condylome acumine et grossesse conduite a tenir a

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condylome acumine et grossesse conduite a tenir a
LETTRE A L'ÉDITEUR
CONDYLOME ACUMINE ET GROSSESSE
CONDUITE A TENIR A PROPOS D’UN CAS
DE CONDYLOME GÉANT OU TUMEUR
DE BUSCHKE-LOEWENSTEIN
XU. ZHENHUI*, G. BAKOUBOULA*, A.J.J. MABANZA*, Y. BITOKY*
RÉSUMÉ
Les condylomes acuminés, maladies sexuellement
transmissibles, peuvent poser des problèmes de prise
en charge thérapeutique.
Les auteurs rapportent un cas de condylome géant ou
tumeur de BUSCHKE-LOEWENSTEIN de localisation vulvo-périanale chez une adolescente de 15 ans
enceinte de 16 semaines.
La résection-électrocoagulation a été nécessaire du fait
de son gigantisme, de l’impotence fonctionnelle et du
risque d’obstacle praevia pendant l’accouchement.
Les résultats après cette cure chirurgicale ont été
satisfaisants, marqués par l’absence clinique de récidives pendant la grossesse et après l’accouchement.
anale, constituant une volumineuse masse de 20 cm x 5 cm,
multipapillomateuse, couvrant l’orifice vaginal (photo).
Photo
Mots-clés : Tumeur de BUSCHKE-LOEWENSTEIN,
résection-électrocoagulation, absence de récidives.
INTRODUCTION
Les condylomes sont des papillomatoses connues depuis
l’antiquité. Leur association avec la grossesse est souvent
observée et la conduite thérapeutique a souvent été l’abstention. Une forme monstrueuse et rare ou tumeur de
BUSCHKE-LOEWENSTEIN a suscité notre attention sur
le plan clinique morphologique et thérapeutique.
OBSERVATION
Mlle A... Prudence âgée de 15 ans, 2e geste nullipare,
enceinte de 16 semaines d’aménorrhée (SA) et 5 jours est
admise dans notre service pour condylome vulvaire géant
et douloureux avec impotence fonctionnelle à la marche.
La croissance des lésions s’est faite rapidement au bout
d’un mois à partir des lésions micropapulaires devenues
exophytiques et volumineuses. Elles siègent au niveau du
vestibule, des grandes et petites lèvres et de la région péri-
Les papillomes sont mollasses, séparés entre eux par des
sillons à fond sébacé et par endroits ulcérés. Leur diamètre
varie entre 2mm et 10 mm et l’ensemble de ces papillomes
présente un aspect de choux-fleur. L’impotence fonctionnelle à la marche, la douleur et la dysurie ont motivé l’hospitalisation. Dans le contexte de la grossesse, aucun traitement spécifique n’a été administré. L’évolution symptomatique sous antalgique anti-inflammatoire et antiseptique n’a
pas été favorable pendant 6 semaines. Une ablation chirurgicale par bistouri électrique (résection-électrocoagulation)
a été décidée, à défaut du laser CO2. L’exérèse est réalisée
le 31 Mai 1994 et a permis l’extraction de très nombreuses
végétations dont le poids total a été évalué à 320 grammes.
L’examen au spéculum, alors possible sous anesthésie
générale au cours de l’intervention a montré des parois
* Service de Gynécologie et Obstétrique (Dr. G. BAKOUBOULA) du
Centre Hospitalier de Talangaï B.P. 9133 à Brazzaville, Congo.
Médecine d'Afrique Noire : 1996, 43 (5)
XU. ZHENHUI, G. BAKOUBOULA, A.J.J. MABANZA, Y. BITOKY
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vaginales parsemées de lésions micropapulaires ne dépassant pas 1 mm de diamètre et un col cliniquement indemne.
Les micropapules n’ont pas été réséquées. L’examen anatomo-pathologique de la pièce opératoire a confirmé le
diagnostic de condylome. La cicatrisation sous antibiotique
et bétadine a été lente mais parfaitement obtenue au bout
de 2 semaines et aucune récidive n’a été observée. Les
autres MST n’ont pas pu toutes être recherchées, hormis
une candidose vaginale et une sérologie syphilitique négative. La grossesse a évolué normalement et l’accouchement par voie basse le 14 Septembre 1994 à 38 SA +
6 jours a permis la naissance d’un enfant de sexe masculin
pesant 3000 grammes. L’examen du nouveau-né n’a révélé
aucune atteinte générale ou laryngée. L’examen au 8e mois
après l’accouchement est normal aussi bien chez la mère
que chez l’enfant.
COMMENTAIRES
Le condylome acuminé ou crête de coq ou végétation
vénérienne est une MST par le papilloma-virus humain
(HPV). Les types 6 et 11 en sont généralement responsables et l’association avec le type 16 de potentiel oncogène est souvent rapportée (4, 8, 15). La fréquence de la
condy-lomatose chez la femme varie entre 1 et 3% (1, 3, 7)
avec une incidence maximale entre 20 et 30 ans, âges de la
plus grande activité sexuelle (2,6).
La grossesse du fait des modifications de l’immunité cellulaire (11) et peut-être de l’augmentation des récepteurs
d’oestrogènes (9) favorise l’apparition des condylomes et
leur croissance. Ils sont 3 fois plus fréquents qu’en dehors
de la grossesse (12,13). Ils se présentent en cette circonstance, essentiellement sous la forme acuminée, parfois
sessiles, souvent volumineux voire confluents et parfois
monstrueux réalisant comme dans notre cas la tumeur de
BUSCHKE-LOEWENSTEIN (5). Mais le papilloma-virus
peut se manifester discrètement sous la forme de condylomes plans-cervicaux. Ils sont alors dépistés par les frottis
cervico-vaginaux systématiques et la colposcopie réalisée
de façon systématique ou orientée chez des patientes présentant des lésions ano-vulvaires cliniquement évidentes.
50% de ces condylomes sont associés à des lésions dysplasiques. Les condylomes de la grossesse régressent le
plus souvent et disparaissent après l’accouchement (13) et
la grossesse n’aggrave pas les lésions dysplasiques même
sévères (2,8). La tumeur de BUSCHKE-LOEWENSTEIN,
forme géante de condylome pseudo-épithéliomateuse, sou-
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lève des discussions nosologiques ; elle est considérée
comme bénigne pour certains auteurs, à potentiel malin
local pour d’autres (15).
Chez les femmes l’absence de signes histologiques de
malignité a été soulignée par MATHIEU et Coll. (16) dans
trois observations bien documentées sur le plan anatomoclinique et virologique.
La papillomatose laryngée souvent redoutée du nouveau-né
ou de l’enfant atteint au passage de la filière génitale est
classique, mais rarissime. Sa fréquence est évaluée à 1/400
avec des estimations variant entre 1/30 et 1/500 (12, 14, 18).
Dans le traitement, les agents chimiques utilisés en dehors
de la grossesse (podophylline ou podophyllotoxine, 5 fluoro-uracile) à l’exception de l’acide trichloracétique sur des
petites surfaces (18) et de l’azote liquide (35), sont absolument contre-indiqués ; seuls les moyens physiques sont
utilisables. L’abstention thérapeutique est donc aussi prô-née
pour beaucoup d’auteurs, puisque les condylomes régressent
spontanément dans les suites de couches (10, 13, 18). C’est
aussi notre attitude dans la prise en charge des femmes
enceintes atteintes de papillomatose ; elle nous a permis au
cours de ces 4 dernières années, d’observer 9 cas qui ont
toutes accouché par voie basse à l’exception d’un avortement tardif à 20 SA. La disparition clinique spontanée des
lésions a été obtenue 2 à 3 mois après l’accouchement.
Dans le cas que nous rapportons, d’ailleurs pour cette raison, la résection-électrocoagulation a été nécessaire, la persistance de la douleur et l’impotence fonctionnelle, mais
aussi la prévention de la césarienne pour obstacle praevia
lors de l’accouchement ont été les éléments décisifs de l’indication. La cicatrisation, bien que lente, comparée aux
résultats de la vaporisation au laser CO2 (10,12) a été
parfaite.
L’évolution a été surtout marquée par l’absence de récidives pendant la grossesse et après l’accouchement.
CONCLUSION
Les condylomes acuminés sont des situations souvent rencontrées pendant la grossesse. Leur prise en charge précoce avec surveillance régulière permet d’éviter une césarienne pour obstacle praevia dans les formes monstrueuses.
La résection-électrocoagulation, à défaut du laser CO2 est
alors une alternative efficace dans le traitement chirurgical.
CONDYLOME ACUMINÉ…
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