Graphisme et écriture : aide à des enfants de grande section

Transcription

Graphisme et écriture : aide à des enfants de grande section
Bérangère BLASZCZYNSKI-SOUALLE
Graphisme et écriture :
aide à des enfants
de grande section
en difficulté
IUFM Nord – Pas-de-Calais
2 bis, rue Parmentier - 59650 Villeneuve d’Ascq
Remerciements à
Mademoiselle Méchoulam, directrice de mémoire,
Madame Przybylski, tutrice de stage,
Madame Soualle, institutrice.
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SOMMAIRE
Introduction .........................................................................................5
Evaluation diagnostique des compétences des enfants................7
I - Le constat de début d'année en graphisme et en écriture ...............7
II - Quelques facteurs pouvant être à l'origine de ces difficultés ..........9
Les activités de remédiation et de consolidation
mises en place ..................................................................................15
I - Le schéma corporel ........................................................................15
II - La structuration de l'espace...........................................................17
III - L'attention visuelle ........................................................................20
IV - Le graphisme préparatoire à l'écriture .........................................22
V - Le divertissement graphique .........................................................25
VI - Le passage de l'écriture dirigée à l'écriture libre..........................27
Conclusion ........................................................................................33
Bibliographie .....................................................................................35
Annexes .............................................................................................37
3
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I
NTRODUCTION
Dès son plus jeune âge, l'enfant prend plaisir à laisser des traces. A
l'école maternelle, l'évolution de ses possibilités psychomotrices et la
pratique d'activités graphiques l'amènent à passer du gribouillage à
l'écriture, d'un plaisir fonctionnel à une communication
intentionnelle. Cette progression repose sur la maîtrise de plus en
plus fine du geste, tributaire d'un développement personnel. Ainsi,
tous les enfants n'acquièrent pas les mêmes savoir-faire en même
temps : certains sont plus lents. Néanmoins, à l'entrée en deuxième
année de cycle 2, chacun doit être capable de se concentrer sur le
contenu du message qu'il produit. L'aspect graphique de l'écriture,
c'est-à-dire la production de signes conventionnels sur un plan en
respectant les formes, les proportions, un ordre, une organisation, doit
donc être maîtrisé à la sortie de l'école maternelle. C'est à l'enseignant
de proposer une multitude d'activités graphiques qui respectent les
rythmes individuels pour que chacun puisse atteindre cette
compétence.
Dans l'école Brunehaut d'Escautpont, située en zone d'éducation
prioritaire depuis 1989, six enfants de section de grands éprouvent
des difficultés au sein du groupe classe. Ils se prénomment Bénédicte
(25-06-1989),
Mélanie
(09-01-1989),
Aurélien
(19-02-1989),
Boumédienne (03-01-1989), Kévin (27-02-1989) et Nicolas (05-08-1989).
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L'utilisation d'une pédagogie différenciée s'impose. Après
concertation, les enseignantes choisissent de travailler en
collaboration : tous les après-midi, ces enfants sont confiés pendant
une heure (au moment de la sieste) à l'institutrice de la section de
petits. Elle leur propose des exercices spécifiques, adaptés à leurs
besoins, complémentaires de ceux effectués avec le groupe classe.
C'est ce petit groupe que j 'ai suivi pendant quelques mois dans les
domaines du graphisme et de l'écriture. Les exercices du début
d'année, donnés par l'enseignante, et les observations effectuées au
cours des séances que j'ai menées m'ont permis de constater les
problèmes des enfants ainsi que leurs causes. Mon objectif a été de
mettre en place des activités pour les aider à améliorer la composante
motrice et perceptivo-motrice de leur écriture.
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E
VALUATION DIAGNOSTIQUE
DES COMPETENCES DES ENFANTS
Les documents retenus pour cette évaluation ne sont pas
uniquement des productions de début d'année. La plupart du temps,
c'est en apportant des remédiations à un problème particulier que
d'autres difficultés sont apparues et ont été relevées.
I - Le constat de début d'année en graphisme et en
écriture
A. Remarques préalables sur le graphisme et l'écriture
Dans les Orientations pour l'Ecole Maternelle du 30 janvier 1986, il
est mentionné que « l'écriture proprement dite est préparée par des
activités de graphisme ». L’expression activités de graphisme renvoie au
graphisme - c'est-à-dire toute production de traces utilisant le trait
(sur un support, grâce à un instrument, dans un plan donné) - mais
fait également référence aux activités telles que visser, boutonner,
découper... qui développent des capacités en matière de motricité
fine. Ainsi, l'enfant acquiert des habiletés qu'il va réinvestir en
écriture.
7
D'après les recherches de Liliane Lurçat, les lettres apparaissent
vers l'âge de 4 ans dans les productions spontanées. L'enfant
manifeste alors son envie d'écrire et l'enseignant peut commencer
l'apprentissage pour éviter la mise en place d'automatismes
défectueux.
B. Commentaire des productions des enfants
A partir des compétences de fin de cycle et des connaissances sur
le développement psychomoteur, il est possible de fixer des objectifs
intermédiaires pour chaque année. Ce répertoire est utilisé comme
référence pour l'évaluation diagnostique mais aussi pour mesurer les
progrès réalisés en cours d'année.
L'observation des premières difficultés s'effectue toujours dans le
cours de la vie de classe. Quelques travaux sont rassemblés dans
l'annexe 1. Que ce soit en graphisme ou en écriture, les enfants sont
face à des modèles visuels-statiques. Nous remarquons que :
- les graphismes ne sont pas réguliers : les différences de hauteur
entre les lettres ne sont pas perçues ;
- les enfants ne savent pas effectuer le geste nécessaire à la
reproduction du dessin de la lettre ou de la forme. La plupart des
mots sont illisibles ;
- très souvent, les liaisons ne sont pas respectées ;
- dans l'exercice de graphisme, l'enfant ne sait pas occuper l'espace
correctement.
Les problèmes relevés sont la conséquence d'un ensemble de
circonstances. La réalisation d'un geste graphique précis suppose que
l'enfant possède des compétences dans plusieurs domaines. Il faut
donc, dans un premier temps, vérifier leur acquisition.
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II - Quelques facteurs pouvant être à l'origine de ces
difficultés
A. Le schéma corporel
Selon Henri Wallon, le schéma corporel « est la représentation plus
ou moins globale, plus ou moins scientifique et différenciée que
l'enfant a de son propre corps1 ». Il se construit progressivement à la
suite d'interactions entre l'individu et son milieu. Le dessin du
bonhomme donne des indications sur son organisation. A l'âge de 5
ans, ce dernier doit être assez complet, tête et tronc séparés, bras,
jambes, mains, pieds, détails au niveau du visage et du décor
vestimentaire... Les productions spontanées des enfants révèlent une
mauvaise perception d'eux-mêmes et des autres. Prenons l'exemple
des bonshommes dessinés par Mélanie et Boumédienne (annexe 2).
Chez Mélanie, on observe que le dessin du bonhomme n'a pas
évolué entre la rentrée et le mois de décembre. Elle est au stade du
bonhomme têtard. Certains détails du visage sont présents : les yeux,
la bouche, le nez (représenté par un trait horizontal dans la première
production, alors qu'on attendrait un trait vertical). Le dessin des
pieds est différent. Les bonshommes effectués en septembre ont
également des cheveux ; les croix peuvent être la représentation des
bras (qui auraient disparu dans la deuxième production) ou des
oreilles.
Contrairement à Mélanie, on constate une progression chez
Boumédienne. En début d'année, le dessin du bonhomme est
vraiment incomplet : la tête, qui porte des cheveux, un nez et des
yeux, est reliée au tronc. Les bras, les mains et les pieds ne sont pas
représentés. L'absence des jambes est peut-être liée à l'origine
1
Wallon (H.) cité par De Meur (A.) et Staes (l.) in Psychomotricité : éducation et
rééducation, éd. Belin, 1985, p. 9.
9
culturelle de l'enfant (dessin d'une djellaba), que l'on rencontre
également dans la deuxième production : turbans sur les têtes. En
décembre, l'enfant a atteint le stade du bonhomme têtard : apparition
des jambes, des bras et des doigts.
Cette mauvaise connaissance du schéma corporel est un indice qui
révèle des problèmes au niveau de la structuration de l'espace. En
effet, quand l'enfant a une représentation erronée de l'agencement des
différentes parties de son corps, il éprouve d'autant plus de difficulté
à organiser entre eux les objets qui l'entourent et à se situer dans son
environnement.
B. La structuration de l'espace et du temps : la latéralité
Ecrire, c'est effectuer des tracés qui se déroulent dans l'espace et le
temps. L'apprentissage suppose l'acquisition de notions telles que :
- les repères spatiaux et temporels : devant - à droite - en haut... ;
- le sens graphique en relation avec l'orientation spatiale ; aller du
haut vers le bas de la feuille, aller de la gauche vers la droite de la
ligne... ;
- les différences de grandeurs.
Avant de s'orienter dans la feuille, l'enfant doit en percevoir les
limites. L'occupation correcte de l'espace graphique est un objectif
pour l'enseignant dès la petite section. Mélanie et Kévin ont encore
des difficultés dans ce domaine : dans un exercice de graphisme
préparatoire à l'écriture, lorsque les contours sont obliques ou
incurvés, ils ne prennent pas pour repère le bord gauche mais le début
de la ligne de ponts précédente, ce qui laisse systématiquement une
marge inutile et non voulue sur le bord gauche.
Lors de la première séance, les enfants ont pour consigne de
« placer la main qui écrit à gauche de la feuille ». Aucun d'entre eux
n'est capable de le faire. La connaissance des notions « gauche -
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droite » doit normalement être acquise entre 5 et 6 ans. Pour les
maîtriser, l'individu doit percevoir l'axe de son corps et la symétrie
par rapport à cet axe. Le processus de latéralisation permet cette prise
de conscience progressive. Il s'affirme vers l'âge de 4 - 5 ans en
fonction de la maturité psychologique et est achevé aux environs de 6
ans. Il ne l'est pas pour la plupart des enfants du groupe. Des
attitudes, la façon d'orienter certains graphismes sont les indices
d'une latéralité non affirmée :
- Mélanie, qui est gauchère, effectue des graphismes au tableau. En
arrivant au milieu de la ligne, elle n'a pas le réflexe de se décaler vers
la droite et utilise la main droite pour terminer. On peut peut-être
expliquer cette réaction par le fait que les gauchers peuvent avoir une
maturation plus tardive de leur latéralité ;
- au cours de l'écriture dirigée du mot noël (modèle visuelcinétique, annexe 3), on observe des réalisations en miroir chez
Bénédicte (lettre e) et chez Nicolas, qui a commencé à écrire le mot de
façon symétrique par rapport à la ligne ;
- Aurélien et Kévin ne respectent pas toujours le sens graphique
lorsqu'ils effectuent des graphismes préparatoires à l'écriture.
Il est donc nécessaire de corriger immédiatement les enfants pour
éviter l'installation de mauvais automatismes et envisager des
activités faisant intervenir des notions spatiales et temporelles pour
vérifier leur acquisition.
C. Le contrôle perceptivo-moteur
Selon Liliane Lurçat, aux environs de 5 - 6 ans, l'enfant est capable
de reproduire des formes en respectant leur trajectoire. Cette
performance est le résultat de l'évolution du contrôle perceptivomoteur, liée à la maturation du système nerveux et à la richesse des
expériences vécues. Elle dépend d'un certain nombre de paramètres.
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Au niveau moteur :
- l'inhibition de la motricité globale au profit d'une motricité
segmentaire et dissymétrique ;
- la coordination de mouvements d'origines proximale et distale ;
- le freinage du mouvement : contrôle du déplacement du bras et
action du muscle fléchisseur du pouce (vers l'âge de 2 ans).
Au niveau perceptif : le passage de la réalisation de gestes vifs,
incontrôlés, au guidage du tracé par l'intermédiaire de :
- la perception de l'espace graphique ;
- la perception du tracé (l’œil suit la main) ;
- l'anticipation de plus en plus affirmée de la vue sur la kinesthésie
à travers le contrôle simple, le contrôle double, puis le contrôle global.
Les exercices donnés en début d'année par l'enseignante (annexe 1)
montrent que cette compétence n'est pas atteinte : les enfants ne
savent pas anticiper le mouvement nécessaire à la reproduction des
graphismes. Cette observation a suscité la question : sont-ils capables
de suivre un tracé, c'est-à-dire prendre des repères kinesthésiques et
visuels de façon à produire un geste précis ? Ils ont donc fait des
taches à la peinture par symétrie, pour ensuite en suivre le contour
avec un crayon. Le résultat a été assez concluant. Les difficultés se
situent par conséquent à un autre niveau.
Copier une forme implique un traitement de l'information basé sur
une discrimination visuelle (percevoir un détail ainsi que ses relations
avec le contexte environnant) et une mémoire motrice (utiliser le geste
adéquat pour obtenir le tracé dont on a l'image mentale) efficaces. Ces
deux points sont à retravailler avec les enfants.
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D. La posture et la tenue de l'outil scripteur
Elles ont toutes deux une influence sur l'efficacité de l'écriture.
Certaines parties du corps ont une fonction tonique : appui sur le
bassin avec maintien des muscles dorsaux, appui sur l'avant-bras qui
n'écrit pas ; d'autres ont une fonction cinétique : les différentes
segmentations du membre scripteur.
Plusieurs constatations ont été faites au cours des premières
séances :
- les enfants maîtrisent la pince pouce-index ;
- aucun d'entre eux ne maintient sa feuille ;
- ils sont crispés, tendus, lorsqu'ils reproduisent un graphisme ; la
période de concentration est courte en début d'année ;
- Bénédicte, Aurélien et Nicolas positionnent le membre scripteur
de la même façon par rapport au support : le coude est très écarté,
l'avant-bras au-dessus de la ligne à écrire et la main en flexion. Cette
attitude est souvent rencontrée chez les gauchers car elle leur permet
de dégager les traces effectuées, mais les trois sont droitiers ce qui est
surprenant ;
- Bénédicte et Nicolas n'ont pas un geste tonique : ils n'appuient
pas assez sur le crayon, les graphismes tremblent. L'exercice
d'anticipation d'une forme autour d'une allumette met en évidence un
manque d'assurance chez Nicolas : le tracé n'est pas effectué en une
seule fois mais décomposé.
Ces défauts doivent être corrigés progressivement par des
remarques, des questions pour faire prendre conscience de la façon de
se positionner et de tenir l'outil scripteur.
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E. L'absentéisme et les problèmes individuels
Les enfants n'éprouvent pas seulement des difficultés dans le
domaine du graphisme mais aussi en mathématiques, en langage.
Cela est en partie dû à un absentéisme trop fréquent (ils sont absents
régulièrement et chacun à son tour aux séances de l'après-midi) et au
milieu socioculturel dont ils proviennent. Ils sont issus de familles
souvent nombreuses dont les deux parents travaillent ou sont au
chômage. Ils sont livrés à eux-mêmes très souvent, ils s'endorment sur
leur table en début d'après-midi car ils sont fatigués (télévision le
soir). A cela s'ajoutent des problèmes personnels :
- Bénédicte est une enfant très réservée qui doit être constamment
sollicitée pour parler. Elle change de comportement en fonction des
personnes avec qui elle est. Des séances chez l'orthophoniste ont été
conseillées par la psychologue scolaire ;
- Mélanie a de gros problèmes de prononciation et est suivie par
un orthophoniste ;
- Boumédienne parle très peu français chez lui, vit dans un
logement inadapté (2 pièces pour 8 personnes) ;
- Nicolas a des problèmes comportementaux, il est suivi par la
psychologue : c'est un enfant intelligent (QI supérieur à la normale)
mais il s'oppose à toute activité scolaire.
Ces problèmes ont été repérés dès la section de petits où les
enfants ont été tout particulièrement encadrés à l'intérieur du groupe
classe. La décision de les rassembler ponctuellement à l'intérieur d'un
groupe de besoin, à l'entrée de la section de grands, a été motivée par
le fait qu'ils manquent d'assurance, qu'ils ont constamment besoin
d'être rassurés et encouragés Leur petit nombre permet une relation
maître-élève privilégiée.
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L
ES ACTIVITES DE REMEDIATION ET
DE CONSOLIDATION MISES EN PLACE
En ce qui concerne le fond, elles ressemblent souvent à celles qui
sont proposées avec le groupe classe mais sont présentées, dans la
mesure du possible, de manière différente pour motiver les enfants. A
la fin de chaque séance, une analyse de leurs productions est faite
pour voir si les résultats sont positifs mais aussi mettre en évidence
les problèmes rencontrés, de façon à reprogrammer de nouvelles
situations.
I - Le schéma corporel
La première séance est menée lors de la préparation de Noël. Cela
me permet de partir d'un conte sur le père Noël qui est lu aux enfants.
Après un moment de langage où ils tentent de restituer le
déroulement chronologique de l'histoire, je leur propose de dessiner
le père Noël. Ils disposent de livres, d'albums à colorier qu'ils peuvent
manipuler et sur lesquels nous nous appuyons pour le décrire : les
principales parties du corps sont nommées et visualisées, le terme
ventre n'est pas connu.
Nous pouvons noter quelques remarques importantes sur les
dessins produits :
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- la plupart des enfants ne dessinent pas le père Noël mais un
bonhomme auquel ils ont ajouté une barbe ou un bonnet. Aurélien est
le seul à avoir pris un modèle auquel il se réfère : présence de l'habit
rouge, la ceinture marron, la barbe, le bonnet rouge, les bottes
marron. Si nous nous rapportons aux travaux de Luquet, nous
constatons que les dessins sont marqués par le réalisme intellectuel :
le ventre matérialisé par un rond chez Kévin et Boumédienne, le
phénomène de transparence (pieds) chez Aurélien, les bonnets
tangents à la tête ;
- chez Mélanie, le dessin du bonhomme est beaucoup plus riche
qu'auparavant ;
- chez Boumédienne, les bras sont maintenant rattachés au corps ;
- en revanche, ils sont mal placés chez Kévin (qui au départ n'avait
pas représenté le ventre : bras sur les jambes) et chez Nicolas. Les
mains sont absentes partout.
Ces dessins, réalisés dans des conditions particulières, ne sont pas
véritablement révélateurs du niveau atteint par l'enfant dans
l'organisation du schéma corporel.
Il faut maintenant observer des productions spontanées (annexe 4).
Il est important de préciser qu'elles ont été effectuées très rapidement
(car en fin de séance). Chez Mélanie, Bénédicte et Aurélien, la plupart
des segments corporels sont représentés (absence des mains chez
Bénédicte, présence du cou chez Aurélien et Mélanie). Nous pouvons
remarquer qu'Aurélien tente de donner une expression au personnage
qu'il dessine (souffler dans un mirliton). En revanche, Kévin et
Nicolas n'ont pas intériorisé les différentes parties du corps et leur
position relative : Kévin réalise un bonhomme têtard sans bras,
Nicolas un bonhomme possédant un corps en deux morceaux, sans
bras, et dont les éléments ne sont pas reliés.
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Un peu plus tard, un exercice est donné aux enfants pour voir s'ils
sont capables d'associer à certaines composantes corporelles des
objets de la vie courante. Seuls Kévin et Bénédicte font des erreurs,
qu'ils rectifient très rapidement : ils placent la bague (prise pour une
balle) et le collier au niveau du pied.
L'étude du schéma corporel est ensuite reprise au cours d'une
séance de motricité dont l'objectif est la prise de conscience de chaque
segment du corps. Cette dernière se fait de manière interne (chaque
partie est sentie, mise en mouvement, nommée) et externe (l'enfant
visualise ce qu'il fait chez les autres). Cette séance est suivie d'une
production (annexe 5). De manière générale, nous remarquons que
des graphismes sont associés aux dessins : les personnages
représentés sont habillés. Le dessin de Mélanie se rapproche de la
réalité : en général, les proportions sont respectées, les mains sont
présentes, les ronds plus foncés sont peut-être des pieds (représentés
ainsi par manque de place ?), les cheveux matérialisent le contour de
la tête. Bénédicte a repris cette dernière idée mais de façon imparfaite
: les cheveux entourent complètement la tête (qui est
disproportionnée). Kévin a encore des difficultés pour représenter le
tronc : le ventre est placé très haut, l'enfant ne conçoit pas qu'il puisse
être placé sous la jupe qu'il dessine plus bas. Il a également fait quatre
oreilles : peut-être s'est-il rendu compte que celles qui portaient les
boucles étaient mal placées ? Quant à Nicolas, les commentaires qu'il
a faits et qui sont écrits près de son dessin nous montrent qu'il a
encore de grosses difficultés au niveau de l'organisation du schéma
corporel (cou placé sous le ventre, pantalon au-dessus des jambes...).
II - La structuration de l'espace
La structuration de l'espace graphique doit être précédée de celle
de l'espace vécu. A travers les activités réalisées dans ce domaine,
mon objectif est d'amener l'enfant à prendre conscience d'une part de
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la situation de son propre corps dans son environnement, d'autre part
de la situation des choses entre elles.
La première séance permet de vérifier l'acquisition des notions
« devant », « derrière », « entre » et fait également intervenir
l'attention visuelle et la mémorisation. Des objets sont disposés sur un
plateau ; d'abord les enfants doivent trouver les termes permettant de
les situer les uns par rapport aux autres, puis doivent utiliser ce
vocabulaire précis pour rétablir la disposition initiale, après un certain
nombre de transformations effectuées sous la nappe (jeu de Kim
visuel). Des difficultés sont rencontrées : seul le terme devant est cité
par Mélanie. Les autres utilisent tous à côté de qui est exact mais pas
toujours assez précis. Les termes derrière et entre sont donnés. Aucun
d'entre eux ne les réemploie, sauf Mélanie. En revanche, ils sont
capables de retrouver la situation initiale après cinq transformations
(bonne attention et mémorisation).
Cette phase de manipulation est suivie d'une évaluation : chaque
consigne est lue aux enfants qui sont isolés dans la classe. Je constate
qu'ils ne savent pas utiliser le vocabulaire précis dans une situation de
jeu mais qu'ils ont intériorisé ces notions puisque seul Nicolas fait une
erreur.
Quelques jours plus tard, je rends un exercice du même type à
Nicolas de façon à savoir s'il a fait une erreur d'inattention (il n'a pas
remarqué l'orientation du clown ou a mal compris la consigne) ou s'il
confond les notions « devant » - « derrière » (annexe 6). Elles sont
apparemment acquises (il place bien les gommettes en respectant
l'orientation des personnages) mais un problème se pose pour le
terme entre. Cette erreur n'a pas été remarquée dans l'exercice
précédent car la consigne utilisant ce mot est la dernière des trois et
l'enfant a naturellement colorié le dernier personnage.
Une autre séance est mise en place : les enfants sont par deux.
Chacun doit se situer soit par rapport à l'autre, soit par rapport à une
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ou deux chaises. Elle est introduite en utilisant le jeu « Jacques a dit ».
Les notions « devant », « derrière », « entre » sont reprises et
complétées par « à gauche », « à droite ». Avant de commencer, un
morceau de laine est accroché au poignet droit des enfants pour les
aider à se repérer dans l'espace. Ensuite, vient la phase d'explication
du jeu à l'ensemble du groupe qui permet de retravailler rapidement
le schéma corporel, puis l'application par deux. Les types de
consignes données et les performances des enfants sont rassemblés
dans l'annexe 7. Nous pouvons remarquer que Bénédicte et Kévin, qui
ont montré leur main droite (est-ce un hasard ?), ne savent pas repérer
leur gauche de leur droite ensuite, alors que Mélanie utilise bien son
bracelet. Elle arrive d'ailleurs à répondre à des consignes assez
complexes qui font intervenir plusieurs paramètres spatiaux. Kévin
semble avoir des problèmes d'orientation par rapport aux objets : il
sait se placer devant ou derrière une personne mais n'y arrive pas
avec la chaise. Peut-être est-ce dû au fait que dans le second cas, il
faut tenir compte de la place de la personne qui donne la consigne ?
Nicolas a encore de grosses difficultés : cette fois, seule la notion
« entre » semble être acquise. Nous pouvons constater, en nous basant
sur les trois activités déjà effectuées dans ce domaine, que ses
performances sont éphémères et irrégulières. Les notions de
« gauche » et de « droite » doivent être reprises.
Il serait intéressant de recommencer la même activité sans l'aide
du bracelet pour Mélanie.
Certaines plaquettes de la boîte Jeux de prélecture de chez Nathan
permettent de travailler les notions « devant » / « derrière »,
« dessus » / « dessous ». Cette fois, les termes ne sont pas nommés
explicitement. Cela pose des problèmes à Kévin mais aussi à
Bénédicte (qui savait se placer devant / derrière une personne ou un
objet) alors que Mélanie, mais aussi Nicolas (qui était en échec
constant au cours de l'activité précédente), terminent très rapidement
sans faire d'erreur. Cela est peut-être dû au fait que la compétence
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nécessaire pour réussir dans ce cas est d'être logique (association
d'idées : L'hélicoptère est au-dessus du village, etc.) plutôt que de
connaître une notion et un vocabulaire précis.
Un dernier type d'exercices, associant les mathématiques et le
graphisme, permet de faire un bilan sur l'ensemble des notions
évoquées auparavant. Il s'agit d'un repérage sur un quadrillage. La
situation est d'abord vécue dans l'espace avec des objets ; elle est
ensuite réinvestie sur le papier. Les enfants ont encore beaucoup de
mal à décrire de façon précise les positions relatives en utilisant un
vocabulaire précis. Néanmoins, Mélanie ne commet aucune erreur et
cette compétence est en cours d'acquisition pour Kévin et Bénédicte.
Nicolas, qui positionne très bien les objets dans l'espace, échoue
complètement : aucune bonne réponse, ce qui révèle des problèmes au
niveau du passage à la symbolisation et à la gestion de trois
paramètres (graphisme, couleur, position).
III - L'attention visuelle
Lors de la copie d'un mot ou d'une phrase, l'individu isole certains
signes écrits pour les recomposer ensuite. Il réalise ce processus
correctement s'il tient compte :
- du rapport qui existe entre les éléments graphiques, de leurs
dimensions ;
- de l'espace qui reste entre la limite du support et les tracés en
train de s'effectuer ;
- de l'adéquation entre le tracé qu'il réalise et le modèle qu'il
possède.
Pour cela, il est important qu'il soit capable de percevoir certaines
différences et similitudes.
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Avant de travailler avec les mots, les enfants manipulent les
plaquettes Jeux de prélecture de Nathan. Elles sont utilisées au cours de
plusieurs séances, ce qui permet à chacun de progresser à son rythme.
Les enfants ont des difficultés à faire des exercices de la première
catégorie, de type associer une image à une autre image choisie dans
une liste. Seule Mélanie avance très vite et passe à la seconde
catégorie (sur cinq images dont dispose l’enfant, trois sont conformes
à un modèle, et deux doivent être éliminées) qui lui pose plus de
problèmes : elle fait quelques erreurs qui sont rectifiées lorsqu'elle
remarque la variable qui intervient (la couleur par exemple).
Parallèlement à cela, un exercice leur est proposé à partir des mots
roi et reine. La recherche de ces termes dans une liste oblige les enfants
à les observer et à mémoriser certains détails qui les aideront peutêtre pour l'activité suivante : leur copie dirigée. Ils peuvent s'appuyer
sur leur longueur, la présence de lettres assez caractéristiques comme
le i… Chaque début de ligne est marqué par un point pour respecter
le sens graphique. Mélanie réussit l'exercice (une seule faute) mais sa
recherche est désordonnée (non respect du sens graphique). Les deux
erreurs de Kévin sont dues à une mauvaise discrimination entre le r et
le s qui sont deux lettres qui ne se différencient ni en hauteur ni en
largeur. On retrouve la même chose chez Bénédicte, qui a pris comme
critère pour rechercher le mot roi sa hauteur et les deux dernières
lettres. Elle semble également avoir des difficultés à gérer les deux
paramètres : ressemblance avec le modèle - respect de la couleur (le
terme roi est parfois entouré en rouge).
L'attention visuelle est aussi travaillée en groupe lors de jeux de
Kim tels que celui évoqué précédemment.
La dernière activité donnée dans ce domaine marque une
évolution positive (annexe 8). Les enfants sont capables d'isoler les
éléments qui varient (en relation avec l'orientation spatiale). Seul
Nicolas fait deux erreurs.
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IV - Le graphisme préparatoire à l'écriture
Nous avons remarqué au cours de l'évaluation diagnostique que
les enfants ne sont pas capables, lorsqu'ils voient un tracé, d'exécuter
le geste nécessaire à sa réalisation. Or, il est important qu'ils sachent
appréhender les mouvements fondamentaux qui interviennent dans
l'écriture. Des séances sont donc mises en place, surtout en début
d'année scolaire, pour développer une mémoire kinesthésique
concernant les trajectoires de base. Il faut présenter plusieurs exercices
de façon à ce que les invariants de l'acte se fixent et se renforcent.
Les « ponts à l'endroit », les « ponts à l'envers » (ou « pointes ») et
les « boucles » sont retravaillés. Pour les premiers, le mouvement à
réaliser est dès le départ imposé aux enfants : ils disposent d’une
feuille où des ponts sont tracés à la peinture ; ils doivent les repasser
au feutre plusieurs fois. Un modèle kinesthésique est donné (il
favorise le passage du mouvement à la forme selon Liliane Lurçat)
ainsi que le sens graphique. Les graphismes sont assez gros dans le
but de faire travailler l'ensemble du bras mais peuvent induire la
formation de « vagues » comme chez Nicolas. Le tableau est très utile
à ce stade : il permet à l'enfant de changer de support, d'outil
scripteur et de position. Cela évite l'installation d'une lassitude au
cours d'activités assez rébarbatives qui ne doivent pas durer trop
longtemps.
Les « ponts à l'envers » sont introduits autrement : les enfants
doivent anticiper le tracé autour d'obstacles (allumettes puis
gommettes) placés sur un support, ce qui n'est pas évident.
Il est ensuite possible de passer à la formation de graphismes plus
fins faisant alors intervenir l'avant-bras et la main. Des poissons
découpés dans du carton sont donnés avec la consigne de dessiner les
écailles en changeant de couleur pour chaque ligne (annexe 9).
Aurélien et Bénédicte effectuent des petits graphismes réguliers, alors
que Mélanie et Nicolas en sont encore au stade du grand graphisme.
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Mélanie n'occupe pas entièrement l'espace (problème évoqué dans la
partie évaluation diagnostique). Nicolas est gêné dans la réalisation
du mouvement : formation de boucles, levées de crayon au milieu de
la ligne. Il se heurte à ce que Henri Wallon appelle « syncinésie »
(groupe moteur auquel appartient le geste nécessaire).
Plus tard dans l'année, les enfants sont amenés à former à nouveau
des « ponts à l'envers » lors de la décoration d'un château.
Auparavant, ils ont découpé les deux parties nécessaires : Mélanie et
Kévin ont des difficultés à suivre un tracé avec des ciseaux. Les traits
horizontaux des briques sont réalisés avec une règle qui est un
instrument attrayant (la plupart n'en ont jamais manipulé) et qui
demande une certaine coordination entre les deux mains. Plusieurs
constatations sont faites :
- Mélanie utilise la règle correctement. Les graphismes sont petits,
assez réguliers et occupent tout l'espace (donc évolution positive) ;
- ce n'est pas vrai pour Kévin : les graphismes ne commencent pas
au bord du support, il n'appuie pas toujours suffisamment sur la
règle ;
- Nicolas fait encore de gros graphismes. Les traits verticaux ne
joignent pas les deux bords. Est-ce un manque de patience et
d'attention, ou un problème de coordination perceptivo-motrice ?
- nous pouvons poser la même question pour Aurélien chez qui on
trouve le phénomène inverse. D'autre part, l'utilisation de la règle
n'est pas maîtrisée.
Le travail sur les « boucles » est présenté différemment : le modèle
n'est pas imposé aux enfants, c’est eux qui créent le geste nécessaire
au cours d'une séance de motricité utilisant des rubans. Ils sont
divisés en deux groupes : certains s'expriment sur une musique en
essayant de trouver différents mouvements (seul le bras est moteur) ;
les autres doivent dessiner ce que font les rubans et inversement.
23
Ceux qui manipulent réalisent bien le geste attendu, mais les résultats
sur le papier ne sont pas exploitables. Il faut donc repartir du
mouvement effectué dans l'espace qui est transcrit sur le tableau pour
amener la notion de « boucle ». Elle ne pose apparemment plus de
problème, sauf pour Nicolas à qui il faut donner un modèle
kinesthésique en verbalisant l'action.
Une seconde séance est réalisée plus tard dans l'année. Elle est
motivée par un constat effectué lors d'un moment d'écriture dirigée :
Nicolas n'est pas capable d'écrire la lettre l en ayant sous les yeux un
modèle visuel-cinétique. A l'approche du carnaval, les enfants sont
invités à lancer des serpentins. Leur forme déroulée induit
rapidement le mouvement des « boucles ». Les productions sont
rassemblées dans l'annexe 10. Nicolas, aidé au départ, mémorise assez
vite le mouvement.
Enfin, le graphisme préparatoire à l'écriture est travaillé en même
temps que les mathématiques lors de l'utilisation d'un jeu avec un dé.
On y retrouve les « ponts », les « boucles », associés aux « vagues »,
aux « étoiles » permettant de vérifier la maîtrise du contrôle global,
aux spirales (régularité et maîtrise du geste), aux lignes horizontales
et verticales, aux quadrillages. La couleur dans les pieds des
personnages me permet de vérifier si les enfants savent colorier
(question que je me suis posée à la suite de l'exercice situé en annexe 5
où ils n'avaient pas beaucoup de temps). Le côté ludique de cette
activité leur plaît beaucoup. Néanmoins, des difficultés sont
rencontrées :
- en mathématiques : ils ne reconnaissent pas globalement les
collections du dé (sauf 1 et 2) mais savent les dénombrer. Nicolas ne
connaît pas la comptine numérique (il passe de 5 à 7) et ne sait pas
associer un point à une case en début de jeu ;
- en graphisme : Kévin ne sait pas encore bien occuper l'espace à
remplir et fait mal les « ponts à l'envers ». Comme Nicolas, il a besoin
24
d'un modèle kinesthésique pour commencer à former les vagues qui
n'ont pas été étudiées de manière systématique. Pour Bénédicte et
Mélanie, le résultat est satisfaisant.
V - Le divertissement graphique
Tout en ayant des objectifs en rapport avec l'automatisation du
geste, le divertissement graphique laisse à l'enfant une part de
créativité (contrairement au graphisme préparatoire à l'écriture). Il
permet d'obtenir des productions variées correspondant aux solutions
individuelles apportées à une consigne.
Quelques activités sont proposées aux enfants dans ce domaine.
Tout d'abord, des poupées découpées dans du papier sont décorées à
l'approche de Noël. Cela se fait juste après la séance de motricité avec
les rubans et nous pouvons constater que chacun réinvestit le
mouvement permettant de réaliser les « boucles » (avec plus ou moins
de réussite : des difficultés chez Nicolas). Les graphismes varient en
fonction des enfants (on peut observer le manque de diversité chez
Nicolas). Il est intéressant de remarquer que les poupées de Kévin,
Mélanie et Bénédicte ne sont pas décorées symétriquement.
A cette même période, je propose aux enfants de faire des
graphismes dans des boules de Noël en papier aluminium à
repousser. Cette séance ayant lieu le jour des vacances, ils ne sont pas
intéressés (parce qu'énervés et distraits), et les résultats ne sont pas
satisfaisants. Seule, la production de Bénédicte présente un élément
graphique nouveau : la croix ainsi qu'un algorithme (rythme binaire :
trait-point). Cela leur permet néanmoins d'utiliser un support et un
outil scripteur autres et de prendre conscience de la différence de
pression à exercer sur l'aluminium et le papier.
Plus tard dans l'année, l'opposition intérieur/extérieur est revue
au cours d'une activité utilisant une forme non figurative (arabesque).
Avant de commencer, l'ensemble des graphismes qu'ils peuvent
25
utiliser est énoncé oralement par les enfants. Néanmoins, les résultats
situés en annexe 11 révèlent un manque de créativité et d'originalité
(présence importante de traits et de ronds qui sont rapides à
effectuer). Les boucles induisent la réalisation d'un jeu de contour qui
est souvent mal fait (seul Kévin réussit à remplir l'espace en
conservant une certaine distance entre les différents traits). Nicolas ne
respecte pas la consigne. Nous pouvons quand même noter un effort
de recherche chez Bénédicte (étoiles, lettres A, vagues, soleils qui
terminent le jeu de contour) et Kévin (hypocycloïde qui suit le contour
d'une boucle).
Le rappel oral des graphismes à réinvestir n'étant pas très efficace,
une liste est produite collectivement sur une affiche avant la
décoration de masques. Mélanie et Bénédicte s'y réfèrent assez
souvent alors que Nicolas n'utilise pratiquement que les ronds. Le
travail est au départ structuré - des graphismes sont réalisés dans les
pointes du masque (avec plus ou moins de diversité) - puis reflète le
manque de patience et d'application des enfants - coloriage chez
Bénédicte et tracés réalisés rapidement et ne correspondant plus à un
motif graphique chez Mélanie.
Cela se retrouve plus tard dans un divertissement graphique
réalisé autour d'une gommette. Les graphismes de Kévin sont de plus
en plus gros, la forme induit chez lui une organisation circulaire.
Mélanie suit d'abord le contour de l'étoile (forme très vite dégradée)
et trace ensuite des rayons qu'elle commence à combler avec des
graphismes différents. Les dessins du bord de la feuille sont faits
après avoir observé la production de Bénédicte qui ne tient pas
compte de la gommette au départ (tour du support) et l'intègre
seulement à la fin de son travail en l'entourant de ronds.
26
VI - Le passage de l'écriture dirigée à l'écriture libre
Les Orientations pour l'Ecole Maternelle du 30 Janvier 1986 précisent
qu'en grande section, « il est normal que les enfants écrivent leur nom
et leur prénom ainsi que des mots simples ». Les compétences de fin
de cycle 1 ajoutent à cela la copie d'une courte phrase.
Pour écrire, l'individu doit être capable de maîtriser les
ralentissements, les retournements, les arrêts et les départs de tracés,
ce qui suppose une anticipation du geste et entraîne une certaine
tension nerveuse et musculaire chez l'apprenant. C'est pourquoi
chaque séance d'écriture est précédée de jeux de doigts qui permettent
d'assouplir les articulations de la main et du poignet.
A. L'évolution du graphisme du prénom
En début d'année scolaire, les prénoms des six enfants sont inscrits
sur le tableau. Personne ne sait répondre à la question : « Qu'est-cequi est écrit ? » Après avoir donné la réponse, chacun retrouve son
prénom, à l'exception de Nicolas, qui n'en a donc pas une image
mentale.
Après avoir dessiné le père Noël, je propose aux enfants d'écrire
leur prénom de façon à reconnaître leur travail. Un modèle visuelcinétique est donné sur le tableau : il implique le passage du plan
horizontal au plan vertical, ce qui suppose la maîtrise d'un
vocabulaire topologique dans ces deux plans. Le tracé est réalisé la
plupart du temps lettre par lettre et est décrit en utilisant un
métalangage (tel que « une petite boucle », « deux ponts à
l'endroit »...). Il faut faire trois remarques importantes sur ces
productions :
- les difficultés à effectuer le geste nécessaire et à prendre des
repères visuels chez Nicolas ;
27
- l'absence totale de liaisons chez Bénédicte, malgré des consignes
répétées telles que : « Je descends et je tourne pour accrocher la lettre
suivante » ;
- le comportement de Boumédienne pendant la copie : il a besoin
de verbaliser chaque action avant de l'exécuter, ce qui l'aide à
construire une image mentale.
Cette façon de procéder est intéressante mais prend beaucoup de
temps. Je décide donc de travailler autrement : chaque prénom est
écrit deux ou trois fois sur une feuille qui est glissée dans une
pochette plastique. Pendant un certain temps, elle est utilisée en début
de séance avec un feutre Véléda : chacun repasse plusieurs fois le mot
et l'écrit ensuite en ayant sous les yeux un modèle visuel-statique. Au
départ, un modèle kinesthésique est donné pour que l'enfant respecte
le sens graphique. Il est nécessaire de reprendre plusieurs fois
Bénédicte (e repassés à l'envers), Mélanie et Kévin (ronds repassés
dans le mauvais sens). Progressivement, les enfants construisent ce
que Liliane Lurçat appelle un modèle intériorisé (image mentale et
mémoire motrice du mot).
A partir de ce moment, ils signent la plupart de leurs travaux,
d'abord en se référant à leur pochette, ensuite de mémoire.
L'évolution des graphismes de leur prénom est située en annexe 12,
accompagnée de quelques commentaires. La production de Mélanie
datée du 16 janvier mérite d'être exploitée. La première fois qu'elle
écrit son prénom de mémoire, elle l'écrit spontanément de droite à
gauche. Lorsqu'on lui en fait la remarque, elle rectifie son erreur sans
problème. C’est encore la marque d'une latéralité non affirmée
(évoquée dans la partie évaluation diagnostique) et montre, d'après
Liliane Lurçat, que la forme est acquise avant la trajectoire.
Le 4 avril, tous sauf Nicolas écrivent leur prénom de mémoire.
L'intériorisation du graphisme du mot est achevée pour Mélanie et
28
Bénédicte et se termine pour Kévin (qui fait encore parfois quelques
erreurs). Nicolas a fait de gros progrès avec le modèle visuel-statique.
B. Les activités d'écriture liées aux sujets abordés dans la
classe
La façon de procéder est la même que celle décrite lors de l'écriture
dirigée du prénom (passage du plan vertical au plan horizontal,
utilisation d'un métalangage). Au départ, les mots sont écrits lettre
par lettre car les enfants sont incapables de mémoriser un geste plus
long (certains graphismes, comme le r, doivent être décomposés).
Progressivement, j'essaie de tendre vers le mouvement naturel
qu'effectue la main lors de l'écriture d'un mot pour les amener à
appréhender les arrêts et les départs de tracé ; cela n'est pas évident
car ils ont très souvent besoin de s'arrêter en cours de réalisation pour
prendre des indices visuels au niveau du modèle.
Aucun des enfants ne reconnaît le mot noël alors qu'ils l'ont
rencontré plusieurs fois dans leur texte de lecture et l'ont étudié en
classe. Ce n'est qu'en faisant remarquer « les deux points sur le ë » que
Bénédicte le trouve. Son écriture ne pose pas de problème à Aurélien.
Les résultats de Kévin et Mélanie semblent être meilleurs avec le
modèle visuel-statique (pas de changement de plan). Ils font
néanmoins la même erreur de liaison entre le o et le e. Bénédicte et
Nicolas positionnent mal les lettres par rapport aux lignes. Le
graphisme du mot se dégrade chez Bénédicte avec le changement de
type de modèle. Nous remarquons le e en miroir évoqué dans la
partie évaluation diagnostique, qui motive la séance de motricité sur
les boucles. Le passage du plan vertical au plan horizontal est un
obstacle pour Nicolas (le second graphisme est mieux réussi que le
premier). Nous constatons également qu'il a besoin d'un modèle
kinesthésique : l'écriture du dernier mot est celle qui est la plus
correcte.
29
La seconde séance de ce type est précédée d'un exercice d'attention
visuelle dans lequel les enfants ont à retrouver les mots qu'ils vont
écrire ensuite. Le but de cette présentation est de les amener à
mémoriser le dessin du mot pour en faciliter l'écriture. Le résultat de
cette expérience n'est pas très concluant puisque l'on trouve encore la
présence de formes étrangères aux mots et l'absence de certaines
liaisons (annexe 13). Nous pouvons noter que le tracé de Bénédicte
n'est pas affirmé - les lettres tremblent. Kévin éprouve des difficultés à
se repérer par rapport à une ligne : lorsque je lui demande d'écrire sur
le trait, il écrit en dessous, ce qui ne s'est pas produit lors de l'écriture
du mot noël où il devait écrire entre deux lignes.
La séance suivante est introduite de manière différente : une
histoire assez courte est lue aux enfants. Ils doivent me raconter ce
qu'ils ont compris en respectant la chronologie des événements
(structuration dans le temps, langage). Chaque image est ensuite
montrée et commentée collectivement, ce qui est l'occasion de leur
apporter quelques mots de vocabulaire. Cette première phase les
intéresse (plus tard, Bénédicte retourne feuilleter le livre plusieurs
fois). Je leur distribue ensuite la photocopie d'un dessin extrait de
l'histoire et leur propose d'écrire quelques mots pour l'illustrer
(annexe 14). C'est la première fois qu'ils écrivent un message aussi
long, ce qui demande une concentration importante, mais ils sont
motivés. Si l'on tient compte de l'effort qui leur est demandé et du
niveau qu'ils avaient en début d'année, les productions sont
satisfaisantes, à l'exception de Nicolas, chez qui je retrouve les
problèmes déjà évoqués - structuration dans l'espace, difficultés à
reproduire un tracé, refus manifeste de se concentrer pour faire un
effort. De plus, je note l'apparition d'une nouvelle difficulté : il ne sait
plus écrire les lettres l et e (régression par rapport à la période de
Noël).
Cette erreur revient lors d'une autre activité, ce qui induit la mise
en place d'une nouvelle séance sur les boucles, évoquée dans une
30
autre partie (utilisation des serpentins). Les enfants travaillent cette
fois sur les jours de la semaine : au mois de février, ils ne savent pas
énoncer l'ordre dans lequel ils se succèdent et ne savent ni les lire, ni
les écrire. Un travail a été commencé en classe : l'association de ces
mots écrits en script et en cursive. Aucun n'a réussi l'exercice qui est
repris en petit groupe. A partir de grandes étiquettes que les enfants
peuvent manipuler, une prise d'indices est faite pour trouver des
analogies, mais aussi montrer les différences entre les deux types
d'écriture. Il faut ensuite associer les deux cartons qui portent le
même mot, ce qui n'est pas facile et devra être revu. En fin de séance,
les deux premiers jours de la semaine sont écrits avec un modèle
visuel-cinétique donné sur le tableau. Nous remarquons que Kévin
sait désormais écrire de façon correcte entre deux lignes. Cette
compétence est en cours d'acquisition pour Mélanie et Bénédicte qui
seule écrit les deux mots sans faire de faute.
L'illustration d'une image tirée d'un livre ayant plu aux enfants,
cette présentation est reprise au mois d'avril. Les productions réunies
dans l'annexe 15 marquent une progression, surtout pour Nicolas
chez qui le message est maintenant lisible.
31
32
C
ONCLUSION
Au cours de ces quelques mois, une évolution positive est
observée chez tous les enfants. Aurélien comble rapidement le retard
qu'il a et quitte le groupe en janvier. Boumédienne part dans une
autre école à cette même période. Mélanie, Bénédicte et Kévin ont
acquis à ce jour les compétences de fin de section de moyens. Celles
de section de grands sont en cours d'acquisition et seront
certainement maîtrisées d'ici la fin de l'année scolaire. Nicolas a fait de
gros progrès mais ses résultats restent fortement liés à son
comportement (enfant très instable). Cela est confirmé par les
productions réalisées au sein du groupe classe (annexe 16).
33
34
B
IBLIOGRAPHIE
BOESCH, J. (1979), Du gribouillage au dessin figuratif, Paris, Nathan.
CALMY, G. (1981), Espace et graphisme, Paris, Nathan.
CHAUMIN, R. et LASSALAS, P. (1981), Ecrire : le geste et le sens, Paris,
Nathan.
CRDP de Franche-Comté et CDDP de Haute-Saône (1993), Autour du
graphisme à l'école maternelle, Besançon, CRDP.
DE MEUR, A. et STAES, L. (1985), Psychomotricité : éducation et
rééducation, Paris, Belin.
DU SAUSSOIS, N., DUTILLEUL, M. B., GILABERT, H. (1983), Les
enfants de 2 à 4 ans à l’école maternelle, Paris, Armand Colin.
GROMER, B. et VEISS, M. (1990), Dire, écrire, Paris, Armand Colin.
GUILLAUD, G., HIBON, M. et al (1988), Les chemins de l'écriture, Paris,
Bordas.
LOPEZ, M.H. (1992), Graphisme en grande section, Evreux, Nathan.
LUQUET, G.H. (1991), Le dessin enfantin, Paris, Delachaux et Niestlé.
LURCAT, L. (1980), L'activité graphique à l'école maternelle, Paris,
Editions ESF.
35
OCTOR, R. et KACZMAREK, J (1989), Pour un apprentissage structuré
de l'écriture, Paris, Armand Colin.
WALLON, H. (1968), L'évolution psychologique de l'enfant, Paris,
Armand Colin.
36
A
NNEXES
37
38
Annexe 1 a
39
Annexe 1 b
40
Annexe 2
41
Annexe 3
42
Annexe 4
43
Annexe 5
44
Annexe 6
45
Annexe 7
46
Annexe 8
47
Annexe 9
48
Annexe 10
49
Annexe 11
50
Annexe 12 a
51
Annexe 12 b
52
Annexe 12 c
53
Annexe 12 d
54
Annexe 12 e
55
Annexe 12 f
56
Annexe 12 g
57
Annexe 13 a
58
Annexe 13 b
59
Annexe 14 a
60
Annexe 14 b
61
Annexe 15
62
Annexe 16
63
Responsable d’édition : Pierre Mas
Secrétariat d’édition : Dominique Tisssoires
IUFM Nord – Pas-de-Calais
Direction de la Recherche & du Développement
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