Démarche diagnostique devant une déficience mentale de l`enfant

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Démarche diagnostique devant une déficience mentale de l`enfant
Arch Pédiatr 2002 ; 7 : 709-25
© 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés
S0929693X01009733/FLA
Mise au point
Démarche diagnostique devant une déficience mentale
de l’enfant en 2002
V. des Portes1, M.O. Livet2, L. Vallée3*, et le Groupe de travail de la Société
française de neuropédiatrie (SFNP) sur les retards mentaux**
1
Service de neuropédiatrie, hôpital Saint-Vincent-de-Paul, Paris, France ; 2service de pédiatrie,
centre hospitalier du Pays-d’Aix, Aix en Provence, France ; 3service de neuropédiatrie, clinique de pédiatrie,
hôpital Roger-Salengro, CHRU, 59037 Lille cedex, France
(Reçu le 18 mars 2002 ; accepté le 22 avril 2002)
Résumé
La recherche de la cause d’une déficience mentale de l’enfant est un enjeu majeur en pratique pédiatrique. Un groupe de travail émanant de la Société française de neurologie pédiatrique (SFNP), propose une démarche diagnostique en trois étapes successives à partir de situations cliniques fréquentes permettant d’orienter les examens complémentaires. L’indication de ces examens complémentaires
devant un retard mental isolé, sans orientation clinique, reste peu rentable. Pour le conseil génétique,
il est indispensable de connaître l’étiologie du retard mental, mais aussi sa pathogénie voire l’anomalie moléculaire en cause. Ce protocole souligne l’importance de la démarche clinique de l’évaluation neurodéveloppementale, de la mesure des capacités intellectuelles de l’enfant, et de la collaboration des différents spécialistes concernés. © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS
retard mental / diagnostic
Summary – A practical diagnostic approach to mental deficiency in 2002.
The identification of an etiology in children with mental deficiency is a major challenge in routine pediatrics. As the result of a workshop leaded by the Société française de neurologie pédiatrique (SFNP),
we propose a three steps diagnostic procedure, taking into account several frequent clinical observations leading to further targeted investigations. The yield of systematic imaging and biological screening remains very low, when performed for a non specific isolated mental retardation, without any characteristic clinical features. Yet, it is mandatory for an accurate genetic counseling to know not only the
clinical diagnosis of developmental delay, but also the pathophysiology and the underlying molecular
mechanism. The SFNP’s proposal points out the necessity of a comprehensive clinical process including cautious neurodevelopmental assessment, reliable cognitive and adaptive skills evaluation, and
collaboration between different specialists. © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS
mental retardation / diagnostic techniques and procedures / child
Deux nouveau-nés sur cent seront atteints de déficience intellectuelle provoquant des difficultés
*Correspondance et tirés à part.
Adresse e-mail : [email protected] (L. Vallée).
**Groupe de travail composé de : S.A. Beucher, F. Boidein,
R.F. Buissonnière, Y. Chaix, G. Darnaud, O. Dulac, B. Echenne,
P. Landrieu, F. Lebas, A. Moncla, C. Moraine, A. Picard, P. Pineau,
C. Richelme, P. Talon, C. Van Hulle.
majeures d’adaptation (encadré 1). La forte prévalence du retard mental dans la population générale
est connue depuis longtemps des épidémiologistes
mais sa fréquence reste controversée. Pour les retards
mentaux sévères (quotient intellectuel : QI < 50) la
prévalence de 3 à 4 p. 1 000 est admise, mais pour
les retards mentaux légers (QI entre 50 et 70), la prévalence varie de 0,8 à 2,5 % selon les études ; on
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V. des Portes et al.
Encadré 1
Définition : retard mental (RM), pathologie de l’adaptation à l’environnement.
Le RM est défini par la classification américaine DSM-IV de 1994 [1], comme “un fonctionnement
intellectuel général significativement inférieur à la moyenne, qui s’accompagne de limitations significatives du fonctionnement adaptatif dans les secteurs d’aptitudes tels que communication, autonomie, apprentissage scolaire, vie sociale, responsabilité individuelle, travail, loisirs, santé et sécurité. Le
tout doit survenir avant l’âge de 18 ans”. Cette définition comporte donc deux aspects fondamentaux,
le fonctionnement intellectuel et la faculté d’adaptation.
Le fonctionnement intellectuel global est défini par le quotient intellectuel global (QIG) : 100 est la
moyenne statistique du QI, et 15 la valeur d’un écart-type (ET) ; le RM est défini par un QI < 70,
soit < -2DS. Le diagnostic d’un RM et sa sévérité sont donc appréciés de manière approximative par
la mesure du niveau des performances intellectuelles grâce à des tests psychométriques standardisés,
dont le résultat est exprimé en quotient intellectuel (QI). Le choix des instruments de mesure et l’interprétation des résultats doivent prendre en considération des facteurs qui peuvent limiter les performances aux tests (contexte socioculturel, langue maternelle, handicaps associés moteurs ou sensoriels,
troubles de communication). Les tests psychométriques les plus utilisés sont les échelles de Wechsler
(WPPSI de trois à six ans, WISC-III de six à 16 ans et WAIS-R, > 16 ans). Chez le nourrisson et le
jeune enfant, on utilise couramment en France le test de Brunet-Lézine (0 à 6 ans).
Le fonctionnement adaptatif fait référence à la façon dont l’individu fait effectivement face aux exigences de la vie courante et à sa capacité à atteindre le degré d’autonomie personnelle que l’on peut
attendre selon son âge, son contexte socioculturel et son environnement. En d’autres termes, il s’agit
de l’intelligence pratique de l’individu. Plusieurs échelles ont été mises au point pour quantifier le
fonctionnement adaptatif ; la plus connue est l’échelle de comportement adaptatif de Vineland. Ce
fonctionnement adaptatif peut être influencé par divers facteurs comme l’éducation, la motivation, la
personnalité, les possibilités socioprofessionnelles. Les facultés d’adaptation sont davantage susceptibles d’être améliorées par les mesures rééducatives, que le fonctionnement intellectuel qui reste un
attribut plus stable. C’est donc sur elles que se fondent les programmes d’aide et d’intervention auprès
de la personne atteinte de déficience intellectuelle.
peut retenir raisonnablement une prévalence de 1,5 à
2 % (encadré 2). Il s’agit donc d’un enjeu majeur de
santé publique et d’un motif fréquent de consultation. Les cliniciens ont pour mission d’assurer le
dépistage précoce des retards mentaux, la recherche
de leurs causes ainsi que leur prise en charge et
l’accompagnement des familles.
L’identification de l’étiologie d’un retard mental
est une part primordiale de ce travail clinique : elle
seule permet de mieux répondre à quatre questions
essentielles posées par les parents : “Pourquoi notre
enfant a-t-il un retard ou des diffıcultés d’apprentissage ?” “Risque-t-il de régresser ou continuera-t-il
à faire des progrès ? Arrivera-t-il à marcher, parler,
apprendre un métier ?”, “Que faire pour l’aider à
progresser ?”, “Quel est le risque d’avoir un autre
enfant retardé ?”. La cause exacte de cette déficience
est encore souvent inconnue puisque deux tiers des
retards mentaux légers et la moitié des retards mentaux sévères restent actuellement inexpliqués
(tableau I).
UNE DÉMARCHE CLINIQUE
EN TROIS ÉTAPES
Les progrès récents de l’imagerie cérébrale, de la dysmorphologie, de la cytogénétique et de la génétique
moléculaire fournissent depuis une dizaine d’années
de nouveaux outils qui devraient permettre d’améliorer la stratégie diagnostique du clinicien. Paradoxalement, cette explosion des connaissances ne facilite pas toujours le travail du pédiatre qui peut se
sentir perdu devant la masse d’examens disponibles
et avoir des difficultés à garder une démarche dia-
Déficience mentale
711
Encadré 2
Épidémiologie : prévalence des retards mentaux (RM).
La prévalence des RM est difficile à évaluer, son estimation dépendant en général de la qualité et de
l’organisation des systèmes de santé. Si on admet que la distribution du QI dans la population générale
suit une courbe gaussienne, la moyenne étant 100, les sujets ayant un QI < 70 devraient représenter
2,5 % de la population.
Suivant le même raisonnement, la prévalence des RM sévères (RMS) (QI < – 3 ET, soit QI < 50–55),
serait théoriquement de 0,23 %, soit 2,3 pour 1 000. Or, toutes les études épidémiologiques convergent
vers une prévalence des RMS plus élevée, entre 3 et 4 pour 1 000 [2, 3]. Cet excès de sujets ayant un
QI < 50 par rapport au taux théorique attendu a suggéré que la distribution des QI suivait en fait une
courbe bimodale.
Si on se base sur les études épidémiologiques pour apprécier la prévalence des RM légers (RML :
50 < QI < 70), elle est en fait très variable selon les séries, les tests utilisés et selon l’âge de la population étudiée. Jusqu’au début des années quatre-vingts, elle était évaluée à 25 pour 1 000 [4], chiffre
correspondant au taux attendu de 2,5 % théorique de la courbe gaussienne du QI. Certaines études ont
même trouvé des taux allant jusqu’à 5 %, comme celle de Stein et al. [5] dans une population de
garçons âgés de 19 ans.
Selon des travaux européens plus récents effectuées sur des populations plus jeunes, la prévalence des
RML serait nettement moindre, de l’ordre de 0,8 % [6, 7]. Ce fait pourrait être attribué à une amélioration des conditions socioculturelles et à l’amélioration du soutien scolaire. Cependant, selon Glass [3],
qui continue à avancer une prévalence de 2 à 3 %, ces chiffres récents sont sous-estimés. Cette sous
évaluation pourrait être liée à un biais psychométrique : le niveau intellectuel général d’une population
gagne cinq points de QI à chaque génération et les barèmes des tests psychométriques usuels ne sont
pas régulièrement étalonnés ; ainsi, des enfants qui sont en réalité déficients légers obtiendraient des
scores limites autour de 75-80.
En pratique, on peut retenir, de manière arbitraire, une prévalence intermédiaire des RML autour de 15
pour 1 000.
gnostique cohérente. En effet, dans la pratique clinique quotidienne, quand une cause évidente n’est pas
retrouvée par l’anamnèse ou l’examen clinique, le
diagnostic étiologique d’un retard mental devient très
vite un art d’une grande complexité, qui requiert souvent la collaboration multidisciplinaire de neuropédiatres, généticiens cliniciens, cytogénéticiens et biologistes moléculaires.
C’est pourquoi la Société française de neuropédiatrie a constitué un groupe de travail dont l’objectif
était de proposer au praticien une stratégie diagnostique cohérente devant une déficience mentale de
l’enfant. Cette démarche clinique comporte trois étapes successives de complexité croissante, selon la
difficulté du diagnostic (figure 1).
La première étape, basée quasi exclusivement sur
les données anamnestiques familiales, personnelles
et l’examen clinique de l’enfant, est accessible à tout
praticien et comporte quatre objectifs : 1) repérer les
“signes d’alerte” d’une déficience intellectuelle en
fonction de l’âge ; 2) éliminer les pathologies rentrant dans le diagnostic différentiel (déficits sensoriels, troubles psychiatriques, troubles spécifiques
d’apprentissage) ; 3) affirmer le retard mental avec
recherche d’éventuels troubles associés ; 4) orienter
le diagnostic étiologique en fonction de la chronologie de survenue : s’agit-il d’un événement postnatal,
périnatal ou anténatal ?
La deuxième étape, concerne les enfants sans diagnostic clinique évident, chez qui une cause anténatale est présumée “par défaut”, du fait de l’absence
d’événement périnatal ou postnatal identifié. Cette
étape diagnostique nécessite le plus souvent le
recours aux avis spécialisés d’un neuropédiatre et
d’un généticien clinicien afin d’orienter au mieux le
choix des examens complémentaires.
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V. des Portes et al.
Tableau I. Étiologies des retards mentaux (d’après cinq études de la littérature).
Auteurs
Pays
Année
Nombre de sujets
Sex-ratio (garçons/filles)
Tranche d’âge (années)
Degré de retard mental
Prénatal
génétique*
acquis**
indéterminé***
Périnatal
Postnatal
Inconnu
(prématurité, anoxie à
terme, infection
néonatale)
Méningite, encéphalite,
tumeur, accident :
TC/noyade/toxique
Hagberg
[6]
Fernell
[7]
Hou [8]
Cans [9]
Stromme
[10]
Hagberg
[6]
Hou [8]
Stromme
[10]
Suède
1983
73
Suède
1998
64
1,7
3–16
RMS
66
Taiwan
1998
3 080
1,4
6–18
RMS
70
37
2,5
32
France
1999
1 150
1,4
7–16
RMS
34
20
4
11,5
Norvège
2000
79
1,3
8–13
RMS
70
42
8
24
Suède
1983
91
10–13
RML
23
5
<1
10
Taiwan
1998
3 484
1,4
6–18
RML
46
11
5
35
Norvège
2000
99
1,3
8–13
RML
51
16
10–13
RMS
55
31
12
12
1
29
15
6
11
12
4
18
9
5
12
5
5
5
5
4
2
1
18
23
14
49
22
55
43
43
RMS : retard mental sévère ; RML : retard mental léger ; périnatal : du début du travail à j28 postnatal ; postnatal : ≥ 1 mois après la
naissance ; TC : traumatisme crânien. * Aberration chromosomique (nombre/structure), microdélétion (gènes contigus), monogénique
(mutation d’un gène, dont X fragile), syndrome clinique bien défini (sans gène connu) ; ** infection, toxique, vasculaire ; ***
malformations cérébrales, polymalformations/dysmorphie, retard familial sans mutation retrouvé.
Figure 1. Démarche diagnostique devant un retard mental.
RMLX : retards mentaux liés au chromosome X ; télomères : microremaniements soustélomériques.
713
Déficience mentale
La troisième étape concerne les enfants, encore
nombreux, dont le retard mental souvent apparemment isolé reste de cause indéterminée malgré une
exploration exhaustive. Il s’agit d’une phase de
recherche clinique, dans le cadre de projets multicentriques qui tentent d’identifier des gènes responsables ou des facteurs environnementaux pré et
postnataux en cause. Les études génétiques en cours
concernent généralement les retards mentaux familiaux.
Cette démarche diagnostique en trois étapes successives ne constitue pas un travail de “consensus”
diagnostique ou une sorte de “question de cours” qui
serait forcément réductrice. En effet, chaque étape
du diagnostic fait appel en réalité à de nombreux paramètres cliniques dont l’analyse demande… du
métier ! et une collaboration pluridisciplinaire entre
pédiatres, généticiens, psychiatres et neuropédiatres.
C’est pourquoi nous avons choisi de proposer une
démarche diagnostique pragmatique à partir de diverses situations cliniques non exhaustives.
DIAGNOSTIC POSITIF DU RETARD
MENTAL ET PREMIÈRE ÉTAPE
DU DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE
Objectifs
– Affirmer le retard mental.
– Penser aux pathologies rentrant dans le diagnostic
différentiel d’une déficience mentale globale : troubles sensoriels, psychiatriques ou psychoaffectifs,
troubles spécifiques d’apprentissage ; ces différents
troubles peuvent être associés à un retard mental.
– Orienter le diagnostic étiologique vers une cause
ante, péri ou postnatale.
Degré de spécialisation du médecin référent
Tout médecin traitant : généraliste, pédiatre ou psychiatre.
Outils du diagnostic : la clinique
La première consultation
Il est capital de connaître les “ signes d’alerte ” en
fonction de l’âge (tableau II), qui font suspecter un
retard psychomoteur (chez le nourrisson) ou une déficience intellectuelle (chez l’enfant), et évoquer les
diverses situations cliniques qui peuvent être responsables des symptômes. Un exemple fréquent est celui
du retard de langage qui peut révéler une déficience
mentale, mais peut rentrer dans le cadre d’un retard
simple du langage, d’une dysphasie développementale, d’une surdité non dépistée ou d’un autisme.
Devant un retard de développement ou un trouble
du comportement, la première étape du diagnostic
positif et étiologique est basée sur l’anamnèse et
Tableau II. Signes d’appel et diagnostic différentiel d’un retard mental.
Signe d’alerte
– Hypotonie/ retard postural
– Retard d’éveil (regard, sourire)
– Trouble du comportement (hyperkinésie, agressivité)
– Retard de langage
– Échec scolaire
Diagnostic différentiel
Nourrisson
Maladies neuromusculaires
Affections extraneurologiques graves
cardiaque, digestive, rénale, viscérale autres
Troubles sensoriels
surdité, malvoyance
Troubles envahissant du développement
autismes
Enfant
Troubles cognitifs et d’apprentissage spécifiques
déficit attentionnel
trouble de mémoire
dysphasie/dyslexie
dysgraphie/dyspraxie/dyscalculie
trouble visuospatial
Troubles psychoaffectifs sévères
autismes
dysharmonies
714
V. des Portes et al.
l’examen clinique. Elle est fondamentale. On précisera :
– les antécédents familiaux : arbre généalogique,
consanguinité, fausses couches spontanées, autres cas
de retard mental ;
– l’environnement sociofamilial : origine ethnique,
niveau d’étude et profession des parents, contexte
éducatif et de socialisation, contexte psychoaffectif
et relationnel;
– les antécédents personnels : déroulement de la
grossesse : infections, hypertension artérielle, diabète, médicaments, toxiques. Bien-être fœtal : croissance, mouvements actifs fœtaux, hydramnios…
Événements psychologiques “traumatiques” éventuels et vécu subjectif de la grossesse ;
– conditions de l’accouchement notion de souffrance
fœtale, coefficient d’APGAR, terme exact et paramètres dont le périmètre crânien (PC), comportement
néonatal immédiat et durant la première semaine ;
– histoire du développement psychomoteur : l’âge
des principales acquisitions : décalage de développement possible entre les différents domaines tels que
la posture (tenue de tête, station assise stable, marche), la motricité fine (préhension volontaire, jeu,
graphisme), le contact social (regard, sourire, imitation…) et le langage.
On cherchera une régression des acquisitions antérieures :
– comportement de l’enfant, troubles d’alimentation
et digestifs éventuels : troubles de succion et/ou
déglutition dans les premiers mois, reflux gastroœsophagien, anorexie ou boulimie…
– “Caractère” de l’enfant : plutôt calme voire “dans
son monde”, hyperactif, agressif ou coléreux, sociable…
– Qualité du sommeil et du cycle veille sommeil dont
les troubles peuvent orienter vers certains syndromes.
– Examen clinique complet : peau et phanères, organes génitaux, auscultation cardiaque, recherche d’une
viscéromégalie, examen morphologique : visage, silhouette, extrémités et examen neurologique.
– Les courbes de poids, taille et PC (reportées sur
des abaques adaptés) constituent un document essentiel.
Le recours à des avis spécialisés
Au terme de la première consultation, le diagnostic
de retard mental peut être évident. Parfois, surtout
chez le nourrisson et l’enfant de moins de trois ans,
il faudra savoir attendre et revoir l’enfant après quelques mois pour confirmer une impression clinique.
Quoiqu’il en soit, un certain nombre de consultations
spécialisées sont généralement nécessaires pour
confirmer le retard mental, éliminer les diagnostics
différentiels et rechercher des pathologies associées.
Examens sensoriels spécialisés
Une consultation en ophtalmologie (acuité visuelle,
fond d’œil, examen en lampe à fente), et une vérification de la qualité de l’audition sont systématiques.
Le bilan audiométrique est adapté en fonction de
l’âge et de la coopération de l’enfant, et pourra nécessiter le recours à des explorations neurophysiologiques : potentiels évoqués auditifs du tronc cérébral
avec seuil auditif, oto-émissions acoustiques.
Avis pédopsychiatrique
La recherche de troubles psychoaffectifs et relationnels, l’appréciation de la psychodynamique familiale,
la confirmation de troubles autistiques peuvent nécessiter l’avis d’un psychologue ou d’un pédopsychiatre, dès ce stade du diagnostic.
Évaluation quantifiée des capacités intellectuelles
et adaptatives
Chez l’enfant de plus quatre ans, le recours à des
tests psychométriques standardisés doit être systématique car ils permettent : 1 : d’affirmer la déficience cognitive globale ; 2 : d’éliminer des troubles
spécifiques d’apprentissage tels que dysphasie, dyspraxie, déficit d’attention.
Parmi les outils disponibles en France, le niveau
intellectuel est généralement apprécié au moyen des
batteries psychométriques de Weschler : WPPSI-R
de trois à six ans, WISC-III de six à 16 ans, WAIS-R
après 16 ans. Chez le nourrisson et dans la petite
enfance, le test de Brunet-Lézine-R (0 à 6 ans) donne
un quotient de développement.
Enfin, la consultation auprès du psychologue doit
aussi comporter une évaluation des facultés adaptatives de l’enfant, grâce à un interrogatoire semi-dirigé
sur son degré d’autonomie dans la vie courante, soit
au mieux, au moyen de questionnaires telle que
l’échelle adaptative de Vineland [11], particulièrement précieuse chez les enfants très déficients et/ou
opposants.
Déficience mentale
715
Encadré 3
Interprétation et apports du QI et de ses subtests.
Le QI et ses subtests ne peuvent pas être interprétés sans une collaboration avec un psychologue ou
neuropsychologue. Si on ne prend en compte que le QI verbal (QIV) et le QI performance (QIP), on
risque de faire une erreur d’interprétation sur la baisse du QI général (QIG) chez un enfant. Le QIG est
composé du QIV et du QIP qui doivent être harmonieux, avec un écart inférieur à 15 points, pour
autoriser un calcul du QIG statistiquement valable. Il existe des situations où la dissociation entre QIV
et QIP est telle qu’on ne peut calculer le QIG et où une classification dans les catégories de référence
(déficience sévère, déficience légère, intelligence normale, intelligence supérieure) n’est pas possible.
Ainsi pour un enfant ayant un QIV à 45 et un QIP à 65, on doit poser l’hypothèse d’un trouble de la
communication qui retentit sur les capacités verbales mais devront être rechercher aussi un trouble de
l’organisation et de la structuration de la personnalité, des fonctions spécifiques du langage ou une
origine environnementale. Autre exemple chez un enfant ayant un QIV à 60 et un QIP à 40, on devra
rechercher des troubles associés au retard mental intéressant notamment les fonctions praxiques et
visuospatiales. De même une diminution significative et élective des subtests « codes » et « mémoire
des chiffres » pourra orienter vers un déficit d’attention, alors qu’un déficit au subtest « assemblage »
orientera vers un défaut des capacités de synthèse spatiale et d’abstraction.
L’analyse des différents subtests du Q.I. permet d’orienter les hypothèses étiopathogéniques en analysant et en comparant ces subtests : certains explorant les niveaux d’acquisitions et d’apprentissage
(ex : vocabulaire, compréhension, information) et d’autres explorant des processus cognitifs précis
(ex : fonction d’attention : subtest arithmétique, mémoire des chiffres, codes). L’étude des fonctions
adaptatives est déterminante pour l’orientation de l’enfant. La collaboration entre neuropsychologue et
neuropédiatre est donc indispensable dans cette démarche.
Évaluations orthophonique et neuropsychologique
plus complètes
Elles sont parfois nécessaires ; le recours à ces
consultations est orienté en fonction du tableau clinique.
Après cette première étape d’orientation
diagnostique de premier niveau, on a pu :
Affirmer la déficience mentale
Chez l’enfant, il s’agit de confirmer la déficience
intellectuelle globale significative (QI < 70) sans dissociation massive entre les compétences verbales
(QIV) et de performance (QIP), et les conséquences
sur les facultés adaptatives du sujet (encadré 3). Chez
le nourrisson, le retard de développement global sera
confirmé par deux examens distants de quelques
semaines, aidé si le retard est léger, d’une évaluation
standardisée de type Brunet-Lézine.
Éliminer les affections rentrant dans le cadre
du diagnostic différentiel
Leurs signes d’appel peuvent être proches de ceux
d’une déficience mentale globale (tableau II). Il s’agit
principalement des déficiences sensorielles (surdité,
malvoyance), troubles spécifiques d’apprentissage
(dysphasie développementale, déficit d’attention,
troubles praxiques et visuo-spatiaux), troubles psychiatriques caractérisés (dépression sévère, dysharmonie), trouble majeur de la dynamique familiale,
carence sévère de stimulation psychosociale.
Rechercher des troubles associés à la déficience
mentale, qui peuvent contribuer au diagnostic
étiologique
Épilepsie, troubles sensoriels, troubles digestifs et du
sommeil, troubles spécifiques d’apprentissages, troubles psychiatriques.
716
V. des Portes et al.
Différencier un retard mental fixé
d’une encéphalopathie progressive avec
régression psychomotrice
L’examen des enregistrements familiaux en vidéo
peut être d’un apport important. Ce dernier cadre
nécessite un bilan neuropédiatrique spécialisé.
Cependant, certaines maladies progressives telles que
la maladie de San Filippo, la myopathie de Duchenne,
la maladie de Steinert peuvent ne pas se manifester
d’emblée par une dégradation cognitive ou motrice
évidente et prendre la forme d’un retard apparemment “fixé”. De même, pour les affections sévères à
début néonatal, il est souvent très difficile d’affirmer
le caractère fixé ou progressif de la maladie. Enfin,
une épilepsie peut générer une régression psychomotrice, aggravant une encéphalopathie fixée préexistante.
Préciser le diagnostic étiologique d’un retard
mental fixé ou bien à défaut, son origine anté-,
péri-, ou postnatale (tableau III)
Origine postnatale
Il existe un contexte pathologique précis, un événement grave auquel on peut attribuer la responsabilité
du retard mental. Les situations de carence majeure,
les sévices graves ou les cas de psychopathologie
parentale particulièrement perturbée, qui peuvent être
à l’origine de sévères retards de développement. Les
progrès rapides de l’enfant et le caractère mobilisable du potentiel intellectuel dans un environnement
adéquat permettent de confirmer le diagnostic. Dans
le cas contraire, la recherche d’une cause “constitutionnelle” associée s’impose.
Tableau III. Classification des retards mentaux (RM) selon la chronologie et la nature de l’étiologie.
Chronologie
Anténatal
Nature
Génétique
Acquis
Indéterminé
Cause exacte (et/ou signe cardinal)
– Aberrations chromosomiques (nombre / structure)
– Syndromes cliniques bien définis
– avec substratum moléculaire connu (microdélétion, mutation génique)
– sans substratum moléculaire connu
– Maladies métaboliques
– RM familiaux* : sans anomalie génétique retrouvée
– Infections (virus/ bactérie / parasite)
– Toxiques (endogène / exogène)
– Vasculaire (ischémique/ hémorragique)
– Malformations cérébrales sans anomalie génétique connue
– Polymalformations / dysmorphies non syndromiques
– Atteintes neuromotrices (spasticité, dystonie, ataxie)
– Epilepsies cryptogéniques sévères
Périnatal
[du début du travail à j28 postnatal]
– Prématurité
– Anoxo-ischémie à terme
– Infection materno-fœtale
Postnatal
[> 1 mois postnatal]
– Méningite, encéphalite
– Accident : traumatisme crânien / noyade / toxique
– Tumeur
– Accident vasculaire
– Contexte carentiel grave
Indéterminé
– Troubles autistiques
– RM isolé, non spécifique
* Sont inclues les familles dans lesquelles deux sujets atteints sont parents au premier degré et/ou si la généalogie évoque une hérédité
précise (autosomique récessive ou dominante, liée au chromosome X, mitochondriale). Attention ! Tous les RM familiaux ne sont pas
forcément d’origine génétique ni même anténatale. Eliminer un facteur environnemental (anénatal : alcool, médicament, diabète maternel,
ou postnatal : carence affective ou psychosociale majeure…) avant de considérer par défaut l’origine génétique du retard.
717
Déficience mentale
Origine périnatale
Un tableau d’hypoxie-ischémie à terme doit être très
bien documenté avant de considérer qu’un retard
mental est lié à l’accouchement. Ainsi une souffrance
fœtale aiguë survenant en dehors de tout contexte de
risque obstétrical, doit évoquer une pathologie constitutionnelle du fœtus. Inversement, il faut rester prudent devant un accouchement vécu comme “dramatique” par les parents, si le nouveau-né a présenté un
comportement neurologique et alimentaire normal
pendant les deux premiers jours de vie. Enfin, que ce
soit chez l’enfant à terme ou le grand prématuré, la
pathologie vasculaire périnatale est rarement responsable d’une déficience mentale isolée : l’absence de
signe moteur associé et une imagerie cérébrale normale incitent à remettre en cause une telle hypothèse.
patients qu’il faut poursuivre les investigations et passer à la deuxième étape.
Origine anténatale
Le terme « origine anténatale » est ambivalent car il
comprend deux groupes de patients :
– ceux pour qui la cause exacte est identifiée, devant
un tableau clinique d’emblée évocateur d’une étiologie précise. Cette hypothèse sera étayée par un ou
deux examens paracliniques ciblés. Citons à titre
d’exemple la trisomie 21 suspectée devant une hypotonie néonatale avec dysmorphie caractéristique,
confirmée sur le caryotype standard. De même, une
fœtopathie à cytomégalovirus (CMV) évoquée
devant un retard de croissance intra-utérin (RCIU)
avec microcéphalie et surdité, est confirmée dès la
naissance par une virurie et un scanner cérébral.
Devant un garçon de dix ans très agité avec un visage
allongé, un prognathisme, et des grandes oreilles, le
syndrome X fragile est rapidement confirmé en biologie moléculaire.
– Tous les patients pour lesquels aucune cause péri
ou postnatale n’a été retrouvée. Chez ces patients,
on peut présumer une origine anténatale mais sans
orientation clinique évidente sur les données anamnestiques et d’examen. C’est pour ce groupe de
Degré de spécialisation du médecin référent
DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE
DE DEUXIÈME NIVEAU : TROUVER
UNE CAUSE ANTÉNATALE NON
ÉVIDENTE
Objectif
Recherche étiologique devant un retard mental fixé
(non progressif) et de cause anténatale présumée (ni
péri- ni postnatale) sans orientation clinique évidente.
Avis spécialisé : neuropédiatre et/ou généticien clinicien, en collaboration étroite.
Outils du diagnostic
L’histoire naturelle et l’examen neuropédiatrique
sont revus ainsi que l’examen dysmorphologique
complet, avec l’aide d’un généticien clinicien. Des
photographies médicales (enfant et apparentés si possible) ainsi que des vidéos familiales, sont souvent
une aide au diagnostic. L’arbre généalogique sur trois
générations doit être scrupuleusement reconstitué. La
consultation de banques de données (tableau IV) peut
constituer aussi une aide au diagnostic, mais ne remplace pas la valeur d’un examen clinique attentif, à
l’affût de petits signes d’orientation passés inaperçus.
Les examens complémentaires sont discutés en
fonction du contexte clinique.
Tableau IV. Banques de données de diagnostics accessibles sur Internet.
Sites
Orphanet
OMIM
Genatlas
Medline
LDB (London Data Base)
Possum
Adresses
http : //orphanet.infobiogen.fr
http : //www.ncbi.nlm.nih.gov/Omim
http : //www.citi2.fr/GENATLAS
http : //www.ncbi.nlm.nih.gov
cdrom
cdrom
718
V. des Portes et al.
Quelques situations cliniques fréquentes
permettent d’orienter les examens
Les hypothèses évoquées orientent le choix des examens nécessaires au diagnostic étiologique. Ces
exemples et les étiologies citées ne sont en aucun cas
exhaustifs.
Contexte familial particulier
Enfant né hors de France (pays sans dépistage
néonatal)
Dosage de TSH et test Guthrie (phénylcétonurie).
Consanguinité et/ou retard familial dans une même
fratrie
Bilan métabolique comportant chromatographie des
acides aminés (CAA), chromatographie des acides
organiques (CAO), mucopolysaccharides et oligosaccharides urinaires.
Antécédents familiaux suggérant une hérédité
chromosomique avec remaniement équilibré
(fausses couches spontanées et/ou retard mental
familial sans “hérédité claire”)
Caryotype haute résolution chez le propositus et les
deux parents à la recherche d’une translocation équilibrée.
Antécédents familiaux suggérant une hérédité liée
au sexe
Retard mental chez plusieurs garçons, hérité par des
femmes saines (hérédité récessive liée au sexe) ou
des femmes transmettrices atteintes d’un retard mental plus léger que les garçons (hérédité dominante).
Un syndrome de l’X fragile est recherché en biologie moléculaire. Si le test est normal, une lignée lymphoblastoide est établie pour poursuivre l’étude génétique des nombreux autres gènes de retard mental lié
au chromosome X (cf infra).
chaîne : AGTLC), aux troubles de l’organogenèse
cérébrale (fosse postérieure), sans oublier les pathologies extra neurologiques décompensées sources
d’hypotonie néonatale (cardiopathies, syndrome algique…)
Crises épileptiques précoces
La survenue de crises convulsives néonatales associées à un mauvais développement survenant en
dehors de tout contexte de souffrance ou d’infection
périnatale, motive la recherche d’affections métaboliques spécifiques [12].
Microcéphalie + RCIU + /- atteinte polyviscérale
Ce tableau clinique fréquent peut être secondaire à
des causes extrêmement diverses à la fois acquises
et génétiques. Il est fondamental d’exclure dès la
période néonatale des fœtopathies infectieuses (toxoplasmose, rubéole, CMV) par recherche de viruries,
radiographies de squelette, échographies rénale et
cardiaque, scanner cérébral (calcifications). Le syndrome d’alcoolisme fœtal reste fréquent et il faut y
penser systématiquement (dysmorphie faciale, notion
de consommation d’alcool et gammaGT maternelles).
Ensuite, les causes génétiques sont recherchées :
anomalies chromosomiques (caryotype haute résolution), ou syndromes rares, trouble de la glycosylation des protéines ou « CDG » syndrome, syndrome
de Smith-Lemli-Opitz (7dehydro-cholestérol), sans
oublier les rares phénylcétonuries maternelles
méconnues.
Retard psychomoteur révélé précocement
(avant l’âge de un an)
Syndrome clinique évocateur d’une affection
génétique précise
Quelques formes d’encéphalopathies précoces et
sévères sont illustrées dans le tableau V. Ces affections sont rares mais un test génétique précis, souvent très spécifique, peut confirmer le diagnostic, à
la condition d’avoir été demandé par le clinicien
devant un tableau clinique évocateur. Dans ces situations, une bonne expérience clinique est nécessaire,
et la collaboration avec les généticiens dysmorphologistes est indispensable.
Hypotonie néonatale ± troubles de succion
déglutition
Penser au syndrome de Prader Willi, à la maladie de
Steinert, à l’hypothyroïdie congénitale (TSH), aux
maladies peroxysomales (acides gras à très longue
Encéphalopathie précoce et sévère sans étiologie
évidente
Si le retard est précoce et profond, il est parfois difficile d’affirmer le caractère fixé ou progressif d’une
encéphalopathie. Le bilan pourra être élargi par un
719
Déficience mentale
Tableau V. Exemples de retard mental sévère avec dysmorphie, évocateurs d’un syndrome génétique précis.
Signes cardinaux
Syndrome
- nez crochu, pouce large, doigts spatulés
- hypogénitalisme, surdité, microcéphalie, collumelle courte
Rubinstein-Taybi
ATR-X inactivation
- hypertélorisme, phalanges en baguettes, scoliose, lèvre inférieure
charnue
- fente labiopalatine, hypogénitalisme hypertélorisme
- hypotonie, traits grossiers, cheveux clairsemés
Coffin-Lowry
- retard de croissance , nez « en casque grec »
crises d’épilepsie et EEG particuliers
bilan métabolique selon le contexte clinique : rapport lactate/pyruvate dans le sang et le liquide
céphalorachidien (LCR), enzymes lysosomales, isoformes de la transférine (CDG syndrome), AGTLC,
CAA, CAO [12].
Dans un certain nombre de cas, les données cliniques (spasticité) ou l’imagerie par résonance magnétique (IRM, lésions clastiques, substance blanche
réduite en volume) évoquent une pathologie vasculaire anténatale mais sans élément anamnestique
clair. Dans ces cas, il faut rechercher une pathologie
vasculaire maternelle et effectuer un bilan de thrombophilie complet (facteurs de coagulation, protéine
C, protéine S, anticorps anti-ADN natif, antiphospholipides, antithrombine III et facteur V de Leyden).
Retard révélé après l’âge de un an
Dans un grand nombre de cas, le développement est
normal au cours de la première année, et c’est un
retard de langage, un trouble du comportement, un
échec scolaire, qui motivent la consultation. Comme
toujours, la stratégie diagnostique est guidée par la
clinique. Un signe physique ou un comportement particulier de l’enfant peuvent orienter le diagnostic.
Un signe physique particulier
Dysmorphie ou signe évocateur d’un syndrome
précis. Une voix nasonnée avec insuffisance vélaire,
une cardiopathie conotroncale font rechercher une
délétion en 22q11 par FISH. Une anomalie de répartition des graisses et des mamelons inversés orientent vers un CDG syndrome. Un ptôsis et une hypomimie faciale avec cataracte maternelle sont très en
faveur d’un Steinert.
Signe clinique évocateur de plusieurs syndromes. A titre d’exemple, devant un retard mental avec
Opitz
Pallister-Killian
Wolf-Hirschhorn
Examen génétique
HIS 16p13.3
étude gène XNP
Chromosomes X maternels (lié à l’X)
gène Rsk-2 (lié à l’X)
gène MID-1 (lié à l’X)
caryotype sur fibroblastes
tétrasomie 12p
HIS délétion 4p
obésité (non familiale), quelques causes classiques
sont évoquées systématiquement : Prader-Willi, X
fragile, hypothyroïdie, et plus rarement, Laurence
Moon-Bardet-Biedl, pseudo-hypoparathyroïdie. Une
avance staturale avec macrocéphalie évoque un syndrome de Sotos, où a été mise en évidence dans 60 %
des cas des mutations dans le gène NSD1. Un hypogénitalisme est retrouvé dans de nombreux syndromes, dont les syndromes de Smith-Lemli-Opitz,
d’ATR-X, d’Opitz.
Dysmorphie non spécifique, “traits grossiers”.
L’impression de dysmorphie qui “n’évoque rien de
précis” est une situation fréquente. Il est important
de voir les parents et la fratrie afin de s’assurer que
la dysmorphie coségrège bien avec le retard mental
et n’est pas une simple “marque de fabrique” familiale ou ethnique. Une maladie de surcharge sera facilement recherchée, en particulier si la dysmorphie
est associée à une viscéromégalie, par la recherche
d’oligo et mucopolysaccharides urinaires, l’échographie rénale et cardiaque, les radiographies de squelette et l’étude de certaines enzymes lysosomales spécifiques.
Devant une dysmorphie non spécifique avec retard
mental et après réalisation d’un caryotype standard
normal, un caryotype en haute résolution peut être
discuté, avec des stratégies très variables selon les
cytogénéticiens.
Un phénotype comportemental original [13, 14]
Plusieurs syndromes génétiques initialement caractérisés par des signes physiques, sont associés à un
comportement particulier qui peut s’exprimer plus
précocement que le syndrome dysmorphique.
Connaître ces phénotypes comportementaux consti-
720
V. des Portes et al.
Tableau VI. Exemples de retard mental associé à un phenotype comportemental évocateur.
Phénotype comportemental
- troubles du sommeil (réveil précoce) colères, autoagressivité
- jovialité, langage élaboré avec dissociation verbale / visuospatiale
- hyperphagie incoercible, intolérances aux frustrations
- hyperexcitabilité avec rire immotivé, pas de langage, troubles du
sommeil
- agitation massive > 4 ans, écholalies-timidité avec fuite du regard
et/ou jovialité
tue une aide au diagnostic très précieuse et un enjeu
thérapeutique pour l’enfant et sa famille (tableau VI).
De même, la présence de troubles autistiques ou
psychotiques associés à une déficience mentale, bien
que non spécifiques, peut orienter vers certaines
maladies métaboliques et fera réaliser plus particulièrement SAICAR, CAA, CAO, uricosurie et créatininurie. En cas de troubles psychiatriques aigüs on
demandera CAA, CAO, homocystéine, acide orotique urinaire, ammoniémie.
Retard mental “nu”, sans dysmorphie ni anomalie
neurologique évidente
Dans cette situation clinique fort difficile et très fréquente, le clinicien affronte deux logiques contradictoires : le désir parental de “tout faire pour trouver”
et la très médiocre rentabilité diagnostique ainsi que
le coût élevé des investigations paracliniques (cf discussion). Le bilan minimum qui peut être proposé
comporte un caryotype standard, une recherche d’X
fragile, un électroencéphalogramme (EEG), une
IRM.
A cela, on peut ajouter deux examens biochimiques simples, les enzymes musculaires (créatinephosphokinase : CPK) chez le garçon, et l’ammoniémie chez la fille. Les indications d’un bilan plus
approfondi, notamment bilan métabolique exhaustif
et caryotype haute résolution, restent débattues.
DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE TROISIÈME
NIVEAU : DES PROGRAMMES
DE RECHERCHE CLINIQUE
Objectif
Recherche diagnostique devant un retard mental souvent isolé et de cause indéterminée après une exploration exhaustive (2e niveau).
Les études génétiques en cours, qui sont du
domaine de la recherche, portent actuellement sur
Syndromes
Smith – Magenis
Williams
Prader-Willi
Angelman
X fragile
Examen (s) génétique (s)
HIS 17p11
échographie cardiaque, HIS 7q11
Etude de méthylation, HIS 15q11-q13
Etude de la méthylation, HIS 15q11q13
gène FMR-1 (site FRAXA)
des retards mentaux familiaux ou des syndromes
rares faisant l’objet d’étude ciblées. Dans un
deuxième temps, ce niveau III sera probablement
élargi aux cas sporadiques.
Équipes impliquées
Programmes de recherche en réseau avec l’Inserm,
des services cliniques de neuropédiatrie ou de génétique, et des laboratoires européens travaillant sur le
retard mental.
Cette étape diagnostique n’est pas accessible en
pratique courante pour tous les patients. Il s’agit de
programmes de recherche clinique orientés dans plusieurs directions. Les grands axes de recherche
actuels s’intéressent aux facteurs génétiques : valider de nouveaux gènes, caractériser des remaniements chromosomiques infracytogénétiques… mais
le rôle de facteurs toxiques environnementaux, et
maternels est aussi d’actualité.
Recherches génétiques
Selon les données actuelles de la littérature, deux
champs d’investigation semblent prometteurs : la
recherche d’anomalies submicroscopiques dans les
régions sous télomériques, par FISH ou CGH (comparative genomic hybridation) et la recherche de
mutations dans les nouveaux gènes de retard mental
lié au chromosome X (RMLX).
L’enjeu des prochaines années est l’organisation
de ces recherches en réseaux opérationnels. Les
objectifs sont multiples : 1) établir une liste des groupes impliqués pour favoriser les collaborations nationales et européennes, 2) constituer une (des) banque
(s) de lignées lymphoblastoide de retards mentaux
familiaux inexpliqués, disponibles dans le cadre d’un
consortium national, 3) “cribler” cette banque de
patients dans le cadre de différents projets de recherche simultanés, 4) constituer des populations homo-
Déficience mentale
gènes génétiquement et décrire le phénotype clinique (histoire naturelle, neuropsychologique,
dysmorphologique et neuroradiologique) de ces nouvelles entités cliniques.
Les patients qui participent à cette recherche doivent répondre à un certain nombre de critères d’inclusion : 1) un retard mental affirmé par un QI inférieur
à 70, quantifié par un test psychométrique standardisé, 2) un mode évolutif “fixé”, c’est-à-dire sans
notion de régression, 3) un retard mental inexpliqué
au terme du bilan étiologique décrit, 4) un retard
familial. Selon les régions du génome étudiées, certains modes de transmission seront recherchés :
retard mental touchant les garçons et transmis par les
mères dans les RMLX (retards mentaux liés à l’X),
retard familial sévère affectant les deux sexes avec
dysmorphie et hérédité “pseudo-dominante” dans les
microremaniements sous télomériques, ou consanguinité parentale dans les retards mentaux récessifs
autosomiques.
721
mental est connue ainsi que sa pathogénie, acquise
ou génétique. Nous avons cherché à proposer une
stratégie diagnostique devant une déficience mentale,
qui puisse être un outil utile au clinicien.
Il faut souligner que la démarche clinique reste
l’élément primordial de cette recherche étiologique.
Elle demande d’être menée de façon rigoureuse, avec
si nécessaire l’expertise spécialisée de neuropédiatres et généticiens cliniciens comme le rappelle
l’étude récente de Shevel et al. [15] : dans 3/4 des
cas où une étiologie a été trouvée, elle l’a été à partir
de l’anamnèse et de l’examen clinique qui ont permis d’orienter les examens complémentaires nécessaires. Leur choix et leur justification sont beaucoup
plus difficiles lorsque manque toute orientation clinique, dans les retards mentaux dits « isolés ».
Les indications des principaux examens complémentaires sont revues brièvement dans ces différentes situations.
Les examens génétiques
Recherche de facteurs toxiques maternels
ou environnementaux
Pour ces retard mentaux sévères et inexpliqués souvent accompagnés de dysmorphies ou même de malformations, les recherches actuelles font principalement le pari d’une origine génomique. Il existe
cependant d’autres voies de recherche ayant trait à
l’environnement du fœtus : toxicité d’origine maternelle, alcool, médicaments, drogues, tabac, processus alloimmuns ou toxiques exogènes présents dans
l’environnement (citons les éthers de glycol présents
dans des peintures et solvants utilisés dans les produits ménagers et dont le caractère tératogène a été
démontré). Ces recherches sont difficiles et encore
très peu pratiquées car elles nécessitent des enquêtes
épidémiologiques et toxicologiques.
DISCUSSION : INDICATIONS
DES PRINCIPAUX EXAMENS
COMPLÉMENTAIRES
Il est clair que l’identification de la cause d’un retard
mental chez un enfant est essentielle pour répondre
aux demandes d’explication et de pronostic des
parents et pour orienter la prise en charge. Mais un
des principaux enjeux du diagnostic étiologique est
de permettre un conseil génétique. Ce conseil génétique n’est possible que si la cause précise du retard
Les anomalies chromosomiques sont les causes les
plus fréquentes de déficience mentale. Elles concernent 4 à 10 % des retards mentaux légers et 20 à 30 %
des retards mentaux sévères [8, 10, 16, 17]. La trisomie 21 représente plus de 80 % des aberrations
chromosomiques détectables au caryotype standard
et reste de loin la première cause de déficience mentale d’origine génétique [8, 10, 18].
Caryotype standard : quelles indications ? quelle
rentabilité ?
L’indication du caryotype est évidente dans les principales aberrations chromosomiques connues (trisomie 21, 13, 18, dysgonosomies…). Le caryotype
s’impose aussi chez les enfants présentant des dysmorphies non évocatrices d’un syndrome connu, à
condition de rester très prudent sur cette notion de
“dysmorphie”. Il est important de comparer les traits
morphologiques de l’enfant atteint avec ceux de ses
parents et de sa fratrie, pour pouvoir confirmer que
le caractère dysmorphique observé n’est pas un simple trait familial. Dans une étude australienne [19],
portant sur 155 patients atteints de retard mental léger
à sévère la « rentabilité » du caryotype est de 30 %
dans le sous groupe de 19 sujets ayant au moins deux
signes dysmorphiques, et beaucoup plus faible
(1/136) dans le groupe sans dysmorphie. Ainsi, en
l’absence de dysmorphie, est-il justifié de demander
722
V. des Portes et al.
un caryotype chez tous les patients ayant un retard
mental ? La rentabilité diagnostique de cette attitude
très répandue en pratique courante est certes faible,
mais il est important de garder à l’esprit le bénéfice
individuel évident pour les familles, des rares anomalies ainsi découvertes. Chaque clinicien a en tête
quelques observations de dysgonosomies ou de
microremaniements retrouvées chez des sujets dont
la dysmorphie n’était pas « très convaincante ».
Place du caryotype en “haute résolution”
L’indication de ce type de caryotype varie beaucoup
d’un laboratoire à l’autre selon l’expérience et la disponibilité des équipes. Il est logique de demander un
tel examen en cas de retard mental associé à plus de
deux signes dysmorphiques, même mineurs, ou en
cas de formes familiales sans hérédité clairement établie. Dans ce dernier cas un caryotype des parents
est également nécessaire pour rechercher chez eux
un microremaniement équilibré, parfois mieux visible que le remaniement déséquilibré porté par
l’enfant malade.
L’hybridation in situ avec des sondes
fluorescentes (HIS)
Une FISH spécifique est indiquée en première intention en cas de suspicion d’un syndrome microdélétionnel. Cette technique permet de confirmer le diagnostic de ces syndromes de façon rapide et fiable
mais l’orientation clinique est indispensable. Le caryotype standard n’est généralement pas contributif ;
il reste nécessaire chez les parents pour rechercher un
remaniement équilibré à l’origine de la délétion.
Par ailleurs, la mise en évidence de remaniements
cryptiques sous télomériques, qui expliqueraient
selon certains auteurs plus de 7 % des retards mentaux sévères, nécessite la mise en œuvre de techniques de FISH subtélomérique non disponibles en routine et au coût encore prohibitif [18]. Des critères
cliniques de sélection des enfants à tester sont recherchés [20].
Étude en biologie moléculaire du syndrome
de l’X fragile : quelle indication ?
Le syndrome de l’X fragile, considéré comme la
deuxième cause de déficience mentale d’origine
génétique, ne touche qu’un garçon sur 6 000 naissances [21] et n’est retrouvé que dans 2 à 4 % des
retards mentaux fixés [18]. Le phénotype clinique
chez l’adolescent et l’adulte est caractéristique et cer-
tains auteurs ont proposé des scores cliniques bien
corrélés au rendement diagnostique du syndrome [22]. En effet, si on classe les patients selon
cette échelle diagnostique, le taux de diagnostic positif d’X fragile chez le garçon passe de 0,6 % pour un
score de 4/10, à 67 % pour un score entre 8 et 10/10.
Mais parmi les sujets X fragiles confirmés, 2 % ont
un score de 4, et 18 % un score de 5 [22]. Ces chiffres illustrent bien les contradictions entre une logique de santé publique pour laquelle un test dont le
rendement est de 2 % peut sembler discutable, et une
stratégie diagnostique individuelle où “ tout” doit être
mis en œuvre pour aboutir au diagnostic.
En pratique, il est d’usage pour de nombreux cliniciens d’effectuer cette recherche devant tout retard
mental inexpliqué, chez les garçons mais aussi chez
les filles chez lesquelles les signes morphologiques
sont souvent très atténués. La rentabilité d’une telle
démarche est médiocre pour les laboratoires de génétique moléculaire. Mais encore une fois, le bénéfice
en terme de conseil génétique pour les familles est
tel que cette attitude reste admise.
Autres techniques de biologie moléculaire
Des études génétiques très spécifiques telles qu’un
profil d’inactivation du chromosome X, un caryotype sur fibroblastes sont indiquées de manière très
ciblée en fonction de l’orientation diagnostique clinique (tableau V).
Imagerie cérébrale : scanner ou IRM ?
L’imagerie cérébrale est justifiée en première intention si, associé au retard mental, il existe une comitialité, des signes neurologiques, « une histoire » vasculaire ou infectieuse ante ou périnatale, une
régression des acquisitions, une micro- ou
macrocéphalie, un hypo- ou hypertélorisme. L’IRM
cérébrale est plus performante que le scanner, en particulier pour la mise en évidence d’anomalies de la
gyration, d’anomalies de la fosse postérieure ou de
la subtance blanche. Dans certaines pathologies associées à des lésions calcifiées, le scanner cérébral présente une informativité supérieure à l’IRM (calcifications périventriculaires d’une maladie de
Bourneville ou d’une fœtopathie à CMV).
Devant un retard mental isolé, l’IRM est le plus
souvent demandée de préférence au scanner. Elle
pourra mettre en évidence une dysgénésie corticale
(même sans épilepsie active), une anomalie de la
723
Déficience mentale
fosse postérieure, ou une anomalie de la ligne
médiane dont les agénésies calleuses. Pour ces anomalies subtiles, le scanner cérébral est souvent peu
contributif ou montre des signes indirects qui doivent être confirmés en IRM. De plus, la tendance à
demander une tomodensitométrie cérébrale car
d’accès plus facile actuellement, augmente le risque
de méconnaissance de certaines étiologies [15].
La rentabilité diagnostique de l’IRM dans les
retards mentaux isolés reste faible quoique peu évaluée. Malgré l’existence de rares observations cliniques où un diagnostic précis a pu être posé au décours
d’une IRM systématique, l’indication de cet examen
de première intention reste discutable pour plusieurs
raisons : 1) difficultés d’accès au plateau technique
dans certaines régions ; 2) iatrogénie de la prémédication voire de l’anesthésie générale souvent requise
chez des enfants déficients mentaux agités et enfin
3) rentabilité diagnostique faible dans les retards
mentaux isolés. De plus, quand l’IRM montre une
malformation cérébrale, son origine acquise ou génétique est rarement déterminée et un conseil génétique fiable reste souvent inaccessible en l’absence de
mutation génique démontrée, comme c’est le cas dans
la plupart des agénésies du corps calleux, des ventriculomégalies, ou des hypoplasies du cervelet.
En pratique, l’IRM garde sa place dans la démarche diagnostique d’un retard mental isolé, mais seulement en deuxième intention, si aucune orientation
diagnostique n’a pu être évoquée après un examen
neurologique et dysmorphologique approfondis. Les
parents devront être informés de la rareté et du peu
de spécificité des anomalies retrouvées.
L’électroencéphalogramme
Cet examen, peu coûteux et facile d’accès, nous semble indiqué pour tous les cas, avec si possible enregistrement de sommeil chez le jeune enfant.
Il peut montrer des anomalies qui vont conforter
l’indication neuroradiologique : asymétrie évoquant
un processus lésionnel, ou rythmes rapides en faveur
d’une anomalie de gyration.
Son intérêt diagnostique est significatif surtout pour
les syndromes où s’observe un profil électroclinique
caractéristique. Le plus classique est le syndrome
d’Angelman. Citons aussi les duplications du chromosome 15, le syndrome de Wolf-Hirschorn (4p-),
le syndrome du chromosome 20 en anneau, plus
exceptionnels. La mise en évidence de pointes ondes
continues du sommeil (POCS) peut rendre compte
de certaines régressions du langage et du comportement.
Quand demander un bilan métabolique ?
Un bilan métabolique est indiqué en première intention devant un retard mental qui s’accompagne de
régression motrice ou intellectuelle, de changement
de comportement, d’épisodes aigus neurologiques ou
de signes viscéraux associés.
Des examens métaboliques « ciblés » pourront être
demandés en fonction de l’âge de l’enfant et de signes
d’orientation neurologique ou extraneurologique :
cutanés, osseux, ophtalmologiques Les notions de
stagnation staturopondérale, de cassure de la courbe
de PC, d’intolérance alimentaire sélective, d’associations illégitimes c’est à dire d’atteinte simultanée
d’organes sans lien anatomofonctionnel (mitochondrie), doivent alerter et faire rechercher une maladie
métabolique. De même, certaines dysmorphies sont
évocatrices de maladies métaboliques. Des malformations cérébrales peuvent s’observer dans des affections métaboliques à début anténatal [12, 23] (tableau
VII).
Mais devant un retard mental isolé, la rentabilité
des chromatographies d’acides aminés et organiques
nous semble trop faible pour proposer ces examens
Tableau VII. Quelques exemples de malformations cérébrales secondaires à une maladie métabolique [12].
Malformations cérébrales
« Agénésie » ou atrophie calleuse
Micropolygyries
Hypoplasie / atrophie cérébelleuse
Hydrocéphalie, anomalies de gyration
Maladies métaboliques
Déficit en pyruvate déshydrogénase
Hyperglycinémie sans cétose
Smith Lemli Opitz
Maladies péroxysomales (Zellweger)
Anomalies de glycosylation des protéines : syndrome CDG
Smith Lemli Opitz
724
V. des Portes et al.
de manière systématique. En revanche, elles seront
facilement demandées en cas de retard familial ou
de consanguinité. Plus utile et plus accessible pour
les cliniciens sont la réalisation systématique d’un
dosage de CPK chez le garçon, révélant parfois une
dystrophinopathie débutant par un retard psychomoteur global, ou d’une ammoniémie chez la fille, révélant un déficit en ornithine carbamyl transferase
devant un retard mental avant toute décompensation
aiguë [24].
CONCLUSION
La démarche diagnostique que nous avons exposée,
permet de repérer dans un premier temps la chronologie de survenue du retard mental : anténatale, périnatale ou postnatale. Cette première étape, importante en épidémiologie descriptive, peut aboutir à un
diagnostic précis, par exemple : séroconversion à
CMV ou souffrance fœtale aiguë par dystocie bien
documentée. Cette étape d’analyse chronologique
peut rester incertaine, en particulier quand des troubles psychiatriques et plus particulièrement autistiques sont présents. Dans ces situations, le rôle de
facteurs anténataux et environnementaux postnataux,
en proportion variable, est présumé actuellement. Les
retards mentaux isolés de cause inconnue répondent
probablement à une origine anténatale non déterminée mais la contribution de facteurs postnataux ne
peut être exclue.
La nature précise de l’étiologie du retard mental
ainsi que sa pathogénie sont nécessaires au conseil
génétique. Certains diagnostics syndromiques ou
malformatifs, apparemment clairs, sont en fait insuffisants pour proposer un conseil génétique fiable. Bon
nombre n’ont pas de marqueurs biologiques connus
(ex : la plupart des agénésies du corps calleux, des
ventriculomégalies, des hypoplasies du cervelet).
D’autres peuvent correspondre à des anomalies moléculaires diverses, ayant des risques de transmission
différents. Un exemple parmi d’autre est celui du syndrome d’Angelman : il peut être dû à une délétion de
la région 15q11-q13 ou à une disomie uniparentale,
en règle sporadiques, mais aussi à une anomalie isolée de la méthylation ou à une mutation ponctuelle
dans le gène UBE3A dont les risques de récurrence
sont de 50 % [25]. De même, le diagnostic de lissencéphalie ou agyrie-pachygyrie n’est pas suffisant
en soi quand on sait qu’une mutation dans le gène
LIS-1 survient de novo alors qu’une mutation dans
doublecortine (Xq22.3) est récurrente avec un risque
de 50 % [26]. Le diagnostic moléculaire est nécessaire pour un conseil génétique fiable dans ces deux
syndromes.
En pratique clinique, l’indication des examens
complémentaires devant un retard mental isolé, sans
orientation clinique, reste difficile. Ces examens ont
une faible rentabilité mais sont indiqués en fonction
d’un éventuel bénéfice individuel pour l’enfant ou sa
famille. Ainsi, des investigations complémentaires
pourront être reprises des années après le premier
avis, à la demande des parents ou de la fratrie du
propositus, désireux d’avoir un enfant.
On propose dans le contexte d’un retard mental
isolé, un EEG, un examen en imagerie cérébrale
(IRM si possible), un caryotype, une recherche d’X
fragile. Un suivi clinique annuel du patient est nécessaire car certains traits morphologiques, certains troubles comportementaux peuvent apparaître au cours
des années. De même, la connaissance médicale évolue rapidement et un retard “inexpliqué” n’est finalement qu’un retard “cryptogénique” : la cause est
là, cachée ; il faut être persévérant, et savoir revoir
le patient pour identifier l’étiologie.
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Nouvelle brève
■ Faut-il traiter l’épilepsie
partielle bénigne à pointes
centro-temporales ?
L’épilepsie partielle bénigne à pointes
centro-temporales est une épilepsie bénigne,
c’est-à-dire qu’elle ne révèle pas de pathologie neurologique sous-jacente, qu’elle est
associée à un examen et un développement
normaux et qu’elle guérit spontanément.
Malgré ce caractère de bénignité, les crises
sont souvent résistantes aux antiépileptiques.
Se pose ainsi la question de la légitimité d’un
traitement médicamenteux. Une étude de
population a suivi pendant sept ans et demi,
79 enfants ayant une épilepsie partielle bénigne à pointes centro-temporales : 43 ont été
traités par antiépileptiques et 36 ne l’ont pas
été. Les deux groupes étaient similaires en
ce qui concerne l’activité de l’épilepsie. Les
raisons pour lesquelles un enfant était traité
ou non dépendaient de nombreux facteurs
(comme l’anxiété vis à vis des crises ou des
effets secondaires du traitement) mais surtout de l’avis du médecin traitant. Les médicaments utilisés ont été la carbamazépine, le
phénobarbital ou le clonazépam pendant une
durée moyenne de 28,5 mois. Le traitement
a permis de diminuer significativement le
nombre des crises secondairement généralisées (p = 0,0002) mais pas des crises partielles (p = 0,2) ; 51 % des enfants traités n’ont
plus eu de crises contre 11 % sans traitement.
La moitié des enfants sans traitement a eu au
moins une crise généralisée (dont un état de
mal) contre 16 % dans le groupe traité. Plus
de 900 crises ont eu lieu pendant la durée de
l’étude, sans conséquence majeure. Un
enfant (non traité) a chuté dans les escaliers
au cours d’une crise. Au terme de l’étude,
tous les patients étaient guéris de l’épilepsie.
Leur évolution sociale et professionnelle ne
dépendait pas du choix thérapeutique.
Cette étude confirme l’évolution favorable de
l’épilepsie bénigne à pointes centrotemporales et la difficulté à contrôler les crises partielles par les antiépileptiques. Il est
dommage que les effets secondaires des
médicaments ne soient pas rapportés. Dans
la discussion, le point de vue des auteurs va
vers l’abstention thérapeutique, après que le
caractère bénin de la maladie a été expliqué
aux parents. On constate néanmoins qu’il y
a eu dans le groupe traité trois fois plus de
crises généralisées, dont un état de mal (les
auteurs suggèrent l’utilisation de diazépam
intra-rectal à la maison) et un accident au
cours d’une crise. Il reste donc licite de proposer un traitement antiépileptique aux
patients ayant une épilepsie partielle bénigne
à pointes centro-temporales après avoir
expliqué les avantages et inconvénients.
Inversement, l’objectif zéro crise ne doit pas
être impérieux, surtout si celui-ci nécessite
une escalade thérapeutique.
Peters JM, Camfield CS, Camfield PR. Population study of benign rolandic epilepsy : is treatment needed ? Neurology 2001 ; 57 : 537-9.
S. Chabrier
Hôpital Nord, Saint-Étienne
2S0929693X01009988/NWS