Le mashup combine Tlphone et Cure

Le mashup combine Téléphone et Cure
VANTROYEN
Le Soir : édition du 03/01/2007 | page 28
C'est le temps de la récup. Sur France 2, lors du Taratata diffusé le 22 décembre dernier, le recyclage s'est affiché
au grand jour. Face à Cali, un certain DJ Zebra fait joujou aux platines et à la guitare. Entre deux scratches, porté
par la rythmique du « Sunday bloody Sunday » de U2, le chanteur de Perpignan donne une nouvelle vie à « Je
m'en vais ». Le drôle de zèbre lance ensuite les premières notes de « Seven nation army » des White Stripes et
Cali y pose son « Elle m'a dit ». Revampé, avec plaisir et énergie. Bienvenue dans l'univers savoureusement
dingo du mashup !
Genre musical pour le moins hybride, le mashup, ou bootleg pour certains, combine des éléments chipés dans
plusieurs morceaux : la voix de telle chanson, la basse de telle autre, la batterie d'une troisième et ainsi de suite.
Au bout du procédé : une composition « originale ». Les plus réussies, celles qui ne sentent pas le collage, sont
l'oeuvre de compileurs éclairés, mi-archéologues de la pop, mi-bidouilleurs inspirés. Les frangins Dewaele, alias
les 2 Many Dj's, s'y étaient mis il y a une dizaine d'années avec ces Radio Soulwax d'anthologie. Depuis deux ou
trois ans, le genre a pris des allures de mode. Sur le Net notamment.
Emissions radio, soirées, apparitions chez Nagui et Ardisson : DJ Zebra fait aujourd'hui figure de référence dans
ce style qu'il qualifie lui-même de bâtard. Bassiste des défunts Billy Ze Kick (écoutez le cultissime « Mangezmoi » qu'il mélange à du Lily Allen), il agrémente son site web de mashups plus (d)étonnants les uns que les
autres. A déguster : « Initials B(eastie) B(oys) », où Gainsbourg fricote avec les excités rappeurs new-yorkais, ou
« Ooh la grange in the sky » mêlant la voix de Goldfrapp, un riff de ZZ Top et « Spirit in the sky » de Norman
Greenbaum.
Aux commandes de « Reloaded » sur Pure FM, Vincent Cayeux s'est, lui, fait une spécialité de la pêche aux
mashups. Les bons ! Ses tracklists renseignent ainsi un « Money for the queen » signé DJ Moule, lequel mixe
Sex Pistols, Dire Straits, Basement Jaxx, Simian et Fatboy Slim. Ou un « Sweet Jacqueline » du Suédois Divide
& Kreate reprenant à son compte Eurythmics et Franz Ferdinand. « Le phénomène remonte effectivement aux 2
Many Dj's, nous explique-t-il. Et aussi, d'une certaine manière, aux débuts du rap avec Grand Master Flash par
exemple. S'il revient actuellement au-devant de la scène, c'est notamment grâce à DJ Zebra. Il est partout, mais
son mérite est de reprendre des artistes francophones, ce qui est rare dans le genre. » A découvrir : « New York
avec toi » de Téléphone combiné à « Boys don't cry » de Cure !
L'ordinateur facilite le travail d'une foule d'amateurs. Entre les Processor Tournesol et autre Aggro 1, rares sont
cependant ceux qui vivent du bootlegging : « A San Francisco, Party Ben organise régulièrement des soirées
mashups. En Grande-Bretagne, EMI a passé commande pour un album avec Mark Vidler, qui avait déjà signé un
mashup mélangeant Blondie et les Doors (« Rapture riders »). Lui, il travaille dans la dentelle. »
Grand fourre-tout où cohabitent des styles moins éloignés qu'on pourrait le croire, le mashup est à la mode. Mais
devrait rester confiné au Net, à l'underground et aux soirées branchées. « Une sortie officielle reste compliquée,
car obtenir les droits n'est vraiment pas simple. Beaucoup ont eu des soucis. . . Zébra fait figure d'exception. Ce
qu'il fait n'est pas officiel, mais pour obtenir l'a cappella de Cali, il doit avoir l'assentiment de la firme de disques
et de l'artiste. . . »
Alors oui, la pop est recyclable. Et tant pis pour les chagrins ! Accuser les DJ de n'avoir aucun talent d'artiste n'a
pas empêché certains de devenir des stars. Vincent Cayeux : « Les bootlegs les plus réussis sont souvent l'oeuvre
d'anciens musiciens qui n'ont pas eu une grande carrière. Ils ont au moins le talent de donner une nouvelle vie à
des morceaux qui auraient pu être oubliés. »