Etude du comportement de Trypanosoma brucei gambiense sur les

Transcription

Etude du comportement de Trypanosoma brucei gambiense sur les
Étude du comportement de Trypanosoma brucei gambiense
sur petits Rongeurs et Lémuriens du Congo (l)
Jean-Louis
FRÉZTL”
Félix SAMBA*
Marie-Thérèse
LOUEMBET”
*
**
RÉSUMI?
Les auteurs étudient le comportement de souches congolaises de Trypanosoma gambiense sur une cinquantaine de
Rongeurs sauvages et Lémuriens. La plupart de ces animaux se montrent plus sensibles à l’infection que le rat blanc.
Ils sont trop rapidement tués par le parasite pour pouvoir constituer des Réservoirs de Virus dans la stature, ou ètre
utilisés, en laboratoire, comme modèles pour l’étude expéritnentale de la Maladie du Sommeil.
Par contre, leur grande sensibilité au trypanosome en fait des haltes de choix pour I?solement des souches de ce
parasite.
MOTS-CL& : Mammifères - Trypanosomes - Transmission expérimentale - Congo
SUMMARY
BEHAVIOURON SMALLRODENTSAND LEMURSFROMCONGO.
The authors study the bettaviour of T. gambiense on about fifty wild rodetzts and lemurians. Thamnomys,
Dasymys, Cricetomys, Oenomys and Praomys appear three tintes more sensitive to i$ection than white rats.
In opposition, Atherurus is infected quite uneasily but cari develop a chronical disease.
Galagos are easily iizfected by T. gambiense, too. Two experimentations oit their beltaviour for Glossina sltow that,
in theJield, those animais could be contaminated,
- either, during tlze day time, beirzg bitten by Glossina while tlzey are sleeping in the hollows of trees,
- either, during the night, eating the Glossina caugJzt in their restitzg sites.
Al1 the studied animals die too quickly to be suspected to constitute N Virus Reservoirs N of Sleeping Sickness.
For the same reasons, they calz’t be easily used as models for tlze experimental stu& of trypanosomiasis.
In opposition, their great sensibility to trypanosome make them good hosts to isolate strairzs of titis parasite.
TRYPANOSCMA BRUCEIGAMBIENSE
KEY WORD~: Mammals - Trypanosomes - Laboratory - Transmission - Congo.
(1) Cette étude bénéficie d’un appui financier du Programmespécial PNUD/Banque Mondiale/OMS pour la rechercheet la
formation concernant les Maladies Tropicales.
* Parasitologiste.Maitre de Recherchesà l’O.R.S.T.O.M., B.P. 181, Brazzaville, République Populaire du Congo.
** Laborantin de 1’O.R.S.T.O.M.
*** Teclztziciennede 1’O.R.S.T.O.M.
Cak. O.R.S.T.O.M.,sér. Ent. rnéd. et Parasitol., vol. XVII, n02, 1979 : 119-126.
119
.,
J.L. FRÉZIL, F. SAMBA, M.T. LOUEMBET
I.INTRODUCTION
L’étude du comportement de Trypanosoma gambierzsesur petits mammifères sauvages présente un double
intérêt : elle peut être, soit placée dans le cadre des recherches sur l’éventuel Réservoir de Virus de la Maladie du
Sommeil, soit intégrée à la recherche d’un modèle animal
convenant mieux aux études expérimentales de cette affection que les animaux de laboratoire classiques.
Personnellement, nous ne pensons pas qu’un réservoir animal, à condition qu’il existe, joue un rôle important dans le contexte épidémiologique actuel de la Trypanosomiase (Frézil et Carnevale, 1976). Cependant plusieurs éléments font penser que les recherches doivent
être poursuivies dans ce domaine :
- En Nigeria, Baldry (1964) estime que près de
30 % des repas de Glossina taclzitzoïdes non déterminés
pourraient être pris sur rongeurs ou chauve-souris.
- Molyneux (197 1) démontre expérimentalement
que les glossines peuvent pénétrer dans un terrier de
Cricetomys ganzbianus pour se gorger.
- Enfin des analyses de repas de sang de Glossina
fuscipes quanzeizsis, provenant de Brazzaville, révèlent 6
rongeurs sur les 161 mammifères identifiés (Frézil et
Boreham, observation non publiée).
La recherche d’un modèle animal pour l’étude des
parasitoses humaines suppose que cet animal soit sensible
au parasite et que son élevage soit possible. Depuis quelques années les campagnols européens et américains font
l’objet d’étude dans cette optique (Ackerman et Seed,
1976 ; Molyneux, 1979). Cependant l’introduction en
Afrique de rongeurs provenant d’autres régions pourrait
avoir de graves repercussions sur l’équilibre biologique de
ce continent. C’est pourquoi il serait plus satisfaisant de
trouver un modèle africain pour étudier les maladies
africaines sur place.
Lémuriens : Galagoides denzidovii
Ces petits mammifères sauvages sont obtenus par
piégeage, en utilisant comme appât, des noix de palme
pour les rongeurs et des fruits de Calo,zcoba welwetchii
(Fam. Flacourtiacées) pour les Galagos.
Leur longévité en laboratoire est variable, mais est
rarement inférieure à 6 mois.
Les animaux sont inoculés, par voie intrapéritonéale,
avec diverses souches de Tryparzosoma gambiense isolées
en République Populaire du Congo (Frézil et al., 1979).
Ces souches sont normalement entretenues par transmission mécanique sur rats blancs et portent, au moment
de l’inoculation, des numéros de passage différents.
Le développement de la parasitémie est étudie, tous
les 2 ou 3 jours, par comptage sur cellule de Thoma et
examen de frottis coloré au Giemsa.
Étant donné que la virulence des souches de T.
gambiense pour les rongeurs varie en fonction de leur
degré d’adaptation au rat, la sensibilité des animaux sauvages est évaluée par comparaison à celle des rats blancs
inoculés avec le même passage. Cette sensibilité relative
est matérialisée par le rapport de la durée de vie de
l’animal étudié sur la durée de vie de rats blancs infectés
(= R) dans les mêmes conditions : ainsi l’animal est plus
sensible que le rat blanc pour un quotient inférieur à 1 et
vice versa.
Dans une précédente note (Frézil et af., 19791, nous
avons défini 5 types différents d’évolution de l’infection
chez le rat blanc. Nous avons essayé de retrouver ces
types chez les rongeurs sauvages, bien que leur durée de
vie soit nettement plus brève.
Lorsque les parasites sont visibles, mais en trop petit
nombre pour être comptés sur cellule, après dilution,
nous estimons arbitrairement que la parasitémie est de
,100 T/mm”.
2. MATÉRIEL
3. ÉTUDE DE LA PARASITÉMIE CHEZ LES RON-
ET MÉTHODES
GEURS
Ce travail porte sur 4.5 rongeurs sauvages et 6 Iémuriens : la détermination systématique au niveau des genres
n’a pas posé de problème majeur, par contre, nous
n’avons pas de certitude absolue au niveau des espèces
qui ont surtout été déterminées en fonction de leur répartition géographique, d’après Rosevear (1969).
Les animaux étudiés sont donc les suivants :
Rongeurs : Thamnomys rzztilans
Praomys jacksoni
Cricetomys gambianus
Dasymys i?zconztus
Lemnisconzys striatus
Cenomys izypoxanthus
Atherurus africanus
120
3.1. Observations
Les résultats de cette étude sont reportés dans les
tableaux 1 à VII.
Thamnomys
Les 10 rongeurs inoculés ont été infectés.
Dans tous les cas l’incubation et la durée de vie sont
nettement plus courtes que chez le rat blanc
109
=0,19
R=
565,2
Le type d’infection 1 à caractère septicémique est
dominant, bien que dans les premiers passages(RV3), on
Cah. O.R.S.T.O.M., sér. Ezzt. rnéd. et Parasitol., vol. XVII, no 2, 1919 : lF9-126.
ÉTUDE DU COMPORTEMENT DE TR YPANOSOMA BRUCEI GAMBIENSE
TABLEAU
1
Thamnornys
IT
RV 3
RV 14
RV 25
RV 26
RV 27
RV 28
RV 33
RV 34
RV 45
RV 46
Souche tic~a~o, Nb;r;;r
,
inoculee (enjours)
85 P2
104 El
157 A6
157 A6
164 A7
164 A7
165 A7
165 A7
256 A24
256 A24
2
13
2
2
2
2
2
2
2
2
Max!r?u? e;a;cse,
parasitemIe
par mm3
31
33
8
7
5
5
6
6
4
4
100
240 000
115 000
600
86 400
38 400
480 000
36 000
1000
24 000
84 E
84E
104El
104El
118 Y3
118 Y3
17
17
7
7
?
?
58
80
13
9
5
5
68 000
12000
323 000
86 000
I
Nombre
Type
mesures infection
en microns
30,8
305
32,6
33,4
362
34,6
30,9
34,l
33,s
218
5/8
212
Ul
212
l/l
212
212
m
I/l
86
32
15
36
16
35
39
12
15
4
2
1
1
1
1
1
1
1
1
Durée
Nombre
incubation jours vécus
24,s
46
4
4
337
3>7
3,7
397
2~
2,4
111
334
16,3
16,3
17,2
17,2
17,2
17,2
9,4
994
Comuaraisonavec
Taille
Rat blanc
moyenne Nombre
Type
Durée Nombre
trypanosomes mesures infection
incubation jours
en microns
vécus
Nombre
examens+
N”
RV 9
RV 10
RVll
RV 12
RV 17
RV 18
tr;iTb;es
Comparaisonavec
Rat blanc
11/15
6118
212
1/1
T + post mortem
T + post mortem
29,3
35,3
32,4
26,7
153
6
36
20
2
2
1
1
1
1
13
13
46
46
11,5
11,5
66,s
66,s
334
334
28,5
28,s
TABLEAUHI
Cricetomys
Comparaisonavec
Rat blanc
N”
RV 5
RV 6
RV 47
RV 48
RV 49
Souche hcza;on Nb;;re;F
,
inoculee (enjours)
76 Al
76 Al
271 A26
271 A26
271 A26
10
3
2
2
2
32
30
6
5
5
Max!r?~
e;zE+
paradernle
par mm3
168 000
254 000
200
60 000
40 000
619
718
212
212
212
Qy;L;;;es
Nombre
Tu?e
mesures infection
en microns
28,4
27,2
30,4
32,l
35,4
Cah. O.R.S.T.O.M., sér. Ent. rnéd, et Parasitol., vol. XVII, n02, 1979 : 119-126.
Durée
Nombre
incubation JOUQ
’
vécus
89
92
3
15
15
2
2
1
1
1
634
6,4
3
3
3
151,8
151,8
12
12
12
121
J-L. FRÉZIL, F. SAMBA, M.T. LOUEMBET
TABLEAUIV
0et10tnys
N”
RV 19
RV 20
RV31
RV 36
Maximum
Durée
Souche incubation Nombre parasitémie
inoculée (enjours) jours vécus par mm3
118 Y3
118 Y3
165 Al
165 Al
6
11
4
5
4
2
2
59 200
12 000
21600
Nombre
examens-l212
T+ post mortem.
l/l
1/1
Comparaisonavec
Rat blanc
1CUUG
moyenne Nombre
Type
Nombre
Durée
trypanosomes mesures infection
jours
incubation vécus
en microns
36,5
31,s
1
1
1
1
12
15
11,s
11,s
337
3,7
28,5
28,5
17,2
17,2
TABLEAUV
Praomys
N”
RV 4
RV 7
RV 15
RV 16
RV21
RV 22
RV23
RV 35
RV 31
RV38
RV43
RV44
Comparaisonavec
Taille
Maximum Nombre
Durée
Rat blanc
Nombre
moyenne
Nombre
Souche
Type
parasitémie examens+ trypanosomes mesures infection
inoculee
, incubation
.
,
(enjours) jours vecus par mm3
Durée
Nombre
en microns
incubation jours vécus
85 P2
12 Y2
104 El
104El
157 A6
157 A6
157 A6
165 Al
160 A6
160 A6
256A24
256 A24
2
3
1
1
2
7
2
2
2
1
2
2
131
8
50
12
6
23
6
6
13
35
4
1
100
153 600
210 000
15 800
8 600
86 400
128 000
400 000
100
12 800
1400
600
1134
112
6112
112
1/1
315
I/l
212
314
618
1/1
l/l
35,4
32,0
26
35
31,9
34p
36,4
39,2
36,8
37,s
31,2
14
46
21
13
19
15
31
11
71
15
14
4
2
5
‘2
1
2
1
1
2
2
1
1
24,5
12,8
46
46
4
4
4
377
4
4
2,4
2,4
111
138,5
334
334
16,3
16,3
16,3
17,2
16,3
16,3
994,
994
TABLEAUVI
Letnniscotnys
Iv
RV 13
RV 29
RV 30
RV 39
RV 40
RV41
122
Comparaisonavec
Taille
Maximum
Durée
.1---1~-Rat blanc
moyenne l\OIIlDlX
Souche incubation . Nombre parasitémie Nombre
Type
examens+ trypanosomes mesure:
3 infection
inoculée (enjours) JOUIS vécus.
Durée
Nombre +
par mm3
en microns
incubation jours vécus
104 El
164 Al
164 Al
160 A6
160 A6
160 A6
2
2
7
6
12
29
20
1
7
100
7 000
96 000
Of3
214
419
416
OI3
OI3
32,6
35,4
14
54
4
5
2
3,7
397
4
17,2
17,2
16,3
Cah. O.R.S.T.O.M., sér. En?. tnéd. et Parasitol., vol. XVII, no 2, 1979 : 119-126.
ÉTUDE DU COMPORTEMENT DE TRYPAN~S~M,~BRUCE~GAMBIENSE
VII
Atherurus
TABLEAU
lv
RV 8
RV 32
Comparaisonavec
Taille
Maximum hTnml.rn
Rat blanc
hTnml-.*n
‘Arnkm
mnxrnnno
“‘“J VILIL” I,“II.“IY
Souche
N,,,.,,,.
parasitémie IY”I,A”I”
Type
, ,za20n
examens+ trypanosomes mesures infection
inoculee (enjours) jours vecus par mm3
Durée Nombre
en microns
incubation joursvécus
12 Y2
164 Al
13
112
59
100
0135
2116
puisse observer le type 4 à parasitémie faible et allure
chronique.
Dasymys
Tous’les rats inoculés (6) prennent l’infection, toutefois la durée de l’incubation et de la vie de ces animaux
peut être plus brève que chez le rat blanc.
170
R= 858 =0,19
L’évolution de la maladie se classe dans les types 1 et
2, à haute parasitémie.
Cricetomys
Ces rongeurs s’infectent tous (5) et leur longévité est
toujours inférieure à celle des rats blancs, toutefois la
durée de l’incubation peut être moins longue.
R=
78
33g,6 =0,22
L’infection est du 1” et du 2’ type.
Oenomys
Comme chez les Thamnonzwvs,tous les animaux s’infectent (4) et montrent une incubation et une durée de vie
inférieure à celle des rats blancs.
24
R= 91,4 =0,26
Seul le type d’infection 1 est observé.
Praontvs
Les 12 rongeurs inoculés s’infectent mais, dans trois
cas, la survie est plus élevée que chez le rat blanc. L’incubation est également plus longue dans deux cas.
301
R= 1 035 =0,29
Les infections se rangent en majorité dans les types 1
et 2, mais on peut également voir le type 4 chronique et
le type 5, où la parasitémie, au début très faible, montre
ensuite des pics de plus en plus grands.
Letnniscotnys
Sur les 6 rats inoculés, 3 meurent rapidement sans
4
337
17,2
développer d’infection apparente, et 2 des 3 autres montrent une longévité supérieure au rat blanc.
61
R==1,2
Le type 1 septicémique est absent.
Atherurus
Deux exemplaires seulement sont inoculés.
Le premier reste négatif et le second développe une
infection chronique, malgré une inoculation massive
(20 160 000 T.).
Sur 16 examens, le trypanosome n’apparaît que 3
fois et en très faible quantité.
R=17,2=34
59
’
Le cours de l’infection est évidemment du 4” type.
3.2. Discussion
- Notons tout d’abord que l’étude biométrique ne
présente pas un grand intérêt. En effet lorsque la parasitémie se développe rapidement, les formes grêles prédominent largement et leur longueur moyenne oscille autour
de celle qu’on observe chez le rat blanc (32 p.1
- Les 5 premiéres espècesde rongeurs étudiées présentent un comportement similaire vis-à-vis de l’infection.
En effet, tous les rats inoculés deviennent positifs et,
en règle générale, développent une infection plus rapidement mortelle que les rats blancs inoculés dans les mêmes
condition.
Comme le rapport R est toujours inférieur à 0,3, on
peut estimer que ces animaux sont trois fois plus sensibles
au trypanosome que le rat blanc.
11faut toutefois remarquer qu’il existe une corrélation
étroite entre le no du passage, c’est-à-dire le degré d’adaptation de la souche au rat, et la longévité des animaux
inoculés.
En effet, les rongeurs sauvages ont une durée de vie
toujours plus élevée avec les trypanosomes des premiers
Cah. O.R.S.T.O.M.,sér. Etat. méd. et Parasitol., vol. XVII, rP2, 1979 : 119-126.
123
J.L. FRÉZIL, F. SAMBA, M.T. LOUEMBET
passages. Ils montrent en cela un comportement identique, mais à un degré moindre, à celui du rat blanc.
Les Lemniscotnys, par contre, apparaissent comme de
piètres hôtes pour T. garnbiense. En effet, non seulement
ils s’infectent difficilement, mais encore leur durée de vie
est très courte.
L’Athérure, au contraire, s’infecte difficilement mais
peut garder pendant longtemps une infection cryptique.
Cette observation rejoint celles de Van den Berghe et
al., (1963) avec T. brucei et de Corson (1932, in Fairbairn, 1954) et Ascroft et al. (1959) sur porc-épic (Hystrix
africae austral&) avec T. rhodesiense.
4. ÉTUDE DE LA PARASITÉMIE CHEZ LES GALAGOS
4 .I . Introduction
Le Galagoides dernidovii est un ravissant petit lémurien arboricole, dont l’allure générale évoque celle de
l’écureuil. Il est naturellement infecté par Trypanosonta
perodictici, probablement transmis par Anopheles cinctus
(Frézil et Adam, 197 1).
L’écologie, l’éthologie et la répartition géographique
des Galagos en font un animal très intéressant dans
l’étude des Réservoirs de Virus potentiels.
En effet, ces lémuriens sont répandus sur un large
territoire dans toutes les zones forestières de l’Afrique
occidentale, centrale et orientale, c’est-à-dire, grossomodo, l’aire de distribution de la maladie du sommeil.
Ils (( ont une activité surtout nocturne : pendant le
jour, ils dorment, groupés ou isolés, dans le creux d’un
arbre qui a la signification d’un véritable nid. Ils se
nourrissent d’insectes dont ils se saisissent avec les
doigts » (Grass& 195.5).
Théoriquement, donc, ces animaux sont exposés à la
contamination par les glossines.
Deux expérimentations ont été réalisées pour étudier
leur comportemènt vis-à-vis de ces insectes.
4.2. Relations des galagos avec les glossines
Ire EXPÉRIMENTATION
- A 8 h, 3 lots de 15 mâles à jeun de Glos&a
.fuscipes quanzensis sont lâchés, respectivement, dans 3
cages de 35 x 35 X 35 cm contenant chacune un Galago
de Demidoff.
La cage 1 est placée à l’obscurité, la cage 2 dans la
pénombre, et la cage 3 sous éclairage vif (néon).
124
Résultats :
cage 1 et 2 : à 13 h, les Galagos ont dévoré toutes les
glossines.
cage 3 : à 13 h, 3 glossines sont gorgées sur le Galago
qui semble dormir.
à 21 h, une quatrième glossine est gorgée.
Le lendemain à 7 h, seules survivent les 4 glossines
gorgées. Les cadavres des autres sont intacts sur le plancher de la cage.
2' EXPÉRIMENTATION
- Quinze mâles de capture de Glossina fuscipes
quanzensis sont gorgés sur un rat blanc infecté par la
souche A, à son premier passage (Frézil et al., 1979).
- Aussitôt gorgées, les mouches sont lâchées dans
une cage contenant un Galago; l’ensemble est immédiatement placé à l’obscurité.
- Deux heures après, le Galago a dévoré 14 glossines. La 15” est disséquée et montre de nombreux trypanosomes.
- L’animal est ensuite suivi parasitologiquement
pendant 2 mois et demi : seul T. perodictici est observé à
2 reprises.
COMMENTAIRE
Il ressort nettement de ces expériences que les Galagos sont friands de Glossines et, que, en retour, les
Glossines peuvent se gorger sur le Galago.
4.3. Étude de T. gambiense chez le Galagoides demidovii
4.3 .l. EXPÉRIMENTATION
Deux Galagos sont inoculés par voie intrapéritonéale
avec les souches de T. gambiense au 1“et 3 epassage sur
rats blancs (Tableau VIII ci-dessous).
Les 2 animaux sont, au départ, porteurs de T. perodictici.
Le cours de l’infection et l’évolution de la maladie se
montrent très proches chez les deux spécimens : leur
durée de vie et la parasitémie maximum donnent des
valeurs pratiquement identiques.
Par contre, à l’examen à frais, nous avons été frappés
par le fait que les mouvements des trypanosomes paraissent beaucoup plus lents que chez le rat.
De même, sur frottis colorés, le pourcentage des
formes trapues est beaucoup plus élevé que chez le rat et
oscille entre 20 et 40 90.
Il semble donc que la défense immunologique soit
beaucoup plus forte chez ces Prosimiens que chez les
Rongeurs.
Cah. O.R.S.T.O.M., se?. Ent. rnéd. et Parasitol., vol. XVII, no 2, 1979 : 119-126.
ÉTUDE
Du COMPORTEMENT DE TR YPANosOMA
BRUCE~ GAMBIENSE
TABLEAUVIII
Évolution de T. gambiense chez le Galago.
Galago
Souche
inoc Se
Durée
incubation
(enjours)
Nombre
jours vécus
Maximum
parasitémie
parmma
GO
14 R3
5
28
160 000
0.57
76 Al
2
28
168 000
Deux explications peuvent être apportées à cela :
- ou bien les Galagos ont un comportement très
proche de l’homme vis-à-vis des trypanosomes,
- ou bien la présence du T. perodictici provoque
l’apparition d’anticorps réagissant également contre T.
garnbieme.
Notons que la présence de T. garnbietne ne semble
pas gêner outre mesure le développement de T. perodictici
puisque 9 jours après l’inoculation du G 57, nous avons
vu 2 exemplaires de ce dernier sur frottis, parmi de
nombreuses formes de T. gambieme.
En résumé, les Galagos se montrent très sensibles à
T. gatnbiense, bien que nous n’ayons pas réussi à les
contaminer par ingestion de glossines infectées (cette dernière expérimentation mériterait toutefois d’être répétée
avec ,des mouches porteuses de formes métacycliques).
Nombre
examens+
CONCLUSION
En règle générale, les petits mammifères africains
montrent, pour T. gatnbiense, une sensibilité plus grande
que les hôtes de laboratoire classiques.
Comme ces animaux sont rapidement tués par le
parasite, il semble difficile, à priori, de les incriminer
comme Réservoirs de Virus.
Parmi les rongeurs sauvages, seul 1’Athérure présente
une évolution de la parasitémie à caractère chronique,
mais il semble difficile à infecter et ses mœurs nocturnes
le mettent, en principe, à l’abri des glossines.
Le Galago, par contre, grâce à son double contact
Nombre
mesures
ll/ll
w3
Type
infection
2
28
124
5
avec les Tsétsés, pourrait être un bon Réservoir de Virus,
mais la durée de son infection est encore trop faible.
Il faut toutefois remarquer que le stress lié à la
captivité accélère certainement l’évolution défavorable de
la maladie et que, dans les conditions naturelles, l’affection est peut-être plus longuement supportée.
Cette évolution rapide de la maladie fait, de tous les
animaux que nous avons étudiés, de piètres modèles pour
l’étude des Trypanosomes.
Par contre, leur grande sensibilité à ce parasite en fait
des hôtes de choix pour l’isolement des souches, ce qui
confirme les observations de Larivière (1957) sur le Cricetot?l~vs.
4.3.2. DISCIJSSKIN
D’après cette série d’expérimentations, il se pourrâit
que les glossines puissent infecter les Galagos, pendant la
journée, tandis qu’ils dorment dans les creux des arbres.
Bien que nous n’ayons pu le confirmer, il se pourrait
également que ces animaux s’infectent la nuit en dévorant
les glossines capturées dans leurs lieux de repos.
Taille
moyennedes
destrypano.
en microns
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