Traitement hormonal substitutif : Controverse,
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Traitement hormonal substitutif : Controverse,
Po s t - m é n o p a u s e Traitement hormonal substitutif : Controverse, confusion et inquiétudes ` Mary Korytkowski Les femmes post-ménopausées atteintes de diabète peuvent profiter des effets bénéfiques des traitements hormonaux substitutifs au même titre que les femmes non atteintes de diabète. Cependant, ce groupe est également celui qui a le moins recours à ce type de thérapies. Ce phénomène provient en grande partie de la controverse scientifique au sujet des risques et des bienfaits de cette thérapie. >> Ménopause Dans la vie d'une femme, la ménopause correspond à la fin de la menstruation et de la fertilité. Durant la ménopause, et au-delà, le métabolisme de la femme produit moins d'œstrogène et de progestérone. Ces faibles taux hormonaux peuvent provoquer des bouffées de chaleur, des insomnies et la sécheresse vaginale.Après de nombreuses années de faibles taux d'œstrogène, la femme devient plus exposée à des risques de santé majeurs, notamment les maladies cardiaques, l'accident vasculaire cérébral (les principales causes de décès chez les femmes âgées de plus de 50 ans) et l'ostéoporose (perte progressive de la masse osseuse). Octobre 2002 Volume 47 Numéro spécial Traitements hormonaux substitutifs Des hormones peuvent être prescrites en vue de réduire les symptômes de la ménopause et protéger les patientes contre les risques de maladies cardiaques, d'accidents vasculaires cérébraux et d'ostéoporose. Les docteurs prescrivent en général un mélange d'œstrogène et de progestine (une forme synthétique de la progestérone). Le traitement hormonal substitutif (THS) utilise ce mélange œstrogène/progestérone. On parle de thérapie de remplacement à l'œstrogène (TRO) lorsque le traitement consiste à 46 administrer de l'œstrogène non combiné à la progestine. L'utilisation de THS et de TRO chez les femmes atteintes de diabète Selon une enquête menée auprès de plus de 14.000 femmes, seulement 15% de celles atteintes de diabète ont signalé recourir ou avoir recouru à un traitement hormonal substitutif. L'inquiétude exprimée par de nombreux prestataires de soins primaires, mais aussi par les femmes elles-mêmes, quant aux effets éventuellement négatifs de ce genre de thérapie, notamment une aggravation du contrôle glycémique, un gain de poids, une hausse de la tension artérielle et une augmentation du risque d'accident vasculaire cérébral et de maladie cardiovasculaire, pourrait expliquer ce faible taux d'utilisation. Il convient donc de tenir des propos plus rassurants car il a été démontré que la TRO et le THS administrés après la ménopause peuvent améliorer le contrôle glycémique et réduire l'obésité centrale, sans effets négatifs sur la tension artérielle, les maladies cardiovasculaires ou l'accident vasculaire cérébral. Po s t - m é n o p a u s e Contrôle glycémique L'effet négatif de la TRO ou du THS sur le contrôle glycémique n'a pas été démontré. En fait, les données dont nous disposons laissent supposer un effet potentiellement bénéfique. Plusieurs études ont mis en évidence une baisse de la glycémie et de l'HbA1c (voir page 12) lors de l'utilisation de la TRO et de la THS auprès de femmes atteintes de diabète ou d'une tolérance abaissée au glucose (voir page 20). Par exemple, dans un test opposant l'utilisation de la TRO à un placebo chez 25 femmes obèses postménopausées atteintes de diabète de type 2, on remarqua des réductions significatives des taux glycémiques et de l'HbA1c au bout de 8 semaines de TRO. Gain de poids La TRO et le THS ne semblent pas susciter un gain de poids chez les femmes post-ménopausées et peuvent en effet être associés à une réduction de la tendance à l'obésité centrale, caractéristique du vieillissement. Lors de tests Post-menopausal Estrogen/Progestin Intervention, PEPI (intervention oestrogène/progestine après le début de la ménopause), par exemple, les femmes qui suivirent une TRO et un THS gagnèrent 1 kilo en moins, 1,2 cm de tour de taille en moins et 0,3 cm en moins aux hanches durant leur prise de poids, par rapport à celles qui reçurent un placebo. vis du risque vasculaire cérébral chez les femmes ayant des antécédents. Maladie cardiovasculaire Lorsque l'on prescrit une TRO et un THS aux femmes atteintes de diabète, la maladie cardiovasculaire (MCV) constitue sans doute le problème de santé le plus important et le plus épineux. En effet, on observe chez ces femmes une augmentation du risque de MCV. Si les hommes atteints de diabète sont deux fois plus prédisposés aux accidents cardiovasculaires, cette prédisposition est au moins cinq fois plus importante chez les femmes atteintes de cette condition. Cette différence liée au sexe reste inexpliquée. Cependant, une combinaison de facteurs serait probablement à l'origine de cette discrimination, notamment les variations du contrôle glycémique survenant tout au long de la vie d'une femme en raison des fluctuations hormonales associées au début de la menstruation durant la puberté, la menstruation, la grossesse et la ménopause. Comme cette augmentation du risque s'observe chez les femmes tant avant la ménopause qu'après celle-ci, la résistance aux effets cardio-protecteurs de l'œstrogène chez la femme atteinte de diabète fut avancée comme étant un facteur de risque possible (voir l'article à la page 37). Hypertension et accident vasculaire cérébral Les arguments contre le THS La TRO et le THS peuvent également stopper l'augmentation progressive de la tension systolique chez les femmes au fil des ans. Si une étude épidémiologique a observé l'effet protecteur de la TRO ou du THS dans le cas de l'accident vasculaire cérébral, un rapport plus récent n'a décelé aucun effet protecteur ou adverse de ces deux traitements vis-à- Les résultats de l'étude HERS, Heart and Estrogen/ Progestin Replacement Study (étude sur le remplacement hormonal œstrogène / progestine) dans le cas de femmes atteintes de diabète sont venus nourrir la controverse. Durant cette étude, de nombreux accidents vasculaires furent observés au cours de la première année de la thérapie 47 hormonale de substitution chez les femmes âgées en moyenne d'environ 67 ans et ayant une MCV déjà établie. En outre, comme le diabète est depuis peu décrit le fait que une condition présentant un risque cardiovasculaire égal à celui rencontré chez une personne atteinte d'une affection coronaire établie (maladie touchant le cœur et la circulation coronaire) a encore plus tempéré l'enthousiasme des médecins et des femmes face à la TRO et au THS. Il est important de constater que la majorité des femmes atteintes de diabète qui envisagent une TRO ou un THS après le début la ménopause sont sensiblement plus jeunes que les participantes de l'étude HERS. Les données prélevées auprès de femmes qui n'ont pas sécrété d'œstrogène depuis plus de 10-15 ans ne s'appliquent pas aux sujets plus jeunes au premier stade de la ménopause. Aucun effet sur les MCV ? Herrington et al ont tenté de déterminer l'impact de la TRO et du THS en comparaison avec un placebo chez 309 femmes atteintes d'une maladie coronarienne sur une période de plus de trois ans. Dans ce groupe, 86 femmes étaient atteintes de diabète. Ni la TRO ni le THS n'ont affecté la progression de l'athérosclérose coronarienne (durcissement et épaississement des artères) dans le groupe en général, ou de manière spécifique chez les femmes atteintes de diabète. Les arguments en faveur du THS Lors d'un test plus récent mené auprès de plus de 14.000 femmes admises dans un hôpital participant au National Registry of Myocardial Infarction-3 (Registre national de l'infarctus du myocarde-3), l'utilisation de la TRO et du THS entraîna une amélioration des taux de survie après une crise cardiaque à tous les âges et même Octobre 2002 Volume 47 Numéro spécial Po s t - m é n o p a u s e chez les femmes âgées de plus de 85 ans.Vingt-cinq pour cent des femmes qui utilisaient l'œstrogène avaient un diabète diagnostiqué, en comparaison avec 35 % de non-utilisatrices.Aucune analyse n'a été menée en parallèle pour les femmes atteintes de diabète dans ce rapport. EPAT, Estrogen in the Prevention of Atherosclerosis Trial (test de l'œstrogène dans la prévention de l'athérosclérose) fut le premier test contrôlé randomisé en vue de déterminer l'efficacité de l'œstrogène dans l'arrêt de la progression de l'athérosclérose chez les femmes ne présentant pas de troubles cardiaques. Les participantes du test EPAT débutèrent la thérapie de remplacement à l'œstrogène à un âge moins avancé que celles des tests précédents (environ 10 ans plus jeunes que dans l'étude HERS). Les femmes post-ménopausées en bonne santé présentant un taux de cholestérol LDL supérieur à 130 mg/dl (3.4 mmol/l) et suivant de manière randomisée la thérapie de remplacement à l'œstrogène montrèrent un ralentissement du taux de progression de l'athérosclérose sur une période de deux ans, en comparaison avec un groupe utilisant un placebo de manière randomisée. Les auteurs laissèrent entendre que la TRO pouvait être plus efficace dans la prévention que dans le traitement de la maladie coronarienne établie et qu'une intervention précoce au début de la ménopause pouvait s'avérer nécessaire pour obtenir un effet protecteur. Les lipides Même si l'usage de la TRO et du THS en tant qu'agent hypolipémiant n'est pas recommandé, on a observé des effets bénéfiques sur les lipides sanguins, des réductions du taux de cholestérol en général et du cholestérol LDL en particulier ainsi que des augmentations du taux de cholestérol HDL chez les femmes atteintes de diabète ou non. Cependant, la thérapie de remplacement à l'œstrogène va également de pair avec une augmentation des taux de triglycérides. Le contrôle des taux lipidiques avant et après la thérapie hormonale est donc très important. Les femmes présentant des taux de triglycérides élevés devraient être traitées au départ au moyen de médicaments hypolipémiant avant de recevoir de l'œstrogène. Glossaire Le cholestérol est transporté dans le flux sanguin par les lipoprotéines. Il entre dans le sang au moyen d'une lipoprotéine de très faible densité (VLDL). Celle-ci fournit les graisses (triglycérides) dans les endroits du métabolisme qui en ont besoin. Le résidu de ce processus est très riche en cholestérol et porte le nom de lipoprotéine de faible densité (LDL). Ce cholestérol LDL ('mauvais cholestérol') peut s'accumuler dans le sang, se déposer sur les parois des artères et provoquer un rétrécissement de ces dernières. D'autre part, la lipoprotéine "haute densité" (HDL), ou 'bon cholestérol', ramène le cholestérol en toute sécurité vers le foie. Octobre 2002 Volume 47 Numéro spécial 48 Une étude prudente Au début de la ménopause, les femmes atteintes de diabète connaissent des modifications physiologiques et métaboliques similaires à celles des femmes non atteintes de diabète. Par conséquent, il convient de formuler à leur égard les mêmes indications et les mêmes contre-indications liées à l'usage de la TRO et du THS dès le début de la ménopause. S'il est important de leur faire comprendre qu'elles courent davantage le risque de développer une MCV, nous ne disposons à l'heure actuelle d'aucune preuve nous permettant de déconseiller ce genre de thérapie en présence de diabète. La décision dépendra de l'individu et nécessite une discussion et une étude minutieuses des bienfaits et des risques potentiels tels qu'ils sont connus actuellement. ` Mary Korytkowski Mary Korytkowski est professeur associé de Médecine à l'Université de Pittsburgh aux Etats-Unis et Directrice médicale du Centre d'Endocrinologie et de Diabète au Centre médical universitaire. Lectures conseillées Herrington D, et al. Effects of estrogen replacement on the progression of coronary-artery atherosclerosis. N Engl J Med 2000;343:522-528. Keating NL, et al. Use of hormone replacement therapy by postmenopausal women in the United States. Ann Int Med 1999;130:545-553. Robinson JG, et al. Can postmenopausal hormone replacement improve plasma lipids in women with diabetes? Diabetes Care 1996;19:480-485.