Les Cahiers

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Les Cahiers
LES CAHIERS
Internationaux
Le message
d’Emmanuel Macron
Ministre de l'Économie,
de l'Industrie et du Numérique
Success story :
Bioloka à l'honneur
‘‘Investissez ’’
N° 104 ■ © P. Vedrune - PME Bercy
Interview du CEO
Samuel Levine-Parisi
Les douanes,
du contrôle au conseil
Le Canada : votre
relais de croissance
à l'international
Energie, voir plus loin
que la baisse des cours
La Suisse :
économie solide et
diversifiée
La Roumanie :
un pays qui conserve
son attractivité
SOMMAIRE GÉNÉRAL
Magazine du Comité Français
de la Chambre de Commerce Internationale
page 2
LES GRANDES MUTATIONS À L’ŒUVRE DANS L’ÉCONOMIE MONDIALE
Éditorial par Gérard Worms
■ Interview exclusive d'Emmanuel Macron
■ Politique générale
■
par Jeff Hardy, Louise Kantrow, Mathias Audit,
Vanessa Saint-Blanquat et Catherine Cassière
■
Autorégulation
par Anne-Sophie Bodin
■
Résolution des litiges
par Laurent Jaeger
Dossier : Les grandes mutations à l’œuvre
dans l’économie mondiale
■ Points de vue
■
par Delphine Sarfati-Sobreira, Michel Oldenburg
et Alice Pezard
■
Événements
par Raphaël Barazza et Christine Lecuyer-Thieffry
■
Formations et séminaires
Les Cahiers d’Echanges Internationaux
Le sommaire détaillé de cette partie de la revue se trouve en page 33
■
Territoires ……………………………………………………………………………………………… 36
■
L’énergie, secteur pétrolier et gazier …………………………… 71
■
Stratégies et marchés internationaux
- Réussir au Canada
………………………… 78
………………………………………………………… 81
- La Roumanie conserve son attractivité ……… 122
- L’Espagne vers une nouvelle
croissance …………………………………………………………………………… 130
- La Suisse une économie
solide et diversifiée …………………………………………………… 140
1
Magazine du Comité Français
de la Chambre de Commerce Internationale
L'économie mondiale évolue vers un nouveau
modèle de croissance …………………………………………………………………………3
■ Application extraterritoriale du droit américain :
un enjeu pour les entreprises françaises ………………………… 10
Mathias AUDIT, Professeur agrégé des Facultés de droit,
Avocat associé, Steering
par Gérard WORMS, Président d’ICC France
INTERVIEW EXCLUSIVE D'EMMANUEL MACRON,
Ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique
« Aux chefs d'entreprise, je ne dirai qu'une chose :
investissez ! » …………………………………………………………………… 4
■ Valeur en douane et prix de transfert :
l’OMD intègre les propositions de l’ICC ………………………… 11
Vanessa SAINT-BLANQUAT, Directrice de mission pour les Affaires
fiscales européennes et internationales au Medef,
et Catherine CASSIÈRE, Directrice fiscale internationale
de Alstom Power
AUTORÉGULATION
POLITIQUE GÉNÉRALE
■ B20 d'Ankara : 19 recommandations
pour stimuler la croissance et l'emploi. ………………………… 8
Jeff HARDY, Directeur, ICC G20 Business Advisory Council
■ ODD 2030 : 17 défis et autant d'opportunités
pour les entreprises ………………………………………………………… 9
Louise KANTROW, Représentante permanente de la Chambre
de commerce internationale à l'ONU
■ PME : l'enjeu de la conformité
Concurrence …………………………………………………………………… 12
Anne-Sophie BODIN, Directeur juridique Droit
Européen et de la Concurrence du groupe Areva
RÉSOLUTION DES LITIGES
■ Désignation d’arbitres : les bonnes pratiques ……………… 13
Laurent JAEGER, Avocat associé, Orrick Rambaud Martel
DOSSIER :
LES GRANDES MUTATIONS À L’ŒUVRE DANS L’ÉCONOMIE MONDIALE
■ Présentation du dossier
………………………………………………………………
15
François GEORGES, Délégué général d'ICC France
sous le signe de la précaution
tant que nous n'aurons pas débarrassé l'économie
des entreprises non compétitives » ………………………………………… 16
Hans-Werner SINN, Professeur d'économie
et de finances publiques à l'Université de Munich, président de l'IFO,
l'institut de conjoncture de Munich
■ «Nous allons vers un modèle où les différentes régions
du monde seront moins interdépendantes» …………………… 17
Patrick ARTUS, Chief economist de Natixis et
Professeur à l'Université Paris I-Panthéon-Sorbonne
…………
19
Jacques LESOURNE, Économiste, Président du Comité
de direction de FutuRIS
POINTS DE VUE
■ Le numérique révolutionne les Business Models
et les modes de vie
………………………………………………………………………
23
Compte-rendu de l’intervention de Maurice LEVY, Président du
Directoire de Publicis Groupe à l’AG 2015 d’ICC France
■ «Les entreprises doivent penser et agir avec frugalité,
c'est-à-dire créer davantage de valeur en consommant
moins de ressources» ……………………………………………………………………… 24
Navi RADJOU, Conseiller en Innovation & Leadership, Co-auteur de
« L'Innovation frugale, comment faire mieux avec moins »
encore insuffisamment exploitées…………………………………………… 26
Albert YUMA-MULIMBI, Président de la CPCCAF,
Président de la Fédération des Entreprises du Congo
ÉVÉNEMENTS
……………………
27
Delphine SARFATI-SOBREIRA, Directrice générale de l’Union des
Fabricants (Unifab)
■ V.I.E : la solution RH pour le développement
export des PME …………………………………………………………………………………… 28
Michel OLDENBURG, Directeur du V.I.E. de Business France
■ Un atout pour l'Europe industrielle : le brevet unitaire
et la juridiction unifiée ……………………………………………………………………… 29
2
21
■ Afrique : des besoins énormes et des ressources
■ Réchauffement : qu'attendons-nous pour agir ?
Alice PEZARD, Avocat et Conseiller honoraire
à la Cour de Cassation
…………………………………………………
Compte-rendu d’une conférence de Pascal LAMY,
ancien Directeur Général de l’OMC
■ « Il n'y aura pas de nouveau cycle de croissance
■ L'Unifab a déclaré la guerre à la contrefaçon
■ Commerce mondial : un nouveau monde placé
■ Les nouvelles règles du jeu douanier en Europe ……………… 30
Raphaël BARAZZA, Avocat au barreau de Paris,
Membre de la Commission Douanes d'ICC France
■ Retour sur trois années d’application
du Règlement d’arbitrage de la CCI ………………………………………… 31
Christine LECUYER-THIEFFRY, Associée co-fondatrice de Thieffry et
Associés et Avocate au barreau de Paris
FORMATIONS ET SÉMINAIRES
■ Programme 2016 d’ICC France ……………………………………………………… 32
ECHANGES INTERNATIONAUX
Magazine du Comité Français de la
Chambre de Commerce Internationale
Magazine du Comité Français
de la Chambre de Commerce Internationale
ÉDITORIAL
©DR
L'économie mondiale
évolue vers un nouveau
modèle de croissance
N°104
Éditeur :
Comité Français de la Chambre
de Commerce Internationale
9 rue d’Anjou - 75008 Paris
Tél : 01 42 65 12 66
Fax : 01 49 24 06 39
www.icc-france.fr
Directeur de la publication :
Gérard WORMS
Rédacteur en chef :
François GEORGES
Conseillère éditoriale :
Marie-Paule VIRARD
Régie publicitaire :
Editions OPAS
41, rue Saint-Sébastien - 75011 Paris
Tél. : 01 49 77 49 00
Fax : 01 49 77 49 46
Éditeur conseil :
Jean-Pierre KALFON
Directeur commercial :
David ADAM
Dépôt légal 92892
Imprimeur :
PRINTCORP
Comme c’est, j’en suis sûr, le cas de nos lecteurs, nos pensées vont
d’abord à toutes les victimes des attentats tragiques du 13 novembre.
Parmi elles, la jeunesse a payé un tribut particulièrement lourd, cette jeunesse dont certains commentateurs ont osé dire qu’elle était insouciante,
sous prétexte qu’elle aime à s’attabler à la terrasse d’un café ou aller au
concert. En vérité, cette génération, loin d’être insouciante, cherche quasi
désespérément à concilier ce goût de vivre et ses angoisses pour l’avenir.
C’est justement sur cet avenir, au moins en matière économique, que
nous avons voulu nous pencher dans le dossier central de la présente livraison. Il s’agit de
scruter du mieux possible les changements structurels les plus marquants qui vont affecter
l’économie mondiale, de la révolution digitale si bien décrite par Maurice Lévy lors de notre
Assemblée Générale à la transformation de l’Afrique, en passant par le second «rapport Stern»,
résumé par Jacques Lesourne, sur les conséquences macro-économiques du changement
climatique, sans oublier bien sûr la mutation à l’œuvre dans les négociations commerciales internationales, que nul mieux que Pascal Lamy ne pouvait commenter.
Et c’est le ministre Emmanuel Macron qui a bien voulu intervenir pour nous donner sa vision des
grandes mutations économiques. Nous lui sommes vivement reconnaissants d’avoir accepté de
répondre à nos questions.
La Chambre de Commerce Internationale a connu par ailleurs un quadrimestre de rentrée
particulièrement actif : cela a été le cas pour le B20 et le G20 tenus en Turquie, notre premier viceprésident, Sunil Mittal et Marcus Wallenberg, président de notre G20 Advisory Council, ayant tenu
les premiers rôles à Antalya, face aux chefs d’État et de gouvernement. Cela a été vrai aussi aux
Nations- Unies, lors de l’adoption des nouveaux objectifs du développement durable faisant suite
à ceux du Millénaire, objectifs dans la mise au point desquels l’ICC s'est fortement impliquée.
S’agissant de notre métier central, la régulation du commerce international, nos Comités
s’activent à travers le monde pour hâter la ratification du «Trade Facilitation Agreement», dont
l’OMC vient de redire que, comme nous l’avions annoncé nous-mêmes pendant sa négociation,
il pourrait, une fois pleinement mis en place, entraîner un accroissement des échanges internationaux – qui en ont bien besoin – vu leur bas niveau actuel de 1 000 milliards de dollars par
an. L’Union Européenne figure parmi les premiers acteurs ayant ratifié cet Accord, mais il faut
arriver à 108, dans un avenir que nous espérons proche, pour qu’il entre en vigueur.
Je mentionnerai enfin l’envoi à tous les membres d’ICC France d’une liste de 7 recommandations
majeures pour lutter contre le réchauffement climatique, liste qui a été approuvée à l’unanimité
par notre Conseil d’administration. Au-delà de la COP21, nous estimons en effet que la codification des bonnes pratiques et la supervision de leur application la plus large possible sont inscrites
dans l’ADN de l’ICC, comme le montre ce que nous faisons déjà pour les Incoterms, le Trade
Finance, la lutte anti-corruption ou l’usage de la publicité par exemple. Nous suivrons donc la
façon dont nos recommandations seront mises en œuvre avec une attention toute particulière.
Je terminerai ce « mot du Président » en vous exprimant à tous, chers lecteurs, en ces temps
d’attentats, d’incertitudes mais aussi d’innovations porteuses d’avenir, mes vœux, les vœux très
chaleureux d’ICC France, pour vous, les vôtres et vos entreprises.
ÉCHANGES INTERNATIONAUX
EST LE SEUL MAGAZINE D’INFORMATION
D’ICC FRANCE, COMITÉ NATIONAL FRANÇAIS
DE LA CHAMBRE DE COMMERCE
INTERNATIONALE
Gérard WORMS
Président d’ICC France
Président d’honneur de la Chambre de Commerce Internationale
3
sur
et
INTERVIEW EXCLUSIVE
INTERVIEW EXCLUSIVE D'EMMANUEL MACRON, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DU NUMÉRIQUE
« Aux chefs d'entreprise, je ne
dirai qu'une chose : investissez ! »
©DR
Au moment où la croissance de l'économie mondiale semble entrer dans une nouvelle
phase, Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, de l'Industrie et du Numérique, réaffirme
sa foi dans la capacité de la France à améliorer son potentiel de croissance et exhorte les
acteurs économiques à prendre des risques, à mener la bataille de l'innovation et à investir.
4
INTERVIEW EXCLUSIVE
INTERVIEW EXCLUSIVE D'EMMANUEL MACRON, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DU NUMÉRIQUE
changes Internationaux.
Quelle est votre analyse du
ralentissement de la croissance mondiale : est-il conjoncturel
ou structurel ?
Emmanuel Macron. A court terme,
les évolutions de la croissance
mondiale sont extrêmement erratiques. Ainsi, si le FMI prévoit un
ralentissement de la croissance mondiale en 2015, il table aussi sur une
reprise en 2016. Difficile d’en tirer des
conclusions hâtives et générales.
E
Il faut donc étudier le temps long. Au
cours des vingt dernières années,
le niveau de la croissance mondiale
a été exceptionnellement élevé :
l’entrée des pays communistes dans
l’économie de marché, les potentiels
immenses de rattrapage de certaines
économies, notamment asiatiques,
ainsi que l’essor des TIC ont permis
un éclatement inédit des chaînes
de valeur ajoutée. Aujourd’hui, un
« atterrissage » paraît naturel. Selon
l’OCDE, la croissance mondiale
devrait s’établir en moyenne à 3 %
l'an entre 2010 et 2060. C’est moins
qu’entre 2001 et 2010 (3,5 %), mais
cela signifie tout de même que le
PIB mondial sera multiplié par 4 en
cinquante ans !
©DR
Par ailleurs, il faut distinguer selon
les régions, même à court terme. La
croissance dans les pays développés
ne ralentit pas, elle accélère ! C’est
le cas aux États-Unis, où le FMI
prévoit une croissance de 2,6 % en
2015, contre 2,4 % en 2014. C’est
aussi le cas en zone euro, où la
reprise est bien installée : 1,5 %
prévu en 2015 contre 0,9 % en 2014.
En revanche, la croissance ralentit
dans les pays émergents : elle passe
de 4,6 % en 2014 à 4 % en 2015. Pour
un certain nombre de ces pays, il y a
évidemment des facteurs conjoncturels, comme la baisse des prix des
matières premières. Mais il y a
aussi, et c’est le cas de la Chine, un
ralentissement plus structurel.
Nous savions depuis des années que
des taux de croissance supérieurs à
10 % n’étaient pas soutenables et
que son rattrapage deviendrait plus
lent, comme pour tous les pays qui
se rapprochent de la frontière technologique. Il est donc paradoxal de
s’être inquiété hier de la croissance
exceptionnellement élevée de la
Chine et de s’inquiéter aujourd’hui
de son ralentissement. Le modèle
de croissance de ce pays se transforme. Il est de moins en moins
fondé sur l’investissement et l’industrie et de plus en plus sur la
consommation et les services. Les
autorités chinoises le savent : elles
doivent continuer à adapter leurs
politiques et leurs régulations pour
accompagner ce tournant structurel. A quel rythme, selon quelles
modalités, avec quelles priorités ?
Voilà les questions décisives qu’il
leur faudra trancher.
E.I. Et s’agissant du ralentissement du commerce mondial ?
E.M. On peut faire la même analyse !
Le ralentissement des échanges
internationaux est à la fois conjoncturel et structurel. Certes, il y a eu
une chute très forte pendant la crise
financière. Mais sept ans plus tard,
Bio Express. Emmanuel Macron.
« Le libéralisme est une valeur de gauche ». Ministre de l’Économie,
de l'Industrie et du Numérique depuis le 26 août 2014, Emmanuel
Macron, 37 ans (38, le 21 décembre prochain), est celui qui, au sein du
gouvernement Valls, n'hésite pas à parler de tous les sujets et à bousculer les
tabous qu'il s'agisse de parler des « valeurs » de la gauche, du temps de travail
ou du statut des fonctionnaires. Atypique -il a débuté sa carrière comme
banquier d'affaires à la Banque Rothschild et Cie avant d'en devenir associégérant de 2011 à 2012-, celui qui fut pendant deux ans l'inspirateur de la
politique économique de François Hollande à l’Élysée, rêve d'incarner une
gauche qui saurait réconcilier responsabilité et solidarité, égalité et liberté.
ils n’ont pas retrouvé leur tendance
d’avant-crise. Alors que la croissance du commerce mondial était
deux fois plus élevée que celle du
PIB avant 2008, elle peine aujourd'hui
à la dépasser. Avons-nous basculé
dans un nouveau régime ?
Regardons encore du côté de la
Chine : son intégration au commerce
mondial a été l’un des moteurs de la
croissance des échanges. Mais elle
est désormais pleinement intégrée !
De même, la fragmentation du
processus de production en un
grand nombre de tâches effectuées
dans des pays différents a joué un
rôle majeur dans l'accélération du
commerce mondial au cours des
années 1990 et 2000. Or, on observe
un ralentissement de la dynamique
liée au fractionnement des chaînes
de valeur mondiales. Les spécialistes
d e s p ro ce ss u s d e p ro d u c t i o n
considèrent qu’ils vont davantage se
fonder sur des réseaux régionaux de
production ou même se relocaliser.
Bref, le fait que la croissance des
échanges commerciaux dépasse
durablement celle du revenu mondial n’a jamais rien eu de naturel. Ce
que l’on constate aujourd’hui ne
signifie pas donc pas la fin de la
mondialisation, le retour au statu
quo ante, bien au contraire. Mais
nous entrons dans une phase
nouvelle.
E.I. Un débat se développe des
deux côtés de l'Atlantique autour
du thème de la « stagnation
séculaire ». N'est-ce pas paradoxal au moment où la révolution
numérique nourrit une grande
vague d'innovations ?
E.M. Le débat est vif et il n’est pas
tranché. Il y a deux interprétations
possibles. Certains économistes
estiment que la « stagnation séculaire »
se trouve du côté de l’offre avec un
ralentissement durable du progrès
technique. D'autres expliquent cette
faible croissance par un phénomène
de demande, à travers une baisse
prolongée de la consommation et de
l’investissement.
E.I. Que pensez-vous de ces deux
interprétations ?
E.M. La première met en évidence un
paradoxe : le déferlement de technologies disruptives ne produit pas une
hausse significative des gains de
5
INTERVIEW EXCLUSIVE
©DR
INTERVIEW EXCLUSIVE D'EMMANUEL MACRON, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DU NUMÉRIQUE
je n’ai aucun doute sur la
capacité de la France à
améliorer ses gains de
productivité et son potentiel
de croissance. Nous avons
encore du travail à faire et des
opportunités à saisir pour
rattraper les meilleurs élèves
de la classe en la matière.
productivité. Pourtant, l’attente est là :
ces innovations sont valorisées à des
niveaux record sur les marchés boursiers. De vraies ruptures technologiques sont à l’œuvre. La révolution
numérique transforme en profondeur
notre quotidien en apportant de
nouveaux biens, de nouveaux services
et de nouveaux usages. La portée du
6
modèle qui émerge est d’ailleurs si
large et si diffuse qu’elle prend de
cours les statistiques, qui ne parviennent pas toujours à l’intégrer dans le
calcul du PIB : Blablacar, par exemple, qui permet une utilisation plus
efficace et plus économe de la voiture,
ne voit pratiquement pas son activité
comptabilisée dans le PIB. Cela prouve que des gains de productivité sont
là, mais que nous ne parvenons pas
toujours à les mesurer. Par ailleurs, si
les nouvelles technologies sont synonymes de potentiel, c’est à nous de
les transformer en opportunités
économiques réelles. Depuis quinze
ans, c’est moins le progrès technique
qui a ralenti que sa vitesse de
diffusion. Il faut donc lever toutes les
barrières qui la freinent.
Avec la seconde interprétation, je
partage l’idée que les crises financières
laissent des traces persistantes. Le
risque de déflation en est un. Il a bien
été identifié par la BCE qui n’a pas
hésité, avec son programme de
Quantitative Easing, à bousculer
l’orthodoxie monétaire. Mais la BCE
ne peut pas tout et la reprise qui
s’amorce en zone euro doit être amplifiée
grâce, notamment, à l’investissement.
C'est l’investissement qui nous permettra de répondre au risque de la
stagnation séculaire sur les deux
tableaux : celui de la demande à court
terme et celui de la productivité sur le
long terme. C’est pourquoi la France a
activement soutenu le plan Juncker et
s’est engagée à mobiliser 8 milliards
d’euros de co-financements.
Au-delà du débat académique, je n’ai
aucun doute sur la capacité de la
France à améliorer ses gains de productivité et son potentiel de croissance.
INTERVIEW EXCLUSIVE
INTERVIEW EXCLUSIVE D'EMMANUEL MACRON, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DU NUMÉRIQUE
je suis favorable à la création
d’un budget de la zone euro
qui permettrait de stabiliser
les aléas du cycle économique
et de financer des investissements favorisant nos nouveaux
modèles de croissance.
Nous avons encore du travail à faire
et des opportunités à saisir pour
rattraper les meilleurs élèves de la
classe en la matière.
E.I. Quelles mesures faut-il mettre
en œuvre afin de réduire l'insécurité
économique, rendre nos modèles
plus résilients et imaginer de
nouveaux relais de croissance
durable ?
E.M. Nous devons mieux assumer les
interdépendances entre nos économies et en tirer toutes les conséquences. Cela commence en zone euro.
Nous avons déjà beaucoup fait pour la
rendre plus résiliente aux chocs.
N o u s a vo n s m i s e n p l a ce u n
Mécanisme Européen de Stabilité,
afin d’aider les pays en proie aux
crises financières. Nous avons également instauré une Union Bancaire
pour rompre le cercle vicieux entre
risques souverain et bancaire. Ce sont
là des progrès significatifs, mais nous
devons être plus ambitieux.
L’union bancaire n’est pas encore
totalement achevée et nous pouvons
aller plus loin avec une garantie commune des dépôts. Par ailleurs, pour
accélérer la convergence des économies européennes, je suis favorable à
la création d’un budget de la zone euro
qui permettrait de stabiliser les aléas
du cycle économique et de financer
des investissements favorisant nos
nouveaux modèles de croissance.
E.I. La plupart des grands pays ont
entrepris de faire baisser leurs
monnaies, rallumant les craintes
d'un retour en force du chacun
pour soi dans un contexte de
croissance globale modeste.
E.M. Ce n’est pas le cas pour l’euro. Il
faut rappeler que son existence
même vise à éviter une guerre des
monnaies entre pays européens. Par
ailleurs, s’il est vrai que l’euro s’est
déprécié cette année, c’est parce qu’il
était largement surévalué. Au niveau
mondial, et dans le contexte de très
faible inflation dont nous avons parlé,
les politiques monétaires expansionnistes permettent d’abord de soutenir
le crédit et l’investissement. Toutefois,
il est vrai que certains sont tentés
d’utiliser la politique monétaire pour
regagner en compétitivité aux dépens
des autres. C’est cela que nous
devons surveiller de très près.
E.I. Quelles initiatives faut-il
prendre rapidement pour replacer
l'économie française dans la
bagarre de la compétitivité au
niveau mondial ?
E.M. Avec le CICE et le Pacte de
responsabilité, la France a déjà rétabli
les conditions de sa compétitivitéprix. Le mouvement d'amaigrissement des marges que les entreprises
ont subi depuis 2007 a ainsi été
inversé depuis le 2ème trimestre 2014.
C’était une première étape nécessaire.
Maintenant, nous devons poursuivre
la bataille pour la compétitivité hors
coût, en particulier dans l’industrie :
c’est le sens, notamment, de la
sanctuarisation du CIR ou de la
deuxième phase de la Nouvelle
France Industrielle. Il faut également
poursuivre le travail de simplification
des procédures entamé dès le début
du quinquennat de François Hollande.
Il faut aussi accélérer la modernisation de notre marché du travail, pour
le rendre plus souple, plus agile et
pour donner une place plus grande au
dialogue social. Il faut enfin lever les
verrous réglementaires qui brident
les créations d’emplois et entravent
l’activité : c’est le sens de la loi pour
l’activité et la croissance que je mets
en œuvre. C’est l’un des objectifs de
ma stratégie pour les nouvelles
opportunités économiques.
E.I. Dans cette optique, qu'attendez-vous des acteurs de l'économie
en général, et des chefs d'entreprise
en particulier, comme actions
susceptibles de favoriser la
création de richesses et d'emplois ?
E.M. J’attends des acteurs économiques qu’ils prennent des risques,
qu’ils osent et se battent pour innover.
Aux chefs d’entreprise, je ne dirai
qu’une chose : investissez ! Et pour ce
faire, utilisez tous les mécanismes
possibles. Je pense par exemple au
dispositif de sur-amortissement qui
permet d’amortir 140 % du montant
des investissements productifs. Les
dispositifs sont là et la conjoncture
est plus favorable : il faut y aller !
E.I. Quelles sont les initiatives
que la Chambre de Commerce
Internationale devrait prendre
pour favoriser une conclusion
rapide des négociations relatives
au Traité-Transatlantique et
mener à son terme le cycle
de négociations multilatérales
de Doha ?
E.M. Le commerce international est
un moteur de la reprise. Nos exportations accélèrent. Elles enregistrent
déjà un acquis de croissance de 5,8%
pour cette année. Nous devons donc
éviter les tentations protectionnistes.
Les négociations commerciales en
cours doivent permettre une ouverture
concrète et réciproque des marchés.
Dans la nouvelle donne de la mondialisation, ceci ne passe plus
seulement par la baisse des droits de
douane, mais également par une
ouverture plus grande des marchés
publics, la levée de barrières nontarifaires, ainsi que par des efforts
de convergence réglementaire. Il ne
s’agit pas d’un nivellement par le bas,
mais au contraire d’un mouvement de
convergence vers le haut, au bénéfice
des consommateurs. Ce sont les
enjeux essentiels des négociations en
cours du TTIP. C’est pourquoi nous ne
devons pas nous précipiter : il faut
parvenir à un accord ambitieux et
équilibré. La France est en première
ligne pour défendre une position
exigeante.
J’attends des acteurs économiques qu’ils prennent des
risques, qu’ils osent et
se battent pour innover. Aux
chefs d’entreprise, je ne dirai
qu’une chose : investissez !
7
POLITIQUE GÉNÉRALE
B20 d'Ankara :
19 recommandations pour
stimuler la croissance et l'emploi
©DR
Jeff HARDY, directeur, ICC G20 Business Advisory Council
Plus de 1 400 dirigeants et CEOs en provenance de 65 pays ainsi que les ministres
des Finances du G20 se sont retrouvés en septembre à Ankara pour la Conférence
2015 du B20. Le communiqué final de la réunion des chefs d'Etat et de gouvernement
du G20 d'Antalya, les 15 et 16 novembre derniers, fait largement écho à leurs
recommandations.
our la sixième année consécutive,
les dirigeants et CEO membres
de la Chambre de commerce
internationale ont apporté -lors de la
réunion de septembre à Ankara- leur
contribution active à la formulation
des recommandations du B20 destinées
au G20 qui s'est tenu en novembre à
Antalya, au sud de la Turquie.
Pendant trois jours, Terry McGraw, le
président de la Chambre de commerce
internationale, a fait entendre la voix et
porté les propositions de la Chambre
de commerce internationale, à la tête
d'une délégation de dirigeants de
l'ICC G20 Advisory Group composée
notamment de Marcus Wallenberg,
président de SEB et de l'ICC G20
Advisory Group, et de John Danilovich,
secrétaire général d'ICC.
Cette année, les membres du B20 ont
insisté particulièrement sur la nécessité de renouer avec une croissance
robuste grâce à une action collective
inspirée des trois « I » mis en avant par
la présidence turque du G20 : intégration, mise en œuvre (en anglais,
implementation) et investissement.
Pour mettre de l'ordre dans ses
propositions, le B20 d'Ankara, présidé
par Rifat Hisarcikhoglu, s'est organisé
en six groupes de travail : échanges,
infrastructures et investissement,
financement de la croissance, emploi,
lutte anti-corruption et PME et entrepreneuriat. Chaque groupe a identifié
un certain nombre d'obstacles à la
croissance et à l'emploi et préparé une
série de recommandations qui, dès
lors qu'elles seraient mises en œuvre,
permettraient de stimuler l'activité
P
8
économique et de créer des emplois
au sein des pays du G20 et au-delà.
Au total, le B20 a défini 19 recommandations et chargé le président turc
Erdogan de les transmettre aux
leaders du G20 réunis à Antalya en
novembre 2015 :
- 4 actions destinées à achever la mise
en œuvre des politiques concertées
dans le domaine des échanges, de la
régulation financière globale, de la
fiscalité et de la lutte anti-corruption ;
- 4 actions destinées à se donner les
moyens de corriger les déséquilibres
macro-économiques, notamment
en améliorant l'écosystème de
l'investissement international ;
- 6 actions destinées à favoriser
l'intégration économique et sociale,
notamment à travers une réforme
des marchés du travail, l'augmentation de l'emploi des jeunes et du taux
de participation, sans oublier une
série d'actions destinées à favoriser
le développement des PME ;
- 5 actions destinées à faciliter la
concurrence, notamment en favorisant le développement du digital
dans le cadre des procédures douanières et en digitalisant la gestion
des systèmes d'approvisionnement.
Lors de la conférence, les participants
ont particulièrement insisté cette
année sur la nécessité de faciliter le
développement international des PME
qui emploient plus de deux tiers des
salariés du secteur privé et sont à
l'origine de plus de 80 % des créations
d'emplois. C'est la raison pour laquelle
le B20 a milité pour la création du
World SME Forum (WSF) en association avec l'Union des chambres de
commerce de Turquie. Une initiative
officiellement saluée par les ministres
des Finances du G20 et par
l'Association des banquiers centraux.
La question de l'amélioration de la
coopération internationale a également fait partie des sujets de fond
abordés lors du B20 turc où fut créé le
B20 International Business Advisory
Council (IBAC), une instance présidée
par Muthar Kent, CEO et président de
Coca-Cola et composée de CEOs et de
présidents d'association issus des
pays du G20. Sa mission : améliorer le
dialogue entre le monde des affaires
et les gouvernements autour des
décisions susceptibles de répondre
concrètement aux attentes des entreprises. L'ICC se réjouit que, dans son
communiqué final, le G20 d'Antalya
(15 et 16 novembre) soutienne les
recommandations du B20 en faveur du
développement du commerce mondial, de l'investissement international
et de la création d'emplois pour tous,
attire l'attention sur les risques qui
pèsent sur la propriété intellectuelle
et approuve la création du World SME
Forum.
POLITIQUE GÉNÉRALE
ODD 2030 : 17 défis et autant
d'opportunités pour les entreprises
(1)
©DR
Louise KANTROW, Représentante permanente de la Chambre de commerce internationale à l'ONU
Réunis à New-York en septembre dernier, les 193 pays membres de l'ONU se sont
donnés une nouvelle feuille de route en matière de développement. L'agenda 2030
et ses 17 Objectifs de développement durable (ODD) ont vocation à donner un nouvel
élan aux Objectifs du millénaire et placent les entreprises au cœur du dispositif.
n septembre dernier, les 193
p a y s m e m b re s ré u n i s à
New-York pour l'assemblée
générale des Nations-Unies ont
donné le coup de d'envoi d'un agenda
ambitieux à l'horizon 2030. Il s'agit
de 17 Objectifs de développement
durable (ODD) qui doivent permettre
à l'ensemble des acteurs de la communauté internationale (gouvernements, secteur privé et société civile)
de prolonger les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD)
définis en 2000 et d'atteindre ceux
qui sont encore en suspend.
E
Une nouvelle approche.
Désormais, la pauvreté affecte
essentiellement les pays à revenus
moyens. Bien qu'encore pertinente,
l'Aide publique au développement
(APD) n'est plus suffisante pour
stimuler la croissance. La révolution
technologique a certes rendu le
monde plus petit, mais cette convergence a aussi révélé le fossé creusé
en matière d'inégalités aussi bien
entre les pays qu'à l'intérieur de
chaque pays, inégalités qu'il est
impossible d'ignorer plus longtemps.
Nous sommes entrés dans une nouvelle ère marquée par la compétition
pour la terre, l'eau, l'alimentation
et l'énergie. Les conséquences du
changement climatique sont énormes. C'est pourquoi les défis dans la
définition et la mise en œuvre de
l'Agenda 2030 pour le développement
durable sont aujourd'hui sensiblement différents de ceux relevés en
2000 : il est, en particulier, essentiel
que l'ensemble des acteurs travaillent ensemble et prennent appui
sur leur complémentarité.
Le rôle éminent des entreprises.
L'Agenda pour le développement durable met l'accent sur le rôle du business
comme élément clé de son succès.
Chacun reconnaît désormais le rôle
fondamental de la croissance économique, des échanges, de l'investissement, de l'entrepreneuriat, de l'innovation et de la création d'emplois durables dans le succès d'un projet global
de ce type. En moyenne, les entreprises
représentent 60 % du PIB, 80% des flux
de capitaux et 90 % des emplois dans
les pays en développement. Le succès
de l'Agenda 2030 pour le développement durable dans l'ensemble des
pays, quel que soit leur stade de développement, est donc étroitement lié au
fait que les entreprises de toutes tailles
puissent grandir et se développer dans
des conditions à la fois responsables et
durables afin de créer les conditions de
vie et de travail décentes, et d'imaginer
et de développer les nouvelles solutions
susceptibles de relever les défis auxquels la communauté internationale
est confrontée.
La Chambre de commerce internationale, qui a coordonné les contributions des entreprises au cours des
deux années de négociation, se félicite que l'ONU ait mis sur les rails cet
agenda du développement. Il ouvre la
voie de nouveaux partenariats entre
les gouvernements, le secteur privé
et la société civile. Les entreprises
sont résolues à contribuer pleinement à leur succès, que ce soit en
termes de ressources, d'expertise ou
d'innovation technologique.
Des Objectifs de développement durable en phase avec les entreprises.
Les Objectifs de développement durable (ODD) font écho aux
préoccupations des entreprises.
1. Ils sont opérationnels car ils sont « smart » comme disent les anglosaxons, c'est-à-dire à la fois spécifiques, mesurables, réalisables,
pertinents et limités dans le temps.
2. Ils sont universels et proposent une vision globale pour éradiquer la
pauvreté avec une approche intégrée : inclusion sociale, émancipation
économique et gestion de l'environnement.
3. Ils prennent acte de la « finitude » de la planète avec le souci d'une
gestion efficace des ressources et d'une réduction des impacts environnementaux négatifs, à commencer par le réchauffement climatique.
4. Ils s'appuient sur la qualité de la gouvernance, la lutte contre la
corruption et l'économie souterraine.
5. Ils viennent en soutien des institutions afin de protéger et de promouvoir
les droits de l'homme et la diversité dans toutes ses composantes.
6. Ils proposent une feuille de route opérationnelle qui s'appuie sur les
partenariats et reconnaît le rôle du secteur privé à tous les niveaux,
global, national, régional et local.
7. Ils privilégient la relation de confiance indispensable entre les acteurs à
travers un dialogue sincère et transparent afin d'examiner les différences
et de rapprocher les points de vue.
1. Cet article fait partie d'une série de contributions destinées à être publiées dans un numéro de l'OECD Development Co-operation Report 2016 consacré au rôle
du business dans la mise en œuvre des objectifs de développement durable (à paraître à la mi-2016).
9
POLITIQUE GÉNÉRALE
Application extraterritoriale
du droit américain : un enjeu
pour les entreprises françaises
Mathias AUDIT, Professeur agrégé des Facultés de droit, Avocat associé, Steering
©DR
Les entreprises françaises font régulièrement l'objet de poursuites initiées par les
autorités des États-Unis pour des faits intervenus en dehors du territoire américain.
Une proposition de règlement a été rédigée à Bruxelles afin de mieux protéger les
firmes européennes contre un tel risque, mais son adoption se fait toujours attendre.
n certain nombre de textes de
droit américain présentent une
extraterritorialité très marquée,
et les entreprises françaises prennent progressivement conscience de
leur incidence possible sur leurs
activités dans le monde.
Ces textes de droit américain sont à
la fois nombreux et de nature assez
diverse. C’est le cas notamment des
mesures d’embargo ou de gels
d’avoirs adoptés par le gouvernement
américain à l’encontre d’États étrangers. C'est le cas aussi de textes
comme le Foreign Corrupt Practices
Act (FCPA), en matière de corruption
d’agents publics étrangers, ou le
Racketeer Influenced and Corrupt
Organizations Act (RICO) qui vise
notamment les opérations de blanchiment. Sans oublier, en dehors de
la sphère pénale, le Dodd-Frank Act
(marché financier) ou le droit antitrust.
Aujourd’hui, ces textes sont susceptibles de fonder des poursuites civiles,
mais aussi pénales, aux États-Unis
pour des faits ne présentant que des
liens très ténus avec le territoire
américain. Non seulement une
cotation boursière outre-Atlantique
ou des liens capitalistiques avec une
société américaine peuvent permettre
de justifier la compétence des autorités américaines, mais aussi bien
l’existence d’un virement sur un
compte bancaire, ou même l’échange
d’emails avec un correspondant
local. Plus encore, l’utilisation du
dollar dans une transaction est
considérée comme un rattachement
suffisant.
U
10
Des transactions coûteuses.
L’Office of Foreign Assets Control
(OFAC) auquel est fréquemment
associée la Securities and Exchange
Commission (SEC), voire d’autres
autorités, notamment d’États fédérés, se chargent de diligenter les
poursuites. Mais, en pratique, ces
actions ont la particularité de ne
jamais aboutir à une condamnation
en Justice, mais de faire systématiquement l’objet d’une transaction
avec les autorités, laquelle s’accompagne du paiement d’une indemnité
souvent très importante.
C’est ainsi qu’en 2010, Alcatel Lucent
a accepté de verser 137 millions de
dollars pour faire cesser les poursuites fondées sur des soupçons de
corruption dans divers pays d’Asie
et d’Amérique centrale. Plus récemment, Alstom a réglé une somme de
772 millions de dollars pour mettre
un terme à une action judiciaire
associée à l’obtention d’un marché
en Indonésie.
Toutefois, ce sont indéniablement les
8,9 milliards de dollars que BNP
Paribas a accepté de verser en 2014
aux termes d'une transaction avec
les autorités américaines qui, en
France, ont marqué les esprits.
Si les entreprises françaises acceptent de telles transactions, c’est en
raison du risque financier que fait
peser sur leurs épaules l’éventualité
d’une condamnation par un tribunal
américain. Elles sont en outre peu
familières de cette forme de justice
négociée qui ne connaît pas vraiment
d’équivalent en droit français.
Une proposition de règlement européenne.
Au reste, les accords, qui vont du
Guilty Plea emportant reconnaissance d e c u l p a b i l i t é a u Differed
Prosecution Agreement ou au Non
Prosecution Agreement prévoyant la
suspension ou l’abandon des poursuites, ne comportent pas qu’un volet
financier. Ils prévoient également que
l’entreprise accepte de mettre en
place un programme de conformité
(compliance) qui corresponde aux
exigences du régulateur américain.
Celui-ci court en général sur plusieurs
années et doit être mis en oeuvre
sous la surveillance de compliance
officers dédiés.
La charge acceptée par l’entreprise
poursuivie est lourde, non seulement
en termes financiers, mais aussi de
réorganisation structurelle interne.
Le risque est donc important pour les
groupes français, même ceux dont la
présence sur le marché américain
est réduite voire inexistante.
Une réaction pourrait néanmoins
venir de l’Union européenne, laquelle
a émis en février 2015 une proposition
de règlement visant à «la protection
contre les effets de l'application
extraterritoriale d'une législation
adoptée par un pays tiers», mais dont
l’adoption définitive se fait toujours
attendre. En outre, si le projet de
traité transatlantique (TTIP) voit le
jour, il est possible que le mécanisme
d’arbitrage qu’il prévoirait puisse
permettre de débattre du champ
d’application extraterritorial de
certaines lois américaines.
POLITIQUE GÉNÉRALE
Valeur en douane et prix
de transfert : l’OMD intègre
les propositions de l’ICC
Vanessa SAINT-BLANQUAT, Directrice de mission pour les Affaires fiscales européennes et internationales au Medef, et
©DR
©DR
Catherine CASSIÈRE, Directrice fiscale internationale de Alstom Power
L'OMD propose un nouveau guide sur l'évaluation en douanes et les prix de
transfert. Celui-ci intègre 7 propositions formulées par ICC destinées à
éviter les doubles taxations parfois subies par les entreprises et invite les
administrations fiscales et douanières à coopérer dans ce domaine.
aleur en douane et prix de
transfert... Sous cette terminologie barbare, se cache une
problématique familière à bien des
entreprises. Pour tout achat ou vente
d’un bien entre deux sociétés liées
implantées dans des États différents,
le prix peut être remis en cause par
les douanes du pays d’importation
comme par le fisc des deux États
concernés.
Imaginez la société A du pays A, qui
vend des biens de consommation à
sa filiale, la société B, située dans le
pays B, à charge pour cette dernière
de distribuer ces biens dans le pays
où elle est installée.
Au moment de l’importation dans son
pays, la société B paie des droits de
douane sur la base de la valeur en
douane de ces biens, qui correspond
de façon simplifiée au prix d’achat.
Cette valeur est examinée par les
autorités douanières du pays B qui
détermineront si les relations entre
la société A et la société B ont
influencé la valeur de la transaction,
donc sa valeur en douane, et procéderont le cas échéant aux ajustements nécessaires. Si tel est le cas,
le contrôle entraînera le paiement de
droits et taxes complémentaires par
la société B.
Comme il s’agit de sociétés qui
appartiennent à un même groupe,
l’administration fiscale du pays B va
également s’intéresser aux prix pratiqués entre elles : elle peut, toujours
lors d’un contrôle fiscal, estimer que
la valeur des biens est trop importante.
Ainsi, en se fondant sur les dispositions relatives aux prix de transfert,
elle procédera à un rehaussement de
la base d’imposition, avec toutes les
V
conséquences que cela comporte
(rectifications, ajustements, pénalités etc…).
d’experts fiscaux et douaniers et
présidé par Catherine Cassière,
directeur fiscal d’Alstom Power.
Des valorisations différentes pour
un même flux.
Le plus étonnant n’est pas qu’une
transaction fasse l’objet de vérifications successives de son prix, mais
que celui-ci soit différent selon que
c’est l’autorité fiscale ou l'autorité
douanière qui procède à la valorisation. L'explication d'une telle
différence tient au fait que les deux
administrations appliquent des
règles distinctes.
Ainsi, deux administrations d'un
même État, parfois réunies au sein
d’un seul ministère, peuvent proposer
des valorisations différentes d’un
même flux (le plus souvent à la
hausse pour renchérir les droits de
douanes et à la baisse pour augmenter
la base taxable). Cette remise en
cause n’est pas exclusive d’un
contrôle fiscal effectué par l’administration du pays de départ qui à l’inverse pourra considérer que le prix de la
transaction est insuffisant (ayant de
fait une position convergente avec les
douanes du pays de destination).
Cette situation aberrante était
d’autant plus difficile à dénouer
qu’elle résulte du respect par chaque
administration des principes GATT ou
OCDE, internationalement admis et
reconnus, et d’une absence totale de
concertation entre autorités.
C’est en partant de ce constat d’autant
plus important que les transactions
entre entreprises liées représentent
60% des transactions mondiales, que
le Medef a créé dès 2007 un groupe
de travail réunissant un panel
Le fisc et les douanes encouragés à
coopérer.
Ce groupe de travail a élaboré des
solutions novatrices et pragmatiques
fondées sur la convergence d’interprétation des principes. Celles-ci
prennent la forme de 7 propositions
qui s’articulent autour de 2 axes
principaux : la reconnaissance et
l’utilisation des principes fiscaux à
des fins douanières et la prise en
compte par une administration des
ajustements pratiqués par l’autre,
afin d’éviter les doubles taxations
subies par les entreprises.
Validées au sein d’un groupe de
travail de la Chambre de Commerce
Internationale présidé par Vanessa de
Saint-Blanquat, Directrice de mission
au MEDEF, ces propositions ont été
reprises dans un « Policy statement »
de l’ICC en 2012 et viennent d’être
intégrées par l’Organisation Mondiale
des Douanes dans son guide sur
l’évaluation en douane et les prix de
transfert publié en juin 2015.
Outre l’aspect technique du sujet,
nous ne pouvons qu’être fières que
notre message ait été entendu et
relayé au niveau international. En
effet, sur son site web, l’OMD souligne
que « L’un des messages clés du
Guide est que les administrations
douanières et fiscales sont encouragées à coopérer et à échanger des
informations et des connaissances
dans ce domaine ». Il ne reste donc
plus qu’à l’appliquer !
Le guide est disponible sur
www.wcoomd.org
11
AUTORÉGULATION
PME : l'enjeu de la conformité
Concurrence
©DR
Anne-Sophie BODIN, Directeur juridique Droit Européen et de la Concurrence du groupe Areva
Les PME ne sont pas suffisamment armées pour faire face aux problèmes associés
au droit de la concurrence. La boîte à outils d'ICC propose une panoplie d'instruments
adaptée pour toutes les PME soucieuses d'améliorer leur conformité aux règles de
concurrence.
es PME représentent 99% des
entreprises de l’Union européenne et en constituent le premier employeur. Toutefois, si elles
évoluent dans un cadre juridique et
réglementaire tout aussi complexe
que les grandes entreprises, elles
sont moins bien armées pour y faire
face. Leur taille leur offre rarement
la possibilité de disposer d’experts
dans ces domaines, et le coût souvent élevé de conseils externes limite
leurs possibilités d’être conseillées,
alertées et formées.
Le droit de la concurrence ne fait pas
ici défaut. Quel que soit leur champ
d’action, les PME sont concernées par
ces règles dont les principes restent
identiques pour toutes les entreprises :
interdiction des ententes, interdiction
des abus de position dominante
(articles 101 et 102 du Traité sur le
fonctionnement de l’Union européenne,
articles L. 420-1, 420-2 et 420-5 du
Code de commerce).
Il est bien prévu que certains « petits »
accords échappent à l’application des
règles de concurrence, notamment
s'ils n'affectent pas le marché de
façon sensible (par exemple, accords
« de minimis », règlements d’exemption). Mais ces exceptions restent
circonscrites. Typiquement, l’exception
de minimis n’a vocation à s’appliquer
qu’aux seules entreprises dont la part
de marché cumulée n’excède pas
10 % ou 15 % et est souvent inaccessible
aux PME exerçant sur des marchés
de niche (ou dans un contexte de
marchés publics). Pour leur part, les
règlements d’exemption ne couvrent
pas les pratiques les plus sensibles
telles que les ententes sur les prix.
L
De fait, les PME ne sont pas épargnées par le contrôle exercé par le
ministère de l’Économie (pour les
« micro-pratiques » impliquant des
PME dont le CA cumulé n'excède pas
200 millions d'euros) ou par l’Autorité
de la concurrence comme l’illustre
l’amende de plusieurs millions
d’euros prononcée récemment à l’encontre de coopératives laitières ayant
participé à une entente (décision 15D-03 du 11 mars 2015). Elles s’exposent ainsi à des amendes pécuniaires
pouvant atteindre potentiellement
10 % de leur chiffre d’affaires consolidé. Même si pour l’Autorité de la
Concurrence, le fait d’être une PME
peut constituer une circonstance
atténuante, surtout si celle-ci est
mono-produit, cette sanction sera
bien souvent assise sur leur chiffre
d’affaires total faute de disposer d’un
large portefeuille d’activités.
Cette situation est d’autant plus
délicate à gérer que la plupart des
PME n’ont ni les connaissances
nécessaires pour défendre leurs
intérêts, ni toujours les moyens d’en
charger des professionnels compétents.
Ceci peut même les placer dans une
situation d’inégalité procédurale lorsque
d’autres entreprises, plus importantes,
sont parties à la procédure, notamment lorsque celle-ci exige une
réaction rapide et avisée (typiquement,
pour évaluer l’opportunité d’une
demande de clémence)(1).
Dans ce contexte, il est primordial
pour les PME d’opter pour une
démarche volontariste de prévention
et de conformité aux règles de
Concurrence en privilégiant une
stratégie proactive de gestion des
risques par l’adoption d’un programme de conformité.
Dans la pratique, les autorités
n'attendent pas des PME qu'elles
mettent en place des programmes de
compliance identiques à ceux des
grands groupes. Mais il reste essentiel
pour une PME d'identifier les risques
qui découlent de son environnement
concurrentiel, notamment si elle est
en position de leadership (risque
d'abus) ou si elle est active sur des
marchés où il est usuel de travailler
en partenariat avec des concurrents
(situation propice à d’éventuels
échanges d’informations sensibles).
Par ailleurs, cette action doit se
traduire par l’adoption d’une véritable
«conscience concurrence» au sein de
l’entreprise, facilitée par la diffusion
de consignes présentant les principales règles et recommandations en
droit de la concurrence. Cette sensibilisation doit concerner l’ensemble
des salariés (des équipes commerciales aux dirigeants...).
Une PME se protège ainsi juridiquement, et tend à minimiser son risque
en limitant son exposition, voire en
facilitant la détection d’éventuelles
infractions qu’elle aurait pu commettre.
Si celles-ci ont déjà eu lieu, il est
important de savoir comment réagir
rapidement, sans fermer les yeux.
La boîte à outils de la Chambre de
Commerce Internationale constitue
une première étape dans l’adoption
d’un programme de conformité.
Conçue par et pour les entreprises,
elle propose des outils pratiques
adaptés pour toutes les PME qui
souhaitent améliorer leur conformité
aux règles de concurrence.
[1] Ainsi, dans la décision relative au cartel des produits laitiers, Yoplait, également participant à l’entente, a été exonéré du paiement d’une amende en
soumettant très rapidement une demande de clémence.
12
RÉSOLUTION DES LITIGES
Désignation d’arbitres :
les bonnes pratiques
©DR
Laurent JAEGER, Avocat associé, Orrick Rambaud Martel
Le Comité national français d'ICC est aux avant-postes sur la mise en place des
bonnes pratiques en matière de désignation des arbitres. Sous l’impulsion de son
président et de son secrétaire général, il a profondément réformé et structuré sa
pratique depuis 2010. Coup de projecteur sur les points forts de cette réorganisation.
es Comités nationaux jouent un
rôle clé dans le processus de
désignation des arbitres par
ICC. Lorsque la Cour internationale
d’arbitrage doit désigner un arbitre généralement le président d’un
tribunal ou un arbitre unique - elle
doit d’abord s’adresser à ces comités
qui formulent des propositions (sauf
cas exceptionnels).
Ce système permet à la Cour de
disposer de relais efficaces dans
tous les pays où ces structures
existent et de bénéficier de leur
connaissance du terrain. Il n'est
toutefois pas à l'abri de dérives
lorsque le choix des arbitres manque
de rigueur ou est susceptible d’être
influencé. C’est pour s'assurer de la
totale impartialité du processus que
le Comité national français a mis en
place un mode de désignation innovant. Le choix des arbitres est confié
à un organe collégial, le Comité
consultatif, dont la mission est de
garantir le sérieux et l’objectivité des
choix proposés.
L
Une composition collégiale
La composition du Comité consultatif
fait la part belle aux juristes d’entreprise qui, en leur qualité d’utilisateurs de l’arbitrage, représentent la
moitié des effectifs. Elle compte
également deux hauts magistrats, ce
qui constitue un facteur de crédibilité
supplémentaire, ainsi que deux
avocats praticiens de l’arbitrage,
dont l’auteur de ces lignes qui assurera
la fonction de président à partir de
janvier 2016. Cette composition
collégiale permet d’assurer la
diversité des points de vue entre
professionnels issus d’horizons
différents. Les membres du Comité
doivent agir en toute indépendance
et ne peuvent donc être proposés
comme arbitre par ICC France. En
outre, si un de ses membres constate
qu’il a un lien quel qu'il soit avec
une affaire, il doit s’abstenir de
prendre part aux délibérations.
Une sélection diversifiée
Le choix des arbitres commence par
un processus de sélection préalable.
Le Comité consultatif se réunit
périodiquement pour examiner les
dossiers de candidature. Pour être
retenus, un candidat doit, en principe,
avoir déjà siégé comme arbitre
dans des arbitrages ICC. En effet, le
Comité ne propose pratiquement
que des arbitres uniques et des
présidents de tribunaux arbitraux, ce
qui exige une certaine expérience.
Cet impératif doit toutefois être
concilié avec celui de renouveler et
de rajeunir les effectifs. Il arrive
donc que le Comité accepte la
candidature de jeunes praticiens de
l’arbitrage international, ayant une
expérience significative en tant que
conseil et/ou secrétaire de tribunal
arbitral. De manière générale, il
s’efforce de diversifier ses propositions et d’éviter que celles-ci ne se
concentrent toujours sur les arbitres
les plus en vue.
Les propositions d’arbitres
Lorsque le Comité est consulté pour
proposer la nomination d’un arbitre,
il se fonde sur les indications communiquées par le Secrétariat quant
au profil de l’arbitre recherché
(connaissances juridiques, degré
d’expérience, langues…) et quant au
litige (complexité, montant en jeu…).
Chaque cas est considéré avec
attention par le Comité qui s’assure
de la disponibilité et de l'indépendance de tout arbitre pressenti.
L’exigence d’un examen approfondi
doit, toutefois, se combiner avec
celle de la réactivité car les décisions sont prises en quelques jours.
Les délibérations du Comité sont
soumises à une stricte confidentialité et ses membres doivent s’abstenir
d e d é v o i le r le s i n fo r m a t i o n s
communiquées par le Secrétariat de
la Cour sur les dossiers qui lui sont
soumis.
Vers un guide des bonnes pratiques ?
L’expérience d’ICC France a inspiré
la rédaction d’un guide des bonnes
pratiques destiné à clarifier les
relations entre le Secrétariat de la
Cour et les Comités nationaux. Ce
guide, qui n’existe encore qu’à l’état
de projet, pourrait être prochainement adopté par la Cour et proposé
aux Comités nationaux afin de
définir des objectifs
communs. Il contribuerait ainsi à
améliorer le processus
de désignation des
arbitres d'ICC.
13
DOSSIER
DOSSIER
Les grandes mutations
à l’œuvre dans l’économie
mondiale
A
u tournant de l'année 2016, il nous a paru très fécond de demander à de grands spécialistes et experts de
différentes nationalités et de tous horizons d'aider nos lecteurs à réfléchir sur l'évolution de l'économie
mondiale.
Après une année 2015 riche en événements (ralentissement chinois, baisse des prix des matières premières,
diminution des échanges internationaux...), des changements structurels sont en effet à l’œuvre un peu partout
dans le monde et annoncent un nouveau régime de croissance pour les décennies à venir.
La Chambre de commerce internationale est particulièrement attentive à ces mutations afin de jouer le rôle
central qui est le sien dans la facilitation du commerce international et d'aider ses adhérents à s'adapter aux
évolutions fondamentales à travers les différentes missions qui lui sont confiées.
Les analyses des experts de notre dossier éclairent les défis des prochaines décennies, notamment les enjeux
des prochaines négociations internationales, à travers une série d'interviews et de contributions consacrées aux
évolutions et ruptures qui se dessinent dans l'économie-monde : depuis le ralentissement annoncé de la
croissance mondiale et des échanges internationaux, jusqu'à la révolution digitale, en passant par le
rééquilibrage entre pays développés et pays émergents, sans oublier les conséquences macro-économiques du
changement climatique, au cœur de la COP 21 qui vient de se tenir à Paris.
■ « Il n'y aura pas de nouveau cycle de croissance tant que nous n'aurons pas débarrassé
l'économie des entreprises non compétitives »,
Interview de Hans-Werner SINN
■ « Nous allons vers un modèle où les différentes régions du monde seront moins interdépendantes »,
Interview de Patrick ARTUS
■ Réchauffement, qu'attendons-nous pour agir ?
Jacques LESOURNE
■ Echanges internationaux : un nouveau monde placé sous le signe de la précaution,
Compte-rendu d'une intervention de Pascal LAMY
■ Le numérique révolutionne les business models et les modes de vie,
Compte-rendu d'une intervention de Maurice LEVY
■ « Les entreprises doivent penser et agir avec frugalité, c'est-à-dire créer davantage de valeur
en consommant moins de ressources »,
Interview de Navi RADJOU
■ Afrique : des besoins énormes et des ressources encore insuffisamment exploitées,
Albert YUMA-MULIMBI
François GEORGES,
Délégué général, ICC France
15
DOSSIER : LES GRANDES MUTATIONS À L’ŒUVRE DANS L’ÉCONOMIE MONDIALE
« Il n'y aura pas de nouveau
cycle de croissance tant que
nous n'aurons pas débarrassé
l'économie des entreprises non
compétitives »
Hans-Werner SINN, professeur d'économie et de finances publiques à l'Université de Munich, président de
©DR
l'IFO, l'institut de conjoncture de Munich
Président de l'IFO, l'institut de conjoncture de Munich et professeur d'économie et
de finances publiques à l'Université de Munich, il est l'un des économistes les plus
influents d'Allemagne. Il est aussi réputé pour son franc-parler, notamment sur
l'avenir de la zone euro.
changes Internationaux. L'économie mondiale pourrait-elle
connaître durablement un taux
de croissance plus modeste ?
Hans-Werner Sinn. Il semble que ce
soit effectivement une possibilité
pour le moment, dès lors que certains
grands pays émergents, tels le Brésil,
la Chine ou la Russie sont confrontés
simultanément à des difficultés, pour
des raisons diverses. En outre,
L'Europe de l'Ouest souffre également d'un désajustement des prix
relatifs associé à l'euro. La monnaie
unique a favorisé la formation d'une
bulle du crédit, laquelle laisse derrière
elle, après explosion, des économies
dont les coûts sont trop élevés et les
produits non compétitifs.
É
E.I. A quoi pourrait ressembler le
nouveau régime de croissance ?
H-W. S. Il n'y aura pas de nouveau
cycle de croissance tant que nous
n'aurons pas débarrassé les économies
des entreprises et des institutions
financières non compétitives. Pour y
parvenir, les banques centrales
doivent revenir à un régime normal
de taux d'intérêt et les États doivent
absolument en finir avec la tentation
de stimuler artificiellement la
demande en creusant les déficits,
dans la pure tradition keynésienne.
E.I. Après la crise de 2008, de nombreux
experts pensaient que les pays
16
émergents allaient tirer la croissance
mondiale. Aujourd'hui, il semble que
cela ne soit pas si simple...
H-W.S. Les économies des pays
émergents vont se redresser, mais il
ne faut pas non plus oublier que de
nouveaux pays se développent eux
aussi, à commencer par l'Afrique et le
Sud-Est Asiatique. Quant à l'économie
chinoise, plus spécifiquement, elle va
continuer de croître en dépit de la
crise actuelle, même si le rythme de
cette croissance sera sans doute plus
modeste que dans un passé récent.
E.I. Redoutez-vous les effets pervers
de la politique monétaire accommodante des banques centrales sur
l'économie réelle ?
H-W.S. Grâce à un niveau de taux
d'intérêt historiquement bas (proche
de zéro), de nombreuses banques
«zombies» ainsi que des entreprises
non rentables sont maintenues
artificiellement en vie un peu partout
dans le monde tandis que l'épargne
mondiale est orientée vers des
investissements improductifs et/ou
inefficaces. Il est grand temps que
les banques centrales reviennent à
des niveaux de taux d'intérêt plus normaux et laissent les marchés décider
où et comment investir cette épargne.
E.I. Quel avenir voyez vous à
l'Europe au sein de l'économie
globale ?
H-W.S. De mon point de vue, nous
commettons une erreur en tentant de
garder tous les pays au sein de la
zone euro. Les prix relatifs des pays
de la zone ont besoin d'être réajustés
mais la mise en œuvre de ce processus
n'est pas possible dans le cadre de la
zone euro. Je pense qu'il serait plus
efficace que tel ou tel pays sorte temporairement, dévalue puis réintègre
la zone euro plus tard sur la base
d'une nouvelle parité monétaire.
E.I. Quelle initiative économique le
tandem franco-allemand devrait-il
prendre aujourd'hui ?
H-W.S. A mes yeux, la meilleure
manière pour le tandem francoallemand de donner à l'Europe une
nouvelle impulsion serait de favoriser
le développement de l'union politique
sans aller plus loin dans la mutualisation des pertes et des dettes,
mutualisation qui s'accompagne toujours d'effets dévastateurs associés
au phénomène d'aléa moral. Nous
sommes déjà allés trop loin dans
cette forme d'union. Dans la perspective d'un monde de plus en plus
incertain, nous avons en revanche un
besoin urgent d'une véritable union
politique : il faut fusionner nos
28 armées nationales en une seule et
nous donner les moyens de parler
d'une seule voix en matière de
politique.
DOSSIER : LES GRANDES MUTATIONS À L’ŒUVRE DANS L’ÉCONOMIE MONDIALE
«Nous allons vers un modèle où
les différentes régions du monde
seront moins interdépendantes»
©DR
Patrick ARTUS, chief economist de Natixis et professeur à l'Université Paris I-Panthéon-Sorbonne
Les moteurs qui ont tiré la croissance depuis plusieurs décennies sont grippés.
Patrick Artus, chef économiste de la banque Natixis, analyse les grandes mutations
qui sont à l’œuvre dans l'économie mondiale et leurs conséquences sur les échanges
internationaux.
changes Internationaux. Le
modèle de croissance que
nous avons connu depuis plus
de vingt ans est-il à bout de souffle ?
Patrick Artus. Les trois moteurs
qui ont fait tourner la croissance
mondiale depuis plusieurs décennies sont en panne. D'abord, celui
de l'endettement. Depuis le milieu
des années 1990 (et même dès la
fin des années 1980 au Japon), la
croissance des pays de l'OCDE a
été tirée par l'endettement, ou,
plus précisément, par le cycle
endettement/hausse des prix
d'actifs. Mais la capacité à continuer à s'endetter de manière
déraisonnable touche à sa fin et les
pays de l'OCDE vont s'installer sur
un sentier de croissance de long
terme non dopé, fruit de leurs
seules capacités structurelles à
créer des richesses.
Ensuite, le moteur de croissance
associé à la segmentation de la
chaîne de valeur connaît lui aussi
des ratés. Au cours des dernières
décennies, les entreprises occidentales ont gardé dans l'OCDE les
parties sophistiquées de leur production et transféré les parties les
plus simples dans les pays émergents afin de bénéficier de coûts de
production plus faibles. Mais ce
processus bute aujourd'hui sur
l'augmentation des salaires, donc
des coûts de production, de ces
pays, hausse qui ne justifie plus les
délocalisations, compte tenu de la
nature (bas ou moyenne gamme)
de leurs productions. Bien sûr, les
situations sont variables selon les
pays, mais le modèle de croissance
E
des grands émergents -notamment la Chine ou le Brésil- est
incontestablement en crise dès
lors que leurs coûts de production
ne sont plus compétitifs pour le
type de biens produits.
Enfin, autre élément fort, l'économie
mondiale évolue vers une économie de services. Cette évolution,
qui s'accélère depuis quinze ans, a
de nombreuses conséquences, et
notamment le fait qu'une économie
où le poids de l'industrie diminue
fortement consomme beaucoup
moins de matières premières. Le
troisième moteur se grippe : la
baisse des prix des matières premières met en difficultés les pays
dont le développement leur était
étroitement lié (Algérie, Arabie
Saoudite, Irak, Russie, et, dans une
moindre mesure, Iran, Nigéria,
Émirats Arabes Unis et Angola).
E.I. A quelles conditions, peut-on
espérer voir les pays émergents
prendre à nouveau leur part dans la
croissance mondiale ?
P.A. La plupart des pays émergents
sont confrontés à un problème de
coûts de production, ou, pour être
plus précis, de rapport entre le coût
et le niveau de gamme de leurs
productions. Mais ce n'est pas tout.
De nombreux pays (on peut citer le
Brésil, la Turquie, l'Inde, l'Afrique
du Sud, etc) doivent également faire
face à une défaillance de l'offre
associée à celle d'un certain nombre
de facteurs de production essentiels tels que l'insuffisance de main
d’œuvre qualifiée, la difficulté à
s'approvisionner en énergie ou
l'absence d'infrastructures de
transport due à un sous-investissement public chronique depuis longtemps. La situation du Brésil est,
de ce point de vue, emblématique.
Pour que ces pays prennent à
nouveau leur part dans la croissance
mondiale, il est nécessaire qu'ils se
donnent les moyens de desserrer
ces goulots d'étranglement en
investissant massivement dans
l ' é d u ca t i o n , l ' é n e rg i e e t le s
infrastructures. Il est également
indispensable qu'ils montent en
gamme afin de produire des biens
plus sophistiqués susceptibles
d'être vendus à des prix permettant
d'absorber leurs coûts salariaux.
Il ne s'agit donc nullement, comme
on l'entend parfois, d'une crise
cyclique des économies émergentes
mais d'une crise de leur modèle
de croissance. Les économies
émergentes doivent prendre leur
place dans la spécialisation
productive du monde par les
avantages comparatifs et non plus
seulement par les coûts.
E.I. Quels sont les problèmes structurels auxquels sont confrontés les
pays riches ?
P.A. Les grandes économies développées sont chacune confrontées
à des problèmes spécifiques.
L'économie américaine est certes
actuellement freinée par l'appréciation du dollar, la place prise par le
secteur pétrolier et la faiblesse du
reste de l'économie mondiale, mais
elle peut compter sur sa capacité
d'innovation, de créations d'emplois,
d'investissement des entreprises.
17
DOSSIER : LES GRANDES MUTATIONS À L’ŒUVRE DANS L’ÉCONOMIE MONDIALE
Les États-Unis entrent dans leur
septième année d'expansion ! Pour
autant, la répartition des revenus
outre-Atlantique est extrêmement
inégalitaire. Peut-on espérer avoir
une croissance pérenne à long
terme en n'augmentant jamais les
revenus réels de la classe moyenne ? C'est, à mon sens, la question
qu'il faut se poser si l'on réfléchit au
modèle de croissance de l'Amérique
pour les décennies à venir.
La situation japonaise est beaucoup
plus inquiétante. Dans l'Empire du
soleil levant, la déformation du
partage des revenus tue littéralement la croissance. Aujourd'hui, le
taux d'autofinancement des entreprises est de 200 % et il continue
d'augmenter rapidement tandis
que les salaires progressent, eux,
moins vite que la productivité. Il y a
au Japon une telle déformation du
partage des revenus que les entreprises ne savent plus quoi faire de
leur argent. Elles placent leurs
profits à 0 % dans les banques qui
les prêtent à l’État, lequel creuse le
déficit public (9 points de PIB) sous
forme d'obligations pour compenser
la défaillance de la demande des
ménages ! Les banques détiennent
l'équivalent de 2,5 années de PIB
dans leurs bilans et toute remontée
des taux d'intérêt les mettrait en
danger. La banque centrale nipponne
est donc condamnée à monétiser la
dette publique. C'est un engrenage
mortifère qui peut se terminer en
crise financière.
E.I. Pour sa part, la zone euro s'enlise
dans un régime de croissance
faible et de chômage élevé. Y-a-t-il
à cela des raisons spécifiques ?
P.A. La raison fondamentale de
cette situation particulière est que
l'Union Économique et Monétaire
(UEM) n'a pas apporté aux pays de
la zone les bénéfices attendus.
D'abord, une UEM se caractérise
par la libre circulation des biens,
des capitaux et des personnes et
par l'absence de risque de change
susceptible de venir l'entraver. Dès
lors, on s'attend à observer une
croissance des échanges plus rapide entre les pays de la zone euro
qu'entre ces pays et le reste du
monde (compte tenu des croissances relatives des économies).
Or, lorsqu'on examine les chiffres,
18
on constate exactement le contraire. Les échanges augmentent
plus vite avec le reste du monde
qu'entre pays de la zone. Preuve
qu'il n'existe pas de grand marché
unique économique et commercial
dans la zone euro.
Ensuite, la seconde vertu que l'on
prête à une union monétaire, c'est
l'allocation efficace de l'épargne.
Or, si les échanges de capitaux dans
la zone ont effectivement progressé
entre 1999 et 2007, ce mouvement
a cessé à partir de 2008, date à
laquelle on commence à observer
une très forte baisse des flux de
capitaux à long terme, chaque pays
finançant lui-même ses besoins
d'investissement. La zone euro n'a
plus les caractéristique d'un grand
marché unique financier.
Cette situation a un coût en termes
de croissance (chaque pays ne peut
mener la politique monétaire et
de change qui lui conviendrait le
mieux), sans offrir d'avantages
micro-économiques. Pour en
sortir, il faut absolument terminer
le marché unique, c'est-à-dire
avancer sur l'harmonisation des
normes, des règlements financiers,
de la fiscalité, de l'ouverture des
marchés publics, d'un système de
retraite intégré, etc. Il faut aussi
réactiver la circulation des capitaux
en zone euro.
E.I. Quelles sont les caractéristiques
du nouveau modèle de croissance
qui se dessine sous nos yeux ?
P.A. il faut d'abord resituer notre
réflexion dans une tendance qui se
dessine depuis des années, voire
des décennies, celle du ralentissement structurel de la productivité,
un ralentissement que l'on constate, à des degrés divers, à peu près
partout dans le monde. Cette
anémie du progrès technique
trouve ses racines dans différents
facteurs : perte d'efficacité de la
R&D, amaigrissement de l'industrie
où la productivité est plus élevée
qu'ailleurs, insuffisant niveau de
qualification de la population active,
augmentation de l'intensité capitalistique, doutes sur l'impact des
nouvelles technologies sur la
croissance...
Ensuite, l'autre caractéristique
fondamentale du nouveau régime de
croissance est que nous allons vers
un modèle où les différentes régions
du monde seront moins interdépendantes que par le passé. Pour trois
raisons. D'abord, la dé-segmentat i o n d e s c h a î n e s d e v a le u r.
Aujourd'hui, les entreprises ne veulent plus couper leurs chaînes de
valeur en rondelles, les écarts de
coûts ne le justifient plus. On assiste
à un regroupement des productions
sur un nombre de sites plus limité
ce qui réduit les échanges. Ensuite,
on constate que la préférence
nationale s'impose de plus en plus :
si on veut vendre des avions aux
Chinois, il faut les fabriquer sur
place et non plus les exporter
depuis Toulouse ou Seattle. Enfin,
l'avènement d'une économie de
services réduit les échanges,
d'autant qu'elle est moins consommatrice de matières premières.
E.I. Quel sera l'impact sur le commerce mondial ?
P.A. Jusqu'au début des années
2000, l'élasticité du commerce
mondial au PIB mondial était de
2 (quand le PIB mondial augmentait
de 1 %, le commerce mondial
augmentait de 2 %). Elle est tombée
à 0,5 ! Dans l'avenir, le commerce
mondial devrait augmenter moins
vite que le PIB et les pays dont la
demande intérieure était faible et
dont la croissance était tirée par les
échanges vont souffrir. C'est le cas,
par exemple, de la Corée du Sud
ou de Taïwan, et même, potentiellement, de l'Allemagne ou du Japon.
Le modèle du pays dont la demande
intérieure est faible mais qui, grâce
à des produits très compétitifs,
exporte dans le reste du monde est
fragilisé. En revanche, les pays qui
bénéficient d'une demande intérieure solide -les pays d'Europe centrale,
les États-Unis...- seront favorisés.
Parallèlement, Le commerce
international va changer de nature
et prendra moins la forme d'imports/exports. D'autant que les
firmes sont en train d'intégrer dans
leurs comptes une véritable tarification du CO2 ce qui conforte l'idée que
l'on ne pourra pas continuer à
transporter des biens lourds, comme
des voitures par exemple. Les
entreprises vont produire de plus en
plus près des consommateurs.
Propos recueillis
par Marie-Paule Virard
DOSSIER : LES GRANDES MUTATIONS À L’ŒUVRE DANS L’ÉCONOMIE MONDIALE
Réchauffement :
qu'attendons-nous pour agir ?
Jacques LESOURNE, économiste, président du Comité de direction de FutuRIS
Lanceur d'alerte dès 2006 avec son rapport sur l'économie du changement climatique, Nicholas Stern,
l'économiste du climat mondialement reconnu, récidive avec un nouvel ouvrage où il pointe l'urgence
d'agir et propose des solutions. Jacques Lesourne, économiste, président du Comité de direction de
FutuRIS, en fait ici un compte-rendu éclairé.
ncien vice-président de la
Banque mondiale, conseiller du
Premier ministre du RoyaumeUni Tony Blair, Nicholas Stern -qui
siège désormais à la Chambre des
Lords- est aujourd’hui l’économiste
le plus reconnu à l’échelle mondiale
en matière d’évolution du climat. Son
rapport de 2006 au gouvernement
britannique sur l’Économie du changement climatique avait contribué à
élargir la prise de conscience de
l’ampleur du problème et des
moyens à mettre en œuvre pour y
faire face. Aussi, doit-on attacher la
plus grande importance au livre qu’il
vient de publier en 2015 « Why are we
waiting ? The logic, urgency and promise of tackling climate change ».
Ce livre peut être abordé d’un triple
point de vue : l’approche méthodologique, la discussion des politiques,
Une approche aussi rationnelle que
possible.
Même si Nicholas Stern prend parti
dans les débats, il ne part pas
de grandes exhortations morales
comme le font beaucoup d’écologistes
politiques, mais s’appuie sur une
approche méthodologique aussi
rationnelle que possible.
Il commence par séparer le monde
en trois groupes de pays à revenus
par tête faibles, moyens ou élevés.
Sur la base des chiffres de 2010 à
2012, les premiers sont au nombre
de 36, réunissent 900 millions de
personnes, représentent 1% du
produit intérieur brut mondial et sont
©DR
A
l’évaluation prospective des résultats. Il incite aussi à une réflexion sur
les raisons qui rendent si difficiles les
accords mondiaux dans ce domaine.
>
Lord Stern, 69 ans, a été vice-président de la Banque mondiale de 2000 à 2003. Titulaire de la chaire d’Économie
et des Affaires publiques à la London School of Economics et président du Grantham Research Institute on
Climate Change and the Environment, il est surtout connu pour son rapport précurseur sur l’économie du
changement climatique paru en 2006. Publié en mai 2015, son dernier ouvrage est un nouveau cri d'alarme sur
l'urgence d'agir (MIT Press).
responsables de 2% des émissions
de gaz à effet de serre (GES). Les
seconds, parmi lesquels figurent
Brésil, Mexique, Chine, Nigeria, Inde,
Pakistan, sont au nombre de 103 et
comptent 4,9 milliards d’individus. Ils
sont à l’origine de 31 % du PIB mondial
et émettent 55 % de gaz à effet de
serre. Enfin, les pays à haut revenu,
au nombre de 74, avec les États-Unis,
le Japon, la Corée du Sud, la Russie
et les principaux pays européens
représentent 1,5 milliard d’individus,
68 % du revenu mondial et 43 % des
émissions de gaz à effet de serre. Si
l’on complète ces chiffres par les
taux de croissance très différents des
trois groupes, on comprend d’emblée
les énormes écarts qu’engendre le
changement climatique d’un groupe
de pays à l’autre, et même entre les
pays dans chaque groupe.
En second lieu, lorsque il aborde
l’évaluation des politiques, Nicholas
Stern s’efforce toujours de raisonner
en termes de coûts et avantages,
c’est-à-dire de calcul économique
généralisé tenant compte des externalités et de la répartition dans le
temps. Procéder ainsi a le mérite
d’obliger à chiffrer en donnant ses
sources ou en justifiant ses estimations. La transparence qui en résulte
permet le débat et aide à distinguer
les politiques qui permettent de
réduire les émissions de GES à un
coût raisonnable et celles qui sont
si onéreuses qu’il vaudrait mieux
économiser les dépenses correspondantes et les reporter sur d’autres
actions favorisant les réductions
d’émissions plus importantes.
Enfin, Nicholas Stern a recours à des
modèles pour évaluer les effets en
termes de croissance économique
des dépenses consacrées à la réduction des émissions de GES. Cette
19
DOSSIER : LES GRANDES MUTATIONS À L’ŒUVRE DANS L’ÉCONOMIE MONDIALE
approche que je ne peux qu’approuver,
puisque je l’ai défendue pendant
toute ma carrière, n’a qu’un seul
défaut, celui d’être peu lisible, car la
valeur des résultats dépend des
hypothèses faites sur l’effet des
transformations des prix relatifs. Or,
il est des modèles mondiaux qui minimisent certains phénomènes ou au
contraire surestiment leur influence.
Dès lors, l’observateur extérieur,
contraint de prendre le modèle
comme une boîte noire, est contraint
d’adhérer aux résultats, moins par
conviction que par confiance. De ce
point de vue, les travaux de Nicholas
Stern méritent d’être considérés avec
un préjugé favorable.
1 % de PIB mondial par an pour limiter
la concentration des GES.
Quant à la discussion des politiques,
Nicholas Stern la mène en se
concentrant sur trois espaces : les
villes, l’usage des terres, l’énergie. Il
les aborde ensuite de trois points de
vue : l’efficacité des ressources, les
investissements ou infrastructures et
l’innovation, d’où, si l’on croise avec
les types de pays, une grille de lecture
à neuf entrées, certes réaliste mais
qui fractionne le message. En effet,
qu’ont de commun les problèmes
des villes européennes qui
s’accroissent faiblement et consomment désormais peu d’espace et
les villes africaines qui explosent et
s’étalent sur des superficies mal
contrôlées ?
L’avantage du choix de Nicholas
Stern est qu’il ne s’adresse à aucun
pays ou grande région géographique, prudence qu’il a héritée de sa
carrière internationale, mais qui nuit
peut être à la perception du message
par beaucoup de lecteurs.
Pour les résultats chiffrés qui
résultent des modèles, je ne peux
faire mieux que de citer Olivier
Godard dans la critique du livre qu’il
vient de publier dans Futuribles :
«Un précédent rapport de Nicholas
Stern montrait que les dommages
climatiques à venir pourraient avoir
une incidence sur le bien-être collectif
de l’ordre de celle des deux guerres
mondiales du XXème siècle. De façon
synthétique, les bouleversements en
chaîne anticipés pourraient entraîner
l’équivalent d’une perte annuelle
pour l’éternité de 10 à 20 % du PIB
mondial. Par contre, pour un coût
médian annuel se situant autour de
1 % du PIB, il serait possible à l’humanité de limiter la concentration
atmosphérique des GES entre 500 et
550 ppm (1) -nous en sommes actuellement à 470 ppm et chaque année
en ajoute 2 ou 3. Il serait donc avantageux et économiquement rationnel
d’engager de façon immédiate des
politiques vigoureuses de transformation des systèmes énergétiques
vers la sobriété et l’efficacité énergétique et les solutions bas carbone »(2).
Marier croissance et économie bas
carbone.
L’analyse de Nicholas Stern devrait
déboucher alors sur la question
essentielle : pourquoi est-il si difficile
de faire progresser les négociations
internationales sur le changement
climatique ?
Les résistances aux politiques climatiques ont plusieurs origines : 1) au
sein de chaque pays, les résistances
des groupes d’individus et de firmes
impliqués dans des secteurs émetteurs
de GES 2) la lutte pour la redistribution des revenus entre les pays à
l’échelle internationale, cette lutte
Réduire les émissions de GES de 40 % à 70 % en 2050.
Les émissions de gaz à effet de serre (GES) couverts par le protocole
de Kyoto ont augmenté de 80 % depuis 1970 et de 30 % depuis 1990
pour atteindre 50 Giga tonnes équivalent CO2 en 2014 avec, en tête de la production de GES, l'énergie (35 %), l'agriculture et le transport (14 % chacun)
et la déforestation (10 %).
Au rythme actuel des émissions mondiales (+2,2 % par an sur 2000-2010), la
hausse des températures devrait être comprise entre +3,7 % et +4,8 % d'ici
à 2100. Pour respecter l'objectif de +2 %, il faut réduire les émissions de GES
de 40 % à 70 % en 2050 par rapport au niveau atteint en 2010 et revenir à des
niveaux proches de zéro en 2100.
[1] Nombre de molécules du gaz à effet de serre considéré par million de molécules d’air.
[2] O. Godard, Futuribles, n° 410, (à paraître en janvier/février 2016)
20
> « Why are we waiting ? The logic, urgency and
promise of tackling climate change ».
qui prolonge les tensions à l’intérieur
des pays développés 3) les discours
extrêmes de certains milieux politiques qui transforment un problème
concret dont la solution implique
compromis et persévérance en une
guerre idéologique sur les relations
entre l’homme et la nature.
Mais, plutôt que d’aborder la question
de la difficulté à faire progresser les
négociations internationales de front,
l'auteur qui a l’expérience des dix
dernières années de négociations,
insiste sur la nécessité de la poursuite simultanée de la croissance et
de l’évolution vers une économie
bas-carbone, grâce à des politiques
nationales limitant les subventions
aux énergies émetteurs de GES,
facilitant l’innovation dans la gestion
des villes, l’utilisation des sols et
la décarbonisation des systèmes
énergétiques. S’il soutient la coopération internationale, une aide financière à l’investissement pour lutter
contre le changement climatique, il
se méfie des accords internationaux
trop contraignants qui ne sont pas
appliqués ou des principes généraux
comme celui d’attribution à tout
humain d’un stock personnel de GES.
Il n’évoque pas non plus l’instauration, pour le moment hors de portée,
d’un prix mondial à la tonne de carbone émise. Sur la longue marche qui
nous attend, la COP 21 préparée avec
soin par la France représentera sans
doute un progrès.
DOSSIER : LES GRANDES MUTATIONS À L’ŒUVRE DANS L’ÉCONOMIE MONDIALE
Commerce mondial :
un nouveau monde placé sous
le signe de la précaution
Directeur général de l'OMC de septembre 2005 à août 2013, Pascal Lamy analyse les grandes mutations
qui sont en train de bouleverser la nature des échanges internationaux(1) et éclaire les enjeux d'un
nouveau rôle pour l'OMC.
ous traversons actuellement
une période de transition. Un
ancien monde s'éloigne,
caractérisé par des systèmes de production nationaux où les principaux
obstacles aux échanges avaient pour
objectif de protéger les producteurs
domestiques de la concurrence
internationale. Un nouveau monde se
dessine où la production de biens et
services est transnationale et où les
obstacles aux échanges sont conçus
pour protéger le consommateur
contre les risques. Formulé autrement, nous vivons le passage d'une
gestion de la protection (quotas,
tarifs, subventions) à une gestion de
la précaution (sécurité, santé, environnement). Une nouvelle version
du vieux distinguo entre mesures
tarifaires et mesures non-tarifaires.
Un monde où la question de l'ouverture des échanges se posera tout à
fait différemment.
« Dans ce nouveau monde, a souligné
Pascal Lamy lors de son intervention
à l'European Centre for International
Political Economy de Bruxelles, l'ouverture des échanges aura toujours
pour objet de favoriser la croissance
et le bien-être, à condition toutefois
que nous veillions collectivement à
ce que la justice sociale aille de pair
avec la création de richesses. Par
ailleurs, la réduction des obstacles
aux échanges passera toujours par la
nécessité d'égaliser les conditions
de la concurrence, et de le faire de
manière prévisible ».
En revanche, ce qui change fondamentalement, c'est la manière
d'obtenir l'uniformisation des conditions de la concurrence. « Dès lors
que l'on raisonnait en termes de
protection, souligne Pascal Lamy,
l'horizon mental de tout négociateur
se résumait à un chiffre : zéro. En
N
matière de précaution, les règles du
jeu sont très différentes. Ce qui est
évident lorsqu'on parle tarifs est
inimaginable avec les normes et
autres certificats de conformité.
Impossible de gérer les mesures non
tarifaires comme les mesures tarifaires. Ce qui importe dans la précaution n'est pas d'en finir avec une
mesure, de la «tuer» en quelque
sorte, mais de parvenir à réduire les
écarts entre les différentes mesures,
entre les systèmes de précaution».
Un processus que nous avons déjà
expérimenté en Europe à partir de
1985 avec le passage du marché
commun au marché unique.
Cette transformation va de pair avec
une nouvelle équation d'économie
politique. Dans l'ancien monde, tout
négociateur avait les consommateurs de son côté, mais les producteurs contre lui, vent debout contre
l'accroissement de la concurrence
sur leur marché domestique. Dans le
nouveau, le jeu se joue à front renversé. Le producteur aspire à pouvoir
travailler avec la seule et unique
norme qui lui permettra de réaliser
des économies d'échelle. Les associations de consommateur, en revanche, montent au front pour lutter,
chaque fois que nécessaire, contre ce
qu'elles considérent comme une
diminution des standards. «Et sur le
plan du rapport de forces, ajoute
encore l'ancien directeur général de
l'OMC, cela change tout. Lorsque la
négociation portait sur l'échange
d'une mesure tarifaire sur les
bicyclettes contre une autre mesure
tarifaire sur la ferraille, celle-ci était
peu «chargée» politiquement. En
revanche, dès lors que l'on entre
dans l'univers de la précaution,
notamment si l'on parle de bien-être
animal, de la protection des données
>
Pascal Lamy a été le directeur de cabinet et le
sherpa de Jacques Delors à la présidence de la
Commission européenne de 1985 à 1994. Après un
passage à la direction générale du Crédit lyonnais,
il est retourné à Bruxelles en 1999 en tant que
commissaire européen au Commerce sous la
présidence de Romano Prodi avant d'occuper le
poste de directeur général de l'OMC de septembre
2005 à août 2013. Manuel Valls lui a confié la mission
d'organiser la candidature de la France à l'Exposition
universelle de 2025.
personnelles ou des OGM, il en va
tout autrement, car chaque risque
fait référence à des valeurs, une
culture, une histoire, une religion...»
Dans ce nouveau monde, les acteurs
aussi sont différents. Alors qu'hier
les négociations sur les tarifs ou les
subventions étaient du ressort des
gouvernements, les groupes privés
donnent le «la» dès lors que le niveau
de précaution devient un élément
déterminant de l'arsenal concurrentiel. «Toutes ces différences, qui sont
plus que des nuances, ont et auront
des conséquences majeures sur la
philosophie du système d'échanges
international, prédit Pascal Lamy,
qu'il s'agisse des notions de préférences ou de réciprocité. Plus question désormais de trade-off, comme
avec les vélos et la ferraille ou entre
mes normes sur les briquets et les
vôtres sur les jouets. La précaution
21
DOSSIER : LES GRANDES MUTATIONS À L’ŒUVRE DANS L’ÉCONOMIE MONDIALE
n'est pas une affaire de troc mais
d'harmonisation».
Et si la nature des obstacles aux
échanges est différente, les priorités
que doivent se donner les
négociateurs doivent l'être aussi.
«Supposons, précise Pascal Lamy,
que je sois un exportateur désireux de
s'implanter sur le marché mondial...
Les coûts moyens auxquels je dois
faire face se résument à trois chiffres :
5 % (le tarif commercial moyen pondéré dans le monde), 10 % (le coût
de la gestion des flux aux frontières)
et 20 % (le coût des écarts de réglementations entre les différents
marchés). Ainsi, au cours d'un voyage
à Minneapolis, j'ai constaté qu'un
producteur d'appareils médicaux à
5 000 dollars pièce était confronté à
une quarantaine de réglementations
différentes sur la planète ! S'il existait
un standard mondial, ses appareils
seraient 30 % moins chers. Or,
actuellement, les négociateurs
consacrent 80 % de leur temps à ce
qui ne représente pas plus de 5 % des
coûts auxquels l'exportateur doit faire
face (le tarif commercial moyen pondéré dans le monde) et seulement
10 % aux 20 % qui représentent le
coût des écarts de réglementation, ce
qui est beaucoup plus important,
notamment pour les PME et les
empêche souvent d'entrer dans le jeu
des échanges». D'où l'urgence de
revoir nos priorités.
Dans le nouveau monde, l'ouverture
des échanges aura également des
conséquences sur la nature du mandat des institutions internationales,
et en particulier de l'OMC. Hier, la
démarche des négociateurs était
placée sous le signe du «moins».
Demain, c'est le «plus» qui fera le jeu.
Avec, en avant-garde, les pays
développés où PIB/tête et niveau de
protection sont intimement liés. D'où,
a souligné l'ancien directeur général
de l'OMC, l'enjeu de la négociation du
TTIP, non seulement pour les EtatsUnis et l'Europe, mais aussi pour la
planète toute entière car l'accord
servira de benchmark dans de
nombreux secteurs des biens et
services.
La mission de l'OMC n'en reste pas
moins essentielle, conclut Pascal
Lamy. «L'organisation va continuer à
administrer la zone grise entre
protection et précaution. Elle devra
aussi veiller à ce que le processus
d'harmonisation progressive suive
son cours entre les principaux paysmembres. Enfin, elle aura pour tâche
de mener à bien l'ajustement de
l'outil technique aux nouvelles
exigences de la précaution».
Compte-rendu rédigé
par Marie-Paule Virard
[1] Il s'agit ici du résumé d'une intervention de Pascal Lamy à l'European Centre for International Political Economy (Bruxelles), le 9 mars 2015.
22
DOSSIER : LES GRANDES MUTATIONS À L’ŒUVRE DANS L’ÉCONOMIE MONDIALE
Le numérique révolutionne les
Business Models et les modes
de vie
Lors de l'assemblée générale annuelle d'ICC France, Maurice Lévy, président du directoire de Publicis,
a éclairé les mutations et les opportunités promises par l'économie digitale. Voici un résumé de son
intervention.
L
>
Publicis : plus de 50 % du chiffre d'affaires viennent du numérique.
En rachetant au début de 2015 l'américain Sapient, spécialisé dans
le marketing, la communication numérique, le commerce multicanal et le consulting, Publicis a fait un mouvement stratégique
déterminant pour construire son avenir. Grâce à cette acquisition,
le Français passe la barre symbolique de 50 % du chiffre d'affaires
générés par les activités numériques.
c'est l'irruption de modèles globaux.
Google, Facebook, Youtube, Yahoo,
Twitter se sont installés dans tous les
foyers de la planète et sont imités un
peu partout : qu'il s'agisse d'Alibaba,
de Tencent ou de WeChat en Chine,
de Yandex en Russie, ces firmes ont
eu l'intelligence de copier les modèles américains, de les transformer,
de les enrichir et de les adapter à la
culture locale. Toutes ces entreprises
conquièrent des parts de marché
considérables, atteignent des valorisations boursières astronomiques
(Google pèse 360 milliards de
dollars, Facebook 200 milliards) et
disposent de capacités d'investissement inconnues jusque là.
Le président de Publicis a souligné
également que « Le monde digital
présente une autre caractéristique :
avec ces nouvelles entreprises, on
navigue dans ce que les Américains
appellent le blur (le flou). Les frontières sont mouvantes. Et, surtout, elles
ont tendance à s'effacer. Certes,
Amazon fait du commerce électronique, c'est la part la plus importante de son chiffre d'affaires, mais c'est
ailleurs, dans des activités moins
connues du grand public, comme la
vente de services aux entreprises et
le cloud computing, que la firme
gagne de l'argent. Google règne
évidemment sur le search et a racheté
You Tube au bon moment, mais c'est
aussi -on le sait moins- le premier
média mondial avec 50 milliards de
dollars de revenus publicitaires,
davantage que Time Warner !»
D'une manière générale, les nouvelles
technologies viennent en appui
de ceux, en général de nouveaux
entrants, qui veulent casser les
règles, les codes, et transformer une
activité jusque là banale en machine
à cash. Maurice Lévy fut un des
premiers à parler d'«ubérisation» du
monde, à partir
du mot Uber, du
nom de la société californienne
de VTC qui a mis
les chauffeurs
de taxi de la planète au bord de
la crise de nerf,
pour qualifier
cette révolution
naissante. La
numérisation est
en effet en passe
Maurice Lévy, président
de bouleverser
du directoire de Publicis
l'économie et...
le monde.
Aujourd'hui, grâce à l'imprimante 3D,
il est possible de construire en Chine
une maison à 1 500 euros en moins
d'une semaine. Non seulement cette
innovation révolutionne le métier du
bâtiment, mais cela signifie que le
Chinois moyen peut payer sa maison
avec moins d'un an d'économies sur
son salaire et devenir propriétaire.
Notre monde se transforme sous nos
yeux, et s'il est encore trop tôt pour
mesurer toutes les conséquences de
cette révolution, nous savons déjà
qu'elles sont innombrables. C'est
d'abord une révolution pour l'emploi.
Qu'il s'agisse de la nature de tel ou
tel métier ou de la manière dont on
l'exercera demain. «Déjà, a commenté
Maurice Lévy, certains collaborateurs de Publicis ne viennent pratiquement plus jamais au bureau.
Cette nouvelle génération conçoit le
travail autrement, mais sans compter
ses heures. Et il y a aura de plus en
plus d'entrepreneurs individuels. Il
nous faut imaginer d'autres Business
Models, d'autres modes de vie. C'est
le moment d'avoir confiance dans le
génie humain !».
Compte-rendu rédigé
par Marie-Paule Virard
©DR
e numérique révolutionne la vie
de chacun d'entre nous. On
compte aujourd'hui entre dix et
douze milliards d'appareils connectés
dans le monde et lorsque l'internet
des objets donnera sa pleine mesure,
on arrivera rapidement à trente
milliards. De l'automobile sans pilote
au taux du cholestérol transmis
directement, via une lentille oculaire,
sur le smartphone, le champ semble
infini. Et pas seulement dans les pays
les plus avancés. «Je suis frappé
de voir combien le numérique bouleverse la donne en Afrique, où il existe
déjà -souvent grâce au mobile toutes sortes d'opérations qui ne
nous sont pas encore familières» a
commenté Maurice Lévy lors de son
intervention.
Il a également souligné à quel point
«Le numérique révolutionne les
Business Models. Ceux sur lesquels
nous avons fonctionné dans le passé
sont révolus. Quel que soit le secteur
d'activité, il s'agit désormais d'en
inventer de nouveaux, en rupture
avec les précédents». Et ce qui frappe
évidemment dans cette évolution,
23
DOSSIER : LES GRANDES MUTATIONS À L’ŒUVRE DANS L’ÉCONOMIE MONDIALE
« Les entreprises doivent penser
et agir avec frugalité, c'est-à-dire
créer davantage de valeur en
consommant moins de ressources»
Navi RADJOU, Conseiller en Innovation & Leadership, co-auteur de « L'Innovation frugale, comment faire
©DR
mieux avec moins » (1)
Théoricien de l'économie « frugale », Navi Radjou, un quadragénaire franco-indien
installé dans la Silicon Valley, prône une nouvelle approche de l'innovation (comment
faire mieux avec moins) et dessine, in fine, les contours d'un capitalisme du 21ème
siècle fondé sur le partage et l'agilité. Ou quand la rareté se transforme en opportunité...
changes Internationaux. Pourquoi la frugalité est-elle, selon
vous, une des clés de la
croissance au 21ème siècle ?
Navi Radjou. Depuis la Révolution
industrielle, nous avons adopté un
modèle de développement économique à la fois coûteux et gourmand
en ressources fondé sur le postulat
que celles-ci (capital, énergie, eau)
étaient illimitées. Nous avons mis en
place d'énormes systèmes industriels qui consomment toujours plus
afin de créer des produits de plus en
plus sophistiqués et de plus en plus
chers. Ce paradigme -une croissance
fondée sur le «toujours plus»- est
remis en cause par deux facteurs.
La récession économique, qui a
débuté en 2008, a rendu la classe
moyenne, notamment en Occident,
plus consciente de la valeur des
biens. Les consommateurs sont de
plus en plus nombreux à préférer
acheter des produits moins chers
voire low-cost plutôt que des produits
de marque plus chers.
Par ailleurs, ils prennent aussi
conscience de l'accroissement des
inégalités sociales et des problématiques environnementales et sont de
plus en plus nombreux à vouloir
défendre des «valeurs». Pour les
satisfaire, les entreprises doivent
apprendre à «faire mieux avec
moins» : créer et proposer des produits et services qui tiennent compte
de quatre caractéristiques plébiscitées
par les «consommateurs frugaux»
É
24
du monde entier : abordabilité,
simplicité, qualité et durabilité. Au
21ème siècle, les entreprises doivent
penser et agir en «entreprises frugales», c'est-à-dire être capables de
créer davantage de valeur économique et sociale en consommant
moins de ressources.
E.I. A quelles conditions, cette
conception peut-elle être davantage
qu'une manière chatoyante d'accepter
l'inévitable (la rareté) ?
N.R. Si la nécessité est la mère de
toutes les inventions, alors la rareté
en est le père ! Le premier principe
du jugaad est de «se servir de ce qui
est abondant pour produire ce qui est
rare». Dans les pays émergents où
les ressources sont contraintes, les
innovateurs frugaux transcendent
cette rareté afin de créer davantage
de valeur à moindres coûts. Au
Pérou, par exemple, un pays où le
taux d'humidité atteint 95 % et qui ne
reçoit que 25 mm de précipitations
par an, une équipe d'ingénieurs de
Lima a imaginé un panneau publicitaire géant qui absorbe l'humidité de
l'air, la condense, la purifie pour produire plus de 90 litres d'eau potable
par jour ! De la même manière, les
Africains utilisent la densité de l'interconnectivité du réseau mobile (80 %
d'entre eux possèdent un mobile)
pour surmonter la pénurie de services bancaires ou énergétiques, avec
des solutions comme M-PESA
(transfert d'argent par téléphone
mobile) et M-KOPA (système d'éclairage solaire payé au jour le jour).
E.I. Nous avons tendance à voir les
pays occidentaux comme les centres
d'innovations et les pays émergents
comme les grands marchés et/ou
les ateliers du monde. Sommes
nous en train de basculer dans un
tout autre modèle de croissance ?
N.R. La Silicon Valley n'a plus le
monopole de l'innovation. Désormais,
celle-ci est diffuse et «polycentrique» : une multitude de pôles se
développent partout dans le monde,
dont beaucoup dans l'hémisphère
sud. Nous devons prendre conscience
que nous sommes entrés dans l'«âge
de la convergence» où nous aurons
à résoudre ce que j'appelle des
«problèmes sans frontières» : les
questions liées à l'eau, l'énergie, la
santé, l'éducation, sont désormais
des problèmes globaux qui concernent plusieurs milliards d'individus,
que ce soit dans les pays développés
ou en développement.
Les entreprises commencent à tisser
des réseaux d'innovation globale qui
ont vocation à combiner les talents,
le capital et les idées afin de co-créer
des solutions frugales dans le
domaine de l'énergie ou de la santé
au profit de l'humanité toute entière.
Ainsi, Saint Gobain a installé en Inde
son centre de R&D global sur les
«solutions durables pour les régions
tropicales», régions qui comptent
aujourd'hui quelque 3 milliards
©DR
DOSSIER : LES GRANDES MUTATIONS À L’ŒUVRE DANS L’ÉCONOMIE MONDIALE
>
Conseiller en innovation, Navi Radjou veut
promouvoir l'innovation « Jugaad », la recette
indienne de l'ingéniosité.
d'habitants. De la même manière,
c'est en Chine que Siemens a localisé
son «hub» R&D mondial consacré
aux équipements médicaux low-cost.
E.I. Pouvez-vous donner d'autres
exemples d'innovations «frugales»
d'ores et déjà opérationnelles ?
N.R. Renault vient juste de lancer la
Kwid sur le marché indien. Il s'agit
d'une voiture à 4 000 dollars conçue,
développée et produite à 95 % en
Inde. General Electric a créé une
nouvelle business unit baptisée
«Solutions durables pour la santé»
dont la vocation est de créer des
équipements médicaux à faible coût
destinés aux marchés à faibles revenus
en collaborant notamment avec les
ONG. Mais cette démarche n'est pas
réservée aux grands groupes. Mon
voisin dans la Silicon Valley a créé
une start-up baptisée gThrive pour
fabriquer des capteurs sans fil qui
ressemblent à des règles en plastique que les agriculteurs peuvent
utiliser pour collecter des données
sur la nature des sols, la température
de l'air, le soleil, etc. Ils peuvent ainsi
optimiser leur consommation d'eau
et d'engrais, tout en augmentant
la qualité des récoltes et leur rendement. Cette solution, rentable en
moins d'un an, représente une
aubaine pour la Californie, cinquième
producteur de denrées alimentaires
dans le monde également confrontée
à une grave pénurie d'eau.
E.I. Quels sont encore les principaux
obstacles à lever pour que l'économie frugale devienne un véritable
levier de développement ?
N.R. L'économie frugale est un
système économique dans lequel
l'offre et la demande se rencontrent
plus vite, mieux, de manière moins
coûteuse et plus durable que dans un
système traditionnel. Un système où
la créativité individuelle est reine
(«small is beautiful») et où les efforts
portent sur les économies de gammes afin de proposer des solutions
personnalisées et durables grâce à
de mini-unités de production (les
fablabs) capables de fabriquer une
multitude de produits personnalisés
pour une multitude de micro-marchés
tout en consommant peu de
ressources.
Pour réussir dans l'économie frugale, nos grandes entreprises doivent
redimensionner à la baisse leurs
chaînes de valeur en investissant
dans des unités de production
«agiles», capables de percevoir les
besoins des consommateurs et d'y
répondre rapidement. Ainsi, Novartis
est en train d'investir dans une
micro-usine de la taille d'un
conteneur capable de produire des
médicaments dix fois plus vite et dix
fois moins chers et de réduire ses
émissions de carbone de 90 % par
rapport à un mode de production
traditionnel. De même, Leroy Merlin
s'est associé à TechShop, une plateforme do-it-yourself, pour ouvrir, en
région parisienne, un atelier collaboratif où les consommateurs peuvent
venir créer leurs propres produits en
ayant accès à des outils et machines
jusque là réservés aux professionnels. La devise du 20ème siècle était
«je consomme, donc je suis», celle
du 21ème sera «je crée, donc je suis».
E.I. Quelles sont les caractéristiques de ce nouveau capitalisme ?
N.R. C'est ce que j'appelle «le capitalisme frugal» ou «capitalisme décarboné». Dans mon esprit, c'est un
capitalisme à valeurs humaines
fortes. Un système capitaliste populaire, géré par les individus, pour eux
et avec eux. Dans ce système, le coût
de l'innovation et de l'échange est
proche de zéro. C'est possible dans la
mesure où ce capitalisme frugal
repose sur deux piliers : le partage et
le «faire». L'économie du partage
permet aux citoyens d'échanger des
biens et services sur un mode «peer
to peer» en contournant les intermédiaires. Elle devrait représenter un
marché de quelque 335 milliards de
dollars à l'horizon 2025. De même, le
«Maker Movement» (avec les fablabs
et l'imprimante 3D) réduit les barrières
à l'entrée pour le développement
de nouveaux produits et permet à
chacun de devenir un inventeur. Une
start-up comme Local Motors, par
exemple, vous permet désormais de
fabriquer une voiture personnalisée à
l'aide d'une imprimante 3D ! Ce mouvement et l'explosion de l'open source
en électronique va faire éclore une
nouvelle génération de start-ups
capables de disrupter des secteurs
traditionnels comme la santé ou
l'énergie en créant des équipements
à la fois plus efficaces et à des coûts
jusqu'à cent fois moins importants
que ceux qui existent actuellement.
E.I. Quels sont les atouts d'un pays
comme la France dans cette nouvelle
aventure collective ?
N.R. Si l'on en croit le Crédoc, près
de 15 % des consommateurs français
sont prêts à choisir spontanément la
frugalité comme style de vie et près
d'un sur deux participe déjà activement à ce que l'on appelle l'«économie du partage».
De nombreux entrepreneurs et
grands groupes mettent en place des
business models innovants pour
répondre à ces attentes. Nous avons
déjà évoqué l'aventure industrielle de
Renault, de la Logan à la Kwid. Je
citerai aussi Qarnot Computing, une
start-up qui vient de lancer un
radiateur numérique. Celui-ci est
branché sur une prise Internet et ses
résistances sont remplacées par des
microprocesseurs capables d'effectuer
des calculs. La chaleur ainsi générée
est utilisée pour chauffer gratuitement logements et bureaux. La
France est également à la pointe de
l'innovation dans le domaine de
l'économie circulaire. Citons, par
exemple, Tarkett, un leader mondial
du revêtement de sol utilisant de
nombreuses techniques de recyclage
destinées à éliminer les déchets mis
en décharge à l'horizon 2020. Enfin,
la France fait figure de championne
du «Maker Movement» avec la multiplication des fablabs et des labos
communautaires qui favorisent la
«bottom up» innovation et son appropriation par le plus grand nombre.
Propos recueillis
par Marie-Paule Virard
[1] Diateino, 2015.
25
DOSSIER : LES GRANDES MUTATIONS À L’ŒUVRE DANS L’ÉCONOMIE MONDIALE
Afrique : des besoins énormes
et des ressources encore
insuffisamment exploitées
©DR
Albert YUMA-MULIMBI, Président de la CPCCAF, président de la Fédération des Entreprises du Congo
Albert Yuma-Mulimbi, Président de la Conférence permanente des chambres
consulaires africaines et francophones et président de la Fédération des Entreprises
du Congo, met ici l'accent sur les deux priorités de la CPCCAF : le développement
des PME, facteur de «croissance inclusive», et la francophonie comme avantage
économique à traiter au sein d'un même espace linguistique.
e développement économique
africain est désormais une réalité
admise par tous. Continent de
tous les superlatifs, il reste néanmoins largement exclu du commerce
mondial : il ne contribue que pour
moins de 3 % des échanges. L'Afrique
constitue pourtant la zone de plus
forte croissance démographique au
monde, avec des projections de population de 2 milliards d’habitants au
minimum en 2050, et un sous-sol qui
recèle 30 % des réserves minérales
mondiales tandis que ses terres
arables sont les plus abondantes de
la planète, avec 50 % de la totalité. La
croissance du continent reste forte
depuis le début des années 2000, mais
elle est malheureusement trop peu
inclusive car largement portée par les
secteurs primaires peu pourvoyeurs
d’emplois et soumis de surcroît aux
retournements de conjoncture sur les
marchés des matières premières.
Tous les acteurs, gouvernements,
partenaires techniques et financiers
de l’aide au développement, corps
intermédiaires, sont pourtant
convaincus que le développement
africain passera par le renforcement
de son secteur privé, de son agriculture
largement familiale, de son industrie
embryonnaire, du secteur des services, qui constituera la force motrice
de l'évolution économique et sociale,
structurant la société, favorisant
l’émergence d’une classe moyenne,
permettant de poser les fondements
d’une gouvernance élargie et partagée.
Mais ne confondons pas les causes
et les conséquences. Il nous faut
tout d’abord répondre aux besoins
L
élémentaires de nos sociétés, en eau,
en santé, en énergie, en nourriture et
investir prioritairement dans leur
satisfaction. Il nous faut investir dans
les capacités productives, créer des
emplois, former des jeunes, créer des
richesses, assurer un environnement
des affaires propices aux flux économiques pour permettre aux acteurs
de contribuer collectivement au renforcement et au financement de nos
États et de nos structures publiques.
Deux paris : les PME et la francophonie économique
Au sein de la Conférence permanente
des chambres consulaires africaines
et francophones, qui regroupe depuis
1973 les chambres consulaires de 29
pays africains et francophones, nous
avons fait deux paris. Celui des PME et
celui de la francophonie économique.
Pourquoi les PME ? Parce qu’elles
sont les principales vectrices d’emplois dans les pays de l’OCDE comme
en Afrique. Dans nos pays, elles sont
la courroie de transmission entre la
croissance de notre continent et la
plus grande redistribution des fruits
de cette croissance. Elles consomment, sous-traitent, emploient et
investissent localement, elles ont «la
croissance inclusive» et l’inclusion est
la priorité des priorités.
Pourquoi la francophonie économique ? Parce qu’il est aujourd’hui
largement prouvé, grâce aux théories
de la gravité linguistique, qu’il y a un
avantage comparatif à traiter au sein
d’un espace commun linguistique. La
Fondation pour les études et recherches
sur le développement international
(Ferdi) l’a mis en évidence : on
commerce mieux et plus, quand on
parle la même langue. Cela peut sembler banal, mais il a fallu attendre
2013 pour que ce qui n’était qu’une
intuition soit prouvé d'un point de vue
économétrique. C’est pourquoi, nous
agissons au quotidien, avec nos partenaires comme l’Agence française de
développement (AFD)ou International
Trace Center, via nos chambres de
commerce, d’agriculture, des métiers
et de l’artisanat, qui sont les représentants de tous les ressortissants
économiques de leur territoire, en
faveur de projets qui visent à favoriser
l’entrepreneuriat, à accompagner le
développement des entreprises
existantes, à développer leurs compétences techniques et commerciales
avec des partenaires francophones et
à s’internationaliser pour celles qui le
peuvent en s’intégrant aux chaînes de
valeur mondiales.
Ces projets, nourris de la solidarité
francophone au sein d’un espace
commun, constituent in fine une forte
incitation à nouer des relations économiques entre nos différentes entreprises, objectif qui reste au cœur du projet
CPCCAF tel qu'il fut dessiné par ses
pères fondateurs, les présidents
Senghor, Boigny et Pompidou.
©DR
26
POINT DE VUE
L'Unifab a déclaré la guerre à
la contrefaçon
©DR
Delphine SARFATI-SOBREIRA, Directrice générale de l’Union des Fabricants (Unifab)
Lutter contre la contrefaçon, défendre les intérêts des consommateurs et la réputation
des entreprises et promouvoir les droits de propriété intellectuelle et industrielle... Tels
sont les objectifs principaux de l’Unifab qui s'implique activement dans cette bataille,
tant sur le plan juridique que sur celui de la communication et du lobbying institutionnel.
ujourd'hui, la contrefaçon a pris
une ampleur considérable, au
risque d'entacher la créativité
et d'étouffer l'innovation. Elle a en
outre de nombreuses répercussions
négatives, tant sur le plan économique, que sur la santé publique,
la fiscalité, l’environnement et
l’emploi... 8,8 millions d’articles de
contrefaçon ont été saisis en 2014
par les douanes françaises. Ce chiffre
en constante augmentation, traduit
une réelle prise de conscience des
instances tant françaises qu'européennes. D'autant que les contrefacteurs ne se limitent pas à un seul
secteur d’activité, c’est toute
l’industrie qui est touchée !
Cette pratique illégale, en partie
dominée par l’Asie (80% des produits
incriminés en proviennent), peut en
effet avoir des conséquences économiques et sociales inquiétantes. Les
pouvoirs publics chiffrent à 200 000 le
nombre d’emplois supprimés par an
dans le monde, dont 100 000 en
Europe et près de 40 000 en France.
A ces pertes s’ajoutent celles des
entreprises (environ 10 % de leur
chiffre d’affaires), les risques
associés à une mise en danger du
consommateur et au développement
d'une délinquance économique et
financière. Au service de ses 200
entreprises membres, issues de tous
les secteurs d'activité, l’Union des
Fabricants (Unifab), association française de lutte anti-contrefaçon, promeut et protège au niveau européen
et international, le droit fondamental
de la propriété intellectuelle et agit
par le biais de 4 missions principales.
L’Unifab s’implique activement au
niveau juridique. Elle informe,
accompagne et apporte un soutien à
ses adhérents, composés d’entreprises
et de fédérations professionnelles,
dans leur lutte anti-contrefaçon.
Cette action passe par le biais
A
d’informations sur l’actualité législative, l’organisation de commissions
juridiques et techniques sur des thèmes
définis, la signature de chartes ou
l’élaboration de Codes de bonne
conduite. .. . Elle dispose aussi d’un
collège composé d’experts en matière
de propriété intellectuelle en
France et à l’étranger Et a ouvert des
bureaux à Tokyo (Japon) et à Pékin
(Chine) afin d’accroître son rayonnement et son influence à l’international
pour répondre aux problématiques
posées par la contrefaçon,
L’association s'efforce également de
sensibiliser le grand public à travers
diverses actions de communication.
L’objectif est notamment d'initier une
prise de conscience des consommateurs quant à la dangerosité des
produits de contrefaçon sur la santé
ou son imbrication avec les organisations criminelles. Ainsi, l’Union des
Fabricants conçoit des campagnes de
communication grand public destinées à mettre en valeur l’authentique
et ses nombreuses vertus.
Elle est également à l’origine de la
création de l’édition française de la
Journée Mondiale Anti-contrefaçon,
d’opérations de sensibilisation
estivales du public dans le Sud de la
France ou du Forum Européen de la
Propriété Intellectuelle, qui réunit
plus de 300 participants chaque
année et se déroulera à Paris les 11
et 12 février prochains. Elle est, par
ailleurs, très active sur les réseaux
sociaux. A la fin de l’année, l’Indicam,
l’Andema et l’Unifab lanceront de
concert leur opération «AuthentiCité»
destinée à la promotion des villes
engagées dans la lutte anti-contrefaçon
par la délivrance d’un label de
propreté sous le haut parrainage de
l’Office de l’Harmonisation du Marché
Intérieur (OHMI).
L’un de nos outils de communication
privilégié reste le Musée de la
Contrefaçon : seul vrai espace qui
collectionne les faux, son caractère
unique au monde en fait un lieu
mythique et original. Rassemblées
au gré des diverses saisies en douanes,
les contrefaçons y sont présentées
aux côtés des produits originaux et
sensibilisent près de 15 000 visiteurs
par an. Depuis juin dernier, Le
musée dresse l' inventaire des nouveaux instruments d’authentification
et de traçabilité des produits développés par les entreprises pour lutter
contre ce fléau, à l'occasion d'une
exposition temporaire, «SUIVEZ LE
VRAI A LA TRACE…», mise en place
jusqu’en juillet 2016.
Si l’Unifab est impliquée dans la prise
de conscience du phénomène auprès
des entreprises et des particuliers,
sa collaboration avec les pouvoirs
publics est essentielle (formation
notamment des agents opérationnels, échanges, prises de position
communes avec l’INPI, implication au
sein du CNAC…).
Enfin, l’Unifab exerce une action de
lobbying auprès d’instances internationales et européennes, telles que la
Commission européenne, l’OHMI,
l’OMPI ou encore Interpol, afin de
protéger la propriété intellectuelle.
C’est pourquoi elle a souhaité se
rapprocher de la Chambre de
commerce internationale (ICC),
l’Organisation mondiale des entreprises, très fortement engagée au
niveau mondial pour défendre les
droits de la propriété intellectuelle et
lutter contre la contrefaçon. C’est
ainsi qu’ICC conduit depuis de nombreuses années un projet spécial,
dénommé BASCAP, fer de lance des
entreprises au niveau mondial dans
la lutte contre le piratage et la
contrefaçon. Ce rapprochement vient
de se traduire par la signature récente
d’un accord de coopération entre
l’Unifab et ICC France.
27
POINT DE VUE
V.I.E : la solution RH pour le
développement export des PME
©DR
Michel OLDENBURG, directeur du V.I.E. de Business France
Le Volontariat International en Entreprise (V.I.E) permet aux entreprises françaises
de confier à un jeune, homme ou femme, de 18 à 28 ans, une mission professionnelle
à l'étranger d'une durée de 6 à 24 mois, renouvelable une fois dans cette limite de
deux ans.
a première contrainte à laquelle
est confrontée une entreprise
lorsqu’elle se lance à l’export
est relative aux ressources humaines.
L’international nécessite un travail
préparatoire et impose, dans la
plupart des cas, une présence sur
place.
Pour répondre de manière efficace à
cette problématique, le gouvernement a créé en 2000 un statut unique
au monde pour donner aux entreprises françaises les moyens humains
de leur développement à l’export.
Sa gestion est déléguée à Business
France, l’agence nationale au service
de l’internationalisation de l’économie française, mandatée à cet effet
par le Secrétariat d'État chargé du
Commerce extérieur, de la promotion du Tourisme et des Français de
l’étranger.
La formule est ouverte aux jeunes
Françaises et Français ayant l’âge
requis, de tous profils et niveaux de
formation, en règle avec leurs obligations de service national, ainsi qu’aux
jeunes ressortissants de l’Espace
économique européen dans les
mêmes conditions.
Le statut public du volontaire exonère
l’entreprise de tout lien contractuel
(le contrat est passé entre Business
France et le candidat) ainsi que de
toutes charges sociales en France.
Cette formule apporte à l’entreprise,
ainsi qu’au V.I.E, un cadre protecteur
et sécurisé. Ainsi déchargée des
tâches de gestion du personnel,
l’entreprise peut se consacrer
uniquement au pilotage opérationnel
de la mission du V.I.E.
Depuis l’instauration du V.I.E en 2000
et le départ des premiers volontaires
en 2001, plus de 54 000 jeunes ont
L
28
Une formule qui vous fait bénéficier de nombreux avantages financiers.
➢ L’entreprise n’est pas assujettie aux charges sociales en France sur
le V.I.E.
➢ Les indemnités (hors frais) versées aux V.I.E en poste sont déductibles du
résultat de l’entreprise française avant impôt.
➢ Le budget V.I.E est intégrable dans une assurance prospection COFACE.
➢ Une part importante du coût du V.I.E est prise en charge dans certaines
régions (jusqu’à 100% des indemnités du jeune sur 12 mois sur une mission commerciale).
➢ Le recours à un V.I.E ouvre droit au crédit d'impôt export, mesure destinée aux PME qui engagent des dépenses de prospection commerciale afin
d'exporter.
➢ Les dépenses liées au recours à un V.I.E sont éligibles au Prêt de développement export Bpifrance.
➢ Le recours au V.I.E est intégré dans le calcul de la taxe d’apprentissage
pour les entreprises de plus de 250 salariés.
profité du dispositif pour le compte
de plus de 5 800 entreprises.
Cette opportunité n’est pas réservée
aux grands groupes. Bien au contraire. En juin 2015, 1 870 entreprises,
dont 67% de PME, avaient eu recours
au V.I.E dans le développement de
leur activité économique et 8 680 V.I.E
étaient en poste dans 128 pays à
travers le monde.
Depuis sa mise en place, le V.I.E a
rapidement trouvé sa place au sein
des services RH des entreprises. Il
est aujourd’hui reconnu comme une
formule efficace pour le développement à l’international des entreprises
et un accélérateur de professionnalisation et de carrière pour les jeunes.
Il leur permet d’acquérir une vraie
expérience professionnelle valorisante à l’étranger. 68 % se sont vu
proposer un poste à l’issue de leur
mission et, un an après la fin de leur
mission, le taux d’embauche est de
97 %. Un signe fort que le Volontariat
est, pour les entreprises aussi, un
moyen efficace d’évaluer un jeune
talent sur le terrain avant une
embauche définitive éventuelle. 95 %
d'entre elles considèrent le V.I.E
comme un vivier de recrutement
pour des salariés de valeur et 65 %
considèrent que le V.I.E a eu un
impact direct sur leur implantation
commerciale. Le résultat est au rendez-vous : 73 % des entreprises ayant
eu recours au V.I.E ont vu leur chiffre
d’affaires progresser, 72 % ont bénéficié d’une hausse de notoriété et
60 % affirment avoir gagné de nouveaux
clients (enquête CSA 2011 et 2014).
Soulignons enfin que si l’entreprise
n’a pas de bureau local, elle peut
bénéficier du portage par un grand
groupe français implanté dans le
pays ou héberger son V.I.E au sein du
bureau Business France local ou
chez un de nos partenaires.
Pour en savoir plus. Business France
(0 810 659 659, prix d'un appel local)
[email protected]
POINT DE VUE
Un atout pour l' Europe
industrielle: le brevet unitaire
et la juridiction unifiée
Alice PEZARD, avocat, membre du Groupe d'experts chargé d'établir les règles de procédure de la juridiction unifiée
©DR
des brevets, conseiller honoraire à la Cour de Cassation
La juridiction unifiée des brevets et le brevet européen à effet unitaire constituent deux
institutions essentielles à la survie de l'Europe industrielle. Il y a urgence à les mettre en
œuvre après une coopération erratique de plusieurs décennies.
n créant, le 19 février 2013, par
voie d'Accord international, une
Cour européenne des brevets,
l'Europe a reconnu l'ampleur et la
complexité des questions juridiques
portant sur les brevets. Cette juridiction unifiée des brevets (JUB) a
vocation à harmoniser la jurisprudence
européenne en ce qui concerne la validité des brevets et les sanctions contre
la contrefaçon, à l'instar de la mission
de la Court of Appeals for the Federal
Circuit américaine. Parallèlement,
l'Union européenne s'est dotée -par
règlement du 17 décembre 2012- d'un
brevet européen à effet unitaire.
E
Un brevet à effet unitaire.
Le brevet à effet unitaire n’est pas un
nouveau titre de propriété industrielle
mais le brevet européen créé par la
signature de la Convention de Munich
du 5 octobre 1973 (CBE). Il aura désormais un effet unique restreint aux États
de l'Union ayant ratifié. Sa portée peut
être demandée pour plusieurs ou
l'un des États contractants de la
Convention de Munich.
Son entrée en vigueur est subordonnée
à celle de la juridiction unifiée des
brevets (la JUB) et est prévue le mois
suivant le dépôt du 13ème instrument de
ratification de l’Accord à condition que
la Grande-Bretagne, la France et
l'Allemagne aient ratifié. À ce jour,
8 États ont déjà ratifié, parmi lesquels
la France, le 13 février 2014.
Selon l'Accord intervenu le 24 juin
dernier entre les États de l'Union européenne, à l'exception de l'Espagne, la
Pologne, l'Italie et la Croatie, sur le
montant des redevances qui seront
dues par les titulaires, l'enregistrement de ce brevet en une seule fois
coûtera moins de 5 000 euros, soit six
fois moins qu'aujourd'hui.
Un régime provisoire pour la langue du
brevet s'impose pendant une période
ne pouvant aller au-delà de douze ans :
le breveté devra fournir une traduction
en anglais si le brevet est en français
ou en allemand, et si le brevet est en
anglais, une traduction dans une autre
langue de l’Union.
Une juridiction unifiée
Chaque État membre pourra avoir une
ou plusieurs divisions locales, dans la
limite maximale de quatre. Plusieurs
d'entre eux pourront se regrouper pour
créer une division régionale.
La Division centrale ou Tribunal de première instance aura son siège à Paris,
avec deux sections à Londres et à
Munich et le premier président sera un
magistrat français avec le greffe installé
à Munich. La section de Londres traitera
les nécessités courantes de la vie, dont
les produits pharmaceutiques, la chimie
et la métallurgie ; celle de Munich, la
mécanique, l’éclairage, le chauffage,
l’armement et le sautage ; la Division
centrale traitera à Paris des techniques
industrielles et des transports, des
textiles, du papier, des constructions fixes,
de la physique et de l’électricité. La Cour
d'appel aura son siège et son greffe à
Luxembourg. Des comités de médiation
et d’arbitrage seront créés à Lisbonne et
à Lubiana. La JUB sera composée d'une
centaine de juges qualifiés sur le plan
juridique et/ou sur le plan technique. Un
centre de formation a ouvert ses portes
à Budapest.
La «bifurcation» allemande, qui distingue le juge de la validité du brevet et
celui de la contrefaçon ayant été
retenue, la division locale ou la division
régionale a le pouvoir discrétionnaire
de :
• juger l'action en contrefaçon et la
demande reconventionnelle en
nullité (en s'adjoignant un juge
technicien) ;
• renvoyer la demande reconventionnelle en nullité devant la Division
centrale et juger l'action en contrefaçon ;
• avec le consentement des parties,
renvoyer l’affaire devant la Division
centrale.
La Division centrale a pour compétence la demande en nullité des brevets.
S'agissant de la contrefaçon, la
Division compétente peut être celle du
lieu de la contrefaçon, du domicile du
défendeur ou celle choisie par les
parties. L'octroi des dommages et
intérêts est séparé avec une prescription quinquennale à partir de la date à
laquelle le breveté a eu connaissance
de la contrefaçon.
La langue de la procédure devant les
Divisions locales ou régionales est la
langue nationale ou l’une des trois
langues officielles de 1'OEB (anglais,
allemand et français). La division
locale française retiendra vraisemblablement à la fois le français et
l'anglais. Devant la Division Centrale,
comme en appel, seule la langue du
brevet est applicable. La représentation est assurée par un avocat d'un
État-membre ou un mandataire
européen spécialisé, avec à l'audience,
l'assistance facultative d'un mandataire en brevets, tous protégés par le
«legal privilege».
La survie de l'Europe industrielle exige
une entrée en vigueur de ces institutions
dans les meilleurs délais en limitant
le système de l'«opt out», réversible
à tout moment qui permet pendant
7 ans, renouvelable une fois, au titulaire
d'un brevet européen classique de
déroger à la compétence exclusive de
la juridiction unifiée en contrepartie du
paiement d'une taxe.
29
ÉVÉNEMENTS
Les nouvelles règles du jeu
douanier en Europe
Le 20 octobre dernier, la commission « Politique commerciale, douanes et facilitation
du commerce » d'ICC France organisait un séminaire consacré à la réforme du Code
des Douanes de l’Union (CDU) réunissant des experts de la Direction Générale des
Douanes (DGDDI), mais aussi de chargeurs et de commissionnaires. Au programme :
les nouvelles règles du jeu douanier de l’Union.
ien que le CDU soit entré en
vigueur le 30 octobre 2013,
i l n ’ e st p a s p o u r a u ta n t
applicable. Depuis janvier 2014, la
Commission, les États-Membres et
les représentants du Trade ont
discuté activement des dispositions
d’application (désormais baptisés
«Actes d’exécution» et «Actes délégués», selon la nouvelle nomenclature du Traité de Lisbonne) appelées à
remplacer les actuelles Dispositions
d’Application du CDC. L’ensemble
de ces textes entrera en vigueur
le 1er mai 2016. Afin d'en faciliter la
mise en œuvre, la nouvelle réglementation comporte des dispositions
transitoires jusqu’au 1er mai 2019.
B
Des facilités accrues sous conditions
Le CDU est un projet ambitieux qui
vise à la fois la modernisation et la
sécurité de l’Union Douanière.
L’Opérateur Économique Agréé y
tient une place de choix. Si les
conditions d’obtention de cette
certification ne connaissent pas de
changements majeurs, le CDU
ambitionne en revanche d'octroyer
des «avantages» effectifs aux
Opérateurs économiques agréés
(OEA). En matière de contrôles douaniers, le principe de l’allègement est
maintenu, tandis que l’OEA se voit
notamment offrir la possibilité de
choisir le lieu de déroulement du
contrôle. Le dédouanement centralisé
communautaire, qui permet de
déposer des déclarations dans un
État-Membre distinct de celui de
l’introduction physique des marchandises, sera réservé aux OEA-C.
30
Dans le CDU, les régimes «économiques» du CDC deviennent «particuliers».
Outre cet amendement terminologique, de nombreux changements
sont à noter, comme, par exemple, la
disparition des régimes de l’entrepôt
de type D et de la transformation
sous douane, la généralisation de la
taxation de la plus-value pour le
perfectionnement passif, ou encore,
la dématérialisation du document de
transit. Un examen approfondi des
dispositions transitoires s’impose
pour tous les opérateurs afin d’anticiper les changements opérationnels
à venir.
Les règles d’assiette de la valeur en
douane
Sur cette question essentielle pour
les chargeurs, les évolutions sont
importantes. En matière de ventes
successives, le CDU supprime
progressivement une facilité qui permettait aux opérateurs de se référer
à une vente «antérieure» pour les
besoins de l’évaluation. Sous l’impulsion de l’Organisation mondiale des
Douanes (OMD), la vente pour
l’exportation sera désormais la
dernière avant l’introduction des
marchandises sur le territoire de
l’UE. Très contestée par ICC, cette
réforme sera mise en œuvre après
une période de «grâce» prenant fin
au 31 décembre 2017.
En matière de redevances, la rédaction des nouveaux textes n’est pas
sans susciter quelques questionnements. En effet, la «condition de la
vente», autrefois requise dans des
conditions strictes pour l’inclusion
des redevances dans la valeur en
douane, se trouve définie de façon
très extensive. Toutefois, la DGDDI
rappelle que l’objectif n’est pas pour
autant de taxer toutes les redevances
et indique que la Commission
Européenne travaille à l’élaboration
de règles directrices pour éclairer la
portée de ces nouvelles dispositions.
La représentation en douane
La dualité des modes de représentation - directe et indirecte - est
conservée au sein du CDU. Toutefois,
la représentation directe, autrefois
réservée en France aux commissionnaires en douane, sera ouverte à
d’autres opérateurs, chargeurs ou
transitaires non agréés. Outre cette
ouverture, un opérateur pourra
exercer une représentation en douane
dans un État-membre autre que celui
dans lequel il est établi, sous réserve
d’y être enregistré. Ces changements
devront se traduire d’ici la fin d’année
par une nouvelle législation au plan
français.
La réforme du CDU représente une
étape importante dans la modernisation de l’Union Douanière. Pour
autant, ce processus doit faire face à
des défis importants, notamment
l’interopérabilité des systèmes informatiques au sein de l’UE, prévue
pour fin 2020, qui conditionne
l’effectivité de certaines facilités
promises aux opérateurs.
©DR
©DR
Raphaël BARAZZA, Avocat au barreau de Paris, membre de la Commission Politique commerciale, douanes
et facilitation du commerce d'ICC France, représentant au Trade Contact Group
ÉVÉNEMENTS
Retour sur trois années
d’application du Règlement
d’arbitrage de la CCI
Christine LECUYER-THIEFFRY, associée co-fondatrice de Thieffry et associés et avocate au barreau de Paris
©Gilles Dacquin
Le séminaire qui s’est tenu le 23 juin 2015 au siège mondial de l'ICC, organisé par
ICC France dans le cadre de l’Observatoire de pratique du Règlement d’arbitrage
de l'ICC, a permis autour de trois tables rondes de faire le point et de débattre sur
trois années de son application.
oin de suivre un
phénomène de
mode, les dispositions relatives à
l’arbitrage d’urgence
répondent à un besoin
des utilisateurs. Tel
est le constat du
Secrétaire général de
l a C o u r , A n d ré a
Carlevaris, qui a précisé que chaque affaire pose de nouvelles
questions dans un
contexte où le panorama législatif sur l’exécution des décisions
de l’arbitre d’urgence
est en évolution.
L
Un groupe de travail sur l'arbitre
d'urgence
Cela a conduit la Commission internationale de l’arbitrage à confier au
groupe de travail co-présidé par Diana
Paraguacuto-Maheo la mission
d’étudier les retours d’expérience sur
l’utilisation la procédure d’arbitre
d’urgence d’ICC ainsi que sur celles
d’autres institutions d’arbitrage, d’analyser les questions de procédure et de
fond et d’examiner les tendances qui
pourraient se dessiner.
Philippe Pinsolle a, quant à lui, constaté
que les dispositions nouvelles relatives
aux arbitrages complexes sont parfois
utilisées par les parties et leurs
conseils de manière stratégique pour
influer sur la constitution du tribunal
arbitral ou la remettre en cause,
entraînant ainsi inévitablement des
délais dans la constitution du tribunal
arbitral.
De la bonne utilisation de la conférence sur la gestion de la procédure
Yves Derains, et à ses côtés Roland
Ziade et Isabelle Hautot, forts de
leurs expériences respectives en tant
qu’arbitre, conseil et représentant de
l’entreprise, ont abordé les questions
pratiques liées aux rôles respectifs des
parties et du tribunal arbitral dans la
conduite de la procédure.
Le besoin de prévisibilité des parties et
leurs conseils résultant d’une certaine
standardisation de la procédure ne
devrait pas faire obstacle à la flexibilité
de la procédure arbitrale et devrait
conduire à évoluer vers du « sur mesure ».
La conférence sur la gestion de la procédure offre à l'arbitre l’occasion d’agir
en pédagogue en indiquant aux parties
que ce qui importe est de prouver leurs
demandes et d’établir une relation
directe entre leurs allégations et la
preuve qu’elles rapportent. Pour cela
il doit s’investir dès le début de la procédure en prenant connaissance des
éléments du dossier sans hésiter à
tenir d’autres conférences de la procédure à l’occasion de points d’étape
après l’échange des premiers mémoires et autant que nécessaire.
Vers une plus grande transparence
Face à la concurrence de plus en plus
vive des institutions d’arbitrage le nouveau président de la Cour, Alexis
Mourre, a réaffirmé sa volonté de
renforcer le caractère global et inter-
national de la Cour d’arbitrage en
prolongeant son ouverture vers
l’Amérique Latine et en organisant des
réunions ailleurs qu’à Paris. Ainsi, en
2016, une session de travail de la Cour
se tiendra à New York.
Dans un contexte de suspicion à l’égard
de l’arbitrage d’investissement qui
risque de contaminer l’arbitrage commercial, il a par ailleurs souligné que
l'ICC se devait d’être exemplaire dans
ses pratiques.
Le débat entre le professeur Laurent
Aynes et Laurence Kiffer a porté sur
l’exigence de transparence de plus en
plus forte de l’arbitrage qui n’est pas
sans incidence sur les délais de constitution du tribunal arbitral et qui s’est
traduite par une évolution de la pratique
de la Cour sur la non-communication
aux parties des motifs de ses décisions.
Depuis le mois d’octobre, par dérogation aux dispositions du Règlement, et
à la demande de toutes les parties, la
Cour pourra communiquer les motifs
des décisions de récusation d’un arbitre
ou de son remplacement lorsque celuici intervient à l’initiative de la Cour.
Cette pratique pourrait être étendue à
la demande de toutes les parties aux
décisions rendues sur la jonction
d’arbitrages et sur la compétence
prima facie. Pour en bénéficier, les
parties devront en faire la demande
avant que la décision de la Cour ne soit
prise. La décision d’accepter ou de
rejeter une telle demande reste à la
discrétion de la Cour qui peut la conditionner à une augmentation des frais
administratifs n’excédant pas normalement 5 000 dollars.
31
FORMATIONS ET SÉMINAIRES
Programme d’ICC France
au 1er semestre 2016
Notez les prochains rendez-vous sur votre agenda !
Avec son Centre de Perfectionnement au Commerce International (CPCI), ICC France répond aux
besoins des entreprises françaises désireuses de former et de perfectionner leur personnel aux
techniques et aux règles du commerce international.
epuis sa création en 1919, la
C h a m b re d e C o m m e rce
Internationale s’est donnée
pour mission d’élaborer des règles
et des contrats-types pour faciliter
les transactions commerciales
internationales : Incoterms, contrats
modèle … etc ; autant d'outils qui
correspondent à de bonnes pratiques reconnues dans le monde
entier. Ainsi, les entreprises peuvent
négocier des contrats équilibrés
et sécuriser leurs transactions
internationales.
D
NOS FORMATIONS
Au cours du 1er semestre 2016, les
formations et séminaires portent
principalement sur le Trade Finance
et les modes alternatifs de règlement des litiges. Pour animer ces
formations, ICC France fait appel aux
meilleurs spécialistes des sujets,
dotés d’une solide expérience
comme formateurs.
Chaque formation propose deux
niveaux : initiation ou maîtrise. La
priorité est donnée aux sessions
d’une journée ou aux sessions
fractionnées, mais rapprochées
dans le temps. Le nombre de participants est volontairement limité à
12 personnes par stage, afin de
faciliter le processus pédagogique et
l’interaction entre participants et
formateurs.
Les sessions se tiennent principalement à Paris, au siège d’ICC
France (9, rue d’Anjou 75008 Paris).
Sur demande auprès d’ICC France, il
est possible de les organiser en
entreprises et partout en France.
Calendrier
Règlement des litiges
• 14 janvier 2016 : Expertise en
médiation internationale
• 13, 20, 27 janvier, 3 et 10 février
2016 : Etude d’un cas d’arbitrage
international
Trade Finance
• 9 et 10 mai 2016 : Maîtrise des
garanties bancaires internationales
• 12 mai 2016 : Opinions bancaires
d’ICC sur les crédits documentaires
• 18 au 26 mai 2016 : Formation
intensive aux crédits documentaires
• 2 et 3 juin 2016 : Initiation aux
crédits documentaires
• 16 juin 2016 : Initiation aux garanties bancaires internationales
NOS SEMINAIRES
Soucieux de répondre aux préoccupations des entreprises, ICC France
organise chaque année des séminaires sur des thèmes économiques et
juridiques d’actualité. Nous nous
attachons à choisir les meilleurs
experts pour intervenir dans le cadre
de ces manifestations. Nous faisons
appel à d’éminents professeurs de
faculté, des avocats et des conseils,
des magistrats, des dirigeants
d’entreprises, des représentants
d’organisations professionnelles
pour animer ces séminaires. En
général, les séminaires se déroulent
soit sur une demi-journée, soit sur
une journée, au siège mondial de
la Chambre de Commerce
Internationale 33-43 avenue du
Président Wilson Paris 16ème.
Calendrier
SEMINAIRES PROGRAMMÉS AU
COURS DU 1er SEMESTRE 2016
Ils porteront sur les thèmes suivants :
- L’actualité du Trade Finance
(20 janvier 2016)
- Contribution de la justice transactionnelle à la lutte contre la
corruption (23 février 2016)
- Le droit des marques et le développement des nouvelles technologies
de communication, en partenariat
avec l’UNIFAB (mars).
- L’application extraterritoriale des
lois nationales : un obstacle pour le
commerce mondial et l’investissement international ? en partenariat
avec l’AFJE (mars/avril).
- L’arbitrabilité des litiges liés à la
corruption (mai/juin)
Retrouvez le programme détaillé de nos formations et de nos séminaires sur
www.icc-france.fr
Pour plus d’informations et vous inscrire, contactez ICC France,
au 01 42 65 12 66 ou envoyez un message à : [email protected]
32
sur
et
Les Cahiers Échanges Internationaux
TERRITOIRES
■ La douane : accompagner les entreprises
à l'international ……………………………………………………………………36
■ Délégation aux Relations Internationales (DRI) :
une coordination accrue de la politique
douanière communautaire ………………………………………………38
Jean-François DUTHEIL, Chef de la DRI
■ Des entreprises plus compétitives en matière
douanière ………………………………………………………………………………40
©DR
Michèle PETITGENET, présidence de l’Office
de développement par l’automatisation et la simplification
du commerce extérieur (ODASCE)
■ Sécuriser un contrat de partenariat ……………………………42
Éric NIGRI, avocat du Cabinet Simmons & Simmons LLP et
Julien MOIROUX, avocat du Cabinet Simmons & Simmons LLP
LES CAHIERS ÉCHANGES
INTERNATIONAUX :
■ Assurer la visibilité internationale
des French Tech ……………………………………………………………………44
■ Accompagner les jeunes pousses innovantes ………47
• Directeur de la publication :
Jean-Pierre KALFON
■ DJP Avocats l’excellence du service
• Rédactrice en chef :
Sophie SCHNEIDER
■ Pétrole et gaz, des énergies compétitives ………………71
• Directeur commercial :
David ADAM
• Rédaction :
Domitille NOTTÉ
• Imprimeur :
PRINTCORP
Régie publicitaire :
OCIREP
15, rue des Voisins
CP 517 CH
1211 GENÈVE 4 - Suisse
Tél. : (41) 22 322 12 50
Dominique MENIGAULT, Directeur général adjoint de
Pierre & Vacances Conseil Immobilier
■ Évaluer les politiques publiques
…………………………48
Me. Jacques SAINT JALMES,
Associé
■ La gestion de patrimoine …………………………………………………51
………………………………55
■ Notre métier : experts en aménagements
durables ……………………………………………………………………………………57
Pascal ROUX, Président de MDP Consulting
■ Faire appel au financement participatif ……………………58
■ Achat groupé d’énergie
……………………………………………………59
■ Un nouveau centre à Paris XVIIe
■ Ces femmes qui réussissent
…………………………………60
…………………………………………63
SUCCESS STORY, UNE BELLE RÉUSSITE
■ Au service de votre bien-être !
……………………………………64
Samuel LEVINE-PARISI, CEO du groupe Bioloka
Jonas HADDAD, Arnaud TOUATI et Harry ALLOUCHE,
cofondateurs du cabinet Alto Avocats
• Edtions OPAS
41, rue Saint-Sébastien
75011 PARIS
Tél. : 01 49 77 49 00
Fax : 01 49 77 49 46
RCS Paris B 333 953 123
TVA intra-communautaire :
FR 22 333 953 123
• Coordinatrice des dossiers :
Margaret LANG
■ « Nous sommes au service de l’exploitation
touristique… » …………………………………………………………………………52
TERRITOIRES
■ La banane, un des fers de lance de l’économie
ultramarine ……………………………………………………………………………66
■ La Banane Française cultivée en Guadeloupe
& Martinique …………………………………………………………………………69
L’ÉNERGIE, SECTEUR PÉTROLIER ET GAZIER
■ Entrepose-Spiecapag : spécialistes des projets
complexes ………………………………………………………………………………75
Jacquelin de LA PORTE DES VAUX, Directeur Commercial EPC
Onshore d’Entrepose
■ Pétrole : les majors s’adaptent ……………………………………73
STRATÉGIES ET MARCHÉS INTERNATIONAUX
■ AirBusiness Academy, un accompagnement sur
mesure des acteurs du secteur aéronautique ………78
Michèle OBERTO, Directrice d’AirBusiness Academy*
■ Relations économiques franco-canadiennes :
dynamiques et complémentarités ………………………………90
Caroline CHARETTE, Ministre Conseiller aux Affaires
économiques et commerciales de l’Ambassade du Canada,
Déléguée commerciale principale
RÉUSSIR AU CANADA
■ Des liens franco-canadiens d'une intensité
exceptionnelle ………………………………………………………………………82
S.E. Nicolas CHAPUIS, Ambassadeur de France au Canada
■ Thales Canada, modèle de la philosophie du
groupe ………………………………………………………………………………………85
Mark HALINATY, Président-directeur général, Thales Canada Inc.
Thales Canada as a model of
the Group’s philosophy ……………………………………………………87
■ Air Canada : la plus européenne des compagnies
d’aviation américaines ………………………………………………………93
David GEGOT, Directeur Général France, Espagne
et Portugal d’Air Canada
■ Un marché porteur pour les entreprises
françaises …………………………………………………………………………………94
Mark HALINATY, President and CEO, Thales Canada Inc.
Philippe HUBERDEAU, Chef du service économique
régional au Canada
*Interview réalisé en décembre 2015 avant le changement de direction.
33
Les Cahiers Échanges Internationaux
■ Le Canada, meilleur pays du G-20 où faire des affaires
…………………96
Véronique LOISEAU, Directrice générale de la Chambre de Commerce
et d’Industrie Française au Canada
■ BCF Avocats d’affaires : audace et authenticité
……………………………………98
Gilles SEGUIN, Associé, Avocat, Vice-Président du Conseil d’Administration
■ Le Groupe Shemay : pour un accompagnement stratégique
à l’international ……………………………………………………………………………………………………100
Serge HENRY, Dirigeant de Shemay International Partners®
■ Un pays à découvrir
…………………………………………………………………………………………102
Alain LELLOUCHE, Président de la Section Canada des Conseillers du commerce
extérieur de la France (CCEF)
■ Le Québec, destination privilégiée des investisseurs
et entrepreneurs français …………………………………………………………………………………104
Marc AUDET, Président et Chef de la direction Auray Capital
■ Banque Transatlantique
Gérer un patrimoine et investir en France et au Canada…………………107
David EAP, Directeur du bureau de représentation
de la Banque Transatlantique et du CIC à Montréal
■ Desjardins, groupe financier de référence pour les entreprises
françaises et canadiennes ……………………………………………………………………………108
Lucia BALDINO, Directrice du Bureau de représentation Desjardins (Europe)
■ Le Canada, relais de croissance à l'international
■ Développer le potentiel des entreprises françaises
……………………………………………………116
Michel PATRY, Directeur de HEC Montréal
■ L’École entrepreneuriale : une culture du risque
et de la réussite …………………………………………………………………………………………………118
Rino LÉVESQUE, cofondateur de l’Organisation Internationale des Écoles
Communautaires Entrepreneuriales Conscientes (OIECEC)
■ École canadienne bilingue de Paris :
l'enseignement canadien rayonne ………………………………………………………………121
■ Retour à la compétitivité
…………………………………………………………………………………138
Richard GOMES, Directeur de Business France en Espagne
LA SUISSE UNE ÉCONOMIE SOLIDE ET DIVERSIFIÉE
■ Priorité à l’innovation …………………………………………………………………………………………141
Florence DOBELLE, chef du service économique régional en Suisse,
Ambassade de France en Suisse
■ La chambre pour le commerce et l’industrie France Suisse
Partenaire de votre réussite ……………………………………………………………………………144
■ Montreux-Riviera, dynamisme économique et qualité de vie ………146
Bernard SCHMID, Directeur de Promove - Promotion économique
de la région Riviera-Lavaux
■ Platinn, plateforme de soutien aux innovations
des start-ups et PME …………………………………………………………………………………………148
■ Plateforme logicielle Semeion : passerelle vers la compétitivité 151
Jean-Christophe GODINAUD, Président du Groupe Meninx
■ Encourager l’entrepreneuriat
LA ROUMANIE CONSERVE SON ATTRACTIVITÉ
■ France-Roumanie : un partenariat solide …………………………………………………124
…………………………………………………………………………152
Stéphane SCHNEIDER, Directeur de la section suisse des conseillers du commerce
extérieur de la France
■ Faciliter le recrutement à l’international
…………………………………………………155
Sébastien BUDZINSKI, Directeur Général de Easy Expat International
■ La gestion de patrimoine en Suisse
…………………………………………………………157
Alexandre VALLADIER, Fondateur de A&M, Global Family Office SA
■ TeamWork management : l’ingénierie informatique au cœur
des entreprises internationalisées ………………………………………………………………158
Hélène LEONE, directrice de l’école
Philippe REY-GORREZ, Président
■ Des valeurs partagées
………………………………………………………………………………………161
Norbert FOERSTER, Directeur de l’Institut international de Lancy (IIL) et
Président de la Fédération Suisse des Écoles Privées (FSEP)
…………………………………………………127
■ « Nous formons les futures personnes influentes du monde » ……164
Dana GRUIA DUFAUT, avocat à la Cour d’Appel de Paris
et au Barreau de Bucarest
Thomas SCHÄDLER, Directeur du Collège du Léman, à Genève
L’ESPAGNE VERS UNE NOUVELLE CROISSANCE
34
…………………………136
Emmanuel MIELVAQUE, Président de la section des conseillers du commerce
extérieur de la France en Espagne
Christoph MEIER, Directeur de l’association
Philippe de DREUZY, président directeur général
de MSH INTERNATIONAL à Calgary
■ Droit et pratique du droit en Roumanie
……………………………134
Santiago MENDIOROZ, Conseiller économique et commercial en chef de l’Office
économique et commercial de l’ambassade d’Espagne en France
………………………………110
■ MSH International au Canada : ce qui se conçoit bien
s’énonce clairement ……………………………………………………………………………………………113
■ Un enseignement ouvert sur le monde
■ « La France est le premier marché de l’Espagne »
■ Institut « La Gruyère » : un projet pédagogique
à vocation internationale …………………………………………………………………………………166
■ Des échanges fructueux ……………………………………………………………………………………131
Anne BUTTY REVAZ, Directrice générale
Jean-François COLLIN, Ministre conseiller pour les Affaires économiques
de l’ambassade de France en Espagne
■ La Suisse, économie solide et diversifiée ………………………………………………168
©DR
Orly.
Les services de la douane informent et soutiennent les opérateurs économiques dans leurs démarches
tout en s'adaptant aux évolutions engendrées par le Code des Douanes de l'Union (CDU), applicable
à partir du 1er mai 2016. Un délai de trois ans a été prévu pour faciliter la prise en compte des changements.
a douane française est partenaire
des sociétés exportatrices, notamment grâce à ses cellules
d'aide et de conseil aux entreprises
(CCE), situées dans les pôles d'action
L
économique (PAE). Les CCE les
conseillent en matière d'optimisation
des procédures douanières afin
d'améliorer leur compétitivité à travers
un gain de temps et une réduction des
coûts de trésorerie, grâce à des entretiens
personnalisés ainsi qu'un examen de
la situation des entreprises.
Le Code des Douanes de l'Union,
entré en vigueur le 30 octobre 2013
Le statut d'opérateur économique agréé
Des formalités douanières allégées sont appliquées aux
entreprises disposant du statut d'opérateur économique
agréé (OEA). Il s'agit d'un label de qualité en matière douanière pour
les sociétés évoluant dans le domaine du commerce international.
Les importateurs, exportateurs, transporteurs, logisticiens, entités
aéroportuaires chargées de l’acheminement et du stockage temporaire de fret et commissionnaires en douane et de transport y sont
éligibles.
Les critères de délivrance prévus par le CDU ont pour but de « garantir
le haut niveau de fiabilité des opérateurs qui bénéficieront des
avantages OEA ». Les opérateurs doivent prouver qu'ils respectent
les « normes pratiques en matière de compétence ou de qualification
professionnelles directement liées à l'activité exercée ». Leurs
antécédents en matière de réglementations douanière et fiscale sont
de plus contrôlés, de même que l'absence d'infractions pénales
graves effectuées dans le cadre de leur activité économique avec en
outre des critères renforcés concernant leur solvabilité financière.
On distingue le statut OEA-C (simplifications douanières) et OEA-S
(sûreté-sécurité) et leur combinaison (OEA-Full). Le statut OEA est
situé « au cœur du futur dispositif de sécurisation des marchandises »
du CDU et de nouvelles facilitations douanières sont accordées.
Il permet notamment un accès exclusif à l'inscription dans les
écritures avec dispense de notification de présentation, au dédouanement centralisé communautaire et à l'auto-évaluation. Il permet
également d'être averti au préalable d'un contrôle douanier en étant
prioritaire et en choisissant son lieu.
©DR
>
La douane : accompagner
les entreprises à l'international
>
36
Port de Rouen.
©Panatfoto - Fotolia.com
et applicable le 1er mai 2016,
remplacera le Code des Douanes
Communautaire et ses dispositions
d'application. Il vise à « adapter la
législation douanière européenne à
plusieurs évolutions », telles que les
normes SAFE adoptées en 2005 par
l'Organisation mondiale des douanes
afin de sécuriser les échanges
commerciaux. Elles ont été révisées
en 2012 à la suite des attentats du
11 septembre 2001 et ont entraîné
une modification du système de
contrôle des importations au sein de
l'Union européenne.
Avec le CDU, les procédures sont
modernisées : par exemple, le
dédouanement centralisé, applicable
à l'échelle nationale ou européenne,
permettra à un opérateur de « centraliser auprès d'un seul bureau de
douane le dépôt de l'ensemble de
ses déclarations d'importation et
d'exportation relatives à des opérations réalisées auprès de plusieurs
bureaux de douane situés soit dans
un seul Etat membre (DC national)
soit dans plusieurs États-membres
(DC Communautaire) ». Le bureau de
déclaration délivrera la mainlevée des
marchandises et le bureau de présentation est chargé de leur contrôle, un
système d'échanges d'informations
étant prévu entre les deux entités.
Par ailleurs, le nouveau Code pose le
principe de la dématérialisation et du
stockage électronique de l'information afin de simplifier les relations
entre la douane et les entreprises.
Une période transitoire a été
instaurée jusqu'au 31 décembre 2020,
durant laquelle les services de la
douane devront mettre en conformité
les systèmes d'information.
En outre, le délai de stockage des
marchandises est prolongé et passe
à 90 jours pour tous les moyens de
transport (il s'établit aujourd'hui à
45 jours pour le transport maritime
et à 20 jours pour les autres modes
de transport).
Les renseignements contraignants
sur l'origine (RCO) établissent l'origine
préférentielle (taux de douane
réduit ou nul) et non préférentielle
(marquage de l'origine, etc.) ainsi
que le classement tarifaire des
marchandises afin de déterminer en
particulier le montant des taxes et
droits éligibles avec les renseignements tarifaires contraignants (RTC).
Le nouveau texte fixe à 120 jours le
délai de délivrance des RTC et des
RCO, la douane française s'engageant à un délai de 70 jours, étant un
organisme certifié par l'AFNOR. Ils
seront par ailleurs valables durant
trois ans et seront mentionnés dans
les déclarations d'importation.
Une garantie globale sera établie
pour les régimes particuliers et le
dépôt temporaire à condition que les
opérateurs n'aient pas commis
d'infraction grave ou répétée dans
le cadre de leur activité.
De plus, le CDU envisage que
« les autorités douanières puissent
autoriser un opérateur à réaliser
certaines opérations douanières qui
leur incombent », par exemple des
contrôles de conformité ou encore le
calcul de droits. Des expérimentations seront menées en vue de cette
auto-évaluation.
Enfin, certains opérateurs pourront
déposer une déclaration en douane
sous la forme d'une inscription dans
leurs écritures à la demande des
autorités douanières.
Comme l'a souligné Hélène
Crocquevieille, la Directrice générale
des douanes et droits indirects
(DGDDI), le 22 septembre 2015 à
Bercy, « pour faciliter l’appréhension
du nouveau code, nous avons tout
d’abord beaucoup oeuvré pour que
des dispositions transitoires soient
mises en place. C’est ainsi qu’une
transition juridique sera instituée,
dès le 1er mai 2016, pour une durée
de trois ans, afin de permettre
l’adaptation progressive de l’ensemble des procédures mises en place
sur la base du Code des douanes
communautaire et de ses dispositions d’application ».
Source : www.douane.gouv.fr
37
TERRITOIRES
Délégation aux Relations
Internationales (DRI) :
une coordination accrue de la
politique douanière communautaire
Jean-François DUTHEIL, Chef de la DRI
©DR
Créée en 2010, la Délégation aux Relations Internationales, contribue par ses
politiques de coopération avec les services des autres pays, à la mutualisation et à
l’harmonisation des pratiques au plan international.
uelles sont les grandes missions
de la Délégation aux Relations
Internationales ?
Créée dans un contexte de mondialisation, notre délégation s’articule
autour de trois grands thèmes.
Q
Le premier vise à la facilitation, qu’il
s’agisse d’aider les entreprises ou de
fluidifier la circulation des marchandises licites.
Le second concerne la lutte contre
les fraudes dans lequel notre large
réseau d’attachés douaniers et
d’experts techniques internationaux
est toujours en première ligne.
Nous combattons ainsi les trafics
et la criminalité de tout ordre, qu’il
s’agisse des trafics illicites comme
les stupéfiants, les armes, les
contrefaçons, la contrebande de
cigarettes, de la fraude économique
et commerciale ou du terrorisme.
Notre troisième thème est celui de la
gouvernance.
En qualité d’expert de la technique
douanière, nous participons ainsi à
l’organisation et à la mise en œuvre
d’actions de recrutement et de
formation. Nous veillons également
à developper le partage et la
transmission des bonnes pratiques
aux agents des douanes des
38
administrations étrangères partenaires, en particulier sur le continent
africain. Nous dispensons ainsi
annuellement plusieurs centaines de
formation.
Comment évoluent les coopérations
internationales, bilatérales ou multilatérales ?
Elles s’envisagent sous trois axes :
institutionnel, technique et opérationnel. Notre réseau est très large
et les coopérations multiples,
intenses et continues.
Dans la seule zone Antilles-Guyane,
quatre directions des douanes
françaises sont établies. Nous
participons bien évidemment à la
Conférence Douanière Inter-caraïbe
et bénéficions d’un outil formidable
qu’est le Centre Interministériel
de Formation Anti-Drogue (CiFAD),
chargé de conduire des actions de
formation et de coopération pour
renforcer les capacités des administrations des États concernés.
Les coopérations s’appuient également sur la présence d’attachés
douaniers à Washington, Miami,
Bogota, Caracas et Sao Paulo.
Comment s’articule la circulation des
marchandises et la lutte contre les
fraudes douanières ?
Notre métier de douanier est de
concilier facilitation et contrôle. En
étroite relation avec la Direction
Nationale du Renseignement et des
Enquêtes Douanières (DNRED), la
DRI assure l’interface entre les
services douaniers français et nos
homologues étrangers. Nous avons
ainsi une mission permanente de
recueil de renseignements et
d’assistance aux services d’enquête
en vue de déceler les divers trafics
illicites. Nos moyens humains,
logistiques, techniques, technologiques et notre expertise nous permettent de prévenir les menaces, de
distinguer en amont le fret à risque
afin de fluidifier celui qui ne l’est pas.
La coopération internationale facilite
l’adaptation aux spécificités des pays
et régions.
Les différentes législations en vigueur
dans les autres pays sont-elles
compatibles ?
Dans le cadre de l’Organisation
Mondiale des douanes, elles ne diffèrent pas véritablement les unes des
autres. Seule, la mise en œuvre peut
s’avérer différente. C’est pourquoi, la
coopération internationale est essentielle et les échanges de bonnes
pratiques, de retours d’expériences
indispensables.
TERRITOIRES
Des entreprises plus compétitives
en matière douanière
Michèle PETITGENET, présidence de l’Office de développement par l’automatisation et la simplification du
commerce extérieur (ODASCE)
©DR
L’ODASCE, véritable référence sur les aspects douaniers et fiscaux, met son expérience
au service de ses adhérents et des entreprises qui souhaitent optimiser leur gestion
de flux.
Qu’est-ce que l’ODASCE ?
L’Office de Développement par
l’Automatisation et la Simplification
du Commerce Extérieur (ODASCE)
est une association loi 1901 créée en
juillet 1972, qui met son expérience
sur la matière douanière au service
de ses adhérents et entreprises qui
participent à ses actions.
Pour ce faire, l’ODASCE effectue une
veille règlementaire sur les aspects
douaniers et fiscaux des relations
extérieures et intérieures de l’Union
européenne (UE), ce qui lui permet :
• d’apporter des avantages à ses
adhérents en diffusant des informations par le biais de flashs
d’information ;
40
• de donner accès aux opérateurs
intéressés à des réunions périodiques :
- tels que le club « Clé-Douane »
qui a vocation à faciliter le dialogue
privé/public et la mise en réseau
entre décideurs,
- ou, tous les deux ans, le « Colloque
douanier européen » qui permet de
lancer le débat sur un sujet d’actualité, comme pour sa 13e édition
sur la mise en place du Code des
douanes de l’Union (CDU) ;
• de concevoir, mettre en place et
diffuser de la formation continue
depuis 1975 sur la matière douanière et fiscale des échanges.
Quels sont les changements induits
par le nouveau contexte dématérialisé et sécurisé des échanges dans
l’Union européenne ?
Le suivi des échanges internationaux
de marchandises doit s’adapter au
nouveau contexte sécuritaire et à
l’utilisation de systèmes d’information interopérables, ainsi l’Union
européenne se dote d’un nouvel
environnement réglementaire avec la
mise en place à compter du 1er mai
2016 du Code des douanes de l’Union
et de ses règlements délégué et
d’exécution.
Ce nouveau code propose des simplifications et des facilitations à des
personnes ayant obtenu le statut
d’Opérateur Économique Agréé
(OEA). Les critères d’obtention de ce
statut rappelés dans l’article 39 du
CDU, ont été étoffés par rapport
à l’ancienne version du Code et
mettent l’accent sur le respect de
normes pratiques en matière de
compétence ou de qualifications
professionnelles liées à l’activité
exercée.
Par ailleurs, la Commission a rédigé
un référentiel européen des compétences qui vise à proposer des
programmes fiables et accrédités
de formation douanière pour les
Masters, les Licences, les modules
pour experts ou bien les cours de
formation professionnelle.
En France, la matière douanière n’est
pas un sujet naturel, ce que l’on peut
déplorer, notamment dans les programmes de Masters. Pour la partie
formation professionnelle, l’ODASCE,
de par son expertise et ses contacts
réguliers avec les instances communautaires, a pu anticiper ce critère de
Territoires
compétence en mettant en place, en
plus de ses formations, des parcours
afin de valoriser la fonction douane
dans les entreprises.
Comment l’ODASCE a valorisé son
expérience sur la formation professionnelle pour aider les entreprises
à correspondre aux critères du Code
des Douanes de l’Union en matière de
reconnaissance de la compétence
douanière ?
L’ODASCE a obtenu, dès décembre
2012, la qualification ISQ-OPQF Qualification des organismes de formation dans le domaine des métiers
spécifiques. Ce qui a été la première
étape pour pouvoir, à partir de 2015,
être habilité à délivrer des certificats
professionnels CP FFP pour ses
parcours « Assistant » « Gestionnaire »
et « Manager » selon trois spécialités :
Douane (tous secteurs d’activités),
Douane spécialisé Accises (alcools
et produits énergétiques), Douane
spécialisé Export Control (produits
stratégiques et militaires). (Plus
d’information sur notre site internet :
www.odasce.asso.fr).
La certification de nos parcours
représente un levier de reconnaissance des compétences pour les
entreprises, et nous permet de nous
positionner pour qu’elles puissent
obtenir le statut OEAC au regard du
règlement d’exécution qui vient de
paraître (JOUE L343 du 29.10.2015)
en son article 27 1-b) iii) :
« b) Le demandeur ou la personne
responsable en son nom des questions douanières a suivi avec succès
une formation relative à la législation
douanière ; cette formation, adaptée
et correspondant à l’entendue de
son implication dans les activités
douanières, est dispensée par l’une
des entités suivantes :
i) une autorité douanière d’un État
membre ;
ii) un établissement d’enseignement
reconnu, aux fins de la délivrance
de cette qualification, par les autorités douanières ou par un organisme d’un État membre chargé de
la formation professionnelle ;
iii) une association professionnelle
ou de commerce reconnue par
les autorités douanières d’un État
membre ou agréé au sein de l’Union
pour délivrer cette qualification».
Avez-vous déjà un résultat ?
Les parcours, lancés début 2015, ont
déjà permis de certifier 7 personnes
qui sont dorénavant prêtes à apporter leur concours à la valorisation
de la matière douanière dans ses
aspects opérationnels et stratégiques. Les petits ruisseaux feront
une grande rivière, et gageons que la
matière douanière, qui a gagné la
formation professionnelle, prendra
de l’ampleur au niveau de la formation initiale.
En guise de conclusion, on peut dire
que de nos jours, les échanges internationaux sont monnaie courante
dans nos entreprises et que pour
gagner des points de compétitivité, la
gestion de ces flux doit être perçue
de manière globale selon une vision
de porte à porte. L’environnement
économique mondial change, changeons avec lui par des formations
initiale et continue dynamiques,
incluant les aspects réglementaires
des flux d’échanges sur notre planète.
L’ODASCE reste à vos côtés pour vous
accompagner dans ces règles en
mouvement.
41
TERRITOIRES
Sécuriser un contrat
de partenariat
Éric NIGRI, avocat du Cabinet Simmons & Simmons LLP
©DR
©DR
Julien MOIROUX, avocat du Cabinet Simmons & Simmons LLP
En 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé une
délibération approuvant les termes du contrat de partenariat
(PPP) conclu par la Ville de Bordeaux pour la construction de sa
cité municipale. Décision dont la Ville a fait appel.
>
Les routes et ouvrages d’art peuvent aussi être construits en contrat de partenariat public privé ;
mais ici aussi, la collectivité publique qui s’engage avec un partenaire privé doit pouvoir démontrer
notamment la complexité du projet pour recourir à ce mode de passation de la commande publique.
©Fotolia.com
C
omment analyser cette affaire sur
le fond ?
Elle illustre les difficultés d’appréciation de la notion de complexité,
l’une des conditions nécessaires au
recours par une collectivité territoriale à un PPP, désormais dénommé
marché de partenariat avec l’ordonnance n°2015-899 du 23 juillet 2015
relative aux marchés publics.
Selon l’article L.1414-2 du CGCT,
dans sa rédaction en vigueur au
moment des faits, le contrat de
partenariat donne lieu à une évaluation préalable précisant les motifs de
caractère économique, financier,
juridique et administratif qui conduisent la personne publique à engager
la procédure de passation de
ce contrat. Si, au regard de cette
évaluation, il apparaît notamment
que « compte tenu de la complexité
du projet, la personne publique n’est
pas objectivement en mesure de
définir seule et à l’avance les moyens
techniques répondant à ses besoins
ou d’établir le montage financier ou
juridique du projet », alors le PPP
peut être envisagé.
Le recours visait la délibération du
conseil municipal approuvant les
termes du PPP et la décision du
maire de le signer. Selon le SNSO
(Syndicat national du second œuvre),
le choix du PPP n’était pas permis,
le projet ne présentant pas une
complexité suffisante1.
Quels sont les principaux arguments
des parties ?
La commune s’était fondée exclusivement sur le critère de complexité
pour recourir au PPP. Elle invoquait
des difficultés à déterminer ex ante
une répartition précise et fiable des
risques que les opérateurs privés
pouvaient supporter. La commune
avançait aussi la complexité financière
du projet (plus de 56 millions
d’euros), ainsi que son envergure2 et
les durées respectives des phases
de réalisation et d’exploitation de
l’ouvrage.
Surtout, la commune fondait le choix
du PPP sur la complexité technique
du projet, novateur en ce qu’il prévoyait la construction d’un bâtiment
BEPOS (bilan énergétique positif), en
centre-ville à la jonction de styles
d’architecture différents, dans une
zone classée au titre du patrimoine
mondial de l’humanité. Cet aspect de
la complexité du projet a été décisif.
Le SNSO (Syndicat national des
entreprises du second œuvre) soutenait au contraire que les équipes de
la ville pouvaient disposer d’outils
pour pallier ces difficultés et qu’il
n’était pas démontré que la détermination du coût global de la réalisation
eut été impossible. Il avançait aussi
qu’un autre BEPOS était réalisé en
maîtrise d’ouvrage publique à la
même période et que les retours
d’expérience disponibles ne faisaient
Territoires
pas état d’une complexité permettant
le recours au PPP.
Dans quel sens le juge a-t-il tranché ?
Le tribunal administratif a donné
raison au Syndicat, enjoignant à la
commune de résilier le PPP. Il a ainsi
refusé de reconnaître la complexité
intrinsèque de ce projet, précisant
d’ailleurs que l’insuffisance de
moyens internes à la commune
n’était pas un gage de difficulté,
celle-ci pouvant faire appel de
manière ponctuelle à du personnel
supplémentaire.
La cour d’appel administrative de
Bordeaux (CAA) a annulé ce jugement, sans toutefois s’écarter de sa
grille de lecture. La complexité
technique du projet est reconnue.
Examinant le plan de charge et le
profil des agents de la ville, la CAA
rejette l’argument selon lequel le
recrutement de personnel temporaire aurait permis de faire face aux
contraintes de la maîtrise d’ouvrage
du projet.
Cette affaire s’inscrit-elle dans la
continuité d’une jurisprudence bien
établie ? Quel sera son impact sur le
recours aux PPP en France ?
La notion de complexité a donné lieu
à un contentieux abondant conduisant parfois à la remise en cause du
choix du PPP. Ainsi, pour un autre
exemple récent, le Conseil d’État a
invalidé le PPP relatif à la réalisation
d’une cité du surf et de l’océan à
Biarritz, au motif que « la seule invocation de la complexité des procédés
techniques à mettre en œuvre ne
peut suffire à justifier légalement le
recours au contrat de partenariat, en
l’absence de circonstances particulières de nature à établir qu’il était
impossible à la commune de définir,
seule et à l’avance, les moyens
techniques propres à satisfaire ses
besoins »3.
Il se dessine une conception restrictive de la complexité, retenue dans
Le tribunal administratif a
donné raison au Syndicat,
enjoignant à la commune
de résilier le PPP.
peu de projets : le futur TGI de Paris
pour ne citer qu’un exemple. Dans
l’affaire commentée, la CAA4 de
Bordeaux retient la complexité du
projet en raison du caractère encore
expérimental des BEPOS et de la
complexité du tissu urbain dans
lequel la cité administrative devait
s’insérer.
Les nouveaux marchés de partenariat de l’ordonnance du 23 juillet 2015
doivent présenter un « bilan plus
favorable » en comparaison d’autres
contrats disponibles. Le projet de
décret d’application vise « une plus
grande efficience économique » ainsi
que « la complexité de l’opération et
des capacités, des compétences et
des moyens dont dispose l’acheteur », éléments visés dans l’affaire
jugée par la CAA de Bordeaux. Le
critère de la complexité demeurerait
ainsi applicable aux marchés de
partenariat. La construction
jurisprudentielle du « bilan plus
favorable » susvisé s’inspirera
vraisemblablement des décisions
rendues, à l’instar de celle commentée, sous l’empire des textes
antérieurs (ordonnance du 17 juin
2004 ou dispositions du CGCT).
L’enseignement éclairant à retirer de
cette affaire sur le recours au PPP ?
Assurément, selon nous, que l’éligibilité à ce type de contrat, fondée
exclusivement sur la complexité du
projet public, est, en soi, un facteur
d’insécurité juridique. Dit autrement,
une sécurisation juridique des
projets devrait passer, si possible,
par la combinaison des critères
permettant le recours au
contrat/marché de partenariat :
la complexité dans toutes ses
dimensions, technique, juridique et
financière mais également l’urgence,
les objectifs d’efficacité énergétique
ou économique du projet, les modalités
de financement…
En cas d’annulation d’un acte
détachable et d’injonction de résilier
le contrat, ou si le contrat est annulé,
qu’en est-il de l’indemnisation des
entreprises ?
En cas d’injonction par le juge de
résilier le contrat, les clauses de
résiliation et indemnités associées
seront appliquées par les parties. En
cas d’annulation du contrat et, en
l’absence de dispositif indemnitaire
spécifique préalablement déterminé
par les parties, tel un accord autonome, l’entreprise bénéficie de deux
fondements indemnitaires. D’une
part, l’action en répétition de l’indu
(fondement quasi contractuel) visant
la prise en charge par la personne
publique des dépenses dites
« utiles » ; d’autre part, l’action en
réparation d’une faute (fondement
quasi délictuel) commise par la
partie publique5, ce qui n’offre que
l’opportunité d’une indemnité complémentaire couvrant, le cas échéant,
le manque à gagner6. Sur ce point,
l’article 89 de l’ordonnance du
23 juillet 2015 apporte un supplément de sécurité juridique en posant
le principe de la divisibilité du reste
du contrat des clauses d’indemnisation contenues dans un marché de
partenariat si le juge décide de
l’annulation, de la résolution ou de la
résiliation du contrat. Dans ces cas
précis, le titulaire « peut prétendre
à l’indemnisation des dépenses qu’il
a engagées conformément au
contrat, parmi lesquelles peuvent
figurer les frais financiers liés au
financement mis en place dans le
cadre de la mission globale confiée
au titulaire, à condition qu’elles aient
été utiles à l’acheteur ».
Propos recueillis
par Sophie Belmont
1. Cette affaire s’inscrit dans un double contexte, d’une part, d’ouverture du contentieux des contrats publics et, d’autre part, de fermeture de celui des
actes détachables : V. CE, ass.,4 avril 2014, req. n°358994, Département du Tarn et Garonne.
2. 18 500 m2 de SHON destinés à accueillir plus de 800 agents municipaux ainsi que du public, tout en faisant en sorte que le bâtiment présente un bilan
énergétique positif.
3. CE, 30 juill. 2014, Cne Biarritz.
4. CAA Paris, 3 avr. 2014, Assoc. La justice dans la Cité.
5. Exemple : recours au contrat/marché de partenariat alors que les conditions n’en sont pas réunies.
6. Sous réserve d’un éventuel partage de responsabilité, en cas de faute de l’entreprise.
43
TERRITOIRES
Assurer la visibilité
internationale des French Tech
En France, fin 2015, 13 métropoles et 4 écosystèmes avaient obtenu le label French Tech1. D’autres
collectivités restent candidates.
Un coup de pouce à l’international
C’est surtout un coup de pouce à
l’international. Emmanuel Macron,
ministre de l’Économie, de l’Industrie
et du Numérique et Axelle Lemaire
ont présenté le 29 janvier 2015 leur
stratégie internationale, centrée sur
trois volets.
To u t d ’ a b o rd l’ é m e rg e n ce d e
French Tech Hubs dans les grandes
régions internationales : il s’agit
d’accompagner le développement
des start-up à l’étranger et de promouvoir l’Hexagone auprès des
investisseurs et des entrepreneurs
locaux. Ces hubs obtiendront un
label de l’État après avoir présenté
un projet répondant à un cahier des
charges disponible sur le site :
www.lafrenchtech.com
©Fotolia.com
Ensuite, une plate-forme d’attractivité internationale doit être créée ;
l’objectif est d’accompagner les
initiatives des acteurs privés
pour « valoriser et donner à voir
l’excellence française en matière
d’innovation ».
omme un label, l’appellation
Métropole French Tech assure
aux acteurs du numérique une
visibilité sur la scène mondiale.
Neuf métropoles étaient déjà
labellisées en novembre 2014 : AixMarseille, Lyon, Grenoble, Montpellier,
Toulouse, Nantes, Bordeaux, Rennes
et Lille. Quatre autres l’étaient en juin
2015 : Brest, Normandie, Nice et
Lorraine ainsi que quatre écosystèmes : Alsace, Saint-Étienne, Angers et
Avignon. D’autres restent candidates.
C
Pour Axelle Lemaire, secrétaire
d’État chargée du Numérique
« l’objectif premier du label est de
susciter une mobilisation collective
de tous les acteurs, privés et publics,
en faveur de la croissance des
start-up françaises : ce pari est tenu.
L’engouement a été extraordinaire.
Des milliers de personnes, entrepreneurs en tête, ont construit ensemble au fil des mois des projets
ambitieux pour leur territoire et
leurs start-up ».
Enfin, les French Tech Tickets visent
à attirer des entrepreneurs étrangers
grâce à la délivrance d’un titre de
séjour, un lieu d’habitation dans un
incubateur ainsi qu’une bourse individuelle, tout en leur proposant un
accompagnement personnalisé tout
au long de leur installation.
L’appel à candidature, clos le
15 septembre, a retenu 50 personnes, arrivées en France en janvier
2016.
1. Nos excuses aux lecteurs qui n’aiment pas les mots anglais ; sur le sujet traité dans cet article, il est difficile de faire autrement que d’en employer.
Sources : www.gouvernement.fr ; www.economie.gouv.fr
44
TERRITOIRES
Accompagner les jeunes
pousses innovantes
Arnaud TOUATI
Harry ALLOUCHE
cofondateur
du cabinet
Alto Avocats
cofondateur
du cabinet
Alto Avocats
©DR
©DR
cofondateur
du cabinet
Alto Avocats
©DR
Jonas HADDAD
Si la France compte de nombreuses start-ups innovantes, tout l'enjeu est de les soutenir dans leur
développement. Là où les cabinets d'avocats d'affaires traditionnels sont encore peu armés pour cela,
certains avocats relèvent le défi avec succès. Entretien avec Jonas Haddad, Arnaud Touati, et Harry
Allouche, cofondateurs du cabinet Alto Avocats, créé en 2015.
es cabinets d'affaires traditionnels connaissent-ils bien les
enjeux rencontrés par les
dirigeants de start-ups ?
Le constat que nous avions fait avant
de créer Alto Avocats est que les
entreprises de croissance que sont
les start-ups trouvent difficilement
une offre juridique répondant à leurs
besoins.
Elles ont des enjeux communs à
toutes les entreprises en création :
le choix de la forme juridique, de l'actionnariat, la recherche d'un financement, mais elles rencontrent surtout
des défis spécifiques liés à leur forte
croissance et à leur forte orientation
technologique. Ces défis impliquent
une forte réactivité dans la prise de
décision et une définition précise de
la stratégie, à court et moyen termes.
Il faut également que les honoraires
pratiqués soient supportables pour
une structure de cette envergure.
Cet accompagnement est un enjeu
fort pour l'économie française, ce
que les pouvoirs publics ont bien
compris puisqu’avec les aides à
l'innovation et le label French Tech,
ils démontrent leur volonté d’essaimer
ces jeunes sociétés pour booster une
économie européenne caractérisée
par son atonie.
L
Comment un conseil juridique peutil les accompagner efficacement, en
les aidant à créer de la valeur ?
LES TROIS FONDATEURS ET ASSOCIÉS D'ALTO AVOCATS
Après sa formation juridique et économique à l’université (Sorbonne) et en école de
commerce (ESCP Europe), Jonas Haddad a exercé comme collaborateur ministériel
et responsable de la communication au sein d’une entreprise avant de reprendre la robe
d’avocat. Au cabinet Alto Avocats, il est plus particulièrement chargé du contractuel et
des entreprises en difficulté. Après un parcours universitaire en France (Sorbonne et
Assas) et aux États-Unis (Université de Chicago), Arnaud Touati a travaillé en banque
d’affaires (Oddo) puis au sein de divers cabinets d’avocats d’affaires, en France et aux
États-Unis. Au cabinet Alto Avocats en 2015, il est plus particulièrement en charge du
corporate et du contractuel. Membre des Barreaux du Québec et de Paris, Harry Allouche
a exercé au sein des deux barreaux pour des cabinets d’avocats d’affaires, après un
parcours à l’université (Paris XI et Montréal) et en école de commerce (EDHEC). Au cabinet Alto Avocats, il est plus particulièrement en charge du corporate et du contractuel.
Culturellement, nous nous sentons
proche de nos clients, qu'ils soient
cadres expérimentés en reconversion professionnelle ou jeunes fraîchement diplômés d'une école de
commerce.
Grâce à notre connaissance approfondie de l'environnement dans
lequel ils évoluent, nous avons créé
deux types d’accompagnement.
Le premier est articulé autour de la
création de la structure sociale des
projets d’entreprise.
Le second concerne des entreprises
déjà créées, pour leur apporter un
appui en matière de recherche de
partenaires et de financement pour
leur créer un écosystème favorable.
Il permet également aux dirigeants
de maîtriser les enjeux en matière
notamment de droit social mais aussi
de saisir les enjeux juridiques de
« l'ubérisation » de l'économie.
Si des conseils leur sont indispensables sur le plan juridique, comment
les aider à lever des financements ?
Aujourd'hui, les sources de financement se multiplient.
Au-delà du recours classique aux
établissements bancaires, nous
assistons au développement rapide
du crowdfunding et de l’apport des
fonds étrangers.
Ces faits nouveaux font naitre un
besoin de conseil particulier, notamment par l’application d’un cadre
juridique particulier en matière
fiscale et en matière de propriété
intellectuelle.
www.altoavocats.com - Twitter @altoavocats
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©Fotolia.com
DJP Avocats l’excellence
du service
Me. Jacques SAINT JALMES, Associé
©DR
DJP Avocats, membre de BDO international, 5ème réseau mondial d’audit, d’expertise
comptable et de conseil, entretient avec lui de fortes synergies pour accompagner
dirigeants et cadres mobiles à l’international.
uelle est la valeur ajoutée de
votre cabinet au sein du réseau
BDO ?
Le réseau BDO dispose de 1 400
bureaux répartis sur 156 pays, et
dans 110 d’entre eux, 1 000 spécialistes
sont dédiés à la mobilité internationale. Forts de ces ressources,
déclinées selon une approche
humaine, unitaire, globale et surmesure, les avocats placent haut la
barre sur la qualité du conseil à
rendre, avec réactivité et grande
proximité.
L’excellence du service est au cœur
de l'ADN du réseau qui, pour diffuser
les meilleures pratiques dans un
langage commun de par le monde,
réunit périodiquement les responsables les plus importants de la mobilité
internationale au sein de son Centre
d’excellence dédié.
Q
48
Ce collège échange ainsi en permanence sur les stratégies et méthodes,
en réunions et en formations communes pour nos clients. La France y
tient une place de choix.
Pourquoi la mobilité internationale ne
peut-elle pas s’improviser ?
Dans 90 % des cas, les entreprises
nous sollicitent pour gérer le
transfert de salariés français vers
l’étranger, ou de salariés étrangers
vers la France.
Mais le maître-mot en ce domaine
reste l’anticipation. N'oublions pas
les risques que court désormais un
employeur ; il peut voir sa responsabilité engagée devant les tribunaux
par un salarié auquel il n’aurait pas
délivré toutes les informations
requises.
Un arrêt du 4 février 2015 de la Cour
de cassation a ainsi condamné l’un
d’eux pour défaut de conseil au cours
du transfert d’un salarié non avisé de
ses obligations fiscales dans le pays
d’accueil et qui, à défaut des déclarations requises, s’était vu taxer d’office
avec pénalités.
S’est aussi retourné contre son
employeur un salarié transféré à
l’étranger, sous contrat et régime de
sécurité sociale locaux, ayant de fait
perdu ses droits à retraite.
Pour cadrer et coordonner les
conditions d’un transfert de salarié,
nous devons nous entretenir avec lui
pour déterminer son statut fiscal,
établir ses obligations et celles de
l’employeur, notre bureau du pays
concerné nous confirmant également
les obligations locales.
Territoires
L’employeur assumant, dans le cadre
de la politique d’égalisation qu’il a
mise en avant pour inciter le salarié à
la mobilité, les charges fiscales et
sociales du transfert, il nous revient
aussi d’apprécier l’allégement possible
des coûts dudit transfert.
Selon quelle approche parvenez-vous
à anticiper cette mobilité?
Notre approche globale de toutes les
problématiques suppose de suivre
trois étapes clé : ce qu’il est possible
de faire, comment le faire et, ensuite,
comment en assurer le suivi ? Sur le
champ des possibles, nous traitons à
la fois les questions de droit fiscal, de
sécurité sociale, de droit du travail et
d’immigration.
En termes de modalités, nous élaborons le package de rémunération
globale, préparons l’avenant au
contrat de travail ou le contrat de
travail local dans tous ses aspects
juridiques, ainsi que le certificat de
détachement dans le premier cas, et
les formalités d’enregistrement dans
le second.
Une fois le salarié parti, nous accompagnons et suivons son transfert,
dont la gestion des déclarations de
revenus en France et/ou à l’étranger
et d’éventuels conflits en droit du
travail.
Enfin, au terme de la mission, il nous
revient de gérer le retour du salarié en
assurant son reclassement. Telle est
la gestion idéale d’un transfert, ce qui
n’est pas souvent le cas en pratique.
D’où notre travail de sensibilisation
auprès des DRH pour leur permettre
d’anticiper toutes ces questions et de
solliciter notre conseil au moment
opportun.
L’aspect patrimonial fait-il partie intégrante de cette approche ?
La mobilité internationale déplaçant
hommes et femmes, leurs familles,
et donc leur patrimoine, la question
patrimoniale doit être abordée très
en amont.
Je l’ai vérifié encore récemment avec
un client dirigeant d’entreprise, parti
résider aux Etats-Unis avec un
patrimoine constitué dans plusieurs
pays et désireux de faire une
donation à ses enfants.
C’est pourquoi, toujours dans une
logique d’approche globale, le département « Fiscalité individuelle » que
je dirige au sein du cabinet est structuré sur les axes « Mobilité internationale » et « Gestion patrimoniale ».
Accompagnez-vous aussi vos clients
sur leurs projets entrepreneuriaux ?
Nous avons développé une aide pour
les professions libérales au sens
large du terme ; un accompagnement dans la gestion d’entreprise à
titre personnel pour opérer le
meilleur choix possible des modalités
d’exercice.
Une activité de niche mais une
assistance utile pour la pérennité
de l'activité de certains de nos
clients.
DJP Avocats
Duchemin Jouan & Partners
7 rue Auber - 75009 Paris - FRANCE
Tél. : +33 (0)1 80 18 10 80 - Fax : +33 (0)1 40 07 07 08
Le Cabinet : une expertise reconnue et
la force d’un réseau
Correspondant du réseau international BDO, qui
déploie de manière transversale les métiers du
chiffre, du droit et du conseil, DJP Avocats constitue en France l’une des pierres angulaires de
cette approche pluridisciplinaire.
Le Cabinet, formé d’une trentaine d’avocats,
partage sous l’impulsion des 5 associés qui le
dirigent, la culture de ses clients axée sur l’entrepreneuriat, l’action et l’efficacité, tout en maintenant des critères d’exigence, de pragmatisme
et de qualité. Formés au sein des cabinets parmi
les plus prestigieux, les associés sont reconnus
pour leur expertise de pointe dans leurs domaines
d’intervention. La fidélité de leurs clients sur le
long terme et la croissance de leurs équipes en
sont la meilleure récompense.
V i s i t e z n o t re s i t e : w w w. d j p - a vo c a t s - b d o . f r
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©Serg Nvns - Fotolia.com
TERRITOIRES
La gestion de patrimoine
Les conseillers en gestion de patrimoine (CGP) ont pour mission d'accompagner leurs clients (particuliers
et entreprises). Le secteur est très concurrentiel et nécessite des connaissances pluridisciplinaires.
Des activités définies, depuis décembre dernier, par une norme ISO.
A
longueur de la crise financière, mais
leur mission de conseil demeure
essentielle, en raison des nombreuses
problématiques à résoudre et de
l'étendue des produits d'investissements accessibles aux particuliers.
Dans un univers très concurrentiel,
la qualité de service apparaît désormais indispensable. D'ailleurs, il
apparaît que les banques n'ont pas
réduit la voilure sur ce secteur
d'activité, et certaines ont même
baissé le seuil d'accès à leurs
services de gestion de patrimoine .
Les conseillers en gestion de
patrimoine peuvent être salariés ou
indépendants. En outre, des notaires
et des experts-comptables peuvent
également proposer des activités de
conseil.
Les salariés peuvent travailler dans
des banques telles que Barclays
Patrimoine, BNP Paribas Banque
Privée, HSBC, LCL, etc., ainsi que
dans des sociétés indépendantes,
des sociétés d'assurance (Axa, Swiss
Life, etc.) et des départements de
gestion privées de sociétés de gestion comme Cogefi Gestion.
Par ailleurs, cette activité peut également s'exercer à titre libéral au sein
de cabinets de gestion de patrimoine
indépendants de tout établissement
promoteur de produits (il en existe
entre 2 500 et 3 500 en France) qui
disposent d'une part de marché d'environ 7 %, une proportion faible par
rapport à leur place très importante
en Grande-Bretagne.
La norme ISO 22222, depuis décembre 2005, définit le processus de
conseil en gestion de patrimoine et
spécifie les exigences relatives au
comportement éthique, aux compétences et à l'expérience requis pour
exercer la profession de conseiller en
gestion de patrimoine . Elle s'applique
à tous les professionnels, quel que
soit leur statut.
©Goodluz - Fotolia.com
près avoir mené un entretien afin
d’analyser la situation de leurs
clients, ils dressent un bilan
global de leur patrimoine avec un
diagnostic et une analyse de ses
forces et ses faiblesses. Une stratégie
est ensuite mise en œuvre selon les
projets des clients accompagnée de
recommandations.
Les conseillers réalisent ensuite un
suivi dans le temps des dossiers en
organisant des rendez-vous ponctuels.
Des logiciels de calcul leur permettent
d e s i m u le r l ' i m p a c t d e le u rs
préconisations.
Afin de proposer les stratégies et les
produits les plus adaptés, ils doivent
être très pointus dans de nombreux
domaines tels que le droit civil, fiscal,
social, international et des assurances, la gestion d'actifs ainsi que la
comptabilité et la finance.
Concernant l'état du marché en
France, l'activité de conseil en
gestion de patrimoine souffre de la
TERRITOIRES
« Nous sommes au service
de l’exploitation touristique… »
©Groupe Pierre & Vacances
Center parcs
Dominique MENIGAULT, Directeur général adjoint de Pierre & Vacances Conseil Immobilier
Leader dans la réalisation et la gestion de résidences de tourisme en Europe, le
groupe Pierre & Vacances-Center Parcs conçoit, construit et gère des appartements,
maisons et cottages, depuis sa création, en 1967.
e groupe Pierre & Vacances est
né en 1967, sur un nouveau
concept développé avec la
création de la station de ski d'Avoriaz.
Comment mesurer le chemin parcouru
en presque 50 ans ?
L’histoire de Pierre & Vacances a
commencé en 1967, lorsque Gérard
Brémond, son fondateur et actuel
PDG, a décidé de créer de toutes pièces
la station d’Avoriaz, la première sans
voiture… Une formule qui a été
déclinée par la suite dans toutes nos
créations. Depuis ses débuts, le groupe
a évolué de deux façons : par une
croissance interne, grâce à la
construction et la commercialisation
©Groupe Pierre & Vacances Center parcs
L
>
Les jardins suspendus de Villages Nature.
52
de logements auprès de particuliers ;
et par une croissance externe. En
premier lieu, en 2001, nous avons
racheté la marque Maeva ; et en
2003, Center Parcs Europe, ce qui a
permis de doubler notre chiffre
d’affaires et le nombre de nos clients;
puis, à la suite d’une joint-venture
avec Accor, la marque Adagio a été
créée ; enfin, en 2014, un concept
immobilier totalement novateur a vu
le jour, dans le cadre d’une jointventure avec Euro Disney S.C.A. Il
s’agit du programme Villages Nature
qui constituera demain l’un des sites
d’hébergement touristiques les plus
novateurs, aux portes de Paris.
En quelques chiffres, 23 000 propriétaires possèdent environ 50 000
appartements et maisons du groupe ;
7,5 millions de clients touristes –
pour moitié français, et pour moitié
européens – viennent chaque année
sur nos sites ; enfin, le groupe réalise
1,3 milliard d’euros de chiffre d’affaires.
Plus de 23 000 propriétaires vous ont
fait confiance. Quelles prestations leur
proposez-vous ?
Nous proposons à nos clients plusieurs types de biens immobiliers,
situés dans des résidences urbaines
ou touristiques de type Center Parcs.
Secteur porteur, et non délocalisable,
le tourisme représente aujourd’hui
7 % du PIB français.
De plus, nous donnons à
nos clients la possibilité
d’investir dans des programmes immobiliers
locatifs haut de gamme,
ce qui séduit, notamment
la clientèle européenne
qui recherche un niveau
de prestations élevé.
Enfin, notre prestation
comprend la gestion
intégrale du patrimoine
de nos clients, ce qui
écarte, pour les acquéreurs, les contraintes
liées à ce type d’opération. En effet, ils signent
un bail d’une durée de
dix ans, pendant laquelle
ils touchent un loyer trimestriel garanti – de 4 %
hors taxes net – quel
que soit le niveau de
remplissage de la résidence. Nous les accom-
©Groupe Pierre & Vacances Center parcs
>
Appartement P&V Flaine.
pagnons également dans les démarches de réservation, de financement
et de récupération de la TVA (20%)
auprès des services fiscaux, que
permet ce type d’investissement, ou
encore pour l’entretien du bien pendant la durée du bail. Par ailleurs,
lorsqu’un propriétaire veut revendre,
il peut faire appel à nos équipes pour
que nous lui trouvions un nouvel
acquéreur. Nous réalisons plus de
300 reventes par an pour le compte
de nos propriétaires.
Pourquoi l’investissement en résidence de tourisme est-il aujourd’hui
un placement intéressant ?
Ces placements sont intéressants à
plus d’un titre ! En premier lieu,
parce qu’ils concernent le tourisme,
secteur d’activité solide et en croissance. Ils donnent également droit à
de nombreux avantages fiscaux : la
récupération de la TVA, qui représente
une économie majeure ; des avantages spécifiques qui couvrent l’ensemble des lois dans ce domaine : le
dispositif Censi-Bouvard qui permet
d’économiser 11 % du prix d’achat
hors taxes, et les statuts de loueur en
meublé professionnel ou non professionnel (régime BIC), grâce auxquels
il ne paient pas d’impôts sur les
loyers présents ou futurs perçus. Ces
dispositifs sont très avantageux et
notre rôle est de faire de la pédagogie
auprès de nos clients, même si nous
ne sommes pas des conseillers en
gestion de patrimoine. Dernière
remarque, le régime BIC s’applique
aux biens, quelle que soit la nationalité
des acheteurs : cela incite la clientèle européenne à investir, car elle est
ainsi exonérée des impôts sur les
loyers perçus en France. Il favorise
également la revente qui en bénéficie
de plein droit.
Enfin, il faut rappeler qu’en matière de
gestion de patrimoine, l’immobilier
répond à tous les besoins : création,
transmission, valorisation, perception
de revenus complémentaires, économies d’impôts, etc. En ce qui concerne
les résidences de tourisme, il s’agit
d’un achat pour le long terme mais
dont le client peut jouir immédiatement : s’il le souhaite, il bénéficie à la
fois des loyers et de la possibilité
d’occuper son logement. Il a même la
possibilité d’échanger ce droit contre
l’occupation d’autres appartements du
groupe dans 300 destinations… Cet élément est déterminant car il correspond
aux attentes de nombreux clients.
Selon quels critères choisissez-vous
les sites de vos programmes immobiliers ?
Le critère déterminant est notre capacité à le remplir sur le long terme : il
faut qu’il y ait un bassin d’activités
touristiques et économiques suffisant
pour garantir sa pérennité. C’est une
stratégie fondamentale car nous
sommes véritablement au service de
l’exploitation touristique.
Pouvez-vous nous présenter les
spécificités du site Villages Nature,
qui ouvrira en 2016 ?
Initié par Euro Disney S.C.A. et le
Groupe Pierre & Vacances-Center
Parcs, ce projet, porté par son
ambition de développement durable,
est une nouvelle destination de
vacances, de courts et moyens
séjours, d’envergure européenne.
Proposant une offre de loisirs innovante, dépaysante et désaisonnalisée
au cœur de Paris Île-de-France,
Villages Nature possède un potentiel
sans équivalent auprès d’une très
large clientèle touristique à la fois
ouest-européenne, française et
locale, pour un concept de vacances
mêlant nature, loisirs, détente.
Quelque 900 000 clients annuels sont
attendus à Villages Nature au terme
de la phase 1, qui devrait ouvrir au
public début 2017. Sur les 180 hectares de superficie de la phase 1 –
dont plus de 90 % seront constitués
d’espaces non bâtis – Villages Nature
offre, au sein d’un environnement
naturel de grande qualité, 1 730 résidences de tourisme de standing dont
70 % de cottages et 30 % d’appartements, et de nombreux équipements
récréatifs et de détente.
L’équipement iconique de la destination est l’Aqualagon, un complexe
aquatique de près de 12 000 m2,
formé de l’un des plus grands parcs
aquatiques couverts d’Europe et de
son lagon extérieur attenant, chauffé
à plus de 30°C grâce à la géothermie
profonde. Ce procédé permet de
satisfaire la totalité des besoins en
chaleur de Villages Nature, solution
inédite en matière d’exploitation
touristique à une telle échelle en
Europe.
53
TERRITOIRES
Évaluer les politiques publiques
©Fotolia.com
Les projets doivent être bien dimensionnés, et les politiques répondre aux enjeux. Il faut évaluer l’action
publique. Toutes les collectivités territoriales ne le font pas encore.
>
Parfois confondue à tort avec le contrôle et l’audit, l’évaluation des politiques publiques est une aide à la
décision et un moyen de rendre compte aux citoyens.
’évaluation des politiques publiques
est une aide à la décision et un
moyen de rendre compte aux
citoyens.
Le Cese a réalisé récemment une
étude sur ce sujet1. En France, l’État
a intégré cet enjeu. Le Commissariat
général à la stratégie et prospective
(France Stratégie), les ministères
et dispositifs interministériels, des
corps d’inspection à la Cour des
comptes, en témoignent. 20 % des
villes de plus de 50 000 habitants
évaluent régulièrement leurs politiques publiques, selon la société
française de l’Évaluation (SFE). Il
en est de même pour 40 % des
Départements – par exemple, le Gard
a initié une évaluation des effets de
ses consultations sur la qualité et
l’utilité des politiques ou projets
départementaux. Par ailleurs, 80%
des Conseils régionaux l’ont intégrée. Un dernier chiffre qui traduit
la contractualisation croissante des
relations avec l’État et l’obligation
L
avec les fonds structurels européens
d’évaluer les programmes contractuels.
L’État a donné l’exemple
Certains analystes déplorent la
place, trop importante, laissée aux
cabinets privés dans ce domaine,
comme l’a souligné Clotilde Valter,
secrétaire d’État chargé de la
réforme de l’État et de la simplification. Mais il y a eu des avancées,
note-t-elle, depuis la « circulaire
Rocard » de 1989 ; il faut en faire un
mode normal de fonctionnement des
administrations centrales, déconcentrées ou territoriales, dans le cadre
de la modernisation de l’action
publique. D’où le lancement, fin 2012
et fin 2013, de soixante premières
évaluations, notamment sur la lutte
contre le décrochage scolaire et les
aides aux entreprises. Clotilde Valter
a rappelé également la nouvelle
série d’évaluations initiée au
printemps 2015 ; elle en a annoncé
cinq à sept autres.
La méthode doit assurer une
meilleure articulation du temps et de
l’action politique, être objective,
impartiale, pertinente et quantifiée,
avec des indicateurs adéquats. La
démarche doit gagner en crédibilité
et en légitimité. Un objectif auquel le
Cese et les Ceser contribueront. Le
Cese entend en effet recenser dans
le bilan de chaque mandature les
travaux de cette nature, tout en
dynamisant sa coopération avec
d’autres instances d’évaluation.
Il faut aussi prévoir juridiquement le
temps et les moyens nécessaires à
l’évaluation. Pour cela il faut assurer
la présence des décideurs, agents et
bénéficiaires dans les comités de
pilotage, de suivi ou d’accompagnement. Il faudrait aussi conditionner
la reconduction des politiques
publiques à leur évaluation.
Le Cese recommande de renforcer la
formation, proposant à cet effet de
« créer ou d’amplifier, comme c’est
déjà le cas, par exemple à Sciences
Po, un module d’évaluation des
politiques publiques dans l’enseignement supérieur, au moins au
niveau des masters en économie,
gestion, gestion publique, sociologie,
et dans les grandes écoles, les
écoles d’ingénieurs… » mais aussi,
dans les enseignements de l’Institut
national des études territoriales
(INET), de l’École nationale d’administration (ENA) et de l’École des
hautes études en santé publique
(EHESP).
L’Observatoire de l’évaluation des
politiques publiques, lancé le
16 octobre dernier par le SGMAP2 et
la SFE, désormais première base
d o c u m e n t a i re d e s p o l i t i q u e s
publiques en France avec près de
17 000 références d’évaluation,
devrait constituer un outil utile dans
ce domaine.
1. Promouvoir une culture de l’évaluation des politiques publiques septembre 2015.
2. SGMAP Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique.
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56
TERRITOIRES
Notre métier :
experts en aménagements durables
Pascal ROUX, Président de MDP Consulting
©Utopik
MDP Consulting dispose d’une expérience de trente ans dans la création et le
développement de sites et de destinations touristiques. Elle propose également une
prestation de consulting et de stratégie pour la création de projets. Pascal Roux
nous détaille ces prestations.
ouvez-vous nous dire quelques
mots sur l’historique de la
société ?
MDP Consulting, qui fêtera ses trente
ans cette année, était, au départ,
spécialisée dans la construction de
téléphériques. L’entreprise a évolué
au fil des années dans le secteur
l’aménagement de loisirs en montagne, puis de sites touristiques.
Depuis quelques années, elle s’est
également beaucoup développée à
l’international, qui représente désormais 50 % du chiffre d’affaires.
P
Quelles sont les branches d’activités
de MDP Consulting ?
Nous en avons quatre. Tout d’abord,
notre activité « historique », l’ingénierie du transport par câble, fondée
sur des décennies d’expérience.
Nous avons conçu de nombreuses
remontées mécaniques en montagne, et nous sommes en mesure
maintenant de montrer notre savoirfaire en milieu urbain. Le transport
par câble est en effet une alternative
©DR
>
Transport urbain (Ankara – Turquie).
intéressante pour les villes, en
particulier de pays émergents, par
exemple, qui se sont urbanisées
rapidement, mais n’ont pas d’infrastructures de transports bien organisées. Bien moins cher que le métro
ou le tram, un téléphérique peut en
outre être construit en quelques
années. Notre deuxième champ de
compétence, c’est l’ingénierie de
l’aménagement de sites, et de
destinations touristiques pour des
opérateurs privés ou publics. Notre
troisième compétence est l’ingénierie de l’environnement : études
d’impact des activités sur le milieu
naturel, évaluation des risques, etc.
Enfin, notre dernier type de services,
sont le consulting et la stratégie
appliqués aux destinations (marketing,
économique, financier, développement durable, gouvernance, délégat i o n / co n ce ss i o n , co n f é re n ce s ,
formations, etc.). Notre atout, c’est
que notre équipe, forte de plusieurs
domaines d’expertise, possède une
vision d’ensemble des projets.
Quel est le positionnement de MDP
Consulting et sa philosophie ?
Nous sommes clairement dans un
marché de niche, haut de gamme, où
il n’y a que quelques opérateurs au
niveau mondial. Nous pouvons satisfaire toutes les demandes, de la
simple étude à la réalisation complète
de projet. Nous travaillons en équipe,
de façon transversale. Nos clients
peuvent s’appuyer sur notre expertise
de la conception de leur projet à
sa réalisation, et même au-delà,
puisque nous assurons aussi le suivi.
Nous avons ainsi réussi à instaurer
des relations à long terme, renforcées par la stabilité de nos équipes.
Sur quels projets travaillez-vous
actuellement ?
Nous continuons un projet de téléphérique à Katmandu au Népal et en
initions un autre à Managua au
Nicaragua. D’autre part, nous avons
récemment remporté un concours du
gouvernement du Kosovo pour la
création d’une station de ski complète ex nihilo à Brezovica. Située sur le
massif de Sara, au sud du pays, cette
station, qui sera exploitée toute
l’année, est appelée à devenir le
fleuron du tourisme des Balkans.
Nous conduisons un consortium
français qui va investir 409 millions
dans ce projet. Situé entre 900 et
2 500 mètres d’altitude, celui-ci
prévoit la construction d’environ
100 km de pistes, 20 remontées
mécaniques, des infrastructures
d’accueil et des services modernes,
d o n t n o ta m m e n t 7 0 0 0 p l a ce s
d’hébergement. Le fait d’avoir été
choisis démontre l’étendue de nos
savoir-faire et de notre expertise
dans l’aménagement de territoire.
57
TERRITOIRES
Faire appel au financement
participatif
©Fotolia.com
La plate-forme Collecticity, simple et sécurisée, permet aux collectivités de financer leurs projets sans
passer par les banques.
L
effectuer des prêts avec ou sans
intérêt pour une somme qui peut
atteindre le million d’euros.
Le dispositif est intéressant dans
le contexte actuel de difficultés
financières.
L’Agence Standards & Poors a estimé
le besoin de financement des
collectivités locales françaises à
18 milliards d’euros en 2015. Or,
l’épargne financière des Français
dépasse 4 200 milliards d’euros. Il y a
donc un réservoir potentiel.
Les habitants peuvent ainsi s’impliquer dans la communauté et donner
Source : Collecticity, www.collecticity.fr
©Fotolia.com
e financement participatif (en
anglais, crowdfunding) « récolte
des fonds auprès du public ». Une
solution qui ne fait pas appel aux acteurs
financiers classiques, en particulier
aux banques. Parmi les projets lancés
grâce à cela, on peut citer la campagne présidentielle d’Obama en 2008
(il a ainsi récolté 150 millions d’euros)
ou l’Oculus Rift, un casque de réalité
virtuelle qui doit être commercialisé
en 2016 (2,4 millions d’euros ont été
apportés à ce projet sur Kickstarter).
Au total, 304 millions d’euros ont été
apportés ainsi en France en 2015,
contre 78 millions d’euros en 2013 et
152 millions en 2014. Si le financement participatif se développe de
façon dynamique, pourquoi ne pas
en faire bénéficier les villes, métropoles, départements et régions ?
Collecticity, la première plate-forme
dédiée aux collectivités locales, a été
lancée en décembre 2015. Elle permet aux institutions publiques ainsi
qu’aux associations de lever des
fonds auprès des citoyens pour des
projets d’intérêt public. Ceux-ci
peuvent faire des dons d’un montant
illimité, avec ou sans contrepartie, ou
du sens à leur épargne. Le dispositif
renforce la solidarité et crée du lien
social autour de projets d’intérêt
général (crèches, centres de loisirs
ou sportifs…).
Concrètement, les emprunteurs
font une demande de prêt sur
Collecticity.fr. La plate-forme réalise
son analyse ainsi que la signature
des contrats avec l’accord de prêt des
investisseurs. Ceux-ci déposent les
fonds auprès du prestataire de services de paiements à destination des
emprunteurs, qui paient les mensualités auprès du prestataire, qui
les transfère ensuite auprès des
investisseurs.
L’outil se distingue par sa simplicité
(des prêts à taux fixe avec un
remboursement anticipé sans frais
et une commission d’un maximum de
4 % des fonds récoltés, des profils
personnalisés et des investissements contrôlés). Il apparaît fiable et
sécurisé : avec surveillance de
l’Autorité de contrôle prudentiel et
résolution (ACPR), continuité du
service même en cas de fermeture
de la plate-forme, contrats de prêts
stockés 10 ans à la Cour des comptes
et suivi des standards de sécurité
actuels et des recommandations de
l’Agence nationale de la sécurité des
systèmes d’information (ANSSI).
58
L’épargne
L’épargnefinancière
financièredes
desFrançais
Françaisdépasse
dépasse44200
200milliards
milliardsd’euros.
d’euros.IlIlyyaadonc
doncun
unréservoir
réservoirpotentiel.
potentiel.
TERRITOIRES
Achat groupé d’énergie
La fin des tarifs réglementés de vente (TRV) dugaz et d’électricité le 31 décembre 2015 obligeles
collectivités à effectuer à une mise en concurrence. Comment procéder? Un groupe de travail dédié
à ce sujet a été créé au sein de la FNCCR.
N
ous avons beaucoup de
remerciements de petites communes de notre département
pour lesquelles la fin des tarifs réglementés était très compliquée. Le groupement de commande d’achat public
de l’électricité mis en œuvre par notre
syndicat départemental d’énergie de
la Drôme (SDED) s’est avéré très utile,
notamment pour elles » explique
Bruno Blanchard, directeur « Concessions et performances énergétiques »
de la SDED, le service public de
l’énergie dans la Drôme.
Pour les personnes publiques ayant
des sites de puissance supérieure à
36 kVA (tarifs jaune et vert), cette
ouverture à la concurrence entraîne
la résiliation du contrat au tarif réglementé. En prévision de l’échéance
du 31 décembre, 70 groupements de
commandes ont été constitués sur
la presque totalité du territoire
national. Soit à l’échelle d’un département, comme pour la SDED, soit de
plusieurs.
Le SIPPEREC a un temps d’avance.
Cet établissement public local adhérant de la FNCCR a annoncé dès avril
l’attribution de marchés concernant
453 collectivités et établissements
publics d’Île-de-France pour 7 400
points de livraison pour le tarif
« jaune » (puissance souscrite entre
36 et 250 kVA) et « vert » (plus de
250 kVA). Avec 550 adhérents et
2 TWh de consommation annuelle
totale, ce groupement de commandes est l’un des vingt plus importants
acheteurs nationaux d’électricité,
publics et privés.
Lors de la réunion organisée à la
FNCCR, en juin dernier, son coordinateur, Jean-Marc Proust, a pris en
exemple les réductions obtenues,
avec des gains estimés par rapport a u x c o n d i t i o n s a c t u e l le s d e
17,7 millions d’euros par an ! « Les
condi-tions de marché des énergies
fossiles qui sont assez basses et
les surcapacités de productions
en Europe jouent manifestement en
faveur des acheteurs» a souligné
Jean-Marc Proust.
©Fotolia.com
«
Meilleures offres tarifaires, sécurisation juridique
Pour les syndicats d’énergie, le recensement des besoins et le recueil
des données auprès des délégataires,
est complexe. Au total, 430 000 sites
sont concernés par cette nouvelle
organisation. Une gageure que les
appels d’offre groupés facilitent.
Mais le risque de marché infructueux demeure. Pas de panique,
expliquent plusieurs membres de ce
groupe de travail. « On peut imaginer qu’il y aura une tolérance après
le 31 décembre 2015, comme ce fut
le cas pour le gaz» analyse JeanMarc Proust. Ce marché infructueux
pourrait même être une occasion de
renégocier, organisant un nouveau
tour de table avec les fournisseurs.
La complexité administrative se double
d’une autre difficulté : la faiblesse de
la concurrence. En effet, seuls trois
opérateurs principaux peuvent se
positionner sur l’ensemble du
territoire national : EDF, l’opérateur
historique qui fournissait jusqu’à
présent l’électricité aux acheteurs
publics selon les tarifs régulés par
l’État, Direct Énergie et GDF-Suez,
nouvellement Engie. D’autres interviennent mais au niveau régional.
Les conditions de marché
des énergies fossiles qui
sont assez basses et les
surcapacités de productions en
Europe jouent manifestement
en faveur des acheteurs…
Jean-Marc PROUST,
coordinateur de la FNCCR
L’utilité du marché subséquent
Le recours à la formule du marché
« subséquent » permet de contrer la
volatilité du marché de l’électricité et
les primes de risque imposées par
les fournisseurs. Comme l’explique
Jean-Marc Proust. « Cela permet aux
acheteurs publics d’acheter le gaz et
l’électricité dans des délais courts,
de l’ordre de deux heures après
réception de l’offre des fournisseurs ». C’est cette procédure qui a
par exemple été utilisée par le
SIPPEREC, bénéficiant ainsi d’offres
tarifaires attractives de la part d’EDF
(pour 4 lots), Direct énergie (pour
2 lots), et GDF Suez (pour 2 lots).
59
TERRITOIRES
Un nouveau centre à Paris XVIIe
Le Syctom, l’agence métropolitaine des déchets ménagers, a lancé la réalisation d’un centre de tri de
collecte sélective nouvelle génération dans l’éco-quartier de Clichy-Batignolles. Très automatisée,
cette installation préparera, à partir de 2019, au recyclage des déchets pré-triés par plus de 900 000
habitants.
©Kréaction/Les Ateliers Monique Labbé, architectes
REPÈRES
Budget
• Maître d’ouvrage :
Syctom.
• Conception/réalisation/exploitation :
Groupement conjoint CNIM/Ateliers
Monique Labbé/Urbaine de
travaux/Ar-Val/INGEROP
Conseil et Segic ingénierie.
• Budget : 67 Ma H.T.
Planning
• Dialogue compétitif :
lancé en juin 2013.
• Attribution du marché :
29 mai 2015.
• Début des études :
septembre 2015.
près un premier centre de tri inauguré en 2011 dans le XVe arrondissement, au sud de Paris, le
Syctom a lancé la construction d’un
nouveau centre de tri de collecte sélective intra-muros, dans le XVIIe arrondissement. Implantée cette fois-ci au
nord de la capitale, l’installation devrait
voir le jour en 2019. Le site sera en
phase avec son environnement urbain :
l’éco-quartier de Clichy-Batignolles,
une ZAC qui accueillera autour d’un
vaste parc, des logements, des
équipements et des commerces.
Proche du tribunal de grande instance,
le centre se caractérisera par de
grandes surfaces végétalisées, avec
des jardins et terrasses suspendus, et
par une large utilisation de matériaux
renouvelables, tels que le bois. Sa façade
bénéficiera aussi d’un traitement
acoustique le long du périphérique.
Le projet prend place au nord de
l’éco-quartier, près du périphérique
et d’un faisceau ferroviaire, et à côté
du terminal de collecte pneumatique
des déchets, le premier du genre
dans la capitale. Ce mode de collecte
A
60
est déjà en activité dans les immeubles livrés de la ZAC entre le parc
et l’avenue de Clichy. Il permet de
supprimer les bennes de ramassage
et réduit considérablement le
nombre de camions nécessaires à
l’évacuation des déchets.
Démarche environnementale
Outre un bâtiment administratif et un
espace d’accueil des visiteurs, le
centre comprendra une halle de tri et
de stockage, une aire de réception
des bennes de collecte sélective, une
zone de déversement des collectes et
une zone de compactage des refus.
Un emplacement sera dédié au
procédé de tri, un autre au conditionnement et au stockage des balles.
Le projet respecte les préconisations
environnementales développées par
Paris Batignolles aménagement,
l’aménageur de la ZAC. « Le Syctom
s’est engagé à maîtriser la consommation d’énergie du bâtiment, assure
Fabrice Beacco, chef de projet pour le
centre de tri. Il sera doté de moteurs
électriques à haut rendement et
d’une installation d’environ 2 000 m2
de panneaux photovoltaïques dont la
production sera revendue à EDF.
L’éclairage naturel et les transports
doux (piétons, cyclistes, etc.) seront
aussi privilégiés ».
Le Syctom
Il assure quotidiennement, depuis plus de 30 ans, le service
public de traitement des déchets ménagers de 84 communes,
soit près de 6 millions d’habitants, de l’agglomération parisienne.
Pour traiter les 2,3 millions de tonnes de déchets apportées chaque
année par les collectivités de son territoire, il dispose de six centres
de tri de collecte sélective, d’un centre de transfert et de trois
centres d’incinération avec valorisation énergétique des ordures
ménagères résiduelles.
Territoires
©Kréaction/Les
©Kréaction/Les Ateliers
Ateliers Monique
Monique Labbé,
Labbé, architectes
architectes
La nouvelle usine valorisera les déchets de plus de 900 000 habitants.
L’implantation du centre aux abords
d’une plateforme logistique ferroviaire
permettra en outre au Syctom
d’évacuer une partie de la production
des balles de matériaux triés dans
le centre par voie ferrée. Paris XVII
réceptionnera également les déchets
recyclables du terminal de collecte
pneumatique de la Mairie de Paris
contiguë au centre.
Implantée sur un terrain de
11 000 m2, cette installation vise à
offrir un lieu de traitement de proximité pour les collectes sélectives
du nord-ouest de l’agglomération
parisienne, et à rapprocher les sites
de traitement des lieux de production
de déchets. Elle traitera en effet les
collectes sélectives de plusieurs
arrondissements parisiens, mais
aussi de communes proches (SaintOuen, Clichy-la-Garenne…). Elle
valorisera au total les déchets de
plus de 900 000 habitants.
Des équipements dernier cri
D’une capacité proche de 40 000
tonnes/an, le centre de tri disposera
d’équipements ultramodernes pour
capter les différents matériaux, et
anticiper l’extension prochaine des
consignes de tri à l’ensemble des
emballages plastiques. Fortement
automatisées, les lignes de tri pourront
traiter jusqu’à quinze tonnes de
papiers et d’emballages recyclables
par heure, tout en améliorant les
conditions de travail (ergonomie du
poste de travail, confort thermique,
acoustique, visuel et olfactif) et la
sécurité des agents. Le process
intégrera les dernières technologies
de tri automatique (tri optique des
plastiques, tri optique des papiers, tri
mécanique des différentes fractions
etc.) afin de limiter le tri manuel et
Paris XVII sera le premier
centre du Syctom présentant
le procédé Recyfilms dont
Ar-Val, équipementier du
groupement, a participé à la
conception, la réalisation et
la mise en œuvre.
orienter l’activité des agents vers le
contrôle qualité.
Outre, un trommel, treize machines
de tri optique et quatre séparateurs
balistiques, Paris XVII sera le premier
centre du Syctom présentant le
procédé Recyfilms dont Ar-Val,
équipementier du groupement, a
participer à la conception, la réalisation et la mise en œuvre. Ce process
automatisé servira à mieux traiter les
nouveaux flux de plastiques, en particulier les films en polyéthylène. Avec
ces technologies innovantes, « Nous
disposerons ainsi d’un équipement
adapté aux évolutions du gisement
liées à l’extension des consignes de
tri », souligne Fabrice Beacco.
©Kréaction/Les Ateliers Monique Labbé, architectes
>
Procédés de tri
• Centre dimensionné pour un
traitement jusqu’à 15 t/h de
collecte sélective.
• Fonctionnement en 2 postes.
• 21 trieurs par poste.
• 1 seule cabine de tri avec aménagement de l’environnement de travail
conforme à la norme (récente) sur la
conception des cabines de tri et aux
prescriptions INRS (système de
ventilation, ergonomie, rehausse
trieur, siège assis debout).
• Principaux équipements : 1 trommel,
4 cribles balistiques, 13 machines
de tri optique, équipements de
séparation (overband et courant de
Foucault) pour les ferreux et les
aluminiums y compris sur les refus
(petite fraction de 0 à 90 mm), 1 ligne
de conditionnement avec 1 presse à
balles, 1 presse à paquets. Environ
230 équipements au global.
• Système « Recyfilms » (dont Ar-Val,
équipementier du groupement, a
participé à la conception, la réalisation et la mise en œuvre) : 1 crible
balistique associé à un tri optique
p o u r l a s é p a ra t i o n d e s f i l m s
plastiques.
• Système de pesée sur différents
flux (trémie d’alimentation, stockage
intermédiaire et refus) permettant
d’assurer le suivi automatique de la
production et de piloter la ligne
de conditionnement également en
automatique.
• Compacteurs sur les refus avec
évacuation par FMA de 85 m3 d’une
capacité de 16 t.
• Système de dépoussiérage à la
source (1 dépoussiéreur avec réseau
de captation sur les principaux équipements générateurs de poussière).
• Système d’aspiration centralisé
pour nettoyage de l’installation.
61
TERRITOIRES
Ces femmes qui réussissent
L'accès des femmes aux plus hautes responsabilités progresse dans l’économie avec des beaux succès.
sabelle Kocher, futur PDG d'Engie,
deviendra en mai la première femme
à diriger un groupe du CAC 40. La
représentation des femmes dans les
conseils d'administration du CAC 40
a fait l'objet d'une loi en 2011, qui
imposait un minimum de 20 % à
compter de 2014, et 40 % en 2017. Elles
n'étaient que 7,5 % dans les comités
de direction en France en 2012.
Il reste donc un peu de chemin à
faire, mais l'accession des femmes
aux plus hauts postes est une réalité.
Différentes associations accompagnent
ce mouvement.
En France, chaque année, les
Trophées des femmes de l’industrie
organisées par l'Usine Nouvelle sont
l'occasion de donner un coup de
projecteur sur de beaux parcours.
Par exemple, en 2015, Odile Jubécourt,
qui préside au développement de
l’A330neo, l’un des prochains paris
d'Airbus, Sophie Schmidtlin, la tête de
la future plate-forme de Renault pour
la Chine, Christine Desbois, qui porte
le développement durable chez Bic.
De son côté, Carole Malinvaud,
associée de Gide et Présidente de la
commission arbitrage d’ICC France a
été nommée femme d’influence 2015
dans le domaine économique.
Créé en 2005, le Women's Forum
donne la parole aux femmes sur
diverses problématiques économiques et sociales, par exemple, à
travers l'organisation d'événements.
Il s'agit de mettre en lumière la
vision et la voix des femmes sur les
principaux enjeux économiques et
sociétaux de notre époque. Des
hommes et des femmes, décideurs
économiques et politiques, issus de
la société civile ou du milieu universitaire, sont invités à présenter et
partager leurs idées. Le principal
temps fort annuel, le Global Meeting,
se tient à Deauville.
Avec à chaque fois un beau plateau.
À titre d'exemple, Christine Lagarde,
ancienne Ministre de l’Économie et
des Finances de la France et actuelle
Directrice du Fonds Monétaire
©Packshot - Fotolia.com
I
internationale (FMI), était l'invitée de
la dixième édition en octobre 2014
qui a également compté Elizabeth
Weymouth, senior associate editor au
Washington Post, Connie Hedegaard,
alors Commissaire européenne
chargée de l'Action pour le Climat, et
Ertharin Cousin, Directrice Exécutive
du Programme alimentaire mondial
des Nations Unies. L'édition de 2015
a réuni également des personnalités
de renom.
L'industrie n'est plus une chasse
gardée au masculin
Autre bel exemple dans le domaine
économique, Clara Gaymard, présidente de General Electric France
depuis avril 2009, a été nommée présidente du Forum en décembre 2014.
Lors du premier déjeuner Women’s
Forum / Club au Féminin RMC BFM,
en mars 2015, elle a souligné que
« l’idée est d’avoir des événements
créés et pensés par les femmes et
sur le sujet des femmes, en lien avec
l’économie et la société : comment
nous, les femmes, apportons un
regard neuf sur l’économie, sur le
monde ? »
Plus ancienne, l'association Femmes
chef d'entreprise (FCE) a été fondée
en 1945 par Yvette Foinant, qui était
maître de forge dans les Ardennes
françaises. Rebaptisée Femmes
d'entreprises mondiales (FCEM)
pour accompagner son ouverture
internationale, elle agit auprès des
gouvernements et des instances
internationales publiques et privées.
FCEM a un statut consultatif aux
Nations unies et une représentation
auprès de la l'UE, du CNUCED, du
PNUD, de l'ONUDI, de l'OCDE et de
l'OIT.
Ainsi que le souligne Laura Frati
Gucci, fondatrice de Pirene Srl et
présidente de FCEM, l'association
« est un moteur pour encourager et
apporter un soutien à entrepreneuriat
féminin. Nous savons comment
procéder et faire de cet objectif une
priorité, offrir une feuille de route
pour faciliter la constitution d’un
fonds d’investissement stratégique
destiné à aider les gouvernements à
résoudre et porter les questions
féminines. FCEM depuis 61 années
coopère avec les associations
nationales membres de ce réseau
unique qui travaille avec passion à
l’autonomisation des femmes dans
le monde pour un avenir meilleur de
toute la société ».
Sources : www.womens-forum.com - http://fcem.org - www.usine-nouvelle.com
63
SUCCESS STORY, UNE BELLE RÉUSSITE
Au service de votre bien-être !
Samuel LEVINE-PARISI, CEO du groupe Bioloka
©DR
Créée en 2009, Bioloka, leader sur le marché francophone des produits de bienêtre, exporte déjà dans vingt pays. Une réussite qui repose sur un positionnement
haut de gamme et un excellent service client. Samuel Levine-Parisi nous précise sa
stratégie.
ouvez-vous nous relater l’histoire
de Bioloka ?
B i o lo k a a é t é c ré é e e n 2 0 0 9
lorsqu’Alexis Martens a décidé d’investir dans la commercialisation de
notre produit phare « Le champ de
fleurs », un tapis d’acupression pour
soulager le mal de dos. J’ai rejoint
l’entreprise, en 2012. En trois ans,
nous avons connu une importante
hausse de nos effectifs et de notre
chiffre d’affaires. Outre le monde
francophone, nous sommes implantés en Allemagne, en Italie et au
Royaume-Uni... Bioloka exporte dans
vingt pays et, pour commercialiser
ses produits, dispose de 6 sites de
E-commerce(1) divers et variés.
Quelle est votre philosophie et comment celle-ci a-t-elle construit votre
stratégie ?
Notre règle d’or, c’est le contrôle
qualité rigoureux et adapté aux études de marché et cela nous a réussi,
car Bioloka est l’une des seules
entreprises immédiatement rentable. Après Le champ de fleurs,
Bioloka a proposé d’autres produits,
à chaque fois, en exclusivité européenne. Chaque nouveauté fait l’objet
d’une étude de marché pour réfléchir
à son positionnement. Bioloka préfère
acheter en petite quantité pour une
clientèle ciblée plutôt que de vendre
au plus grand nombre un produit
standard. Soit le produit se vend et
cela continue, soit la vente cesse. Un
second point, c’est la satisfaction du
client que nous recherchons avant
tout. Après avoir fait ma carrière
dans le management, notamment à
Spiral Solutions, je me suis efforcé
d’amener ce service à un niveau d’excellence. Nous souhaitons avant tout
offrir du bien-être à nos clients, les
soulager, d’accéder à leur demande.
Cela passe d’abord par une réponse
très rapide : 3 minutes au téléphone
pendant les jours ouvrés, et 15 minutes
sur Facebook. De plus, notre service
est le seul en France à rappeler tous
les clients qui nous ont contactés la
nuit ou le week-end. Nous sommes
récompensés par le classement de
Trustpilot, site totalement indépendant d’évaluation de la satisfaction
client, qui nous attribue la note de
8,9 sur 10 pour 3 300 avis.
Pouvez-vous nous préciser le
positionnement de Bioloka par
rapport à ses concurrents ?
En réalité, Bioloka est seule sur le
créneau haut de gamme des produits
de bien-être. La qualité de sa relation
au client est au centre de son
positionnement. Tous nos produits
(1) www.lesmauxdedos.com
Samuel Levine-Parisi
Autodidacte, Samuel Levine-Parisi, a acquis une solide expérience dans le management en intégrant Spiral Solutions en
2008, d’abord comme chargé de clientèle, puis comme team Leader. Il
poursuit sa carrière en tant que responsable, pour l’Europe, de la vente
en ligne des produits Moleac. Lorsqu’il entre à Bioloka, c’est tout
d’abord comme chargé des opérations. Il va rapidement s’imposer à la
tête de l’entreprise et lui permettre de décupler son chiffre d’affaires et
d’être numéro 1 de son secteur dans les pays francophones.
64
©DR
P
comportent la mention « satisfait ou
remboursé à 30 jours », c’est très
rare dans le E-commerce. Forts de
ses 200 000 ventes, Bioloka est
leader sur son secteur.
Comment fonctionne votre réseau de
distribution ?
Tout ce qui concerne la vente sur
Internet est traité directement par
Bioloka. Nos produits, Le Champ
de fleurs en tête, sont disponibles
uniquement dans des boutiques spécialisées. En Suisse, pays porteur sur
notre offre, deux enseignes importantes, La Boutique du dos et Le
Confort du dos, sont des partenaires
Success Story, une belle réussite
de choix. Nous envisageons d’ouvrir
prochainement un magasin à Paris
dédié à nos produits. Ce sera un
magasin d’un genre nouveau puisqu’il sera positionné bien-être plutôt
que paramédical.
Quel est votre modèle de management ?
Nous avons une petite équipe, mais
chacun est polyvalent et peut gérer
des partenariats avec des distributeurs comme des relances commerciales. Chaque lundi, nous tenons
réunion, où chacun expose ses idées,
étudiées soigneusement. Puis, nous
votons à main levée. À Bioloka, les
collaborations sont transversales et
les décisions collégiales.
Qu’en est-il de votre stratégie
marketing ?
Nous privilégions un marketing ciblé,
comme en témoigne notre partenariat avec Passeport santé pour un
mois. Nous utilisons les ressources
classiques du Web : retargeting,
articles sponsorisés... Nous avons
créé notre propre régie marketing,
Strategic Media Marketing, et nous
avons réuni deux sociétés Outbrain et
Criteo pour l’acquisition et le retargeting. En matière de communication,
nous sommes en recherche constante d’innovation. Par exemple, nous
allons bientôt mettre en ligne des
vidéos 3D anatomique montrant
comment nos produits soulagent,
puis des vidéos interactives.
Mais la satisfaction des usagers est
la meilleure des publicités. Le champ
de fleurs fait l’objet de vidéos, de
nombreux articles de blogs, de
recommandations auprès de professionnels de la santé, d’avis positifs
sur des forums spécialisés, etc.
Enfin, nous avons noué des partenariats ; avec Daniel Narcisse, le
handballeur français le plus titré,
nous avons en projet un site consacré
au sport.
Les ingrédients du succès
La société Bioloka a connu une progression rapide en
s’appuyant sur trois éléments essentiels mis en place par
Samuel Levine-Parisi :
• un service client de très haut niveau, récompensé par un classement de 8,9/10 chez Trustpilot ;
• une communication ciblée et extrêmement efficace gérée par
SMMC (Strategic Media Marketing), une régie publicitaire spécialement créée à cette intention ;
• des partenariats stratégiques : Criteo, Outbrain, Ligatus et
Médiveille ainsi que le célèbre handballeur français Daniel
Narcisse, véritable ambassadeur de la marque.
La Hollande, pays très connecté, est
très en avance sur la France en
E-commerce. Plus tard, en 2018,
nous allons nous implanter aux
États-Unis, à l’aide de partenaires et
d’investisseurs locaux.
Sur le plan personnel, qu’est-ce qui
vous motive dans cette grande aventure qu’est aujourd’hui la conduite
d’une entreprise ?
Ma motivation est simple : rendre la
confiance que l’on m’a confiée au
centuple. Il est rare, de nos jours, de
donner la chance à un autodidacte
et c’est un honneur pour moi de
manager Bioloka vers de nouveaux
sommets. À mes yeux, la conduite
d’une société doit être basée sur
un principe simple, mais très efficace : l’autocritique. C’est un principe
essentiel de mon expérience au
sein de Tsahal (Armée de défense
d’Israël) que j’applique au quotidien.
Il permet surtout de se rappeler qu’il
est toujours possible de mieux faire,
voire de changer complètement
d’approche le cas échéant.
Cela permet de rester alerte aux
besoins existants ou futurs de la
compagnie et de toujours garder la
tête sur les épaules en tant que
leader.
La réussite qui a été là très tôt ne vous
a pas rien fait perdre de votre
dynamisme...
Bien au contraire ! Elle nous invite à
aller de l’avant. Nous savourons
notre place de numéro 1, l’important,
c’est de le rester.
©DR
Quels sont vos axes de développement ?
En 2017, notre priorité, c’est à la fois
l’Allemagne et la Hollande. Notre
chiffre d’affaires en Allemagne a
doublé, mais c’est un marché de
80 millions de personnes dotées d’un
bon pouvoir d’achat, nous avons donc
une grande marge de progression.
C’est un marché exigeant.
TERRITOIRES
La banane, un des fers de
lance de l’économie ultramarine
L'agriculture des départements d’Outre-mer est dominée par deux productions - la banane et la canne
à sucre - principalement orientées vers l'exportation. La filière banane a vu sa production augmenter
de plus de 6 % par an depuis 2007.
istoriquement orientée vers l’exportation, la production agricole
des départements d’Outre-mer
est centrée sur la culture de la banane,
de la canne, de la vanille, des plantes
à parfum ou encore de l'ananas. Mais
si le climat de ces régions favorise la
croissance de la végétation, il constitue
également la source de la multiplication d’organismes nuisibles qui
nécessitent des méthodes de production
et des techniques de lutte adaptées
au développement durable. Ces
territoires sont également soumis à
des aléas climatiques parfois violents
qui ont régulièrement des effets
dévastateurs sur les récoltes. Parmi
les autres facteurs à prendre en compte:
des zones de densité de population
élevée et une urbanisation croissante
qui tend à réduire la surface agricole.
Par ailleurs, l’analyse du secteur doit
être replacée dans un contexte social
spécifique aux territoires ultramarins et caractérisé par une forte
croissance de la population, et
surtout par un taux de chômage, en
particulier des jeunes, nettement
supérieur à celui observé en métropole. La préservation de l'emploi
agricole constitue donc un impératif
©Frida&Diego - Fotolia.com
H
pour l'économie toute entière de ces
départements.
La filière banane
Produite dans les cinq départements
ultramarins, la banane constitue
l'une des principales ressources
économiques de la Guadeloupe et
de la Martinique. Son exportation
contribue à une part importante des
flux commerciaux vers la partie
continentale de l'Union européenne.
Entre 98 et 99 % de la production
de banane de Guadeloupe et de
Martinique commercialisée est destinée à l’export, avec pour principaux
marchés la métropole (75 % des
volumes) et les autres pays européens, en particulier l’Allemagne.
La filière est aujourd’hui le premier
employeur privé de Guadeloupe et de
Martinique. En 2012, elle a achevé
sa structuration en fédérant les
planteurs au sein d’une organisation
de producteurs (OP) par DOM : en
Guadeloupe : la SICA LPG « Les
producteurs de Guadeloupe », créée
en 2006 ; en Martinique : la SICA
Banamart, créée en 2004, qui a
intégré en son sein, à compter du
1er janvier 2012, la SICA Banalliance,
DES AIDES EUROPÉENNES SPÉCIFIQUES
Les DOM bénéficient d’un programme spécifique européen, le Programme d’Options Spécifiques à
l’Eloignement et à l’Insularité des Départements français d’Outre-Mer (POSEIDOM), mis en oeuvre
depuis 1991.
Ce programme regroupe des mesures permettant d’aider à l’approvisionnement de matières premières
agricoles non produites localement et de favoriser les productions agricoles locales.
Plus particulièrement, le programme POSEI vise :
• Par le volet Régime Spécifique d’Approvisionnement (RSA), à compenser l’éloignement géographique pour
certains approvisionnements nécessaires à l’alimentation animale, aux industries agroalimentaires et à
l’alimentation humaine ;
• Par le volet Mesures en Faveur des Productions Agricoles locales (MFPA), à maintenir et soutenir
l’agriculture locale et à aider à sa structuration et à sa diversification.
o Filière animale (MFPA-A)
o Filière végétale (MFPA-B)
o Filière canne-sucre-rhum (MFPA-C)
Concrètement, le programme POSEI France propose un dispositif d’aides financières découlant d’une
adaptation de la politique agricole commune de l’Union européenne aux départements d’Outre-mer.
66
©Fotobieshutterherb - Fotolia.com
Territoires
créée en 1997. Quant à la commercialisation de la production, elle
e s t a s s u ré e p a r l’ U n i o n d e s
Groupements de Producteurs de
Bananes de Guadeloupe et de
Martinique (UGPBAN), qui fédère
depuis 2003 l’ensemble des organisations de producteurs de bananes
des Antilles françaises.
Entre 2007 et 2014, la production
commercialisée a bénéficié d’une
forte hausse (+ 6,4 % par an) : on
peut expliquer ces résultats par
l’augmentation des surfaces plantées (+ 1, 4 % par an) mais surtout
par celle des rendements : globalement, le rendement moyen était de
33 t/ha planté (hors jachère), avec un
record historique de 35,1 t/ha en
Guadeloupe en 2014. Cette tendance
s’accompagne d’une baisse du nombre des exploitations ainsi que de
l’accroissement de leur taille moyenne (+ 3 % par an depuis 2007).
Enfin, le développement de la
cercosporiose noire, ou maladie
des raies noires, détectée en 2010
en Martinique et en janvier 2012 en
Guadeloupe, a nécessité la mise en
place d’un dispositif de surveillance
et de traitements adaptés homologués au niveau européen, qui se
traduisent en particulier par l’interdiction du traitement aérien.
La filière canne-sucre-rhum
La filière canne constitue l’un des
principaux piliers de l’économie agricole des départements d’Outre-mer
(hors Mayotte) : elle est le garant du
maintien de l’emploi et ses unités
industrielles maillent ces territoires.
Par ailleurs, elle joue un rôle crucial
en matière de développement durable : les cultures de canne protègent
les sols contre l’érosion ; elles
préservent l’environnement grâce à
un usage restreint des intrants ;
enfin, elles servent d’approvisionnement pour les énergies renouvelable
(bagasse pour les centrales à
charbon) et les bioénergies (méthane
et à terme, production directe
d’électricité).
La production, après une baisse
continue depuis 2010, est repartie à
la hausse en 2014 (+ 8,5 % par
rapport à 2013) pour atteindre
2 607 451 tonnes. La production globale de sucre de 257 654 tonnes
(équivalent sucre blanc), principalement basée à La Réunion (80 % de la
production totale), augmente en 2014
(+ 6,0 %) mais après avoir atteint en
2013 son niveau le plus bas depuis
2006. La production totale de rhum
est à la hausse mais c’est surtout la
production de rhum agricole qui est
en forte augmentation (+ 12,1 % par
rapport à 2013) pour atteindre le
niveau historique de 114 785 HAP
depuis 2006.
Le plan Ambition DOM 2020
Les filières banane, canne-sucrerhum, élevage et cultures de diversification ont adopté, fin 2015, leurs
projets de filières à l’horizon 2020. Le
plan Ambition DOM 2020 dresse un
état des lieux de chaque filière, en
précisant ses atouts et ses faiblesses,
notamment en matière d’agro-écologie et en déterminant les enjeux
partagés de l’amont à l’aval. Les
projets de filières définissent des
objectifs portant, en particulier, sur
la compétitivité des produits des
Outre-mer sur les marchés locaux et
internationaux et sur la performance
économique, sociale et environnementale des entreprises ultramarines. Ces projets, qui viennent consolider les ambitions du Ministère de
l'agriculture, de l'agroalimentaire et
de la forêt pour les Outre-mer, fixent
des cadres d'intervention destinés
à être déclinés par chaque filière et
dans chaque territoire sous forme de
plans d'actions. Leur suivi et leur
évaluation seront effectués dans le
cadre des comités sectoriels de
l'Office de développement de l'économie agricole d'Outre-mer : créé
en 1984, l'ODEADOM est chargé de
l ' a cco m p a g n e m e n t d u m o n d e
agricole ultramarin dans son
développement durable, en étroite
concertation avec les professionnels.
L’Office est le principal organisme
payeur des aides communautaires
du premier pilier de la Politique
agricole commune en faveur de
l’agriculture des DOM. Son Conseil
d’administration arrête les priorités
d’action pour la mise en œuvre des
projets de développement agricole
visant à renforcer la structuration
des filières, afin de contribuer au
développement endogène des productions agricoles ultramarines.
67
TERRITOIRES
La Banane Française cultivée
en Guadeloupe & Martinique
Les 650 producteurs de bananes de Guadeloupe et Martinique se mobilisent tout au long de l’année
pour proposer un fruit unique par son terroir et son mode de production issu de l’agriculture durable.
La mission principale de l’IT2 est de
mettre au point, avec le CIRAD, des
innovations permettant une meilleure
protection des écosystèmes et une
meilleure qualité visant à l’amélioration et la valorisation de la production agricole de Guadeloupe &
Martinique, tant pour la banane que
pour les autres filières végétales.
La collaboration entre l’IT2, le CIRAD
et les groupements de producteurs,
au sein du Plan Banane Durable,
constitue un exemple unique
au monde de coopération
La filière en chiffres
270 000 tonnes de bananes commercialisées dont 200 000 T
sur le marché français.
650 producteurs en exploitations familiales avec des superficies
moyennes de 13 hectares.
2 Groupements de producteurs assurant 100% de la production de
bananes des Antilles :
• Banamart en Martinique (420 producteurs)
• LPG en Guadeloupe (230 producteurs)
8 500 hectares cultivés
1er employeur privé des deux îles
80 % des emplois agricoles en Martinique / 50 % en Guadeloupe.
6 000 emplois directs / 10 000 indirects
1 ligne maritime dédiée qui par l’effet du fret retour garantit à la
Guadeloupe et à la Martinique un approvisionnement indispensable
et régulier.
La filière française de banane est la seule au monde à appliquer le
droit social, économique, environnemental et sanitaire, français et
européen.
Ce qui implique :
• Un revenu minimum pour les salariés ;
• La protection sociale (Convention collective et retraites complémentaires) ;
• Les droits syndicaux ;
• La formation professionnelle ;
• Le respect des normes sanitaires et environnementales communautaires.
scientifique, sur les problématiques
des cultures en zones intertropicales
au niveau régional et international.
Des résultats qualifiés d’exemplaires
par les pouvoirs publics : en effet, la
diminution de 50% de l’utilisation de
©UGPBAN
Une filière durable et responsable
La mise en place par la filière du
Plan Banane Durable 1 (2008 –
2014), avec l’aide des pouvoirs
publics, a été un véritable coup
d’accélérateur pour une culture
responsable de la banane. Il a considérablement renforcé la capacité
d’innovation des producteurs par la
création de l’IT2 (Institut Technique
Tropical) et la collaboration avec le
Cirad (Centre de Coopération International en Recherche Agronomique
pour le Développement).
produits phytosanitaires de 2006 à
2012 place la filière à l’avant-garde
du plan « ECOPHYTO » du Grenelle
de l’environnement, qui ne prévoit
maintenant cette réduction qu’à
l’horizon 2025 pour les autres
cultures.
Ainsi, le développement des techniques alternatives aux traitements
phytosanitaires a permis de généraliser
les bonnes pratiques culturales
(piégeage des insectes avec des phéromones, mise en place de systèmes
comme les plantes de couverture
aux pieds des bananiers, rotations
culturales avec la canne à sucre par
exemple, jachères pour faire reposer
les sols, utilisation de plants sains
exempts de maladies pour les
replantations).
69
©UGPBAN
TERRITOIRES
• Renforcer la performance économique de la filière face au dumping
social et environnemental de la
concurrence internationale.
• Assurer une maîtrise durable des
bio-agresseurs (maladies, ravageurs) en continuant de mettre
au point des méthodes alternatives à l’utilisation des pesticides,
en collaboration avec le CIRAD
et l’Institut Technique Tropical
(IT2).
©UGPBAN
Une filière organisée et innovante
Depuis 2003, la filière Banane de
Guadeloupe & Martinique s’est
regroupée au sein de l’Union des
Groupements des Producteurs
de Bananes de Guadeloupe &
Martinique (UGPBAN).
En 2008, les producteurs de Bananes
de Guadeloupe & Martinique ont
70
également racheté Fruidor, le
premier réseau de mûrisseries de
France, se dotant ainsi d’un outil qui
leur garantit une maitrise commerciale indispensable.
La filière contrôle donc l’ensemble
de la chaîne : de la production à la
distribution, elle est reconnue
aujourd’hui, comme l’une des filières
agricoles les plus innovantes et les
mieux organisées d’Europe.
Elle travaille aussi à la recherche
variétale et avec l’IT2 et le CIRAD, elle
a créé la plus grande plate-forme de
sélection variétale au monde.
La banane CIRAD 925, une variété
développée par hybridation naturelle,
plus résistante aux maladies du
bananier et à la Cercosporiose noire
notamment, est l’un des projets
prometteurs de cette plateforme de
recherche.
©UGPBAN
Fort de ces avancées en matière
environnementale, la filière Banane
de Guadeloupe & Martinique réaffirme son engagement pour une
agriculture durable en lançant en
2015, le Plan Banane Durable II.
Les objectifs de ce plan, sont les
suivants :
©BHT+2000 - Fotolia.com
L’ÉNERGIE, SECTEUR PÉTROLIER ET GAZIER
Pétrole et gaz, des énergies
compétitives
Tout en accroissant sa compétitivité, le secteur des énergies fossiles (pétrole et gaz) doit relever des
enjeux écologiques et financiers.
i nous sommes actuellement dans
un contexte de baisse du cours
du baril, lié à une demande atone
et à la montée en puissance du gaz de
schiste, les prévisions à moyen et long
termes sont mieux orientées.
Selon IFP Energies nouvelles (1), « le
contexte énergétique à l’horizon
2030 sera marqué à la fois par une
augmentation forte de la demande en
produits pétroliers, due notamment
à la croissance de la mobilité dans
les pays émergents, et par une augmentation de la part des pétroles
lourds dans l’approvisionnement en
brut des raffineries. À plus court
terme, l’industrie du raffinage devra
être capable de produire des carburants répondant à des spécifications
de plus en plus sévères, de répondre
au déséquilibre gazole/essence, et
faire face aux bouleversements
induits par la montée en puissance
du pétrole et du gaz de schiste aux
États-Unis, qui pourrait à l’avenir
modifier en profondeur les équilibres
en termes d’importation et d’exportation de produits comme l’essence
ou le gazole ».
Même scénario pour le groupe Total,
une des plus grandes entreprises
pétrolières et gazières au niveau
mondial : en 2035, la demande
S
énergétique dans le monde devrait
être supérieure de 35 % à son niveau
de l'année 2010. L'entreprise souhaite limiter l'impact de ses activités sur
l'environnement, notamment en prévenant les pollutions accidentelles,
en réduisant le volume des déchets
et en préservant la qualité de l'air et
de l'eau.
En 2014, la production de gaz de Total
a dépassé en volume celle de pétrole : cette énergie, qui émet deux fois
moins de dioxyde de carbone que le
charbon est en effet plébiscitée par
le groupe dans le cadre de sa politique environnementale. En 2014,
Total produisait du gaz dans 26 pays
fort notamment de 6 filiales de commercialisation en Europe.
Transporter le pétrole et le gaz
Les origines du transport du pétrole
par oléoduc ou pipeline remontent au
19ème siècle : c'est en effet en 1865,
aux États-Unis, qu'une conduite pour
l'évacuation de la production d'un
gisement a été utilisée pour la première fois.
Le pétrole est surtout acheminé par
des oléoducs par voie terrestre et par
des navires par voie maritime.
Amené du site de production
jusqu'aux raffineries afin d'être
transformé, il est ensuite acheminé
vers les lieux de consommation.
Le pétrole circule assez lentement
(environ 7 kilomètres par heure) à
l'intérieur des oléoducs, composés
de tronçons soudés et contrôlés par
rayons gamma.
Afin de préserver l'environnement, la
prévention des fuites est un enjeu
majeur : on peut les détecter suite à
une brusque chute de pression ; il
faut alors stopper le flux de pétrole
dans les stations de pompage.
Afin d'éviter la corrosion des tuyaux
due au dioxyde de carbone et à
l'hydrogène sulfuré, la maintenance
des infrastructures est primordiale.
C'est d'autant plus le cas en Sibérie,
compte tenu du climat.
Le plus long oléoduc au monde est
celui de Druzhba (Amitié en Russe)
avec 5327 kilomètres : il traverse huit
pays : Russie, Biélorussie, Ukraine,
Pologne, Allemagne, République
tchèque, Hongrie et Slovaquie. Vient
ensuite celui de Bakou-TbilissiCeyhan (BTC), avec environ 1700
kilomètres, entre les mers Caspienne
et Méditerranée. De son côté, le
trans-Alaska (TAPS), s'étend sur
1300 kilomètres du nord de l'Alaska
jusqu'au port de Valdez en Alaska.
71
©Berkut 34 - Fotolia.com
L’ÉNERGIE, SECTEUR PÉTROLIER ET GAZIER
Le gaz est quant à lui acheminé par
des gazoducs depuis la zone
d ' ex t ra c t i o n j u s q u ' a u l i e u d e
consommation. Il peut atteindre
jusqu'à 40 kilomètres heure. Souvent
enterrés, les gazoducs peuvent également être construits sous la mer.
La création du premier gazoduc date
de 1891 aux États-Unis. Cette méthode
de transport s'est développée à
partir des années 1960 grâce à
l'évolution des techniques de
métallurgie. Les spécialistes estiment
qu'à ce jour, un million de kilomètres
de gazoducs a été mis en place sur
la planète, après d'importants investissements.
Une autre méthode d'acheminement
est possible ; le gaz naturel liquéfié
(GNL) est transporté à bord de
navires méthaniers.
Spiecapag est l'un des leaders
mondiaux du secteur des pipelines
et d'infrastructures, principalement
dans le domaine du pétrole et de gaz.
Parmi ses chantiers internationaux,
le pipeline Angola LNG ProjectNearshore & Onshore Pipelines, a
été achevé en septembre 2011. La
société a également été chargée du
projet de pipeline SEA Gas en
Australie pour transporter du gaz des
champs d’Iona et Minerva jusqu'à
à Adélaïde. Les travaux ont été
terminés en décembre 2003 ; le
projet a reçu le prix d’Excellence en
Ingénierie en 2005.
Des enjeux stratégiques majeurs
Si les technologies utilisées en
exploration-production sont de plus
en plus pointues, la recherche
permet aussi de limiter l'empreinte
écologique des ouvrages de transport
du gaz et du pétrole. Car dans ce
domaine, la pression des opinions
publiques est forte. Certains projets
rencontrent des obstacles politiques,
à l'image de l'oléoduc Keystone XL.
Il s'agissait de transporter le pétrole
issu des sables bitumineux de la
Province d'Alberta au Canada
jusqu'aux Etats-Unis. Après le veto du
président américain Barack Obama,
ce projet a été abandonné en novembre 2015. Plusieurs associations
écologistes avaient souligné ses
risques pour l'environnement.
L'approvisionnement en gaz est aussi
une question stratégique : on peut
évoquer ici la volonté des pays européens de réduire leur dépendance à
l'égard du gaz russe.
(1) C'est le nouveau nom de l'Institut Français du Pétrole (IFP)
Sources : www.connaissancedesenergies.org ; Planète Energies ; Total ; Spiecapag ; IFP Energies nouvelles
72
L’énergie, secteur pétrolier et gazier
Pétrole : les majors s’adaptent
Acteurs incontournables de l’industrie pétrolière, les cinq « majors » figurent parmi les principales
entreprises mondiales. Comment s’adaptent-elles à la chute des cours ?
P
LES CINQ MAJORS
• Royal Dutch/Shell : compagnie anglo-néerlandaise née de
la fusion entre Shell et Royal Dutch ;
• Exxon Mobil : compagnie américaine issue de la fusion entre Exxon
et Mobil ;
• BP : compagnie britannique née de la fusion entre British
Petroleum et Amoco ;
• Chevron : compagnie américaine créée par fusion entre Chevron
(ex-Socal) et Texaco ;
• Total : compagnie française provenant de la fusion entre Total, Fina
et Elf.
développement des pays sous-développés. À l'origine, seuls cinq Etats
étaient membres de l’Opep : l'Arabie
Saoudite, l'Iran, l'Irak, le Koweït et le
Venezuela. Ils furent rejoints par le
Qatar, l’Indonésie, la Lybie, Abou Dabi,
les Emirats Arabes Unis, l’Algérie, le
Nigeria, l’Equateur, le Gabon puis
l’Angola, certains d’entre eux s’étant
depuis retirés. Par un effort coordonné,
(système de quotas de productions)
ses membres s’accordent sur la
quantité de pétrole exporté, ce qui
influence le prix du marché. L'Opep
assure aujourd’hui un peu plus de
40 % de la production mondiale, mais
elle contrôle plus de 70 % des
réserves prouvées de la planète.
Depuis plus d’un an, la forte
augmentation de la production
américaine du pétrole non conven-
tionnel dit « de schiste » couplée au
refus de l’Arabie Saoudite de réduire
sa production, a entraîné une forte
augmentation de l’offre, tandis que la
demande stagnait. En 2015, le prix du
baril de Brent de la Mer du Nord, qui
sert de référence mondiale, a perdu
47 % par rapport à 2014. Les majors
ont donc vu leurs résultats chuter.
Chevron a enregistré sa première
perte trimestrielle en 13 ans ; les
profits d’Exxon Mobil ont été réduits
de moitié ; Shell a quant à lui vu son
bénéfice net divisé par plus de sept
tandis que Total annonçait un
résultat 2015 en repli de 20 %... Pour
résister à cette crise, les majors
continuent à réduire leurs dépenses,
à commencer par les investissements,
et à amplifier les suppressions
d’emplois.
©Weerasak - Fotolia.com
résentes sur tous les continents,
elles ont été créées entre la
fin du XIXème et le début du XXème
siècle. Exxon, Shell, BP, Mobil,
Chevron, Gulf et Texaco se partagent
alors l’exploitation des ressources
pétrolières mondiales et s’organisent,
dès 1928, sous la forme d’un cartel :
on les nommera les « sept sœurs ».
Jusque dans les années 50-70, elles
auront les pleins pouvoirs sur le cours
du pétrole et imposeront leurs prix aux
pays producteurs. Au terme d’importantes opérations de fusion intervenues ces vingt dernières années, elles
ne sont plus aujourd’hui que cinq.
Née le 14 septembre 1960 lors de la
Conférence de Bagdad, principalement à l’initiative de l’Iran et du
Venezuela, l'Organisation des pays
exportateurs de pétrole (Opep) - ou
Organization of Petroleum Exporting
Countries (Opec) - est une organisation
intergouvernementale de pays créée
pour permettre aux principaux pays
producteurs de se regrouper afin
d’influer sur le cours du pétrole ;
s’appuyant sur une politique de
nationalisation, cette prise de contrôle leur permit d’augmenter leurs
revenus. L’idée était également de
faire en sorte que les bénéfices liés au
commerce réglementé du pétrole
soient consacrés en majorité au
L’ÉNERGIE, SECTEUR PÉTROLIER ET GAZIER
Entrepose-Spiecapag :
spécialistes des projets complexes
©DR
Jacquelin de LA PORTE DES VAUX, Directeur Commercial EPC Onshore d’Entrepose
P
À travers ses deux marques Entrepose Contracting et Spiecapag, Entrepose, filiale
du groupe Vinci, est un acteur mondial des infrastructures pétrolières et gazières
onshore et de l’installation des pipelines terrestres en environnement difficile. Il
s’appuie sur ses ressources en ingénierie, fabrication et construction, sur son expertise
en management de projet et sur sa maîtrise dans le domaine de la logistique et des
approvisionnements pour concevoir et réaliser clés en main les projets les plus
complexes.
©DR
ouvez-vous nous rappeler quel est
votre cœur de métier ?
L’activité EPC Onshore du Groupe
Entrepose regroupe essentiellement
les activités de Spiecapag et celles
d’Entrepose Contracting qui représentent environ 80 % du chiffre
d’affaires du groupe. Le groupe a
récemment adapté son organisation
afin de bénéficier au mieux des
synergies entre ces deux sociétés,
toutes deux acteurs majeurs dans les
projets EPC du secteur Pétrole et
Gaz.
Spiecapag et Entrepose Contracting
proposent des solutions « clés en
main » incluant le management de
projet, la recherche de financement,
la conception et l’ingénierie, les
études, les achats, la construction, la
mise en service, la maintenance et
l’opération des ouvrages et la formation des opérateurs ou tout simplement le "clés en main".
Spécialistes des projets complexes,
leurs références démontrent une
expérience unique avec des projets
phares du secteur et des réalisations
phares dans des pays accédant à
l’économie pétrole et gaz.
Plus spécifiquement, Spiecapag est
l’une des premières entreprises
mondiales de pose de pipelines
terrestres et d’infrastructures associées et réalise des projets complexes dans le secteur pétrole et gaz
ainsi que des réseaux d’adduction
d’eau ou de transport de minerais.
Entrepose Contracting est un acteur
mondial reconnu dans la réalisation
clés en main d’infrastructures pétrolières et gazières terrestres.
L e u r a d o s s e m e n t a u G ro u p e
Entrepose et à Vinci, premier groupe
mondial de concessions et de construction, leur offre non seulement
une stabilité et une solidité financière mais est aussi un facteur de
confiance permettant d’affronter les
projets les plus ambitieux.
Spiecapag se définit comme un
« spécialiste des projets difficiles ».
Pouvez-vous nous en donner quelques
exemples ?
L’histoire du Groupe Entrepose est
jalonnée de grands projets « clé en
main » réalisés pour les plus grands
donneurs d’ordres du secteur.
A ce titre deux projets récents sont
emblématiques de la capacité
d e S p i e c a p a g e t d ’ E n t re p o s e
Contracting à réaliser des projets
complexes de plusieurs centaines de
millions d’euros dans des conditions
extrêmes.
• Livraison clés en main en 2014
d’un projet de plus d’un milliard
d’euros comprenant un réseau terrestre de pipelines et infrastructures associées d'environ 465 km en
Papouasie Nouvelle-Guinée pour le
compte d’un Groupement piloté par
ExxonMobil. Un projet dans un
75
©DR
environnement vierge sans infrastructure existantes allant des
basses terres et des zones marécageuses jusqu’aux champs gaziers
situés à une altitude de 2 800 m
au-dessus du niveau de la mer,
nécessitant la mobilisation de plus
de 3 000 employés en période de
pointe et un investissement de plus
de 100 millions d’euros pour des
équipements spécialisés.
• Yamal LNG, chantier de l’extrême.
En mai 2013, Entrepose
Contracting et Vinci Construction
Grands Projets ont remporté
auprès de JSC Yamal LNG - groupement constitué de Novatek
(60 %), Total (20 %) et CNPC (20 %) un contrat d’un milliard de dollars
pour la réalisation de l’ingénierie,
de la fourniture des équipements,
de l’approvisionnement, de la construction et de la mise en service de
quatre réservoirs cryogéniques à
intégrité totale d’une capacité unitaire de 160 000 mètres cubes. Ces
ouvrages, destinés au stockage de
gaz naturel liquéfié (GNL) comportent une cuve interne en acier à 9 %
Nickel et une cuve externe en béton
p ré c o n t r a i n t ( p ré c o n t r a i n t e
Freyssinet). Situé sur le champ
gazier de South Tambey, dans la
péninsule de Yamal (Fédération de
Russie), une région isolée de
Sibérie prisonnière des glaces neuf
mois par an, le projet a nécessité la
mise en place d’une organisation
logistique exceptionnelle pour
garantir l’acheminement des matériels et matériaux par la mer et
conduit le groupement à adopter
76
des solutions techniques innovantes à l’image des fondations
thermostabilisées des réservoirs
spécialement conçues pour le
permafrost. Les deux premiers
réservoirs doivent être livrés fin
2016, le troisième en 2017 et le
dernier en 2018.
Quelles sont les valeurs sur lesquelles s’appuie la réussite de ces grands
projets ?
La première de ces valeurs est la
sécurité qui se situe au cœur de
toutes nos actions. Et nos résultats
dans ce domaine, que nous continuons
sans cesse à essayer d’améliorer,
nous permettent depuis de longues
années de travailler régulièrement
pour les grands donneurs d’ordres
du secteur pétrolier dont le niveau
d’exigence en termes de sécurité fait
de cette industrie l’un si ce n’est le
leader dans le domaine.
La réussite des grands projets
nécessite évidemment la maîtrise de
la sécurité, mais aussi de la qualité
et de la protection de l’environnement. Nos engagements dans ces
domaines sont reconnus par nos
certifications ISO 9001:2008, ISO
14001:2004 et OHSAS 18001:2007
Nous adhérons à la devise du Groupe
Vinci à savoir que « les vraies réussites sont celles que l’on partage ».
A ce titre nous œuvrons avec une
conscience forte de notre responsabilité sociétale envers tous les
acteurs d’un projet et nos pratiques
sont évaluées en accord avec les
recommandations de l’ISO 26000.
A ce titre Spiecapag a obtenu niveau
« Confirmé » ou le 3ème niveau sur 4.
Nos projets nous emmènent généralement dans des endroits les plus
retirés du monde et nous sommes
bien conscients de notre responsabilité sociétale. Fort de notre expérience acquise au fil des projets, nous
savons prendre en compte les
intérêts de toutes les parties prenantes, facteur essentiel de notre croissance et de notre succès durable.
Pouvez-vous nous faire part de votre
analyse concernant l’avenir de l’industrie pétrolière et l’adaptation de
votre entreprise à ces évolutions ?
La chute brutale du prix du baril de
pétrole et son maintien à un niveau
bas affecte l’ensemble de l’industrie
P é t ro le e t G a z . M a i s m a l g ré
ce contexte difficile, le groupe
Entrepose maintient ses ambitions
de développement. En particulier, il
ajuste son organisation commerciale
afin de favoriser les synergies dans
le domaine des grands projets
terrestres et faire bénéficier cette
activité de la connaissance combinée
des entités concernées – Spiecapag
et Entrepose Contracting – des
clients et/ou des pays suivis par le
Groupe.
Face à une situation compliquée, le
Groupe Entrepose s’attache à
renforcer ses positions dans ses
zones de prédilection comme notamment l’Afrique, mais envisage
également de s’implanter dans de
nouveaux territoires à l’occasion de
projets en cours comme au Mexique
ou en Russie.
STRATÉGIES ET MARCHÉS INTERNATIONAUX
AirBusiness Academy,
un accompagnement sur mesure des
acteurs du secteur aéronautique
Destinée à l’origine à former les équipes commerciales du constructeur aéronautique,
AirBusiness Academy a depuis élargi son périmètre d’action. L’académie, devenue
depuis filiale du Groupe Airbus, contribue au développement des acteurs impliqués
dans la chaîne de valeur du groupe. Entretien avec la directrice de l’académie, Michèle
Oberto.
©DR
©DR
Michèle OBERTO, Directrice d’AirBusiness Academy*
ée en 1992, AirBusiness
Academy est devenue en 2010
une filiale du groupe Airbus.
Pouvez-vous revenir sur cette belle
aventure ?
Créée en 1992 par les partenaires
du système Airbus, l’association
Euresas avait pour mission de former
les équipes commerciales du GIE
Airbus et de compléter par des
formations « business » et « connaissance clients », les excellentes formations scientifiques reçues par les
ingénieurs diplômés des grandes
Ecoles. Au fil des années, cette
association a évoluée pour devenir,
en 2010, une filiale détenue à 100 %
par Airbus Commercial et en 2015,
une filiale du Groupe Airbus. Je suis
N
78
pour ma part arrivée à la tête d’Air
Business Academy en 2008 pour
m e t t re e n œ u v re u n p l a n d e
croissance reposant sur une offre
de solutions d’apprentissage et
d’accompagnements basés sur
l’expérimentation et le partage des
connaissances. De trois millions de
chiffres d’affaires en 2008 nous
sommes passés à un peu plus de
dix-neuf millions en 2015.
Des formations sont proposées aux
personnels appartenant à Airbus mais
aussi plus généralement à l’industrie
aéronautique, des fournisseurs aux
clients. Pouvez-vous nous expliquer
le contenu et l’objectif poursuivi par
les formateurs ?
La mission d’AirBusiness Academy
est de contribuer au développement
des acteurs impliqués dans la totalité
de la chaîne de valeur. Cela concerne
les employés d’Airbus mais aussi,
en amont, les employés de sociétés
contribuant à la Supply Chain et,
en aval, des sociétés clientes ou
utilisatrices, que sont les compagnies
aériennes, les MRO, les aéroports ou
les autorités. Dans cet objectif,
AirBusiness Academy développe et
dispense des solutions apprenantes
selon trois lignes de produit ayant
toutes une focalisation sur le management : le management des hommes, à commencer par son propre
management – formation, coaching
individuel – le management des équipes et le management des relations
interpersonnelles.
La deuxième partie consiste dans le
management des processus c’est-àdire de l’ensemble des disciplines qui
concourent à l’excellence opérationnelle, la Qualité, les Achats, le management de la Supply Chain, le Lean,
la Finance mais aussi le management de Projet.
Enfin, la stratégie et le financement
d’une compagnie aérienne, le management de la maintenance et l’engineering des produits, le management
des opérations et enfin le management de la Sécurité. Notre offre est
donc singulière car les compétences
que nous avons développées pour
accompagner la montée en compétences des salariés d’Airbus sont
proposées plus largement à l’ensemble des acteurs de la chaine de
©DR
Le siège de l’académie est à Blagnac,
près de Toulouse, mais AirBusiness
Academy travaille également avec de
nombreux consultants externes et des
équipes multiculturelles, est-ce là la
force des solutions dispensées ?
Nos consultants sont très expérimentés, capables de dispenser des
actions de formations existantes
(open courses) mais aussi de développer la meilleure solution pour
répondre à une problématique d’un
de nos clients.
Si le savoir est à présent facilement
accessible, sa mise en œuvre constitue l’enjeu majeur des organisations.
Aussi nous proposons des approches
qui permettent, sur une période très
courte, de un à cinq jours, de mettre
des personnes dans des conditions
d’expérimentation qui facilitent
et accélèrent l’appropriation de
nouvelles façons de faire. Ceci
permet de transformer rapidement
une connaissance en une compétence éprouvée. Ces expérimentations
peuvent prendre différentes formes,
études de cas, simulations, jeux,…,
l’enjeu étant aussi de rappeler le
plaisir d’apprendre et l’envie de le
faire de façon continue. Nos formations ne sont pas académiques.
Concernant les lieux de formations,
nous avons un peu moins de 25 % de
nos formations qui sont dispensées à
Blagnac, dans notre siège. Les 75 %
restants sont dispensées partout
sur la planète : Europe, Asie, Moyen
Orient, Amérique du Nord. Les
quelques cinq cent partenaires
scrupuleusement sélectionnés qui
délivrent nos produits sont eux
aussi répartis sur l’ensemble des
territoires au plus près de nos
clients.
Comment AirBusiness Academy
voit-elle évoluer ses activités à plus
ou moins long terme ?
Nos services sont appréciés de
notre maison-mère. Airbus nous
encourage à aller proposer nos
produits à l’extérieur. Nous avons
donc l’intention de continuer à faire
profiter nos clients de notre
expertise.
Ce qui nous intéresse véritablement,
c’est de développer le produit adapté
au besoin de notre client. Nous
proposons avant tout d’aider notre
client potentiel à faire lui-même
l’évaluation de ses faiblesses et de
ses forces.
Nous sommes ainsi dans une logique
d’accompagnement. Pour mener à
bien ces objectifs, nous avons à
l’étude au-delà de notre bureau en
Chine, l’ouverture de nouveaux
bureaux, en Asie Pacifique et en
Amérique du Nord.
*Interview réalisé en décembre 2015 avant le changement de direction.
©DR
valeur. C’est ce qui fait notre
spécificité. L’ensemble de ces
compétences sont effectivement
essentielles à la performance des
manageurs du secteur.
79
STRATÉGIES ET MARCHÉS INTERNATIONAUX
Didier PENABAYRE, Directeur général d’AirBusiness Academy
©Airbus S.A.S. 2010 - photo by em compagny/H. Goussé
Didier Penabayre a pris ses fonctions le 12 janvier
2016. Après un Diplôme Universitaire de Technologie
en Gestion des Entreprises et des Administrations,
obtenu à l'Université Paul Sabatier de Toulouse III, il
intègre l'École Supérieure des Sciences Informatiques
et Gestion d'Entreprise.
Dès 1988, il rejoint le groupe Airbus, et y occupe
plusieurs postes à responsabilités dans différentes
directions. Management, ressources humaines et
culture d'entreprise dominent. Aujourd'hui, à 49 ans,
appelé à la tête d'AirBusiness Academy, il met ainsi
son expérience et son expertise au service d'un groupe
dont il maîtrise parfaitement l'histoire et l'évolution,
les valeurs sociétales et les exigences économiques.
Rattaché à Thierry BARIL, Directeur des ressources
humaines de ce groupe, auquel il est lié depuis 28 années, Didier Penabayre s'est fixé un nouveau challenge, dans
lequel il se lance avec l'enthousiasme et le perfectionnisme qui lui sont propres.
www.airbusiness-academy.com
+33 (0) 5 62 12 11 00
80
©Rabbit75 - Fot - Fotolia.com
Réussir au Canada
Ottawa.
Ottawa.
STRATÉGIES ET MARCHÉS INTERNATIONAUX
CANADA
Des liens franco-canadiens
d'une intensité exceptionnelle
S.E. Nicolas CHAPUIS, Ambassadeur de France au Canada
©DR
Si les relations historiques, culturelles et politiques entre la France
et le Canada sont intenses, les deux économies sont complémentaires.
Le Canada exporte des matières premières, la France y développe
ses offres tertiaires, ses investissements directs.
e 2 avril 2015, vous évoquiez un
destin commun, une prospérité
partagée, des partenaires solidaires dans les épreuves entre le
Canada et la France. Pouvez-vous nous
en dire plus?
En tant que nation co-fondatrice avec
la Grande-Bretagne, la France dispose
de liens d’une densité exceptionnelle
avec le Canada. Depuis quatre
siècles, nos histoires sont si enchevêtrées qu’elles pourraient n’en
former qu’une, malgré la différence
de nos institutions politiques et la
disparité de nos réalités géographiques et économiques. Nul n’a
oublié les sacrifices des soldats
canadiens sur le sol français pendant
les deux conflits mondiaux ; nul
n’ignore non plus l’influence des
canadiens francophones dans la vitalité
de notre langue de par le monde.
Nous sommes partenaires au sein du
G7 et du G20, alliés au sein de l’OTAN,
nous travaillons ensemble au sein
des Nations Unies, avec des réalisations exemplaires : les textes sur
la responsabilité de protéger,
la convention de l’UNESCO sur la
L
82
protection et la promotion de la
diversité des expressions culturelles,
et tout récemment l’accord de Paris
sur le changement climatique dont le
Canada a facilité la négociation et
soutenu l’ambition. Tout ce qui
concerne la sécurité internationale et
le développement intéresse la coopération franco-canadienne. Cette solidarité s’est exprimée une nouvelle
fois avec force lors des attentats qui
ont frappé Paris à deux reprises en
2015 : massivement, les Canadiens –
francophones et anglophones – nous
ont témoigné leur sympathie et leur
disponibilité à nous aider dans ces
épreuves. Cousins par l’Histoire,
nous sommes aujourd’hui plus que
jamais membres d’une même famille
soudée dans la fidélité à des valeurs
partagées et disposée à œuvrer toujours plus de concert à la solution
des défis internationaux.
Vous avez aussi parlé d'un destin économique commun. Qu'en est-il des
échanges commerciaux entre la France
et le Canada aujourd'hui?
Ces échanges ont dépassé la barre
des dix milliards d’euros en 2012 et
sont aujourd’hui pratiquement équilibrés entre les deux pays, avec un
léger excédent en faveur de la France
(+ 75 millions d'euros sur l’année
2014) ; la complémentarité de nos
économies est évidente : le Canada
exporte ses matières premières,
nous y développons nos offres tertiaires,
tout en ayant des positions affirmées
dans les nouvelles technologies
(numérique, santé notamment) ;
nos expertises respectives dans
le domaine aéronautique et des
transports nous rapprochent également. La France est le 9ème investisseur étranger au Canada, son 9ème
fournisseur et son 10ème client ;
inversement, le Canada est le
31ème fournisseur et le 29ème client
de la France.
Les activités liées au tourisme
affichent une croissance également
dynamique, en particulier sur le plan
des services (transport aérien, voyages
touristiques) : en 2013, 1 million de
touristes canadiens ont visité la
France, et plus de 450 000 Français
sont allés au Canada. La France est
le troisième pays étranger visité par
les Canadiens (après les Etats-Unis
et le Royaume-Uni), mais le premier
pour la durée du séjour (11 jours en
moyenne).
Le ministre des affaires étrangères a
chargé M. Jean-Paul Herteman, l’ancien Président de Safran, d’être son
représentant spécial auprès du Canada
afin de donner, en étroite liaison avec
l’ambassade et les consulats généraux, une impulsion économique aux
relations économiques franco-canadiennes. Quel est spécifiquement votre
rôle dans cette mission?
En liaison étroite avec les administrations centrales, il me revient
d’informer le représentant spécial
sur l’évolution des échanges francocanadiens, de lui donner les éléments
d’appréciation sur les moyens
d’accomplir sa mission dans les
meilleures conditions et de lui proposer les rendez-vous correspondants.
Je suis secondé à cette fin par l’ensemble des acteurs de la diplomatie
économique française au Canada :
Canada
les consuls généraux, le service
économique régional, l’agence
Business France, la section Canada
des conseillers du commerce extérieur, et la chambre de commerce et
d’industrie française au Canada.
Quels en sont les trois axes prioritaires?
Le ministre des affaires étrangères
et du développement international a
fixé les trois axes qui suivent. Il s'agit
d'identifier les opportunités pour les
entreprises françaises liées aux
nouveaux enjeux (développement de
l'Ouest et du Nord du Canada, enjeux
économiques et technologiques liés
au dérèglement climatique) ; il s'agit
aussi de valoriser l'offre française en
matière d'infrastructures et services
pour le secteur minier, notamment à
travers un renforcement de la visibilité de cette offre lors des grands
salons professionnels du secteur ;
enfin, le but est de contribuer à
un renforcement des flux d'investissements industriels et financiers
canadiens vers la France.
Vous êtes Ambassadeur de France au
Canada depuis un peu moins d'une
année et vous vous êtes en outre donné
pour mission d'attirer les investissements des entreprises canadiennes,
en recul en France et en Europe depuis
quelques années. Qu'en est-il aujourd'hui?
Plus de 200 sociétés-mères canadiennes seraient présentes en
France, représentant plus de 21.000
emplois. Selon les statistiques de la
Banque de France relatives aux pays
d’origine ultime des investissements
directs étrangers en France à fin
2013, le Canada a investi 1,8 Mda en
France, soit 0,3 % du stock total des
IDE réalisés en France, ce qui le
place au 19ème rang des investisseurs
étrangers en France.
Si on observe depuis cinq ans une
relative faiblesse des investissements canadiens en France et en
Europe, après les niveaux élevés des
années 2 000 liées à des acquisitions
importantes et au soutien financier
apporté par les sociétés-mères à
leurs filiales en difficulté pendant la
crise de 2007-2008, des perspectives
plus positives se dessinent en
matière de nouveaux flux créateurs
d’emplois, notamment dans le
domaine de la construction automobile, de l’énergie et, de manière
significative, dans le numérique.
L’objectif est par conséquent de
soutenir cette évolution, alors que les
investisseurs canadiens prospectent
de manière prioritaire au RoyaumeUni et en France lorsqu’ils visent
les marchés européen et du MoyenOrient.
Quelles actions menez-vous en ce
sens ?
Le Canada figure parmi les pays stratégiques pour lesquels l’agence
Business France déploie un accompagnement particulier. En 2014, l’agence a accompagné à périmètre
élargi 29 projets pour un millier
d’emplois, un record depuis la crise
de 2008-2009 ; l’effort, maintenu en
2015, sera prolongé.
Je me suis rendu au cours de l’année
écoulée dans quasiment toutes les
provinces canadiennes hors Grand
Nord pour évoquer la nouvelle économie française et les opportunités
d’investissement canadien dans le
numérique, la santé, et les technologies vertes. En septembre – octobre,
dans le cadre du mois de l’investissement que le ministre des affaires
étrangères a ouverte à New York, j’ai
animé à Montréal et, avec le représentant spécial du Ministre à Toronto,
des tables rondes d’entrepreneurs
canadiens intéressés par la France.
La conférence de Paris sur les
changements climatiques a été
également une occasion unique de
promouvoir, au Canada comme
ailleurs, l’excellence française dans
les nouvelles technologies des
énergies propres.
Il est remarquable de relever que
l’attractivité de la France a démontré
sa résistance à la conjoncture,
notamment au lendemain des attentats du 13 novembre : la résilience de
notre pays et de ses entreprises, la
qualité de nos ressources humaines,
et l’attention portée par le gouvernement à la compétitivité sont aujourd’hui des fondamentaux concurrentiels
que les Canadiens apprécient.
En quoi l'accord de libre-échange entre
le Canada et l’Union européenne peutil être un atout pour les relations économiques franco-canadiennes?
Les dispositions de l’accord eurocanadien devraient permettre une
hausse substantielle des échanges,
de l’ordre de 20 % ; l’ouverture des
marchés publics et la facilitation de
la mobilité professionnelle favoriseront l’augmentation des grands
contrats d’infrastructures et une
meilleure connaissance réciproque
des offres de service. Les exportations agro-alimentaires devraient
également bénéficier de l’augmentation des volumes des contingents et
de la reconnaissance d’une liste d’indications géographiques : 42 indications géographiques françaises
bénéficieront ainsi d’un haut niveau
de protection sans précédent en
Amérique du Nord.
Dans ce nouveau cadre euro-canadien, l’offre commerciale française
pourra encore mieux qu’à présent
faire valoir ses atouts dans le domaine des infrastructures urbaines, de
l’agroalimentaire, de la santé, des
télécommunications, du tourisme et
des biens culturels.
Quels défis vous êtes-vous fixé ?
Cinq priorités guideront l’action
publique française au Canada en
2016.
Dans le prolongement de l’accord de
Paris sur le climat, et en appui aux
initiatives canadiennes, il s'agit de
rapprocher les acteurs territoriaux et
les entreprises des deux pays dans
l’identification de solutions énergétiques durables.
Par ailleurs, en matière de diplomatie
économique, l'enjeu est de centrer de
manière résolue nos relations dans
les secteurs innovants, riches de
potentiel de croissance et de création
d’emplois ; préparer la mise en
œuvre de l’accord euro-canadien sur
le libre-échange.
En outre, dans le champ culturel et
scientifique, qui a toujours constitué
un élément moteur de la relation
franco-canadienne, il faut favoriser
une plus forte mobilité des jeunes,
étudiants et professionnels, et investir dans une francophonie ouverte et
coopérative entre les communautés
francophones et anglophones du
Canada.
En matière de sécurité et de défense,
le but est d'asseoir la solidarité franco-canadienne face au terrorisme
sur une plus large concertation des
experts et des coopérations opérationnelles.
Enfin, dans le domaine de la modernisation de l’administration publique,
il s'agit de tirer parti des innovations
canadiennes pour soutenir notre
propre effort de simplification,
d’ouverture des données publiques
et, de manière générale, d’amélioration du service public.
83
STRATÉGIES ET MARCHÉS INTERNATIONAUX
CANADA
Thales Canada, modèle
de la philosophie du groupe
Mark HALINATY, Président-directeur général, Thales Canada Inc.
©DR
Les domaines d'activité du groupe Thales sont l'aéronautique, l'espace et les
transports. Avec 1 800 salariés, le Canada est un pays stratégique pour Thales. Sa
clientèle se compose d’avioneurs, du gouvernement canadien, d'entreprises de
défense, d'autorités de transport...
hales Canada emploie 1 800 personnes à Québec, Montréal,
Ottawa, Toronto et Vancouver
dans les domaines de la défense, de
la sécurité, de l'avionique et des
transports. La filiale abrite également
trois centres de compétence de
Thales. Pouvez-vous décrire brièvement la présence de Thales au
Canada ?
Thales Canada possède 3 grands
domaines d'activités. Dans celui des
transports, nous produisons des
systèmes avancés de signalisation et
de contrôle des trains pour les
réseaux ferrés urbains, c'est-à-dire
pour les trains de banlieue et les
métros. Nous réalisons également
l'ensemble du développement fondamental des logiciels et des produits
sur place, au Canada, pour les exporter
quasiment dans le monde entier.
Nous travaillons pour le métro londonien et pour la New York City Transit,
ainsi que pour le métro de Hong
Kong, en Corée du Sud, en Malaisie,
en Turquie et dans le monde entier.
Notre deuxième domaine d'activité
au Canada est l'avionique, pour
lequel nous avons un marché de
prédilection qui est celui des
avions d'affaires et régionaux. Nous
produisons les systèmes de commandes de vol électriques. Il s'agit
de logiciels de haute technologie en
T
termes d'implémentation pour
lesquels nos clients sont, par
exemple, Bombardier au Canada ou
Gulfstream et Cessna-Textron aux
États-Unis.
Notre troisième domaine d'activité au
Canada est celui de la défense et de
la sécurité, il s'agit d'un marché
largement national où notre client est
le gouvernement canadien. Nous lui
fournissons différents systèmes pour
l'armée, la marine et les aéroports du
pays. Ce sont nos trois principaux
domaines d'activité. Nous avons
également un centre d'innovation
mondialement connu à Québec, le
Centre de Recherche et de Technologie
Thales, qui est l'un de nos cinq centres
de ce type dans le monde. Il réalise la
Recherche et le Développement de
premier niveau pour le groupe.
©Thales
Comment évaluez-vous le rôle du marché canadien pour le groupe Thales ?
Je pense que le marché canadien est
assez attractif pour le groupe Thales
pour plusieurs raisons, la première
étant que le gouvernement canadien
possède un certain nombre d'importants programmes de défense
actuellement en cours de réalisation,
dont le programme de construction
de bateaux est le plus important. Son
objectif est la refonte totale des
forces navales et de la Garde Côtière.
Pour les programmes de
ce type en particulier,
Ligne Jubilé, métro de Londres, dont la signalisation est réalisée par Thales.
nous travaillons en partenariat avec un chantier
canadien, Seaspan. Nous
sommes l'intégrateur de
s y s t è m e d e t o u s le s
b a t e a u x d e l a G a rd e
Côtière et des navires de
combat canadiens pour la
marine canadienne. Un
programme doit voir le
jour à l'avenir, le Canadian Surface
Combatant, visant à renouveler toute
la flotte de frégates de la marine
canadienne. Nous sommes très
concentrés et motivés s'agissant de
notre participation à ce programme
en tant qu'intégrateur de système de
combat. Nous avons participé à un
ensemble d'autres programmes
d'approvisionnement de la défense
canadienne. Les élections fédérales
viennent d'avoir lieu, et le nouveau
gouvernement a appuyé un investissement venant soutenir l'approvisionnement de la défense, ce qui est
une bonne nouvelle pour Thales qui
va pouvoir poursuivre ses activités
sur ce marché. Quant à nos activités
de transport, elles concernent
beaucoup de villes canadiennes
parmi lesquelles Toronto, Vancouver,
Ottawa et Edmonton. Le gouvernement nouvellement élu a également
déclaré son intention d'accroître les
investissements dans les infrastructures de transports publics. Là
encore, il s'agit d'une belle opportunité
sur le marché intérieur canadien. A
tout ceci s'ajoute le fait que nos centres
de compétences nous confèrent également un bon niveau d'exportations.
Le gouvernement canadien recherche
des portes d'entrée pour ce qu'il
nomme des positionnements uniques,
et le fait que Thales soit à même de
fournir le marché canadien tout en
exportant nous place en bonne position sur ce marché.
Quels sont vos clients et partenaires
stratégiques ?
Ils varient en fonction de nos domaines
d'activités. Dans le secteur de la
défense, notre principal client est le
gouvernement canadien. De temps à
autre, nous travaillons également
avec des entreprises de défense
85
>
86
nous en termes de réussite et de
retombées pour l'avenir.
Quels sont vos projets pour l'avenir ?
Le plus important de nos projets
d'avenir est celui du Canadian Surface
Combatant dont j'ai déjà parlé. Nous
nous sommes portés candidats en
tant qu'intégrateur de système de
combat. Le projet consiste à fournir
nos solutions aux frégates de la
flotte de la marine canadienne. Il
s'agirait pour nous d'un projet de
transformation en terme de taille qui
assoirait une nouvelle fois notre
position de leader au Canada. C'est
le plus important de nos projets
uniques. Les autres domaines sont
importants en ce qu'ils constituent
u n e p e rcé e s u r ce r t a i n s d e s
nouveaux marchés émergents pour
ce qui concerne les villes intelligentes
et l'ensemble des différentes technologies qui leur sont associées. Pour
conclure, je pense que Thales
Canada au sein du groupe Thales est
un très bon exemple de la philosophie
de Thales en termes de présence
multinationale, dans le sens où nous
capitalisons sur les deux tableaux :
faire partie d'un grand groupe
comme Thales, ce qui nous permet
d'accéder aux produits plus rapidem e n t e t d e le s v e n d re d a n s
notre pays et, en même temps, être
capables d'exporter dans le monde
entier grâce au réseau Thales. Je
pense que Thales Canada a fait preuve d'une vraie réussite au cours des
35 dernières années en incarnant
l'approche de Thales en termes
d'affaires multinationales s'agissant
de sa capacité à exporter hors de
France, puis, à capitaliser et à faire
revenir de nouvelles technologies au
sein du groupe. Je pense que Thales
Canada est un modèle que Thales
s'efforce de reproduire dans le
monde.
©Thales
©Thales
d'autres secteurs
civils comme la ville
et les transports
intelligents. Ce sont
en tous les cas des
marchés en croissance au Canada
comme dans le
monde, où nous pensons vraiment pouvoir capitaliser sur
n o t re ex p é r i e n ce
Le
cockpit
intuitif
de
nouvelle
génération
Avionics
2020.
>
comme sur notre
développement soutenu par notre
Centre d'innovation. Nous voyons ces
co m m e G e n e r a l D y n a m i c s e t
possibilités comme une opportunité
Lockheed Martin. Comme je l'ai mende croissance supplémentaire.
tionné, nous sommes partenaires des
chantiers Seaspan pour le programQuel est le projet le plus important
me naval. Du côté de l'avionique, nos
que vous ayez mené jusqu'à présent ?
principaux clients sont Bombardier
Si je devais en choisir un, je dirais que
pour le Canada et Gulfstream, et
le plus important de nos projets
Textron aux États-Unis. Dans le cadre
jusqu'à aujourd'hui a été notre projet
de notre activité de transport, nos
initial pour le métro londonien, où
clients sont généralement des gounous avons apporté notre technologie
vernements locaux et des autorités
sur la Jubilee Line et la Northern
de transport du monde entier. Au
Line. Ce projet a constitué un très
sein de cette activité, nous travaillons
grand défi puisque l'opérateur était
plutôt avec des entreprises fournisdéjà bien installé et que la ville est
sant le matériel roulant ferroviaire,
l'une des plus importantes au monde,
comme Bombardier, Alstom ou
avec l'un des trafics les plus denses.
des fournisseurs japonais comme
Nous avons pu introduire notre techMitsubishi. Ce modèle de partenariat
nologie dans le système et ce, juste
avec ces fournisseurs fonctionne très
avant les jeux olympiques de 2012. Il
bien, nous fournissons les logiciels
était très important pour nous de
pour la technologie de contrôle des
terminer le projet et de l'exploiter à
trains tandis qu'ils apportent le matésa capacité de pointe, car l'un des
riel roulant et nous réalisons une
principaux avantages de notre techoffre conjointe.
nologie était d'augmenter la capacité
du système, ce à quoi nous sommes
parvenus. Ce fut une grande réussite
Pourriez-vous nous parler de votre
pendant les Jeux et ces deux lignes
stratégie dans le pays ?
faisaient partie de celles du métro
En fait, notre stratégie se compose
londonien qui ont le mieux fonctionné.
de plusieurs éléments. L'un des plus
Cette année, nous avons remporté un
évidents est, je pense, la conservaautre projet pour 4 lignes supplémention de notre position de chef de file
taires du métro londonien. En tant
dans le secteur des transports, que
que projet unique, celui-ci était proce soit en termes de technologie
bablement le plus important pour
comme de parts de marché. Nous
voulons aussi étendre nos activités
dans les pays en développement, tout
spécialement en Asie du Sud-Est et
en Amérique du Sud. Au plan domestique, notre avenir est en quelque
sorte lié aux grands programmes
navals que j'ai mentionnés, parce
qu'ils représentent d'immenses
opportunités de croissance. Nous
tentons également de tirer profit du
travail de développement issu de
notre Centre d'innovation situé à
Québec. En particulier, nous voulons
étendre notre expertise des domaines
des transports et de la défense à
Système de carte numérique montée sur un tableau écran tactile multipoint pouvant repérer les
premiers intervenants et les autres actifs en temps réel, pour le partage de la connaissance de la
situation et la planification des interventions.
Canada
Thales Canada as a model
of the Group’s philosophy
Mark HALINATY, President and CEO, Thales Canada Inc.
©DR
Thales group's business areas are Aerospace, Space, Defence, Security, and
Transportation. Canada is a strategic country for Thales, with 1800 employees. Its
clients includes aircraft manufacturers, the Canadian government, defence companies,
transportation authorities, ...
hales in Canada has 1,800
employees in Quebec City,
Montreal, Ottawa, Toronto and
Vancouver working in Defence,
Security, Avionics and Transportation
markets. The subsidiary also hosts
three of Thales’ Worldwide Centres of
Competence. Could you please describe the presence of Thales in Canada
in a nutshell?
In Thales Canada we have 3 main
business areas. In transportation we
do advanced signalling and train
control for urban rail, which is
metro’s and subway’s systems. We
also do all of the fundamental product
and software development here in
Canada and we export that to virtually
all parts of the world. We have done
work on the London underground and
New York City Transit, Hong Kong
metro, South Korea, Malaysia, Turkey
– around the world.
Our second business in Canada is in
avionics, where we have a focused
market that we deal with, which is
T
©Thales
Jubilee line, London UK, signalled by Thales.
regional and business jets. We do the
so-called fly-by-wire system. It is a
high technology software in terms of
implementation and our customers
include for example Bombardier in
Canada, Gulfstream and CessnaTextron in the US.
Our third business area in Canada is
in the defence and security business –
largely it is domestic business and
our customer is the government of
Canada. We supply various systems to
the army, navy and airports in
Canada. Those are our three main
business areas. We also have a world
known innovation centre in Quebec
City, Thales Research and Technology
centre - one of five throughout the
world. It serves for low-level research
and development for the group.
How would you estimate the role of
the Canadian market for Thales Group?
I think the Canadian market is quite
attractive for the Thales Group
because of a couple of reasons: one –
the Canadian government has a
number of significant defence
programs on the way with the biggest
being the shipbuilding programs. Its
aim is to basically refit the entire
Coast Guard and naval lift. At that
particular sort of programs we are
partners with a shipyard in Canada
called Seaspan. We are the system
integrator for all of the Coast Guard
ships and the Joint Support Ship for
the Canadian navy.
In the future there is going to be a
program called the Canadian Surface
Combatant, which is to reset a new
fleet of frigates for the Canadian
navy. We are very focused and interested on competing as the combat
system integrator for that program.
There is a series of other procurements in Canadian defence that we
have participated in. With the federal
elections just this week, the new
government have endorsed a support
investment in defence procurement,
which is a good news for Thales
Canada to pursue this market. In
our transportation business in turn
we equip many of the cities in
C a n a d a , i n c l u d i n g To r o n t o ,
Vancouver, Ottawa, Edmonton. The
newly elected government have also
stated that they are going to increase
investment into public transportation
infrastructure. This presents again a
good opportunity in terms of market
within Canada. This is all balanced by
the fact that with our Centres of
Competence we also have a good
export business. The Canadian
government is looking for forms of
access for what they call a value proposition and the fact that Thales is
able to not just supply to the
Canadian market, but also to export,
87
©Thales
those lines were two of the best
running lines on the London underground. This year we won another
project for 4 more lines on the London
underground. As a single project that
one was probably the most significant
for us in terms of achievements and
leveraging for the future.
Avionics 2020 intuitive new generation cockpit.
puts us in a good position with
respect to the Canadian market.
What are your main strategic clients
and partners?
It varies between the different businesses.
In the defence business our main
customer is the Canadian government.
From time to time we also work with
such defence companies as General
Dynamics and Lockheed Martin. As I
mentioned we are partners with
Seaspan Shipyards for the naval program. In the avionics business our
main customers are Bombardier, here
domestically, Gulfstream and Textron
in the US. In our transportation business
our customers are generally local
governments and Transportation
Authorities worldwide. Within this
business we tend to work with companies that supply the rolling stock for the
systems, so we would work with
Bombardier, Alstom and Japanese
suppliers, like Mitsubishi. This has
been quite a successful model, where
we made partners with those suppliers
- we would supply the software in train
control technology, they would supply
the rolling stock and we would make a
joint offer.
Could you please talk about your
strategy in the country?
Well, our strategy has a couple of
elements. I guess, a fairly obvious
one is: in our transportation business
we want to keep our leadership position, both in terms of technology and
market share. We also want to
expand into the developing countries,
particularly in South-East Asia and
South America. Domestically, our
future is somewhat linked to the big
naval programs that I have mentioned, because these are huge growth
opportunities. We are also trying to
capitalize on our development work
coming out of our innovation centre
in Quebec City. In particular, we want
to expand our expertise in both
transportation and defence into other
civil areas, for example into smart
cities or smart transportation. These
are all growing markets within
Canada and worldwide, where we
think we can really capitalize on both
our experience and our development
coming out of our Innovation Centre.
We see this as an additional growth
opportunity.
What is your most important project
conducted so far?
Well, if I had to pick one, I would say
that the most important project we
had so far was our initial project on
the London underground, where we
brought in our technology on the
Jubilee Line and the Northern Line.
It was a very challenging project,
because you had a well-established
operator and obviously one of the
biggest and most travelled cities in
the world. We were able to introduce
our technology into the system and
with this just prior to the 2012
Olympics. It was very significant to
finish the project and have it running
at peak capacity, because one of the
main benefits of our technology was
to increase the capacity of the system
and we achieved that. It went very
successfully during the Olympics and
©Thales
>
What are your projects scheduled for
the future?
The most significant one in the future
is the Canadian Surface Combatant
project that I mentioned earlier. We
were competing as a combat system
integrator. The project would lie in
providing our solutions to the fleet
frigates for the Canadian navy. This
would be a transformational project
for us in terms of the size and establishing again the leadership position
within Canada. As a single project this
is the biggest one. The other areas are
significant in breaking into some of
the new emerging markets in terms of
smart cities and all of the various
technologies associated with that.
To conclude, I think that Thales
Canada within the Thales Group is a
very good example of the Thales
philosophy in terms of operating
multinationally in that we capitalize
on both, being part of a large group
like Thales, where we have access to
products faster, we can sell them
within our country and at the same
time we have a capability to export all
around the world through the Thales
network. I think that Thales Canada
has been a real success story over
the last 35 years and exemplified the
Thales approach to multinational
business in being able to export out
of France and then capitalize and
bring new technologies back into the
group. I think that Thales Canada is a
model that Thales tries to replicate
around the world.
>
Digital map-based system mounted on a multi-touch screen table capable of tracking first
responders and other assets in real time.
89
STRATÉGIES ET MARCHÉS INTERNATIONAUX
CANADA
Relations économiques
franco-canadiennes :
dynamiques et complémentarités
Caroline CHARETTE, Ministre Conseiller aux Affaires économiques et commerciales de l’Ambassade du
Canada, Déléguée commerciale principale
©DR
Depuis quelques années, le service commercial et économique de l’Ambassade du
Canada vise à assurer une présence accrue sur l’ensemble du territoire français
uelle est la nature des relations
économiques entre la France et
le Canada?
La France et le Canada sont des
partenaires privilégiés à plusieurs
égards, y compris au plan économique. Les entreprises canadiennes
et françaises ne sont pas seulement
en situation de concurrents, voire
clients et des fournisseurs les unes
pour les autres, elles sont aussi souvent des partenaires dynamiques
d’investissement et d’innovation.
Issues de deux univers d’affaires très
développés, les entreprises françaises et canadiennes possèdent des
forces qui se complètent bien.
Chacun des deux pays a aussi l’avantage de pouvoir servir de tête de pont
Q
>
Place du Canada à Vancouver.
pour un marché plus vaste grâce à
une intégration économique poussée,
au sein de l’Amérique du Nord pour le
Canada, dans l’Union européenne
pour la France. Les relations économiques franco-canadiennes sont
donc diversifiées, tant en termes
de types d’échanges, de secteurs
d’activité couverts qu’en terme
d’acteurs qu’elles impliquent. Si les
grands groupes français et canadiens sont bien entendu présents de
chaque côté de l’Atlantique, les
échanges économiques entre nos
deux pays intéressent un très grand
nombre de petites sociétés et
d’entreprises de taille intermédiaire –
un avantage, entre autres, de notre
proximité culturelle.
Quels savoir-faire et expertises
français intéressent spécifiquement
le marché canadien?
Le Canada est un marché de choix
pour certains des produits les
plus universellement associés à la
France, que ce soit pour les secteurs
agro-alimentaires, pour l’industrie
du luxe et de la beauté, ou pour le
monde culturel. Sans surprise, la
France est le premier fournisseur du
Canada pour les parfums et les produits de beauté, le deuxième pour les
vins, et le troisième pour les livres et
journaux et les fromages. Mais si,
bon an, mal an, la France dégage un
surplus commercial de plus d’un
milliard et demi d’euros avec le
Canada, c’est aussi grâce à des partenariats importants et un commerce
croisé dans des secteurs de pointe.
À titre d’exemple, la France est ainsi
le deuxième fournisseur du Canada
en avions et en hélicoptères, et elle
importe une quantité similaire de
pièces et d’équipements aéronautiques sur la base de partenariats et
d’investissements au Canada. Ce
schéma se répète, à des échelles
diverses, dans les secteurs pharmaceutique, automobile, de l’ingénierie
et du logiciel.
©DR
Combien d'entreprises françaises sont
d'ores et déjà implantées au Canada?
Quels sont les atouts du Canada pour
les investisseurs et entrepreneurs
français?
En 2013, dernière année où ces données sont disponibles, tout près de
300 groupes français contrôlaient
plus de 910 filiales canadiennes, qui
©Dan Breckwoldt - Fotolia.com
Canada
>
Vancouver.
employaient presque 100 000 personnes et réalisaient un chiffre d’affaires
de 27 milliards d’euros. Ces chiffres
impressionnants signifient que la
présence économique de la France
au Canada oscille entre la deuxième
et la quatrième place parmi toutes
les sources d’investissements mondiaux; ils sont témoins d’une croissance constante de notre relation
économique bilatérale.
L’intérêt soutenu des entreprises
françaises pour le Canada s’explique
d’abord et avant tout parce que le
Canada offre un environnement
d’affaires à la fois stable et dynamique, réceptif au niveau de qualité
du savoir-faire français, et ouvert sur
le monde. La proximité culturelle
entre le Canada et la France, surtout
dans les régions francophones du
Canada où près de 50 % des filiales
françaises sont implantées, ne doit
pas masquer l’ancrage profond du
pays dans l’économie nord-américaine
et sa culture d’affaires, et les liens
commerciaux croissants développés
avec l’Asie et l’Amérique latine. Les
entreprises françaises cherchent et
trouvent au Canada un relais de
croissance et, souvent, un tremplin
pour leur internationalisation.
Comment l'Ambassade du Canada en
France accompagne-t-elle ceux qui
souhaitent s'implanter ou exporter
au Canada ?
Au sein de notre équipe, nous avons
développé une expertise spécifique
afin de répondre aux questions des
chefs d’entreprises français intéressés
par une expansion en Amérique du
Nord, via la constitution d’une filiale
ou l’acquisition d’une entreprise au
Canada. Nos spécialistes de l’investissement rencontrent personnellement,
et gratuitement, les entreprises
intéressées, souvent en compagnie
d’avocats d’affaires, de fiscalistes, de
banquiers canadiens qui viennent régulièrement en mission en France. L’idée
est d’aller à l’essentiel pour apporter
des réponses concrètes aux questions
les plus techniques que se posent les
investisseurs français sur le Canada.
En février 2015, Monsieur l'Ambassadeur Cannon a visité la région
Midi-Pyrénées pour faire promotion
des relations et échanges existants
et possibles entre la Région et le
Canada. Multipliez-vous ce type de
relations de proximité?
Depuis quelques années, le service
commercial et économique de
l’Ambassade du Canada vise à
assurer une présence accrue sur
l’ensemble du territoire français, afin
de répondre plus efficacement aux
besoins des gens d’affaires, là où ils
se trouvent, en France.
D’une part, l’Ambassade s’appuie sur
un réseau de consuls honoraires
pour optimiser son rayonnement
particulièrement dans les centres
économiques hors de Paris tels que
Lyon, Toulouse ou Nice. Une des
membres de notre équipe est aussi
désormais basée à Lyon.
D’autre part, l’équipe de Paris multiplie
les interventions dans les différentes
régions françaises, que ce soit par
une participation à des conventions
ou salons d’affaires ou par l’organisation d’ateliers destinés à mieux faire
connaître l’économie canadienne aux
milieux d’affaires français.
Ainsi, en 2015, nous avons organisé
des rencontres à Montpellier,
Toulouse, Dijon, Strasbourg et Lyon.
Finalement, comme vous le notez,
les déplacements fréquents de
l’Ambassadeur Cannon à travers la
France, dans le cadre ou non d’activités que nous y organisons, appuient
largement cette stratégie de rayonnement économique.
L'accord de libre-échange entre le
Canada et l’Union européenne constitue-t-il selon vous un élément susceptible de développer les relations
économiques franco-canadiennes?
Indéniablement, la mise en œuvre
prochaine de l’Accord économique et
commercial global entre le Canada et
l’Union européenne (AECG) offrira
des opportunités inédites pour un
grand nombre d’acteurs des milieux
d’affaires de la France et du Canada.
L’ampleur de cet accord ne doit pas
être sous-estimée – il s’agit d’un
accord qui améliorera de façon
concrète tous les aspects des relations économiques entre nos deux
pays. En plus d’éliminer les droits
de douane sur la presque totalité
du commerce bilatéral, cet accord
clarifiera et libéralisera les règles
applicables aux acteurs économiques français faisant affaire
avec le Canada, qu’ils soient exportateurs, prestataires de services,
investisseurs, visiteurs d’affaires ou
entrepreneurs désirant participer
aux marchés publics canadiens.
L’AECG jettera les bases d’une nouvelle ère des relations économiques
franco-canadiennes dynamiques et
privilégiée.
91
STRATÉGIES ET MARCHÉS INTERNATIONAUX
CANADA
Air Canada : la plus européenne
des compagnies d’aviation américaines
David GEGOT, Directeur Général France, Espagne et Portugal d’Air Canada
La compagnie canadienne, après une période un peu délicate, avec
la fusion de plusieurs compagnies locales et le rachat de Canadian
Airlines, a connu des moments difficiles en 2000. Puis, une sortie
de crise en 2007 avec de gros investissements lui a donné une
seconde jeunesse. Air Canada compte aujourd’hui parmi les 15 plus
grandes compagnies aériennes au monde. David Gegot, son Directeur
Général France, Espagne et Portugal, nous présente son histoire,
ses spécificités et ses perspectives de développement.
Pouvons-nous évoquer son histoire ?
Créée il y a 75 ans, Air Canada ne
desservait que des vols intérieurs.
Quinze ans plus tard, elle a commencé
à se développer sur le marché francocanadien. En 1951, était inaugurée la
première ligne Montréal-Paris, une
histoire qui dure depuis 65 ans. Après
le rachat de Canadian Airlines en
1990 avec laquelle nous partagions
la desserte des côtes Est/Ouest de
l’Amérique du Nord, Air Canada fut
mise en faillite judiciaire en 2004
jusqu’à ce qu’un juge des faillites en
reprenne le fonctionnement avec des
mesures économiques drastiques,
des licenciements économiques et
la renégociation des conditions
salariales. En 2007, elle retrouvait une
seconde vie avec un nouveau logo et de
nouveaux appareils.
Aujourd’hui, Air Canada transporte
38 millions de passagers par an,
dessert 180 destinations sur l’ensemble
des continents. Cela correspond à
1500 vols par jour. Son organisation
se présente sous forme de Hub, sur
quatre aéroports : Toronto, Montréal,
Vancouver et Calgary. 64 villes du
Canada sont desservies : 52 aux USA
et 78 pour le reste du monde.
Quelles sont ses spécificités?
Nous sommes parmi les majors sur
l’Amérique du Nord et nous sommes
la compagnie qui a reçu le plus de
récompenses pour la qualité de ses
services. Nous sommes la plus européenne des compagnies américaines.
Nous avons un choix haut de gamme
et des services dédiés, dit concierges,
un système de fidélité de cartes personnalisées et une assistance dans
tous les domaines. Notre service haut
de gamme, de siège-lit, en classe
affaires, a beaucoup de succès sur le
continent américain et les vols à
l’international. Nous avons un partenariat
avec United Airlines et le premier
marché pour l’accès aux Etats-Unis
sur le continent Nord-Américain au
départ du Canada. Notre compagnie
est reconnue pour sa classe 4 étoiles,
Styrax, pour la qualité et le confort du
service, meilleur transporteur depuis
six ans et meilleure classe affaire
Nord-Américaine. Nous sommes
également membre fondateur de
Star Alliance, qui, à travers le monde,
compte 28 compagnies et 193 pays.
Depuis 2007, notre plus gros partenaire et la compagnie Lufthansa,
après United Airlines sur toutes les
lignes transatlantiques
Quelles sont ses perspectives
commerciales ?
Début 2015, nous avons connu un
trimestre record avec un bénéfice de
250 millions de dollars canadiens, en
progression de 80% par rapport au
même trimestre en 2014. Cela est du
à notre développement commercial et
à l’état de la croissance du transport
aérien au Canada. Lors de notre
réorganisation en 2007, notre comité
exécutif a défini comme priorités le
déploiement à l’international et un
réengagement fort envers nos clients.
Quel est votre engagement en matière
de développement durable ?
Depuis quatre ans, nous publions
chaque année un rapport, avec des
éléments articulés autour de quatre
domaines : la sécurité des appareils,
l’environnement, le bien être des
employés et l’implantation d’Air
Canada dans les collectivités.
Nous observons déjà, concernant les
arrêts de travail une chute de 12% par
rapport à 2014. Un audit iata pour la
sécurité a évité la consommation de
11 000 tonnes de carburant et 35 000
tonnes de CO2 grâce à des projets de
finance énergétique, avec par exemple le bio fuel. Nous avons économisé
445 millions de dollars canadiens en
optimisant les régimes de retraite.
Nos priorités vont aussi vers une
fondation caritative avec un investissement de 1,5 millions de dollars
canadiens pour 2014. Concernant la
sécurité des appareils, notre flotte comporte 80 Boeing 737 et une nouvelle
génération de 787. Nous en recevrons
12 pour 2016, ce qui nous permettra
d’économiser 20% de carburant.
Quelles sont vos proposions technologiques envers vos clients et vos perspectives d’extension de dessertes à
l’international?
Aujourd’hui, nous employons 28 000
personnes dans le monde. Nos équipes
les plus importantes se situent au
Canada avec 60 personnes. Nous
sommes aussi très conscients des
défis technologiques et nous avons
fait des investissements nécessaires
pour que le passager puisse s’enregistrer sur tout support de téléphonie
mobile. Avec Apple, nous avons mis
en place une application spécifique.
Nous avons créé Air Canada Rouge
sur le trafic loisir, où chacun peut
apporter sa tablette personnelle qui
lui permet de se connecter avec le
wifi à bord de l’appareil ou de louer
un support, si nécessaire.
Notre compagnie possède en flux, le
marché le plus important entre
l’Europe et les Etats-Unis. Pour 2016,
nous avons le projet de développer de
30% le marché transatlantique. Sur
le marché français, nous allons
ouvrir une ligne Lyon Montréal en
juin 2016 et pour l’année prochaine,
nous espérons une croissance de
30% de sièges. Air Canada Rouge est
aussi une compagnie loisirs, ce qui
permet de desservir des marchés
nouveaux, fort prometteurs.
93
STRATÉGIES ET MARCHÉS INTERNATIONAUX
CANADA
Un marché porteur pour
les entreprises françaises
Philippe HUBERDEAU, Chef du service économique régional au Canada
Les liens économiques entre la France et le Canada sont forts, notamment grâce à des échanges
commerciaux dynamiques et à la présence de sociétés françaises dans tous les domaines, particulièrement
au sein des secteurs porteurs de « l'économie verte » et du numérique.
ouvez-vous nous présenter les
caractéristiques de l'économie
canadienne ?
Classé au troisième rang par l’OCDE
pour sa qualité de vie, le Canada est
également la dixième puissance
économique mondiale. Il bénéficie
d’immenses ressources naturelles,
d’une main-d’œuvre qualifiée, d’un
développement technologique excellent
et d’un environnement politicoéconomique stable. Multiculturel par
son histoire et ses immigrants, la
langue française se développe vers
l’Ouest du pays, traditionnellement
anglophone. Comptant plus de
P
ménages et de la dépréciation du
dollar canadien devraient commencer à se faire sentir à compter du
second semestre 2015.
La mise en œuvre du programme du
parti Libéral, qui a remporté les élections le 19 octobre 2015, devrait en
outre se traduire par d’importantes
dépenses d’investissement au niveau
fédéral dans le domaine des infrastructures à hauteur de 125 milliards
de dollars canadiens ces 10 prochaines
années, auxquels il faut ajouter les
ambitieux programmes d’investissement au niveau des Provinces,
notamment l’Ontario et le Québec.
Quelle est la situation des échanges
commerciaux bilatéraux entre la France
et le Canada ? Comment ont-ils évolué au cours des dernières années ?
Les échanges bilatéraux de biens et
de services entre la France et le
Canada s’établissent à 4,8 milliards
d'euros au premier semestre 2015
(2,88 d’échanges de biens et 1,95
de services). Ils s’élevaient à 5,15
milliards d'euros à la même période
en 2014 (2,97 pour les biens,
2,18 pour les services). Au premier
semestre 2015, la France a exporté
au Canada près de 1,53 milliard
d'euros de biens et 1 milliard
d'euros de services, soit un total de
2,53 milliards d'euros.
Le solde commercial de la France
s’établit en ce premier semestre à
+241millions d'euros (+187 pour les
biens et +54 pour les services),
contre -273 millions d'euros un an
plus tôt (-98 pour les biens et -175
pour les services). La France pourrait
dégager en 2015 son plus important
solde commercial depuis 2006 avec
le Canada.
©Goami - Fotolia.com
>
35 millions d’habitants, le Canada
accueille chaque année 250 000
immigrants.
L’économie canadienne a traversé un
trou d’air au premier semestre 2015.
Alors qu’au dernier trimestre 2014,
elle progressait encore de 0,6 %, elle
s’est contractée de respectivement
0,2 % puis 0,1 % au cours des deux
premiers trimestres de 2015. Elle
semble avoir désormais absorbé
l’essentiel de l’incidence négative du
recul du prix du pétrole et les effets
positifs d’un prix bas de l’énergie sur
l’activité au travers notamment de la
baisse de la facture énergétique des
Toronto.
94
©O.Valleybol63 - Fotolia.com
Canada
>
Ottawa.
Quel est le niveau des investissements
directs étrangers canadiens en
France ?
Environ 200 entreprises canadiennes
sont présentes en France et y
emploient 21 000 personnes. 22 projets canadiens créateurs d’emplois
ont été mis en œuvre en France en
2014, en augmentation de 22 % par
rapport à 2013 à périmètre constant
(18 projets).
La dynamique enclenchée en 2010
s'est poursuivie en 2014 et devrait
s’intensifier dans les années à venir
avec notamment un regain d’intérêt
pour les PME innovantes. À noter que
le Québec est la Province la plus
active : en effet, il représente en
moyenne un peu plus de 60 % des
projets aboutis, la part de l’Ontario
s’élevant à 25 % et celle de l’ouest
canadien (principalement Colombie
Britannique et Alberta) à environ 15 %.
Dans quels secteurs porteurs les
entreprises françaises sont-elles
implantées au Canada ?
Comme c’est la règle aujourd’hui
entre deux économies fortement
industrialisées, on assiste à une intégration croissante des chaînes de
valeurs entre la France et le Canada.
Le Canada constitue en outre pour
certaines entreprises françaises un
point d’entrée privilégié sur le
marché nord-américain permettant
de bénéficier de l’ouverture réciproque
des Etats-Unis, du Mexique et du
Canada dans le cadre de la mise en
œuvre de l’Accord de Libre-Echange
Nord-Américain (ALENA) adopté en
1994.
Les entreprises françaises sont ainsi
bien implantées dans l’ensemble des
secteurs de l’économie canadienne.
A l’exception du secteur automobile,
dont les principaux constructeurs
français sont absents, l’ensemble
des entreprises du CAC 40 sont présentes au Canada. Dans la période
récente on assiste en outre au développement dynamique d’un nombre
croissant de PME françaises au
Canada, notamment dans les deux
secteurs porteurs du numérique et
de l’économie verte.
Quels sont les enjeux du programme
de coopération renforcée, adopté en
juin 2013, pour les relations économiques bilatérales ?
Le plan conjoint d’action économique
Canada-France 2014-2015 s’articule
autour de trois objectifs principaux.
Il s'agit d'appuyer les entreprises
canadiennes et françaises en matière
de développement des affaires,
d’accès aux marchés et de promotion
des investissements croisés. Il s'agit
aussi de renforcer la coopération en
matière de compétitivité, d’innovation, de science et de technologie,
notamment par l’action ciblée d’un
groupe de travail bilatéral sur l’innovation, la science et la technologie.
Enfin, le troisième objectif est d'aider
les entreprises à tirer pleinement
profit de la relation commerciale
bilatérale grâce à des activités
ciblées et au partage régulier d’informations en vue de la mise en œuvre
de l’Accord Economique Commercial
Global entre l'Union européenne et le
Canada (AECG).
Ce plan d’action conjoint économique
sera renouvelé et actualisé au début
de l’année 2016, notamment afin
de tenir compte du contexte qui
découlera de la mise en œuvre
prochaine de l’Accord de Paris sur
les Changements Climatiques et de
l’AECG.
95
STRATÉGIES ET MARCHÉS INTERNATIONAUX
CANADA
Le Canada, meilleur pays
du G-20 où faire des affaires
Véronique LOISEAU, Directrice générale de la Chambre de Commerce et d’Industrie Française au Canada
©DR
En 2016, la Chambre de Commerce et d'Industrie Française au Canada (CCIFC),
a 130 ans. Elle constitue un bon observatoire de la relation bilatérale.
uelles sont les missions de
La Chambre de Commerce et
d'Industrie Française au Canada
(CCIFC) que vous dirigez?
La chambre a plusieurs missions :
développer des relations économiques entre la France et le Canada,
accueillir des missions commerciales françaises et favoriser leurs
perspectives d’affaires, initier et
faciliter le réseau et le partenariat
d’entreprises, informer sur les
échanges et les dynamiques de
marché entre la France et le Canada,
animer la communauté d’affaires
franco-canadienne.
Q
Comment accompagnez-vous les entreprises françaises qui souhaitent
s'implanter ou exporter au Canada?
En ce qui concerne l’implantation des
entreprises françaises au Canada,
nous offrons différents services.
L'étude de marché est une prestation pour laquelle nous réalisons un
dossier complet sur un marché, ou
un secteur donné de l'économie du
pays. Il s'agit d'une présentation
exhaustive dans laquelle nous cherchons à mettre en avant la place
réelle qu'occupe le secteur, les
différents intervenants, les mécanismes principaux qui l'affectent, ainsi
que l'évolution des dernières années
et les perspectives d'évolution à
terme.
Parallèlement, nous proposons un
test produit – marché, qui permet
de connaître les opportunités de
développement commercial sur un
marché donné.
Notre mission de prospection reste
quant à elle, la prestation la plus prisée
par les entrepreneurs français. Elle
consiste à établir un planning de
rendez-vous professionnels ciblés.
Nous organisons le déplacement au
Canada d’un entrepreneur français,
afin qu’il puisse entrer en contact avec
les bons partenaires et entreprendre
avec succès sa démarche commerciale.
Dans un autre domaine, la domiciliation virtuelle que nous proposons,
permet aux entreprises françaises
d’avoir une adresse commerciale au
Canada. Les avantages de cette
prestation sont une présence visuelle
au Canada sans avoir à recruter de
personnel et à moindre coût, une
optimisation la relation clientèle et
de la logistique de l’entreprise ainsi
qu’une réelle crédibilité à long terme.
De la même façon, nous proposons
un hébergement, grâce au centre
d’affaires de la CCIFC. Les entreprises peuvent ainsi bénéficier de
bureaux ouverts ou fermés en plein
centre-ville de Montréal au coeur du
quartier des affaires. Elles ont à
leur disposition un poste de travail
entièrement équipé et fonctionnel,
avec ligne téléphonique dédiée et
connexion internet haut débit. Elles
sont intégrées dans un environnement cordial et professionnel.
Nous offrons enfin des solutions de
portage salarial. Une entreprise
française au Canada, n’ayant pas
encore de structure fixe sur place,
peut effectuer un portage salarial à
la CCIFC afin d’avoir un représentant
local.
Quels sont les atouts offre du Canada
pour ces entreprises?
Selon Forbes et Bloomberg, le
Canada est le meilleur pays du G-20
Québec.
96
©Bakerjarvis - Fotolia.com
La CCIFC est l'une des plus anciennes chambres de commerce françaises à l’étranger. Créée en 1886 à Montréal, association à but non lucratif, elle regroupe plus de 1 500 membres,
représentants des entreprises de tous horizons : entreprises
françaises implantées au Canada, entreprises canadiennes, des
travailleurs indépendants ou encore des cabinets offrant divers
services aux entreprises telle la fiscalité ou encore la comptabilité.
Membre d'un réseau de 113 chambres de commerce françaises à
l'international implantées dans plus de 80 pays, regroupant plus de
33 000 entreprises, sa force réside ainsi dans son réseau au Canada
mais aussi à l’international !
Canada
où faire des affaires. On citera ainsi
un climat d’affaires accueillant, mais
aussi une économie des plus performantes, qui classe le Canada en tête
du G-7 pour la décennie (2005 à 2014)
au chapitre de la croissance économique.
Parallèlement, le pays bénéficie d'un
accès aux marchés incomparable.
Une fois que l’Accord économique et
commercial global (AECG) sera en
vigueur, les investisseurs étrangers
au Canada bénéficieront d’un accès
préférentiel garanti à l’ALENA et à
l’UE, un marché dynamique avec un
PIB combiné de 38 milliards de
dollars américains, qui génère près
de la moitié de la production mondiale
des biens et services.
De la même façon, le pays possède la
main-d’œuvre la plus instruite des
pays de l'OCDE tandis que la moitié
de sa population en âge de travailler
détient une formation supérieure.
Concernant les coûts fiscaux globaux
pour les entreprises ils sont de loin
au Canada les plus bas des pays du
G-7 et de 46 pour cent inférieurs à
ceux des États-Unis.
En outre, le Canada est le pays du
G-7 offrant les plus bas coûts
d’exploitation en dans les secteurs
intensifs de la R-D, jusqu’à 15,8 p. 100
plus bas que ceux des États-Unis.
Pour la huitième année consécutive,
le Forum économique mondial
(FEM) consacre le système bancaire
canadien le plus solide au monde. Ce
pays est endroit exceptionnel où il fait
bon investir, travailler et vivre. Il est
l'un des plus multiculturels du
monde, avec des universités de calibre
mondial, un système de soins de
santé universel et des villes propres
et accueillantes. Selon l'index « Vivre
mieux » de l'OCDE, le Canada est le
meilleur du G-7 en termes de conditions globales de vie et de la qualité
de vie.
À quelles difficultés majeures
peuvent-elles être confrontées ?
La dépendance des États-Unis, la
faible productivité du travail et la
pénurie de main d’œuvre qualifiée, la
récurrente problématique culturelle
et linguistique sont des problématiques dont il faut impérativement
tenir compte.
Vous êtes directrice de La Chambre
de Commerce et d'Industrie Française
au Canada (CCIFC) depuis 2010. La
crise mondiale a-t-elle impacté les
relations économiques francocanadiennes?
Le Québec et le Canada n’ont pas
échappé pas à l’impact des turbulences financières mondiales. Toutefois,
le Québec a été relativement bien
positionné pour faire face au ralentissement économique grâce aux
actions prises par le gouvernement
pour soutenir l’économie, et par une
politique bancaire et financière particulièrement rigoureuse.
Quels sont les secteurs porteurs?
Je citerai en priorité les TIC,
l'Aéronautique, l'énergie, l'agroalimentaire, les biotechnologies, les
technologies médicales et les
transports terrestres.
Quels conseils donneriez-vous aux
entreprises françaises qui veulent
réussir au Canada?
La démarche à l’export et plus
précisément à destination du Québec
n’est pas aussi facile que cela ne
parait. Les entreprises ont tendance
à choisir de s’implanter au Québec
en partie en raison de la proximité de
la langue parlée mais c’est malheureusement souvent un leurre.
Les façons de travailler, de conclure
des affaires, ainsi que les codes de
communication sont très différents
de ceux du vieux continent.
Il est important d’être accompagnés
par des personnes biculturelles
qui ont une grande connaissance
du terrain local afin d’éviter les
écueils.
Il faut se rappeler que les Québécois
ne sont pas des Français qui vivent
en Amérique du Nord, mais des
N o rd - A m é r i c a i n s q u i p a r le n t
Français, leur façon de faire des
affaires est donc bien différente de ce
que l’on voit en France.
©Fotolia.com
BCF Avocats d’affaires :
audace et authenticité
©DR
Gilles SEGUIN, Associé, Avocat, Vice-Président du Conseil d’Administration
C
Fondé en 1995 par un noyau de neuf personnes, le cabinet BCF Avocats d’affaires a
connu depuis 20 ans une croissance fulgurante et compte aujourd’hui plus de 220
avocats et autres professionnels. Basée à Montréal, BCF est une référence en droit
des affaires au Québec et fait partie des 500 plus grandes entreprises de la province.
Gilles Seguin, qui dirige l’équipe des valeurs mobilières chez BCF, nous présente le
cabinet.
omment décrire le cabinet BCF
Avocats d’affaires ?
Le cœur de BCF est le droit des
affaires et 75 % de nos avocats sont
spécialisés dans ce domaine. Les
hommes et les femmes qui font
appel à nous sont aux commandes
d’entreprises ou d’institutions financières. Ce sont des investisseurs,
des dirigeants, des propriétaires, des
inventeurs ou des entrepreneurs.
Mais pour nous, ce sont avant tout
des visionnaires qui poursuivent
des objectifs bien définis. Nous les
aidons à atteindre leur but, que
leur entreprise soit établie ou en
croissance, qu’elle soit en période de
prospérité ou qu’elle traverse des
périodes plus difficiles.
Nous offrons des services et des
conseils juridiques à une clientèle
d’environ 400 entrepreneurs, grâce à
98
nos 22 équipes stratégiques qui
rassemblent nos talents multidisciplinaires. Nous traitons les questions
diverses rattachées au droit des
affaires, telles que les fusions et
acquisitions, les valeurs mobilières,
le droit de la construction, l’immigration
d’affaires, la propriété intellectuelle,
la fiscalité, le litige commercial et
beaucoup plus.
En ce qui a trait à l’équipe stratégique
des valeurs mobilières, dont je suis
responsable, elle s’occupe des
inscriptions en bourse, du respect de
la réglementation d’organisations
comme l’Autorité des marchés financiers, du droit des sociétés privées
cotées en bourse et des relations
commerciales entre les pays étrangers et le Canada. À ce titre, nous
sommes devenus une référence pour
les sociétés françaises qui veulent
s’installer dans notre pays. Depuis
deux ans, nous avons aidé un
nombre exponentiel d’entreprises
françaises à ouvrir leurs horizons au
Canada et au Québec.
Que proposez-vous principalement
aux entreprises étrangères qui vous
sollicitent ?
Une expérience sur le terrain et des
connaissances juridiques approfondies du Québec, du Canada et de
l’Amérique du Nord. Il faut savoir que
le Québec, c’est un peu comme New
York qui parle français. Pour une
société qui veut s’installer chez nous,
le faux réflexe est de penser que le
Québec fonctionne comme l’Europe
étant donné que le français en est la
langue officielle. Or, la culture au
Québec est nord-américaine. Nous
avons déjà vu des situations loufoques où des entrepreneurs français
Canada
débarquaient au Québec avec un statut de touriste en vue de s’y installer!
Nous proposons donc une expertise
de premier plan pour aider une
société à s’implanter chez nous.
Nous avons des équipes spécialisées
dans la fiscalité propre à notre continent, notre pays et notre province.
Nous maîtrisons le droit de l’emploi
et le droit du travail, des secteurs
qu’il faut connaitre lorsqu’on décide
de traverser l’océan. Nous avons
l’expérience pour conseiller une
entreprise à propos des valeurs
mobilières, des fusions et acquisitions et de l’immobilier. Au Québec et
au Canada, ces coutumes commerciales et juridiques doivent être
considérées avec attention et notre
expertise permet à une entreprise
étrangère de s’implanter dans un
cadre structuré.
Qu’est-ce qui distingue les avocats de
BCF ?
Nous sommes des avocats qui avons
une grande proximité avec notre
clientèle d’entreprises. Nous aimons
le franc-parler, l’humilité, la générosité et l’innovation. Nos équipes sont
multidisciplinaires, polyglottes et
elles apportent à leurs clients une
approche personnalisée. Nous
tenons à ce que les entreprises se
sentent guidées et accompagnées et
nous leur proposons nos compétences et notre expertise en ce sens.
Dans le domaine du conseil juridique,
la concurrence est forte, mais notre
succès repose sur cette capacité à
tisser un lien étroit avec notre client
et à bien cerner ses besoins en
affaires. Notre cabinet cherche à
secouer les conventions et à faire
évoluer le droit des affaires, c’est
pourquoi notre devise est « Pratiquer
autrement ».
Qui sont vos clients et quelles sont vos
alliances à l’international?
Nos clients sont essentiellement des
PME qui ont un chiffre d’affaires de
5 à 500 millions de dollars canadiens.
De grandes multinationales nous
sollicitent aussi lorsqu’elles ont
besoin d’une intervention ciblée afin
de réaliser promptement des transactions. Notre clientèle se compose
aussi d’entreprises en croissance,
appelées à se développer, dans les
domaines technologique, informatique et biomédical.
Nos alliances à l’international sont
principalement tissées avec les
États-Unis et le reste du Canada.
Nous avons aussi établi un réseau
de contacts qui s’étend jusqu’en
Amérique du Sud, au Maghreb, en
Europe de l’Ouest, en Afrique
subsaharienne et quelques pays de
l’Afrique Centrale. Finalement, nous
faisons également partie du réseau
Méritas, un regroupement de cabinets indépendants qui compte 7000
personnes et 172 cabinets répartis
dans plus de 60 pays autour du
monde. Cette structure de partenariats que nous avons établie nous
permet d’être proactifs et efficaces à
l’échelle internationale.
99
Le Groupe Shemay :
pour un accompagnement stratégique
à l’international
Serge HENRY, Dirigeant de Shemay International Partners®
Grâce à son réseau de correspondants, le Groupe Shemay œuvre à l’internationalisation
des entreprises. Prochainement présente à Montréal, l’entité française a pour objectif
de favoriser les relations bilatérales entre la France et le Canada mais aussi d’œuvrer
à la réussite des accords de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada.
cteur depuis plus de 10 ans
auprès de grandes sociétés françaises et étrangères, Shemay
accompagne les dirigeants d’entreprises à l’international. Quelles sont
les solutions d’accompagnement proposées ?
Shemay intervient selon plusieurs
modes d’accompagnement avec une
A
100
implication croissante. Spécialiste du
management de transition, nous
effectuons ainsi des audits fonctionnels qui permettent d’évaluer le
niveau de maturité de l’entreprise et
de ses dirigeants, à entamer une
démarche à l’export. Nous évaluons
également à ce niveau l’impact d’une
telle démarche sur le fonctionnement au jour le jour de l’entreprise.
Des analyses « produits et services »
sont également proposées, accompagnées d’une éventuelle étude de
marché pour évaluer les chances de
succès, à court et moyen termes, de
la démarche. Shemay s’implique
aussi par le biais de mandats de
prospection afin de tester les solutions à l’export et enregistrer des
pré-ventes, ou encore de mandats
de recherche d’agents ou de distributeurs pour créer un réseau de
commercialisation offshore. Un
accompagnement au long cours
est également possible si l’entreprise souhaite s’implanter sur le
territoire. Nous les aidons à
évaluer les avantages, les risques
juridiques, sociaux, financiers,
normatifs, nous recherchons des
sites d’accueil, créons l’entité,
recrutons les premiers salariés
et participons au lancement de
l’activité. Plus loin encore dans
le processus, Shemay peut
proposer un contrat de distribut i o n , e xc l u s i f o u n o n , s i
l’entreprise souhaite nous confier la
représentation de ses produits. Enfin,
un co-investissement est parfois
possible si le client de Shemay
accepte ce type de collaboration.
Grâce à son réseau étendu de
consultants, Shemay est en mesure
de couvrir de nombreux pays comme
l’Espagne, l’Angleterre, le Brésil ou
encore le Canada. Quelles sont les
particularités de ce marché OutreAtlantique ?
Il ne faut pas voir le marché outreAtlantique comme monobloc : même
si le Canada et les Etats-Unis présentent sûrement de fortes similitudes.
Le Canada sera néanmoins plus
enclin à accueillir les savoir-faire
français mais ne nous y trompons pas,
la langue française parlée dans la
Province de Québec ne changera pas
le fondement des échanges qui reste
avant tout marqué par la mentalité
nord-américaine. Une fois la confiance
établie, les échanges peuvent être
rapides, constructifs et lucratifs si
l’entreprise s’y est bien préparée au
préalable (affectation des ressources
humaines, normalisation des
produits).
Plus loin, plus chaud, le Brésil… Pays
très hétéroclite qui n’est et n’a
jamais été un Eldorado. Il faudra du
temps, de la présence régulière,
investir sur le long terme, comprendre
la complexité des démarches
administratives, fiscales et douanières.
Mais une fois établi, le marché y est
grand, la consommation augmentant
en même temps qu’une classe
moyenne en forte expansion. L’Etat
est un accélérateur, parfois un frein
très fort pour le développement économique des entreprises étrangères.
2016 est une année charnière pour le
Brésil avec en apothéose les jeux
Olympiques de Rio en Juillet prochain.
Partenaire dès les premiers pas à
l’export des sociétés jusqu’à leur représentation officielle, quels sont les
outils dont dispose Shemay ?
Tout d’abord notre réseau : nos
correspondants, nos consultants,
sont des personnes originaires ou
établis dans ces pays depuis de
nombreuses années. Ils vivent les
particularités de chaque pays et sont
à même d’offrir une image instantanée fiable du pays d’approche.
Ensuite, nos réalisations passées qui
nous permettent de gagner en efficacité pour l’ensemble des démarches
légales. Enfin, nos actions en cours :
Shemay International Partners®
étant partenaire voire même investisseur dans certaines sociétés pour
ces pays, cela représente aussi des
points d’ancrage dont nous pouvons
faire profiter nos nouveaux clients en
recherche de soutien sur place.
Quelles sont les perspectives de Shemay
au Canada à moyen et long termes ?
Shemay participera cette année encore
au colloque Canada – France qui se
tiendra à Montréal les 21 et 22 mars
prochain. Nous y lancerons une
nouvelle entité française présente dans
la simulation numérique et qui a signé
un contrat avec une société canadienne
après un accompagnement de Shemay
pendant plusieurs mois. Nous ouvrirons un bureau permanent à Montréal
afin de lancer une collaboration forte
entre le Québec et la France, le Canada
et l’Europe, et offrir ainsi un service
identique à des sociétés canadiennes
désireuses de prospecter elles aussi de
l’autre côté de l’Atlantique. A long terme
nous travaillons pour que Shemay
International Partners® intègre des
programmes de collaboration institutionnelle entre ces deux pays et œuvre
à la réussite des accords de libreéchange entre le Canada et l’UE (ALE)
augurant un potentiel phénoménal de
partage et de développement pour nos
entreprises.
101
STRATÉGIES ET MARCHÉS INTERNATIONAUX
CANADA
Un pays à découvrir
©DR
Alain LELLOUCHE, Président de la Section Canada des Conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF)
P
Au-delà des similitudes avec la France - dont la francophonie à Québec - le Canada
présente des spécificités dans sa culture et son organisation économique et sociale
qui nécessitent, outre une étude de marché, l'appui de partenaires et de conseils
pour s'y implanter. Mais il est bon aussi avant de faire le saut d'y séjourner un hiver...
car ils y sont rudes !
©Bakerjarvis - Fotolia.com
ouvons-nous présenter la section
Canada des CCEF ?
Elle couvre le Canada d'Est en Ouest,
forte de 30 membres, représentant
des grands groupes, des PME et
entrepreneurs français indépendants
établis dans le pays. Ils confrontent
ainsi leurs expertises dans des
secteurs extrêmement variés, qu'il
s ' a g i ss e d e l a b a n q u e e t d e
l'assurance, de l’aéronautique, de
l’automobile, du BTP, de la défense,
de l’énergie , de l’environnement, de
la grande distribution, de l’agroalimentaire, de la culture.
Nous nous rencontrons dans le
cadre de réunions diplomatiques ou
spécifiques, remplissons notre
mission de support à l'administration
en relation avec l'ambassade, le
consulat, les chambres de commerces, l'ensemble des acteurs de ce
que nous appelons « La Maison
France ».
Canada
Si nos liens et échanges ont une
portée économique, ils procèdent
aussi de relations humaines entre
personnes animées par une même
dynamique : défendre l'attractivité de
la France.
Justin Trudeau, accède au pouvoir.
Il est prématuré de savoir quels
changements interviendront de ce
fait dans l'économie. Cependant,
certaines évolutions pourront avoir
lieu.
Quelle est votre analyse de la conjoncture actuelle au Canada ?
La valeur du dollar canadien est un
peu trop basse. De plus, le pays est
le deuxième producteur de pétrole.
La chute du cours du baril en dessous
de la barre des 40 dollars a une
incidence sur l'économie. Le climat
est un peu morose. Cependant, si
l'heure n'est pas à l'euphorie, nous
sommes moins pessimistes qu'en
France.
Au niveau politique, à l'issue des
élections législatives, nous entrons
dans une nouvelle ère. Après une
décennie de gouvernement conservateur, un premier ministre libéral
Pouvez-vous présenter des succès
récents d’entreprises françaises dans
le pays ?
Si de grands groupes de l'Hexagone
sont implantés au Canada, de
nombreuses PME françaises et
notamment spécialisées dans les
TIC y ont un bel avenir. Le marché
canadien leur est très ouvert.
Apprivoiser ainsi l'Amérique du
Nord est un beau défi !
Quels conseils donner à une entreprise française cherchant à s’implanter au Canada ?
L première étape est une sérieuse
étude de marché. Parallèlement, il
est important que l'entreprise trouve
un partenaire canadien, qui connaisse
parfaitement la réalité commerciale
du pays. Il sera à même de la guider,
de lui apporter son expertise, lui
apprendre les écueils à éviter.
L'entreprise gagnera du temps, avec,
en amont, les garanties nécessaires
à son implantation. Autre conseil
important, j'invite les entrepreneurs
qui forment le vœu de s'implanter au
Canada de le découvrir l’hiver. Ce
détail n'est pas insignifiant.
Depuis plus de 115 ans, dans 146 pays, les CCEF forment un
réseau actif de plus de 4 300 membres, mettent bénévolement leur expérience au service de la présence économique
française dans le monde.
Québec.
©Fotolia.com
Le Québec, destination privilégiée
des investisseurs et entrepreneurs
français
Marc AUDET, Président et Chef de la direction Auray Capital
©DR
De plus en plus de Français choisissent le Québec pour y faire affaires et/ou s’y
installer. Près de 120.000 d’entre eux sont établis dans ‘’La Belle Province’’. Le
Québec, c’est pour eux l’Amérique en français mais aussi un eldorado pour entrepreneurs
et investisseurs.
n effet, destination convoitée pour
son cadre de vie, le Québec l’est
aussi pour son environnement
d’affaires. Car, en plus de la qualité de
vie exceptionnelle et sécurisée qu’elle
offre à moindre coût, la Province dispose
d’un environnement d’affaires solide
et dynamique. Proche des grandes
métropoles américaines, sa position
stratégique et son accès à un marché
de plus de 460 millions de consommateurs constituent des atouts de
premier plan, auxquels s’ajoutent une
main-d’œuvre instruite, créative et
accessible en termes de coûts, des
espaces locatifs disponibles à des coûts
très compétitifs, des tarifs énergétiques
parmi les plus bas du monde et,
enfin, un taux d’imposition des plus
concurrentiels en Amérique du Nord.
E
Accéder aux programmes d’immigration d’affaires
Les profils et motivations des
immigrants d’affaires, investisseurs
104
comme entrepreneurs, sont variés.
Pour certains, l’objectif est de
relocaliser leurs opérations, de prendre de l’expansion en développant
leurs affaires en Amérique ou de se
lancer en affaires. D’autres, proches
de la retraite, souhaitent maintenir
leur « standard de vie », en fonction
de leur patrimoine et des charges
fiscales afférentes. La motivation des
plus jeunes est leur futur, et celui
de leurs enfants, les études, un
emploi, ou simplement le bien-être.
Tous se retrouvent sur un point :
il fait bon vivre au Québec, hiver
comme été ! Pour les aider à réaliser
des affaires et à s’installer, le
gouvernement du Québec propose
un Programme Immigrants
Investisseurs et un Programme
Immigrants Entrepreneurs, programmes dont les contingents limités ne s’appliquent pas aux candidats
immigrants francophones, le gouvernement souhaitant les attirer en
plus grand nombre en traitant leurs
demandes en priorité.
Intégrer le Programme Immigrants
Investisseurs suppose des candidats
qu’ils attestent d’une expérience
gestion de deux années au moins sur
les cinq dernières années, disposent
d'un avoir net d'au moins 1 600 000
dollars canadiens (1,1 million d’euros)
et réalisent auprès du gouvernement
du Québec un placement sur cinq ans
de 800 000 dollars canadiens (520 000
euros) garanti par la Province du
Québec. Sur ce dernier point, l’apport
de fonds propres exigés peut être
réduit par un plan de financement de
±75 % du montant de placement
réglementaire.
Le Programme Entrepreneur, lui, est
ouvert aux candidats qui, forts d’une
expérience d’exploitation d’entreprise d’au moins deux ans sur les
cinq dernières années, disposent
d’un avoir net minimal de 300 000
dollars canadiens (200 000 euros) et
Canada
projettent, soit de créer une entreprise
dont ils détiendront 25 % des
capitaux propres (au moins 100 000
dollars canadiens soit 66 000 euros),
soit d’acquérir pour un même montant au moins 25 % des capitaux
propres d’une entreprise au Québec.
Réussir l’investissement en s’appuyant
sur les synergies d’un réseau
d’experts
Le courtier en placement Auray
Capital Canada inc.1, membre de
l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs
mobilières, s’est spécialisé dans les
programmes d’immigration d’affaires
au Canada, fort de l’agrément du
Ministère de l’Immigration, de la
Diversité et de l’Inclusion du Québec
et d’Investissement Québec, pour
opérer à titre d’intermédiaire financier dans le cadre du Programme
Immigrants Investisseurs du Québec.
Son accompagnement est d’autant
plus performant que l’entreprise est
une filiale de Raymond Chabot Grant
Thornton2, premier cabinet comptable au Québec figurant parmi les
chefs de file en certification, fiscalité
et services-conseils. Un membre, qui
plus est, du réseau Grant Thornton
International3, un des groupes leader
d'audit, d'expertise conseil et de
conseil fiscal. Le cabinet a ainsi toute
capacité pour accompagner les
démarches à l’international sur un
large spectre de services complémentaires, fort d’une équipe de près
de 2 400 personnes réparties dans
plus de cent bureaux au Québec,
dans l’est de l’Ontario et au NouveauBrunswick. En plus de la certification
et de l’audit, le cabinet assure non
seulement la planification - fiscale
dans le cadre de processus d’immigration et d’émigration ou pour les
achats/ventes d’entreprises - mais
aussi les évaluations d’entreprises,
les vérifications diligentes et la minimisation des incidences fiscales
des activités transfrontalières, sans
oublier le conseil immobilier et l’analyse des structures de financement.
Aussi, avec déjà plus de 20 000 immigrants d’affaires à son actif au cours
des vingt dernières années, l’équipe
d’experts en immigration d’affaires
d’Auray Capital Canada est opérationnelle sur toutes les étapes du
processus, en collaboration avec son
réseau mondial d’agents et d’avocats
spécialisés en immigration. Et,
pour faciliter l’accès aux différents
produits et services financiers dont
auront besoin les clients investisseurs et entrepreneurs, Auray
Capital Canada a conclu un partenariat stratégique avec le Mouvement
Desjardins 4, première institution
financière au Québec disposant
notamment d’un bureau de représentation à Paris.
1. www.auraycapital.com
2. www.rcgt.com
3. www.gti.org
4. www.desjardins.com
105
STRATÉGIES ET MARCHÉS INTERNATIONAUX
CANADA
Banque Transatlantique
Gérer un patrimoine et investir
en France et au Canada
©DR
David EAP, Directeur du bureau de représentation de la Banque Transatlantique et du CIC à Montréal
Sur un marché canadien dynamique, avec près de 120 000 Français expatriés sur
Montréal, les entreprises et leur top-management ont besoin de conseils, d’un suivi
et d’une gamme complète de services. Groupe bancaire français le plus solide en
2015*, le Crédit Mutuel-CIC a noué un partenariat avec le Mouvement Desjardins
en 2011. La banque CIC accompagne les entreprises françaises à l’international. Sa
filiale, la Banque Transatlantique a développé une activité dédiée aux Français
expatriés.
ouvez-vous nous rappeler
les champs d’activité respectifs
du CIC et de la Banque
Transatlantique au Québec ?
Dans le cadre de nos activités gestion
p r i vé e a u s e i n d e l a B a n q u e
Transatlantique, nous conseillons les
Français expatriés au Canada, ou qui
résident en France et investissent au
Canada, ainsi que les Canadiens expatriés en France, et ceux qui possèdent
un patrimoine dans les deux pays.
En parallèle, côté CIC, notre activité est
d’accompagner le développement des
entreprises françaises au Canada,
ainsi que l’expansion des entreprises
canadiennes sur le sol français.
Ma double casquette me permet
d’être l’interlocuteur privilégié de ces
entreprises et de leurs cadres.
P
Quels sont précisément les services
proposés à votre clientèle de particuliers ?
Nous accompagnons les particuliers,
surtout les cadres expatriés et dirigeants
d’entreprises, dans l’organisation et la
gestion de leur patrimoine privé.
Notre expertise est reconnue sur
l’optimisation des avantages liés au
salariat de l'encadrement supérieur,
en particulier sur les plans de stockoptions et d’attribution d’actions
gratuites.
Nous conseillons nos clients dans la
structuration de leurs projets dans
un contexte franco-canadien maîtrisé,
notamment dans ses aspects fiscaux
et conformité.
Notre bureau suit les évolutions des
règles fiscales applicables entre le
NOS IMPLANTATIONS
Québec et la France, et entre le
Canada et la France.
Sur ces deux pays, nos clients bénéficient de conseils en investissements, de
prêts immobiliers à garantie mixte, de
transferts à moindre coût d’une devise
à l’autre, gestion du change entre
monnaies canadienne et européenne.
Qu’en est-il pour votre clientèle
d’entreprises ?
Nos clients entreprises, filiales et
bureaux de représentation, bénéficient
dans les deux pays de nombreux
services : facilitation pour l’ouverture
de comptes, financement pour leur
développement, optimisation de leur
trésorerie, moyens de paiement adaptés,
sans oublier des garanties internationales et des solutions d’épargne.
Grâce à quels atouts concurrentiels
vous démarquez-vous ?
Nous restons un des rares groupes
bancaires français à offrir aux
entreprises et aux particuliers cet
a cco m p a g n e m e n t p a t r i m o n i a l
transatlantique. Nous offrons la
possibilité à nos clients d’investir
en euros au Canada et de disposer
d’une reprise de l’historique des
crédits et des assurances. Toujours
grâce à notre partenaire Desjardins,
la gestion financière de comptes à
distance entre les deux pays est
simplifiée : les titulaires de cartes
bancaires Banque Transatlantique
et CIC ne subissent par exemple
aucun frais lors de retraits d’argent
auprès de guichets Desjardins sur
le sol canadien.
(* : Global Finance, mars 2015)
107
©DR
Desjardins, groupe financier
de référence pour les entreprises
françaises et canadiennes
Lucia BALDINO, Directrice du Bureau de représentation Desjardins (Europe)
©DR
Acteur financier de premier plan au Canada, le groupe coopératif Desjardins est très
impliqué dans la coopération entre PME françaises et canadiennes grâce à un bureau
ouvert à Paris en 2012. Sa Directrice principale, Lucia Baldino, revient sur les missions
et les actions menées par le groupe au Canada et en France.
vec un réseau de près de 400
caisses au Québec et en Ontario, Desjardins est le premier
groupe financier coopératif du Canada.
Pouvez-vous revenir sur les missions
du groupe ?
Nous sommes effectivement le
premier groupe coopératif financier
au Canada et le cinquième dans le
monde. Ce terme « coopératif » est
très important, nous sommes plus
qu’une banque, la mission du groupe
étant de contribuer au mieux-être
économique et social à la fois des
personnes mais aussi des collectivités.
Notre mission est duale. Tout
d’abord, nous développons un réseau
coopératif intégré de services financiers sécuritaires et rentables, sur
une base permanente, propriété des
membres et administrés par eux, et
un réseau d’entreprises financières
A
108
complémentaires, à rendement
concurrentiel et contrôlé par eux.
Notre deuxième mission concerne
l’éducation : à la démocratie, à
l’économie, à la solidarité et à la
responsabilité individuelle et collective,
particulièrement auprès de nos
membres, de nos dirigeants et de nos
employés. Desjardins a contribué en
2014, à hauteur de 82,3 millions de
dollars canadiens, au développement
économique régional et des connaissances, par le biais de dons et de
commandites. En Europe, notre
mission est d’accompagner à la fois
les entreprises et les particuliers qui
souhaitent mener des projets transatlantiques. Pour accompagner nos
clients canadiens, nous avons établis
plusieurs relations bancaires sur
l’ensemble de l’Europe. En France,
les sociétés françaises souhaitant
faire des affaires au Canada pourront
accéder et entamer leurs démarches
en besoin bancaire depuis la France.
Nous avons mis en place notamment
un partenariat avec le groupe Crédit
Mutuel CIC, qui leur permet d’accéder
à de nombreux services bancaires.
Nous leur offrons aussi notre
connaissance du marché, nos carnets
d’adresses. Très appréciées de nos
membres, nous avons également
organisé des missions d’affaires, avec
une première édition lancée en 2013
et une seconde qui a eu lieu fin 2015.
La prochaine est prévue pour 2017.
Acteur clé des relations d’affaires
entre le Canada et la France, le groupe
Desjardins participe à une meilleure
coopération entre PME françaises et
canadiennes. Vous êtes directrice du
©DR
bureau européen, situé à Paris.
Comment participez-vous à cette
coopération ?
Nous organisons de nombreux
ateliers, à la fois au Canada et en
Europe et notamment en France. Ces
ateliers permettent de répondre
aux problématiques, telles que « comment faire des affaires en France ou
au Canada ? ». Dans l’hexagone,
ces ateliers se tiennent auprès de
différentes régions et communautés
d’affaires. L’objectif est de donner un
aperçu de ce qui se passe sur ces
marchés, les éléments juridiques et
bancaires dont il faut tenir compte.
Nous venons également de lancer
le premier guide « Entreprendre et
conquérir le marché canadien », qui
est destiné aux sociétés françaises qui
souhaitent entreprendre au Canada.
Depuis quatre ans, le bureau de Paris
a accompagné plus de sept cent
entreprises de chaque côté de
l’Atlantique. Des sociétés de toute
taille, allant de la TPE à la très grande
e n t re p r i s e co m m e l a s o c i é t é
Derichebourg, côté au CAC 40.
En quoi le marché canadien est-il porteur pour le PME françaises ? Quels
conseils pourriez-vous leur donner ?
L’Economist Intelligence Unit a placé
le Canada au premier rang des pays
du G7, et au quatrième rang mondial
des pays où il fait bon y faire des
affaires, pour la période allant de
2012 à 2016. Le marché canadien est
ainsi reconnu pour bénéficier d’une
stabilité économique, l’OCDE a ainsi
prévu une croissance du marché
de 2% par année pour les vingt
prochaines années. C’est un pays qui
propose un cadre rassurant, toujours
en développement et qui permet
d’accéder à un marché important,
grâce aux accords économiques
de libre-échange conclu entre le
Canada, les Etats-Unis et le Mexique
notamment. Nous pensons également que l’accord économique
commercial et global entre l’union
européenne et le Canada va finir par
aboutir et qu’il sera porteur pour nos
membres et nos clients et plus largement l’ensemble de la communauté
d’affaires en Europe et au Canada.
N’oublions pas que ce marché
regroupe tout de même 600 millions
de consommateurs.
109
STRATÉGIES ET MARCHÉS INTERNATIONAUX
CANADA
Le Canada, relais de croissance
à l'international
Dixième puissance économique du monde, septième pays d'accueil des investissements directs à
l'étranger en 2014 , 7e investisseur mondial en 2012 , le Canada attire les entrepreneurs et investisseurs
étrangers, notamment français.
n 2012, selon le magazine
Forbes c'était le meilleur pays du
G-20 où faire des affaires.
A partir du début des années 90, il a
connu la croissance la plus élevée
des pays du G7. Son secteur financier
a bien résisté à la crise mondiale de
2008 et la reprise est intervenue dès
la fin 2009 ; l'économie canadienne a
retrouvé rapidement ses indicateurs
initiaux, qu'il s'agisse du taux de
croissance, des revenus moyens ou
du ratio de la dette par rapport au
produit intérieur brut. La croissance
s’est établie à 2,5 % en 2014, restant
dans l'ensemble bien orientée pour
2015 (1,4 % de prévisions selon la
Coface).
Ed Fast, Ministre du Commerce
international dans l'édition 20132014 du Rapport Phare - Investir au
Canada, soulignait ainsi les atouts du
pays : « un secteur bancaire solide
et stable, de faibles taux d’imposition, l’un des niveaux de vie les plus
élevés parmi les pays du G-20, un
cadre propice aux entreprises, des
villes de classe mondiale, des paysages naturels spectaculaires et une
main-d’œuvre novatrice, instruite
et multiculturelle, le Canada est
une destination privilégiée pour les
investissements mondiaux ».
Sa démographie, qui bénéficie d'un
accroissement migratoire, assure le
renouvellement du marché du travail.
Comme le souligne Business France,
ses ressources énergétiques sont
abondantes et diversifiées. Il est ainsi
le cinquième producteur mondial de
pétrole mais possède aussi des
ressources minières qui le placent
parmi les premiers producteurs
mondiaux d’uranium, de nickel, de
fer, de potasse, de cobalt.
©Olymicflame - Fotolia.com
E
>
110
Echanges bilatéraux France-Canada
En 2015, la France était son 8ème
partenaire. En 2014, les échanges
Ottawa.
©City Hall - Fotolia.com
>
Ontario à Toronto.
commerciaux entre la France et le
Canada totalisaient 9,2 milliards de
dollars canadiens, en hausse de 8 %
par rapport à l’année précédente.
Bien que dynamiques, les échanges
d’IDE (Investissements Directs
Etrangers) entre la France et le
Canada étaient orientés à la baisse
en 2014. L'Hexagone était alors en
10ème position avec 11,7 milliards de
dollars canadiens, 6ème investisseur
européen, derrière les Pays-Bas,
le Luxembourg, le Royaume-Uni,
l’Allemagne, et la Suisse.
Plus de 10 000 entreprises françaises
exportent vers le Canada dont 75 %
de PME. 550 entreprises françaises
implantées dans le pays emploient
environ 80 000 personnes.
S'implanter au Canada assure aussi
une ouverture vers l’ensemble du
territoire nord-américain, et ses
460 millions de consommateurs.
Où s'implanter et investir ? Chaque
province a ses spécificités
Le Canada présente des débouchés
importants pour les produits français
notamment dans l’aéronautique,
l’équipement mécanique et électrique, l’agroalimentaire (environ 66 %
correspondent aux ventes de vins,
2ème produit français le plus exporté au
Canada), le secteur biopharmaceu-
tique, et cosmétique. De son côté, la
France importe principalement des
matériels de transport ainsi que des
produits pétroliers raffinés et des
minerais métalliques et uranifères.
Chaque province a ses spécificités.
Les investissements français au
cours de ces dernières années ont
progressé en Ontario, en Alberta,
Saskatchewan et en ColombieBritannique mais la première province
d’accueil reste le Québec, que
70 % des entreprises françaises ont
privilégié. L'aéronautique, les TIC,
l'audiovisuel, la santé et les biotechnologies, l'environnement, les biens
de consommation, l'alimentaire, les
mines, et l'hydroélectricité y sont les
principales activités.
L’Ontario, province caractérisée par
son ouverture notamment vers les
Etats-Unis, a vu sa capitale Toronto
se positionner comme grand centre
bancaire international. C'est la
province la plus peuplée et la plus
dynamique du Canada, avec une
industrie et des entreprises innovantes, notamment dans les services
(financiers, communications,
médias), l'électronique, l'audiovisuel,
le cinéma, les TIC, les mines, l'automobile, les industries mécaniques,
la plasturgie, la santé et les biotechnologies, la chimie et la sidérurgie,
l'agroalimentaire.
L'Alberta est connue pour ses
ressources naturelles, son industrie
minière et les nanotechnologies. Le
sud de cette province, balayé par les
vents, offre des opportunités intéressantes dans les énergies renouvelables et le développement éolien.
En Colombie britannique, dominent
l'industrie forestière, les mines, le
gaz naturel, les TIC, la santé, les
biotechnologies, les piles à combustibles, les technologies de l’hydrogène, et l'astronomie. Sa capitale
économique, Vancouver, est le
premier port de la côte ouest de
l’Amérique du Nord et une porte
ouverte vers les marchés asiatiques.
Enfin, la province de Manitoba
dispose de compétences spécifiques
dans les technologies des appareils
médicaux tandis que celle de
Saskatchewan est connue pour son
agriculture, l'extraction minière, ses
infrastructures urbaines durables et
les biotechnologies des plantes.
On citera aussi Terre Neuve Labrador
et les technologies océaniques et
marines, le Nouveau-Brunswick et les
technologies du sans-fil, la NouvelleÉcosse et les technologies du sans-fil,
sciences de la vie et des biotechnologies marines ou l'Ile-du-PrinceÉdouard, pour son excellence dans les
sciences nutritionnelles et la santé.
Sources : Fiche pays Canada Business France 2015 - diplomatie.gouv.fr
investiraucanada.com -Rapport phare -Investir au Canada – Edition 2013-2014
111
STRATÉGIES ET MARCHÉS INTERNATIONAUX
CANADA
MSH International au Canada :
ce qui se conçoit bien s’énonce clairement
Philippe de DREUZY, président directeur général de MSH INTERNATIONAL à Calgary
©DR
Cinquième courtier d’assurance en France, Siaci Saint Honoré comprend plus de
1500 employés dans le monde et propose une gamme complète de produits d’assurance
que ce soit en IARD ou en assurance Santé et Prévoyance. Sa division MSH International
possède quatre bureaux régionaux à Shanghai, Paris, Dubaï et Calgary. Ses produits
phares sont des solutions d’assurance santé pour les personnes en mobilité
internationale, soit 330 000 personnes dans le monde ; pour la plupart des étudiants
à l’étranger, des expatriés en assurance collective ou en individuelle. Philippe de
Dreuzy, président directeur général de MSH International à Calgary, au Canada, nous expose les
problématiques et la stratégie de la compagnie en matière de transparence et d’innovation technologique.
Pouvez-vous présenter vos
activités ?
Nous sommes implantés à Calgary au
Canada depuis les années 2000 avec
un centre administratif important dédié
à la gestion de plans d’assurance médicale, vie et incapacité. Dans une logique
de croissance, MSH International a
acquis en 2006 Norfolk Mobility
Benefits. Nous avons depuis fusionné
pour fonder une nouvelle société qui
nous a permis d’élargir l’éventail de
nos services sur le continent nord-américain. La principale mission de notre
société est d’assurer le meilleur
service par la prise en charge de nos
clients désireux d’accéder à un vaste
réseau médical sur le continent
américain et ceci à des prix abordables, en présentant simplement leur
carte d’assuré MSH. Notre mission est
de fédérer les meilleurs hôpitaux et
médecins spécialistes sélectionnés
tant par la qualité de leurs soins que
par la simplicité des démarches à
suivre. Notre département médical
émet des lettres de garantie financière
et de pré-autorisation d’hospitalisation quel que soit le degré d’urgence.
Ce type de services est essentiel pour
les entreprises en matière de mobilité
à l’international. Mais notre offre ne
s’arrête pas là puisque nous nous
concentrons également sur la conception de nouveaux produits et services
à fortes valeurs ajoutées.
Notre bureau de Calgary est composé
de cent personnes et de plus de 35
nationalités différentes, ce qui nous
permet d’être plus proches de notre
clientèle en percevant ses sensibilités culturelles. Notre centre régional
dispose également de bureaux satellites
à Toronto, Ontario, et à Houston aux
Etats-Unis. Nous devons ouvrir très
prochainement un bureau à Montréal
dans la province du Québec.
Quels sont vos principaux atouts ?
Pour moi qui suis en poste depuis
deux ans, je constate un fort esprit
d’équipe et le besoin de communiquer
tous ensemble pour aller de l’avant.
Depuis mon arrivée nous avons considérablement renforcé notre équipe
marketing pour être d’avantage à
l’écoute de nos clients. Ce travail d’analyse nous a permis de constater que le
cout élevé des primes d’assurance
notamment sur le territoire nord-américain et l’absence de transparence sur
leurs calculs de la part des assureurs
locaux étaient un gros sujet de frustration au sein des entreprises. Nous nous
devions de les munir d’outils offrant
plus de transparence. Notre position
d’administrateur et de courtier nous
conduit à développer des solutions
innovantes basées sur les dernières
technologies. Nous venons en effet de
lancer un logiciel type tableau de bord
appelé “MSH Aviator” qui permet aux
entreprises de connaitre de façon continuelle l’état de la situation de leur plan
d’assurance collective. L’ensemble des
primes et décomptes sont stockés de
façon sure et privée et disponible en
ligne. Enfin nous élaborons des
solutions de réclamation basées sur le
traitement en ligne à partir d’un simple
smart phone, réduisant ainsi nos temps
de traitement et plus de simplicité pour
l’assuré.
Force est de constater que le monde
de l’assurance n’a pas rapidement
progressé sur le plan technologique.
C’est un vieux métier qui se doit
d’évoluer rapidement. Le back office
est en effet très compliqué à gérer.
SIACI, avec l’appui de notre nouvel
actionnaire Ardian (un des premiers
fonds d’investissement français), va
nous permettre de continuer cette
perpétuelle course contre la montre.
Notre stratégie est aussi d’être
à l’écoute des dernières régulations
en matière d’assurance. La loi
ObamaCare (PPACA) aux Etats-Unis,
qui est au demeurant favorable pour
les Américains vivant aux Etats-Unis,
a provoqué beaucoup de confusion au
sein de la communauté expatriée.
Il est donc normal que nous nous
efforcions de simplifier au mieux
toutes ces nouvelles régulations qui
peuvent être parfois contradictoires,
notamment en matière de flux liés
aux transactions financières.
En conclusion et selon le principe
de “ce qui se conçoit bien s’énonce
clairement et les mots pour le dire
arrivent aisément” (1), nous nous
efforçons ainsi d’aller au plus simple
dans notre langage d’assureur tout
en préservant l’essentiel.
(1) Nicolas Boileau – écrivain français 1636 - 1711.
113
©Adwo - Fotolia.com
Université de Montréal.
STRATÉGIES ET MARCHÉS INTERNATIONAUX
©DR
CANADA
Un enseignement
ouvert sur le monde
©Maxime
©Maxime Desbiens
Desbiens
Michel PATRY, Directeur de HEC Montréal
HEC Montréal conjugue tradition européenne et approche pragmatique américaine,
un enseignement très complet et dans un nombre toujours plus important de filières
et de certifications. Aujourd’hui, elle va plus loin en lançant un tout nouveau programme
que l’on peut suivre entièrement à distance.
ouvez-vous nous dire quelques
mots de l’historique de HEC
Montréal ?
Créée en 1907, HEC Montréal est
la plus vieille école de gestion du
Canada. Elle accueille quelque 13 500
étudiants et 8 000 cadres en formation. Elle figure dans les meilleures
écoles du Canada et est bien placée
dans les classements internationaux.
P
116
Quelle est la philosophie de l’École ?
HEC Montréal dispense d’un enseignement théorique plus important que
dans les autres écoles, tout en suivant
l’approche nord-américaine, beaucoup plus pragmatique et fondée sur
l’analyse de cas et la recherche de
solutions.
Notre premier cycle propose donc un
tronc commun pour acquérir des
bases suffisantes pour décoder le
monde, avant d’affiner les connaissances
selon le domaine choisi.
Quelles sont ses spécificités pédagogiques ?
Nous pratiquons la pédagogie
inversée ; les étudiants disposent de
ressources en ligne et de documents
pour assimiler le cours et, lorsqu’ils
Canada
se retrouvent en classe, testent leur
compréhension face à des analyses
ou des études de cas.
Les échanges avec les enseignants
sont ainsi quotidiens, d’autant que
les cours magistraux ne comportent
pas plus de 60 élèves. Nous sommes
très attachés à ce modèle.
Quels nouveaux cursus, formations et
certificats que l’École présente-t-elle
cette année ?
Nous allons créer un tout nouveau
certificat enseigné à distance pour les
personnes qui ne peuvent se déplacer
à nos cours. Jusqu’ici, nos formations
continues se partageaient entre une
partie à distance et une partie présentielle. Désormais, notre cursus
complet en administration pourra
être suivi à distance.
Par ailleurs, l’École innove beaucoup
dans les nouvelles technologies. Elle
dispose d’un laboratoire qui mesure,
aux plans neuronal et cognitif,
l’attention des usagers. Ces données
serviront de base à une formation
concernant l’expérience des utilisateurs, qui pourra être appliquée au
commerce ou aux interfaces électroniques.
En ce qui concerne l’École des
dirigeants, quels sont ses spécificités
et ses objectifs ?
L’École des dirigeants HEC Montréal
propose des formations qualifiantes
et diplômantes pour des cadres en
exercice qui ont identifié un besoin
de formation complémentaire. Les
c u rs u s vo n t j u s q u ’ à ce l u i d e
Executive MBA.
L’École s’est récemment associée à
de nombreux organismes publics et
privés reconnus pour leur expertise
et leur ancrage sectoriel, comme
le Centre Européen d’Éducation
Permanente.
Ces démarches nous permettent
d’offrir aux cadres un soutien plus
concret en leur donnant un accès privilégié à nos quelque 400 experts.
L’École poursuit également ses
démarches en France et à l’international : nous avons d’ailleurs récemment remporté un appel d’offres
pour former les membres du comité
de direction de LISI Aerospace.
Que peut apporter HEC Montréal à de
jeunes Français qui souhaitent suivre
des études à l’étranger ?
Ce que nous pouvons offrir à des
étudiants français, c’est une expérience nord-américaine dans un lieu
qui peut rappeler les grandes écoles,
une mise en relation avec un environnement d’affaires nord-américain,
avec une très forte ouverture sur
l’international, le tout, à partir de
l’Amérique du Nord.
C’est d’ailleurs la possibilité de
travailler à l’international qui motive
les étudiants à passer par HEC
Montréal.
117
STRATÉGIES ET MARCHÉS INTERNATIONAUX
CANADA
L’École entrepreneuriale :
une culture du risque et de la réussite
©DR
Rino LÉVESQUE, cofondateur de l’Organisation Internationale des Écoles Communautaires Entrepreneuriales
Conscientes (OIECEC)
Active sur trois continents, l’OIECEC, l’Organisation Internationale des Écoles
Communautaires Entrepreneuriales Conscientes, veut faire de l’école un lieu pour
apprendre à entreprendre et innover. Depuis 24 ans, son fondateur, Rino Lévesque,
nommé en 2014 ambassadeur international pour l’éducation entrepreneuriale chez
les jeunes par l’OCDE, développe ce modèle. Il présente ici son concept et sa philosophie.
omment est née l’Organisation
Internationale des Écoles
Communautaires Entrepreneuriales Conscientes ?
Elle est née d’un rêve de créer un
réseau d’écoles innovantes et entrepreneuriales au service des besoins
des jeunes et de leurs environnements humains. L’internationalisation du projet s’est amplifiée dès
2011 grâce à une rencontre avec
M. Yves Sylvain, actuel Sous ministre
adjoint au Ministère de l’Éducation, de
l’Enseignement supérieur et de la
Recherche (MEERS) du Québec, alors
Directeur général de la commission
scolaire Marguerite-Bourgeoys
(CSMB) de Montréal. Notre première
expérience date de 1991, au Canada,
en Colombie Britannique puis vers
l’Est en Saskatchewan. À compter de
1999, elle connaît un grand succès
avec l’école Cœur-Vaillant au Québec.
En 2005, le ministère de l’Éducation
du Nouveau-Brunswick (Canada)
entreprend d’instaurer le concept
dans l’ensemble des écoles francophones. L'expérience intéresse alors
de nombreux pays. La commission
canadienne de l’Unesco reconnaît le
concept et Microsoft Corp souligne
l’originalité de l’ECEC ; je suis ensuite
désigné comme membre officiel du
World Entrepreneurship Forum. Dans
la foulée, la CSMB lance un plan
de mise en œuvre dans 12 de ses
92 écoles primaires et secondaires,
ses centres d’éducation pour adultes
et de formation professionnelle.
C
De quels constats êtes vous partis ?
De nombreux défis doivent être
relevés face à l’économie globalisée
du XXIème siècle. L’ECEC estime qu’il
n’est pas possible de maintenir
une croissance continue dans un
monde fini aux ressources limitées.
L’entrepreneuriat conscient est un
118
projet éducatif de société endogène
et viable et qui vise trois grands défis.
Il s'agit de développer les capacités
des individus pour qu’ils se prennent
en charge de manière autonome ;
d'inventer et de proposer de nouveaux
modèles de développement pour
chacun ; de développer la conscience
des défis contemporains.
Comment un établissement d’enseignement peut-il devenir une École
Communautaire Entrepreneuriale
Consciente ?
Il est accompagné selon un
processus progressif et personnalisé,
notamment, en fonction du rythme
d’appropriation. Un préalable est la
mise en œuvre de composantes
structurantes organisationnelles
(7, puis 12) de notre approche
pédagogique. Les composantes
fondamentales sont l’approche
p é d a g o g i q u e , le p ro g ra m m e
d’apprentissage et la philosophie de
l’entrepreneuriat conscient. Elles
doivent être en synergie les unes par
rapport aux autres pour contribuer
au développement de l’élève.
Quelles sont votre philosophie et votre
stratégie de la réussite pour l’élève ?
Au terme de sa scolarité dans une
ECEC, chaque élève développe
trois rôles : initiateur, réalisateur et
gestionnaire. Il acquiert trois compétences : s’entreprendre, entreprendre
et créer de l’innovation de façon
consciente, responsable et autonome. Il acquiert trois attitudes : la
fierté identitaire et culturelle, la
recherche constante d’innovation et
son engagement envers son milieu
humain (communauté). Douze qualités
sont ainsi visées : la confiance en
soi, le respect des autres, l’esprit
d’équipe, le sens de l’organisation,
la solidarité, le sens des responsa-
bilités, le sens de l’initiative, l’ingéniosité et la créativité, le leadership,
la conscience entrepreneuriale,
l’apprentissage autonome et l’humanisation. Enfin, trois forces doivent
émerger : le diagnostic, le dynamisme
et la détermination. L’ECEC permet
le développement chez l’élève de
ce profil de sortie. Son approche
p é d a g o g i q u e i n t é g ré e a ss u re
l’apprentissage de notions prévues aux
cursus scolaires (maths, sciences,
français, histoire, géographie, etc.).
Comment est organisé votre réseau?
Nous avons regroupé des professionnels motivés et passionnés par
notre modèle afin de proposer notre
concept partout dans le monde. Notre
réseau se compose de directeurs
d’établissements, de pédagogues,
d’éducateurs, de gestionnaires en
éducation, sur les continents nordaméricain, européen, africain et sudaméricain. Chacun œuvre dans des
réseaux scolaires et des organisations éducatives, certains, dans le
cadre d'une carrière après la retraite.
Notre structure est composée d’un
bureau exécutif, d’un conseil d’administration, d'un conseil de gouvernance, d'une équipe de coordinateurs et
de coordinatrices pour la Belgique et
l’Europe, le Maroc et le monde arabe,
la Côte d’Ivoire, le Bénin et l’Afrique
de l’Ouest, les États-Unis, l'Amérique
latine, les Caraïbes, l'Amérique du
Sud. Nous disposons de coordonnateurs pour l’Afrique Australe et
l’Afrique Centrale.
Nous disposons d’une équipe dédiée
au développement pédagogique,
une cellule de communication, une
autre, des organisations qui appuient
le développement éducatif : citons
ici la Fondation Paul Gérin-Lajoie,
des commissions scolaires canadiennes dont la CSMB, le SAJE
Accompagnateurs d’entrepreneurs,
Canada
HEC Montréal et divers partenaires
internationaux dont l’Organisation
internationale de la Francophonie et
l’OCDE.
Quelle est l'étendue de ce réseau
aujourd'hui?
Des ECEC se développent sur trois
continents, dans cinq pays et deux
provinces canadiennes. En Afrique,
nous sommes implantés au Bénin, en
Côte d’Ivoire et au Maroc, avec de
nombreuses demandes depuis 2013.
Au Bénin, nous connaissons un fort
développement depuis 8 ans. Nos programmes intéressent actuellement le
gouvernement de Côte d’Ivoire comme
l’Unesco. Au Maroc, sept écoles
privées ont adopté notre modèle. Le
Conseil Supérieur de l’Éducation du
Maroc étudie la possibilité d’appuyer
l’implantation d’ECEC dans plusieurs
écoles publiques. Nous avons de
grands espoirs sur le continent
africain, notamment en Afrique subsaharienne. En Europe, nous avons
quelques écoles à Bruxelles et Namur,
d’autres, en Belgique et désormais en
France, indiquent vouloir se transformer
selon ce modèle, qui concerne
actuellement le primaire, le secondaire
et la formation professionnelle.
Quels sont vos innovations et vos tarifs?
Parmi nos innovations il faut noter un
programme pédagogique complet en
entrepreneuriat conscient qui s’intègre pendant et après les heures de
classe. Par exemples, est proposé
aux écoles un système d’activités, de
projets et de microentreprises pédagogiques, auxquels s’ajoutent une
micro chambre de commerce des
entrepreneurs et une micro banque
d’investissement en entrepreneuriat
conscient servant, dans ce dernier
cas, à soutenir le démarrage de
micro-projets que réalisent les
élèves. La micro banque a aussi
pour rôle de réguler la qualité de la
pédagogie tout en permettant une
compréhension des concepts liés au
microcrédit. L’ECEC est en quelque
sorte une « micro société ». Il s’agit
d’un modèle écosystémique « écolefamille-environnement socioéconomique ». Notre service d’accompagnement offre jusqu’à 14 jours
par année (trois ans) aux enseignants,
directions et certains partenaires.
Nous proposons des programmes
adaptés aux besoins pour la formation
des équipes-écoles souhaitant mettre
en œuvre l’ECEC. Selon le programme d’accompagnement choisi, les
tarifs moyens (selon la taille de
l’école) vont jusqu’à 25 000 euros
chaque année pendant trois ans, puis
jusqu’à 15 000 euros pour les deux
années suivantes assurant la consolidation des acquis et menant à la
certification ECEC.
Les mentalités évoluent, l’entrepreneuriat conscient fait son chemin, au
Québec comme dans d'autres pays.
Sa philosophie et sa pédagogie sont
de plus en plus reconnues car elles
visent à réduire le décrochage scolaire,
à augmenter la motivation des
élèves, à fédérer école, communauté
et milieu socio-économique autour
d’un projet éducatif porteur de sens ;
puis, dans la perspective d’un
développement à portée sociale,
elle véhicule l’espoir de contribuer
à mieux vivre ensemble, pour un
avenir rayonnant et des économies
viables.
Voir : http://acteursdeleconomie.latribune.fr/debats/opinion/2015-11-27/une-culture-de-l-entrepreneuriat-conscient-pour-tous.html
(La Tribune, novembre 2015)
119
STRATÉGIES ET MARCHÉS INTERNATIONAUX
CANADA
École canadienne bilingue de Paris :
l'enseignement canadien rayonne
©DR
Hélène LEONE, directrice de l’école
S'il existe des écoles françaises au Canada, la réciproque n’était pas vraie dans
l'Hexagone. Pourtant, l'enseignement canadien, classé 3ème au PISA (Program for
International Student Assessment) de l'OCDE n'a rien à envier au système français.
Depuis septembre 2015, la première École canadienne bilingue de Paris offre à ses
élèves une véritable éducation bilingue en anglais et en français.
'École Canadienne Bilingue de
Paris que vous dirigez à ouvert
ses portes en septembre 2015.
Quelles étaient les attentes des parents
de vos élèves ?
Je pense que l'une des attentes
majeures étaient de permettre à
leurs enfants d'acquérir une véritable éducation bilingue, source de
compétences égales dans les deux
langues que sont le français et l’anglais en lecture, en écriture, en
expression et compréhension orale.
Dans la majorité des écoles, la
deuxième langue, quelle qu'elle soit
est une matière.
Dans notre structure, le français et
l'anglais sont utilisés à part égale
dans l'ensemble des enseignements,
qu'il s'agisse des mathématiques,
des sciences ou encore des sciences
humaines.
En deçà du bilinguisme, notre particularité est d'adapter notre pédagogie à l'enfant, individu unique et non
l'inverse. Nous valorisons le potentiel de chacun, l'accompagnons pour
qu'il surmonte ses faiblesses et les
mue en forces.
Nous refusons la mise en échec et
travaillons sur l'épanouissement
personnel et intellectuel.
L'enseignement bilingue et biculturel, le mène aussi à explorer ses
passions et sa créativité par le biais
de programmes artistiques et
sportifs spécifiques.
L
Toutes les nationalités sont-elles représentées ?
Nous accueillons 60 % de familles
françaises et 40 % d'expatriées,
qu'elles soient canadiennes, américaines, allemandes ou encore italiennes. L'un de nos fondamentaux est
l'ouverture au monde.
Comment est organisé l’enseignement ?
Nous suivons le programme officiel
de la Colombie-Britannique et
accueillons des enfants de 3 à 19 ans.
Attentifs à nos élèves, ceux qui arrivent avec une maitrise moindre de
l'anglais ou du français sont assistés
en cours par une enseignante
supplémentaire, qui les accompagne
jusqu'à ce qu'ils puissent suivre dans
les deux langues, sans difficulté. Nos
classes étant composées de 6 à 8
élèves, nous pouvons ainsi travailler
en finesse avec les enfants et répondre aux besoins individuels, leur
apprendre à apprendre, leur donner
la soif et les moyens d'accéder à la
connaissance.
J'ai apporté un grand soin au recrutement des enseignants, en retenant
cinq sur les 183 candidatures reçues.
Je souhaitais qu'ils soient en accord
parfait avec les fondements de l'éducation que je voulais transmettre,
que les enfants puissent évoluer
dans un environnement sécurisant,
chaleureux, et inclusif, comme au
Canada.
Qu'est-ce qui vous différencie des
autres écoles bilingues ?
Je pense qu'il s'agit de notre conception du bilinguisme en soi. Nous
apprenons un vrai bilinguisme, qui
intègre les deux langues dans
l'apprentissage et n'en fait pas des
matières distinctes. Nos élèves sont
des citoyens du monde en devenir. J'ai
mûrement pensé ce projet pendant
quatre longues années, l'ai nourri de
mes expériences d'enseignante, de
chercheur en sciences de l'éducation,
et aussi de parent de deux enfants qui
s’identifient bilingue. Je souhaitais
offrir aux élèves le meilleur de l'enseignement canadien et transmettre
cette pédagogie unique.
Comment envisagez-vous le développement de votre école ?
Je souhaite qu'elle garde sa dimension humaine. Nous avons de prime
abord accueilli 12 premiers élèves en
septembre et nous en avons aujourd'hui 24. A la prochaine rentrée, une
quarantaine de nouveaux arrivants
sont inscrits. Il me semble important
de conserver des classes de petits
groupes, qui ne doivent jamais
dépasser 16 élèves.
Ma mission est de faire rayonner en
France et à Paris, cet enseignement
canadien, de transmettre nos
connaissances pédagogiques, qui
bien que reconnues à l'échelle mondiale, ne se sont pas encore vraiment
développées, loin du Canada.
121
©Adinafelea - Fotolia.com
La Roumanie
conserve son attractivité
Bucarest.
Bucarest.
STRATÉGIES ET MARCHÉS INTERNATIONAUX
ROUMANIE
France-Roumanie :
un partenariat solide
Les relations franco-roumaines se sont intensifiées au fil des siècles dans les domaines économique,
politique, culturel, linguistique, etc.
a Roumanie, pays de 20 millions
d'habitants, est membre de
l'Union européenne depuis 2007,
tout comme la Bulgarie. Son PIB a
augmenté en moyenne de 6,3 % par an
en moyenne entre 2002 et 2008 mais a
ensuite connu une forte baisse en
raison de la crise économique et
financière de 2008. L'aide du FMI et de
l'Union européenne ont aidé au redémarrage de l'économie qui a connu
environ 3 % de croissance en 2014.
Parmi les secteurs porteurs, on peut
citer l'industrie et notamment la
filière automobile avec plus de 500
équipementiers et sous-traitants
implantés sur le territoire, la production étant en grande partie exportée.
L'agroalimentaire est également
dynamique, la Roumanie étant le 2ème
producteur européen de mais et se
plaçant parmi les 10 premiers
producteurs de lait. En outre, la
Chambre de Commerce française en
L
©Adinafelea - Fotolia.com
>
Bucarest.
Roumanie estime que le marché
roumain des nouvelles technologies
est un des plus dynamiques du continent avec environ 8 000 entreprises
et des centres spécialisés dans
l'outsourcing et le développement
informatique. Le secteur de l'énergie
est en pleine mutation : les énergies
renouvelables vont ainsi attirer
18 milliards d'euros d'investissements jusqu'en 2020.
Un commerce bilatéral en progression
Les échanges commerciaux entre la
France et la Roumanie ont progressé
de plus 3,4 % lors des 11 premiers
mois de 2014. La Roumanie est le
26ème pays destinataire des exportations françaises, qui ont connu une
hausse de 1,9 %. Les biens d'équipements et le matériel de transport ont
vu leurs ventes augmenter de 5 % et
de 8,5 %. Nos exportations de produits agroalimentaires (3 % du total),
ont progressé de 10 %, contre 4,5 %
pour les parfums et cosmétiques.
En revanche, nos livraisons de
parties et accessoires pour véhicules
automobiles ont reculé de 9 % et
celles de véhicules automobiles de
1,5 %.
Nos importations en provenance de
Roumanie, qui ont progressé de 5,3 %
durant les 11 premiers mois de 2014,
concernent principalement les équipements mécaniques, électriques,
électroniques et informatiques ainsi
que le matériel de transport. Les
achats de véhicules automobiles ont
augmenté de 5,8 % et celles de produits agroalimentaires ont gagné
26,6 %. Néanmoins, nos achats de
textiles ont reculé de 6,2 %.
Des investissements français dynamiques
Selon la Chambre de Commerce
française en Roumanie, « le rôle de
Roumanie
pionniers des investisseurs français
et leur engagement durable en
Roumanie leur assurent une place à
part dans le paysage local. Les investissements français ont par exemple
la particularité d'avoir continué à se
développer dans un contexte économique pourtant difficile et peu propice aux investissements ».
Selon la Banque de France, le stock
d’IDE français en Roumanie s’élève
à 3,9 milliards d'euros en 2013, en
quatrième place après les Pays-Bas,
l'Autriche et l'Allemagne. Parmi les
grandes entreprises françaises présentes dans le pays, on peut citer
Renault-Dacia, Valeao, Michelin,
Société générale, Crédit agricole,
BNP Paribas, Lafarge, Alstom,
Carrefour, Auchan, etc. On compte
également de plus en plus de PME
travaillant dans les secteurs de
l'automobile, les technologies de l'information et de la communication
(TIC), l'ingénierie et les TIC.
À l'occasion de la visite du Président
roumain Klaus Iohannis en France en
février 2015, François Hollande a
souligné que « la France est présente
en Roumanie, des investissements
importants ont été faits ces dernières
années et nous voulons les amplifier.
Je rappelle que Renault est très
implanté en Roumanie et contribue à
hauteur de 3 % à la production
nationale roumaine. C’est dire
l’ampleur de ce qui a pu être fait
dans ce pays et dans l’intérêt aussi
de la France, puisque c’est un
courant d’échanges qui nous est
favorable et qui fait que la balance
commerciale est excédentaire pour
la France dans sa relation avec la
Roumanie. Nous avons plusieurs
sujets sur lesquels nous pouvons
mieux coopérer encore, notamment
les infrastructures, les projets d’autoroutes, l’énergie, y compris sur le
nucléaire, les services, notamment
tout ce qui est nouvelles technologies et également la défense ».
Des liens culturels forts
Le Président français a également
rappelé que, « sur le plan culturel, il y
a de nombreux rapports, échanges,
relations universitaires, scientifiques
et également la présence d’établissements culturels français en Roumanie
et nous voulons que l’année 2018 soit
une année particulièrement marquante, puisque ce sera le 100ème anniversaire de l’État roumain moderne et il y
aura une mobilisation pour faire de cet
évènement un grand moment d’amitié
entre nos deux pays».
La Roumanie est membre à part
entière de la Francophonie depuis
1993. Le ministère des Affaires
étrangères estime que plus de 50 %
des élèves du pays étudient notre
langue, qui est par ailleurs parlée
par un quart de la population.
L'Institut français de Roumanie, les
Alliances françaises et le Lycée français de Bucarest permettent de développer la coopération culturelle et
linguistique, En outre, l'Institut de
France a décerné en 2012 le prix
Louis D pour un montant de 750 000
euros au Centre régional francophone de recherches avancées en
sciences sociales (CEREFREA) qui
est hébergé dans la villa Noël,
inaugurée en 2014.
Concernant l'enseignement supérieur, la France est le troisième pays
d'accueil des étudiants roumains
( 5 0 0 0 p e rs o n n e s ) d e r r i è re le
Royaume-Uni et l'Italie. La Roumanie
compte quand à elle plus de 1 000
étudiants français, en particulier en
médecine.
La coopération décentralisée (entre
collectivités territoriales) est également dynamique et touche des
domaines très variés : le développement économique, l'éducation,
la santé, la patrimoine, etc. La
Roumanie a ainsi organisé à Constata
les 4èmes assises de la coopération
décentralisée en juin 2013.
Sources : DG Trésor, ministère des Affaires étrangères, Chambre de Commerce française en Roumanie
Dana GRUIA DUFAUT, avocat à la Cour d’Appel de Paris et au Barreau de Bucarest
Fondatrice d’un des plus importants cabinets d’avocats d’affaires français de Bucarest,
Maître Dana Gruia Dufaut accompagne depuis 25 ans les investisseurs français en
vue de leur permettre de s’implanter durablement sur le marché local. Elle nous
livre ci-après son analyse du marché roumain aujourd’hui, de ses opportunités et
de la place qu’y occupent nos entreprises françaises.
ourquoi les entreprises françaises devraient-elles s’intéresser à la Roumanie?
Les statistiques parlent d’ellesmêmes : la croissance des grandes
économies est passée de 1,8 % en
2014 à 1,9 % en 2015, soit le meilleur
rythme depuis 2010. Période durant
laquelle la croissance en Roumanie a
été de 3,4 - 3,5 % du PIB, ce qui est
au-dessus de la moyenne européenne et de sa région. Et les prévisions
des institutions financières internationales pour la Roumanie en 2016
sont encore plus optimistes. La
Roumanie est un pays qui évolue, un
pays qui avance et se développe. Les
statistiques sont bonnes, non seulement concernant l’évolution de l’économie, la stabilité macroéconomique
et financière, mais aussi au regard
de l’inflation, du prix de la main
d’œuvre. En outre, sa fiscalité reste
toujours aussi attractive pour les
investisseurs avec un Impôt sur le
P
revenu au taux unique de 16 %, un
impôt sur les sociétés de 16 %, et une
TVA passée au 1er janvier 2016 de
24 % à 20 % et qui tombera à 19 % au
1er janvier 2017. A cela se rajoutent
une multitude de ressources et la
position stratégique de la Roumanie
dans la région. Autant d’arguments
en faveur de l’attractivité de ce pays
comptant déjà une forte communauté d’affaires française. Les grands
groupes français du domaine de la
construction automobile, de l’aéronautique, des services publics, de la
gestion de l’eau, de l’énergie y sont
déjà présents et envisagent de développer leurs activités. L’usine
Renault Dacia de Roumanie est la
plus grande entreprise du pays, produisant environ 3 % du PIB et 9 % des
exportations roumaines. A la fin de
l’année 2014, la France était le 5ème
investisseur étranger en Roumanie,
avec un stock de 4,1 milliards d’euros. Enfin, il faut tenir compte d’un
©Gruia Dufaut
©Gruia Dufaut
©Gruia Dufaut
Droit et pratique du droit
en Roumanie
127
STRATÉGIES ET MARCHÉS INTERNATIONAUX
Que vous a enseigné l’accompagnement que vous offrez aux investisseurs
français depuis vingt-cinq ans ?
Cette année, en effet, cela fera un
quart de siècle que je suis installée
en Roumanie, assistant en juin 1991
ma première société mixte créée par
un grand groupe français, en partenariat avec l’Etat roumain. Nous
devions être à ce moment-là parmi
les premiers investisseurs étrangers
dans ce pays et j’avoue avoir vécu des
expériences extraordinaires au cours
de ces années… nous étions des
pionniers dans ce nouveau monde
qui venait de s’ouvrir à l’Est. Et la
première chose que j’ai apprise de ce
128
parcours professionnel en Roumanie,
c’est que si nous sommes tentés par
une aventure et qu’il y a quelque
chose de suffisamment fort qui nous
anime, il faut se lancer. Jusqu’à ce
qu’on démarre un projet, il y a de
l’hésitation, des soucis. Mais, à partir
du moment où l’on s’engage définitivement et de tout son être, alors la
providence avance aussi. Il n’y a pas
de mystère… il faut être passionné de
tout son être pour réussir dans ce
qu’on entreprend. Il y a vingt-cinq
ans, j’ai découvert un pays sinistré
mais offrant de nombreuses opportunités et un pays qui, malgré
quelques soubresauts, s’est engagé
très rapidement sur une trajectoire
européenne sans retour. J’ai commencé à bâtir des ponts entre la
France et la Roumanie et le pari a été
bon. Les entreprises qui y sont allées
ont eu raison de le faire ; le pays,
membre de l’Union Européenne et de
l’OTAN, garde son attractivité et son
économie est en plein essor. C’est
aussi un pays proche culturellement
de la France.
Enfin, je dirais aussi que pour réussir, il faut agir, avoir de la ténacité et
travailler beaucoup. Pourquoi je me
suis lancée vers la Roumanie au
début des années quatre-vingt-dix ?
Par esprit de conquête, parce que,
finalement, je suis quelque part un
peu casse-cou et qu’aller prendre à
bras le corps une législation naissante en droit des affaires cela m’a plu,
je dirai même m’a passionnée… Car,
vraiment, les premières années ont
été très difficiles mais aussi les plus
passionnantes, justement parce qu’il
©Gruia Dufaut
s’agissait, en droit, de tout construire,
reconstruire. Il a fallu dépasser les
obstacles comme, par exemple,
lorsqu’il s’est agi de réaliser des
opérations juridiques et que les textes
n’étaient pas encore là …. Il a fallu
créer, innover, contractualiser, ce qui
n’était pas encore texte de loi. Un travail très difficile mais passionnant !
Comment caractérisez-vous la communauté d’affaires française de Roumanie et quelle a été la motivation à
créer en Roumanie, il y a vingt ans, la
Chambre de Commerce, d’Industrie
et de l’Agriculture française dont vous
êtes administrateur depuis 2010 ?
La communauté française à beaucoup grandi ces dernières années ;
elle est hétérogène en ce qui concerne les domaines d’activité, mais
en même temps très soudée. La
Chambre de Commerce française
d’Agriculture et d’Industrie en
Roumanie (CCIFER), dont je suis
également administrateur, constitue
un lien fort au sein de cette communauté en ouvrant la possibilité de voir
se côtoyer des PME avec les grands
groupes et en accompagnant nos
intérêts français en Roumanie, en
partenariat avec la Mission
Economique de l’Ambassade de
France en Roumanie ou Business
France. Il est important de savoir
que, lorsqu’on part à l’étranger, on
n’est pas seul et que des organismes
de la sorte existent pour aider les
entreprises dans le Pays de destination. La CCIFER compte parmi ses
membres non seulement des entreprises françaises, mais aussi des
©Gruia Dufaut
certain optimisme concernant la
relance de divers secteurs qui ont été
les plus touchés par la crise : l’immobilier, les constructions, l’énergétique et les infrastructures.
Après la chute du régime communiste dans les années quatre-vingt-dix,
le retard pris par la Roumanie à opérer
sa transition vers une vraie économie
de marché, par rapport à ses voisins
de l’ancien bloc communiste tels
que la Pologne, la Hongrie et la
Slovaquie, fait que nombre de domaines manifestent un besoin important
en investissements et savoir-faire
étranger, et pourquoi pas français ;
infrastructures, énergie, agriculture,
tourisme mais aussi services publics.
Paradoxalement, ce pays grand dont
la superficie correspond à la moitié
de celle de la France compte seulement environ 650 km d’autoroutes, le
réseau de voies ferrées étant tombé
par ailleurs en ruine. L’absence de
ces infrastructures a produit un
décalage énorme de développement
entre les diverses régions du pays.
Prenons un seul exemple : la
Roumanie a un potentiel agricole
énorme, détenant une des plus grandes surfaces de terrain agricole de
l’Europe, alors qu’il s’agit d’une agriculture de subsistance contribuant
trop faiblement au PIB du pays.
L’agriculture roumaine a besoin de
projets d’investissements d’envergure dans le système d’irrigations,
d’élevage, dans de fermes agricoles
à production de masse. Il en est de
même, par exemple, des infrastructures telles que l’adduction d’eau, les
canalisations. En un mot, il n’est pas
exagéré de dire qu’en Roumanie,
aujourd’hui encore, tout reste à faire
et que tous les domaines d’activités
sont encore ouverts !
©Gruia Dufaut
ROUMANIE
©Gruia Dufaut
Roumanie
entreprises roumaines partageant
les valeurs de la France. La CCIFER
compte presque 500 membres qui
représentent près de 15 % du PIB
roumain, employant plus de 125.000
personnes. Une vraie force au bénéfice
de notre développement.
Quels conseils donneriez-vous à ce
jour à des entreprises françaises
souhaitant se développer à l’international ; quels sont en particulier les
« A ne pas faire » ?
L’internationalisation est un processus
objectif qui suit la transition d’une
e n t re p r i s e e n d éve lo p p e m e n t
local, jusqu’à l’acquisition des
connaissances et du know-how lui
permettant d’entrer pleinement dans
la compétition globale. Toute démarche de lancement à l’international,
en particulier pour les PME, constitue un fait objectif nécessaire au
développement de l’affaire en soimême et, en même temps, une
condition de soutenabilité, voire
même de survie des économies
nationales. Les premiers pas à faire
sont essentiels pour le succès de
cette démarche.
Du point de vue juridique, par exemple, une entreprise souhaitant s’implanter en Roumanie doit s’interdire
de penser que tout y est comme chez
elle et d’ignorer les particularités
locales ; de la forme d’implantation
au recrutement du personnel et des
partenaires locaux. La Roumanie est
un pays riche en opportunités d’affaires mais il faut choisir attentivement
car la compétition est déjà forte dans
certains domaines d’activité, ou bien
dans certaines régions du pays, sans
compter que le prix de l’implantation
peut parfois être élevé. Enfin, je répète
à tous les potentiels investisseurs
qu’il faut se méfier « des faux amis »,
à savoir des actes semblant identiques aux documents français mais
qui cachent en réalité des différences
significatives avec un impact majeur
sur les affaires. Exemple classique :
la constitution d’une société à
responsabilité limitée pour laquelle
la législation roumaine prévoit la
possibilité d’avoir un Conseil
d’Administration, contrairement à ce
qui se passe en France.
Il est en même temps essentiel pour
les entreprises françaises de renoncer aux clichés circulant sur la
Roumanie ; corruption, pauvreté, un
pays gris avec des gens tristes… Il
faut se donner la peine de découvrir
ce pays, la réalité sur place modifiant
radicalement cette image. Les entrepreneurs français découvriront un
pays à l’économie très dynamique,
avec des paysages à faire rêver et des
gens accueillants.
Propos recueillis par Sophie Schneider
Dana Gruia Dufaut, Avocate au Barreau de Bucarest depuis
2002 et du Barreau de Paris depuis 1987, est l’auteur d’une
thèse de doctorat en droit soutenue en 2002 devant la Faculté
de Droit de Bucarest sur « Les règlementations de droit commercial
dans le cadre des relations entre la France et la Roumanie dans le
contexte de l’intégration de la Roumanie dans l’UE ». Egalement
Avocat-conseil de l’Ambassade de France en Roumanie et Conseiller
du Commerce Extérieur de la France pendant plus de dix ans, elle est
l’auteur de nombre d’articles sur la Roumanie. Chevalier de l’Ordre
National du Mérite depuis 2006, Me Dana Gruia Dufaut a été élue en
2014 Conseiller Consulaire pour la Roumanie et la Moldavie, pour un
mandat de six ans. Les expertises de son cabinet sont accessibles
sur www.gruiadufaut.com
129
©Seanpavone Photo - Fotolia.com
L’Espagne
vers une nouvelle croissance
Madrid.
Madrid.
©Ste Schum - Fotolia.com
Madrid.
Des échanges fructueux
Jean-François COLLIN, Ministre conseiller pour les Affaires économiques de l’ambassade de France en Espagne
©DR
L’amélioration de l’économie espagnole profite également à la France. Les deux pays
développent désormais des partenariats autour de l’énergie et des transports.
L’Espagne est également un allié de choix pour défendre les positions de la France
dans les débats européens sur l’investissement et l’union économique et monétaire.
n 2015, les indicateurs prévoient
une croissance plus élevée en
Espagne que dans le reste de la
zone Euro. Comment l’expliquez-vous ?
L’Espagne connaît une trajectoire
de croissance assez singulière en
Europe. La croissance a été beaucoup plus forte que dans le reste de
l’Union européenne de 1998 à 2008,
avec 3,8 % par an. Cette croissance
était en partie artificielle et la crise
a é t é e n E s p a g n e p l u s fo r t e
qu’ailleurs : le PIB a diminué de 7 %
entre 2007 et 2013. La croissance
économique est revenue en 2014
(+ 1,4 % du PIB) et les prévisions pour
2015 placent effectivement l’Espagne
en tête des pays de la zone Euro
(autour de 3 % de croissance du PIB).
Trois facteurs expliquent ces bonnes
performances récentes : des facteurs
externes, la politique économique
menée au cours des dernières
années et le relâchement de la politique d’ajustement budgétaire. En ce
qui concerne les facteurs externes,
la baisse du prix du pétrole joue un
rôle très important dans un pays qui
E
importe 71 % de son énergie. La
baisse de la parité euro/dollar
soutient les exportations (la chute
de la consommation interne a incité
les entreprises à se tourner vers
l’international pour trouver de nouveaux marchés – actuellement les
exportations représentent 32,5 % du
PIB). Enfin, la crise que connaissent
les pays de la rive sud de la
Méditerranée a permis au secteur du
tourisme d’enregistrer des performances exceptionnelles. Le gouvernement a conduit des réformes
internes qui, après avoir accentué les
effets récessifs de la crise, ont eu un
effet bénéfique sur la compétitivité
de l’économie espagnole. Le secteur
b a n ca i re a é t é p ro fo n d é m e n t
restructuré (pour un coût de 127
milliards d’euros dont 40 milliards
d’euros devraient rester à la charge
du contribuable). Le nombre d’établissements financiers est passé
d’une cinquantaine à une quinzaine.
Ensuite, le gouvernement s’est
employé à réduire les déficits publics
en recourant aux moyens classiques :
augmentation des impôts et réduction des dépenses. Ce n’est pas l’originalité des moyens mis en œuvre qui
est remarquable, mais l’importance
de la réduction des dépenses
publiques et de l’augmentation des
impôts. En 2014, le déficit public
atteignait 5,8 % du PIB respectant
ainsi l’objectif fixé par l’Eurogroupe
et la commission européenne. La
prime de risque est passée en deçà
de la barre des 100 points début 2015
alors qu’elle atteignait 638 points en
2012. De plus, le gouvernement a mis
en œuvre une politique de dévaluation
interne visant à rétablir l’équilibre
de sa balance des paiements et
améliorant la compétitivité espagnole.
Il a modifié les conditions d’organisation du dialogue social et réduit les
garanties accordées aux salariés
en facilitant les licenciements et en
allégeant les procédures collectives,
puis en favorisant la flexibilité de
l’organisation du travail au sein
des entreprises en privilégiant les
accords d’entreprise sur les accords
de branche et les accords nationaux.
131
ESPAGNE
Enfin, le relâchement des mesures
d’ajustement budgétaire permet de
soutenir la croissance en 2015. Le
gouvernement a effectué une réforme fiscale fin 2014 dont l’objectif
principal est d’abaisser la pression
fiscale sur les sociétés et sur les
revenus du travail. Celle-ci devait
permettre de rendre, selon les
premières estimations, 9 milliards
d’euros aux contribuables. Par ailleurs,
une deuxième vague d’allègement fiscal était prévue pour le 1er janvier 2016,
mais le gouvernement vient de décider
de la mettre en œuvre dès le 1er juillet
2015.
La France est le troisième investisseur en Espagne. Quels sont, aujourd’hui, les éléments d’attractivité de
l’Espagne qui peuvent concourir à renforcer ces investissements français ?
Le dynamisme actuel de l’économie
espagnole est un puissant facteur
d’attractivité dans un environnement
européen languissant. Les conditions
favorables aux employeurs de l’organisation du marché du travail sont
une raison non négligeable de la
délocalisation d’activités industrielles
de la France vers l’Espagne, dans le
secteur de l’automobile notamment.
Les salaires sont inférieurs à ce qu’ils
sont en France dans presque toutes
les Communautés autonomes, même
s’il existe d’importants écarts à
travers le pays. Les relations sociales
sont beaucoup moins conflictuelles
qu’en France. En outre, la qualité des
infrastructures (ferroviaire n° 5/
routière n° 1 en Europe, aéroportuaire n° 3 en Europe) et sa position
géographique entre l’Amérique latine,
l’Afrique du Nord et l’Europe permettent à l’Espagne d’attirer des
investissements étrangers souhaitant
y établir une plateforme vers ces
destinations. Enfin, d’après le classement réalisé par HSBC, l’Espagne se
situe à la 7e place des pays offrant le
meilleur cadre de vie aux travailleurs
étrangers.
Quelles opportunités l’Espagne offret-elle aux entreprises françaises dans
le domaine de la recherche et de
l’innovation ?
Le secteur de la R&D a beaucoup
souffert de la crise. Les budgets
publics ont été considérablement
réduits et les conséquences de cette
réduction des moyens se feront
sentir durablement. Depuis 2014, le
gouvernement espagnol cherche à
132
relancer la R&D. L’imposition sur les
sociétés a été allégée. La réforme
fiscale adoptée fin 2014 abaisse le
taux normal d’IS à 28 % en 2015,
25 % en 2016 et 20 % en 2017 (contre
30 % en 2014) et elle unifie le taux
d’imposition de toutes les sociétés
(suppression du régime spécifique
aux PME). Dans le même temps, le
plafond de déduction des dépenses
en R&D accordé aux entreprises qui
consacrent plus de 10 % de leur
chiffre d’affaires à ce poste est
augmenté (déduction plafonnée à
5 milliards d’euros contre 3 milliards
d’euros précédemment). L’assiette
des déductions fiscales est élargie à
de nouvelles dépenses (projets
pilotes liés à l’animation et aux jeux
vidéo). D’après l’indice B-Index de
l’OCDE, l’Espagne est au troisième
rang des pays ayant le régime fiscal
le plus généreux s’agissant des
activités de R&D. Le régime français
reste cependant plus favorable.
Quels sont les secteurs dans lesquels
les entreprises françaises sont performantes sur le marché espagnol ?
La présence économique de la
France en Espagne est considérable.
Selon l’Institut espagnol des statistiques, 1 852 filiales françaises (soit
12 % du nombre de filiales françaises
installées en Europe) étaient implantées en Espagne en 2012. Les filiales
f r a n ça i s e s s o n t le p l u s g ro s
employeur étranger en Espagne
(près de 300 000 personnes). Leur
chiffre d’affaires représentait, en
2012, 18 % du total du chiffre d’affaires
réalisé par les filiales étrangères
implantées en Espagne, devançant
largement l’Allemagne (13,2 %) et
les États-Unis (13,2 %). Les filiales
françaises sont actives dans presque
tous les secteurs de l’économie.
Elles se distinguent notamment dans
les secteurs de la grande distribution
(Carrefour, Al Campo, Décathlon), de
l’automobile (PSA et Renault) et
des télécommunications (Orange, qui
vient de racheter Jazztel). Mais les
entreprises françaises sont présentes
également dans l’agroalimentaire,
les assurances, les services financiers ou l’économie numérique.
S’agissant de deux économies
développées, même si elles ont leurs
spécificités, il n’existe pas de
secteurs en friche et la concurrence
est partout très vive.
L’Espagne est l’un des premiers
fournisseurs de la France. Quels sont
les domaines où les importations
françaises progressent ?
©Seanpavone Photo - Fotolia.com
Madrid.
Nous avons importé pour 29,6
milliards d’euros de marchandises
en 2014. L’Espagne est notre 6e
fournisseur alors que la France est le
premier client de l’Espagne. Nous
importons principalement du matériel
de transport (26,4 % du total de nos
achats), des produits de l’industrie
agroalimentaire (13,1 %) et des
équipements mécaniques (9,9 %). En
ce début d’année 2015, nos importations depuis l’Espagne ont été
dynamiques pour les produits pharmaceutiques (+ 28 %), les équipements électriques et ménagers (+
20 %), les produits agricoles (+ 11 %)
et les matériels de transport (+ 12 %).
Quels grands contrats ou projets de
coopération entre les deux pays sont
actuellement en cours de développement ?
Les relations entre la France et
l’Espagne sont excellentes et très
denses. Les très nombreuses rencontres politiques, qui ont eu lieu
depuis le Sommet bilatéral de
décembre 2014, en témoignent :
• 20 février 2015 : acte d’inauguration de la ligne électrique à haute
tension franco-espagnole - visite
du Premier ministre Manuel Valls,
rencontre avec M. Rajoy ;
• 2 au 4 mars : visite d’Axelle Lemaire
à l’occasion du Mobile World
Congress de Barcelone, rencontre
avec M. Calvo-Sotelo, secrétaire
d’État aux Télécommunications et
pour la Société d’information ;
• 4 mars : sommet Énergie à Madrid
en présence de François Hollande,
Mariano Rajoy, Pedro Passos
Coelho, Jean-Claude Juncker et
Werner Hoyer ;
• 21 au 23 avril : visite d’une délégation de la Commission des finances
du Sénat français (rencontres
notamment avec Luis De Guindos
et Cristobal Montoro) ;
• 22 mai : visite de Michel Sapin pour
un entretien avec Luis De Guindos ;
• 26 mai : Carbon expo à Barcelone
avec la participation de Laurence
Tubiana, ambassadrice chargée
des négociations sur le changement climatique ;
• 2 au 4 juin : visite d’État du Roi à
Paris ;
• 10 juillet : visite d’Emmanuel
Macron au cours de laquelle il a
rencontré M. Soria, L. De Guindos,
V. Calvo Sotelo et J. Garcia-Legaz ;
• 28 et 29 juillet : visite d’Alain
Vidalies afin de rencontrer les
ministres A.M. Pastor et I. Tejerina.
Les projets d’interconnexions électrique et gazière sont considérables.
Un projet de ligne électrique sousmarine dans le golfe de Gascogne a
fait l’objet d’études techniques
approfondies. Le tracé de deux
traversées dans les Pyrénées est à
l’étude, ainsi que la faisabilité du
projet d’interconnexion gazière
« MIDCAT ». Ces projets représentent
des milliards d’investissements et
sont considérés comme des réalisations nécessaires à la construction
d’un marché européen de l’énergie.
Les liaisons ferroviaires vont être
développées pour transporter des
passagers et des marchandises. Les
industriels français comptent bien,
également, jouer un rôle dans les
très importantes commandes de
matériel ferroviaire qui sont en préparation. La coopération dans le
domaine des satellites est très développée. Les investissements dans
l’automobile se poursuivent. De plus,
nous partageons de nombreuses
positions dans les débats européens,
qu’il s’agisse de la nécessité de développer les investissements dont le
plan Junker constitue une première
reconnaissance, d’approfondir l’union
économique et monétaire et de
réaliser des progrès dans la gouvernance politique de la zone Euro.
133
©DR
>
Felipe VI lors de sa visite d’État en juin 2015 et de sa participation au forum d’affaires Espagne-France, l’Avenir.
« La France est le premier
marché de l’Espagne »
Santiago MENDIOROZ, Conseiller économique et commercial en chef de l’Office économique et commercial
de l’ambassade d’Espagne en France
©DR
Les relations privilégiées que les deux pays entretiennent de longue date favorisent
les investissements d’autant que l’Espagne a renoué avec la croissance.
ouvez-vous nous rappeler les
missions de l’Office économique
et commercial de l’ambassade
d’Espagne à Paris ?
Notre principale mission est d’aider
le s e n t re p r i s e s e s p a g n o le s à
s’introduire sur le marché français,
augmenter leurs ventes ou investir
dans l’économie française, de réaliser des actions de promotion menées
par l’Institut du commerce espagnol
ICEX Exportations et Investissements
comme la promotion de secteurs
espagnols (carrelage, jambon, vins,
fleurs…), dans le cadre des normes
autorisées par l’Union européenne
(UE), ou la présence dans différents
salons spécialisés en France, soit
avec des pavillons organisés par les
fédérations d’entrepreneurs espagnoles,
P
134
soit avec des participations individuelles. Nous suivons également les
marchés et de l’économie française,
spécialement en ce qui concerne
toute éventuelle mesure de discrimination incompatible avec le Marché
Intérieur.
En relation avec l’administration économique et commerciale française,
nous suivons les données économiques, élaborons des rapports, et
gérons les contentieux entre les
entreprises privées ou émanant de
l’action de l’Administration. Nous
échangeons des informations et
préparons des réunions économiques ou commerciales à Bruxelles
et dans les différents forums bilatéraux franco-espagnols. Enfin, notre
activité est orientée vers la recherche
d’inves-tissements en Espagne, pour
les entreprises françaises et multinationales avec ou sans activité en
France. À cet effet, nous organisons
des forums et séminaires spécialisés
avec l’aide essentielle de la Direction
des Investissements de l’ICEX
Exportations et Investissements.
Quelles sont les perspectives pour les
entreprises françaises en Espagne ?
Je les résumerais en un seul mot :
excellentes ; c’est le moment d’investir en Espagne, avec une croissance
proche des 3 % en 2015 et, en 2016,
une inflation inexistante ou négative,
un marché du travail vaste, depuis la
recherche (I+D) jusqu’à la fabrication
des produits, des professionnels
bien formés et des coûts directs et
indirects moins élevés que les coûts
Espagne
français. L’équivalent du SMIC avoisine les 700 a, les charges sociales ne
dépassent pas 40 % et il existe de
nombreuses aides à la création d’emplois. La fiscalité des entreprises se
situe autour des 25 % des bénéfices
et il existe un programme d’aides à
l’investissement et à la recherche.
L’immobilier, à l’achat et à la location,
est nettement moins cher qu’en
France. Finalement, la qualité de vie
est au moins aussi bonne qu’en
France, et à un coût bien moindre.
Quels conseils leur donneriez-vous
pour réussir une implantation ?
La proximité culturelle et géographique ne doit pas faire oublier les
spécificités de l’Espagne et la façon
d’y faire des affaires. Le rôle de l’État
en Espagne est beaucoup moins
décisif qu’en France (la partie de
l’État dans le PIB espagnol atteint à
peine 40 %) ; la réglementation civile,
bien que semblable à celle de la
France, a des spécificités selon les
régions (Navarre, Pays Basque,
Catalogne) ; les tribunaux de commerce français n’existent pas ; les
différends entre les entreprises se
résolvent dans les tribunaux civils
devant des juges professionnels
membres du pouvoir judiciaire ; la
réglementation est moins complexe
qu’en France ; l’utilisation du français dans le domaine économique a
pratiquement disparu ; le rôle des
notaires, aussi bien dans les transmissions immobilières est complètement différent, etc.
Il est donc préférable de compter sur
l’aide d’experts pour les démarches
administratives des projets, la recherche de la localisation la plus adéquate,
ou les aides applicables sur le marché
du travail aussi bien pour la R+D+i que
pour l’investissement. Cela est le rôle
de la Direction des Investissements de
l’ICEX Exportations et Investissements
(www.icex.es) et le travail que nous
réalisons depuis l’Office commercial
pour canaliser les projets qui peuvent
exister.
Finalement, il est très important
de signaler que les conditions de
production en Espagne en font une
plateforme depuis laquelle on peut
attaquer les marchés globaux. De
nombreuses entreprises françaises,
notamment dans l’industrie de
l’automobile ou les énergies renou-
velables, l’ont bien compris. Il faut
donc réfléchir à l’implantation en
Espagne en considérant le marché de
toute la péninsule ibérique (c’est-àdire, avec Portugal et Andorre), celui
de l’Union européenne bien sûr, le
marché du Maghreb (seulement
14 km séparent Algésiras du Maroc)
et surtout le marché mondial de
langue espagnole. Plus de 500
millions de personnes dans le monde
parlent l’espagnol comme première
langue, dont 55 millions aux ÉtatsUnis. L’Espagne a des relations
privilégiées avec tous les pays américains d’origine hispanique, aussi bien
en termes d’accords ou traités de
protection réciproque des investissements ou pour éviter la double
imposition, comme en termes de
relations d’entreprises, proximité
culturelle et, bien entendu, de liens
familiaux. Or, les pays les plus
dynamiques et avec les meilleures
perspectives actuellement sont le
Mexique, la Colombie ou le Chili.
Quelles sont les spécificités du contexte
d’affaires, des forces et faiblesses de
la France face au marché espagnol ?
La France est le premier marché
pour l’Espagne et le second investisseur en termes de stocks. C’est sans
doute une des plus grandes forces
de la France et des entreprises
françaises sur notre marché. En
plus de l’excellent accueil que les
entreprises françaises trouveront
toujours sur le marché et dans
l’Administration espagnole, elles ont
créé des réseaux de soutien importants comme les chambres de
commerce à Madrid et à Barcelone
ou le « lobby » DIALOGO. En outre,
l’ambassade française en Espagne
propose soutien et collaboration.
L’image de la France en Espagne est
associée au luxe, à la qualité et au
bien-être et l’excellence culturelle et
intellectuelle de ses professionnels,
de ses techniciens et de ses chercheurs est reconnue.
Le financement, à partir de fonds propres ou depuis les institutions financières françaises, peut supposer un
avantage face aux entreprises espagnoles qui obtiennent leur financement de la banque en général, dans
des pourcentages supérieurs à la
moyenne européenne, ce qui fait que
les coûts de financement en Espagne
peuvent être supérieurs. En ce qui
concerne les faiblesses, je pense surtout à deux choses : la réticence à
pratiquer des langues étrangères
(que ce soit l’espagnol ou l’anglais), et
une certaine tendance à donner une
image de pays en difficulté qui ne
correspond pas à la richesse, à
la capacité, à l’initiative et l’esprit
d’entreprise français.
À quels événements ou dossiers porterez-vous une attention particulière ? (2)
Le suivi des résultats de la COP 21
est important, tout comme la préparation et le développement des
travaux concernant les jeux
Olympiques et l’Expo 2025, car cela
concerne les entreprises espagnoles,
depuis le BTP jusqu’aux énergies
renouvelables ou la biotechnologie.
Dans le domaine des relations bilatérales, il y a deux sujets d’importance
spéciale : le Sommet hispano-français qui devrait avoir lieu, après les
élections générales en Espagne, au
milieu de l’année prochaine, et les
négociations commerciales de l’UE.
Cela inclut le TTIP1, dont la gestion
revient à la Commission, mais dont
l’approbation s’effectuera au Conseil
et au Parlement européens et où les
positions française et espagnole
diffèrent sur des points importants.
De plus, la négociation avec
Mercosur est importante pour nous
et, par conséquent, la posture française dans ces négociations. Nous
inquiète particulièrement la montée
de ce que nous pourrions nommer
«nationalisme économique » qui, en
principe, n’a rien de négatif, mais qui
peut amener à prendre des mesures
incompatibles avec le Marché
intérieur européen. Nous sommes
également préoccupés par tout ce
qui influence la libre circulation des
marchandises, depuis la réglementation de la circulation à celle du travail
ou à celle de la sécurité, car la
France est un pays de transit obligatoire pour nos exportations vers la
UE et le reste de l’Europe, pour plus
de 60 % de nos exportations.
Finalement, l’amélioration de nos
interconnexions, aussi bien dans le
domaine de l’énergie comme dans
celui des transports, constitue une
priorité absolue pour l’Espagne. Ces
projets à long terme ont toute notre
attention.
1. TTIP : Transatlantic Trade and Investment Partnership - partenariat transatlantique de commerce et d'investissement.
2. Cet entretien a été réalisée au 3e trimestre 2015.
135
©DR
Diner de gala donné par l’Ambassadeur J. Bonnafont à la Résidence de France.
Développer le potentiel
des entreprises françaises
Emmanuel MIELVAQUE, Président de la section des conseillers du commerce extérieur de la France
en Espagne
Le savoir-faire français est reconnu par les Espagnols qui ont une proximité naturelle
avec notre pays. Cependant, pour réussir en Espagne, les Français doivent tenir
compte des particularités régionales autant que nationales.
©DR
>
ouvez-vous nous rappeler le rôle
des conseillers du commerce
extérieur de la France en
Espagne ?
Nommés par le Premier ministre, les
conseillers du commerce extérieur
de la France sont au nombre de 4 000
et sont présents dans 147 pays. Nous
avons quatre missions : conseiller,
accompagner, former et promouvoir.
Premièrement, en tant que responsable d’un secteur particulier, nous
informons les pouvoirs publics et
l’ambassadeur de l’évolution de
la situation économique. Notre
deuxième rôle, en partenariat avec
Business France, est d’accompagner
les entreprises françaises, PME
comme grands groupes, sur le
marché espagnol et de les aider à se
P
136
développer. Nous leur faisons bénéficier de notre réseau, leur délivrons
des conseils pour optimiser leur
implantation. Nous avons aussi une
mission de formation par l’intermédiaire du volontariat international en
entreprise (VIE), mis en place par
Business France. Enfin, nous
sommes chargés de promouvoir
l’attractivité de la France et de favoriser l’investissement des entreprises
espagnoles dans notre pays.
Comment évolue le système des VIE
en Espagne et comment le soutenezvous ?
Cette année, le nombre de VIE a
connu une belle progression, puisque
250 VIE ont rejoint l’Espagne. Les
grands groupes sont séduits par le
système, reste à convaincre les PME
et nous y travaillons. Une solution
serait de créer un portage de VIE.
Ceux-ci qui pourraient être ainsi
associés à plusieurs entreprises. Les
VIE valorisent la compétence française
à l’étranger. Celle-ci est d’ailleurs
reconnue des entreprises espagnoles.
Nous soutenons cette initiative en
organisant chaque année un grand
prix des VIE, doté de prix en numéraire pour récompenser les VIE qui
auront le plus contribué à montrer le
savoir-faire français.
Comment s’articule votre travail avec
le Service économique ?
Étant au plus près des entreprises,
nous collectons des informations que
nous faisons remonter au Service
Espagne
Quel regard portez-vous sur l’économie espagnole en 2015 ?
La reprise d’activité se confirme et
cela se ressent sur le moral des
investisseurs. Ils sont optimistes, ont
retrouvé la confiance et l’envie de
faire des affaires. On note une progression de 5,3 % dans le commerce
de détail, ce qui est un bon indicateur.
De plus, le chômage baisse de 24,6 %
à 21,3 %, même s’il reste encore trop
élevé. On constate en outre que 90 %
des contrats de travail conclus
actuellement sont des CDD, ce qui
dénote un manque de confiance à
long terme, comme si les entreprises
étaient encore incertaines sur l’avenir.
Cela est compréhensible, car la
situation politique est, elle aussi,
instable. L’émergence de deux nouveaux partis, relativement jeunes, a
créé un vrai changement. L’économie
espagnole, c’est aussi une économie
de région. La Catalogne, notamment,
est devenue une place d’affaires prépondérante où de nombreux sièges
se sont implantés. Si des réformes
structurelles, dans le droit du travail,
le secteur financier et l’énergie ont
porté leurs fruits, certains problèmes
demeurent. Le manque d’investissement dans la recherche et le développement par exemple, qui est un
des plus faibles d’Europe en dépit
d’une politique fiscale attractive avec
un crédit d’impôt recherche et un
crédit d’impôt technologie et un
troisième pour l’environnement.
L’investissement est actuellement
trop faible pour créer de l’emploi
pérenne.
Quels sont les secteurs où nos
entreprises françaises peuvent
augmenter leur part de marché ?
Le numérique reste un domaine
important, et qui offre de nombreuses
opportunités en Espagne. L’agroalimentaire ensuite, car on note une
amélioration du secteur agricole et la
France a un savoir-faire sur toute la
chaîne de production. Enfin, l’énergie
est un secteur qui a souffert énormément en Espagne, qui n’a pas su faire
sa transition, mais qui garde un fort
potentiel avec le solaire et l’éolien, où
la France peut prendre des parts de
marché. Enfin, l’immobilier se porte
mieux. De nombreux investisseurs
étrangers sont présents et prennent
part à des opérations immobilières.
À quoi nos entreprises doivent-elles
être attentives pour réussir en
Espagne ?
Il faut tout d’abord parler la langue
du pays, car les Espagnols y restent
attachés, c’est un signe de reconnaissance. Ensuite, il faut comprendre
aussi qu’en Espagne, on prend le
temps de faire connaissance et l’on
conclut les contrats après. Ne pas
prendre ce temps est mal perçu. Il
faut également tenir compte des
particularités régionales. À Madrid,
il est facile de travailler, mais au
Pays basque et en Navarre ou en
Catalogne, on gagne beaucoup de
temps si l’on a déjà des contacts
locaux. Notre rôle de conseil est ici
important pour expliquer comment
les choses se passent en Espagne et
où s’implanter pour un développement régional.
Quels sont les temps forts de 2016
pour les CCEF ?
Nous avons deux moments forts.
D’une part, l’assemblée générale, en
présence de Business France et
de l’ambassadeur, qui aura lieu la
troisième semaine du mois de janvier
à Madrid. À chaque fois, nous faisons
intervenir un personnage public
important de l’économie espagnole
ou internationale pour discuter des
aspects économiques et de leur
impact sur les activités françaises.
Cette année, nous accueillerons
Daniel Calleja Crespo, Directeur
général de l’environnement à la
Commission européenne. Nous
avons également un rendez-vous
annuel où l’on se déplace dans la
région. Cette année, nous avons
choisi la Galice, dans le nord-ouest
de l’Espagne, où se trouve une grosse
usine de PSA que nous irons visiter.
C’est l’occasion pour nous de voir
comment se développe le tissu économique local et quel rôle la France
peut y jouer.
©DR
économique (SE). Nous diffusons des
notes sectorielles, ou organisons des
réunions plénières des déjeuners
thématiques avec le chef du SE et
l’ambassadeur. Par exemple, nous
réfléchissons ensemble aux réformes sur le droit du travail et leur
impact sur le marché de l’emploi en
Espagne, avant l’arrivée des élections. Un autre thème et l’économie
du numérique et la place que la
France peut occuper dans ce secteur.
>
Assemblée générale de janvier 2015 avec au centre comme invitée principale Mme Cristina Garmendia,
Présidente de la fondation Cotec pour l’innovation et ancien Ministre des Sciences et de l’innovation.
137
©Peresanz - Fotolia.com
Barcelone.
Retour à la compétitivité
Richard GOMES, Directeur de Business France en Espagne
Après des années difficiles, l’Espagne a renoué avec la croissance plus vite que ses
voisins européens. Elle a repris sa consommation, ce qui permet à la France de
reprendre ses exportations à un haut niveau.
P
ouvez-vous nous rappeler les
missions de Business France en
Espagne ?
Notre équipe de 20 personnes, répartie
entre Madrid et Barcelone – nous
nous occupons aussi du Portugal -,
est organisée de manière régionale.
Business France accompagne,
chaque année, plus de 500 PME sur
l’ensemble de la Péninsule ibérique :
400 PME en Espagne et 100 PME
au Portugal. L’accompagnement en
Espagne se fait plutôt de manière
traditionnelle (recherche de distributeurs, d’importateurs, d’agents ou de
partenaires au sens large) par opposition au Portugal, pays dans lequel
nous travaillons plus la problématique de l’investissement (investissements, rachats et implantations).
Quelles sont les caractéristiques de
l’économie ibérique ?
L’Espagne est un gros marché traditionnel de 46 millions d’habitants,
avec une croissance à 3,5 %, en
pleine reprise de consommation.
C’est un marché mature, car 1 500
filiales françaises y sont implantées.
Le Portugal, lui, n’a que 1,5 % de
croissance prévue pour 2015, mais sa
main-d’œuvre est compétitive.
138
Quels sont les secteurs porteurs pour
les entreprises françaises ?
Citons d’abord l’aéronautique, où
Airbus a continué sa croissance,
même pendant les années de crise,
mais aussi les transports, car
l’Espagne est le deuxième pays, derrière la Chine, en nombre de kilomètres
de lignes ferroviaires à grande vitesse.
Et elle garde des possibilités de
développement dans ce secteur. Autre
secteur porteur dans l’industrie :
tout ce qui concerne l’efficience
énergétique, les énergies renouvelables et leur distribution. C’est un
domaine important, parce que
l’énergie coûte cher. À ce sujet,
Manuel Valls et le Premier ministre
espagnol ont inauguré la ligne à haute
tension souterraine qui augmente
considérablement les échanges
énergétiques franco-espagnols. Dans
les secteurs des technologies de
l’information et de la communication
(TIC), des mathématiques, de l’ingénierie, les Français ont un savoir-faire
reconnu et l’Espagne a une grande
culture de la nouveauté et de l’innovation et dans ce domaine. Les trois
quarts des téléphones espagnols sont
des smartphones. L’Espagne est un
©Artur Bogacki - Fotolia.com
©DR
>
gros consommateur de TIC, mais en
produit peu, c’est donc un gros client
pour la France. Le pays a investi dans
le service Blablacar par exemple, l’un
des fleurons français. À ce sujet, les
deux principaux événements européens des TIC ont lieu sur la péninsule : le Mobile World Congress, qui a
lieu à Barcelone, et où nous avons un
pavillon et où nous accompagnons
130 des 180 entreprises françaises
présentes sur le salon. Le principal
salon du Web (30 000 visiteurs), Web
Summit, où 20 start-ups françaises
seront accompagnées, qui passera à
Lisbonne pour les trois prochaines
années à partir de 2016. Ces
événements sont emblématiques de
l’appétence de la péninsule ibérique
pour ces TIC.
Où en sont les exportations francoespagnoles ?
L e s ex p o r t a t i o n s re p re n n e n t .
L’Espagne se développait structurellement sur l’immobilier, maintenant,
elle s’appuie sur la dévaluation interne.
On remarque qu’il y a deux mondes
qui coexistent : les travailleurs qui
sont rentrés dans l’entreprise il y a
longtemps et qui conservent des
salaires plus élevés que ceux qui
viennent d’être embauchés, avec une
rémunération nettement plus basse.
Forte de ces efforts, l’Espagne est
redevenue compétitive à l’export. La
France, elle, a connu un déficit commercial avec l’Espagne pendant la
crise, ce qui ne nous était jamais
arrivé. Mais nous avons retrouvé un
solde positif, car l’Espagne se remet
à consommer, ce qui favorise nos
exportations. L’Espagne reste toutefois notre principal concurrent sur
les produits agroalimentaires, les
vins, les spiritueux et les voitures.
Comment travaillez-vous ?
Nous sommes leader dans l’accompagnement des entreprises françaises
en Espagne. Concrètement, nous
permettons aux sociétés françaises de
développer leur chiffre d’affaires dans
ce pays en identifiant les meilleurs
prospects pour leurs solutions. Ainsi,
dans les nouvelles technologies, nous
mobilisons l’ensemble de l’écosystème espagnol, pour montrer les belles
start-ups françaises aux grands
comptes locaux.
Nous participons ou initions certains
événements, comme Digital Sisters,
qui en est à sa troisième édition et
qui permet la promotion de nos
start-ups. Dans le domaine de
l’aérospatial, nous organisons des
rendez-vous ou nous faisons se
rencontrer entreprises françaises et
espagnoles. Enfin, dans le domaine
de l’automobile, qui représente un
marché important, car l’Espagne
produit plus de voitures que la
France et qu’elle est le deuxième
marché européen derrière l’Allemagne, nous présentons des soustraitants français à des constructeurs espagnols. Il y a également
le programme des volontaires internationaux d’entreprises (VIE), où
l’Espagne a le plus fort taux de
croissance mondial, puisque nous
sommes passés de 68 VIE en janvier
2013 à 255 aujourd’hui. Cela représente un gros travail, notamment de
mes équipes, pour susciter l’intérêt
de la formule auprès des filiales
françaises en Espagne. Le changement fiscal qui s’est opéré pour les
VIE qui, désormais, ne payent plus
leurs impôts qu’en France, rend cette
solution intéressante pour les compagnies espagnoles, car cela leur
coûte 30 % moins cher.
Depuis que la consommation a
repris, on constate un retour d’intérêt
pour tout ce qui est bien-être, spas,
cosmétiques en Espagne. Enfin, en
raison du Printemps arabe, l’activité
touristique a connu un essor, avec 68
millions de visiteurs et une première
place en terme de dépenses dans le
pays. Enfin, à nous de remettre en
avant ce secteur, et de permettre aux
entreprises françaises de profiter de
ce renouveau.
Quels sont les atouts des entreprises
françaises en Espagne ?
Les atouts sont le savoir-faire
innovant, une image de sérieux et de
qualité, un bon service après-vente,
le côté rigoureux des Français. En
revanche, nous avons des difficultés
à commercialiser les produits à l’international et c’est là que Business
France intervient, pour faire le lien
entre le produit et l’acheteur. C’est un
rôle décisif dans cette compétition
internationale.
Quels sont les grands projets en
cours ?
Il y a des projets d’interconnexions et
de transports, par exemple, de ligne
Paris Madrid à grande vitesse pour
désengorger l’autoroute des Landes.
Le gazoduc qui transporte le gaz de
l’Espagne vers les pays du nord, ainsi
que l’autoroute de la mer, qui renforcerait la navigation le long des côtes
françaises.
Enfin, l’avenir est lié à des questions
politiques, car il va y avoir en Espagne
des élections importantes qui vont
montrer l’émergence de nouveaux
partis comme le Parti « Ciudadanos »
(Citoyens) ou Podemos. Cela peut
avoir des conséquences sur l’économie espagnole.
139
©Sergii Figurynyl - Fotolia.com
La Suisse
une économie solide
et diversifiée
Bern.
©DR
>
Alain Carbonne, Florence Dobelle et Alban Aubert.
Priorité à l’innovation
Florence DOBELLE, chef du service économique régional en Suisse, Ambassade de France en Suisse
En 2015, la Suisse a conforté sa place dans le top 20 des économies mondiales et, à ce titre, a été
invitée à participer au G20 Finances. Suite à la récession de 2009, l’économie suisse a bien rebondi,
enregistrant une croissance modeste, mais constante. Les entreprises françaises progressent, mais
il reste encore de belles possibilités de développement, notamment dans les technologies de l’information
et de la communication.
Q
uel regard portez-vous sur
l’économie suisse en 2016 ?
La Suisse dispose d’une économie
solide, dotée d’une grande capacité
de résilience aux crises. Elle a ainsi
très vite surmonté la crise financière
avec une croissance moyenne
annuelle avoisinant 2 % entre 2010 et
2014.
La forte globalisation de l’économie
suisse atténue l’impact négatif du
franc fort en lui permettant de
bénéficier de la baisse des prix des
intrants, qui représentent un pourcentage élevé de la valeur des
exportations (avec, par exemple, un
ratio de 40 % d’importations pour le
secteur pharmaceutique). Il existe
une sensibilité structurelle des
exportations suisses à la croissance
mondiale avec, selon les estimations
de l’Institut Avenir Suisse, une
augmentation de 2 % des exportations CH pour chaque point de PIB
mondial supplémentaire et une
croissance de 7 % des exportations
suisses en cas de croissance du PIB
allemand de 2 % supplémentaires,
sachant que la zone Euro est le
premier partenaire commercial de
la Suisse.
S’appuyant sur un excédent structurellement élevé de la balance des
transactions courantes (7,3 % du PIB
en 2014), la Suisse est devenue la
19e économie mondiale en 2015
(PIB de 642 milliards de CHF, soit
592 milliards d’euros). Elle a ainsi été
invitée par la Chine à participer aux
travaux du G20 Finances.
Ses finances publiques sont saines
grâce à l’adoption, par votation à
85 % des suffrages exprimés, dès
2001, d’un mécanisme contraignant
de frein à l’endettement.
Mais l’appréciation du franc suisse
(suite à l’abandon du taux plancher
par la Banque nationale suisse en
janvier 2015) pèse sur les exportations : une croissance plus modeste
est attendue en 2015 (autour de 0,9 %
après 1,9 % en 2014) et en 2016
(1,3 %). L’Organisation de coopération
et de développement économique
(OCDE) recommande à la Suisse de
s’engager dans la voie de réformes
structurelles1 pour redresser sa
productivité, qui progresse moins
vite que les salaires depuis 2008.
Le rythme de croissance de l’économie
suisse dépendra aussi du maintien
ou de l’évolution du cadre de ses
relations économiques et commerciales avec l’Union européenne (UE),
suite à la votation « Contre l’immigration de masse » du 9 février 2014.
Dans l’hypothèse - non confirmée d’une abolition de l’actuel Paquet dit
Bilatéral I2, l’Institut BAK Basel
estime que l’incidence négative qui
en résulterait serait, au minimum,
de l’ordre d’une perte totale de 630
milliards de francs suisses sur une
période vingt ans, avec un effet
« crescendo » sur le PIB suisse : de
- 5 milliards en 2018, - 15 milliards
en 2020, et de - 64 milliards sur le
PIB 2035 (soit 10 % du PIB actuel).
Quelle est l’évolution des échanges
bilatéraux franco-suisse depuis
deux ans ?
La France est un partenaire commercial majeur de la Suisse : son 3e client
(derrière l’Allemagne et les ÉtatsUnis). La Suisse est, quant à elle,
notre 9e client et notre 3e marché hors
UE : elle absorbe environ 3 % de nos
exportations. Les régions frontalières
(Rhône-Alpes, Alsace, FrancheComté) sont à l’origine de plus de
20 % des exportations françaises.
141
STRATÉGIES ET MARCHÉS INTERNATIONAUX
SUISSE
La Suisse est le 7e investisseur étranger en France. Quels sont les domaines les plus porteurs en France pour
les investisseurs helvètes ?
Oui, la Suisse est le 7e investisseur en
France, juste après la Belgique (5e) et
les États-Unis (6e), avant l’Italie (8e)
et l’Espagne (9e). Pour mémoire, le
142
stock d’investissements directs
étrangers (IDE) suisses en France
ressort à 50,4 milliards d’euros en
2014 (8,4 % du stock total d’IDE en
France). Fin 2014, les 1 400 entreprises suisses implantées en France y
employaient plus de 175 000 salariés.
Les IDE suisses en France se concentrent dans l’agroalimentaire (14 %), la
pharmacie (10 %) et le textile (10 %).
Les investissements suisses en
Fra n ce re ste n t d y n a m i q u e s .
Business France a ainsi identifié en
2014 49 nouvelles décisions d’investissement, ayant permis la création
ou le maintien de près de 1 100
emplois en France.
Et pareillement, quels sont les
secteurs où pourraient encore se
développer nos entreprises françaises en Suisse ?
Selon les données de la Banque
nationale suisse (BNS), la France
est le 3e investisseur4 en Suisse
(avec 6 % du stock total des investissements directs étrangers [IDE]
en Suisse), après les États-Unis (1er)
et les Pays-Bas (2 e ), avant le
©Auremar -Fotolia.com
La Suisse est aussi notre 9e fournisseur. Les échanges commerciaux ont
permis d’enregistrer un excédent
commercial de 441 millions d’euros
en 2014, avec des exportations d’un
montant de 12,9 milliards d’euros.
Nos principaux produits d’exportation
sont les articles de joaillerie et de
bijouterie (15 % du total des exportations), les produits des industries
agroalimentaires (8 %, principalement des vins, des produits laitiers et
fromagers et des légumes), les préparations pharmaceutiques (5,5 %),
les exportations de produits de
raffinage du pétrole (3,7 %), les automobiles et l’aéronautique (3,1 %).
Nos importations de Suisse sont
constituées d’articles d’horlogerie
(15 % du total de nos importations5),
de produits des industries agroalimentaires (12 %). Par exemple, nos
importations de capsules Nespresso3
ont connu une forte progression ces
dernières années. La France importe
aussi de Suisse des préparations
pharmaceutiques (11 %), des instruments et fournitures à usage médical
(6 %) et des arômes et huiles essentielles (6 %).
Les données commerciales définitives pour 2015 ne sont pas encore
connues. La hausse des exportations
françaises en euros enregistrée par
les douanes françaises est portée par
l’effet richesse lié à l’appréciation du
franc suisse : sur les dix premiers
mois de l’année 2015, les ventes de
certains produits ont connu en
volume une progression à deux
chiffres, qu’il s’agisse des matériels
de transport (+ 16 %, notamment en
raison de bonnes ventes pour les
automobiles produites en France),
des produits informatiques, électroniques et optiques (+ 16 %) ou de
produits pharmaceutiques (+ 11 %).
Mais les importations, portées par
l’effet valeur de l’appréciation du
franc suisse, ont également nettement progressé : ainsi, sur les dix
premiers mois de 2015, des équipements mécaniques, électroniques et
informatiques (+ 11 %), des produits
pharmaceutiques, chimiques (+ 16 %).
Luxembourg (4e) et l’Allemagne (5e).
Pour mémoire, selon la Banque de
France, le stock d’IDE français en
Suisse se monte à 41,8 milliards
d’euros.
Les IDE français en Suisse se
concentrent dans les secteurs manufacturier (40 %), financier et de
l’assurance (20 %), ainsi que de la
logistique et de l’immobilier, et aussi
de la culture. Selon l’enquête OFATS
de l’Institut national de la statistique
et des études économiques (INSEE),
la France compte un peu moins de
1 1 0 0 e n t re p r i s e s e n S u i ss e
employant plus de 60 000 salariés5.
Les secteurs de la logistique et du
numérique offrent, par exemple,
encore de réelles possibilités de
développement.
En 2014, les investissements français
en Suisse ont notamment été marqués par la reprise par NJJ Capital,
de l’opérateur de téléphonie mobile,
Orange Suisse, devenue Salt.
En ce qui concerne les starts-ups
suisses, le problème réside souvent
sur la difficulté à trouver des
Suisse
Quels sont les grands projets développés par nos deux pays en matière
de recherche et d’innovation ?
Nos relations bilatérales sont fortement ancrées dans le cadre des
relations économiques UE-Suisse.
C’est également le cas pour la
recherche et l’innovation. Selon
l’organisation faîtière SWISSMEM
(industries électromécaniques) « les
programmes européens de recherche
sont les plus efficaces du monde ».
L a S u i ss e , m e m b re a ss o c i é
d’EURATOM et membre fondateur du
CERN, participe au programme ITER.
Avec le Centre de recherches en physique des plasmas (CRPP) de l’EPFL
(École polytechnique fédérale de
Lausanne), la Suisse contribue
pleinement à l’effort européen et
mondial dans la recherche en fusion.
Plus d’une trentaine d’entreprises
suisses (systèmes électromécaniques, appareillages et autres composants nécessaires au réacteur)
sont directement concernées.
La Suisse est également membre de
l’Agence spatiale européenne (ASE).
Le lancement du projet d’Ariane 6,
soutenu par la France, a des retombées très positives pour l’industrie
suisse dont trois entreprises sont
directement engagées dans la
fabrication de la fusée.
©Happy Alex - Fotolia.com
financements. La plateforme Wirate,
qui est spécialisée dans la notation et
l’analyse d’entreprises en croissance, vient d’étendre ses activités en
Suisse. Par son système de notation,
elle permet d’attirer l’attention des
investisseurs sur des projets intéressants et pourrait donc se révéler
d’un grand soutien pour ces jeunes
entreprises.
>
Bale.
Au niveau des entreprises, les coopérations sont très actives dans le
domaine aéronautique, par exemple
dans des secteurs tels que les
drones civils professionnels, les
navettes de lancement de satellites
suborbitaux, le projet d’avion à
énergie solaire « Solar Impulse », la
sécurité aérienne. Les entreprises
suisses (de la start-up aux grands
groupes) sont invitées au Conseil
supérieur de l’attractivité dirigé par
le président de la République.
La coopération dans le domaine
n u m é r i q u e o f f re d e g r a n d e s
opportunités. Le franc fort renforce
la nécessité6 pour les industries
suisses – manufacturière (4.0) et
financière (FINTECH) - d’investir
davantage dans la digitalisation de
leurs processus.
Or, la France est l’un des rares pays à
disposer d’acteurs qui couvrent toute
la chaîne de valeur numérique.
Signalons que des professeurs
français de renom enseignent l’informatique dans les Écoles polytechniques fédérales, à Zurich comme à
Lausanne.
1. Telles que la prolongation de la vie professionnelle, une plus grande participation des femmes à l’économie, un soutien scolaire plus marqué aux
enfants issus de l’immigration, une plus grande ouverture à la concurrence notamment dans les secteurs de l’agriculture et des services (avec, par
exemple, la privatisation de Swisscom détenue à 51 % par la Confédération), une rationalisation de l’offre de soins et une baisse des prix des
génériques (par fixation à l’avance d’un forfait de remboursement).
2. Le Paquet Bilatéral I regroupe les Accords UE-Suisse entrés en vigueur en 2002 et portant sur la Libre Circulation des Personnes (ALCP), la reconnaissance mutuelle des normes techniques, la reconnaissance mutuelle des AOP-IGP (appellations d’origine et indications géographiques protégées)
et des normes vétérinaires, les marchés publics, le transports aérien, les transports terrestres, la recherche. Une éventuelle dénonciation de l’ALCP
impliquerait (« clause guillotine ») la caducité des six autres accords conclus entre l’UE et la Suisse dans le cadre du paquet dit « Bilatéral I ».
3. La Suisse est le 3e torréfacteur mondial.
4. En méthodologie « investisseur ultime ». La Suisse est le 8e récipiendaire des IDE français.
5. La BNS recense une estimation proche, de 66 100 salariés d’entreprises françaises en Suisse en 2014. Cette différence s’explique notamment par un
périmètre plus large d’entreprises considérées (certaines de participation suisse minoritaire).
6. Une étude récente de l’association faîtière suisse des associations et des entreprises fournissant et utilisant les technologies de l’information et de la
communication estime que les entreprises suisses auront besoin, d’ici à 2022, de 87 000 spécialistes IT.
143
STRATÉGIES ET MARCHÉS INTERNATIONAUX
SUISSE
La chambre pour le commerce
et l’industrie France Suisse
Partenaire de réussites
La chambre pour le commerce et l’industrie France Suisse, fondée en 1894, est la plus ancienne chambre
de commerce implantée en Suisse. Membre fondateur du réseau CCI France international, qui regroupe
111 chambres de commerce à l’étranger, elle n’a de cesse d’aider les entreprises françaises à réussir
leur développement helvétique.
Asie : Japon, Chine, Thaïlande,
Vietnam, etc. S’implanter en Suisse
signifie donc de s’assurer des débouchés commerciaux dans le monde
entier. Enfin, la Suisse, c’est le
4e PIB du monde par habitant, un
marché de consommateurs à fort
pouvoir d’achat.
©MNY-JHEE - Fotolia.com
Genève.
orte d’une équipe de 11
collaborateurs rompus aux
spécificités des deux marchés,
français et suisse, la CCI France Suisse
est une association de droit local
d’utilité publique. Elle aide aussi bien
les entreprises françaises à s’installer
en suisse que les entreprises suisses
à investir en France. Ces 500 entreprises adhérentes des deux pays représentent, au total, un réseau de plus de
1 500 contacts d’affaires.
F
D e s m i s s i o n s a u s e r v i ce d e
l’investissement
En tant qu’organisme bilatéral, la
chambre a plusieurs missions.
Premièrement, elle crée des liens et
favorise des synergies en animant la
communauté d’affaires franco-suisse
par le biais de rencontres, forums,
salons ou séminaires. Elle transmet
les informations économiques pertinentes à son réseau. Deuxièmement,
144
elle est le relais opérationnel des
entreprises qui veulent faire des
affaires en Suisse ou en France.
Enfin, la CCI assure la représentation
institutionnelle de ses adhérents.
Une économie performante et de nombreuses opportunités
Mercredi 3 février dernier, la CCI
organisait à Paris un séminaire intitulé « Réussir sur le marché suisse ».
Il est vrai que le pays présente de
nombreux facteurs d’attractivité. La
libre circulation des personnes, des
biens et des capitaux est devenue
très facile et le cadre fiscal et fiscal y
est très favorable. La Suisse a signé
une trentaine d’accords de libreéchange. Outre les pays de l’Union
européenne, on compte les pays
d’Afrique du Nord : Maroc, Tunisie,
Algérie, Égypte, ceux du MoyenOrient : Liban, Jordanie, Israël,
d’Amérique du Sud : Mexique, Chili,
Colombie, mais aussi de la zone
Des offres adaptées
L’une des principales prestations de
la Chambre est l’approche test
marché, qui étudie la réceptivité du
marché aux produits/services proposés. Ce service sur mesure évalue les
objectifs comme les moyens pour les
atteindre grâce à de nombreuses
prises de contact dans tout le réseau
que compte la Chambre.
En 2009, la CCI France Suisse a créé
l’étude Booster Primo, à l’attention
des primo-exportateurs, récompensée, en 2010 par le prix de l’innovation CCI France International.
Par sa connaissance fine des
marchés, la Chambre est en mesure
d’effectuer du renseignement économique et d’aider les entreprises à
étendre leur influence, en identifiant
les contacts clés dans leur domaine
d’activité.
Enfin, pour les implantations de
filiales, la Chambre peut s’emparer
de la partie administrative : comptabilité et gestion fiscale, et même
gestion salariale.
Valoriser les réussites
Aider les entreprises à s’implanter
ne fait pas oublier les réussites qui
sont mises en avant par la chambre,
grâce aux Trophées CCIS, dont la
27e édition aura lieu le 12 février
2016. Ce prix récompense les sociétés
dont les performances témoignent
du dynamisme des relations économiques franco-suisse.
©DR
Montreux Music and Convention Center.
Montreux-Riviera, dynamisme
économique et qualité de vie
Bernard SCHMID, Directeur de Promove - Promotion économique de la région Riviera-Lavaux
S’appuyant sur sa connaissance du territoire, sur son rôle d’interface public-privé
et sur son réseau, l’association Promove accompagne les entreprises locales et tous
les porteurs de projet désirant s’implanter dans la région.
©DR
>
ouvez-vous nous rappeler
quelles sont les missions de
l’association Promove dont vous
êtes le directeur ?
Promove est une association de droit
privé à but non lucratif, dédiée au
développement économique de la
région Riviera-Lavaux, située au bord
du Lac Léman. Ses membres sont les
12 communes de la région, ainsi que
toute entreprise, personne privée ou
association partenaire désireuse de
soutenir le développement économique de la Riviera et de Lavaux, sur
une base volontaire. A ce jour, l’association compte près de 300 membres.
Son équipe opérationnelle est active
sur les trois grands leviers de développement régionaux : la promotion
économique exogène, le soutien à la
réalisation de nouveaux projets à
valeur ajoutée et la valorisation des
atouts régionaux. Sa première mission
est donc de favoriser l’implantation
de nouvelles entreprises suisses et
internationales ; de plus, Promove
soutient les porteurs de projet, qu’il
s’agisse de création d’entreprise, de
manifestations ou d’infrastructures à
P
146
valeur ajoutée ; enfin, nous nous
impliquons, en tant que représentants du tissu économique, dans les
dossiers de politique régionale, afin
de développer l’activité de la région
en s’appuyant sur ses atouts.
Quel regard portez-vous sur la région
Riviera-Lavaux ainsi que sur son
potentiel de développement ?
Cette région présente des atouts
économiques importants : Montreux
jouit d’une notoriété internationale et
a développé une véritable expertise
dans le domaine de l’accueil. Le
tourisme est en effet l’axe économique
principal, la région a toutefois su
également se diversifier en s’appuyant
d’une part sur son excellence dans le
domaine de l’éducation, comme en
témoigne la présence de nombreuses
écoles internationales, d’autre part
sur son expertise en matière de
santé et de soins médicaux : elle
compte plusieurs cliniques de haut
niveau. L’accueil des étrangers fait
donc partie de nos principales
valeurs ! J’ajouterai que la Riviera
lémanique est également un acteur
majeur dans le domaine de l’organisation de congrès et d’événements
internationaux. On pense évidemment au Festival de jazz de Montreux
mais je pourrais également citer
d ’ i m p o r t a n t e s m a n i fe s t a t i o n s
comme le Sommet de la francophonie
que nous avons accueilli en 2010, les
conférences sur la paix en Syrie
qui se sont déroulées en 2015 ou
e n co re d e n o m b re u x co n g rè s
professionnels. Notre culture est très
internationale et notre capacité
d’accueil s’appuie à la fois sur un
savoir-faire régional et sur nos
prestations hôtelières : nous disposons
d’établissements de prestige, que
mettent en valeur un microclimat et
un cadre naturel exceptionnel, lié à la
proximité du lac Léman et aux paysages de montagne qui l’entourent…
sans oublier la présence des vignobles de Lavaux inscrits au patrimoine
mondial de l’UNESCO.
J’ai coutume de dire que notre région
offre cette opportunité unique : ne
pas avoir à choisir entre travailler et
vivre ! Le cadre exceptionnel et la
culture internationale viennent en
Suisse
Quels sont les moyens mis en œuvre
pour attirer et accompagner de
nouvelles sociétés ainsi que pour
favoriser les investissements ?
Nous travaillons principalement avec
les Chambres de commerce transfrontalières qui constituent nos
partenaires prioritaires. Avec la CCI
France-Suisse, bien évidemment…
mais aussi avec les CCI SuisseAllemagne, Suisse-Italie, SuisseMoyen-Orient, Suisse-Russie ou
encore Suisse-Belgique. Par ailleurs,
un certain nombre de demandes
nous parviennent de façon spontanée, et nous pouvons également
compter sur des relais locaux, constitués de ressortissants étrangers
vivant dans la région et possédant un
important réseau dans leur pays
d’origine. Ces personnes sont en
effet la plupart du temps très impliquées dans le milieu économique et
jouent en quelque sorte un rôle
d’ambassadeurs.
Quatre collaborateurs de Promove
travaillent exclusivement au développement économique de la région.
Leurs prestations sont totalement
gratuites (le financement de l’association étant assuré par les communes, les membres et le Canton de
Vaud) et ils se tiennent à disposition
pour renseigner tout porteur de projet qui envisagerait une implantation
dans notre région. Nous pouvons
aider à établir un business plan
conforme aux usages suisses et les
renseigner dans tous les domaines
juridiques, fiscaux et financiers.
Notre équipe est également en
mesure de les orienter, en fonction
de la nature de l’activité et des
besoins, vers les 300 membres que
compte l’association.
Unissant autour d’un objectif commun tant les autorités que le tissu
économique et l’ensemble des
partenaires concernés, notre association joue un rôle d’interface entre
le privé et le public : grâce à son
réseau très dense, elle est en mesure
d’intervenir comme facilitateur
auprès de l’administration.
Compte tenu du contexte économique
européen, comment se présente
l'année 2016 ?
La situation dépasse le contexte
régional et nous sommes tous
soumis aux mêmes contraintes. Au
début de l’année passée, nous avons
été très inquiets au sujet de la
hausse du franc suisse par rapport
à l’euro. Néanmoins, le segment
qui est le nôtre est très ouvert : nos
contacts sont très diversifiés, venant
aussi des Etats-Unis ou d’Asie. C’est
cette ouverture mondiale qui constitue notre force car elle nous permet
de pondérer ces éléments conjoncturels. Notre région est attractive en
elle-même et, en combinaison avec
les atouts traditionnels de la Suisse,
présente un fort potentiel pour qui
souhaite développer ses affaires. Le
World Economic Forum ne vient-il
pas de classer à nouveau la Suisse au
premier rang de la compétitivité
mondiale ? Qualité de vie et compétitivité internationale se conjuguent
ici. Nous sommes donc très positif
quant à l’attrait d’un tel positionnement, à l’avenir également.
©DR
effet parfaitement se combiner avec
un impressionnant dynamise économique. Pour vous donner quelques
exemples emblématiques, Vevey
abrite le siège mondial de Nestlé
tandis que la société Merck Serono,
un des leaders mondiaux de la biotechnologie, exploite le plus grand
bio-générateur au monde au sein
d’un complexe de très haute technologie situé sur les collines dominant
notre lac. Enfin, la proximité de
l’Ecole Polytechnique Fédérale de
Lausanne est également un important facteur de développement.
Par ailleurs, rappelons que la Suisse
occupe une position centrale au sein
de l’Europe, avec des infrastructures
de transport (autoroutes, trains,
aéroports…) assurant son accessibilité dans de très bonnes conditions.
La région Riviera-Lavaux qui se situe
au cœur de la Suisse francophone en
bénéficie : nous sommes à une heure
de route de Bern, la capitale, et de
l’aéroport de Genève.
En ce qui concerne le potentiel de
développement du territoire, nous
ciblons des activités à haute valeur
ajoutée : en effet, compte tenu de la
topographie des lieux, entre lac et
montagne, nous disposons de peu de
réserves foncières. Nous ne pouvons
donc pas envisager d’implanter des
industries lourdes nécessitant de
grandes surfaces planes. En revanche, nous sommes potentiellement
en mesure d’accueillir des unités de
recherche & développement, des sièges administratifs ou des entreprises
de services travaillant à travers toute
l’Europe et qui rechercheraient la
sécurité, la stabilité, la culture de
l’innovation, l’ouverture internationale et la proximité des hautes écoles
que l’on peut trouver en Suisse.
>
Lac Léman et Lavaux, patrimoine mondial de l’UNESCO.
Promotion économique de la région Riviera-Lavaux
rue de la Gare 2 - 1820 Montreux - Tél. : +41 21 963 48 48 - Fax : +41 21 963 80 65
www.promove.ch - [email protected]
147
STRATÉGIES ET MARCHÉS INTERNATIONAUX
SUISSE
Platinn, plateforme de soutien aux
innovations des start-ups et PME
Christoph MEIER, Directeur de l’association
©DR
En 2009, les cantons romands se sont dotés d’une nouvelle organisation de soutien
aux start-ups et PME. Baptisée platinn, cette structure remplace l’ancien CCSO, qui
visait déjà à soutenir les entreprises dans leur création et leur développement.
réée il y a six ans, l’association
Platinn est une plateforme
d’innovation. Quels sont ses
activités et ses domaines de compétences ?
Cette plateforme est dédiée aux
start-ups et aux petites et moyennes
entreprises. L’association est basée à
Fribourg, en Suisse et nous fonctionnons en réseau. Tous les cantons ont
une antenne de proximité et c’est primordial pour les PME. Les sociétés
qui font appel à nous sont jeunes et
elles se dirigent vers une industrialisation ou pré-industrialisation de
leurs produits. Pour répondre à leurs
besoins, nous avons mis en place
plusieurs activités. Nous les soutenons dans leur projet d’innovation
d’affaires et depuis deux ans, nous
mettons l’accent sur le financement
C
©Focus platinn
L'entreprise Frewitt SA.
des entreprises. Dans ce sens, à travers notre plateforme matchINVEST
(www.matchinvest.ch) lancée il y a
quelques mois, nous permettons la
rencontre entre investisseurs et
PME. Nous avons d’un côté des
entreprises qui ont une activité
depuis moins de cinq ans et de
l’autre des entreprises bien établies.
Nous ne sommes pas focalisés sur
un secteur industriel en particulier,
l’innovation englobe une multitude
de technologies et de secteurs
industriels, à savoir la biologie, la
mécanique, l’horlogerie… Ces six
dernières années, nous avons
coachés plus de mille entreprises.
Notre équipe est composée de
quarante coachs accrédités qui sont
chacun spécialisés dans un domaine
particulier. Certains ont une forte
expérience industrielle, d’autres sont
experts du développement des affaires,
de la stratégie, du marketing, de la
distribution et certains coachs sont
orientés finances, quand d’autres
peuvent répondre aux besoins de
partenariats et de collaboration.
Monsieur Meier, vous déclariez, lors
de la présentation officielle de la plateforme d’innovation Platinn, le 28 mai
2009, que « si les idées ne manquent
pas au sein des PME, la capacité pour
elles de la réaliser fait souvent défaut ».
Comment Platinn pallie-t-elle ce problème ? Quelles avancées constatezvous depuis sa création ?
Oui c’est juste et cela se confirme
aujourd’hui, nous avons plus d’idées
et d’innovations d’affaires que de
moyens de les réaliser. Maintenant
une société est toujours confrontée à
une évolution très dynamique, elle
crée un nouveau produit, elle doit
l’industrialiser, elle veut aller sur les
marchés internationaux, elle retombe
dans une phase de consolidation où
elle se retrouve avec des concurrents
qui proposent des produits similaires
et elle doit se renouveler. Les PME
ont des étapes, des transitions, de
cycles de vie qui sont assez typiques.
Et beaucoup d’entrepreneurs vivent
pour la première phase, celle de
transition, par exemple d’une
industrialisation vers une expansion
internationale. Et c’est à ce moment
qu’elles doivent développer de
nouvelles compétences. Le coaching
Platinn aide à surmonter cette
barrière. Le coaching c’est une
combinaison quelque part entre
formation, transferts de bonnes
pratiques et conseil à l’industrie.
Suisse
C’est donc le premier défi à relever.
Le second, c’est le financement de
ces transitions. Car une expansion ça
a un coût. Il faut donc des moyens
financiers. Platinn intervient dans
l’aide à la R&D (recherche et développement).
Comment participez-vous à cette R&D ?
Nous avons ainsi mis en place un
service de coaching qui identifie les
besoins en matière de financement,
nous avons également cette nouvelle
plateforme matchINVEST, qui permet
la rencontre entre investisseurs et
PME. matchINVEST fonctionne bien,
nous observons des centaines
de mises en relation chaque mois.
Selon une récente enquête, nos
clients lèvent chaque année plus de
cinquante millions de fonds, ce qui
est plutôt satisfaisant. Mais les
entreprises ont encore des besoins.
La phase d’industrialisation a un
coût : fabriquer un produit, mettre en
place un dispositif commercial,
nécessitent des moyens importants
et aujourd’hui malheureusement les
investisseurs se font rares. Au sein
de Platinn, nous cherchons donc
des pistes supplémentaires qui nous
permettraient de remédier à ce
problème. Une de nos idées, est de
trouver un partenaire commercial,
qui pourrait être un fournisseur, un
client, un intermédiaire, qui souhaiterait investir dans cette phase
critique pour en tirer un profit de
synergie à plus ou moins long terme.
Comment voyez-vous l’évolution de
Platinn ?
Autour de l’innovation d’affaires, il y a
plusieurs axes majeurs qui dominent
toute la discussion : l’accès au
marché et l’accès au capital. Nous
devons donc agir en fonction de ces
vecteurs. La recherche de clients
pilotes, de financements pour les
sociétés, sont des défis majeurs pour
nos entreprises et donc pour l’association. La troisième chose à prendre
en compte concerne le développement des ressources internes au sein
des sociétés. Chaque nouvelle innovation nécessite de nouveaux profils
de compétences. Il faut donc innover
dans l’organisation, la gestion, et
Platinn s’implique dans la recherche
de ressources internes. Enfin, je dirai
que le quatrième vecteur essentiel,
est la recherche de partenariats.
Cette activité est relativement
complexe, mais elle est essentielle.
Le défi auquel nous allons devoir
répondre est le développement de
l’innovation au sein de la société.
Alors que la PME travaille son
produit, elle lance en parallèle un
projet d’innovation. Alors comment
organiser ces deux activités sans
déranger le travail quotidien ? Un
autre élément auquel il faut faire
face, c’est l’organisation. Les sociétés doivent s’adapter, aligner leur
organisation et gérer les questions
stratégiques. Ce sont ces thèmes :
innovation, organisation, stratégie,
q u i d o m i n e n t a u j o u rd ’ h u i le s
préoccupations de nos petites et
moyennes entreprises.
149
Groupe Meninx - Siège social : Meninx AG Poststrasse 1, 8956 Killwangen, Suisse
Tél. : +41 56 544 72 90 • Email : [email protected] • Internet : http://www.meninx.net
STRATÉGIES ET MARCHÉS INTERNATIONAUX
SUISSE
Plateforme logicielle Semeion :
passerelle vers la compétitivité
Jean-Christophe GODINAUD, Président du Groupe Meninx
©DR
En B2B comme en B2C, l’heure est aux gages de
compétitivité. La plateforme logicielle Semeion
de Meninx a séduit en ce sens, nombre d’acteurs
de secteurs variés.
Qu’est-ce que Semeion ?
Semeion est une plateforme logicielle
qui simplifie, personnalise et optimise
les tâches quotidiennes, enrichit les
processus métier et structure la
communication avec les clients. Avec
Semeion, nous gérons les flux et processus d’une façon contrôlée et sécurisée, nous planifions, nous surveillons
l’infrastructure, nous informons les
utilisateurs, nous gérons les stocks et
les prix, nous créons et archivons les
documents et plus encore. Semeion
collecte toutes les données opérationnelles et fournit tous les rapports,
statistiques et indicateurs de performance souhaités afin que les entreprises
soient plus performantes.
Quelle est sa valeur ajoutée ?
C h a q u e e n t re p r i s e c h e rc h e à
diminuer ses frais opérationnels.
Nous développons Semeion depuis
2007 pour les aider. Cette plateforme
logicielle révolutionnaire fournit une
technologie moderne, combinée à des
services professionnels talentueux,
pour rationaliser, industrialiser,
simplifier et individualiser leur fonctionnement : collaboration entre les
personnes, communication interne et
externe, automatisation et suivi des
flux métier. Résolvant les challenges
complexes et nouveaux des entreprises,
Semeion constitue l’outil idéal pour
diminuer, dans le cadre d’une approche transversale, ces frais et ainsi
améliorer la compétitivité.
Comment mettez-vous cet outil en
place ?
Nous aidons nos clients à conceptualiser leurs besoins de changement.
Nous élaborons la stratégie de
simplification des processus en
mutualisant les ressources logicielles,
matérielles et humaines. Forts d’un
audit précontractuel, nous nous
imprégnons de la culture et des
enjeux de l’organisation. Puis,
contractuellement, nous intégrons
Semeion et concrétisons le projet
d’optimisation en collaboration avec
le client. De fait, quel que soit le profil,
la taille et le secteur de l’organisation, notre intervention s’avère plus
rapide et moins coûteuse car fondée
sur une technologie développée
intelligemment pour résoudre tous
types de challenges présents et
futurs. Nous considérons que
Semeion est très différente des logiciels «prêts à l’emploi», développés
spécifiquement ou modulaires car
ces derniers ne résolvent que des
problèmes clairement identifiés. Ils
font ce que les développeurs ont programmé ! Semeion innove et concrétise ce que nos clients escomptent.
Nous fournissons du sur-mesure,
dans une logique de «compliance»,
sans crainte des risques d’obsolescence liés aux évolutions technologiques et réglementaires.
Pourquoi est-il essentiel à la
communication de l’entreprise ?
Notre logiciel optimise les moyens de
communication en sécurisant et en
automatisant tous les processus
métier, sources des interactions avec
les clients finaux, y compris la gestion
des données et des documents, la
production omni canaux et de masse
des documents, sans oublier
l’enrichissement des fonctions des
progiciels de gestion intégrée (ERP)
et de gestion de la relation clients
(CRM). Ainsi structurée, la communication de l’entreprise devient le vecteur
essentiel d’une activité efficace et
ambitieuse, la clé du succès.
Vos références, privées comme
publiques, peuvent-elles convaincre
start-up et PME ?
Deux de nos meilleures références
sont des Etats Suisses. Comme toute
entreprise, ils ont initié un programme ambitieux de réduction des
dépenses et d’amélioration de la
qualité des services : plus de qualité
et de sécurité ; plus de transparence
et une meilleure anticipation des
changements. Ils ont choisi Semeion,
ayant compris que l’outil leur apportait flexibilité et pérennité. Mêmes
avantages pour les entreprises
privées souhaitant répondre de façon
personnalisée aux attentes de leurs
clients, tout en rendant des services
attractifs à forte valeur ajoutée.
Automobile, finance, télécommunication, énergie, éducation, logistique,
prestation de services sont les
secteurs de nos clients. L’optimisation
s’avère certes d’autant plus facile que
les volumes sont importants. Start-up
et PME rencontrent cependant les
mêmes challenges que les grandes
entreprises : gestion de la collaboration, de la communication, de la qualité, des cycles de vente, des contrats,
des incidents et des processus
notamment. A nous d’adapter
Semeion à chaque entité, en fonction
de la plus-value apportée. Semeion,
dans un Cloud à défaut d’une infrastructure informatique adaptée, offre
les mêmes fonctions essentielles,
avec l’agilité informatique en plus.
En quoi votre philosophie rejoint-elle
le souci général de compétitivité ?
La meilleure solution pour faire face à
une concurrence mondiale parfois
déloyale est, à notre sens, l’amélioration simultanée de la qualité, de la
sécurité, du support, des moyens de
promotion. Avec Semeion, nos clients
gagnent des parts de marché même
si le prix de leurs services reste supérieur à celui de leurs concurrents.
Nous aidons les entreprises de
toutes tailles et de tous secteurs à
disposer des outils de planification
d’un futur brillant.
151
STRATÉGIES ET MARCHÉS INTERNATIONAUX
SUISSE
Encourager l’entrepreneuriat
Stéphane SCHNEIDER, Directeur de la section suisse des conseillers du commerce extérieur de la France
©DR
Pour s’implanter en Suisse, il faut tenir compte de la diversité d’un pays qui compte
26 cantons et trois langues. Cependant, le dialogue social y est apaisé et l’économie
reste compétitive. Les CCEF, par leur connaissance du secteur, conseillent les
entreprises et encouragent les jeunes entrepreneurs.
C
omment l’économie suisse a-t-elle
évolué en 2015 ?
L’économie suisse a connu une année
contrastée. En début d’année, la
Banque Nationale suisse a supprimé
le taux plancher de 1,20 franc suisse
pour 1 euro pour laisser le franc
suisse flotter. Il a rapidement atteint
la parité avec l’euro. Cela a créé un
©DR
152
choc important pour les PME, qui
exportent pour 60 % dans la zone
Euro, ainsi que pour le tourisme. De
plus, le commerce intérieur a un peu
souffert, notamment dans les zones
frontalières, car les Genevois ont
davantage acheté en France et les
Helvètes du Nord en Allemagne.
Cependant, l’économie suisse reste
en bonne santé. Le taux de chômage
progresse de 0,3 %, pour atteindre
3,7 % à fin décembre, ce qui est
relativement faible par rapport à ses
voisins.
Pour vous, quels sont les facteurs de
l’attractivité suisse ?
Un des points forts est la flexibilité du
Suisse
marché de l’emploi et, plus globalement, du dialogue social. Lorsque le
franc suisse est devenu équivalent à
l’euro, dans beaucoup d’entreprises,
les salariés ont accepté de passer de
42 heures à 46 heures de travail par
semaine sans augmentation de salaire, pour éviter la délocalisation. Ce
type d’accord dure en général de six
mois à un an, avant réévaluation de la
situation. Cela montre la volonté d’un
dialogue social, où chacun comprend
l’intérêt de l’autre. Un autre facteur
est la formation. Les entreprises s’y
impliquent par le biais de l’apprentissage et de l’alternance. Enfin, un
élément clé est la stabilité de la
politique réglementaire suisse ; il n’y
a pas de changement de loi ou de
décret ou de revirement après
chaque élection nationale.
et a trois langues officielles : l’allemand, le suisse et l’italien. Ce n’est
pas parce que l’on a des bureaux à
Genève que l’on peut travailler dans
toute la Suisse. Le gouvernement
fédéral a ses compétences, mais les
cantons aussi et ils sont très attentifs
au maintien de leurs prérogatives. Il
faut donc s’informer au niveau cantonal, pas seulement national. Les
particularités locales s’exercent
aussi au niveau des types d’activité.
Les entreprises chimiques sont principalement situées dans le bassin
rhénan, près de Bâle, le secteur de
l’horlogerie se trouve dans le Jura
suisse tandis que la finance est
implantée majoritairement à Zurich.
Une fois ces particularités prises en
compte, il est très agréable de faire
des affaires dans ce pays.
Quels sont les points importants
à connaître pour s’implanter en
Suisse ?
Il faut tenir compte de sa diversité. La
Suisse est constituée de 26 cantons
Quels sont les événements organisés
par les CCEF ?
Notre événement phare, c’est le prix
du jeune entrepreneur. C’est un
concours organisé entre cinq écoles
suisses : l’université de Saint-Gall,
l’École polytechnique fédérale de
Zurich, l’École polytechnique fédérale
de Lausanne, l’École hôtelière de
Lausanne et l’université du Tessin.
Ce prix récompense le meilleur projet
entrepreneurial en lien avec la
France. Le jury délibère à l’ambassade de France.
Le prix 2016 sera remis le 9 juin
par l’ambassadeur lui-même. Par la
suite, selon les éléments ou aspects
qui sont à creuser dans le projet, les
CCEF vont accompagner la jeune
entreprise dans son développement :
prises de contact, peaufinage du
business plan, mise en relation avec
les investisseurs, etc.
Enfin, la convention tripartite par
secteur d’activité établie avec
Business France et les pouvoirs
publics est une manière de nous
rapprocher, de mutualiser nos
moyens et de partager nos informations, donc de mieux travailler
ensemble.
153
Rue Ferdinand-Hodler 13 c/o Sofirege
1207 Genève - Suisse - Tél : +41 79 137 86 23
Email : [email protected]
SPÉCIALISTE DE L’ASSISTANCE TECHNIQUE À L’INTERNATIONAL,
DU PORTAGE SALARIAL ET DE LA MOBILITÉ INTERNATIONALE
www.easyexpat-international.com
STRATÉGIES ET MARCHÉS INTERNATIONAUX
SUISSE
Faciliter le recrutement
à l’international
©Vic Polinelli
Sébastien BUDZINSKI, Directeur Général de Easy Expat International
P
Easy Expat International met à disposition, de ses clients, des experts, spécialistes
et autres ingénieurs envoyés en mission sur des projets industriels et dont EEI gère
la mobilité internationale. Son Directeur Général, Sébastien Budzinski, nous présente
les prestations EEI.
ouvez-vous nous présenter Easy
Expat International ?
Easy Expat International est une
entreprise suisse, spécialiste de
l’expatriation et des solutions en
ressources humaines, dédiée aux
entreprises du secteur industriel
souhaitant faire appel à des experts
pour des missions à réaliser
en France, en Europe et à l’International. Nos clients sont des entreprises des secteurs de l’environnement, de l’énergie, de l’industrie
lourde, de la cimenterie, du ferroviaire,
du BTP, de l’infrastructure.
Grâce à une cvthèque riche de profils
spécialisés, nous recherchons et
mettons à disposition de nos clients
des experts ayant les compétences
techniques recherchées pour contribuer au succès de leurs projets
industriels. Nous permettons ainsi
aux entreprises de faire appel aux
compétences nécessaires à la réalisation d’un projet sans avoir à les
embaucher. Le domaine d’activité
phare d’Easy Expat International est
l’assistance technique. Cette prestation consiste à mettre à disposition
de nos clients des collaborateurs
spécialisés. L’expertise peut-être
orientée sur le marché français et/ou
international. L’assistance technique
englobe deux de nos prestations
clés : le portage et le recrutement.
Nous proposons des prestations de
portage salarial pour nos clients
ayant identifié l’expert nécessaire à
la réalisation de leur projet. Easy
Expat International contractualise le spécialiste travaillant pour son client.
L’expert est salarié d’Easy
Expat International le temps
de sa mission. Nos prestations
incluent la prise en charge de
toutes les dispositions relatives à la légalisation de nos
ex p e r t s d é t a c h é s . N o u s
contractualisons, légalisons
en obtenant visa et permis de
travail, payons les charges
sociales et taxes applicables
dans le pays où est détaché
notre expert. C’est grâce à
notre réseau étoffé de partenaires fiables à travers le
monde que nous sommes en
mesure d’offrir ces prestations.
Quel est le profil des collaborateurs qui souhaitent travailler
à l’étranger ?
Les collaborateurs auxquels Easy
Expat International fait appel sont
des ingénieurs, techniciens, managers
reconnus dans leur domaine d’activité. Il faut noter qu’il est plus délicat
de recruter dans la tranche d’âge
30-40 ans qui, avec de jeunes
enfants, a plus de difficultés à s’expatrier. L’âge moyen de nos experts
est de 50 ans. Nous faisons également travailler des experts retraités.
L’avantage majeur que nous proposons à ces derniers c’est un statut
plus protecteur que celui qu’offrent
les structures individuelles comme
autoentrepreneur ou Eurl. En effet, si
ces statuts sont suffisants en France
pour bénéficier d’une couverture
sociale et RC, ils s’avèrent inadaptés
à l’étranger. Nos prestations sont en
effet plus adaptées au secteur industriel et à l’expatriation que ne le sont
celles des statuts d’indépendants.
Quelles sont les principales difficultés que rencontrent les entreprises
françaises qui souhaitent recruter des
collaborateurs étrangers ?
En France, il est assez complexe
d’établir un contrat de travail à une
personne de nationalité étrangère.
Bien qu’affiliée à l’Urssaf pour les
prestations de services de nos
experts réalisées sur le territoire
français, Easy Expat International est
une société suisse redevable du droit
du travail suisse. C’est cette nuance
qui offre à nos clients la flexibilité
optimale nécessaire, entre autres,
au recrutement de collaborateurs
étrangers. Nous faisons ainsi office
de facilitateurs pour ces entreprises
françaises qui souhaitent recruter du
personnel étranger.
155
STRATÉGIES ET MARCHÉS INTERNATIONAUX
SUISSE
La gestion de patrimoine
en Suisse
Alexandre VALLADIER, Fondateur de A&M, Global Family
Office SA
©DR
A&M propose ses services dans deux domaines :
la gestion de fortune et d’autre part, Family Office
pour répondre aux besoins de riches familles.
rrivé en Suisse en 2002, vous
vous êtes spécialisé dans la gestion de fortune et avez fondé en
2011, A&M, Global Family Office SA.
Quels sont les domaines d’actions de
votre société ?
Il faut savoir que la Suisse est une
place de gestion de fortune majeure
dans le monde. Il y a à peu près 5000
milliards d’actifs qui sont gérés dans
le pays aujourd’hui. J’ai ainsi voulu
répondre au besoin en créant A&M, il
y a quatre ans. Nous sommes deux
associés et cinq employés. Nous
faisons de la gestion de fortune, donc
une activité de gérant indépendant
régulé par la banque centrale suisse.
Mais nos activités ne s’arrêtent pas là.
Il y a toute une partie Family Office. Ce
sont des services rendus à de riches
familles, en matière de structuration
du patrimoine, donc le conseil légal,
l’optimisation fiscale, l’assistance
pour le financement de résidence
secondaire en dehors d’Europe…Nous
nous chargeons de leur trouver les
banques qui vont les financer, nous
créons les sociétés en prenant en
compte l’optimisation fiscale puis
nous leur obtenons des crédits grâce
à nos partenaires bancaires.
A
Vous avez-vous-même vécu au MoyenOrient, à Bahreïn, aux Emirats Arabes
Unis, à Oman, mais aussi en Europe.
Est-ce cette clientèle étrangère que
vous conseillez aujourd’hui ?
Notre clientèle est effectivement
étrangère, ce sont de riches familles
du Moyen-Orient et d’Europe de l’Est
pour l’essentiel. Nous les appelons
les Ultra High Net Worth Individual
(UHNWI). Ces familles ont besoin
d’expertise dans l’investissement de
leur argent. Mon travail consiste à
faire des affaires pour mes clients :
j’achète, je vends des titres, des obligations, des actions, sur les comptes
des clients directement ouverts dans
des institutions financières, telles
que Barclays, UBS, la Société
Générale. Notre rôle est également
de donner un service clé en main à
notre clientèle étrangère. Même si
nous sommes basés en Suisse, notre
clientèle a un appétit pour les investissements en France. Il faut savoir
qu’aujourd’hui, nous pratiquons plus
de 70 millions d’euros de crédits
pour nos clients en France, via nos
partenaires bancaires.
Qu’attendent vos clients ? Devez-vous
vous adapter en fonction de la zone
géographique d’où proviennent vos
clients ?
Chaque pays, chaque zone géographique a une approche différente
quant à la nature de ses investissements. La clientèle du Moyen-Orient
cherche davantage à bâtir une
relation de longue durée, avec un
gain en capital raisonnable, alors que
la clientèle d’Europe de l’est, cherchera
plus le gain important, immédiat et
elle sera moins fidèle. La clientèle
européenne quant à elle, est plus
éduquée, nous nous retrouvons face
à des personnes qui pensent en
savoir davantage que les professionnels. A nous de nous adapter.
Vous êtes spécialisé dans le modèle
du Family Office. Pouvez-vous nous
en expliquer le principe ?
Nous essayons de promouvoir effectivement le modèle du Family Office.
Si certaines grosses fortunes ont leur
propre Family Office, d’autres n’ont
pas forcément envie d’avoir une
charge, des bureaux, du staff, et vont
préférer faire appel à des sociétés
indépendantes comme la nôtre. Nous
devenons alors leur chief financial
officer, CFO. Nous sortons du cadre
des marchés financiers et nous
allons nous focaliser sur leurs investissements réels, les aider à faire des
audits, des consolidations d’acquis.
Notre rôle est également de les
accompagner à leurs rendez-vous
d’affaires et d’analyser leurs potentiels futurs investissements.
Comment votre société se distingue
des autres sociétés de gestion
d’actifs, de gestion de patrimoine ?
Vous savez dans notre business, vous
avez deux types de structures :
vous avez les grandes banques, les
banques d’affaires, d’investissements, privées…ce que j’appellerai
l’industrie. Et vous avez les boutiques,
comme nous. Nous offrons un service
personnalisé au client. Il y a effectivement beaucoup de structures qui font
la même chose que nous en Suisse,
en Europe, et même aux Etats-Unis.
Le Family office est un secteur en
pleine croissance, mais le marché est
suffisamment important pour que
tout le monde y trouve sa place.
Quelle est votre stratégie sur le moyen
et long terme ?
Nous avons deux activités. La première est la gestion de fortune qui
est régulée par la Banque Centrale
suisse. Nous allons la poursuivre
parce que nous considérons que
gérer l’argent des clients c’est la
base de la confiance. D’un autre côté,
nous pensons que l’activité de gérance simple a vécu et qu’aujourd’hui la
partie Family Office doit vraiment
être la partie principale. Nous sommes des consultants de gestion de
fortune, d’investissement et notre
expertise est intellectuelle, elle est
destinée à simplifier la vie du client.
Il existe de plus en plus de gens
riches dans le monde avec des problématiques de plus en plus complexes. Ils ont donc besoin d’aide et
de technicités. Pour moi, la partie
Family Office va connaître un grand
bond et nous serons présents pour
répondre aux besoins des clients.
157
STRATÉGIES ET MARCHÉS INTERNATIONAUX
SUISSE
TeamWork management :
l’ingénierie informatique au cœur
des entreprises internationalisées
Philippe REY-GORREZ, Président
©DR
Digitalisation oblige, les services d’ingénierie informatique sont devenus essentiels
aux entreprises d’envergure internationale. Un domaine dans lequel TeamWork
management accompagne ses clients.
n quoi votre offre globale d’ingénierie permet-elle d’optimiser
les décisions des entreprises ?
La particularité de TeamWork est
d’associer des capacités sur les
aspects fonctionnels et technique de
manière intégrée ou modulaire.
Le niveau d’expertise de nos consultants,
leur complémentarité permettent
d’aborder les besoins clients aussi
bien à partir de besoins métiers qu’à
travers des besoins d’architecture et
d’infrastructure.
Nos prestations vont du conseil, à la
réalisation du projet jusqu’au maintien en conditions opérationnelles
sur l’ensemble du périmètre en
mode 24 / 7.
E
Quelle est la typologie de vos clients ?
Nos clients sont des sociétés internationale actives dans les secteurs du
luxe, de la pharmacie, de la chimie,
de la distribution, de la banque, de
l’industrie de machines ou encore de
l’agroalimentaire.
Nous leur fournissons une capacité
d’accompagnement local au plus près
de leurs centres de compétence ou de
décision, mais aussi une capacité de
déploiement dans le monde.
En quoi vos partenariats stratégiques
sont-ils un atout ?
Nos partenaires, comme SAP, Oracle,
IBM, EMC, Cisco, Lenovo, etc.. disposent eux-mêmes d’une présence
mondiale.
Ces partenariats permettent d’apporter
une réponse en rapport au niveau
d’exigence de nos clients. Ceci nous
158
Suisse
confère donc en particulier la possibilité de traiter en simultané des sujets
relevant à la fois de la sphère technique et de la sphère applicative.
Pourquoi avoir lancé en 2015 TeamWork Architecture Solutions (TWAS) ?
L’enjeu était de nous mettre en capacité
de réaliser le design, l’architecture et
le négoce de plate-formes matérielles
hardware (machines, serveurs et
baies de stockage) et software
(système d’exploitation, virtualisation,
sauvegarde, stocka) en faisant le lien
avec les couvertures applicatives.
Quelle stratégie poursuivez-vous en
Asie avec l’ouverture récente de votre
Bureau à Shanghai ?
Nous disposions déjà d’une plateforme de conseil technique sur
Hô-Chi-Minh, au Vietnam, et d’une
plateforme fonctionnelle basée à
Singapour.
Notre bureau sur Shanghai nous
permet désormais de traiter les
demandes spécifiques de notre
clientèle en Chine.
Nous avions une réelle volonté de
nous adapter aux besoins de notre
clientèle chinoise.
Quelles sont vos perspectives de développement ailleurs dans le monde ?
À moyen terme, nous ouvrirons un
bureau en Inde pour y accompagner
nos clients et disposer d’une autre
source d’approvisionnement en compétences sur nos prestations globales.
À plus long terme, nous projetons
d’assurer notre présence sur les continents africain et sud-américain. Cela,
tout en renforçant nos positions en
Europe : le marché allemand est
important et l’Espagne, comme le
Portugal pourraient nous permettre
aussi de proposer des ressources
qualifiées et encadrées à des
conditions compétitives.
159
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©Moneky Business - Fotolia.com
STRATÉGIES ET MARCHÉS INTERNATIONAUX
SUISSE
Des valeurs partagées
Norbert FOERSTER, Directeur de l’Institut international de Lancy (IIL) et Président de la Fédération Suisse
des Écoles Privées (FSEP)
©DR
L’Institut International de Lancy a fondé sa pédagogie sur le respect des cultures
et des croyances de chacun. Norbert Foerster, son directeur, nous présente son
projet pédagogique.
ouvez-vous nous parler de l’historique de l’Institut International de Lancy ?
À l’origine, l’Institut International de
Lancy était un pensionnat, fondé en
1903 par les religieuses de la
Congrégation des Sœurs de SaintJoseph. Son nom a changé pour
rendre compte de l’évolution de son
projet pédagogique, mais l’école fait
toujours partie du réseau des écoles
de Saint-Joseph. En 1927, pour la
première fois, les élèves passent les
épreuves du baccalauréat français.
Dans les années 1980, l’école devient
un externat et intègre l’enseignement de l’anglais dès les plus jeunes
âges. En 2001 et 2005, les sections
primaires et secondaires anglaises
ont été créées. Enfin, en 2009, l’IIL a
reçu l’autorisation d’enseigner le
programme du diplôme du baccalauréat international et est devenue une
école du monde de l’IB. L’Institut est
désormais la plus grande école
catholique de la Suisse et la troisième école privée de Genève.
P
Quelle est la philosophie de l’Institut ?
Une des particularités est son
caractère international, multiculturel
et multireligieux. L’Institut accueille
1 500 élèves de 90 nationalités différentes. Dans le groupe francophone,
il y a une forte proportion d’élèves
catholiques qui peuvent d’ailleurs
faire leur catéchèse dans l’établissement. Dans le groupe anglophone, de
nombreuses religions sont représentées. Dès le niveau secondaire, nous
avons introduit un enseignement qui
présente les principales religions du
monde, car le respect de toutes les
religions est important pour nous.
Nos élèves évoluent dans un esprit
de paix, de tolérance et d’ouverture.
Des activités culturelles ainsi que
des voyages où se mélangent groupes anglophones et francophones
sont également le moyen de favoriser
le bien-vivre ensemble. C’est notamment le cas lors de nos séjours de
cohésion qui durent trois jours et où
les élèves apprennent à mieux se
connaître. Nous cherchons non seulement à délivrer un enseignement,
mais aussi à promouvoir nos valeurs
éducatives auprès des familles.
Quelles sont vos spécificités pédagogiques ?
Les effectifs par classe sont 30 %
inférieurs à ceux de l’Éducation nationale. Les langues sont un de nos
objectifs prioritaires. Nous proposons
un enseignement par petits groupes
en tenant compte des besoins spécifiques de chacun. Notre ambition est
d’enseigner la langue dans toutes ses
dimensions : affectives, culturelles et
sociales. L’enseignement en anglais
de certaines disciplines — arts,
sports, musique et sciences humaines dans le primaire, sciences dans le
secondaire — offre aussi l’occasion
d’approfondir les compétences linguistiques des élèves francophones.
Outre l’accent particulier mis sur le
français et l’anglais, les élèves
peuvent apprendre l’allemand, l’italien,
l’espagnol ou le chinois. Une partie de
nos familles sont amenées à changer
de pays régulièrement, raison pour
laquelle il est important que leurs
enfants maîtrisent plusieurs langues.
Notre école se positionne en leader
de l’innovation pédagogique appliquée
à l’enseignement, plus particulière-
ment dans le domaine des nouvelles
technologies. Cette approche renforce l’efficacité des apprentissages et
contribue également au développement de compétences indispensables
pour le parcours académique et
professionnel de nos élèves.
En plus d’avoir été la première école
en Suisse à mettre en place un
One-to-One iPad programme (chaque
élève est doté d’un iPad), IIL a récemment formalisé sa vision de l’application de la technologie à l’éducation
au travers d’un Livre blanc mis à la
disposition des enseignants, des
parents et de tous ceux qui accompagnent l’Institut dans sa réflexion.
Outre l’enseignement, quels sont les
autres services proposés par l’école ?
L’Institut propose une large palette
d’activités extrascolaires : une dizaine
de disciplines sportives, des cours de
musique, de dessin et de peinture, de
théâtre, etc., un service de garderie
et d’étude et un service de transport
scolaire pour faciliter la vie des
familles.
Quels sont les projets développés par
l’école ?
Nous développons nos infrastructures
en construisant une nouvelle salle de
gym, un amphithéâtre, un second
restaurant scolaire, des salles de
classe ainsi que des espaces ouverts
(open space) qui favorisent l’échange
et le travail collaboratif des élèves.
Avec cette approche, l’école n’est pas
seulement un lieu d’étude, mais
aussi un véritable lieu de vie.
www.iil.ch
161
©Pressmaster - Fotolia.com
STRATÉGIES ET MARCHÉS INTERNATIONAUX
SUISSE
« Nous formons les futures
personnes influentes du monde »
Thomas SCHÄDLER, Directeur du Collège du Léman, à Genève
©DR
Ecole internationale d’enseignement privé, le Collège du Léman se situe sur les rives
du lac Léman, à Genève. Un cadre idyllique pour un enseignement d’excellence.
Rencontre avec son Directeur, Thomas Schädler.
©DR
et multinationale d’entreprise. Le
Collège du Léman a également toujours été attrayant pour les familles
suisses et françaises locales. Nos
élèves reçoivent une éducation de
grande qualité et, comme le prouve
le travail effectué avec des professeurs et élèves de différents pays,
une expérience de vie qu’ils auraient
du mal à trouver ailleurs. Ce qui sera
extrêmement avantageux pour leurs
carrières futures : une compréhension et une appréciation d’autres
cultures et nationalités ainsi que la
confiance nécessaire pour maîtriser
et surmonter les problèmes de
compétences linguistiques.
onsieur Schädler, vous êtes le
Directeur du Collège du Léman,
une école internationale d’enseignement privé située à Genève.
Pouvez-vous nous présenter votre
école ?
Le Collège du Léman est un externat
et un pensionnat bien établi et de
renommée internationale sur les
rives du lac Léman. Il accueille une
communauté de près de 2000 élèves
et 250 professeurs. Nos programmes
bilingues anglais-français permettent
de répondre aux besoins de chaque
enfant de la meilleure façon. De mon
point de vue, les écoles ont deux
responsabilités fondamentales qui
peuvent sembler contradictoires
mais qui sont aussi complémentaires
et mutuellement bénéfiques. Tout
d’abord, elles sont censées transmettre un savoir collectif et les
valeurs traditionnelles de la société.
En ce sens, elles sont conservatrices,
M
164
étant obligées de préserver les
croyances établies de la civilisation.
Cependant, les écoles et les établissements universitaires sont aussi
des lieux laissant la place à l’innovation et au changement, où les
questions importantes de l’époque
sont posées, et où la recherche et
l’expérimentation ont toute leur
place. De tels engagements exigent
d’aller au-delà des limites et d’être
avant-gardiste. Pour le Collège du
Léman, ces deux responsabilités
sont importantes et nous assurent
que les éléments conservateurs et
progressistes sont réunis dans une
approche productive et mutuelle de
soutien, de sorte qu’ils coopèrent
pour le bien de chaque élève. Le
Collège du Léman, comme école
internationale à Genève, est une
caractéristique importante de l’infrastructure de cette ville mondiale
servant la communauté diplomatique
Ecole d’excellence, comment votre
établissement se distingue-t-il des
autres campus ? Quelle est la vision et
quelles sont les missions de l’équipe
enseignante du Collège du Léman ?
Notre programme, nos méthodes
d’enseignement, la diversité de notre
programme et de notre personnel,
sont soigneusement imbriqués pour
aider à éduquer et former les futures
“personnes influentes” du monde.
Nous formons nos élèves à être
consacrés comme citoyens à l’échelle
mondiale, désireux d’apporter une
contribution profonde et de longue
durée à la société. Les élèves du
Collège du Léman ont pour habitude
de résoudre efficacement des
problèmes ; ils prennent le temps
de réflexion nécessaire pour cela,
apprécient les différentes perspectives et cherchent un terrain d’entente
avec ceux qu’ils rencontrent. Comme
la technologie numérique évolue,
l’éducation du futur requièrera plus
d’agilité, de mobilité, et une vision du
Suisse
monde plus globale. Lorsque les élèves sont diplômés du Collège, ils
savent que l’humanité et la compassion
sont aussi nécessaires que la
compréhension de la science, des
mathématiques ou de l’histoire. Ils
possèdent une résilience qui leur
donne le courage de prendre des
risques, l’endurance nécessaire
pour réussir dans un monde très
concurrentiel, la capacité de penser
de façon critique et la volonté de
contester les hypothèses existantes.
Quelles sont les activités extrascolaires proposées aux élèves ?
Le programme extrascolaire du
Collège du Léman vise à améliorer et
à compléter le programme académique et renforcer les domaines clés
de notre mission à travers toute
l’école, soutenir notre déclaration de
mission et tenir compte des besoins
de la communauté scolaire. Ces
activités aident les élèves dans de
nombreux domaines ; à la fois socialement et avec leurs performances
académiques. Nos quatre-vingt activités
extrascolaires se trouvent à tous les
niveaux de notre système scolaire,
cela comprend le sport, les arts de la
scène, le conseil des élèves, les
clubs de l’école, le programme
académique, les arts et les divers
évènements sociaux ainsi que
les organisations de charité. Ces
expériences multiples forment un
troisième programme approuvé et
parrainé par les autorités scolaires.
En 2015, le groupe hongkongais, Nord
Anglia Education, annonçait le rachat
de l’établissement. Qu’apporte au
Collège du Léman l’appartenance à
un groupe mondial et quelles sont les
perspectives pour les années à venir ?
Nord Anglia Education est le leader
mondial des écoles de renommées
internationales. Nous sommes une
famille qui s’agrandit, composée de
quarante-deux écoles dans le monde.
Pour le Collège du Léman, c’est un
énorme avantage parce que les
professeurs, les élèves et les classes
peuvent désormais se connecter à un
portail mondial avec leurs homologues du monde entier. Nous l’appelons
la salle de classe globale. Par exemple,
si une classe étudie le changement
climatique et la pollution industrielle à
Genève, ils peuvent maintenant facilement collaborer avec une autre classe
à Pékin ou Singapour où la pollution
est terrible et leur demander comment cela se présente, et s’ils peuvent
avoir une leçon commune. Pour les
professeurs, ce sont là des occasions
incroyables de développement professionnel et de partage d’experts à
travers une plateforme en ligne et
des cours d’universités accrédités. En
collaboration avec l’Ecole Juilliard de
réputation mondiale pour les arts du
spectacle, nous offrons un programme
de musique remarquable au Collège
du Léman, un programme unique
d’été où les élèves viennent du monde
entier pour pratiquer et jouer ensemble avec des professeurs et artistes
de renommée mondiale. Nord Anglia
Education continuera son expansion
dans les années à venir afin de mieux
servir les besoins d’un enseignement
global de qualité pour les familles
souhaitant offrir à leur enfant une
éducation internationale.
165
STRATÉGIES ET MARCHÉS INTERNATIONAUX
SUISSE
Institut « La Gruyère » : un projet
pédagogique à vocation internationale
Anne BUTTY REVAZ, Directrice générale
©DR
Situé dans le cadre montagneux idyllique de La Gruyère, cet établissement
d’enseignement privé familial à vocation internationale accueille élèves suisses et
internationaux pour les préparer dans les meilleures conditions possibles à leur
avenir professionnel.
D
ans quelles conditions l’Institut
est-il né en 1949 ?
Il a été fondé par mon oncle, passionné
d’enseignement. Il avait découvert ses
talents de pédagogue en enseignant
pendant plusieurs années dans un
pensionnat privé à Villars-sur-Ollon,
établissement déjà très international.
C’était à l’époque une génération d’enseignants très polyvalente, curieuse et
ouverte à toutes les disciplines. Fort de
cette précieuse expérience pédagogique, mon oncle a souhaité créer son
propre établissement d’enseignement
privé, avec cette même vocation
internationale. La Suisse a toujours été
une terre d’accueil pour les grandes
organisations et institutions internationales. En outre, la situation dans les
Préalpes qui abrite l’Institut et dont
notre famille est toujours propriétaire,
a de tout temps attiré les familles.
La perspective de voir leurs enfants
apprendre en pleine montagne, près de
la nature, les séduisait et les séduit
encore.
166
©DR
Quels cursus général proposez-vous
aux élèves?
Notre établissement propose depuis
sa création le programme d’enseignement suisse dispensé aux élèves, âgés
de 12 à 20 ans. Ils peuvent ainsi suivre
le cycle d’orientation qui correspond
au collège français et le cursus de la
maturité fédérale, pendant du lycée
français. Il faut savoir qu’en Suisse,
les élèves obtiennent l’équivalent du
baccalauréat français à vingt ans ; il
n’y pas de classes préparatoires avant
l’Université. Nous avons également
mis en place, depuis deux ans et demi,
le baccalauréat français dès la classe
de seconde. Nous accueillons ainsi
élèves, suisses comme internationaux,
Suisse
dans ces deux filières. Cela étant, nous
avons toujours dispensé en parallèle
des cours de français, à titre de langue
étrangère, pour les enfants du monde
entier. Notre Institut est résolument
francophone, considérant depuis
l'origine que l’apprentissage du français est un préalable indispensable à
l’accès à d’autres écoles.
Quels autres programmes linguistiques proposez-vous, dans cette même
optique internationale?
Nous leur proposons de passer des
diplômes reconnus dans le cadre du
portefeuille européen des langues qui
constitue le référentiel de l’Union européenne. Ils peuvent ainsi préparer au
choix les différents niveaux des certificats anglais de Cambridge, les diplômes en langue espagnole dans le cadre
du D.E L.E, ou encore les examens de
langue allemande du Goethe Institut.
Ce programme linguistique approfondi
nous paraît essentiel pour les aider à
préparer leur avenir d’étudiant, surtout
lorsqu’ils ne savent pas encore précisément quelle orientation prendre. Aussi,
chaque semaine, en sus des horaires
classiques, certains suivent un enseignement linguistique spécifique.
Sur quelles valeurs repose votre
projet pédagogique ?
Notre enseignement traditionnel
repose sur une relation personnalisée
très humaine entre nos 20 à 25 professeurs et nos 80 élèves, 50 internes et
30 externes. Les effectifs de nos
classes sont volontairement réduits de 8 et 12 élèves - pour favoriser
proximité, dialogue et réactivité. Les
activités sportives tiennent par ailleurs
une place essentielle dans notre projet, considérant que l’activité physique
est indispensable à la pleine activité
intellectuelle. Ces activités quotidiennes,
pratiquées au sein de clubs, évoluent
au fil des saisons : basket, tennis, ski,
escalade, équitation… En outre, fidèle
à l’esprit ouvert et curieux de son fondateur, notre Institut propose aussi
une importante activité culturelle : les
arts visuels, complétés par des visites
d’exposition, un club de théâtre et des
voyages d’étude mettant toujours en
lien une matière avec un lieu. Notre
prochaine destination sera le Vietnam,
voyage que nous préparons soigneusement en amont, épaulés par trois
professeurs. Ces voyages d’étude
constituent un enrichissement certain
pour les élèves, et une réelle expérience de partage.
Dans quelle mesure contribuez-vous
à l’éducation de vos élèves ?
Nous n’avons pas vocation à nous
substituer aux parents de nos élèves
mais participons naturellement à
leur éducation en leur rappelant
certaines valeurs, dont le savoir-être.
Nous leur inculquons en particulier
le goût de l’apprentissage et celui
de l’effort et leur livrons, à notre
mesure, les outils pour devenir les
Hommes et Femmes de demain.
Quels sont vos projets ?
Toujours maintenir la qualité de notre
enseignement interdisciplinaire. La
fidélité de notre équipe pédagogique
nous y encourage, certains enseignants nous accompagnant depuis
30, voire 40 ans. Et continuer aussi à
ouvrir l’esprit de nos élèves à d’autres
cultures, par les voyages.
167
STRATÉGIES ET MARCHÉS INTERNATIONAUX
SUISSE
La Suisse, économie solide
et diversifiée
La Suisse bénéficie d'une économie prospère et plusieurs domaines d'excellence (finance, horlogerie,
industrie chimique, etc.) qui exportent massivement. La vitalité de son économie repose notamment
sur la finance, mais l'industrie y concourt également.
ne étude de BAKBASEL
commanditée par l'Association
suisse des banquiers (ASB) et
l'Association suisse d'assurances (ASA)
montre que le secteur financier suisse
« consolide sa position de secteur clé
de l'économie. En 2014, son activité
économique s'est traduite, en tenant
compte des effets directs et indirects,
par une valeur ajoutée brute de 81,1
milliards de CHF et 393 000 postes de
travail en équivalents temps plein. »
Parmi ses acteurs, on peut citer les
banques, les assurances et les
autres services financiers. Bien que
les perspectives sur le court terme
soient « marquées par le ralentissement conjoncturel général dû à
l'abolition du court plancher du franc
suisse par rapport à l'euro et aux
intérêts négatifs », sa prévision de
croissance est tout de même égale à
1,3 % en 2016, soit davantage que
celle du PIB (1,1 %).
U
L'industrie des machines, équipements et métaux (MEM)
Environ 330 000 salariés travaillent
dans le secteur des machines, équipements et métaux, ce qui en fait le
premier employeur du pays. Il représentait en 2013 32,5 % des exportations suisses (65 milliards CHF).
Avec 80 % de sa production destinée
à l'exportation (16,1 milliards pour le
premier semestre 2014), il « se
présente aujourd'hui comme un secteur
de haute technologie aux multiples
facettes » (mobilité, habitat, santé,
alimentation, sécurité...).
L'industrie chimique
La ville de Bâle est le centre de
l'industrie chimique suisse, qui
regroupe notamment les produits
pharmaceutiques, les colorants, les
essences de parfum ainsi que les
arômes alimentaires. Novartis et
Hoffmann-La Roche sont aujourd'hui
les poids lourds du secteur pharmaceutique suisse.
L'horlogerie
Troisième industrie suisse d'exportation, l'horlogerie a bénéficié d'une
croissance dynamique (4,5 % par an
entre 1997 et 2012) selon les données
de l'Institut Crea de macroéconomie
appliquée de la faculté des HEC de
l'Université de Lausanne. Près de
©Ezoom - Fotolia.com
Sources : BAKBASEL, CCI France-Suisse
56 000 personnes y travaillent. Pays
leader pour les ventes de produits
horlogers, la Confédération représente en effet 45 % du commerce
international dans ce domaine.
La santé
Environ 185 000 personnes sont
employées au sein des hôpitaux et
cliniques suisses. Selon CCI FranceSuisse, « le secteur santé et social
dans son ensemble a participé pour
6,6 % au PIB en 2009 ». L'économie
étant interdépendante, les établissements sanitaires travaillent avec
d'autres acteurs tels que les fabricants de matériel et les laboratoires
(médicaments, pansements, etc.).
La construction
L'industrie du bâtiment regroupe
85 000 employés à temps plein et
représente environ le dixième du PIB
de la Suisse. Les 2/3 des personnes
travaillant dans les BTP sont issus de
pays de l'Union européenne. Les
dépenses de construction ont atteint
63,1 CHF en 2013 (+1,8 par rapport à
2012).