Démarche diagnostique devant une déficience mentale de l`enfant
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Démarche diagnostique devant une déficience mentale de l`enfant
Arch Pédiatr 2002 ; 7 : 709-25 © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0929693X01009733/FLA Mise au point Démarche diagnostique devant une déficience mentale de l’enfant en 2002 V. des Portes1, M.O. Livet2, L. Vallée3*, et le Groupe de travail de la Société française de neuropédiatrie (SFNP) sur les retards mentaux** 1 Service de neuropédiatrie, hôpital Saint-Vincent-de-Paul, Paris, France ; 2service de pédiatrie, centre hospitalier du Pays-d’Aix, Aix en Provence, France ; 3service de neuropédiatrie, clinique de pédiatrie, hôpital Roger-Salengro, CHRU, 59037 Lille cedex, France (Reçu le 18 mars 2002 ; accepté le 22 avril 2002) Résumé La recherche de la cause d’une déficience mentale de l’enfant est un enjeu majeur en pratique pédiatrique. Un groupe de travail émanant de la Société française de neurologie pédiatrique (SFNP), propose une démarche diagnostique en trois étapes successives à partir de situations cliniques fréquentes permettant d’orienter les examens complémentaires. L’indication de ces examens complémentaires devant un retard mental isolé, sans orientation clinique, reste peu rentable. Pour le conseil génétique, il est indispensable de connaître l’étiologie du retard mental, mais aussi sa pathogénie voire l’anomalie moléculaire en cause. Ce protocole souligne l’importance de la démarche clinique de l’évaluation neurodéveloppementale, de la mesure des capacités intellectuelles de l’enfant, et de la collaboration des différents spécialistes concernés. © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS retard mental / diagnostic Summary – A practical diagnostic approach to mental deficiency in 2002. The identification of an etiology in children with mental deficiency is a major challenge in routine pediatrics. As the result of a workshop leaded by the Société française de neurologie pédiatrique (SFNP), we propose a three steps diagnostic procedure, taking into account several frequent clinical observations leading to further targeted investigations. The yield of systematic imaging and biological screening remains very low, when performed for a non specific isolated mental retardation, without any characteristic clinical features. Yet, it is mandatory for an accurate genetic counseling to know not only the clinical diagnosis of developmental delay, but also the pathophysiology and the underlying molecular mechanism. The SFNP’s proposal points out the necessity of a comprehensive clinical process including cautious neurodevelopmental assessment, reliable cognitive and adaptive skills evaluation, and collaboration between different specialists. © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS mental retardation / diagnostic techniques and procedures / child Deux nouveau-nés sur cent seront atteints de déficience intellectuelle provoquant des difficultés *Correspondance et tirés à part. Adresse e-mail : [email protected] (L. Vallée). **Groupe de travail composé de : S.A. Beucher, F. Boidein, R.F. Buissonnière, Y. Chaix, G. Darnaud, O. Dulac, B. Echenne, P. Landrieu, F. Lebas, A. Moncla, C. Moraine, A. Picard, P. Pineau, C. Richelme, P. Talon, C. Van Hulle. majeures d’adaptation (encadré 1). La forte prévalence du retard mental dans la population générale est connue depuis longtemps des épidémiologistes mais sa fréquence reste controversée. Pour les retards mentaux sévères (quotient intellectuel : QI < 50) la prévalence de 3 à 4 p. 1 000 est admise, mais pour les retards mentaux légers (QI entre 50 et 70), la prévalence varie de 0,8 à 2,5 % selon les études ; on 710 V. des Portes et al. Encadré 1 Définition : retard mental (RM), pathologie de l’adaptation à l’environnement. Le RM est défini par la classification américaine DSM-IV de 1994 [1], comme “un fonctionnement intellectuel général significativement inférieur à la moyenne, qui s’accompagne de limitations significatives du fonctionnement adaptatif dans les secteurs d’aptitudes tels que communication, autonomie, apprentissage scolaire, vie sociale, responsabilité individuelle, travail, loisirs, santé et sécurité. Le tout doit survenir avant l’âge de 18 ans”. Cette définition comporte donc deux aspects fondamentaux, le fonctionnement intellectuel et la faculté d’adaptation. Le fonctionnement intellectuel global est défini par le quotient intellectuel global (QIG) : 100 est la moyenne statistique du QI, et 15 la valeur d’un écart-type (ET) ; le RM est défini par un QI < 70, soit < -2DS. Le diagnostic d’un RM et sa sévérité sont donc appréciés de manière approximative par la mesure du niveau des performances intellectuelles grâce à des tests psychométriques standardisés, dont le résultat est exprimé en quotient intellectuel (QI). Le choix des instruments de mesure et l’interprétation des résultats doivent prendre en considération des facteurs qui peuvent limiter les performances aux tests (contexte socioculturel, langue maternelle, handicaps associés moteurs ou sensoriels, troubles de communication). Les tests psychométriques les plus utilisés sont les échelles de Wechsler (WPPSI de trois à six ans, WISC-III de six à 16 ans et WAIS-R, > 16 ans). Chez le nourrisson et le jeune enfant, on utilise couramment en France le test de Brunet-Lézine (0 à 6 ans). Le fonctionnement adaptatif fait référence à la façon dont l’individu fait effectivement face aux exigences de la vie courante et à sa capacité à atteindre le degré d’autonomie personnelle que l’on peut attendre selon son âge, son contexte socioculturel et son environnement. En d’autres termes, il s’agit de l’intelligence pratique de l’individu. Plusieurs échelles ont été mises au point pour quantifier le fonctionnement adaptatif ; la plus connue est l’échelle de comportement adaptatif de Vineland. Ce fonctionnement adaptatif peut être influencé par divers facteurs comme l’éducation, la motivation, la personnalité, les possibilités socioprofessionnelles. Les facultés d’adaptation sont davantage susceptibles d’être améliorées par les mesures rééducatives, que le fonctionnement intellectuel qui reste un attribut plus stable. C’est donc sur elles que se fondent les programmes d’aide et d’intervention auprès de la personne atteinte de déficience intellectuelle. peut retenir raisonnablement une prévalence de 1,5 à 2 % (encadré 2). Il s’agit donc d’un enjeu majeur de santé publique et d’un motif fréquent de consultation. Les cliniciens ont pour mission d’assurer le dépistage précoce des retards mentaux, la recherche de leurs causes ainsi que leur prise en charge et l’accompagnement des familles. L’identification de l’étiologie d’un retard mental est une part primordiale de ce travail clinique : elle seule permet de mieux répondre à quatre questions essentielles posées par les parents : “Pourquoi notre enfant a-t-il un retard ou des diffıcultés d’apprentissage ?” “Risque-t-il de régresser ou continuera-t-il à faire des progrès ? Arrivera-t-il à marcher, parler, apprendre un métier ?”, “Que faire pour l’aider à progresser ?”, “Quel est le risque d’avoir un autre enfant retardé ?”. La cause exacte de cette déficience est encore souvent inconnue puisque deux tiers des retards mentaux légers et la moitié des retards mentaux sévères restent actuellement inexpliqués (tableau I). UNE DÉMARCHE CLINIQUE EN TROIS ÉTAPES Les progrès récents de l’imagerie cérébrale, de la dysmorphologie, de la cytogénétique et de la génétique moléculaire fournissent depuis une dizaine d’années de nouveaux outils qui devraient permettre d’améliorer la stratégie diagnostique du clinicien. Paradoxalement, cette explosion des connaissances ne facilite pas toujours le travail du pédiatre qui peut se sentir perdu devant la masse d’examens disponibles et avoir des difficultés à garder une démarche dia- Déficience mentale 711 Encadré 2 Épidémiologie : prévalence des retards mentaux (RM). La prévalence des RM est difficile à évaluer, son estimation dépendant en général de la qualité et de l’organisation des systèmes de santé. Si on admet que la distribution du QI dans la population générale suit une courbe gaussienne, la moyenne étant 100, les sujets ayant un QI < 70 devraient représenter 2,5 % de la population. Suivant le même raisonnement, la prévalence des RM sévères (RMS) (QI < – 3 ET, soit QI < 50–55), serait théoriquement de 0,23 %, soit 2,3 pour 1 000. Or, toutes les études épidémiologiques convergent vers une prévalence des RMS plus élevée, entre 3 et 4 pour 1 000 [2, 3]. Cet excès de sujets ayant un QI < 50 par rapport au taux théorique attendu a suggéré que la distribution des QI suivait en fait une courbe bimodale. Si on se base sur les études épidémiologiques pour apprécier la prévalence des RM légers (RML : 50 < QI < 70), elle est en fait très variable selon les séries, les tests utilisés et selon l’âge de la population étudiée. Jusqu’au début des années quatre-vingts, elle était évaluée à 25 pour 1 000 [4], chiffre correspondant au taux attendu de 2,5 % théorique de la courbe gaussienne du QI. Certaines études ont même trouvé des taux allant jusqu’à 5 %, comme celle de Stein et al. [5] dans une population de garçons âgés de 19 ans. Selon des travaux européens plus récents effectuées sur des populations plus jeunes, la prévalence des RML serait nettement moindre, de l’ordre de 0,8 % [6, 7]. Ce fait pourrait être attribué à une amélioration des conditions socioculturelles et à l’amélioration du soutien scolaire. Cependant, selon Glass [3], qui continue à avancer une prévalence de 2 à 3 %, ces chiffres récents sont sous-estimés. Cette sous évaluation pourrait être liée à un biais psychométrique : le niveau intellectuel général d’une population gagne cinq points de QI à chaque génération et les barèmes des tests psychométriques usuels ne sont pas régulièrement étalonnés ; ainsi, des enfants qui sont en réalité déficients légers obtiendraient des scores limites autour de 75-80. En pratique, on peut retenir, de manière arbitraire, une prévalence intermédiaire des RML autour de 15 pour 1 000. gnostique cohérente. En effet, dans la pratique clinique quotidienne, quand une cause évidente n’est pas retrouvée par l’anamnèse ou l’examen clinique, le diagnostic étiologique d’un retard mental devient très vite un art d’une grande complexité, qui requiert souvent la collaboration multidisciplinaire de neuropédiatres, généticiens cliniciens, cytogénéticiens et biologistes moléculaires. C’est pourquoi la Société française de neuropédiatrie a constitué un groupe de travail dont l’objectif était de proposer au praticien une stratégie diagnostique cohérente devant une déficience mentale de l’enfant. Cette démarche clinique comporte trois étapes successives de complexité croissante, selon la difficulté du diagnostic (figure 1). La première étape, basée quasi exclusivement sur les données anamnestiques familiales, personnelles et l’examen clinique de l’enfant, est accessible à tout praticien et comporte quatre objectifs : 1) repérer les “signes d’alerte” d’une déficience intellectuelle en fonction de l’âge ; 2) éliminer les pathologies rentrant dans le diagnostic différentiel (déficits sensoriels, troubles psychiatriques, troubles spécifiques d’apprentissage) ; 3) affirmer le retard mental avec recherche d’éventuels troubles associés ; 4) orienter le diagnostic étiologique en fonction de la chronologie de survenue : s’agit-il d’un événement postnatal, périnatal ou anténatal ? La deuxième étape, concerne les enfants sans diagnostic clinique évident, chez qui une cause anténatale est présumée “par défaut”, du fait de l’absence d’événement périnatal ou postnatal identifié. Cette étape diagnostique nécessite le plus souvent le recours aux avis spécialisés d’un neuropédiatre et d’un généticien clinicien afin d’orienter au mieux le choix des examens complémentaires. 712 V. des Portes et al. Tableau I. Étiologies des retards mentaux (d’après cinq études de la littérature). Auteurs Pays Année Nombre de sujets Sex-ratio (garçons/filles) Tranche d’âge (années) Degré de retard mental Prénatal génétique* acquis** indéterminé*** Périnatal Postnatal Inconnu (prématurité, anoxie à terme, infection néonatale) Méningite, encéphalite, tumeur, accident : TC/noyade/toxique Hagberg [6] Fernell [7] Hou [8] Cans [9] Stromme [10] Hagberg [6] Hou [8] Stromme [10] Suède 1983 73 Suède 1998 64 1,7 3–16 RMS 66 Taiwan 1998 3 080 1,4 6–18 RMS 70 37 2,5 32 France 1999 1 150 1,4 7–16 RMS 34 20 4 11,5 Norvège 2000 79 1,3 8–13 RMS 70 42 8 24 Suède 1983 91 10–13 RML 23 5 <1 10 Taiwan 1998 3 484 1,4 6–18 RML 46 11 5 35 Norvège 2000 99 1,3 8–13 RML 51 16 10–13 RMS 55 31 12 12 1 29 15 6 11 12 4 18 9 5 12 5 5 5 5 4 2 1 18 23 14 49 22 55 43 43 RMS : retard mental sévère ; RML : retard mental léger ; périnatal : du début du travail à j28 postnatal ; postnatal : ≥ 1 mois après la naissance ; TC : traumatisme crânien. * Aberration chromosomique (nombre/structure), microdélétion (gènes contigus), monogénique (mutation d’un gène, dont X fragile), syndrome clinique bien défini (sans gène connu) ; ** infection, toxique, vasculaire ; *** malformations cérébrales, polymalformations/dysmorphie, retard familial sans mutation retrouvé. Figure 1. Démarche diagnostique devant un retard mental. RMLX : retards mentaux liés au chromosome X ; télomères : microremaniements soustélomériques. 713 Déficience mentale La troisième étape concerne les enfants, encore nombreux, dont le retard mental souvent apparemment isolé reste de cause indéterminée malgré une exploration exhaustive. Il s’agit d’une phase de recherche clinique, dans le cadre de projets multicentriques qui tentent d’identifier des gènes responsables ou des facteurs environnementaux pré et postnataux en cause. Les études génétiques en cours concernent généralement les retards mentaux familiaux. Cette démarche diagnostique en trois étapes successives ne constitue pas un travail de “consensus” diagnostique ou une sorte de “question de cours” qui serait forcément réductrice. En effet, chaque étape du diagnostic fait appel en réalité à de nombreux paramètres cliniques dont l’analyse demande… du métier ! et une collaboration pluridisciplinaire entre pédiatres, généticiens, psychiatres et neuropédiatres. C’est pourquoi nous avons choisi de proposer une démarche diagnostique pragmatique à partir de diverses situations cliniques non exhaustives. DIAGNOSTIC POSITIF DU RETARD MENTAL ET PREMIÈRE ÉTAPE DU DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE Objectifs – Affirmer le retard mental. – Penser aux pathologies rentrant dans le diagnostic différentiel d’une déficience mentale globale : troubles sensoriels, psychiatriques ou psychoaffectifs, troubles spécifiques d’apprentissage ; ces différents troubles peuvent être associés à un retard mental. – Orienter le diagnostic étiologique vers une cause ante, péri ou postnatale. Degré de spécialisation du médecin référent Tout médecin traitant : généraliste, pédiatre ou psychiatre. Outils du diagnostic : la clinique La première consultation Il est capital de connaître les “ signes d’alerte ” en fonction de l’âge (tableau II), qui font suspecter un retard psychomoteur (chez le nourrisson) ou une déficience intellectuelle (chez l’enfant), et évoquer les diverses situations cliniques qui peuvent être responsables des symptômes. Un exemple fréquent est celui du retard de langage qui peut révéler une déficience mentale, mais peut rentrer dans le cadre d’un retard simple du langage, d’une dysphasie développementale, d’une surdité non dépistée ou d’un autisme. Devant un retard de développement ou un trouble du comportement, la première étape du diagnostic positif et étiologique est basée sur l’anamnèse et Tableau II. Signes d’appel et diagnostic différentiel d’un retard mental. Signe d’alerte – Hypotonie/ retard postural – Retard d’éveil (regard, sourire) – Trouble du comportement (hyperkinésie, agressivité) – Retard de langage – Échec scolaire Diagnostic différentiel Nourrisson Maladies neuromusculaires Affections extraneurologiques graves cardiaque, digestive, rénale, viscérale autres Troubles sensoriels surdité, malvoyance Troubles envahissant du développement autismes Enfant Troubles cognitifs et d’apprentissage spécifiques déficit attentionnel trouble de mémoire dysphasie/dyslexie dysgraphie/dyspraxie/dyscalculie trouble visuospatial Troubles psychoaffectifs sévères autismes dysharmonies 714 V. des Portes et al. l’examen clinique. Elle est fondamentale. On précisera : – les antécédents familiaux : arbre généalogique, consanguinité, fausses couches spontanées, autres cas de retard mental ; – l’environnement sociofamilial : origine ethnique, niveau d’étude et profession des parents, contexte éducatif et de socialisation, contexte psychoaffectif et relationnel; – les antécédents personnels : déroulement de la grossesse : infections, hypertension artérielle, diabète, médicaments, toxiques. Bien-être fœtal : croissance, mouvements actifs fœtaux, hydramnios… Événements psychologiques “traumatiques” éventuels et vécu subjectif de la grossesse ; – conditions de l’accouchement notion de souffrance fœtale, coefficient d’APGAR, terme exact et paramètres dont le périmètre crânien (PC), comportement néonatal immédiat et durant la première semaine ; – histoire du développement psychomoteur : l’âge des principales acquisitions : décalage de développement possible entre les différents domaines tels que la posture (tenue de tête, station assise stable, marche), la motricité fine (préhension volontaire, jeu, graphisme), le contact social (regard, sourire, imitation…) et le langage. On cherchera une régression des acquisitions antérieures : – comportement de l’enfant, troubles d’alimentation et digestifs éventuels : troubles de succion et/ou déglutition dans les premiers mois, reflux gastroœsophagien, anorexie ou boulimie… – “Caractère” de l’enfant : plutôt calme voire “dans son monde”, hyperactif, agressif ou coléreux, sociable… – Qualité du sommeil et du cycle veille sommeil dont les troubles peuvent orienter vers certains syndromes. – Examen clinique complet : peau et phanères, organes génitaux, auscultation cardiaque, recherche d’une viscéromégalie, examen morphologique : visage, silhouette, extrémités et examen neurologique. – Les courbes de poids, taille et PC (reportées sur des abaques adaptés) constituent un document essentiel. Le recours à des avis spécialisés Au terme de la première consultation, le diagnostic de retard mental peut être évident. Parfois, surtout chez le nourrisson et l’enfant de moins de trois ans, il faudra savoir attendre et revoir l’enfant après quelques mois pour confirmer une impression clinique. Quoiqu’il en soit, un certain nombre de consultations spécialisées sont généralement nécessaires pour confirmer le retard mental, éliminer les diagnostics différentiels et rechercher des pathologies associées. Examens sensoriels spécialisés Une consultation en ophtalmologie (acuité visuelle, fond d’œil, examen en lampe à fente), et une vérification de la qualité de l’audition sont systématiques. Le bilan audiométrique est adapté en fonction de l’âge et de la coopération de l’enfant, et pourra nécessiter le recours à des explorations neurophysiologiques : potentiels évoqués auditifs du tronc cérébral avec seuil auditif, oto-émissions acoustiques. Avis pédopsychiatrique La recherche de troubles psychoaffectifs et relationnels, l’appréciation de la psychodynamique familiale, la confirmation de troubles autistiques peuvent nécessiter l’avis d’un psychologue ou d’un pédopsychiatre, dès ce stade du diagnostic. Évaluation quantifiée des capacités intellectuelles et adaptatives Chez l’enfant de plus quatre ans, le recours à des tests psychométriques standardisés doit être systématique car ils permettent : 1 : d’affirmer la déficience cognitive globale ; 2 : d’éliminer des troubles spécifiques d’apprentissage tels que dysphasie, dyspraxie, déficit d’attention. Parmi les outils disponibles en France, le niveau intellectuel est généralement apprécié au moyen des batteries psychométriques de Weschler : WPPSI-R de trois à six ans, WISC-III de six à 16 ans, WAIS-R après 16 ans. Chez le nourrisson et dans la petite enfance, le test de Brunet-Lézine-R (0 à 6 ans) donne un quotient de développement. Enfin, la consultation auprès du psychologue doit aussi comporter une évaluation des facultés adaptatives de l’enfant, grâce à un interrogatoire semi-dirigé sur son degré d’autonomie dans la vie courante, soit au mieux, au moyen de questionnaires telle que l’échelle adaptative de Vineland [11], particulièrement précieuse chez les enfants très déficients et/ou opposants. Déficience mentale 715 Encadré 3 Interprétation et apports du QI et de ses subtests. Le QI et ses subtests ne peuvent pas être interprétés sans une collaboration avec un psychologue ou neuropsychologue. Si on ne prend en compte que le QI verbal (QIV) et le QI performance (QIP), on risque de faire une erreur d’interprétation sur la baisse du QI général (QIG) chez un enfant. Le QIG est composé du QIV et du QIP qui doivent être harmonieux, avec un écart inférieur à 15 points, pour autoriser un calcul du QIG statistiquement valable. Il existe des situations où la dissociation entre QIV et QIP est telle qu’on ne peut calculer le QIG et où une classification dans les catégories de référence (déficience sévère, déficience légère, intelligence normale, intelligence supérieure) n’est pas possible. Ainsi pour un enfant ayant un QIV à 45 et un QIP à 65, on doit poser l’hypothèse d’un trouble de la communication qui retentit sur les capacités verbales mais devront être rechercher aussi un trouble de l’organisation et de la structuration de la personnalité, des fonctions spécifiques du langage ou une origine environnementale. Autre exemple chez un enfant ayant un QIV à 60 et un QIP à 40, on devra rechercher des troubles associés au retard mental intéressant notamment les fonctions praxiques et visuospatiales. De même une diminution significative et élective des subtests « codes » et « mémoire des chiffres » pourra orienter vers un déficit d’attention, alors qu’un déficit au subtest « assemblage » orientera vers un défaut des capacités de synthèse spatiale et d’abstraction. L’analyse des différents subtests du Q.I. permet d’orienter les hypothèses étiopathogéniques en analysant et en comparant ces subtests : certains explorant les niveaux d’acquisitions et d’apprentissage (ex : vocabulaire, compréhension, information) et d’autres explorant des processus cognitifs précis (ex : fonction d’attention : subtest arithmétique, mémoire des chiffres, codes). L’étude des fonctions adaptatives est déterminante pour l’orientation de l’enfant. La collaboration entre neuropsychologue et neuropédiatre est donc indispensable dans cette démarche. Évaluations orthophonique et neuropsychologique plus complètes Elles sont parfois nécessaires ; le recours à ces consultations est orienté en fonction du tableau clinique. Après cette première étape d’orientation diagnostique de premier niveau, on a pu : Affirmer la déficience mentale Chez l’enfant, il s’agit de confirmer la déficience intellectuelle globale significative (QI < 70) sans dissociation massive entre les compétences verbales (QIV) et de performance (QIP), et les conséquences sur les facultés adaptatives du sujet (encadré 3). Chez le nourrisson, le retard de développement global sera confirmé par deux examens distants de quelques semaines, aidé si le retard est léger, d’une évaluation standardisée de type Brunet-Lézine. Éliminer les affections rentrant dans le cadre du diagnostic différentiel Leurs signes d’appel peuvent être proches de ceux d’une déficience mentale globale (tableau II). Il s’agit principalement des déficiences sensorielles (surdité, malvoyance), troubles spécifiques d’apprentissage (dysphasie développementale, déficit d’attention, troubles praxiques et visuo-spatiaux), troubles psychiatriques caractérisés (dépression sévère, dysharmonie), trouble majeur de la dynamique familiale, carence sévère de stimulation psychosociale. Rechercher des troubles associés à la déficience mentale, qui peuvent contribuer au diagnostic étiologique Épilepsie, troubles sensoriels, troubles digestifs et du sommeil, troubles spécifiques d’apprentissages, troubles psychiatriques. 716 V. des Portes et al. Différencier un retard mental fixé d’une encéphalopathie progressive avec régression psychomotrice L’examen des enregistrements familiaux en vidéo peut être d’un apport important. Ce dernier cadre nécessite un bilan neuropédiatrique spécialisé. Cependant, certaines maladies progressives telles que la maladie de San Filippo, la myopathie de Duchenne, la maladie de Steinert peuvent ne pas se manifester d’emblée par une dégradation cognitive ou motrice évidente et prendre la forme d’un retard apparemment “fixé”. De même, pour les affections sévères à début néonatal, il est souvent très difficile d’affirmer le caractère fixé ou progressif de la maladie. Enfin, une épilepsie peut générer une régression psychomotrice, aggravant une encéphalopathie fixée préexistante. Préciser le diagnostic étiologique d’un retard mental fixé ou bien à défaut, son origine anté-, péri-, ou postnatale (tableau III) Origine postnatale Il existe un contexte pathologique précis, un événement grave auquel on peut attribuer la responsabilité du retard mental. Les situations de carence majeure, les sévices graves ou les cas de psychopathologie parentale particulièrement perturbée, qui peuvent être à l’origine de sévères retards de développement. Les progrès rapides de l’enfant et le caractère mobilisable du potentiel intellectuel dans un environnement adéquat permettent de confirmer le diagnostic. Dans le cas contraire, la recherche d’une cause “constitutionnelle” associée s’impose. Tableau III. Classification des retards mentaux (RM) selon la chronologie et la nature de l’étiologie. Chronologie Anténatal Nature Génétique Acquis Indéterminé Cause exacte (et/ou signe cardinal) – Aberrations chromosomiques (nombre / structure) – Syndromes cliniques bien définis – avec substratum moléculaire connu (microdélétion, mutation génique) – sans substratum moléculaire connu – Maladies métaboliques – RM familiaux* : sans anomalie génétique retrouvée – Infections (virus/ bactérie / parasite) – Toxiques (endogène / exogène) – Vasculaire (ischémique/ hémorragique) – Malformations cérébrales sans anomalie génétique connue – Polymalformations / dysmorphies non syndromiques – Atteintes neuromotrices (spasticité, dystonie, ataxie) – Epilepsies cryptogéniques sévères Périnatal [du début du travail à j28 postnatal] – Prématurité – Anoxo-ischémie à terme – Infection materno-fœtale Postnatal [> 1 mois postnatal] – Méningite, encéphalite – Accident : traumatisme crânien / noyade / toxique – Tumeur – Accident vasculaire – Contexte carentiel grave Indéterminé – Troubles autistiques – RM isolé, non spécifique * Sont inclues les familles dans lesquelles deux sujets atteints sont parents au premier degré et/ou si la généalogie évoque une hérédité précise (autosomique récessive ou dominante, liée au chromosome X, mitochondriale). Attention ! Tous les RM familiaux ne sont pas forcément d’origine génétique ni même anténatale. Eliminer un facteur environnemental (anénatal : alcool, médicament, diabète maternel, ou postnatal : carence affective ou psychosociale majeure…) avant de considérer par défaut l’origine génétique du retard. 717 Déficience mentale Origine périnatale Un tableau d’hypoxie-ischémie à terme doit être très bien documenté avant de considérer qu’un retard mental est lié à l’accouchement. Ainsi une souffrance fœtale aiguë survenant en dehors de tout contexte de risque obstétrical, doit évoquer une pathologie constitutionnelle du fœtus. Inversement, il faut rester prudent devant un accouchement vécu comme “dramatique” par les parents, si le nouveau-né a présenté un comportement neurologique et alimentaire normal pendant les deux premiers jours de vie. Enfin, que ce soit chez l’enfant à terme ou le grand prématuré, la pathologie vasculaire périnatale est rarement responsable d’une déficience mentale isolée : l’absence de signe moteur associé et une imagerie cérébrale normale incitent à remettre en cause une telle hypothèse. patients qu’il faut poursuivre les investigations et passer à la deuxième étape. Origine anténatale Le terme « origine anténatale » est ambivalent car il comprend deux groupes de patients : – ceux pour qui la cause exacte est identifiée, devant un tableau clinique d’emblée évocateur d’une étiologie précise. Cette hypothèse sera étayée par un ou deux examens paracliniques ciblés. Citons à titre d’exemple la trisomie 21 suspectée devant une hypotonie néonatale avec dysmorphie caractéristique, confirmée sur le caryotype standard. De même, une fœtopathie à cytomégalovirus (CMV) évoquée devant un retard de croissance intra-utérin (RCIU) avec microcéphalie et surdité, est confirmée dès la naissance par une virurie et un scanner cérébral. Devant un garçon de dix ans très agité avec un visage allongé, un prognathisme, et des grandes oreilles, le syndrome X fragile est rapidement confirmé en biologie moléculaire. – Tous les patients pour lesquels aucune cause péri ou postnatale n’a été retrouvée. Chez ces patients, on peut présumer une origine anténatale mais sans orientation clinique évidente sur les données anamnestiques et d’examen. C’est pour ce groupe de Degré de spécialisation du médecin référent DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE DE DEUXIÈME NIVEAU : TROUVER UNE CAUSE ANTÉNATALE NON ÉVIDENTE Objectif Recherche étiologique devant un retard mental fixé (non progressif) et de cause anténatale présumée (ni péri- ni postnatale) sans orientation clinique évidente. Avis spécialisé : neuropédiatre et/ou généticien clinicien, en collaboration étroite. Outils du diagnostic L’histoire naturelle et l’examen neuropédiatrique sont revus ainsi que l’examen dysmorphologique complet, avec l’aide d’un généticien clinicien. Des photographies médicales (enfant et apparentés si possible) ainsi que des vidéos familiales, sont souvent une aide au diagnostic. L’arbre généalogique sur trois générations doit être scrupuleusement reconstitué. La consultation de banques de données (tableau IV) peut constituer aussi une aide au diagnostic, mais ne remplace pas la valeur d’un examen clinique attentif, à l’affût de petits signes d’orientation passés inaperçus. Les examens complémentaires sont discutés en fonction du contexte clinique. Tableau IV. Banques de données de diagnostics accessibles sur Internet. Sites Orphanet OMIM Genatlas Medline LDB (London Data Base) Possum Adresses http : //orphanet.infobiogen.fr http : //www.ncbi.nlm.nih.gov/Omim http : //www.citi2.fr/GENATLAS http : //www.ncbi.nlm.nih.gov cdrom cdrom 718 V. des Portes et al. Quelques situations cliniques fréquentes permettent d’orienter les examens Les hypothèses évoquées orientent le choix des examens nécessaires au diagnostic étiologique. Ces exemples et les étiologies citées ne sont en aucun cas exhaustifs. Contexte familial particulier Enfant né hors de France (pays sans dépistage néonatal) Dosage de TSH et test Guthrie (phénylcétonurie). Consanguinité et/ou retard familial dans une même fratrie Bilan métabolique comportant chromatographie des acides aminés (CAA), chromatographie des acides organiques (CAO), mucopolysaccharides et oligosaccharides urinaires. Antécédents familiaux suggérant une hérédité chromosomique avec remaniement équilibré (fausses couches spontanées et/ou retard mental familial sans “hérédité claire”) Caryotype haute résolution chez le propositus et les deux parents à la recherche d’une translocation équilibrée. Antécédents familiaux suggérant une hérédité liée au sexe Retard mental chez plusieurs garçons, hérité par des femmes saines (hérédité récessive liée au sexe) ou des femmes transmettrices atteintes d’un retard mental plus léger que les garçons (hérédité dominante). Un syndrome de l’X fragile est recherché en biologie moléculaire. Si le test est normal, une lignée lymphoblastoide est établie pour poursuivre l’étude génétique des nombreux autres gènes de retard mental lié au chromosome X (cf infra). chaîne : AGTLC), aux troubles de l’organogenèse cérébrale (fosse postérieure), sans oublier les pathologies extra neurologiques décompensées sources d’hypotonie néonatale (cardiopathies, syndrome algique…) Crises épileptiques précoces La survenue de crises convulsives néonatales associées à un mauvais développement survenant en dehors de tout contexte de souffrance ou d’infection périnatale, motive la recherche d’affections métaboliques spécifiques [12]. Microcéphalie + RCIU + /- atteinte polyviscérale Ce tableau clinique fréquent peut être secondaire à des causes extrêmement diverses à la fois acquises et génétiques. Il est fondamental d’exclure dès la période néonatale des fœtopathies infectieuses (toxoplasmose, rubéole, CMV) par recherche de viruries, radiographies de squelette, échographies rénale et cardiaque, scanner cérébral (calcifications). Le syndrome d’alcoolisme fœtal reste fréquent et il faut y penser systématiquement (dysmorphie faciale, notion de consommation d’alcool et gammaGT maternelles). Ensuite, les causes génétiques sont recherchées : anomalies chromosomiques (caryotype haute résolution), ou syndromes rares, trouble de la glycosylation des protéines ou « CDG » syndrome, syndrome de Smith-Lemli-Opitz (7dehydro-cholestérol), sans oublier les rares phénylcétonuries maternelles méconnues. Retard psychomoteur révélé précocement (avant l’âge de un an) Syndrome clinique évocateur d’une affection génétique précise Quelques formes d’encéphalopathies précoces et sévères sont illustrées dans le tableau V. Ces affections sont rares mais un test génétique précis, souvent très spécifique, peut confirmer le diagnostic, à la condition d’avoir été demandé par le clinicien devant un tableau clinique évocateur. Dans ces situations, une bonne expérience clinique est nécessaire, et la collaboration avec les généticiens dysmorphologistes est indispensable. Hypotonie néonatale ± troubles de succion déglutition Penser au syndrome de Prader Willi, à la maladie de Steinert, à l’hypothyroïdie congénitale (TSH), aux maladies peroxysomales (acides gras à très longue Encéphalopathie précoce et sévère sans étiologie évidente Si le retard est précoce et profond, il est parfois difficile d’affirmer le caractère fixé ou progressif d’une encéphalopathie. Le bilan pourra être élargi par un 719 Déficience mentale Tableau V. Exemples de retard mental sévère avec dysmorphie, évocateurs d’un syndrome génétique précis. Signes cardinaux Syndrome - nez crochu, pouce large, doigts spatulés - hypogénitalisme, surdité, microcéphalie, collumelle courte Rubinstein-Taybi ATR-X inactivation - hypertélorisme, phalanges en baguettes, scoliose, lèvre inférieure charnue - fente labiopalatine, hypogénitalisme hypertélorisme - hypotonie, traits grossiers, cheveux clairsemés Coffin-Lowry - retard de croissance , nez « en casque grec » crises d’épilepsie et EEG particuliers bilan métabolique selon le contexte clinique : rapport lactate/pyruvate dans le sang et le liquide céphalorachidien (LCR), enzymes lysosomales, isoformes de la transférine (CDG syndrome), AGTLC, CAA, CAO [12]. Dans un certain nombre de cas, les données cliniques (spasticité) ou l’imagerie par résonance magnétique (IRM, lésions clastiques, substance blanche réduite en volume) évoquent une pathologie vasculaire anténatale mais sans élément anamnestique clair. Dans ces cas, il faut rechercher une pathologie vasculaire maternelle et effectuer un bilan de thrombophilie complet (facteurs de coagulation, protéine C, protéine S, anticorps anti-ADN natif, antiphospholipides, antithrombine III et facteur V de Leyden). Retard révélé après l’âge de un an Dans un grand nombre de cas, le développement est normal au cours de la première année, et c’est un retard de langage, un trouble du comportement, un échec scolaire, qui motivent la consultation. Comme toujours, la stratégie diagnostique est guidée par la clinique. Un signe physique ou un comportement particulier de l’enfant peuvent orienter le diagnostic. Un signe physique particulier Dysmorphie ou signe évocateur d’un syndrome précis. Une voix nasonnée avec insuffisance vélaire, une cardiopathie conotroncale font rechercher une délétion en 22q11 par FISH. Une anomalie de répartition des graisses et des mamelons inversés orientent vers un CDG syndrome. Un ptôsis et une hypomimie faciale avec cataracte maternelle sont très en faveur d’un Steinert. Signe clinique évocateur de plusieurs syndromes. A titre d’exemple, devant un retard mental avec Opitz Pallister-Killian Wolf-Hirschhorn Examen génétique HIS 16p13.3 étude gène XNP Chromosomes X maternels (lié à l’X) gène Rsk-2 (lié à l’X) gène MID-1 (lié à l’X) caryotype sur fibroblastes tétrasomie 12p HIS délétion 4p obésité (non familiale), quelques causes classiques sont évoquées systématiquement : Prader-Willi, X fragile, hypothyroïdie, et plus rarement, Laurence Moon-Bardet-Biedl, pseudo-hypoparathyroïdie. Une avance staturale avec macrocéphalie évoque un syndrome de Sotos, où a été mise en évidence dans 60 % des cas des mutations dans le gène NSD1. Un hypogénitalisme est retrouvé dans de nombreux syndromes, dont les syndromes de Smith-Lemli-Opitz, d’ATR-X, d’Opitz. Dysmorphie non spécifique, “traits grossiers”. L’impression de dysmorphie qui “n’évoque rien de précis” est une situation fréquente. Il est important de voir les parents et la fratrie afin de s’assurer que la dysmorphie coségrège bien avec le retard mental et n’est pas une simple “marque de fabrique” familiale ou ethnique. Une maladie de surcharge sera facilement recherchée, en particulier si la dysmorphie est associée à une viscéromégalie, par la recherche d’oligo et mucopolysaccharides urinaires, l’échographie rénale et cardiaque, les radiographies de squelette et l’étude de certaines enzymes lysosomales spécifiques. Devant une dysmorphie non spécifique avec retard mental et après réalisation d’un caryotype standard normal, un caryotype en haute résolution peut être discuté, avec des stratégies très variables selon les cytogénéticiens. Un phénotype comportemental original [13, 14] Plusieurs syndromes génétiques initialement caractérisés par des signes physiques, sont associés à un comportement particulier qui peut s’exprimer plus précocement que le syndrome dysmorphique. Connaître ces phénotypes comportementaux consti- 720 V. des Portes et al. Tableau VI. Exemples de retard mental associé à un phenotype comportemental évocateur. Phénotype comportemental - troubles du sommeil (réveil précoce) colères, autoagressivité - jovialité, langage élaboré avec dissociation verbale / visuospatiale - hyperphagie incoercible, intolérances aux frustrations - hyperexcitabilité avec rire immotivé, pas de langage, troubles du sommeil - agitation massive > 4 ans, écholalies-timidité avec fuite du regard et/ou jovialité tue une aide au diagnostic très précieuse et un enjeu thérapeutique pour l’enfant et sa famille (tableau VI). De même, la présence de troubles autistiques ou psychotiques associés à une déficience mentale, bien que non spécifiques, peut orienter vers certaines maladies métaboliques et fera réaliser plus particulièrement SAICAR, CAA, CAO, uricosurie et créatininurie. En cas de troubles psychiatriques aigüs on demandera CAA, CAO, homocystéine, acide orotique urinaire, ammoniémie. Retard mental “nu”, sans dysmorphie ni anomalie neurologique évidente Dans cette situation clinique fort difficile et très fréquente, le clinicien affronte deux logiques contradictoires : le désir parental de “tout faire pour trouver” et la très médiocre rentabilité diagnostique ainsi que le coût élevé des investigations paracliniques (cf discussion). Le bilan minimum qui peut être proposé comporte un caryotype standard, une recherche d’X fragile, un électroencéphalogramme (EEG), une IRM. A cela, on peut ajouter deux examens biochimiques simples, les enzymes musculaires (créatinephosphokinase : CPK) chez le garçon, et l’ammoniémie chez la fille. Les indications d’un bilan plus approfondi, notamment bilan métabolique exhaustif et caryotype haute résolution, restent débattues. DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE TROISIÈME NIVEAU : DES PROGRAMMES DE RECHERCHE CLINIQUE Objectif Recherche diagnostique devant un retard mental souvent isolé et de cause indéterminée après une exploration exhaustive (2e niveau). Les études génétiques en cours, qui sont du domaine de la recherche, portent actuellement sur Syndromes Smith – Magenis Williams Prader-Willi Angelman X fragile Examen (s) génétique (s) HIS 17p11 échographie cardiaque, HIS 7q11 Etude de méthylation, HIS 15q11-q13 Etude de la méthylation, HIS 15q11q13 gène FMR-1 (site FRAXA) des retards mentaux familiaux ou des syndromes rares faisant l’objet d’étude ciblées. Dans un deuxième temps, ce niveau III sera probablement élargi aux cas sporadiques. Équipes impliquées Programmes de recherche en réseau avec l’Inserm, des services cliniques de neuropédiatrie ou de génétique, et des laboratoires européens travaillant sur le retard mental. Cette étape diagnostique n’est pas accessible en pratique courante pour tous les patients. Il s’agit de programmes de recherche clinique orientés dans plusieurs directions. Les grands axes de recherche actuels s’intéressent aux facteurs génétiques : valider de nouveaux gènes, caractériser des remaniements chromosomiques infracytogénétiques… mais le rôle de facteurs toxiques environnementaux, et maternels est aussi d’actualité. Recherches génétiques Selon les données actuelles de la littérature, deux champs d’investigation semblent prometteurs : la recherche d’anomalies submicroscopiques dans les régions sous télomériques, par FISH ou CGH (comparative genomic hybridation) et la recherche de mutations dans les nouveaux gènes de retard mental lié au chromosome X (RMLX). L’enjeu des prochaines années est l’organisation de ces recherches en réseaux opérationnels. Les objectifs sont multiples : 1) établir une liste des groupes impliqués pour favoriser les collaborations nationales et européennes, 2) constituer une (des) banque (s) de lignées lymphoblastoide de retards mentaux familiaux inexpliqués, disponibles dans le cadre d’un consortium national, 3) “cribler” cette banque de patients dans le cadre de différents projets de recherche simultanés, 4) constituer des populations homo- Déficience mentale gènes génétiquement et décrire le phénotype clinique (histoire naturelle, neuropsychologique, dysmorphologique et neuroradiologique) de ces nouvelles entités cliniques. Les patients qui participent à cette recherche doivent répondre à un certain nombre de critères d’inclusion : 1) un retard mental affirmé par un QI inférieur à 70, quantifié par un test psychométrique standardisé, 2) un mode évolutif “fixé”, c’est-à-dire sans notion de régression, 3) un retard mental inexpliqué au terme du bilan étiologique décrit, 4) un retard familial. Selon les régions du génome étudiées, certains modes de transmission seront recherchés : retard mental touchant les garçons et transmis par les mères dans les RMLX (retards mentaux liés à l’X), retard familial sévère affectant les deux sexes avec dysmorphie et hérédité “pseudo-dominante” dans les microremaniements sous télomériques, ou consanguinité parentale dans les retards mentaux récessifs autosomiques. 721 mental est connue ainsi que sa pathogénie, acquise ou génétique. Nous avons cherché à proposer une stratégie diagnostique devant une déficience mentale, qui puisse être un outil utile au clinicien. Il faut souligner que la démarche clinique reste l’élément primordial de cette recherche étiologique. Elle demande d’être menée de façon rigoureuse, avec si nécessaire l’expertise spécialisée de neuropédiatres et généticiens cliniciens comme le rappelle l’étude récente de Shevel et al. [15] : dans 3/4 des cas où une étiologie a été trouvée, elle l’a été à partir de l’anamnèse et de l’examen clinique qui ont permis d’orienter les examens complémentaires nécessaires. Leur choix et leur justification sont beaucoup plus difficiles lorsque manque toute orientation clinique, dans les retards mentaux dits « isolés ». Les indications des principaux examens complémentaires sont revues brièvement dans ces différentes situations. Les examens génétiques Recherche de facteurs toxiques maternels ou environnementaux Pour ces retard mentaux sévères et inexpliqués souvent accompagnés de dysmorphies ou même de malformations, les recherches actuelles font principalement le pari d’une origine génomique. Il existe cependant d’autres voies de recherche ayant trait à l’environnement du fœtus : toxicité d’origine maternelle, alcool, médicaments, drogues, tabac, processus alloimmuns ou toxiques exogènes présents dans l’environnement (citons les éthers de glycol présents dans des peintures et solvants utilisés dans les produits ménagers et dont le caractère tératogène a été démontré). Ces recherches sont difficiles et encore très peu pratiquées car elles nécessitent des enquêtes épidémiologiques et toxicologiques. DISCUSSION : INDICATIONS DES PRINCIPAUX EXAMENS COMPLÉMENTAIRES Il est clair que l’identification de la cause d’un retard mental chez un enfant est essentielle pour répondre aux demandes d’explication et de pronostic des parents et pour orienter la prise en charge. Mais un des principaux enjeux du diagnostic étiologique est de permettre un conseil génétique. Ce conseil génétique n’est possible que si la cause précise du retard Les anomalies chromosomiques sont les causes les plus fréquentes de déficience mentale. Elles concernent 4 à 10 % des retards mentaux légers et 20 à 30 % des retards mentaux sévères [8, 10, 16, 17]. La trisomie 21 représente plus de 80 % des aberrations chromosomiques détectables au caryotype standard et reste de loin la première cause de déficience mentale d’origine génétique [8, 10, 18]. Caryotype standard : quelles indications ? quelle rentabilité ? L’indication du caryotype est évidente dans les principales aberrations chromosomiques connues (trisomie 21, 13, 18, dysgonosomies…). Le caryotype s’impose aussi chez les enfants présentant des dysmorphies non évocatrices d’un syndrome connu, à condition de rester très prudent sur cette notion de “dysmorphie”. Il est important de comparer les traits morphologiques de l’enfant atteint avec ceux de ses parents et de sa fratrie, pour pouvoir confirmer que le caractère dysmorphique observé n’est pas un simple trait familial. Dans une étude australienne [19], portant sur 155 patients atteints de retard mental léger à sévère la « rentabilité » du caryotype est de 30 % dans le sous groupe de 19 sujets ayant au moins deux signes dysmorphiques, et beaucoup plus faible (1/136) dans le groupe sans dysmorphie. Ainsi, en l’absence de dysmorphie, est-il justifié de demander 722 V. des Portes et al. un caryotype chez tous les patients ayant un retard mental ? La rentabilité diagnostique de cette attitude très répandue en pratique courante est certes faible, mais il est important de garder à l’esprit le bénéfice individuel évident pour les familles, des rares anomalies ainsi découvertes. Chaque clinicien a en tête quelques observations de dysgonosomies ou de microremaniements retrouvées chez des sujets dont la dysmorphie n’était pas « très convaincante ». Place du caryotype en “haute résolution” L’indication de ce type de caryotype varie beaucoup d’un laboratoire à l’autre selon l’expérience et la disponibilité des équipes. Il est logique de demander un tel examen en cas de retard mental associé à plus de deux signes dysmorphiques, même mineurs, ou en cas de formes familiales sans hérédité clairement établie. Dans ce dernier cas un caryotype des parents est également nécessaire pour rechercher chez eux un microremaniement équilibré, parfois mieux visible que le remaniement déséquilibré porté par l’enfant malade. L’hybridation in situ avec des sondes fluorescentes (HIS) Une FISH spécifique est indiquée en première intention en cas de suspicion d’un syndrome microdélétionnel. Cette technique permet de confirmer le diagnostic de ces syndromes de façon rapide et fiable mais l’orientation clinique est indispensable. Le caryotype standard n’est généralement pas contributif ; il reste nécessaire chez les parents pour rechercher un remaniement équilibré à l’origine de la délétion. Par ailleurs, la mise en évidence de remaniements cryptiques sous télomériques, qui expliqueraient selon certains auteurs plus de 7 % des retards mentaux sévères, nécessite la mise en œuvre de techniques de FISH subtélomérique non disponibles en routine et au coût encore prohibitif [18]. Des critères cliniques de sélection des enfants à tester sont recherchés [20]. Étude en biologie moléculaire du syndrome de l’X fragile : quelle indication ? Le syndrome de l’X fragile, considéré comme la deuxième cause de déficience mentale d’origine génétique, ne touche qu’un garçon sur 6 000 naissances [21] et n’est retrouvé que dans 2 à 4 % des retards mentaux fixés [18]. Le phénotype clinique chez l’adolescent et l’adulte est caractéristique et cer- tains auteurs ont proposé des scores cliniques bien corrélés au rendement diagnostique du syndrome [22]. En effet, si on classe les patients selon cette échelle diagnostique, le taux de diagnostic positif d’X fragile chez le garçon passe de 0,6 % pour un score de 4/10, à 67 % pour un score entre 8 et 10/10. Mais parmi les sujets X fragiles confirmés, 2 % ont un score de 4, et 18 % un score de 5 [22]. Ces chiffres illustrent bien les contradictions entre une logique de santé publique pour laquelle un test dont le rendement est de 2 % peut sembler discutable, et une stratégie diagnostique individuelle où “ tout” doit être mis en œuvre pour aboutir au diagnostic. En pratique, il est d’usage pour de nombreux cliniciens d’effectuer cette recherche devant tout retard mental inexpliqué, chez les garçons mais aussi chez les filles chez lesquelles les signes morphologiques sont souvent très atténués. La rentabilité d’une telle démarche est médiocre pour les laboratoires de génétique moléculaire. Mais encore une fois, le bénéfice en terme de conseil génétique pour les familles est tel que cette attitude reste admise. Autres techniques de biologie moléculaire Des études génétiques très spécifiques telles qu’un profil d’inactivation du chromosome X, un caryotype sur fibroblastes sont indiquées de manière très ciblée en fonction de l’orientation diagnostique clinique (tableau V). Imagerie cérébrale : scanner ou IRM ? L’imagerie cérébrale est justifiée en première intention si, associé au retard mental, il existe une comitialité, des signes neurologiques, « une histoire » vasculaire ou infectieuse ante ou périnatale, une régression des acquisitions, une micro- ou macrocéphalie, un hypo- ou hypertélorisme. L’IRM cérébrale est plus performante que le scanner, en particulier pour la mise en évidence d’anomalies de la gyration, d’anomalies de la fosse postérieure ou de la subtance blanche. Dans certaines pathologies associées à des lésions calcifiées, le scanner cérébral présente une informativité supérieure à l’IRM (calcifications périventriculaires d’une maladie de Bourneville ou d’une fœtopathie à CMV). Devant un retard mental isolé, l’IRM est le plus souvent demandée de préférence au scanner. Elle pourra mettre en évidence une dysgénésie corticale (même sans épilepsie active), une anomalie de la 723 Déficience mentale fosse postérieure, ou une anomalie de la ligne médiane dont les agénésies calleuses. Pour ces anomalies subtiles, le scanner cérébral est souvent peu contributif ou montre des signes indirects qui doivent être confirmés en IRM. De plus, la tendance à demander une tomodensitométrie cérébrale car d’accès plus facile actuellement, augmente le risque de méconnaissance de certaines étiologies [15]. La rentabilité diagnostique de l’IRM dans les retards mentaux isolés reste faible quoique peu évaluée. Malgré l’existence de rares observations cliniques où un diagnostic précis a pu être posé au décours d’une IRM systématique, l’indication de cet examen de première intention reste discutable pour plusieurs raisons : 1) difficultés d’accès au plateau technique dans certaines régions ; 2) iatrogénie de la prémédication voire de l’anesthésie générale souvent requise chez des enfants déficients mentaux agités et enfin 3) rentabilité diagnostique faible dans les retards mentaux isolés. De plus, quand l’IRM montre une malformation cérébrale, son origine acquise ou génétique est rarement déterminée et un conseil génétique fiable reste souvent inaccessible en l’absence de mutation génique démontrée, comme c’est le cas dans la plupart des agénésies du corps calleux, des ventriculomégalies, ou des hypoplasies du cervelet. En pratique, l’IRM garde sa place dans la démarche diagnostique d’un retard mental isolé, mais seulement en deuxième intention, si aucune orientation diagnostique n’a pu être évoquée après un examen neurologique et dysmorphologique approfondis. Les parents devront être informés de la rareté et du peu de spécificité des anomalies retrouvées. L’électroencéphalogramme Cet examen, peu coûteux et facile d’accès, nous semble indiqué pour tous les cas, avec si possible enregistrement de sommeil chez le jeune enfant. Il peut montrer des anomalies qui vont conforter l’indication neuroradiologique : asymétrie évoquant un processus lésionnel, ou rythmes rapides en faveur d’une anomalie de gyration. Son intérêt diagnostique est significatif surtout pour les syndromes où s’observe un profil électroclinique caractéristique. Le plus classique est le syndrome d’Angelman. Citons aussi les duplications du chromosome 15, le syndrome de Wolf-Hirschorn (4p-), le syndrome du chromosome 20 en anneau, plus exceptionnels. La mise en évidence de pointes ondes continues du sommeil (POCS) peut rendre compte de certaines régressions du langage et du comportement. Quand demander un bilan métabolique ? Un bilan métabolique est indiqué en première intention devant un retard mental qui s’accompagne de régression motrice ou intellectuelle, de changement de comportement, d’épisodes aigus neurologiques ou de signes viscéraux associés. Des examens métaboliques « ciblés » pourront être demandés en fonction de l’âge de l’enfant et de signes d’orientation neurologique ou extraneurologique : cutanés, osseux, ophtalmologiques Les notions de stagnation staturopondérale, de cassure de la courbe de PC, d’intolérance alimentaire sélective, d’associations illégitimes c’est à dire d’atteinte simultanée d’organes sans lien anatomofonctionnel (mitochondrie), doivent alerter et faire rechercher une maladie métabolique. De même, certaines dysmorphies sont évocatrices de maladies métaboliques. Des malformations cérébrales peuvent s’observer dans des affections métaboliques à début anténatal [12, 23] (tableau VII). Mais devant un retard mental isolé, la rentabilité des chromatographies d’acides aminés et organiques nous semble trop faible pour proposer ces examens Tableau VII. Quelques exemples de malformations cérébrales secondaires à une maladie métabolique [12]. Malformations cérébrales « Agénésie » ou atrophie calleuse Micropolygyries Hypoplasie / atrophie cérébelleuse Hydrocéphalie, anomalies de gyration Maladies métaboliques Déficit en pyruvate déshydrogénase Hyperglycinémie sans cétose Smith Lemli Opitz Maladies péroxysomales (Zellweger) Anomalies de glycosylation des protéines : syndrome CDG Smith Lemli Opitz 724 V. des Portes et al. de manière systématique. En revanche, elles seront facilement demandées en cas de retard familial ou de consanguinité. Plus utile et plus accessible pour les cliniciens sont la réalisation systématique d’un dosage de CPK chez le garçon, révélant parfois une dystrophinopathie débutant par un retard psychomoteur global, ou d’une ammoniémie chez la fille, révélant un déficit en ornithine carbamyl transferase devant un retard mental avant toute décompensation aiguë [24]. CONCLUSION La démarche diagnostique que nous avons exposée, permet de repérer dans un premier temps la chronologie de survenue du retard mental : anténatale, périnatale ou postnatale. Cette première étape, importante en épidémiologie descriptive, peut aboutir à un diagnostic précis, par exemple : séroconversion à CMV ou souffrance fœtale aiguë par dystocie bien documentée. Cette étape d’analyse chronologique peut rester incertaine, en particulier quand des troubles psychiatriques et plus particulièrement autistiques sont présents. Dans ces situations, le rôle de facteurs anténataux et environnementaux postnataux, en proportion variable, est présumé actuellement. Les retards mentaux isolés de cause inconnue répondent probablement à une origine anténatale non déterminée mais la contribution de facteurs postnataux ne peut être exclue. La nature précise de l’étiologie du retard mental ainsi que sa pathogénie sont nécessaires au conseil génétique. Certains diagnostics syndromiques ou malformatifs, apparemment clairs, sont en fait insuffisants pour proposer un conseil génétique fiable. Bon nombre n’ont pas de marqueurs biologiques connus (ex : la plupart des agénésies du corps calleux, des ventriculomégalies, des hypoplasies du cervelet). D’autres peuvent correspondre à des anomalies moléculaires diverses, ayant des risques de transmission différents. Un exemple parmi d’autre est celui du syndrome d’Angelman : il peut être dû à une délétion de la région 15q11-q13 ou à une disomie uniparentale, en règle sporadiques, mais aussi à une anomalie isolée de la méthylation ou à une mutation ponctuelle dans le gène UBE3A dont les risques de récurrence sont de 50 % [25]. De même, le diagnostic de lissencéphalie ou agyrie-pachygyrie n’est pas suffisant en soi quand on sait qu’une mutation dans le gène LIS-1 survient de novo alors qu’une mutation dans doublecortine (Xq22.3) est récurrente avec un risque de 50 % [26]. Le diagnostic moléculaire est nécessaire pour un conseil génétique fiable dans ces deux syndromes. En pratique clinique, l’indication des examens complémentaires devant un retard mental isolé, sans orientation clinique, reste difficile. Ces examens ont une faible rentabilité mais sont indiqués en fonction d’un éventuel bénéfice individuel pour l’enfant ou sa famille. Ainsi, des investigations complémentaires pourront être reprises des années après le premier avis, à la demande des parents ou de la fratrie du propositus, désireux d’avoir un enfant. On propose dans le contexte d’un retard mental isolé, un EEG, un examen en imagerie cérébrale (IRM si possible), un caryotype, une recherche d’X fragile. Un suivi clinique annuel du patient est nécessaire car certains traits morphologiques, certains troubles comportementaux peuvent apparaître au cours des années. De même, la connaissance médicale évolue rapidement et un retard “inexpliqué” n’est finalement qu’un retard “cryptogénique” : la cause est là, cachée ; il faut être persévérant, et savoir revoir le patient pour identifier l’étiologie. RÉFÉRENCES 1 American Psychiatric Association. DSM-IV, diagnostic and statistical manual of mental disorders. 4th ed. Washington DC : The American Psychiatric Association ; 1994. 2 Mlika A, Mazaubrun C du, Rumeau-Rouquette C. Prévalence des retards intellectuels sévères et des trisomies 21 dans 3 générations : 1972, 1976 et 1981. Rev Épidémiol Santé Publique 1993 1972 ; 41 : 44-52. 3 Glass IA. X linked mental retardation. J Med Genet 1991 ; 28 : 361-71. 4 Rutter M, Tizard J, Yule W, Graham P, Withmore K. Isle of wight studies (1964–1974). Psychological Medicine 1976 ; 6 : 313-32. 5 Stein Z, Susser M, Saenger G. Mental retardation in a national population of young men in the netherlands. II. prevalence of mild mental retardation. 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Malgré ce caractère de bénignité, les crises sont souvent résistantes aux antiépileptiques. Se pose ainsi la question de la légitimité d’un traitement médicamenteux. Une étude de population a suivi pendant sept ans et demi, 79 enfants ayant une épilepsie partielle bénigne à pointes centro-temporales : 43 ont été traités par antiépileptiques et 36 ne l’ont pas été. Les deux groupes étaient similaires en ce qui concerne l’activité de l’épilepsie. Les raisons pour lesquelles un enfant était traité ou non dépendaient de nombreux facteurs (comme l’anxiété vis à vis des crises ou des effets secondaires du traitement) mais surtout de l’avis du médecin traitant. Les médicaments utilisés ont été la carbamazépine, le phénobarbital ou le clonazépam pendant une durée moyenne de 28,5 mois. Le traitement a permis de diminuer significativement le nombre des crises secondairement généralisées (p = 0,0002) mais pas des crises partielles (p = 0,2) ; 51 % des enfants traités n’ont plus eu de crises contre 11 % sans traitement. La moitié des enfants sans traitement a eu au moins une crise généralisée (dont un état de mal) contre 16 % dans le groupe traité. Plus de 900 crises ont eu lieu pendant la durée de l’étude, sans conséquence majeure. Un enfant (non traité) a chuté dans les escaliers au cours d’une crise. Au terme de l’étude, tous les patients étaient guéris de l’épilepsie. Leur évolution sociale et professionnelle ne dépendait pas du choix thérapeutique. Cette étude confirme l’évolution favorable de l’épilepsie bénigne à pointes centrotemporales et la difficulté à contrôler les crises partielles par les antiépileptiques. Il est dommage que les effets secondaires des médicaments ne soient pas rapportés. Dans la discussion, le point de vue des auteurs va vers l’abstention thérapeutique, après que le caractère bénin de la maladie a été expliqué aux parents. On constate néanmoins qu’il y a eu dans le groupe traité trois fois plus de crises généralisées, dont un état de mal (les auteurs suggèrent l’utilisation de diazépam intra-rectal à la maison) et un accident au cours d’une crise. Il reste donc licite de proposer un traitement antiépileptique aux patients ayant une épilepsie partielle bénigne à pointes centro-temporales après avoir expliqué les avantages et inconvénients. Inversement, l’objectif zéro crise ne doit pas être impérieux, surtout si celui-ci nécessite une escalade thérapeutique. Peters JM, Camfield CS, Camfield PR. Population study of benign rolandic epilepsy : is treatment needed ? Neurology 2001 ; 57 : 537-9. S. Chabrier Hôpital Nord, Saint-Étienne 2S0929693X01009988/NWS