Général Franco était intouchable ? Oui, Churchill avait déjà une stratégie, la même que celle d’avant guerre, avec un seul vrai ennemi: l’URSS. Sur le front du Pacifique, la forteresse imprenable de Singapour tomba en quelques jours avec ses 100 000 hommes. Churchill y envoya deux cuirassés qui furent coulés en quelques minutes para les Japonais, le Prince of Wales et le Repulse. Puis il envoya Lord Mountbatten combattre la puissance aéronavale du japon dans l’Océan Indien avec une flotte obsolète. Celui-ci eut la sagesse d’éviter l’ennemi. Théotime - La défaite électorale (1) Un chef d’état qui gagne une guerre est normalement réélu, souvent avec une large majorité. Ce fut par exemple le cas de Thatcher après les Malouines. Une exception marquante à cette règle fut la défaite de Churchill face au travailliste Attlee, défaite qui en plus fut écrasante. On a dit que les Anglais voulaient la justice en plus de la victoire militaire. Ce n’est peutêtre qu’une partie de la vérité. Klaus Mann raconte dans ses carnets qu’alors qu’il combattait en première ligne sur le front d’Italie, engagé dans l’Armée Américaine, il se trouva un jour face à Churchill, et que l’impression que celui-ci lui causa fut déplorable: un petit vieillard au visage rougi par l’alcool. Lorsque Churchill perdit les élections, Mann écrivit: c’est la meilleure nouvelle depuis la mort de Hitler. En effet, il était alcoolique, mais il avait aussi une maladie mentale. Les témoignages de Docteur Owen et de Roy Jenkins sont formels à ce sujet: son humeur fluctuait entre la dépression et l’euphorie de façon continuelle, et il a reconnu lui-même des idées suicidaires dans sa jeunesse. Il était probablement un génie dans ses moments de lucidité, mais un incapable lors de ses dépressions. On ne peut pas laisser gouverner un homme dans cet état. Les électeurs anglais ont sans doute compris que quelque chose n’allait pas bien dans sa tête. Alviade - La défaite électorale (2) Mais il y avait encore une autre raison pour la défaite de Churchill. Le 24 mai 1944, devant les Communes, il avait dit: ‘Je fais l’éloge du général Franco 24 qui a tellement contribué à la paix en Méditerranée. La politique interne de l’Espagne est l’affaire des Espagnols, sauf s’il y a un péril communiste, où je suis là pour intervenir. Comme ce péril ne peut jamais être écarté, je soutiens Franco. Regardez ce qui se passe en Grèce où la politique interne est l’affaire des Anglais ? C’est logique, avez-vous bien compris ?’. Stupeurs dans son propre camp. Qu’est-ce qu’il raconte ? Ricanements dans l’opposition. Il a encore une fois perdu la tête. En fait, ça fait longtemps qu’il la cherche en vain. Les travailleurs anglais se mobilisèrent au cri de ‘voter Churchill c’est voter Franco’. Ils étaient plus lucides que les historiens anglais. Ont-ils au moins essayé ces derniers de retrouver le rôle sinistre de Churchill dans les événements de Grèce et d’Espagne ? Théotime - La Grèce L’Angleterre considérait la Grèce comme une pièce maı̂tresse de son contrôle de la Méditerranée Orientale. Churchill craignait que la défaite allemande en Europe Orientale allait placer la Grèce sous contrôle soviétique, une hypothèse qu’il se refusa toujours à accepter. Il proposa même de débarquer en Grèce avec plus de priorité qu’en Normandie. Son plan ne fut pas retenu, mais le débarquement en Grèce eut bien lieu lorsque les troupes d’occupation allemandes abandonnèrent le territoire grec. Cette invasion provoqua la guerre civile en Grèce. Cette guerre s’annoça dès 1942 car le gouvernement grec en exil, un pion des Anglais, fut incapable d’arriver à un accord avec la gauche. Le front de gauche se manifesta à Athènes contre ces ‘libérateurs’ anglais, et sa branche militaire déclencha la guérilla dès 1946. Elle boycotta aussi les élections de 1946, truquées par les Anglais. La guerre prit fin en 1949 et la Grèce rentra dans l’ordre, c’est-à-dire l’OTAN. Mais le virus couvait dans ce corps malade et la tumeur fut de nouveau extirpée, cette fois-ci par l’OTAN, en 1967. L’antidote se présenta sous la forme d’un gouvernement démocratique qui est appelé aujourd’hui ‘dictature des colonels’. Alviade - L’Espagne Churchill fut le plus ferme soutien du général Franco dès 1944, lorsque des voix commencèrent à s’élever pour mettre ce monstre hors de la circula25 tion. Lorsque Churchill perdit les élections en 1945, le Américains prirent le relai, comme en Grèce. En 1956, un pacte entre Franco et Eisenhower permit la survie de la dictature, en échange de bases militaires, qui se prolongea jusqu’en 1975. Ce fut la dictature la plus longue d’Europe Occidentale, grâce aux bons offices des Anglais. La célèbre formule de Churchill sur la démocratie ne s’applique pas à l’étranger, une leçon que les Américains ont vite fait d’apprendre. Franco a certes été un allié fidèle des Anglais pendant la Seconde Guerre Mondiale, et cela méritait d’être reconnu. Un certain accord avait dû être passé entre le gouvernement anglais de l’époque et Franco pour le soutenir pendant la Guerre Civile, en échange du rétablissement de la monarchie. Mais cela aurait impliqué des élections qu’on risquait de perdre, un risque que les Anglais ne voulaient pas se permettre, surtout après leur désastreuse expérience en Grèce. Théotime - Le talent néfaste de Churchill Churchill avait dit que la démocratie est le meilleur des régimes politiques, une fois les autres exclus. Il dit aussi que l’Histoire serait généreuse à son égard, car lui-même se chargerait de l’écrire. Mais son erreur fut de ne pas écrire l’Histoire. Ses Mémoires lui valurent le Prix Nobel de Littérature, ce qui est la meilleure preuve qu’il s’agit bien d’un roman, pas de faits véridiques. Parmi tous les grands leaders politiques élus lors d’élections impartiales, le plus néfaste fut sans doute Winston Churchill. On a parlé de ce qu’il fit en 1940-45, mais on n’a pas dit ce qu’il fit avant 1940, ou après 1945, et qui a été oublié à cause de son action pendant la Deuxième Guerre Mondiale. Disons que Churchill s’amusait à déclencher le guerre un peu partout dans le monde. Pendant sa période finale comme Prime Minister en 1951-55, il déclancha des guerres en Iran, Malaisie, Kenya, etc... Pendant la Première Guerre Mondiale, il occupa un poste aussi important que celui de Premier Lord de l’Amirauté. C’est lui qui ruina la Flotte Britannique, qu’il contrôla sans avoir embarqué que dans des croiseurs de plaisir en Méditerranée. C’est lui qui déclancha la folle aventure de Gallipoli qui coûta 500 000 morts. Finalement, c’est lui le Ministre des Finances pendant la période 1924-29, où il prépara la ruine de l’Angleterre au moment de la crise de 29. 26 Alviade - Le lion en cage Au début des années 30 et à presque de 60 ans, Churchill était un homme politique sans aucun avenir. Les conservateurs se méfiaient de lui à cause de ses volte-faces politiques, où il faisait cause commune avec les libéraux, pour revenir ensuite au bercail conservateur. Entre 1932 et 1939, il ne se trouva parmi les ministres d’aucun gouvernement conservateur, et il les fustigea au parlement à cause de leur complaisance avec Hitler. C’est du moins ce que l’histoire a retenu, mais la réalité c’est que la guerre était sa seule chance de revenir au pouvoir. Pendant ces années 30, l’Angleterre fut gouvernée par des hommes comme Baldwin, Halifax ou Haore, dont le crédo réactionnaire n’avait rien à envier à celui d’un Pétain ou un Laval. L’Angleterre jouait le jeu de revigorer les dictatures fascistes dans l’espoir que celles-ci finiraient par se heuter à leur ennemi commun, l’URSS. Le crédo de Churchill ne semble en rien diférer de cette ligne de pensée, si l’on croit à ses déclarations de l’époque. Il appuya la politique agressive du Japon en Chine, l’impérialisme de Mussolini et le coup du général Franco. On a vite oublié qu’en 1937, un an seulement avant les accords de Munich, il déclara qu’Hitler ‘serait retenu par l’Histoire comme l’homme qui a restauré l’honneur et la paix de la Grande Nation Allemande’. Mais quelque chose a poutant changé lorsqu’après les événements honteux du pacte de Munich, il lança sa célèbre formule: ‘vous pouviez choisir entre le déshonneur et la guerre, vous avez choisi le déshonneur et vous aurez la guerre’. L’Histoire a retenu cette formule et oublié le reste. Mais si Churchill a changé si radicalement d’opinion, c’est parce qu’il voulait lui-même la guerre à tout prix. Abrégé de philosophie cynique Je n’aurais jamais fait cette guerre sans l’accord des Américains, mais, une fois commencée, je n’aurais jamais osé l’arrêter. Je ne crois que dans les enquêtes que j’ai moi-même manipulées. Il fallait choisir entre le déshonneur et la guerre. On choisit le déshonneur et on eut la guerre. Je suis préparé au martyr, mais je préfère le remettre à plus tard. Il a toutes les vertus que je déteste at aucun des vices que j’admire. 27 L’Histoire sera généreuse envers moi, car j’ai l’intention de l’écrire moi-même. Un homme politique est d’autant plus grand qu’il suscite de mépris chez ses opposants. Democracy is the worst form of government except all the others that have been tried. Je suis toujours disposé à apprendre, mais jamais à recevoir des leçons. Le succès est la capacité d’aller d’échec en échec sans perte d’enthousiasme. Le rideau de fer est tombé de la Baltique à Trieste. La moitié des mensonges qui courent dans le monde sont vrais. Quand les aigles se taisent, les perroquets parlent. Naval tradition is rum, sodomy and lash. Un homme inculte est celui qui lit des livres de citations. It is not the beginning of the end, it is the end of the beginning. We shall not show mercy, but we will ask for it. 28 DIALOGUE V Chamberlain ou le Docteur Frankenstein Phédrus - Les ministères conservateurs Bonar Law succéda à Lloyd George en 1922, malgé son cancer à la gorge. En avril 1923, il ne pouvait plus parler devant la Chambre des Communes, et décéda en octobre. Son médecin fut élevé au rang de Lord. Baldwin remplaça Bonar Law. Il retourna à nouveau au pouvoir entre 1929 et 1931, où il dut faire face à la terrible crise de 29. McDonald se fit un nom en refusant le conseil de Keynes de dévaluer la livre, avec les conséquences fatales que l’on sait. McDonald fit du travestisme politique et gouverna d’abord avec les travaillistes, puis avec les conservateurs, mais il fut saisi de démence, et préconisa même le désarmement face à Hitler. Il démissionna finalement le 7 juin 1935, et Baldwin accéda à la charge de Premier Ministre pour la troisième fois. Mais Baldwin était sourd physiquement, et aveugle politiquement. Devant cet état alarmant, il fut remplacé par Chamberlain le 28 mai 1937. L’action de Chamberlain, l’une des plus néfastes de l’Angleterre moderne, lui valut le surnom de ‘head in the sand’ pour ses pactes avec Hitler, en particulier après le célèbre Pacte de Munich, qu’il avoua avoir signé après une crise nerveuse. Lorsque Chamberlain déclara la guerre à Hitler en septembre 1939, tout le monde disait qu’il était malade. Après le désastre de Norvège où la toutepuissante Flotte Britannique fut tenue en échec par quelques croiseurs et destructeurs allemands, il démissionna. C’était le jour le plus mauvais pour 29 ce faire, le 10 mai 1940, jour de l’invasion de la France par Hitler. Chamberlain avait en fait un cancer à l’intestin. Il passa du Cabinet de Guerre au cabinet chirurgical, et il mourut le 9 novembre 1940. Posanius - Errare humanum est (S.Zweig) Selon une loi irrévocable de l’histoire, les contemporains des grands événements manquent des indices qui déterminent les grands mouvements de leur époque. C’est pour cette raison que je ne sais pas quand j’entendis parler de Adolf Hitler pour la première fois, cet homme qui a apporté au monde plus de mal qu’aucun autre. Mais cela a dû se passer relativement tôt car Salzburg, à seulement une demi-heure de train, était une ville relativement proche de Munich, et on était rapidement informé des affaires locales. Un jour, sans savoir préciser la date, un ami me visita, en se plaignant de l’agitation qui y reignait. Il parlait en particulier d’un agitateur furieux qui célébrait des réunions suivies de bagarres, et qui incitait les gens contre la République et contre les juifs... C’est ainsi qu’apparut un Deus ex Machina, le général Ludendorff, le premier parmi les nombreux politiciens qui crurent pouvoir manupuler Hitler, mais qui en réalité furent trompés par lui... les sociaux-démocrates ne le virent pas d’un mauvais œil, car ils pensairent qu’il éliminerait ses ennemis mortels, les communistes, et viceversa. Même les juifs allemands ne se sentirent pas trop inquiets. Ils se trompèrent avec l’illusion qu’un ministre jacobin n’est plus un jacobin, et que de la même façon un Chancelier du Reich ne pourrait être un agitateur antisémite.... Parmi ces politiciens trompés se trouvaient tous les dirigeants britanniques de l’époque. Phédrus - Le monstre de Frankestein Voici comment le monstre de Frankestein est né. Retour de la Sarre (1935): Le 13 janvier 1935, 91% des Sarrois votent pour le rattachement à l’Allemagne. Rétablissement du service militaire obligatoire (1935): En violation des accords de Versailles, Hitler crée une armée de 36 divisions et 500 000 hommes. Accord naval avec les Britanniques: Le 18 juin 1935, Hitler signe avec les britanniques un accord qui permet à l’Allemagne de construire une flotte équivalente à 35% de la flotte anglaise. Remilitarisation de 30 la Rhénanie (1936): Le 7 mars 1936, les troupes allemandes réoccupent la Rhénanie. Guerre d’Espagne (1936): Hitler envoie la Légion Condor et un nombre considérable d’avions pour lutter contre les communistes en Espagne. Rapprochement avec la Grande-Bretagne (1936): Hitler envoie Ribbentrop à Londres en octobre 1936 pour signer un pacte d’extirpation du communisme en Europe. L’abdication d’Edward VIII fait échouer le plan. Hitler signe le pacte anti-Komintern avec le Japon et l’Italie. Anschluss (1936): Après avoir fait assassiner Dollfuss en 1934, le 12 mars 1938, Hitler pénètre en Autriche. Un référendum confirme l’annexion de l’Autriche au Reich par 99% des voix. La crise des Sudètes (1938): La Bohême compte 3.5 millions de citoyens d’origine allemande. Le 30 septembre 1938, Hitler signe les Accords de Munich avec Mussolini, Daladier et Chamberlain. Ces accords prévoient l’annexion des Sudètes mais, dans la pratique, Hitler s’empare de toute la Tchécoslovaquie. Le 23 mars 1939, Hitler occupe Memel, entre la Prusse Orientale et la Lituanie. La crise de Dantzig (1939): Le 1er septembre 1939, Hitler envahit la Pologne pour annexer la ville et le corridor de Dantzig.... Posanius - La Conférence de Munich Le démantèlement de l’Etat démocratique Tchèque par les Accords de Munich en septembre 1938 fait suite de façon naturelle au démantèlement des Etats démocratiques en Grèce et Espagne en 1936. Ces Etats furent cédés en ôtage par l’Angleterre à l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste en échange de l’invasion de l’URSS par ces derniers. Chamberlain était prêt à tout pour faire aboutir ce projet, qui probablement était inclus dans les pour-parler secrets de la Conférence de Munich. L’ invasion de l’URSS par Hitler aurait dû probablement se produire à partir de la Prusse Orientale, comme en 1914, une fois le corridor de Dantzig retouné à l’Allemagne. Lorsqu’en mars 1939 les armées du Reich, en violation des accords passés six mois auparavant à Munich, envahirent la Bohême et la Moravie, cela ne suscita aucune réaction de la part de l’Angleterre. On se demande pourquoi alors, losque qu’Hitler envahit la Pologne en septembre 1939, l’Angleterre trouva que cet acte était une agression intolérable. Elle, qui n’avait rien fait ni en Grèce, ni en Espagne, ni en Tchécoslovaquie, et avait laissé tomber ces trois Etats démocratiques, accourut finalement en aide de la dictature des héritiers de Pilsudski. Une seule chose avait changé: Hitler avait changé d’alliés et avait 31 signé le pacte Germano-Soviétique avec Staline, alerté des intentions anglaises par ses espions infiltrés à l’intérieur des services secrets britanniques. Phédrus - La destruction de la Grèce Le Roi George II de Grèce était le fils de Constantin I et de Sophie de Prusse. Constantin abdica en 1922 et George fut couronné, mais la République fut proclamée l’année suivante et le Roi s’exila en Grande-Bretagne. Entre 1924 et 1935, 23 gouvernements se succédèrent et il y eut pas moins de 13 coups d’état. En 1935, le général Kondylis fut plebiscité par 98% des électeurs, et George put rentrer de son exil londonien. Mais il eut le tort de préférer un autre général, Demertzis. On convoqua de nouvelles élections. Quel malheur ! Les communistes les ont gagnées ! Kondilys et Demertzis furent oportunément mis hors jeu par des crises cardiaques foudroyantes et simultanées. Nous sommes en 1936. Le service secret qui a causé leur perte n’a rien avoué, il n’est pas d’usage de le faire. On peut tout de même se demander à qui tout cela a profité. Le 4 août 1936, un nouveau dictateur nommé Metexas, prend le pouvoir. Il dissout le parlement, interdit les partis politiques, abolit la constitution et impose la censure. En d’autres mots, il instaure une dictature fasciste. Mais on aurait tort de penser qu’il a agi sous l’influence d’Hitler ou de Mussolini. Ce sont bien les Anglais qui sont derrière lui, à tel point que Mussolini se croit en droit d’envahir la Grèce en octobre 1940. George II repartira en exil à Londres. Posanius - La destruction de l’Espagne Le Roi d’Espagne Alphonse XII fut déchu en avril 1931 et la République proclamée. Son épouse était la petite fille de la Reine Victoria et ce changement de gouvernement ne fut pas apprécié par les Anglais. Cette République fut destabilisée par quelques coups d’état et de nombreux changements de gouvernement. En février 1936, on convoqua des élections. Quel malheur ! Les communistes les ont gagnées ! Un coup fasciste se prépara sous la direction des généraux Sanjurjo et Mola, avec l’appui de Hitler et Mussolini. Mais voici qu’un second coup s’organise, sous la direction du général Franco, plus 32 favorable aux intérêts des Anglais. Franco sera transporté, depuis son exil aux Iles Canaries, en Afrique du Nord en Juillet 1936, pour prendre la tête de l’armée rebelle. Il le fera grâce à un avion anglais, piloté par des agents des services secrets britanniques et loué par le chargé de négoce des Anglais dans la région, connu sous le nom de ‘Dernier Pirate de la Méditerranée’. Les généraux Sanjurjo et Mola s’écrasèrent dans de malencontreux accidents d’avion. Le service secret qui a causé leur perte n’a rien avoué, il n’est pas d’usage de le faire. On peut tout de même se demander à qui tout cela a profité. Franco dissout le parlement, interdit les partis politiques, abolit la constitution et impose la censure. En d’autres mots, il instaure une dictature fasciste. Mais on aurait tort de penser qu’il a agi sous l’influence de Hitler ou de Mussolini. Ce sont bien les Anglais qui sont derrière lui. Lorsque Hitler, lors d’une célèbre entrevue à Hendaye en 1940, demanda à Franco d’entrer en guerre, celui-ci refusa catégoriquement. Les comptes-rendus de cette rencontre étaient le lendemain sur le bureau du Premier Ministre de sa Majesté. Phédrus - La déclaration de guerre Le 1er septembre 1939, l’Allemagne envahit la Pologne, et le 17 septembre, l’URSS en fit de même. Le 30 novembre, l’URSS envhahit la Finlande, et en juin 40 les Etats Baltes et la Bésarabie. Tout en accord avec les clauses secrètes du Pacte Germano-Soviétique. Chamberlain veut temporiser pour arriver à un accord, mais cette fois, il n’a plus l’appui des Communes. Il donne un délai à Hitler pour se retirer de Pologne, auquel celui-ci ne répond même pas. Ce qui est frappant, c’est le manque de réaction anglaise. Il n’y a pas de mobilisation, il n’y a pas d’attaques aériennes, pas d’offensive sur un front ouest dégarni par les Allemands. C’est ainsi que 8 mois se sont écoulés entre le 1er septembre 1939 et le 10 mai 1940. Rien ne fut fait, sauf aider les Finois à combattre les Russes. Mais comment pouvait-elle l’Angleterre agir en accord avec la France, si même la déclaration de guerre fut prise de façon disloquée ? On eut droit le 3 septembre à deux communiqués séparés. On ne sait pas lequel des deux est le plus ridicule. Lorsque l’Allemagne ou le Japon sont entrés en guerre, ils ont attaqué par surprise. A quoi sert de déclarer une guerre pour se laisser surprendre par l’ennemi 8 mois après ? 33 DIALOGUE VI Lloyd George ou le Roi Lear Erymacus - Les gouvernements libéraux Lorsque Henry Campbell-Bannerman accéda à la charge en 1905, après la démission de Balfour, ce fut le premier membre du cabinet à être appelé officiellement Premier Ministre. Ses prédécesseurs étaient nommés Premier Lord, ou Premier Ministre du Trésor, tout simplement. Dans son gouvernement, on pouvait trouver trois futurs premiers ministres: Herbert Asquith, David Lloyd George et Winston Churchill. Il réussit à obtenir une victoire écrasante du Parti Libéral en 1906. Son attitude controversée au moment de la Guerre des Boers lui valut une avalanche de lettres insultantes du type: ‘Canaille, lâche, assassin, j’espère que vous aurez la fin que vous méritez’. En juin 1907, il souffrit une nouvelle crise cardiaque et Asquith, Ministre du Trésor, assuma de facto la charge du Premier Ministre. Il mourut le 22 avril 1908 au 10 de Downing Street, qu’il appelait lui-même vieille et dégoutante barraque. C’est le seul ministre à y être mort. Asquith, son sucesseur, souffrit un début de crise cardiaque après une grève du charbon, en avril 1911. Son médecin lui recommanda de réduire l’ingestion d’alcool, qu’il absorbait à forte dose, même lorsqu’il conduisait les opérations de la Première Guerre Mondiale. En septembre 1916, et après une visite au Quartier Général de l’Armée Britannique en France, le Maréchal Douglas Haig écrivit: ‘après quelques coupes de Brandy, ses jambes faiblissaient mais il était encore capable de lire 34 des cartes.’ Le 6 décembre 1916, le Gallois David Lloyd George fut nommé Premier Ministre. Ce fut un ‘coup d’état’ contre Asquith, soutenu par les ministres conservateurs du cabinet de guerre. A la différence de la coalition de Winston Churchill de 1940, où celui-ci pouvait disposer d’une majorité au parlement, Lloyd George ne disposait que de la moitié des députés libéraux. Il forma un cabinet libéral avec lui-même, 3 conservateurs et 1 travailliste. C’était de facto le leader conservateur Andrew Bonar Law qui gouvernait. Mais le 11 novembre 1918, à la fin de la guerre, Lloyd George fut acclamé en vainqueur, et le ‘ticket’ Lloyd George-Bonar Law gagna les élections. Lloyd George commença à expérimenter la folie du pouvoir et assista à pas moins de 33 conférences internationales entre 1919 et 1922, en même temps qu’il assumait toutes les charges ministérielles de façon effective, dont le Ministère de la Guerre de Churchill. Aux accusations de Churchill de trop regarder les cartes, il lui rappella l’histoire des Dardanelles. Le sécrétaire d’Etat pour l’Inde accusa Lloyd George d’aristocrate, et il fut démis. Entretemps, le désastre militaire couvait en Palestine, Turquie et en Mésopotamie. Lloyd George reçut le surnom de ‘magicien gallois’ ou ‘Grande bête de la forêt’. Expulsé du gouvernement, il se reconvertit au fascisme et mourut en 1945, en reniant le parlement. Aristocrate - Versailles: La grande inflation La panique éclata et tout l’empire tressaillit. Le mark s’écroula jusqu’à atteindre la somme fatidique et terrorifique de billions. C’est alors que commença le cauchemar de l’inflation. Raconter tous ces détails invraisemblables demanderait un livre entier et semblerait une fable pour les lecteurs d’aujourd’hui. Il y avait des jours où il fallait payer 50 000 marks pour un journal le matin, et le double le soir. Il fallait des camions pour transporter des billets depuis la Banque Nationale aux autres banques, et au bout d’une semaine, on trouvait des billets de 100 000 marks dans un égoût où quelque mendiant les y avait jetés. Des milliers de chômeurs arpentaient les rues et levaient le poing contre les traffiquants et les étrangers en berline de luxe, qui se payaient une rue comme s’ils achetaient une boite d’allumettes. Les Allemands utilisaient toute leur véhemence pour la pervertion. Tout au long de la Kurfürstendamm on voyait se promener des jeunes maquillés, et pas tous des professionnels. Ils savaient que leur heure allait venir. La contrerévolution 35 se cristalisait déjà autour de Ludendorff, plutôt que d’un Hitler encore sans pouvoir. Le jour où l’inflation se termina à la fin de 1923, Chaque billion de marks anciens s’échangea contre 1 nouveau. Erymacus - Versailles: The economic consequences of peace The inflationism of the currency systems of Europe has proceeded to extraordinary lengths. The various belligerant Governments, unable, or too short-sighted to secure from loans or taxes the resources they required, have printed notes for the balance... but in retrospect it was relatively simple. The Treaty of Versailles imposed a huge debt on Germany that could be paid only in gold or foreign currency. With its gold depleted, the german government attempted to buy foreign currency with German currency, but this caused the German Mark to fall rapidly in value, which greatly increased the number of Marks needed to buy more foreign currency. This caused prices of goods to rise rapidly which increased the cost of operating which could not be financed by raising taxes. The resulting budget deficit increased rapidly and was financed by the central bank creating more money. When the German people realized that their money was rapidly losing value, they tried to spend it quickly, which created rapid inflation which created a vicious cycle... the attempts to avoid both unemploymemt and insolvancy failed when you had both... when the new currency, the Reichmark, replaced the worthless Reichsbank Marks, on november 16, 1923, and 12 zeros were cut from the prices, the new currency remained stable. The German people regarded this as a miracle... Aristocrate - Versailles: l’Allemagne paiera Signé le 28 juin 1919, le Traité de Versailles sanctionna durement l’Allemagne. George Clémenceau se présenta clairement dans une logique de revanche selon laquelle ‘le Boche doit payer’. Les pays vainqueurs évaluent la dette allemande à 132 milliards de mark-or de 1914 dont 50% versés au seul profit de la France, alors que la richesse du pays n’atteint que 3 milliards de marks. Keynes préconise la somme de 20 milliards de mark-or, mais sa proposition 36 sera rejetée. Si nous cherchons délibérément à appauvrir l’Allemagne, j’ose pédire que la vengeance sera terrible avec une montée de l’extrémisme nationaliste allemand, avait-il prédit avec clairvoyance. Le 11 janvier 1923, les armés françaises occupent le bassin industriel de la Rhur car l’Allemagne n’a versé que 75 000 millions... on tire sur les ouvriers à Essen... le parti de Hitler passe de 1 militant à 50 000, à la veille du putsh manqué de 1924... Erymacus - La parcellisation du monde Le ‘Syndrome du Roi Lear’ ou de la ‘parcellisation du monde’ peut être défini comme une ‘folie qui consiste à résoudre un problème simple en le transformant en une multitude de problèmes insolubles’. Un exemple de cette folie est la division de l’Europe créée par le Traité de Versailles qui mit fin à la Première Guerre Mondiale. On créa 16 états en Europe là où il n’y avait que 3. Tous ces nouveaux états furent la source de problèmes insolubles. Il en est de même au Moyen-Orient, où un seul Empire se vit éclater en 11 états. Les Empires Centraux et la Russie se trouvèrent divisés en Autriche, Hongrie, Tchécoslovavie, Yougoslavie, Allemagne, Prusse Orientale, Sarre, Danzig, Memel, Pologne, Russie, Finlande, Lituanie, Estonie, Lettonie, et Bessarabie. L’Empire Turc éclata aussi en 11 états: Turquie, Yemen, Oman, Emirats, Koweit, Syrie, Jordanie, Liban, Palestine, Arabie, et Irak. Aristocrate - L’Autriche-Hongrie Pourquoi a-t-on demantelé l’Empire Austro-Hongrois, un conglomérat de peuples divers qui existait depuis le Moyen-Age ? Ce fut à ce qu’il paraı̂t une petite manie du président américain Wilson. Quoi qu’il en soit, tout le monde en sortit perdant car une grande puissance de l’échiquier européen se transforma en une miriade de petits états impuissants qui devinrent rapidement la proie d’autres états plus grands. Hitler ne fit qu’une bouchée de la petite Autriche. La Hongrie fut découpée à son minimum, en laissant de côté ses minoririté un peu partout, en Moravie, en Serbie et surtout en Roumanie. Les droits de ces minorités sont peu respectés sans susciter trop d’émoi chez les occidenteux, pourtant si pointilleux en d’autres latitudes. Le fasciste 37 Horthy s’empara de cette Hongrie avant que les Russes y fassent tomber le rideau de fer. L’arrivée de la démocratie engendra d’autres monstres dont il faudra en reparler. On créa enfin cette pauvre Tchécoslovaquie, qui ne rêvait que de se libérer des Habsbourg. On ne se rendit pas compte que cet état était un mélange explosif de Sudètes, citoyens d’origine allemande, Tchèques et Slovaques. Aujourd’hui, cet état n’existe plus: les Sudètes ont été broyés, non sans avoir servi préalablement de mèche à un conflit mondial, comme jadis les Serbes, tandis que Tchèques et Slovaques se sont séparés en deux piteux états gouvernés par des clowns ridicules. Eurymacus - La Yougoslavie Ces mêmes cerveaux malades qui avaient démantelé sans pitié l’AutricheHongrie, s’inventèrent ex-nihilo un nouvel état, la Yougoslavie, à partir de quelques débris de l’Empire, la Slovénie et la Croatie, auxquels ils rajoutèrent la Bosnie et la Serbie, qui avait servi de mèche au conflit mondial. Ce mélange impossible de peuples divers ne pouvait pas survivre, on aurait pu l’imaginer. Ce qui est étonnant c’est qu’il durât aussi longtemps, plus de 70 ans. Et ce qui est encore plus étonnant c’est la violence avec laquelle cet Etat implosa. Le point d’arrivée c’est une dizaine d’Etats, là où il n’y avait qu’un seul. Ces Etats sont la Slovénie, la Croatie, trois Républiques Bosniaques, le Monténégro, la Serbie, deux Républiques au Kosovo, et la Macédoine, dont le nom n’est même pas reconnu. Certains de ces Etats ne sont que des états fântome, non reconnus par la communauté internationale, comme les Républiques Bosniaques ou le Kosovo. Pour en arriver là, il a fallu une dizaine de guerres implacables et 100 000 morts. On peut analyser et même essayer d’expliquer le déroulement de ce conflit. Il est encore une fois emblématique du cynisme des pays occidentaux et de leurs leaders corrompus, qui se crurent un devoir de bombarder les ponts de Belgrade sur le Danube, comme jadis Hitler en méprisant l’avis du Conseil de Sécurité de l’ONU, et dont le ridicule fut poussé à l’extrême de nous faire croire qu’ils avaient détruit avec des bombes guidées au laser l’émetteur de la Télévision Serbe, alors qu’il s’agissait de l’Ambassade de Chine. On créa la Yougoslavie pour récompenser la Serbie d’avoir servi de mèche à la destruction des Empires Centraux, et on la fit éclater pour la punir de ses alliances avec la Russie. 38 DIALOGUE VII Victoria ou ‘the Widow rules Britannia’ Erymacus - La reine veuve La reine Victoria (1819-1901) régna sur le RU entre 1837 et sa mort en 1901, avec le titre d’Impératrice de l’Inde à partir de 1876. Ce titre égalait Victoria à César, Auguste ou Napoléon. Elle gouverna pendant 64 ans, un record seulement approché par Elisabeth I, au XVIème siecle, et Elisabeth II au XXème. Elle succéda à son frère Guillaume IV, fils du roi fou Georges III, de façon improbable, car à sa naissance elle n’était que cinquième en ligne de succession. Elle se maria avec un prince allemand, Albert de Saxe-Coburg Gotha en 1840, qui mourut en 1860, et donc resta veuve pendant la plupart de son mandat. Elle eut pas moins de 10 enfants qu’elle maria aux divers princes royaux des cours d’Europe, en utilisant la politique matrimoniale comme jadis les Rois Catholiques ou Napoléon. Elle conquit l’Europe pas l’amour et les autres continents par la force. Elle aurait réussi l’unification du monde si l’Empereur Allemand Friedrich III, marié à sa fille aı̂née Victoria, avait vécu assez longtemps au lieu de mourir quelques mois après son couronnement. Son successeur Guillaume II, qui était aussi le petit-fils de Victoria, se mit en tête de bâtir un empire et disputer sa suprématie au RU, ce qu’il fit au prix d’une hécatombe de 40 millions de morts entre 1914 et 1918. Jusqu’à l’unification de l’Allemagne autour de la Prusse en 1870, personne n’avait contesté la suprématie Britannique. L’empire colonial anglais passa, pendant le règne de Victoria, de quelques comptoirs isolés à 20% de la surface 39 du globe terrestre, le plus grand empire jamais connu. La démocratie pourrie de Pitt le Jeune se transforma progressivement en une démocratie moderne, qui connut une vingtaine de changements de gouvernement au cours de cette période. Le RU devint aussi la plus grande puissance économique du monde, en profitant de la deuxième révolution industrielle. Elle créa le capitalisme pour canaliser cette richesse vers les mains des privilégiés, en même temps que Marx trouvait un antidote pour en faire bénéficier les démunis. Les sciences et les lettres connurent un deuxième siècle d’or après celui de l’Angleterre Elisabéthaine de la fin du XVIème. Aristocrate - Le système politique L’Angleterre du XVIème était une monarchie absolue, non pas de droit divin où le Roi était choisi par Dieu, mais de Roi divin où Dieu était le Roi lui-même. Ce Roi fut plus tard changé en dictateur sous le nom de Cromwell, puis en oligarchie au XVIIIème, avec un premier ministre comme roi. C’est ce que Victoria trouva en accédant au pouvoir en 1840 et, peuêtre malgré elle, elle créa une alternance entre ces rois-premiers ministres, Peel, Derby, Disraeli, Salisbury, du parti conservateur, et Palmerston, Russell, Gladstone, du parti libéral. Entre 1868 et 1900, Disraeli et Gladstone furent constamment au pouvoir au cours d’une dizaine d’alternances. Cette alternance à l’anglaise a été considérée comme modélique, et copiée par le système américain actuel. L’avantage c’est qu’elle évite la corruption du pouvoir, qui se produit inévitablement lorqu’une même persone le garde trop longtemps. L’inconvénient c’est qu’elle dilue les différences entre partis et finit par réduire la diversité des options politiques au choix unique. Erymacus - L’Empire Britannique Les seules grandes colonies britanniques au XVIIIème siècle, étaient les 13 colonies de la côte ouest de l’Amérique du Nord, de même que celles du Canada qui, après l’annexion du Québec, devinrent aussi un ensemble territorial cohérent. Les 13 colonies firent bande à part, mais cela n’empêcha pas l’Angleterre de s’emparer d’une bonne portion du monde entre 1815 et 1914, 40 dates qui marquent la fin et le début, respectivemnt, des guerres en Europe. Le RU colonisa en cette période tout le Canada, l’Australie et la NouvelleZélande, qui, étant des territoires sans populations locales d’importance, se transformèrent en ‘dominions’ bénéficiant du ‘Home Rule’. Alors que le RU n’avait pratiquement rien en Afrique, il se donna quelque 40% de son territoire mal connu, qui avait le défaut d’être habité par des arabes ou des noirs rebelles, qu’il fallut ‘pacifier’. On pouvait voyager Du Cap à Alexandrie sans quitter le territoire anglais. Pendant ce temps, la France s’emparait d’une fraction de territoire africain presque aussi importante, surtout de territoire désertique. Cela créa des tensions avec les Anglais, qui finalement s’adjugèrent le Soudan pour barrer la route au Français. En Asie, les Anglais firent main basse sur l’Inde au sens large, c’est-à-dire le territoire qui comprend l’actuelle Inde, en plus de l’Afghanistan, le Pakistan, le Bangla Desh, le Sri Lanka, la Birmanie, la Malaisie et Singapour. L’Empire se complétait par des centaines d’ı̂les, archipels ou promontoires rocheux, tel les Bahamas, la Jamaı̈que, les Seychelles, les Malvines et les Maldives, Malte, Singapour, Hong-Kong, Gibraltar, et j’en passe. Aux Iles Britanniques mêmes, tout était Anglais, l’Irlande comprise. Après la Première Guerre Mondiale, on rajouta des anciennes colonies allemandes comme le Tanganyka, et des restes de l’Empire Turc comme l’Irak, la Jordanie, la Palestine, le Yemen, et bien sûr l’Egypte qui faisait déja partie de l’Empire avant le conflit. Cet Empire s’étendait sur 26 millions de km2 et comptait 400 millions d’habitants avec la peau blanche, noire, rouge ou jaune. Des continents, des ı̂les, des déserts, des forêts. Du jamais vu. Aristocrate - La décolonisation Dès 1918, les dominions, Afrique du Sud incluse, se dégagèrent de l’ensemble de l’Empire, sans trop de traumatisme. En 1945, à la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, l’Empire n’était plus tenable. La décolonisation se fit non sans traumatisme, mais sans graves conflits armés comme ceux de la France en Indochine ou Algérie. En fait, tous ces pays restèrent formellement unis à l’intérieur d’une organisation appelée Commonwealth, qui termina par mourir de mort lente avec le temps. Après 1960, toute l’Afrique anglaise était décolonisée sauf l’Afrique du Sud et la Rhodésie et leur système d’Apartheid, qui s’essoufla lui aussi avec le temps. Lord Mountbatten réussit lui-aussi à 41 s’en sortir presque indemne du problème indou. La séparation entre les diverses communautés religieuses fut la source de conflits à venir, mais où les Anglais n’avait plus leur mot à dire. Le problème irlandais, très sérieux, se termina en divorce. Aujoud’hui, l’Empire ne se compose plus que des ı̂les du Channel, Gibraltar, les ı̂les Cayman, les Bermudes, Sainte-Hélène et les Faklands. Elles ne s’appellent plus colonies mais paradis fiscaux. Le RU est donc passé de la piraterie de Francis Drake à la piraterie financière. Erymacus - Les guerres coloniales Comme on l’a déjà remarqué, les effectifs de l’armée de terre anglaise étaient très réduits. L’armée coloniale de son immense empire se réduisait à quelques milliers d’officiers et sous-officiers qui encadraient des milices recrutées parmi les indigènes locaux. Cette armée portait des uniformes rouges vifs et des casques coloniaux blancs appelés ‘pain de sucre’. Elle se déplaçait à cheval, en chameau, ou à dos d’éléphant, selon l’endroit. Elle bénéficiait de l’expérience acquise en matière d’artillerie ou d’armes à feu pendant les guerres napoléoniennes, les tactiques de 1914 étant à peu près les mêmes que celles de Waterloo en 1815, un siècle auparavant, avec des uniformes en couleur comme dans les opéras de Verdi. Les uniformes kaki de camouflages et les casques en acier ne s’imposèrent qu’après 1914. C’est donc avec ce matériel, rendu célèbre par des films comme: Zulu down, Khartoun, les lanciers du Bengale, les quatres plumes, Kim, Lord Jim, l’homme qui voulut être roi, la secte des falsaires et d’autres, que les Anglais se firent massacrer par des indigǹes qui les attaquaient à la flèche, la lance et le poignard. Comment cela se put-il ? Je dirai ‘excès de confiance’ et ‘mépris de l’advrsaire’. Au fond, les mêmes raisons qui expliquent les déroutes de Napoléon en Espagne puis en Russie. Rien de nouveau sous le soleil. Il y eut d’autres guerres plus sérieuses comme celle des Boers où il fallut employer les grands moyens, à la hauteur des richesses en dispute: les plus grandes mines d’or et de diamants du monde. Aristocrate - Les guerres en Europe Entre 1915 et 1914, les Anglais engagèrent, c’est-à-dire gagnèrent, 27 42 guerres, contre Népalais, Indous, Afhgans, Sikhes, Cipayes, Persans, Zoulous, Boers, Zanzibariens, Boxers et Russes. Donc une seule guerre en Europe, celle de Crimée. Le film ‘La charge de la brigade légère’ la raconte si bien, qu’il n’y a rien à y rajouter, sinon que sa cause est inconnue, son déroulement absurde, et son résultat nul, comme dans la plupart des guerres. Précisons tout de même que Napoléon le Petit, ne voulant pas répéter l’erreur de son aı̈eul, se rallia aux Anglais, ce qui expliquerait la présence française en Crimée mais non la casuistique du conflit ni son déroulement. En fait, le RU joua avec le feu en refusant de se mêler aux affaires européennes. Il assista sans broncher à la naissance de son pire ennemi: l’Empire Allemand. Défaite des Autrichiens à Sadowa, des Français à Sedan, chute de Napoléon III, Commune de Paris, proclamation du IIème Reich à Versailles, et finalemnt Guerres des Balkans et déclaration de Guerre des Austro-Hongrois à la Serbie. Même à ce momentlà, le RU pensait pouvoir rester à l’écart. Il fallut attendre l’invasion de la Belgique pour que les Anglais se décident à intervenir. Mais ce qui faisait vraiment peur aux Anglais c’était la flotte de Tirpitz, presque aussi puissante que celle d’un certain Churchill, encore inconnu, devenu premier Lord de l’Amirauté. Erymacus - Les explorations Drake avait piraté les Caraı̈bes avant que les corsaires Anglais les transforment en repaire pour leur butin acquis à l’abordage. Cook avait exploré le Pacifique avant que les colonisateurs prennent pied en Australie ou en Nouvelle-Zélande, ainsi que dans des dizaines d’ı̂lots perdus du Pacifique aux noms exotiques. Vers 1850, l’Afrique restait un continent inconnu, la côte exclue. On traversa ses déserts en chameau, on se fraya un passage dans ses forêts tropicales, on remonta ses fleuves en conoë, mais il y avait encore un mystère: où étaient les sources du Nil, qu’Hérodote avait placées dans les ‘Montagnes de la Lune’ ? Déjà les légions de Néron s’étaient aventuré à remonter le fleuve immense aux crues légendaires. Les troupes de Napoléon n’avaient pas pu s’avancer au-delà de la deuxième cataracte, aux confins du Soudan. Il fallut l’admettre: on ne pouvait pas remonter le fleuve sans s’abimer dans des marécages infranchissables. C’est pourquoi, Burton, explorateur Anglais connu pour son voyage clandestin à La Mecque et sa traduction des ‘Mille et une Nuits’, choisit Zanzibar comme point de départ de 43 son exploration des sources du Nil. Il finit par se heurter aux Grands Lacs en 1858, d’abord le Tanganyka puis le Victoria. Mais c’est son second, Speke, qui vit pour la première fois le Nil s’écouler du lac Victoria vers le nord. Burton nia la découverte en invoquant la hauteur trop basse de la source. La polémique était servie et la bataille se livra au sein de la Société Géographique de Londes. En fait, personne n’avait raison. Le Lac Victoria s’alimente à son tour du courant provenant du dégel des pics montagueux des chaı̂nes de Centre-Afrique. La neige sous les tropiques ! c’était bien Hérodote qui avait raison. L’Asie était connue des Européens depuis Marco Polo, mais ses pics à la hauteur extravagante ne furent découverts que bien plus tard. Ces noms mytiques de sommets dépassant les 8000 mètres entre la Chine et l’Inde sont Annapurna, Manga Parbat, K2, Everest,... Les Français connaissent bien l’ascension du premier 8000 par le récit de Maurice Herzog, mais moins la lutte effrénée entre Allemands et Anglais pour arriver les premiers au Manga Parbat ou l’Everest, respectivement. Buhl prit d’assaut le Manga Parbat en 1953, juste deux ans après l’ascension de l’Everest par Hillary et Tien-Sin. Quant au K2, il fut conquis en 1954 par des Italiens, suivant la route tracée par le Duc des Abruzes. Ces pics font leur récolte annuelle de victimes, que les jouneaux ne rapportent plus, tellement c’est devenu banal de mourir en hauteur. Mais la légende de l’Everest ne s’appelle pas Hillary mais Mallory, qui se perdit en 1924 à quelques centaines de mètres du sommet, et dont on n’a retrouvé à ce jour que le sac à dos. Cet athlète éduqué à Cambridge et qui fréquentait le cercle de Bloomsbury avait, selon témoignage de ces intellectuels au savoir encyclopédique et aux relations sentimentales fluctuantes, un torse de Praxitèle couronné d’une tête de Boticelli. Il préféra se faire accompagner pour prendre le sommet par son compagnon de chambrée plutôt que par un alpiniste chevronné. Erreur fatale ? Mais non, il eut la plus belle des morts et repose aujoud’hui à côté de son amant. Aristocrate - La deuxième Révolution Industrielle La première Révolution Industrielle fut celle du textile et la machine à vapeur, et son foyer l’Angleterre du XVIIIème siècle. Au début du XIXème siècle, on se mit à construire des trains et des bateaux à la vapeur. Mais on trouva mieux: le charbon. On creusa partout en Europe pour extraire cet or noir, solide pour le moment, qui en plus de réchauffer pendant les 44 crudités de l’hiver, servait à alimenter les hauts-fourneaux qui produisaient des quantités massives d’acier, pas seulement pour des épées et des armures comme au Moyen-Age. Il fallait donc encore creuser pout extraire la ferrite et l’hématite en tonnes. C’est comme cela qu’on vit naı̂tre les bassins houillers et les grands ensembles industriels de l’Angleterre,... et de la Rhur. Oui. l’Allemagne était cette fois aussi au rendez-vous, et les conséquences vont se faire sentir au tournant du siècle, au sens militaire. Mais finalement, le moteur de cette Révolution Industrielle ne sera ni la vapeur ni la houille, mais quelque chose de bien plus puissant, le moteur à explosion inventé par l’ingénieur allemand Diesel. On aura le bateau, le train,... et la voiture,... et l’avion, avec des performances insoupçonnées. Qui dit moteur à explosion dit essence, donc pétrole, or noir cette fois liquide. On creuse à nouveau: en Irak, en Roumanie, en Mer Caspienne, en Indonésie. Les noms de gisements de pétrole seront à partir de maintenant des noms de guerres ou graves conflits internationaux, au cours du siècle suivant, le XXème. Pendant ce temps, la recherche continue à Cambridge et Oxford. Darwin, Faraday, Maxwell, la nouvelle révolution se prépare: électricité, électronique, génétique. Erymacus - Libéralisme et Marxisme L’entreprise coloniale exigeait de répartir des bénéfices immenses entre très peu de personnes. On inventa les entreprises, les actions, les marchés financiers et la spéculation. Adam Smith fut le théoricien des lois du marché. Son système, le libéralisme, nom édulcoré du capitalisme sauvage, conduisit à l’injustice sociale et à la guerre. On arrive au cœur du problème. Marx, Freud, Einstein. Voilà les fondateurs de la pensée occidentale moderne. Tous les trois des petits-bourgeois juifs allemands. Ils sont l’équivalent de Montesquieu, Voltaire et Rousseau, qui ont pensé la Révolution Française. Marx n’était au début qu’un simple journaliste, qui raconta la prise du pouvoir par Napolón III puis la Comunne de Paris. Lorsqu’il débarqua à Londres en 1856, à l’âge de 38 ans et sans un sou, il allait devenir le penseur, philosophe et économiste redouté, l’agitateur de l’Internationale Communiste et de la révolution prolétarienne. Il démonta les mécanismes du capitalisme et inventa le concept de prolétariat. On l’a rendu coupable des dictatures communistes comme on a rendu Wagner coupable de l’Holocauste. Ce pauvre Marx, qui passait son temps à la British Library en essayant de comprendre 45 les lois extravagantes des crises périodiques du système capitaliste, ainsi que l’exploitation par l’Angleterre de l’Inde coloniale, avec des millions de statistiques. Pourquoi tant de chiffres pour expliquer la cupidité et l’agressivité humaines. En fait, l’économie n’est qu’un problème psychologique doublé d’un autre de type militaire. Il faut d’abord lire Freud et Clausewitz. 46 DIALOGUE VIII Pitt le Jeune ou le fou du Roi Acrate - Le fou du Roi William Pitt le Jeune est né en 1759 et il est mort en 1806, pour des raisons inconnues, à l’âge de 46 ans. Pendant sa courte vie, il a vu changer le monde: Les Etats-Unis sont devenus indépendants, son plus grave échec, et Napoléon a été vaincu, son plus grand succès. Lorsque Pitt arriva au pouvoir, l’Angleterre était une puissance moyenne face à une France toute-puissante depuis Louis XIV. Lorsque Pitt mourut, l’Angleterre était la grande puissance mondiale, sans ennemi ni sur terre ni sur mer. En 1783 et avec seulement 24 ans, il fut nommé premier ministre, et ne quitta le pouvoir que pour cause de décès, sauf pour le bref intermède 1801-04. Il gouverna donc pendant 20 ans. Il dut lécher les blessures de la guerre avec les USA, le joyau de la couronne, et passa le reste de son mandat à lutter contre les armées françaises, invincibles sur terre, grâce à sa puissante flotte, la Royal Navy. Comment y arriva-t-il ? Grâce à la cavalerie de Saint Georges, à la chance, et bien sûr à son habileté politique pour faire des alliances avec les ennemis de la France, c’est-à-dire tous les états européens, et en particulier la Russie. Il réhabilita les finances, puis les ruina pour cause de guerre. Il prépara le RU à l’aventure coloniale et à la déprédation de ses colonies. Son bilan fut assombri par son échec à abolir l’esclavage, et resta donc purement militaire. Il n’avait ni femme ni enfants. Les contemporains ne pouvant parler d’homosexualité, terme trop péjoratif jusqu’à la fin du XXème siècle, le classaient comme ‘asexué’ ou notaient son 47 ‘manque de goût pur les femmes’. Il aimait à s’entourer de charmants jeunes hommes, lui-même l’ayant été dans sa jeunesse. On connaı̂t au moins l’un de ses amants, son secrétaire au Trésor Tom Steele. On ne voit plus l’intérêt de le cacher dans l’armoire, où l’on retrouve aussi le Duc de Buckingham, et de nombreux rois tels Richard Cœur de Lion, Edward II, Elisabeth I, James I et d’autres encore. Sophane - Le Roi fou George III (1738-1820) fut Roi d’Angleterre, et aussi du Royaume-Uni à partir de 1760, après l’union administrative des divers territoires. Il était aussi Prince-Electeur de Brunswick-Lüneburg, avec capitale à Hanovre. C’était le troisième roi anglais de la Maison de Hanovre, mais le premier né en Angleterre et capable de parler l’Anglais. Son règne de 60 ans, sans précédents par sa longévité, commença en 1760. Il vit son pays vaincre la France au Canada et en Inde pendant la Guerre de 7 ans, puis être battu par elle entre 1793 et 1815, avant de reprendre l’avantage après cette dernière date. Son seul grave échec fut la perte des 13 colonies d’Amérique du Nord, après la guerre de 1774-1783. Son règne fut donc un long conflit armé contre la France, une deuxième guerre de cent ans. Il eut 13 premiers ministres, du Duc de Newcastle à Spencer Perceval, mais l’Histoire n’a retenu que Pitt le Jeune. Il était fou. On ne sait pas la cause exacte de sa maladie, qui ne l’empêcha de gouverner qu’à partir de 1810. Mais cela n’avait plus aucune importance dans un pays où, depuis Cromwell, le Roi avait perdu sa tête. Acrate - Les colonies anglaises Les Anglais arrivèrent bien tard à l’aventure coloniale, bien après Portugais, Espagnols, Français et même Hollandais. Ses premiers comptoirs solides datent du XVIIème siècle, alors que l’Espagne a conquis toute l’Amérique du Sud et du Centre, et remonte déjà la côte du Pacifique à partir du Mexique et la côte Atlantique à partir de la Floride. Le Portugal colonise pendant ce temps les côtes africaine et asiatique, ainsi que le Brésil. Lorsque la France devient première puissance mondiale vers 1650, elle occupe le Québec et la 48 Luoisiane, en remontant le Saint-Laurent jusqu’àux Grands Lacs et en descendant le Mississipi jusqu’à la Nouvelle-Orléans. Elle s’établit aussi en Inde. Les Hollandais achètent aux Indiens l’ı̂le de Manhattan où ils fondent la Nouvelle-Amsterdam, puis s’établissent au Cap, dans la pointe Sud de l’Afrique, et en Indonésie. Ils est clair que les derniers venus, les Anglais, devraient combattre pour avoir sa partie du gâteau. Il créèrent de ce fait une formidable flotte qui fit leur succès dans les nombreux conflits à venir. Ils attaquèrent la France au Canada et en Inde, et finirent par s’emparer de la totalité de ces territoires. Leur succès facile sur la côte Atlantique de l’Amérique du Nord se mua en échec cuisant lorsque ces colonies décidèrent de s’émanciper. Pour Louis XV, le Canada n’était que les ‘écuries de son palais’, et pour Gerges III c’était l’Eldorado, c’est ainsi qu’on gagne ou on perd des guerres. Cook tombait en même temps par hasard sur l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Pas encore d’or en vue. Patience. Sophane - L’Indépendance des Etats-Unis C’est une Révolution, comme les Américains aiment à l’appeler, ou une banale guerre de décolonisation ? En fait, les deux à la fois. La Révolution, c’est la déclaration de Jefferson ‘Tous les hommes naissent égaux en droits et veulent faire le bien de bonne foie’ (remarquons tout de suite que les Noirs y sont exclus), qui est l’aboutissemnt des idées philosophiques du Siècle des Lumières, et qui aura une suite dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. Mais point final. Sauf le premier article de 89, les autres sont manquants. Le reste de la Révolution Américaine n’est que du banal anticolonialisme, ‘no taxation without representation’. La guerre, entre le Tea Party de Boston en 1774 et la défaite de Cornwallis à Yorktown, dura 7 ans au total. Le Traité de Paris reconnut l’Indépendace des 13 colonies, qui deviendront 50 par la suite. Entre le Tea Party et Yorktown, il y a des noms mythiques: le général Washington, John Adams, Benjamin Franklin, et ainsi jusqu’à Lincoln qui supprima l’esclavage et Kennedy qui donna aux Noirs les mêmes droits qu’aux autres races. Lorsque La Fayette ou Rochambeau, revenus en France, voulurent appliquer les idées de Jefferson, ce sera une autre Révolution, la Française. 49 Acrate - La Révolution Française vue par les Anglais On parle souvent des Etats Généraux de Necker ou de la Prise de la Bastille comme étant le début de la Révolution Française. Or il ne s’agit que d’une banale révolte. La vraie Révolution c’est la jounée du 4 août 1789, où le régime féodal est aboli, c’est-à-dire au moins 1000 ans d’histoire. Les auteurs sont des membres de la noblesse ou du clergé, des illustrés qui ont le courage de renoncer à leurs privilèges centenaires: La Fayette, Noailles, Beauharnais, Lally-Tollendal, La Rochefoucault, Mirabeau, Sieyès. La Déclaration des Droits de l’Homme suit. Elle est encore utilisée de nos jours dans les préambules de nombreuses constitutions démocratiques. La position anglaise face à ces événements ne se réduit pas à une polémique philosophique entre Burke et Paine. Les Anglais ont peur. Pitt a peur, même très peur, car l’Angleterre n’est pas une démocratie, mais une oligarchie où la seule différence avec la France c’est que le Premier Ministre détient le pouvoir et non le Roi. Certes, il y a un parlement et des élections, mais ces élections sont pourries et les élus se font appeler eux-mêmes des ‘brigands’, Tories ou Whigs. En langage moderne ces détenteurs du pouvoir sont des ‘lobbies’, où les titres de noblesse et l’argent sont les qualités requises pour y accéder. Si Pitt essaya d’abattre la Révolution Française au prix de 20 ans de guerre, c’est parce qu’il ne voulait pas renoncer à son propre régime féodal. La Révolution au sens strict a commencé en août 1789 et se termine le 9 Thermidor 1794. Le reste jusqu’au 18 Brumaire 99 n’est qu’une longue attente du général Bonaparte, devenu successivement Premier Consul, Empereur, prisonnier à Elbe, encore Empereur, puis prisonnier à Sainte-Hélène. Entre 89 et 94, le pouvoir passe des mains de nobles illustrés comme La Fayette, aux mains de la hautebourgeoisie (les Girondins) et finalement à celle de la petite-bourgeoisie (les Montagnards). Cela s’arrête ici car le prolétariat n’existe pas encore. Le moment critique de la Révolution c’est l’exécution de Louis XVI en janvier 92. Pitt l’a bien vu, et va jouer les apprentis de sorcier. Pourquoi aider un Roi qu’il déteste car il lui a enlevé ses possessions d’Amérique ? Pourquoi sauver une France, son pire ennemi, qui sans roi va sombrer dans le chaos ou pire, dans un bain de sang ? Il se trompa sur un point: la Révolution et le Roi vont être engloutis, effectivement, mais il n’a pas vu venir Bonaparte qui sera sur le point d’angloutir l’Angleterre. On connaı̂t aujoud’hui les négotiations secrètes menées par l’ambassadeur d’Espagne, Oscariz, pour sauver Louis XVI de la guillotine. Danton demandait 2 millions, une moitié 50 versée par les Anglais et l’autre par les Espagnols. En échange il changerait le vote d’une vingtaine de montagnards. Le Roi fut condamné à une voix d’avance. Les montagnards approchés avaient voté la mort. Que s’était-il passé ? Pitt avait oublié de verser la somme promise. Sophane - Les Guerres Napoléoniennes Elles ont commencé par la déclaration de Guerre contre le Roi de ‘Bohème et Hongrie’ le 20 avril 1792, et se sont terminées par la défaite de Napoléon à Waterloo le 18 juin 1815. Elles ont donc duré 23 ans, sauf deux brefs répits: la paix d’Amiens de 1802-03 et le bref séjour de Napoléon à Elbe en 1814. Le RU est le seul pays qui a été constamment en lutte contre la France. Les autres: Autriche, Prusse, Russie, Espagne, rentrent ou sortent du conflit au gré des actions militaires. La tête qui dirige l’action contre la France est bien à Londres et sa méthode les coalitions à géométrie variable. On peut en compter 7 phases ou coalitions avec ses faits marquants: Valmy et paix de Campo-Formio, Bonaparte en Egypte, Trafalgar et Austerlitz, Iena et invasion de la Prusse, Guerre d’Espagne et invasion râtée de la Russie, défaite de Napoléon à Leipzig et exil à Elbe, retour et défaite de Waterloo. L’Angleterre a payé toutes ces guerres avec la cavalerie de Saint Goerges. Son intervention militaire sur terre a été minime: quelques 50 000 soldats en Espagne ou à Waterloo, au moment où Français, Autrichiens ou Prussiens déplaçaient des armées de centaines de milliers d’hommes. Acrate - The Peninsular War La guerre d’Espagne (1808-14), est appelé ‘Guerre d’Indépendance’ par les Espagnols, ‘guêpier espagnol’ par les Français et ‘Peninsular War’ par les Anglais. Elle opposa les troupes de Napoléon aux Anglais débarqués à Lisbonne et à une terrible guerrilla déclenchée par les Espagnols, une fois leur faible armée anéantie. Chaque pays a regardé le conflit de son point de vue, en ignorant le point de vue des autres. Les Anglais ont loué le génie de Wellington, qui pourtant est notoirement absent. Les Espagnols ont glorifié le parti gagnant, c’est-à-dire le parti absolutiste de Ferdinand VII qui, revenu 51 au pouvoir, a aboli la constitution de Cadix rédigée par des illustrés inspirés para la Révolution Française. Ils ont stigmatisé les ‘afrancesados’, comme des ‘collabos’. Pourtant ce parti comptait dans ses rangs l’élite espagnole de l’époque, Moratin, Melendez Valdes et Goya lui-même. Ces intellectuels ont été chassés après 1814 et sont morts en exil en France. Dans le camp français, les faits ont donné lieu à deux versions opposées. Stendhal reconnaı̂t la bravoure de la résitance espagnole, mais les accuse de se renfermer sur eux-mêmes et de ne pas contribuer à la culture occidentale. Chateaubriand, qui n’arrive pas à caser de vérité dans ses mémoires, fait une éloge ridicule de l’héroı̈sme des Espagnols lors du siège de Saragosse, où 50 000 habitants périrent et la belle ville fut réduite à un amas de décombres. On aurait abouti au même résultat par une reddition, les morts et les destructions en moins. Cette guerre est peut-être la première sale guerre de l’ère moderne, avec des violences inouı̈es, des executions sommaires, des représailles contre les populations civiles, des attentats contre l’envahisseur, et tout ce cercle vicieux. Goya a laissé un témoignage poignant de cette brutalité dans ses gravures avec des corps empalés, déchiquetés, mutilés. L’Espagne était gouvernée en 1808 par le Roi Charles VI, un Bourbon descendant de Louis XIV, et il était l’allié de Napoléon contre les Anglais. Les navires espagnols avaient combattu Nelson à Trafalgar côte-à-côte avec les Français. Les intellectuels espagnols étaient des illustrés qui voyaient en Napoléon le véhicule des idées de la Révolution Française. Lorsque Napoléon envahit l’Espagne, il enfonça une porte ouverte. Au lieu de remplacer simplement un Boubon par un Bonaparte, ce que tout le monde aurait accepté, il envoya une armée de 200 000 hommes, qui tira sur la foule, et séquestra la famille royale par des arrangements peu dignes. Il transforma une promenade triomphale en cauchemar. Il avait suivi les conseils de Talleyrand et Fouché, qui ne pensaient qu’à sa perte. La grande erreur de Napoléon est d’avoir pris comme conseillers ces deux crapules au lieu de Carnot et Sieyès. Napoléon savait choisir ses maréchaux, pas ses ministres. Il ne fut pas battu à la Bérézina mais à Paris. La ‘Peninsular War’ des Anglais raconte la guerre menée, d’abord au Portugal, puis en Espagne, par le général Arthur Welesley, devenu Duc de Wellington par la suite. C’est une suite de petites victoires et reculades entre Torres Vedras en 1810 et Toulouse en 1814, en passant par Ciudad Rodrigo, Salamanca, Burgos, Vitoria, San Sebastian et Hendaye. Welesley n’affronta que des généraux de Napoléon de deuxième classe tels Junot, Soult, Suchet, Mortier, Marmont ou Joudan, qu’il ne réussit à battre qu’avec d’énormes difficultés. L’histoire n’a pas retenu cette petite épopée sans gloire, mais des événements marquants 52 sans grande importance militaire, comme les révoltes populaires à Madrid le 2 mai 1808, la bataille de Bailen où un obscur général de Napoléon appelé Dupont se fait battre en essayant de pénétrer en Andalousie, et les grands sièges de Saragosse et Gérone, qui sont autant d’exemples de défense ‘numantine’, exagération hispanique déjà remarquée par des auteurs latins. Sophane - Britannia rules the waves L’Angleterre devient la grande puissance mondiale après trente ans de guerre contre la France (1783-1815), où en plus des guerres napoléoniennes, il faut rajouter la Guerre d’Indéndance des USA. Elle perdit sa suprématie au cours des guerres contre l’Allemagne de 1914-45. Elle domina donc le monde pendant un siècle, entre 1815 et 1914, comment ? par sa flotte. Les grandes puissances de l’ère moderne, depuis 1500, ont imposé leur force militaire par une puissante force terrestre, comme jadis Alexandre ou César dans le monde antique. Le seul précédent d’une puissance maritime a été l’Athènes de Periclès. Après la frayeur de l’Armada Invincible lancée contre elle par Philippe II, l’Angleterre se dota d’une véritable flotte de combat, la Royal Navy. Après des combats incertains face à la France au cours du XVIIIème siècle, elle se transforma en flotte quasi-invincible et cela jusqu’en 1942. L’Angleterre n’a pas vraiment d’armée de terre, mais des petits contingents de métier, rien de comparable aux circonscriptions massives pratiquéss par les armées du continent. A Waterloo, Wellington aligne quelques 50 000 hommes, et Lord Gort en 1940 ne dispose que de 150 000 soldats, face aux millions mobilisés par la France et l’Allemagne. Montgomery a 200 000 hommes à El Alamein en 1942, alors que des millions de Russes et d’Allemends s’affrontent sur le front de Stalingrad. La force anglaise est sur mer. Nelson possède déjà 27 navires de ligne à Trafalgar, presque autant que les 33 navires réunis par la France et l’Espagne, toutes deux grandes puissances maritimes jusqu’alors. Mais les équipages anglais sont des soldats de métier très bien entraı̂nés, face aux soldats de fortune de l’adversaire. Le choc décisif suivant est à Jutland en 1916, après une course folle avec l’Allemagne pour s’imposer militairement sur mer. Jellicoe aligne 151 navires dont 35 cuirassés ou croiseurs de bataille, face à Sheer avec 99 navires dont 21 de grande taille. Le combat est incertain, mais ce sont bien les allemands qui se sont retirés. Lorsque commence la Seconde Guerre Mondiale, la flotte anglaise est encore considérée comme 53 la plus puissante du monde, mais pour peu de temps. Ses succès contre les bateaux allemands, Graaf Spee ou Bismark, ou Italiens, à Tarente et au Cap Matapan, se transforment en déroutes contre l’aéronavale japonaise: Repulse et Prince of Wales coulés, Mountbatten reculant, incapable de faire face à la flotte japonaise rentrée en force dans les eaux de l’Océan Indien. Lorsque la guerre se termine en 1945, les Anglais alignent 5 portavions face aux 95 des Etats-Unis, qui n’en avaient que 4 en 1939. Inutile de nommer la nouvelle grande puissance. Acrate - La première Révolution Industrielle Une grande puissance est tout d’abord une puissance économique. Or, au cours du XVIIIème siècle, seule l’Angleterre réalise la révolution qui consiste à abandonner l’agriculture au profit de l’industrie. Ses campagnes se dépeuplent au même rythme que ses villes grandissent. L’outil scientifique qui sert à faire tourner l’industrie textile est la machine à vapeur mise au point par l’engénieur James Watt. On ne commencera à voir des bateaux ou des trains à la vapeur qu’au XIXème siècle. Les ateliers d’apprentis moyen-âgeux laissent leur place à des usines de centaines, voir des milliers d’ouvriers qui filent du coton importé des colonies et qu’on vend dans toute l’Europe. Il faut un Empire pour puiser les ressoureces, les matières premières, et des marchés pour les vendre. Il faut une nouvelle économie, le capitalisme sauvage. Londres devient la mégapole d’Europe et dépasse le million d’habitants en 1800, suivie de Manchester, Liverpool, Birmingham, Sheffield, Leeds, avec les grands Docks de Londres, Bristol, Southampton et ailleurs. L’Angleterre abrite les deux meilleures universités d’Europe, Oxford et Cambridge, où Newton a été remplacé par Cavendish, Jenner, Priestly et l’écomiste Adam Smith. Il faut aussi des théoriciens pour penser un empire. 54 DIALOGUE IX Henri VIII ou le Crime Théotime - Le mythe de Jacques l’Eventreur On appelle ainsi l’homme qui, vers 1890, en pleine époque victorienne, assassina à Londres au moins cinq prostituées. Ce fait divers a défrayé la chronique, comme pour les femmes du Roi Henri VIII qui eurent le cou tranché. En fait, ce sont des variantes du même phénomène, le ‘serial killer’. Lorsqu’il s’amuse dans les rues de Londres, il passe dans les journeaux, et s’il prend le pouvoir, il passe dans les manuels d’histoire. Ces ‘serial killers’ sont des fous, mais des fous à visage humain. Ce sont des paranoı̈acs. Ils peuvent gagner des élections comme Hitler, ou se glisser subtilement au sommet du pouvoir comme Staline. Un paranoı̈ac pense être constamment la victime d’une conspiration, alors que c’est lui le seul conspirateur. Il tue ses ennemis aussi bien que ses amis. Il se croit l’élu d’une mission divine: le nettoyage des rues de Londres, la Grande Allemagne, le Petit Père des Peuples. Henri VIII se prit carrément pour le Pape, il se fit une religion à sa mesure, qui est suivie par une majorité d’Anglais jusqu’à nos jours. Alviade - Le mythe de Richard III Richard III, comme Hitler, fut un météore qui fit beaucoup de mal en très peu de temps. Il règna seulement deux ans, 1483-85, comme Hitler seulement 55 12, en 1933-45. On a du mal a croire qu’il fut en place si peu de temps, tant il déclencha de mal. L’ascension au pouvoir de Richard III, comme celle d’Hitler, a fasciné de grands écrivains comme Shakespeare ou Bertolt Brecht. C’est un mélange d’intelligeance et d’habileté inegalés, avec un manque total de scrupules pour liquider tout homme ou institution qui leur fait barrage. L’ascencion d’Hitler au sommet, entre 1923 et 1933, dure presque le triple que sa chute en 41-45. Il se tue aussi facilement qu’il tue. C’est comme un alpiniste qui monte péniblement un sommet et, une fois arrivé, dévale la pente en roulant à une vitesse vertigineuse, entraı̂nant toute sa cordée. L’Histoire a retenu sept assassinats majeurs de Richard III en 1483, dont les deux Princes Royaux âgés de 13 et 10 ans. Ces crimes déguisés ont permis à de rares historiens révisionistes de plaider son innocence. Tâche inutile, Richard III est un mythe, celui du criminel qui s’empare du pouvoir par la ruse autant que par le crime, qui a une intelligence froide pour créer des complots aussi bien que pour imaginer des complots contre lui. Qui tue ses ennemis autant que les alliés qui peuvent l’éclipser. Ces personnages sévissent dans des régimes dictatoriaux, ou bien s’imposent dans des démocraties qu’ils écrasent par la suite. Ils peuvent aussi gagner des élections. Avis aux amateurs. Théotime - Henri VIII Henri VIII eut six femmes en tout, un record: Catherine d’Aragon, Anne Boleyn, Jane Seymour, Anne de Clèves, Catherine Howard et Catherine Parr. Il divorça avec sa première femme, sa seule épouse légitime, si l’on entend par là reconnue par Rome. C’etait un fou qui rompit avec Charles Quint et avec le Pape. Les Anglais le voient autrement: il ouvrit la voie qui permit à l’Angleterre un siècle plus tard de devenir une puissance coloniale, puis un empire, au lieu d’une province écartée et oubliée de l’Empire des Habsbourg. Le refus anglais est en tout point comparable au refus des Hollandais, et explique l’adoption de nouveaux dogmes religieux, plus qu’une adhésion surprenante à des thèses sur l’âme que seul un théologien averti pourrait discerner. Mais même en adoptant ce point de vue, il faut reconnaı̂tre que Henry VIII coupa beaucoup de têtes. Pas seulement celles de Anne Boleyn et Catherine Howard, aussi celle de Thomas More, ce qui est bien plus grave. Il fut trahi par tant de monde ? Il y a une bonne liste d’au moins 50 décollations de personnages célèbres, et des centaines de non célèbres 56 pour des motifs souvent futils ou dérisoires. Il était complètemet paranoı̈ac, et passa à à l’Histoire comme Barbe-Bleue, la version royale du mythe de Jacques l’Evantreur. Alviade - Mary the Bloody Fille légitime de Henry VIII, elle dut attendre quelques années pour succéder à son père. Le temps que son frère Edward VI, un jeune garçon maladif, mit à mourir à l’âge tendre de 16 ans. La Reine Mary était à ce moment dans sa maturité et plutôt laide malgré les efforts du peintre Anthonis Mor pour la faire charmante aux yeux du Prince Philippe d’Espagne, fils de l’Empereur Charles Quint. Ce fut la dernière chance pour unir les couronnes d’Espagne et d’Angleterre, une possibilité que les Anglais redoutaient comme la peste, et que Philippe II lui-même négligeait, l’Angleterre n’étant alors qu’une petite ı̂le au sein d’un Empire déjà immense. Après un court règne, elle mourut et passa aux manuels sous le nom peu flatteur de ‘Mary the bloody’, alors qu’elle tua beaucoup moins de monde que son père. Henri VIII n’est pas appelé ‘le sanguinaire’, titre qu’il a poutant bien mérité. Appelez donc Mary, la reine catholique d’Angleterre, par son vrai nom, ‘Mary of England’. Théotime - Elisabeth R. Elisabet R. (Regina) est le titre d’une célèbre série pour télévision produite par la BBC sur la longue carrière de cette Reine. Elle fut capricieuse et insaisissable. Elle demeura vierge, mais on lui attribue autant d’amants que de maı̂tresses à son père. Parmi eux, le Duc d’Anjou, Walter Essex, Robert Dudley, Robert Essex (fils du précédent) et peut-être ses secrétaires William et Robert Cecil. Quelques uns de ces amants supposés eurent une fin tragique, comme certaines des femmes de Henri VIII. Walter Essex fut empoisonné et Robert Essex eut le cou tranché. Elle eut le goût de grâcier le Duc de Southampton, mécène et amant de Shakespeare. L’épisode le plus marquant de son règne fut la mise en déroute de l’Armada envoyée par Philippe II d’Espagne, dite ‘Invincible’. C’est le début du mythe de l’invincibilité de 57 l’Angleterre face à un débarquement par mer, que Napoléon et Hitler contribuèrent à alimenter. Le général Channel protège l’Angleterre, comme le général Hiver la Russie. Alviade - James I Il était en réalité James IV d’Ecosse, et fut couronné Roi d’Angleterre après la mort d’Elisabeth sans succession. Il unifia donc l’Angleterre avec l’Ecosse et aborda le problème irlandais avec intelligence. Le bain de sang à coup de hache tranchante se ralentit considérablement. Il eut le bon goût de faire cesser la guerre avec l’Espagne et essaya même de séduire une infante lors d’un voyage secret où se fit accompagner par le Duc de Buckingham. C’est peut-être un mythe, mais qui dit long sur la personnalité de ce roi. Il s’entoura de conseillers plus doués par leur physique que par leur savoirfaire politique. Puisqu’il avait lui-même une bonne tête, mieux lui valait un beau visage que le contraire. A l’époque les amants s’appelaient des favoris. Parmi les favoris, outre Southampton délaissé par Elisabeth, il y a bien sûr le très jeune George Villiers, Duc de Buckingham, qui passa à l’Histoire par le mythe qu’Alexandre Dumas créa de son personnage. En définitive, James I fut un grand roi, progressiste et mécène des Arts et des Lettres, bref un Roi investi. Théotime - La Bastille anglaise Les constructions plus sinistres ou absurdes sont celles qui ont le plus de succès: pyramides d’Egyptes, muraille de Chine, châteaux de Louis II de Bavière,... On critica ces constructions par leur coût faramineux, sans se douter qu’elles allaient rapporter bien plus comme attractions touristiques. A Londres, les attractions touristiques sont, par ordre croissant de visiteurs: le 123 de Baker Street, le Musée Tussaud, et La Tour de Londres. Dans ce sinistre édifice, on vous montre la ‘Traitors Gate’, les cellules jadis occupées par des personnalités célèbres avant de dépérir, la chambre où des jeunes princes furent étouffés, le bloc en bois qui servait de support pour couper des têtes, et bien sûr la hache à fil tranchant utilisée lors de la dernière exécution. 58 Tout est probablement faux, mais que serait la Tour sans les fantômes de ses trépassés ? Un terrain vague reconverti en Opéra comme la Bastille Française. Alviade - Athènes à Londres De grands génies se sont donné rendez-vous à Londres à la fin du XVIème siècle, comme jadis à Athènes, au Vème siècle avant notre ère. C’est le Siècle d’Or, connu sous le nom de d’Angleterre Elisabéthaine, comme on parle de l’Athènes de Périclès. De même qu’à Athènes, cette brillante et fugace explosion culturelle s’exprima surtout par le théâtre. C’est ainsi que surgit le plus grand dramaturge de tous les temps, Shakespeare. De sa vie on ne connaı̂t rien, pas plus que de celle de Molière ou Cervantès. Mais eux, au moins, ont publié de leur vie, alors que les publications de Shakespeare ont eu lieu bien après sa mort. Son génie ne commença a être reconnu qu’au XVIIIème siècle. Son nom même est en dispute: Shakespeare est le nom par convention de l’auteur de Hamlet, mais ce nom pourrait en cacher un autre: Bacon, Marlowe, Edward de Vere, ou qui sais-je. On a essayé de refaire sa biographie en partant de ses œuvres, mais on tombe vite dans l’absurde: est-il Hamlet, Ophélia, Roméo, Mercutio, ou un autre ? c’est comme si on demande qui est Cervantès, Don Quichotte ou Sancho Panza ? la réponse est toujours la même, ni l’un ni l’autre. 59 . 60 DIALOGUE X Elisabeth R or the english vice List of characters WALTER (father): Former King of England GHOST: Ghost of King Walter ELISABETH: Queen of England WALTER (son): Son of king WALTER and Queen ELISABETH DUDLEY: New King of England after marriage with ELISABETH CECIL: Councillor of the Queen ESSEX (Earl of): Nobleman SOUTHAMPTON (Earl of): Nobleman BERNARDO: Friend of Walter FRANCESCO: Friend of Walter HORATIO: Friend of Walter MARCELLUS: Friend of Walter STUART: King of Scotland REYNALDO: Spy of Cecil ROSENCRANTZ: Courtier GUILDENSTERN: Courtier OSRICK: Courtier AMBASSADOR: English Ambassador PLAYERS: Actors from a theater company 61 Act I - Scene 1 (Enter Francesco, Bernardo) Bernardo Who’s there? Francesco Stand and unfold yourself. Bernardo It is now struck twelve. Get thee to bed, Franceso, you have migraine. She came upon her hour. Francesco Yes, I am sick at heart. (Enter Horatio and Marcellus) Marcellus If again migraine comes, it will blind your eye. Horatio It will not appear. Bernardo Last night of all, it had made his course till illuminate that side of vision, where now it burns. The bell then beating one. Marcellus Peace, break thee off. Migraine comes again. Horatio What are thou that usurpest this time of night, by heaven I charge thee, go way migraine. Marcellus It is not gone and will not answer. Horatio Migraine is to trouble mind’s eye in the most high and palmy state. I was sick almost to Doomsday with eclipse of my view. But look, migraine comes again. I’ll cross it though it blasted me. Speak to me. Marcellus It faded on the crowing of the cock. Horatio Let us impart what we have seen tonight unto young Walter, for this migraine will also be part of him. Act I - Scene 2 (Enter Dudley, Queen, Cecil, Essex, Walter) Dudley Though yet of king Walter our dear brother’s death the memory be green and that it us befitted, therefore long live our sometime sister, now our Queen, the imperial pointress to this warlike state. Now follows what you know. Young Stuart, holding a weak supposal of our worth. He has not 62 failed to pester us with message, importing the surrender of those lands lost by his father, with all bands of law. Thus the business is: we have here to write to Scotland, to young Stuart. Bear this greetings to Scotland, farewell and let your haste command your duty. And now Essex, what’s the news with you ? Essex My dread Lord, though my return to Ireland from where willingly I came to England to show my duty in your coronation, yet now I muss confess, that duty done, I wish to go again towards Ireland and bow to your gracious pardon. Cecil He hath, my lord, wrung from me upon his will and I sealed my hard consent. Dudley Take thy fair hour, Essex, time be thine. But now my son Walter is coming. Walter Yes, I am his son-in-law. Dudley How are the clouds still hang on you ? Walter Not so, my lord, I am too much in the sun. Queen Good Walter, cast thy nighted colour off and let thine eye look like a friend of England. Do not for ever with thy vailed lids seek for thy noble father in the dust. All that lives must die. Let not thy mother lose her prayers, Walter. I pray thee stay with us. Walter I shall do the best to obey you, madam. Dudley It is a loving and a fair reply. Be as ourselves in England. Madame, come. (Exeunt all but Walter ) Walter O that this too sullied flesh would melt. How weary, stale, flat and unprofitable. But two months dead, not so much, not two ! Let me not think on it. Failtry, thy name is woman. A little month, and those shoes were old with which she followed my poor father’s body. O God, a beast that wants discourse of reason would have mourned longer-married with my uncle, my father’s brother, but no more like my brother, within a month she married, incestuous sheets ! But break my heart for I must hold my tongue. Act I - Scene 3 (Enter Walter, Horatio, Marcellus, Bernardo) Walter I am glad to see you well. Horatio The same, my Lord. 63 Walter And what make you from Tower-Hill, Horatio ? Marcellus ? Marcellus My good lord ! Horatio A truant disposition, my good lord. Walter I know you are no truant, but what is your affair in London ? Horatio My lord, I came to your father’s funeral. Walter You will see my mother’s wedding. Horatio My lord, I think I saw your father yesterday. Walter For God’s love, let me hear. Horatio Two nights together with these gentlemen, Marcellus and Bernardo, on their watch. Walter Did you speak to it ? Horatio My lord, I did. Walter Did you see his face ? Horatio O yes. He wore his beaver up. Walter What, looked he frowningly ? Horatio A countenance more in sorrow than in anger. Walter Pale or red ? Horatio Very pale. Walter That’s migraine. I’ll speak to it. Upon the platform between eleven and twelve, the hour that migraine comes, I’ll visit you. Act I - Scene 4 (Enter Essex, Southampton) Essex My necessaries are embarked for Ireland but let me ear from you. Southampton Do you doubt that ? Essex Walter is violent in the youth of prime nature, for nature does not grow alone, but with the virtue of will. But you must fear the safety and health of this whole state, it fits your wisdom so far to believe in it. If with too credent ear you list his songs, fear it, Southampton, fear it, dear friend. Virtue itself escapes not calumnious strokes. Be wary then. Best safety lies in fear. Southampton I shall the effect of this good lesson keep, as watchmam to my heart, but good my friend, show me the steep and thorny way of heaven. 64 (Enter Cecil) Cecil Yet here is Essex ? Abroad, abroad, for shame ! The winds sit in the shoulder of your sail and you are stayed for. There, my blessing with thee. Look at your character. Give thy thought no tongue. Be thou familiar but by no means vulgar, bear it that the opposed may beware of thee and be in Ireland of the best rank and station. Be of a most select and generous chief in that. Neither be a borrower nor a lender, for loan oft loses itself and friends. Farewell. My blessing season this in thee ! Southampton So please you, something touching Lord Walter ? Cecil Be merry, well bethought. What is between you ? give me up the truth. Southampton He hath, my lord, of late made many tenders of his affection to me. Cecil Affection ? Pooh ! Southampton I dont know my lord what I should think. Cecil Be merry, I will teach you, think you have these tenders for true pay which are not sterling. Tender yourself more dearly or you’ll tender me a fool. Go to, go to. I do know when the blood burns, how prodigal the soul for Lord Walter believes so much in him, so he is young. In few, Southampton, do not believe in his rows, for they are brokers. I would not, in plain terms, from this time forth, have you so slander any moment leisure. Look to it, I charge you. Southampton I shall obey my Lord. Act I - Scene 5 (Enter Walter, Horatio, Marcellus) Walter The air bites schrewdly. It is very cold. Horatio Is it a nipping and an eager air. Walter What hour now ? Horatio I think it lacks of twelfe. Marcello No, it is truck. Horatio Indeed ? I heard it not. I hear trumpets, what does this mean, my Lord ? 65 Walter The king doth wake tonight, he has migraine. Horatio Is it a custom ? Walter To my mind and to the manner born, it is a custom. This heavyheaded revel east and west is migraine. It soils in addition, so oft it changes in particular men that for some vicious mole of nature in them as in their birth, wherein they are not guilty, since nature cannot choose it’s origin. Horatio Look, my lord, migraine it comes. Walter Angels and ministers of grace, defend us ! I’ll call thee Walter, King, father. O, answer me ! Let me not burst in ignorance. What may this mean, that thou, dead corps, again in complete steel, revisits thus the glimpses of the moon, making night hideous and we fools of nature so horridly to shake our disposition. So why is this ? It will not speak. Then I will follow it. Horatio Migraine puts toys of desperation, without more motive, into every brain. Walter My fate cries and makes each pretty artere in this body to pulse hardy. I say away ! Go on, I’ll follow thee. Horatio He waxes desperate, with his migraine. Marcellus Let follow, it is not fit thus to obey him. There is something rotten in the state of England. (Enter Ghost and Walter) Walter Wether wilt thou lead me ? Speak, I’ll go no further. Ghost Mark me, when I to sulphurous and tormentous flames must render up of my own migraine. Walter Alas, poor ghost. Ghost I am thy father’s spirit doomed for a certain term to walk in the night and for the day confined to fast in fires. Defend yourself from migraine, freeze thy young blood, make thy eyes like stars shine. Listen, listen, O listen ! If thou didst ever thy dear father love. Revenge his fool and most unnatural murder. Walter Murder ? Ghost It is given out that, sleeping in my cherry orchard, a serpent stung me. So the whole ear of England is by a forged process of my death abused. But know, thou noble youth, the serpent that did sting thy father’s life now wears a crown Walter My father-in-law ? 66 Ghost Ay, that incestous, that adulterate beast with witchcraft of his wit, with traitorous gifts. So he seduced the will of the Queen, my most seemingvirtous wife. I was sleeping by a brother’s hand. O horrible ! O horrible ! Most horrible ! If thou hast nature in thee, bear it not. Let not the royal bed of England be a couch of luxuary and damned incest. Adieu, adieu, adieu. Rememberance. Walter O all you host of heaven ! O Earth ! What else ? Ay, thou poor ghost, while memory holds a seat in this distracted globe. Remember thee ? Within the volume of my migrainous brain. O most pernicious woman ! O villain, villain ! That one may smile and be a villain in England. Horatius My Lord ! Marcellus Lord Hamlet ! What news, my lord ? Walter Wonderful, but you’ll be secret ? Horatio, Marcellus Ay, by heaven my Lord. Walter Never make known what you have seen tonight. Swear it upon my sword. Horatio, Marcellus We are sworn. Walter There are more things on heaven and earth, Horatio, that are dreamt of in your philosophy. (Exeunt all) 67 Act II - Scene 1 (Enter Cecil, Reynaldo) Cecil Give him this money and notes. Reynaldo I will my Lord. Cecil Before you visit him, make enquire of his behavour. Reynaldo My Lord, I did intent it. Cecil Enquire me first what English are in Dublin and how and who and where they keep what company, at what expense and finding. Question if they do know Essex, know his friends, do you mark this, Reynaldo ? Reynaldo Very well, my Lord. Cecil What gorgeries you please. Take heed of that and companions noted and known for youth and liberty. Reynaldo As gaming, my Lord. Cecil Ay, or drinking, fencing, swearing, quarelling, drabbing, you may go so far. Reynaldo My Lord, that would dishonour him. Cecil Mark the man who says ‘I saw him enter such a house of sale’ or so forth. Your bait of falsehood takes this carp of truth, you have me, have you not ? Reynaldo I have, my Lord. Cecil Good bye, farewell. (Enter Southampton) Southampton O my Lord, my Lord, I have been affrighted. Cecil With what, is it the name of God ? Southampton My Lord, I was seeing in my closet Lord Walter down, gyred to his ankle, pale as his shirt, his knees knocking each other and with a look so piteous as if he had been loosed out of hell. Cecil It was an attack of migraine. What did he do ? Southampton He took me by my wrist and pressed me hard, then goes he to the length of his arm, and with his other hand thus holding my waist, he put me over his knees. That done, he let me go. Cecil Come, go with me, I will seek the King. This is the very ectasy of love whose violent property fordoes itself and leads will to desperate undertakings as oft as passion under heaven. That does affect our natures. I am sorry. 68 Have you given him any glance sparkings lately ? Southampton No, my Lord. I am always on the receiving end. Cecil Come, let’s go to the King. Act II - Scene 2 (Enter Dudley, Queen, Rosencrantz, Guildenstern) Dudley Welcome dear Rosencrantz and Guildenstern, moreover that we much did long to see you. The need to use you provokes our hasty sending. Something have you heard of Walter’s transformation so call it, to us unknown and afflicting him. Queen Good gentlemen, he hath much talked to you. Your visitation shall receive such thanks. Rosencrantz Both majesties might by the sovereign power you have of us put your dread pleasures into command. Guildenstern But we both obey and lay our service freely. Dudley Thanks Rosencrantz and gentle Guildenstern. (Enter Cecil, exeunt Rosencrantz and Guildenstern) Cecil The ambassador of Holland has joyfully returned. Dudley Thou still hast been the father of good news. Cecil Have I, my Lord ? I found Walter lunatic. Dudley O, speak of that ! That do I long to hear. Cecil Give first admittance to the ambassadors. Dudley He tells me, my dear Queen, that he knows the source of Walter’s distemper. Queen I doubt, it is no other than his father’s death and our marriage. (Enter ambassador) Dudley Welcome, what from our Dutch brothers ? Ambassador The officers that her majesty placed at Deventer and Zutphen went over Duke of Parma along with their fortresses. The English held but the port of Slvis was also lost. His Majesty has no authority on Dutch allies, and is irredeemandly in debt because of his personal financing of the war by more than thousand crowns. But the war is over, thanks to his Majesty’s return and negotiations with Parma. 69 (Exit ambassador) Cecil This business is well ended. Now, your noble son is mad. Mad call I it, to define the true madness, what is it but nothing else than madness. But let that go. Queen More matter with less art. Cecil Madam, I swear I use no art at all. That he is mad, a foolish figure, mad let us grant him then, and now remains that we find the cause of this defect. For this effect defective comes by cause. Thus it remains and the remainder thus. Dudley How is Southampton receiving his love ? Cecil Do do you think of me ? Dudley As of a man faithful and honourable. Cecil I would prove so, but what might you think when I had not seen this love. He fell into a sadness, then into a watch, then into a weakness, then into a lightness and, by this declesion, into a madness, wherein now he raves. Dudley What do you think that is ? Queen A bipolar disorder. Cecil Take it from this, if this be otherwise, if circumstances lead me, I will find where truth is hid, though it were hid indeed. Dudley Sometimes he walks for hours in the lobby. Cecil At such a time, I will look south to him and see if he loves him or not. Dudley We’ll try it. (Enter Walter) Cecil Do you know me, my Lord ? Walter You are a fishmonger. Cecil What’s the matter you read in, my Lord ? Walter µωριαζ ǫνκωµιoν. Cecil Though this be madness, yet there is method in it. Will you walk out of the air, my Lord ? Walter Into my grave ? You cannot take from me anything except my life. But look at these tedious old fools that enter now ! (Enter Rosencrantz and Guildenstern, exit Cecil) Rosencratz God save you, Sir ! Guildenstern My honoured Lord ! Walter My excellent good friends, what have you deserved at the hands of 70 fortune that it sends you to prison hither ? Guildenstern Prison, my Lord ? Walter England’s a prison. Rosencratz Therein is world one. Walter In the beaten way of friendship, what makes you at London ? Rosencratz To visit you, my Lord. Guildenstern What should we say, my Lord. Walter I know the King and Queen have send you. Rosencratz To what end, my Lord ? Walter That you must teach me. Rosencratz What say you ? Guildenstern My Lord, we were sent for. Walter I will tell you why. What is the quintesence of dust ? Man delights not me nor woman either, though by your smiling you seem to say so. Rosencratz Mylord, there was not such a staff in my thoughts. Walter Why did you laugh then when I said ‘woman delights me not’. Rosencratz Because we know it. Guildenstern There come the players. Walter Gentlemen, welcome to London, let me comply with you in this garb. You are welcome but the King and Queen deceived. Guildenstern In what, my dear Lord ? Walter I am mad noth-east-west but I am pleased with my dear south. (Enter Cecil) Cecil My Lord, I have news to tell you. The actors coming with me are the best in the world, either for comedy, tragedy, history... Walter O Jephtal, Judge of Israel, what a treasure hadst thou ! Cecil What a treasure had he, my Lord ? Walter Two fair daughters and no more, that he loved well, Susanna and Judith. (Enter the players) Walter You are welcome, masters, welcome all. I am glad to see thee, wellcome good friends. Comest thou to beard me in England ? We’ll be like french falconeers: love anything you see, come, give us a taste of your quality. Player What speach, my good Lord ? 71 Walter One speach that is not chiefly loved. That of Aeneas tale to Dido. And thereabout of it especially when he speaks of Priam’s slaughter, if it lives in your memory. Begin at this time: The rugged Pyrrhus ..., so proceed. Cecil My Lord, well spoken, with good accent. Player Among he finds him striking too short... Cecil This is too long. Walter Let them be well used for they are the abstract and chief chronicles of our time. Cecil My Lord, I will use them according to their desert. Walter Use everyman after his desert. Take them in. Cecil Come, Sirs. Walter Follow him, friends. We will hear the play tomorrow. Can you play ‘The murder of Devereux’ ? Player Ay, my Lord. Walter Tomorrow I will insert in it some lines. Player Ay, my Lord. (Exeunt all but Walter) Walter O, what a rogue and peasant slave am I ! Bloody, bloody villain ! Remordless, treacherous, lecherous, kindless villain ! O vengence ! This is most brave that I, the illigitimate son of a dear father murdered, prompted my revenge by heaven and hell. For murder, though it has no tongue, will speak with this miraculous organ. I will have these actors play something like the murder of my father in front of my present father-in-law. I ’ll observe his looks. The play is the thing wherein I will catch the conscience of the King. (Exit Walter) 72 Act III - Scene 1 (Enter Dudley, Queen, Cecil, Southampton, Rosencrantz, Guildenstern) Dudley And can you by no drift of conference get from him why he puts on this confusion ? Rosencrantz He does confess he feels himself distracted, but from what cause, will he by no means speak. Dudley Walter will affront here Southampton by accident and looking as he behaves, we’ll judge if it’s the affliction of his love or not. Queen For your part, Southampton, I do wish that your good beauties be the happy cause of Walter’s wildness. Southampton Madam, I wish it may. Cecil Southampton, walk you here. Dudley How smart a lash that speach give to my conscience. Cecil Here is he coming. (Enter Walter) Southampton How does your honour for this day ? Walter I humbly thank you, well, well, well. Southampton My Lord, I have rememberances of yours, words of so sweet breath you composed in your Venus and Adonis or the Rapt of Lucrece. Walter Are you fair ? Southampton What means your lordship ? Walter If you are fair, you should not admit discuss to your beauty. Now the time gives its proof. I did love you once. Southampton Indeed my Lord, you made me believe so. Walter If you be merry, you’ll be a fool. Southampton O heavenly powers, restore him ! Dudley Love, his affections do not that way tend, nor what he speaks though it lacked forma, little was like madness. There is something in his soul. Cecil He shall do well. But yet, do I believe the commencement of his grief sprung from neglected love ? (Exeunt all but Walter) Walter Face is sicklied with pale hue, and enterprises of great pitch and moment with this regard are turned away, and body loses control of action. 73 Who would fear those fardels to grunt and sweat under cover ? But rather bear those ills than fly to others we dont know of and that might bring death, the undiscovered country from where no traveller returns and puzzles will. The dread of something after death. The patient could take unworthy drogs when he himself might cure, simply by staying quiet with bare skin in bed, with pangs of despised love. But this ill makes life a long calamity. Pain gives us pause only when we have shuffled off eaten flesh ’til consummation. To sleep, perhaps to dream. The headache has thousand natural shocks that one can oppose by sleep, no more, and by sleep say we end. Whether ’tis nobler in mind to suffer the slings and arrows of migraine or to take action against this sea of troubles, to sleep or not to sleep, that is the question. Act III - Scene 2 (Enter Walter and actors) Walter Speak the speach, I pray you, as I pronounced it to you, trippingly on the tongue. Player I warrant your honour. Walter Be not too tame either, but let your own discretion be your tutor. Suit the action to the word, the word to the action with this especial observation that you overstep not the modesty of nature. Player I hope we have reformed that indifferently with us, sir. Walter O, reform it altogether ! And let those that play your clowns speak no more than is set down for them. For there be of them that will themselves laugh to set on some quantity of barren spectators to laugh too. Player We will, my Lord. Walter Well, go make you ready. (Exeunt players and enter Cecil) Walter Will the King hear this piece of work ? Cecil And the Queen too, and that presently. Walter Bid the players make haste. (Exit Cecil, enter Horatio) 74 Walter What, Horatio ? Horatio Here, sweet Lord, at your service. Walter There is a play tonight before the King. One scene of it comes near the circumstance which I have told thee of my father’s death. I prea thee, when those see that act afoot, even with the very comment of thy soul, observe Dudley. If his occulted guilt does not itself unkennel in one speach, it is a damned ghost that we have seen and my imaginations are as foul as Vulcan. Horatio Well my lord. Walter They are comming to the play, get you at place. (Enter Dudley, Queen, Cecil, Southampton, Rosencrantz, Guildenstern) Dudley How fares our son-in-law Walter ? Walter Excellent. Lord Cecil, you played once at University, you remember that ? Cecil That did I, my Lord, and was accounted a good actor. Walter What did you enact ? Cecil Julius Ceasar. I was killed in the Capitol. Brutus killed me. Walter It was a brute part of him to kill so capital a cleric there. Be the players ready ? Rosencrantz Ay, my Lord, they stay upon your patience. Queen Come hither my dear Walter, sit by me. Walter No, good mother. Here’s metal more attractive. Cecil Oh ! Do you mark that ? Walter My dear Lord Southampton, shall I lie on your lap ? Southampton Yes my beloved Walter. Walter That’s a fair thought. Southampton How many my Lord ? Walter Twice two months. Southampton So many, are you gai, my Lord ? Walter I’ll be merry my Lord. (Trumpets) Walter The play is as follows: enter a king and a queen very lovingly. He lies upon a bank of flowers. She leaves him asleep. Another man comes and pours poison in the sleeper’s ears, then leaves. The queen returns and finds the king dead. The poisoner woos the Queen with gifts. She seems harsh 75 awhile but in the end accepts love. Southampton What does that mean, my Lord ? Walter It means mischief. (Enter prologue and players) Walter We shall know by this fellow. Southampton Will he tell us what this show means ? Walter I’ll not shame to tell you what it means. Southampton You are naught. I’ll mark the play. Prologue For us and for our tragedy, here stopping for your clemency, we beg you hearing patiently. Player (as the King) My enterprise had inauspicious beginning, a storm dispersed my fleet and drove my vessels as far as Cork. My forces did not reach the place of rendez-vous till late in the autumn and I was compelled to enter Belfast for the winter. My troops were disminushed by sickness, famine and desertion. Intrigues of various sorts and fighting of a guerrilla type followed, and I had difficulties with both my deputy Fitzwilliam and with the Queen. My offensive in Ulster took form of raids and brutal massacres among the O’Neills. I treacherously captured MacPhelim at a conference in Belfast and had him and his wife executed at Dublin. I arrested William Piers, active in driving the Scots out of Ulster, and accused him of passing military intelligence to Brian MacPhelim O’Neill. Piers was arrested and MacPhelim O’Neill executed for treason. I prepared to attack the chief Tirlogh Luineach but the Queen commanded to break the enterprise. I had time to massacre several hundreds of Sorley Boy’s, hidden in the caves of Rathlin Island, after an amphibious assault led by Sir Francis Drake. I returned to England but was persuaded to return to Dublin, as Earl Marshall of Ireland. Upon my arrival at Dublin Castle, I died in 1576. Player (as the Queen) My maternal grand mother was Mary Boleyn, the elder sister of Queen Anne, the mother of Queen Elisabeth. I married Walter in 1561, but I became soon in love with Leicester. Leicester intrigated to have my husband sent to Ireland and encouraged him to commit all kind of murders and massacres. Using his influence on the Queen, Leicester had my husband removed from Ireland where he returned later. He poisoned my husband and married me two years later. A commission concluded that my husband died of dysentry. Walter Madam, how did you like the play ? Queen The lady does not protest too much. 76 Walter O, but she’ll keep her word. Dudley Have you heard the argument ? Walter No, no, they do but jest, poison in jest. Dudley What do you call the play ? Walter The Mousetrap. Southampton You are as good as a chorus, my Lord. Walter I enjoyed your singing, my Lord. Southampton You are on my knees my Lord. Cecil Give to her the play. Dudley Lights, lights, lights ! (Exeunt all but Walter and Horatio) Walter Let the strucken deer go weep and hide deep. Horatio You might have rhymed. Walter O good Horatio, I’ll take the ghost’s word for a thousand pounds: didest perceive ? Horatio Very well my Lord. Walter Upon the talk of the poisoning ? Horatio I did very well note him. (Enter Rosencrantz and Guildenstern) Guildenstern Good my Lord, vouchsafe me a word with you. Walter Sir, a whole history. Guildenstern The King, sir. Walter Ay, Sir, what of him ? Guildenstern Is marvellous distempered. Walter With drink ? Guildenstern No my Lord, with choler. Walter You should signify this to a doctor. Guildenstern My Lord, put your discurse into frame. Walter Pronounce. Guildenstern The Queen is in most great affliction. Rosencrantz She desires to speak with you in her closet. Walter We shall obey. (Enter Cecil) Cecil My Lord, The Queen would like to speak with you. 77 (Exeunt all but Walter) Walter It is now the very witching time of night. O heart, lose not thy nature. Let not hate enter my soul, Let me be cruel, not unnatural. I will speak daggers to her, but use none. Act III - Scene 3 (Enter Dudley, Rosencrantz, Guildenstern) Dudley I like him not, nor stands it safe with us to let his madness range. Therefore prepare you, he will go to Ireland along you. Guildenstern We will keep those many bodies safe that live and feed upon your Majesty. Rosencrantz The single and peculiar life is bound with the strength and armour of the mind. Dudley Arm you, I pray, to this speedy voyage. (Enter Cecil, exeunt Rosencrantz and Guildenstern) Cecil My Lord, he is going to his mother closet. Behind the arras I’ll convey myself to hear the process. I’ll warrant she’ll tax him home. (Exit Cecil) Dudley O, my office is rank. It smells to heaven. It hath the primal curse upon it, a brother’s murder. Pray can I not, with my brother’s blood. Is there not enough in the sweet heavens to wash white as snow ? Whereto serves mercy but to confront the visage of offense ! My fault is past. But what form of prayer can serve my turn ? Forgive me my foul murder ? That cannot be since I am still possessed of those effects for which I did the murder. My crown, my own ambition and my Queen. (Enter Walter, Dudley kneels) Walter Now might I do it, now that he is praying ? And now I will do not. And so he goes to heaven and am I revenged. This is hire and salary, not revenge. No. Up, sword and know thou a more horrid hent. When he is drunk asleep or in his rage, or in the incestous pleasure of his bed. That has no relish of salvation in it. This prolongs thy sickly days. 78 (Exit Walter) Dudley My words fly up, my thoughts remain below words without words, without thoughts that never to heaven go. (Exit Dudley) Act III - Scene 4 (Enter Queen and Cecil) Cecil He will come straight, look you lay home to him. Tell him his pranks have been too broad to bear with and that your glance hath screened and stood between much heat. I’ll silence me. Pray you be round with him. Queen I warrant you. Fear me not. Withdraw. I hear him coming. (Cecil hides behind the arras, enter Walter) Walter My Queen, what’s the matter ? Queen Walter, you have Dudley much offended. Walter My Queen, you have my father much offended. Queen Come, come, you answer with an idle tongue. Walter Go, go, you question with wicked tongue. Queen What wilt thou do. Thou wilt not murder me ? help ! Cecil (from behind) What help ! Walter(drawing his sword) How now ! A rat ? Dead for a ducat, dead ! (He makes thrust through the arras and kills Cecil) Cecil O, I am slain ! Queen O, me, what have thou done ? Walter Nay, I know not. Is it the King ? Queen O, what a rash and bloody dead is this ? Walter A bloody deed almost as bad, my Queen. As kill my father and marry his wife. Thou wretched, rash, intruding fool, farewell ! Look here upon this picture the two brothers. One has Heperyon curls in the front, another an eye like Mars. This was your husband. Look now what follows like a mildewed ear, blasting his whole brother. Have thou eyes ? O shame, 79 where is thy blush ? Queen O Walter, speak no more. These words like daggers enter in my ears. No more, sweet Walter. Alas, how is it with you that you do bend your eye on cavancy and with this incorporal air do hold discourse ? Forth at your eyes your spirits wildly peep and as the sleeping soldiers in the alarm you, bedded hair like life in excrements, start up and start an end. O gentle son, upon the heat and flame of thy distemper sprinkle cool patience. Whereon do you look ? Walter I had a migraine crisis. Queen Nothing at all. Yet all that is I see. Walter My Queen, confess yourself at heaven, repent what’s past. Avoid what is to come. Forgive me this my virtue. For virtue itself of vice must pardon beg. Queen Be assured, if words be made of breath, and breath of life, I have no life to breath. Walter I must go to Ireland. You know that ? There’s a letter sealed and my two fellows whom I will trust as adders fanged, they bear the mandate. They must sweep my way. Let it work, but I ’ll blow them at the moon. O it is most sweet when in one line two crafts directly meet. Good night, mother. (Exeunt all) 80 Act IV - Scene 1 (Dudley, Queen, Rosencrantz, Guildenstern) Dudley There is matter in these sighs, these profound heaves. Where is Walter ? Elisabeth, how does Walter ? Queen Mad as the sea and wind when both contend. Dudley It had been so with us, had we been there. Queen To draw apart the body he hath killed. Dudley We will ship him hence. Walter in madness had hath Cecil slain. My soul is fall of discard and dismay. (Exeunt Dudley and Queen, enter Walter) Rosencrantz What have you done with the dead body ? Walter Compounded it with dust. Rosencrantz My Lord, you must tell us where the body is and go to the King. Walter The body is with the King, but the King is not with the body. The King is a thing. Guildenstern A thing, my Lord ? Walter Of nothing. Bring me to him and all after. (Exit Walter, enter Dudley) Dudley I have sent to seek him and find the body. How dangerous is it that this man goes loose ! Rosencrantz Where the dead body is bestowed, my Lord, we cannot get from him. But where is he ? Dudley Bring him before us. (Enter Walter) Dudley Now, Walter, where is Cecil ? Walter At supper. Dudley At supper ? Where ? Walter Not where he eats, but where he is eaten. Dudley Alas ! Alas ! Walter A man may fish with the worm that hath eat of a King and eat of the fish that hath fed of that worm. 81 Dudley Where is Cecil ? Walter In heaven. Dudley Go seek there. Walter He will stay till you come. Dudley Prepare thyself. The bark is ready and the wind at help. Everything is bent for Ireland. Walter Ireland ? Dudley Ay. Walter Good. Act IV - Scene 2 (Enter Walter and Stuart, King of Scotland, with army) Walter Good Sir, whose powers are these. Stuart They are of Scotland, Sir. Walter How purposed, Sir, I pray you. Stuart Against some part of Holland. Walter Who commands them, Sir ? Stuart Myself. Walter Goes it against the main of Holland, Sir, or for some frontier ? Stuart Truly to speak, we go to gain a little patch of ground. Walter Why ? The Dutch will never defend it. Stuart In reality we go to England. (Exeunt all but Walter) Walter All occasions do inform against me and spur my dull revenge ! What is a man if chief good and market of his time be but to sleep and feed ? A beast no more. Witness this army of such mass and charge, led by a delicate and tender prince, and let all sleep while to my shame I see the inmminent death of twenty thousand men that for a trick of fame go to their graves like beds, fight for a plot whereon the numbers cannot try the cause. Act IV - Scene 3 (Enter Queen, Dudley, messager) 82 Queen Alarm, what noise is this ? Dudley Where is my swiss guard ? Messager Save yourself, my Lord. Essex, in a ritous head, erbears your office. The rabble call him Lord and, as the world were know to begin, they cry: choose me ! Essex shall be King ! Caps, hands and tongues applaud it to the clouds: Essex shall be King ! Essex King !. Queen How cheerfully on the false trail ! They cry ! O, false English dogs ! Dudley The doors are broken. (enter Essex) Essex Using my general warrant to return to England, given under the seal, I sailed from Ireland o and reached London four days later. The Queen has expressely forbidden my return but I did not pray any attention to that. Queen Essex, what are you doing in my bedchamber this morning at my palace, before I am properly gowned ? I’ll call my private council and your action will be punished with your confinement at York House. Dudley Essex, I must commune with your grief. Go apart, make choice of your friends as you wish and they shall hear and judge next to you and me. If by direct or collateral hand they find us touched, we will our kingdom give, our crown, our life and all that we call ours to you in satisfaction. But if not, be you content to lend your patience and we shall jointly labour your soul to give it due content. (Exeunt all) Act IV - Scene 4 (Enter Horatio and messager) Horatio What are they that would speak with me ? Messager They say they have letters for you. Horatio(reading) A pirate gave us chase. I became his prisoner. They are dealt with me like thieves of mercy, let the King have the letters I have sent. I have words to speak in thine ear. Rosencrantz and guildenstern hold their course for Ireland. Of then I have much to tell thee. Farewell. Walter. (Exeunt all, enter Dudley, Essex and messager) 83 Dudley Now must your conscience my acquittance seal and you must put me in your heart for friend. Essex It well appears, and so, have I a noble father lost but my revenge will come. Dudley I love your father and that, I hope, will teach you to imagine. Messager Letters, my Lord, from Walter. Dudley(reading) High and mighty, you shall know I am set naked on your kingdom asking your pardon thereunto. Walter. Dudley Essex, there is a gentleman from Normandy that will give you a masterly report for art and exercise in your defense. (Exeunt all) 84 Act V - Scene 1 (Enter Walter, Horatio and a clown in a cementery with holes on the soil and a skull on the floor) Walter That skull had a tongue in it and could sing once. How the knave jowls it to the ground, as if it was Cain, that did the first murder ! Horatio It might, my Lord. Walter Or of a coutier which could say ‘good morning sweet Lord’ ? Horatio Ay, my Lord. Walter There is another one. Why may that not be the skull of a lawyer ? Horatio Not a joke more, my Lord. Walter Is not parchement made of sheep skins ? Horatio And of calves’ skins too. Walter (to clown) What man dost thou dig it for ? clown For no man, Sir. Walter Who is to be burried in it ? clown One that was a woman, sir, but rest her soul, she is dead. Walter How long have you been grave maker ? clown Of all the days in the year, I came on that day our last Earl Essex overcame Mary Stuart. Walter How long is that since ? clown Cannot you tell that ? It was the very day that young Walter was born. But now he is mad and sent to Ireland. Walter Why was he sent to Ireland ? clown Cause he was mad. Walter How came he mad ? clown Very strangely, they say. Walter How strangely ? clown Losing his wits. Walter (looking to skull) Poor Yorick ! I knew him, Horatio, a fellow of infinite jest, of most excellent fancy. Here hung those lips that I have kissed I know not how oft. I prea thee, Horatio, tell me one thing. Horatio What’s that, my Lord ? Walter Do you think Alexander looked of this fashion in the earth ? Horatio I think so. (Enter Dudley, Queen and Essex) 85 Essex What ceremony is this ? Walter That is Essex, a very noble youth. What is the grief that bears such an emphasis such that phrase of sorrow conjures the wandering stars and make them stand like wonder-wounded hearers ? This is I, Walter of England. Essex The devil take your soul. Walter Yet have I in me something dangerous which let my wisdom fear. Hold of thy hand. Queen Gentlemen ! be quiet ! This is mere madness and thus a while will work on him. Dudley I pray thee, Hotatio, wait on him, and you Essex, strengthen your patience. (Exeunt all) Act V - Scene 2 (Enter Walter and Horatio) Walter An earnest conjuration from Dudley. As Ireland was his faithful tributary, as love like the palm might flourish, as peace should still her wheaten garland wear without debatment further, you should put these bearers to sudden death. This was the content of the letter. Horatio How did you seal it ? Walter Even on that was heaven ordinant. I had my father’s signet in my purse, as a model for the english seal. The next day was our sea-fight and what to this was sequent, thou know already. Horatio So Guildenstern and Rosencrantz go to death. Why ? What a King is this ? Walter Think on him. He that hath killed my father and whored my mother. Horatio It must be shortly known to him from Ireland what is the issue of his business there. Walter It will be short. The interim is mine and a man’s life is no more than to say ‘one’. (Enter Osrick) 86 Osrick You are not ignorant of what excellence Essex is ? Walter I dare not confess that, less should compare him with excellence. But for now, I were a man to know myself. Osrick I mean, Sir, excellence for his weapon. Walter What’s his weapon ? Osrick Rapier and dagger. Walter That’s two of his weapons, but well ! Osrick The King, Sir, hath given him six french rapiers and poiniards, with hangers and so. The King, Sir, has laid that affair in a dozen passes between yourself and Essex, but none shall exceed three hits. Walter How if I answer no ? Osrick I mean, my Lord, your person is in trial. Walter Sir, I will wait here in the hall. (Exit Osrick, enter messager) Messager My Lord, Young Osrick brings back to his majesty that you will attend him in the hall. He sends me to know if your pleasure will charge Essex of treason in the trial before his peers. Walter What is the evidence against him ? Messager In early 1601, he began to fortify his house, his town mansion in the Strand, and there he gathered his followers. On the morning of february 8th, he marched out of Essex House with a party of nobles and gentlemen and entered the City of London in an attempt to force an audience with the Queen, who proclamed him a traitor. Finding no support among the Londoneers, Essex retreated and later surrendered, as loyal forces besieged him at Essex House. Walter I am constant to my purpose to follow the King’s pleasure. Messager The King and the Queen are coming down. Walter Since Essex went to Ireland, I have been in continual practice. I shall win at the odds. (trumpets and drums, enter officers with daggers, Dudley, Queen, Essex, Osrick and all state) Dudley Come, Walter, and take this hand from me. Walter Give me your pardon if I have done wrong. I here proclaim it was migraine, I was not myself if I did wrong to Essex. Free me in your most generous thoughts, if I have shot my arrow over his House, the Hose d’Evreux, 87 and hurt my brother. Essex I am satisfied in nature. But in my terms of honour I stand aloof. I do receive your offered love like love, and will not wrong it. Walter Give me the foils. Come on. Essex Come one for me. Walter I’ll be foiled, Essex. Essex You mock me, Sir. Walter No be this hand. Dudley Give them the foils, Osrick. Walter, do you know the wager ? Walter Very well, my Lord. Essex This is too heavy, let me see another. Walter This likes me well, These foils have all a length ? Osrick Ay, my good Lord. (They play fencing) Dudley You the judges, bear a wary eye. Walter Come on, Sir. Essex Come my Lord. Walter One. Essex No. Walter Judgement ? Osrick A hit, a very palpable hit. Queen I’ll take a drink for your fortune, Walter. Dudley Elisabeth, do not drink ! Queen (drinking) I will my Lord. Dudley (aside) It is poisoned. Too late. Walter I dare not drink yet, madam. Essex (aside) I’ll hit him now. Walter Come the third, Essex. Essex Come on. (Queen falls down) Queen The drink ! The drink ! I am poisoned (Queen dies). Walter O, villany ! let the door be locked ! Essex Walter, thou art slain, no medecine in the world can do thee good. In thee there is not half an hour’s life. The treacherous instrument is in my hand. Dudley’s to blame. 88 Walter (to Dudley) Here, thou incestous, murderous, damned, here drink off this potion. (Walter forces Dudley to drink. The King dies. Then Essex drinks also the poison and dies.) Walter I am dead, Horatio. Wretched Queen, adieu ! Horatio, thou livest, report me and my cause aright ! Horatio I’ll do, my Lord. Walter What noise is this ? Osrick Young Stuart of Scotland. Walter I die, Horatio. The rest is silence.(He dies) Horatio Good night, sweet prince. (Enter Stuart with his guard, and Ambassador) Stuart What is this sight ? Ambassador Our affairs from Ireland come too late. Rosencrantz and Guildenstern are dead. Horatio You from the Dutch wars and you from Scotland, are arrived. Give order for these bodies, high on a stage to be placed to the view, and let me speak to the yet unknowing world how these things came about. All this I can truly deliver. Stuart Let four captains bear Hamlet like a soldier to the stage, for had he ruled, he would have proved most royal. 89 . Epilogue Here the play shall I close Take it or throw it away In anger or laugh dispose Yours is the choice anyway If it’s your will to oppose I will write another play And your will expose Wait not, it’s underway If many faults arose A last word I say Forget or forgive those To the author of this play England’s not in cause He loves England in his way 90