polytech women - de l`Université libre de Bruxelles

Transcription

polytech women - de l`Université libre de Bruxelles
www.polytechniquebruxelles.be
G Square
#16 I septembre 2015
Le magazine
de l’École polytechnique
de Bruxelles
et de ses Alumni
INGÉNIEUR OU INGÉNIEURE?
POLYTECH
WOMEN
Trimestriel - Bureau de dépôt: Anvers X - N° d’agréation: P 701323
Fabienne Bryskere (ICC 1987),
Orianne Bastin (ICMA 2015)
et Isabelle Hendrickx (ICPHYS 1999)
témoignent
ET AUSSI
Yves Prete,
un nouvel
Alumni à la tête
de l’UWE / p. 6
Dragomir
Milojevic:
l’adieu
à Moore / p. 9
Marco Dorigo,
l’homme qui
pense en
essaim / p. 10
Sur le podium:
Sophie Van Eck
et Catherine
Dewolf / p. 14
Le voile
se lève sur
Polytech F.E.M
/ p. 16
Votre talent n’a pas de frontière : rejoignez-nous
et ensemble, inventons notre futur !
Siège (Luxembourg)
L’INGENIERIE EN MOUVEMENT
Filiales
Marchés
Le Groupe SGI
_Bruxelles
_Namur
_Luxembourg
_Genève
_Chambéry
_Lyon
_Ibadan
_Rabat
_Alger
_Dakar
Contact > T. +32 2 734 31 50 - [email protected] - www.sgigroupe.com
Com On
Le Groupe SGI, présent dans 30 pays avec plus
de 180 collaborateurs et ingénieurs-conseils,
s’est forgé depuis plus d’un siècle une solide réputation d’ingénierie dans les domaines du transport,
du bâtiment, de l’eau, de l’environnement et de
l’énergie. Sa différence ? Une diversité culturelle
unique issue de ses implantations européennes
et africaines.
Com On
SGI Belgique, active depuis 50 ans dans le secteur
de la construction et filiale du groupe international
SGI Consulting, vous ouvre les portes du monde.
: RCS Lyon 793 769 175 - © Archicop - Un Studio/Jaspers & Eyers - A.T.S.P. France - O. Dupont / CNR - OTAN
!
D
I
S YO
L
R
O
UR
W
E
S
H
T
À LA UNE
Du nouveau!
A
SSOCIATION ALUMNI
Carinne Hanon dit oui!
P
armi les recommandations
reçues à la suite de
l’évaluation de nos programmes
par l’AEQES et la CTI en 2013,
figuraient celles de développer
plus largement les compétences
non techniques et de resserrer
les liens avec le monde de
l’entreprise, notamment par
l’augmentation de la proportion
d’étudiants ayant une expérience
en entreprise pendant
leur formation.
© Frédéric Raevens
Oui, au poste de chargée des relations
de l’École polytechnique de Bruxelles
Alumni… Oui, à l’objectif de devenir la
première ambassadrice de nos diplômés!
Carinne Hanon, après plus de 25 ans
«de maison», a plus d’un atout dans son
jeu pour reprendre le poste laissé par
Françoise Monnoye.
«
27 ans se sont écoulés depuis mon arrivée à l’École. J’avais été engagée par le Pr René
Jottrand au Génie chimique, repris ensuite par Véronique Halloin, puis par Benoît Haut
quand le service est devenu le TIPs (Transferts, Interfaces et Procédés)», se remémore Carinne
Hanon, qui a vu défiler plusieurs générations de diplômés... D’autant plus qu’elle a partagé
ce mi-temps avec un autre au Service de Mathématiques d’Anne Delandtsheer. «J’ai cet
avantage d’avoir vu passer de très nombreux étudiants: dans ce service, Anne Delandtsheer
était également responsable de l’examen d’entrée, je les accompagnais donc dès la 1re année
et j’en retrouvais de nombreux en Master au sein de TIPs», précise-t-elle avec enthousiasme,
toujours curieuse de découvrir ce que sont devenus nos diplômés.
Un passage de flambeau symbolique et sympathique, entre Françoise Monnoye et Carinne
Hanon, s’est tenu en juin dernier en présence du Conseil d’Administration et de quelques
Alumni et professeurs, autour d’un verre au bar des Alumni. «Je ne dis pas que je serai
une deuxième Françoise Monnoye», précise, amusée, la nouvelle chargée des relations.
«Mais je connais déjà beaucoup de monde à l’École et je suis de bonne humeur dès mon
arrivée, chaque matin.» Voilà qui, en plus de l’aide bénévole du jeune pensionné JeanMichel De Coster (ICME 1984), lui permettra certainement de travailler énergiquement à
l’épanouissement de notre réseau de 6.000 ingénieurs et bioingénieurs!
Carinne Hannon se tient à votre disposition au local Alumni tous les jours de la semaine, aux
heures de bureau (excepté le vendredi après-midi). Son mot de la fin? «Surtout n’hésitez pas
à venir me voir: si je peux rendre service, je le ferai certainement!»
École polytechnique de Bruxelles Alumni, square Groupe G, porte B, UB4.153, 02/650.27.28.
[email protected]
En juin dernier, Carinne Hanon, la nouvelle chargée
des relations de l’École polytechnique de Bruxelles
Alumni, a reçu le flambeau des mains de la mère
de la Cayenne, Françoise Monnoye!
© Frédéric Raevens
ÉDITO
À l’occasion de la réforme du
programme de Bachelier, l’École
a introduit un nouveau cours
transversal en 3e année (voir
en page 5). Elle a également
continué à promouvoir les stages
de longue durée en dernière
année. En 2015, nous avons
franchi pour la première fois le
cap de la centaine de stages en
Master: 108 étudiants réalisent
leur stage en entreprise ou en
centre de recherche, en Belgique
ou à l’étranger, soit 75% des
étudiants pouvant choisir
cette option.
Dans le cadre du renouvellement
de l’accréditation des Masters
Ingénieur civil Biomédical et
Ingénieur civil Physicien, l’École
a aussi mis sur pied des comités
d’avis représentant le milieu
professionnel (comprenant
plusieurs Alumni) en vue
d’améliorer la pertinence des
formations, autre recommandation
des experts AEQES/CTI.
Enfin, nous saluons la prochaine
conclusion d’une convention
BruFacE qui prévoit que les
programmes BruFacE seront
désormais des programmes
conjoints, et qui met en place
une nouvelle procédure de préadmission pour les étudiants
internationaux permettant
d’augmenter notre recrutement
international.
Gérard Degrez
Doyen de l’École polytechnique
Pour d’autres informations
de Bruxelles
Alumni: www.airbr.be.
3
AGORA
ILS NOUS ONT QUITTÉS
Jean-Paul De Coster (ICC 1956)
Robert De Wolf (ICC 1952)
Jacques Van Laethem
(ICME 1965)
Robert Nicaise (ICME 1943)
Pierre Van Lint (ICC 1952)
Pierre Troch (ICG 1975)
Jean De Permentier
(ICME 1952)
Pierre Pluys (ICME 1948)
Léon Kusman (ICCh 1960)
Roger Leboulle (ICC 1965)
Bertrand Dumont
(ICEM, GT 2014)
Claude Lebon (ICME 1958)
Jean-Pierre Hennart
(ICPhys 1965)
Nous présentons aux familles
et aux proches nos plus
sincères condoléances.
ACTU
ERASMUS MUNDUS EASED
Retour sur la Corée et le Japon
A
près l’Erasmus Mundus BEAM
(2011-2014), qui a vu deux
doctorants d’OPERA partir au Tokyo Tech
(Mathieu Lessines et Thibault Deleu),
l’École est impliquée dans l’Erasmus
Mundus EASED (2013-2017), centré sur les
thématiques de l’énergie. Coordonné par
l’École Centrale de Paris et initié à l’ULB
par le Pr Esteban Zimanyi, cet Erasmus
Mundus permet l’échange de doctorants,
de post-doctorants et de professeurs
entre notre université et de nombreuses
équipes en Corée et au Japon.
Ces liens renforcent les accords existant
avec les universités Waseda (partenaire
privilégié), Keio (convention de double
diplôme TIME) et Tokyo Tech. Ils se sont
concrétisés cette année par l’accueil
au sein de BEAMS de Hiroki Matsuoka,
doctorant au sein du System Integration
Lab de l’Université d’Okayama. Ce
dernier a travaillé sur les thèmes de
«soft robotics» pour les applications
biomédicales, en collaboration avec
Jean-Charles Larrieu, qui a séjourné à
son tour à Okayama d’octobre 2014 à
avril 2015. La Corée est représentée par
l’université de Pusan et le KAIST. Un
dernier appel est ouvert dès maintenant
pour une mobilité à démarrer en 2016.
Pr Pierre Lambert ([email protected]); École Centrale de Paris (eramundus.ecp.fr/em_eased/positions)
SOLVAY AWARDS
Le Groupe Solvay décerne
annuellement les Solvay Awards
à des diplômés de l’ULB ou de
la VUB ayant réalisé un mémoire
de fin d’études ou une thèse
de doctorat en Sciences ou
en Sciences de l’Ingénieur. Il
souhaite stimuler l’inventivité
et la réflexion des jeunes
chercheurs à la projection de
leurs travaux dans le monde
industriel. Nicolas Cauche
(promoteurs A. Delchambre et
J. Devière) et Matej Karasek
(promoteur A. Preumont),
diplômés Docteur en Sciences
de l’Ingénieur et Technologies
en 2014, se sont distingués lors
des auditions par le Jury. Pierre
Henneaux (promoteurs P.-É.
Labeau et J.-Cl. Maun), diplômé
Docteur en 2013, a également
été primé et rejoint les autres
lauréats de 2013 entendus par le
jury l’an passé: Hilke Verbruggen
(Master), Mattthieu Goursaud et
Gilles Tondreau (Docteur). Les
Solvay Awards seront décernés
aux lauréats 2013 et 2014 lors
de l’événement «Celebrating
100 years of Einstein’s General
Relativity» organisé par les
Instituts Internationaux Solvay le
18 octobre.
PROJET BA1
Game of drones!
D
urant la prochaine année académique, les étudiants de 1re année concevront et
construiront un drone en groupe de 6 avec un chef de projet, étudiant de 4e année.
Dès le mois d’octobre, les équipes se mettront au travail et un vol des 30 prototypes
couronnera le projet lors d’un grand concours organisé avec le Cercle Polytechnique
et l’École, le vendredi 25 mars 2016. La conception se fera à l’aide d’un logiciel de
CAO 3D. La société CADMES a mis à la disposition de l’École 500 licences du logiciel
Solidworks. Les étudiants construiront les structures en matériaux polymères à l’aide
d’imprimantes 3D. La plus récente d’entre elles à été financée par les Alumni.
www.solvayinstitutes.be
www.polytechniquebruxelles.be / alumni.polytechniquebruxelles.be
ECOLE
POLYTECHNIQUE
DE BRUXELLES
JOURNÉE DE BIOINGÉNIERIE À L’ULB
PROGRAMME DES BACHELIERS
Quels sont les défis?
Philo et projets!
À
U
l’initiative de l’École interfacultaire
de Bioingénieurs, les étudiants en
masters bioingénieurs de la Fédération
Wallonie-Bruxelles (ULB, UCL et ULgGembloux Agro-Bio Tech) se réuniront
le 30 octobre à l’ULB, lors de la journée
«Bioingénieurs, quels sont les défis?».
Les sessions (suivies de tables rondes),
axées sur la gestion des ressources, les
productions et les valorisations, seront
animées par des orateurs issus du
monde de l’entreprise, de la recherche et
d’instances belges et européennes.
n projet longuement réfléchi s’est
concrétisé: ajouter des sciences
humaines au programme de bachelier. Il
fallait choisir les thématiques, mais aussi
trouver les personnes qui les porteraient
dans l’esprit de l’École et dans la ligne
des compétences terminales définies.
Dès cette rentrée 2015, deux cours complètent le programme de la 3e année du
bachelier. Tout d’abord, Céline Kermisch (notre photo), ingénieur diplômée de
l’École (2000) et philosophe (2003), sera titulaire d’un cours de réflexion critique
sur l’histoire et le rôle des sciences et des techniques dans la société. Ensuite,
Vincent Lion (diplômé de l’École 1993), déjà titulaire de cet enseignement à la
SBS-EM, prendra en charge un cours de gestion de projet.
BELGIAN ENERGY RESEARCH ALLIANCE
Pr Patrick Hendrick élu Président
L
e Pr Patrick Hendrick a été élu Président du BERA (Belgian Energy Research Alliance)
pour une durée de 2 ans. Le BERA compte 21 membres, dont toutes les universités et
tous les gros instituts de recherche belges (VKI, VITO, Laborelec, CSTC, Sirris, Cenaero...).
Le 29 avril dernier, il a également été élu membre du Executive Committee de l’EERA
(European Energy Research Alliance).
EN BREF
24/09/2015
polytechLINK:
«Business Model You»
03/10/2015
Promo 1965 – 50 ans
03/10/2015
Promo 1980 – 35 ans
09/10/2015
MPEG-FTV
Pr Gauthier Lafruit co-Président
M
PEG (Moving Picture Experts Group)
est un comité de standardisation
ISO/IEC qui se charge de standardiser
les technologies de compression/
transmission dans le domaine de la
télévision digitale. Le comité MPEG se
charge aussi de l’exploration scientifique
préalable à la standardisation
proprement dite. Le groupe de travail
MPEG-FTV (MPEG Free viewpoint TV) –
co-présidé par le Pr Gauthier Lafruit du
service LISA – est en charge de définir
et d’explorer les techniques d’imagerie
pour «la télévision virtuelle» du futur.
Elle permettra de naviguer librement
dans un volume scénique entouré de
caméras fixes, en utilisant des techniques
d’interpolation non-linéaire entre lesdites
caméras. Le téléspectateur pourra choisir
ses prises de vue, indépendamment des
choix du producteur. Le nouveau standard
MPEG-FTV devrait être prêt pour 2020.
Polytech F.E.M.:
«Role Model: Myth or Reality?»
14/10/2015
polytechLINK:
«Négociation raisonnable»
30/10/2015
Bioengineers Day
05/11/2015
Soirée Kick-off Parrainage
Masters 2016
12/11/2015
polytechLINK: «PiCarré»
04/12/2015
Journée de l’Ingénieur
– Banquet de Ste-Barbe 2015
10/12/2015
Pr Gauthier Lafruit, lisa.ulb.ac.be/image
polytechLINK: «Flagrants Délices»
g2 est une publication de l’École polytechnique de Bruxelles, Université libre de Bruxelles, CP 165/01, avenue Roosevelt 50, 1050 Bruxelles ÉDITEURS RESPONSABLES Jean-Claude Maun et Michel
Vanderstocken, École polytechnnique de Bruxelles, Université libre de Bruxelles, CP 165/01, avenue Roosevelt 50, 1050 Bruxelles RÉALISATION ET PRODUCTION
Téléphone: 02/640.49.13
Fax: 02/640.97.56. E-mail: [email protected]. Web: www.elixis.be. RÉDACTEUR EN CHEF Philippe De Doncker DIRECTEUR DE LA RÉDACTION Hugues Henry RÉDACTION Philippe De Doncker, Gérard Degrez,
Claudine De Kock, Élise Dubuisson, Hugues Henry, Benoît July COMITÉ DE RÉDACTION Kristin Bartik, Philippe De Doncker, Lionel Delchambre (CP), Abdoulrahmane Djidjoua (BEP), Benoît Haut, Élie Misrachi,
André Pening, Georges-Éric Te Kolste, Michel Vanderstocken, Laurent Violon PHOTOS Lara Herbinia, Frédéric Raevens, archives ULB PHOTO DE COUVERTURE Frédéric Raevens MAQUETTE Marie Bourgois
COORDINATION GRAPHIQUE Frederico Anzalone, Marie Bourgois IMPRESSION Artoos PUBLICITÉ [email protected]. Trimestriel. Tirage: 4.000 exemplaires. Pour toute suggestion de
thème d’article ou pour nous adresser vos dernières nouvelles d’ordre professionnel: [email protected]. Changements d’adresse: [email protected].
Les mentions d’entreprises le sont à titre documentaire. Les articles, dessins, photos illustrant la revue g2 ne comportent pas de publicité. Les articles, opinions, dessins et photos contenus dans cette revue le sont sous la seule
responsabilité de leurs auteurs. Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction réservés pour tous pays.
5
PARCOURS D’INGÉNIEUR
Benoît July
Frédéric Raevens
Yves Prete (Ingénieur civil Électromécanicien, 1978)
L’ingénieur,
un acteur
engagé pour
la société
C’EST QUOI UN INGÉNIEUR?
6
SAVOIR INVENTER OU INNOVER
ÊTRE UTILE À LA SOCIÉTÉ
«Nous sommes à raison très fiers de ce que nos ingénieurs
ont créé dans le passé, et il est urgent que nous soyons
à nouveau convaincus que le maintien de notre niveau de
vie dépendra de notre capacité à reprendre le leadership
technologique.»
«Je n’admire pas la technologie pour elle-même, mais
pour ce qu’elle apporte à la société, pour le travail et
la richesse qu’elle permet de générer. Un ingénieur doit
fondamentalement vouloir être utile, vouloir perfectionner
la société.»
www.polytechniquebruxelles.be / alumni.polytechniquebruxelles.be
ECOLE
POLYTECHNIQUE
DE BRUXELLES
YVES PRETE
ADMINISTRATEUR DÉLÉGUÉ
DIRECTEUR GÉNÉRAL TECHSPACE AERO
Né en 1954, Yves Prete est, depuis le 1er janvier 2011,
à la tête de Techspace Aero, filiale du Groupe Safran.
L’entreprise liégeoise (1.400 personnes) emploie 40%
d’ingénieurs et de techniciens, et investit 20% de son
chiffre d’affaires en R&D. En septembre 2015, Yves
Prete accède à la Présidence de l’Union wallonne des
entreprises (UWE) pour un mandat de 3 ans.
À la tête de Techspace Aero, Yves Prete porte haut les couleurs de l’entreprise. À la présidence de l’Union
wallonne des entreprises, il entend en restaurer le blason grâce entre autres au monde de la formation.
?: DEVENIR INGÉNIEUR, ÉTAIT-CE UNE ÉVIDENCE POUR VOUS?
Yves Prete: «Pas du tout! En humanités, j’étais bon en math comme
en latin, et mon rêve était d’étudier Philo et Lettres. Mais j’avais
perdu mon père, à l’âge de neuf ans, et la notion de sécurité a
déterminé mon choix: un diplôme d’ingénieur me semblait mieux
pouvoir "payer son homme". À l’École, j’étais fasciné par la théorie, par la beauté des mathématiques qui, par certains aspects, se
rapprochent de la philosophie. Le côté pratique, en revanche, ne
m’attirait pas. Contrairement à certains de mes condisciples, je
n’avais jamais démonté une moto, ni même un vélo!»
en tant qu’ingénieur chargé des expertises. Une nouvelle usine
d’assemblage de moteurs venait d’être érigée sur les hauteurs
de Liège, dans le cadre du contrat relatif à l’acquisition du
chasseur F-16. Il fallait notamment diagnostiquer et régler les
problèmes qui se posaient lors des tests des moteurs sur bancs
d’essai, mais aussi participer aux enquêtes lors d’éventuels
incidents. C’était une responsabilité importante, mais j’étais
épaulé par un ingénieur beaucoup plus expérimenté.»
?: QUEL TYPE D’ÉTUDIANT ÉTIEZ-VOUS?
?: VOUS DEVENEZ SUCCESSIVEMENT DIRECTEUR DE LA LOGISTIQUE, PUIS
DE LA PRODUCTION, ET VOTRE CARRIÈRE PREND UN TOURNANT, TOTALEMENT IMPRÉVU, EN 2000.
Y.P. : «C’était une vraie période d’insouciance! J’étais très assidu
aux soirées, aux baptêmes, y compris chez nos voisins de la
VUB! J’avais pas mal d’activités en dehors des cours, notamment le rugby, mais aussi les jeux de cartes. Tout cela s’est
soldé par une seconde session d’enfer en deuxième candi:
j’étais tombé dans le piège de la facilité. Je me suis organisé
par la suite pour préserver à tout prix mes vacances… Ces
études sont exigeantes, mais n’en sont pas pour autant insurmontables. Elles sont surtout de qualité. J’ai eu l’occasion de
travailler en France avec des "centraliens", des "normaliens",
des "polytechniciens" et autres "énarques": nous n’avons rien
à leur envier. J’ai aussi pu comparer la qualité de nos ingénieurs à celle de leurs homologues en Chine, où j’ai travaillé:
la qualité de notre enseignement mérite d’être soulignée.»
Y.P. : «Mes fonctions au sein de Techspace Aero et un diplôme complémentaire acquis à l’École Liégeoise de Management en 1985
m’avaient permis d’intégrer le comité de direction de l’entreprise et de prendre goût à la finance, à la stratégie, au marketing.
C’est dans ce contexte que Safran, devenu la maison-mère de
Techspace Aero, m’a proposé de prendre la direction de Snecma
Services Brussels, une joint-venture avec la Sabena dans la
maintenance de moteurs d’avion. Un an plus tard, catastrophe:
la Sabena tombe en faillite et l’entreprise perd son principal
client! Cela a évidemment été une période très délicate à gérer:
nous avons dû licencier 60% des collaborateurs, soit près de
300 personnes. Mais tout cela s’est déroulé en partenariat avec
les organisations syndicales et je dois souligner que, via l’outplacement, 90% des gens avaient retrouvé un travail après un an.»
?: QUELS ONT ÉTÉ VOS PREMIERS PAS DANS LA VIE PROFESSIONNELLE?
?: QUEL EST VOTRE ÉTAT D’ESPRIT QUAND, EN 2005, VOUS VOUS ENVOLEZ
VERS LA CHINE POUR Y DIRIGER UNE AUTRE FILIALE DE SAFRAN, DANS
LE CADRE D’UNE JOINT-VENTURE AVEC AIR CHINA?
Y.P. : «Sans idée précise de ce que je voulais faire, j’ai commencé
dans une fonction technico-commerciale, dans une filiale de
Petrofina, mais je n’y suis resté que six mois: cela ne me plaisait pas. J’ai ensuite été engagé dans la division «moteurs» de
la Fabrique Nationale de Herstal, l’ancêtre de Techspace Aero,
Y.P. : «J’y découvre un environnement totalement différent et
enthousiasmant! L’entreprise est en pleine croissance, les
gens y sont animés d’une grande confiance en
SUITE EN PAGE 8
7
«Je ne suis pas un homme de
réseaux. J’ai gardé quelques
bons amis de mon époque
universitaire que je revois
uniquement à des fins
privées.»
SES ANNÉES POLYTECH (1973-1978)
SES PROFESSEURS
SON MÉMOIRE
«Le professeur d’électricité Pierre
Baudoux était une véritable terreur: tant
à l’examen d’entrée que par la suite. Il ne
tolérait aucune erreur ni approximation,
sanctionnées par une invitation à prendre la
porte. J’ai passé cinq années magnifiques à
l’ULB, avec des professeurs de très grande
qualité, même si je ne fréquentais pas leurs
cours de manière assidue.»
«J’ai consacré mon mémoire à l’étude de
l’influence des distorsions à l’entrée d’un
compresseur basse pression. Un hasard
extraordinaire: j’ignorais que j’allais effectuer
une grande partie de ma carrière chez
Techspace Aero! Et ce n’est même pas ce
mémoire qui a présidé à mon recrutement:
lors de l’entretien d’embauche, nous avons
parlé de jazz, de philo et, surtout, de rugby!»
l’avenir et sont avides d’apprendre et de s’améliorer: la
Chine deviendra un acteur majeur de l’industrie aéronautique dans les 10 à 15 ans à venir. J’ai vraiment apprécié
cette expérience, dans un cadre très agréable puisque nous
étions à Chengdu, "la ville des pandas". Mon épouse et moi
y avons gardé des amis.»
?: VOUS REJOIGNEZ ENSUITE PARIS, POUR DIRIGER LA DIVISION MAINTENANCE
DE SNECMA À L’ÉCHELLE MONDIALE... AVANT DE VOUS VOIR CONFIER EN 2011
LES RÊNES DE TECHSPACE AERO. UN RETOUR AUX SOURCES?
Y.P. : «Un très gros défi! En raison d’une éclatante réussite. Ma
première obligation était de me montrer digne des réalisations de mes prédécesseurs, qui avaient érigé l’entreprise
en tant que leader mondial des compresseurs basse pression avec d’énormes succès commerciaux: nos produits
équipent la plupart des Airbus et des Boeing. J’ai eu la
chance de finaliser les négociations relatives au moteur
Leap, qui équipera les Airbus A320 et les Boeing 737 de
nouvelle génération, ou encore au moteur GE9X qui équipe
le nouveau Boeing 777 notamment: notre production est
assurée pour une durée minimale de 30 ans.»
?: VOUS ÉVOQUEZ D’AUTRES DÉFIS...
Y.P. : «Mon second challenge est de parvenir à améliorer constamment la rentabilité dans un contexte de très forte croissance,
notre chiffre d’affaires ayant quasiment doublé en cinq ans
pour atteindre 600 millions €. Pourquoi? Car c’est cette rentabilité qui nous permet de continuer à investir massivement,
quelque 20% de notre chiffre d’affaires, dans la recherche
et le développement, et donc dans notre activité de demain.
Enfin, il y a le défi purement industriel: nous avons recruté
une centaine de personnes par an ces dernières années et
8
sommes actuellement engagés dans un programme d’investissement de 110 millions €, pour moderniser notre usine et
assumer les fortes montées en cadence à venir...»
?: DANS CE CONTEXTE, VOUS AVEZ ACCEPTÉ LA PRÉSIDENCE DE L’UNION
WALLONNE DES ENTREPRISES (UWE), OÙ VOUS SUCCÉDEZ À JEAN-FRANÇOIS
HERIS (ICEM 1985). QUELLES SONT VOS PRIORITÉS?
Y.P. : «Ma conviction profonde est que la Wallonie ne s’en sortira
qu’en créant davantage de richesses: contribuer au développement des entreprises est dès lors un devoir quasi civique. Je
vise en particulier l’industrie, qui a été trop longtemps négligée,
alors que chacun est convaincu désormais de son caractère structurant pour la totalité du tissu économique (services, PME, etc.).
L’industrie est aussi indispensable au marché de l’emploi: tout le
monde n’est pas destiné à devenir ingénieur, médecin ou avocat.
À cet égard, je m’inscris pleinement dans le programme "Ambition 2020" développé par mes prédécesseurs à l’UWE, en ayant
des idées très précises sur les passerelles à renforcer entre l’enseignement et l’entreprise. Ces dernières tentent de jouer leur
rôle en investissant dans la formation de gens peu qualifiés au
départ, mais il faut reconnaître qu’il y a un sérieux problème
de compétences en amont, auquel il est urgent de remédier.»
?: VOTRE AGENDA EST SURCHARGÉ. QU’EST-CE QUI, FONDAMENTALEMENT,
VOUS MOTIVE?
Y.P. : «J’arrive en fin de carrière et je suis convaincu qu’il faut, à un
moment donné, rendre à la société une partie de ce qu’on a
reçu, en pensant aux jeunes. Je n’avais pas agi autrement en
acceptant à l’époque la Présidence de la Ligue Francophone
de Rugby..., même si je n’y jouais plus depuis quelques
années. Le domaine est certes très différent, mais la motivation est fondamentalement comparable!
www.polytechniquebruxelles.be / alumni.polytechniquebruxelles.be
ECOLE
POLYTECHNIQUE
DE BRUXELLES
Hugues Henry
Hugues Henry
SUR LE GRIL
Électronique
La loi de Moore toujours?
La loi de Moore, énonçant que la puissance des processeurs double chaque 18 mois, survivra-t-elle à
son 50e anniversaire? Rien n’est moins sûr. Elle serait sur le point d’être atomisée!
?: EXPLIQUEZ-NOUS POURQUOI LA LOI DE MOORE POURRAIT NE PLUS
ÊTRE VÉRIFIÉE…
Dragomir Milojevic: «Qu’a dit Moore? Il a constaté que tous les
18 mois, sur une même galette de silicium, nous réussissons
à imprimer deux fois plus de transistors avec un procédé
photolithographique. Mais aujourd’hui, nous arrivons à la
limite de ce procédé: le scaling ne perdurera pas au-delà de
2020. Pourquoi? Parce qu’avec cette technologie, nous ne
pourrons pas fabriquer une porte logique avec un atome!
L’évolution constatée dictée par la loi de Moore aura cependant été impressionnante! J’explique à mes étudiants que si
vous prenez le scaling de ces 50 années de loi de Moore et
que vous l’appliquez à une Aston Martin, celle-ci coûterait
3 millionièmes de centime, consommerait un millionième
de litre d’essence, et atteindrait la vitesse de 180 millions
de km/h. C’est affolant! Aucune autre activité humaine n’a
connu une évolution aussi rapide.»
?: N’EXISTE-T-IL PAS DES PISTES POUR DÉPASSER LES LIMITES DE LA
TECHNOLOGIE CMOS?
D.M. : «Beaucoup parlent du quantum computing… Mais si
certains ont réalisé pratiquement les circuits de base,
je vois mal comment faire le lien entre ceux-ci et le
monde extérieur, comment assurer l’input-output.
Des pistes exploitant l’optique sont aussi en phase
de recherche, tout comme d’autres faisant appel
à… la biologie! Mais toutes ces pistes sont
encore extrêmement exploratoires. Je
n’y vois rien sur quoi parier dans
un horizon au-delà de 10 ans!
Les seules alternatives sérieuses
plaident en faveur de trucs et
astuces pour prolonger le scaling ou d’un changement de
paradigme.»
DRAGOMIR MILOJEVIC
PROFESSEUR À L’ÉCOLE
POLYTECHNIQUE DE BRUXELLES
?: COMMENT PROLONGER LA LOI DE MOORE?
D.M. : «Avant d’arriver à la fin théorique ou pratique de la photolithographie, ce sont des problèmes économiques qui pourraient nous arrêter. Chaque passage d’un nœud technologique
à un autre réclame des investissements énormes qu’il faut
rentabiliser, c’est pour cela que l’on parle de "fin de vie programmée" des produits électroniques (sourire). Le business est
toujours extrêmement juteux, mais pour aller plus loin et faire
face à l’augmentation exponentielle des coûts, il faut vendre
les mêmes objets à des millions d’exemplaires. La technologie
haute performance, permettant par exemple à votre smartphone
de lire des vidéos en haute définition, nécessite des processeurs
puissants. Mais cela ne sera pas économiquement suffisant. Par
contre, l’Internet of Everything (IoE) et ses objets connectés,
pour lesquels un équipement de pointe n’est pas nécessaire,
pourrait prolonger les technologies existantes si bien maîtrisées,
pour les écouler non plus à des millions, mais à des milliards
d’exemplaires. De quoi prolonger la vie de la loi de Moore
jusqu’à ce nœud technologique assez mythique des 5 nanomètres! L’industrie travaille aujourd’hui sur le 7 nanomètres.»
??:: L’INTÉGRATION EN 3 DIMENSIONS N’EST-ELLE PAS UNE AUTRE PISTE?
D.M. ::«Le
«Le pattern actuel sur les galets ne présente qu’un plan
de transistors. Par analogie avec les bâtiments, ce sont des
maisons de plain-pied. Or il est vrai que l’industrie travaille
maintenant sur les gratte-ciel (sourire): l’idée est d’empiler
plusieurs couches de transistors dans un même volume, ce qui
permet de continuer à augmenter le nombre de transistors
non plus par unité de surface, mais par unité de volume.
C’est une piste en laquelle nous croyons pour étendre
le modèle de scaling à un horizon de 5 à 10 ans.
Mais tout ceci ne m’empêche pas de penser que
nous allons devoir passer par un changement de
paradigme aussi. En ce sens, le cloud computing
et l’IoE combinés constituent une piste intéressante, qui permettrait de revoir complètement le
modèle économique actuel basé sur une multiplication exponentielle tant des puissances de
calcul que des retombées financières… Avec
ces deux pistes technologiques, nous assisterons à la naissance, comme dans le cas de
l’ordinateur personnel, d’un nouvel outil qui ne
réclame pas cette grosse puissance de calcul.»
9
INNOVATION
Élise Dubuisson
Frédéric Raevens
Spécialiste de l'intelligence en essaim, Marco Dorigo s’est attaqué à un défi de taille: établir les fondations
scientifiques de cette discipline. Son but? Pouvoir, enfin, se passer des expériences coûteuses.
C'
est au début des années 1990, en s’intéressant à la modélisation du comportement des fourmis, insectes sociaux
par excellence, que Marco Dorigo a fait connaissance avec
l’intelligence en essaim. En effet, le codirecteur de l’Institut de
Recherches Interdisciplinaires et de Développement en Intelligence Artificielle (IRIDIA/ULB) s’est inspiré des systèmes biologiques – comme les nids de fourmis ou les ruches d’abeilles – pour
résoudre des problèmes mathématiques. «Utiliser la génétique
des populations ou des comportements sociaux pour développer des théories et trouver des solutions à des problèmes actuels
me fascinait», s'enthousiasme-t-il. Pour ce faire, le chercheur a
transposé ses observations chez les insectes sociaux sur des petits
robots, programmés pour travailler de manière coordonnée et
coopérative. «Ces robots ne sont pas capables de répondre à un
problème seuls, ils doivent collaborer pour y arriver.»
«EYE-BOTS» ET «HAND-BOTS»
Ces robots ne sont rien d’autre que de petites structures aux
fonctionnalités bien précises. Les «eye-bots», par exemple,
peuvent voler et disposent d’une bonne vision de ce qui les
entoure. Tandis que les «hand-bots» sont munis de mains et de
bras qui leur permettent de grimper au mur. Des robots qui lui
ont permis de se différencier des recherches menées jusque-là
dans ce domaine…
Dans le cadre de ce projet baptisé SWARMANOÏD, lancé en
octobre 2006, Marco Dorigo a créé des essaims de robots de différents types plongés dans un environnement humain, alors qu'à cette
époque, la majorité des autres projets de recherche se concentraient
sur des robots identiques. Une direction scientifique qu'il explique
par le résultat qu'il souhaitait obtenir: «Lorsqu’un problème est
résolu grâce à la collaboration de plusieurs individus, la solution
qui en résulte est plus robuste, plus flexible et moins coûteuse que
lorsqu’un seul robot s’en charge. Par ailleurs, si nous travaillons avec
un seul robot pour exécuter une tâche et que ce robot se casse, tout
est perdu. Si de nombreux robots collaborent, la destruction de l'un
d'entre eux n'entraîne qu'une petite réduction de la performance».
DE LA RIGUEUR!
En 2010, alors qu’il travaille depuis plusieurs années sur
l’intelligence en essaim par le biais de l’expérimentation, Marco
Dorigo veut aborder la problématique différemment. «À cette
époque, la compréhension du fonctionnement de l’intelligence en
essaim reposait principalement sur des intuitions de chercheurs
expérimentés. Ce qui est tout à fait insuffisant pour envisager des
applications concrètes. Forts de ce constat, nous avons développé
le projet E-SWARM, pour enfin poser les fondations scientifiques
de l'intelligence en essaim, mais aussi déterminer des guidelines
pour l'utilisation de ces systèmes (voir notre encadré).
SUITE EN PAGE 12
E-SWARM DANS LE DÉTAIL
Les deux domaines de recherche principaux du projet E-SWARM sont, d'une part, la robotique et, d'autre part, l'optimisation.
10
LA ROBOTIQUE
L'OPTIMISATION
Dans le cadre du volet robotique, les chercheurs tentent
d'élaborer des modèles de référence. Ils se basent, d'une
part, sur des équations différentielles et, d'autre part, sur
des systèmes probabilistes, afin de mettre au point des
systèmes capables de se coordonner et de coopérer en vue
d'atteindre un seul et même objectif. La première approche
leur permet de faire varier tous les paramètres d'un
système et d'analyser leurs effets, tandis que la seconde
de déterminer avec quelle probabilité tel ou tel système
parviendra à réussir une tâche précise.
Cette partie des recherches a pour objectif d'étendre le champ
d'application des systèmes d'intelligence en essaim au monde
réel. Comment? En adaptant les algorithmes d'intelligence
en essaim existants aux exigences des applications réelles.
Dans le domaine de la logistique, par exemple. Les chercheurs
définissent des algorithmes d'intelligence en essaim dont
ils testent les différents paramètres à l'aide de systèmes
d’apprentissage automatique. Ils parviennent ainsi à
déterminer les valeurs optimales de ces paramètres pour
chaque type de problème considéré.
www.polytechniquebruxelles.be / alumni.polytechniquebruxelles.be
ECOLE
POLYTECHNIQUE
DE BRUXELLES
Marco Dorigo
Les fondations
scientifiques
de l’intelligence
en essaim
Si nous voulons que l’intelligence en essaim devienne à l’avenir
un outil important pour les chercheurs et les ingénieurs chargés de
résoudre des problèmes complexes, il est essentiel de construire
les fondements de la discipline.»
UNE BOURSE PRESTIGIEUSE
Le projet, financé à hauteur de deux millions d’euros par
une bourse ERC Advanced Grant, vient tout juste de se terminer. Cette bourse prestigieuse est gage d’un intérêt scientifique
important. En effet, elle est attribuée par le Conseil européen de la
Recherche à des scientifiques émérites, dont la réputation est déjà
bien établie. Elle a pour vocation d’encourager la prise de risque
et elle soutient des recherches reconnues comme pionnières.
Grâce aux travaux financés par la bourse ERC, les chercheurs
d’IRIDIA peuvent aujourd’hui mieux évaluer la faisabilité d’un
projet de robotique basé sur l’intelligence en essaim. Mais beaucoup reste à faire: «Nos travaux permettent de prédire la probabilité de succès de différents types d'essaims dans l’exécution
de tâches spécifiques. Ceci est déjà un grand pas en avant. Nous
avons posé les bases, mais les systèmes pour lesquels notre
méthodologie fonctionne restent relativement simples. Nous
envisageons de considérer des systèmes plus complexes, dès que
nous obtiendrons de nouveaux financements.»
SIMILAIRES AU SYSTÈME NERVEUX
Si le projet E-SWARM occupe une part importante du temps
de Marco Dorigo, ce dernier n'en reste pas là! Il travaille sur
d’autres travaux, toujours en lien avec l’intelligence en essaim.
«L’un de mes doctorants étudie la manière de rendre les systèmes d’intelligence en essaim plus adaptatifs. Il cherche à comprendre comment mettre au point un essaim qui fonctionnerait
de façon similaire aux êtres vivants. C’est-à-dire un essaim dont
les robots pourraient s’auto-organiser dans des structures de
contrôle dynamiques, en utilisant un système de communication
équivalent au système nerveux des animaux».
QUID DES MODÈLES PASSIFS?
Dans la plupart des recherches menées à l’IRIDIA, les individus
impliqués dans des essaims sont des robots capables de se mouvoir.
Mais que se passerait-il si ces individus étaient passifs et donc sans
système de locomotion? C’est précisément ce qu’essaie également
de comprendre l’équipe de Marco Dorigo: «Nous analysons le comportement de petits objets aimantés aux formats différents, lorsqu’ils
sont mis ensemble et mélangés aléatoirement: quelle structure globale vont-ils former? Quels sont les paramètres qui interviennent?
Ce type de recherches peut notamment nous donner des pistes pour
construire automatiquement des assemblages de plusieurs milliers
de petits composants difficiles à manipuler par l’homme».
Ce ne sont cependant pas les applications qui découleront de
ses travaux qui animent Marco Dorigo: «En fait, les applications
m’intéressent beaucoup moins que la recherche. J’aime son côté
abstrait et l’idée que je puisse trouver une chose à laquelle personne
n’a pensé avant moi. D’ailleurs, la première fois que j’ai expliqué à
mes professeurs que je voulais partir du comportement des fourmis
pour élaborer des algorithmes d’optimisation, ils m’ont pris pour un
fou», conclut-il amusé.
12
Plus d'infos
Sur le projet SWARMANOÏD: www.swarmanoid.org
Sur le projet E-SWARM: www.e-swarm.org
1986 Obtention du grade d’Ingénieur à l’École
Polytechnique de Milan / 1992 Obtention du grade de
Docteur à l’École Polytechnique de Milan / 1995 Agrégé
de l’enseignement supérieur (ULB) / 1996 Obtention
du prix «Marco Somalvico», de l'Association italienne
d'intelligence artificielle / Depuis 1997 Rédacteur en
chef de la revue «Swarm Intelligence» / 2003 Obtention
du «Marie Curie Excellence Award», de la Commission
Européenne / Depuis 2005 Co-directeur de l’Institut de
Recherches Interdisciplinaires et de Développement en
Intelligence Artificielle (IRIDIA/ULB) / 2005 Obtention
du prix scientifique quinquennal du F.R.S-FNRS /
2007 Obtention du «Cajastur International Prize for Soft
Computing "Mamdani Prize"», par la Foundation for the
Advancement of Soft Computing. / 2015 Obtention du
IEEE Frank Rosenblatt Award, par l'Intitute of Electrical
and Electonics Engineers. / 2015 Docteur Honoris Causa
de l'Université de Pretoria (Afrique du Sud).
ZOOM SUR L’IRIDIA
Le laboratoire d'Intelligence Artificielle de l'ULB
axe principalement ses recherches sur l'étude et
le développement d'algorithmes inspirés par des
processus cognitifs et biologiques, tels que les
réseaux de neurones et les sociétés d'insectes.
L'IRIDIA s'est spécialisé dans le développement
de logiciels pour la modélisation de données,
l'optimisation combinatoire, la prise en compte
des raisonnements incertains, le contrôle d'agents
autonomes et la régulation des procédés complexes.
http://iridia.ulb.ac.be
INNOVATION
En direct
des labos
AÉRONAUTIQUE
FEDER IAWATHA
L
OPTIQUE
IMPRESSION 3D
Reservoir computing PAI MicroMAST
L
e service OPERA-Photonique et le LIQ
(Laboratoire d’Information Quantique,
ULB), en collaboration avec le Photonics
Research Group (UGent), a publié dans
Optica ses résultats de recherche sur
un processeur optique analogique dont
l’architecture est basée sur une structure
particulière de réseau de neurones, appelée
«reservoir computer». Les performances
de ce dispositif, réalisé à l’aide d’une
cavité optique fibrée fonctionnant en
régime transitoire, sont l’état de l’art pour
toutes les tâches de référence testées:
reconnaissance vocale, prédiction de séries
temporelles, égalisation d’un canal radiofréquence multitrajet non linéaire... Ces
résultats ouvrent la voie à la conception
de processeurs analogiques tout optique
ultra-rapides.
Q. Vinckier et al., «High-performance photonic
reservoir computer based on a coherently driven
passive cavity», Optica 2, 438-446 (2015).
Contacts: Quentin Vinckier, Pr Marc Haelterman et
Serge Massar.
G
râce à leurs collaborations avec
Tristan Gilet (ULg) et Joël De Coninck
(UMONS) dans le réseau PAI MicroMAST
(Microfluidique et micromanipulation,
applications multi-échelles de la tension
de surface), Pierre Lambert (BEAMS), Pierre
Colinet et Benoit Scheid (TIPS) ont obtenu
un financement GEQ grand équipement
du FNRS qui, complété par un crédit
ULB, leur a permis d’acquérir la machine
Nanoscribe GT Photonics (écriture de
motifs 3D en résine; résolution: 200 nm
en 3D et 160 nm en 2D, sur des volumes
jusqu’à 100 mm x 100 mm x 1 mm). Les
applications relèvent de la photonique, de
la biologie cellulaire, de la microfluidique,
de l’optique, du biomimétisme et de la
micromécanique. La machine permettra
d’étudier la mouillabilité des surfaces
microtexturées, ainsi que de construire
des structures adhésives bio-inspirées
(plantes, insectes…).
Contacts: Pr Pierre Lambert, Pierre Colinet
et Benoit Scheid.
a fabrication additive, ou encore
impression 3D, ouvre des perspectives
a priori infinies en termes de géométrie
de pièces. En aéronautique, elle permet
d’envisager des structures optimisées
en termes de rigidité ou encore de
résistance à l’impact. Les structures de
type «lattices» sont à cet égard des
«motifs» très prometteurs. Dans le cadre
du portefeuille FEDER IAWATHA, les
services BATir et 4MAT sont promoteurs
d’un projet visant à caractériser et à
modéliser le comportement mécanique
de ce type de structures. Ce sujet alliera
les compétences des deux services et
sera mené en partenariat avec l’IMAP
de l’UCL, le SIRRIS et le CENAERO.
La recherche visera à mettre en lumière
les liens entre les paramètres techniques
de l’impression, la santé métallurgique
des pièces et leurs propriétés
mécaniques. Un effort important
sera aussi dévolu à la mise sur pied
d’outils numériques innovants, afin de
modéliser le comportement mécanique
de ces structures complexes lors de
sollicitations qui ne le sont pas moins
(impact, crash).
Contacts: Pr Stéphane Godet et Thierry J. Massart.
ÉNERGIE
Projet SmartWater
L’
intégration d’énergies renouvelables dans le réseau
électrique nécessite des solutions de stockage. Les
centrales de stockage par pompage/turbinage (comme celle
de Coo) répondent partiellement à cette problématique. Ces
centrales pompent et turbinent de l’eau via deux bassins
séparés d’une hauteur suffisante pour produire ou consommer
de l’électricité selon la demande. Le projet SmartWater, auquel
participe le service Aéro-Thermo-Mécanique, étudie le potentiel
de ces centrales qui utiliseraient des mines et des carrières
comme bassins. Le service se concentre sur l’aspect technicoéconomique de ces installations et l’analyse de nouvelles
technologies de pompage/turbinage. En parallèle, un site pilote
de 45 kW, instrumenté et connecté au réseau, sera construit
près de Tournai, afin de vérifier les modèles développés.
Contacts: J. Steimes, A. Morabito et Pr P. Hendrick.
13
PORTRAITS CROISÉS
Hugues Henry
Frédéric Raevens
Sophie Van Eck et Catherine De Wolf
Honneurs
aux dames
2 CHERCHEUSES, 2 UNIVERS
SOPHIE VAN ECK
CATHERINE DE WOLF
Née à Bruxelles en 1971 / Ingénieur civil Physicien (ULB,
1995), Doctorat en Faculté des Sciences, département
Physique (ULB, 1999), Post-doctorat à l’European Southern
Observatory (ESO, 2000), Post-doctorat FNRS (2003)
/ Depuis 2003, chercheuse qualifiée FNRS à l’ULB
Née à Bruxelles en 1989 / Ingénieur civil Architecte Bruface
(VUB/ULB, 2012), Master of Science in Building Technology
(MIT, 2014) / Expériences professionnelles chez Arup, Ney
& Partners et Modulo Architects (2010-2014) / Depuis 2014,
doctorante en Building Technology au MIT
L’une a la tête dans les étoiles, l’autre les pieds ancrés dans les fondations. La première
est publiée par «Nature», la seconde primée MIT Innovators under 35. En quoi cette
reconnaissance est-elle importante quand on est ingénieur (et femme)?
?: VOS TRAVAUX RÉCOMPENSÉS, C’EST UN PEU LA TERRE, POUR VOUS
CATHERINE, ET LE FEU, POUR VOUS SOPHIE. PRÉSENTEZ-LES NOUS EN
QUELQUES MOTS.
Catherine De Wolf: «Beaucoup de recherches ont été menées ces
15 dernières années sur la réduction de l’énergie consommée
par les bâtiments au cours de leur utilisation (chauffage, éclairage, ventilation, etc.). Mon travail, récompensé en mai par
un prix MIT Innovators under 35, se situe en amont: comment éviter les émissions de CO2 de la construction et choisir
des matériaux naturels dès le design en bureau d’architecture?
C’est en travaillant sur le caractère durable d’un ouvrage, dès
les premières phases de sa conception, que nous obtiendrons
les meilleurs résultats. Cette réflexion peut également s’appliquer à la rénovation de bâtiments, afin d’éviter une démolition qui génère une quantité très importante de déchets.»
Sophie Van Eck: «Les éléments chimiques n’ont pas tous été
produits lors du Big-Bang, comme on le croit souvent. Quasi
tous les éléments plus lourds que l’hydrogène et l’hélium
– carbone, fer… jusqu’au plomb – sont fabriqués au cœur des
étoiles. Notre travail a consisté à comprendre comment se
déroule cette "nucléosynthèse". L’objet de la publication dans
"Nature", en janvier dernier, est l’étude des abondances: nous
mesurons la quantité d’éléments chimiques présents à la surface de certaines étoiles qui les fabriquent dans leur cœur avant
de les amener en surface. Là où, en archéologie, le carbone 14
est utilisé, nous avons eu recours à des marqueurs radioactifs,
tel que le technetium 99, pour dater certaines phases de la vie
des étoiles. Nous avons également pu mesurer la température
à laquelle s’était produite la nucléosynthèse.»
?: LA RECONNAISSANCE DONT VOUS BÉNÉFICIEZ POUR VOS TRAVAUX,
EST-ELLE ACCESSOIRE OU ESSENTIELLE?
S.V.E.: «C’est important! Et particulièrement dans la recherche:
nos résultats ne sont pas immédiats, ils sont le fruit du travail de toute une équipe (théoriciens, observateurs, etc.)
et du développement d’outils dont certains se révèlent
particulièrement fructueux. La publication dans "Nature"
récompense des années d’efforts.»
C.D.W.: «Le prix MIT Innovators under 35 vient tôt dans ma
carrière, je ne suis qu’au début de mon doctorat. Il m’aide
à me faire connaître, car je dois ouvrir de très nombreuses
portes en vue de récolter énormément de données: sur les
bâtiments, sur l’usage des matériaux, etc. Il me confère donc
une certaine légitimité auprès des bureaux d’ingénieurs et
d’architectes qui m’accordent une oreille attentive.»
?: VOUS VOUS ATTENDEZ DONC À DES RETOMBÉES DIRECTES À COURT ET
MOYEN TERMES.
C.D.W.: «Un prix attire l’attention. J’ai été invitée à Paris à donner un TEDx Talk (Technology, Entertainment and Design
Talk), une prise de parole de 10 à 18 minutes. Il m’a permis
de m’adresser à un public plus large, que j’ai notamment
pu sensibiliser au fait que même des architectes renommés, comme Frank Gehry, ne travaillent toujours pas dans
une optique de développement durable et de lutte contre
le changement climatique. Pouvoir exprimer mes idées,
c’est un premier pas vers mon objectif! Des investisseurs
et des bureaux me contactent également, qui se disent prêts
à investir dans mon projet pour en accélérer le développement. Je me sens déjà utile et je me dis que j’avance dans la
bonne direction (sourire).»
S.V.E.: «Sans vouloir être politiquement incorrecte, si nous
sommes heureux de la publication dans "Nature", pour
laquelle nous nous sommes battus, celle-ci ne doit pas
occulter nos autres recherches, scientifiquement tout aussi
valables, mais peut-être un peu moins faciles à diffuser
auprès du grand public. Nous espérons donc, après cet
éclairage apporté sur le travail de l’Institut d’Astronomie
et d’Astrophysique de l’ULB, pouvoir attirer l’attention sur
celles-ci. Par ailleurs, il ne faudrait pas oublier l’effet de
levier qu’apporte ce type de publication dans les rankings.
S’ils sont souvent – et à juste titre – contestés pour leurs
méthodes de classement, y apparaître en meilleure position
est toujours positif pour élargir la reconnaissance de nos
travaux.»
?: ÊTRE RECONNUE EN TANT QU’INGÉNIEUR, C’EST BIEN, ET EN TANT QUE
FEMME, N’EST-CE PAS MIEUX ENCORE?
S.V.E.: «Je pense que c’est la société qui doit véritablement changer sa vision du scientifique, qui n’a pas forcément le
physique d’Hippolyte Calys dans "L’Étoile mystérieuse"
(rires)! Au sein de la communauté scientifique, le fait
que je sois une femme n’a jamais été un handicap. Et les
choses bougent: je salue par exemple l’initiative du FNRS
qui offre aux femmes qui ont un enfant de postposer d’une
année l’âge limite auquel elles peuvent postuler à certaines
positions. Car, même si nous avons beaucoup de liberté
dans la recherche, cela prend du temps d’avoir une famille.
Cette mesure du FNRS permet justement aux femmes
d’être moins pénalisées en cas de maternité.»
C.D.W.: «Si les études d’ingénieur civil attirent encore une
majorité d’hommes, le milieu académique en prend lui
aussi conscience. Aux États-Unis, le MIT, que je commence à bien connaître, propose des cours dans les écoles
de niveau secondaire en vue d’attirer les filles vers les
études d’ingénieur.»
Sophie Van Eck: astro.ulb.ac.be
Catherine De Wolf: www.innovatorsunder35.com
15
PROJETS
Hugues Henry
Frédéric Raevens
Polytech F.E.M.
Drôles de dames?
Elles ne souhaitent pas décliner le mot «ingénieur» avec un «e» final.
Elles n’envisagent pas faire carrière sans «eux». Mais alors? Quand nos Alumni au
féminin appellent à l’union sous la bannière de Polytech F.E.M., de quoi causent-elles?
T
rois générations, trois styles, trois regards… Elles nous
font face au local Alumni de l’École pour témoigner en
tant qu’ingénieurs et femmes: Fabienne Bryskere, Administrateur délégué Multipharma, Orianne Bastin, tout juste diplômée
Ingénieur civil Mécanicien et Électricien, et Isabelle Hendrickx,
Product Director Tractebel Engineering. C’est, en quelque sorte,
à cause de cette dernière qu’elles se retrouvent autour d’une
même table en vue de nous exposer ici leurs points de vue…
FEMMES ET SCIENTIFIQUES
Isabelle Hendrickx, également Vice-Présidente du CA
d’École polytechnique de Bruxelles Alumni, est en effet à
l’origine d’un sous-groupe de notre association de diplômés,
apparu en début d’année: Polytech F.E.M. (Female Engineers
in Motion). «Tout est parti d’une réflexion menée au sein
de la Commission "Femmes et Entreprises" du Conseil des
Femmes Francophones de Belgique (CFFB): il existe beaucoup de réseaux de femmes mais ce sont toujours les mêmes
sujets qui y sont abordés. Par exemple? L’organisation vie
professionnelle-vie privée, l’arrivée d’un bébé, la garde partagée des enfants, etc. Des questions un peu "bateau". Est-ce
encore ce que les femmes ont envie d’entendre aujourd’hui
quand elles rejoignent ce type d’association?», s’interroge-telle. La réponse est dans la question: «L’objectif, en créant
Polytech F.E.M., est d’aborder des préoccupations plus
proches de la vie d’une ingénieur et de pouvoir l’accompagner, notamment grâce à certains outils, dans le développement de sa carrière. Notre réseau rassemble des femmes avec
un même bagage scientifique ou d’études, ce qui nous permet
certainement d’être plus pertinentes». D’autant que la Commission «Femmes et Entreprises» du CFFB constate aussi le
manque récurrent de femmes occupant des postes de management. «Parce qu’il en faut qui suivent des études qui mènent
INGÉNIEURS CIVILS ET DE GESTION : L’UNION FAIT LA FEMME
olytech F.E.M. est un sous-groupe, au féminin, d’École
P
polytechnique de Bruxelles Alumni.
C
e réseau organise ses activités conjointement avec le Women
Network de SolvaySchoolsAlumni (qui englobe ingénieurs de
gestion et MBA).
«
Build your elevator’s speech» (avril 2015) était le premier
événement, mêlant théorie et pratique, organisé par les deux
associations.
au management!» Polytech F.E.M. s’est ainsi liée au Women
Network de SolvaySchoolsAlumni, association sœur d’ingénieurs commerciaux, avec laquelle elle organise des activités
communes (voir notre encadré).
FRILOSITÉ POLYTECHNICIENNE?
?: U NE QUESTION QUI N’EST PAS BATEAU: COMMENT ENCOURAGER PLUS DE
FEMMES À POURSUIVRE DES ÉTUDES D’INGÉNIEUR CIVIL?
Isabelle Hendrickx: «Il y en a toujours peu et je ne vous cacherai pas
que le dynamisme féminin est moindre à l’École: à notre premier événement conjoint avec la SBS-EM, nous avons rassemblé une centaine de femmes, dont 85% venant de Solvay…
Certaines de mes consœurs m’ont même avoué qu’elles comprennent mal les enjeux et l’utilité de la création de Polytech
F.E.M., arguant qu’elles ont toujours travaillé avec des hommes
sans que cela ne pose de problème. Je comprends leur point
de vue bien sûr! Notre idée première est de créer une nouvelle
communauté à laquelle nous apportons des outils professionnels pour gérer sa carrière, une communauté qui collabore,
dont les membres apprennent à se connaître, s’entraident…
Pourquoi pas les femmes ingénieurs?»
Fabienne Bryskere: «Ce dont je me rends compte, c’est que les
femmes s’investissent naturellement beaucoup moins dans le
networking que les hommes. Nous retombons donc sur une
même problématique: la femme, en général, a une deuxième
vie une fois qu’elle a fini de travailler et est moins portée vers
le networking. Un réseau comme le nôtre peut les ouvrir à
cette idée, les stimuler, les aider à bien choisir leur networking.
La difficulté, je pense, est de savoir où investir ses efforts.»
I.H.: «Polytech F.E.M. peut aider les femmes à prendre un peu
de recul, à se poser les bonnes questions sur leur carrière, à voir
les possibilités qui s’offrent à elles, à identifier les compétences
à acquérir en vue d’occuper une position qu’elles briguent, etc.
C’est pourquoi nous allons organiser des sessions de mentoring,
et pourquoi pas, à terme, avec des hommes comme mentors?»
No I don’t have a cultural bias, not me!» (juin 2015) lui a
«
succédé, dédié aux différences et aux biais culturels.
?: J E VOUS RETOURNE LA QUESTION: COMMENT AVEZ-VOUS ÉTÉ AMENÉES À
POURSUIVRE DES ÉTUDES RÉPUTÉES TRÈS MASCULINES?
L e prochain événement, consacré aux «Role models», se tiendra
le 9 octobre prochain et aura pour invités les marraines des
associations: Fabienne Bryskere pour Polytech F.EM. et Dominique
Leroy pour le Women Network de SolvaySchoolsAlumni.
Orianne Bastin: «Le fait que cela soit polyvalent. J’étais attirée
par les études scientifiques mais avec mon bagage de secondaires il était difficile d’embrayer vers les sciences pures: physique, chimie ou math. Le fait que les femmes soient minoritaires à l’École n’a pas influencé mon choix et ne m’a pas
dérangée ensuite! Je n’ai pas été écrasée et j’ai activement participé à la vie du CP.»
Vendredi 9 octobre, 18h30:
«Role Model: Myth or Reality?». Solbosch, SBS-EM Building.
SUITE EN PAGE 18
17
QUI SONT-ELLES?
ISABELLE HENDRICKX
ICPHYS 1999
P
roduct Director Tractebel Engineering
V
ice-Présidente du CA École
polytechnique de Bruxelles Alumni
M
ariée (à un ingénieur); 2 garçons
de 9 et 11 ans
I.H.: «Lorsque j’ai annoncé vouloir faire Polytech, les réactions
n’étaient pas toutes positives. Mon professeur de latin, qui
me poussait à faire Philosophie et Lettres, m’a répondu que
j’allais entrer en religion; il ne connaît pas bien l’École!
Mon grand-père, lui, m’a déclaré: «Tu ne peux pas, tu es une
fille. Quand j’ai fait Polytech, il n’y avait qu’une fille et ce
n’était pas ma préférée!» (rires) Je me suis dit que ce n’était
pas gagné… Or ces études s’avèrent diversifiées et passionnantes, et elles vous ouvrent toutes les portes.»
F.B.: «Ma mère m’a dit: "Es-tu certaine que tu ne veux pas faire
un bon secrétariat?" (rires) Plus sérieusement, nous sommes portées par notre choix sans même nous poser la question hommefemme. Même si cette dernière a peut-être été bloquante pour
rentrer dans des fonctions opérationnelles. Mais peut-être étaitce lié plus à mon caractère qu’au fait d’être femme?»
JOLIE SUR LA PHOTO
?: U NE CARRIÈRE OPÉRATIONNELLE DANS L’INDUSTRIE, EST-CE SUR VOTRE
FEUILLE DE ROUTE, ORIANNE?
O.B.: «Je démarre une thèse avec assistanat pour 6 ans, cela me
semble encore loin… Mais le projet qu’on me propose peut
déboucher sur des applications très concrètes et donner lieu à
la création d’une spin-off. Il pourrait m’ouvrir plus de portes
dans l’industrie qu’un sujet de recherche fondamentale. Le fait
de devenir une "femme d’affaires", comme on dit, ne m’effraie
pas, même si je suppose que je pourrais être confrontée à des
petites blagues et réflexions sexistes. On fait aussi des blagues
sur le fait que les gens sont blonds, à lunettes, etc. Ce n’est pas
un problème. Mais il est trop tôt pour savoir où je serai dans
dix ans.»
I.H.: «Dans un monde d’hommes, quand une femme apparaît
pour gérer une réunion, vous vous sentez toujours observée…
Lors de l’un de mes premiers séminaires en comité de direction, un collègue me lance: "C’est bien d’avoir une femme,
comme cela, nous avons au moins un joli petit tailleur à table".
J’enrageais. Je n’étais pas là pour faire joli sur la photo!»
F.B.: «Je pense que, souvent, les hommes n’aiment pas affronter
les problèmes humains de front. Dans les comités de direction où il n’y a pas de femme, ou très peu, si nous laissons
parler ces messieurs, ils s’éterniseront en joutes verbales pour
finalement ne rien décider du tout. Au bout d’un moment, en
tant que femme, nous finissons par réagir: "Les gars, ça va? Il
faudrait vous décider maintenant!"» (rires)
18
FABIENNE BRYSKERE
ICC 1987
dministrateur délégué Multipharma
A
Marraine de Polytech F.E.M.
Mariée (à un ingénieur); 2 filles de 17 et 20 ans
ORIANNE BASTIN
ICMA 2015
ssistant du cours de Mécanique rationnelle, avec un
A
projet de recherche au BEAMS (domaine biomédical)
Célibataire
AU DIABLE LES CLICHÉS
?: VOUS SERIEZ DONC DES DÉCIDEUSES NÉES?
I.H.: «Ce n’est pas aussi tranché! Ce peut aussi être une question
de caractère. Mais nous sommes également sous l’emprise de
clichés, ceux qui feront que notre premier réflexe sera d’être
une bonne mère avant, éventuellement, d’être une bonne professionnelle. Il faut pouvoir les transcender. Lorsque j’avais
accepté un poste de chef de section, alors que mon plus jeune
avait deux ans, tout le monde s’est inquiété de savoir comment
j’allais m’organiser avec lui. Personne ne m’a demandé comment je me débrouillais avec une équipe de x collaborateurs…»
F.B.: «En fait, le modèle social pousse l’homme à se dépasser,
au point parfois d’accéder à un poste dont il n’a pas envie, ou
pour lequel il est éventuellement moins compétent, face à une
femme peut-être mieux armée mais qui reste en retrait. Nous
devons développer une confiance en nous qui surpasse ces clichés et nous pousse à se surpasser soi-même.»
I.H.: «Tout comme Fabienne, quand je suis arrivée dans le comité
de direction, j’ai été frappée par le fait qu’ils pouvaient discuter
des heures durant sans prendre de décision et sans même s’exprimer clairement sur leur adhésion, ou pas, à un projet. Quelle
était l’utilité d’un comité de direction avec un tel modus operandi? J’ai donc aussitôt mis les pieds dans le plat, parfois avec
un peu d’humour, parfois en poussant les voix dissonantes à
s’exprimer… Finalement, l’ambiance a complètement changé!
Les hommes ont reconnu que le fait d’avoir un débat plus
ouvert est un plus: nous pouvons nous engueuler, sans soucis,
et désormais lever la séance avec une position commune qui a
été challengée et que tout le monde défendra.»
F.B.: «Quelque part, les femmes ont plus de "guts" que les hommes.
Je ne sais pas comment traduire cela poliment.» (rires)
www.polytechniquebruxelles.be / alumni.polytechniquebruxelles.be
ECOLE
POLYTECHNIQUE
DE BRUXELLES
Votre
cerveau
mérite
une
nouvelle
boîte
DEVENEZ INGÉNIEUR À LA STIB.
À la STIB, faire du surplace, c’est faire marche
arrière. Voilà pourquoi nous avons besoin
d’ingénieux ingénieurs comme vous pour rester sur
la bonne voie. Des personnes capables d’imaginer
aujourd’hui nos véhicules de demain. Vous sentezvous prêt à faire avancer la STIB ? C’est quand
même la vocation d’une société de transport, non ?
Vous correspondez au profil si :
• Vous êtes ingénieur civil ou industriel
• Vous avez de l’ambition
• Vous êtes bilingue FR/NL
• Vous êtes capable de gérer des projets
d’envergure
• Vous souhaitez participer à des projets
innovants
• Vous avez l’envie de faire avancer
Bruxelles
Nous offrons :
• Un job épanouissant et un environnement
de travail agréable
• De nombreuses possibilités d’évolution
• Un salaire intéressant
• Des avantages extralégaux dont
35 jours de congé
Surfez vite sur jobs.stib.be