Dossiers de presse - Theatre

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Dossiers de presse - Theatre
FesTivAl
D’AuTomne
à pAris
13 septembre – 12 janvier | 42e édition
Dossier De presse
THeATre
Service de presse : Christine Delterme, Carole Willemot
Assistante : Chloé Cartonnet
Tél : 01 53 45 17 13 | Fax : 01 53 45 17 01
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Festival d’Automne à Paris | 156, rue de Rivoli – 75001 Paris
Renseignements et réservations : 01 53 45 17 17 | www.festival-automne.com
ThéâTre
Quarante lieux à Paris et en Île-de-France sont associés à cette nouvelle édition du Festival dont le programme 2013
affiche près de soixante événements. C’est dans un jardin que débute ce prochain automne ; celui du Muséum national d’Histoire naturelle, où Jennifer Allora et Guillermo Calzadilla provoquent l’improbable rencontre d’un
homme sifflant l’éphémère actualité du monde sur le dos d’un hippopotame impassible et révèlent dans leurs films
l’archéologie sonore des formes. Une inscription paradoxale dans le temps qui nous est chère puisque le Festival
n’a jamais envisagé le présent qu’en résonance avec l’histoire et la mémoire dans sa capacité à inventer d’autres demains. Nomade par essence, mais cette année plus que jamais fédérateur, le Festival réunit autour des projets qu’il
défend un nombre croissant de partenaires qui partagent un même goût de la création et de l’ouverture au monde.
Les trois parcours principaux que nous avons imaginés cette année s’inscrivent dans cet esprit :
Un nouveau « Portrait » – dans la continuité de celui de 2012 avec Maguy Marin – est consacré à Robert Wilson. Il
célèbre une histoire commune et rare débutée en 1972. L’ultime reprise de l’opéra mythique Einstein on the Beach
au Théâtre du Châtelet, le Peter Pan féérique avec le Berliner Ensemble et la création de The Old Woman avec Willem
Dafoe et Mikhail Baryshnikov au Théâtre de la Ville, une série d’événements organisés par le Louvre dont Robert
Wilson est le grand invité.
Venus du KwaZulu-Natal, de Johannesbourg et du Cap, plus de cent-vingt artistes Sud-Africains présentent un programme ambitieux pour lequel sept lieux de Paris et d’Île-de-France se sont associés. Les Saisons Afrique du SudFrance lancées par l’Institut français et ses partenaires Sud-Africains sont pour nous une occasion d’explorer à
nouveau, et de manière plus large, la scène artistique de ce pays, sa diversité et l’énergie créatrice de ses artistes.
Musiques traditionnelles ou populaires – surprenantes sonorités de l’arc musical, émotion et joie communicatives
des grandes formations chorales des townships –, compositeurs et poètes-performeurs côtoient le théâtre de Brett
Bailey, la danse de Nelisiwe Xaba et Mamela Nyamza, et les dernières créations de Robyn Orlin et Steven Cohen.
Les arts plastiques sont représentés par Mikhael Subotzky et Mary Sibande.
Voilà plus de quinze ans que le Théâtre National du Bunraku n’était pas venu à Paris, et son retour, sous l’oeil du
photographe Hiroshi Sugimoto, augure d’un moment aussi rare que précieux. Le Festival permet également de voir
à la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent une exposition de pièces d’art ancien japonais et de photographies
inédites, toutes issues de la collection personnelle d’Hiroshi Sugimoto. Au Théâtre de Gennevilliers, à la Maison de
la culture du Japon et au Centre Pompidou, nous présentons Toshiki Okada avec deux de ses dernières créations et
Daisuke Miura pour la première fois en France. Ceci pérennise la relation de fraternité avec les artistes du Japon
lancée dès 1972. Nous retrouvons cette année plusieurs artistes avec lesquels nous avons construit une relation singulière et profonde. Ainsi de Christoph Marthaler, Krystian Lupa, Claude Régy, Trisha Brown, Anne Teresa De Keersmaeker, George Benjamin, Hugues Dufourt et Matthias Pintscher. Des « compagnons » plus récents : Joris Lacoste,
Romina Paula, Mariano Pensotti ou Lia Rodrigues. Une constellation de nouveaux venus : Philippe Quesne, Angélica
Liddell pour le théâtre, Rebecca Saunders et Lucia Ronchetti pour la musique, ainsi que Marcelo Evelin pour la
danse. Pour la première fois, le Théâtre du Soleil est notre invité, avec la troupe d’acteurs cambodgiens de L’Histoireterrible mais inachevée de Norodom Sihanouk.
Continuant d’élargir son territoire et tissant les liens entre Paris et l’Île-de-France, le Festival d’Automne s’associe
cette année au Centre Dramatique National de Montreuil, au Forum de Blanc-Mesnil, au Théâtre Louis Aragon de
Tremblay-en-France, à l’Onde de Vélizy, à l’Apostrophe de Cergy-Pontoise et à la Scène Watteau de Nogent-sur-Marne,
qui rejoignent l’ensemble des partenaires historiques. Avec le développement d’un ensemble d’initiatives en direction des publics, centré sur l’implication des artistes de toutes disciplines et de toutes origines, notre programme
devient aussi un instrument au service de la transmission et de l’éducation artistique, favorisant la rencontre avec
les oeuvres et la découverte des mondes étranges ou familiers de la création, pour un public aussi large que diversifié. Conviant maîtres et jeunes créateurs de tous les champs artistiques, de tous les continents, inventant de nouvelles circulations des artistes et du public dans un Paris élargi bien au-delà de ses frontières, le Festival d’Automne,
dans un temps plutôt enclin à la morosité et au repli, se doit plus que jamais de revendiquer l’ouverture. Le partage,
aussi, d’actes artitiques qui sont autant de manières de penser l’avenir, de susciter la rêverie du monde.
Le Festival d’Automne à Paris est subventionné par le Ministère de la Culture, la Mairie de Paris et la Région Île-deFrance. Il bénéficie par ailleurs du généreux soutien des Amis du Festival d’Automne que préside Pierre Bergé.
Sans eux, rien de cette singulière aventure ne pourrait être mené. Nous les remercions.
Emmanuel Demarcy-Mota
Directeur Général
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 2
sommaire
Gwenaël Morin / Antiteatre d’après Rainer Werner
Fassbinder
Théâtre de la Bastille
18 septembre au 13 octobre
Pages 5 à 10
Philippe Quesne / Vivarium Studio / Swamp Club
Théâtre de Gennevilliers – 7 au 17 novembre
Le Forum, scène conventionnée de Blanc-Mesnil
21 et 22 novembre
Pages 57 à 60
Christoph Marthaler / Letzte Tage. Ein Vorabend
Théâtre de la Ville
25 septembre au 2 octobre
Pages 11 à 16
**Brett Bailey / Third World Bunfight
House of the Holy Afro
Le CENTQUATRE
19 au 21 novembre
Pages 61 à 64
Krystian Lupa / Perturbation d’après le roman de Thomas
Bernhard
La Colline – théâtre national
27 septembre au 25 octobre
Pages 17 à 20
Encyclopédie de la parole / Parlement
Maison de la Poésie
2 au 12 octobre
Pages 21 à 28
Georges Bigot / Delphine Cottu
L’Histoire terrible mais inachevée de Norodom
Sihanouk, roi du Cambodge d’Hélène Cixous
Théâtre du Soleil
3 au 26 octobre
Pages 29 à 34
*Le Japon au festival d’Automne à Paris
Pages 35 à 36
*Toshiki Okada / Ground and Floor
Centre Pompidou
9 au 12 octobre
Pages 37 à 40
*Sugimoto Bunraku Sonezaki Shinjû –
Double suicide à Sonezaki
Hiroshi Sugimoto
Théâtre de la Ville
10 au 19 octobre
Pages 41 à 46
Angélica Liddell
Todo el cielo sobre la tierra. (El síndrome de Wendy)
Odéon - Théâtre de l’Europe
20 novembre au 1er décembre
Pages 65 à 68
Nicolas Bouchaud / Eric Didry / Un métier idéal
d’après le livre de John Berger et Jean Mohr
Théâtre du Rond-Point
21 novembre au 4 janvier
Pages 69 à 74
Mariano Pensotti / El Pasado es un animal grotesco
La Colline – théâtre national
4 au 8 décembre
Pages 75 à 80
*Daisuke Miura / Le Tourbillon de l’amour
Maison de la culture du Japon à Paris
5 au 7 décembre
Pages 81 à 84
Romina Paula / Fauna
Théâtre de la Bastille
6 au 21 décembre
Pages 85 à 88
Mariano Pensotti / Cineastas
Maison des Arts Créteil
11 au 14 décembre
Pages 75 à 80
*Toshiki Okada / Current Location
Théâtre de Gennevilliers
14 au 19 octobre
Pages 37 à 40
*le programme Japon
Encyclopédie de la parole / Suite n°1 « ABC »
Centre Pompidou – 16 au 20 octobre
Nouveau Théâtre de Montreuil / CDN – 19 au 23 novembre
Pages 21 à 28
Le programme Afrique du Sud ainsi que celui du Portrait
Robert Wilson font l’objet de dossiers de presse indépendants et téléchargeables sur le site du Festival d’Automne
à Paris
www.festival-automne.com
**le programme Afrique du Sud
Claude Régy / La Barque le soir de Tarjei Vesaas
Le CENTQUATRE
24 octobre au 24 novembre
Pages 47 à 52
Paroles d’acteurs / André Wilms
Casimir et Caroline d’Ödön von Horváth
Atelier de Paris - Carolyn Carlson
4 au 8 novembre
Pages 53 à 56
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 3
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 4
gwenaël morin
Antiteatre
d’après Rainer Werner Fassbinder
4 pièces : Anarchie en Bavière, Liberté à Brême,
Gouttes dans l’Océan, Le Village en flammes
Mise en scène, Gwenaël Morin
Assistante à la mise en scène, Elsa Rooke
Avec Renaud Béchet, Mélanie Bourgeois, Virginie Colemyn,
Kathleen Dol, Julian Eggerickx, Pierre Germain,
François Gorrissen, Barbara Jung, Ulysse Pujo,
Natalie Royer, Brahim Tekfa
FESTIVAL D’AUTOMNE à PARIS
THéâTRE DE LA BASTILLE
Mercredi 18 septembre au dimanche 13 octobre
Mercredi, jeudi et vendredi
21h : Diptyque Anarchie en Bavière et Liberté à Brême
16€ à 26€
Abonnement 14€ et 18€
Samedi 17h
Anarchie en Bavière, Liberté à Brême,
Gouttes dans l’Océan, Le Village en flammes
35€ à 45€
Abonnement 33€ et 37€
L’antiteatre théorisé et mis en pratique par R.W. Fassbinder
à la fin des années 1960 procède au démontage méthodique
de tous les repères politiques, psychologiques ou moraux.
Plongé dans le climat explosif de l’ Allemagne d’aprèsguerre, Fassbinder écrit, pense, filme, joue. Absorbant les
chocs et les contradictions, il tend à la RFA du « miracle
économique » le miroir déformant de sa brutalité. Comment
réactiver quelque chose de cette urgence et de ce corps
à corps avec son époque – redonner à ces textes leur
« charge » ? Dans une société libérale privée d’utopie, quels
spectres continuent d’agir sur les représentations, les rapports sociaux et intimes ? à travers quatre pièces, qui
balaient tout l’éventail des problèmatiques traitées par
Fassbinder, Gwenaël Morin revisite cette matière tumultueuse qui s’apparente pour lui à une « archéologie de la
violence ». Chacun de ces textes raconte des utopies qui
tournent mal : des histoires de dépendance, de désir et
de mort, où rire et désespoir, mécanismes d’aliénation et
d’émancipation sont intimement liés – où victimes et
bourreaux ne cessent d’échanger leurs rôles. Après l’entreprise du Théâtre permanent, menée pendant un an aux
Laboratoires d’Aubervilliers – où sa compagnie jouait, répétait et transmettait en continu –, Gwenaël Morin revendique
avec Antiteatre la même logique de traversée intensive
d’une œuvre : laisser la langue parcourir les corps comme
un courant électrique, et proposer un « précipité » théâtral
épuré, produit dans l’urgence, sans décor ni costumes.
Qu’il aborde des auteurs classiques ou contemporains,
c’est toujours à la recherche du potentiel perturbateur « où
le spectateur puisse investir sa propre imagination ».
Dimanche 15h : Gouttes dans l’Océan
14€ à 24€
Abonnement 12€ et 16€
Production Théâtre du Point du Jour/Compagnie Gwenaël Morin
Coréalisation Théâtre de la Bastille (Paris) ;
Festival d’Automne à Paris
Avec le soutien du DIESE # Rhône-Alpes
Le Théâtre du Point du Jour est conventionné par le ministère
de la Culture et de la Communication
DRAC Rhône-Alpes, la région Rhône-Alpes et la Ville de Lyon.
L’Arche est éditeur et agent théâtral du texte représenté
(www.arche-editeur.com).
Contacts presse :
Festival d’Automne à Paris
Christine Delterme, Carole Willemot
01 53 45 17 13
Théâtre de la Bastille
Irène Gordon Brassart
01 43 57 78 36
Avec le soutien de l’Adami
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 5
noTes D’inTenTion
Gouttes dans l’océan : un coup d’essai
« C’est une œuvre d’art qui aide à élaborer du théorique sans être théorique, qui contraint à des attitudes morales
sans être morale, qui aide donc à accepter le banal comme essentiel, comme sacré, sans être banale ou même sacrée
ou sans prétendre être un exposé sur l’essentiel et malgré tout sans être pour autant cruelle… » 1
L’œuvre dont parle ici Fassbinder, c’est Berlin Alexanderplatz, le roman d’Alfred Döblin qui l’accompagne depuis
l’adolescence et dont il signe une adaptation télévisée en 15 épisodes en 1980 – une œuvre où ce sont, exceptionnellement selon lui, « les rapports entre deux hommes qui constituent assurément l’essentiel. » 2
Est-ce en hommage à son personnage principal, Franz Biberkopf, que Fassbinder prénomme le rôle du garçon de 19
ans dans sa première pièce de théâtre, Gouttes dans l’océan, écrite en 1965 alors qu’il n’a que 19 ans lui aussi ? Y a-til une parenté entre ce Franz initial et tous les autres Franz qu’on trouve dans ses premiers films et dont il endosse
chaque fois l’interprétation ?3
Gouttes dans l’océan met en scène la relation du jeune Franz avec un homme plus âgé. Interviewé sur la question
de l’homosexualité dans son film Le Droit du plus fort, Fassbinder précise: « Dès que l’homosexualité apparaît
quelque part dans l’art, elle devient toujours le sujet le plus important. Dans ce cas-là, soit on met l’accent sur l’oppression des homosexuels, soit on présente une vision romantique de la vie heureuse des homosexuels. Personne
n’a jamais signalé que la vie des homosexuels est soumise aux mêmes mécanismes que la vie des gens soi-disant
normaux. » 4
De fait, Gouttes dans l’océan n’est pas une pièce sur l’homosexualité, mais déjà, comme Les larmes amères de Petra
Von Kant quelques années plus tard, une pièce sur le fait que « l’être humain (…) a besoin de l’autre, mais il n’a point
appris à être deux », réflexion que Fassbinder met dans la bouche de Petra et qu’il commente par ailleurs : « l’homme
(…) n’est pas éduqué de manière à pouvoir plus tard appliquer le principe d’égalité dans ses rapports avec les autres.
(…) Si bien qu’il y a toujours quelqu’un qui domine. En amour, celui qui est le plus fort ne doit pas exploiter l’amour
du plus faible. (…) Il est plus facile de se laisser aimer que d’aimer. C’est plus facile pour ceux qui sont aimés et ils
en profitent la plupart du temps sans le moindre remords. » 5
Fassbinder n’a jamais monté Gouttes dans l’océan. L’auteur la considérait-t-il inaboutie ? Ce coup d’essai emprunte
sa facture classique à un certain théâtre bourgeois, que le tout jeune Fassbinder tente de revisiter et de détourner
par la fabrication d’une matière textuelle d’une pauvreté absolue en chargeant la moindre phrase d’une violence
extrême et en finissant par s’envoyer dans le décor « de cette comédie avec fin pseudo tragique » qui vire au grand
guignol. Un coup d’essai, comme pour fourbir ses armes pour la suite en somme. Pour Gwenaël Morin, cette première pièce constitue dans le répertoire de Fassbinder « une archéologie de la violence » : « comment on la subit et
comment on l’exerce sur l’autre et sur soi-même, avec un principe d’imitation qui est à l’origine de la chaine de la
violence, (…) ou comment l’Allemagne opprimée se met à opprimer le monde et donc à se suicider, (…) même s’il n’y
a pas de méga et de micro structure dans la pièce, simplement la mécanique de l’humanité inscrite dans la dynamique du couple. »
Un enchaînement et une mécanique que Fassbinder exhibe dans toutes ses œuvres par la suite, en aspirant toujours
à aider à « élaborer du théorique sans être théorique » et à « accepter le banal comme essentiel, comme sacré, sans
être banal ou même sacré… »
Elsa Rooke pour Gwenaël Morin, 2013
1«
Les villes de l’homme et son âme » (1980) in R.W. Fassbinder, Les films libèrent la tête, L’Arche, Paris, 1984.
Nous sommes assis sur un volcan » (1981) in Fassbinder par lui-même, Entretiens (1969-1982), édition établie par Robert Fischer, G3J
éditeur, Paris 2010.
3Le petit chaos (1967), L’Amour est plus froid que la mort (1969), Le Soldat américain (1970), Le Droit du plus fort (1974) etc.
4« Un nouveau réalisme» (1975) in Fassbinder par lui-même, Entretiens (1969-1982), édition établie par Robert Fischer, G3J éditeur, Paris
2010.
5« Nous sommes assis sur un volcan » (1981) in Fassbinder par lui-même, Entretiens (1969-1982), édition établie par Robert Fischer, G3J
éditeur, Paris 2010.
2«
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 6
Le Village en flammes : lecture d’une fresque / lecture en forme de fresque
« Souvent je prends plus de plaisir à adapter des sujets existants, à m’appuyer sur des œuvres littéraires que de
construire moi-même des modèles » confie Fassbinder dans le dernier entretien qu’il accorde (quelques heures
avant sa disparition) au sujet de son ultime film, Querelle, adapté du roman de Jean Genet. 1
Sur la soixantaine d’œuvres qu’il écrit et réalise (pièces de théâtre, pièces radiophoniques, courts et longs métrages,
feuilletons télévisés), près d’un tiers sont tirées d’œuvres littéraires, qui manifestent une culture à la fois vaste,
éclectique et pointue. S’y côtoient des classiques (Sophocle, Lope de Vega, Goldoni, Goethe, Ibsen), des grands
contemporains (Nabokov, Genet), une certaine fine fleur de la littérature germanophone (Theodor Fontane, Heinrich
Mann, Alfred Döblin, Oskar Maria Graf, Mariluise Fleisser) comme des curiosités venues d’outre-Atlantique (Cornell
Woolrich, Clare Booth Luce ou Daniel Galouye) ou des perles isolées (John Gay ou encore Alfred Jarry).
Le dramaturge et cinéaste boulimique est donc aussi un bibliophage monstre qui invite à la lecture (il avoue d’ailleurs ne pas conserver ses livres mais les distribuer autour de lui au fur et à mesure – à l’exception de Döblin qui
ne le quittera jamais).
Avec la réécriture de la pièce Fuente Ovejuna de Lope de Vega qu’est Le Village en flammes, c’est sa propre lecture
de l’œuvre originale que Fassbinder nous livre.
Et sa lecture (réécriture) condense et accentue, parfois jusqu’à la distorsion, les situations pour en faire saillir ses
préoccupations perpétuelles : l’entente entre les puissants pour asservir les faibles (le napalm est alors en train d’incendier le Vietnam) ; « l’occasion d’édifier un état qui aurait pu être plus humain et plus libre qu’aucun autre auparavant, et la façon dont en fin de compte ces occasions ont été manquées »2 ; ou encore le paradoxe des mécanismes
d’oppression où la victime est toujours suspecte : « la plupart des femmes ont eu une éducation telle qu’elles sont
totalement satisfaites quand elles sont prises dans ces mécanismes d’oppressions. Ce qui ne veut toutefois pas dire
qu’elles n’en souffrent pas – évidemment qu’elles en souffrent. (…) Je connais quelques femmes assez émancipées
qui jouissent d’être opprimées mais qui luttent en même temps contre cette oppression. C’est un état extrêmement
contradictoire. (…) Dans l’ensemble, je trouve que les femmes se comportent de manière aussi abominable que les
hommes, et j’essaie d’en expliquer les raisons : c’est que notre éducation et la société dans laquelle nous vivons
nous ont fait faire fausse route. » 3
à partir de la grande tragi-comédie à l’espagnole, telle que la fonde Lope de Vega, Fassbinder dresse une fresque au
trait forcé, où, entre deux stéréotypes, il fait surgir des visions cinglantes – sa façon à lui de débusquer l’horreur
tapie dans le maquis du quotidien. C’est à une lecture en forme de fresque que Gwenaël Morin se soumet avec ses
interprètes pour restituer cette pièce qui joue avec l’intertextualité, qui est à la fois du théâtre de Fassbinder sans
en être entièrement, et qui d’une certaine manière, représente la dualité de cet artiste : « d’un côté une volonté farouche d’apparaître, de l’autre la tentation tenace de disparaître » .
Une dualité que Fassbinder lui-même évoque en empruntant la formule de Goethe : « divinement euphorique et
abattu à en mourir ». « Divinement euphorique et abattu à en mourir », comme on peut l’être en effet à travailler ce
répertoire et à être « travaillé » par lui. « Divinement euphorique et abattu à en mourir. » Mais surtout, on l’espère,
« divinement euphorique »…
Elsa Rooke pour Gwenaël Morin, 2013.
1
« Il était nécessaire d’avoir vécue la vie que j’ai vécue pour faire ce film tel qu’il est » (1982) in Fassbinder par lui-même, Entretiens (19691982), édition établie par Robert Fischer, G3J éditeur, Paris 2010.
2 « La Troisième Génération » (1978) in R.W. Fassbinder, Les films libèrent la tête, L’Arche, Paris, 1984.
3 « De vampires et de cannibales » (1975) in Fassbinder par lui-même, Entretiens (1969-1982), édition établie par Robert Fischer, G3J éditeur,
Paris 2010.
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 7
enTreTien
gwenaël morin
L'antiteater est né sous l'impulsion de Fassbinder, dans
le contexte de la RFA des années soixante – comme une
riposte formelle et politique au conformisme ambiant.
Comment peut-on entendre, et réactiver cette idée d'antiteatre aujourd'hui ?
Gwenaël Morin : Le principe du scandale est un principe
qui a toujours été attaché au spectaculaire. Un triomphe
est une forme de scandale. Un scandale pour moi, c'est
de la parole qui se libère. Au niveau du scandale, la parole est chaotique, pas encore réfléchie ni articulée, mais
elle est le signe d’un nouvel espace, encore non investi,
dont elle s’empare dans l’excès. Avant de recouvrir un
discours critique, Antiteater de Fassbinder est d’abord
un geste de provocation, une tentative de scandale…
Dans un entretien, Fassbinder parle de construire « des
images où le spectateur puisse investir sa propre imagination ». L'adresse aux spectateurs, les stratégies employées pour toucher un large public font partie
intégrante de sa « poétique ».
Comment se matérialise pour vous cette question du public, et la manière de lui laisser une place pour effectuer
le travail de décryptage ?
Gwenaël Morin : Le théâtre est une expérience de l’imagination. L’imagination est un acte de transformation
du monde. La question n’est pas de toucher un large public en répondant à des attentes non formulées ou des
désirs inavoués, mais de prendre le risque de faire coexister un ensemble de signes à partir desquels il devient possible d’imaginer un monde qui n’existe pas. To
be and not to be that is theater. Je ne me pose pas la
question du public, je n’ai pas cette prétention. Je travaille à partir de ma propre expérience de la réalité, et
je fonde l’utopie de pouvoir être rejoint dans cette expérience. C’est le seul risque : la solitude le désert et la
mort. Mais sans ce risque, la rencontre de l’autre n’a,
pour moi, pas de valeur.
L'état de « spectacularisation du monde », de sa mise en
scène permanente est, en un sens, beaucoup plus avancé
qu'à l'époque de Fassbinder – où on a le sentiment que le
théâtre avait encore une certaine force critique. Quelles
stratégies mettre en oeuvre pour faire encore résonner la
charge de contradiction de ces textes ?
Gwenaël Morin : Un certain orgueil « historique » nous
force à croire que le monde ne cesse de se complexifier,
que nous vivons à présent une réalité plus dure qu’avant.
Se cache là derrière la pensée du « y a plus de saisons »,
ou encore « ah avant oui c’était bien », etc.
Même si la tentation est forte, je ne veux pas croire en
cette fiction populiste. Sophocle, Molière, Fassbinder,
vous et moi-même sommes au présent. Ce qui m’intéresse n’est pas ce qui change mais ce qui reste invariant.
Pour moi la beauté est permanente, c’est ce que je
cherche dans les textes que j’étudie, quelque soit leur
époque, origine etc… Je n’ai pas d’autre stratégie que
celle d’aimer le plus de choses que je peux.
Deux éléments déterminants dans votre manière de travailler : d'une part, l'urgence du travail, d'autre part, le
caractère public du processus de travail. A quoi correspondent ces deux éléments pour vous, et comment communiquent-ils ?
Gwenaël Morin : C’est précisément la présence du public
qui crée l’urgence. La nécessité « magique » de devoir
produire de la lisibilité, au jour le jour, parce que
quelqu’un va venir... Et tant pis pour Godot. Le théâtre
n’est pas un média, le théâtre est le nom de cette expérience singulière de l’autre qui s’articule entre un acteur
et un spectateur. J’ai constaté qu’en répétant le plus souvent possible cette expérience, je franchissais un certain
seuil de la peur de l’autre, et que l’expérience du théâtre
devenait pour moi toujours plus nécessaire et toujours
plus vive.
Ces deux logiques correspondent non pas à un principe
de maturation ou d'infusion du texte, pas plus qu'à un
travail psychologique sur les personnages, mais plutôt à
une logique intensive : laisser la langue traverser les
corps.
De quelle manière travaillez-vous sur le texte, et comment travaillez-vous avec les acteurs de la compagnie ?
Gwenaël Morin : Mettons nous d’accord : l’urgence et
l’exposition intensive au public sont une seule et même
logique. J’essaie, dès nos premières lectures, d’activer le
texte dans l’espace par le corps des acteurs : une forme
de précipité aveugle de nos premières intuitions, sans
recherche de justesse, sans à priori. En général ce processus révèle notre incompréhension du texte, la distance qui nous en sépare, comme si nous lui crachions
au visage : il se referme et s’enfuit. Nous travaillons ensuite sur les traces de sa fuite… d’une manière moins métaphorique nous travaillons sur les espaces de violence
et d’incompréhension dans notre relation au texte, nous
travaillons sur les espaces de non-sens, pour précisément tenter d’en produire. Ce qui m’intéresse est ce que
je ne comprends pas.
Un autre principe consiste à retirer ce qui constitue habituellement la « signature » formelle d'une mise en scène
– décors, costumes, agencement scénique. Est-ce également une manière de mettre en exergue la présence des
corps ? D'essayer de toucher une pure présence de l'acteur,
dépourvue artifices ?
Gwenaël Morin : Hamlet, ahmlet, amhlet, amlhet, amleht, amleth… je vois le h comme un fantôme, et je ne
l’entends pas. Il y a naturellement une non-coïncidence
de l’œil et de l’oreille ; une certaine « magie » (encore une
fois) du théâtre est dans cette perception différente du
même. Je n’ai pas de posture doctrinale sur les costumes
décors etc… tous ces compléments d’image. Aujourd’hui
je m’en passe, la nécessité de m’en servir viendra peutêtre.
Vous avez eu l'occasion de tester ce processus public aux
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 8
laboratoires d'Aubervilliers. Qu'est-ce qui s'en dégage, en
terme d'écho collectif, de retours du public, d'énergie générée, et d'influence sur le travail lui-même ?
Gwenaël Morin : Il faudrait, comme le fait Jérome Bel
en Avignon (si j’ai bien tout compris), poser cette question aux spectateurs eux-mêmes. Pour ma part je souscris à la loi de Grégoire Monsaingeon, « nous jouons a
partir de un ». Une fois la porte du théâtre ouverte, il y
a toujours eu au moins un spectateur pour la franchir,
l’expérience pouvait avoir lieu.
Vous écrivez avoir « l’intuition que l’œuvre de Fassbinder pourrait former une anthologie, une archéologie de
la violence ». Quelles sont les zones de violence mises à
jour dans ces textes qui vous paraissent résonner le plus
fortement aujourd'hui ?
Gwenaël Morin : D’une manière générale, le spectacle
de la violence est un spectacle du non sens. La violence
matérialise un point ou rien n’est plus pensable. La violence nous inflige la nécessité de reconstruire du sens.
Ce qui peut parfois produire une insoutenable torture.
Le théâtre se tient à ce point d’équilibre entre la violence
et la parole que j’appelle l’humanité. Chez Fassbinder, la
question du viol est une question sinon centrale, en
tous les cas récurrente. Comment l’acte sexuel est-il destructeur dans le cas d’un viol, et constructeur dans le cas
d’une relation consentie ? C’est sur ces points d’ambivalence, de non-sens, que se décide notre action sur le
monde.
Comment avez-vous choisi ces quatre pièces, dans l'oeuvre, très vaste, de Fassbinder ? Avez-vous le sentiment
qu'elles forment une sorte de « synthèse » des problématiques qu'il a abordé tout au long de sa vie ?
Gwenaël Morin : Mon intention est de monter à moyen
terme toutes les pièces de Fassbinder. Aujourd’hui, je me
suis arrêté sur ces quatre-là parce qu'il y avait entre ces
quatre titres une certaine symétrie : ils désignent tous
des lieux.
Dans le roman d'Alban Lefranc sur Fassbinder, La mort
en fanfare on peut lire : « Quand un journaliste lui demande ce qu’il cherche dans ses films, il répond doucement : crises, déclencher des crises, voir ce qui sort de la
crise, la crise est son élément ». Dans chacune des pièces,
c'est un élément de crise bien précis qui est cerné – crise
révolutionnaire, crise de l'état, crise amoureuse. Est-ce
que chaque pièce met en jeu un travail spécifique – sur
la diction, la manière de donner à entendre la crise ?
Gwenaël Morin : Je n’ai pas été encore assez loin dans
le travail pour pouvoir vous répondre. Je tacherai, lors
des représentations à venir, d’accorder ma concentration
sur vos hypothèses.
Vous revendiquez également une forme de fascination
pour l'énergie créatrice de Fassbinder. Au-delà de son
théâtre, en quoi cette figure est-elle « enseignante » ?
Gwenaël Morin : Il n’y a pas plusieurs vies, de temps off
et de temps on ou in. J’admire chez Fassbinder, comme
chez Picasso, Beuys ou encore Hirschhorn – dont j’ai été
témoin de l’activité – le point d’intensité de leur action
sur le monde. Chaque souffle, chaque instant, chaque
geste de leur vie est investi de la plus exigeante des
concentrations possibles. Fassbinder a eu le courage et
l’énergie de cet engagement total. Je crois que « artiste »
est une des formes de responsabilité les plus intenses et
les plus hautes qu’un homme puisse exercer sur sa propre vie. En admirant Fassbinder j’essaie de faire pareil.
Propos recueillis par Gilles Amalvi
Biographie
gwenaël morin
Gwenaël Morin est né en 1969. Il vit et travaille à Lyon.
Il a suivi des études d’architecture interrompues après
quatre années pour faire du théâtre.
Entre autres expériences dans ce domaine, il a réalisé
plusieurs mises en scènes qui sont, chronologiquement
depuis 1998 : Merci pitié pardon chance, montage de
textes de Samuel Beckett ; Débite ! (allez vas-y), une adaptation de Fin août d'Arthur Adamov; Pareil pas pareil,
montage croisé de dialogues d’amour tirés de films de
Jean-Luc Godard et remarques sur la peinture de Gerhard Richter ; Stéréo, diptyque avec Acte sans paroles et
Paroles et musique de Samuel Beckett ; Théâtre normal,
série de sketchs divers ; Mademoiselle Julie d'August
Strindberg ; Comédie sans titre de Frederico Garcia
Lorca; Viaje a la luna de Frederico Garcia Lorca ; Aneantis movie / Blasted film, d’après Sarah Kane ; Guillaume
Tell d'après l'œuvre de Friedrich von Schiller ; Les Justes
d'après Albert Camus ; Philoctète d’après Philoctète de Sophocle ; Lorenzaccio d’après Lorenzaccio d’Alfred de Musset.
Dans le cadre du Théâtre Permanent en 2009 aux Laboratoires d'Aubervilliers, Gwenaël Morin et sa compagnie
ont monté : Tartuffe d’après Tartuffe de Molière, Bérénice
d’après Bérénice de Racine, Hamlet d’après Hamlet de
Shakespeare, Antigone d’après Antigone de Sophocle,
Woyzeck d’après Woyzeck de Büchner.
Depuis il a mis en scène : Théâtre à partir de Closer de
Joy division (créé en juin 2011 au Théâtre de la Cité/Paris
dans le cadre de Week-end de la Cité); Introspection de
Peter Handke (créé en septembre 2011 au Théâtre de la
Bastille/Paris); Antiteatre / 40 jours : Traversée de 4 pièces
majeures du répertoire de Rainer Werner Fassbinder en
40 jours : Anarchie en Bavière, Liberté à Brême, Gouttes
dans l’Océan et Village en flammes, (création de septembre à décembre 2012 au Théâtre du Point du Jour/Lyon).
Il dirige depuis le 1er janvier 2013 le Théâtre du Point du
Jour à Lyon.
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 9
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 10
ChrisToph marThaler
Letzte Tage. Ein Vorabend
(Derniers Jours. Une veillée)
Mise en scène et direction musical Christoph Marthaler
Direction musicale, Uli Fussenegger
Scénographie, Duri Bischoff
Costumes, Sarah Schittek
Lumière, Phoenix (Andreas Hofer)
Assistant à la mise en scène, Gerhard Alt
Dramaturgie, Stefanie Carp
Avec Tora Augestad, Carina Braunschmidt,
Bendix Dethleffsen, Silvia Fenz, Ueli Jäggi, Katja Kolm,
Josef Ostendorf, Clemens Sienknecht,
Bettina Stucky, Michael von der Heide
Musiciens, Uli Fussenegger (contrebasse),
Hsin-Huei Huang (piano, orgue à anches),
Michele Marelli (clarinette, cor de basset),
Julia Purgina (alto), Sophie Schafleitner (violon),
Martin Veszelovicz (accordéon)
Musique, Pavel Haas, Ernest Bloch, Rudolf Karel, Józef Koffler,
Pjotr Leschenko, Emil František Burian, Charles Loubé/Erich
Meder, Erwin Schulhoff, Alexandre Tansman, Viktor Ullmann,
Bernhard Lang, Erich Wolfgang Korngold, Uli Fussenegger et
d’autres
Il y a cent ans, l’Europe se trouvait à la veille de la Première
Guerre mondiale. Quel est son état, un siècle plus tard ?
Muni de son marteau de metteur en scène musicien,
Christoph Marthaler ausculte à petits coups précis notre
vieille Europe. Il y a vingt ans, il dressait un tableau sans
concession de la réunification allemande dans un spectacle
qui fut joué plus de 150 fois : Murx den Europäer! Murx
ihn! Murx ihn! Murx ihn! Murx ihn ab ! (Bousille l’Européen !
Bousille-le ! Bousille-le ! Bousille-le bien !) ; puis avec Riesenbutzbach. Eine Dauerkolonie (Riesenbutzbach. Une colonie permanente), il mettait en scène la spirale sécuritaire
de nos sociétés. Letzte Tage. Ein Vorabend (Derniers Jours.
Une veillée) est un projet théâtral et musical qui a réuni,
lors de sa création à Vienne, des chanteurs, comédiens
et musiciens dans la salle historique de l’ancien Parlement
autrichien. De 1914 à aujourd’hui, il n’y a qu’un pas à faire,
tant les problèmes sont restés les mêmes. Racisme et
nationalisme n’ont pas disparu, mais ont trouvé d’autres
points d’ancrage. Au siècle dernier, les conséquences de
ce climat idéologique et politique sont celles que l’on
connaît : deux guerres mondiales et l’holocauste. Portrait
de l’égoïsme populiste et belliqueux de l’Europe des XXe
et XXIe siècle, Letzte Tage laisse résonner une musique,
celle de compositeurs juifs exilés ou persécutés en camp
de concentration.
Dans ce spectacle, Christoph Marthaler pose la question
du caractère cyclique de l’histoire et place les spectateurs
devant un constat dérangeant : histoire et science-fiction
côtoient notre réalité de bien plus près que ce que l’on
voudrait penser.
FESTIVAL D’AUTOMNE à PARIS
THéâTRE DE LA VILLE
Mercredi 25 septembre au mercredi 2 octobre, 20h30
relâche dimanche
25€ et 35€
Abonnement 25€
spectacle en allemand surtitré en français
Production Wiener Festwochen
Coproduction Staatsoper Unter den Linden (Berlin)
Théâtre de la Ville-Paris ; Festival d’Automne à Paris
Coréalisation Théâtre de la Ville-Paris ; Festival d’Automne à Paris
Avec le soutien de Ernst von Siemens Musikstiftung
Spectacle créé le 17 mai 2013 au Wiener Festwochen
Contacts presse :
Festival d’Automne à Paris
Christine Delterme, Carole Willemot
01 53 45 17 13
Théâtre de la Ville
Jacqueline Magnier
01 48 87 84 61
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 11
enTreTien
ChrisToph marThaler
eT sTéphanie Carp
Letzte Tage. Ein Vorabend est une œuvre de commande.
Pourquoi avez-vous choisi de regarder notre époque par
le prisme des événements qui ont précédé la Première
Guerre mondiale ?
Christoph Marthaler : C'est une commande que nous
nous sommes passée à nous-mêmes ! Stefanie nous a
emmené dans la salle historique du Parlement de l'Autriche-Hongrie et a pensé que nous pourrions y faire un
projet, car elle sait que j'aime travailler dans des lieux
qui ont une histoire.
Stefanie Carp : Puis, Uli Fussenegger, le musicien qui
nous a accompagné sur ce projet, a proposé à Christoph
de faire entendre, dans l'acoustique merveilleuse de ce
Parlement, des œuvres de compositeurs juifs qui furent
déportés, exterminés – certains purent émigrer. Ils
n'étaient pas tolérés pendant la période nazie. Nous
nous sommes demandé comment nous pouvions relier
ces différentes problématiques : le Parlement, chargé
d'une histoire, et la musique, qui thématise cette grande
catastrophe européenne qu'est la Shoah. Nous avons eu
l'idée de mettre en scène, dans la grande salle du Parlement, un diagnostic de l'idéologie qui règne actuellement en Europe, une façon de penser, dont les prémices
se situent avant la Première Guerre mondiale. Il nous
semblait important de penser ensemble la Première et
la Deuxième Guerre mondiale, qui menèrent à l'Holocauste.
En 2014, l'Europe toute entière va commémorer le début
de la Première Guerre mondiale.
Pensez-vous que le théâtre puisse être un lieu de mémoire
et de commémoration ?
Christoph Marthaler : Le théâtre peut être également un
lieu de la commémoration. Dans certaines de mes précédentes productions, cette dimension est très importante. Schutz vor der Zukunft (Se protéger de l'avenir) fait
œuvre de mémoire. C'est également lié au fait que dans
mon théâtre, je pose la question du souvenir et travaille
essentiellement en musique. La musique est pour moi
un médium qui permet de faire surgir des souvenirs et
de soulever des émotions. Je pense que ces musiques
que nous allons utiliser sont porteuses de leurs propres
souvenirs, qui ne sont pas les nôtres. Dans Murx den Europäer, la musique intervenait lorsque la parole ne suffisait pas, et elle racontait beaucoup de choses que le
texte ne pouvait exprimer.
Stefanie Carp : Je pense que ton travail est traversé par
cette question du souvenir subjectif qui devient collectif. Cette salle historique de l'ancien Parlement n'est plus
utilisée aujourd'hui, car elle est bien trop grande pour
les dimensions de l'Autriche actuelle. Mais depuis les années 50 environ, a lieu tous les ans une journée de mémoire aux victimes du racisme (le 5 mai), le jour
anniversaire de la libération du camp de concentration
de Mauthausen-Gusen. La direction du Parlement m'a
demandé si le Wiener Festwochen ne voulait pas produire un projet musical et théâtral, à l'occasion de cette
commémoration. Voilà l'origine de ce projet.
Nombre de vos projets interrogent l'histoire européenne,
comme Murx den Europäer (1993). Comment votre analyse a-t-elle évolué depuis cette époque ?
Christoph Marthaler : Je ne crois pas que ma recherche
ait changé depuis 1993. Bien sûr, les thèmes que j'aborde
sont différents car ils ont évolué. à l'époque de Murx den
Europäer, nous nous trouvions juste après la réunification allemande. Sous le communisme, les gens de la RDA
avaient tous un emploi, aussi petit et absurde soit-il,
mais avec la chute de l'URSS, ils ont presque tout perdu.
Tout allait plus vite et eux avaient disparu. Mon projet
parlait de ces gens qui ont été exclus de l'histoire. Letzte
Tage. Ein Vorabend est consacré aux personnes que l'on
a gommées de l'histoire. Il y a certes une évolution dans
la thématique, mais la problématique est restée la
même.
Quelles sont ces personnes que l'histoire a oubliées dans
Letzte Tage. Ein Vorabend ?
Christoph Marthaler : Dans ce projet, je parle de ces
compositeurs qui furent assassinés de façon extrêmement brutale. Ils n'avaient plus le droit d'exister. Mais
on ignore souvent qu'on leur a permis de jouer leur musique dans un camp de concentration qui servait de vitrine et où l'on voulait montrer que les Juifs pouvaient
tout à fait faire de la musique. Tout cela était une horrible mascarade. La plupart d'entre eux furent ensuite déportés à Auschwitz. Aujourd'hui, je crois qu'un nouvel
antisémitisme se développe, notamment en France. Le
racisme envers les Roms en est une des expressions les
plus frappantes : certaines personnes sont exclues de la
société et elles doivent partir. Ainsi, ce projet interroge
l'avenir que ce type de prise de position politique
construit. Si tout cela continue, des pogroms auront
peut-être à nouveau lieu.
Stefanie Carp : Les Roms vivent déjà dans des ghettos.
Dans de nombreux pays d'Europe, un discours d'extrême-droite redevient de bon ton en société et s'introduit de façon insidieuse. C'est très dangereux.
L'anti-islamisme prend de plus en plus de poids dans certains pays. Le fait de mettre en scène ce projet dans l'ancien Parlement n'est pas anodin, car il replace le discours
dans un lieu politique. La musique est celle des victimes,
la parole appartient aux bourreaux.
Comment avez-vous construit la dramaturgie de ce projet ?
Stefanie Carp : C'est un collage de documents réels et de
textes fictifs.
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 12
Christoph Marthaler : Nous avons également utilisé les
documents qui furent produit dans cette salle.
Stefanie Carp : Tout à fait. Vienne a eu un maire, Karl
Lueger, qui a tenu des discours extrêmement antisémites dans cette salle, avant la Première Guerre mondiale. Nous allons les utiliser, bien sûr.
Comment reliez-vous l'époque précédant la Première
Guerre mondiale et la nôtre ?
Stefanie Carp : Ce n'est pas une confrontation directe.
Mais l'hypothèse que nous formulons est que les événements qui ont précédé 1914 ont mené l'Europe à la catastrophe et qu'aujourd'hui, de nombreux signes semblent
nous alerter de l'imminence de dangers, différents, mais
tout aussi graves.
Christoph Marthaler : C'est inquiétant de voir que cette
époque n'est pas si lointaine, lorsque l'on entend les discours d'extrême-droite de certains politiques. C'est abominable ce qui se passe aujourd'hui.
Stefanie Carp : Le NSDAP (parti national socialiste) a
commencé à émerger en Autriche bien avant 1914. Le
nom du parti était différent, mais l'idéologie était la
même. Lorsque l'on regarde la biographie des compositeurs qui furent persécutés, on s'aperçoit qu'ils n'avaient
absolument pas anticipé les événements. Ces gens d'extrême-droite leur semblaient si ridicules, qu'ils n'ont pas
cru qu'ils prendraient le pouvoir.
Christoph Marthaler : Le comportement de certains politiques, comme Berlusconi ou d'autres coupables de
fraude fiscale par exemple, ne sont qu'une vaste farce,
dans son sens le plus abject. On n'arrive plus à croire au
spectacle de l'actualité : Ubu-Roi n'est rien à côté de certains hommes politiques.
Dans ce projet, l'histoire semble être cyclique. Karl Marx
disait que « l'histoire se répète », la première fois comme
une tragédie, la seconde comme une farce. Comment mettez-vous en scène cette répétition dans Letzte Tage. Ein
Vorabend ?
Christoph Marthaler : L'histoire se répète et revient à la
manière de spectres. Pour le caractère farcesque de ce
spectacle, je ne sais pas encore. Je fais un théâtre dans
lequel la farce est toujours présente, même de manière
latente.
On rit beaucoup lorsque l'on regarde vos spectacles. Comment peut-on rire encore lorsque l'on considère le sujet
de Letzte Tage ?
Christoph Marthaler : C'est vraiment dur et éprouvant
de travailler sur ces questions. Parfois, nous rions de
choses horribles, car nous ne pouvons plus supporter la
gravité de ce travail. Mais ces blagues ne peuvent sortir
du contexte des répétitions. Nous essayons tout de
même de développer un certain humour dans ce spec-
tacle, car je suis persuadé que nous ne pouvons nous en
passer. Lorsque l'on s'intéresse aux blagues que les gens
se racontaient à Theresienstadt, à l'humour que les gens
développaient afin de pouvoir survivre, on s'aperçoit que
le rire devient un thème très important. La question est
toujours de savoir où et comment l'on rit. Je ne peux pas
vivre sans humour.
Letzte Tage. Ein Vorabend n'a pas pour point de départ
un texte. Comment avez-vous construit la dramaturgie ?
Christoph Marthaler : Stefanie est à la fois l'auteure, la
dramaturge et la monteuse de ce projet. Beaucoup de
choses sont également nées de l'improvisation. On doit
également entendre certains textes, afin de savoir s'ils
sont utilisables. C'est un work in progress et un travail
collectif. Sur ce projet, nous disposons de tout un tas de
documents d'archive. Nous devons effectuer une sélection et nous expérimentons à partir de ces textes.
Stefanie Carp : Je remarque que lorsque l'on entend des
voix différentes, on invente des textes différents. La voix
révèle la façon dont les gens se présentent. Au début du
projet, nous nous posons toujours trois grandes questions, très simples, mais auxquelles il est difficile de répondre : qui sont les personnes sur scène ? Quelle est
leur situation ? Que voulons-nous raconter à partir d'eux
et de cette situation ? J'aime regarder Christoph improviser avec les comédiens et les musiciens. Je sais ensuite
presque de manière intuitive comment les différents
éléments du spectacle s'organisent.
Vous avez dit un jour que l'Europe serait culturelle ou ne
serait pas. La culture : que signifie ce grand et gros mot
pour vous ?
Christoph Marthaler : Le concept de culture est très
vaste. Pour moi, il ne désigne pas seulement la musique
ou le théâtre, mais ce qui peut et doit relier les hommes
et les peuples. Je pense que la culture est actuellement
meilleure que la politique pour rassembler.
Sous le mot de « culture », j'entends aussi le fait d'être
cultivé. Les manières d'agir des politiques sont de moins
en moins cultivées. Je pense donc que nous devons cultiver toute forme de culture.
Stefanie Carp : Lorsque l'on regarde quel est le secteur
dans lequel l'Europe reste à la pointe aujourd'hui, on ne
peut penser qu'à la culture. Dans les secteurs de l'économie et de la politique, le poids de l'Europe est sans cesse
plus faible. En Chine par exemple, l'architecture européenne est copiée afin d'en faire une sorte de Disneyland.
Quelles stratégies de survie peut-on développer dans une
Europe qui coupe dans les budgets de la culture ?
Christoph Marthaler : La liberté de la culture est de plus
en plus restreinte : on explique aux artistes quelle forme
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 13
de théâtre ils doivent faire, on leur dit qu'ils doivent divertir absolument, faute de quoi la subvention risque d'être
supprimée.
La politique pratique ainsi une forme de censure : on est forcé de faire une certaine sorte de théâtre.
Stefanie Carp : La censure n'est pas officielle, mais indirecte. Lorsque notre démarche est critique, elle est toujours
considérée comme élitiste.
Christoph Marthaler : En Europe, il faut trouver le moyen de former un réseau d'artistes afin de résister, de s'informer les uns les autres et de se soutenir. Lorsque l'on ferme un théâtre, il faut également penser que c'est tout un
quartier de la ville qui en pâtit.
Propos recueillis et traduits par Marion Siefert
1
Stéphanie Carp est la dramaturge de ce spectacle
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 14
Biographie
ChrisToph marThaler
Né en 1951 à Erlenbach, Christoph Marthaler, musicien
de formation, intègre un orchestre comme hautboïste.
Il suit également l’enseignement de Jacques Lecoq à
Paris. Ses premiers contacts avec le monde du théâtre se
font par la musique : dix ans durant, Marthaler compose
des musiques pour des metteurs en scène, à Hambourg,
Munich, Zurich et Bonn. En 1980, il réalise avec des comédiens et des musiciens son premier projet, Indeed, à
Zurich. En 1989, il crée une Soirée de chansons à soldats,
œuvre indéfinissable, entre performance, musique et
théâtre. Des soldats suisses assis, quasiment immobiles,
entonnent en boucle, au bout d’un quart d'heure Die
nacht ist ohne ende (La nuit est sans fin). La même année,
il rencontre la scénographe et costumière Anna Viebrock
qui signera à partir de là pratiquement tous les décors
et costumes de ses spectacles. Suivent les mises en scène
de L'Affaire de la Rue de Lourcine de Labiche (1991), Faust,
une tragédie subjective, d'après le Fragment-Faust de Fernando Pessoa (1992) et Prohelvetia (1992). En 1992, Marthaler monte une soirée patriotique, Murx den Eurapäer
! Murx ihn ! Murx ihn ! Murx ihn ! Murx ihn ab ! (Bousille
l'Européen...!) à la Volksbühne de Berlin et Le Faust racine
carré 1+2, une adaptation du texte de Goethe, à Hambourg. De 1994 à 2000, il crée entre autres au théâtre et
à l'opéra : La Tempête devant Shakespeare - le petit Rien
(1994), Pelléas et Mélisande de Debussy et L'Heure zéro ou
l'art de servir (1995), Luisa Miller de Verdi, Pierrot Lunaire
de Schönberg et Casimir et Caroline de Horváth (1996),
Fidelio de Beethoven et Les Trois Soeurs de Tchekhov
(1997), La Vie Parisienne d'Offenbach et Katia Kabanova
de Jánacek (1998), Les Spécialistes et Hôtel Belle Vue de
Horváth (1999), 20th Century Blues et L'Adieu de Rainald
Goetz (2000).
Grande Duchesse de Géroldstein, la création Wüstenbuch
de Beat Furrer, Le Laboratoire de langue Meine Faire
Dame et le projet de théâtre musical Lo Stimolatore Cardiaco sur la musique de Verdi. Ses mises en scène, dont
±0 créé à Nuuk, capitale du Groenland, sont présentées
dans les festivals du monde entier.
En 2012, il monte Foi, Amour, Espérance d'Ödön von Horváth et Lukas Kristi à l’Odéon-Théâtre de l’Europe / Ateliers Berthier et en 2013 au festival d’Avignon il
présentera pour la première fois en France King Size.
La musique que Marthaler affectionne tout particulièrement : le classique, la pop et la musique populaire
suisse.
Christoph Marthaler au Festival d’Automne à Paris :
1995
Murx den Europäer ! Murx ihn ! Murx ihn !
Murx ihn ! Murx ihn ab ! Ein patriotischer
Abend (Maison des Arts Créteil)
2003
Die schöne Müllerin
(Théâtre Nanterre-Amandiers)
2007
Geschichten aus dem Wiener Wald / Légende
de la Forêt Viennoise
(Théâtre national de Chaillot)
2008
Platz Mangel
(MC93 Bobigny)
2011
±0 (Théâtre de la Ville)
2012
Foi, Amour, Espérance
(Odéon-Théâtre de l’Europe / Ateliers Berthier)
En 2000, Marthaler prend la direction du Schauspielhaus de Zurich avec la dramaturge Stefanie Carp et y
met en scène notamment La Nuit des rois de Shakespeare, La Belle Meunière de Schubert, Aux Alpes de Jelinek, La Mort de Danton de Büchner et les projets Hôtel
Peur et Groudings, une variante d'espoir. II quitte la direction du Schauspielhaus de Zurich en 2004 et travaille
depuis à nouveau comme metteur en scène indépendant.
En 2006, il crée Winch Only au KunstenFestivaldesArts
de Bruxelles. En 2007, Christoph Marthaler réactualise
Les Légendes de la forêt viennoise de Ödön von Horváth
en collaboration avec la décoratrice Anne Viebrock. En
2007, il crée à Zurich Platz Mangel. Puis, en 2009 au Wiener Festwochen, toujours avec Anna Viebrock, Reisenbutzbach. Eine Dauerkolonie qui a été présenté au
Festival d’Avignon en juillet 2009. En 2010, il est artiste
associé de la 64ème édition du Festival d’Avignon; il choisit -avec Anna Viebrock- la Cour d’Honneur du Palais des
Papes pour y créer, en juillet 2010, le spectacle Papperlapapp. Pour le Festival de Salzbourg, il a mis en scène à
l’été 2011 l’opéra L’Affaire Makropoulos de Janácek. Au
Theater Basel, Marthaler a notamment produit La
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 15
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 16
KrysTian lupa
Perturbation
d’après le roman de Thomas Bernhard
Mise en scène, scénographie,
lumière : Krystian Lupa
Traduction texte original : Bernard Kreiss
© Editions Gallimard
Adaptation : Krystian Lupa et l’équipe artistique
Collaborateurs à la traduction : Grazyna Maszkowska,
Mariola Odzimkowska, René Zahnd
Collaborateur artistique - Lukasz Twarkowski
Costumes - Piotr Skiba
Interprète - Mariola Odzimkowska
Son - Frédéric Morier
Vidéo - Karol Rakowski
Assistant vidéo - Giuseppe Greco
Figurants vidéo - Bruno Dani
Eric Ecoffey - Xavier Vasseur
Construction décor - Ateliers du Théâtre Vidy-Lausanne
Avec - John Arnold, Thierry Bosc, Valérie Dréville,
Jean-Charles Dumay, Pierre-François Garel
Lola Riccaboni, Mélodie Richard
Matthieu Sampeur, Anne Sée, Grégoire Tachnakian
Durée estimée :
première partie : 1h40
entracte 20 minutes
deuxième partie : 1h40
entracte 10 minutes
troisième partie : 1h00
Age conseillé :
dès 16 ans
Genre : drame métaphysique
Publié en 1967, Perturbation est le deuxième roman de
Thomas Bernhard. Cette œuvre de jeunesse, à la structure
profondément musicale, est une partition hybride, tendue
entre narration – le récit d’une journée de consultations
médicales dans l’Autriche profonde, description implacable
et minutieuse d’individus déliquescents, prisonniers d’un
environnement hostile –, et éructation – le long monologue
du prince Saurau, ultime patient, homme d’esprit et de
culture empli d’une haine inexorable envers l’état et son
pays natal –, personnage caractéristique de l’œuvre bernhardienne. Des Somnambules de Broch à Salle d’attente
de Nören, de Zarathoustra d’après Nietzsche à La Cité du
rêve d’après Kubin, le théâtre de Krystian Lupa n’a cessé
de nous confronter aux perturbations qui animent corps
et âmes humaines, que celles-ci soient liées à une modification de l’état de conscience, aux subversions de la
langue, à l’organisation sociétale, au rapport à l’autre…
L’interstice ténu entre réalité et fantasme – souvent frontière entre capitulation et révolte – est mis en crise dans
nombre des créations de Krystian Lupa ; aussi n’est-il
guère surprenant que la mélancolie virulente et jubilatoire
des œuvres de Thomas Bernhard soit le ciment d’un compagnonnage aussi fertile que durable entre auteur et metteur en scène : les créations de Kalkwerk, Immanuel Kant,
Déjeuner chez les Wittgenstein, Extinction et Par-delà les
sommets – pour certaines d’entre elles toujours au répertoire
du Stary Teatr de Cracovie – sont considérées comme des
œuvres majeures du théâtre polonais contemporain.
Perturbation prolonge et réinvente cette aventure : en
portant à la scène ce roman de langue allemande avec
des comédiens français, Krystian Lupa nous invite à une
expérience affranchie des frontières, radicalement européenne.
FESTIVAL D’AUTOMNE à PARIS
LA COLLINE – THéâTRE NATIONAL
vendredi 27 septembre au vendredi 25 octobre 20h,
mardi 19h30
dimanche 15h30,
relâche lundi
14€ à 29€
Abonnement 9€ à 14€
Durée : 3h30
spectacle en français
Production Théâtre Vidy-Lausanne
Coproduction et coréalisation La Colline – théâtre national ;
Festival d’Automne à Paris
Avec le soutien de l’Adami
L’Arche Editeur est l’agent théâtral du texte dans sa version originale
Avec le soutien de Adam Mickiewicz Institute
Spectacle créé le 10 septembre 2013 au Théâtre Vidy-Lausanne
Contacts presse :
Festival d’Automne à Paris
Christine Delterme, Carole Willemot
01 53 45 17 13
La Colline - théâtre national
Nathalie Godard
01 44 62 52 25
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 17
enTreTien
KrysTian lupa
Vous entretenez avec Thomas Bernhard une « complicité
artistique » depuis de longues années : comment ce dialogue s’est-il construit et transformé au fil du temps ?
Krystian lupa : Au début de cette aventure, le texte de
Bernhard, par la rigueur de sa forme, demandait un
grand effort autant à moi qu’aux acteurs, indirectement.
Avec le temps, j’ai vraiment l’impression que cet effort
s’est relâché, et que c’est devenu progressivement une
façon de penser personnelle, quasiment propre à moimême… Je me sens très proche de cette citation d’Ingeborg Bachman : « Bernhard, ce n’est pas seulement un
énième style littéraire, c’est aussi un nouveau style de
pensée bouleversant ».
Perturbation est une œuvre de jeunesse, une confrontation entre narration – le récit – et éructation – le monologue du prince –, comme si Bernhard avait en quelque
sorte souhaité « commenter » son propre devenir d’écrivain. Comment percevez-vous sur ce travail de la langue,
de la syntaxe ?
Krystian lupa : Je suis d’accord. C’est un texte d’initiation, un monologue souterrain, imprévisible, loufoque,
qui véhicule un cosmos inexprimable par d’autres
moyens littéraires. Le monologue, c’est l’éruption qui a
le pouvoir de radiographier le chaos cérébral et de créer
un cosmos subjectif, un monde vu en quelque sorte directement de l’intérieur. Car la description nous tourne
du côté du monde extérieur, inconcevable et non digéré
par l’expérience individuelle. Mon désir intuitif va encore plus loin : le phénomène de l’incarnation théâtrale
de l’imagination peut adopter ce pouvoir créatif du monologue de Bernhard, en le transformant en sa propre
« réalité intérieure ».
Pour cette création, vous avez choisi de diriger des comédiens français : l’expérience de Salle d’attente a-t-elle été
déterminante ?
Krystian lupa : C’était un premier pas, c’est certain. J’ai
rencontré au cours de ce projet de jeunes gens ouverts,
ou qui s’ouvraient à une aventure théâtrale très radicale.
Cette aventure, la manière dont elle s’est construite
comme ce qui en a résulté, m’a donné un immense désir
de lui donner suite. René Gonzales, le regretté directeur
du théâtre Vidy-Lausanne, partageait ce désir. Dans la
troupe de Perturbation, il y a d’ailleurs de jeunes comédiens qui ont pris part à Salle d’Attente. Pour être honnête, j’aurais aimé retrouver presque tous ceux qui ont
travaillé sur cette production. Mais bien entendu, ce
n’est pas possible. En cherchant des comédiens pour incarner ces individus extrêmes de Bernhard, j’étais guidé,
comme la dernière fois, c’est-à-dire pour Salle d’Attente,
par les critères du courage et de la faculté à utiliser l’outil
de l’imagination et de l’improvisation, de l’ouverture aux
risques de la recherche.
Qu’est-ce-que cette confrontation à une langue étrangère
apporte au processus de création, celui-ci en est-il transformé ou conservez-vous la même méthode de travail
qu’avec les acteurs polonais ?
Krystian lupa : Une autre langue c’est un autre chemin
vers la « compréhension émotionnelle » : cela sert beaucoup à se libérer, à se débarrasser des stéréotypes, des
idées reçues. Nous, partenaires de ce processus à double
sens, avons accès au récit caché dans le fond, au métalangage. J’ai souvent l’impression que le comédien dit
quelque chose « de plus » dans une langue étrangère, et
aussi qu’il travaille « davantage ». Ce travail n’est guère
illusoire. C’est quelque chose de tangible des deux côtés.
Lorsqu’on travaille dans sa langue maternelle, on se sent
souvent prisonnier du sens ou des informations contenues dans les textes prononcés.
En France, nous avons tendance à idéaliser les conditions
de production polonaises…
La protestation de l’année dernière nous donne tort : comment les conditions de production ont-elles évolué en Pologne ces dernières années ?
Krystian lupa : Ces évolutions sont pour moi très négatives. Le dialogue de sourds, et surtout, l’étiolement
de la relation entre les artistes et la « génération au pouvoir » actuelle, qui gère la culture, mène à la fragilisation
systématique du théâtre avant-gardiste polonais. Les nominations et renvois arbitraires des directeurs à la tête
des théâtres ces dernières saisons ont amoindri de manière catastrophique le nombre de « territoires théâtraux » sur la carte de la Pologne.
Les arguments avancés pour justifier ces décisions sont
extrêmement cyniques : ce sont des manœuvres de partis ou des économies envisagées à court terme qui
conduisent à l’effondrement artistique et financier des
lieux touchés par cette politique. Je n’ai jamais eu autant
le sentiment d’un si grand mépris de la voix artistique
qu’aujourd’hui… Mais cela ne se passe pas seulement
chez nous, ce qui n’est qu’une maigre consolation…
Le théâtre reste-t-il ancré au sein de la société polonaise ?
Comment percevez-vous le rôle de la pratique théâtrale en
Pologne et en France ?
Krystian lupa : J’ai le sentiment, et cela donne à la situation actuelle en Pologne une résonnance supplémentaire, que la négligence de la culture (pas seulement du
théâtre) par le pouvoir et les partis coïncide avec un engagement croissant de la jeune génération pour cette
culture – quoiqu’il ne s’agisse, je m’en rends bien
compte, que d’une petite partie de notre jeune génération. La plupart se noient dans un désert intellectuel et,
j’en suis convaincu, la stratégie de notre classe politique
actuelle porte une part énorme, incommensurable, de
responsabilité dans ce processus de dégradation. Mais il
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 18
y a en même temps en Pologne un public de théâtre extraordinaire et excellent. Ceux qui désirent prendre le
chemin de la création théâtrale ont beaucoup de nouvelles choses à expérimenter et à dire, mais ce potentiel
est dans une grande mesure gâché et méprisé.
Il m’est difficile de juger la politique culturelle actuelle
en France : de mes rencontres avec les artistes et le public français, sources d’inspiration et très positives, je ne
saurais faire une généralité.
Un metteur en scène polonais adaptant un roman autrichien avec des comédiens français… Croyez-vous en une
Europe de la culture, comme celle du « Café Europe » de
Tadeusz Kantor ? Une identité européenne est-elle en
train de voir le jour ?
Krystian lupa : Oui. C’est un espace de pénétration permanente, je crois en ce potentiel. Mais cela exige quand
même des artistes qui se rencontrent d’énormes zones
de vigilance car ils doivent se libérer de leurs préjugés.
Ce n’est certainement pas une politique à « succès », c’est
quelque chose de plus intéressant et de plus risqué… Il
reste que la culture européenne existe depuis longtemps, mais chaque génération d’artistes et de théoriciens de l’art semble le découvrir à chaque fois.
Propos recueillis pas Laure Abramovici
Biographie
KrysTian lupa
Né en 1943 à Jastrzebie Zdroj en Pologne, il étudie les
arts graphiques à l’académie des Beaux-Arts de Cracovie.
Il commence sa carrière de metteur en scène à la fin des
années soixante-dix au Teatr Norwida de Jelenia Gora,
tout en dirigeant quelques productions au Stary Teatr
de Cracovie, dont il devient le metteur en scène attitré
en 1986. Depuis 1983, il enseigne la mise en scène au
Conservatoire d’Art dramatique de Cracovie.
Influencé par T. Kantor (son maître, avec le cinéaste A.
Tarkovski) et grand lecteur de Jung, il développe sa
conception du théâtre comme instrument d’exploration
et de transgression des frontières de l’individualité (exposée dans un texte intitulé Le Théâtre de la révélation).
Il monte d’abord les grands dramaturges polonais du XXe
siècle : Witkiewicz, Wyspianski, Gombrowicz (Yvonne,
Princesse de Bourgogne, 1978, Le Mariage, 1984) et conçoit
entièrement deux spectacles : La Chambre transparente
(1979) et Le Souper (1980). En 1985, il créé Cité de rêve au
Stary Teatr d’après le roman d’Alfred Kubin (L’Autre Côté).
Parallèlement à la mise en scène d’œuvres dramatiques,
Tchekhov (Les Trois Soeurs, Festival d’Automne, 1988),
Genet, Reza, Schwab (Les Présidentes, 1999), Loher (Les
relations de Claire, 2003), la littérature romanesque, particulièrement autrichienne, devient son matériau de
prédilection.
Il adapte et met en scène Musil (Les Exaltés, 1988 ; Esquisses de l’homme sans qualités, 1990), Dostoïevski (Les
frères Karamazov, 1988, Odéon-Théâtre de l’Europe,
2000), Rilke (Malte ou le triptyque de l’enfant prodigue,
1991), Bernhard (La plâtrière, 1992 ; Emmanuel Kant et Déjeuner chez Wittgenstein, 1996 ; Auslöschung-extinction,
2001), Broch (Les Somnambules, 1995, Festival d’Automne
à Paris, 1998), Boulgakov (Le Maître et Marguerite, 2002),
Nietzsche et E. Schleef (Zarathoustra, 2006).
Créateur de théâtre complet, il s’impose à la fois comme
concepteur d’adaptations, plasticien (il signe lui même
les scénographies et les lumières de ses spectacles) et directeur d’acteurs (connu pour son long travail préparatoire avec les comédiens sur la construction des
personnages). Ses spectacles sont également marqués
par un travail singulier sur le rythme, temps ralenti dans
le déroulement de l’action scénique, souvent concentrée
autour de moments de crises. De nombreux prix ont distingué son travail, dernièrement le Prix Europe pour le
théâtre (2009). à la suite de Factory 2, il créé Persona. Marilyn et Le Corps de Simone (deux volets d’un projet autour des figures de Marilyn Monroe et Simone Weil) ;
Salle d’attente, librement inspiré de Cathégorie 3.1 de
Lars Noren au Théâtre Vidy-Lausanne avec la participation de jeunes acteurs fraîchement sortis des écoles de
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 19
théâtre telles que la Haute école de théâtre de Suisse romande (HETSR) ou encore le Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris (CNSAD). En 2012, il
créé à nouveau La Cité du rêve d’après le roman d’Alfred
Kubin L’ Autre Côté pour le Festival d’Automne à Paris.
Krystian Lupa au Festival d’Automne à Paris
1998
Les Somnambules (Odéon-Théâtre de l’Europe)
Les Trois Sœurs
(Conservatoire National Supérieur d’Art
Dramatique)
2010
Factory 2 (La Colline – théâtre national)
2012
La Cité du rêve (Théâtre de la ville)
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 20
enCyClopéDie
De la parole
enCyClopéDie
De la parole
Parlement
Suite n°1 « ABC »
Une pièce de l’Encyclopédie de la parole
Composition et mise en scene, Joris Lacoste
Une pièce de l’Encyclopédie de la parole
pour 11 interprètes et 11 invités
Conception et mise en scene, Joris Lacoste
Lauréate de l'aide à la création du CNT au titre des
dramaturgies plurielles
DirectioDirection musicale, Nicolas Rollet
Conception générale et collecte de documents, Frédéric Danos,
Joris Lacoste, Emmanuelle Lafon et Nicolas Rollet
Avec Emmanuelle Lafon
Dispositif sonore, Kerwin Rolland et Andrea Agostini
Collaboration, Frédéric Danos et Grégory Castéra
FESTIVAL D’AUTOMNE à PARIS
MAISON DE LA POESIE
Mercredi 2 au samedi 10 octobre 21h
dimanche 16h
relâche lundi, mardi et mercredi 9 octobre
10€ et 15€
Abonnement 10€
Durée : 1h
Production échelle 1:1
Coproduction Fondation Cartier ;
Parc de la Villette-résidences d’artistes (Paris)
Spectacle créé le 31 janvier 2009 aux Laboratoires d’Aubervilliers
Contacts presse :
Festival d’Automne à Paris
Christine Delterme, Carole Willemot
01 53 45 17 13
Maison de la Poésie
Annabelle Mathieu
01 44 54 53 14
Avec Ese Brume, Hans Bryssinck, Geoffrey Carey, Frédéric
Danos, Delphine Hecquet, Vladimir Kudryavtsev,
Emmanuelle Lafon, Marine Sylf, Nuno Lucas, Barbara
Matijevic, Olivier Normand et 11 invités
Assistante à la mise en scène, Elise Simonet
Consultants, Grégory Castéra et David Christoffel
Lumière, Koen De Saeger et Florian Leduc
Régie générale, Florian Leduc
Production, diffusion, administration, Frédérique Payn et Marc Pérennès
FESTIVAL D’AUTOMNE à PARIS
CENTRE POMPIDOU
Mercredi 16 au dimanche 20 octobre,
mercredi au samedi 20h30, dimanche 17h
14€ et 18€
Abonnement 14€
NOUVEAU THéâTRE DE MONTREUIL / CDN
Mardi 19 au samedi 23 novembre, / mardi et jeudi 19h30,
mercredi, vendredi et samedi 20h30
11€ à 22€
Abonnement 8€ et 13€
Durée : 1h15
Spectacle en quinze langues non surtitré
Production échelle 1:1 // Coproduction Kunstenfestivaldesarts (Bruxelles) ; Parc de la
Villette-résidences d’artistes (Paris) ; Théâtre Universitaire (Nantes) ; TNBA (Bordeaux) ;
Studio-Théâtre de Vitry (Vitry-sur-Seine) ; MAC/VAL (Vitry-sur-Seine) ; Nouveau théâtre
de Montreuil-centre dramatique national ; Les Spectacles vivants – Centre Pompidou
(Paris) ; Festival d’Automne à Paris // Coréalisation Les Spectacles vivants – Centre
Pompidou (Paris) ; Festival d’Automne à Paris // Avec le soutien de l’Institut français
et la participation artistique du Jeune Théâtre National // Suite n°1 est co-produit par
NXTSTP avec le soutien du Programme Culture de l’Union Européenne. // Avec le
soutien de l’Adami // Spectacle créé le 18 mai 2013 au Kunstenfestivaldesarts (Bruxelles)
Contacts presse :
Festival d’Automne à Paris
Christine Delterme, Carole Willemot
01 53 45 17 13
Centre Pompidou
Agence Myra
01 40 33 79 13
Nouveau Théâtre de Montreuil / CDN
Désirée Faraon 06 18 51 30 78
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 21
L’Encyclopédie de la parole est un projet artistique qui explore l’oralité sous toutes ses formes. Depuis 2007, ce
collectif de musiciens, poètes, metteurs en scènes, plasticiens, acteurs, sociolinguistes, curateurs, collecte toutes
sortes d’enregistrements de parole et les inventorie en fonction de phénomènes particuliers telles que la cadence,
la choralité, l’emphase, la saturation ou la mélodie. à partir de ce répertoire comprenant aujourd’hui près de 800
documents sonores, l’Encyclopédie de la parole produit des pièces sonores, des spectacles, des performances, des
conférences ou des installations. En 2013, l’Encyclopédie de la parole regroupe Frédéric Danos, Emmanuelle Lafon,
Nicolas Rollet, Joris Lacoste, Grégory Castéra et David Christoffel. Parlement, créé en 2009 et aujourd’hui repris au
Festival d’Automne à Paris, est un solo conçu et mis en scène par Joris Lacoste pour la comédienne Emmanuelle
Lafon, dont l’enjeu vise à reproduire vocalement une partition composée à partir d’une centaine d’enregistrements
de paroles. Ces documents sonores, impliquant des situations particulières et des figures de langage, sont articulés
de sorte à faire entendre toute la richesse et la complexité des paroles les plus ordinaires ou les plus singulières.
Suite n°1 « ABC », qui inaugure un cycle de Suites chorales, prolonge et amplifie cet enjeu par la multiplication des
langues et par le redoublement massif des voix. Jeu télévisé, conversation entre amis, commentaire sportif, babil
d’enfants, récitation de poème sont autant de situations de paroles qui sont ici restituées au souffle près par un
choeur de onze interprètes et onze invités. En multipliant les styles, les registres, les interprètes, les langues, les
fictions, les jeux de composition, cette suite chorale se propose d’élever un monument précaire, mobile et vivant à
la diversité des formes orales.
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 22
enTreTien
ColleCTiF De
l’enCyClopéDie De la parole
Suite n°1 ‘ABC’ et Parlement sont des créations portées
par l'Encyclopédie de la parole, un collectif créé en 2007.
Pouvez-vous rappeler l'enjeu exact de cette « Encyclopédie
» qui produit des oeuvres scéniques, mais aussi des pièces
sonores, des articles, des conférences et des expositions ?
Joris Lacoste : L'Encyclopédie de la parole est un projet
que nous avons initié en 2007 aux Laboratoires d'Aubervilliers. L'idée de départ était de réunir des gens intéressés d'une manière ou d'une autre par l'oralité, dans les
champs les plus variés possibles, poètes, musiciens, metteurs en scène, plasticiens, acteurs, chanteurs, sociologues, linguistes, cinéastes, curateurs, réalisateurs radio,
et de collecter ensemble des enregistrements de parole.
Emmanuelle Lafon : Enregistrement de parole, cela veut
dire aussi bien une lecture de Gertrude Stein que la
météo marine, des amis jouant au Pictionary, la voix
synthétique du serveur vocal de Pôle Emploi, le flow
d'Eminem, le babil d’un bébé, une plaidoirie de Jacques
Vergès, un slogan de manifestation, un commentaire de
foot…
Frédéric Danos : Aucun genre n’est exclu a priori, artistique ou non, noble ou vulgaire, connu ou inconnu, très
formel ou très ordinaire. On s’intéresse à tout ce qui
parle, à partir du moment où on décèle une singularité,
quelque chose dans une parole qui nous arrête, que ce
soit un débit inhabituel, des espacements spectaculaires, un timbre bouleversant, des accents bizarrement
martelés, des inflexions chantantes...
Nicolas Rollet : Voilà. Et ces enregistrements qu’on collecte ensemble, on les met en rapport les uns avec les
autres, on les fait se répondre et se croiser, on les organise en différentes catégories, et on les publie sur le site
de l’Encyclopédie de la parole. Ce faisant on constitue
peu à peu une base de données, très partielle et très partiale, sur l'oralité contemporaine.
Avant de fonder l'Encyclopédie de la parole, vous étiez
quelques-uns à collecter des documents sonores. A quoi
les destiniez-vous, individuellement?
Joris Lacoste : Nos pratiques sont diverses et complémentaires. La plupart des documents que nous collectons sont des enregistrements faits par d’autres. J'avais
de mon côté une petite collection de poésie sonore, des
cours de Roland Barthes ou de Jankelevitch, des archives
de procès ou de débats parlementaires, à coté d’enregistrements historiques de théâtre comme Madeleine Renaud dans Oh les beaux jours, qui a été publié en disque
il y a longtemps, et que j’ai beaucoup écouté dans ma
jeunesse.
Nicolas Rollet : Pour ma part j'ai commencé à enregistrer des paroles quotidiennes dès que j'ai eu mon premier magnétophone, à 7 ans. C'est devenu encore plus
systématique depuis une dizaine d'années et j'en ai fait
une pratique professionnelle dans le domaine de l'ethnographie et de l'analyse conversationnelle.
Frédéric Danos : Mais en fin de compte, aujourd'hui
nous sommes moins des collectionneurs que des collecteurs. Le numérique et Internet permettent facilement
de partir à la recherche de nouveaux documents en fonction de certaines propriétés que nous voulons étudier,
ou bien simplement parce que tel document nous fait
penser à tel autre. Par exemple quelque chose dans le
débit du poète Charles Pennequin va nous rappeler celui
de Julien Lepers, et du coup on va aller chercher un extrait de « Questions pour un champion »...
Nicolas Rollet : Un collectionneur a tendance à chercher
un type d'objet précis. Nous, on collecte tout. Il y a énormément de déchets. Pour un document collecté, il y en
a peut-être quatre-vingt d'écoutés.
Que faites-vous de ces documents collectés. Comment les
organisez-vous ?
Frédéric Danos : Nous les répertorions en fonction de
différentes propriétés formelles ou phénomènes : la cadence, la choralité, le pli, l’espacement, la compression,
l’emphase, le timbre, la saturation, etc. Chacune de ces
notions constitue une « entrée » de l'Encyclopédie, et
chaque entrée est dotée de son corpus sonore et de sa
notice.
Nicolas Rollet : Pour donner un exemple, dans l'entrée
« Compressions », nous pouvons trouver un enregistrement de Michel Rocard, un autre de Françoise Sagan, un
troisième de Louis de Funès parce qu'ils se caractérisent
tous trois par un flux de parole très compressé, une manière de manger leurs mots à la fois unique et comparable.
Emmanuelle Lafon : Dans l'entrée « Focalisations », qui
traite des différents niveaux d'adresses dans la parole,
nous avons un discours de Villepin à l'assemblée, un
poissonnier qui vend à la criée, la pomponnette de
Raimu...
Joris Lacoste : ...et Francis Lalanne qui pleure à « Avis de
Recherche ». Dans l'entrée « Espacements », on trouve
en vrac Jacques Lacan, Juliette Binoche, Nicolae Ceaucescu et le poète Claude Royet-Journoud. Tous ont une
manière singulière de produire du silence au fil de leur
parole.
Nicolas Rollet : Les critères de recoupement des documents ne sont donc ni thématiques ni liés à des situations ou à des genres, mais renvoient à des manières de
faire et de dire. Cette façon de mettre en rapport des paroles permet de faire entendre des rapprochements inédits, ou plutôt inouïs au sens propre, et de pointer
comment n'importe quelle parole, de la plus ordinaire à
la plus académique, peut comporter une part de créativité.
A quelle cadence alimentez-vous la collection l'Encyclopédie?
Joris Lacoste : Nous nous appuyons sur une communauté de collecteurs qui nous envoient régulièrement
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 23
des documents. C'est un cercle de personnes qui sont
toutes passées par l'Encyclopédie à un moment ou à un
autre. Nous avons aujourd’hui une collection d’environ
800 documents organisés en 18 entrées.
Frédéric Danos : à partir de ce fonds sonore constitué
de façon collective, nous concevons différentes pièces,
qui sont autant de manières de rendre compte de cette
activité, de faire entendre la collection, et de faire entendre la diversité des formes orales.
Nicolas Rollet : Nous avons ainsi depuis 2007 produit
une quinzaine de pièces sonores, commandées à différents compositeurs ou artistes sonores, une conférence
évolutive, un jeu, une exposition à la Villa Arson en 2011,
une chorale amateur, ainsi que deux spectacles que l’on
présente cette année au Festival d’Automne : Parlement,
qui date de 2009, et Suite n°1 ‘ABC’ que nous avons créé
cette année au Kunstenfestivaldesarts à Bruxelles.
Dans chacun des deux spectacles présentés dans le cadre
du Festival d'Automne, les spectateurs n'entendent pas
les documents sonores originaux. Il s'agit, dans Parlement comme dans Suite n°1, de restituer vocalement une
succession de documents enregistrés…
Joris Lacoste : Oui, le parti-pris consiste à reproduire au
plus près un choix de paroles enregistrées. Reproduire
au plus près, ça ne veut pas dire imiter des individus ou
incarner des situations, encore moins des personnages,
mais traiter musicalement chaque parole enregistrée,
dans la richesse et la complexité de ses intonations, de
ses rythmes, de ses jeux d'adresse, de ses mouvements,
de ses hésitations...
Emmanuelle Lafon : C’est-à-dire qu’on laisse les situations et les contextes apparaître d eux-mêmes, à travers
le seul jeu des voix : c’est un théâtre à entendre.
Joris Lacoste : Un des effets les plus troublants du déplacement de ces paroles vers le plateau théâtral est
celui de la dissociation du contexte et du contenu : on
prête soudain attention à des manières de discuter,
d'écouter, de séduire, d'expliquer, des façons de dire, des
tonalités qui étaient jusqu'ici occultées par notre insatiable besoin de percevoir le sens de ce qui se dit. Les
paroles les plus banales, les plus triviales, parce qu'elles
sont traitées comme des partitions très exactes, se revêtent soudain d'une étrangeté qui nous les fait entendre
autrement.
Emmanuelle Lafon : Plus on avance dans ce travail et
plus ce qui frappe, c'est à quel point cette pratique de
collecte, et celle de la restitution, renouvellent l'écoute
de la parole, et plus largement de tout type de son. Et
puis il y a là une dimension très simple, presque enfantine. C'est comme apprendre par coeur sa chanson, son
poème ou sa carte géo préférée, répéter tout le temps
tout ce qu'on entend quand on a deux ans, faire la voix
de son voisin de palier, ou celle des annonces dans le
métro, se faire tourner ça en boucle, à plusieurs, en mar-
chant, sous la douche, en attendant le bus. En tout cas
chacun peut le faire, chacun le fait.
En traitant ces paroles de façon musicale, vous les sortez
donc de leur contexte?
Nicolas Rollet : Non, pas du tout. Le contexte est pris en
compte, c'est simplement qu'il n'est pas le critère premier de sélection. Nous n'avons pas une approche exclusivement musicale ou plastique de la parole, nous
défendons une pratique qui s'ancre tout de même dans
une approche du langage où forme et fond se structurent mutuellement. La question du contexte ou du
genre est difficile dès lors qu'on ne la réduit pas à
quelques critères externes de type « dîner en famille »,
« discours à l'assemblée » : lorsque l'on joue un extrait
en russe, en italien ou en allemand, on s'appuie beaucoup sur l'activité dans laquelle cette parole est produite, sur les intentions qu'on peut prêter aux locuteurs.
On sait ce qu'on dit.
Frédéric Danos : L'enjeu, c'est justement de faire réapparaitre le contexte autrement.
Joris Lacoste : En répétitions, la première phase est
d'abord formelle: on travaille sur la façon de reconstituer vocalement les contours du document. Dans la seconde phase, nous cherchons comment investir le
document de manière à faire réapparaître une situation,
une adresse, une intensité. Disons que la méthode est
inverse à ce qui se fait habituellement au théâtre où l'acteur travaille à donner une forme orale à un texte. Ici on
commence par la forme, telle qu’elle a été figée par l’enregistrement, et tout le travail consiste à lui donner vie.
Emmanuelle Lafon : Cette opération peut se faire au
moyen de paramètres aussi variés que le tempo, le volume, la façon de poser la voix ou l'usage de souffles différents. Tout cela n'est que le produit d'intentions, de
réactions, de mouvements de pensées. Ces documents
sonores sont des fragments plus ou moins longs, et au
moment de les interpréter, nous cherchons dès la première seconde à raccorder avec l'ensemble du contexte
qui les sous-tend pour pouvoir en restituer l'unicité.
Parlement est une création pour une seule interprète,
vous Emmanuelle Lafon, qui êtes comédienne. Suite n°1
prolonge et amplifie les enjeux de cette pièce en proposant une forme chorale pour 11 interprètes, 11 invités, et
un chef de chœur. Qu'expérimentez- vous dans Suite n°1
que vous n'aviez pas pu tester dans Parlement ?
Emmanuelle Lafon : à chaque fois qu’on écoute les documents de notre collection, que ce soit à l'occasion de
leur recherche, de leur sélection, ou à l'occasion des
pièces que l’on produit, on s'aperçoit que personne n'entend jamais exactement la même chose. Entre les interprètes de Suite n°1, c'est pareil : on entend tous la
mélodie particulière de l'hôtesse de l'air, son flux régulier mais incohérent, on entend l'espacement qui ponc-
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 24
tue les cris de joie et les respirations d'un homme exalté,
on peut en compter les secondes.
Et pourtant, même en étant d'accord là-dessus, chacun
va s'approprier à sa façon tel ou tel aspect de cette mélodie ou de cet espacement, au filtre de ce qu'il entend,
puis de ce qu'il peut en faire, avec sa voix, son corps et
son imagination. La base du travail étant l'unisson, ces
détails sont minimes ; ils créent néanmoins une seule
voix à plusieurs. Par rapport à Parlement, la nouveauté
de l'expérience est de sentir sa voix, ses impulsions propres, se glisser à l'intérieur de celles des autres. L'amplitude des possibilités est tout autre.
Joris Lacoste : Suite n°1 est la première pièce d’un cycle
de Suites chorales que nous projetons sur plusieurs années. C’est un travail qui a commencé avec Parlement,
puis qui s’est poursuivi avec la chorale que nous avons
animée depuis 3 ans dans différents contextes (ateliers,
impromptus). Les Suites chorales proposent de pousser
cette expérience plus loin en mettant en jeu différentes
formations d'interprètes qui tous ont des voix et des personnalités différentes. Toutes sortes de combinaisons et
de répartitions deviennent possibles. Cela permet aussi
de travailler des documents polyphoniques, des dialogues, des situations de paroles à plusieurs, voire de
foules, ce qui bien sûr n’était pas possible avec le solo
Parlement.
Nicolas Rollet : Le travail de choeur, en particulier l’unisson, permet de traiter globalement la tonalité ou le timbre d'une voix. Chaque interprète fait quelque chose de
différent, c’est l’harmonie globale qui crée l’effet recherché. Par exemple, nous faisons un extrait des Simpsons
dans le spectacle. Pour restituer le timbre de Marge, un
interprète va prendre en charge la nasalité de sa voix,
un autre sa hauteur, un troisième son grain. Personne
n'imite Marge à proprement parler : c'est la combinaison
des différentes voix qui créera l'illusion de la voix de
Marge.
Joris Lacoste : C'est d'ailleurs je crois ce qui est intéressant dans l'unisson : le fait de parler en choeur empêche
ou brouille l’identification de la parole à une personne,
à un personnage. Du coup c’est la parole elle-même, avec
ses contours, sa personnalité, sa singularité, qui devient
le vrai personnage de la pièce.
Frédéric Danos : Autre exemple : nous avons travaillé
sur la voix d'un prêcheur américain, qui ponctue sa parole d’inspirations très sonores. Nous avons décomposé
la partition entre les respirations d'un côté (prises en
charge par une partie du choeur), et la parole proprement dite de l'autre.
Joris Lacoste : Du point de vue du spectateur, l'unisson
souligne « l'écriture » du document sonore. Dans Parlement, quand Emmanuelle restitue un document et
qu'elle soupire, hésite ou tousse, il est impossible de savoir si cette action lui appartient à elle, comédienne, ou
si elle vient du document enregistré. Cette ambiguité
n'existe pas dans Suite n°1 : quand le groupe entier inspire ou bégaie d'un même souffle, on devine que cette
inspiration ou ce bégaiement est celui du locuteur d’origine.
Quel niveau de précisison vous imposez-vous dans la restitution des documents d’origine ?
Nicolas Rolet : Il y a une disproportion énorme entre la
manière spontanée et naturelle avec laquelle une parole
a été prononcée à l'origine, et le temps que l'on passe,
nous, à tenter de la restituer. On peut rester plusieurs
jours sur deux minutes du babil d'un bébé, par exemple,
ou sur une conversation téléphonique très banale. La
complexité se cache souvent dans les choses les plus ordinaires.
Frédéric Danos : On essaie de traiter le babil du bébé
aussi sérieusement que si c’était une partition de Schubert ou de Berio.
Emmanuelle Lafon : Ce travail de fourmi qu'est la restitution confronte d'emblée l'interprète à de fortes
contraintes, à l'impossible même : après tout, impossible
de supporter la comparaison avec la parole originale. Impossible dans Parlement qu'une voix en traverse cent autres, ou dans Suite n°1 qu'un ensemble de 22 voix en
incarne une seule. Une fois ce point de départ admis, le
travail est très excitant, car on a suffisamment de distance pour inventer mille manières d'y arriver.
Nicolas Rollet, c'est vous le chef de choeur de ce projet.
Vous avez créé une partition, annotée comme pour un
concerto, de façon à diriger les choristes sur scène, à vue.
Quelles ont été les étapes de votre travail ?
Nicolas Rollet : Tout d'abord il y a une phase de transcription du document, plus ou moins fine selon les cas:
le discours est transcrit dans sa temporalité et dans ses
caractéristiques formelles (cadences, hésitations, accents, attaques, etc.). Bref, on transcrit de la parole. Les
choix dans la transcription sont guidés aussi par les phénomènes vocaux que l'on souhaite souligner, sans jamais les caricaturer. Ensuite ces transcriptions
deviennent des partitions c'est-à-dire des supports de travail intermédiaires qui permettent de nous accorder sur
des méthodes pour reproduire le document (le restituer)
ensemble (à un unisson, trois unissons, six solos, etc.).
Je découpe ainsi les documents en séquences plus ou
moins longues, je m'appuie sur des attaques ou des accents, des démarrages, des tempi. Vient donc se greffer
une écriture de direction, celle que j'emploie pour diriger l'ensemble vocal. Une partie de cette écriture se fait
également avec les interprètes pendant les répétitions.
Je laisse toujours de la place pour trouver collectivement
les meilleures méthodes. Mais quoi qu'il en soit, bien
que j'en effectue une interprétation à la fois dans les partitions et surtout au moment de la performance, la référence lors du travail avec les interprètes reste toujours
le document audio d'origine.
Joris Lacoste, c’est vous qui signez la composition. Quelle
différence faite-vous entre l’écriture d’une pièce de théâtre classique et celle de Parlement, ou de Suite n°1 ?
Joris Lacoste : Je vois deux particularités : d’abord c’est
un travail qui relève du montage de documents existants. Ensuite c’est une écriture qui se fait entièrement
à l’oreille. C’est-à-dire que concrètement je travaille avec
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 25
un logiciel de son et non pas un traitement de texte...
Mais à ces deux choses près, je ne vois pas de vraie différence avec un travail d’écriture textuel : car au fond on
écrit toujours plus ou moins à partir de matériaux trouvés, non ?
Mais selon quelles logiques s'enchainent les documents?
Joris Lacoste : Je pars du corpus de documents collectés
collectivement, et je cherche des rapprochements, des
résonances, des contrastes ou des continuités entre certaines paroles. La composition se fait simultanément
sur trois plans parallèles : d'abord la succession de situations clairement reconnaissables (un dîner entre amis,
un dessin animé, un cours de tango) ; ensuite, le sens
des mots prononcés, dont l’enchaînement et l articulation composent qu’on le veuille ou non un « texte » en
forme de patchwork multilingue ; enfin, le plan purement sonore, musical, énergétique, de la parole. Chacun
de ces plans est signifiant, et c’est en les prenant en
compte en même temps que des possibilités (et des impossibilités) apparaissent. Des rapports de sons engendrent des rapports de sens et vice-versa. Des lignes se
constituent, qui ne sont pas tant narratives qu’associatives, allusives, suggestives, ou rythmiques. Il y a des enchaînements qui forment des thèmes, comme on dit en
musique. Par exemple, dans la Suite n°1, que nous avons
intitulée ABC, il est souvent question d’apprentissage,
de b.a.-ba, d’alphabets, de babil, de blabla, de brouhaha,
de langues étrangères. On expose le vocabulaire de base,
on joue à traduire ou à chanter, à alterner des langues
et des registres, on parle non pas pour ne rien dire mais
pour le plaisir de parler, le goût de la langue. Mais il y a
aussi des ruptures et des contrepoints, des fausses pistes
qui sont des détours, des suspens ou des dénouements.
prendrez peut-être pas les mêmes moments que votre
voisin, personne probablement ne maîtrisera toutes les
langues, mais n'importe qui a priori détient suffisamment de compétences pour entendre et voir quelque
chose.
Nicolas Rollet : C'est une déclinaison du motto sur lequel nous nous appuyons depuis le début du projet de
l'Encyclopédie : « Nous sommes tous des experts de la
parole. »
Joris Lacoste : Non au sens où nous serions tous des linguistes comme Nicolas, mais simplement parce que
nous avons tous une pratique concrète, ancrée, quotidienne, de la parole. Nous passons une grande partie de
notre vie à parler et à écouter les autres parler, nous savons nous positionner dans une conversation, nous saisissons intuitivement le sens d'un accent ou d'une
intonation qui monte ou qui descend, nous partageons
toutes sortes de ressources communes. C'est ce savoir
commun que le projet de l'Encyclopédie de la parole essaie de faire apparaître.
Propos recueillis par Eve Beauvallet
Vous avez choisi de travailler dans beaucoup de langues,
une douzaine je crois, sans utiliser de surtitres. Comment
traitez-vous ces langues, et comment le public est-il invité
à les recevoir ?
Frédéric Danos : Le projet des Suites chorales est l’occasion pour nous d’élargir la collection de l’Encyclopédie
à d’autres langues. Pas tant dans une idée d’exhaustivité,
mais parce que l’expérience d’écouter des langues qu’on
ne comprend pas ou peu nous fait percevoir des phénomènes qui souvent restent invisibles dans les langues
qu’on maîtrise bien. Nous avons cependant pris soin de
choisir des documents dont les situations représentées
sont toujours clairement identifiables, même quand on
ne comprend pas la langue. Vous n’avez pas besoin de
parler italien pour comprendre que ce que vous entendez est un commentaire de foot.
Joris Lacoste : Du coup c'est aussi une manière de poser
dès la conception de la pièce la question de son existence internationale. En général, le théâtre de parole
s’exporte soit au moyen de surtitrages, soit en traduisant
ou adaptant le texte. Nous avons voulu faire une pièce
qui sera la même dans tous les pays où nous allons
jouer, mais dont bien sûr le sens sera perçu différemment selon les contextes linguistiques. Vous ne com-
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 26
Biographies
ColleCTiF De
l’enCyClopéDie De la parole
Joris laCosTe
FreDeriC Danos
Joris Lacoste est né en 1973, il vit et travaille à Paris. Il
écrit pour le théâtre et la radio depuis 1996, et réalise ses
propres spectacles depuis 2003. Il a ainsi créé 9 lyriques
pour actrice et caisse claire aux Laboratoires d'Aubervilliers en 2005, puis Purgatoire au Théâtre national de la
Colline en 2007, dont il a également été auteur associé.
De 2007 à 2009 il a été co-directeur des Laboratoires
d'Aubervilliers. Il initie deux projets collectifs, le projet
W en 2004 et l'Encyclopédie de la parole en 2007, qui
donne lieu notamment en 2009 au solo Parlement. En
2004 il lance le projet Hypnographie pour explorer les
usages artistiques de l’hypnose : il produit dans ce cadre
la pièce radiophonique Au musée du sommeil (France
Culture, 2009), l’exposition-performance Le Cabinet
d’hypnose (Printemps de Septembre Toulouse, 2010), la
pièce de théâtre Le Vrai Spectacle (Festival d'Automne à
Paris, 2011), l'exposition 12 rêves préparés (GB Agency
Paris, 2012), la performance La Maison vide (Festival Far°
Nyon, 2012), ainsi que 4 prepared dreams (for April March,
Jonathan Caouette, Tony Conrad and Annie Dorsen) à
New York en octobre 2012.
Né en 1959. Autodidacte, il écrit, performe, chante, danse,
joue depuis plus de 15 ans. Il performe des films qu'il n'a
pas terminés, tourne en Europe avec le trio d'infamie lyrique Jeune fille orrible, fait du bruit électrifié avec Erik
Minkkinen ou Joana Preiss, ou Tomoko Sauvage et participe, depuis 2003, à la Coordination des intermittents
et précaires (sculpture sociale). Il lit et improvise ses
textes dans des festivals de poésie ou des cafés. Il s'intéresse à la superposition. Enfin, Frédéric Danos cuisine
puis rédige des comptes rendus de plats qui sont autant
de recettes qu'il envoie par mail à des gens qui n'ont rien
demandé mais apprécient. Certaines recettes sont publiées dans la revue Le Tigre.
DaviD ChrisTophel
Musicien de la parole, chercheur de poésie, David Christoffel prend la voix des autres pour leur chercher d'autres voix, avec l'ambition de repousser les hypocrisies
médiatiques ailleurs. Il travaille pour les revues Criticalsecret, Il Particolare, L'Impossible et les antennes de
France-Musique et France-Culture-Plus. Il compose des
opéras parlés depuis 1996 et publie des albums de poésie
depuis 1999. Docteur en musicologie de l'EHESS, il est
l'auteur d'études sur les rapports de la musique à la poésie et sur la parole artistique sous contraintes radiophoniques. Ses productions sont répertoriées sur le site
dcdb.fr
emmanuelle laFon
Emmanuelle Lafon est issue du CNSAD, elle joue notamment auprès de Klaus Michael Grüber et Michel Piccoli,
Bruno Bayen, Célie Pauthe, Aurélia Guillet, Lucie Berelowitsch et Vladimir Pankov, Frédéric Fisbach, Jean-Baptiste Sastre, Bernard Sobel, Madeleine Louarn. Au
cinéma, elle tourne avec Marie Vermillard, Patricia
Mazuy, Bénédicte Brunet, Denise Chalem (Talents
Cannes 2004), Philippe Garrel. Elle co-fonde le collectif
F71 en 2004 avec Sabrina Baldassarra, Stéphanie Farison,
Sara Louis et Lucie Nicolas, dont elles sont chacune auteur, comédienne et metteur en scène. Sensible aux rapports entre son, musique, voix, texte et partition, elle
collabore aussi avec des musiciens et des plasticiens
(SounDrama, Goat’s Notes, Emmanuel Whitzthum,
Thierry Fournier, Marie Husson). Elle est membre de
l'Encyclopédie de la parole depuis 2009.
grégory CasTéra
Grégory Castéra est curateur. Pluridisciplinaires, souvent
collaboratifs et in process, les projets qu'il engage ont
pour point commun de traiter de la construction de l'objectivité dans les pratiques artistiques contemporaines.
En 2013, il conçoit, avec Sandra Terdjman, «The Councile», un dispositif pour la conception collaborative de
projets artistiques depuis des problèmes de société. Le
premier « Council », s'est réuni autour du développement d'une approche sonore de la diversité des capacités
d'entendre (Biennale de Sharjah / Ecole pour sourds d'Al
Amal).
Depuis 2010, il développe Ecologies, un essai curatorial
sur les écologies de pratiques artistiques (Lauréat de la
bourse Hors les Murs de l'Institut Français en 2013).
Il a été directeur des Laboratoires d'Aubervilliers de janvier 2010 à décembre 2012, avec Alice Chauchat et Natasa
Petresin-Bachelez, coordinateur de Bétonsalon de 2007
à 2009 et curateur, avec Mélanie Bouteloup, du festival
de performances Playtime en 2008 et 2009.
Il est membre de l'Encyclopédie de la parole depuis
2007.
niColas rolleT
Nicolas Rollet, né en 1977, vit et travaille à Paris, menant
recherches universitaires sur la conversation et les interactions sociales, et recherches en proses. Il publie depuis 2005
(Les petits Matins, Argol, Little Single, Leo Scheer) avec
le secours parfois de J.Kikomeko. Il est un des membres
fondateurs du collectif Encyclopédie de la Parole. En
2011 il fonde le projet MonEX, avec Kerwin Rolland et
Jean-François Riffaud, projet plasticien mobilisant la
vidéo, la performance et le rock .
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 27
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 28
Théâtre du Soleil
ThéâTre Du soleil /
phare ponleu selpaK
L’Histoire terrible mais inachevée de
Nordom Sihanouk, roi du Cambodge
d’Hélène Cixous
Mise en scène, Georges Bigot et Delphine Cottu
d’après la mise en scène d’Ariane Mnouchkine (1985)
Direction historique et textuelle, Ashley Thompson
Traduction, Ang Chouléan
Avec Chea Ravy, Chhith Chanpireak,
Chhith Phearath, Horn Sophea, Houn Bonthoeun, Huot Hoeurn, Huot Heang, Khuon
Anann, Khuonthan Chamroeun, Mao Sy, Nov Srey Leab, Nut Sam Nang, Ong Phana, Pin
Sreybo, Pov Thynitra, Preab Pouch, Sam Monny, Sam Sarry, San Marady, Sim Sophal,
Sok Doeun, Sok Kring, Thorn Sovannkiry, Uk Kosal, Uk Sinat
Musiciens, Norng Chantha, Pho Bora,
Pring Sopheara, Vath Chenda
Décor et accessoires, Everest Canto de Montserrat,
Elena Antsiferova
Lumière Georges Bigot, Olivier Petitgas
Costumes élisabeth Cerqueira, Marie-Hélène Bouvet,
d’après les costumes originaux
avec l’aide de Maider Etxeberri, Léa Delmas, Maud Guérin, Amélie Esbelin et Barbara
Gassier-Ressort (2011)
et de Nawelle Aïneche, et Monica Siv (2013)
Masque Erhard Stiefel
Interprète et surtitrage Rotha Moeng
Décor et accessoires Everest Canto de Montserrat,
Elena Antsiferova
Régie Olvier Petitgas, Vincent Lefevre, assistés de Sam Sopheak (2011) et Sonia
Chauveau (2013)
Constructeurs bois Jules Infante, Florentin Guesdon,
David Buizard
Assistantes à la mise en scène Sophie Piollet, Caroline Panzera (2011) et Natacha
Milosevic (2013)
Stagiaire assistant à la mise en scène Clément Longueville
1985. La dictature des khmers rouges, orchestrée par le
dirigeant politique et militaire Pol Pot, vient de tomber.
Du Cambodge, alors, on ne sait encore que peu de choses
si ce n’est qu’une partie de sa population vient d’être
victime d’un des plus terribles génocides de l’histoire
contemporaine. Un an après la diffusion sur les écrans
du film La Déchirure de Roland Joffé qui rend compte du
massacre, Ariane Mnouchkine met en scène L’Histoire terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk, roi du Cambodge,
un texte monumental d’Hélène Cixous qui retrace l’histoire
récente du Cambodge, de son indépendance en 1953 à la
fin du régime khmère rouge en 1979. « En ce temps-là,
raconte le comédien Georges Bigot, qui interpréta en 1985
l’idéaliste et capricieux monarque Norodom Sihanouk,
nous étions nombreux à partager avec Ariane et Hélène
le désir de jouer cette pièce au Cambodge. L’histoire ne
l’a pas permis de cette manière-là. » Elle le permettra autrement. Car depuis 2009, en collaboration avec Delphine
Cottu, également passée (de 1997 à 2008) par le Théâtre
du Soleil, le comédien s’est lancé dans une épopée théâtrale
et humaine de grande envergure : la recréation, en langue
khmère, de l’œuvre de 1985 avec trente jeunes acteurs
cambodgiens de l’école des arts Phare Ponleu Selpak.
Riche de mois entiers de transmission à Battambang dans
le Nord-Est du Cambodge, portée par un style de jeu néoexpressionniste de grande qualité, cette vaste fresque
épique perpétue l’ambition théâtrale et citoyenne du
Théâtre du Soleil et nous rappelle à quel point les plateaux
peuvent se faire l’écho de l’Histoire en cours.
FESTIVAL D’AUTOMNE à PARIS
THéâTRE DU SOLEIL
Jeudi 3 au samedi 26 octobre, mercredi, jeudi, vendredi 19h30
(1ère ou 2ème époque, en alternance),
samedi (sauf samedi 26 octobre) 15h (1ère époque)
et 19h30 (2ème époque), dimanche (et samedi 26 octobre)
13h (intégrale)
15€ à 27€
Abonnement 15€ et 22€ (1re ou 2e époque)
25€ à 48€
Abonnement 25€ et 38€ (intégrale)
Durée de chaque époque : 3h30 avec entracte
Spectacle en khmer surtitré en français
Avec le soutien de l’Onda
Coproduction Théâtre du Soleil ; Festival Sens Interdits – Célestins, Théâtre de Lyon ;
Phare Ponleu Selpak // Avec le soutien de la Région Rhône-Alpes, de la Ville de Paris,
du ministère de la Culture et de la Communication, de l’Institut Français (ministère
des Affaires étrangères et le ministère de la Culture et de la Communication),
de l’Organisation Internationale de la Francophonie et de l’Onda.
Lauréat du Trophée des Associations de la Fondation EDF (2011).
2012 prince Claus Fund Award.
Merci à Air France, l’Ambassade royale du Cambodge en France, le Théâtre national de
Chaillot, le Théâtre de l’élpée de bois, le Théâtre de la Tempête, l’Atelier de Paris Carolyn Carlson, le lycée des métiers du bois Léonard de Vinci (Paris 15), Asian Cultural
Council, British Academy, University of Leeds, World University Network.
Première époque créée en octobre 2011 aux Célestins-Théâtre de Lyon, Deuxième
époque créée le 20 Septembre 2013 au Teatro Sao Luiz, dans le cadre des 15 ans du pacte
d’amitié entre Paris et Lisbonne, et en tournée au Festival des Francophonies en
Limousin (Théâtre de l’Union, Limoges)
les 27, 28 et 29 septembre ; au Festival Sens Interdits (Célestins, Théâtre de Lyon) les 28,
29, 30 octobre ; au Théâtre de Vénissieux
le 8 novembre ; à la Comédie de Valence le 19 novembre ;
au Théâtre national de Toulouse les 21, 22 et 23 novembre 2013.
Contacts presse :
Festival d’Automne à Paris
Christine Delterme, Carole Willemot
01 53 45 17 13
Théâtre du Soleil
Liliana Andreone
01 43 74 66 36
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 29
enTreTien
georges BigoT eT Delphine CoTTu
Depuis 2007, vous êtes investis dans une aventure théâtrale tout à fait inédite: la recréation, en langue khmère,
avec des comédiens cambodgiens, de L'histoire terrible
mais inachevée de Norodom Sihanouk, roi du Cambodge, une pièce écrite par Hélène Cixous, mise en scène
par Ariane Mnouchkine en 1985. Comment est né ce projet de recréation?
Delphine Cottu : Le projet est à l’initiative d’Ashley
Thompson, une chercheuse américaine aujourd'hui éminente khmérologue. En 1985 à l’époque de la création de
la pièce, Ashley, étudiante dans le séminaire d'Hélène
Cixous, assiste aux représentations de la pièce, c’est pour
elle une révélation. Depuis, ce pays ne la quitte plus, elle
s'y installe quelques temps, et poursuit d'années en années le rêve un peu fou de voir un jour la pièce d'Hélène
Cixous traduite, éditée et pourquoi pas jouée au Cambodge. En 2005-2006, lorsque les "Ateliers de la Mémoire"
se mettent en place au Cambodge, elle entrevoit la possibilité de réaliser ce projet. Elle contacte alors Ariane
et Hélène qui lui apporte tout de suite leur soutien actif.
Elle a par la suite recherché des équipes pour réaliser ce
projet, comme celle de l'école des Arts de Phare Ponleu
Selpak, située à Battambang, avec qui nous travaillons
désormais.
Ya t-il une raison particulière pour qu'Ariane Mnouchkine vous confie ce projet à tous les deux?
Delphine Cottu : Georges est l'acteur qui avait incarné
le Roi Norodom Sihanouk, en 1985, il y a 28 ans. C’est un
acteur « phare » du Théâtre du Soleil qui a profondément
marqué l’histoire de ce lieu. Depuis, parallèlement à son
chemin d’acteur il est aussi devenu metteur en scène. Sa
place était incontournable dans un tel projet. Quand à
moi, j'ai joué dans cinq créations avec Ariane, avec qui
j’ai toujours eu une relation limpide et fertile dans le travail. Je pense qu’elle m’a choisie car elle me faisait
confiance. La mise en scène m’attirait, elle le savait.
Georges et moi représentons deux générations de l’histoire du Théâtre du Soleil, deux époques distinctes de
créations, Ariane a souhaité nous réunir aussi pour cette
complémentarité.
Vous avez déjà présenté la "première époque" de cette
pièce en 2011, notamment au Théâtre des Célestins à
Lyon et au Théâtre du Soleil à Paris. Vous présentez actuellement la seconde époque, après un cycle de répétition mené cet été au Cambodge. Pouvez-vous revenir sur
la période historique couverte par la pièce?
Delphine Cottu : C’est une période très dense et très
complexe. En résumé, la première époque débute en
1955 au moment de l’indépendance du Cambodge et
s’achève en 1970 par le coup d’état du Général Lon Nol,
la destitution du Roi Sihanouk et son exil à Pékin.
La deuxième époque quant à elle couvre la période de
1970 à 1979, débute par l’alliance de Sihanouk avec les
communistes, traite de la dictature de Lon Nol puis de
la victoire des Khmers Rouges en 75 et s’achève par l’en-
trée des Vietnamiens pour libérer puis occuper le Cambodge
Georges Bigot : La pièce raconte l'histoire moderne du
Cambodge, dans le contexte géopolitique du monde de
cette époque. Elle suit des faits historiques très précis
qui permettent de comprendre les mécanismes politiques qui l’ont plongé dans l’histoire tragique que nous
connaissons. On y découvre ainsi le rôle qu'ont pu jouer
dans ces événements les grandes puissances comme les
Etats-Unis, l’Union Soviétique, la Chine, le Viet Nam ou
bien la France.
Cependant la pièce n'adopte pas une forme pamphlétaire, c’est une forme épique. Je dirai qu’Hélène a inventé
une sorte de théâtre épique contemporain avec pour originalité, le fait que la plupart des protagonistes représentés dans la pièce étaient encore vivants au moment
de son écriture. Hélène Cixous s’est inspirée de leurs
choix politiques, de leurs différentes visions du monde
pour écrire cette « tragédie historique ».
La pièce prend comme figure centrale le roi Norodom Sihanouk. Pourquoi s'être focalisé sur lui?
Georges Bigot : Ariane Mnouchkine a choisi de raconter
l’histoire tragique qu’a subit le Cambodge comme une
métaphore de l’histoire du monde dans lequel nous vivions à l’époque. Elle était révoltée par l’enfer que le régime Pol Pot avait fait subir à ce pays qu’elle avait
rencontré dans sa jeunesse et dont elle avait tant aimé
le sourire. Quand elle a proposé à Hélène Cixous d’écrire
la pièce, leur est apparue immédiatement la difficulté
de porter au théâtre presque 30 ans d’histoire. Elles ont
très vite compris que le Prince Sihanouk était en était
le centre, il n'y avait plus qu'à tirer le fil. Le Roi Norodom
Sihanouk avait obtenu l'indépendance de son pays, et
malgré des erreurs, il se battait sincèrement pour une vision du Cambodge comme état indépendant, neutre et
démocratique de l'Asie du Sud-Est. En suivant son cheminement, on pouvait comprendre toutes les étapes qui
ont mené à son alliance avec les Khmers rouges.
Delphine Cottu : Sihanouk était un acteur né. C’était un
homme qui avait un grand sens du théâtre et de l’improvisation dans ses discours ou dans ses interventions publiques. Il savait très bien se mettre en scène ce qui le
rendait à la fois attachant et insupportable. Marady, la
comédienne qui joue le rôle de Sihanouk, a rapidement
compris cette dimension avec ce que Georges lui a transmis. Sihanouk c’est « tout l’un » et « tout l’autre »et si Hélène et Ariane l’ont placé au centre de la pièce, ce n’est
pas par hasard. C’est une figure théâtrale complexe
comme l’ont été ses choix politiques.
Georges Bigot : Le placer au centre de la pièce, c'était
aussi retrouver un canevas shakespearien. En 1984, nous
avions clos le cycle des « Shakespeare » qui avait été pour
nous une sorte d' « Ecole » en vue du futur projet de raconter le monde moderne au théâtre, de façon épique.
En 1985 nous avons abordé la pièce d’Hélène Cixous
riches de cette expérience shakespearienne, à la diffé-
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 30
rence que cette fois ci, nous jouions des personnages
vivants. D’ailleurs, le Prince Norodom Sihanouk a assisté
aux représentations de la pièce en 1985. Tout comme son
fils, l’actuel Roi du Cambodge, Norodom Sihamoni qui
m'a invité aux Funérailles du Roi Norodom Sihanouk en
février dernier. Au cours d’une audience qu’il m’a accordée, il m'a raconté que sous le régime Khmer Rouge,
alors qu’il était enfermé en résidence surveillée, avec son
père, sa mère et quelques proches de la famille royale
encore vivants, il avait demandé l'autorisation de cultiver des légumes pour nourrir sa famille. L’autorisation
lui fut accordée et en retournant la terre, il trouve un
livre, certainement tombé des camions des autodafés
des Khmers rouges, ce livre était une traduction en français de Richard II de Shakespeare. La pièce devient son
viatique pendant trois ans. Quelques années plus tard,
libéré des Khmers Rouges, il se rend en France, se rend
au Théâtre du Soleil, et là, c'est précisément Richard II
que nous sommes en train de jouer …
Qui sont ces comédiens avec lesquels vous avez recréé la
pièce au Cambodge et quel a pu être la réalité de votre
travail là-bas?
Delphine Cottu : L’équipe se compose d’une trentaine
d’acteurs et musiciens d’une moyenne d’âge de 25 ans,
tous issus de l’école des Arts de Phare Ponleu Selpak à
Battambang. La période de l’histoire relatée dans la
pièce concerne la génération de leurs parents et de leurs
grands parents. Après le génocide des Khmers Rouges,
l’histoire enseignée à l’école a été modifiée. La plupart
d’entre eux viennent de milieux très modestes et peu
éduqués et avaient une connaissance très approximative
et fragmentée de cette période. Grâce à la pièce d’Hélène
et par le travail sur le plateau nous avons pu reconstruire le puzzle.
Georges Bigot : La première étape de travail fut de leur
redonner confiance en eux même. Nous nous sommes
positionnés face à eux non pas comme des « maîtres »,
mais comme des artistes étrangers qui proposent
d’échanger avec eux un point de vue sur leur histoire, à
eux d’apporter leur propre vision, leur regard. Nous
avons travaillé sur une forme de jeu non naturaliste,
non psychologique, comme l’impose l’écriture de la
pièce. Tous les faits historiques relatés par Hélène
Cixous sont exacts, mais la dramaturgie adopte l’écriture
d’une auteure, ses visions propres, son art, un peu
comme un peintre.
Delphine Cottu : Oui, on devait avoir l’humilité d'être un
relais et entamer un gros travail de transmission.
Georges Bigot : Il fallait qu’ils comprennent tous les sujets abordés dans la pièce, qu’ils en connaissent les
moindres détails. Nous ne devions faire l’impasse sur
rien. Qui était Shakespeare ? Mozart ? Kossyguine ? Kissinger ? Qu’appelle t’on la démocratie ? Expliquer d’où
venait « la guerre froide », ce qu’elle était ainsi que la
guerre du Viet Nam etc. Lors des ateliers de formation,
c'est en découvrant l'engagement de certaines actrices
que nous avons réalisé que la recréation était réellement
envisageable. Très exactement, c'est en voyant une des
actrices, Ravy, la comédienne qui joue entre autre Pol
Pot, que j'ai compris qu'un tel projet était possible. Je lui
avais demandé de me raconter avec ses mots un monologue de Pol Pot dans une forme de récit plus ou moins
dansé. Et quelque chose s'est passée. Tout à coup, c'est
devenu du théâtre. On a continué en suivant cette veine
en se rapprochant de plus en plus du texte d'Hélène.
Puis quand nous avons compris qu’une distribution des
personnages était possible alors s'est dessinée pour nous
la possibilité de monter la pièce dans son entièreté et
dans sa forme. Ce projet, est aussi lié à l'avenir de ces
jeunes artistes. On leur transmet des outils théâtraux
pour qu’ils puissent inventer leur théâtre de demain,
chez eux, au Cambodge, parce tout est à réinventer làbas.
Quelle culture du jeu théâtral avait vous découvert en arrivant au Cambodge?
Delphine Cottu : Le théâtre, la danse et la musique sont
partout en Asie, inséparables dans les formes théâtrales
traditionnelles. Au Cambodge ces formes traditionnelles
avaient disparues sous les khmers rouges, elles sont en
train de renaître.
Nous avons eu peu de temps malheureusement pour assister au travail de ces troupes, car nous étions très
concentrés sur nos propres répétitions, le temps nous
étant compté. Je garde pour ma part un très fort souvenir d’une troupe de Théâtre d’Ombre cambodgienne que
j’ai vu à Phnom Penh.
En ce qui concerne les artistes avec lesquels nous travaillons, il pratiquent surtout un
théâtre social de prévention. Notre projet leur a permis
de renouer avec une forme épique inhérente à leur culture et de rencontrer aussi l’écriture d’un auteur.
Qu'est-ce qu'a pu représenter, pour ces jeunes artistes, ce
voyage en France pour jouer la pièce?
Delphine Cottu : Certains comme les circassiens du
groupe avaient déjà voyagé en dehors du Cambodge
pour présenter leur spectacle, d’autres n’en étaient jamais sortis.
Mais l’arrivée de cette nouvelle troupe cambodgienne,
si jeune, venant présenter, en khmer, une partie de l’histoire de son pays à un public français, était totalement
inédite.
Il y eut beaucoup d’émotion lors de ces représentations
à Paris, à Lyon et dans les autres villes quand les acteurs
ont pris la mesure de ce qui se passait.
Grâce à eux, grâce au théâtre, le public pouvait comprendre leur histoire de l’intérieur et devenir lui aussi, à son
tour, pour un moment, cambodgien.
Georges Bigot, vous qui interprétiez il y a 28 ans le rôle
de Sa Majesté Norodom Sihanouk. Quel désir aviez-vous
de recréer cette pièce en langue khmère?
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 31
Georges Bigot : A l’époque de la création en 1985, nous
étions nombreux à partager avec Ariane et Hélène le
désir de jouer là-bas, au Cambodge, mais il était « libéréoccupé » par le Viet Nam, c’était impossible. Le désir d'aller au Cambodge, d'y rencontrer son peuple, ne m'a
jamais quitté. J’attendais un signe, l’occasion d’une véritable rencontre. Quand Ariane m’a proposé l’aventure,
j’ai tout de suite répondu présent. Aujourd’hui, recréer
la pièce en langue Khmère, c’est restituer aux artistes et
au public cambodgien et plus généralement au Cambodge ce qui lui appartient : une partie de sa mémoire.
en arriverait là, réellement. C'est aussi comme ça que de
grandes choses peuvent advenir: accepter de rester dans
une forme de fragilité et d'incertitude. Ça ramène au
sens profond du théâtre. En l'occurrence, ce projet est
presque une mise en abîme de ce qu'est le théâtre:
qu'est-ce que la mémoire? Que signifie de venir sur
scène pour être entendu? Parce que la parole, dans ce
projet, a presque une dimension vitale, pour eux. Par le
théâtre, on peut continuer à faire entendre l'Histoire.
C'est comme une réparation. Rendre à quelqu'un sa mémoire, c'est l'aider à se reconstruire.
Et aujourd'hui, quelles sont les chances de voir cette pièce
jouée un jour au Cambodge?
Georges Bigot : La pièce a failli se jouer à Phnom Penh
en septembre 2011 juste avant la venue de la troupe en
France. Cela aurait été idéal, les artistes auraient créés
la pièce chez eux, puis ils seraient partis en tournée à
l’étranger, comme nous le faisons nous artistes français,
mais le projet a été annulé. Il faut savoir qu'au Cambodge, la constitution interdit que l'on incarne le Roi Sihanouk. Ce dernier nous avait pourtant donné sa «
Bénédiction », tout comme son fils, l'actuel Roi Norodom Sihamoni qui était très touché par ce projet de
création au Cambodge, mais il nous fallait aussi l'accord
du gouvernement. Au dernier moment, le ministère a
rendu un avis défavorable.
Quel rapport à la mémoire avez-vous pu évaluer dans le
pays?
Georges Bigot : Je me pose tout le temps cette question:
est-ce que les Khmers ont envie, aujourd'hui, de raconter
leur histoire? Dans quelle mesure les familles qui ont
survécu au coup d’état et à la république de Lon Nol, aux
Khmers rouges, à la « libération » vietnamienne, ontelles envie d'aller fouiller dans leur passé? Nous tentons
d'avancer le plus délicatement possible. Nous menons
cette aventure humaine et artistique comme un travail
de mémoire, nécessaire à la construction de l’avenir de
ce pays, en espérant qu’un jour la pièce soit jouée au
Cambodge, par des artistes Khmers, en langue khmère,
devant un public Khmer.
Propos recueillis par Eve Beauvallet
Comment avez-vous réagit à ce qui ressemble à un acte
de censure?
Georges Bigot : Ce n'est pas à proprement dit un acte de
censure. Il faut être extrêmement prudent, à mon sens,
avec cette question. Même si nous brûlons tous d'envie
et surtout les comédiens que la pièce se joue un jour au
Cambodge, je pense qu’il est plus prudent d'attendre encore. Ce n'est pas rien, ce qui se passe actuellement avec
les nouvelles élections et les procès des cadres khmers
rouges. Aujourd'hui, certains personnages de la pièce
sont encore vivants, d'autres sont en procès. En amorçant ce projet, nous n’étions pas sûr du contexte politique. Y avait-il un danger à présenter cette pièce là-bas?
Comment le savoir? Comment savoir si la protection des
jeunes comédiens cambodgiens serait réellement assurée? Si un problème survient, nous rentrons en France,
pas eux. Evidemment, selon notre logique de respect de
la liberté d'expression, cette décision peut sembler inacceptable. Il nous faut faire avec le contexte exact de la
vie actuelle au Cambodge. Dès que le pouvoir actuel
comprendra que notre projet ne vise qu’à participer à la
construction de l’avenir, nous pourrons jouer là-bas, j'en
suis sûr. Il faudra encore du temps pour persuadé tout
le monde sur le bien fondé de notre aventure.
Qu'est-ce que ce projet a pu transformer ou conforter dans
votre appréhension du théâtre?
Delphine Cottu : Pour moi, ce projet est un miracle. La
première fois qu'on y est allé, on ne pensait pas qu'on
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 32
noTes De mise en sCène
georges BigoT
J'ai eu l'immense honneur, en 1985, d'interpréter au Thétre du Soleil le rôle de Sa Majesté Norodom Sihanouk,
roi du Cambodge dans la pièce L'Histoire terrible mais
inachevée de Norodom Sihanouk, roi du Cambodge d'Hélène Cixous, mise en scène par Ariane Mnouchkine.
La puissance métaphorique et poétique de l'œuvre d'Hélène Cixous et le génie visionnaire d'Ariane Mnouchkine
avaient insufflé, aux jeunes acteurs que nous étions, la
force et l'humilité respectueuse d'incarner cette période
de l'Histoire Cambodgienne. Dans la continuité de la notion d'un théâtre de service public, qui leur est si chère
et que nous partagions fermement avec elles, nous
étions devenus ce Cambodge de théâtre, éclairant un public qui souvent prenait conscience des tragédie qui ont
dévasté ce pays.
En ce temps-là, nous étions nombreux à partager avec
Ariane et Hélène le désir de jouer cette pièce au Cambodge. L'histoire ne l'a pas permis de cette manière-là.
J'ai toujours eu la conviction, au plus profond de moi
même, qu’un jour ce rêve se réaliserait, quoi qu'il arrive.
J'étais lié pour toujours à cette histoire, grâce à ce fil si
ténu, celui du coeur et de l'art, si fort et si fragile...
Le désir d'aller au Cambodge, d'y rencontrer son peuple
ne me quittait pas. Il y eût quelques opportunités, mais
le grand respect que j'éprouve pour ce pays, que l'imaginaire et la force du théâtre m'avaient fait côtoyer si intimement pendant quelques années, me rendait
insupportable l'idée d'y aller en vacances ou en touriste.
Je ne concevais ma venue que dans la continuité de la
rencontre, de l'action, bref, dans la vérité de l'échange.
Patiemment, j'attendais qu'une occasion réelle se présente. Cette occasion s'est présentée en décembre 2007,
quand Ariane m'a proposé de rejoindre le projet de la
réalisation de la pièce au Cambodge avec des artistes
cambodgiens. Le « destin » frappait à ma porte !
J'ai tout de suite répondu présent à cet appel et nous
avons poursuivi le travail. Depuis, le projet a connu de
nombreuses étapes sous forme d'ateliers de formation,
jusqu'en automne 2009 où Ariane a officiellement confié
la mission de mettre en scène la pièce à Delphine Cottu
et à moi-même, avec les jeunes artistes de l’école des
Arts Phare Ponleu Selpak.
Les véritables répétitions ont commencé en juillet et
août 2010 à Battambang. Il y eût de nouveaux cycles de
répétitions en février et juin 2011. Le hasard a fait que le
25 juin 2011, veille de l'ouverture des procès des Khmers
Rouges à Phnom Penh, la troupe a présenté, à Battambang, la première époque de L'Histoire terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk, roi du Cambodge d'Hélène
Cixous. Un nouveau « roi Sihanouk de théâtre » est né
au Cambodge. Quelle émotion pour Delphine et moi de
voir une partie de cette pièce, créée en France en 1985,
se jouer au Cambodge par des Cambodgiens !
Quel honneur et quelle joie j'ai ressenti, d'avoir transmis
le flambeau du « rôle » à Maradi ! C'est une jeune actrice,
qui a grandi comme tous les autres membres de notre
troupe cambodgienne, dans une banlieue pauvre de la
ville de Battambang. Ces acteurs sont tous issus de milieux très défavorisés.
Quelle émotion nous pouvions lire dans leurs yeux à la
fin de cette présentation quand ils entonnèrent avec ferveur l'hymne national du Cambodge, devant ce public
d'amis, de familles et de villageois des alentours, qui se
tenait respectueusement debout pour recevoir leur désir
de communion. La reconnaissance de ce public, étonné
par la grande qualité artistique de leur jeu et l'engagement collectif qu'ils ont démontrés au service de cette
pièce, leur a donné, pour la première fois, une confiance
en eux-mêmes et en leur avenir, en tant que femmes et
hommes de théâtre au Cambodge.
Quand nous évoquons, avec Delphine, les dix futures représentations au Théâtre du Soleil, secrètement nous
sourions, d’une joie espiègle, tels des enfants. Nous les
imaginons sur ce fabuleux plateau qui a donné naissance à cette oeuvre il y a vingt-six ans et partageons ce
bonheur, semblable à celui de « sages femmes ». Nous
savourons ensemble l’humanité qu’ils nous offrent, ce
« Phare » qui nous a guidé tout au long de cette mission
jusqu’au coeur de l’humain. Plus que jamais cette lumière nous a réuni dans notre conviction qu’elle est l’essence de la pratique du théâtre.
Comme fruit de l’amitié et de la reconnaissance mutuelle de nos deux grandes cultures et des liens véritables qui unissent nos deux nations, ce projet
correspondra peut-être au désir, si souvent rencontré,
du peuple cambodgien d’approcher au mieux des tenants de son histoire contemporaine, je le souhaite sincèrement.
« Par l’Art, pour l’Humanité », cette aventure artistique
et humaine plutôt rare, est ainsi une preuve de persévérance et de résistance au service de l’Histoire et de l’Art
du théâtre dans le monde, mais aussi,un acte pour la reconstruction du pays, dans l’espoir que le Cambodge retrouve son fabuleux sourire ancestral.
Novembre 2011
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 33
Delphine CoTTu
En janvier 2008, revenant d'une tournée à Taïwan où,
avec le Théâtre du Soleil, nous avions joué Les Éphémères, je me suis rendue pour la première fois au Cambodge pour accompagner Ariane Mnouchkine qui
dirigeait à Battambang un atelier avec les jeunes élèves
majoritairement circassiens de l’école des Arts Phare
Ponleu Selpak et les acteurs de la troupe Kok Thlok. Il
s’agissait de remonter la pièce d'Hélène Cixous, L'Histoire
terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk, roi du
Cambodge, créée par le Théâtre du Soleil en 1985.
Du Cambodge, à cette époque, je ne savais que peu de
choses, si ce n’est bien évidemment son « histoire terrible ». Le projet m'attire car, je le sens, il est travail sur la
mémoire, source d’enseignement et promesse de découverte. Lors de ces deux semaines d’atelier, en présence
de cinq autres de mes compagnons du Théâtre du Soleil
(dont Maurice Durozier qui avait joué Pen Nouth à
l'époque), et sous l'oeil de la caméra de Catherine Vilpoux, une forte émotion s'empare de moi lorsqu’Ariane
remet en scène l'entrée de Sihanouk avec les acteurs
cambodgiens. En quelques minutes, dans la belle salle
de l'école des Arts, se réaniment devant mes yeux les
protagonistes devenus légendaires de cette épopée, et
j'entrevois, par l'imagination, le visage des acteurs qui
les avaient incarnés vingt-trois ans plus tôt sur le plateau
du Théâtre du Soleil.
Pahn et de Roland Joffé. Je me compose une mémoire
du Cambodge, et tisse les liens affectifs et poétiques qui
m’unissent désormais au royaume khmer. La réalité du
terrain viendra par la suite tout ébranler, quand, me retrouvant face au temps redoutable de la répétition, aucune certitude n’avait plus lieu d'exister, aucune attente
plus lieu d’être satisfaite.
Avec un tel projet, et dans un contexte politique toujours aussi tendu, le présent fait loi, et c’est sur une route
fertile mais inexplorée, qu’aux côtés de Georges, mon
précieux aîné, et de ces jeunes artistes si souvent enseignants, je me trouve aujourd’hui engagée.
Novembre 2011
Ma relation avec le Cambodge fut dès lors instinctive,
j'avais envie et besoin d'y retourner. Une correspondance
secrète s’était établie entre les questions qui m'habitaient dans mon propre travail de comédienne durant
Les Éphémères et ce projet qui cherchait, humblement,
par la métaphore du théâtre et la force de l'écriture d'Hélène Cixous, à rendre au peuple cambodgien, au moins
à une partie représentative, la mémoire de son histoire,
de ses richesses, de sa culture, de son identité.
En juin 2009, Ariane me demande de retourner à Battambang pour poursuivre ces ateliers de recherches avec
Georges Bigot. Je découvre alors la générosité, l'exigence
et le magnifique engagement de l'acteur qui avait incarné Sihanouk en 1985. Notre rencontre est forte et
j'ignore à ce moment-là qu'elle sera le début d'une
longue et belle collaboration. En octobre, Ariane décide
de nous missionner tous les deux pour mener à bien
cette aventure.
Je pars alors sur les traces de cette histoire avec le Cambodge qui avait commencé pour le Théâtre du Soleil il y
a 26 ans et qui croisait aujourd’hui mon profond désir
de mise en scène. Dans les salles de lecture de la BnF, je
découvre des cartons entiers de notes de répétitions, de
photos du spectacle, soigneusement collées sur de petites plaques en bois et enveloppées dans du papier de
soie. Je lis et relis la pièce d'Hélène Cixous, et découvre
les ouvrages de William Shawcross, de François Bizot,
d'André Malraux, de Dane Cuypers, les films de Rithy
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 34
Biographies
georges BigoT
Georges Bigot a été acteur au Théâtre du Soleil de 1981 à 1992. Sous la direction d’Ariane Mnouchkine, il a joué dans
Richard II, La Nuit des rois et Henri IV de William Shakespeare ; L’Histoire terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk, roi du Cambodge et L’Indiade de Hèlène Cixous, ainsi que dans Iphigénie à Aulis d’Euripide, Agamemnon et
Les Choéphores d’Eschyle. Il y a incarné de façon marquante les rôles du Roi Richard II, du Duc Orsino, du Prince de
Galles, du Prince Sihanouk et du Pandit Nehru. En 1986, il reçoit le prix du meilleur acteur, pour le rôle du Prince
Norodom Sihanouk, décerné par le Syndicat National de la Critique. Depuis 1992, il a joué dans Figaro Divorce de
Ödön Von Horvàth, mise en scène de Jean-Paul Wenzel (1993) ; Lélio ou le retour à la vie, d’Hector Berlioz avec l’Orchestre Philharmonique de Rotterdam (1993) ; Le Grain et la Balle, d’après Samuel Beckett, mise en scène de Stuart
Seide (1994) ; Les Nouveaux Bâtisseurs de Mohamed Rhouabi, mise en scène de Claire Lasne (1997) ; Sauvés, d’Edward
Bond, mise en scène de Laurent Lafargue (1997) ; Et ils passèrent des menottes aux fleurs… de Fernando Arrabal avec
Le Petit Théâtre de Pain (1998) ; Le Cid, de Pierre Corneille, mise en scène de Declan Donnellan (1999) ; Titus Andronicus, de William Shakespeare, mise en scène de Simon Abkarian (2003) ; La vie de Galilée, de Bertolt Brecht, mise
en scène de Christophe Rauck (2004) ; Embedded, de Tim Robbins, mise en scène de Georges Bigot (2006) ; La
Mouette, de Anton Tchekhov mise en scène de Philippe Adrien (2006) ; La Chance de ma vie, mise en scène de Valérie
Grail (2007) ; Pénélope Ô Pénélope, de Simon Abkarian, mise en scène de Simon Abkarian ; La Grande Magie, de
Edouardo de Filipo, mise en scène de Laurent Lafargue (2008) ; Ciels, de Wajdi Mouawad, mise en scène de Wajdi
Mouawad; Something Wilde, d’après Salomé de Oscar Wilde, mise en scène de Anne Bissang (octobre-novembre
2010) ; et en 2013 Mangeront-ils ? de Victor Hugo, mise en scène de Laurent Pelly à Genève, au Théâtre de Carouge
et à Marseille, à la Criée. Il a mis en scène Kalo, de Maurice Durozier (1993) co-mise en scène avec l’auteur ; La Dispute
de Marivaux (1994), Ambrouille, écriture collective du Petit Théâtre de Pain (2000), Le Retour de Bougouniéré, et Ségou
Fassa, de Jean-Louis Sagot Duvauroux, avec l’atelier Bamako, fruit d’un long voyage et travail au Mali (2000 à 2004);
La Mouette de Anton Tchekhov, créée à Los Angeles avec la compagnie de Tim Robbins The Actor’s Gang (2001), Ail
d’Hélène Cixous au festival Teatromil de Santiago du Chili (2004). Il a traduit et mis en scène Embedded de Tim
Robbins avec Le Petit Théâtre du Pain (création pour la première fois en France en mars 2006, tournée jusqu’en
2010), L’Histoire terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk, roi du Cambodge (Première époque), d’Hélène Cixous
(2011), CAFI de Vladia Merlet ; Ail d’Hélène Cixous (créée à Los Angeles avec la compagnie de Tim Robbins The Actor’s
Gang (2012). Il enseigne depuis 2009 à L'école nationale supérieure de l'Académie de Limoges. Son esprit d’aventure
l’a conduit à diriger le festival de théâtre Les Chantiers de Blaye durant six années, de 1996 à 2001.
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 35
Delphine CoTTu
Delphine Cottu a été comédienne au Théâtre du Soleil entre 1997 et 2009. Entre 1992 et 2010, elle se forme au cours
de stages auprès de Stuart Seide, Olivier Werner, éloi Recoing, Feruccio Soleri, Carolyn Carlson, Philippe Faure, Antonio Araujo, Catherine Germain, et Alexandre del Perrugia.
De 1994 à 1995, elle joue dans On vient chercher Mr Jean, et Mon théâtre secret, de Jean Tardieu, mis en scène par G.
Vernay. Elle travaille avec la compagnie Bagage de sable, sur la lecture de l’œuvre de Charlotte Delbo - assistante de
Louis Jouvet, déportée et revenue des camps - avec 320 comédiennes, répartie sur 154 communes, la lecture est retransmise en simultanée sur France-Culture. En 1996, elle réitère l’expérience avec la lecture du Fil, l’œuvre autobiographique de Christophe Bourdin, mort du Sida en 1997. Elle continue sa formation à l’école de l’Embarcadère,
Centre régional de formation aux arts et techniques du spectacle et pôle d’écritures contemporaines, à Besançon,
qui lui permet de découvrir les textes de Roland Fichet, Noëlle Renaude, de rencontrer Jean-Luc Lagarce, et Michel
Azama ; elle se forme auprès Lucas Belvaux, Anne-Marie Fijal, Christophe Galland, Laurent Pelly, et Jacques Livchine.
C’est en jouant Séraphine, dans Le Suicidé, de Nicolaï Erdman, mis en scène par Joséphine Derenne, qu’elle fait la
rencontre déterminante d’Ariane Mnouchkine. Elle suit ensuite une année de formation au Conservatoire national
de région de Tours. En 1997, elle joue dans Amphitryon de Kleist, mis en scène par Serge Irlinger, au Théâtre de l’Utopia à La Rochelle, puis participe au stage organisé par Ariane Mnouchkine, à la suite duquel elle intègre le Théâtre
du Soleil la même année. De 1997 à 1998, elle joue Charlotte, la stagiaire indocile dans Et soudain des nuits d’éveil.
De 1999 à 2002, elle joue dans Tambours sur la digue. De 2003 à 2007, elle est Babouchka et Solange, l’infirmière à
Sangatte, dans Le Dernier Caravansérail. Puis entre 2006 et 2009, elle tient les principaux rôles dans Les Éphémères.
En 2010, elle joue La Puce à l’oreille, sous la direction de Paul Golub ; puis elle retrouve le Théâtre du Soleil pour lequel elle interprète le rôle de la narratrice des Naufragés du Fol Espoir, en alternance avec Shaghayegh Beheshti.
Parallèlement, depuis 2004, Delphine Cottu encadre des ateliers de formation en France (classes option théâtre, à
l’occasion notamment de la programmation du Théâtre du Soleil au baccalauréat), et à l’étranger (Maroc, Argentine,
Israël). En 2007, elle collabore avec Charles-Henri Bradier pour sa création de L’ Arbalète magique, conte musical de
Thon That Tiêt pour chanteurs et orchestre, avec l’ensemble Musica 13. En janvier 2008, elle accompagne Ariane
Mnouchkine au Cambodge pour un atelier autour de la recréation de L’Histoire terrible mais inachevée de Norodom
Sihanouk, roi du Cambodge.
En juin 2013, Delphine Cottu était au Printemps des Comédiens de Monpellier dans Liliom, mise en scène de Jean
Bellorini.
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 36
le Japon au FesTival D’auTomne à paris
Une terre des possibles
Depuis sa création, le Festival d’Automne à Paris poursuit un cap novateur et cosmopolite, une pratique vagabonde et subjective tournée vers d’autres territoires. Le
Japon est l’une de ces terres des possibles conciliant modernité et tradition.
Dès 1973, à l’invitation du Festival, des moines bouddhistes
de la secte ésotérique Tendai exécutent une cérémonie
du rituel shômyô à l’espace Cardin. Adeptes de l’universalité
du salut pour toute l’humanité, les religieux viennent du
temple Enryaku-ji, situé sur le mont Hiei, au-dessus de
Kyôto, ancienne capitale impériale. Leurs chants liturgiques
inaugurent une programmation qui ne cessera jamais de
témoigner de la vitalité artistique du Japon.
En 1975, au Théâtre des Bouffes du Nord, la compagnie
Yoshi anime un atelier de techniques corporelles et
vocales issues de pratiques spirituelles, des arts martiaux
et du théâtre nô, avant de présenter Hannya Shingyo,
spectacle dirigé par Yoshi Oida mettant en scène un
rituel de purification shintô (religion fondatrice) et la
récitation du « Sûtra du cœur » (« Hannya Shingyo »),
court texte bouddhique populaire de tradition mahayaniste (Grand Véhicule).
à la suite de sa première visite au Japon, en 1976, Michel
Guy, fondateur du Festival d’Automne à Paris, a l’idée d’un
programme japonais plus ambitieux et plus vaste, qui
verra le jour deux ans plus tard : « faire partager les impressions si particulières, sans doute uniques au monde, qui
saisissent l’Européen lorsqu’il découvre Tokyo. La parfaite
cohabitation de la culture authentiquement japonaise et
de l’hyper-civilisation à l’occidentale (le théâtre du kabuki
n’est-il pas au cœur de Ginza ?), le profond enracinement
d’un certain art de vivre, me semblaient être des éléments
sensibles d’une importance capitale dans le développement
de l’expression artistique du Japon d’aujourd’hui. » Il sait
déjà que ce programme s’appuiera sur le compositeur
Toru Takemitsu (1930-1996) et l’architecte Arata Isozaki,
deux personnalités incarnant « cette permanence de la
tradition et d’une conscience aiguë de la création ».
Ma : le « lien entre »
En 1978, alors que, de l’autre côté de l’Eurasie, un traité
de paix et d’amitié est signé entre le Japon et la Chine et
que L’Empire de la passion de Nagisa Oshima sort en salle,
l’exposition MA Espace-Temps, au musée des Arts décoratifs,
marque les esprits. Roland Barthes signe les textes d’introduction de cet événement majeur imaginé par Arata
Isozaki. Sculpteurs, graphistes et photographes participent
à cette installation d’un nouveau genre. Au Japon, le
concept ma définit un intervalle spatial et temporel, une
notion de distance existant naturellement entre deux
objets ou entre deux actions. « C’est-à-dire aussi : vide et
ouverture entre deux éléments, par exemple la notion
d’absence qui oppose l’espace compris dans un paravent
à l’espace compris dans la pièce. Ou, si l’on privilégie la
notion du temps : intervalle, temps de pause existant
dans un processus se déroulant en plusieurs moments.
Il n’existe aucune différence entre les deux notions de
temps et d’espace telles que les perçoivent les Européens.
Ce concept est le fondement même de l’environnement,
de la création artistique et de la vie quotidienne au point
que l’architecture, I’art, la musique, le théâtre, l’art des
jardins sont tous appelés des arts « MA »1. L’événement
sera d’une portée considérable dans la perception que le
public et beaucoup de créateurs auront désormais des
principes régissant la création artistique japonaise.
Cette même année, le public du Festival découvre le chorégraphe et interprète Min Tanaka, héritier artistique de
Tatsumi Hijikata (1928-1986), créateur du butô, danse des
ténèbres et des origines, dont l’épouse Yoko Ashikawa
surgit comme un fantôme dans la Chapelle de la Sorbonne.
Signe tangible des fidélités du Festival et de sa capacité
à ne pas oublier, ce même Min Tanaka, celui qui « danse
les lieux », sera invité en 2012, trente-quatre ans après, à
présenter au Théâtre des Bouffes du Nord Locus Focus.
Yoshi Oida conçoit et dirige Ame Tsuchi, exercices mythologiques japonais sur le Kojiki, premier livre d’histoire de
l’empire insulaire. Sous le signe du pinceau, Sho, calligraphie
contemporaine japonaise, expose cent quatre-vingts
œuvres à la Chapelle de la Sorbonne. Des maîtres venus
de l’archipel, représentants les principales tendances de
la calligraphie contemporaine, exercent leur art en public.
école d’humilité et de persévérance, la calligraphie trace
« la vérité du geste sans défaillance ». Le trait devient mouvement traversant les possibles du temps et de l’espace.
Dans ce même lieu et aux Arts décoratifs, musiques traditionnelles de koto (longue cithare), de shamisen (luth
à trois cordes), de satsuma-biwa (luth), de shakuhachi
(flûte droite en bambou) font écho aux compositions de
Toru Takemitsu, Maki Ishii et de Jo Kondo. Ce programme
inédit en Occident engendre un désir de Japon toujours
plus intense.
Le Festival accueille, en 1981, la troupe de Ichikawa Ennosuke III interprétant trois pièces de kabuki ; en 1983, la
compagnie Motoaki Kanze présentant deux nô et un
kyôgen puis, en 1990, le Grand Kabuki avec Nakamura
Utaemon VI.
En 1997, le Festival s’associe à l’année du Japon en France
et présente, pour la première fois rassemblées dans une
même manifestation, les trois grandes traditions du théâtre
classique : le kabuki, placé sous le signe du spectaculaire,
le hiératique et aristocratique nô – authentique scène nô
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 37
reconstituée dans la Grande Halle de la Villette pour un
cycle exceptionnel de sept pièces sous l’égide du maître
Kiyokazu Kanze, vingt-sixième de la dynastie Kanze – et
le théâtre de marionnettes bunraku. Le jiuta-maï, danse
de cour stylisée et sobre exécutée par des femmes, révèle
par la retenue des gestes une grande quiétude.
Trois générations de passeurs, trois compositeurs japonais
– Yoritsune Matsudaïra, Toru Takemitsu et Toshio Hosokawa – offrent une traversée du XXe siècle entre le Japon
et l’Europe. L’installation du plasticien Tadashi Kawamata,
à la chapelle Saint-Louis de La Salpêtrière, souligne à nouveau l’importance de l’entre-deux, si primordial au concept
ma. La virtuosité des artistes japonais invités, dont des
« trésors nationaux vivants », a contribué au succès de
cette XXVIe édition, réunissant soixante-sept mille spectateurs !
Naomi Kawaze et Nabuhiro Suwa, la rétrospective Shinji
Aoyama, le cycle sur les arts martiaux dans le cinéma japonais témoignent tous de l’impossibilité d’un clap de
fin avec le 7e Art japonais…
Jean-Luc Toula-Breysse
Au cours des dix dernières années, le Festival a su s’ouvrir
à l’émergence d’une scène théâtrale japonaise née à Tokyo
en présentant les mises en scènes et textes d’ Oriza Hirata
et Toshiki Okada. Le chorégraphe et danseur Saburo Teshigawara, découvert en France en 1986 lors du concours
international de Bagnolet, n’a cessé de poursuivre la
recherche d’une « nouvelle forme de beauté », puisant ses
sources dans la tradition japonaise comme dans les formes
du présent. Chacune de ses pièces prolonge une réflexion
sur l’équilibre fragile qui unit le corps à son environnement.
Ce sculpteur du mouvement, à ses heures cinéaste et plasticien, fut invité à huit reprises. Ce bref retour sur une
déjà longue histoire serait incomplète si l’on ne citait
Ryoji Ikeda, plasticien et compositeur de musique, figure
de la scène électronique minimaliste, profondément
emprunt d’une beauté toute mathématique et cinétique.
Cette nouvelle édition permettra de présenter deux pièces
de Toshiki Okada (Ground and Floor et Current Location),
de découvrir le travail de Daisuke Miura (Le Tourbillon
de l’amour) et de revenir aux fondamentaux bien vivants
de la tradition japonaise : un spectacle original de bunraku
mis en scène par l’artiste photographe Hiroshi Sugimoto
et une exposition à la Fondation Pierre Bergé – Yves Saint
Laurent présentant des pièces d’art ancien japonais et
des œuvres inédites provenant de la collection personnelle
de Hiroshi Sugimoto.
Sugimoto Bunraku Sonezaki Shinjû –
Double suicide à Sonezaki
Hiroshi Sugimoto
Théâtre de la Ville
10 au 19 octobre
Pages 41 à 46
1 D’après Arata Isozaki, archives du festival 1978.
Le programme Japon page :
Toshiki Okada / Ground and Floor
Centre Pompidou
9 au 12 octobre
Pages 37 à 40
Toshiki Okada / Current Location
Théâtre de Gennevilliers
14 au 19 octobre
Pages 37 à 40
Daisuke Miura / Le Tourbillon de l’amour
Maison de la culture du Japon à Paris
5 au 7 décembre
Pages 81 à 84
Le cinéma
Au fil des éditions et des bobines, le Festival d’Automne
à Paris s’est associé aux Cahiers du Cinéma pour rendre
hommage à Kenji Mizoguchi (1898-1956), Akira Kurosawa
(1910-1998), Toshiro Mifune (1920-1997), Takeshi Kitano,
Kiyoshi Kurosawa. La rétrospective consacrée à Nagisa
Oshima (1932-2013), figure de la « nouvelle vague » japonaise dépeignant la violence d’une société, le panorama
des cinéastes japonais contemporain aux images de
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 38
ToshiKi oKaDa
ToshiKi oKaDa
Ground and Floor
Current Location
Texte et mise en scène,
Toshiki Okada
Texte et mise en scène,
Toshiki Okada
Avec Taichi Yamagata, Makoto Yazawa, Yukiko Sasaki, Mari Ando,
Izumi Aoyagi
Scénographie, Shusaku Futamura
Musique, Sangatsu
Dramaturgie, Sebastian Breu
Régisseur général, Koro Suzuki / Son, Norimasa Ushikawa
Lumière, Tomomi Ohira / Vidéo, Shimpei Yamada
Traduction française, Mathieu Capel et Hirotoshi Ogashiwa
Directrice de production, Akane Nakamura
Manager compagnie, Tamiko Ouki
Avec Yukiko Sasaki, Saho Ito, Kei Namba, Mari Ando, Izumi
Aoyagi, Azusa Kamimura, Shiho Ishibashi
Scénographie, Shusaku Futamura
Musique, Sangatsu
Dramaturgie, Sebastian Breu
Régisseur général, Koro Suzuki Son, Norimasa Ushikawa
Lumière, Tomomi Ohira / Vidéo, Shimpei Yamada
Directrice de production, Akane Nakamura
Manager compagnie, Tamiko Ouki
FESTIVAL D’AUTOMNE à PARIS
THEATRE DE GENNEVILIERS
FESTIVAL D’AUTOMNE à PARIS
CENTRE POMPIDOU
Mercredi 9 au Samedi 12 octobre,
mercredi et jeudi 20h30,
vendredi et samedi 21h,
10€ et 14€
Abonnement 10€
Durée estimée : 1h30
Spectacle en japonais surtitré en français
Production Kunstenfestivaldesarts (Bruxelles)
Producteur exécutif chelfitsch (Tokyo)
Producteur associé precog (Tokyo)
Coproduction Hebbel am Ufer/HAU (Berlin) La Bâtie – Festivalde Genève
KAAT (Kanagawa Arts Theater) ; Kyoto Experiment; De Internationale
Keuze van de Rotterdamse Schouwburg ;Dublin Theatre Festival ; Théâtre
Garonne (Toulouse) Onassis Cultural Center (Athène)
Les Spectacles vivants – Centre Pompidou (Paris) ;
Festival d’Automne à Paris
Coréalisation Les Spectacles vivants – Centre Pompidou (Paris) ; Festival
d’Automne à Paris
Remerciements à Steep Slope Studio et Nao Kusumi
Lundi 14 au samedi 19 ocobre 20h30,
mardi et jeudi 19h30
12€ à 24€
Abonnement 10€ et 12€
Durée : 1h40
Spectacle en japonais surtitré en français
Production chelfitsch (Tokyo)
Producteur associé precog (Tokyo) Coproduction Doosan Art Center
Coréalisation Théâtre de Gennevilliers, centre dramatique national de
création contemporaine ;
Festival d’Automne à Paris
Remerciements à Steep Slope Studio
Spectacle créé le 20 avril 2012 au (Kanagawa Arts Theater) (Japon)
Spectacle créé le 22 mai 2013 au Kunstenfestivaldesarts (Bruxelles)
Avec le soutien de The Agency for Cultural Affairs Government of Japan in the fiscal 2013
Avec le soutien de l’ONDA Office national de diffusion artistique
Avec le soutien de la Fondation Franco-Japonaise Sasakawa, de The Japan Foundation (Performing Arts Japan Program for Europe)
et de la Fondation pour l’étude de la langue et de la civilisation japonaises sous l’égide de la Fondation de France
Contacts presse :
Festival d’Automne à Paris
Christine Delterme, Carole Willemot
01 53 45 17 13
Contacts presse :
Festival d’Automne à Paris
Christine Delterme, Carole Willemot
01 53 45 17 13
Centre Pompidou
Agence Myra
01 40 33 79 13
Théâtre de Gennevilliers
Philippe Boulet
06 82 28 00 47
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 39
Toshiki Okada, qui a fondé sa compagnie Chelfitsch en 1997, est connu pour son « théâtre dansé », qui détourne la
gestuelle du quotidien pour explorer les enjeux de la société contemporaine japonaise. Le thème du travail
précaire était ainsi au centre de Hot Pepper, Air Conditioner and the Farewell Speech, présenté au Théâtre de
Genneviliers dans le cadre du Festival d’Automne à Paris 2010. Avec Current Location et Ground and Floor, le
metteur en scène ouvre un nouveau chapitre de son parcours. Marqué par le tragique séisme du 11 mars 2011 et
l’accident nucléaire de Fukushima qui s’en est ensuivi, il y interroge le thème du changement et la recherche d’un
rapport plus adéquat entre les individus et le monde.
Ground and Floor suit ainsi le parcours d’une femme en butte aux contraintes sociales, parlant une langue
japonaise ordinaire, mais comme en voie d’extinction. Current Location se déroule dans un univers de sciencefiction, où sept femmes évoluent dans un village que l’on dit « damné ». Alors que les rumeurs circulent, chacune
adopte une attitude différente à l’égard de cette menace. Comment faire face à une réalité fragmentaire et
incertaine, qui semble perdre toute vraisemblance ? Comme le résume Toshiki Okada : « On veut à tout prix
changer les circonstances, et si l’on ne peut pas, on est frustré ou en colère. On se promet de changer, ou bien on
hésite. On essaye de rester calme en toutes circonstances. On dit que c’est une question de courage ou de lâcheté,
ou alors, on ignore la question… On espère ne pas faire d’erreur, pour avoir raison. Et on compare cet espoir aux
erreurs irréversibles que l’homme a commises par le passé. Les personnages de Current Location vivent ainsi, et
nous aussi. »
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 40
enTreTien
ToshiKi oKaDa
Vous avez écrit que Current Location ouvrait un nouveau
chapitre de votre carrière. Pour quelle raison ?
Toshiki Okada : Avant, je ne m’intéressais pas à la fiction,
au fait de raconter des histoires. Current Location est la
première pièce pour laquelle je me suis intéressé à la fiction. La raison de cela, c’est que j’ai vécu un changement
après la catastrophe du 11 mars 2011 et l’accident nucléaire qui s’en est suivi. Après cette catastrophe, j’ai
changé ma manière de voir le théâtre et son rôle dans la
société. J’ai commencé à m’intéresser au fait de placer
une fiction devant le public – c’est-à-dire devant la société. J’espère ainsi créer une tension entre cette fiction
et la société.
En quel sens entendez-vous le mot fiction ? Est-ce une
réalité alternative, quelque chose de totalement imaginaire... ?
Toshiki Okada : C’est quelque chose qui ne s’est pas produit en réalité, mais qui peut donner au public l’occasion de réfléchir. C’est cela, l’effet et le sens de la fiction.
Avant 2011, ce n’est pas ce que je pensais. Je pense aujourd’hui qu’une société après une catastrophe a besoin
de fiction, a besoin d’une tension avec quelque chose.
La fiction est le meilleur moyen de créer une tension
avec la société.
La pièce, dîtes-vous, se déroule dans un univers de
science-fiction. Qu’est-ce qui vous a intéressé dans la
science-fiction ? Avez-vous été inspiré par certains livres
ou films ?
Toshiki Okada : Quand j’ai eu l’idée de créer une fiction,
la science-fiction était un objectif. C’est-à-dire que je ne
voulais pas seulement créer une histoire fictionnelle à
une petite échelle, mais créer une histoire complètement irréelle. Je ne sais pas dans quelle mesure Current
Location est véritablement de la science-fiction, mais
c’est à cela que je pensais en la montant.
On y parle de rumeurs, d’un village damné, de la question
de la croyance en une réalité peu assurée...
Toshiki Okada : Cela provient du tremblement de terre
et de l’accident nucléaire. Comme les radiations sont invisibles, c’était facile pour certaines personnes qui n’y
croyaient pas de ne pas voir la réalité. D’autres, au
contraire, pensaient que c’était une situation extrêmement dangereuse. Donc nous, les Japonais, nous vivons
exactement la même situation que celle qui est présentée dans Current Location.
Dans Current Location, le public est sur scène. Quel rôle
joue-t-il ?
Toshiki Okada : La raison de mon intérêt pour la fiction
est la relation qu’elle crée avec le public. Si l’on met en
scène une fiction de façon classique, cette relation se
produit. Mais, d’une certaine façon, je ne pouvais pas me
résoudre à faire cela. Je n’aurais pas complètement cru à
cet effet. Je voulais que le public comprenne l’effet de
cette expérience de la fiction, en voyant la pièce. C’est
pourquoi Current Location ne montre pas seulement
l’histoire, mais aussi la relation entre l’histoire et le public.
Dans Current Location et Ground and Floor, comment
avez-vous abordé la chorégraphie ? Pouvez-vous nous
parler du processus créatif avec les acteurs ?
Toshiki Okada : Je n’aime pas le rapport conventionnel
du mouvement au langage. Ce type de mouvement ne
me convainc pas. Le mouvement que j’apprécie est celui
qui se tient à une distance appropriée du langage.
Lorsque je crée un mouvement avec les acteurs, je leur
demande de faire un mouvement qui provient d’une
image qu’ils ont en tête, et pas d’un discours. Les acteurs
de Current Location et de Ground and Floor connaissent
très bien ma méthode. La plupart d’entre eux travaillent
avec moi depuis longtemps. Non seulement ils comprennent ma méthode, mais ils ont leur propre interprétation de ma méthode, donc ils ont leur propre méthode
maintenant ! Il y a cinq ans, c’était donc facile pour moi
de vous décrire la façon dont nous créions le mouvement pour une pièce, parce que je leur disais quelque
chose qu’ils apprenaient. Aujourd’hui, je ne suis plus certain de la façon dont ils travaillent. Mon critère, c’est :
est-ce que j’aime ou non ce qu’ils font ? Est-ce que cela
me convainc ou non ?
Quel était le point de départ de Ground and Floor ?
Toshiki Okada : Ma curiosité à l’égard de la fiction se
poursuit. Après Current Location, je voulais réussir à faire
une pièce avec cette même curiosité. Mais la différence
avec Current Location réside dans l’utilisation de la musique, et dans sa relation avec la pièce. Pour Current Location, j’avais travaillé avec le groupe Sangatsu et j’avais
aimé leur travail. Ils utilisent une guitare, une basse et
une batterie, donc ils ressemblent à un groupe de rock
sauf qu’ils utilisent ces instruments de façon expérimentale. J’étais satisfait de notre collaboration et je voulais
aller plus loin, leur donner un plus grand rôle. La musique était très importante, mais elle était en toile de
fond, elle était moins importante que la pièce. Pour
Ground and Floor, je voulais qu’elle vienne au premier
plan. Parfois, les musiciens venaient aux répétitions et
improvisaient en regardant le spectacle. La musique
dans la pièce précédente était plutôt calme, presque silencieuse, et là je ne voulais pas qu’elle soit timide. Parfois, elle dérange la pièce à cause de sa présence, et cela
m’intéresse d’être dérangé par la musique.
Que signifie le titre de la pièce ?
Toshiki Okada : Le sol (ground) est immobile, le plancher (floor) est mobile. L’histoire de la pièce tourne autour de la mobilité : est-ce que vous quittez le pays dans
lequel vous êtes né ou est-ce que vous restez ? Si vous
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 41
Biographie
pensez que votre pays est devenu dangereux, il est possible que vous vouliez partir. Mais cela crée des problèmes. Il y a dans Ground and Floor un personnage de
fantôme : une femme morte qui dort sous la terre. Elle
a besoin de l’aide des vivants. C’est le fantôme d’une
mère, qui a deux fils. Elle veut qu’ils s’occupent d’elle.
L’un des deux fils s’acquitte bien de cette tâche, et l’autre
non, il veut quitter cet endroit. Lui et sa femme ne pensent pas qu’il y ait de l’espoir à rester. Donc ils sont
confrontés à un problème : ils veulent partir, mais il y a
des choses qu’ils doivent faire.
Comment votre rapport au langage a-t-il évolué ces dernières années ? Pour Ground and Floor, vous dîtes que
les personnages sont comme quelques « rares locuteurs
du japonais, dans un monde où ils ont tous presque disparu ». Pouvez-vous nous en dire plus ?
Toshiki Okada : Ces temps-ci, je suis préoccupé par l’idée
que la langue japonaise va disparaître. Après avoir fait
l’expérience de la catastrophe et de la faillite du gouvernement, je me suis rendu compte que je ne pouvais plus
compter sur eux. à cause de ce gouvernement pitoyable,
la langue japonaise pourrait disparaître. Par ailleurs, depuis environ six ans, j’ai eu l’opportunité de montrer
mes pièces à l’étranger – et tout particulièrement en Europe. Je parle japonais, mais je sais que presque personne ne comprend le texte. Le public voit le spectacle
et entend la langue, et je trouve cela très intéressant, curieux, bizarre même. Donc cette idée du langage dans
Ground and Floor provient de mon inquiétude à l’égard
du japonais et de mon expérience en Europe.
Propos recueillis par Barbara Turquier
ToshiKi oKaDa
Toshiki Okada est né en 1973 à Yokohama. Il est auteur
dramatique et metteur en scène. En 1997, il fonde la
compagnie de théâtre Chelfitsch, dont il a écrit et mis
en scène toutes les productions, en appliquant une méthodologie distincte que l’on reconnaît à son langage
très familier et ses chorégraphies très particulières. En
2005, le spectacle Five Days in March remporte le prestigieux 49e prix Kishida Kunio. En 2005, Okada a participé au prix Toyota de la chorégraphie avec son
spectacle Air Conditioner (Cooler) (2005) qui lui a valu
beaucoup d’attention. En février 2007, il fait ses débuts
littéraires avec le recueil de nouvelles Watashitachi ni
Yurusareta Tokubetsu na Jikan no Owari (The End of the
Special Time We Were Allowed) pour lequel il s’est vu
attribuer le prix Kenzabure. Depuis 2012, il fait partie du
jury du prix Kishida Kunio.
Toshiki Okada au Festival d’Automne a Paris :
2008
Freetime (le CENTQUATRE)
Five days in March (Théâtre de Gennevilliers)
2010
We are the Undamaged Others et Hot Pepper, Air
Conditioner and the Farewell Speech
(Théâtre de Gennevilliers)
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 42
Sugimoto Bunraku Sonezaki ShinjûDouble suicide à Sonezaki
Mise en scène et direction artistique, Hiroshi Sugimoto
Composition et direction musicale, Tsurusawa Seiji
Chorégraphie, Waka Yamamura
Vidéo, Hiroshi Sugimoto et Tabaimo
Avec Tsurusawa Seiji (shaminsen), Yoshida Ichisuke (manipulateur), Kiritake Kanjuro (manipulateur) et 24 interprètes
Traduction et surtitrage, Patrick De Vos
FESTIVAL D’AUTOMNE à PARIS
THEATRE DE LA VILLE
Jeudi 10 au samedi 19 octobre 20h30, samedi 15h et 20h30,
dimanche 15h, relâche lundii
25€ et 35€
Abonnement 25€
Durée : 2h25 avec entracte
Spectacle en japonais surtitré en français
Hiroshi Sugimoto, reconnu comme l’un des plus grands
photographes contemporain japonais, s’approprie un classique de la scène nipponne : le théâtre de marionnettes
bunraku, inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco. Après avoir embrassé l’univers du
théâtre nô, l’artiste met en scène, dans une nouvelle production, Le pèlerinage à la déesse Kannon, extrait du Double
suicide à Sonezaki (Sonezaki shinjû) du dramaturge Chikamatsu Monzaemon (1653-1724). Jeune et innocent, Tokubei
a pour bien-aimée une belle courtisane nommée Ohatsu,
pleine de dévotion pour Kannon, une divinité bouddhique
compassionnelle. Les amants, croyant que le bonheur les
attend de l’autre côté de la vie, se poignardent. L’histoire
s’inspire d’un fait réel qui fit grand bruit à Osaka en 1703.
Par cette création, Hiroshi Sugimoto, considérant le bunraku comme un opéra, investit la tradition pour la vivifier.
En modelant la lumière, le maître du noir et blanc reflète
L’éloge de l’ombre. Il revisite l’espace scénique, reconfigure
les dimensions du plateau, introduit des projections
vidéos, imagine une installation d’une extrême qualité
plastique, pour donner âme à ces acteurs de bois. Fruit
d’une longue méditation avec des maîtres du Théâtre
national de bunraku que sont les manipulateurs, les récitants et les joueurs de shamisen (luth japonais à trois
cordes), dont plusieurs « trésors nationaux vivants », le
spectacle aborde le thème d’Eros et Thanatos, « matière
de toutes les émotions ».
Organisateurs, The Japan Foundation,
The Odawara Art Foundation (Tokyo)
D’après l’œuvre originale Sonezaki shinju tsuketari Kannon meguri de Chikamatsu Monzaemon (extraite de Shin-Nihon koten
bungaku taikei, Iwanami Shoten Publishers)
Production The Odawara Art Foundation (Tokyo)
Conseillère, Emmanuelle de Montgazon
Coréalisation Théâtre de la Ville-Paris ; Festival d’Automne à Paris
En collaboration avec Bunraku Kyokai (Osaka)
et la Maison de la Culture du Japon à Paris
Le Festival d’Automne à Paris présentera lors
de cette édition une exposition de Hiroshi Sugimoto Accelerated Buddha à la Fondation
Pierre Bergé - Yves Saint Laurent du 10 octobre au 26 janvier
Avec le soutien de Boucheron Paris et de Shiseido
pour la production de ce spectacle au Japon
Avec le soutien de la Fondation d’entreprise Hermès,
de la Fondation Franco-Japonaise Sasakawa et de la Fondation pour l’étude
de la langue et de la civilisation japonaises
sous l’égide de la Fondation de France
Spectacle créé le 14 août 2011 au Kanagawa Arts Theatre (Japon)
Contacts presse :
Festival d’Automne à Paris
Christine Delterme, Carole Willemot
01 53 45 17 13
Théâtre de la Ville
Jacqueline Magnier
01 48 87 84 61
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 43
le speCTaCle
enTreTien
Sugimoto Bunraku Sonezaki Shinjû
hiroshi sugimoto
Sugimoto bunraku : Sonezaki Shinju (Le pèlerinage à la
Déesse Kannon tiré du Suicide amoureux à Sonezaki) est
une adaptation originale de théâtre de marionnettes traditionnel japonais bunraku, qui a été créée en aôut 2011
au Théâtre des Arts de Kanagawa (KAAT).
Les trois représentations exceptionnelles de cette pièce
ont remportées un grand succès devant plus de 5 000
spectateurs.
En France, vous êtes surtout connu comme photographe,
et l’on connaît mal vos incursions dans le domaine des
arts de la scène. Quand les avez-vous découverts, comment y êtes-vous venu?
Hiroshi Sugimoto : J’ai toujours été familier des arts de
la scène japonais. Mon père était un homme d’affaires
qui aimait beaucoup les arts et qui a longtemps offert
son patronage à des artistes appartenant à différentes
traditions. Ma mère pratiquait la danse dite buyô et détenait même une licence d’enseignement. La maison familiale se muait régulièrement en une sorte de salon
pour ces artistes, et résonnait de bout en bout du son
du shamisen, des voix des récitants ou des conteurs comiques (rakugo). Dès la petite enfance, mes oreilles se
sont ainsi familiarisées avec les rythmes japonais qui
sont la base des arts de la scène. Vous connaissez ce sens
du « ma », d’intervalle de temps (qui est aussi bien « un
espacement »), qui en est la caractéristique, avec ceci de
très important qu’il s’agit toujours de travailler sur les
retards, les effets de syncopes, sur ce qui ne tombe pas
juste; bref un rythme inexact, car il ne saurait se plier
entièrement à la mesure. On est très loin en effet de la
mesure parfaite de la musique occidentale; on y est, intentionnellement, dans une sorte d’imperfection. De la
même manière qu’on évite dans les arts visuels du Japon
tout effet de symétrie, toute définition d’un centre, d’un
axe ordonnant par un milieu arithmétique. Il n’est pas
de genre, de discipline, de sensation qui ne soit travaillé
par ce sens du « ma ». J’en suis imbibé depuis toujours
et il m’est donc très cher. C’est une source vitale, jaillissant de nos arts de la scène. Si, parvenu à la soixantaine,
je me suis senti requis par eux, c’est aussi parce que j’ai
voulu prendre du recul par rapport à une pratique assise
sur une matérialité, ou qui tend à fixer les choses dans
la matière, à leur conférer une semi-pérennité, fût-elle
sous l’espèce d’une simple surface comme dans la photographie. Le sentiment m’est peu à peu venu que cet art
de la surface est finalement d’un niveau inférieur, et que
le sommet de l’art est du côté des arts de la performance.
Ici, la perfection, l’achèvement doit être atteint dans le
moment même de son émergence, juste avant de disparaître, en ne cherchant nullement à se conserver, sinon,
peut-être, dans la mémoire. C’est l’étape suprême de l’art,
celle où il refuse de devenir objet. J’ai poursuivi encore
cette recherche dans Sambasô, une performance récente, créée à New York, avec l’acteur de kyôgen Nomura
Mansai. Je voulais que l’on puisse y pressentir comme
les signes d’une épiphanie, celle d’un élément que je serais tenté d’appeler “divin”, faute de pouvoir mieux exprimer ce que représente le personnage éponyme – dont
le nom est intraduisible. J’ai finalement nommé cette
pièce « Divine Dance » (non sans allusion à la Divine Comédie). « Divine » aussi parce qu’il s’agit d’une danse sacrale que, dans les premiers temps de l’humanité au
Parmi les nombreuses pièces de cet art traditionnel du
Bunraku - fierté du Japon et patrimoine immatériel de
l’UNESCO - Sugimoto a choisi le Suicide amoureux à Sonezaki, l’une des plus célèbres de l’auteur dramatique
Chikamatsu Monzaemon. Basée sur une adaptation fidèle du scénario original de Chikamatsu lors de la première représentation de la pièce au XVIIIème siècle, cette
adaptation est une grande première également au Japon.
En effet, Sugimoto apporte ici, grâce à sa profonde
connaissance des arts traditionnels du Japon et à son regard novateur, une interprétation nouvelle du théâtre
de marionnettes joruri.
La participation des plus grands acteurs du Théâtre National de Bunraku (récitants, joueurs de shamisen et manipulateurs) a d’ores et déjà fait l’objet d’une attention
particulière.
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 44
Japon, les hommes auraient offert aux dieux au moment
de sceller un pacte fondateur avec eux. Je ne connais pas
d’autre exemple de danse dans le monde qui nous relie
à des temps aussi reculés. Car celle-ci nous met en communication avec les mythes anciens, à travers une transmission continue, celle des acteurs d’abord dont on peut
remonter le cours jusqu’au XVème siècle au moins, et audelà à travers la tradition orale des récits. Cette ligne généalogique n’est peut-être pas sans rapport avec
l’histoire de la royauté japonaise, dont la continuité est
avérée depuis le VIIème siècle, mais que les mythes prolongent bien au-delà, en la faisant remonter à des temps
immémoriaux. Il y a quelque chose de merveilleux, et
d’unique au monde, dans ces continuités propres à la civilisation japonaise; c’est en particulier le cas des arts de
la scène qui s’y sont transmis de façon ininterrompue,
d’homme à homme, de façon vivante. Le théâtre grec est
certes très ancien, mais il nous est parvenu au prix de
solutions de continuité énormes, et d’une disparition
quasi totale de ses formes scéniques.
Dans cette longue histoire au Japon, il y a aussi bien des
discontinuités. Le bunraku est plus récent: il date du
XVIIème siècle et il a fallu des décennies pour qu’il ressemble à la forme que nous connaissons aujourd’hui.
Hiroshi Sugimoto : Je ne voulais évidemment pas dire
que dans le cas du Japon, ces arts scéniques se soient
transmis à l’identique. Bien au contraire, la modification
est pour ainsi dire de rigueur. On parle dans la poésie
classique de honkadori, d’une technique éprouvée
consistant à s’appuyer sur un modèle. Il ne s’agit pas de
citer, ni de copier, mais de transposer, de faire autre
chose avec le même. Les grandes anthologies de l’antiquité se renouvelaient ainsi. On ne peut lire le Shin-kokinshû (Nouveau Recueil des poèmes anciens et modernes)
en ignorant le Kokinshû qui le précède et cette pratique
du honkadori. La question de l’originalité et du droit de
procéder ainsi ne se posait pas, car rien n’était plus éloigné des hommes du passé que notre conception des «
droits d’auteur » : imiter les modèles consacrés pour leur
qualité était une chose parfaitement naturelle au Japon,
et en Extrême-Orient de manière générale. Il en allait de
même de Chikamatsu Monzaemon, l’auteur de Sonezaki
shinjû, qui possédait une culture littéraire phénoménale, incluant bien sûr les classiques chinois. Il s’y réfère
constamment. C’est là, je crois, une dimension fondamentale de la culture japonaise: on y cherche à définir,
à exprimer la modernité d’une époque, moins dans la
négation de celles qui précèdent, que dans leur réinterprétation, dans une réappropriation singulière, en cherchant à les faire coïncider à nouveau avec le présent.
Dans votre propre démarche de « réappropriation » des
arts scéniques du passé, pourquoi vous êtes-vous intéressé
d’abord au bunraku? Ce sont les marionnettes qui vous
ont attiré?
Hiroshi Sugimoto : Avant de m’intéresser au bunraku,
j’ai monté deux nô : un grand classique, Yashima, de
Zeami, puis, toujours en bénéficiant de la collaboration
de grands acteurs du nô, Takahime, adapté de At the
Hawk's Well (« Au puits de l'épervier ») de W.B. Yeats.
L’écrivain irlandais avait écrit cette pièce en 1916 sous
l’influence du nô qu’il avait pu lire dans les traductions
de Fenellosa. La découverte du nô, de sa dramaturgie des
revenants, lui avait permis de réinvestir de façon originale les mythes celtiques qui nourrissaient son univers
littéraire, de les réinscrire dans la modernité. C’est évidement en cela que la pièce me questionnait. Après le
nô, je ne pouvais qu’aller vers le bunraku, encore qu’il y
ait aussi ce troisième genre qu’est le kabuki dans notre
tradition théâtrale, mais il m’intéresse moins: trop
kitsch. Et bien trop coûteux! Il est vrai aussi qu’avant
cela j’avais photographié les figures de cire de Mme Tussauds, la photographie me permettant de jouer avec des
effets de réel. Cette fois, il s’agit de reprendre ce travail
mais avec les moyens des poupées du bunraku, et la
technique très sophistiquée de ce théâtre pour conférer
à ces objets morts une réelle présence, de les montrer
comme des choses vivantes. La photographie a toujours
été pour moi une technique pour ressusciter ce qui est
mort, et en ce sens elle me destinait assez naturellement
à ce théâtre.
A quelles conditions cet art particulier du bunraku peutil être réinscrit aujourd’hui dans notre modernité ?
Hiroshi Sugimoto : La logique de la tradition est en effet
de se réécrire sans cesse au présent. Et cela ne se fait pas
forcément en cherchant désespérément à faire des avancées. Il faut souvent aller à reculons, revenir en arrière,
voire même remonter aux commencements pour progresser. C’est une loi de la tradition. Est-ce pour cela que
je me suis intéressé à la toute première des pièces dites
de sewamono (« genre domestique ») de Chikamatsu?
Elle constitue en effet un point de départ auquel il fallait revenir, parce que la charge du réel y était aussi très
forte. C’est une pièce-reportage, il ne faut pas l’oublier.
Je me suis très vite rendu compte que le plus moderne
était dans cette pièce qui est aujourd’hui l’une des plus
anciennes du répertoire, qu’il fallait rejoindre ce commencement, cette pièce pionnière avec laquelle Chikamatsu réinventait le genre des sewamono pour les
poupées. Elle travaillait au cœur de l’actualité de
l’époque. Mais si elle est un chef-d’œuvre, cela tient aussi
à son sujet, le shinjû, le suicide d’amour, et à la façon
dont Chikamatsu l’a abordé. Sous sa plume, cette histoire sinistre est comme transfigurée; la mort elle-même
s’y transforme et devient belle. La pièce est tendue vers
un temps absent, celui d’après la mort, qu’elle donne à
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 45
imaginer. Elle a convaincu la jeunesse de l’époque que
ce temps était celui d’une expérience de la beauté qui
ne pouvait avoir lieu dans le monde des vivants. Au
cours de la période d’Edo, la spiritualité du Bouddhisme
a perdu beaucoup de son influence, mais cette pièce eut
l’effet de redonner du sens, de ressusciter la pensée de
ce qu’on appelle la Terre Pure. Notre bas monde est
impur, dit cette pensée, et ce n’est que dans l’autre
monde que l’on peut s’en libérer, que les âmes peuvent
accéder à la Pureté. Et ce fut une ruée. Les suicides
d’amour proliférèrent, devinrent quasiment une mode
– les jeunes se tuèrent par centaines: un véritable phénomène social. A tel point que les autorités prirent des
mesures d’interdiction très sévères. La pièce fut proscrite et il fallut attendre deux siècles et demi avant qu’on
ne la remette à l’affiche. J’ai pensé qu’il y avait sens à la
restituer aujourd’hui dans son intégralité, car cela n’avait
jamais été fait.
Vous avez donc choisi de rétablir la longue scène d’ouverture dite du pèlerinage à la déesse Kannon, scène qu’on
a toujours coupée depuis les premières reprises de la
pièce dans les années 50, car on la jugeait fastidieuse.
Hiroshi Sugimoto : Elle est essentielle cependant pour
comprendre la pièce et son héroïne, O-Hatsu. Il s’agit
d’une misérable fille de joie, contrainte de se prostituer
dans les quartiers de plaisirs sans qu’elle puisse entrevoir
la fin de son calvaire. Son unique salut repose dans une
foi profonde en Kannon, divinité qui lui offre la garantie
d’être sauvée de sa condition malheureuse, d’être accueillie après la mort dans la Terre Pure. On ne peut
comprendre sa décision de mourir sans cela. Et c’est elle
qui prend les devants, qui tire l’action vers sa conclusion: Tokubei, son amant, ne fait que suivre, se laisse entraîner, sans y croire autant qu’elle, et l’on peut même
sentir des résistances chez lui. Toujours est-il que dans
un contexte chrétien, où le suicide est considéré comme
une offense à Dieu – peut–être même l’offense suprême
– une telle volonté de mourir, affirmée comme elle l’est
ici, aurait sans doute été impensable. On ne peut y disposer à sa guise de la vie que Dieu vous a confiée. Alors
qu’au Japon, détruire sa vie dans le but d’être accueilli
par la divinité et d’entrer dans un état de Pureté est parfaitement concevable. Mais ce n’est pas Roméo et Juliette,
car dans la pièce de Shakespeare, la mort des amants est
finalement due à un malentendu, aux aléas du destin.
De ce point de vue, la mort de O-Hatsu et de Tokubei ne
peut être dite tragique.
La traduction française de la pièce est présentée dans une
anthologie complète des « tragédies bourgeoises » de Chikamatsu.
Hiroshi Sugimoto :Au sens strict, je dirais qu’il y a
contresens à parler de « tragédie ». Car ils vont à la mort,
sereins, anticipant le bonheur à venir. Serait-il exagéré
de parler de « happy end »? Certes, il y a un côté pathétique dans leur adieu au monde: ils abandonnent leurs
parents à la tristesse de la séparation. Il y a aussi tout un
aspect malheureux, mais qui appartient aux contradictions de ce monde. L’amour des deux héros est en proie
à des contrariétés: il est marié, elle appartient à une catégorie d’êtres méprisables que même un magasinier
d’un commerce d’huile ne saurait épouser. Toutes sortes
de pressions sociales pèsent terriblement mais il y a une
humanité qui est plus forte, plus profonde, que le terme
japonais de « jô » exprime bien. Le mot est difficile à traduire; il peut vouloir dire : « amour », « tendresse », « pitié
», « affection », « compassion », « désir sensuel », mais ne
coïncide avec aucun de ces sens en particulier. Il en est
comme la somme. Il est ce sentiment, cette force irrépressible qui demande à se réaliser quels que soient les
obstacles que la société y oppose, quitte à les conduire
dans la mort. Ce jô est au cœur de la dramaturgie de Chikamatsu, mais dans Sonezaki shinjû – la scène inaugurale du pèlerinage en est l’annonce – il s’accomplit grâce
à Kannon, grâce à la foi dans sa miséricorde: sans tristesse, et même porté par l’allégresse qui hâtent les
amants vers la mort, vers la bouddhéité promise. C’est
pourquoi dans les représentations de notre spectacle au
Japon, Kannon paraît sur la scène sous la forme d’une
antique statue, que l’on pourra d’ailleurs voir à Paris
dans l’exposition qui m’est consacrée : « Accelerated Buddha ».
Votre approche est double et apparemment paradoxale:
vous restaurez le passé enfoui d’une œuvre perdue par la
tradition, vous revenez à sa lettre authentique, et simultanément vous bouleversez de fond en comble les modalités, la grammaire technique de la représentation.
Comment les artistes de la manipulation, les récitants et
musiciens ont-ils accepté de vous suivre ?
Hiroshi Sugimoto : Je suis en effet parti du texte le plus
proche de celui de la première en 1703 et je n’en ai pas
coupé une virgule. On ne sait rien, ou presque, de la
façon dont il était mis en scène; aucune trace non plus
de la partition musicale. Il a donc fallu tout imaginer.
Sur le plan musical, on ne pouvait adopter le rythme
tranquille des pièces d’antan; les représentations ne se
déroulent plus sur une journée entière comme autrefois.
La scène du pèlerinage en particulier, avec ses 33 étapes,
le long et lent développement rhétorique autour des
noms de temples s’annonçait redoutable. J’ai donc demandé à Tsurusawa Seiji de la concevoir comme une ouverture à l’usage d’un Jimmy Hendrix du shamisen qui
apparaîtrait des dessous de scène. Une autre des rares
choses que l’on sait de l’époque de la création est que les
poupées n’étaient pas encore manipulée à trois, selon la
formule aujourd’hui plus que consacrée, mais à un seul
marionnettiste. C’est le génie de l’époque, Tatsumatsu
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 46
Hachirôbei, qui a créé le personnage de O-Hatsu, et la
tradition orale rapporte qu’il est l’auteur de maintes innovations. Kiritake Kanjûrô a merveilleusement relevé
le défi de cette manipulation en solo. Pour ce qui est des
inventions, il n’a pas été en reste car il s’est ingénié à
compenser l’absence de ses deux assistants en conférant
à la poupée une mobilité jusqu’à alors inédite : celle, notamment, de chaque doigt des deux mains, phalange par
phalange. Il a également conçu un costume original à
partir du motif, repris d’une œuvre d’une artiste aborigène, d’un foulard de chez Hermès. J’ai cherché personnellement à « agrandir » les marionnettes, et leur donner
plus de vie et c’est pourquoi j’ai demandé aux artistes de
se masquer continûment, ce qu’ils ne font pas d’ordinaire. Je dois dire que j’ai été sidéré par l’énergie, le volontarisme de ces artistes, parmi les plus brillants du
bunraku d’aujourd’hui. Je ne les ai pourtant pas ménagés. En particulier les marionnettistes que j’ai obligés à
travailler dans la plus grande obscurité et selon un axe
perspectif qui leur est totalement étranger, car il les
prive de leur orientation fondamentale dans l’espace,
qui est latérale. Je les oblige ainsi à prendre des risques
dont ils ne sont pas du tout familiers. Mais loin d’opposer une résistance à mes demandes incongrues, ils prenaient les devants, et parfois c’était moi qui devais
tempérer leurs ardeurs réformistes. Ces trésors vivants
se révélaient finalement plus radicaux que moi.
1
Danse de style ancien, issue principalement de la tradition du kabuki.
2 Farces qui, traditionnellement, faisaient office d’intermède entre
deux pièces de nô.
3 Ou Kokinwakashû, la première anthologie de waka (poème de 31
syllabes) compilée sur ordre impérial. Achevée autour de 912, elle
compte 1111 waka, qui constituèrent des modèles pour les générations suivantes. Quelque deux cents ans plus tard, le Shin-kokinshû
(anthologie achevée en 1205) allait exercer une influence non
moins importante, notamment sur les poètes du théâtre nô des
siècles ultérieurs.
Propos recueillis par Patrick De Vos
Biographie
hiroshi sugimoTo
Né à Tokyo en 1948, Hiroshi Sugimoto étudie la photographie aux états-Unis dans les années 1970. Artiste pluridisciplinaire, il travaille avec la photographie, la
sculpture, les installations et l’architecture. Son art relie
les idéologies orientales et occidentales tout en exami-
nant la nature du temps, de la perception, et les origines
de la conscience. Dioramas, Theaters, Seascapes, Architecture, Portraits, Conceptual Forms et Lightnings fields,
sont ses séries les plus connues. Ses œuvres figurent
parmi de nombreuses collections publiques, dont celles
du Metropolitan Museum of Art et du MoMA à New
York, de la National Gallery et de la Tate Modern à Londres, et du Musée national d’art moderne ainsi que du
Musée d’art contemporain de Tokyo.
La série Portraits, initialement produite pour le Deutsche Guggenheim Berlin, a été également présentée au
Guggenheim Bilbao en 2000 et au Solomon R. Guggenheim New York en mars 2001.
En 2006, une rétrospective de ses oeuvres a été organisée par le Hirshhorn Museum de Washington, D.C et le
Mori Art Museum de Tokyo, donnant lieu à la publication d’une monographie intituée « Hiroshi Sugimoto ».
Au début des années 2000, il commence des mises en
espaces et débute ses collaborations avec les arts vivants
traditionnels : Noh performance of Yashima daiji interprété par Naohiko Umewaka au Kunsthaus Bregenz en
Autriche et à la Dia Center for the Arts à New York en
2001, Modern Noh – The Hawk Princess à la Japan Sociery
de New York en 2005, et récemment Sanbaso – Kami hisomi iki au Kanagawa Arts Theatre à Yokohama en 2011
puis au Solomon R.Gugenheim Museum de New York en
2013. En 2011, il créé en collaboration avec la compagnie
Nationale de Bunraku d’Osaka, Sugimoto Bunraku Sonezaki Shinju, au Kanagawa Arts Theatre et devient le premier artiste à revisiter une pièce du Bunraku
traditionnel.
En 2008, à l’occasion d’une exposition personnelle au
21st Century Museum of Contemporary Art de Kanazawa, intitulée « The History of History », il regroupe ses
propres oeuvres avec des pièces de sa collection d’Art ancien japonais et dévoile ainsi un aspect essentiel de son
travail en dialogue et questionnement avec les sources
les plus anciennes de civilisation et de spiritualité.
Il étend également son champs d’activité à la littérature
et à l’architecture. En 2008, il publie un second essai au
Japon Utsutsu-na-zo (Edition Shinchosha) et fonde New
Material Laboratory à Tokyo alors qu’il est impliqué
dans la conception des espaces extérieurs et l’aménagement du Izu Photo Museum (2009). Il a également conçu
l’aménagement de oak omotesando à Tokyo (2013).
Il créé Odawara Art Foundation en 2009 qu’il va doter
d’un lieu dont il conçoit actuellement l’architecture et
l’aménagement paysagé du site.
Hiroshi Sugimoto est lauréat du Mainichi Art Prize
(1988), du Hasselblad Foundation International Award in
Photography (2001), du prix Photo España (2006) et du
Praemium Imperiale Award (2009).
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 47
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 48
ClauDe régy
La Barque le soir
de Tarjei Vesaas (reprise)
Adaptation par Claude Régy
du texte « Voguer parmi les miroirs », extrait du roman de Tarjei
Vesaas La Barque le soir,
traduit du norvégien par Régis Boyer
Mise en scène, Claude Régy
Assistant à la mise en scène, Alexandre Barry
Scénographie, Sallahdyn Khatir
Lumière, Rémi Godfroy
Son, Philippe Cachia
Avec Yann Boudaud,
Olivier Bonnefoy, Nichan Moumdjian
FESTIVAL D’AUTOMNE à PARIS
LE CENTQUATRE
Jeudi 24 octobre au dimanche 24 novembre,
mardi au samedi 20h, dimanche 16h, relâche lundi
15€ et 20€
Abonnement 12€
Durée : 1h20
Création Les Ateliers Contemporains
Coproduction Odéon-Théâtre de l’Europe (Paris) ;
CDN Orléans-Loiret-Centre ;
Théâtre National de Toulouse Midi-pyrénées et
Théâtre Garonne ; Comédie de Reims ;
Festival d'Automne à Paris
Réalisation LE CENTQUATRE (Paris)
Spectacle créé le 27 septembre 2012 à l’ Odéon-Théâtre de l’Europe /
Ateliers Berthier dans le cadre du Festival d’Automne à Paris
Ce que personne d’autre ne sait
Dans ce texte s’invente un univers vierge parce que se
brouillent continûment les frontières : monter et descendre, toucher le fond parmi la vase, émerger à la surface – à peine un quart de visage, le nez seul peut-être.
Respiration – très peu d’air – asphyxie – lutte farouche
pour l’interrompre.
Ce qu’on ressent, c’est le trouble constant de l’absence
de démarcation.
« Pas une mort violente, mais une mort profonde, silencieuse. »
Une vie profonde, silencieuse. C’est l’écho qu’on entend
au loin.
A demi cadavre, un homme dérive accroché, d’un bras, à
un tronc d’arbre qui flotte à la surface d’un fleuve. Il dérive vers le sud « comme une conscience blessée. »
Des choses qui viennent d’une autre existence – la
sienne sans doute en un autre temps – se déchaînent sur
lui. A moins qu’il s’agisse des manifestations d’une existence extérieure à la sienne. Il s’agit en tout cas d’un déchaînement de forces qui s’opposent à lui, contraint
comme il est de s’abandonner au courant. Vesaas laisse
de grands espaces de liberté où peuvent jouer les clés secrètes de notre conscience.
Il écrit un pur poème et nous le ressentons illimité. Pour
l’homme qui navigue – étrange navigation – son reflet
dans l’eau et sa propre place tout contre la mort peuvent
dire – c’est un moment unique – ce que personne d’autre
ne sait. Un cheminement lent au bord de l’inconnaissable. L’ultime ne finit pas. C’est une ouverture – pour un
temps prolongé – à une libre coexistence de la vie et de
la mort. Une sorte de permanence est donnée au passage
du seuil qui cesse, par là même, d’être fatal et émotionnel. C’est une aventure du corps et de l’esprit, une expérience à l’extrême du vivant, dans le moment infiniment
dilaté de sa rupture.
La dilatation permet l’observation au-delà même du savoir.
Claude Régy, mars 2013
Contacts presse :
Festival d’Automne à Paris
Christine Delterme, Carole Willemot
01 53 45 17 13
CENTQUATRE
Virginie Duval
01 53 35 50 96
Ateliers Contemporains / Claude Régy
Nathalie Gasser 06 07 78 06 10
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 49
enTreTien
ClauDe régy
Après Brume de Dieu, pièce tirée du roman Les Oiseaux,
vous poursuivez votre exploration de l'écriture de Tarjei
Vesaas avec La Barque le soir. D'où est venu le désir de
prolonger votre travail sur Vesaas ?
Claude Régy : La lecture de La Barque le soir m'a beaucoup frappé. L'écriture y est très différente de celle de
ses romans antérieurs. D'œuvre en œuvre, l'écriture de
Vesaas n'a cessé de se chercher, de se transformer ; elle
ne s'est jamais fossilisée dans un « style ». On a l'impression que pour lui, chaque œuvre nécessitait l'invention
d'une nouvelle langue. La Barque le soir est son dernier
livre, et là, il atteint l’épure. Je crois que c'est cette avancée qui m'a donné envie de poursuivre, d'essayer moi
aussi — avec lui — d'aller plus loin.
Ce qui m'a convoqué en premier lieu dans La Barque le
soir, c'est le caractère de l'écriture – pleine de sautes, de
soubresauts. Ce caractère fragmentaire se manifeste
aussi bien au niveau du livre lui-même – composé de
textes juxtaposés – que dans le rythme des phrases et le
rapport des images. Pour lire Vesaas, il faut accepter de
se perdre, attendre que se perçoivent les fils par quoi les
choses se raccordent. Ce qui est surprenant, c'est que Vesaas donne à ce livre le nom de « roman », alors que formellement, on dirait plutôt des nouvelles : ce sont des
morceaux de souvenirs personnels, une traversée de son
être par éclats, qui parvient à toucher quelque chose
d'un au-delà de l'inconscient. Je crois que Lacan parlait
d'une région au-delà de l'inconscient qui resterait un
mystère. C'est de cette région-là que Vesaas s'occupe –
cherchant à en laisser affleurer quelque chose dans ses
mots. Dans La Barque le soir, l'écriture se fait extrêmement secrète, elle va plus loin que jamais dans l'exploration des régions enfouies de l'être.
Ce qui m'a frappé également, c'est le refus d'opposer les
contraires. Rien n'est univoque. Les choses s’inversent
sans cesse.
Dans le texte que j'ai choisi de traiter, « Voguer parmi les
miroirs » — il est issu du livre La Barque le soir — on
suit une conscience qui coule, qui touche le fond – on
est emporté avec elle, happé par une force qui nous précipite dans une eau sombre, asphyxiante... Mais, sans
que l'on sache comment, un courant finit par faire remonter l'homme à la surface, où il s'accroche à un tronc
d'arbre qui flotte là. Vesaas invente alors une navigation
étrange, entre deux eaux : la dérive d'un être qui n'est
plus tout à fait conscient – qui est qualifié de « demimort ». Une vie à peine maintenue hors de la mort... C'est
cet état ambigu, qui m'a attiré, fait de mort et de vie,
d'obscurité et de lumière, unifiant le fond et la surface.
Toujours entre. L'individu anonyme qui dérive ainsi n'a
plus de forces, sa conscience erre de sensation en sensation, entrevoit des lumières, entend des bruits. Sa parole même est perdue : à un moment, il entend un chien,
et il en vient à lui répondre en aboyant.
Même à cet endroit – celui du langage – le texte dessine
une frontière vacillante entre l'humain et l'animal, le silence et la parole...
Cet état qui intéresse Vesaas produit une béance du
sujet : à mesure que la conscience rationnelle s'amenuise,
l'univers perceptif s'élargit à un monde parallèle fait de
reflets, d'illusions...
Claude Régy : Oui, le noyé plus ou moins rescapé a des
visions, il entend des bruits. Il bascule entièrement du
côté de l'imaginaire. L'écriture cherche à restituer ce passage très fragile entre « l'imaginaire pur » et ce qu'on appelle le réel, ou entre la « normalité » et ce qu'on appelle
la folie. En effet, comme dans Les Oiseaux, on retrouve
là – à un autre niveau, moins lisible, plus enfoui – cette
friabilité qui m'intéresse beaucoup entre la maladie
mentale et l'état dit « normal » de l'esprit, ce qu'on appelle la normalité. Cette frontière, il s'agit de la faire vibrer : la conscience vacille au bord de l'hallucination.
Oui, un au-delà : on pourrait parler d'un au-delà du langage, mais on pourrait presque dire un au-delà de tout.
à partir d'un monde apparemment simple, Vesaas nous
renvoie à la part la plus indéchiffrable de nous-mêmes.
L'état prolongé d'extrême proximité avec la mort — dépeint dans ce texte — permet d'approcher quelque
chose comme un secret absolu — à la frontière du
connu et de l'inconnu. En dilatant les bords de la vie, Vesaas nous fait entrevoir ce qui reste habituellement invisible. Du coup, c'est une exploration tout à fait unique
à laquelle je convie les spectateurs. Bien entendu, il faut
que les spectateurs désirent vivre cette expérience – qui
ne sera pas de l'ordre de l'agrément ou du divertissement, mais de la recherche : en essayant de comprendre
comment l'écriture se fait, s'invente, se régénère, le spectateur est invité à écrire lui-même une part de l'œuvre.
J'espère qu'à partir de choses qui ont l'air très personnelles à l'étrange navigateur, des recoupements auront
lieu, des correspondances avec nos vies, la complexité
de notre nature.
Ce qui est frappant dans cette écriture, c'est que les correspondances que vous évoquez émergent par les liens
manquants, par les vides.
Claude Régy : Oui, c'est très important, il faut insister làdessus. C'est une écriture qui repose sur le manque. Cela
m'attire parce que je pense faire un théâtre fondé sur le
manque. Selon moi, il faut qu'il y ait un manque dans la
représentation pour toucher à la réalité du théâtre. La
question est : comment représenter, comment transmettre quelque chose si on se prive des moyens de la représentation ? J'ai envie de répondre : en se privant des
moyens habituels de la communication, Vesaas invente
une voie d'expression tout à fait unique, une voie que
j'aimerais emprunter à mon tour.
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 50
Brume de Dieu était un monologue, pour lequel vous
aviez extrait un fragment du roman Les Oiseaux. Comment avez-vous procédé avec La Barque le soir, et quel
rapport au texte s'en dégage ?
Claude Régy : Le travail des gens de théâtre – qu'ils
soient acteurs, metteurs en scène, scénographes, créateurs lumière – porte essentiellement sur les différents
niveaux imaginaires du texte, sur la manière de les révéler, de les faire entendre. Mais en creusant la matière
de La Barque le soir je me suis aperçu que le théâtre exigeait de ne pas épuiser les facultés réceptives et créatives du spectateur. J'ai donc décidé de procéder à une
sorte d'adaptation, qui s'est faite progressivement, par
étapes. Pour qu'il soit possible d'entrer dans cette écriture, une brièveté relative du texte est tout à fait essentielle. La beauté du spectacle se manifeste à partir du
texte, mais pour aller au-delà – dans les manques, les
blancs, les silences. Il faut rétablir ce temps de non-écriture, ce temps où on « parle avec le silence » ; réussir à
créer les conditions nécessaires pour que les mots préparent le terrain à « un silence qui parle ». D'où la nécessité de faire des syncopes, d'opérer des coupes,
d'accentuer l'expression par le silence. C'est un aspect
que soulève Régis Boyer, le traducteur de Tarjei Vesaas :
les peuples scandinaves ont un rapport très particulier
au silence. Ils peuvent rester ensemble des jours entiers
sans qu'une parole ne soit dite. Pour eux, le silence est
une forme de langage. Comme dirait Henri Meschonnic,
ce n'est pas un « arrêt » du langage, mais bien une catégorie à part entière du langage. Cela peut paraître très
théorique, mais c'est pourtant un aspect que l'on peut
éprouver matériellement, physiquement au théâtre.
Le travail du texte concerne trop souvent le débit, la virtuosité, le jeu, l'agitation – ce que certains appellent le
rythme, mais qu'ils confondent avec la vitesse... On a pu
se moquer dans mon travail de cette extrême lenteur, de
ce goût du silence. Pour ma part, j'ai choisi d'être du côté
de la non-expression voire de la non-représentation, et
de me servir essentiellement de la lumière, du son, du
texte — donc de l'acteur — et du silence.
Régis Boyer cite cette autre belle phrase de Vesaas : « à
qui parlons-nous lorsque nous nous taisons ? ». J'entends
là, secrètement, une analogie avec votre travail théâtral.
À la fois un silence qui parle, et une adresse indécise.
Claude Régy : Je crois que le silence a une force très
grande. Je ne peux travailler que dans le silence. Il est
très important que les gens qui sont là, avec moi, ne fassent pas de bruit, qu'il n 'y ait pas de conversations. Pour
Brume de Dieu, j'avais même demandé aux ouvreurs et
aux ouvreuses d'obtenir le silence avant que la représentation ne commence. C'est une véritable préparation au
spectacle. Si les spectateurs abandonnent le brouhaha
de la vie quotidienne, les problèmes qui les agitent, je
pense qu'ils peuvent pénétrer beaucoup plus profondément dans l'univers de Vesaas. Je ne voudrais pas que
cela paraisse abusif ; c'est plutôt un sas permettant de
véritablement écouter : écouter ce langage qui, par des
bribes, exprime des pans entiers de l'être.
À propos de silence, le jeu de l'acteur dans Brume de Dieu
était très radical : on avait l'impression qu'il arrachait
chaque mot au silence, à l'issue d'un effort presque surhumain.
Claude Régy : Brume de dieu a été un processus très particulier. En un sens, le jeune acteur avec lequel j'ai travaillé, Laurent Cazanave, m'a dépassé dans la lenteur. En
l'écoutant, j'ai d'abord pensé que ce débit serai insupportable, que l'on cesserai de comprendre. Et petit à petit,
je me suis laissé imprégner, et je l'ai laissé travailler à
son propre rythme. Je crois qu'il a senti d'instinct que s'il
disait le texte autrement, il risquait de le massacrer, c’està-dire de ne pas laisser s'exprimer ce qui y est déposé –
qui ne remonte à la surface qu'à condition de n'opposer
aucune résistance. C'est une indication majeure que je
lui ai donnée : au lieu de vouloir faire, se laisser traverser. Laisser faire les mots, le rythme, les sons, ne pas essayer à tout prix « d'avoir des idées ». C'est une chose que
Jon Fosse – lui-même disciple de Vesaas, et que j'ai plusieurs fois mis en scène – explique très bien : l'essentiel,
lorsqu'on se met à sa table de travail pour écrire, c'est
d'écouter. Ne surtout pas chercher à remplir. Jon Fosse
ajoute que le metteur en scène, comme l'écrivain, doit
écouter avant d'agir – ainsi que l'acteur.
C'est une très grande leçon de théâtre. Remplacer l'activité par la passivité. Reconnaître une vertu créatrice à la
passivité. Laisser des choses arriver, se condenser, se manifester.
Pour La Barque le soir, vous avez décidé de travailler
avec plusieurs acteurs.
Comment se manifeste cette pluralité : allez-vous travailler à la manière d'une structure chorale, faisant ressortir
différents niveaux d'interprétation du texte ?
Claude Régy : Non. à vrai dire, les autres acteurs seront
des présences muettes, ayant valeur de signes : des démultiplications du sujet qui parle – mais aussi des démultiplications des spectateurs ou des lecteurs. Pour
moi, cela signifie que le travail se fait à plusieurs, qu'il
est tramé d'échos atteignant une collectivité. Ces acteurs, on peut les voir comme une sorte de Chœur muet,
un Chœur de reflets en miroir.
Par ailleurs, je voudrais travailler aussi avec des images.
Ce ne seront pas des images fixes, réalistes, mais des
images flottantes, non reconnaissables, construisant
une sorte de monde sous-marin où des formes apparaissent et se transforment ; comme un écho au texte, où
l'on ne sait jamais si ce qui se produit est réel, imagi-
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 51
naire, halluciné...
Tout le texte est fondé sur un état semi-conscient,
proche du sommeil, peuplé de processus inconscients.
J'aimerais que le public sorte du spectacle en ayant l'impression d'avoir rêvé.
Quand nous nous souvenons de nos rêves – sans savoir
si le souvenir est exact ou déformé – c'est souvent avec
étonnement, avec l'impression que ces images nous sont
étrangères.
Il y a en nous un être sans manifestations tangibles, visibles. Tout l'enjeu du théâtre est de se laisser aller à
l'écoute de cet être.
Cet être au-delà du conscient, Henri Michaux l'appelait
le « lobe à monstres »...
Claude Régy : C'est une belle expression. Je voudrais
créer un univers qui évoque la possibilité de monstres
intérieurs.
Après le travail avec Laurent Cazanave sur Brume deDieu, comment avez-vous choisi l'acteur pour La Barque
le soir ?
Claude Régy : Il s'agit de Yann Boudaud, un acteur qui a
travaillé avec moi pendant six ans – par exemple dans
La Mort de Tintagiles, Holocauste, Mélancholia,
Quelqu'un va venir. L'écriture de Vesaas, qu'il ne connaissait pas, l'a énormément attiré. Nous avons commencé
à explorer le texte ensemble avec plus d'un an d'avance.
On a souvent le sentiment en lisant cette écriture que
quelque chose d'imminent se prépare – un événement «
presque-là », qui ne cesse de vouloir se manifester sans
jamais « arriver ». Ce sentiment me semble assez proche
de votre manière d'aborder la scène comme un horizon :
une approche sans finalité, dont le but resterait voilé...
Claude Régy : Oui, la thématique de l'approche – quel
que soit le nom donné à ce que l'on approche. La sensation de se trouver au seuil. A la bordure des choses. Il y
a une phrase dans Les Oiseaux qui, pour moi, incarne ce
flottement, cette lisière : « il entrevit quelque chose qu'il
ne comprenait absolument pas ». Il entrevit – toujours
prudent – quelque chose – c'est très vague – qu'il ne comprenait absolument pas. Je l'interprète comme l'idée qu'il
peut y avoir une perception au-delà de la compréhension. Il me semble que la volonté de sens à tout prix limite la perception. Ce qu'on ne comprend pas, malgré
tout, parle et nous dit quelque chose.
C'est par la fréquentation de l'inconnu qu'on peut ouvrir
certaines portes dont on n'avait pas forcément
conscience.
Si les spectateurs ne comprennent pas tout dès les cinq
premières minutes, ce n'est pas grave. Il faut apprendre
la patience.
Dans une période de retour à l'amusement, ou à une vio-
lence exacerbée, il me paraît très important de ménager
des espaces où rien n'est donné à l'avance.
Des espaces où le non-résolu prédomine.
Des espaces où le public demeure dans une possibilité
d'imagination personnelle.
Propos recueillis par Gilles Amalvi
(pour la création en septembre 2013)
Note
Un mathématicien – Alain Connes – pense que la plupart des énoncés mathématiques qui sont vrais sont en
fait indémontrables.
Il pense qu’il y a des choses vraies mais qu’on n’arrive
pas à percevoir.
Un astrophysicien – Michel Cassé – pense, lui, qu’il n’y
a aucune raison de nier l’existence de ce que nous ne
pouvons pas percevoir et dont nous ne pouvons parler.
Ce dont on ne peut pas parler, il faut l’écrire, dit Derrida.
Il semble que, par intuition, Vesaas soit proche de ces
chercheurs.
Pour eux tous, le matérialisme est une idée un peu naïve
parce que la théorie du matérialisme se fonde sur une
compréhension partielle des choses : elle identifie le
réel au matériel. Erreur réductrice.
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 52
Biographies
ClauDe régy
Né en 1923.
Adolescent, la lecture de Dostoïevski « agit en lui,
comme un coup de hache qui brise une mer gelée ».
Après des études de sciences politiques, il étudie l’art
dramatique auprès de Charles Dullin, puis de Tania Balachova. En 1952, sa première mise en scène est la création en France de DOÑA ROSITA de García Lorca. Très
vite, il s’éloigne du réalisme et du naturalisme psychologiques, autant qu’il renonce à la simplification du
théâtre dit « politique ».
Aux antipodes du divertissement, il choisit de s’aventurer vers d’autres espaces de représentation, d’autres espaces de vie : des espaces perdus. Ce sont des écritures
dramatiques contemporaines — textes qu’il fait découvrir le plus souvent — qui le guident vers des expériences limites où s’effondrent les certitudes sur la
nature du réel. Claude Régy a créé en France des pièces
de Harold Pinter, Marguerite Duras, Nathalie Sarraute,
Edward Bond, Peter Handke, Botho Strauss, Maurice
Maeterlinck, Gregory Motton, David Harrower, Jon
Fosse, Sarah Kane. Il a dirigé Philippe Noiret, Michel Piccoli, Delphine Seyrig, Michel Bouquet, Jean Rochefort,
Madeleine Renaud, Pierre Dux, Maria Casarès, Alain
Cuny, Pierre Brasseur, Michael Lonsdale, Jeanne Moreau,
Gérard Depardieu, Bulle Ogier, Christine Boisson, Valérie
Dréville, Isabelle Huppert… Au-delà du théâtre, qui selon
lui ne commence qu’en s’éloignant du spectacle, Claude
Régy écrit un long poème, fragile et libre, dans la vastitude et le silence, irradié par le noyau incandescent de
l’écriture.
Découvreur d'écritures contemporaines, étrangères et
françaises, Claude Régy est un des premiers à avoir mis
en scène des œuvres de Marguerite Duras (1960), Nathalie Sarraute (1972), Harold Pinter (1965), James Saunders
(1966), Tom Stoppard (1967), Edward Bond (1971), David
Storey (1972), Peter Handke (1973), Botho Strauss (1980),
Wallace Stevens (1987), Victor Slavkine (1991), Gregory
Motton (1992), Charles Reznikoff (1998), Jon Fosse (1999),
David Harrower (2000), Arne Lygre (2007). Il a également
travaillé à la Comédie Française : Ivanov d'Anton Tchekhov en 1985, Huis clos de Jean-Paul Sartre en 1990. Il a
mis en scène des opéras : Passaggio de Luciano Berio
(1985), Les Maîtres-chanteurs de Nuremberg de Wagner
(1990) au Théâtre du Châtelet, Jeanne d'Arc au bûcher de
Paul Claudel et Arthur Honegger (1991) à l'Opéra de ParisBastille. En 1995, Paroles du Sage (L'Ecclésiaste retraduit
de la Bible par le linguiste Henri Meschonnic). En 1997
La Mort de Tintagiles de Maurice Maeterlinck. Puis création de Holocauste du poète américain Charles Reznikoff, au Théâtre national de la Colline et en tournée
durant toute l’année 1998. Saison 1999/2000, deux créations successives au Théâtre Nanterre-Amandiers :
Quelqu’un va venir du Norvégien Jon Fosse (Festival d’Automne à Paris) et Des couteaux dans les poules du jeune
Ecossais David Harrower. Janvier 2001, création de Melancholia - théâtre, extraits du roman de Jon Fosse Me-
lancholia I (Théâtre national de la Colline à Paris, puis
tournée à Caen, Rennes et Belfort). La même année au
KunstenFestivaldesArts, création d’une œuvre musicale,
Carnet d’un disparu de Léos Janacek, d'abord à Bruxelles,
puis au Festival International d’Art Lyrique d’Aix-en-Provence, au Théâtre Nanterre-Amandiers / Théâtre&Musique et au Carré Saint-Vincent d’Orléans.
Le dernier texte de Sarah Kane, 4.48 Psychose est créé en
octobre 2002, avec Isabelle Huppert, au Théâtre des
Bouffes du Nord, avant de tourner à Caen, Gérone, Genève, Lorient, Lisbonne, Anvers, Lyon, Rennes, Sao
Paulo, puis en 2005 à Montpellier, Los Angeles, New
York, Montréal, Berlin, Luxembourg et Milan. En octobre
2003, création d'une nouvelle pièce de Jon Fosse, Variations sur la mort, au Théâtre national de la Colline. En
janvier 2005 création, avec la comédienne Valérie Dréville, de Comme un chant de David, 14 psaumes de David
retraduits par Henri Meschonnic (Théâtre national de
Bretagne - Rennes, MC2 - Grenoble, De Singel - Anvers,
puis de janvier à mars 2006, Théâtre national de la Colline - Paris et CDN de Normandie-Caen). En septembre
2007 création de Homme sans but du jeune écrivain norvégien Arne Lygre, à l'Odéon-Théâtre de l'Europe (Ateliers
Berthier), puis en tournée : Genève, Lyon, Anvers, Montréal. Ode maritime de Fernando Pessoa sera créée en juin
2009 au Théâtre Vidy Lausanne puis au Festival d'Avignon en juillet, et reprise en tournée début 2010, au
Théâtre National de Strasbourg puis à Lorient, Paris
(Théâtre de la Ville), Toulouse, Montpellier, Villeneuve
d'Ascq, Belfort, Grenoble, Reims, au Japon (Festival de
Shizuoka, puis Kyoto) et enfin au Portugal (Festival d'Almada - Lisbonne). Il crée à l'automne 2010 Brume de dieu
à partir du roman de Tarjei Vesaas Les Oiseaux, au TNB Rennes, puis à Paris (Ménagerie de Verre, Festival d’Automne à Paris), épinal, Vire, Tours, Toulouse, spectacle
repris pendant la saison 2011-12 à Paris (Ménagerie de
Verre, Festival d’Automne à Paris), Orléans, Cherbourg,
Brest, Angers, Aix-en-Provence, Bruxelles et Marseille. Il
a publié plusieurs ouvrages : Espaces perdus - Plon 1991,
réédition Les Solitaires Intempestifs 1998, L’Ordre des
morts - Les Solitaires Intempestifs 1999 (Prix du Syndicat
de la critique 2000 - meilleure publication sur le théâtre), L’État d’incertitude - Les Solitaires Intempestifs
2002, Au-delà des larmes - Les Solitaires Intempestifs
2007, La Brûlure du monde (livre et DVD) - Les Solitaires
Intempestifs 2011, Dans le désordre - Actes Sud 2011, La
Mort de Tintagiles, Maurice Maeterlinck / collection « Répliques » - Babel / Actes Sud 1997. Dans sa filmographie,
il a réalisé : Nathalie Sarraute - Conversations avec
Claude Régy — La Sept / INA 1989. Plusieurs films lui ont
été consacrés : Mémoire du Théâtre « Claude Régy » —
INA 1997, Claude Régy - le passeur — réalisation Elisabeth
Coronel et Arnaud de Mézamat, Abacaris films / La Sept
Arte 1997, Claude Régy, par les abîmes — réalisation
Alexandre Barry, Arte / One time 2003, Claude Régy, la
brûlure du monde — réalisation Alexandre Barry, Local
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 53
TarJei vesaas
Films 2005.
Claude Régy au Festival d’Automne à Paris :
1978
Elle est là (Centre Pompidou)
1984
Passaggio (Théâtre du Châtelet)
1985
Intérieur (Théâtre Gérard Philipe – CDN)
1988
Le Criminel (Théâtre de la Bastille)
1990
Le Cerceau (Théâtre Nanterre-Amandiers)
1994
La Terrible Voix de Satan (Théâtre Gérard Philipe)
1999
Quelqu'un va venir (Théâtre Nanterre-Amandiers)
2003
Variations sur la mort
(La Colline – Théâtre national)
2007
Homme sans but (Odéon – Théâtre de l’Europe)
2010
et 2011 Brume de Dieu (Ménagerie de Verre)
2012
La Barque le Soir
(Odéon - Théâtre de l’Europe / Atelier Berthier)
Tarjei Vesaas est né à Vinje en Norvège, dans le comté
du Telemark, le 20 août 1897. Il est mort à Oslo le 15 mars
1970.
Il est un écrivain norvégien de langue néo-norvégienne,
dénommée nynorsk, une langue rejetant les influences
étrangères.
Son œuvre est dominée par une omniprésence de la nature et de ses plus profonds secrets. Ainsi s’enterrent
elles-mêmes les racines.
Ses parents possédaient la ferme Vesaas et lui, aîné de
trois fils, devait prendre la succession de son père et hériter de l’exploration familiale. Ces paysans entretenaient – et c’est surprenant – un vif intérêt pour la
lecture, souvent collective et à voix haute, à la ferme,
lors des soirées prolongées par la prédominance de la
nuit.
Tarjei refuse la succession de la ferme et se veut écrivain.
à vingt ans, il suit une sorte d’université populaire qui
lui fait connaître les plus grands écrivains de son pays
et d’Europe. Grâce à des bourses, il voyage en Europe en
1925 puis en 1927.
En 1934 (il a trente-sept ans), il épouse une femme écrivain Halldis Moren et se fixe à Midtbø, ferme construite
par son grand-père maternel, tout près de la ferme de ses
parents.
D’abord, deux tentatives de publication échouent. Mais
très rapidement, Tarjei Vesaas s’impose comme un des
plus grands écrivains norvégiens. Il inspire toute une
nouvelle génération d’auteurs et, très particulièrement,
Jon Foss.
Vesaas nous laisse 40 romans, dont 13 seulement sont
traduits en français. Deux d’entre eux sont très célèbres
: Les Oiseaux et Palais de glace.
Son dernier livre, La Barque le soir, révèle un art qui, loin
de s’achever, est toujours tourné vers la recherche, sculptant l’obscur avec des outils de métal.
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 54
anDré wilms
paroles D’aCTeur
Casimir et Caroline
d’Ödön von Horváth
Mise en scène, André Wilms
Avec Margot Bancilhon, Natalie Beder, Sigrid Bouaziz, Pierre
Cachia, Esteban Carvajal Alegria, Vincent Heneine, David
Houri,Julia Piaton, Yann Sorton et Sarah Stern
FESTIVAL D’AUTOMNE à PARIS
ASSOCIATION ARTISTIQUE DE L’ ADAMI
ATELIER DE PARIS-CAROLYN CARLSON
Lundi 4 au vendredi 8 novembre 20h30
10€ et 14€
Abonnement 10€
Un soir, en Allemagne. La fête de la bière bat son plein.
Le parc d’attraction rutile, les manèges et les barbes à
papa s’accumulent et l’amour, dans la fleur de l’âge, s’est
donné rendez-vous en plein air. Les conditions extérieures
sont ici réunies pour que s’épanouisse l’amour de Casimir
et Caroline… Mais voilà : Ödön von Horváth écrit cette
oeuvre populaire en 1931 et la crise économique mondiale
se substitue rapidement au décor chatoyant des attractions
foraines. Dans le chef d’oeuvre de ce dramaturge hongrois
de langue allemande, adulé par l’impétueux Peter Handke,
le héros vient d’être renvoyé de son emploi de chauffeur
et craint que l’héroïne ne le quitte pour réaliser ses rêves
d’ascension sociale avec plus riche et plus puissant que
lui. L’âge des ballades amoureuses n’est plus, chante amèrement Ödön von Horváth qui signe avec Casimir et
Caroline une sérénade désenchantée où la jeunesse allemande rencontre l’inquiétude croissante d’une époque
de non-sens.
Figure inoubliable du théâtre de Klaus Michael Grüber,
acteur fétiche d’Aki Kaurismäki, André Wilms s’empare
aujourd’hui de cette chronique des années 1930 pour la
proposer aux jeunes acteurs sélectionnés pour la 19ème
édition de « Paroles d’acteurs », un dispositif de transmission
conçu par l’Adami pour faire se rencontrer un maître de
théâtre et des acteurs issus du dispositif « Talents Cannes
Adami ».
L’Arche est éditeur et agent théâtral du texte représenté.
www.arche-editeur.com
Traduction, Hélène Mauler et René Zahnd © L’Arche Editeur
Coproduction Association artistique de l’Adami
Festival d’Automne à Paris
En collaboration avec l’Atelier de Paris-Carolyn Carlson
ADAMI
L’ADAMI représente les artistes-interprètes principaux :
comédiens, danseurs, chanteurs, musiciens, solistes,
chefs d’orchestres. Sa mission est de géreer leurs droits
en France et à l’étranger. Elle agit au niveau national et
européen pour leur juste rémunération notament au
titre de la copie privée et des nouveaux usages
numériques. Elle favorise également l’emploi artistique
au moyen de ses aides à la création.
www.adami.fr
Contacts presse :
Festival d’Automne à Paris
Christine Delterme, Carole Willemot
01 53 45 17 13
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 55
enTreTien
anDré wilms
Vous allez travailler avec de jeunes acteurs dans le cadre
d'un dispositif de transmission mis en place par l'ADAMI
intitulé « Paroles d'acteurs ». Pourquoi avez-vous retenu
Casimir et Caroline, ce texte qu'Ödön von Horvàth a écrit
en 1932 sur la jeunesse allemande?
André Wilms : J'aime bien Horvàth. J'aime sa façon
d'écrire. C'est une écriture qui ne se répand pas, qui va
vite. Ce n'est pas très lyrique (une belle qualité au théâtre). Ça parle de choses que je comprends. Ça parle de
chômage, ça parle de gens qui sont un peu tristes. Horvàth écrit à une période de l'Histoire où les grandes utopies ont disparu. Les personnages de Casimir et Caroline
errent sous un ciel vide. Et puis ils ont à peu près l'âge
des acteurs qui vont jouer la pièce.
Qui sont ces jeunes acteurs avec lesquels vous allez travailler? Qu'allez-vous tenter de leur transmettre?
André Wilms : La majorité veut faire du cinéma. Je ne
crois pas qu'ils me connaissent. Le nom de Grüber ne
leur dit pas grand chose, par exemple. Je compte leur
transmettre un peu de discipline. J'aime, en tant qu'acteur, la discipline quasi militaire. Alors, forcément, ils
sont un peu surpris quand je leur dit: « Pas de baskets,
pas de tennis, venez en costume! ». Bin oui, sinon ils sont
toujours un peu mous. J'aime les corps qui ont une certaine tenue. Je dis ça avec humour, mais quand même…
Et puis je vais leur enseigner à être contre. à être méchant. Ou à être en colère. S'ils ne sont pas en colère, ce
n'est pas la peine de faire ce métier.
Racontez-nous l'histoire...
André Wilms : Une jeune fille est amoureuse d'un jeune
homme. Le jeune homme est au chômage. La jeune fille
voudrait s'en sortir. Elle veut vivre. Faire des choses formidables. Nous sommes dans une fête foraine un peu
glauque et c'est l'histoire de jeunes gens qui veulent tenter de sortir de leur monde. On nous raconte la tentative
d'être plus grand que soi-même. Et on s'aperçoit que c'est
difficile.
Pourquoi?
André Wilms : Si vous n'êtes pas en colère, vous faites
ce que tout le monde fait actuellement : du divertissement tout doux. C'est difficile d'arriver en tant que jeune
acteur aujourd'hui. Il y a tellement de choses, comment
voulez vous surnager? à la télé, que voulez-vous, seuls
les sportifs, les top models et les gens de téléréalité intéressent. Nous, on est comme les derniers chrétiens
dans les catacombes. Et puis aujourd'hui, tout le monde
est artiste, tout le monde est metteur en scène, tout le
monde est créateur. Même les enfants sont soi-disant
« créateurs »… Tu fais un dessin de merde et voilà, t'es
créateur… N'importe quoi! Nous devrions remettre à
l'honneur la phrase de Brecht: « Je fais du théâtre pour
chier sur l'ordre du monde ». La bourgeoisie a compris
que pour que leurs enfants ne les embêtent pas trop, il
fallait qu'ils deviennent artistes. Ou obèses. Le métier
d'artiste n'a plus rien de subversif.
L'auteur autrichien Peter Handke considérait l'écriture
de Horvàth comme plus puissante que celle de Bertold
Brecht. Vous le rejoignez sur ce point?
André Wilms : Bon, on sent que Brecht a lu Horvath,
quand même, qu'il s'en est inspiré… Mais je n'ai pas de
point de vue aussi tranché qu' Handke sur ce sujet! Disons que Horvàth est moins militant que Brecht, il n'essaie pas de tirer de conséquences politiques de sa fable.
Horvàth sent la montée du fascisme, mais tout est diffus
dans Casimir et Caroline. La dimension politique est
moins appuyée. Ses personnages sont moins emblématiques que ceux de Brecht. Ils nous ressemblent davantage. Ils sont plus tristes, aussi. Ils sont paumés, ne
savent plus très bien… Horvàth agit en entomologiste :
il parle de papillons qui se heurtent à des ampoules électriques. En même temps, et sur ce point je suis en désaccord avec Handke, c'est que Brecht écrit à une époque
où il se devait sûrement d'être plus frontal.
Doit-on évacuer tout rapprochement entre cette jeunesse
des années 1930 et la nôtre?
André Wilms : C'est une question délicate. Je suis assez
méfiant avec cette volonté d'actualiser à tout prix les
textes d'antan. L'Histoire balbutie, nous sommes d'accord, mais elle ne se reproduit pas toujours. Il faut arrêter : nous ne vivons pas aujourd'hui les nouvelles années
1930. Ça, c'est un discours marchand. Je ne crois pas qu'il
faille créer des parallèles de façon mécanique. S'il y a des
échos avec notre période actuelle, dans le spectacle, j'ai
envie qu'ils arrivent malgré moi.
Il y a encore quelques artistes subversifs, tout de même!
André Wilms : Oui, évidemment… Il y a une nouvelle génération passionnante qui arrive sur nos scènes, des
jeunes gens qui ont remis les acteurs au centre, qui écrivent depuis le plateau. Prenez un jeune artiste comme
Vincent Macaigne, c'est très bien. Jeanne Candel et Samuel Achache, qui ont présenté une version de Didon et
Énée, pareil, c'est très bon. Je veux simplement dire qu'il
y en a peu, de vrais artistes. Ce que je ne comprends pas,
c'est qu'on veuille qu'il y en ait beaucoup! En fait, il n'y
a pas moins d'artistes subversifs qu'avant, c'est juste
qu'ils sont noyés parmi une tripotée d'artistouilles. Toute
représentation qui crée le consensus est toujours un peu
ennuyeuse. On est seul dans la vie, restons seuls au théâtre. Arrêtons de vouloir unifier les gens à tout prix. Moi,
je n'aime pas la culture, j'aime l'Art.
Quelle différence faites vous?
André Wilms : L'Art, c'est inadmissible. L'Art, c'est ce
qu'on n'aime pas. Ce sont des choses méchantes. L'Art
doit être contre l'époque dans laquelle il est produit. Et
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 56
quelle que soit l'époque parce que toutes les époques
rendent malheureux. Les grands artistes sont ceux qui
questionnent le fait d'être là. Toutes les grandes aventures artistiques ont commencé par des scandales, d'ailleurs… Aujourd'hui, dans le monde du théâtre, Grüber
est un dieu mais le premier spectacle de lui dans lequel
j'ai joué, les gens se tiraient de la salle par wagons! Alors
ça peut produire un académisme de la subversion. Il faut
faire attention. On marche sur une crête et, entre l'escroquerie et le génie, c'est très fragile. Nous sommes comme
des danseurs de corde.
Qu'est-ce qui serait vraiment subversif aujourd'hui, selon
vous?
André Wilms : La lenteur. La lenteur et le silence.
Enfin, c'est compliqué parce qu'un metteur en scène
comme Vincent Macaigne travaille sur le hurlement et
c'est somptueux. En fait, c'est bien quand c'est contradictoire : désespérés mais avec humour...
Lorsque vous étiez jeune acteur, avec qui auriez-vous rêvé
de travailler, dans un dispositif similaire à « Paroles d'acteurs »?
André Wilms : Buster Keaton. Parce qu'il rendait intelligent. Cet acteur est une page blanche, une surface de
projection. D'une manière générale, les acteurs imposent
trop ce qu'ils pensent. Lui n'imposait rien… C'est pour ça
que Beckett trouvait qu'il était le meilleur acteur au
monde. Il est parfait pour jouer Beckett… Et l'autre, c'est
Robert Mitchum. Il dormait presque en jouant. Il se faisait tellement chier !
Selon vous, on n'insiste pas assez, dans la formation des
acteurs actuellement, sur cette capacité à se soustraire?
André Wilms : C'est certain. Il faudrait mieux apprendre
à retrancher les émotions plutôt qu’à les surligner. Regardez les jeunes actrices françaises que l'on voit au cinéma, elles sont toutes hyper ventilées. Le jeu est saturé
en émotion ! Il ne s'agit pas non plus de prôner un faux
naturel télévisuel, mais tout de même… Je trouve que
certains acteurs donnent trop de choses aux spectateurs.
Ils tremblent. Ils suent… Parfois, j'ai presque envie qu'il
y ait une vitre entre eux et moi.
Cela vous correspond donc tout à fait de travailler avec
des artistes proches de la musique contemporaine comme
Heiner Goebbels, qui ont un abord du texte quasi mathématique...
André Wilms : Absolument. Quand je disais à Heiner
Müller que je ne comprenais pas tel passage, il me répondait: « Arrête de m'emmerder… Contente-toi de dire
le texte comme un botin téléphonique ». Et il avait bien
raison ! Avec Goebbels, on travaille comme sur une partition, avec des contraintes de durées et de rythmiques.
Vous êtes venu au théâtre en rencontrant le grand metteur en scène Klaus Michaël Grüber à Paris. Quelle est la
chose fondamentale qu'il vous a transmise à laquelle
vous repensez encore en jouant?
André Wilms : J'étais machiniste, je suis arrivé au théâtre
par hasard, et j'ai rencontré Grüber. Il a été mon maitre.
Presque mon père. Je l'ai imité pendant 10 ans ! J'étais
dans le mimétisme total… un vrai clone ! Et puis je m'en
suis débarrassé, avec tendresse, mais il fallait s'en débarrasser. Je pense qu'il faut des maîtres pour les jeunes acteurs. Mais ce n'est plus dans l'air du temps.
Grüber ne nous dirigeait pas vraiment, il ne disait pas
grand chose : « Pleure à l'intérieur, ne te répands pas sur
mes genoux », « Tes sentiments ne m'intéressent pas…
Vos sentiments sont tous les mêmes, ils ne m'intéressent
pas », « Dis le texte simplement, calmement », « Ne fais
pas ça pour t'émanciper ou penser que tu es un artiste.
Travaille. » « Tous les mots sont usés, essaies de redécouvrir les mots », « Rien n'est évident. Monter sur un plateau n'est pas évident. Dire des mots n'est pas évident. »
Travailler avec lui était une cure d'amaigrissement. Il
nous apprenait à ne pas trop nous aimer. à tuer nos ego.
Vous avez souvent travaillé avec des artistes allemands.
Qu'êtes-vous allé chercher dans le théâtre allemand que
vous ne trouviez pas en France?
André Wilms : En France, à mon époque, on n'était pas
très fort, côté trash et dépense physique. La nouvelle génération qui arrive est meilleure que la mienne, sur ce
plan, parce qu'elle a pu tirer enseignement des théâtres
allemands et belges, justement. Je suis né en Alsace, en
plus, alors j'ai toujours entretenu une sorte de schizophrénie entre le père allemand et la mère française !
Si vous étiez aujourd'hui à la direction d'une école de
théâtre, que mettriez-vous en place comme dispositif de
transmission et de quels collaborateurs vous entoureriezvous? André Wilms : Il y a un artiste qui a fait une super
école de théâtre, c'est Ariel Garcia Valdès au Conservatoire de Montpellier. Sa présence n’avait rien de pédagogique, en ce sens on pourrait dire de lui que c’était un
maître : on n’explique rien, on ne justifie rien, on ne dit
rien. Les artistes qu’il invitait avaient ceci de commun
d’être tous, à leur manière, non-conventionnels, atypiques et partisans. Moi, très franchement, si je devais
diriger une école, je ne saurais pas quoi faire. Sûrement
ferais-je venir des philosophes, comme Jean-Luc Nancy,
des peintres, des musiciens, des jeunes intellectuels
français comme ceux de la revue Le Diable probablement, des jeunes cinéastes, des architectes, ou des gens
qui n'ont rien à voir avec le théâtre, des infirmières, des
éboueurs... Je crois que le seul intérêt de ce métier est
de rencontrer des gens qu'on n'auraient pas rencontrés
ailleurs. Des gens très intelligents. Et il y en a, quand
même.
Propos recuillis par Eve Beauvallet
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 57
Biographie
anDré wilms
André Wilms est comédien et metteur en scène. Au théâtre, il a travaillé sous la direction de Klaus Michael Grüber dans La Mort de Danton ; André Engel dans Baal,
Week-end à Yaïck, Kafka, Hôtel moderne, En attendant
Godot, La Nuit des chasseurs ; Jean-Pierre Vincent dans
Vichy fictions, Le Dispensaire, Le Bureau de poste, La
Peste, Le Palais de justice ; Michel Deutsch et Philippe
Lacoue-Labarthe dans Les Phéniciennes ; Christian Colin
dans Othello ; Jacques Lasalle dans Tartuffe ; Bernard
Sobel dans Le Cyclope, Walter le Moli, Marat-Sade ; Ann
Bogart dans Assimil ; Jean Jourdheuil et Jean-François
Perret dans Paysage sous surveillance, La Route des chars,
Les Sonnets et La Nature des choses ; Luigi Nono dans
Prometeo ; Heiner Goebbels dans Ou bien le débarquement désastreux, Max Black, Eraritjaritjaka ; Deborah
Warner dans Maison de poupée ; Matthias Langhoff dans
Dieu comme patient ; Georges Lavaudant dans La Mort
d’Hercule, Les Cenci et enfin Les Trachiniennes.
Au cinéma, depuis 1972, il a joué notamment dans Coup
pour coup de Marin Karmitz, Il faut tuer Birgit Haas de
Laurent Heynemann, Tartuffe de Gérard Depardieu, La
Vie est un long fleuve tranquille, Tatie Danielle et Tanguy
d’Etienne Chatiliez, Monsieur Hire de Patrice Leconte,
La Lectrice de Michel Deville, Drôle d’endroit pour une
rencontre de François Dupeyron, Europa Europa
d’Agnieszka Holland, La Vie de bohème, Léningrad cowboys meet Moses, Juha et Le Havre d’Aki Kaurismäki, L’Enfer de Claude Chabrol, Bienvenue chez les Rozes de
Francis Palluau, Le Temps d’un regard d’Ilan Flamme,
Ricky de François Ozon, Pauline et François de Renaud
Fély, Sans laisser de traces de Grégoire Vigneron, Robert
Mitchum est mort d’Olivier Babine et Fred Kihn, Americano de Mathieu Demy, Un château en Italie de Valeria
Bruni Tedeschi et Spiritismes de Guy Maddin.
Depuis la fin des 1980, André Wilms signe ses propres
mises en scène au théâtre et à l’opéra. Il a ainsi monté
La Conférence des oiseaux de Michaël Lévinas (1988) Le
Château de Barbe Bleu de Béla Bartok (1990), Le Château
des Carpathes de Philippe Hersant (1993), à Munich Toller
Topographie d’Albert Ostermaier (1995) et La Philosophie
dans le boudoir du Marquis de Sade (1997). Au Théâtre
Nanterre-Amandiers, il monte Alfred, Alfred de Franco
Donatoni (1998) et Pulsion de F.X. Kraetz (1999) au Théâtre de la Colline. En 2000, il crée à Munich La Noce chez
les petits-bourgeois de Bertolt Brecht, Kill your ego et
Médée Matériau de Heiner Müller sur une musique de
Pascal Dusapin (joués à Nanterre). Il met en scène Histoires de famille de Biljana Srbljanovic joué au TNP Villeurbanne et au Théâtre de la Colline (2002). Au
Schauspiel de Francfort, il monte La Vie de Bohème
d’après Henri Murger et Aki Kaurismäki (2001), Macbeth
et Songe d’une nuit d’été de William Shakespeare, Les
Bonnes de Jean Genet, La Dernière bande et 10 Pièces
courtes de Samuel Beckett, L’Opéra de quatre sous de Ber-
tolt Brecht et Barbe bleu espoir des femmes de Dea Loher.
En 2005, il met en scène Les Bacchantes d’Euripide à la
Comédie-Française. En 2010, il est conseiller scénique
sur Le Paradis et la Péri de Robert Schuman à la Cité de
la Musique à Paris. En 2010, il met en scène Le Père de
Michael Jarell et Heiner Müller au Théâtre de l’Athénée
(dans le cadre du festival Agora) puis Agit Prop avec l’Orchestre de l’Opéra de Rouen et le chœur Accentus, sous
la direction musicale de Laurence Equilbey, à l’Opéra de
Rouen et à la Cité de la Musique à Paris. André Wilms
est lauréat de la Villa Médicis hors les murs.
Ses collaborations musicales sont nombreuses, en particulier avec les compositeurs Heiner Goebbels ou
Georges Aperghis dans le domaine du théâtre musical.
En 2011, il joue au Théâtre des Bouffes du Nord dans
Macbeth Horror Suite (d’après William Shakespeare et
Carmelo Bene) mis en voix par Georges Lavaudant puis
en 2012 dans une reprise de Max Black de Heiner Goebbels.
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 58
philippe Quesne
vivarium sTuDio
Swamp Club
Conception et mise en scène, Philippe Quesne
Avec Isabelle Angotti, Snæbjörn Brynjarsson, Ola Maciejewska,
émilien Tessier, Gaëtan Vourc’h (distribution en cours) et un
quatuor à cordes
Collaborations artistiques, Yvan Clédat,
Cyril Gomez-Mathieu, Corine Petitpierre
Assistante à la mise en scène, Marie Urban
FESTIVAL D’AUTOMNE à PARIS
THéâTRE DE GENNEVILLIERS
Jeudi 7 au dimanche 17 novembre, mardi, jeudi 19h30, mercredi,
vendrei, samedi 20h30, dimanche 15h,
relâche lundi
12€ à 24€
Abonnement 10€ et 12€
LE FORUM/ SCèNE CONVENTIONNéE
DE BLANC-MESNIL
Jeudi 21 novembre 19h et vendredi 22 novembre 20h30
7€ à 16€
Durée estimée : 1h40
Production Vivarium Studio
Coproduction Wiener Festwochen ; Foreign Affairs - Berliner Festspiele ;
Festival d’ Avignon ; La Ménagerie de Verre (Paris) ; Kaaitheater (Bruxelles) ;
La Filature, Scène nationale de Mulhouse ; Internationales Sommerfestival
– Hambourg ; Festival Theaterformen Hanovre / Braunschweig ; La Bâtie –
Festival de Genève ; Théâtre de Gennevilliers, centre dramatique national de
création contemporaine ; Le Forum / scène conventionnée de Blanc-Mesnil
(France) ; Festival d’Automne à Paris
Coréalisation Théâtre de Gennevilliers, centre dramatique national de
création contemporaine ; Festival d’Automne à Paris
Avec le soutien du Centre chorégraphique national de Montpellier
Languedoc Roussillon (France) et de EMPAC – Rensselaer Polytechnic
Institute, et the Jaffe Fund for Experimental Media and the Performing Arts
(états-Unis)
La compagnie est conventionnée par la DRAC Île-de-France, Ministère de la
Culture et de la Communication, et par le Conseil Régional Île-de-France au
titre de la Permanence artistique et culturelle. Philippe Quesne est artiste
associé au Théâtre de Gennevilliers à partir de 2012-2013.
Avec le soutien de l’Adami
2003. Philippe Quesne, jusqu’alors repéré comme scénographe de théâtre et d’expositions, créait le Vivarium Studio, réunissant une petite communauté d’acteurs, de
plasticiens, de musiciens et un chien. On découvrait alors
un curieux petit théâtre, coincé entre ludisme et mélancolie, héritier des fantaisies de Georges Perec ou des plasticiens Fischli & Weiss, et redevable aux heures entières
passées par Quesne à collectionner des insectes, en jeune
entomologiste. Pas de tension dramatique classique au
Vivarium Studio, mais l’observation laborantine, patiente
et amusée, de petits organismes vivants. En dix ans donc,
on nous a présenté une tripotée de héros ordinaires,
occupés sur scène à bricoler des œuvres, à chercher comment créer des contes et des récits à leur échelle. On a
pu s’enchanter pour des hard-rockeurs qui jouaient les
tubes de Scorpions à la flûte à bec (La Mélancolie des dragons, 2008), pour un Serge qui inventait de mini-shows
pour ses voisins à base de cierges magiques et de phares
de voitures (L’Effet de Serge, 2007) et pour tous ces autres
personnages aux aspirations créatives et poétiques. Qu’importe d’échouer, nous disait déjà La Démangeaison des
ailes (2003), il faut tenter toujours. Ainsi la plus dérisoire
des actions est-elle, sur les plateaux de Philippe Quesne,
sujette à l’émerveillement et au débat public. Ce regard
oblique sur la création, à la fois critique et engagé,
s’exprime aujourd’hui dans Swamp Club, une création
anniversaire qui réunit les fidèles acolytes du Vivarium
Studio, un quatuor à cordes et des collaborateurs rencontrés au fil des tournées.
La fable se présente ainsi : dans un paysage artificiel et
marécageux, un petit lieu culturel (un centre d’art monté
sur pilotis) accueille des artistes venus du monde entier.
Menacé d’anéantissement par un projet urbain, les résidents du Swamp Club cherchent des solutions pour résister…
Contacts presse :
Festival d’Automne à Paris
Christine Delterme, Carole Willemot
01 53 45 17 13
Théâtre de Genneviliers
Philippe Boulet
06 82 28 00 47
Le Forum/scène conventionnée de Blanc-Mesnil
Diane Claisse-Brouxel
01 48 14 22 07
Spectacle créé le 4 juin 2013 au Wiener Festwochen
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 59
enTreTien
philippe Quesne
Contrairement aux précédentes créations de Vivarium
Studio qui se fabriquaient toujours au plateau, vous
créez Swamp Club à partir d'une fable pré-écrite. Que
nous raconte t-elle?
Philippe Quesne : C'est un procédé nouveau puisque nos
pièces, en effet, naissaient souvent de l'imaginaire véhiculé par un titre, puis de l'expérimentation d'une matière à même le plateau. Cette fois, peut-être parce que
nous fêtons avec Swamp Club les 10 ans de la compagnie, j'avais envie de fonctionner différemment. J'ai
songé à cette fable et écrit la trame comme un petit livret d'opéra puisqu'il va s'agir d'une pièce très musicale…
Swamp Club pourrait être un conte urbain fantastique
qui se déroulerait dans le décor inquiétant et paisible
d'un marais reculé du monde, peuplé d'étranges créatures, d'animaux et d'insectes. Dans ce paysage marécageux subsisterait un bâtiment construit sur pilotis : un
centre d'art et de résidences d'artistes, nommé le Swamp
Club.
Qui vit dans ce centre d'art fantastique?
Philippe Quesne : J'ai imaginé qu'il soit géré par trois des
membres fondateurs de Vivarium Studio (Isabelle Angotti, Gaëtan Vourc'h et Emilien Tessier) et que des artistes de différentes nationalités croisés au gré des
tournées et de diverses collaborations, y soient accueillis en résidence. Parlant différentes langues, ils ne se
comprennent pas toujours, mais s'entendent tous. Ola
Maciejewska parle polonais. Snaebjörn Brynjarsson
vient d'Islande mais parle aussi le Japonais. Tous deux
seront en résidence au Swamp Club avec un quatuor de
musiciens. Le contraste entre un univers romantique,
merveilleux, porté par la musique symphonique et ce
lieu marécageux d'une grande précarité me plaisait beaucoup.
Le centre d'art est implanté en « zone sensible », une zone
dite inconstructible…
Philippe Quesne : Oui, construire un bâtiment sur un
marécage, c'est presque antinomique… Mais dans nos
pièces, les premiers signes envoyés au spectateur se lisent souvent comme de belles causes perdues. La Démangeaison des ailes (2004) présentait des trentenaires
paumés occupés à chercher comment s'envoler - au sens
propre comme au figuré - La Mélancolie des dragons
(2008) plaçait des hard-rockeurs dans une Citroën AX en
panne mais dans un paysage enneigé, digne d'un conte…
La dialectique de l'envol et de la chute, le motif du désir
qui se heurte à la réalité ont toujours été nourrissants
pour nous. Installer aujourd'hui un centre d'art dans une
zone marécageuse est une nouvelle façon de mettre en
scène l'échec et le caractère profondément dérisoire (et
pourtant nécessaire) de certaines entreprises humaines.
J'aime aussi l'image de grande précarité véhiculée par
cette structure implantée en plein marais. Le marécage
ressemble certes à un ramassis de déchets végétaux ou
même radioactifs, mais les artistes qui y vivent ont su
recréer quelques unes des conditions modernes de détente et de confort : nous installerons peut-être un petit
jacuzzi ou un sauna… Il est fondamental que le Swamp
Club soit un lieu dans lequel on se sente bien. Au moment où nous l'imaginons, il vit sa pleine expansion et
suscite l'intérêt d'artistes du monde entier. Les demandes de résidence affluent… Il est pourtant menacé
de destruction. Ainsi, les artistes devront organiser la défense, et lutter pour survivre et sauver une certaine idée
de l'art. Nous découvrirons peut-être que le directeur du
centre, que l'on habillerait en clin d'oeil à Eyroll Flynn,
est un descendant de Robin des Bois. Robin étant une
figure historique idéale, un super-héros parfait pour
notre époque, proche du peuple, allié de la nature. Il faut
des super-héros dans les cas désespérés !
Quelle est la menace qui pèse exactement sur le Swamp
Club ?
Philippe Quesne : Pour l'heure, nous n'en sommes
qu'aux hypothèses. Je ne sais pas encore s'il s'agira d'une
menace écologique ou immobilière. Peut-être sera t-il
menacé par le projet de construction d'un centre commercial ou d'un vrai théâtre, comme une méga Scène nationale? Les initiatives individuelles sont couramment
remplacées par des châteaux-forts dirigés par des gestionnaires…
De quelle situation réelle Swamp club est-il la mise en
abyme?
Philippe Quesne : Toutes les pièces du Vivarium Studio
parlent en creux, de nos propres aspirations en tant
qu'artistes. Cependant, je souhaitais plus que jamais problématiser les conditions d'exercice de notre métier et
la place de l'art au sens large dans la société d'aujourd'hui. Il y a, malheureusement, beaucoup de raisons
d'être pessimiste… Imaginer l'histoire de ce petit centre
d'art reculé du monde revient à questionner notre statut
de compagnie indépendante, à questionner les conditions de viabilité et de liberté artistique, à s'interroger
sur l'articulation possible entre enjeux économiques et
culturels. Il ne s'agira pas d'être aussi austère dans la
pièce, bien sûr. Nous proposons des métaphores. Le centre d'art que nous fantasmons est libre d'un point de vue
artistique parce qu'il s'autogère. Nous imaginons qu'il
soit installé à côté d'une mine d'or et que les artistes
aient domestiqué une taupe qui leur permette de collecter des pépites et de financer l'art comme ils l'entendent.
Ainsi, le Swamp Club invente une micro-société idyllique qui aurait résolu le problème économique tout en
gardant la foi dans une certaine idée de l'art.
Vos pièces prennent souvent pour sujet la création artistique en la transposant dans un monde utopique, sans
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 60
obstacles à son épanouissement. Vous glissez ici vers un
registre plus grave, assez inhabituel dans votre parcours..
Philippe Quesne : J'ai souvent travaillé sur la figure de
l'artiste idéal débarrassé des contraintes économiques,
c'est vrai. Avec l'envie de montrer une micro-communauté qui arrive à s'entendre et qui affirme la liberté
d'être ensemble, ne serait-ce que pour le temps d'un spectacle, en créant des mondes avec des rouleaux de coton
ou des formes gonflables. Même si la création de l'univers s'invente avec des fourrures synthétiques, comme
dans Big Bang (2010), les artistes (parfois amateurs) que
nous mettons en scène ont la foi dans leurs projets. Ils
créent et s'expriment envers et contre tout, comme des
aventuriers, portés par un souffle inaltérable. Dans La
Mélancolie des dragons comme dans L'Effet de Serge
(2007), nous jouions aussi sur la figure du spectateur
idéal, qui s'émerveille de tout, trouve toutes les propositions géniales, comme si nous naviguions dans une sorte
de version fabuleuse et bienveillante du monde de la
création. Il y a une inquiétude dans Swamp club qui est
assez nouvelle. Les conditions de résidence et de résistance de l'art sont des sujets que je n'avais jamais abordés
aussi directement...
Vous fêtez aujourd'hui les 10 ans du Vivarium Studio.
Comment s'est constitué cette troupe singulière et autour
de quelle envie de théâtre avez-vous pu vous fédérer?
Philippe Quesne : Je crois que la spécificité du Vivarium
Studio tient au caractère hétérogène du groupe. Après
avoir exercé pendant dix ans le métier de scénographe,
j'ai réuni autour de moi des gens que j'aimais (mais qui
ne se connaissaient pas) pour lancer un projet de spectacle. à l'époque, je n'avais pas du tout prémédité la
constitution d'un groupe durable et de fonder une compagnie. Certaines de ces personnes venaient du théâtre,
d'autres pas. Cyril Gomez-Mathieu et Yvan Clédat viennent d'écoles d'art. Emilien Tessier, qui s'apprête à fêter
ses 70 ans, était géomètre avant de jouer chez Matthias
Langhoff (un metteur en scène qui m'a beaucoup marqué pendant l'adolescence). Isabelle Angotti était juriste
et a décidé de devenir assistante à la mise en scène à 45
ans. Snaebjörn Brynjarsson, que j'ai rencontré il y a huit
ans, est auteur de livres sur les monstres et légendes, il
est parti cette année en Transylvanie pour étudier le
mythe de Dracula…
Cette diversité m'enthousiasme beaucoup. Nous ne
sommes ni une troupe « générationnelle », ni une bande
d'amis préétablie, ni un « collectif » qui prétendrait tout
créer ensemble. J'aime les bandes mais je me méfie beaucoup des gangs, des dogmes et du jeunisme. Lorsque l'on
envoie des gens dans l'espace, c'est toujours plus intéressant de créer un panel de profils diversifié de façon à
constituer un microcosme. Une petite communauté en
miniature. Un micro-monde. J'entrevois le théâtre
comme une expérience d'observation un peu similaire.
La Démangeaison des ailes (2003) se référait d'ailleurs au
principe de téléréalité encore naissant à l'époque avec
Loft Story… Nous avons travaillé sur scène avec un chien
et si je pouvais aujourd'hui intégrer un enfant, je le ferai!
C'est fondamental, pour moi, que chacun des membres
amène avec lui un univers très singulier.
D'autant que vous ne travaillez pas, à proprement parler,
la direction d'acteurs telle qu'on l'entend traditionnellement?
Philippe Quesne : C'est vrai. J'ai toujours trouvé plus intéressant d'utiliser la matière brute, réelle, proposée par
une personne en entrant sur le plateau plutôt que de lui
demander de jouer ou de chercher ce qu'elle ne sait pas
faire. Les gens avec lesquels je travaille m'inspirent et je
compose les pièces grâce à eux. Les acteurs, dans nos
pièces, se préoccupent rarement des sentiments, c'est la
scénographie et la musique qui s'occupent de les induire.
Dans L'Effet de Serge, par exemple, l'appartement inspire
une certaine tristesse qui dispense alors l'acteur de la
prendre en charge. Il se contente d'effectuer des actions
précises, de façon neutre, avec une précision quasi mathématique. C'est le spectateur, par contre, qui peut y
projetter une émotion.
Qu'est-ce qui a pu changer dans votre manière de travailler ensemble?
Philippe Quesne : Le processus de travail n'a pas changé.
Cependant, la constitution d'un répertoire du Vivarium
Studio amène chez moi l'envie de travailler les spectacles
comme une saga, comme un feuilleton à plusieurs épisodes. Je suis un grand fan du soap opéra Star Wars et
cette manière de travailler l'enchevêtrement des histoires, d'imaginer des prequels (en replongeant, a posteriori, dans l'enfance de Dark Vador, par exemple) est très
nourrissante. J'adorerais, par exemple, imaginer une
pièce sur l'enfance des personnages de La Mélancolie des
dragons. Il y a peut-être des signaux de cet ordre dans
Swamp Club : Gaetan, Isabelle et Emilien (déjà présents
dans La Mélancolie des dragons et dans L'Effet de Serge)
pilotent le centre d'art et on peut tout à fait imaginer
que ce sont les personnages des pièces précédentes qui
ont persisté sur le chemin de la création au point d'avoir
monté leur propre structure… Comme si Serge ou Isabelle avaient mûri et choisi de se consacrer à la gestion
du Swamp Club. Il y a donc un intérêt artistique à vieillir
tous ensemble, pour inventer notre monde de pièce en
pièce.
Propos receuillis pas Eve Beauvallet
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 61
Biographie
philippe Quesne
En 2013, Vivarium Studio célèbrera ses dix ans d'existence. à cette occasion, Philippe Quesne créera un nouveau
spectacle, qui réunira certains des acteurs fidèles de la compagnie depuis ses débuts mais aussi de nouveaux interprètes et artistes rencontrés au cours des tournées à l'étranger. Accompagnée par un orchestre de chambre, cette
équipe polyglotte se lancera dans une nouvelle aventure.
On retrouvera ce théâtre laborantin emblématique de Philippe Quesne et de son Vivarium Studio ; un théâtre qui
s'ingénie à modifier les conventions du genre et qui crée un univers aux contours incertains, mêlant le songe et la
matière, la musique et les langages, la fumée et la lumière, la solitude et le groupe. Un théâtre qui part des rituels
communs de la vie contemporaine pour les transformer sur scène en petites cérémonies, à la fois dérisoires et ludiques. Pour Philippe Quesne, le plateau est un atelier, un laboratoire, un « espace vivarium ».
S’y déroulent des situations extrêmes de l’ordinaire et s’y mènent des expériences infimes, propres à la mélancolie
urbaine. Tout s’y fomente souvent comme une comédie absurde et musicale, développée en milieu tempéré. « La
conception de chaque projet commence avec le titre du spectacle qui devient notre champ de recherches et d’expérimentations. L’écriture s’élabore ensuite au cours des répétitions et le dispositif scénographique en fait partie
intégrante : un microcosme qui place le spectateur en position d’observateur et dans lequel j’aime à plonger une
petite communauté d’humains ».
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 62
BreTT Bailey
ThirD worlD BunFighT
House of the Holy Afro
Mise en scène, Brett Bailey
Avec Odidiva
Scénographie, Brett Bailey
Chorégraphie, Natalie Fisher
Poésie, Odidi Mfenyana, Brett Bailey
Arrangements musicaux, Dino Moran
Arrangements vocaux, Bongile Mantsai, Bongani Magatyana,
Terence Nojila
Lumière et responsable technique, Kobus Rossouw
Régisseur et responsable des tournées, Justin Green
Responsable de la production et régisseur général, Barbara
Mathers
Producteur Royaume-Uni et
consultant international, UK ARTS
FESTIVAL D’AUTOMNE à PARIS
LE CENTQUATRE
Le Sud-Africain Brett Bailey est depuis longtemps un spécialiste des carambolages stylistiques. Dans la foulée de
ses spectacles et performances précédents, House of the
Holy Afro mêle street dance, gospel des townships et rituels
chamaniques. Un cocktail explosif à la croisée de plusieurs
cultures. Brett Bailey agite un chaudron d’autant plus
intense qu’il accueille les formes les plus diverses. C’est
dans d’anciens lieux sacrés dans les montagnes de l’Est
sud-africain que Bailey est allé enregistrer certaines des
chansons au cours de cérémonies ancestrales. Ces enregistrements ont été ensuite retravaillés par les interprètes
du spectacle qui y ont adjoint des rythmes électroniques.
Il s’agit de montrer que l’Afrique ne présente pas un seul
visage, mais qu’elle est composée de multiples facettes ;
comme si différents mondes ou différentes époques
coexistaient en même temps dans un même lieu. Ce principe, à l’origine de plusieurs spectacles créés avec sa compagnie Third World Bunfight – de iMumbo Jumbo à The
Prophet –, est radicalisé dans House of the Holy Afro, où
il s’agit de susciter un choc à même de remettre en question
l’image trop formatée que l’on se fait souvent de la réalité
africaine. Dramaturge, metteur en scène, mais aussi plasticien, Brett Bailey interroge inlassablement les transformations à l’œuvre dans l’Afrique post-coloniale avec les
ambiguïtés et les contradictions qui les accompagnent.
Mardi 19 au jeudi 21 novembre 20h30
20€ et 25€
Abonnement 15€
Durée : 1h30
Le programme Afrique du Sud fait l’objet d’un dossier de
presse indépendant téléchargeable sur le site du Festival
d’Automne à Paris
www.festival-automne.com
Production A Third World Bunfight
Reprise pour Le CENTQUATRE (Paris)
et le Festival d’Automne à Paris
Manifestation organisée dans le cadre des Saisons Afrique
du Sud-France 2012 & 2013 www.france-southafrica.com
Spectacle créé en 2004 au Sharp Sharp Festival (Berne)
Contacts presse :
Festival d’Automne à Paris
Christine Delterme, Carole Willemot
01 53 45 17 13
Le CENTQUATRE
Virginie Duval
01 53 35 50 96
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 63
enTreTien
BreTT Bailey
House of the Holy Afro ressemble à un mélange d’ingrédients divers rassemblant plusieurs esthétiques et
confrontant plusieurs cultures. À quoi correspond ce projet ?
Brett Bailey : Ce qui me fascine en Afrique du Sud c’est
la façon dont tant de choses disparates coexistent
presque sur un même plan. C’est en grande partie le
sujet même de House of The Holy Afro. Mais ce n’est pas
tout le sujet. Le spectacle a aussi la forme d’un cabaret,
il y a de la musique shamanique telle qu’elle est jouée
dans des grottes qui se trouvent dans une région montagneuse à l’est. Il y a aussi de la poésie hip hop, de la
musique pop africaine et du gospel. Tout ça se mélange
dans un spectacle qui intègre par ailleurs beaucoup de
changements de costumes. L’ensemble étant pris dans
un beat de house music qui donne une unité aux différentes couleurs de ce spectacle. Je vois House of the Holy
Afro comme une sorte de pot-pourri des différentes tendances ou formes musicales que l’on trouve en Afrique
du Sud.
Ce projet n’a pas été conçu pour être vu assis dans un fauteuil. Le public est debout comme dans un concert de
rock. Pourquoi ?
Brett Bailey : C’est une fête. Le public est convié à danser
sur la musique. On peut déambuler, entrer et sortir et
même boire un verre si on en a envie tout en assistant
au spectacle. Mais ça reste quand même un spectacle.
Parce que même s’il n’y a pas d’histoire avec un début,
un milieu et une fin, il y a en revanche des temps forts
et des moments plus apaisés. Mais dans l’ensemble il
s’agit d’un spectacle de danse assez énergique.
Parmi les artistes qui participent au spectacle, il y a notamment un DJ et une drag queen…
Brett Bailey : Oui, il s’agit d’Odidi Mfenyana qui est dans
le spectacle depuis sa création. On peut dire que House
of the Holy Afro est en bonne partie construit autour de
son personnage. C’est un performer incroyable avec une
présence scénique très forte. Au départ, le spectacle se
déroulait en quatre parties de quarante minutes chacune. Ce qui est assez long. à force de le jouer nous en
avons fait quelque chose de plus dense qui se concentre
maintenant sur quatre-vingt dix minutes. Et puis, bien
sûr, il y aussi l’apport essentiel de Dino Moran le DJ qui
mixe des chants traditionnels Xhosa, du gospel et de la
poésie hip hop sur des rythmes de house music.
Pourquoi ce titre House of the Holy Afro ?
Brett Bailey : Encore une fois, c’est une allusion au fait
que différents styles de musique se mélangent avec en
particulier du gospel et des chants traditionnels. à l’origine cette création est une commande qui m’a été faite
par un festival en Suisse d’un spectacle pour boîte de
nuit. De tout ce que j’ai fait jusqu’ici House of the Holy
Afro est mon œuvre la plus légère au sens où c’est celle
où il y a le moins d’implications politiques. Je ne vais jamais dans des soirées en boîte de nuit, par exemple. Le
clubbing, ce n’est pas vraiment mon truc. à l’époque où
l’on m’a passé cette commande, j’étais à Amsterdam.
Du coup je suis allé dans un club pour voir à quoi cela
ressemblait. Il y avait un type avec un ordinateur portable qui produisait des beats et sur scène deux superbes
filles qui chantaient nonchalamment sur ces rythmes.
J’ai pensé : « Ok, c’est simple. Cela peut me servir de modèle. Je peux transposer ça avec les rythmes auxquels je
suis habitués en Afrique du Sud, le gospel, les musiques
traditionnelles…».
Vous dites que ce spectacle expose différentes facettes de
l’Afrique du Sud. Quelles sont ces différentes facettes
selon vous ?
Brett Bailey : La culture sud-africaine est très mélangée.
Pour commencer notre pays abrite la plus importante
population d’Indiens en dehors de l’Inde. Et puis il y a
les Afrikaners, les anciens colons néerlandais et ceux
d’origine britannique. Avec évidemment toutes les traditions africaines des populations habitant cette terre
depuis toujours. Toutes ces cultures interagissent les
unes avec les autres. Cela tient à la fois du mélange et
de la différence. Les choses sont interprétées différemment selon les points de vue où l’on se place. Ces juxtapositions et ces mélanges peuvent aussi être source de
malentendus. En Afrique du Sud, le public peut voir des
allusions là où il n’y en a pas, tant il y a de tensions entre
les différentes sensibilités. Pour un artiste, travailler en
Afrique du Sud, c’est comme avancer sur un champ de
mines. Au moindre faux-pas, on risque l’explosion. Ma
règle face à une telle situation, c’est de poursuivre sa
voie coûte que coûte. Parce que si vous vous arrêtez,
vous êtes sûr de ne jamais aboutir à rien.
Vous avez grandi sous l’apartheid à Tokai dans la banlieue du Cap. Quelle vision de l’Afrique du Sud aviez-vous
en tant qu’enfant blanc ?
Brett Bailey : Je n’avais aucun accès à ce qu’était réellement la culture sud-africaine étant de l’autre côté de la
barrière. Quand vous vivez sous ce régime extrêmement
rigide de l’apartheid, toutes les informations auxquelles
vous avez accès que ce soit à l’école, à la télévision ou
dans les journaux correspondent à un seul point de vue,
celui de la population blanche. Le reste n’existe tout simplement pas. Quand le pays a commencé à s’ouvrir vers
le début des années 1990, c’était comme un miracle. Tout
d’un coup, je découvrais toutes ces choses en comprenant à quel point j’avais été tenu éloigné de tout cet univers correspondant à la nature profonde de ce pays ;
toutes ces questions essentielles liées à l’Histoire et à la
Culture surgissaient tout à coup devant moi. Il y avait
quelque chose dans tout cela de miraculeux et j’étais un
peu comme un enfant qui découvre un magasin plein
de nouveautés.
Vous avez créé une trilogie intitulée The Plays of Miracle
and Wonder. Pouvez-vous expliquer ce que signifie ce
titre ?
Brett Bailey : Cela vient d’une chanson de Paul Simon
dans l’album Graceland où il dit : « These were the days
of miracle and wonder »… Paul Simon a enregistré ce
disque en Afrique du Sud peu de temps avant la libéra-
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 64
tion du pays avec la fin de l’apartheid en 1994. Ce morceau exprimait du coup un moment décisif dans l’histoire du pays. C’est précisément le thème de ces pièces.
Elles parlent du miracle que serait pour l’Afrique du Sud
la possibilité d’en finir avec le régime d’apartheid.
Considérez-vous que votre travail en tant que metteur en
scène est le fruit de cette ouverture ? Une façon pour vous
de combattre une vision trop réductrice de la réalité sudafricaine et même de l’ensemble du continent ?
Brett Bailey : Ce sur quoi je m’efforce de travailler dans
mes spectacles a trait aux rapports à la fois historiques
et contemporains entre le monde occidental et l’Afrique.
Le fait de vivre en Afrique du Sud suppose de s’affronter
à des situations sociales et politiques très spécifiques.
C’est pourquoi mon travail plus spécifiquement orienté
vers un public sud-africain s’intéresse aux questions
liées à l’inégalité ou au racisme, par exemple. Dans l’ensemble, c’est vrai que mon travail se concentre beaucoup
sur l’Afrique en général, mais toujours en examinant
quelles sont les relations entretenues par ce continent
avec l’Occident ; non seulement dans un contexte postcolonial, mais aussi en prenant en compte ce qui s’est
passé au cours de l’histoire, c’est-à-dire la colonisation
et l’esclavage. Je pense que je suis vraiment devenu un
artiste au début des années 1990. Or c’est à cette époque
qu’on a réussi à en finir avec l’apartheid. Donc la genèse
de mon travail est bien là. C’est à ce moment-là que j’ai
eu envie d’être un artiste. Mais vers la fin des années
1990 avec le départ de Mandela et les affaires de corruption au sein du gouvernement, tandis qu’au Zimbabwe
Robert Mugabe se maintenait au pouvoir, on a compris
que l’embellie était terminée, des nuages noirs s’accumulaient à l’horizon. Du coup, mon travail est devenu
plus sombre, plus inquiet. C’était une réflexion sur ce
qui se passait en Afrique du Sud. Je suis politiquement
engagé et mon travail est le reflet de cet engagement.
Est-ce pour cette raison qu’une partie du matériau utilisé
dans vos spectacles et en particulier dans House of the
Holy Afro est le fruit de recherches sur les cultures traditionnelles d’Afrique du Sud ? Vous avez notamment séjourné dans des grottes de l’Est sud-africain où vous avez
enregistré des cérémonies chamaniques…
Brett Bailey : En fait, j’ai fait ces recherches il y a déjà
longtemps, en 1998, pour Ibi Zombi, spectacle sur lequel
je travaillais à l’époque. Je suis allé là-bas à plusieurs reprises pour essayer de comprendre ce qui se passait vraiment dans les cérémonies qui sont célébrées dans ces
grottes dans la montagne. Ceux qui y participent pensent réellement que ces grottes sont le ventre de la terre
et que c’est de là que sont sortis les premiers hommes
qui ont peuplé la planète. Les cérémonies qui ont lieu
là sont un mélange de plusieurs cultures dans lequel
entre même une part de christianisme. Il y a des groupes
issus de différentes confessions chrétiennes qui viennent prier dans ces grottes au moment de Pâques. Mais
aussi des hommes et des femmes appartenant à des cultures africaines traditionnelles. J’ai enregistré beaucoup
de chants traditionnels quand j’étais là-bas. Certains sont
utilisés dans House of the Holy Afro.
D’où vient le nom de votre compagnie, Third World Bunfight ?
Brett Bailey : Là encore, il s’agit d’une forme de bricolage. Un jour, je me trouvais dans l’Est du pays, dans un
bantoustan, comme on appelait à l’époque de l’apartheid
les régions réservées aux populations noires. Ces régions
ont fini heureusement par être ouvertes au reste du
pays, mais à l’époque elles étaient encore sous-développées et chaotiques. Je ne sais plus si je travaillais sur Ibi
Zombi ? ou iMumbo Jumbo. J’attendais à une station de
taxi et tout autour de moi il y avait un mélange tout à
fait hétéroclite : des publicités pour les téléphones portables « Vodaphone » côtoyaient des étals où s’alignaient
des chèvres dépecées pour servir à des sacrifices ; juste
à côté c’étaient des produits chinois qui étaient à vendre,
mais aussi des stands de guérisseurs traditionnels et pas
loin de là des chœurs de gospel. Le mot bunfight renvoie
à l’idée de chaos, un peu comme la politique en Italie
par exemple. Donc le choix de ce nom pour la compagnie est une façon de célébrer cette folie chaotique du
tiers-monde.
Vous êtes souvent en Europe pour présenter vos spectacles et vous avez notamment vécu un an à Amsterdam.
Comment percevez-vous les différences entre l’Afrique du
Sud et la société européenne ?
Brett Bailey : Ce qui frappe d’emblée en Europe pour
quelqu’un qui arrive d’Afrique du Sud, c’est la richesse
apparente. C’est un effet de surface qui peut être trompeur, mais c’est ce qui saute aux yeux quand vous débarquez pour la première fois aux Pays bas, par exemple.
Dans les pays en voie de développement que ce soit en
Inde, en Amérique du Sud et beaucoup de pays d’Afrique,
les infrastructures n’ont jamais cette qualité que l’on voit
en Europe. Sinon en tant qu’artiste, je me rends compte
que nous ne sommes pas concernés par les mêmes sujets en Europe et en Afrique du Sud. à Amsterdam, par
exemple, beaucoup d’artistes plasticiens travaillent sur
des domaines extrêmement spécialisés. Ils se concentrent sur des choses minimales comme les cellules du
cerveau ou d’autres choses de ce genre. Dans les pays en
voie de développement en revanche, les artistes travaillent sur des sujets comme la famine, les inégalités sociales, la santé publique. Ils sont plus impliqués dans les
questions de société, parce qu’il a des défis urgents à relever. Il y a cinq ans, j’étais en Pologne dans un festival.
Il y avait un débat important sur ce que cela signifiait
d’être européen, sur la question de l’identité européenne. Or on sait que dans une ville comme Amsterdam, par exemple, il y a plus d’immigrés que de
Néerlandais. Pourtant dans ce festival polonais, je me
souviens que sur les trente-trois projets présentés,
toutes les œuvres étaient dues à des artistes européens.
Je trouve que ce manque d’intérêt pour les vraies questions a quelque chose de très étrange.
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 65
Vous-mêmes vous travaillez dans différents pays, au Congo, en Ouganda, au Zimbabwe, à Haïti…
Brett Bailey : Non je n’ai jamais vraiment monté de projets au Congo. J’aimerais essayer un jour, mais je sais que
c’est très compliqué. J’ai fait des choses en Ouganda et ce n’était pas facile. En revanche, j’ai travaillé plusieurs fois
au Zimbabwe où c’est plus facile parce que ce pays a beaucoup de choses en commun avec l’Afrique du Sud. Chaque
fois que je mets en place un projet quelque part, je m’efforce de travailler avec des artistes issus du pays concerné.
C’est très important. C’était le cas pour Avignon avec Exhibit B et c’est le cas à Paris. Quant à Haïti, j’y suis allé à la
demande d’une amie qui, connaissant bien mon travail, m’a proposé de mettre en scène un spectacle avec un groupe
de rock local. Haïti, c’est vraiment une autre vision du monde. Même quand on vient d’Afrique du Sud. C’est un pays
fascinant, mais ravagé par une telle misère et une telle violence, que c’est vraiment très dur de vivre là-bas.
Propos recueillis par Hugues Le Tanneur
Biographie
BreTT Bailey
Né en Afrique du Sud à la fin des années 60, Brett Bailey a connu le système de l’apartheid. Devenu auteur dramatique, metteur en scène et scénographe, il fonde une compagnie il y a près de dix-sept ans : Third World Bunfight.
à travers des formes artistiques variées (installations, performances, pièces de théâtre, opéras ou spectacles musicaux), son œuvre interroge sans relâche les dynamiques du monde postcolonial et les relations de pouvoir et d’assujettissement qui perdurent entre l’Occident et le continent africain.
S’intéressant aussi bien au parcours du dictateur ougandais Idi Amin Dada dans sa pièce Big Dada, qu’aux orgines
des inégalités raciales en Afrique du Sud dans sa performance Terminal (Blood Diamonds), Brett Bailey revisite aussi
des figures mythiques comme Médée ou Orphée, qu’il plonge dans la réalité de son temps et de son
continent. Bouleversant les idées reçues, ses propositions questionnent la responsabilité de l’Occident dans la situation actuelle de l’Afrique, mais aussi plus largement ce qui, consciemment ou inconsciemment, « colonise » toujours les esprits : ce racisme ordinaire qui légitime encore aujourd’hui la violence faite aux étrangers et aux autres,
à l’image de la société ségrégationniste dans laquelle Brett Bailey a grandi. Son travail est présenté pour la première
fois en France.
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 66
angéliCa liDell
Todo el cielo sobre la tierra.
(El síndrome de Wendy)
Texte et mise en scène, Angélica Liddell
Avec Wenjun Gao, Fabián Augusto Gómez Bohórquez, Xie Guinü,
Lola Jiménez, Angélica Liddell, Sindo Puche, Zhang Qiwen,
Lennart Boyd Schürmann
Ensemble musical Phace
Décors et costumes, Angélica Liddell
Musique, Cho Young Wuk
Assistants, orchestration et arrangements, Hong Dae Sung, Jung
Hyung Soo, Sok Seung Hui
Préparation musicale, Lee Ji Yoen
Guitare, Lennart Boyd Schürmann
Lumière, Carlos Marquerie / Son, Antonio Navarro
Régie lumière, Octavio Gómez
Professeur danse de salon, Sergio Cardozo
Costumes ajustés, González
Masque chinois lion, Lidia G le petit paquebot
Interprète chinois/espagnol, Wenjun Gao, Saite Ye
Traduction, Christilla Vasserot
Directeur technique, Marc Bartoló
Régisseuse de scène, África Rodríguez
Production et logistique, Mamen Adeva
Assistante mise en scène, María José F. Aliste
Production exécutive, Gumersindo Puche
Dans Peter Pan, le roman de James Barrie, les enfants
perdus de Neverland accueillent Wendy comme la mère
qu’ils attendaient depuis longtemps. Dans Todo el cielo
sobre la tierra. (El síndrome de Wendy), en revanche, Wendy
hurle sa haine des mères, la sienne et toutes les autres.
Telle est la vision qu’ Angélica Liddell nous propose du
« syndrome de Wendy », qui fait écho à celui de Peter Pan,
le jeune garçon qui refuse de devenir adulte. Wendy l’a
suivi sur une terre où les enfants ne grandiront pas : l’île
norvégienne d’Utøya, où le 22 juillet 2011 soixante-neuf
jeunes gens périrent sous les balles d’Anders Breivik.
Angélica Liddell ne prétend nullement se livrer à une
reconstitution des faits ; elle imagine Utoya comme le
lieu où Peter Pan a pu concrétiser son rêve de jeunesse
éternelle. « Quand je pense à Utoya, je ne pense ni à la
douleur, ni à l’horreur, je pense à tous ces jeunes que
j’aurais aimés et qui ne m’auraient jamais aimée. » Wendy
nourrit une obsession : la peur d’être abandonnée. Assumant la solitude, elle s’expatrie, s’en va pour Shanghai,
pour connaître « le soulagement d’être étrangère », pour
« sentir tout le ciel au-dessus de la terre ».
Sur la scène, son île, Angélica Liddell s’entoure des comédiens qui l’ont accompagnée dans ses précédents spectacles,
Lola Jiménez, Fabián Augusto Gómez Bohórquez et Sindo
Puche, rejoints par des musiciens et des danseurs évoluant
au rythme des valses du compositeur coréen Cho Young
Wuk. La musique, en effet, « va bien plus loin que les
mots. Elle dit la vérité. »
FESTIVAL D’AUTOMNE à PARIS
ODéON-THéâTRE DE L’EUROPE
Mercredi 20 novembre au dimanche 1er décembre,
mardi au samedi 20h, dimanche 15h, relâche lundi
8€ à 36€
Abonnement 8€ à 24€
Durée estimée : 2h30
Spectacle en espagnol, mandarin, shanghaïen et allemand surtitré en français
Production Iaquinandi, S.L.
Coproduction Wiener Festwochen ; Festival d’Avignon ;
deSingel Internationale Kunstcampus ;
Le Parvis Scène Nationale Tarbes Pyrénées ; Odéon-Théâtre de l’Europe
(Paris) ; Festival d’Automne à Paris
Coréalisation Odéon-Théâtre de l’Europe (Paris) ;
Festival d’Automne à Paris
En collaboration avec le Teatros del Canal (Madrid)
et Tanzquartier (Vienna)
Avec le soutien de la Comunidad de Madrid y Ministerio de Educación,
Cultura y Deporte – INAEM
Remerciements au Centro Cultural Coreano en España, Biblioteca Miguel
de Cervantes – Consulado de España en Shanghai, et Mariano Arias
Spectacle créé le 9 mai 2013 aux Wiener Festwochen
Contacts presse :
Festival d’Automne à Paris
Christine Delterme, Carole Willemot
01 53 45 17 13
Odéon-Théâtre de l’Europe / Ateliers Berthier
Lydie Debièvre
01 44 85 40 57
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 67
enTreTien
angéliCa liDDell
Votre pièce est nourrie du roman de James Barrie, Peter
Pan. Quand avez-vous lu ce livre pour la première fois ?
Angélica Liddell : Je l’ai lu au moment où j’ai commencé
à travailler sur le spectacle. La connaissance que j’avais
de Peter Pan était jusque là inscrite dans un imaginaire
collectif et universel. Je n’avais jamais vu le film de Walt
Disney, je n’avais pas non plus lu le livre de James Barrie,
mais je ressentais un lien émotionnel avec l’idée que
nous nous faisons tous de Peter Pan. Une fois que j’ai lu
le livre, les choses ont changé : l’île d’Utoya est devenue
Neverland, le Pays Imaginaire, l’île de Peter Pan ; et les
mères, qui étaient déjà pour moi des êtres repoussants,
sont devenues les responsables de la douleur de Peter
Pan, de la douleur de Wendy. Cette idée de femme-mère
est l’origine ou l’explication de leur douleur.
C’est que, de mon point de vue, les mères représentent
le mal. Elles dévorent leurs enfants jusqu’à les réduire
en miettes. Elles ne créent pas, elles détruisent. Je ressens une irrépressible répulsion à l’égard des mères. Il y
a entre elles et moi des interférences insurmontables, je
ne parviens pas à avoir des rapports normaux avec elles.
Dès que je vois une femme avec ses enfants, je ressens
un mélange de dégoût et de compassion, c’est une image
que j’associe immédiatement à la bassesse et à la bêtise.
J’ai l’impression que les femmes deviennent un peu
bêtes quand elles ont des enfants, elles accordent une
valeur disproportionnée aux douleurs de l’accouchement, c’est comme s’il n’y avait rien d’autre au monde.
Quand je vois une mère avec ses enfants, surtout s’ils
sont très jeunes, je pense que je n’aimerais pas avoir une
mère pareille, d’ailleurs je n’ai jamais rencontré de
bonne mère. Je me mets dans la peau de ses enfants, je
me dis que cette femme fait des choses répugnantes,
qu’elle est méchante, stupide, et que ces enfants vont devoir la supporter toute leur vie. Le fait de voir des mères
en compagnie de leurs enfants met en évidence leurs défauts, leur part nauséabonde. Je vois même des choses
que je n’avais pas remarquées auparavant, qu’elles camouflent derrière les rituels de la « maman heureuse ».
Quand je les vois avec leurs enfants, tout ce qu’il y a
d’immonde en elles devient une évidence. Bref, je n’aime
pas les mères, j’éprouve à leur égard un immense sentiment de rejet, je ne peux pas m’en empêcher, j’ai envie
de les insulter à tout bout de champ.
Votre pièce Mais comme elle ne pourrissait pas…
Blanche-Neige est elle aussi inspirée d’un classique pour
enfants qui désormais appartient à l’imaginaire collectif.
Comment concevez-vous ce travail de réécriture ?
Angélica Liddell : Pour moi, il ne s’agit pas du tout de réécriture mais de reconnaissance. Ça revient à dire : « Je
suis Wendy ». Je ne réécris pas, je n’adapte pas. Quand la
nature humaine est ainsi révélée dans un livre, on se reconnaît, tout simplement, et on écrit sur soi.
Comment le « syndrome de Wendy » est-il lié au sentiment d’abandon dont il est question dans Tout le ciel audessus de la terre ?
Angélica Liddell : Une des caractéristiques de Wendy est
qu’elle tente continuellement de satisfaire les désirs de
l’autre pour ne pas être abandonnée. Les relations sentimentales s’en trouvent bouleversées, car l’autre peut
se permettre de maltraiter Wendy, et les mauvais traitements augmentent sa peur d’être abandonnée, et la dépendance vis-à-vis de l’être aimé devient alors brutale.
L’humiliation augmente la dépendance, l’abandon augmente la dépendance, et le trouble devient tel que
Wendy ne peut plus avoir de relations normales, elle n’a
plus que des relations pathologiques, et elle sera abandonnée encore et encore, il n’y a pas de solution à cela.
Dans Tout le ciel au-dessus de la terre (Le syndrome de
Wendy), que représente le massacre qui a eu lieu sur l’île
norvégienne d’Utoya ?
Angélica Liddell : J’entretiens avec le massacre d’Utoya
un rapport d’ordre social et un rapport d’ordre poétique,
qui est absolument antisocial. Le rapport social passe
par le sens de la justice : si quelqu’un commer un crime,
il est jugé et puni pour les faits qu’il a commis. Mon rapport avec ce massacre ne va pas plus loin, et il n’est guère
intéressant. Mon rapport profond avec Utoya est lié à
Peter Pan, c’est comme une vengeance poétique face à
la perte de la jeunesse. Dans Tout le ciel au-dessus de la
terre (Le syndrome de Wendy), Utoya est nécessaire dans
la mesure où seule la tragédie permettra de faire naître
l’amour entre deux êtres blessés, spirituellement blessés.
Je transforme les blessures réelles en blessures spirituelles. Utoya est la tragédie nécessaire pour parvenir à
l’amour.
Dans quelle mesure le travail avec les comédiens a-t-il
une incidence sur votre écriture ? Comment le texte s’estil modifié au cours des répétitions ?
Angélica Liddell : J’écris pour la scène, ce qui veut dire
que, lorsque je débarque sur le lieu des répétitions, c’est
le chaos qui débarque avec moi. Les comédiens m’aident
à organiser ce chaos, car leurs corps expulsent les
phrases et les mots qui sont incompatibles avec leur nature. Les répétitions contribuent à organiser le chaos et
lui donnant une structure. Cette structure, à son tour,
transforme l’écriture. Et ça ne finit jamais. Je laisse la vie
prendre part à l’élaboration de la pièce, je fais en sorte
que la vie contamine l’œuvre et que l’œuvre contamine
la vie. L’œuvre est toujours en cours de transformation
car il existe toujours un événement digne de la transformer. Et puis j’ai du mal à mettre un point final, à cesser
de corriger. Au fil des représentations, je corrige le texte
de la pièce, ça peut durer des années, je peux passer des
années à corriger le texte d’une de mes pièces.
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 68
« Maudit soit l’homme qui se confie en l’homme » : un
projet d’alphabétisation, le spectacle que vous avez créé
en 2011, Ping Pang Qiu et Tout le ciel au-dessus de la
terre (Le syndrome de Wendy), vos deux dernières créations, constituent une sorte de trilogie sur la Chine. Estce ainsi que vous les avez conçues ?
Angélica Liddell : Tout d’abord, il y a une chose à ne pas
perdre de vue, c’est le fait que j’ai écrit une œuvre, une
seule œuvre, très longue, j’ai commencé à l’écrire à l’âge
de dix ans et j’ai passé ma vie à l’écrire. Cela dit, oui, ces
trois pièces forment une trilogie. Mais quand j’ai commencé à écrire « Maudit soit l’homme qui se confie en
l’homme » : un projet d’alphabétisation, je ne savais absolument pas que j’allais écrire une trilogie. En fait, cette
pièce a marqué le début de quelque chose que je n’avais
pas prévu : ma relation avec la Chine, qui m’a conduite
à écrire Ping Pang Qiu – ce que je déteste de la Chine –
et Tout le ciel au-dessus de la terre (le syndrome de
Wendy) – ce que j’aime de la Chine… même si les deux
sentiments sont en fait tout le temps mêlés.
Il y a un autre lien, encore plus fort, entre les pièces de
cette trilogie conçue après la Tétralogie du sang. Ce lien,
c’est la méfiance, la méfiance et les conséquences de la
méfiance sur l’être humain. De la méfiance est né l’isolement. Après la méfiance, il y a eu l’île, le désir de me
sentir étrangère et seule à Shanghai.
Vous parlez de sentiments mêlés à l’égard de la Chine,
d’un mélange de haine et d’amour. Est-ce là ce que dans
Ping Pang Qiu vous qualifiez de « contradictions au sein
de l’amour » ?
Angelica Liddell : En amour, le plaisir et la souffrance se
mêlent dès le premier instant. C’est la contradiction originelle, comme le péché originel. à partir de là, tout n’est
fait que de contradictions. Et quand l’amour n’est pas réciproque, la méchanceté peut surgir, la méchanceté et
le désir de vengeance. Parfois, je me sens comme Jeanne
Moreau dans Mademoiselle, le film de Tony Richardson.
C’est une très très très très belle méchanceté. Je crois que
les femmes ont une soif d’amour insatiable. Ça fait de
nous des monstres, nous sommes capables de détruire
ce que nous aimons le plus. Un poème de Karin Boye intitulé Nulle part exprime très bien cela. Il s’ouvre et se
clôt sur ces vers : « Je suis malade, empoisonnée. Malade
d’une soif / pour laquelle la nature ne créa pas de breuvage. »
Propos recueillis et traduits de l’espagnol par
Christilla Vasserot
Mais pas forcément seule sur scène…
Angélica Liddell : Parfois je suis seule, parfois je suis accompagnée. Parfois, je rencontre des gens par hasard,
dans la rue, avec lesquels j’ai envie de travailler. D’autres
fois, j’ai besoin de quelqu’un de très précis pour raconter
une histoire.
Et il arrive également que je me trompe, qu’au bout d’un
mois je me rende compte que je suis en train de travailler avec une personne que je n’estime pas ; alors je dois
mettre quelqu’un d’autre à sa place, car il est épuisant
de travailler avec une personne qu’on ne supporte pas.
Ça aussi, ça influe sur l’écriture : le remplacement d’un
acteur a des conséquences sur l’écriture de la pièce. Mais
ce que je préfère, c’est quand je suis seule sur scène, car
j’ai beaucoup plus de liberté : je peux continuer à créer
en direct, pendant le spectacle, je me permets de
construire et de détruire, de corriger, d’altérer, sans dépendre de personne. Je prends plus de risques quand je
travaille seule. Tout peut arriver sur scène s’il n’y a pas
d’autres comédiens autour de moi. Tout peut arriver.
J’improvise aussi beaucoup quand d’autres acteurs sont
présents, mais eux, ils ne peuvent pas, je le leur interdis.
J’ai donc besoin de travailler avec des gens capables de
supporter cette pression de l’inattendu. Ce qui a le plus
de valeur sur scène à mes yeux, c’est ce qui n’arrive
qu’une fois, pas ce qui se répète mais ce qui n’arrive
qu’une seule fois.
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 69
Biographie
angéliCa liDell
Angélica Liddell est née en 1966 à Figueres en Gerone (Espagne). En 1993, elle fonde à Madrid sa compagnie Atra
Bilis Teatro avec qui elle signera vingt-deux mises en scène. Ses pièces ont été traduites dans plusieurs langues :
Français, Anglais, Russe, Allemand, Portugais et Polonais. Parmi ses travaux, on peut citer : La Falsa Suicida (2000),
El Matrimonio Palavrakis (2001), Once upon a time in West Asphixia (2002), Hysteria Passio (2003), Y cómo no se pudrió
Blancanieves (2005), El Año de Ricardo (2005), Perro muerto en tintorería: los fuertes (2007), Anfaegtelse (2008), La
Casa de la fuerza (2009), Maldito sea el hombre que confía en el hombre: un projet d’alphabétisation (2011) et Ping
Pang Qiu (2012).
Angélica Liddell a gagné plusieurs prix, parmi lequels : le Casa de América Award for Innovative Drama (2003) pour
sa pièce Nubila Wahlheim ; le SGAE Theatre Award (2004) pour Mi relación con la ; le Premio Ojo Crítico Segundo
Milenio Award (2005) pour l’ensemble de son travail ; le Notodo del Público Award (2007) pour Perro muerto en tintorería : los fuertes…
Ses derniers travaux : El Año de Ricardo, La Casa de la fuerza, Maldito sea el hombre que confía en el hombre, ont été
présenté au Festival d’Avignon, au Wiener Festwochen et au Théâtre de l’Odéon à Paris. Elle s’est récemment vue
remettre le National Prize of Drama Literature 2012 pour La Casa de la fuerza par le Ministre espagnol de l’Education,
de la Culture et du Sport.
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 70
niColas BouChauD
eriC DiDry
Un métier idéal
d’après le livre de John Berger et Jean Mohr
Un projet de Nicolas Bouchaud
Mise en scène, Éric Didry
Avec Nicolas Bouchaud
Traduction, Michel Lederer
Adaptation Nicolas Bouchaud, éric Didry et
Véronique Timsit
Collaboration artistique, Véronique Timsit
Lumière, Philippe Berthomé
Scénographie, élise Capdenat
Son, Manuel Coursin
FESTIVAL D’AUTOMNE à PARIS
THéâTRE DU ROND-POINT
Jeudi 21 novembre au samedi 4 janvier 21h,
dimanche 15h30,
relâche lundi, 24 novembre, 25, 31 décembre et 1er janvier
15€ à 28€
Abonnement 11€ et 18€
Durée estimée : 1h30
Production Théâtre du Rond-Point / Le Rond-Point des tournées
Coproduction La Comédie de Clermont-Ferrand – Scène nationale ; Cie
Italienne avec Orchestre ; Festival d’Automne à Paris,Le Printemps des
Comédiens - Montpellier
Coréalisation Théâtre du Rond-Point (Paris) ; Festival d’Automne à Paris
Le livre de John Berger et Jean Mohr est publié aux éditions de l’Olivier.
Avec le soutien de l’Adami
Spectacle créé le 5 novembre 2013 à
La Comédie – Scène nationale / Clermont-Ferrand
L’ Angleterre rurale des années 1960, une zone économiquement défavorisée. Après avoir exercé dans la Royal
Navy pendant la Seconde Guerre Mondiale, John Sassall
travaille aujourd’hui comme médecin de campagne. Dans
cette petite communauté à laquelle, par son vécu et sa
culture, il n’appartient pas tout à fait, il assiste quasiment
à toutes les naissances, il prononce quasiment toutes les
morts. Un sacerdoce. Le récit du quotidien professionnel
de ce médecin nous est fait par l’écrivain britannique
John Berger dans A fortunate man, un ouvrage publié en
Angleterre en 1967 et en France en 2009 sous le titre Un
métier idéal, résultat de deux mois d’observation et de
dialogue mené en compagnie de John Sassall et du photographe Jean Mohr. En 2005, The British Journal of General
Practice écrivait que le livre était « le plus important sur
la médecine jamais écrit ». Et sûrement l’est-il. Mais il est
aussi bien autre chose… Situé aux confins de la fiction,
de l’analyse et de l’enquête sociologique, Un métier idéal
frappe par sa nature hybride : récit d’investigation sur les
conditions d’exercice de la médecine en milieu rural, le
texte camoufle aussi un roman d’apprentissage, une quête
philosophique sur l’expérience du temps ou le sentiment
d’empathie, mais encore un carnet de route, imprégné
d’un goût pour l’aventure qui rappelle les belles pages
des écrits de Joseph Conrad. Pour le comédien Nicolas
Bouchaud, Un métier idéal offre avant tout l’occasion de
saluer ceux, médecins, acteurs ou écrivains, qui, passionnément, envisagent leur travail comme le terrain d’un
«questionnement infini, vertigineux sur la nature
humaine ». Après La Loi du marcheur, une création centrée
sur le grand critique de cinéma Serge Daney (accueillie
au Théâtre du Rond-Point dans le cadre du Festival d’Automne à Paris en 2010 et 2011), il retrouve le metteur en
scène éric Didry pour construire un nouveau portrait
d’homme en travailleur, inconditionnellement dévoué à
sa vocation.
Contacts presse :
Festival d’Automne à Paris
Christine Delterme, Carole Willemot
01 53 45 17 13
Théâtre du Rond Point
Hélène Ducharne
Carine Mangou
01 44 95 98 47
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 71
enTreTien
niColas BouChauD
Après La Loi du marcheur, une création réalisée à partir
des entretiens donnés par le critique de cinéma Serge
Daney, vous choisissez à nouveau, en collaboration avec
le metteur en scène Eric Didry, de travailler sur un texte
non-théâtral. De quoi traite exactement Un métier idéal
de l'écrivain britannique John Berger ?
Nicolas Bouchaud : De prime abord, c'est un livre qui
pourrait se présenter comme une enquête. Le sujet de
l'enquête en question est un dénommé John Sassall, un
médecin de campagne, de ceux qui peuvent débarquer
avec leur petite sacoche à n'importe quelle heure du jour
et de la nuit et qui connaissent toutes les générations
d'un village. Ce Sassall, John Berger et le photographe
Jean Mohr l'ont suivi et accompagné pendant deux mois
dans son activité professionnelle. Le récit a lieu en 1967.
Berger nous raconte que John Sassall a exercé dans la
Royale Navy pendant la guerre, avant de s'installer dans
un village relativement reculé de l'Angleterre, dans une
petite communauté à laquelle il est étranger, située au
coeur de la forêt. Les habitants, qui s'appellent les « forestiers », sont, nous dit-on, des êtres assez « frustres »…
Le livre s'apparente donc à un récit d'investigation. Mais
comme chez Georges Orwell ou James Agee, autres « écrivains d’investigation », il ne se limite pas à un simple
rapport d’enquête. C’est une œuvre hybride qui emprunte à des styles d’écritures très différents, une oeuvre
impossible à classer dans un seul genre, où la réflexion
politique et esthétique prend souvent le relais de la narration, une oeuvre qui tient à la fois de la nouvelle, de
la forme dialoguée, de l’art du portrait, ou du carnet de
route.
Quelle a été votre sentiment premier à la lecture de cette
œuvre?
Nicolas Bouchaud : C'est une œuvre que j'ai trouvée amicale et mystérieuse. C’est un livre qui dégage un certain
charme parce qu’on ne comprend pas tout de suite pourquoi et comment il nous touche. Ce qui m'a intéréssé en
premier lieu, c'est la personnalité même de Sassall et la
façon qu'il a de vivre sa vocation. Un métier idéal a
quelque chose du roman d'apprentissage. John Berger remonte dans l'enfance de Sassall, explique qu'il rêvait
beaucoup autour des récits d'aventure de Joseph Conrad,
que de là lui vient cette conception un peu romantique
de la médecine, comme s'il s'apparentait à un capitaine
de bateau qui affronterait chaque jour la tempête… Sassall, qui devient presque un personnage de roman sous
la plume de Berger, se décrit lui-même, à ses débuts,
comme un « hôpital mobile individuel ». Le livre se
transforme peu à peu en une invitation au voyage, une
traversée au cours de laquelle nous entendons des voix,
(celles de Berger, de Sassall et des ses patients) parfois
proches, parfois lointaines et des histoires tantôt simples et tantôt extravagantes.
Quelle conception de la médecine est véhiculée au travers
de ce récit?
Nicolas Bouchaud : Je crois qu’elle se place dans le sillage des réflexions de Michael Balint et de son livre : Le
médecin, son malade et sa maladie paru en 1957. Les interrogations les plus passionnantes de Sassall, il me semble, portent sur la relation médecin/patient. Sassall est
un personnage jusqu'au-boutiste, qui va loin dans sa relation aux patients. Lorsqu'il fait lui-même une psychanalyse, il comprend que soigner ne consiste pas
seulement à « réparer » mais avant tout à « comprendre
l'autre ». Pour cela, il doit utiliser son imagination au
même titre que ses connaissances médicales. L’imagination est parfois un dénominateur commun entre les disciplines scientifiques et artistiques. Ce qui intéresse
Berger, observant Sassall, c'est vraiment la façon dont on
peut soigner aussi bien l'esprit que le corps. Comment
peut-on regarder, étudier, comprendre la maladie? Estce que la médecine peut devenir le lieu, la scène où le
malade aura la possibilité de se reconnaître ? Sassall travaille sur les maux en les contextualisant, en considérant l'individu dans sa culture et son environnement.
Soigner devient alors tout autre chose que de trouver le
bon diagnostic. La maladie n’est-elle pas aussi une
forme d’expression plutôt qu’une capitulation devant les
périls naturels?
C'est une idée voisine de ce que nous enseigne aujourd'hui l'éthique du « care », théorisée Outre-Atlantique,
qui considère l'attention aux autres comme accomplissement de soi…
Nicolas Bouchaud : En 1967, cette philosophie de la prévenance et de la sollicitude n'était pas énoncée comme
telle, mais il y a cette idée forte, dans Un métier idéal,
de la médecine érigée en outil de connaissance d'autrui.
Le personnage de Sassall pousse très loin le sentiment
d'empathie puisqu'il tente même de « devenir » le patient. La façon dont Berger décrit l'activité de Sassall
nous invite à nous imaginer nous-même, tour à tour
dans le rôle du médecin et du patient comme si, dans
cet étrange voyage, les frontières disparaissaient.
Comme si les rôles s’inversaient. La question qui se pose
à travers cette inversion des rôles est importante. Si les
rôles s’inversent, c’est précisément parce qu’on présuppose une certaine égalité entre le médecin et le malade.
Est-ce que le médecin peut apprendre davantage du malade que de son propre savoir ? Si on répond par l’affirmative, on mise alors sur une égalité des intelligences
qui pose différemment la question de notre rapport au
savoir. Le malade ne se retrouve donc pas seul face à un
dispositif de savoir qui le définirait comme un problème
mais plutôt comme un sujet avec son histoire personnelle et singulière. Par ailleurs, ce qui est passionnant,
c'est la soif de connaissance qui anime Sassall, cette
façon d'être « addict » à son métier. C'est un personnage
qui me fait penser, parfois, au Galilée de Bertolt Brecht.
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 72
Sassall ne fait pas qu'exercer la médecine, il vit son métier comme une chose absolue, dévorante. Il risque de
de lui-même, il risque son corps. Il est dit que Sassall
tombe régulièrement en dépression à force de se projeter dans l'autre. Il y a une puissante idée de dépersonnalisation chez lui qui provoque chez moi un élan
fraternel immédiat.
Cette idée de dépossession n'est pas étrangère, en effet,
aux questions que peuvent affronter un comédien. Quel
lien de parenté voyez-vous entre la façon dont Sassall envisage sa vocation et la façon dont, en tant qu'acteur,
vous envisagez la vôtre?
Nicolas Bouchaud : Sassall grâce à la position qu’il occupe au sein de la communauté rurale où il exerce n’est
pas quelqu’un comme les autres. Il est à la fois dans la
communauté, parce qu’il en est le seul médecin et en dehors, parce qu’il ne vient pas du même milieu et ne partage pas la même culture. C’est pourquoi Berger est
souvent tenté de le comparer à un acteur, à celui qui
joue un rôle, celui qui compose, non pas pour mentir,
mais pour entrer plus intimement en contact avec ses
patients, avec ceux qu’il doit soigner ou soulager. Dès
lors, oui, il y aura sûrement dans le spectacle un fil poétique tendu entre la façon dont Sassall décrit son métier
et la manière dont je vis le mien. On a fait ce genre d'hypothèse avec le metteur en scène Eric Didry et Véronique Timsit. Pour pouvoir traduire ce livre en langage
théâtral sans être dans l'illustration, j'ai du me demander
ce qui me liait à Sassall. Soyons clairs : il ne s'agit pas de
faire une analogie entre médecine et théâtre, en postulant que le théâtre a une fonction thérapeutique. Mais
je reconnais en Sassall une certaine façon de vivre et de
pratiquer son métier quiattise mon appétence à questionner le mien. De la même façon, je crois que Berger
s’interroge sur son rôle d’écrivain en observant Sassall
exercer la médecine. De plus, il est clair que cette « dépersonnalisation » est proche du métier de l'acteur. Ce
que je reconnais chez John Sassall, c’est une façon d’être
au monde ; toujours en léger décalage, à une légère distance, de lui-même et de l’autre, dans un imperceptible
déplacement qui ne traduit pas, comme on pourrait le
penser une forme d’indifférence, mais une blessure secrète.
Sur un plateau, on est d'une certaine manière en « vacance » de soi-même. C'est un espace très étrange. Le
danger qui guette l'acteur est similaire à celui qui guette
Sassall. Plus on joue, plus c'est difficile de savoir qui on
est. On ne joue pas avec le désir d’être un autre mais au
contraire avec la peur de ne jamais pouvoir être soimême, avec la peur de se trouver indéfiniment séparé
de soi-même. Le théâtre, comme la médecine telle que
la vit Sassall, nous apprend à exciter les contraires en
nous-mêmes à créer de la complexité et nous contraint
à une forme d'exil intérieur.
N'y a t-il pas aussi un parallèle entre la relation médecin-patient et celle entre acteur-spectateur?
Nicolas Bouchaud : Si, mais, encore une fois, je ne le
place pas sur un plan thérapeutique. Il concerne la disposition à l'autre. Un acteur doit être disponible sur un
plateau. Si j'arrive en sachant tout, rien ne peut advenir.
Sassall dit que lorsqu'un patient entre dans son cabinet,
il doit créer les conditions nécessaires pour pouvoir le
toucher, rentrer en contact avec lui. C'est comme s'il devait instaurer un pacte de lecture. Il y a un vocabulaire
similaire pour parler de médecine et de théâtre. C'est
assez amusant: « perdre » la salle, « prendre la température » de la salle... Un métier idéal est un livre très physique et dans l'idéal, il faudrait que la pièce le soit aussi.
Berger nous décrit inlassablement Sassall en train d'attraper un pied, faire une piqûre dans une fesse… Il nous
rappelle à quel point la médecine est affaire de contact
- ce qui est en passe de disparaitre (personnellement,
mon généraliste ne me touche quasiment pas). Je vois le
théâtre comme une rencontre physique. Jouvet disait
que le spectateur finit toujours par respirer comme l'acteur respire sur le plateau. C’est une rencontre charnelle.
Envisagez-vous cette création comme un pendant à La
Loi du marcheur?
Nicolas Bouchaud : C'est finalement l'histoire similaire
de deux professionnels passionnés, qui se consument
dans leur vocation… Si l'on arrivait à créer deux portraits
d'hommes au travail, ce serait merveilleux. On serait
presque en face d'un diptyque. Bien sûr, on nous parle
de médecine d'un côté, et de cinéma de l'autre, mais il y
a des similitudes entre John Sassall et Serge Daney. La
mélancolie en est une. Le désir de transmission en est
une autre. Mais surtout, comme disait Daney en prenant
la métaphore du tennis, il y a l'envie commune de s'interroger sur la façon de « rendre service ». C'est une disposition d'âme très présente chez Daney et elle l'est tout
autant chez Sassall. Il exerce dans une région économiquement défavorisée, il vit son métier de façon militante, comme un sacerdoce, en étant entièrement
tourné vers l'idéal du « service ».
C'est une idée qui vous anime également, le théâtre
comme « service »?
Nicolas Bouchaud : J'ai toujours eu cette évidence en
moi, dès que j'ai commencé à jouer. Je ne sais vraiment
pas d'où elle me vient mais j'ai toujours ressenti de façon
très vivante, très présente l'idée de « service public ». Je
suis par exemple toujours et invariablement content,
après avoir joué, malgré la fatigue des tournées, de me
rendre aux rencontres publiques… Pour moi, cet échange
est normal, fondamental même. Quel est le vrai moteur,
qui nous pousse à jouer une fois que notre narcisisme
est tranquillisé ? C'est quand même de faire éprouver
des émotions aux gens, non ? On joue pour ressentir, ensemble, plus fort. Avec ce désir de montrer un peu plus
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 73
que l’homme de chaque jour, un peu plus que ce que nos
oreilles peuvent entendre, un peu plus que ce que nos
yeux peuvent voir. Je parle ici en terme d’intensité et pas
de pédagogie. Jouer, c’est toujours un chaos qu’on essaye
plus ou moins d’organiser c’est à dire d’intensifier.
Pourquoi Un métier idéal peut-il être un texte à jouer et
pas seulement un texte à lire?
Nicolas Bouchaud : D'une part, parce que le livre
contient cette dimension physique dont je parlais. D'autre part, parce que l'écriture de John Berger appelle,
selon moi, le plateau. On est face à une écriture assez elliptique, qui laisse entrer l'émotion par les interstices
des phrases. Certains passages me font penser aux nouvelles de Raymond Carver dont j’ai souvent pensé
qu’elles feraient un bon matériau théâtral. L'émotion
n'advient pas par une sorte de fulgurance du style qui
embraserait la totalité du monde comme, par exemple,
chez les romanciers du XIXe siècle, comme chez Tolstoï,
comme chez Balzac… Elle émerge des trous laissés par
le texte. C'est une écriture qui laisse des blancs, qui crée
du vide et des silences, donc une écriture qui donne la
place à l’interprétation, à l’imagination, à l’attention. On
fait alors l’hypothèse qu’elle puisse devenir théâtrale.
Mais le travail est forcément différent lorsque l'on
aborde un texte non-dramatique. Il faut « rêver » davantage. Au début, les possibilités paraissent infinies. Au
théâtre, les personnages nous sont toujours donnés en
situation, en action, à travers un fil plus ou moins narratif. Dans un texte qui n'est pas théâtral, il faut créer
soi-même les conditions de l'action et les conditions
d’énonciation de la parole. C’est pourquoi le travail avec
Elise Capdenat pour la scénographie, Philippe Berthomé
pour la lumière et Manuel Coursin pour le son, est primordial.
puisse le sentir à partir d’un détail ou comme ici, à travers le portrait de Sassall. Les textes plus généraux qu'il
a pu écrire sur « le fascisme économique », par exemple,
m'intéressent moins. Je préfère les textes dans lesquels
sa filiation marxiste agit comme un levier, à ceux qui
versent plus frontalement dans le pamphlet. Un métier
idéal a un côté universel et intemporel. On sent la
charge politique mais c'est sensiblement et concrètement qu'elle nous parvient. On sent l’amitié profonde de
Berger pour Sassall. S'il y a un mouvement d'indignation
dans ce livre de Berger, c'est quelque chose qui affleure.
C'est la condition pour que l'indignation nous parvienne
et surtout qu’elle nous donne l’envie d’en faire quelque
chose.
Propos recueillis par Eve Beauvallet
Comment expliquez-vous que l'auteur soit si peu connu
en France?
Nicolas Bouchaud : C'est un mystère. En même temps
on sent que c'est quelqu’un qui n'a jamais rien fait pour
l'être : il vit dans un tout petit village de Haute Savoie
depuis les années 1970… Il n'y a qu'une petite communauté de gens qui ont lu Un métier idéal. C'est un livre
qui circule presque en contrebande, un livre qu'on aime
garder un peu secret. Daney disait ça, que les oeuvres devaient circuler en contrebande… Je ne cache pas que ça
procure un certain plaisir, ce côté confidentiel ! Mais
c'est formidable, aujourd'hui, de pouvoir faire découvrir
cette oeuvre et de la partager avec un cercle plus large.
Les textes de John Berger sont souvent militants. Comment considérez-vous la dimension politique de ses
écrits?
Nicolas Bouchaud : Son engagement est quelque chose
de très important, inséparable de son écriture. Un métier
ideal est, en ce sens, un texte politique. Mais j'aime qu’on
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 74
Biographies
niColas BouChauD
eriC DiDry
Comédien depuis 1991.
Il travaille d’abord sous les directions d'étienne Pommeret, Philippe Honoré... puis rencontre Didier-Georges Gabily qui l’engage pour les représentations de Des
cercueils de zinc. Suivent Enfonçures, Gibiers du temps,
Dom Juan / Chimères et autres bestioles. Il joue également avec Yann Joël Collin dans Homme pour homme et
l’Enfant d’éléphant de Bertolt Brecht, Henri IV (1e et 2e
parties) de Shakespeare ; Claudine Hunault Trois nôs Irlandais de W.-B. Yeats ; Hubert Colas, Dans la jungle des
villes de Bertolt Brecht ; Bernard Sobel, l’Otage de Paul
Claudel ; Rodrigo Garcia, Roi Lear, Borges + Goya ; Théâtre Dromesko : l’Utopie fatigue les escargots ; Christophe
Perton : le Belvédère d’Odon von Horvath... Jean-François
Sivadier l’a dirigé dans : l'impromptu Noli me tangere, la
Folle journée ou le Mariage de Figaro de Beaumarchais,
la Vie de Galilée de Bertolt Brecht, Italienne scène et orchestre, la Mort de Danton de Georg Büchner, le Roi Lear
de Shakespeare (Avignon Cour d'honneur), La Dame de
chez Maxim de Georges Feydeau créée au TNB en 2009,
Noli me tangere de Jean-François Sivadier, création au
TNB en 2011 et en 2013, le Misanthrope. En 2012, il joue
dans Projet Luciole mise en scène de Nicolas Truong au
Festival d'Avignon dans le cadre de « sujet à vif », la pièce
sera reprise cette année à la Chapelle des Pénitents
blancs.
Metteur en scène et acteur, éric Didry a été l’assistant de
Claude Régy, lecteur pour les Ateliers Contemporains, et
collaborateur artistique de Pascal Rambert. à partir de
1993, il devient créateur de ses propres spectacles. Il
cherche à élargir le champ théâtral en créant de nouvelles dramaturgies. Dans son premier spectacle Boltanski/Interview, retranscription d’une interview
radiophonique de Christian Boltanski, l’oralité est au
centre de son travail. Avec les spectacles de récits improvisés, Récits/Reconstitutions (1998) et Compositions, la parole devient texte et il cherche à relier acteurs et
spectateurs dans une relation d’intimité. Il collabore
avec d’autres artistes comme le chorégraphe Sylvain Prunenec, le concepteur son Manuel Coursin, le magicien
Thierry Collet. La pédagogie tient une place importante
dans son travail. Il fait partie du conseil pédagogique de
l’école du Theâtre National de Bretagne. Depuis de nombreuses années, il anime régulièrement en France et à
l’étranger des ateliers de récits improvisés où il réunit
acteurs et danseurs.
Il joue et co-met en scène Partage de Midi de Paul Claudel, en compagnie de Gaël Baron, Valérie Dréville, JeanFrançois Sivadier, Charlotte Clamens à la Carrière de
Boulbon pour le Festival d’Avignon en 2008. Il joue en
2011 au Festival d’Avignon, Mademoiselle Julie de Strindberg mise en scène Frédéric Fisbach avec Juliette Binoche, spectacle filmé par Nicolas Klotz. Il adapte et
joue La Loi du marcheur (entretien avec Serge Daney)
mise en scène d’Eric Didry en 2010 au Théâtre du Rond
Point et en tournée ; il met en scène Deux Labiche de
moins pour le Festival d’automne en octobre 2012. Au cinéma, il a tourné pour Jacques Rivette Ne touchez pas à
la hache, pour Edouard Niermans, La Marquise des ombres, Pierre Salvadori Dans la cour, Jean Denizot La Belle
vie…
Nicolas Bouchaud au Festival d’Automne à Paris
2010
La Loi du Marcheur (Théâtre du Rond-Point)
2011
La Loi du Marcheur (Théâtre du Rond-Point)
2012
Deux Labiche de moins / Parole d’acteurs /
Adami (Théâtre de l’Aquarium)
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 75
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 76
mariano pensoTTi
mariano pensoTTi
El Pasado es un animal grotesco
Cineastas
Texte et mise en scène, Mariano Pensotti
Texte et mise en scène, Mariano Pensotti
Avec Santiago Gobernori, Javier Lorenzo, Laura Paredes,
Maria Ines Sancerni
Avec Horacio Acosta, Elisa Carricajo, Valeria Lois, Javier Lorenzo,
Marcelo Subiotto
Scénographie et costumes, Mariana Tirantte
Création lumière, Matías Sendón
Musique, Diego Vainer
Assistant à la mise en scène, Leandro Orellano
Décors et costumes, Mariana Tirantte
Musique et design sonore, Diego Vainer
Lumière, Alejandro Le Roux
Assistant à la mise en scène, Leandro Orellano
Assistant de production, Gabriel Zayat
Diffusion en collaboration avec Ligne Directe / Judith Martin
FESTIVAL D’AUTOMNE à PARIS
MAISON DES ARTS CRéAIL
FESTIVAL D’AUTOMNE à PARIS
LA COLLINE – THéâTRE NATIONAL
Mercredi 4 au dimanche 8 décembre 20h30,
samedi 15h30 et 20h30, dimanche 15h30
14€ à 29€
Abonnement 9€ à 14€
Mercredi 11 au samedi 14 décembre 20h30
10€ à 20€
Abonnement 10€ et 15€
Durée estimée : 1h40
Durée : 1h50
Spectacle en espagnol surtitrés en français
Spectacle en espagnol surtitrés en français
Production Grupo Marea
Coproduction Kunstenfestivaldesarts (Bruxelles) ; Complejo Teatral de
Buenos Aires ; Theaterformen (Hanovre) ; Norwich & Norfolk Festival ;
Festival de Otoño de Madrid
Coréalisation La Colline – théâtre national (Paris) ;
Festival d’Automne à Paris
Avec le soutien de l’ONDA
Avec le soutient de la ville Buenos Aires
Diffusion en collaboration avec Ligne Directe / Judith Martin Spectacle
créé en mars 2010 au Teatro Sarmiento (Buenos Aires)
Coproduction Grupo Marea ; Complejo Teatral de Buenos Aires ;
Kunstenfestivaldesarts (Bruxelles) ; Wiener Festwochen ; HAU Hebbel am
Ufer (Berlin) ; Holland Festival ; Theaterformen (Hanovre) ;
Maison des Arts Créteil ; Festival d’Automne à Paris
Coréalisation Maison des Arts Créteil ;
Festival d’Automne à Paris
Avec le soutien de l’ONDA
Avec le soutient de la ville de Buenos Aires
Contacts presse :
Festival d’Automne à Paris
Christine Delterme, Carole Willemot
01 53 45 17 13
Contacts presse :
Festival d’Automne à Paris
Rémi Fort, Christine Delterme
01 53 45 17 13
La Colline - théâtre national
Nathalie Godard
01 44 62 52 25
Maison des Arts Créteil
Bodo
01 44 54 02 00
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 77
L’auteur et metteur en scène argentin Mariano Pensotti aime raconter des histoires. Des histoires singulières, des
vies croisées. Dans El Pasado es un animal grotesco, quatre jeunes gens revivent comme dans un film des séquences
de leur existence, deviennent tour à tour narrateur de la vie d’un autre. Le plateau tourne et dix années défilent
chaotiquement entre 1999 et 2009. Dix années au cours desquelles le monde change et les personnages grandissent,
leurs désirs peu à peu affrontent la réalité : celui qui voulait devenir cinéaste indépendant se retrouve dans un
studio de Los Angeles, déguisé en cow-boy, pour vanter les mérites d’une marque de bière ; celle qui rêvait d’une
vie de bohème à Paris finit par jouer le rôle de Marie Madeleine dans un parc à thème consacré à la vie de Jésus ; et
ainsi de suite. « The past is a grotesque animal » chantait le groupe of Montreal. Mariano Pensotti reprend la phrase
à son compte pour mener à bien cette entreprise de reconstruction d’un passé fragmenté dont le fil est à réinventer.
Dans Cineastas, la vie et la fiction ne font désormais plus qu’un : quatre cinéastes vivent et filment sous les yeux
des spectateurs. Les instants passent, le cinéma tente de les figer, le théâtre les fait s’entrechoquer. Cinq comédiens
se partagent une voix off et incarnent une foule de personnages, ils vont et viennent entre deux espaces superposés,
deux temps simultanés : celui de la « réalité » et celui de la fiction. Ce croisement d’histoires est aussi le portrait
d’une ville : Buenos Aires, toujours présente en filigrane, immuable et en perpétuelle transformation, vertigineuse
comme la somme des vies qui l’habite.
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 78
enTreTien
mariano pensoTTi
Votre pièce Cineastas met en scène quatre cinéastes de
Buenos Aires. Et les références cinématographiques sont
récurrentes dans vos spectacles. Comment concevez-vous
cette combinaison du théâtre et du cinéma ?
Mariano Pensotti : Le théâtre et le cinéma abordent chacun très différemment le problème du temps. Le cinéma
est une invention qui pour la première fois a permis à
l’être humain de capturer le temps, de préserver l’expérience, de la reproduire autant de fois qu’il en avait
envie. Le théâtre, en revanche, a beau être fait de répétitions, il est le règne de l’éphémère, où le temps se dissipe ; ainsi, il ressemble bien plus à notre expérience
quotidienne. C’est cela qui me fascine dans la relation
entre théâtre et cinéma : la tension entre l’éphémère et
le durable. C’est cette tension que je m’efforce de travailler dans mes pièces.
Et puis il se trouve que ma formation a été liée d’abord
au cinéma, j’ai été réalisateur et scénariste. Et j’ai utilisé
des procédés narratifs généralement associés au cinéma
pour les transposer dans mes mises en scène. Je pense
par exemple à La Marea, une « intervention urbaine » :
dans une rue de la ville, nous installions neuf plateaux
où des acteurs interprétaient de courtes scènes de la vie
quotidienne ; pendant ce temps, leurs vies faisaient l’objet d’un récit sous forme de sous-titrage ; c’était comme
si la ville réelle devenait un énorme plateau de cinéma.
Dans El pasado es un animal grotesco, la scénographie
est un manège tournant qui jamais ne s’arrête durant les
deux heures que dure la pièce, comme le temps qui
passe, ou comme un très long travelling, ou un interminable plan-séquence.
En revanche, je ne suis pas du tout intéressé par la reproduction au théâtre d’une esthétique cinématographique, pas plus que par l’utilisation plus banale de
techniques audiovisuelles sur scène. Ce qui me séduit,
c’est de récupérer une forme d’ambition narrative propre
au cinéma, souvent enclin à raconter de grandes histoires où la tension entre le réel et la fiction est palpable,
et transférer cela au théâtre sans utiliser les grands
moyens, en m’en tenant à l’échelle humaine qui est celle
du théâtre. Je me propose de raconter de grandes histoires, avec des personnages à qui il arrive des tas de
choses, mais sans forcément travailler avec vingt comédiens, sans avoir recours à une technique élaborée. Au
contraire, j’aime que les grandes fictions puissent surgir
d’un petit format.
En quoi consistent ces « interventions urbaines » que vous
évoquiez précédemment ?
Mariano Pensotti : Elles sont très différentes les unes
des autres. Leur point commun, c’est l’installation de la
fiction dans des contextes réels. Elles font parfois appel
à la notion de « réalité sous-titrée » : ajouter des textes,
certains préalablement écrits, d’autres rédigés en direct,
et les projeter sur des scènes installées dans la ville, afin
de rendre visibles toutes ces histoires qui demeurent cachées dans les espaces publics.
Dans La Marea, les neuf scènes interprétées par seize comédiens reproduisaient des situations de la vie quotidienne : un couple en train de dîner, un accident de
moto, une fête, une personne en train de chercher le
sommeil, une scène dans un bar, un couple en train de
s’embrasser… Le public pouvait aller et venir d’une scène
à l’autre, choisir sa propre combinaison, élaborer sa propre totalité. Le but était de raconter toutes sortes d’histoires susceptibles de se dérouler dans une rue, la nuit,
pendant deux heures, en transformant des vies privées
en exhibitions publiques, en incitant le public à poser
un regard neuf sur un lieu qu’ils avaient déjà vu des centaines de fois.
Dans Interiores, le public avait accès à dix appartements
d’un immeuble réel où, pendant plusieurs heures, les comédiens interprétaient différentes scènes. Les spectateurs déambulaient dans l’immeuble, s’introduisaient
dans les appartements et dans ces vies, en se sentant un
peu comme l’homme invisible. Dans l’une de mes dernières « interventions urbaines », A veces creo que te veo
(Parfois je crois que je te vois), des écrivains écrivaient en
direct des histoires sur des gens qui attendaient leur
train dans une gare, ou dans une station de métro. Leurs
ordinateurs portables étaient connectés à d’immenses
écrans, les gens pouvaient donc lire ce qu’ on écrivait
sur eux et sur les autres. Les spectateurs devenaient euxmêmes des personnages. Les écrivains, quant à eux, devenaient comme des caméras de surveillance littéraire
dans cet espace public, le but étant de sous-titrer la réalité, de mettre à nu la théâtralité du quotidien tout en
créant de la fiction dans un espace réel.
Dans El Pasado es un animal grotesco comme dans Cineastas, quelques comédiens interprètent une foule de
personnages. Comment avez-vous travaillé avec les comédiens ?
Mariano Pensotti : Les deux pièces ont quelque chose à
voir avec l’épique : quand on raconte ce qui arrive à un
groupe de personnes pendant dix ans (El Pasado es un
animal grotesco), quand on relate les vies privées de quatre cinéastes tout en représentant les films qu’ils tournent (Cineastas), il y a là quelque chose qui tient de
l’épique. Et ça l’est d’autant plus si les comédiens ne sont
que quatre ou cinq et si les dispositifs scéniques sont
certes complexes d’un point de vue conceptuel, mais
simples dans leur réalisation.
Ces dernières années, le théâtre argentin a eu tendance
à se focaliser sur de petites histoires, la représentation
de conflits familiaux.
Moi, au contraire, je veux revendiquer pour le théâtre la
possibilité d’évoquer des vies privées mais aussi des événements historiques, politiques ; j’ai envie que le théâtre puisse débattre de sujets d’esthétique ou de
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 79
philosophie ; je m’efforce d’interroger la représentation
pour en forcer les limites ; je préfère travailler au bord,
là où le théâtre croise d’autres disciplines artistiques ou
la réalité elle-même.
Le travail avec les comédiens a été long et intense. Nous
avons répété chacune des pièces durant une année environ. C’est aussi dû au fait que, bien que mes textes
aient été écrits avant le début des répétitions, ils ne sont
pas au format théâtral traditionnel, ils ressemblent
moins à une pièce dramatique qu’à de petits romans,
avec un style assez littéraire. Une partie du travail
consiste donc à découvrir et à développer avec les comédiens la théâtralité de ces textes. La virtuosité des comédiens est fondamentale, pas en tant que valeur en soi,
mais parce qu’ils doivent construire quelque chose de
complexe, aussi bien durant les répétitions que sur
scène.
Ces deux spectacles sont également liés par la présence
d’un ou plusieurs personnages-narrateurs. Sont-ils la voix
off capable de donner sens à cet « animal grotesque »
qu’est le passé ? Ou bien cette voix détermine-t-elle le rapport que votre théâtre entretient non seulement avec le
cinéma mais aussi avec la littérature ?
Mariano Pensotti : Les deux spectacles sont bâtis sur
une juxtaposition entre des scènes représentées et le
récit d’un narrateur qui donne un nouveau sens à ce que
le spectateur voit sur scène. Le narrateur peut raconter
des choses que le public ne voit pas, qui ont eu lieu
avant, ou qui auront lieu plus tard, ou qui existent seulement dans la tête des personnages. Il ne s’agit pas d’un
narrateur totalement omniscient ou distancié car il est
présent dans ces scènes et, parfois, il ne sait pas avec certitude ce qui va arriver. Cette dissociation entre narration et représentation m’intéresse au plus haut point.
Elle permet à des situations quotidiennes, à des moments anodins, pris dans la vie des personnages, d’atteindre une dimension plus large et plus complexe.
Il est vrai, aussi, que tout cela est lié à mon goût de la
littérature. D’une certaine façon, le narrateur présent sur
scène rend plus évidente la dimension littéraire des
textes, il permet que, parfois, la pièce devienne une
sorte de livre représenté sur scène d’une étrange manière.
Mais ce qui me semble plus important encore, surtout
dans le cas de El Pasado es un animal grotesco, c’est que
la présence de ce narrateur est liée à l’idée que le passé,
l’expérience vécue, ne cesse de se transformer chaque
fois que nous le racontons. Nous sommes tous faits de
récits, nous sommes ce que nous racontons de nousmêmes. J’aime penser que ce qui perdure du passé, ce
sont des fragments dispersés d’un film inachevé dont le
scénario a été perdu, des morceaux que quelqu’un s’efforce de rassembler en racontant ce qui s’est passé… Les
travaux d’Henri Bergson sur le temps et le récit n’ont
cessé de nous accompagner durant l’élaboration du spectacle.
J’ajouterai que le récit nous transforme, il ne transforme
pas seulement les événements narrés, il transforme
aussi le narrateur. C’est une idée très présente dans Cineastas : le narrateur qui est sur scène rappelle la classique voix off du cinéma et, en même temps, la pièce
met l’accent sur le fait que réaliser un film (qui est une
forme de récit) transforme la vie privée de son réalisateur.
Enfin, si le passé est construit sur des récits, le présent
est aussi construit sur des fictions. Notre expérience est
infiltrée par la fiction que nous absorbons tout au long
de nos vies. Cette notion classique selon laquelle les fictions prolongent nos vies éphémères pourrait être renversée : nos vies sont un véhicule permettant aux
fictions de se prolonger car nous agissons en imitant ou
en reproduisant ce que nous avons lu, ou vu au cinéma,
à la télé.
Dans quelle mesure ces vies individuelles sont-elles emblématiques d’une Histoire argentine ?
Mariano Pensotti : Il y a une constante dans mes spectacles : l’intérêt pour le conflit entre vie publique ou sociale et vie privée. Dans El Pasado es un animal grotesco,
j’avais envie d’interroger la façon dont l’histoire collective d’un lieu, dans un laps de temps bien précis, pouvait
influencer ou non des histoires privées. De quelle façon
l’Histoire ou les grands événements de nos villes sontils liés à des épisodes intimes ? En l’occurrence, il s’agit
d’un groupe de personnes appartenant à la même génération que la mienne. La pièce met en scène dix années
de leurs vies, entre 1999 et 2009, entre vingt-cinq et
trente-cinq ans. Les quatre personnages vivent des
conflits liés à la difficulté d’être ce qu’ils désirent être.
Leurs vies se font et se défont sans cesse, elles sont traversées par des crises personnelles et économiques, ce
qui peut clairement être mis en rapport avec l’Histoire
de l’Argentine. Ils ont grandi pendant la dictature militaire, de la fin des années soixante-dix au début des années quatre-vingts, ils ont connu les crises sociales et
économiques qui ont suivi le rétablissement de la démocratie ; tout cela est gravé en eux : la précarité, la sensation que la vie peut changer du tout au tout, d’un
instant à l’autre. Ils ont constamment l’impression que
leurs vies pourraient être meilleures s’ils étaient
quelqu’un d’autre, ou s’ils vivaient ailleurs… C’est une
idée qui me semble très étroitement liée à ma génération et à Buenos Aires.
Buenos Aires est une ville d’une grande théâtralité, due
en partie à sa tradition de théâtre indépendant, mais
également au fait que ses habitants pensent être ce
qu’ils ne sont pas. Il y a un décalage entre ce que les gens
veulent être et ce qu’ils sont. Il règne au quotidien un
très haut niveau de théâtralité. C’est une situation de
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 80
schizophrénie : beaucoup de gens se perçoivent comme des Européens en exil et non comme des Latino-Américains.
La ville est pleine d’immeubles qui imitent ceux d’autres villes ; on y a d’ailleurs tourné pas mal de films dont les
histoires se déroulent ailleurs. Et puis, très fréquemment, on envoie les enfants suivre des cours de théâtre, comme
un loisir ou une activité thérapeutique… Tout cela fait que Buenos Aires est pour moi une ville fascinante car elle
regorge de possibilités en termes de théâtre. Mes pièces parlent de la ville et de la relation qu’elle entretient avec
ceux qui l’habitent. Dans El Pasado es un animal grotesco, l’histoire des personnages est indissociable de celle de
Buenos Aires. Dans Cineastas, le but était de raconter l’histoire de cette ville à travers la fiction créée par ses habitants. Cineastas est une façon de raconter Buenos Aires à travers les vies et les œuvres de ses cinéastes. Ce qui soustend tout cela, c’est qu’on ne connaît jamais vraiment un lieu à travers la vie de ses habitants, on le connaît grâce à
sa production fictionnelle.
Propos recueillis et traduits par Christilla Vasserot
Biographie
mariano pensoTTi
Mariano Pensotti (1973, Buenos Aires) est auteur dramatique et metteur en scène de théâtre. Il a étudié le cinéma,
les arts plastiques et le théâtre à Buenos Aires, en Espagne et en Italie. Au cours des dix dernières années, il a écrit
et créé plus de quinze spectacles de théâtre. Parmi ces dernières créations, on peut citer : El Pasado es un animal
grotesco (2010), Sometimes I think I can see you (2010), Encyclopaedia of unlived lives (2010), et La Marea (2005). Il a
participé au projet Infinite Jest (2012) de David Foster Wallace au HAU à Berlin. Mariano Pensotti est aujourd¹hui
l’un des metteurs en scène expérimentaux les plus remarqués du monde. Mariano Pensotti et sa compagnie effectuent
des tournées internationales tout au long de l’année. Il développe deux lignes distinctes dans son oeuvre : l’une se
compose de spectacles scéniques pour lesquels il écrit ses propres textes littéraires et qui s’appuient fortement sur
le travail avec les comédiens, et l’autre consiste à produire en parallèle divers spectacles hors les murs, avec pour
intention principale de générer un contraste particulier entre fiction et réalité, en situant la fiction dans l’espace
public.
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 81
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DaisuKe miura
Le Tourbillon de l’amour
Texte et mise en scène, Daisuke Miura
Avec Ryotaro Yonemura, Yusuke Furusawa, Ryo Iwase, Hideaki
Washio, Tetsu Hirahara, Runa Endo, Megumi Nitta, Yoshiko
Miyajima etc
Régisseur général, Kiyonaga Matsushita
Décors, Toshie Tanaka
Lumière, Takashi Ito
Son, Yoshihiro Nakamura
Vidéo, Norimichi Tomita
Accessoires, Michiyo Kawai
Surtitrage, Aya Soejima, Philippe Achermann
Directrice de production, Kyoko Kinoshita
Coordinatrice, Fumiko Toda
FESTIVAL D’AUTOMNE à PARIS
MAISON DE LA CULTURE DU JAPON à PARIS
Jeudi 5 et vendredi 6 décembre 20h,
samedi 7 décembre 16h
Un tourbillon… Comme celui des sentiments qui animent,
sous une surface policée, les dix personnages du spectacle
Le Tourbillon de l’amour. Quatre hommes et quatre femmes
réunis dans un appartement pour un banal échange des
corps, soigneusement codifié. Derrière l’ordinaire des conversations se joue la comédie amère d’une violence à l’état
brut. Le tourbillon décrit aussi une structure dramaturgique
en spirale, qui voit les couples disparaître et réapparaître
sur scène pour former d’éphémères attachements, creusant
les limites du dicible et les failles de la communication.
Manège de la séduction, ronde millimétrée reflétant la circulation d’un désir toujours insatisfait mais toujours ravivé.
Enfant terrible de la scène japonaise, Daisuke Miura (né
en 1975) fonde la compagnie Potudo-ru en 1996 avec d’autres
étudiants de l’université de Waseda, avant que sa pièce
Knight’s Club en 2000 ne le place au centre de l’attention.
à la fois dramaturge, metteur en scène et réalisateur, il
crée un théâtre résolument contemporain, nourri des
séries télévisées de sa génération, en quête d’un réalisme
quasi documentaire. Avançant vers toujours plus d’épure,
son art exploite des situations humaines volontiers dérangeantes et s’appuie sur une étroite collaboration avec ses
acteurs. Créée en 2005, Le Tourbillon de l’amour a reçu le
prestigieux prix Kishida Kunio – une des plus grandes
récompenses qu’un auteur de théâtre puisse recevoir au
Japon – alors que la pièce, aujourd’hui présentée en France,
continue de sonder les manifestations de l’intime et les
signes d’une quête d’amour qui ne dit jamais son nom.
16€ et 20€
Abonnement 12€
Durée : 2h
Spectacle en japonais surtitré en français
Coréalisation Maison de la culture du Japon à Paris ;
Festival d’Automne à Paris
Avec le soutien de The Agency for Cultural Affairs Government of Japan in
the fiscal 2013
Avec le soutien de l’ONDA
Avec le soutien de la Fondation Franco-Japonaise Sasakawa
et de la Fondation pour l’étude de la langue et de la civilisation
japonaises sous l’égide de la Fondation de France
Contacts presse :
Festival d’Automne à Paris
Christine Delterme, Carole Willemot
01 53 45 17 13
Maison de la culture du Japon à Paris
Aya Soejima
04 44 37 95 22
Spectacle créé en 2005 au Theatre Tops (Shinjuku, Tokyo)
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 83
enTreTien
DaisuKe miura
Quel a été le point de départ du Tourbillon de l’amour?
Daisuke Miura : étonnamment, je trouvais qu’il y avait
peu de pièce sur le thème du sexe. Je me suis donc dit
que j’allais essayer. Il y a beaucoup de pièces qui ajoutent d’autres éléments à ce thème – politiques, sociaux,
religieux, etc. – et j’ai pensé que ce serait original de ne
pas le faire. Je voulais aussi écrire quelque chose qui
n’adopte pas le point de vue masculin égocentrique; qui
représente aussi la sexualité féminine de façon juste. Les
hommes comme les femmes se rendent à des soirées
échangistes parce qu’ils veulent faire l’amour, donc cela
me semblait bien convenir au thème de la pièce.
Que signifie pour vous le titre de la pièce ? De quel amour
parle-ton ?
Daisuke Miura : Le titre n’a pas de sens dans la pièce en
elle-même. Je trouvais arrogant de répondre à la question : « qu’est-ce que l’amour ? » Je voulais plutôt que le
public assiste à la pièce, et que chacun se pose la question de ce qu’est l’amour. J’ai écrit la pièce parce que je
voulais que chacun cherche cette réponse, donc il n’y
pas de définition.
Et en effet, les membres du public ont chacun leur façon
de voir la pièce, et d’interpréter « l’amour » de façon différente. Cela me convient très bien, parce que je trouve
personnellement que cette ambiguïté définit bien
l’amour.
Dans votre approche de ce thème, est-ce que vous réagissiez, d’une façon ou d’une autre, à la façon dont la sexualité est traitée habituellement au théâtre, à la télévision
ou dans la littérature ? Et quelle relation cherchiez-vous
à créer avec le public ?
Daisuke Miura : Je ne pense pas vraiment à des choses
difficiles. Je veux juste montrer au public le moment où
quelqu’un qui a l’esprit mal tourné s’expose à la question
« ça ne vous rappelle pas quelque chose ? », « vous aussi,
vous aimez les trucs cochons, non ? ». Je veux que le public ressente de l’empathie. Je me suis dis qu’en intéressant les gens ainsi, le public pourrait assister à la pièce
sans se lasser de ce qui se passe sur scène. Et en fait, c’est
ce qui se passe. Je suppose que cela veut dire que le
monde entier a l’esprit mal tourné !
Vous avez dit dans un entretien avoir été influencé par
les séries populaires à la télévision japonaise, quand vous
avez commencé votre carrière au théâtre. Est-ce qu’il y a
eu des sources d’inspirations particulières pour Le Tourbillon de l’amour ?
Daisuke Miura : Je suis toujours influencé par les programmes télévisés que je regardais pendant ma puberté.
à l’époque, les séries télévisuelles japonaises étaient très
populaires et j’étais « à fond dedans ». Mais même si
cette influence fait partie de mes racines, elle s’est affai-
blie à mesure que je vieillis. Pour Le Tourbillon de
l’amour je n’ai pas été influencé par un programme télévisé ou un écrivain... J’ai écris la pièce à partir de mes
propres expériences. J’ai suis allé à des soirées échangistes à de nombreuses reprises. Bien entendu, je ne raconte pas mes expériences exactement comme elles se
sont produites, mais j’utilise certains détails que j’ai
vécus pendant ces soirées. Les personnages de la pièce
sont des projections de moi-même.
Comment avez-vous écrit le dialogue de la pièce ? Avezvous collaboré avec les acteurs pour le texte ? Quel type
de langue recherchiez-vous par rapport à la situation que
vous montrez ?
Daisuke Miura : Je me suis servi de certaines répliques
des acteurs pendant les répétitions, mais pour la plus
grande part, j’ai écrit le dialogue à mon bureau. Je n’ai
aucun désir de composer des répliques isolées. J’utilise
simplement la langue comme un moyen de construire
une situation. Pour le dire de façon plus extrême, il n’y
a aucune réplique dans la pièce que je tienne absolument à ce que le public entende. Je veux montrer ce qui
émerge à partir de l’énumération d’un dialogue sans raison d’être. C’est là, à mon avis, ma spécificité en tant que
dramaturge.
Comment avez-vous abordé la scénographie, et en particulier l’écart entre ce qui est montré et ce qui ne l’est pas,
entre ce qui se passe sur scène et ce qui se passe en dehors
de la scène ?
Daisuke Miura : Je crois que le théâtre est un moyen très
efficace de nous faire imaginer ce qui se passe en dehors
de la scène, et j’exploite beaucoup cela. Presque toutes
les scènes de sexe dans Le Tourbillon de l’amour se produisent en dehors de la scène. Pour le drame, cela transmet les thèmes de la pièce de façon plus claire que si je
montrais les choses directement. Je ne veux pas simplement décrire l’érotique, je veux montrer de quelles façons les gens sont « cochons ».
Diriez-vous toujours, comme vous l’avez fait par le passé,
que votre approche est « documentaire » ?
Daisuke Miura : à une époque, mon approche était effectivement très documentaire : les acteurs venaient sur
scène avec leur vie intime, au naturel, et ils montraient
les relations humaines qu’ils avaient dans la vraie vie.
Même si je me contente aujourd’hui de faire de la fiction
à partir de mes expériences, on continue à dire que mon
approche est « documentaire ». Or, je pense que je fais
exactement l’inverse que ce que fait un vrai documentaire, parce que je présente une situation très élaborée,
avec beaucoup de détails. Mais à cause de cette grande
précision, de cette grande résolution graphique, on
pense que c’est très proche de la réalité. Mais, en fait, ce
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 84
n’est pas le cas. Dans la réalité, les détails qui sembleraient pouvoir exister sont exagérés. C’est donc une illusion. D’autres personnes qui ont vu mes pièces disent
que ce n’est pas réaliste.
Mais je ne cherche pas à être « réaliste ». L’impression de
« réalisme » découle simplement des moyens déployés
pour s’approcher du thème.
Vous avez aussi réalisé des films.
Est-ce que votre expérience du cinéma a influencé votre
approche du théâtre ? Voyez-vous des points communs
entre ces deux arts, ou au contraire des différences ?
Daisuke Miura : Je considère que le cinéma et le théâtre
sont deux entités différentes. Ils créent tous les deux un
portrait de l’humanité, mais les techniques et les méthodes qu’ils utilisent pour exprimer des choses sont
complètement différentes. Je crois que la seule approche
qui ait du sens, c’est d’exprimer des choses au cinéma
avec les moyens du cinéma, et au théâtre avec les
moyens du théâtre. Et qu’est-ce que le cinéma est le seul
à pouvoir exprimer ? Honnêtement, je ne peux pas aujourd’hui répondre à cette question. Mon expérience en
tant que réalisateur est limitée, et je cherche encore...
Mais cela fait maintenant quinze ans que je fais du théâtre, donc j’espère trouver la réponse pour le théâtre. Cela
prendrait trop de temps de traduire cela en mots, mais
pour le dire succinctement, le théâtre est, dans son essence même, une représentation en direct, et il est vital
de s’assurer que le public sente que quelque chose est
partagé, qu’il y a une complicité.
monté des pièces qui ont traité de sujets variés. Par
exemple, la question de savoir si un visage est beau ou
laid, des sentiments amoureux, du sentiment de vide intérieur des jeunes, etc.
Mais aujourd’hui, je pense que le théâtre doit avoir une
contemporanéité, qu’il doit ne pouvoir se faire que
maintenant. Mon intention constante est de créer, pour
chaque pièce, une œuvre qui crée « l’époque » dans laquelle nous vivons. Je ne sais pas d’ailleurs comment
cela va évoluer à l’avenir. Comme j’évolue, en tant que
personne, je veux vraiment que le public vienne voir
mes pièces en se demandant à quoi cela va ressembler
cette fois. C’est d’ailleurs la plus grande motivation que
le public peut avoir pour aller au théâtre.
Propos recueillis par Barbara Turquier
Diriez-vous que vos pièces disent quelque chose de la société japonaise contemporaine, d’un point de vue social
ou politique ?
Daisuke Miura : Ce n’est jamais mon objectif quand je
crée une pièce. Ce n’est pas à moi d’en juger, mais au public qui vient voir la pièce. Si je faisais des pièces en pensant à ça, je finirais par faire du théâtre pour gratifier
mon ego.
Avec Le Tourbillon de l’Amour, je voulais seulement créer
une pièce qui montre la manière dont les gens sont vraiment « cochons ». Les gens qui y ont assisté y ont ajouté
leur propre signification, de sorte que c’est devenue une
pièce qui parle aussi d’autre chose.
Rétrospectivement, quelle a été l’importance du Tourbillon de l’amour dans votre parcours ? Est-ce que la
pièce a été un tournant ? Et quelles nouvelles directions
prend votre théâtre aujourd’hui ?
Daisuke Miura : J’ai remporté un prix de théâtre pour
cette pièce, et la visibilité de ma compagnie a explosé.
Mais si l’on me demande si j’ai changé en tant que personne, non, ce n’est pas le cas. J’ai simplement passé une
certaine étape. Depuis Le Tourbillon de l’amour, j’ai
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 85
Biographie
DaisuKe miura
Daisuke Miura est né à Hokkaido en 1975. Il est dramaturge et dirige la Compagnie théâtrale de Potudoru qu’il a
formé avec les membres de la Waseda University Theater Club. Aux prémices de la Compagnie, il met en scène des
pièces dramatiques avant d’évoluer vers un tout autre style. Ce nouveau style se détache du théâtre autant que possible en empruntant un ton plus « semi-documentaire » afin de produire un « degré de réalité supérieur ».
Par la suite, ce style continue d’évoluer et abouti enfin à son approche actuelle qui mêle adroitement théâtre et documentaire créant ainsi « de la fiction avec de la réalité ». En 2003, le film indépendant First Love, co-réalisé avec
Makiko Mizoguchi a remporté le prix spécial du jury au 25ème Pia Film Festival (Tokyo). En 2010, il écrit et dirige
Boys on the Run, cette même année il écrit et réalisé City of Betrayal pour le Parco Theater de Tokyo. En février
2011, il adapte et met en scène sa première pièce étrangère The Shape of Things, de Neil LaBute au Aoyama Round
Theater à Tokyo.
Sa pièce Castle of Dream, sera jouée pour la première fois à l’étranger au Theater der Welt a Essen en Allemagne.
Depuis, elle a été jouée au Kunstenfestivaldesarts à Bruxelles, au Wiener Festwochen de Viennes et au Festival
TransAmériques à Montréal. En 2012, Ai no Uzu (Le Tourbillon de l’amour) (écrite et jouée au Japon en 2006) a été invitée au Foreign Affairs festival à Berlin.
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 86
romina paula
Fauna
Texte et mise en scène, Romina Paula
Un spectacle de Romina Paula/Compagnie El Silencio
Avec Esteban Bigliardi, Rafael Ferro, Pilar Gamboa, Susana
Pampín
Scénographie, Alicia Leloutre, Matías Sendón
Lumière, Matías Sendón
Assistant à la mise en scène, Ramiro Bailarini
Photographies, Sebastián Arpesella
Traduction, Christilla Vasserot
FESTIVAL D’AUTOMNE à PARIS
THéâTRE DE LA BASTILLE
Vendredi 6 au samedi 21 décembre 21h, samedi 14 et
21 décembre 17h et 21h, dimanche 17h,
relâche lundi 9 et dimanche 15 décembre
14€ à 24€
Abonnement 12€ et 16€
La France a découvert le travail de Romina Paula à l’occasion
de la tournée du spectacle qu’elle a écrit et mis en scène
en 2011 : El Tiempo todo entero, une pièce toute en finesse
librement inspirée de La Ménagerie de verre de Tennessee
Williams, servie par la virtuosité de ses comédiens. Dans
son théâtre comme dans ses romans, dans son écriture
comme dans ses mises en scène, Romina Paula explore
les relations humaines. Elle revient cette année avec un
nouveau spectacle : Fauna. Le titre est le prénom d’une
femme dont il est sans cesse question dans la pièce, même
si on ne la verra jamais. Fauna est morte, mais encore
vivante dans les mémoires. Et c’est de cette mémoire qu’il
s’agit dans la pièce : un réalisateur veut tourner le film
de sa vie, alors il enquête, part sur ses traces en compagnie
de la comédienne qui interprétera son rôle. Ensemble,
ils vont trouver les enfants de Fauna pour en savoir plus
sur cette femme propulsée aux confins de la folie par une
existence heurtée, une femme qui refusa l’aliénation
d’une société masculine, qui décida de se faire passer
pour un homme pour entrer dans les cercles de poètes
ou aller à l’université. Fauna est un faune, un être hybride,
hors-norme, alors elle met à nu les failles des gens « normaux ». Au fur et à mesure des conversations, des répétitions de scènes du film, les personnages se dévoilent.
La pièce n’est pas seulement la reconstitution d’une vie.
Elle est « un film sans caméra, sans écran ». Elle propose
un regard subtil sur l’essence de l’art, les mécanismes du
regard, les fondements du théâtre.
Durée estimée : 1h30
Spectacle en espagnol surtitré en français
Production El Silencio
Production exécutive Sebastián Arpesella (Buenos Aires)
Production déléguée de la tournée 2013 Théâtre Garonne (Toulouse)
Coproduction El Cultural San Martín (Buenos Aires) ; Théâtre Garonne
(Toulouse) ; Espaces pluriels (Pau) ; Théâtre de la Bastille (Paris) ; Festival
d’Automne à Paris
Coréalisation Théâtre de la Bastille (Paris) ; Festival d’Automne à Paris
La compagnie El Silencio est représentée par Ligne Directe / Judith Martin
(www.lignedirecte.net)
Avec le soutien de l’ONDA
Avec le soutient de la ville de Buenos Aires
Avec le soutien de King’s Fountain
Fauna est publié aux éditions Les Solitaires Intempestifs (novembre 2013)
Spectacle créé le 16 mai 2013 à El Cultural San Martín
(Buenos Aires)
Contacts presse :
Festival d’Automne à Paris
Christine Delterme, Carole Willemot
01 53 45 17 13
Théâtre de la Bastille
Irène Gordon Brassart
01 43 57 78 36
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 87
enTreTien
romina paula
Comment le personnage de Fauna vous est-il venu à l’esprit ?
Romina Paula : Fauna est une pièce qui s’est écrite toute
seule, je ne saurais dire d’où elle vient. Il y a tout de
même une chose dont je me souviens : j’étais intriguée
par le nom d’une rue de Buenos Aires, la rue Concepción
Arenal. Une rue dont je m’étais habituée à prononcer le
nom sans forcément faire attention au fait que c’était
celui de quelqu’un, et que ce quelqu’un devait avoir fait
suffisamment de choses dans sa vie pour qu’on donne
son nom à une rue. Un jour, j’ai fait des recherches sur
cette fameuse Concepción Arenal. J’ai appris que c’était
une auteure féministe du XIXème siècle qui, entre autres,
avait pour habitude de s’habiller en homme pour pouvoir suivre des cours à l’université, entrer dans les cercles de poètes ou, tout simplement, avoir accès à la vie
culturelle de son pays. Une femme se glissant incognito
parmi les hommes : cette image m’a non seulement
émue mais elle a également ouvert la porte à bien d’autres. Combien de ces hommes, jeunes ou moins jeunes,
étaient-ils en fait des femmes se faisant passer pour
autre ? Je pense par exemple à George Sand, ou à Claude
Cahun, à Flora Tristan, à Virginia Woolf… et la liste est
longue. Je pense également à la mère d’une amie de ma
mère : fille d’immigrés allemands, elle a grandi en Patagonie et, depuis des années, elle vit à Sierra de la Ventana, dans les montagnes de la province de Buenos Aires.
Elle est une sorte d’amazone et, aujourd’hui encore,
alors qu’elle est âgée de quatre-vingt-dix ans, elle continue à monter à cheval. Elle aussi, elle a inspiré le personnage de Fauna.
Le personnage qui donne son titre à votre pièce porte un
prénom et un nom symboliquement chargés : Fauna Forteza, c’est à la fois le faune, la faune et la force…
Romina Paula : Ce n’était pas mon intention au départ
mais, comme toujours, le hasard a bien fait les choses.
En fait, tout l’imaginaire qui entoure la famille dont il
est question dans la pièce est inspiré de la vie d’Horacio
Quiroga, écrivain uruguayen qui s’était installé en Argentine ; il a vécu et écrit durant une grande partie de sa vie
dans la forêt vierge, et il a beaucoup écrit sur cette forêt.
Forteza, c’était le nom de sa mère. Bref, c’était au départ
un choix totalement arbitraire, mais il finit par avoir
une charge symbolique importante.
Par ailleurs, les questions du genre sont au cœur de cette
pièce. Mais je ne voulais pas tenir un discours figé sur
le sujet, je voulais juste poser des questions. Qu’est-ce
que le féminin ? Qu’est-ce qui définit le masculin ? Je
nourris le fantasme ou l’ambition de pouvoir m’éloigner
toujours un peu plus de la pensée binaire, car les choses
ne sont pas comme ci ou comme ça, elles ne s’opposent
pas forcément. Je m’efforce d’avancer dans des territoires
rocailleux, difficiles à nommer, à définir.
Comme El tiempo todo entero, votre précédent spectacle
présenté en 2011 au Festival d’automne à Paris, Fauna
évoque la relation entre des enfants et leur mère ou, plus
exactement ici, la mémoire de leur mère… Comment avezvous désiré aborder ce thème dans Fauna ?
Romina Paula : Je n’ai pas du tout imaginé une pièce sur
le thème de la famille. D’ailleurs, bien au-delà du fait
qu’il y a un frère et une sœur parmi les personnages, ce
groupe de quatre personnes est plutôt conçu comme un
groupe de travail et non comme une cellule familiale.
La contingence qui les réunit dans un même espace et
dans un même lieu, c’est le travail, le film qu’ils veulent
réaliser ensemble. Cette pièce est avant tout une réflexion sur le travail d’un groupe qui finit, certes, par ressembler à une famille, mais une famille qu’ils se sont
choisie, une famille qui se dissout quand le travail est
fini. Ces quatre personnages répètent des scènes pour
un film à venir et ils discutent à propos de ce qui pourrait être représenté ou pas, à propos de la véracité de
l’histoire et de l’importance ou non de cette vérité. Chacun est confronté à des émotions inéluctables, presque
comme les acteurs pendant les répétitions. Les personnages de Fauna s’exposent émotionnellement. Ils veulent créer de la fiction, mais cette fiction les
expose-t-elle ou les protège-t-elle ?
La pièce s’ouvre sur des vers de Rainer Maria Rilke. Quel
sens ont-ils pour vous ?
Romina Paula : Une fois de plus, je m’en remets à l’arbitraire et au hasard : ce poème se trouve dans une édition
des poèmes de Rilke en allemand, un très vieux livre qui
a atterri entre mes mains je ne me souviens plus comment… un héritage, je suppose. Je suis littéralement subjuguée par ce poème : Expérience de la mort. En langue
originale, surtout, il est d’une beauté sans nom. Alors,
comme bien des choses qui m’émeuvent à ce point, j’ai
envie de le partager. C’est un poème où le théâtre, la
scène est métaphore de la vie, mais son rythme et sa
beauté vont bien au-delà de ce lieu commun. Et puis finalement, comme un hasard supplémentaire, il fait sens
avec le reste de la pièce.
Dans votre spectacle, la vie de Fauna Forteza va faire
l’objet d’un film.
Quel est le rôle du cinéma dans la pièce ?
Romina Paula : Le cinéma est l’une de mes images de départ. Faire du cinéma. Je pensais écrire une pièce sur le
cinéma et, d’une certaine façon, c’est le cas, bien que les
procédés employés soient ceux du théâtre. Depuis que
nous avons débuté les répétitions, le cinéma est là, je l’ai
toujours en tête. Le chemin est tracé par la phase de la
photographe Dorothea Lange qui figure en épigraphe de
la pièce : « L’objectif est un instrument qui enseigne aux
gens comment voir quand ils ne sont pas derrière l’objectif ». C’est une idée qui me fascine. On peut bien sûr
l’appliquer à l’art en général, mais, pour moi, cette pièce
est un film sans caméra, sans écran. Quand je regarde les
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 88
acteurs, je vois des plans, des échelles de plans : moyens,
rapprochés, gros plans ou plans d’ensemble.
Les yeux, le regard posé sur l’autre, c’est la caméra, l’œil
est la caméra : elle coupe, elle choisit, elle balaie. Par ailleurs, j’aurais tendance à comparer l’expérience d’un
tournage avec le processus de répétitions d’une pièce de
théâtre. C’est un temps de cohabitation. Sauf que, dans
le premier cas, cela a lieu sur une plus courte période.
Au sein de la compagnie, nous sommes habitués à cohabiter durant des mois, pendant les répétitions, même si
ce temps est plus diffus. Mais, dans les deux cas, le lien
qui s’établit entre ces personnes réunies pour travailler
est très intense. J’avais envie d’aborder ce sujet dans la
pièce : observer un groupe de gens en train de cohabiter
car ils ont un projet commun, un projet qui parfois se
confond avec la vie, qui prend sa place ; voir comment
ces forces cohabitent et s’équilibrent.
Ferro, qui est nouveau dans la compagnie, ces mots
prennent un sens nouveau, et on dirait que, depuis le
début, ils avaient été écrits pour lui. Une fois de plus, ce
dont j’ai toujours eu l’intuition se confirme, et j’en suis
de plus en plus persuadée : la pièce en sait plus long que
nous sur elle-même. Nous, tout ce que nous faisons, c’est
essayer de nous en approcher.
Propos recueillis et traduits par Christilla Vasserot.
Romina Paula a publié un roman ¿Vos me querés a mí? et un récit
Autonomía dans l’anthologie Buenos Aires/ Escala 1:1, et sa pièce
Algo de ruido hace dans l’anthologie Dramaturgias (éditions Entropía). Elle a publié le récit Si llegás a faltar un verano dans l’anthologie Mujeres Infieles en (éditions Emecé). Son second roman,
Agosto, a été finaliste du Prix Página/12 pour le Nouveau Roman et
est publié en septembre 2009 (éditions Entropía). Les trois pièces
de Romina Paula, traduites par Christilla Vasserot, sont publiées
aux éditions Les Solitaires Intempestifs, en novembre 2013.
Le travail avec les comédiens a-t-il été différent pour ce
spectacle ?
Romina Paula : Chaque spectacle requiert un processus
de répétitions bien à lui, chaque texte porte la façon
dont il doit être abordé, que l’on ne découvre et comprend qu’au moment des répétitions. Fauna exige la présence de tous les comédiens, toujours. Impossible de
répéter partiellement : s’il manque un des comédiens, la
répétition est annulée. Il n’est pas envisageable de répéter des parties isolées du texte, car il faut parcourir, traverser l’ensemble de la pièce. En ce sens, Fauna est une
pièce très exigeante : elle se présente comme un tout,
comme une traversée, où chaque partie a besoin de celle
qui précède et de celle qui suit pour exister. C’est comme
un organisme. C’est là que réside la contradiction : je
pense au cinéma, qui est avant tout fragmentation, mais
nous ne pouvons travailler que dans la totalité, la totalité des acteurs, la totalité du texte.
Pensiez-vous déjà aux comédiens qui allaient jouer la
pièce quand vous en avez écrit le texte ?
Romina Paula : J’ai écrit la pièce pour les comédiens de
la compagnie El Silencio : Pilar Gamboa, Susana Pampín,
Esteban Bigliardi et Esteban Lamothe. Ce dernier a commencé les répétitions, puis il a dû quitter la compagnie
pour des raisons personnelles. Sur le moment, le départ
d’Esteban a résonné comme une tragédie pour la compagnie, il symbolisait la fin d’une époque. Nous n’imaginions pas quelqu’un d’autre interpréter ce rôle que
j’avais écrit pour lui. Puis nous avons commencé à travailler avec Rafael Ferro. à présent, le texte et le personnage sont chargés d’un sens nouveau, puisé dans le
corps d’un nouvel acteur. Il y a par exemple un moment,
dans la pièce, où le personnage du réalisateur dit : « Qui
êtes-vous ? D’où sortez-vous ? M’investir comme ça, je
ne peux pas, ça me semble trop cher. C’est trop cher payé
pour je ne sais quoi, j’ai l’impression d’être en train de
payer le prix fort. » Forcément, dans la bouche de Rafael
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 89
Biographie
romina paula
Romina Paula est née à Buenos Aires en 1979. Elle est diplomée de dramaturgie de l’EMAD. Comme actrice, elle se
forme auprès d’Alejandro Catalán, Ricardo Bartís et Pompeyo Audivert. Elle joue au théâtre, notamment sous la
direction de Pablo Ruiz dans El Padre, de Santiago Gobernori dans Darío tiene momentos de soledad, et de Daniel
Veronese dans La Niña fría. Elle joue également pour Gonzalo Martínez dans La Pornografía et Los Demonios, ou
encore pour Michel Didym dans El diván, et Mariano Pensotti dans La Marea. Au cinéma, elle joue dans La Punta
del diablo de Marcelo Paván, Resfriada de Gonzalo Castro, El hombre robado et Todos mienten de Matías Piñeiro ainsi
que dans El Estudiante de Santiago Mitre.
Auteur et metteur en scène, elle crée : Si te sigo, muero, inspiré des textes de Héctor Viel Temperley, puis Algo de
ruido hace, texte lauréat du Prix Metrovías a Guiones de Teatro 2006 et programmé dans le VIème Festival Internacional de Teatro de Buenos Aires. Très remarqué lors du Festival International de Théâtre de Buenos Aires, ce spectacle monté avec sa compagnie El Silencio, intègre en 2008 la tournée Itinerarte en Espagne (représentations à San
Sebastián, Santander et Segovia), puis tourne en Europe, au Brésil (Festival Porto Alegreem Scena) et est programmé
au Festival el Quinto Argentino de Teatro de la ville de Santa Fe. En 2007, sa pièce [chalet] obtient une mention du
Prix Germán Rozenmacher consacré à la nouvelle dramaturgie.
Romina Paula met également en scène la pièce Ciego de Noche, de Darja Stocker, dans le cadre du Cycle Nouvelle
dramaturgie organisé par le Goethe Institut. En avril 2008, elle met en scène la pièce Todos los miedos de Mariana
Chaud au C.C.R.Rojas dans le cadre du Cycle Decálogo – Indagación sur les 10 Commandements. En mai 2008, elle
voyage à Berlin, boursière du Goethe Institut, pour participer à un workshop dirigé par Renée Pollesch dans le cadre
du festival allemand Berliner Festspiele. El Tiempo todo entero, créé en 2012 et écrit pour sa compagnie, est lauréat
du prix Estímulo « S » pour sa production. Ce spectacle est invité en 2011 à tourner en Europe dans les plus grands
festivals, tels que le Festival d’Automne à Paris, festival Temporada Alta en Espagne, festival Teatro a Mil de Santiago
du chili, Festival international de Naples… En 2011, elle écrit sa troisième pièce de théâtre Fauna, qu’elle crée avec
sa compagnie à El Cultural San Martín de Buenos Aires, le 16 mai 2013.
Romina Paula au Festival d’Automne à Paris
2011
El Tiempo todo entero (Théâtre du Rond Point)
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 90
DÉCouvrir
TrAnsmeTTre
pArTAGer
Les projets artistiques et culturels du Festival d’Automne à Paris pour la jeunesse
Le Festival d’Automne à Paris participe et accompagne la formation des spectateurs de demain. Fort de ses spécificités –
pluridisciplinaire, nomade et international – il se propose d’amener les jeunes spectateurs de Paris et d’Île-de-France à se
familiariser avec les différentes disciplines artistiques (théâtre, musique, danse, arts plastiques) présentes dans chaque édition par le biais d’actions ludiques et novatrices.
Un parcours pluridisciplinaire
S’adressant plus précisément aux collégiens et aux lycéens, un parcours pluridisciplinaire est mis en place, engageant les
académies de Créteil, Paris et Versailles. Ce parcours, accompagné par des professionnels, permet aux élèves de rencontrer
certains artistes programmés lors de séances de travail et d’échanger en groupe sur les émotions ressenties, les interrogations
esthétiques et les thèmes abordés dans les oeuvres, mais également de mobiliser expériences et souvenirs, en partant de
paroles, mouvements, jeux, expression graphique et écritures. Une mémoire et une perception à la fois individuelle et collective se construisent.
2013 : 12 classes de lycées des l’académies Paris, Créteil, Versailles.
Cours de Re-création : transmettre et partager son expérience de spectateur
Le projet « Cours de Re-création », qui fête ses dix ans d’existence, convoque des participants d’âges différents, issus de territoires géographiques divers, et place l’échange au centre de sa démarche. Ce projet propose aux élèves, avec la complicité
des professeurs, de formaliser librement la réception qu’ils ont des oeuvres. Ils tiennent le rôle de « passeur », habituellement
dévolu aux adultes, en présentant à leurs camarades le récit (plastique ou verbal) de leurs visites sur les différents lieux
d’exposition avant que ces derniers ne la découvrent à leur tour. Un matériau important (textes, photos, enregistrements
audio et vidéo) nait de ces rencontres croisées avant d’être présenté lors d’une exposition réalisée en collaboration avec la
Maison du geste et de l’image.
2013 : 20 classes d’écoles élémentaires, maternelles collèges et lycées (de 5 à 18 ans) et 2 centres aérés de la Ville de Paris.
La Fondation d’entreprise Total et le Crédit Municipal de Paris soutiennent les projets artistiques et culturels du Festival
d’Automne à Paris pour la jeunesse.
Avec le soutien d'Aleth et Pierre Richard.
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 91
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 92
programme afrique du sud
manifestations organisées dans le cadre des
saisons afrique du sud-France 2012 & 2013
www.france-southafrica.com
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 93
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 94
Coordonnées et contacts des partenaires
service de presse Festival d’automne à paris
Christine Delterme, Carole willemot
assistante : Chloé Cartonnet
Tél : 01 53 45 17 13
Ateliers de Paris-Carolyn Carlson
20 Boulevard de Sébastopol Cartou- Nathalie Gasser
cherie, Route du Champ Manoeuvre 06 07 78 06 10
75012 Paris
Centre Pompidou
Place George Pompidou
75004 Paris
Agence Myra
01 40 33 79 13
La Colline- théâtre national
15 Rue Malte Brun
75020 Paris
Nathalie Godard
01 44 62 52 25
Le CENTQUATRE
5 rue Curial
75019 Paris
Virginie Duval
01 53 35 50 96
Le Forum
1/5 place de la Libération
93150 Blanc-Mesnil
Diane Claisse-Brouxel
01 48 14 22 07
Maison des Arts de Créteil
Place Salvador Allende
94000 Créteil
Bodo
01 44 54 02 00
Maison de la culture du Japon à
Paris
101Bis Quai Branly
75015 Paris
Aya Soejima
04 44 37 95 22
Maison de la Poésie
Passage Molière - 157 rue Saint Mar- Annabelle Matthieu
tin 75015 Paris
01 44 54 53 14
Musée du Louvre
75058 Paris cedex 1
Laurence Roussel
[email protected]
Nouveau Théatre de Montreuil centre dramatique national
Odéon - Théatre de l’Europe
10 Place Jean Jaurès
93100 Montreuil
Désirée Faraon
06 18 51 30 78
Place de l’Odéon
75006 Paris
Lydie Debièvre
01 44 85 40 57
Théâtre de la Bastille
76 rue de la Roquette
75011 Paris
Irène Gordon Brassart
01 43 57 78 36
Theatre de Genneviliers
41 Avenue des Gresillons
92230 Gennevilliers
2bis Av. F.D Roosevelt
75008 Paris
Philippe Boulet
06 82 28 00 47
Théatre du Soleil
La Cartoucherie
75012 Paris
Liliana Andreone
01 43 74 66 36
Théâtre de la Ville
2 place du Châtelet
75001 Paris
Jacqueline Magnier
01 48 87 84 61
Théatre du Rond Point
Hélène Ducharne
01 44 95 98 47
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Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 96
le Festival d’automne à paris est subventionné par :
Le ministère de la Culture et de la Communication
Direction générale de la création artistique
Secrétariat général / services des affaires juridiques et internationales
La Ville de Paris
Direction des affaires culturelles
Le Conseil Régional d’Île-de-France
Les Amis du Festival d’Automne à Paris
Fondée en 1992, l’association accompagne la politique de création et d’ouverture internationale du Festival.
Grand mécène du Festival d’Automne à Paris
Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent
Grand mécène 2013
Chloé pour Eternity Dress
Les mécènes
agnès b.
Arte
Baron Philippe de Rothschild S.A.
Crédit Municipal de Paris
Koryo
Publicis Royalties
Fondation Clarence Westbury
Fondation d’entreprise Hermès
Fondation d’entreprise Total
Fondation Franco-Japonaise Sasakawa
Fondation pour l’étude de la langue et de la civilisation japonaises sous l’égide de la Fondation de France
HenPhil Pillsbury Fund The Minneapolis Foundation & King’s Fountain
Japan Foundation (Performing Arts Japan Program for Europe)
Mécénat Musical Société Générale
Pierre Bergé
Pâris Mouratoglou
Aleth et Pierre Richard
Philippine de Rothschild
Béatrice et Christian Schlumberger
Sylvie Winckler
Guy de Wouters
Les donateurs
Sylvie Gautrelet, Ishtar Méjanes, Anne-Claire et Jean-Claude Meyer, Ariane et Denis Reyre, Bernard Steyaert
Alfina, Société du Cherche Midi, Top Cable, Vaia Conseil
Les donateurs de soutien
Jean-Pierre Barbou, Annick et Juan de Beistegui, Jacqueline et André Bénard, Christine et Mickey Boël, Irène et Bertrand
Chardon, Catherine et Robert Chatin, Hervé Digne, Aimée et Jean-François Dubos, Agnès et Jean-Marie Grunelius, JeanPierre Marcie-Rivière, Micheline Maus, Brigitte Métra, Annie et Pierre Moussa, Tim Newman, Sydney Picasso, Myriam et
Jacques Salomon, Agnès et Louis Schweitzer, Nancy et Sébastien de la Selle, Reoven Vardi et Pierluigi Rotili
Partenaires 2013
La Sacem est partenaire du programme musique du Festival d’Automne à Paris.
L’Adami s’engage pour la diversité du spectacle vivant en soutenant dix spectacles.
L’ONDA soutient les voyages des artistes et le surtitrage des œuvres.
Le Festival d'Automne bénéficie du soutien d'Air France.
Les Saisons Afrique du Sud-France 2012-2013 soutiennent le programme sud-africain du festival d’Automne à Paris
L’Ina contribue à l’enrichissement des archives audiovisuelles du Festival d’Automne à Paris.
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Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 98
FesTival D’auTomne à paris 2013
13 sepTemBre – 12 Janvier
Avant-Programme
( **Programme Afrique du Sud )
( *Programme Japon )
Robert Wilson / The Old Woman d’après Daniil Kharms
avec Mikhail Baryshnikov et Willem Dafoe
Théâtre de la Ville – 6 au 23 novembre
Robert Wilson / CocoRosie / Peter Pan
de James Matthew Barrie
Berliner Ensemble
Théâtre de la Ville – 12 au 20 décembre
Le Louvre invite Robert Wilson / Living rooms
Musée du Louvre – 9 novembre au 17 février
Robert Wilson / Philip Glass / Einstein on the Beach
Théâtre du Châtelet – 8 au 12 janvier
***
ThéâTre
Gwenaël Morin / Antiteatre
d’après Rainer Werner Fassbinder
Théâtre de la Bastille – 18 septembre au 13 octobre
Christoph Marthaler / Letzte Tage. Ein Vorabend
Théâtre de la Ville – 25 septembre au 2 octobre
*Sugimoto Bunraku Sonezaki Shinjû –
Double suicide à Sonezaki
Hiroshi Sugimoto
Théâtre de la Ville – 10 au 19 octobre
*Toshiki Okada / Current Location
Théâtre de Gennevilliers – 14 au 19 octobre
Krystian Lupa / Perturbation
d’après le roman de Thomas Bernhard
La Colline – théâtre national
27 septembre au 25 octobre
Encyclopédie de la parole / Suite n°1 « ABC »
Centre Pompidou – 16 au 20 octobre
Nouveau Théâtre de Montreuil – 19 au 23 novembre
Encyclopédie de la parole / Parlement
Maison de la Poésie – 2 au 12 octobre
Claude Régy / La Barque le soir de Tarjei Vesaas
Le CENTQUATRE – 24 octobre au 24 novembre
Georges Bigot / Delphine Cottu
L’Histoire terrible mais inachevée de Norodom
Sihanouk, roi du Cambodge d’Hélène Cixous
Théâtre du Soleil – 3 au 26 octobre
Paroles d’acteurs / André Wilms
Casimir et Caroline d’Ödön von Horváth
Atelier de Paris-Carolyn Carlson – 4 au 8 novembre
*Toshiki Okada / Ground and Floor
Centre Pompidou – 9 au 12 octobre
Philippe Quesne / Vivarium Studio / Swamp Club
Théâtre de Gennevilliers – 7 au 17 novembre
Le Forum, scène conventionnée de Blanc-Mesnil
21 et 22 novembre
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 99
Mariano Pensotti / El Pasado es un animal grotesco
La Colline – théâtre national – 4 au 8 décembre
**Brett Bailey / Third World Bunfight
House of the Holy Afro
Le CENTQUATRE – 19 au 21 novembre
*Daisuke Miura / Le Tourbillon de l’amour
Maison de la culture du Japon à Paris – 5 au 7 décembre
Angélica Liddell
Todo el cielo sobre la tierra. (El sindrome de Wendy)
Odéon-Théâtre de l’Europe
20 novembre au 1er décembre
Romina Paula / Fauna
Théâtre de la Bastille – 6 au 21 décembre
Mariano Pensotti / Cineastas
Maison des Arts Créteil – 11 au 14 décembre
Nicolas Bouchaud / Eric Didry / Un métier idéal
d’après le livre de John Berger et Jean Mohr
Théâtre du Rond-Point – 21 novembre au 4 janvier
***
Danse
Trajal Harrell / Antigone Sr. / Twenty Looks or Paris is Burning at The Judson Church (L)
Centre Pompidou – 26 au 28 septembre
**Nelisiwe Xaba / Uncles & Angels
Théâtre des Bouffes du Nord – 27 et 28 septembre
**Mamela Nyamza / The Soweto’s Finest
Mamela Nyamza et les Kids de Soweto
musée du quai Branly – 3 au 11 octobre
Marcelo Evelin / Matadouro
Théâtre de la Cité internationale – 14 au 19 octobre
Noé Soulier / Mouvement sur mouvement
La Ménagerie de Verre – 15 au 19 octobre
Trisha Brown Dance Company
For M.G. : the Movie / Homemade / Newark
Théâtre de la Ville – 22 au 26 octobre
Foray Forêt / If you couldn’t see me / Astral Convertible
Théâtre de la Ville – 28 octobre au 1er novembre
Lia Rodrigues / Pindorama
Théâtre Jean Vilar / Vitry-sur-Seine – 15 au 17 novembre
Théâtre de la Cité internationale – 21 au 26 novembre
Le CENTQUATRE – 28 au 30 novembre
L’apostrophe / Théâtre des Louvrais-Pontoise 3 décembre
Latifa Laâbissi / Adieu et merci
Centre Pompidou – 20 au 22 novembre
**Robyn Orlin / In a world full of butterflies, it takes balls
to be a caterpillar… some thoughts on falling...
Théâtre de la Bastille – 21 novembre au 1er décembre
Bruno Beltrão / CRACKz
Le CENTQUATRE – 26 et 27 novembre
L’apostrophe / Théâtre des Louvrais-Pontoise
29 et 30 novembre
Théâtre de la Ville – 3 au 6 décembre
Théâtre Louis Aragon / Tremblay-en-France – 7 décembre
Anne Teresa De Keersmaeker
avec Anne Teresa De Keersmaeker et Boris Charmatz
Partita 2 – Sei solo
Théâtre de la Ville – 26 novembre au 1er décembre
Jérôme Bel / Theater Hora / Disabled Theater
Les Abbesses – 3 au 7 décembre
Le Forum, scène conventionnée de Blanc-Mesnil
10 décembre
François Chaignaud / Думи мої / Dumy Moyi
Maison de l’architecture / Café A – 4 au 8 décembre
Jefta van Dinther / Ballet Cullberg / Plateau Effect
Maison des Arts Créteil - 5 au 7 décembre
***
arTs plasTiQues
Jennifer Allora / Guillermo Calzadilla
Galerie Chantal Crousel
13 septembre au 19 octobre
Museum national d’Histoire naturelle
13 septembre au 11 novembre
*Hiroshi Sugimoto – Accelerated Buddha
Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent
10 octobre au 26 janvier
**Mikhael Subotzky / Mary Sibande
MAC / VAL – à partir du 26 octobre
***
perFormanCe
**Steven Cohen /
Sphincterography : The Tour – Johannesburg
(The Politics of an Arsehole)
La maison rouge – 13 au 21 septembre
Olivier Saillard / Tilda Swinton
Eternity Dress
Beaux-Arts de Paris
20 au 24 novembre
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 100
musiQue
**Traditions vocales du KwaZulu-Natal
Théâtre des Bouffes du Nord – 17 au 22 septembre
**Kyle Shepherd / Xamissa
Théâtre des Bouffes du Nord – 25 septembre
L’Onde, Théâtre-centre d’art Vélizy-Villacoublay
27 septembre
**Traditions vocales du Cap
L’apostrophe / Théâtre des Louvrais-Pontoise 4 octobre
Théâtre de la Ville – 5 et 6 octobre
Scène Nationale d’Orléans – 8 octobre
**Cape Cultural Collective
Maison de la Poésie – 8 et 9 octobre
**Michael Blake, Andile Khumalo, Clare Loveday,
Angie Mullins, Pierre-Henri Wicomb / Mantombi
Matotiyana
La Scène Watteau, Théâtre de Nogent-sur-Marne
17 octobre
Opéra national de Paris / Bastille-Amphithéâtre
19 octobre
Hans Abrahamsen / Mark Andre /
Rebecca Saunders
Opéra national de Paris / Bastille-Amphithéâtre
22 octobre
Anton Webern / Matthias Pintscher /
Igor Stravinsky
Opéra national de Paris / Bastille – 30 octobre
Hugues Dufourt / Lucia Ronchetti
Cité de la musique – 8 novembre
Karlheinz Stockhausen
Cité de la musique – 13 novembre
George Benjamin / Martin Crimp /Written On Skin
Opéra Comique – 16, 18 et 19 novembre
Eliane Radigue
Collège des Bernardins – 22 et 23 novembre
***
Cinéma
Shirley Clarke / L’Expérience américaine
Centre Pompidou – 16 au 29 septembre
**Un regard de cinéma sur l’Afrique du Sud
Jeu de Paume – 5 novembre au 26 janvier
Planète Marker – Cinéastes en correspondances
Centre Pompidou – 16 octobre au 16 décembre
Dossier De presse ThéâTre – FesTival D’auTomne à paris 2013 – page 101
www.festival-automne.com
FesTivAl
D’AuTomne
à pAris
2013
13 sepTemBre – 12 jAnvier
Festival d’automne à paris | 156, rue de rivoli – 75001 paris
renseignements et réservations : 01 53 45 17 17 | www.festival-automne.com