Le classicisme en peinture / Généralités
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Le classicisme en peinture / Généralités
Le classicisme en peinture / Généralités Naissance d’une notion Le terme « classique » apparaît à la Renaissance et désigne, par opposition à l’art gothique, une esthétique définie d'après le modèle antique gréco-romain. A la fin du XIXe siècle, ce sont les historiens de l'Art qui donnent son sens actuel à la notion de « classicisme » pour définir ce courant qui s'est développé à partir de la fin du cinquecento dans les arts plastiques, l'architecture, la littérature et la philosophie, et pour l’opposer au « baroque ». En fait, l’art classique du XVIIe siècle se place dans la continuité de l’art de la Renaissance. Ses maîtres mots sont toujours la recherche de l’harmonie mathématique, du style antique, de l’observation de la nature, de l’art de la perspective, du modelé et de l'anatomie. Néanmoins, en réaction au baroque, autre style issu de la Renaissance, les artistes mettent au premier plan de leur idéal de beauté, l’ordre et la symétrie. Développée en France sous les ministères de Richelieu (1624-1642) et de Mazarin (1642-1661), l’esthétique classique atteint son apogée sous le règne de Louis XIV dont elle servira l’image de puissance et d’autorité. Statut du peintre au XVIIe siècle : La peinture classique Elle développe des sujets nobles – à la gloire de l'action humaine, issus de la mythologie grecque, de la Bible ou de la poésie bucolique latine. Ces sujets qui exaltent les sentiments (Jugement de Salomon, Mas-sacre des Innocents par exemple) font appel à une figuration dominée par une gestuelle savamment organisée, par l'expressivité des visages et par la mise en place de paysages historiques composés avec rigueur. Ponctué de constructions ou de ruines antiques, organisé selon les règles de la perspective, le paysage sert de décor aux scènes pastorales, aux thèmes historiques ou mythologiques et exprime la force immuable de la nature face à la fragilité des destinées humaines, illustrée notamment par les peintures de « vanités ». C’est à partir du XVIIe siècle que l'artiste cesse d'être considéré comme un « technicien » du pinceau, chargé de transmettre le savoir-faire ancestral hérité du maître, plus ou moins asservi à la volonté des princes ou des prélats. La peinture devient un art libéral. Les figures imposantes telles que Rubens, Vélasquez ou Le Brun semblent traiter d'égal à égal avec les grands. Le monde de l'art et le pouvoir politique se reconnaissent mutuellement. Les Académies, inspirées de l'Académie de Platon et dont certaines ont perduré jusqu'à nos jours, 1 comme l'Académie française, l’Académie des inscriptions et belles-lettres ou encore l'Académie des sciences , jouèrent un rôle essentiel dans cette transformation, en propageant un enseignement qui s’appuie sur des règles spécifiques. Ainsi, Le Brun, soucieux de libérer les artistes des contraintes imposées par les corporations, propose à Louis XIV de créer l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1648. L'apprentissage : Cependant, avant d'accéder au statut d’artiste reconnu, l'aspirant doit passer par un rude apprentissage. A douze ou treize ans l'apprenti prépare les supports et broie les pigments. Son appréhension du dessin passe 2 par la copie des dessins de maîtres , puis l'étude de moulages et l'observation de la nature, avant d'imager des compositions personnelles. Lorsqu'il prend le pinceau, c'est parfois pour traiter un élément particulier du tableau du maître, le plus souvent paysages ou animaux. Ainsi la plupart des oeuvres de cette époque ne sont pas uniquement de la main du maître et un peintre comme Rembrandt par exemple a pu avoir plus de 50 élèves ou assistants dans son atelier. Les assistants interviennent souvent en tant que spécialistes. Mais c'est toujours le maître qui donne la touche finale. Les corporations : Pour accéder au statut de maître, il faut avoir réalisé un chef-d’œuvre. Sans ce titre, il est interdit de vendre sa peinture. Des amendes, voire la prison sanctionnent tout contrevenant. Seules les corporations donnent cette habilitation, moyennant taxes et cotisations. Ce système de monopole ne favorise guère les talents qui ne sont pas issus de familles d'artistes et c'est donc souvent de père en fils que le métier se transmet la plupart du temps. L’Académie royale de peinture tente de briser cet état de fait en instituant des concours et en distribuant des bourses. Quant aux peintres du roi, ils disposent souvent d'un logement et reçoivent une pension. Le voyage à Rome, à cause du prestige de son passé culturel - vestiges antiques, grands maîtres de la Renaissance - est presque un passage obligé dans la carrière d’un jeune peintre débutant. Nicolas Poussin ira à Rome pour achever sa formation mais aussi pour travailler dans de bonnes conditions. 1 Cf.!Diane, Desazars, L’Institut de France, Collection du citoyen, Nouvelle Arche de Noé Editions, Paris, 2000. Cf. Arcadie du Nord , catalogue de l’exposition de dessins hollandais des XVIIe et XVIIIe siècles (musée Condé, septembre 2001-janvier 2002), Paris, 2001 . 2 Service éducatif , Musée Condé, juin 2002 Le classicisme en peinture / Nicolas Poussin (1595-1665) Poussin est l'un des principaux fondateurs de la peinture classique française du XVIIe siècle. Son œuvre, illustrant les principes classiques de la logique, de l'ordre et de la clarté, a influencé l'évolution de l'art français jusqu'à nos jours. Sa formation Ce peintre français est né en 1594 près des Andelys, en Normandie. Rien ne le destine à la carrière de peintre car son père, un notable, qui avait combattu dans les rangs du roi de Navarre, le futur Henri IV, aurait souhaité que son fils fût magistrat. Mais les dons précoces de Nicolas et sa ferme détermination le conduisent à fuir la demeure familiale pour aller faire son apprentissage à Rouen. A dix-huit ans, il se rend à Paris et se forme auprès de grands maîtres. Il étudie l’anatomie et la perspective. Il exécute quelques commandes qui dénotent une familiarité avec l’école de Fontainebleau. En 1615, à 21 ans, il gagne déjà sa vie avec ses tableaux. En 1624, il parvient à réaliser le rêve de tout peintre de son temps : se rendre en Italie, patrie des arts. Cela, grâce à un amateur éclairé, le Cavalier Marin qui lui passe aussi de nombreuses commandes sur des sujets mythologiques (Les métamorphoses d’Ovide, Adonis). Il le :recommande au neveu du pape Urbain VIII, le cardinal Barberini, puissant mécène. Autoportrait, 1650,Musée du Louvre, Paris. Installé à Rome, Poussin peint beaucoup : peinture religieuse, mythologique, paysages, nus. Il connaît rapidement le succès et son talent est immédiatement reconnu par les plus grands comme le Bernin. Il est élu membre de la fameuse Académie de saint Luc. La consécration Quand il peint Le massacre des Innocents, (non daté avec exactitude), Poussin a entre 25 et 30 ans. Il est en pleine possession de ses moyens et a terminé sa formation. C’est avec ce tableau que son style s’imposera à Rome auprès du public cultivé, très exigeant. Le massacre des Innocents, h uile sur toile, 147 x 171 cm, musée Condé, Chantilly Sa notoriété grandit à tel point qu'en 1640 il est invité par Richelieu et Louis XIII à Fontainebleau où il est nommé premier peintre ordinaire du Roi et directeur général de tous les travaux de peinture et de décoration pour les demeures royales. Mais Poussin, qui n'est pas un ambitieux et qui s'accommode mal de l'esprit de cour, préfère retourner à Rome où il restera jusqu'à la fin de sa vie, même si, à la mort de ses protecteurs, ses conditions d'existence deviennent plus difficiles. Il prend la décision de ne plus accepter les grands travaux d'église et réalise essentiellement des tableaux de chevalet pour des mécènes éclairés. Il s'éteint le 19 novembre 1665, alors qu'il vient de terminer Les quatre saisons et que ses mains ne parviennent plus à tenir les pinceaux. L’art du peintre selon Poussin Bien que Poussin n’ait pas érigé de théorie formelle du classicisme, ses contemporains, et notamment Charles Le Brun, premier peintre de l’Académie royale de peinture et de sculpture, voient en lui l’exemple le plus accompli de cet art. Une lettre écrite par Poussin peut nous éclairer sur sa conception de l’art du peintre. Recherche de la perfection et de l’équilibre La matière doit être prise noble, qui n’ait reçu aucune qualité de l’ouvrier. Pour donner lieu au peintre de montrer son esprit et industrie, il la faut rendre capable de recevoir la plus excellente forme. Il faut commencer par la disposition, puis par l’ornement, le décoré, la grâce, la vivacité, le costume, la vraisemblance et le jugement partout. Ces dernières parties sont du peintre et ne se peuvent apprendre. C’est le rameau d’or de Virgile que nul ne peut trouver ni cueillir s’il n’est conduit par la fatalité. Extrait d’une lettre de Nicolas Poussin adressée le er 1 mars 1665 à M. de Chambray Expression vive des passions mais maîtrisée par la raison (« le jugement partout ») La mise en scène des sujets obéit à des principes Le souci de rationalité dans le travail de Poussin ne classiques d'ordre et d'harmonie que résume la l’empêche pas de faire de l'émotion une de ses formule de Plotin : « La beauté réside dans l'accord et priorités. On peut ainsi comparer le « classicisme » la proportion des parties entre elles et avec le tout ». Service éducatif , Musée Condé, juin 2002 du peintre à celui de Racine dans le domaine littéraire. L’émotion est présente mais elle est dominée, comme le montrera l’étude du Massacre des Innocents. Le classicisme en peinture / Nicolas Poussin (1595-1665) Antériorité de la composition (dispositio / « disposition ») sur les effets décoratifs (ornatio / « ornement ») La qualité du dessin est l'élément déterminant pour satisfaire à ces exigences et Poussin s'attache à composer 1 de la manière la plus rigoureuse comme en témoignent ses études préparatoires qui expriment son souci constant et prioritaire de penser la géométrie secrète sur laquelle s'appuient les personnages ; ce qui a fait dire que le travail de ce peintre avait quelque chose d'intellectuel, d'aride même, et l'on eut tôt fait de lui opposer de grands coloristes comme Rubens par exemple. Pourtant, les tableaux de Poussin, admirateur inconditionnel de Titien, sont, en matière de couleur, d’une richesse et d’un raffinement coloré inouï. Au XVIIe siècle, en France, un débat oppose d’ailleurs les tenants du dessin à ceux de la couleur. Le Brun soutient la supériorité du dessin par rapport à la couleur, considérant que l'aspect séducteur de celle-ci, peut détourner de la vérité. Un autre théoricien, qui sera plus tard académicien, Roger de Piles, tentera, en 1673, de la réhabiliter en montrant que le dessin sans la couleur n'est qu'une grammaire indigente. Le grand coloriste qu’était Cézanne, Marcus Lüperz et Picasso admirent beaucoup Poussin pour l’importance qu’il donnait à la couleur. Référence à l’Antiquité L’enfance de Bacchus, non daté, huile sur toile, 134 x 168, musée Condé, Chantilly. Nécessité de l’inspiration (« ces dernières parties […] s’il n’est conduit par la fatalité »). Les sujets des tableaux de Poussin sont inspirés de l a Bible, de la mythologie antique et de la littérature bucolique. Si le choix de thèmes religieux est le plus souvent dicté par la volonté des commanditaires, Poussin sait les traiter de manière originale et inédite comme nous le verrons en étudiant le Massacre des Innocents. Ses oeuvres les plus personnelles traitent de sujets poétiques originaux tirés de l'antiquité – L e s Bergers d'Arcadie (1640), l'Inspiration du poète (1630), Echo et Narcisse (1630), Le Règne de Flora – ou du spectacle de la Nature – Paysage avec deux nymphes et un serpent (1659), Les Quatre saisons (après 1660), Paysage avec Orphée et Eurydice (1650). C'est, plus rarement l'histoire ou le patriotisme qui sont traités – L'Enlèvement des Sabines (1637), La peste d'Asdod (1630). Refus de l’excès et de l’invraisemblance En cela Poussin respecte la bienséance et l’idée selon laquelle l’art doit s’adresser à l’esprit et aux émotions plutôt qu’à l’œil, en représentant les situations humaines les plus nobles et les plus valeureuses d’une manière ordonnée. Paysage avec deux nymphes et un serpent , détail, non daté, huile sur toile, 118 x 179, musée Condé, Chantilly. Service éducatif , Musée Condé, juin 2002 Nicolas Poussin, Le massacre des Innocents (Huile sur toile, 147 x 171 cm, musée Condé, Chantilly) Exprimer et communiquer la douleur et la terreur Analyse du tableau : la représentation de la douleur • Les signifiants iconiques – éléments identifiables de l’image – et leur signification. Ce qui est vu L’interprétation possible Décor Colonne Temples Dallage Obélisque Ciel bleu Nuages Paysage en arrière-fond Antiquité Religion, noblesse Civilisation, ordre Orgueil Beauté, divinité Troubles, menaces (?) Indifférence de la nature Objets et vêtements Glaive Drapés, sandale Cape rouge de l’homme Violence, virilité Antiquité, noblesse Pouvoir royal (pourpre) Violence Robe jaune Robe bleue Linge blanc (langes) Sang versé L’homme (seul bourreau) Violence brutale, acharnement Personnages attitudes et expressions Deuil Innocence Les 4 femmes : La femme en rouge sein nu Effroi, supplication, maternité, faiblesse Désespoir, prière, folie, deuil Fuite, affolement Reproche, prise à témoin La femme en bleu cheveux défaits La femme de dos La femme de face Vulnérabilité, innocence Les victimes Le bébé du premier plan Le bébé de la femme en bleu Le bébé de la femme de dos Mort, abandon Vulnérabilité, tendresse du geste maternel Tendresse du geste maternel e Le 4 bébé Les fonctions du décor La métonymie Valeur symbolique. Poussin ne recherche pas à représenter une exactitude historique. Il utilise le décor romain en référence à la puissance politique d’Hérode qui tenait son pouvoir du Sénat romain. Elle consiste à représenter un groupe ou une action par un détail significatif. Ce procédé est d’une grande force expressive car il permet la lisibilité du tableau : la présence d’un seul bourreau représente toute l’armée des hommes de main du roi Hérode. La métonymie Une mère, quatre mères, toutes les mères Au premier plan, une mère retient l’attention du spectateur par l’intensité dramatique de la représentation. Puis le regard est attiré par les trois autres mères dont les figures occupent la profondeur du tableau. Les quatre mères à l’enfant représentent quatre attitudes différentes (le vain combat, la douleur folle, la fuite, le reproche). Ce sont plusieurs moments d’une même souffrance, vécue par toutes les mères auxquelles on arrache leur enfant. Le respect des codes classiques Insister sur la représentation de la cruauté et le pathétique des attitudes et des expressions. Mais le peintre refuse la représentation « vulgaire » de l’horreur. Le respect des bienséances classiques montre le souci d’éviter toute fascination pour le macabre et invite le spectateur à la pitié pour les victimes. Analyse du tableau : l’art du peintre Service éducatif , Musée Condé, juin 2002 Nicolas Poussin, Le massacre des Innocents (Huile sur toile, 147 x 171 cm, musée Condé, Chantilly) Exprimer et communiquer la douleur et la terreur Etude des stratégies picturales pour communiquer la douleur et la terreur. Le cadrage et l’angle de vue Les autres tableaux sur le sujet : cadres vastes, juxtaposition de nombreuses scènes cruelles, nombreux personnages. Marten Van CLEVE (1527 - 1581), Le massacre des Innocents. Huile sur panneau, 76,5 x 107 cm. Peter BRUEGEL L'Ancien, Le massacre des Innocents. Huile sur panneau, 116 x 160 cm. Peter BRUEGHEL le Jeune, Le massacre des Innocents. Huile sur panneau, 67 x 99 cm. Pour d'autres versions du sujet par Brueghel le jeune ou son atelier, voir G. Marlier : Pierre Brueghel le Jeune, Bruxelles, 1969, pp 333-341. Poussin cherche à rivaliser avec le célèbre tableau de Guido Reni où les personnages sont plus nombreux. Il choisit un cadre serré pour décupler l’émotion (plan moyen large) et une légère contre-plongée qui rapprochent le spectateur du sujet : il devient un témoin. Le décor, seulement suggéré, vient commenter l’action. Les personnages principaux, limités en nombre, semblent placés sur l’avant-scène d’un théâtre, ce qui donne sa force dramatique à l’œuvre. Peu de hors-champ = aucune issue sauf le ciel de l’angle supérieur droit vers lequel se dirigent les regards de la suppliante : l’espace est fermé, impossible de s’enfuir ! le spectateur est sommé de prendre parti, de s’engager. La profondeur La composition L’étagement des plans dans la profondeur est très marqué. La colonne et le temple empêchent la fuite du regard au-delà du drame présent. La seule issue vers une nature intacte et lointaine se situe entre la jambe du soldat et le corps nu de l’enfant. Mais c’est à cet endroit que Poussin place le regard de la quatrième mère, le regard de reproche qui prend le spectateur à témoin et lui interdit toute évasion. Composition construite selon des lignes convergeant sur le visage de la mère terrifiée et hurlante. Verticale de la colonne qui suit le regard du soldat et qui semble peser sur la tête de l’enfant. Verticale de l’obélisque qui semble peser sur la tête de la femme suppliante en robe jaune. La diagonale qui descend de la gauche vers la droite et sous laquelle ploie la suppliante en robe jaune. L’autre diagonale qui monte de la victime vers le regard implorant de la femme en bleu, dirigé vers le ciel. Les triangles que forment les jambes du soldat. Les lignes dynamiques opposées des bras de la femme en jaune et du soldat. Les couleurs Poussin utilise les trois couleurs primaires – bleu, rouge, jaune – dans une lumière violente, d’inspiration caravagesque, qui éclaire le corps de l’enfant, le visage et le corps de la mère en jaune ainsi que celui de la mère en bleu. Le visage du soldat reste plus dans l’ombre. Synthèse Tous ces éléments soulignent avec force la révolte contre la violence faite aux innocents sans défense. Pour convaincre, Poussin rapproche le spectateur de l’action, simplifie et dynamise le sujet en le structurant et en recourant à la métonymie. Cependant, comme dans la tragédie classique, Poussin médiatise la violence. La conviction classique est que, même face à l’horreur, il faut faire appel à la raison humaine pour la dénoncer. Service éducatif , Musée Condé, juin 2002 Le classicisme en peinture Nicolas Poussin, Le massacre des Innocents Pistes!: accompagnement fiche élève (CM2 - 6e) 1 2 5 3 4 Objectif : découverte des thèmes et des références de la peinture classique Objectif : découverte des notions d’espace, de profondeur et de perspective (les procédés de la perspective linéaire). Sensibilisation à la tridimensionnalité à l’aide du découpage et du collage. • Le chevauchement des formes : l’objet ou le personnage qui est en partie caché par un autre donne l’illusion d’être en arrière. • Le jeu sur la taille des objets ou des personnages. • La division en plans. Objectif : le rôle de la composition dans la communication des sentiments – découverte de la forme classique. 5 Objectif : découverte de l’harmonie classique des couleurs et de leur fonction symbolique. Le classicisme de Poussin se définit autant par le choix du sujet que par l’harmonie de la forme et des couleurs. Il organise son œuvre autour des trois couleurs primaires qui s’équilibrent : une couleur claire + deux couleurs foncées. La disposition des couleurs : • Les deux couleurs chaudes – rouge et jaune – rassemblent et opposent les deux personnages principaux comme leurs attitudes et l’expression de leur visage. • Le rouge du manteau du soldat connote le sang et la violence. A partir de là s’organisent les autres couleurs. • Le jaune renforce la mise en valeur du personnage central en contrastant avec les deux couleurs plus foncées. 6 Objectif : nommer les sentiments des personnages à partir de leurs attitudes et de l’expression de leur visage. 7 Objectif : découvrir le rôle du cadrage dans la mise en scène de la douleur et de la terreur. PISTES COMPLEMENTAIRES!: ATELIER Exprimer et communiquer des sentiments DE LECTURE ET D’ECRITURE (2d degré) Piste n°1 : Exprimer et communiquer la douleur et la terreur à travers l’écrit Problématique : Comment l’écrit peut-il rivaliser avec l’image dans ce domaine ? Groupement de textes tirés de la littérature antique : • Virgile, Enéide, II, vers 199 – 227 : La mort de Laocoon et de ses fils. (Epopée) • Euripide, Médée, vers 1137-1203 : Le récit de la mort de Créüse (Théâtre) Atelier d’écriture : écrire un texte exprimant la douleur et la terreur / raconter ce qui se passe dans la scène choisie par Poussin etc. Piste n° 2 : Exprimer et communiquer l’horreur / Exprimer et communiquer la sérénité Problématique : Expression hyperbolique et expression apaisée d’un événement terrible. Groupement de textes (poésie épique et poésie lyrique) : • Virgile, Enéide, II, vers 199-277 : La mort de Laocoon et de ses fils. • Arthur Rimbaud, Le Dormeur du val. Service éducatif , Musée Condé, juin 2002 La mort de Laocoon et de ses fils (Virgile, Enéide, II, 199 – 227) 1 5 10 15 Alors un autre spectacle, plus imposant et beaucoup plus terrible, s’offre à la vue des malheureux Troyens, et jette dans leurs cœurs un trouble imprévu. Laocoon, tiré au sort prêtre de Neptune, immolait un taureau puissant au pied des autels solennels. Or voilà que deux serpents, venus à travers les flots tranquilles de Ténédos – j’en frémis encore d’horreur – allongent sur la mer leurs immenses anneaux et s’avancent de front vers le rivage. Leurs poitrines se dressent au milieu des vagues, et leurs crêtes sanglantes dominent les ondes ; le reste de leurs corps effleure à la surface de la mer, et leurs croupes immenses se replient en spirale. On entend clapoter, écumante, l’onde amère. Déjà ils touchaient terre, et leurs yeux ardents, injectés de sang et de feu, léchaient leurs gueules sifflantes de leurs langues vibrantes. Nous fuyons à cette vue, glacés d’effroi. Eux, d’un élan sûr, vont droit à Laocoon ; et d’abord l’un et l’autre serpent, enlaçant les petits corps de ses deux fils, s’enroulent autour de leurs proies et déchirent de morsures leurs misérables membres. Puis, comme Laocoon volait à leur secours, les armes à la main, ils le saisissent lui-même et l’étreignent de leurs replis énormes ; tandis que par deux fois ils enlacent son corps par le milieu et enroulent autour de son cou leur croupe écailleuse, Laocoon s’efforce d’écarter leurs nœuds avec ses mains : leur bave et leur noir venin souillent ses cheveux et on entend le malheureux jeter vers le ciel des cris épouvantables. Enfin, les deux serpents s’enfuient en rampant vers les hauteurs du temple, gagnent la citadelle de Troie et se cachent aux pieds de la déesse Athéna, sous son bouclier. La mort de Créüse (Euripide, Médée, vers 1137-1203) 1 5 10 15 Médée Ne va pas trop vite, mon ami, prends ton temps. Comment sont-ils morts ? Tu me feras un immense plaisir s’ils ont péri atrocement. Le serviteur Tes enfants sont arrivés avec leur père. Nous étions contents de votre réconciliation. Nous embrassions les petits. Moi, j’étais si heureux que je les ai conduits jusque chez Créüse. Dès qu’elle vit les beaux tissus brodés, elle s’en revêtit et posa le bandeau d’or sur ses beaux cheveux bouclés, arrangeant sa coiffure devant un miroir brillant et souriant à son reflet. Puis elle parcourt la chambre, allant d’un pas de danse sur ses pieds nus, enchantée par les somptueux cadeaux. Mais sa vue tout à coup nous effraie. Elle bondit, elle tremble et s’évanouit. De sa bouche coule une écume blanche, ses yeux se révulsent. Une servante court prévenir Créon, son vieux père ; une autre va vers Jason, son nouveau mari. Le logis tout entier résonne de courses rapides et de cris. Et la pauvre princesse, avec un râle affreux, reprend conscience. Le bandeau d’or posé sur sa tête, lançait en flots prodigieux un feu dévorant et les voiles légers mordaient son doux corps. Elle veut fuir, se lève comme une torche brûlante et tire sur ses vêtements pour les arracher mais plus elle tire dessus, plus elle arrache sa chair. Elle tombe enfin sur le sol, vaincue. On ne distingue plus ses yeux, la forme de son front ni son beau visage. Du sommet de sa tête tombaient les gouttes d’un sang mêlé de feu. La chair coulait des os comme de la résine. Horrible vision. Nous avions tous trop peur pour toucher au cadavre. Le Dormeur du val (Arthur Rimbaud) 1 C’est un trou de verdure où chante une rivière Accrochant follement aux herbes des haillons D’argent, où le soleil de la montagne fière Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons. 5 Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue, Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue, Pâle dans son lit vert où la lumière pleut. Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme 10 Sourirait un enfant malade, il fait un somme. Nature ! berce-le chaudement : il a froid. Les parfums ne font pas frissonner sa narine. Il dort dans le soleil, la main sur la poitrine, Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit. Service éducatif , Musée Condé, juin 2002 Service éducatif , Musée Condé, juin 2002 Exprimer et communiquer des sentiments Nicolas Poussin, Le massacre des Innocents er PISTES COMPLEMENTAIRES!: ARTS PLASTIQUES (1 degré) Problématique : expression plastique des émotions Piste n°1 Emotions en autoportrait Matériel : photocopieuse, papier, papier calque, gouache. Descriptif : 1. Choisir un sentiment et le mimer de manière expressive en enclenchant la photocopieuse. 2. Superposer la feuille de papier calque sur la photocopie et reproduire l’expression du sentiment puis la transcrire sur une feuille de papier. 3. Mettre des couleurs sur le sentiment exprimé ( travail sur les couleurs primaires et complémentaires). Piste n°2 Peindre une émotion vécue Etude d’un groupement d’œuvres : Poussin, Le Massacre des innocents / Munch, Le cri / Picasso, Guernica (expression plastique des sentiments, cadrage, choix des couleurs et des formes). Matériel : pastels ou gouache, papier / collage etc. Descriptif : Essayer de se remémorer une émotion intense vécue et la situation dans laquelle elle a pris forme. Représenter cette situation : 1. en choisissant les couleurs qui correspondent à cette émotion (couleurs tristes, couleurs gaies) 2. en choisissant le type de tracé qui exprime l’émotion (ordonné ou tourbillonnant, large, rapide ou lent etc.) 3. en choisissant la disposition du dessin dans la page (travail sur le cadrage) 4. prolongements : faire deviner l’émotion exprimée aux autres élèves. Sous forme de collage : une photographie de soi, des éléments pris dans des magazines et correspondant à ce que chacun ressent. Choisir les couleurs de peinture appropriées pour accentuer ou transformer les éléments. Service éducatif , Musée Condé, juin 2002 Service éducatif , Musée Condé, juin 2002 Le classicisme en peinture Nicolas Poussin, Le massacre des Innocents ACCOMPAGNEMENT FICHE ELEVE!: ANNEXES Le massacre des Innocents est un thème souvent représenté par Peter Bruegel l'Ancien et ses épigones – ses enfants, mais aussi Van Cleve, Le Brun, Rubens, Guido Reni, Louis Finson, et Poussin. Comparaison avec Poussin : Van Cleve, Brueghel le Jeune ß œuvres liées à l’actualité : Allusion aux troubles religieux de la fin du XVIe siècle. Le massacre ordonné par Hérode à Bethléem et dans ses environs de tous les petits garçons âgés de deux ans ou moins est ici transposé dans un village flamand enneigé du XVIe siècle . Les soldats espagnols du duc d'Albe (celui-ci tenant l'étendard rose) furent envoyés par le roi d'Espagne Philippe II pour exterminer les protestants de la province des Pays-Bas. Les soldats arrivent dans le village et tuent impitoyablement tous les enfants. Des hommes et des femmes désespérés implorent en vain leur pitié. ß décor : Village flamand du XVIe siècle. Chaumières. Personnages saisis sur le vif et campés dans une attitude souple, possédant une forme typique et un visage bien individualisé, un peu rustique. ß cadrage et angle de vue : plan d’ensemble, foule grouillante peuple le premier plan. Marten Van Cleve : Ce peintre figure parmi les émules de Peter Bruegel l'Ancien, celui qui se rapproche le plus de ce grand maître de la peinture flamande de la Renaissance. En effet, son inspiration est très semblable, il traite des sujets similaires et ses compositions ainsi que l'allure générale du dessin prêtent parfois à confusion lorsqu'on examine une oeuvre de Van Cleve superficiellement. Le tableau figurant en annexe fut vendu à Drouot en 1995. C'est une réplique de Van Cleve d'après un original perdu. On notera la grande similitude entre la composition de Van Cleve et celle de Peter Breughel le jeune (annexe). Marten Van CLEVE (1527 - 1581), Le massacre des Innocents. Huile sur panneau. 76,5 x 107 cm. Peter BRUEGHEL le Jeune, Le massacre des Innocents, huile sur panneau. 67 x 99 cm Service éducatif , Musée Condé, juin 2002 Le classicisme en peinture Nicolas Poussin, Le massacre des Innocents ACCOMPAGNEMENT FICHE ELEVE!: ANNEXES Tableau de Cornelis Schut : On peut parler de connivence plutôt que d'influence ou même de citation entre Poussin et Schut. Ce tableau, comme celui de Poussin, provient vraisemblablement de la collection Giustiniani. Elle comportait environ 500 tableaux et témoignait d'une forte attirance pour Caravage et les caravagesques, mais aussi pour Carrache, Guido Reni et les Bolonais. Vincenzo Giustiniani était aussi le patron de Claude Lorrain et de Nicolas Poussin. ß Volonté de toucher le spectateur par son héroïsme violent et sa puissance expressive, son cadrage serré, son chromatisme sombre. On retrouve les trois couleurs primaires et le blanc mais noyés d’ombre. ß er Composition pyramidale avec mise en valeur au 1 plan du bourreau et de la victime. Mais présence d’un registre céleste alors que chez Poussin son absence est soulignée par le regard de la mère dirigé vers le ciel vide. L’émotion semble beaucoup mieux dominée chez Poussin, plus « classique ». Le tableau de Schut possède des résonances maniéristes. Cornelis Schut (Anvers, 1597-1655), Le massacre des Innocents Huile sur toile 3,24 x 2,32 m. Guido Reni, Le massacre des Innocents, Pinacothèque nationale, Bologne. Service éducatif , Musée Condé, juin 2002 Le classicisme en peinture Nicolas Poussin, Le massacre des Innocents ACCOMPAGNEMENT FICHE ELEVE!: ANNEXES Service éducatif , Musée Condé, juin 2002