Le droit de vote entre l`usufruitier et le nu

Transcription

Le droit de vote entre l`usufruitier et le nu
Patrimoinorama
Le droit de vote entre l'usufruitier et le nu-propriétaire: La cour de cassation cherche à
appliqu
04-03-2007
L'exercice du droit de vote en cas de démembrement de la propriété de parts ou d'actions entre nu-propriétaire et
usufruitier pose d'épineux problèmes, dont la Cour de cassation semble se plaire à embrouiller les solutions. Le nupropriétaire est l'associé, propriétaire des titres, qui a concédé temporairement l'usage et la jouissance de ceux-ci à un
bénéficiaire - l'usufruitier.
Les droits et obligations de l'usufruit sont fixés par les articles 582 et suivants du Code civil, certaines dérogations
conventionnelles étant possibles.
L'usufruitier, d'une manière générale, a toutes les charges corrélative aux fruits (revenus), selon une règle résultant de
l'article 608 du Code civil. Sauf convention contraire toujours permise, l'usufruitier a la charge des impôts ordinaires mais
non des impôts extraordinaires par exemple ceux sur le capital. Cependant la loi fiscale a mis à la charge de l'usufruitier
l'impôt sur la fortune, ce qui, économiquement, peut paraître injuste, mais s'explique parce que l'impôt est annuel (article
885 G du CGI) ; il existe de nombreuses exceptions.
La querelle est bien connue de savoir, en cas de démembrement de propriété des droits sociaux, qui du nupropriétaire ou de l'usufruitier doit se voir reconnaître la qualité d'associé .
Dans ce contexte, l'arrêt du 31 mars 2004 (Cass. com., 31 mars 2004 )aux termes duquel, et sur le fondement exclusif
de C. civ., art. 578, l'usufruitier ne pourrait jamais être privé du droit de vote des décisions concernant les bénéfices
restera dans les annales.
C'est un importantissime arrêt qu'a rendu la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 31 mars 2004 .
Rendu au visa de l'article 578 du Code civil, donc sur le fondement du droit des biens, la Cour, alors que les statuts
d'une commandite par actions accordaient le droit de vote, en cas de démembrement des actions, au nu-propriétaire,
dans toutes les assemblées tant ordinaires, qu'extraordinaires ou spéciales, dit « ayant retenu que la clause litigieuse,
en ne permettant pas à l'usufruitier de voter les décisions concernant les bénéfices, subordonnait à la seule volonté des
nus-propriétaires le droit d'user de la chose grevée d'usufruit et d'en percevoir les fruits, alors que l'article 578 du Code
civil attache à l'usufruit ces prérogatives essentielles », la cour a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision.
La décision fera date puisque c'est la première fois que la Cour de cassation aborde de façon frontale cette difficulté
récurrente du droit des sociétés, alors que chacun se souvient que, dans son arrêt de Gaste, la même chambre - il
s'agissait cette fois de la privation du droit de vote du nu-propriétaire - avait dit que, même privé du droit de vote, ce nupropriétaire ne pouvait être privé du droit de participer aux décisions collectives (Cass. com., 4 janvier 1994 ).
La Cour suprême a été saisie ensuite en 2005 d'un litige relatif à l'annulation de la clause des statuts d'une société
civile rédigée dans les termes suivants : "Lorsque les parts sociales font l'objet d'un usufruit, le droit de vote appartient à
l'usufruitier". Dans un arrêt du 22 février 2005, elle a considéré que l'annulation n'était pas justifiée ; elle s'est fondée
sur le motif suivant : "les statuts peuvent déroger à la règle selon laquelle si une part est grevée d'un usufruit, le droit de
vote appartient au nu-propriétaire, à condition qu'il ne soit pas dérogé au droit du nu-propriétaire de participer aux
décisions collectives".
Rappelons que l'article 1844 du Code civil, texte qui régit la matière, prévoit que tout associé a le droit de participer aux
décisions collectives (al. 1er). Puis il dispose que si une part est grevée d'usufruit, le droit de vote appartient au nupropriétaire, sauf pour les décisions concernant l'affectation des bénéfices où il est réservé à l'usufruitier (al. 3) mais
que les statuts peuvent déroger à cette disposition (al. 4) ; sur le terrain voisin des sociétés anonymes, et par renvoi des
sociétés en commandite par actions, l'article L 225-110, après avoir prévu que le droit de vote appartient à l'usufruitier
dans les assemblées générales ordinaires et au nu-propriétaire dans les assemblées générales extraordinaires,
http://www.patrimoinorama.com
Propulsé par Joomla!
Généré: 7 February, 2017, 20:34
Patrimoinorama
précise pareillement que les statuts peuvent déroger à cette disposition.
Par sa décision du 22 février 2005, la Cour de cassation confirme, en la précisant, la solution qu'elle avait déjà adoptée
par un arrêt du 4 janvier 1994 : les statuts peuvent valablement réserver au seul usufruitier le droit de vote pour toutes
les décisions collectives. Mais le nu-propriétaire, qui a la qualité d'associé, tient de l'article 1844 alinéa 1 le droit de
participer aux décisions collectives. Même s'il ne peut pas prendre part au vote, il doit être convoqué aux assemblées
générales au cours desquelles il doit pouvoir se faire entendre.
La Chambre commerciale a censuré un arrêt de la cour de Rennes qui avait annulé la disposition des statuts d'une
société civile qui prévoyait que « lorsque les parts sociales font l'objet d'un usufruit, le droit de vote appartient à
l'usufruitier » en énonçant « qu'en statuant ainsi alors que les statuts peuvent déroger à la règle selon laquelle si une part
est grevée d'un usufruit, le droit de vote appartient au nu-propriétaire, à condition qu'il ne soit pas dérogé au droit du nupropriétaire de participer aux décisions collectives, la cour d'appel a violé » l'article 1844, alinéas 1, 3 et 4 du Code civil.
En d'autres termes, le principe est que tout associé a le droit de participer aux décisions collectives (C. civ., art. 1844,
al. 1) et ce droit de participer emporte, normalement, le droit de voter (château d'Yquem). Toutefois, en cas de
démembrement, le droit de vote doit, du fait des alinéas 3 et 4, être distingué du droit de participer : vote celui à qui les
statuts confèrent ce droit (jurisprudence de Gaste et le présent arrêt), étant entendu que l'associé (nu-propriétaire ou
usufruitier) statutairement privé du droit de vote conserve son droit intangible de participer ; ce que nous a dit la
jurisprudence pour le nu-propriétaire, ce qu'il lui restera à dire pour l'usufruitier une fois reconnue sa qualité d'associé.
Reste que les articles 1844, al. 3 et 4 du Code civil et L. 225-110, al. 1 et 4, s'ils établissent une règle supplétive de
répartition des droits de vote entre usufruitiers et nus-propriétaires, ouvrent la voie à des dispositions statutaires
contraires, et que celles-ci sont quasi systématiques dans les grandes sociétés. Notamment donc les sociétés du CAC
40 confèrent quasiment toutes le droit de vote à l'usufruitier dans toutes les assemblées.
Or voici qu'après Cass. com., 22 févr. 2005, reprenant mot pour mot la jurisprudence de Gaste, la seconde chambre
civile de la Cour de cassation reprend à son tour la même solution dans un arrêt rendu après avis de la Chambre
commerciale (Cass. 2e civ., 13 juill. 2005, pourvoi n° 02-15904) : « La clause statutaire selon laquelle l'usufruitier
représente valablement le nu-propriétaire pour toutes les décisions sociales quel qu'en soit l'objet, si elle permet à
l'usufruitier d'exercer seul le droit de vote en application des dérogations autorisées sur ce point par l'article 1844,
alinéa 4, du Code civil, ne peut avoir pour effet de priver le nu-propriétaire du droit de participer aux décisions
collectives tel qu'il est prévu à l'alinéa 1er dudit article ».
Tout associé a le droit de participer aux décisions collectives (al. 1), ce droit emportant normalement celui de voter, ce
qu'a dit l'arrêt Château d'Yquem (Cass. com., 9 févr. 1999 ) .Le nu-propriétaire étant indubitablement associé, conserve
de droit de participer, c'est la jurisprudence de Gaste (Cass. com., 4 janv. 1994 ). Le nu-propriétaire doit donc, en tout
état de cause, être convoqué, peut participer, s'exprimer, ou encore se porter candidat à un mandat social.
La répétition de ce principe par la seconde chambre civile, après avis de la Chambre commerciale, et après l'arrêt de
celle-ci du 22 février, doit faire admettre que cette question est aujourd'hui définitivement entendue.
Reste la question du droit de vote...
Ces décisions appellent quelques remarques. Tout d'abord, dans une décision du 9 février 1999, la Cour de cassation
a posé en principe que "tout associé a le droit de participer aux décisions collectives et de voter et que les statuts ne
peuvent déroger à ces dispositions". On s'étonne de voir qu'un nu-propriétaire, associé incontestable, puisse être
écarté de l'exercice du vote, ce qu'affirme pourtant la Cour en 2005. Cet étonnement se renforce d'autant plus que
dans une décision du 31 mars 2004, la Cour suprême a précisément réservé le droit de vote à l'usufruitier, pour
l'affectation des bénéfices, en affirmant avec une particulière solennité qu'il ne peut en être privé par les statuts. Si
l'on comprend bien, l'usufruitier, qui est un associé bien incertain, est assuré de pouvoir voter, tandis que le nupropriétaire ne l'est pas, alors que son statut d'associé ne soulève aucune hésitation.
http://www.patrimoinorama.com
Propulsé par Joomla!
Généré: 7 February, 2017, 20:34
Patrimoinorama
La Cour cherche à appliquer à la question une réglementation qui ne lui est pas adéquate. D'abord, parce que les
prérogatives politiques ressortissent à la qualité d'associé, qui n'est pas objet de propriété. De ce fait, le
démembrement ne la concerne pas. D'ailleurs, l'organisation de l'usufruit par le Code civil vise à répartir les deniers entre
les parties au démembrement, et non à régler un tour de parole d'ordre politique. En fondant les solutions évoquées sur
le droit des biens, la Cour utilise une réglementation patrimoniale à des fins sociétaires. Ensuite, ce vice s'aggrave de ce
que le droit des sociétés place en porte-à-faux les relations entre l'usufruitier et le nu-propriétaire. La réglementation de
l'usufruit est construite sur un affrontement entre ces deux parties ; or, en matière de société, la décision collective vient
rompre ce tête-à-tête, et abolit ainsi la cohérence des règles du Code.
L'usufruit des droits sociaux est trop spécifique pour subir une réglementation par référence, qu'on est obligé
d'adapter par la force. Il appelle une construction sur mesure, fondée sur son objet propre.
http://www.patrimoinorama.com
Propulsé par Joomla!
Généré: 7 February, 2017, 20:34