« En comparaison avec d`autres handicaps, le handicap visuel est le
Transcription
« En comparaison avec d`autres handicaps, le handicap visuel est le
« En comparaison avec d'autres handicaps, le handicap visuel est le moins lourd à vivre... » C’est en tous cas l'avis d’Hervé : rencontre… Nous avions rendez vous à 14h30 dans la petite salle de réunion du CREESDEV. Ordinateur allumé, questionnaire déployé, je n'attendais plus que lui. Lui c'est Hervé atteint de rétinite pigmentaire. Il exerce son métier de kinésithérapeute au centre depuis maintenant 20 ans. Je lève le nez de mon ordinateur et tout à coup le voilà qui s'assied devant moi. Machinalement, je lui tends la main… Hervé m'explique l'origine de son retard. Il revient à l'instant de chez un opérateur téléphonique. "Depuis peu, dit-il, je suis équipé d'un téléphone portable avec, synthèse vocale, haut parleur, agenda, envoi de sms... un outil très perfectionné et adapté à mon handicap mais voilà, il est en panne. Chez X. j'ai été très bien reçu par le responsable du rayon, nous nous sommes isolés, il m'a fait asseoir, s'est adressé directement à moi et m'a semblé très concerné par mon handicap, mais voilà, pour résoudre mon problème il a dû téléphoner à un confrère et là l'accueil a été tout autre... A travers cet échange, par personne interposée, j'ai perçu l'épaisseur de la machine, froide, dénuée d'empathie... ces échanges m'ont énormément stressé ». Après cet épisode, Hervé accepte de raconter comment il s'organise pour vivre avec son handicap au quotidien... « Déjà, pour gagner en autonomie, je réside avec ma famille au centre ville. De là, je peux aisément prendre le bus (Hervé sort alors de sa poche un carton plastifié sur lequel les chiffres des lignes 24 et 7 sont inscrits). Les chauffeurs de bus sont habitués et comme je me déplace avec une canne blanche personne n'est surpris lorsque je brandis mon carton. Dans les magasins, j'ai mes habitudes, le personnel me connaît et me conseille. Pour les vêtements je vais toujours dans les mêmes boutiques et je privilégie les couleurs neutres. Il m'est quelquefois arrivé de me tromper, de mettre des chaussettes très voyantes ou de couleur différente. Même si j'aimerais, pourquoi pas, porter des vêtements plus fantaisie ou originaux, je refuse d'être ridicule ». Hervé est un homme de contact, habitué à être entouré et protégé. A l'école, il était placé au premier rang, plissait le front et déployait d'importants efforts pour distinguer les lettres et chiffres du tableau. Malgré sa maladie, connue de sa famille, il a suivi un cursus normal, sa famille étant dans le déni du handicap. Les autres élèves dans sa classe l'avaient quelque peu catalogué mais lui renvoyaient tout de même une image positive d'intégration. Il était « cocooné » selon ses propres mots. Et aujourd'hui au travail c'est pareil, les gens se dévouent énormément auprès de lui. Jusqu'à 26 ans donc, Hervé a vécu dans le déni du handicap, alors que maladie dont il souffre est évolutive. A présent, Hervé ne saurait pas se passer de la canne blanche et vit dans l'acceptation et l'adaptation. "Pour compenser mon handicap ditil, je suis attentif au moindre son et je considère qu’en comparaison avec d'autres handicaps, le handicap visuel est le moins lourd à vivre. Oui, c'est vrai nous sommes dans un monde visuel mais si l'on prend le temps et la peine de me décrire les choses qui m'entourent, je vis presque normalement. L'an passé l'A.G.E.F.I.P.H. m'a installé un ordinateur et prodigué une solide formation. Je suis très attaché à cet outil qui est un gage d'ouverture sur le monde grâce à Internet. L'autre jour, Arthur, mon fils de 11 ans avait une question de grammaire. Je suis allé lui chercher sur Internet la réponse la plus adéquate. Et voilà, le problème d'Arthur était réglé. Sur le plan domestique, j'essaie de résoudre les problèmes qui se posent les uns après les autres, mais en ce qui concerne mon fils les questions "pourquoi tu vois pas" sont parfois assez pesantes. Les envies d’Arthur ne sont pas toujours évidentes à satisfaire dans "l'équité domestique". Par exemple, depuis peu, Arthur souhaite suivre des cours de hand ball, les entraînements ont lieu le soir dans des gymnases en périphérie de la ville. Dans l'absolu, ce n'est pas à mon épouse d'assumer à chaque fois les déplacements pour l'accompagner. C'est vrai, ma famille s'est adaptée à mon handicap. Mais ce n’est pas aussi simple que ce que l’on peut croire de l’extérieur, car cela oblige l’environnement familial à davantage de charges et cela implique d'y trouver son compte". En ce qui concerne son métier de kinésithérapeute, Hervé l'exerce avec beaucoup de conviction. "J'ai toujours voulu faire ce métier qui autrefois était réservé à une certaine élite. Aujourd'hui après 20 ans d'expérience, mes mains sont transformées, j'ai les mains du métier dit-il fièrement. Lorsque je pratique la kinésithérapie j'oublie que je suis handicapé, je suis avant tout un professionnel comme les autres. Kiné, c'est un métier qui gâte les déficients visuels" - affirme Hervé !... FMB