Cass. Crim. 17 octobre 2000
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Cass. Crim. 17 octobre 2000
Page 1 Document 5 de 6 Cour de cassation Chambre criminelle 17 Octobre 2000 Rejet N° 00-80.308 Publié au Bulletin M. Cotte, Président Mme Mazars, Rapporteur M. Di Guardia, Avocat général la SCP Thomas-Raquin et Benabent, Avocat REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS REJET du pourvoi formé par Emin Patrick, contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 24 novembre 1999, qui, pour détention en vue de la vente de produits contenant des fibres d'amiante, l'a condamné à 28 amendes de 800 francs chacune et a ordonné la confiscation et la destruction des objets saisis. LA COUR, Vu le mémoire produit ; Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-1 du Code pénal, L. 221-3 et L. 223-1 du Code de la consommation, 1 et 5 du décret du 24 décembre 1996, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale : " en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Patrick Emin, président du conseil d'administration des sociétés anonymes Eldorauto Bonneuil et Eldorauto, coupable de la contravention de détention, en vue de la vente, de 28 produits contenant des fibres d'amiante interdites et l'a condamné à 28 amendes de 800 francs chacune ; " aux motifs qu' "il résulte des procès-verbaux établis le 3 juillet 1997 que Patrick Emin a reconnu les faits" ; que Patrick Emin, ainsi qu'il ressort des K bis joints aux procédures, exerce les fonctions de président du conseil d'administration, à la fois de la SA Eldorauto Bonneuil dont dépend le magasin Eldorauto de Bonneuil, et de la SA Eldorauto, dont dépend le magasin de Coignières dans les Yvelines ; que c'est en sa qualité de responsable juridique des deux sociétés que deux procès-verbaux ont été établis à son encontre ; que ces deux sociétés anonymes ont leur siège social au même endroit, à savoir ZAC de la Fosse aux Moines à Bonneuil ; " et aux motifs adoptés que "la matérialité des faits n'est pas contestée mais que le prévenu invoque une délégation de pouvoirs au profit de Jean-Claude Becquaert, directeur général de la société Eldorauto à l'époque des faits" ; " que le prévenu produit la lettre d'embauche de Jean-Claude Becquaert en tant que directeur d'exploitation de la société Eldorauto ainsi qu'un procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de ladite société désignant Jean-Claude Becquaert en qualité de directeur général ; que la lettre d'embauche en date du 25 novembre 1988, pour la société Eldorauto en cours de constitution, ne comporte aucune délégation de pouvoirs, pas plus que la lettre de mission qui y est annexée et qui n'est qu'une lettre type datée de juin 1987 ; que le conseil d'administration de la société Eldorauto a désigné Jean-Claude Becquaert, lors de sa séance du 3 août 1993, en qualité de directeur général et lui a conféré les mêmes pouvoirs que ceux appartenant au président du conseil d'administration pour agir en toutes circonstances au nom et pour le compte de la société, en qualité de mandataire social, ce qui ne constitue pas une délégation de pouvoirs, Page 2 laquelle résulte nécessairement d'un contrat de travail ; que, dans ces conditions, il y a lieu de dire qu'aucune délégation de pouvoirs ne permet au prévenu de se décharger de sa responsabilité pénale et de déclarer celui-ci coupable des 28 contraventions qui lui sont reprochées ; " alors que le chef d'entreprise, qui n'a pas personnellement pris part à la réalisation de l'infraction, peut s'exonérer de sa responsabilité s'il rapporte la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l'autorité, et des moyens nécessaires ; que la preuve d'une telle délégation de pouvoirs, qui n'est soumise à aucune forme particulière, peut résulter à l'égard d'un directeur général d'une société anonyme notamment d'une décision du conseil d'administration prise en accord avec le président ; qu'en retenant qu'une telle délégation de pouvoirs ne pouvait résulter que d'un contrat de travail et en écartant pour cette raison les délégations de pouvoirs invoquées par le prévenu et résultant des délibérations des conseils d'administration des sociétés Eldorauto et Eldorauto Bonneuil en date respectivement des 3 août et 29 octobre 1993, désignant Jean-Claude Becquaert directeur général de chacune de ces sociétés et l'investissant, en accord avec Patrick Emin, président du conseil d'administration, des mêmes pouvoirs que celui-ci pour agir en toutes circonstances au nom et pour le compte de la société, et sans même constater que Jean-Claude Becquaert ne serait pas pourvu de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; " alors, en outre, qu'en condamnant Patrick Emin en sa seule qualité de président du conseil d'administration des sociétés Eldorauto Bonneuil et Eldorauto dans les magasins respectifs desquelles ont été constatées les infractions, sans répondre aux conclusions du prévenu faisant encore état de la délégation de pouvoirs consentie à M. Mouy, engagé comme directeur du magasin Eldorauto de Coignières et pourvu de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés " ; Attendu qu'il résulte de l'arrêt confirmatif attaqué que Patrick Emin, président du conseil d'administration des sociétés Eldorauto et Eldorauto Bonneuil qui commercialisent des accessoires pour automobiles, est poursuivi pour détention en vue de la vente de produits contenant des fibres d'amiante, contraventions prévues et punies par les articles 1 et 5 du décret du 24 décembre 1996 relatif à l'interdiction de l'amiante, pris en application de l'article L. 223-1 du Code de la consommation ; Attendu que, pour le déclarer coupable de ces infractions et écarter le moyen de défense du prévenu qui prétendait avoir délégué ses pouvoirs à Jean-Claude Becquaert, directeur général, lequel les avait subdélégués aux directeurs de magasin, les juges retiennent, par motifs propres et adoptés, que ni la lettre d'embauche, ni la lettre de mission confiant à celui-ci la fonction technique de directeur d'exploitation, ni la décision du conseil d'administration le désignant comme directeur général ne constituent une délégation de pouvoirs ; Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, procédant de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve soumis au débat contradictoire, d'où il résulte que le prévenu n'avait pas délégué ses pouvoirs, en la matière, au directeur général de la société et ne pouvait, en conséquence, invoquer une subdélégation consentie par ce directeur général aux directeurs de magasins, la cour d'appel, qui a répondu comme elle le devait aux chefs péremptoires des conclusions déposées devant elle, a justifié sa décision ; D'où il suit que le moyen, inopérant en ce qu'il invoque une délibération du conseil d'administration conférant au directeur général des pouvoirs identiques à ceux du président, exercés concurremment aux siens, ne saurait être accueilli ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; PAR CES MOTIFS REJETTE le pourvoi. Contentieux Judiciaire Numéro JurisData : 2000-006846 Abstract Page 3 Droit pénal de la consommation, sécurité, détention ou mise sur le marché d'un produit dangereux ou toxique ou interdit, vente de produits contenant des fibres d'amiante, article 5 du décret du 24 décembre 1996, article L. 223 1 du Code de la consommation, décision de condamnation justifiée (oui), vente d'accessoires automobiles, plaquettes de freins contenant de l'amiante, personne punissable, responsabilité pénale du président du conseil d'administration de la société (oui), existence d'une délégation de pouvoirs au profit du directeur général (non), motivation des juges du fond, insuffisance d'une lettre d'embauche ou d'une lettre de mission ou d'une décision de nomination aux fonctions de directeur général du conseil d'administration, conséquence, prétendue subdélégation aux directeurs des magasins de l'entreprise, argument inopérant en l'absence d'une délégation initiale, rejet. Résumé C'est à bon droit que la cour d'appel a retenu la culpabilité du président du conseil d'administration des sociétés pour détention en vue de la vente de produits contenant des fibres d'amiante. Par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve, elle a retenu que le prévenu n'avait pas délégué ses pouvoirs en la matière au directeur général, ni la lettre d'embauche, ni la lettre de mission confiant à celui-ci la fonction technique de directeur d'exploitation, ni la décision du conseil d'administration le désignant comme directeur général ne constituant une délégation de pouvoirs. Titrage SOCIETE, Société par actions, Société anonyme, Président du conseil d'administration, Responsabilité pénale, Exonération, Cas, Délégation de pouvoirs, Directeur général, Condition. RESPONSABILITE PENALE, Chef d'entreprise, Exonération, Cas, Délégation de pouvoirs, Conditions, Société anonyme, Président du conseil d'administration, Directeur général. Sommaire La délibération du conseil d'administration d'une société anonyme, prise en application de l'article 117 de la loi du 24 juillet 1966, qui confère au directeur général des pouvoirs identiques à ceux exercés par le président concurremment aux siens, ne constitue pas une délégation de pouvoirs exonérant le président de sa responsabilité pénale. Justifie sa décision la cour d'appel qui déclare le président du conseil d'administration d'une société anonyme coupable de détention en vue de la vente de produits contenant des fibres d'amiante après avoir constaté, pour écarter le moyen de défense du prévenu, que le président n'a pas délégué ses propres pouvoirs en la matière nonobstant la délégation du conseil d'administration au directeur général, et qu'il ne peut, en conséquence, se prévaloir des subdélégations données par le directeur général à des préposés. Décision Antérieure Cour d'appel PARIS Chambre 13 24 novembre 1999 Code cité Code de la consommation, article L. 223-1 Page 4 Législation - Réglementation citée Décret du 24 décembre 1996, article 5 Loi n° 66-537, 24 juillet 1966, art. 117. Jurisprudence citée À comparer : Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 juillet 1996, Bulletin criminel 1996, n° 301, p. 912 (rejet). Publication Bulletin criminel 2000 N° 300 PAGE 880 Revue Semaine juridique JCP E - édition Entreprise et affaires 31 mai 2001 N° 22 PAGE 905 - NOTE J H ROBERT © LexisNexis SA