Madame Figaro

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Qu’est-ce qu’on attend pour
être heureux ?
Le bonheur d’une vie épanouie…. hommes et
femmes, jeunes et seniors, nous en rêvons tous !
dans un sondage exclusif csa/ madame figaro , les
français plébiscitent plus que jamais les liens privés :
la famille, les amis, l’amour. La carrière et la réussite
matérielle, elles, ne font plus recette. être utile,
intègre, débrouillard, voici nos nouvelles priorités.
Amour, amitié, solidarité : elles sont
là, les priorités, tandis que carrière,
argent, et même épanouissement
dans un métier ne font plus rêver
grand monde
Paru le 24.02.2007, par Viviane Chocas
C’est un hymne à la vie privée. À la bulle de l’intime, aux dépens de la sphère
professionnelle, qui n’en finit pas d’inquiéter. Et si les deux premiers candidats à
l’élection présidentielle se sont mis en tête de replacer la valeur travail au coeur de
la campagne, les Français aujourd’hui comptent sur la proximité et la chaleur de
leurs proches pour trouver sens et épanouissement dans leur vie. Réussir sa vie,
c’est d’abord réussir ses liens, assurent-ils dans ce sondage exclusif CSA/Madame
Figaro. « Le lien privé obtient un consensus général », commente pour nous le
sociologue François de Singly (1): jeunes, vieux, population peu diplômée ou cadres
bardés de titres, concubins, individus mariés, et surtout hommes comme femmes,
tous croient en ce tissu rassurant, protecteur et altruiste que composent les liens
intimes.
Le triomphe de la famille
Amour, amitié, solidarité : elles sont là, les priorités, tandis que carrière, argent, et
même épanouissement dans un métier ne font plus rêver grand monde. « La seule
institution qui triomphe est la famille », ajoute François de Singly. La tendance n’est
pas nouvelle, elle s’affirme depuis le début des années 90. Ce qui l’est en revanche,
c’est la force avec laquelle les hommes eux aussi adhèrent désormais à ces valeurs
(47% d’entre eux sont satisfaits d’abord des liens avec leur famille, 54% en font un
idéal de vie accomplie). « On n’aurait pas vu un rapprochement hommes-femmes
aussi sensible il y a dix ans encore », estime Stéphane Rozès, directeur de CSA
Opinions. Pour les hommes aussi, le recentrement sur la sphère privée est devenu la
principale promesse de bonheur et d’épanouissement. « Auprès de leurs compagnes,
de leurs enfants, de leurs amis, les hommes ont aujourd’hui le sentiment d’apporter,
de recevoir et de construire bien davantage que dans leur métier. Les femmes, elles,
ajoute Stéphane Rozès, n’ont pas pu perdre ces questions de vue, même en étant de
plus en plus présentes dans la vie professionnelle. »
Du désir, du mouvement, des idées
Protéger ses proches, chérir ses enfants, aider ses amis…, derrière ces belles
affirmations, faut-il s’inquiéter d’un repli forcené vers les siens, qui ne serait plus
seulement le reflet d’une passéiste et égoïste ? Non, répond le sondage, car les
Français sont tout sauf immobiles, conservateurs ou assistés. Pour s’accomplir dans
leurs vies, ils réclament… du désir, du mouvement, des idées. Les atouts qui
l’emportent sont la débrouillardise (39 %) et la confiance en soi (38 %). Là encore,
1
hommes et femmes se retrouvent dans l’envie de « ne pas se laisser envahir par les
règles, analyse François de Singly. Il n’existe pas de notion d’enfermement dans la
débrouillardise ». On peut s’échapper d’une situation, d’un cadre qui ne nous
convient plus, et s’en sortir, rebondir. Y compris par des chemins de traverse. « En
valorisant ainsi la débrouillardise, remarque le sociologue, les Français nous disent
aussi qu’ils entendent rester libres et actifs : ce n’est pas du tout une vision
pessimiste de soi, et ça c’est une excellente nouvelle ! »
Cette foi en une débrouillardise et en une capacité personnelle d’adaptation révèle
encore autre chose, insiste François de Singly : une volonté très actuelle « de ne pas
se sentir fermé, défini et donc… produit fini. Ce qui motive, pousse en avant, c’est la
construction identitaire, l’envie d’aller au bout de soi ». Les liens favorisent la
réalisation des rêves, des désirs, car ils sont source d’apprentissage, et plus
seulement d’une génération plus âgée vers une génération plus jeune. « Aujourd’hui,
si les enfants sont à ce point chéris, c’est que les parents comptent aussi sur eux
pour rester au goût du jour, pour apprendre des choses de leur progéniture », assure
le sociologue, et perdurer dans des valeurs d’enthousiasme, de découverte, dans un
mouvement qui est devenu un des premiers garants d’une vie accomplie.
L'amour toujours
Passion et flamme amoureuse sont de bons carburants pour lutter contre
l’immobilisme. Sur ce chapitre, le sondage nous dit deux choses très intéressantes.
D’abord, l’amour est perçu comme « un cadeau de jeunesse » : 42% des moins de
30 ans croient en leurs battements de coeur pour réussir leur vie, contre 24% des
30-49 ans, et seulement… 15% des plus de 50 ans. Les plus âgés exclus de l’amour?
Attention, nuance François de Singly : « C’est précisément à cause de cette
recherche du mouvement, et du désir qui va avec, que l’on observe aujourd’hui une
hausse des divorces chez les 50 ans et plus. De plus en plus de seniors entendent
refaire leur vie, y compris à la retraite, pour ne pas avoir à regretter de ne pas être
allés au bout d’eux-mêmes. C’est très nouveau ! »
Par ailleurs, ceux qui croient le plus à l’amour sont les concubins, bien plus que les
couples mariés : 44% des concubins sont aujourd’hui satisfaits de leur vie de coeur,
contre 19% des mariés; 38% des concubins imaginent l’avenir à l’aune d’une belle
vie amoureuse, contre 20% des mariés. « L’amour libre est plébiscité, commente
François de Singly, l’amour sans la règle qui le fige, puisque la plainte est du côté
des époux, pas de celui des concubins. » Il n’y a aucun clivage gauche-droite sur
cette question, qui ne semble pas relever d’une morale ou d’une éducation politique
au sens large. Simplement «la logique de l’amour reste en tension avec celle du
mariage, conclut François de Singly. Le mariage est positif en termes d’engagement,
de construction d’une filiation, mais vulnérable dès qu’il s’agit d’épanouissement et
de pur plaisir amoureux »…
Savoir rebondir
Réussir sa vie, c’est réussir ses liens, nous dit le sondage… avec toutes les
combinaisons qui restent à inventer pour qu’ainsi relié, on apporte aux autres tout
en se satisfaisant soi-même ! Le mémorable coup de boule de Zinédine Zidane en
juillet 2006 illustre finalement de manière assez symbolique ce tiraillement actuel
propre à la réussite d’une vie (2) : l’homme avait « tout pour réussir », mais voilà,
attaqué au plus fort de ses liens (sa mère, sa soeur), il a bouleversé la donne. Il a
failli, et tout semble montrer aujourd’hui combien le joueur a rebondi sur son erreur,
largement pardonnée par les Français. « Réussir sa vie, conclut François de Singly,
aujourd’hui, c’est d’abord ne pas se tromper dans la définition de soi-même. »
2
Le culte de la réussite en chiffres pailletés façon années 80 a fait un flop. S’imposent
les liens, le système D, l’intégrité… La vie devant soi, mais avec les autres. « Ces
résultats donnent le sentiment que les Français aujourd’hui veulent conserver un
droit revendiqué par certains réalisateurs de cinéma américains (Stanley Kubrick,
Steven Spielberg, Ridley Scott…), et qu’on appelle “final cut”, commente le
sociologue Robert Ebguy (3) : une totale indépendance pour le montage définitif d’un
film. Une vie ratée ou mal ponctuée, une vie qui échappe serait comme un film dont
on n’aurait pas obtenu le “final cut”. » Et ce montage-là, quand il concerne la vie
privée, les femmes comme les hommes entendent plus que jamais le préserver.
(1) Sociologue, professeur à Paris 5. Auteur de Les Adonaissants, éd. Armand Colin. (2) Lire à ce
propos La Mélancolie de Zidane, de Jean-Philippe Toussaint, éd. de Minuit.
(3) Directeur du Centre de communication avancée, auteur notamment de La France en culottes
courtes, éd. JC Lattès.
(Sondage exclusif CSA/Madame Figaro réalisé par téléphone les 6 et 7
décembre 2006 sur un échantillon national représentatif de 997 personnes
âgées de 18 ans et plus, constitué d’après la méthode des quotas.)
42% des moins de 30 ans croient en leurs battements de coeur pour réussir leur vie, contre 24%
des 30-49 ans, et seulement… 15% des plus de 50 ans.
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Les microbes se mangent-ils entre eux ?
La chronique de Jean-Luc Nothias.
Publié le 07 mars 2007
Actualisé le 07 mars 2007 : 08h47
CE MONDE-LÀ va vous rappeler quelque chose. On y combat, à coup de lances ou de
produits chimiques, on se dévore, on se leurre, on s'infecte et on est infecté... Le
monde des microbes à d'étranges résonances « humaines ». Il est aussi très
diversifié. Le mot microbe, de micro, très petit et bios, la vie, désigne beaucoup
d'êtres très différents : bactéries, virus, levures, champignons ou algues vertes. Et
nous leur devons la vie. Depuis plus de 3 milliards d'années, ces travailleurs de
l'ombre, invisibles à l'oeil nu, ont façonné la Terre et permis notre émergence. Ils
sont, dans leur grande majorité, bénéfiques. Ce qui n'empêche pas que, dans leur
monde aussi, règne la loi de la jungle.
Les plus nombreux des microbes sont les bactéries. Des merveilles de miniaturisation
puisqu'elles mesurent quelques millionièmes, ou dizaines de millionièmes de mètre.
Ce sont de simples cellules sans noyau, mais redoutablement efficaces. Leur vitesse
de reproduction est leur arme essentielle : elles se scindent en deux cellules filles en
moyenne toutes les demi-heures. En une journée, il naît donc 48 générations de
bactéries. Soit 281 000 milliards de cellules à partir d'une seule bactérie. Le sol, leur
principal réservoir, en contient 10 millions par gramme. Leur adaptation aux milieux
extrêmes est époustouflante. Certaines résistent ainsi à des températures de 110 °C
ou de - 10 °C. Notre corps contient 10 fois plus de bactéries que de cellules et elles
sont, le plus souvent, essentielles à notre bonne santé.
Il n'empêche que les milliers d'espèces de bactéries se disputent allégrement les
territoires et les sources de nourriture. Elles disposent pour cela de nombreuses
« armes ». Leur panoplie chimique est très large. Elle leur permet de s'attaquer à
d'autres espèces de bactéries, mais aussi à leurs propres consoeurs. Ainsi, certaines
bactéries produisent des toxines qui tuent les bactéries de leur propre espèce sans
qu'elles-mêmes soient touchées car elles produisent en même temps le contrepoison
qui les protège. De nombreuses bactéries produisent également des antibiotiques
naturels contre d'autres espèces.
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Un monde de cruauté
Bdellovibrio bacteriovorans est un cas particulier. Comme son nom l'indique, cette
bactérie dévore les autres. Elle est très petite, environ un millionième de mètre. Mais
elle a l'âme d'un chevalier (noir) du Moyen Âge. Elle est ainsi pourvue d'une espèce
de lance, un long flagelle - filament extérieur mobile - qui fait aussi office d'hélice, lui
permettant de se déplacer très vite : près de cent fois la longueur de son corps par
seconde. Elle se jette ainsi contre des bactéries beaucoup plus grosses et parvient à
percer leur membrane. Une fois à l'intérieur, elle détourne la machinerie cellulaire
pour se reproduire plusieurs fois, ce qui conduira à la mort de la bactérie « infectée ».
Les microbes peuvent eux aussi être malades. Encore plus petits que les bactéries,
en moyenne 10 fois moins gros que les plus minuscules bactéries, les virus ne sont
pas autonomes et sont incapables de se développer seuls. Ils doivent forcément
parasiter des cellules. On appelle les virus spécialisés en bactéries des
bactériophages. Ce sont les plus petits connus et les plus nombreux sur la planète. À
chaque espèce de bactérie son bactériophage. Ils sont peut-être en passe de devenir
les meilleurs amis de l'homme. Ils pourraient être employés à grande échelle pour
lutter contre les maladies d'origine bactérienne. Cette « phagothérapie » - trouver
pour chaque patient et chaque infection bactérienne le phage adapté -, permettrait
de se passer d'antibiotiques contre lesquels les bactéries développent des résistances.
Mais le monde des microbes n'est pas que « cruauté ». L'entraide pour la survie y est
relativement répandue. Les microbes le savent aussi, l'union fait la force. Et ils sont
nombreux à s'associer en communautés pour se développer en milieu « hostile ». Le
phénomène est très étudié car, par exemple, 60 % des infections nosocomiales des
milieux hospitaliers sont liées à ce phénomène. Chez les myxobactéries, qui se
nourrissent également de bactéries, la devise est « un pour tous, tous pour un ». Car,
individuellement, elles ne peuvent survivre. Pour digérer d'autres microbes, les
myxobactéries sécrètent une batterie d'enzymes capables de dégrader les
composants de cellules cibles, mais une myxobactérie isolée ne peut pas sécréter
assez d'enzyme digestive pour s'assurer suffisamment de nutriments. Ainsi, elles
vivent en essaims dans lesquels chaque cellule jouit des enzymes sécrétées par les
autres. Les essaims de myxobactéries sont un peu l'équivalent dans le monde des
microbes des meutes de loups du nôtre.
On le voit, le monde microscopique n'est pas si différent du monde macroscopique
où nous vivons. On peut d'ailleurs se demander si l'homme ne serait pas le microbe
de notre planète Terre. Reste à espérer que ce soit un microbe bénéfique...
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Le Louvre, une image de la France
Publié le 06 mars 2007
Actualisé le 06 mars 2007 : 09h01
L'éditorial d'Emmanuel Fessy
L'accord que doit signer aujourd'hui le ministre de la Culture et de la Communication,
Renaud Donnedieu de Vabres, permettant l'ouverture dans cinq ans du Louvre Abu
Dhabi marque incontestablement une étape décisive dans la politique des musées
français. Après vingt-cinq années de spectaculaires créations ou rénovations à Paris
puis en régions, qui ont remis les musées sur le devant de la scène et leur ont attiré
un satisfecit du public, nos établissements sortent de l'Hexagone pour participer
ouvertement à la mondialisation, celle déjà ancienne des échanges artistiques, mais
aussi, désormais, celle de l'économie et de la diplomatie.
Le Louvre était une référence, il devient une « marque » qui engrangera de très
importantes royalties en échange de son patrimoine et de son savoir-faire. Avec
d'autres établissements français, il va prêter des oeuvres, organiser des expositions,
conseiller l'Émirat pour la constitution d'une collection, former du personnel, aider à
la gestion. Sous réserve du respect des garanties demandées par les conservateurs,
il exercera, dans cette région stratégique du monde, sa mission originelle d'éducation
du public, de dialogue nécessaire entre les cultures, mais également servira l'image
de la France. Ne nous y trompons pas, si Paris avait laissé un espace vacant, à côté
du futur Guggenheim, Saint-Pétersbourg, Vienne ou Madrid s'y seraient volontiers
engouffrés.
Car le pli est désormais pris, l'accord d'aujourd'hui reflète une tendance qu'ont déjà
adoptée d'autres grands musées étrangers, chacun à leur manière et compte tenu de
leur histoire. Ainsi, la politique extérieure de l'américain Guggenheim, où contenant
et « marque » l'emportent sur le contenu, n'a rien à voir avec celle de fond menée
par le British Museum.
Après avoir échoué à Hongkong, le Centre Georges-Pompidou vient d'annoncer un
projet d'implantation à Shanghaï. L'enjeu est, là-bas aussi, l'image de la France.
Pour l'heure, constatons que celle de notre pays est avant tout « signée » Louvre,
autrement dit celle d'une France patrimoniale, plus reconnue pour ses collections
d'art ancien, son passé ancestral que pour sa modernité ou sa création. Une image
miroir de celle de la première destination touristique, celle de Versailles et des châteaux de la Loire, sans oublier notre gastronomie et notre vignoble. C'est déjà
bien, mais ne peut être suffisant. Certes le bâtiment du futur Louvre sera dessiné par
Jean Nouvel, mais le nombre d'architectes français au rayonnement international se
compte sur les doigts d'une main. Une poignée seulement d'artistes français, et
avant tout Daniel Buren, sont vraiment connus en Europe et aux États-Unis. La
question de la promotion des créateurs français à l'étranger est régulièrement
reposée avec solennité à chaque campagne présidentielle... À l'inverse, et
curieusement, de jeunes designers percent à l'étranger, mais ont du mal à être
valorisés sur notre sol. Dans un autre registre, l'échec de Paris face à Londres pour
l'obtention des Jeux olympiques témoignait déjà de cet écart inquiétant entre
tradition et création. C'est donc bien de l'image de la France au XXIe siècle qu'il s'agit
aussi.
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Actualité | France
Les RG sur la piste des écoles musulmanes clandestines
C. G.
Publié le 29 août 2006
Une dizaine
d'établissements
confessionnels ont vu
le jour ces dernières
années en France,
dont le lycée Averroès
à Lille (notre photo).
Ils scolarisent quelque
600 élèves.
(AFP / F.Lo Presti)
Les autorités s'inquiètent de l'opacité entourant ces structures,
qui prônent souvent un islam fondamentaliste et recrutent dès le
primaire.
L'ENVOLÉE des écoles musulmanes n'a pas eu lieu. Une dizaine d'établissements
confessionels ont vu le jour ces dernières années et scolarisent quelque 600 élèves,
surtout en primaire. La loi interdisant les signes religieux ostensibles à l'école n'aura
finalement donné que davantage de visibilité à des projets en cours, comme celui de
Décines, dans la banlieue lyonnaise (lire ci-dessus). Avant lui, le lycée privé Averroès
avait ouvert ses portes à Lille en 2003.
En revanche, les structures clandestines se multiplient, ainsi que les cours de soutien
aux enfants, au contenu parfois opaque. Certaines familles musulmanes extraient
leurs enfants du système scolaire public «conduisant ainsi à une forme de
communautarisme», peut-on lire dans une note des Renseignements généraux de fin
2005.
Les salafistes, qui prônent un islam fondamentaliste, calqué sur la vie du Prophète,
cherchent à protéger «leurs enfants dès le plus jeune âge et les maintenir en dehors
des perversions de la société mécréante» écrivent les RG qui surveillent avec
difficulté les crèches et écoles sauvages montées par ces familles, souvent à domicile
ou dans les locaux des mosquées.
Une mouvance fondamentaliste turque place ainsi ses enfants dans des «internats
coraniques», dont l'un a été repéré près de Strasbourg. «Presque 50 000 enfants
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suivent des cours d'arabe ou de religion dans des structures dont nous ne savons
pratiquement rien», explique-t-on au ministère de l'Intérieur.
Des moyens financiers limités
À l'inverse, les écoles musulmanes officielles semblent se plier au jeu de la
transparence car toutes espèrent un jour travailler avec l'Éducation nationale pour
assurer leur pérennité financière. «L'apparition de ces écoles privées musulmanes
s'inscrit dans un mouvement de fond», estiment les Renseignements généraux.
L'expérience de nos voisins européens est à ce titre instructive. Ainsi, après l'essor
des premiers temps, le nombre d'élèves plafonne. Au Royaume-Uni comme au PaysBas, l'éducation à référence islamique, pourtant largement subventionnée, ne réunit
que 5% des élèves musulmans, essentiellement dans le primaire.
En France, «l'avenir verra certainement la création de nouveaux établissements
scolaires musulmans», estiment les auteurs de la note, mais la «demande n'est
peut-être pas aussi importante que certaines instances le prétendent». D'autant que
les moyens financiers risquent de manquer. «À terme, les pouvoirs publics vont être
confrontés à deux difficultés : celle du contrôle des contenus de l'enseignement
dispensé et celle de la réponse à donner aux établissements qui demanderont à
passer un contrat avec l'État.»
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“L’harmonie conjugale est une pure illusion”
Après le linge et les casseroles, le sociologue Jean-Claude Kaufmann continue sa revue de détail, son
exploration du résolument quotidien. cette fois *, il zoome sur les petits agacements conjugaux. entre
chaussettes en rade, tube de dentifrice à l’agonie et belle-maman intrusive… ça vous rappelle quelque
chose ?
Paru le 01.02.2007, par Sophie Carquain
Pourquoi vous intéresser aux petits agacements entre époux ?
– L’idée m’est venue pendant mon étude sur la trame conjugale, où j’analysais le
couple à travers son linge. J’ai réalisé alors l’ampleur des agacements individuels, qui
proviennent d’une dissonance entre un modèle idéal (pile impeccable) et la brutalité
du quotidien (gros tas de linge). Les petites frictions conjugales sont encore plus
intéressantes, car elles témoignent du tiraillement qui existe en permanence entre
soi et l’autre. L’harmonie conjugale est une pure illusion, et la paix de surface est en
permanence travaillée de l’intérieur par ces multiples gué-guerres.
À vous lire, à deux on s’agacerait plus aujourd’hui qu’hier ?
– Du moins a-t-on aujourd’hui beaucoup plus d’occasions de le faire. Avec la
disparition des modèles archaïques et l’effacement de la tradition, tout est à
reconstruire ! Et cela bouscule les repères et fragilise le couple au quotidien. Dans
les années cinquante, les rôles domestiques étaient définis à l’avance, il était normal
que le mari mette les pieds sous la table à peine rentré. Aujourd’hui, qui peut
supporter sans agacement cette fameuse phrase : « Qu’est-ce qu’on mange ce soir ?
» Jadis, on cuisinait selon la tradition. Aujourd’hui, on hésite entre cuisine rapide et
cuisine passion, entre pot-au-feu mijoté et pizza surgelée. En outre, dans notre
société d’hyperconsommation, on teste souvent de nouveaux objets, de nouvelles
marques, sauces, lingettes, etc. Mine de rien, ces bouleversements sont source
d’irritations multiples.
La voiture devient, d’après vous, le lieu de tous les dangers…
– Oui, car si hier elle était le temple des hommes, ce n’est bien évidemment plus le
cas. Dans ce petit cocon, il faut tout choisir à deux : la chaleur (air conditionné ou
non ?), la radio (RTL2 ou France Info ?), le volume sonore et, bien sûr, la conduite –
pépère ou sportive. Les hommes tentent de réfréner leur agacement, et craquent
souvent…
L’irritation naît donc d’un choc de deux «micro-cultures»… Comment
chacun transporte-t-il dans le couple sa « valise personnelle » ?
– Chacun a, depuis l’enfance, une « mémoire implicite » de ce qui doit être, et qui
structure inconsciemment ses gestes au quotidien. Alors, quand le grain de sable
arrive (clés pas à leur place, dentifrice mal rebouché, ciseaux perdus…), ce sont
autant de traces de l’autre, et cela agace ! Généralement, deux positions s’affrontent
dans un couple : d’un côté, les gestionnaires de la rigueur, ponctuels,
organisateurs…, de l’autre, ceux que j’ai nommés les « idéologues de la
décontraction » purement « défoulatoires » – ceux qui laissent traîner leurs
serviettes humides et leurs chaussettes, motif numéro un d’agacement.
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Et le tube de dentifrice ? Pourquoi est-il si crispant ?
– Il est symbolique, car il fait partie, avec la brosse à dents, des tout premiers objets
que l’on transporte chez l’autre, au début de la mise en couple. Il y a ceux qui
pressent le tube et ceux qui le plient, ceux qui le posent sur le capuchon et ceux qui
le laissent baver… Pas facile de supporter la trace de la «micro-culture» de l’autre !
Pas facile non plus de partager un repas. Pourquoi la table est-elle sujette à
tant de frictions dans le couple ?
– On se rejoint dans un espace donné, et l’illusion de ne faire qu’un s’écroule.
Soudain, on voit tout au microscope ! L’un sauce, mastique bruyamment, garde les
coudes sur la table… et cela provoque chez l’autre des sensations parfois proches du
dégoût. Derrière tout cela, il y a la présence et la culture de sa propre famille
d’origine…
Vous dites que ces agacements ont une fonction précise…
– Chacun va balayer devant sa porte, abandonner un peu de soi… et contribuer à
l’élaboration d’une culture conjugale commune. Mais il existe aussi des agacements
qui ne servent qu’à vider son sac quand l’insatisfaction ou la rancoeur deviennent
trop importantes. Alors, on saute sur n’importe quel prétexte… et on explose !
PARTIE (II)
Et cette explosion, vous l’appelez un « petit coup de foudre inversé ». C’està-dire ?
– Le coup de foudre amoureux provoque un oubli du soi, et entraîne vers l’autre. À
l’inverse, l’agacement nous expulse brutalement du duo. Il provoque un éloignement,
même minuscule, de l’autre. Ça n’est pas rien !
Selon vous, les femmes sont beaucoup plus agacées que les hommes…
– Absolument. Cela vient du fait que les hommes s’impliquent bien moins dans le
couple. Pour eux, qui traditionnellement ont eu à batailler sur le front de l’emploi
malgré tout plus que les femmes, la maison est considérée comme l’antre de repos
absolu. Quand ils rentrent du bureau, ils se lâchent. Ils aimeraient avoir la sensation
de se couler dans un bon bain chaud. D’où leur manière de ne pas s’impliquer et de
laisser tout traîner autour d’eux. Les femmes, qui commencent leur seconde vie en
rentrant du bureau, sont très irritées par leur côté Peter Pan ! Alors, prises au piège
de leur propre agacement, elles rangent et briquent… L’homme fait pourtant des
efforts ! Mais il reste très souvent dans l’attitude de l’élève coupable. Au fond, cette
posture femme-maman/homme-petit enfant est archiclassique ! Et ça, ça agace
terriblement !
Voilà pourquoi la belle-famille, en particulier la belle-mère, se révèle un
vecteur de crise !
– Quand l’homme déclare « Je vais demander à ma mère comment elle cuisine cela »,
ou « Ma mère, au moins, sait recoudre un bouton », il a encore l’attitude du petit
garçon ! La belle-mère intrusive est une cause d’agacement majeur, surtout à la
naissance d’un couple : on n’a pas encore régulé ni adopté une politique commune,
et il faut prendre ses marques par rapport à la belle-famille (phase 1). Dans les trois
quarts des cas, ça se passe bien. Mais pour les autres, ceux chez qui le conjungo
passe après la belle-famille, c’est redoutable! Quelques années plus tard (phase 2)
s’installe une sorte de refoulement de ces irritations. On s’habitue, on veut la paix
des ménages, on aspire à la tranquillité du foyer, on met son mouchoir sur ses
revendications. Et puis, à mesure que l’on vieillit, changement de cap : la femme
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peut se mettre à ressembler à la belle-mère, le mari au beau-père, ou le contraire.
La mémoire du début revient. On entame la phase 3, celle du « retour du refoulé ».
Et on recommence à s’agacer !
N’oublions pas un autre motif de choix : les loisirs des hommes. Pourquoi ?
– Tout ce qui fait concurrence à la famille, au couple, irrite les femmes, car elles y
voient l’occasion pour leur conjoint de fuir le conjungo et de ne pas s’impliquer.
Regardez l’homme devant son match de foot : il montre parfois plus d’émotion et de
passion que dans les relations conjugales ! Comme l’indique un de mes témoins : «
Je ne pensais pas qu’une moto pouvait faire tant souffrir ! » C’est encore pire à
l’arrivée des enfants : on cherche un père, et on écope d’un «contre-modèle », un
gamin qui joue au ballon ou qui est scotché à son ordinateur !
Comment sortir de ces micro-guéguerres du quotidien ?
– Bouderies, rires, vengeances secrètes ? Chacun a sa manière de refroidir
l’émotion… La bouderie, attitude féminine très sage, permet, en tirant le rideau de
fer, de ne pas aller trop loin dans l’explosion et de ne pas commettre l’irréparable.
Les hommes, toujours champions dans l’art de l’esquive, se mettent à fuir ou à rire
(« Oh, allez, ça n’est pas grave ! »), ce qui fait flamber l’irritation féminine ! Pourtant,
à froid, l’humour est la meilleure des choses. Il faudrait s’installer de temps en temps,
parler ensemble de tous ces petits frottements incontournables qui prouvent à quel
point le couple est une entité vivante et à quel point l’amour se travaille au
quotidien…
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L’obésité des enfants
Chez l'enfant la définition de l'obésité se heurte à des difficultés. Les variations
physiologiques de l'adiposité au cours de la croissance ne permettent pas de définir
une valeur unique de référence. Le comité d'experts de l'OMS recommande
l'utilisation des courbes d'IMC en fonction de l'âge et du sexe.
L'obésité, première épidémie non infectieuse de l'Histoire
Sur 6 milliards d'êtres humains, 3 milliards sont sous-alimentés. Les autres, habitant
principalement dans les pays riches ou émergents, sont lentement mais sûrement en
train de devenir obèses.
Depuis 1997, l'obésité est considéré comme une maladie et l'OMS alerte
régulièrement les pays sur la gravité de l'épidémie. Elle place actuellement sa
prévention et sa prise en charge comme une priorité dans le domaine de la
pathologie nutritionnelle : « pour la prochaine décennie, les projections de l'épidémie
globale d'obésité [dans les pays développés et dans les pays en voie de
développement] sont si inquiétantes qu'une action de santé publique est nécessaire
de façon urgente. »
La situation dans le monde
L'OMS estime qu'il y a aujourd'hui entre 5 et 10% de la population mondiale adulte
qui souffre d'obésité (IMC > 30) soit environ 250 millions de personnes. L'obésité se
répand de manière très rapide dans des pays comme le Brésil, où l'on observe une
augmentation de la malnutrition et de la surconsommation dans diverses catégories
de la population. Les hommes sont plus nombreux que les femmes à devenir obèses
et cette augmentation est plus marquée dans les classes défavorisées de la
population.
La situation en France
Une étude menée en 1997 à partir des archives du service
national a permis de se faire une bonne idée de la situation de
l'épidémie en France pour les jeunes hommes et de son évolution
sur les 10 dernières années.
L'analyse des prévalences de 1987 à 1996 réserve une mauvaise
surprise : les prévalences d'obésité sont en augmentation
constante, le pourcentage de jeunes en surpoids (IMC supérieur à 25) est passé de
11,5 % en 1987 à 16,5 % en 1996. Les obésités (IMC > 30) ont doublé entre 1987
et 1996 !
Le phénomène est-il spécifique aux concentrations urbaines, là où pullulent les hauts
lieux de la mal- bouffe ? L'analyse des prévalences par catégories de communes
infirme cette idée reçue : quelle que soit l'année considérée, les prévalences sont
inversement proportionnelles à la taille de la commune, selon un gradient
extraordinairement régulier ; autrement dit, plus petites sont les communes, plus
fortes sont les prévalences de l'obésité !
A la lumière de ces chiffres, force est donc de constater que l'obésité est devenue un
problème majeur en France.
Des analyses montrent des disparités importantes, au sein d'une même région, selon
des zones de populations qui présentent de nombreux traits communs, sociaux,
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économiques et culturels. Une comparaison entre les villes de plus de 20.000
habitants montrent que la localisation est déterminante sur la taille de la ville.
Ce constat milite donc en faveur de comportements locaux, ce que de trop rares
études sur les spécificités dans le boire et le manger ont montré. Cette piste de
recherche semble d'ailleurs contradictoire avec l'idée répandue d'une uniformisation
des comportements alimentaires en France, via les McDonald's et autres fast-foods,
ou d'une homogénéisation des comportements alcooliques, via la consommation de
whisky.
Évolution depuis 1997
L'obésité progresse en France, où l'on dénombre 4,2 millions d'obèses en 2000, soit
655 000 personnes de plus qu'en 1997, selon une étude de l'Institut national de la
santé et de la recherche médicale (Inserm), réalisée auprès de 27 000 Français de
15 ans et plus. Il s'agit d'une actualisation d'une première enquête de 1997.
Depuis trois ans, la population française a grossi en moyenne de 0,8 kg. En 2000, la
proportion des sujets obèses ou trop gros (dits en « surpoids ») est passée de
36,7 % à 39 %. La France compterait ainsi un peu plus de 17 millions de
personnes obèses ou en surpoids. En trois ans, le nombre de personnes en surpoids
a augmenté de 534 000. L'étude affirme également que le tour de taille de la
population a augmenté en moyenne de 1,6 cm. L'augmentation de l'obésité touche
toutes les catégories socioprofessionnelles.
La situation des enfants
Le nombre d'enfants obèses a doublé en cinq ans, et à ce
rythme l'Europe aura rattrapé les Etats-Unis dans les vingt
prochaines années.
On a démontré l’existence d’une relation inverse entre la classe
sociale et la prévalence de l’obésité chez les enfants âgés de 3
à 18 ans, avec des taux allant de 25 % dans les familles à
faible revenu à 5 % dans les familles à revenu élevé.
Aux Etats-Unis est apparue depuis quelques années une
maladie nouvelle, qui touche les enfants obèses de onze ans en
moyenne, principalement au sein des minorités ethniques
pauvres. Il s'agit d'une forme ultra-précoce de diabète de type
2 (dit diabète gras). Les premiers cas de diabète atypique de l'enfant sont arrivés en
France en 1999, et tout indique qu'il va s'étendre.
Virgile Woringer, médecin des écoles lausannoises, pèse et mesure tous les élèves de
la ville et constate qu'«ils pèsent en moyenne 1 à 3 kilos de plus qu'il y a dix ans». Il
n'y a pas grand-chose à faire. Les résultats du groupe de soutien nommé BAB
(Brigade anti-bourrelets) qui se réunissait il y a quelques années n'ont jamais
dépassé les 10% de succès. Les régimes «ne correspondent pas au mode de vie des
adolescents et sont donc voués à l'échec», soupire Yolande Chérica, diététicienne
responsable de l'Hôpital de l'enfance. Il faut donc se contenter de stopper l'escalade
et d'attendre que la croissance rééquilibre les proportions. «Le problème est
rarement lié à un abus de nourriture, souligne Yolande Chérica. Il s'agit souvent
d'une réaction à une agression. Je me souviens de ce garçon de 16 ans, 103 kilos
pour 170 centimètres, qui m'a dit: "Il vaut mieux être aveugle que gros: les
aveugles, au moins on les écoute."»
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Une simple observation permet facilement de s'apercevoir qu'il n'existe pas un seul
type d'obésité, mais plusieurs.
Je vous propose ici une classification des types d'obésité, celle du Dr Jacques MORON
dans son ouvrage La nouvelle clé du poids (Pocket, 1995). Comme toute
classification, celle-ci est sans doute discutable, mais elle a le mérite d'associer le
résultat d'observations sur la répartition graisseuse avec les causes de cette obésité.
C'est donc une méthode simple à mettre en oeuvre. Elle est basée sur une longue
expérience de consultations du Docteur.
Ce qui est, à mon avis, le plus sujet à caution est la méthode thérapeutique que le
docteur MORON propose pour chacun des types d'obésité qu'il a identifié.
De nombreux médecins se sont ralliés aux thèses du Docteur MORON et ont formé la
"Société de Morphomédecine".
La morphomédecine analyse l'obésité non pas en terme de kilo et de taille mais en
terme d'écart par rapport à l'harmonie corporelle. Cela présente l'avantage de
s'attacher à l'équilibre entier d'un individu plutôt qu'à des normes identiques pour
tous.
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