Maxi p 5 poemes
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Maxi p 5 poemes
Le Pont Mirabeau Sous le pont Mirabeau coule la Seine Et nos amours Faut-il qu’il m’en souvienne La joie venait toujours après la peine Vienne la nuit sonne l’heure Les jours s’en vont je demeure Les mains dans les mains restons face à face Tandis que sous Le pont de nos bras passe Des éternels regards l’onde si lasse Vienne la nuit sonne l’heure Les jours s’en vont je demeure L’amour s’en va comme cette eau courante L’amour s’en va Comme la vie est lente Et comme l’Espérance est violente Vienne la nuit sonne l’heure Les jours s’en vont je demeure Passent les jours et passent les semaines Ni temps passé Ni les amours reviennent Sous le pont Mirabeau coule la Seine Vienne la nuit sonne l’heure Les jours s’en vont je demeure Guillaume Apollinaire Une allée du Luxembourg Mon rêve familier Elle a passé, la jeune fille Vive et preste comme un oiseau : À la main une fleur qui brille, À la bouche un refrain nouveau. Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime, Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même, Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend. C’est peut-être la seule au monde Dont le cœur au mien répondrait, Qui venant dans ma nuit profonde D’un seul regard l’éclaircirait ! Car elle me comprend et mon cœur, transparent Pour elle seule, hélas ! cesse d’être un problème Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême, Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant. Mais non, – ma jeunesse est finie… Adieu, doux rayon qui m’as lui, – Parfum, jeune fille, harmonie… Le bonheur passait, – il a fui ! Est-elle brune, blonde ou rousse ? – Je l’ignore. Son nom ? Je me souviens qu’il est doux et sonore Comme ceux des aimés que la Vie exila. Gérard de Nerval Son regard est pareil au regard des statues, Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a L’inflexion des voix chères qui se sont tues. Paul Verlaine Sables mouvants Démons et merveilles Vents et marées Au loin déjà la mer s’est retirée Et toi Comme une algue doucement caressée par le vent Dans les sables du lit tu remues en rêvant Démons et merveilles Vents et marées Au loin déjà la mer s’est retirée Mais dans tes yeux entrouverts Deux petites vagues sont restées Démons et merveilles Vents et marées Deux petites vagues pour me noyer. Jacques Prévert Je suis perdu, vois-tu, Je suis noyé, Inondé d’amour ; Je ne sais plus si je vis, Si je mange, Si je marche, Si je respire, Si je parle ; Je sais que je t’aime. Alfred de Musset L’amoureuse Et la mer et l’amour ont l’amer pour partage Elle est debout sur mes paupières Et ses cheveux sont dans les miens, Elle a la forme de mes mains, Elle a la couleur de mes yeux, Elle s’engloutit dans mon ombre Comme une pierre sur le ciel. Et la mer et l’amour ont l’amer pour partage, Et la mer est amère, et l’amour est amer, L’on s’abîme en l’amour aussi bien qu’en la mer, Car la mer et l’amour ne sont point sans orage. Elle a toujours les yeux ouverts Et ne me laisse pas dormir. Ses rêves en pleine lumière Font s’évaporer les soleils, Me font rire, pleurer et rire, Parler sans avoir rien à dire. Paul Eluard Celui qui craint les eaux qu’il demeure au rivage, Celui qui craint les maux qu’on souffre pour aimer, Qu’il ne se laisse pas à l’amour enflammer, Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage. La mère de l’amour eut la mer pour berceau, Le feu sort de l’amour, sa mère sort de l’eau, Mais l’eau contre ce feu ne peut fournir des armes. Si l’eau pouvait éteindre un brasier amoureux, Ton amour qui me brûle est si fort douloureux, Que j’eusse éteint son feu de la mer de mes larmes. Pierre de Marbeuf Toi qui fais rêver C’est pour t’avoir vue Toi qui fais rêver, ô brune Si pâle, de clair de lune ; Des heures blanches et lentes Où les colombes lamentent ; C’est pour t’avoir vue penchée à la fenêtre ultime, que j’ai compris, que j’ai bu tout mon abîme. Le jour efface la lune, Les blondes se rient des brunes. Je t’ai onze jours aimée : L’amour, n’est-ce pas fumée ? En me montrant tes bras tendus vers la nuit, tu as fait que, depuis, ce qui en moi te quitta, me quitte, me fuit… Paul-Jean Toulet Ton geste, fut-il la preuve d’un adieu si grand, qu’il me changea en vent, qu’il me versa dans le fleuve ? Rainer Maria Rilke Huytiesme rondeau À tout jamais, d’un vouloir immuable, La vueil servir comme la plus notable Qui soit vivant, et du plus beau maintien. La raison est, car son cueur et le mien Ne sont plus que ung par ung vouloir semblable. Elle voiant mon mal estre importable, M’a dit ce mot qui tant m’est aggreable : « Mon cueur avez, et le vostre retien À tout jamais. » Seroys je pas doncques bien miserable D’estre vers luy traistre ne variable, Consideré le plaisant entretien Qu’elle m’a faict ? Je serviray si bien Que (de ma part) l’amour sera durable À tout jamais. Jehan Marot, père de Clément Marot