Déchets hospitaliers

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Déchets hospitaliers
Pratique Soins
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Déchets hospitaliers (Maroc)
Une étude pour améliorer les pratiques
Les déchets hospitaliers représentent une grande menace pour la santé en milieu intra- et extra-hospitalier et
une source de nuisance et de pollution de l’environnement, notamment par la contamination des sols et des
ressources hydriques, comme ils peuvent être la cause
d’infections nosocomiales. Résumé d’une étude faite au
CHU Ibn Sina-Rabat (Maroc).
P
lusieurs questions relatives
à la gestion et au traitement
des déchets hospitaliers au
Maroc se posent : toutes les mesures prises à cet effet, sont-elles
réellement respectées dans le pays ?
Les hôpitaux disposent-ils des
moyens nécessaires pour trier, évacuer et traiter les déchets hospitaliers ? Ce problème surgit dans la
majorité des établissements sanitaires du Maroc (périmètre des hôpitaux jonché de toutes sortes de
déchets, stratégies d’action inopérationnelles, défaillantes voire absentes). Le
CHU Ibn Sina-Rabat est l’un des
grands producteurs de déchets
solides au Maroc.
Quels déchets ?
Le terme “déchet hospitalier”
désigne l’ensemble des déchets
générés par le fonctionnement d’un
établissement hospitalier tant au
niveau de ses services d’hospitalisation et de soins qu’au niveau des
services techniques, médico-techniques, administratifs et de ses dépendances (Binder P., 1991 ; Calay R.,
1990 ; Chasles-Rozan M., 1994). Ils
sont à différencier des déchets d’activités de soins qui sont définis
comme étant les déchets issus des
activités de diagnostic, de suivi et de
traitement préventif, curatif ou palliatif, dans les domaines de la médecine humaine et vétérinaire.
Les déchets issus des activités d’enseignement, de recherche et de
production industrielle dans les
domaines de la médecine humaine
et vétérinaire, ainsi que ceux issus
des activités de thanatopraxie, sont
assimilés aux déchets d’activités de
soins. La quantité des déchets hospitaliers est exprimée en kg/lit/jour.
L’expression du tonnage spécifique
en fonction du nombre de lits peut
cacher plusieurs biais :
- nombre de lits disponibles et taux
d’occupation par les patients ;
- nombre d’employés et d’étudiants
dans les hôpitaux universitaires ;
- nombre de consultations pour des
patients externes qui ne séjournent
pas dans l’établissement (examens,
consultations, traitements ambulatoires).
Les risques
Les déchets hospitaliers, de par leur
nature, peuvent être à l’origine de
différents risques à chaque étape
de leur élimination, de la production au traitement final. Ces risques
se situent aussi bien à l’intérieur
qu’à l’extérieur de l’hôpital.
Non seulement les déchets hospitaliers sont une agression directe
de l’environnement, mais ils sont
extrêmement néfastes pour la
santé de la population.
Les risques liés aux déchets hospitaliers résultent de trois paramètres :
les caractères intrinsèques du déchet ; l’environnement dans lequel
se trouve le déchet (dans et en
dehors de l’hôpital) ; son système
de gestion.
Chaque étape de l’élimination est
capitale pour réduire le risque. Des
défaillances au niveau de l’une
d’entre elles peuvent remettre en
cause l’hygiène et la sécurité de
l’ensemble de la filière.
Une mauvaise gestion de tels
déchets peut entraîner des risques
dont on distingue :
– Le risque ressenti ou psychoémotionnel. Il traduit la crainte du
public ou des professionnels de
l’environnement lorsqu’ils reconnaissent des déchets d’activités de
soins. Ne connaissant pas leur origine, ils sont en droit de suspecter
qu’ils présentent un risque pour
eux ou pour l’environnement.
D’autres risques ressentis sont liés
aux modes des traitements des
déchets d’activités de soins. Le sentiment d’un risque de nuisances
potentielles ou de nocivité est d’autant plus important que la personne
est proche de ces installations.
– Le risque traumatique. Après
une effraction cutanéo-muqueuse,
chez un homme immunocompétent, une centaine de particules
infectantes sont nécessaires pour
transmettre le sida, mais il suffit
d’un peu moins de 10-8 millilitres
de sérum pour transmettre l’hépatite B. Ces doses sont sûrement
plus basses pour des patients fragiles, voire certains personnels, particulièrement réceptifs, qui vont
développer une infection à la suite
d’une contamination. Après exposition percutanée à du sang infecté,
le risque moyen de séroconversion
au VIH pour le personnel de santé
est de 0,32 % (0,18-0,45 %) (Bouvet E. et Taran tola A., 1998). Après
piqûre transcutanée, la probabilité
d’infection pour le virus de l’hépatite B est de 30 %, pour le virus de
l’hépatite C, le risque de transmission est de 2,1 % (1,2-3,4 %)
(Squinazi F., 1998).
On estime que, dans le monde,
une grande partie de ces infections
pourrait être évitée si les seringues
étaient éliminées de manière sûre.
– Le risque infectieux. Le véritable
risque infectieux est constitué par la
présence simultanée de germes
pathogènes et d’éléments susceptibles de leur créer une porte d’entrée. En effet, la notion de déchet
contaminé est insuffisante car la
contamination est synonyme de la
Infos
...
Le traitement des
déchets au Maroc
La part des ordures
ménagères sur
l’ensemble des
déchets solides
hospitaliers est
de 60 à 80 % par
rapport à l’Europe. La
composante en
verrerie reste
importante ;
les emballages
en carton sont
en grande partie
réutilisés ; les objets
à usage unique
sont utilisés
en faible quantité
et les produits
non tissés sont
exceptionnellement
employés.
(Direction des hôpitaux et des soins
ambulatoires 1996;
MS/DHSA/SPAH/ATEL
DHN21999)
Professions Santé Infirmier Infirmière N° 57 • août-septembre 2004
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Pratique Soins
Focus
...
Comment gérer le
risque au Maroc ?
Gérer le risque lié
aux déchets
hospitaliers,
c’est agir pour réduire
la fréquence
et la gravité
des infections.
Le risque zéro
n’existant pas,
le risque résiduel doit
être acceptable
en terme de fréquence
et de gravité.
Le respect
de l’environnement
ne pourra à lui seul
suffire à préserver
notre avenir commun ;
on ne gagnera
jamais la bataille
pour la survie future
si on n’y ajoute pas
celle de la lutte
contre la pauvreté.
De ce fait, l’éveil
de la conscience est
un facteur primordial
du changement.
présence de micro-organismes
mais n’implique pas forcément de
risque particulier (Vassal S., 1994).
Les autres risques infectieux potentiels sont notamment la propagation
à l’extérieur de micro-organismes,
parfois résistants, présents dans les
établissements de soins. Il s’agit des
bactéries (bacille tuberculeux, staphylocoques aureus, pseudomonas
aeruginosa et bacilles gram négatif),
des virus (virus des hépatites, virus
VIH et les entérovirus) et de certains parasites et champignons. Les
circonstances d’exposition à ces
micro-organismes sont la formation
d’un aérosol microbien ou un
contact cutanéo-muqueux en cas
de manipulation des déchets sans
précautions particulières.
– Le risque radioactif. La nocivité
des déchets radioactifs nécessite de
bien les identifier dès l’utilisation des
radio-éléments dans l’établissement.
Parfois, le grand public est exposé à
des déchets radioactifs provenant
généralement de la radiothérapie.
Cependant au moins un cas d’accident grave de ce type est recensé
chaque année dans le monde
(Angotti B., 1999). Il est important
de différencier les radio-éléments
dont la période physique est longue
(supérieure à 71 jours) et qui sont
pris en charge par une institution
responsable de la gestion des
déchets radioactifs (Agence nationale pour la gestion des déchets
radioactifs - ANDRA), et ceux dont la
période physique est courte (entre
6 et 71 jours) et seront entreposés
de 1 à 2 ans, ou très courte (inférieure à 6 jours) et qui seront stockés 2 mois (Centre national de radioprotection. 1997). À l’issue de ce
délai, ces deux derniers types de
déchets peuvent être évacués une fois
le niveau de radioactivité conforme aux
normes suivantes : déchets solides
[< 74 KBq/kg (2 µci/kg)] ; déchets
liquides [< 7 Bq/l (189 pci/l)] ; déchets
gazeux [< 4 Bq/m3 (108 pci/m3)].
– Le risque toxique. Les déchets
chimiques renferment tout produit
chimique utilisé lors d’activités de
soins (réactifs, solvants, bases,
acides, amalgames dentaires...). Les
molécules chimiques ne sont pas
Professions Santé Infirmier Infirmière N° 57 • août-septembre 2004
instantanément dégradables, voire
non dégradables (métaux lourds) ;
elles demeurent longtemps dans
les déchets solides ou dans les
effluents liquides et peuvent s’accumuler dans le milieu environnant
(Squinazi F., 1998).
L’exposition se fait selon deux
modalités : l’inhalation et le contact
cutanéo-muqueux avec un produit
caustique ou volatile (Squinazi F.,
1998) occasionnant des lésions
plus ou moins graves selon le type
de produit et l’organe affecté
– Le risque contentieux. S’intéresser aux risques contentieux des
déchets infectieux, c’est examiner
nécessairement le contentieux de
la réparation, d’une part, et le
contentieux de la répression, d’autre part. Ainsi, il importe d’examiner
dans quelles conditions, l’établissement de santé, ainsi que les différents personnels hospitaliers, peuvent être tenus à réparer un
dommage résultant d’un déchet
infectieux.
– Les infections nosocomiales.
Les risques d’infections nosocomiales sont très grands, surtout
dans les services de réanimation.
La cause principale étant essentiellement une mauvaise hygiène
générale, un mauvais lavage des
mains, des fautes d’asepsie mais
également une mauvaise gestion
des déchets hospitaliers qui entraîne la formation d’un aérosol
microbien. Les bactéries les plus
souvent isolées sont les bacilles
Gram négatifs (53 %) et les cocciGram positifs (33 %) (Astagneau P.,
1998). Certaines de ces bactéries
posent avant tout le problème de
multirésistance aux antibiotiques,
en particulier Staphylococcus aureus résistant à la méticilline qui est
isolé chez environ un malade sur
200 en France (Lucet J.C., 1998 ;
Astagneau P., 1998).
– Le risque environnemental. À
long terme ce risque devient un
problème de santé publique. Les
déchets hospitaliers qui posent de
nombreux problèmes résultent de
la manipulation sans précautions
de ces déchets. Le risque environnemental lié à ce type de déchets
est aggravé lors de l’évacuation de
ces déchets avec les ordures ménagères dans des décharges sauvages
non contrôlées sur la voie publique,
les terrains vagues, les forêts, les
roches qui longent la côte, etc., et
aussi lors de leur incinération
défectueuse. Il en résulte : la dégradation de l’esthétique ; l’émission
de gaz et le risque d’incendie ; la
prolifération des rongeurs et des
insectes ; la dégradation des sols ;
la pollution des eaux ; la pollution
atmosphérique.
Au Maroc…
La problématique des déchets hospitaliers au Maroc, n’est pas nouvelle. Conscient de la nécessité et
de l’obligation d’une meilleure gestion des déchets hospitaliers, le
ministère de la Santé a déjà engagé
dès 1984 plusieurs actions de prospections et de consultations. La part
des ordures ménagères sur l’ensemble des déchets solides hospitaliers est importante par rapport à
l’Europe. Le tri des déchets est
quasi absent. Le personnel soignant
ne procède pas à une séparation
des déchets médicaux et des
déchets assimilables aux ordures
ménagères. Parfois, les déchets sont
mis dans les poubelles sans conditionnement. Les objets piquants et
coupants sont conditionnés dans
des flacons vides de sérum avec de
l’eau de javel. Dans la plupart des
cas ces flacons sont remplis entièrement et placés directement dans
les sacs, ou laissés ouverts sur les
chariots de soins ou encore placés
sans conditionnement dans les
sacs, voire même sur le sol.
Les sacs plastiques qui servent à la
collecte et au stockage sont peu
résistants. Ils ne sont pas ficelés. La
collecte des déchets médicaux et
des déchets assimilables aux
ordures ménagères s’effectue
simultanément et non séparément.
Le nombre de poubelles reste insuffisant voire même absent. On peut
signaler aussi le manque d’affichage
d’alerte et de chariots de transport
des déchets. Les lieux d’entreposage sont souvent inappropriés et
non surveillés et le temps de dépôt
Pratique Soins
à l’air libre dépasse souvent les
normes requises (> 48 h). Il va sans
dire qu’il n’existe pas de circuit
réservé aux déchets et, dans la plupart des cas, c’est le transport toutvenant par la filière des ordures
ménagères des collectivités locales,
avec toute sa problématique, qui
prend en charge ces déchets.
L’incinération (sans trop d’assises
réglementaire et organisationnelle)
n’existe que dans un nombre restreint d’hôpitaux avec des capacités
de traitement souvent faibles. Il est
vrai que le degré d’humidité des
déchets hospitaliers au Maroc, très
important, nécessite beaucoup
d’énergie et un temps d’incinération plus long, d’où un plus haut
risque de pollution. Certains hôpitaux sont dotés de procédés de
désinfection. Quant aux agents
chargés de la collecte et du transport des déchets, ils restent sans
protection (sans vaccination, gants
de protection, contrôle médical,
tenue de travail correcte, etc.)...
La gestion des déchets hospitaliers
n’est pas simple, sa difficulté est
liée non seulement à la grande
quantité de déchets produits et à
leur grande hétérogénéité mais
également à l’absence d’une ligne
budgétaire qui lui soit consacrée, au
manque d’information, de sensibilisation et de formation du personnel hospitalier et extra-hospitaliers.
L’hôpital Ibn Sina-Rabat
L’objectif de l’étude est d’améliorer
la gestion des déchets hospitaliers
au sein de l’hôpital en vue de promouvoir les actions d’hygiène aux
niveaux intra- et extra-hospitalier.
Plusieurs services représentatifs de
l’hôpital Ibn Sina-Rabat ont été retenus en tenant compte notamment
de la grande capacité litière, de la
mission du service, de la grande
quantité de déchets produits. Des
séances de formation et d’information ont été organisées obtenant
une écoute favorable si les conditions matérielles promises étaient
remplies. Le déroulement de l’opération s’exerce selon un certain processus formalisé par écrit. Cependant, les contraintes de l’étude se
heurtent à l’organisation globale
(tri, collecte, transport, horaire, etc.).
L’analyse bactériologique des lixiviats des déchets hospitaliers a été
effectuée afin de mieux identifier
les germes pathogènes hospitaliers
ainsi que leurs sensibilités et leurs
résistances aux antibiotiques. Les
résultats de cette analyse ont permis d’identifier des Staphylocoques
aureus résistants à la Pen G, à l’oxacilline, à la tobramycine et à la
pefloxacine et des Pseudomonas
aeruginosa résistants à la ticarcilline, à la ticarcilline + acide clavulanique, à la gentamicine et à la
netelmicine.
Autre axe d’étude : l’incinération au
niveau de l’incinérateur du CHU.
Pour collecter les informations
nécessaires, certaines démarches
ont été réalisées, c’est-à-dire l’observation directe, le suivi régulier
de l’incinération, des discussions
avec le personnel, l’exploitation des
données des bons d’incinération.
Cette étude a permis de déterminer un prix de revient de l’incinération ; tenant compte du coût
d’amortissement, du prix de fioul
consommé et du prix des sacs utilisés ; de 1,5 DH/kg. Ainsi, pour
résumer, l’étude reste un descriptif
qu’il faut compléter avec une étude
analytique comportant des analyses physico-chimiques sur les
machefers et les fumées d’incinération afin de déterminer leur pouvoir polluant et, par la suite, les
risques liés à l’incinération.
Une réforme indispensable
Au-delà des risques ponctuels, et
de la gravité des nuisances liées à
ces déchets, c’est la prise de
conscience et les responsabilités de
chacun qui doivent animer la
réforme. La responsabilité dans ce
domaine est partagée : elle implique les hôpitaux publics et privés, les collectivités locales, le
ministère de l’Environnement…
Dans ce cadre, l’initiative, la coordination et la polarisation des mesures les plus pertinentes doivent
être organisées, discutées et adoptées sous forme de lois et de textes
réglementaires. Il faut inciter le per-
sonnel hospitalier et le personnel
chargé de la gestion des déchets à
assumer leurs responsabilités face
à la mauvaise gestion des déchets
hospitaliers. Une telle incitation
exige que soit créé un corps pour la
gestion des déchets hospitaliers.
D’après les travaux de
M. Bahri*, R. Belkhadir**,
M. Benzakour***, l. idrissi****
“Cas de l’Hôpital Ibn Sina-Rabat :
les déchets solides hospitaliers
quantification, analyse
bactériologique et incinération”
* Étudiante chercheuse à l’école Mohammedia
des ingénieurs ; ** Professeur à l’école
Mohammedia des ingénieurs ; *** Professeur
à la Faculté des sciences, Rabat, Maroc.
**** Directeur de l’Institut national d’hygiène.
Problématique au Maroc
Le nombre de lits dans les hôpitaux marocains d’élève à 35 000,
dont environ 25 675 correspondent aux hôpitaux publiques ;
environ 9 325 pour le secteur
privé : 1 650 d’entre eux correspondent aux hôpitaux des
régions de Sous-Massa-Drâa,
Marrakech-Tensift, l’Oriental et
Tanger-Tétouan. 7 675 lits sont
répartis de la manière suivante
(Prognos 2000) : 1/3 dans la
Wilaya de Casablanca ; 1/3 dans
la région de Rabat-Salé-ZemmourZaer et 1/3 dans le reste du pays.
Production des déchets
1/ Secteur publique.
– Déchets ménagers et assimilables : 23 000 à 30 660 tonnes/
an.
– Déchets spécifiques : 5 616 à
9 828 tonnes/an.
– Déchets à risques : 983 à
3 276 tonnes/an.
– Déchets médicaux : 6 600 à
13 104 tonnes/an.
– CHU Ibn Sina-Rabat : moyenne
de 5 000 tonnes/an.
2/ Secteur privé.
– Industrie pharmaceutique :
500 tonnes/an.
– Cliniques privées de la Wilaya
du grand Casablanca : 300 tonnes/
an.
(Direction des Hôpitaux et des Soins
Ambulatoires. 2002)
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