l`ophtalmologie du cheval
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l`ophtalmologie du cheval
JOURNAL DE BORD : L’OPHTALMOLOGIE DU CHEVAL! JANVIER 2012 L’OPHTALMOLOGIE DU CHEVAL Le cheval est l’un des mammifères qui possède le plus gros volume oculaire par rapport à son poids corporel. Comme toutes les proies, ses yeux sont placés latéralement (contrairement aux prédateurs qui ont les yeux situés en avant- le chat, le loup-). Cette position explique la vue panoramique que possèdent les équidés mais est aussi à l’origine des traumatismes rencontrés dans cette espèce en raison de l’exposition de l’œil. Les traumatismes ne sont pourtant pas la seule pathologie affectant les yeux du cheval et le diagnostic différentiel peut parfois être difficile et faire intervenir des examens complémentaires. A P P R E N D R E , C O MPRENDRE: TEXTES OU CONFÉRENCES EN PDF L’ŒIL ET LA VISION DU CHEVAL cheval d’avoir des champs de vision monoculaires droit et gauche très étendus (cf. photo 1). Cette vision monoculaire est utilisée par le cheval quand sa tête est à la verticale, c’està-dire quand le cheval pâture au calme, pour anticiper l’arrivée d’un éventuel prédateur. Mais dans ce cas, il ne peut pas voir ce qu’il y a juste en avant de son front (zone aveugle). La vision binoculaire est surtout utile pour fixer un objet précis au loin" ; pour cela, le cheval relève la tête. La zone aveugle est alors «"rejetée"» vers le haut. Il ne faut pas oublier qu’un cheval peut lui aussi avoir des troubles de l’accommodation, comme la myopie (il ne voit pas bien au loin), ce qui pourrait le faire passer pour un animal difficile de caractère ou peureux. En ce qui concerne les couleurs, il a été établi que le cheval discerne le bleu, le jaune et le vert mais qu’il a plus de difficultés avec le rouge. L’anatomie de l’œil L’œil du cheval est situé dans l’orbite qui le protège des coups et est recouvert par les paupières qui permettent l’étalement du film lacrymal, ce qui maintient un degré optimal d’hydratation. La première couche du globe oculaire est constituée par la cornée, transparente et dont l’épaisseur est de 0.8mm au centre et de 1.5mm à la périphérie, en moyenne. La pupille, ovale en longueur, est délimitée par l’iris qui se contracte en fonction de l’intensité lumineuse. En arrière de l’iris se trouve le cristallin qui permet l’accommodation (vision de près ou de loin). L’humeur vitrée occupe la majeure partie du volume oculaire et plaque la rétine contre le la choroïde. Enfin, le nerf optique arrive directement du cerveau pour déboucher dans le fond d’œil. Cas particulier du poulain A la naissance , la pupille est circulaire et dilatée et ne devient ovale qu’à l'âge de 3 jours. Le réflexe pupillaire, qui correspond à la contraction de la pupille en présence d’une lumière forte, est absent à la naissance et similaire à celui de l’adulte à 5 La vision du cheval La position latérale du globe et la pupille horizontale permettent au CLINIQUE EQUINE MÈHEUDIN ! jours. Quant au réflexe de clignement à la menace, c’est-à-dire la fermeture des paupières à l’approche rapide d’ un objet, il est lui aussi absent à la naissance et peut être incomplet jusque l’âge de 14 jours. Ceci pourrait faire penser qu’un jeune poulain est plus exposé aux traumatismes oculaires qu’un poulain plus âgé. Or, on ne constate pas plus de lésions dans cette tranche d’âge que dans les autres chez les poulains en bonne santé. Ceci pourrait s’expliquer par la bonne protection assurée par la mère. La vision du poulain est très difficile à évaluer mais on peut la considérer comme suffisante chez le jeune dans la mesure où un animal en bonne santé se cogne rarement dans les premiers jours de sa vie. LES PRINCIPALES PATHOLOGIES L’ulcère cornéen La position et le volume du globe oculaire le prédisposent aux traumatismes (branches d’arbre, coup de cravache) qui touchent en premier lieu la cornée. La lésion peut être plus ou moins profonde, pouvant même aller jusqu’à la perforation (œil «" crevé" »). L’ulcère peut aussi être 1 JOURNAL DE BORD : L’OPHTALMOLOGIE DU CHEVAL! causé par un phénomène irritatif, comme une «"verrue"» qui pousserait sur la paupière et qui viendrait en contact de la cornée à chaque fois que le cheval cligne de l’œil. Un ulcère cornéen est très douloureux et il en résulte un blépharospasme, c’est-à-dire une fermeture de l’œil. La cornée étant lésée, il y a un gros risque d’infection et c’est celle-ci qui empêche l’ulcère de cicatriser. Le traitement reposera donc, entre autres, sur l’antibiothérapie. Il est important de remarquer qu’un ulcère cornéen peut entraîner une uvéite, il ne faut donc pas négliger le traitement quand on connaît la gravité de l’uvéite chez le cheval. qui se traduit par une uvéite. Les autres causes sont toutes les maladies infectieuses qui peuvent affecter l’œil en même temps que d’autres organes (Rhinopneumonie, artérite virale…). Après un accès d’uvéite, les séquelles peuvent être très graves et on recherchera leur présence au cours de la visite d’achat car l’uvéite isolée est un vice rédhibitoire. L’iris peut être décoloré, des taches noires peuvent apparaître sur le cristallin (on les appelle synéchies), qui peut également s’opacifier et se cataracter. Des lésions du fond d’œil sont également visibles. C’est pour toutes ces raisons qu’il ne faut pas tarder à traiter ni négliger le traitement qui reposera principalement sur les anti-inflammatoires et la prévention des séquelles. L’uvéite Comme son nom l’indique, l’uvéite est une inflammation de l’uvée qui comprend l’iris, les corps ciliaires et la choroïde (d’où son nom scientifique d’irido-cyclo-choroidite). Les autres pathologies oculaires La conjonctivite est très fréquente et est principalement due à l’irritation causée par la poussière ou les revêtements des sols (sable, cendrée, mâchefer). Elle se caractérise par une conjonctive rouge et des écoulements oculaires. Le traitement est en principe assez simple et satisfaisant. ! Les canaux lacrymaux bouchés sont souvent la cause d’yeux sales avec des sécrétions assez sèches au coin interne de l’œil. Ceci est dû au fait que les larmes ne peuvent pas s’écouler dans les canaux lacrymaux jusqu’aux naseaux (c’est le même principe que chez l’homme dont le nez coule lorsque l’individu pleure). Le traitement consiste en l’instillation de liquide sous pression par l’ostium nasal associée parfois à des anti-inflammatoires. ! Les tumeurs peuvent affecter la structure oculaire du cheval. La plus fréquente est le sarcoïde qui se présente sous la forme d’une masse noire sur les paupières. C’est une tumeur bénigne mais qui devient très ennuyeuse quand elle prend du volume car elle peut envahir tout le pourtour de l’œil et compliquer le traitement qui est déjà très délicat. Le mieux est donc d’intervenir au plus L’accès classique d’uvéite se compose de 3 phases": • La phase de congestion": elle dure de 3 à 6 jours et se caractérise par un blépharospasme, une photophobie, une conjonctivite, une opalescence cornéenne et un myosis (ou contraction de la pupille). • La phase exsudative" : il y a une diminution de la douleur, mais la conjonctivite et le myosis restent présents. Un floculat de couleur plutôt blanche apparaît" ; il porte le nom d’hypopion. Tout ceci dure 8 à 10 jours"; • La phase de résorption" : tous les signes disparaissent progressivement et on note un retour du réflexe pupillaire. L’accès aura en tout duré 3 semaines. Cette maladie est en général due à une hypersensibilité à un agent (souvent des leptospires)": le cheval a déjà rencontré cet agent auparavant, il s’est sensibilisé sans signes cliniques visibles, mais quand il le rencontre à nouveau, son organisme réagit, ce CLINIQUE EQUINE MÈHEUDIN ! JANVIER 2012 tôt dès qu’il apparaît ou qu’il grossit rapidement. Le carcinome à cellules squameuses est fréquent dans les régions à fort ensoleillement et sur des chevaux à peau non pigmentée (appaloosas)" ; on le trouve sur la membrane nictitante (troisième paupière) mais aussi sur le pénis des mâles et des hongres. ! Les lésions palpébrales se rencontrent également fréquemment et la difficulté de la suture réside dans le respect des structures et de l’anatomie. En effet, la cicatrice qui en résulte doit permettre la fermeture correcte et complète des paupières sans toutefois venir irriter la cornée. ! Les lésions du fond d’œil existent aussi fréquemment mais sont difficilement appréciables par le propriétaire ou l’entraîneur, si elles ne sont pas suffisantes pour entraîner une modification de la vue du cheval. Le poulain L’ affection oculaire la plus fréquemment rencontrée est tout d’abord l’entropion. La paupière inférieure est trop «" grande" » (il y a trop de peau) et elle s’enroule à l’intérieur en direction de la cornée"; elle peut donc entraîner une irritation de la cornée voire un ulcère. Le traitement doit être précoce et consiste en l’application d’agrafes pour «" dérouler" » la paupière vers l’extérieur durant quelques jours. Un traitement anti-ulcéreux est associé si la cornée est lésée. ! Le poulain peut être atteint d’uvéite quand il fait une maladie générale. L’affection oculaire peut d’ailleurs être parfois la seule manifestation visible de la maladie sous-jacente. ! Parmi les maladies congénitales affectant l’œil, la cataracte congénitale est la pus fréquente"; elle est quasiment la seule cataracte qui soit opérable avec succès chez le cheval. LA CONSULTATION EN OPHTALMOLOGIE Le diagnostic 2 JOURNAL DE BORD : L’OPHTALMOLOGIE DU CHEVAL! La majorité des pathologies oculaires entraîne une douleur et un blépharospasme" ; il est donc important de pouvoir faire un diagnostic différentiel. Pour cela , beaucoup de moyens peuvent être mis en œuvre. Tout d’abord, l’oeil est observé à la lumière du jour pour pouvoir apprécier son aspect et les réflexes de clignement à la menace, ainsi qu’évaluer la vue du cheval par différents tests. Ensuite, le cheval est placé dans un endroit sombre pour permettre l’examen ophtalmoscopique (cf. photo 3) et évaluer les réflexes pupillaires. Il faut parfois procéder à une dilatation pupillaire, à l’aide de collyre, pour observer le fond d’œil. ! Différents tests sont effectués au cours de cet examen et notamment le test à la fluorescéine qui permet de mettre en évidence les ulcères cornéens. En cas de suspicion d’infection bactérienne ou mycosique, le vétérinaire peut faire des prélèvements (écouvillons ou raclages) pour affiner le diagnostic. Parfois, il peut avoir recours à l’échographie pour mettre en évidence une masse rétro-bulbaire (derrière l’œil), par exemple. rités. En cas d’infection bactérienne on traitera avec des antibiotiques, si l’agent en cause est un champignon, le traitement sera à base d’anti-fongiques. ! En cas d’inflammation, comme pour l’uvéite, les anti-inflammatoires, stéroïdiens ou non, seront utilisés avec précaution. En effet, les cortico-stéroides retardent le processus de cicatrisation, ce qui peut compromettre la guérison d’un ulcère cornéen. Il ne faut donc pas utiliser ces produits tant qu’un diagnostic précis n’a pas été établi. ! Pour combattre la contraction pupillaire et aussi atténuer la douleur, on utilise l’atropine en collyre. Pour obtenir un résultat, il faut l’appliquer toutes les heures le premier jour puis régulièrement les jours suivants. A la fin du traitement, la pupille reste dilatée pendant plusieurs jours (jusqu’à 2 semaines)" ; il faut donc éviter de mettre le cheval au soleil durant cette période car il ne peut pas contracter sa pupille. Les voies d’administration La voie la plus logique pour traiter un œil est l’application locale de collyres ou de pommades ophtalmiques. Ceci doit se faire très souvent car le produit est éliminé rapidement par le liquide lacrymal. Quand la douleur Les médicaments Un œil se traite comme un autre organe, tout en respectant ses particula- CLINIQUE EQUINE MÈHEUDIN ! JANVIER 2012 est trop importante ou le cheval trop difficile, le vétérinaire peut mettre en place un système de lavage sous-palpébral qui permet de traiter l’œil sans toucher les paupières. ! Mais il n’y a pas que les gouttes qui permettent de traiter un œil. En effet, il est possible de faire des injections sous-conjonctivales, qui diffusent le produit injecté (anti-inflammatoire, atropine, antibiotique) pendant plusieurs jours. C’est le vétérinaire qui décidera de l’intérêt de procéder à cette intervention. ! Un traitement par voie générale (intraveineuse, intramusculaire, voie orale) est souvent associé au traitement local, surtout quand on cherche à atteindre les segments postérieurs de l’œil. On utilise souvent dans ce cas les antibiotiques et les anti-inflammatoires. L’ophtalmologie du cheval est une discipline délicate en médecine vétérinaire, d’autant plus que l’œil est un organe important et qu’il se défend très mal contre les différentes agressions qu’il subit. Un problème oculaire est souvent une urgence dans la mesure où l’affection peut dégénérer rapidement, un diagnostic précoce et un traitement adapté sont donc indipensables. 3