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RACINES. Vivre entre Sèvre et Loire
Par Yvelise Richard
Jacques Couturier, “pyromagicien, jongle
avec ses feux de Bengale et ses fusées éblouissantes.
Jacques Couturier :
“l'apprivoiseur” de feu
Prométhée des temps modernes, Jacques Couturier
a dérobé le feu ! Ou plutôt les feux d'artifice, dont il s'est rendu maître
depuis 25 ans. Rencontre avec un “allumé” au parcours atypique !
F
arandoles, palmes d'argent, filaments saphir, comètes éblouissantes ou autres perles nacrées,
sont les noms poétiques dont sont baptisés de redoutables bâtons ou boules
de feux d'artifice. Et la liste est longue…
C'est avec un plaisir évident, et même
gourmand, que Jacques Couturier énumère ses instruments de travail ! “Le
peintre a ses tubes de peinture, le musicien ses notes. Moi, j'ai mes "fusées",”
résume celui qui joue au magicien des
lumières. Il jongle avec les feux de Bengale, dompte les bombes de poudre
éclatantes, fait rêver la foule avec ses
gerbes à paillettes multicolores.
Mais c'est au calme de la campagne de Saint-Florent-des-Bois, dans
son vaste bureau avec vue sur son
chêne bicentenaire et son étang apai-
sant qu’il prend le temps de créer ses
spectacles pyromélodiques (de feu et
de musique). Des mois avant le Jour
J, il compose, dans sa tête, sa symphonie de lumière aérienne, programmant les effets spéciaux
recherchés, toujours plus étonnants,
toujours plus féeriques. De la “scintillance” ici, du clignotant par là, de
la lumière traçante ailleurs. Pour
embraser le cœur de la nuit ou l'illuminer de projections d'images. Les
spectateurs ne s'y trompent pas : ces
mises en scène musicales des feux
d'artifice signées Jacques Couturier
sont synonymes de moment d'exception et de public halluciné. Et pas seulement pour les 14 juillet ! “Dans
notre activité de création, il n'y a plus
vraiment de haute saison. Au-delà des
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feux d'artifice traditionnels de l'été, nous
créons du rêve toute l'année. Au Brésil, ce fut pour le passage à l'an 2000;
en Chine, pour le Nouvel an chinois ;
à Monaco pour les Concours internationaux de feux d'artifice pyromélodiques…Nous avons aussi l’espoir
d’assurerle spectacle final du Sommet
de la Francophonie en octobre prochain à Kinshasa, au Congo, pour
lequel nous sommes en discussion.”
Une inconscience
tranquille
Artificier et artiste ! La double définition correspond bien à Jacques Couturier, l'homme qui a apprivoisé le feu.
La reproduction ou l'utilisation sous quelque forme que ce soit de nos articles informations et photos est interdite sans l'accord du magazine
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RACINES. Vivre entre Sèvre et Loire
À 65 ans, il en est à sa deuxième vie de l'esprit Couturier, ils reprendront le le monde très fermé des artificiers proprofessionnelle. La première s'étant flambeau, le jour encore non défini, fessionnels. “Avant on disait: "Joseph
Couturier ? Le fils de Jacques".
achevée en 1988, lorsque cet institu- où leur père sera disposé à le lâcher!!!
teur de la petite école de La Limouzi- David Couturier (le neveu) et Gene- Aujourd'hui, j'entends souvent: "Jacques
nière a quitté l'Éducation nationale. viève Couturier (l'épouse) complètent Couturier ? Le père de Joseph !"”
Le fiston marche dans les pas du
“À l'époque, on organisait les fêtes de ce tableau familial.
La transmission se fera en douceur, père. Avec sa toute première création
La Limouzinière, avec l'association scomais pas tout de suite. Seule- solo, La Petite Sirène, il a décroché en
laire. Les bénéfices ont
2007 le Premier prix du festival des
ment quand l'emportera la
financé des séjours à la
troisième vie de Jacques Cou- Cinq-Continents de Macao, puis celui
neige, à la mer, des classes
de Liu Yang (fief des feux d'artifice en
turier: celle de pêcheur piscidécouvertes et les dix ordiculteur. Après le feu, l'eau ! Chine). “Jojo et moi, on échange beaunateurs de la classe.”
Les gardons qu'il chouchoute coup, on se fait confiance. Chacun
Même s'il se plaît dans
assure sa partie ou compose son specdans ses bassins nourrissent
l'enseignement, une passion
Aujourd'
les carpes, truites ou brochets tacle, confie le père. Quand j'ai un
ancienne lui fait changer de
hui,
de son étang. Ils le ressour- projet en route, je lui montre souvent
cap au tournant de la quaj'entends
cent face aux pressions et res- ce qui est déjà avancé, on en discute.
rantaine : la pyrotechnie. “Je
souvent :
ponsabilités du métier. “J'aime Et inversement.” Au mur du bureau,
me suis dit que si je ne le fai“Jacques
l'odeur fade de l'étang, très tôt une photo révèle cette belle complisais pas à 40 ans, je ne le
Couturier ?
cité : Joseph et Jacques, en costume
le matin, avec les nombreux
ferais jamais !” Le temps de
Le père de
bruits qui sortent des eaux et et nœud pap' encadrent SAS le prince
monter sa société pyrotechJoseph !”
des roseaux.” Là, dès 5 h, il Albert II de Monaco et sa jeune épounique, Jacques Couturier
sée, Charlène Wittstock, en juillet
redevient le petit Bizut, qui faiOrganisation (JCO), et le
voilà installé à la Pépinière d'entre- sait du braconnage dans la cam- 2011. “Le prince avait tenu à lancer
prises à La Roche-sur-Yon, tout juste pagne, avec le père Chauvineau, dans lui-même en régie, le feu d'artifice
offert aux Monégasques pour son
ouverte. Au départ, la SARL est finan- son Poitou natal.
Mais pour le moment, le chef d'en- mariage. Après, il nous a proposé de
cée grâce aux apports des copains,
des parents d’élèves qui “étaient aussi treprise brûle encore du feu sacré, en poser pour cette photo en souvenir,”
fous que moi, aussi inconscients. Ils y s'accordant parfois le luxe de ne pas confie, encore ému, l'artificier.
Dernier détail, mais non le moindre:
ont cru au moment où ce n'était pas rester au bureau en permanence: “Être
gagné !” Alors il réinvente l'art de créer inutile, c'est un beau rêve pour un chef le destin de maître Jacques était sans
des tableaux avec ses feux et ses d’entreprise”, avoue-t-il. Le talent de doute écrit dans les étoiles, au jour de
fusées. Il le renouvelle avec un regard Joseph lui fait inscrire son prénom dans sa naissance, un certain 14 juillet !
neuf. Il écoute son instinct. Visant le
grandiose, la démesure parfois. D'aucuns diraient : “Il l'a fait, parce qu'il ne
savait pas que c'était impossible !” Le
premier à lui faire confiance, c'est
Michel Drucker en 1991, qui souhaite
Une fois la chorégraphie sonoreet lumineuse
conclure en beauté son dernier
conçue dans le cerveau du créateur, arrive enfin le grand
Champs-Élysées, en direct du Futusoir. La réussite dépend des moyens humains, matériels
roscope. Ce qui lui ouvre ensuite de
et techniques et de la préparation. Rien n'est improvisé,
nombreuses portes et alimente un cartout est sécurisé. Que ce soit pour la dernière création,
net d'adresses international : l'artiste
Le Petit Prince, qui a illuminé l'arche de la Défense à
n'en demande pas plus pour faire ses
Paris en septembre 2011, ou pour la clôture des festipreuves et décrocher des récompenses
vités du mariage du prince Albert II de Monaco, tout est
(lire encadré ci-contre). Depuis, JCO
paramétré avec une grande précision. Toute la logisa lancé une filiale, Planète Artifices –
tique est prise en charge par JCO. Structures en hauqui importe et vend des feux d'artifice.
teur, fixes ou mobiles, accueillant les feux et les fusées,
À Chaillé-sous-les-Ormeaux, la société
pontons flottants sur l'eau (rivière, mer), rien ne fait peur
est classée Seveso II (207 tonnes de
aux techniciens et aux artificiers.
matières explosives sont entreposées
Des efforts récompensés par des prix internationaux.
sur place).
Parmi les fiertés les plus récentes de notre “pyromagicien”, le Premier Prix de la
Avec 25 salariés permanents (et
grande finale des vainqueurs de Monaco en 2009 (qui rassemble les vainqueurs
280 saisonniers !), JCO est aujourd'hui
des cinq éditions précédentes), et en 2010, le Premier prix de Da Nang, au Vietune affaire de famille : tombés dans
nam. Ayant largement fait ses preuves dans les concours, l'entreprise propose
la marmite tout petits, les enfants Coudésormais des créations d'événements ou répond à des commandes (ou appels
turier, Soisik (36 ans) et Joseph (34
d'offres). Le Couturier qui fait du sur-mesure, en quelque sorte !
ans) ont rejoint l'entreprise. Imprégnés
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(Christophe Bouquin pour JCO)
Spectacles Couturier, du sur-mesure