La justice distributive dans la jurisprudence constitutionnelle. La

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La justice distributive dans la jurisprudence constitutionnelle. La
redéfinition) de la Constitution économique par le juge
constitutionnel ?
Par SERGIO GEROTTO
Professeur de Droit Public Comparé à l’Université de Padoue (Italie)
Introduction
La “Constitution économique” reflète une organisation économique de l’État, inspiré par un système
économique. Elle se compose d’un ensemble de règles qui contiennent les principes fondamentaux en matière de
régime social, de propriété et de politique économique.
Plus simplement, on pourrait dire que la notion de
Constitution économique se compose de deux volets principaux : l’ensemble des normes visant à réglementer la
production de richesse et l’ensemble des normes visant à réglementer sa distribution, ou, encore, sa redistribution.
A travers mon exposé, je procède à une analyse basée sur des arrêts ayant pour objet le contrôle des règles faisant
parti du deuxième ensemble. Un regard comparé nous donnera l’occasion de vérifier si les juges constitutionnels se
positionnent comme défenseurs du modèle distributif initialement posé par le Constituant, ou bien s’ils se
positionnent plutôt dans une approche évolutive.
L’analyse présentée, ici, peut être considérée comme le point de départ d’un travail plus approfondie, dont le but
sera de vérifier les tendances actuelles de la jurisprudence constitutionnelle dans les pays démocratiques
occidentaux, afin de répondre à la question posée, préalablement, c’est-à-dire celle de savoir si le juge
constitutionnel a le pouvoir de redéfinir la Constitution économique ?
Quelques remarques préalables sur la notion de Constitution économique et ses notions corolaires :
Constitution économique
Définir la Constitution économique est à la fois simple du point de vue de la théorie générale du droit, et à la fois
complexe du point de vue du droit positif, principalement car les Constituants ne définissent clairement leurs choix
en matière d’organisation économique de l’État que rarement. A ce propos, l’opinion dissidente du Juge Oliver
Wendell Holmes Jr. Dans l’affaire Lochner v. New York1 est célèbre. Contrairement à l’opinion de la majorité de la
Cour, le Juge Holmes affirme que « la Constitution is not intended to embody a particular economic theory, whether
of paternalism and the organic relation of the citizen to the state or of laissez faire ». Il est évident que dans l’affaire
Lochner une partie de la Cour – même si il ne s’agissait pas de la majorité – était convaincue de pouvoir interpréter
le XIV amendement de la Constitution de telle manière à en faire ressortir un certain type de modèle économique.
Le juge Holmes était, cependant, convaincu du contraire, et cela pour une raison très simple : les règles de la
1
Lochner v. New York, 198 U.S. 45 (1905).
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Constitution des Etats-Unis sont assez floues en ce qui concerne le choix du modèle économique. La conséquence
est facile à comprendre : quand les choix du Constituant ne sont pas clairement énnoncés la marge de manœuvre
(plus joliment « la marge d’appréciation ») du juge constitutionnel s’amplifie exponentiellement. La jurisprudence de
la cour Warren dans la période du New Deal en est la preuve vivante.
Justice fiscale (et distributive)
La deuxième notion à définir plus précisément est la plus important pour notre étude. Il s’agit de la notion de justice
distributive. Le problème, du moins l’un des problèmes, réside dans le fait qu’il s’agit d’une notion intrinsèquement
liée à la notion même de justice. Cette corrélation entre les deux notions est d’autant plus complexe dans l’État de
droit moderne où la justice et le droit ne sont pas toujours en adéquation. C’est pour cette raison que les juristes
expliquent la notion de justice distributive en se référant aux auteurs classiques, ceux qui ont défini la notion de
justice même. Aristote, par exemple2. Cependant ce qui est d’autant plus étonnant est le renvoi opéré par le juge
constitutionnel à ces auteurs. Ainsi, en 2007, par exemple, le Tribunal fédéral suisse a rejeté une loi cantonale
prévoyant l’introduction d’un système d’impôt dégressif en se référant expressis verbis à la notion de justice
distributive aristotélicienne3.
Il est simple, même pour un non juriste, de faire une liste des principes structurant la notion de justice distributive.
Premièrement, aucun citoyen n’est tenu de payer un montant supérieur à son revenu ; deuxièmement tous les
citoyens sont tenus de payer des impôts ; troisièmement les impôts prélevés aux citoyens doivent respecter la
capacité économique de chacun. Cependant, derrière son apparente simplicité, la justice fiscale cache une
complexité sans équivalent. La question se pose de savoir si tous sont tenus de payer ou s’il y a des conditions
légitimant une exemption ? Évidemment il y en a, mais lesquelles ? Le principe de l’imposition selon la capacité
économique (ou capacité contributive) est garantie seulement par le biais d’une imposition progressive ou aussi par
un régime de flat rate tax ? Brièvement, quelle est l’imposition juste ? La réponse est complexe, ça va sans dire. Elle
dépend partiellement des choix du constituant et de leur interprétation par le juge constitutionnel (en fonction aussi
de l’orientation politique du juge), et partiellement, je dirais, d’une notion générale de justice4.
La complexité que je viens d’évoquer a poussé le Tribunal fédéral suisse à faire référence à la conception de justice
distributive aristotélicienne. Ainsi, je pense qu’il serait permis de dire que la marge d’appréciation du juge
constitutionnel arrive dangereusement proche de l’arbitraire. Que faut-il penser d’un juge utilisant un paramètre qui
n’est pas inscrit dans la Constitution positive ?
Égalité
Finalement, un facteur de complexité ultérieure : la notion de justice fiscale est intrinsèquement liée à celle d’égalité.
En imposant la charge fiscale, l’État doit respecter le principe d’égalité entre citoyen, il est évident. Il ne s’attarder
sur la complexité de l’argumentation juridique visant à l’implémentation du principe d’égalité dans le contrôle de
constitutionnalité. Je souhaite seulement rappeler que la plupart du temps ce contrôle s’inscrit dans le principe
d’égalité et que l’utilisation de ce principe pousse le juge constitutionnel à des choix d’ampleur plus politique que
juridique. En effet, le législateur adopte souvent des actes qui mettent en danger l’égalité. Par exemple, là où il
destine des ressources pour aider des groupes ou individus désavantagés, le législateur établie une discrimination.
Ensuite, le juge constitutionnel pourra intervenir, sur recours des groupes ou individus exclus, pour vérifier s’il s’agit
2
ALAIN STEICHEN, La justice fiscale entre la justice commutative et la justice distributive, 46 Archives de philosophie
du droit 243(2002).
3
ATF 133 I 206, traduction française dans RDAF 2007, II, 512; HENRY TORRIONE, Justice distributive aristotélicienne
en droit fiscal selon la jurisprudence du TF. Une étude de philosophie du droit sur la notion de «Sachgerechtigkeit»,
Zeitschrift für Schweizerisches Recht (2010).
4
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, Article XIII, « Pour l’entretien de la force publique, et pour
les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous
les Citoyens, en raison de leurs facultés ».
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d’une discrimination légitime du point de vue constitutionnel ou pas. Ainsi, régulièrement le juge utilise la rationalité
en tant que critère d’appréciation de la légitimité : une discrimination est légitime si elle est nécessaire, raisonnable
et proportionnée, en vue d’éviter toute dérive arbitraire. Comme le dit la Charte canadienne des droits et libertés de
1982, une discrimination est légitime si elle représente des « limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse
se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique ».
Le respect de l’égalité en droit fiscal est beaucoup plus complexe ; plus encore que pour d’autres domaines du
droit. En fait, il faut garantir l’égalité effective face à des situations très diversifiées.
Quelques réflexions sur quelques cas concrets
Pas des doutes sur le fait que l’imposition fiscale soit du domaine du législateur. Entre 1750 et 1760, « no taxation
without representation » a été le slogan avec lequel les treize colonies britanniques d'Amérique du Nord ont donné
lieu à la guerre d'indépendance des États-Unis contre la Grande-Bretagne. On peut même dire qu’un des piliers du
système juridique des EE.UU. est le principe selon lequel tout ce qui concerne l’imposition fiscale doit être décidé par
l’organe le plus représentative parmi ceux composant l’Etat en tant qu’apparat, c’est-à-dire le Parlement.
Le Parlement est souverain, mais sa souveraineté n’est pas sans limitation puisque le corolaire de la Constitution, est
le contrôle de la constitutionnalité des lois. Il arrive, donc, que des lois établissant un certain impôt, soient
subordonnées à l’examen du juge constitutionnel. Souvent la violation alléguée concerne l’égalité entre citoyens,
parfois en relation avec certains principes spécifiquement posés dans le domaine de la fiscalité. Un bon nombre de
Constitutions ont en fait introduit certains principes régissant le pouvoir d’imposition et/ou celui de dépense5.
Le législateur dispose ainsi d’un large pouvoir normatif et le juge dispose d’un pouvoir d’annulation des lois, une sorte
de pouvoir normatif négatif au sens kelsenien6. Le pouvoir du législateur a une très grande latitude. Il peut multiplier
les impôts, donnant naissance à des systèmes fiscaux très complexes où il est tout à fait difficile de comprendre
l’effet global concret de l’imposition fiscale sur chaque individu. Ce phénomène est très répandu, surtout dans les
systèmes décentralisés (Etat fédéral, mais encore plus dans l’Etat dit régional), qui nécessitent de mécanismes de
coordination des finances publiques.
Parfois le législateur intervient sur le système fiscal dans sa complexité. C’est le cas des réformes globales de la
fiscalité, avec lesquelles le législateur poursuit un but spécifique (simplification ; atténuation de la charge fiscale
généralisé ou pour certaines groupes, etc.). Les résultats de l’activité du législateur sont parfois inattendus, mais la
plupart du temps les réformes visent à des cibles bien définies. Nous avons déjà rappelé le cas du Canton
d’Obwald, qui avait introduit un système d’imposition dégressif sur le revenu et la fortune. Mais on peut citer d’autres
cas, comme par exemple celui du Kansas, où le législateur a introduit, en 2013, une large réforme du système fiscal
qui a eu pour résultat de le rendre, dans sa complexité, dégressif7. Ce n’est pas un cas si j’ai fait référence à deux
réformes introduisant un système d’imposition dit dégressif. Il s’agit, en fait, d’un point controversé, ou du moins si l’on
prend en compte le principe de la progressivité de la charge fiscale.
Cependant ce principe est loin d’être universel. Il apparait dans de nombreuses Constitutions parmi les plus
récentes, mais souvent les Constituants lui ont préféré le principe de la capacité contributive, ce qui n’est pas la
même chose.
5
Art. 127 Cst. suisse ; art. 53 Cst. italienne ; art. 31.1 Cst. espagnole ; art. 1012-107 Cst. portugaise ; art. 13 de la
Déclaration Universelle des droit de l’homme de 1789, et donc Cst. Française, voire à ce propos 2013.685 C.C. ; art.
363 Cst. colombienne. etc.
6
Pour H. Kelsen, le tribunal constitutionnel est un législateur-cadre négatif. Le parlement élabore les lois (législateurcadre positif) et le juge constitutionnel a pour mission de les annuler si celle-ci sont contraires à la Constitution. H.
Kelsen, Théorie générale du droit et de l'Etat, Paris, L.G.D.J.
7
Bill 2117, http://www.kslegislature.org/li_2012/b2011_12/measures/hb2117/.
3
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L’analyse comparée offre plusieurs cas intéressants. Le Tribunal fédéral suisse a, comme expliqué précédemment,
annulé une loi du Canton d’Obwald introduisant un barème d’imposition dégressif sur le revenu et la fortune. Les
argumentations du TF, très articulés, sont axées sur deux paramètres constitutionnels : le principe de la capacité
contributive (art. 127 Cst.) et l’égalité entre citoyens (art. 8.1 Cst.).
Le Tribunal fédéral rappelle que « les Cantons sont par principe libres d’organiser leur fiscalité »8, mais qu’ils « ne sont
toutefois pas complètement libres dans l’exercice de leur liberté d’organisation qui leur appartient. Ils doivent
observer les droits fondamentaux, en particulier le droit à l’égalité de traitement (art. 8 al. 1 Cst.) et ses corollaires en
matière fiscale, parmi lesquels figure le principe d’imposition selon la capacité économique »9. Il donne ensuite une
définition d’ordre économique inscrivant dans la Constitution : « la Constitution fédérale établie un état de droit
démocratique fondé sur un ordre économique libéral et social. En mettant en exergue la promotion de la prospérité
commune, l’art. 2 al. 2 Cst. met en évidence les préoccupations sociales de l’Etat ainsi que sa responsabilité en
matière ». Dans ce schéma, dit le Tribunal fédéral, la concurrence fiscale entre Cantons est sans doute admise,
pourvu qu’elle ne produise des discriminations entre contribuables10. Si cela était avéré, le Tribunal fédéral assume le
rôle de contrôle, bien qu’ « il n’appartient pas au juge constitutionnel de formuler des règles générales auxquelles la
concurrence fiscale doit se tenir »11. Les juges de Lausanne sont donc conscients de la difficulté de leurs rapports
avec le(s) législateur(s), mais cela ne vaut pas à désavouer l’existence de certains principes généraux de niveau
constitutionnel.
Dans l’arrêt cité précédemment, le TF suisse analyse la loi du Canton d’Obwald au regard de certains principes
constitutionnels. Le juge se trouve souvent dans une telle situation : évaluer le moyen que le législateur a choisi pour
obtenir un certain résultat. Dans ce cas le paramètre constitutionnel est utilisé pour déterminer si le moyen est
approprié au but envisagé. Dans ATF 133 I 206, le moyen était l’imposition régressive, et le but poursuivi consistait en
une certaine orientation de l’économie (attraction de contribuables riches). En utilisant comme paramètre les
principes dont l’explication fut faite auparavant, le Tribunal fédéral suisse a jugé le moyen inapproprié par rapport
au but poursuivi.
Le cas DeRolph, jugé par la Cour Suprême de l’Ohio, représente un exemple similaire. Dans ce cas, le moyen soumis
au contrôle des juges était le système de financement de l’école publique, jugé inadéquate par rapport au
résultat : le système de l’école publique, utilisant le paramètre de l’art. VI.2 de la Constitution de l’Ohio12. Dans l’Etat
de l’Ohio le l’Ecole publique est financée par le biais d’une double source : l’argent de l’Etat et celui dérivant de
l’imposition des collectivités locales (districts). Les districts contribuent au financement de l’Ecole publique avec
l’impôt local sur la propriété (local property tax – real estate+personal property). Pour des raisons qu’il n’est pas
nécessaire d’expliquer ici, que ce système n’était pas en mesure d’éviter un effet discriminatoire entre districts plus et
moins riches. Lesdites discriminations n’étaient pas le seul problème du système de financement de l’Ecole publique
de l’Ohio. En effet, ce système n’était pas soutenable non plus pour les districts plus riches. Une coalition de districts
s’est ainsi formée pour proposer une solution au problème. En fait, tous les districts étaient dans l’obligation
d’augmenter constamment la charge fiscale afin de couvrir les coûts de l’Ecole publique.
Le cas a finalement été porté devant la Cour Suprême de l’Ohio en 1997. Celle-ci a déclaré l’inconstitutionnalité du
système de financement de l’école publique à plusieurs reprises (DeRolph I, II, III), et elle a aussi réprimandé le
législateur pour avoir donné suite à l’arrêt tout simplement en augmentant les dépenses destinées à l’école
publique. « To date, the principal legislative response to DeRolph I and DeRolph II has been to increase funding,
8
ATF 133 I 206, traduction française dans RDAF 2007, II, 512.
RDAF 2007, II, 513.
10
RDAF 2007, II, 526.
11
RDAF 2007, II, 516.
12
« The General Assembly shall make such provisions, by taxation, or otherwise, as, with the income arising from the
school trust fund, will secure a thorough and efficient system of common schools throughout the state; but no religious
or other sect, or sects, shall ever have any exclusive right to, or control of, any part of the school funds of this state ».
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which has benefited many schoolchildren. However, the General Assembly has not focused on the core
constitutional directive of DeRolph I: “a complete systematic overhaul” of the school-funding system. Id., 78 Ohio
St.3d at 212, 677 N.E.2d 733. Today we reiterate that that is what is needed, not further nibbling at the edges.
Accordingly, we direct the General Assembly to enact a school-funding scheme that is thorough and efficient, as
explained in DeRolph I, DeRolph II, and the accompanying concurrences ».
Le juge constitutionnel défenseur de la justice fiscale
Très différents sur beaucoup d’aspects, les deux cas cités présentent des indéniables points de contact. Le plus
évident, à mon sens, est lié au rôle du juge constitutionnel, qui dans les deux cas se présente comme défenseur de
la justice fiscale. Au sens large, la justice fiscale contient les deux volets de la capacité contributive et de la
progressivité de l’imposition fiscale, tous les deux inextricablement liés à l’égalité entre citoyen.
La justice fiscale est mise en danger de différentes manières. Elle l’est lorsqu’ un système de financement de l’école
publique créait des discriminations entre citoyens, aussi bien que lorsqu’un barème d’imposition privilègie le
contribuable plus riche au détriment du moins riche.
Ainsi, il y a là un problème toujours non résolu, celui du constitutionnalisme moderne, ledit dilemme de la
antidemocraticité du contrôle de la constitutionnalité, ou countermajoritaria difficulty, selon la définition de
Alexander Bickel13. Il s’agit de l’un des problèmes les plus connus du droit constitutionnel, une sorte de « malformation
congénitale » du contrôle de la constitutionnalité des lois. Ce contrôle instaure une confrontation entre un organe
représentatif du peuple, le Parlement, et un organe exerçant une forme de juridiction, certainement pas
représentatif.
Le juge constitutionnel, dépourvu de la légitimité démocratique a le pouvoir d’annuler des actes qui se trouvent,
eux, démocratiquement légitimés. La solution du problème n’est pas aussi simple que l’on pourrait le penser. Il serait
très facile de dire que le contrôle de la constitutionnalité est un corollaire de la rigidité de la Constitution. Par
conséquent, si l’on croit que la rigidité de la Constitution est une valeur indérogeable, il faut sans doute accepter la
présence d’un arbitre, avec certaines conséquences négatives.
Par conséquent, le contrôle de la constitutionnalité sera considéré comme un moindre mal face à la possible
tyrannie de la majorité. Mais le contrôle de la constitutionnalité n’est pas une simple arithmétique. Le juge
constitutionnel est obligé d’interpréter soit l’objet, la loi prétendue inconstitutionnelle, soit le paramètre, la
Constitution. Autrement dit, le juge a la possibilité d’interpréter ce qui le législateur aurait voulu dire, et aussi ce qui le
Constituant aurait voulu dire. Cela nous amène au véritable problème : l’activisme judiciaire. En fait, il n’y a pas de
véritable conflit entre parlement et le juge constitutionnel jusqu’au moment où ce dernier franchit la ligne d’un
activisme trop poussé.
Le Tribunal fédéral suisse s’est posé une autolimitation en affirmant que « il n’appartient pas au juge constitutionnel
de formuler des règles générales auxquelles la concurrence fiscale doit se tenir », mais il est évident que la réponse
qu’il a donnée à la question « le barème régressive est-il légitime ? » n’est pas la seule possible. La dégressivité est
contraire au principe selon lequel chacun participe en raison de sa capacité économique, peut-on dire le même
d’un impôt à taxe unique ? On dirait que non, étant donné que le Canton d’Obwald a introduit un impôt de ce
type sans éveiller de mécontentement.
Pareillement, la Cour Suprême de l’Ohio a déclaré l’inconstitutionnalité du système de financement de l’Ecole
publique parce qu’il n’était pas en mesure d’instaurer un système scolaire « complet et efficace » (art. VI.2 Cst.
Ohio), mais qu’est que signifie concrètement « complet et efficace » ? Bien sûr, on pourrait dire que là où il y a des
13
Alexander M. Bickel, The least dangerous branch. The Supreme Court at the Bar of Politics (Yale University Press.
1986).
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discriminations le système est inefficace, mais un système scolaire peut bien être inefficace tout en garantissant une
parité d’accès et de traitement aux citoyens.
Là encore, le Tribunal fédéral suisse a procédé un renvoi à la notion de justice distributive telle que développée par
Aristote pour tracer les contours de la notion de justice fiscale. Il parait amusant que les juges de Lausanne aient
voulu d’un côté se limiter à la façon expliquée auparavant, et de l’autre côté, élargir le paramètre du contrôle
jusqu’à interpréter un principe constitutionnel à la lumière d’une notion philosophique.
Conclusions provisoires
Les réflexions présentée dans mon exposé ne sont que le point de départ d’une recherche plus approfondie que je
viens de commencer. Autrement dit, il s’agit d’une hypothèse de travail, qu’il faudra étudier dans le cadre d'une
démarche expérimentale. L’hypothèse est la suivante : la juridiction constitutionnelle permet aux juges de redéfinir la
structure de la Constitution économique initialement posée par le Constituant.
Pour accomplir cette recherche Je souhaite concentrer mon attention sur la notion de justice fiscale, en cherchant
à donner réponses à des questions telles que les suivantes : « quelles Constitutions ont introduit des principes
permettant de définir la notion de justice fiscale ? » ; « quels juges constitutionnels ont utilisé ces principes pour
donner une définition de justice fiscale ? » ; « comment ces principes ont- ils été utilisé par les juges ? ».
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