Le cinéma, par Jean-Louis Bory
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Le cinéma, par Jean-Louis Bory
D. R. Le cinéma, par Jean-Louis Bory Casino Royale", c'est Hellapoppin 67 une dii)ine surprise. L'EXTRAVAGANT DOCTEUR DOLITTLE par R. Fleischer Le Paris (359.53.99). CASINO ROYALE par John Huston Studio Marigny (225.20.74). J'ai joué le jeu selon. k Les lanceurs (peut être devrais-je dire « promoteurs» ?) du e Docteur DoLittle » on'. eu l'excellënte idée de présenter letir docteur dans une des plus grandes salles dé Paris aux élè-. -.yes les phis méritants des écoles primaires. Ils m'invitèrent. Je me ruai. Je ne pouvais imaginer conditions plus favorables pour recevoir le Dolittlè en question. Je me retrouvai donc tin jeudi matin de ces vacances d'hiver au milieu d'un océan de mômes. Le Gaumont-Palace en était plein; et , Gaumont-Palace donne dans le genie cathédrale. De quoi j'avais air ? Extérieurement : d'un _ pion un peu fané ou d'Un « insti » qui aurait beaucoup servi. Mais c'est l'intérieur- qui compte intérieurement, j'ai tout de suite eu douze ans. J'étais entre une brunette qui sera bigrement jolie dans un lustre et un blondinet qui, par un miracle d'artifice, avait - r - - réussi avec ses cheveùx à se faire des côtelettes romantiques à la Hallyday. ,Ça m'a paru calé : il avait dix ans. Donc j'étais aux anges parmi les anges. Ces messieurs du film avaient eu le nez creux, j'étais prêt à trouver « Dolittle » génie. Et soudain ce fut la catastrophe. Sur la scène apparut Guy Lux. Horreur : Guy Lux, à des énfants, pour Noël ! Les chérubins méritants ne méritaient pas ça. Du coup je rePage 38 3 janvier 1968 : trouvai mes quarante ans et le pouce, en retrouvant la médiocrité sotte des adultes, leur gros sabots et leurs guili-guili nauséeux' ! comme j'aurais voulu que, pour répondre comme il convenait à Guy Lux, le Gaumont-Palace soit soudain bondé de Zazies en rupture de métro. Il fallut jouer, hélas ! Des caméras enregistraient « la joie des bambins ». Il fallait bien fout de même que les écoliers méritants servent à la publicité de Fox et Lux. Guy Lux : On dit des larmes de... La salle : crocodile ! Guy Lux : On dit myope une... La salle : L'eocargot rooe J'espérais le moment où, la comparaison glissant du zoologique au cosmique, Guy Lux remplacerait la lune. C'était trop attendre. A la fin de son boniment de démonstrateur pour machines à laver, Guy Lux, au sommet de son inspiration, métamorphosant le. Gaumont-Palace en Jeu de Paume de la S.P.D.A., fit prêter à la salle le serment de ne pas, pendant lesyacances, faire de bobo aux animaux — comme si, le 5 janvier, on allait pouvoir étrangler les mésanges. Le charme était rompu, la magie de Noël insultée par l'inlassable bêtise. Le film ne l'a guère rétabli, ce charme, ni ressuscitée, cette magie. Impossible de retrouver mes douze ans. Je me suis pourtant appliqué. Dolittle, dans la mythologie de l'enfance anglaise, occupe une place , URSULA ANDRESS Tous les espions du inonde n'ont qu à se rhabiller aussi importante qu'Alice au Pays des Merveilles. Mais alors que les petits Français, suçant le cartésianisme avec le lait, renâclent devant la féerie et l'humour propres à Lewis Carroll, la gentillesse sucrotée de Dolittle et son humour conventionnel devraient leur être directement accessibles. Rien de plus attendrissant que cette philosophie qui consiste, par un manichéisme simplet, à opposer la bonté des bêtes à la vilenie des humains. Ni de plus touchant que l'aventure de ce docteur qui, fatigué de soigner des gens insupportables, décide de se dévouer à la santé des animaux dont il apprend les langues, tutoyant en tigre ou pleurant en chimpanzé, et s'em- barque un jour, comme l'autre après sa baleine blanche, pour quêter l'escargot rose des mers. Par ailleurs, rien de plus anglais que ce manichéisme : on songe à ces lecteurs du « Times » qui bombardent la rédaction de lettres indignées parce que la municipalité de X ou Y ne nettoie phis les abreuvoirs pour chiens, ou qui subventionnent une maison de repos pour chevaux (« horse home for rest »), et qui considéraient avec un flegme très britannique la famine aux Indes ou les massacres de Zoulous par les armées de Sa Gracieuse Majesté. Donc Dolittle bavarde et vit avec les animaux, ausculte des ménageries