Millésime - Bourgogne Aujourd`hui

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Millésime - Bourgogne Aujourd`hui
Millésime
Tri obligatoire
1995 se confirme comme
une de ces “années de vignerons”
pendant lesquelles la haute qualité était possible,
dans les deux couleurs, mais au prix d’une grande
exigence envers le vignoble et lors de la récolte
(tri !!!). Et en 1995, la Bourgogne
n’était pas au niveau où elle est aujourd’hui…
Repères
Production
Vins rouges : 525 396 hl
Vins blancs : 713 046 hl
Total : 1 238 442 hl - hausse de 1,1%
(% en rouge et % en blanc)
par rapport à 1994.
À noter que dans toutes les régions,
la production est en baisse, en blanc
comme en rouge. Deux exceptions :
les AOC régionales blanches (+3,6%)
et Chablis (+26,1%) en précisant que
Chablis avait fortement gelé en 1994.
Notes sur 20*
Chablis / Auxerrois-Tonnerrois :
15 en blanc et en rouge
Côte de Nuits :
15,5 en rouge - 15 en blanc
Côte de Beaune :
14,5 en rouge - 17 en blanc
Côte chalonnaise :
14,5 en rouge - 17 en blanc
Mâconnais :
15 en blanc et en rouge
50 • Bourgogne Aujourd’hui 63
“
U
n millésime de vigneron”,
a-t-on coutume de dire en
Bourgogne quand la météo
a fait des siennes. Et les première impressions que l’on
pouvait avoir sur le millésime 95 (Bourgogne
Aujourd’hui n°11) - fort potentiel, mais également grande hétérogénéité- se confirment
à l’issue de notre dégustation. Comme
souvent dans les millésimes “techniques”,
les vins blancs s’en sortent mieux -55% de
vins notés plus de 13 sur 20 (24 sur 44)- que
les rouges qui ne dépassent pas les 46%
(18 sur 39) ; la plupart des vins présentés
sont issus, rappelons-le, de nos précédentes
dégustations de sélections. On s’attendait
donc à mieux et on avait sans doute tort.
Le niveau d’exigence de nombreux producteurs n’était pas encore, en 1995, ce qu’il est
aujourd’hui et le travail de réflexion sur la
maturité et sur le tri des raisins à la récolte
n’a pas toujours été bien fait.
Brefs rappels climatiques ! Une “mauvaise” floraison en juin a entraîné une
récolte assez faible en général en Bourgogne et d’importants décalages de maturités à la vendange, malgré un été chaud.
Côté état sanitaire des raisins, une longue
période humide du 2 au 20 septembre
environ a généré un peu partout, en blanc
comme en rouge, des foyers de pourriture
plus ou moins importants ; foyers jugulés
par le retour du soleil pour les vendanges.
Il fallait donc jongler entre tous ces paramètres
pour produire des vins intéressants en
1995, mais c’était possible comme le
démontrent les superbes bouteilles de
notre sélection. Le potentiel était là, mais il
fallait aller le chercher, comme en 1991,
1993, 1994, 1996, 1997, 1998, 2000, 2001…
comme très souvent en Bourgogne.
Les blancs s’en sortent donc mieux ce qui
n’est pas une surprise, surtout dans un millésime où rodait la pourriture. Issues de
petite récolte, très concentrées en sucre
comme en acidité, les meilleures cuvées sont
remarquables de densité, de fraîcheur, très
stables et encore loin d’avoir dit leur dernier
mot. Redégustées le lendemain, beaucoup
de bouteilles sélectionnées étaient encore
remarquables de pureté. L’oxydation ne
semble donc pas être un problème sur ce
millésime, même sur les vins qui n’ont pas
dépassé la note de 13 sur 20.
Quant aux rouges, les Bourguignons qui
ont su maîtriser les paramètres évoqués
ci-dessus ont produit de superbes cuvées
“classiques”, denses, profondes, marquées
aujourd’hui d’arômes précis de fruits
confits, d’épices, sur des trames encore
fermes. Une fermeté qui bascule vers la
dureté de tannins insuffisamment mûrs sur
la plupart des vins notés en dessous de 13.
En conclusion, si votre cave contient
encore un nombre significatif de 95,
il serait sans doute préférable d’aller y jeter
un œil, surtout sur les rouges…
Comme souvent
dans les millésimes
“techniques”,
en 1995,
les vins blancs
s’en sortent mieux
que les rouges
Christophe Tupinier
Photographies : Lionel Georgeot
Bourgogne Aujourd’hui 63 • 51
Millésime
Résultats :
Potentiel supérieur
en blanc
Les vins blancs obtiennent donc un meilleur résultat avec 55% de vins
sélectionnés contre 46% pour les rouges, ce qui ne constitue pas une
immense surprise dans un millésime “technique” comme 1995. Dans les
deux couleurs, les meilleurs vins présentent un style finalement assez
comparable : puissance, richesse, concentration et un fond serré qui va
nécessiter de les attendre encore avant consommation, surtout en blanc
où le potentiel de garde est à notre avis supérieur… ou de les carafer
(n’hésitez pas !).
Région par région, peu voire pas de surprise avec beaucoup de grands
noms et de grandes appellations en haut de l’affiche. À noter quand
même, dans le Top 10 des blancs, la présence d’un pouilly-fuissé, rien
que de très normal quand on parle de grands vins blancs et celle plus surprenante, d’un rully… qui en appelle d’autres à l’avenir.
La dégustation des vins rouges
1er : Clos-de-vougeot grand cru
“Cave Privée”
maison Antonin Rodet (Mercurey - 71)
18 sur 20 : Voilà un vin qui met le métier
de négoce-éleveur à l’honneur. La maison a
acheté son clos-de-vougeot en vin fini dans
un excellent domaine et a poursuivi l’élevage tout aussi magistralement. Résultat :
ce vin riche et équilibré, à la texture
soyeuse, fine et d’une superbe persistance.
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1er ex-aequo : Clos-de-Vougeot
le Grand Maupertui,
Anne Gros (Vosne-Romanée - 21)
18 sur 20 : “Sensation en bouche de
sucrosité liée à un fruit bien mûr, tannins
racés et enrobés, finesse, longueur, équilibre, classe et réserve dignes d’un grand
vin de Bourgogne encore jeune…” Anne
Gros nous propose là un petit bijou. Un de
plus, convient-il d’ajouter !
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3e : Chambolle-musigny premier cru
les Amoureuses,
Robert Groffier (Morey-Saint-Denis - 21)
17,5 sur 20 : Robe d’un rouge cerise
intense et brillant. Nez intense de violette,
moka, vanille, fruits confits. En bouche,
le vin balance entre le gras, la suavité et un
tannin racé et ferme qui annonce une
longue garde.
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52 • Bourgogne Aujourd’hui 63
4e : Nuits-Saint-Georges aux Boudots,
Jean-Jacques Confuron
(Premeaux-Prissey - 21)
16,17 sur 20 : Nez discret, fin, élégant,
sur des notes de fruits confits, de vanille.
En bouche, c’est un style frais, fruité, élégant qui s’impose, dans un bel équilibre.
●
e
5 : Marsannay en Montchenevoy,
Philippe Charlopin (Gevrey-Chambertin - 21)
15,5 sur 20 : Placé entre de bonnes
mains, les terroirs de marsannay sont
manifestement capables de belles choses.
La preuve avec ce vin massif, charnu, très
riche, aux arômes de fruits mûrs, de violette, d’épices et de torréfaction.
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6e : Bonnes-Mares grand cru,
Robert Groffier (Morey-Saint-Denis - 21)
15,33 sur 20 : Ce vin mériterait probablement une meilleure note avec
quelques années de plus. L’ensemble est
structuré, riche, concentré, serré, sur des
arômes de fruits noirs confits, d’épices et
de vanille. Encore un peu de patience ou
un passage en carafe indispensable pour
les plus impatients…
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7e : Beaune premier cru les Teurons,
Château de Chorey (Chorey-les-Beaune - 21)
15 sur 20 : Belle robe fraîche, jeune.
Le vin n’a pas la puissance d’autres 95
mieux notés, mais son équilibre, sa rondeur
et sa fraîcheur de fruit en font une bouteille
agréable aujourd’hui et capable de bien
vieillir quelques années de plus.
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8e : Corton grand cru le Rognet,
Michel Mallard (Ladoix-Serrigny - 21)
14,5 sur 20 : Patrick Mallard clame haut
et fort sa volonté de faire des vins solides,
des vins de garde. Ce corton encore “chahuté” entre un joli fruité confit et un tannin
ferme, le tout doté d’un beau potentiel de
garde, démontre que ce ne sont pas là des
paroles en l’air.
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9e : Charmes-chambertin,
domaine Sérafin (Gevrey-Chambertin - 21)
14,33 sur 20 : Vins jeunes ou vins
vieux, le domaine est toujours présent.
Ce charmes-chambertin rond, charnu, élégant en attaque de bouche et qui a tendance à se resserrer sur un tannin ferme en
a encore dans le ventre. Rien ne presse…
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9e ex-aequo : Bonnes-mares grand cru,
maison Joseph Drouhin (Beaune - 21)
14,33 sur 20 : Joli nez riche, expressif,
précis, sur des arômes de chocolat,
de fruits rouges. En bouche, le vin est droit,
fin, d’une belle longueur. L’ensemble
semble encore serré, mais on peut parier
que quelques années de plus vont arrondir
les angles. Superbe vin en devenir !
●
La dégustation
Notre dégustation s’est déroulée le 24 février dernier au Centre technique interprofessionnel des vins de Bourgogne, à Beaune. Notre appel d’échantillons a été fait
essentiellement auprès d’entreprises déjà sélectionnées lors de nos précédentes
sélections de 1995. Les 83 vins présentés (39 rouges et 44 blancs) ont été dégustés à l’aveugle, tous niveaux d’appellations confondus, chaque jury n’ayant pour
seule information que des numéros d’échantillons.
Participants : Christian Bleyer (amateur), Jean-Marc Boillot (vigneron), Jean-Claude
Cholet (courtier), Denis Couvert (amateur), Jean-Yves Devevey (vigneron), JeanMarc Dupas (club œnophile), Jean-Jacques Hegner (restaurateur), Martial Jacquey
(club de dégustation), Dominique Jayet (sommelier), Roland Masse (régisseur Hospices de Beaune), Pascal Parize (amateur), Delphine Puiggali (œnologue), JeanMarc Pusset (caviste), Philippe Strauel (amateur), Gilles et Georges Trimaille
(amateurs), Laurent Gotti (Bourgogne Aujourd’hui).
Tous les vins sur internet
En raison d’un nombre trop important de vins notés plus de 13 sur 20, en plus des
“Top 10”, la liste complète n’a pu être donnée dans ces pages. Elle est disponible
sur notre site internet www.bourgogne-aujourdhui.com, rubrique “sommaire n°63”.
La dégustation des vins blancs
1e : Chevalier-montrachet grand cru,
domaine Bouchard Père et Fils
(Beaune - 21)
17,33 sur 20 : Un petit bijou, dans son
style fin, frais, précis, élégant, d’une grande
longueur et persistance en bouche. La maison a l’habitude de garder des vins pour
l’avenir et on envie nos successeurs qui
auront la chance de goûter cette bouteille
pleine de classe dans une cinquantaine
d’années.
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1er ex-aequo : Meursault premier cru
Genevrières,
François Mikulski (Meursault - 21)
17,33 sur 20 : Nez dense et élégant à la
fois, marqué d’arômes de fruits blancs,
de miel, de minéralité. La bouche est un
régal d’équilibre entre le moelleux et la fraîcheur. Déjà très agréable, ce vin va encore
se bonifier avec le temps.
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1er ex-aequo : Puligny-montrachet
premier cru Champ Canet,
Jean-Marc Boillot (Pommard - 21)
17,33 sur 20 : Un vin assez différent des
deux précédents par son nez qui évoque
presque une vendange tardive : miel,
orange, fruits secs et confits. En bouche,
la texture est moelleuse, soyeuse, gourmande, sans jamais basculer dans la lourdeur. Le plaisir d’un grand chardonnay de
Bourgogne à maturité.
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4e : Puligny-montrachet premier cru
Champs Gains,
Michel Bouzereau (Meursault - 21)
17 sur 20 : 1999, 1994, lors de nos
récentes dégustations de vins “anciens”,
le domaine s’est distingué et la série continue avec ce puligny au nez de miel et de
fruits confits, à la texture riche, soyeuse qui
tapisse le palais, intense et harmonieuse.
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5e : Meursault premier cru Perrières,
Michel Bouzereau (Meursault - 21)
16,25 sur 20 : Joli nez intense et complexe de caramel, vanille, miel, fruits
confits, nougat, sur une note mentholée
plus fraîche. La bouche est suave, riche,
sur une trame minérale enveloppée qui lui
donne beaucoup de race.
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6e : Pouilly-fuissé vieilles vignes,
Château Fuissé (Fuissé - 71)
15,33 sur 20 : Il n’y a guère aujourd’hui
que les obtus qui ignorent que les pouillyfuissé bien faits sont de la race des plus
beaux vins blancs de Bourgogne. Nouvelle
démonstration avec ce Château Fuissé
vieilles vignes plein, riche et soutenu par une
minéralité qui lui donne tonus et élégance.
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7e : Rully premier cru le Meix Cadot,
Vincent Dureuil-Janthial (Rully - 71)
15,17 sur 20 : Une demi surprise quand
on connaît le vigneron et le potentiel (en
blanc) des terroirs de Rully. Quoi qu’il en
soit, il n’y a que les faits qui comptent et ce
rully premier cru à la texture ronde, gourmande et qui conserve une belle élégance
joue dans la cour des grands.
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8e : Meursault premier cru les Perrières,
Guy Roulot (Meursault - 21)
14,75 sur 20 : Nez fin et puissant à la
fois, sur des notes serrées, concentrées,
de miel, de fruits confits, de fruits secs.
Le vin est riche, massif et encore fermé
aujourd’hui. “Quelle matière, à laisser vieillir
dix ans et plus”, conclut un dégustateur.
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9e : Meursault premier cru Perrières,
Jacques Prieur (Meursault - 21)
14,50 sur 20 : Nez riche, intense, sur des
notes de torréfaction, pain grillé, réglisse,
fruits confits. En bouche, le vin s’exprime
dans un style où la richesse est reine.
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9e ex-aequo : Corton-charlemagne
grand cru,
domaine Rapet (Pernand-Vergelesses - 21)
14,50 sur 20 : “Ce vin possède une jolie
matière, mais il est encore jeune, fermé,
et mérite d’être attendu quelques années supplémentaires”, commente un dégustateur. Pour
avoir eu la chance de goûter de vieux millésimes de corton-charlemagne chez Rapet, nous
ne pouvons qu’approuver cet avis…
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Bourgogne Aujourd’hui 63 • 53
Millésime
MILLÉSIME 1995
Voici les listes complètes (hors "Top 10" déjà donnés dans
la revue) des vins notés plus de 13 sur 20 lors de notre dégustation du millésime 1995. Entre parenthèses sont communiqués :
la commune où se trouve l'entreprise, le département et la note
sur 20 attribuée au vin.
VINS
BLANCS
Puligny-montrachet premier cru les Combettes, domaine Jean-Marc Boillot (Pommard – 21 – 14,33) - rully, domaine Vincent Dureuil-Janthial (Rully – 71 – 14,33) –
saint-romain, domaine Alain Gras (Saint-Romain – 21 – 14,25) – chassagne-montrachet premier cru en Virondot, domaine Marc Morey (Chassagne-Montrachet – 21 –
14,25) – puligny-montrachet premier cru la Garenne (magnum), domaine Marc Colin
(Saint-Aubin – 21 – 14,25) – pouilly-fuissé, Château Fuissé (Fuissé – 71 – 14),
pouilly-fuissé (magnum), domaine des Trois Tilleuls, maison Paul Beaudet (Pontanevaux – 71 – 14) – corton-charlemagne grand cru, maison Louis Latour (Beaune – 21
– 13,83) - chassagne-montrachet premier cru le Verger, domaine Marc Morey (Chassagne-Montrachet – 21 – 13,75) – saint-romain, domaine Christophe Buisson (SaintRomain – 21 – 13,67) – chablis premier cru la Forest, domaine Vincent Dauvissat
(Chablis – 89 – 13,67) – puligny-montrachet premier cru les Combettes, domaine
Jacques Prieur (Meursault – 21 – 13,50) – pouilly-fuissé Clos de la Roche, domaine
Saumaize-Michelin (Vergisson – 71 – 13,50) – meursault les Charmes Dessus,
domaine Michel Bouzereau (Meursault – 21 – 13,17) – chablis grand cru les
Preuses, domaine Vincent Dauvissat (Chablis – 89 – 13,17).
VINS
ROUGES
Bonnes-mares grand cru, domaine Georges Roumier (Chambolle-Musigny – 21 – 14)
- chambolle-musigny premier cru les Cras, domaine Georges Roumier (ChambolleMusigny – 21 – 14) – nuits-saint-georges premier cru Clos des Forêts Saint-Georges,
domaine de l'Arlot (Premeaux-Prissey – 21 – 13,67) – clos-de-vougeot grand cru,
maison Joseph Drouhin (Beaune – 21 – 13,50) – beaune premier cru les Grèves
Vigne de l'Enfant Jésus, maison Bouchard Père et Fils (Beaune – 21 – 13,50) –
nuits-saint-georges premier cru les Vaucrains, domaine Bertrand Ambroise (Premeaux-Prissey – 21 – 13,25) – nuits-saint-georges premier cru les Saint-Georges,
domaine Henri Gouges (Nuits-Saint-Georges – 21 – 13,25) – clos-de-vougeot grand
cru, domaine Jean-Jacques Confuron (Premeaux-Prissey – 21 – 13,17).
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