Mariée à un play-boy - e
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Mariée à un play-boy - e
TabledesMatières PagedeTitre TabledesMatières PagedeCopyright 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. ©2008,SarahMorgan.©2010,Traductionfrançaise:Harlequin S.A. 83-85,boulevardVincent-Auriol,75013PARIS–Tél.:01421663 63 978-2-280-21475-9 COLLECTIONAZUR Toutereprésentationoureproduction,parquelqueprocédéquecesoit,constituerait unecontrefaçonsanctionnéeparlesarticles425etsuivantsduCodepénal. ServiceLectrices–Tél.:0145824747 www.harlequin.fr Chèrelectrice, Quevoussoyezencoreenvacancesoudéjàderetour,vousallezadorervousplongerdansles romansquej’aisélectionnéspourvouscemois-ci.Intensesetsensuelles,leshistoiresquejevous proposededécouvrirpourconclurecettesaisonestivalesaurontvouscaptiveretvoustransporter. Pourcommencer,jevousinviteàvousplongerdanslederniertomedenotresaga,L'héritière desKaredes,deCarolMarinelli(Azurn°3034).EnvenantservirleroiZakaridanssaretraiteen pleincœurdudésert,Effienes’imaginaitpasqu’elletomberaitamoureusedecesuperbecheikhet encoremoinsqu’illademanderaitenmariagealorsqu’ellen’estqu’unesimpledomestique.Dans cederniervolume,vousferezunesurprenantedécouverteetpercerezenfinlemystèredudiamant Stefani.Undénouementquinevousdécevrapas,soyez-ensûre! N’oubliez pas non plus les autres romans de votre collection, des récits captivants mettant en scène des personnages passionnés. Dans Une accusation si troublante (Azur n° 3031, de Daphne Clair),vousserezstupéfaiteparlecomportementdeMarcoqui,unbeaujour,seprésenteàlaporte d’Amberenl’accusantdeluiavoircachél’existencedesonfils.Pourtant,Amberenestsûre:elle n’ajamaisrencontrécethommeauparavant… Partagez également le désarroi de Cairo, obligée de cohabiter avec Rafe, son grand amour, qu’ellepensaitnejamaisrevoiraprèsleursoudainerupture(La flamme de la passion, de Carole Mortimer,Azurn°3028). Enfin,pensezàprofiterdenotrepackspécial,pourencoreplusderêveetd’évasion. Jevoussouhaiteunmerveilleuxmoisd’août, Bonnelecture, Laresponsabledecollection Sivousachetezcelivreprivédetoutoupartiedesacouverture,nousvoussignalonsqu’il estenventeirrégulière.Ilestconsidérécomme«invendu»etl’éditeurcommel’auteurn’ont reçuaucunpaiementpourcelivre«détérioré». Cetouvrageaétépubliéenlangueanglaise sousletitre: THEVASQUEZMISTRESS Traductionfrançaisede JEAN-BAPTISTEANDRE ARLEQUIN® estunemarquedéposéeduGroupeHarlequin etAzur®estunemarquedéposéed’HarlequinS.A. 1. Elle se tenait en selle droite comme un i, ses cheveux scintillants comme une cascade d’or liquidesouslesoleilbrûlantd’Argentine. Lorsqu’ill’avaitaperçue,ilenavaitd’abordconçudel’irritation:ellepoussaitsonchevaltrop viteparunetellechaleur.Etelletroublaitlasolitudequ’ilétaitvenuchercherdanslapampa. Mais, son irritation s’était transformée en incrédulité lorsque la cavalière s’était approchée et qu’il avait reconnu le cheval qu’elle montait. Une bouffée de colère l’avait alors envahi à l’encontredeceluioudecellequil’avaitlaisséepartiravecuntelanimal. Maissamauvaisehumeursedissipabienvitequandellefutenfinassezprochepourqu’ilpuisse discerner ses traits. Il avait passé sa vie entourée de filles magnifiques et la beauté ne l’impressionnaitplus.Pourtant,ilnepouvaitdétachersesyeuxduvisagedelacavalière.Sapeau était laiteuse et délicate, ses membres minces et graciles et ses courbes affolantes placées exactementoùilfallait. A croire qu’elle avait été créée par les dieux et mise sur terre pour tenter les hommes. Et les conduireàleurperte,songea-t-ilavecunsourirecynique.Ilétaitd’unnaturelsiméfiantqu’ilse demandamomentanémentsicetterencontre,aubeaumilieud’ununiversd’herbesquiondulaient jusqu’àl’horizon,étaitlefruitduhasardoud’unsavantcalcul. C'étaitlehasard,décida-t-il,sonoptimismel’emportant.Unhasardparticulièrementheureux. Faithserralesjambesautourdesamonture.Lechevalavaitlesoreillescouchées,etils’étaitmis à ruer pour la désarçonner. Les dents serrées, les pieds fermement calés dans les étriers, elle parvintmalgrétoutàresterenselle. –Tuesvraimentdemauvaisehumeuraujourd’hui,Fuego,marmonna-t-elle.Pourtagouverne, jen’aipasl’intentiondetomberlà,aumilieudenullepart.Noussommesàdeskilomètresdela maison.Alorsgardetesforces. La chaleur était devenue étouffante. Elle se pencha pour attraper sa gourde mais se figea en percevantunmouvementauxconfinsdesonchampdevision,prèsdelarivière.Elleseretournaet eutlesoufflecoupéàlavuedel’hommequil’observait. Elle avait été trop occupée à rester en selle pour le remarquer. Mais il avait à présent son attention pleine et entière. Car c’était l’homme le plus incroyablement séduisant qu’elle avait rencontrédepuissonarrivéeenArgentine.Grandetbâtitoutenmuscles,ildonnaitnéanmoinsune impressiondesouplesseetdegrâce,pareilàunfauvesurlepointdebondir.Maisleplusétonnant, c’étaitl’auradesensualitéquil’entouraitcommeunchampmagnétique. –Quelquechosenevapas,mademoiselle? Savoix,graveetveloutée,semblapénétrerdanssesveinestelleunedrogue.Faithsesentitprise d’unaccèsdefaiblesse. Samonture,percevantunfléchissementdanssaconcentration,enprofitapoursecabrer.Avecun cri,elles’envolapouratterrirlourdementsurlesfessesdanslapoussière. – Décidément…, grommela-t-elle, vérifiant avec précaution qu’elle n’avait rien de cassé. Ce chevalavraimentbesoind’unpsychiatre. Deuxlargesmainsserefermèrentautourdesataillepourlaremettresurpiedcommesiellene pesaitrien. –Non.Ilabesoind’uncavalier,pasd’unecavalière. –Jesuisexcellentecavalière,répliqua-t-elle.C'estvousquim’avezdéconcentréeensortantde nullepart… Savoixseperditdansunmurmurecommel’hommeplongeaitsesyeuxdanslessiens. – Je pensais que vous m’aviez vu. La pampa n’offre pas beaucoup d’endroits où se cacher, vu l’absencederelief. –J’étaispréoccupéeparmamonture. –Vousallieztropvite. – C'est à cet animal qu’il faut le dire, pas à moi. Je suppose que c’est pour ça qu’on l’appelle Fuego. Mon espagnol est médiocre mais je sais que ça signifie « feu ». C'est lui qui a choisi l’allure,pasmoi. Elles’arrêtapourreprendresonsouffle.Elleavaitégalementlatêtequitournaitetlesmembres lourds.Maisqueluiarrivait-il? C'étaitsansdoutel’effetdelachaleurquipesaitcommeunechapesurlapampaetfaisaitvaciller l’horizontelunmirage. – Vous venez de l’Estancia La Lucia ? demanda l’homme en se retournant même s’il était impossible de voir le ranch, à une heure de trajet. Vous ne devriez pas sortir seule, sans un palefrenier. – Epargnez-moi votre numéro de macho argentin, répliqua-t-elle sèchement. Je ne suis pas d’humeur. –Monnumérodemachoargentin?répéta-t-ilenlevantunsourcilmoqueur. –Voussaveztrèsbiencequejeveuxdire,répondit-elletoutens’époussetant.Lestyle«homme descavernes». –Intéressant,réponditsoncompagnonenriant.VousêtesenAmériqueduSud,cariño. Ici, les hommessontdeshommes,desvrais. –Oui,j’airemarqué.Depuisquejesuisdescenduedel’avion,j’ail’impressiondenagerdansla testostérone. –BienvenueenArgentine. Ilyavaitdelamoqueriedanssavoixmaiségalementunaccentséducteurquiluinoual’estomac. Elles’envoulutaussitôtdesavulnérabilité,ellequis’étaittoujoursconsidéréecommeunefemme forteetindépendante. –Voustravaillezici? Ileutunehésitationsibrèvequ’ellesongeaunmomentqu’ellesel’étaitimaginée. –Oui. –Vousavezdelachance. Ildevaitêtregaucho,l’undecescow-boysquiveillaientsurlestroupeauxdebétail.Détournant le regard, elle se demanda pourquoi l’inconnu avait cet effet sur elle. D’accord, il était très séduisant, mais l’Argentine regorgeait d’hommes séduisants. Lui, il avait quelque chose de différent… –Vousparlezparfaitementanglais,remarqua-t-elle. –C'estparcequ’ilm’arrivedeparlerauxfemmesavantdelesjeterentraversdemonépauleet delesemmenerdansmacaverne. Illuisourit,puisbaissalesyeuxsurseslèvresenfronçantlégèrementlessourcils,commes’il réfléchissait à quelque chose. La chaleur, déjà oppressante, devint franchement insupportable. La tension sexuelle, entre eux, monta elle aussi d’un cran, si bien que Faith eut l’impression de se pencherinvolontairementverslui,attendantlemomentoùill’embrasseraitenfin. L'intensité de son désir la déroutait d’autant plus qu’elle avait passé son temps, depuis son arrivée, à repousser les avances de nombreux hommes. Elle était ici pour travailler et pour apprendre,paspourrencontrerquelqu’un. Etpourtant,seslèvrestressaillaientd’impatience.Leregarddesoninconnu,lourddesensualité, latenaitprisonnière.Ilsouriaitcommes’ilsavouraitlemomentetpouvaitlirelamoindredeses pensées. Une chaleur liquide explosa au creux de son être, plus intense que tout ce qu’elle avait jamaiséprouvé. Retenant son souffle, elle attendait le moment fatidique. Quelque chose allait se passer, c’était sûr.Sonintuitionluisoufflaitquecethommeavaitlepouvoirdebouleversersavie. Maisaulieudel’embrasser,iltournasoudainlatêteversFuego. –Votrechevalasoif.Ilabesoindeboire. Libéréedelaforcehypnotiquedesonregard,ellesesentitrougirjusqu’auxoreilles,tandisque sesjambesmenaçaientdesedérobersoussonpoids. –Monchevalabesoindebeaucoupdechoses,marmonna-t-elle. Elleétaitcomplètementdéstabilisée.S'était-elleimaginécettealchimieentreeux? EllelesuivitduregardcommeilprenaitFuegoparlabrideetlemenaitàlarivière,oùl’animal sedésaltéra.Non,ellenes’étaitrienimaginé.C'étaitjustequ’ellen’avaitpasaffaireàunadolescent impatientd’enfinirmaisàunhommesûrdeluietdesaséduction.Ellesavait,mêmesiellen’aurait sudirecomment,qu’iljouaitavecelle. Furieuse contre elle et contre lui, elle s’avança vers la rivière, affectant le plus grand détachement.Elleneluilaisseraitpasvoiràquelpointill’affectait. –Jedoisrentrer,annonça-t-elle. Sansattendresaréponse,ellepritlesrênesdeFuegoetremontaenselle.Leregardquel’homme posasursesjambesneluiéchappapasetconfirmaqu’ellenes’étaitpastrompée.L'attiranceétait bienmutuelle. –Attendez. SamainserefermasurlemorsdeFuego,l’empêchantd’avancer. –Quefaites-vousàl'estancia?Voustravaillezàl’entretien? –Voilàdenouveauvospréjugés.TouslesArgentinsquej’airencontréssemblents’imaginerque laplaced’unefemmeestau… Elle s'interrompit juste avant de dire « lit » mais l’homme sourit et leva vers elle un regard malicieux. –Vousdisiez?NousautresArgentinspensonsquelaplaced’unefemmeestau…? Il était si diaboliquement séduisant que l’espace d’un instant, elle se trouva incapable de prononcer le moindre mot. Répondre entraînerait la conversation en territoire dangereux. Ce qu’ellevoulaitéviteràtoutprix. –…auxfourneaux,répondit-elled’unevoixtremblante. –Auxfourneaux?répétal’hommesanschercheràdissimulersonironie.Sic’estcequevous croyez,alorsvousavezmalcompriscommentfonctionnelecerveaudumâleargentin. – Le cerveau du mâle argentin, ou de n’importe quelle autre nationalité, ne m’intéresse pas le moinsdumonde.Saufsilemâleenquestionestuncheval. –C'estcequivousamèneenArgentine?Noschevaux? Faithbalayal’immenseplateauherbeuxduregardavantderépondre: –JesuisvenueaprèsavoirluunarticlesurRaulVásquez. Soncompagnon,àlamentiondecenom,sefigea. –VousavezfaitdesmilliersdekilomètrespourrencontrerRaulVásquez?demanda-t-il,lavoix soudainteintéed’unsoupçondefroideurqu’ellen’avaitpasdétectéjusque-là.Vousêtesàlachasse aumilliardaire? Faithledévisageaavecstupeuravantd’éclaterderire. – Bien sûr que non, ne soyez pas ridicule. Premièrement, l’argent ne m’intéresse pas et deuxièmement,jenel’aijamaisrencontré.Ilestpeut-êtretrèslaid. –Cen’estpascequ’ondit,répondit-il,soudainamusé. –Quoiqu’ilensoit,ilestauxEtats-Unisencemoment,oùilnégociejenesaisquelcontratqui va sûrement lui rapporter des millions de dollars. Il emploie des milliers de personnes, ce qui signifiequejenelerencontreraisûrementjamais. –Etçavousdécevrait? – Pas le moins du monde. L'homme ne m’intéresse pas. Ce qui m'intéresse, en revanche, c'est l'estancia où il élève des chevaux de polo. Raul Vásquez lui-même est un joueur célèbre. Ses chevauxsontlesmeilleursdumonde.J’ailuunarticleécritparEduardo,sonvétérinaireenchef,je l’aicontacté,etj’aiobtenuuntravailauculot.Jen’arrivaispasàycroire. –Eduardovousaembauchée? Sontonperplexelaissaitdevinersonincrédulité. –Vousêtesvétérinaire? –Oui,jesuisvétérinaire,réponditFaithengrinçantdesdents.Bienvenueauxxie siècle, où les femmes peuvent devenir vétérinaires. Certaines sont même capables de parler et de marcher en mêmetemps,mêmesilesnouvellesdecetexploitnesontpasencoreparvenuesenArgentine. –Jesaisquelesfemmespeuventêtrevétérinaires,répondit-ild’untonégal.MaisLaLuciaestun ranchoùl’onélèvedesétalons,pasunpetitcabinetdeprovince. –Merci,maisjen’aipasenvied’unpetitcabinetdeprovince.Mapassion,cesontleschevaux. Lesyeuxdel’hommedescendirentsursesbrasets’yattardèrent. –Jenedoutepasdevotreenthousiasmeetdevotreprofessionnalisme,maistravailleravecles chevaux requiert de la force physique. Surtout avec des étalons et des juments en proie à leurs hormones. – Nous y revoilà, vous pensez que tout est question de muscle, d’agressivité, de domination. Vousdevezcomprendrequetoutcelaestfortpeuutileavecuncheval.RaulVásquezlecomprend, lui.Ilemploiedesméthodesd’entraînementrévolutionnaires. –Jeconnaisparfaitementsesméthodes.Maisrépondezàunequestion… Ilmarquaunecourtepauseavantdereprendred’unevoixsuave: –Quandvousavezchevauchéjusqu’ici,quiétaitlemaître?Vousoulecheval? –Oh,lecheval,concédabienvolontiersFaith.Maislaforcebruten’yauraitrienchangé. –Ilabesoind’êtremontéparunhomme.Unhommesuffisammentfortpourlecontrôler. – Non, répliqua-t-elle du tac au tac, il a besoin d’être compris. Si vous voulez changer son comportement, vous devez d’abord en déterminer les raisons. Les chevaux, tout comme les humains,secomportentdemanièrerationnelle. Elles’interrompit,unenouvellefoistroubléeparl’intensitéduregardqu’ilposaitsurelle.Elle avait passé sa vie à étudier les chevaux et son temps libre en leur compagnie. Mais avec les hommes,c’étaitdifférent.Ellen’avaitdoncaucuneidéedequoifairedanscegenredesituation. Enfin si, corrigea-t-elle en silence. Elle savait que celui-ci la troublait comme aucun autre auparavant.Etellesavaitqu’ilneluiétaitpasindifférentnonplus. –Je…jeferaisbiend’yaller,déclara-t-ellesoudain.Ilfautque…quejerentre. Ellesedemandauninstants’ilallaitl’arrêtermaisiln’enfitrien.Samainglissadelabridede Fuego,puisilfitunpasenarrière. –Soyezprudente,dit-ild’unevoixdouce. Elleeutunsouriremédusé.Elleavaitespéréqu’illuiproposeraitdelarevoir.Elleauraitjuré qu’ilallaitlefaire. Réprimantcequiressemblaitfortàdeladéception,elleéperonnasamonture. La Vásquez Polo Cup était un événement sportif majeur en Argentine. C'était également le rendez-vousmondainleplusimpressionnantauquelFaithavaitassisté. Elle n’était là qu’en tant que vétérinaire mais ne pouvait s’empêcher de jeter des coups d’œil réguliersaupublicquiemplissaitlesgradins. –Maiscommentfonttoutescesfemmespourêtreaussibelles?demanda-t-elle.Etpouravoir descheveuxsilisses?Lesmiensfrisentparcettechaleur. – C'est l’élite de Buenos Aires, répondit Eduardo, s’interrompant pour crier un ordre à un palefrenier avant de reporter son attention sur elle. Elles ont passé la journée entière à se pomponnerdansl’espoird’attirerleregarddupatron. –Lepatron?RaulVásquez?Iljoueaujourd’hui? –Oui.Maisiln’estpasencorearrivé. –Lapartiecommencedanscinqminutes.Ilaintérêtàsedépêcher. Curieuse, elle étudia de nouveau les gradins. Même à cette distance, elle apercevait l’éclat des diamants,lesrobesdecouturiers,lescoiffuresélaborées. –Cesfemmessonthabilléescommepourunesoiréeàl’ambassade,alorsqu’ellesvontpasserla journéeencompagniedechevaux,ironisa-t-elle. –C'estlepolo.Lesportleplusélégantaumonde.Toutlemondesemetsursontrenteetun. A cet instant, les équipes déboulèrent sur le terrain dans un tonnerre de sabots. Faith ouvrit de grandsyeux,captivéemalgréelleparlabeautéduspectacle. Elle venait à peine de reporter son attention sur le poney dont elle s’occupait lorsque le bourdonnementdistantd’unhélicoptèresefitentendre. – Ah, le voilà, murmura Eduardo, la main en visière pour abriter ses yeux du soleil. Pile à l’heure,commed’habitude. MaisFaith,denouveauabsorbéeparsontravail,neprêtapaslamoindreattentionàl’appareil quis’apprêtaitàatterrirnonloinduterraindejeu. –Iln’estpasenparfaitesanté,marmonna-t-elle,étudiantleponeydeplusprès. –Tuplaisantes?Lepatronestausommetdesaforme. –Paslui,leponey,répliqua-t-elleavecirritation.RaulVásquezn’estpaslecentredumonde! Laclameurdelafoulenoyalafindesaphrase,laforçantàredresserlatête.Lapartievenaitde commencer.Lavitesseetlesdangersdujeuétaientdéjàeffrayantsàlatélévisionmaisvudeprès, c’étaitpireencore. –Oùest-il?demanda-t-elleàunpalefrenier. –C'estceluiquiprendtouslesrisques. Elleplissalesyeuxpourmieuxétudierlescavaliers.Acettedistanceetsouslescasques,ilétait impossiblededistinguerleurstraitsmaisunhommesedistinguaitdesautres.Minceetmusclé,il dirigeaitsonchevald’unemaintoutensepenchantpourcueillirlaballe,apparemmentindifférent au danger. Il sembla à plusieurs reprises sur le point de tomber de sa monture mais se rattrapa systématiquement chaque fois comme si c’était la chose la plus naturelle au monde. Etant ellemêmeunecavalièreémérite,Faithfutimpressionnéeparsamaîtrise. Elle continua de le regarder évoluer, fascinée malgré elle, la tête légèrement rentrée dans les épaules.Elles’attendaitàlevoirchuteraufuretàmesurequ’ilprenaitplusderisques.Maisiln’en fit rien. Au contraire, d’un coup de crosse, il marqua un point spectaculaire qui arracha aux spectateursunesalved'applaudissements. – C'est presque angoissant à regarder, murmura-t-elle, ce qui arracha un éclat de rire au palefrenier. –Oui,c’esttrèsagressif.Maisnevousenfaitespas,leschevauxadorentça. Se rappelant qu’elle était là pour travailler, elle se remit à examiner les poneys, étudiant soigneusementchaqueanimalavantdedonnerdesconseilsauxpalefreniers,jusqu’aumomentoù l’und’entreeuxluitapasurl’épaule. –C'estlami-temps.Venez,nousallonstasserlesmottes.C'estlatradition. Les spectateurs, descendus sur le terrain, s’étaient mêlés aux joueurs et avaient entrepris de remettre les mottes de terre arrachées par les sabots des chevaux en place. L'exercice était autant utilequesocial,permettantaupublicderencontrerlescavaliers. Faiths’apprêtaitàremettreunemottedansuntroulorsqu’unelargebottenoirelefitavantelle. Levantlatête,ellecroisaleregarddel’hommequ’elleavaitobservépendantlapartie. RaulVásquez. Etaccessoirement,l’hommequ’elleavaitrencontrélaveilleprèsdelarivière! Ellelefixadansunsilenceabasourdi,pendantcequiluisemblauneéternité.C'étaitàcroireque salangueétaitcolléeàsonpalais. –Je…jenesavaispas,bredouilla-t-elleenfin.Vousnevousêtespasprésenté… –Jen’enavaispasenvie,répondit-il,avecunsourire. Elle rougit furieusement. Il était incroyablement séduisant et entouré de femmes splendides. Et pourtant,c’étaitellequ’ilregardait! –Vousauriezdûmedirequivousétiez,protesta-t-elle. –Pourquoi?Vousvousseriezcomportéedifféremmentetjen’enavaispasenvie. –Etcommentmesuis-jecomportée? D’uncoupdepied,ilenfonçaunemotte.Sajambeeffleuralasienneenunmouvementdontelle auraitjuréqu’ilétaitintentionnel. –Vousétiezmerveilleusementnaturelle,répondit-ilenfin. – Vous voulez dire que je n’ai pas passé toute la journée chez l’esthéticienne ou le coiffeur, ironisa-t-elle,regardantautourd’elle.Jemedemandemêmepourquoivousprenezlapeinedeme parler. –Parcequevousmefascinez. –Vouspréférezlesfemmessansmaquillage,couvertesdepoussièreetavecdelapailledansles cheveux? Ilsemitàrire. –C'estlapersonnequim’intéresse,pasl’emballage. –Allons,vousessayezdemedirequelabeautén’estpasuncritèreessentielpourquevousvous intéressiezàunefemme? –Non,cen’estpascequej’aidit. Ses yeux plongèrent dans les siens, et elle eut l’impression de recevoir un coup de poing au creuxdel’estomac. –Je…Dois-jecomprendreque… –Oui.Jevoustrouvetrèsbelle.Etjesuisravidevousvoirmuette,pourunefois.Onnevousa jamaisfaitdecompliment? Denouveau,uneincroyablealchimiechargeaitl’aird’électricité.Conscientedesregardscurieux quis’étaientbraquéssureux,ellemarmonna: –Toutmondenousobserve. –Etçavousgêneparceque…? –Vousêtespeut-êtrehabituéauxfeuxdesprojecteursmaiscen’estpasmoncas. Irritéed’êtretroubléeparcethommeetparlamaladressedontellefaisaitpreuve,ellerenchérit avecfougue: –Peuimportequivousêtes.Jepensetoujoursquevousêtesmachoetsexiste. Raulrenversalatêteenarrièreetpartitd’unriregrave. – Vous avez raison, cariño. Je suis macho et sexiste. Mais je veux aussi passer du temps avec vous.J’aimeraisquevousveniezàl’Océane. L'Océaneétaitsarésidenceprivée,unevillad’architectesplendideconstruitesuruneplageface àl’Atlantique.Elleétaitinterditeaupersonnel. Qu’avait-ilentête,exactement? Unseulcoupd’œilàsonsouriresatisfaitsuffisaitpourcomprendresesintentions.Sentantson visage s’enflammer, elle fit un pas en arrière, tenaillée par une furieuse envie d’accepter son invitation. Comment dire non à un homme comme lui ? A un homme que toutes les femmes regardaientavecundésiràpeinevoilé? Mais se jeter dans les bras d’un inconnu n’était pas son genre… Faisant taire la petite voix tentatricedanssonesprit,elleréponditfermement: –Nonmerci. –Cen’étaitpasunequestion. – Vous… vous me donnez un ordre ? demanda-t-elle, vibrante de colère et, elle devait bien l’avouer,d’autresémotionsbeaucoupmoinsavouables. –Appelezçaune…impérieuserequêtesivouspréférez. Aprésent,elleavaitpresquedumalàrespirer. –J’aidutravail.Jenefinispasavant10heures. –Jem’arrangeraipourquevousayezlasoiréelibre. Justecommeça.C'étaitlepouvoird’unmilliardaire,songea-t-elle.D’unclaquementdedoigt,il obtenaittoutcequ’ilvoulait. – Non, répondit-elle fermement. Ce ne serait pas juste pour les autres. J’ai bien peur qu’il me faillerefuservotreinvitationaubaldeCendrillon.Eduardonetravaillepascesoiretnousavons unejumentsurlepointdemettrebas.Jenepeuxpasquitterlesécuries. LevisagedeRaul,àcesmots,redevintinstantanémentsérieux. –Quellejument? –Velocity. Ilpritunebrusqueinspiration,passantunemainderrièresanuque. –Sielleestsurlepointdemettrebas,ilfautqu’Eduardosoitlà. –Mercidevotreconfiance,répliqua-t-elled’untonsec.Çafaitchaudaucœur. –Çan’ariendepersonnel. –Vousvoulezdirequevouspenseriezlamêmechoseden’importequellefemme? Acesmots,leregarddumilliardaires’étrécitdangereusement. –Velocityestmajumentlaplusprécieuse.C'estuneénormeresponsabilité. – Les responsabilités ne me font pas peur. Je ne passe pas mes journées à me coiffer et à me maquiller.J’aiétudiépendantseptansetjesuisparfaitementàmêmedefairefaceàcegenrede situation. Elleétaitàprésentencolère,aucombledelafrustration.S'était-elletrompéeencroyantpouvoir poursuivreunecarrièreenAmériqueduSud?Etrepriseausérieuxicisemblaitêtreuneluttede touslesinstants. Elleauraitpuenpleurerderage.Maisleslarmesneferaientpasavancersacause… –Letravailnem’effraiepas,renchérit-elle,glaciale.Cequim’agace,cesontleshommesqui pensentqu’unefemmenepeutpasêtreunebonneprofessionnelle.Aprésent,sivousvoulezbien m’excuser,mesponeysm’attendent… EssayantdenepaspenseràRaulVásquez,Faithtravaillaauxécuriesjusqu’à10heures.Puiselle décidaderendrevisiteàVelocityavantderegagnersachambredansl’ailedupersonnel. *** Lepremiercoupd’œilluifitcomprendrequelajumentétaitendifficulté.Dansuncoindeson box, le palefrenier qui lui était affecté essayait fiévreusement de composer un numéro sur son téléphoneportable. –Jen’arrivepasàjoindreEduardo!Ilnerépondpas! –Eduardon’estpasenservice.C'estmoiquevousauriezdûappeler. Tombant à genoux près de l’animal, elle saisit son stéthoscope, se maudissant d’avoir fait confianceaupalefrenierpourlaprévenirencasdeproblème. –Netouchezpascecheval!C'estlajumentpréféréedupatron.Vousallezavoirdesennuissi… Ils’interrompit,unelueurpaniquéedansleregard,avantdereprendre: – Il faut contacter Eduardo. Si quelque chose arrive à la jument, le patron va être furieux. Je risquedeperdremontravail. –Jememoquedupatronoudevosperspectivesdecarrière,maisjemefaisbeaucoupdesouci pourVelocityetj’aibesoindevotreaide. D’untoncalmepournepasaffolerl’animal,Faithdonnauneséried’instructionsaupalefrenier, qui ne bougea pas le petit doigt et resta debout dans son coin, à fixer le cheval de ses yeux exorbités. –Siellemeurt… –Ceseramaresponsabilité!Je…Oh,etpuisallezaudiable.Sortezdelà.Sivousnevoulezpas m’aider,trèsbien.Trouvezquelqu’unquipeutlefaire. –Jevaisvousaider. RaulVásquezvenaitd’apparaîtredansl’encadrementdelaporte.Lepalefrenierparutrétréciret sefondredansl’ombreduboxmaisFaith,pourunefois,étaittropabsorbéeparsatâchepourse laissertroubler. Elleluirépétalesordresqu’elleavaitdéjàdonnés.Raulinclinalatêtepuis,s’agenouillantàson tour,murmuraquelquechoseenespagnolàl’oreilledel’animal.Faithnesavaitpascequ’ildisait maisl’effetfutimmédiat.Velocitysecalma,luipermettantdetravaillerplusefficacement. Quelques minutes plus tard, la jument poussa un soupir tandis que son poulain glissait dans la paille. –Bonnefille,murmuraFaithenluiflattantl’encolure. Raulsourit,puisposasurelleunregardpresquetroublantd’intensité. –Jevousdoisdesexcuses.Jevousaisous-estimée. Latensionétaitpalpable,etilssedévisagèrentensilencependantunlongmoment.Puis,Faithse renditcomptequesonemployeurportaitunetenuedesoirée.Nuldoutequ’ilavaitinterrompuun dînerpourvenirs’enquérirdel’étatdeVelocity.Peut-êtremêmeundînergalant,avecunefemme quineluiavaitpasditnonlorsqu’ill’avaitinvitée… Celaauraitpuêtreelle. Elleserappelalesbeautésquiavaientrivalisépourcapterl’attentiondeRaul,aumatchdepolo, etsedemandalaquellel’avaitemporté.Non,iln’auraitpaspulachoisir.LeshommescommeRaul Vásquezcherchaientdespotiches,pasdesfemmescommeelle,dédiéesàleurcarrière. Revenantàlaréalité,elleadressaunsourirelasaumilliardaire. –Toutirabien,Raul.Maisjevaisresterlàpourm’enassurer.Mercidevotreaide,ellem’aété précieuse. –Vouscomptezdormirdansleboxdemoncheval? –Oui,répondit-elle,essayantdenepasfixerletriangledepeaubronzéequerévélaitsachemise entrouverte. –Maisvousêtesdeservicedepuis6heurescematin. – Je prendrai ma journée demain. Je ne veux pas partir sans être sûre que tout va bien. Vous devezmecomprendre,non?D’aprèscequ’ondit,vousêtesvous-mêmeunaccrodutravail. –C'estdifférent. – Parce que vous êtes un homme et que je suis une femme ? Je vous en prie Raul, ne recommencezpas. Soudainépuisée,ellen’avaitqu’uneenvie:qu’ils’enailleetlalaissedormir. –Jenevaispasquitteruntravailàmoitiéfait.Etapparemment,vousêtesvous-mêmeaubeau milieud’undîner.Rejoignezdoncvotrecompagneavantqu’elleneselasseetnedécidedepartir. Ilyeutunlongsilenceavantqu’ilnedemande: –Vousvouscachezderrièrevotretravail,ondirait.Pourquoi? –Jenemecachepas.Maisoui,j’aimemontravailsic’estcequevousvouliezdire. Elle lui jeta un rapide regard puis détourna la tête, le cœur battant et l’esprit bouillonnant de fantasmes. –Cequisepasseentrenous,murmura-t-il.Çavouseffraie,n’est-cepas? Elleétaittrophonnêtepourprétendrenepascomprendredequoiilparlait. –Oui,çam’effraie.Parcequec’estuneillusion.Laseuleidéequevousetmoi… Ellechassal’idéeenquestiond’ungesteavantdereprendre: –C'estridicule.Nousnepourrionspasêtreplusdifférentsl’undel’autre.Vousêteshabituéàdes femmessophistiquées,etjesuisunetravailleuse.J’aimemacarrièreetjenecherchepasdutoutà fonderuncouple. –Sivousnecherchezpasàfonderuncouple,vousêteslafemmedemesrêves,ironisa-t-il.Etle plaisir,cariño?Vousnevoyezpasd’objectionàenprendre,n’est-cepas? Elles’empourpraaussitôt. –Raul… –Pourquoirougissez-vous?Quandils’agitdevotretravail,vousarborezuneconfianceetune assuranceimpressionnantes.Maisquandnoussommesseuls… D’undoigt,ilsuivitlacourbedesamâchoire,luiarrachantunfrissondeplaisir. –Pourquoiêtes-voussitimideavecmoi? –Jenesuispashabituéeàtantdemachisme,voulut-elleplaisanter. Maissoncompagnoncontinuadeladévisagerintensément. –Vousn’avezpasbeaucoupd’expérience,c’estça? –J’aieudespetitsamis,marmonna-t-elle,piquéeauvif. –Maisdeshommes,cariño?C'estuneexpériencenouvellepourvous,n’est-cepas? Elleledévisagea,lagorgesècheetlecœurbattant. –Que…quesignifiecariño? LesouriredeRauls’élargit.D’unbondsouple,ilseredressaetsedirigeaverslaporte. –Jevousl’apprendraidemain.Enattendant,reposez-vousetreprenezdesforces.Vousallezen avoirbesoin. 2. Faith passa la nuit près de la jument et, lorsqu’elle émergea de l’écurie le lendemain matin, trouvaRaulVásquezenpleineconversationavecEduardo. Lorsquelemilliardairesetournaverselle,ellesentitsoncœurs’affoler,uneréactiondésormais familière. –Vousêtesàprésentofficiellementencongé,annonçalemilliardaire.Venezavecmoi. Sans attendre sa réponse, il prit sa main dans la sienne et, après avoir dit quelque chose en espagnolàEduardo,entraînaFaithversl’héliportsituédel’autrecôtéduterraindepolo. –Jevoulaisalleraulit,marmonna-t-elle. Elleregrettacesmotsenvoyantunsourireentenduglissersurseslèvres. –Çapeuts’arranger. Ellefrémit,sedemandantsielleétaitchoquéeouamusée. –Je…jenefaispascegenredechoseentempsnormal. –Quelgenredechose? La gorge nouée, elle jeta un coup d’œil à l’hélicoptère noir, aux lignes futuristes, puis se retournapourregarderl'estancia. –Jenem’envolepasDieusaitoùavecdesétrangers. – Vous pouvez passer la journée dans votre chambre et dîner avec les palefreniers ce soir, réponditRaulavecunhaussementd’épaules.Ouvouspouvezdîneravecmoi. Ilposalesyeuxsurseslèvres,qu’ellehumectacommeparréflexe. –Dîner?Oùça? Raulouvritlaportedel’hélicoptère,toutsourires. –Dansunendroitoùnouspourronsparlertranquilles. Ellehésita.Celaneluiressemblaitpas.Ellen’appartenaitpasàcemonde.Ellenevoyageaitpas enhélicoptèreencompagniedeséduisantsmilliardaires. Pendant qu’elle était en proie à ses doutes, Raul l’installa dans le cockpit, puis s’assit à côté d’elleavantdecommenceràappuyersurdifférentsboutonsavecunerapiditétrahissantunelongue expérience. –C'estvousquipilotez? –Jen’aimepasdéléguer,confessa-t-ilenriant.Etpuis,nousn’avonspasbesoindespectateurs, n’est-cepas? Denouveau,unfrissond’anticipationlaparcourut. –Jenesaispaspourquoivousfaitesça,grommela-t-elle.Etjenesaispasdavantagepourquoije lefais.Jen’ainirobedesoie,nidiamants. –Ah,maisnousdevronsyremédier. Puisiltournaverselleunregardrieuretajoutad’unevoixétonnammentdouce: – Détendez-vous. Je ne vais pas vous manger. Je vous promets que vous allez passer un bon moment. C'est ma façon de vous remercier pour avoir sauvé Velocity. Et de vous présenter mes excusespourvousavoirsous-estimée.Vousavezététrèsimpressionnante. Cescomplimentsétaientaussiinattendusquebienvenusetlafirentrosir. –Cen’étaitpasl’avisdevotrepalefrenier. –Ilnetravaillepluspourmoi. –Vousl’avezrenvoyé?demanda-t-elle,stupéfaite.Cen’estpasunpeusévère? –Vousavezrequissonaideetilvousl’arefusée. Acettenouvelle,elleéprouvaunpincementdeculpabilité. –Toutdemême,delààlerenvoyer…Vousnepensezpasquevousdevriezluidonneruneautre chance? –Jeluiaidéjàdonnéunechanceenl’embauchant. Rauln’avaitpascessédesourire.Maisunéclatdanssonregardrévélaituneautrefacettedesa personnalité.Ilyavaitlàunedureté,uneférocitémême,quiexpliquaitsansdoutepourquoiilétait devenurichesijeune. Sentantqu’ilvalaitmieuxchangerdesujet,Faithregardaautourd’elleetdemanda: –Oùallons-nous? –Vousverrez. Quelques secondes plus tard, l’hélicoptère s’envolait. D’abord nerveuse, elle finit par oublier toutessescraintesfaceauspectacledelapampa. –Lavueestincroyable,murmura-t-elle. Ilssurvolèrentdevastesétenduesherbeusesseméesçàetlàdelacscouleurd’opaleoudemarais. Elle apercevait des troupeaux encadrés par des hommes à cheval. Ces derniers paraissaient insignifiantsetincroyablementvulnérablesdansununiversd’untelgigantisme. Enfin, un lac plus grand que les autres se dessina à l’horizon et Raul entama leur descente. Quelquesminutesplustard,lespatinsdel’hélicoptèretouchaientuneairedeterrebattueprévueà ceteffet. –Nousysommes.Cesontleslimitesdel'estancia. Bondissantàbasdel’appareil,ilvintluiouvrirlaporte.Puis,ill’entraînaversunpavillonde boisluxueuxconstruitauborddel’eauetentouréd’arbres. –C'estmaretraitesecrète. Elles’arrêtanet,lecœurbattantlachamade.Toutallaittropvite. –Vousvoulezdireque…noussommesseulsici? Ilposasurelleunregardsombre,légèrementmoqueur. –Çavousennuie?Vousêtesnerveuse? –Un…unpeu,reconnut-elle. Ilrevintverselled’unpaslent,puisencadrasonvisagedeseslargesmains. –Nousétionspourtantseulslorsdenotrepremièrerencontresurlapampa.Etvousn’étiezpas nerveuse. – C'était une rencontre accidentelle, répondit-elle en faisant de son mieux pour ignorer les bouffées de chaleur qui lui montaient au visage. Je ne fais pas ce genre de chose, d’habitude. Je n’auraisjamaisdûvenir. –Arrêtezdepaniquer.Vousn’avezrienfaitdutout.Etvousneferezriencontrevotregré.Tout cequejevousdemande,c’estdemelaisserprendresoindevousenguisederemerciementpour avoirsauvémonchevalpréféré.Considérezçacommeunejournéeauspa. –Unejournéeauspa? Les lèvres de Raul s’approchèrent dangereusement des siennes mais il fit soudain un pas en arrière,ungrandsourireauxlèvres. –Jeveuxvousgâter.Etenréponseàvotrequestion,nousnesommespasseulsici.Vouspouvez criersibesoinest,etmesdomestiquesaccourrontpourvoussauveretmebattrecommeplâtre. Quelques marches les conduisirent sur une terrasse de teck qui semblait flotter au-dessus de l’eau.Là,degrandesbaiesvitréesdonnaientaccèsàunechambrebaignéedelumière. –Voicivosquartiers.Reposez-vous,vousleméritez.Quandvousserezprêtepourunmassage, décrochezletéléphoneetappuyezsurlatouchezéro. Faithclignadesyeux,complètementabasourdie.Satêtebourdonnaitdequestionsmaisellen’eut pasleloisirdelesposer:Raulétaitdéjàparti. Elledormitquelquesheuresdansl’immenselit,puisenpassauneautreallongéeàl’ombre,sur lepatio,tandisqu’unejeunefemmelamassaitavecdeshuilesparfumées,chassantlatensiondeses muscles. Aprèslemassage,etpendantqu’elleadmiraitlavue,uneautreemployéeluifitlesonglesetun coiffeurs’occupadesescheveux.Elleavaitl’impressiond’êtretombéeaubeaumilieuduparadis. Rauln’avaittoujourspasdonnésignedevielorsqu’elleregagnasachambreetellesedemandait cequ’elleétaitcenséefaire.Devait-ellelecontacter?Etcomment? Unetachedecouleurattirasoudainsonattention.Tournantlatête,ellehoquetaenapercevantla magnifique robe de soie étalée sur le lit. Le tissu paraissait briller légèrement dans la lumière déclinantedecettefindejournée.Elles’enapprochaavecprécaution,commesielleredoutaitde dissiperunrêve. Alorsellevitlecollierdediamantsquireposaitpresquenonchalammentsurlarobe.Lespierres brillaientdemillefeux,pareillesàdeséclatsdeglace. Faithétaittellementsidéréequ’illuifallutquelquesinstantspourremarquerlacarte.D’unemain tremblante,elleouvritl’enveloppeetlutlemessageécritd’unemainassurée. Toute femme mérite, au moins une fois dans sa vie, de se voir offrir une robe de soie et des diamants.R. Abasourdie,ellefixalescadeauxétaléssursonlit.Ilsdevaientcoûterunevéritablefortune.Elle nepouvaitdécemmentpaslesaccepter.Ellesemordillalalèvre,tourmentéeparl’indécision,fitun pasenarrièrecommepouréchapperàlatentationavantdeserapprocherdenouveau. Enfin, cessant de réfléchir, elle prit la robe et la laissa glisser sur son corps nu. En tant que femme,illuiétaittoutsimplementimpossibled’yrésister!Ellevoulaitseulementl’essayer.Juste quelquesminutes. Lasoiecoulasursapeau,luiarrachantunpetitsoupirdeplaisir.Lorsqu’ellesetournaversle miroir,sonrefletluifitl’effetd’unchoc:c’étaitàcroirequecetterobeavaitététailléepourelle. CommentRaulavait-ildevinésataille? Avec l’étrange impression d’usurper la vie d’une autre, elle ajusta sa tenue, puis essaya d’attacher le collier de diamants derrière sa nuque. Des mains chaudes couvrirent soudain les siennesetterminèrentletravailpourelle. En proie à un mélange d’appréhension et de tension sexuelle, elle pivota avec raideur pour se trouveraussitôtprisonnièreduregarddeRaul. –Comments’estpasséevotrejournée?murmura-t-il,faisantglissersesmainsdesépaulesde Faithpluslentementquenécessaire.Quepensez-vousdemonhospitalité? –Jenepeuxpasacceptervoscadeaux. –Biensûrquesi.Cen’estrien. Pourlui,cen’étaitpeut-êtrerien.Maisellesoupçonnaitquececollieràluiseulvalaitcequ’elle gagnaitenunan! –Jenefaisqu’essayerl’ensemble.Jevaisl’enlever. –Faitesdonc,répondit-ilavecunsourireravi. Ellelevalesyeuxauciel,mi-agacée,mi-amusée. –Voussavezcequejeveuxdire. –Non. –Cen’estpasmoi.Cen’estpasmavie. Avecdouceur,illafitdenouveaupivoterverslemiroir. –Quiest-cedonc,sicen’estpasvous? Elleouvritdegrandsyeux.Elleavaitpeineàsereconnaître.Sescheveuxtombaientenunflot dorésursesépaules,larobeflattaitsasilhouetteetlesdiamantsbrillaientaucreuxdesagorgesur sapeaulaiteuse.Elleavaitl’impressiond’êtreuneprincesse. – Peut-être que je les porterai ce soir, concéda-t-elle, se moquant en son for intérieur de sa faiblesse.Maisaprèsça,jevouslesrendrai. Raulsouritmaisneréponditpasdirectement. –Nousdîneronssurlaterrasse.Lavueestmagnifique. –Vousfaitesçasouvent? D’ungeste,RaulcongédialeserveuravantdesepencherpourresservirduvinàFaith. –Dîner?ironisa-t-il.Touslesjours. –Non,jeveuxdire…Jouerlesbonnesfées. – C'est bien la première fois qu’on me traite de fée… Mais pour répondre à votre question, j’aimeoffrirdescadeauxàunefemmequisaitlesapprécier. Puisilluisouritavantd’ajouter: –Maisjevoisquevousavezàpeinetouchéàvotreassiette.Vousn’avezpasfaim? Faith,quiavaitl’impressiond’avoirdesnœudsdansl’estomac,secoualatête. –Non.Je…jesuisdésolée,çaal’airdélicieuxmais… –Vousn’avezpasàvousexcusersijevouscoupel’appétit,répondit-il,visiblementamusé.Jele prendscommeuncompliment. –Vousêtesdécidémenttrèssûrdevous. – Et vous, vous êtes très nerveuse. Je ne comprends pas pourquoi. Il n’y a pas d’hommes en Angleterre? Pasd’hommescommeluientoutcas,pensa-t-elleavantderépondre: –J’étaistropoccupéepourlesremarquer,répondit-elle,évasive. – Hmm. Vous êtes particulièrement dévouée à votre travail. Pourquoi avez-vous choisi de devenirvétérinaire? – C'est un vieux rêve. Mon père était vétérinaire et je l’ai toujours aidé. Même quand j'étais enfant,ilmedonnaittoujoursquelquechoseàfaireetm’encourageait. –Ildoitêtrefierdevous. Elleeutunehésitation,puisluiconfia: –Mesparentssontmortsilyadeuxans.C'estl’unedesraisonsdemaprésenceenArgentine.Ils me manquent beaucoup et j’avais besoin de faire quelque chose de différent. J’ai pensé que de mêlervoyageettravailseraitunebonneidée. –Vousn’avezpasenviedevousmarier,d’avoirdesenfants?demandaRauld’untondétachéqui contrastaitavecl’éclatincisifdesonregard.Quandunefemmepenseàl’avenir,c’estgénéralement encestermes. –Unautrecommentairetypiquementmacho.Vouspensezvraimentquelaplaced’unefemmeest àlamaison? –C'estcequelaplupartveulent.Pasvous? –Non.Pasmaintenant,entoutcas.Jesuisbientropjeunepourpenseràça.J’aitoutemacarrière devantmoi.Dansdixans,peut-être,quisait…Enattendant,j’aimetropmontravail. Setournantpouradmirerlecoucherdesoleil,ellereprit: –Etvous?Pasdefemmeetd’enfantsenvue? Sonregardparuts’assombrir. –Non.Surtoutpas. –Vousvoulezdirequevousn’envoulezpastoutdesuite? Ses doigts longs et tannées s’étaient refermés sur le pied de son verre comme s’il voulait le briser. –Jeveuxdirequejen’enveuxpasdutout.Rappelez-vous-en,Faith. Ellefronçalessourcils,étonnéeparletonmétalliquequ’avaitprissavoix. –Pourquoidevrais-jem’enrappeler? –C'estjusteunpointsurlequeljetiensàêtreclair,audébutd’unerelation. Ellesentitaussitôtunechaleurinsupportableenvahirsonvisage –Nous…nousavonsunerelation? –Jenesaispas…Qu’enpensez-vous? 3. Dixmoisplustard – Elle a traversé juste devant un taxi sans regarder. A en croire un témoin, elle a de la chance d’êtreencoreenvie. Delachance? Enentendantcesmotsdulitd’hôpitaloùellegisait,Faithdécidadenepasouvrirlesyeux.Elle nesesentaitpaslemoinsdumondechanceuse. –Desnouvellesdelafamille?demandalemédecin. Derrièresespaupièrescloses,ellesentitladouleurs’intensifier.Non,ellen’avaitpasdefamille. Elleavaittoutperdu.Etilluiétaitimpossibledesavoir,desesblessuresapparentesoudecellesqui n’étaientqu’intérieures,lesquellesétaientlesplussérieuses. –Non,répondituneinfirmière.Ellen’avaitpasdepièced’identitésurelle.Onsupposequeson sacaétévolé.Maiselleportaitunerobequejenepourraispasmepermettremêmesijetravaillais soixantejoursparmois.Soitelleaunbontravail,soitelleaunpetitamitrèsriche. –Nousnepouvonspaslalaisserpartirtantqu’ellen’anullepartoùaller.Etc’estd’autantplus ennuyeuxqu’ellenousbloqueunlit.Jenecomprendspas,quelqu’unabiendûs’apercevoirdesa disparition… Commesiquelqu’unsesouciaitd’elle… –Faith?Vousêtesréveillée? Comprenantquelepersonnelhospitaliernes’eniraitpassansluiavoirparlé,elleouvritenfin lesyeux.Lemédecinluiadressaunsourireetdemandadecetonvaguementcondescendantréservé auxpatients: –Commentnoussentons-nousaujourd’hui? –Jevaisbien,mentit-elle.Beaucoupmieux. –Jesupposequevousavezhâtederentrerchezvous? Chez elle ? Elle n’avait plus de chez-elle. Elle avait vécu en Argentine pendant un an et avait cru… Elledétournasoudainlatête,serendantcompteavechorreurqu’elleallaitpleurer.Ledésespoir quis’étaitaccumuléenelleaufildesjoursmenaçaitd’exploser. Avec un énorme effort de volonté, elle essaya de se concentrer sur un sujet neutre, de ne pas penseràl’Argentine,aufaitqu’ellen’avaitplusnifoyer,nitravail,ni…ni… Avecungémissement,elleseroulaenpositionfœtale,secouantlatêtecommepourchasserses souvenirs. – Vous avez mal ? demanda aussitôt le médecin en se penchant sur elle. Nous pouvons vous donnerquelquechosesivousvoulez. Rienquipourraitsoignercettedouleur,songea-t-elleenréprimantunenausée. –C'estterrible,murmura-t-elle. –Votretête?Allons,vousn’avezqu’unecicatricedanslescheveux,elledisparaîtraenunriende temps. –Pasmatête.Mavie. Maisdéjà,lemédecinnel’écoutaitplus.Ils’étaittournéversl’infirmièrepourdemander: –Quelestl’étatdesplaies? –Toutcicatriseàmerveille,réponditl’intéressée.Iln’yaurapasdeséquelles. Deséquellesvisibles,peut-être,songeaFaith.Maisintérieurement,c’étaituneautreaffaire. Ignoranttotalementledramequisejouaitenelle,lemédecineutunsourireapprobateur. – Vous vous remettez remarquablement vite, surtout lorsque l’on considère l’état dans lequel vous êtes arrivée il y a deux semaines. Il va falloir penser à rentrer chez vous. Vous avez de la famille,oudesamis? –Je…jemedébrouilleraiseule,réponditFaithdansunsouffle. –Allons,ildoitbienyavoirquelqu’un…Oupensez-vousqu’ilestpossiblequevoussouffriez d’amnésiepartielle? Ellesetournaalorsverslemédecinpourleregarderdroitdanslesyeux. – Mes parents sont morts il y a presque trois ans et je suis fille unique, répondit-elle, se demandant combien de fois elle devrait se répéter. Et ma mémoire va très bien, comme vous le voyez. Malheureusement,fut-elletentéed’ajouter.Carelleauraitvolontiersoubliélesévénementsdes deuxderniersmois.Danssoncas,cen’étaitpasl’oubliquiposaitproblème,maislessouvenirs! Elleserappelaiteneffetabsolumenttoutetcelalamettaitàlatorture.Ellen’avaitqu’uneenvie: seblottirsouslesdrapspourpleurertoutesleslarmesdesoncorps.Celaluiressemblaitpourtant si peu… Où étaient passées son énergie, sa combativité ? Sa propension naturelle à prendre les problèmesàbras-le-corpsetàlesrésoudre? Elle avait toujours été résistante. La vie était dure, elle le savait et ne se faisait pas d’illusion. Maisjamaisellen’auraitcruqu’elleseraitsidure. Paniquéeparlaviolencedesesémotions,elleseremitsurledosetfixalesfissuresduplafond. Presque aussitôt, elle crut y discerner le dessin d’une baie, d’une plage, et vit une femme et un hommenussurlesable… Avecunsoupirabattu,Faithcouvritsonvisagedesesmains.Maissamémoiren’avaitpasbesoin dusecoursdesavueetlessouvenirscontinuèrentd’affluer.Illuisemblaitqu’unénormetrounoir l’aspiraitetellenetrouvaitpaslaforced’yrésister. Danslelitvoisindusien,unevieilledames’agita,confuseetdésorientée. –Docteur,docteur! Marmonnant quelque chose dans sa barbe, le médecin se retourna en demandant avec une politesseexagérée: –Oui,madameHitchins?Quepuis-jefairepourvous? –M’épouser,depuisletempsquevousmelepromettez!Arrêtezdefuirvosresponsabilités! L'infirmièreposaunemainsurseslèvrespourétoufferunéclatderire,tandisquelemédecin prenaitlateinted’unebetterave. –Vousêtesàl’hôpital,madameHitchins!déclara-t-ilenélevantlavoixetendétachantchaque syllabe,commes’ilparlaitàunenfant.Etjesuismédecin! –Necroyezpasunmotdecequ’ildit,grommelalavieilledameàl’attentiondeFaith.C'estun vaurien.Leshommessonttouslesmêmes.Ilsveulentleplaisir,sanslesresponsabilités. Faitheutunrireétranglé. –J’auraisappréciéceconseililyaquelquesmois.Ilarriveunpeutroptard. Aumêmeinstant,uneautreinfirmièreentradanslapièce,lesjouesrougesetlesyeuxbrillants d’excitation.ElledévisageaFaith,unemainsurleslèvres. –Jecroisquej’ailapreuvequevousêtesamnésique. –Jevousdisquenon. – Vraiment ? Comment se fait-il que vous ne vous rappeliez pas être mariée ? Votre mari est venuvouschercher.Etjedoisvousdirequevousavezdelachance.Jenediraispasnons’il… Lemédecinlarappelaàl’ordred’unfroncementdesourcils,etl’infirmièrereprit: –Jevoulaissimplementdirequecen’estpaslegenred’hommequ’onoublie.SiFaithnes’en souvientpas,c’estqu’elleestvraimentamnésique. Bouillant d’impatience, Raul jeta un coup d’œil à sa montre, sans remarquer l’émoi que son arrivéeavaitprovoquéauprèsdelapopulationfémininedel’hôpital. Ilétaitentièrementtenduverssonbutetceretarddansl’accomplissementdesesplansl’irritait.Il resta donc immobile quelques minutes – il n’avait jamais eu à attendre autant de sa vie entière – avantdesedécideràprendreleschosesenmain.D’unpasrapide,ilremontalecouloiretpénétra danslachambreàsixlitssituéeàsonextrémité. LemédecinsaluasonapparitionparunegrimaceréprobatricequeRaulignoratotalement.Son regardbalayalapiècepourseposerenfinsurlajeunefemmeallongéedanslelitleplusprochede lafenêtre. Lacolèrequis’étaitaccumuléeenluiexplosaavecuneviolencemeurtrièreetilsepassalamain derrièrelanuquepourseretenirdedonneruncoupdepoingdansquelquechose.Puisilregarda denouveaulasilhouettefrêleetsolitaireetsacolères’évanouit,remplacéeparunflotd’émotions biendifférentes. C'étaient des émotions qu’il ne voulait pas ressentir et qui défiaient ouvertement sa certitude d’êtreenpleincontrôledelui-même. La femme causerait toujours la perte de l’homme. Cela n’avait jamais changé et ne changerait jamais. D’Eve au jardin d’Eden à Pandore et sa boîte, il y avait toujours une femme dont le but semblaitêtredecompliquerlavied’unhomme. Danssoncas,c’étaitcellequisetrouvaitdanscelitd’hôpital.Ilpouvaitnégocierlescontratsles plusimportantssansciller,gagneretperdredesmillionsenuneminuteenconservantsonsangfroid.Maisdèsqu’ilsetrouvaitdanslamêmepiècequeFaith,c’étaitcommesisaraisonabdiquait. –Faith. Elletournalatêteverslui.Sitôtqu’ellel’aperçut,sesbeauxyeuxvertssedilatèrentsousl’effet d’uneexpressiond’effroietd’horreur. –Non! Puis elle se blottit sous les draps. Sa réaction lui fit l’effet d’un coup de poing au creux de l’estomac.Maislepirefutdevoirlerestedeségratignuresethématomesdiversquicouvraientses épaulesetsonvisage. –Maisqu’est-cequit’estarrivé? Deux semaines plus tôt àpeine, ces mêmes lèvres souriaient à la vie. Ses longs cheveux, une incroyable cascade qui évoquait de l’or pur, avaient depuis été coupés court et lui donnaient une expressionplusvulnérableencore. Ques’était-ilpassé? Son cœur se serra mais il repoussa aussitôt cet apitoiement malvenu. Elle était la seule responsabledecequis’étaitpassé. – Nous avons dû lui couper les cheveux pour traiter ses blessures, expliqua le médecin après s’êtreéclaircilavoix. –Diosmío,ellen’aquelapeausurlesos! Prisdecourtparsespropresémotions,Rauldirigeatoutesacolèresurlepraticien. –Vousnenourrissezpasvospatientsdanscethôpital? – Elle a été inconsciente pendant longtemps, répondit l’autre d’un ton égal. Sa guérison est spectaculaire.Nousluiavonssauvélavie. –Tantmieux.Parcequesiçan’avaitpasétélecas,vousauriezpuchangerdemétier.Comment a-t-elleétéblessée? L'infirmièrefitunpasenavant,visiblementdésireusededésamorcerleconflitquis’annonçait. –Elleaétérenverséeparunevoitureensortantdel’aéroport.Elleatraversésansregarder. Leslèvrespincées,Rauls’approchadulit.MaisFaithluitournaledosenrabattantlesdrapssur sa tête. Repoussant farouchement la culpabilité qui menaçait de le submerger, il ordonna sèchement: –Regarde-moi. Souslesdraps,ellenebougeapas. –Fuirlesproblèmesnerésoudrarien.Tuasuneidéedusouciquejemesuisfait? Lacolèrenel’avaitpasquittéaucoursdesdeuxdernièressemaines,leharcelantjouretnuit.Il s’étaitpromis,lorsqu’ilreverraitFaith,deluifairecomprendrecequ’ilpensaitd’elle. Ilcrutd’abordqu’ellen’allaitpasrépondre.Enfin,elleseredressaetilsentitlesmotsmourir surseslèvres. Elle avait l’air aussi fragile qu’un nouveau-né. Sa chemise de nuit était trop grande, ses joues creuses,sesyeuxcernésfixaientunpointdanslevide.Elleressemblaitàunefemmebrisée.Apart le«non»qu’elleavaitcriélorsqu’ilétaitentré,ellen’avaitpasprononcéunmot. Incapabled’affrontercespectaclepourlemoment,ilsetournabrusquementverslemédecin. –Dequoisouffre-t-elleexactement? –Malgrélagravitédel’accident,elles’esttrèsbienremise.Elleaencoredesmauxdetêteetdes vertiges mais c’est normal. Reste la question de sa mémoire. Nous avons du mal à évaluer l’étenduedesonamnésie. –Ellen’estpasamnésique,déclaraRaul. Unseulcoupd’œilluiavaiteneffetsuffiàconstaterqu’elleserappelaittoutcequis’étaitpassé entreeux… –Mais…ellenesesouvientpasdevous,fitlemédecin,médusé. UnsourireglacialétiraleslèvresdeRaultandisqu’ilreportaitsonattentionsurFaith. –Oh,si,ellesesouvientparfaitementdemoi.Sicen’étaitpaslecas,ellenem’ignoreraitpas commeça.Etlaraisondesonattitude,c’estquesaconsciencelatravaille.Jemetrompe,cariño? Cettefois,elletournalatêteversluimaiscontinuadegarderlesilence.Sonregard,cependant, étaitéloquent.Lepassébouillonnaitentreeux,pareilàunvolcansurlepointd’exploser. –Jeneleconnaispas,déclara-t-ellesoudainàl’attentiondupersonnelmédical.Jenel’aijamais vudemavieetjen’aimepassesmanières.Jenepartiraipasaveclui. Rauleutunrireameret,ignorantlepanneauluiinterdisantdelefaire,s’assitauborddulità quelquescentimètresd’elleàpeine. –Ilsn’ontpasd’autrechoixquedetelaisserpartiravecmoi.Jesuistaseulefamille. Ilcrutvoirsesyeuxbrillermaislorsqu’ilvoulutl’étudierdeplusprès,elletournalatêteversla fenêtre. –Vousdevezbienadmettrequesamémoiresembleunpeubrumeuse,repritlemédecin. –J’aidécouvertquelamémoiredeFaithétaittrèssélective.Illuiarrived’oubliercertainsfaits importants.Commeuncontratentredeuxpersonnes,parexemple. Ses mots eurent l’effet désiré. Non sans satisfaction, il la vit s’empourprer sous l’effet de la colère. – Il n’y a jamais eu le moindre « contrat » entre nous. Je ne suis pas un de tes associés. Mais pourquoia-t-ilfalluquejeterencontre!Jetedéteste.Tuessanscœur,cynique,insensible… Lemédecintoussota,l’airgêné. –Ehbien,ellesemblesesouvenirunpeudevousetdevotre…caractère.C'estbien.Ellenousa ditqu’ellen’avaitpasdefamille. –Jen’aipasdefamille.SicethommeetmoiétionslesdeuxderniersêtresvivantssurlaTerre, l’espècehumaineseraitcondamnée. Cette pique, contre toute attente, rassura Raul. La lueur féroce qui brillait dans son regard indiquait que l’accident n’avait eu que des conséquences physiques sans gravité. Son esprit était intact.C'étaitbienlaFaithqu’ilconnaissait. Etsoncorpsréagitaussitôtparuneviolentemanifestationdedésir. Il soupira, médusé. Leur compatibilité, au lit, était extraordinaire. Cela l’avait rendu aveugle d’ailleurs,iln’avaitpasvouluserendreàlaréalité:ilauraitdûfuiràtoutesjambeslapremière fois qu’il l’avait vue. Il n’était pas la bonne personne pour elle et elle ne l’était certainement pas davantagepourlui. Réalisantquelemédecinetl’infirmièreattendaientuneréponse,ildéclara: –Jesuisbiensonmari.Jemechargedetout,àprésent. Surcesmots,iltirasonportabledesapocheetcommençaàpianoterdessus. – Ne te gêne pas pour nous surtout, ironisa Faith. Profites-en pour t’occuper de tes affaires. Pourquoiperdrelapossibilitédegagnerunoudeuxmillions,aprèstout? – Je ne me fatiguerais pas à décrocher le téléphone pour un ou deux millions, répondit-il du mêmeton.Tudevraislesavoir,àprésent. Lemédecinsecoualatête,visiblementatterré. –Vousavezdesproblèmes,touslesdeux. Raul se redressa en le fusillant du regard, puis sortit dans le couloir, son téléphone collé à l’oreille.Lorsqu’ilrevint,l’infirmièreavaitdisparuetlemédecinremplissaitdesformulairesd’un airlas. –Sijelalaissepartiravecvous,ilfautquevousmesigniezcespapiers.Voussereztenupour responsablesiquelquechosearrive. – Elle sera mieux là où je l’emmène que dans cet horrible endroit, répondit Raul, regardant dédaigneusementautourdelui. – Cet horrible endroit ? répéta le praticien, scandalisé. Nous soignons les gens dans cet « horribleendroit»commevousdites!Etce,depuislerègnedeHenriVIII! –Etc’estsansdouteaussiladernièrefoisquelesolaéténettoyé,jesuppose? –Biendit!s’exclamalavieilledameallongéedanslelitvoisindeFaith.Voilàunhommequine mâche pas ses mots. Et qui est très séduisant… Il n’y a plus de vrais hommes, de nos jours. Monsieur,sicettejeunefemmecontinuedevousrésister,sachezquejesuislibre. Amusémalgrélui,Raulluidécochaunsourire. –Gracias,jem’ensouviendrai. –C'estunemauvaiseaffairepourvous,madameHitchins,raillaFaith.Jevousauraiprévenue. Raul,àcesmots,serenfrogna. – Avec une telle opinion de moi, on se demande pourquoi tu étais si pressée de me traîner à l’église. –Jenet’aitraînénullepart.Depuisquandtelaisses-tudictertaconduite? –Tum’asmisdansunepositionimpossible! Sentant qu’il perdait le contrôle de lui-même, Raul prit une profonde inspiration. Elle le provoquaitetlui,commeunimbécile,ilfonçaittêtebaisséedanslepanneau.Voilàl’effetqu’elle avaitsurlui. Etc’étaitlamêmechoseaulit.Sesyeuxvertsetsessouriresavaientexercéunempirepresque humiliantsurlui.Ilétaitravid’enêtrelibéré. Libéré?IlneseraitjamaislibérédeFaith.Malgrésonétat,ilavaittoujoursautantenviedelui fairel’amouretilosaitappelercela«êtrelibéré»? –Va-t’en,reprit-elleaumêmemomentd’unevoixtremblante.Tuvoulaisunevoiedesortie,je t’enoffreunesurunplateau.Jen’aipasbesoindetoi. –Malheureusement,çaarriveunpeutroptard.Jesuistonmari,cariño.Bienquejecomprenne quetul’aiesoublié,vuquetut’esenfuiedeuxheuresseulementaprèsnotremariage! –Jenemesuispasenfuie.Jenesuisniunegamine,niuneprisonnière.Jesuispartieparceque j’ai découvert l’énorme erreur que j’avais faite. Je ne t’aurais jamais épousé si j’avais su quel genred’hommetuétais. Seremémorantlescirconstancesdeleurmariage,Raullâchaunrirenarquois. –Tusaistrèsbienquecen’estpasvrai.Quoiqu’ilensoit,tuserasmieuxavecmoiqu’ici,même situmedétestes. –Non.Jenevienspasavectoiettunepeuxpasm’yforcer.Jenesuispastonemployée. –Sil’undemesemployéss’étaitcomportécommetul’asfait,ilnetravailleraitpluspourmoi. Mais puisque nous sommes légalement unis, je ne peux pas te renvoyer. Crois-moi, ce n’est pas fauted’avoirréfléchiauproblème. Sontéléphonesonnaetilpritl’appelsansluilaisserleloisirderépliquer.Ilraccrochapresque aussitôtpourannoncer: –Monavionestprêtàdécoller.Ilyauneéquipemédicaleàbord. Acettenouvelle,elleserenfonçadanssescoussins. –Jenevienspas.Jenesuispascomplètementremise. –Tuachèverastaconvalescenceausoleil,prèsdelapiscine. Faith,indécise,posasurluisesgrandsyeuxverts.Raulsedemandasisapâleurétaitdueàson étatouàlaperspectivedevivreavecluialorsqu’elleregrettaitleurmariage. Elleavaitvoululaguerre,ellel’avaiteue.C'étaitellequiavaittirélapremière.Aprésent,elle devaitenassumerlesconséquences. 4. Vingt-quatreheuresplustard,Faithsomnolaitàl’ombred’unparasol.Justedevantelle,leseaux bleues de la plus belle piscine qu’elle avait jamais vue reflétaient le soleil et faisait danser des refletsmouvantssurl’abondantevégétationexotiquequil’entourait. Aupremiercoupd’œil,unvisiteurauraitpusecroireenpleinejungle.Quiauraitpusoupçonner que le siège de la Vásquez Corporation, en plein centre de Buenos Aires, abritait à son dernier étageunsplendideloftéquipéd’unjardinsursontoit,enpleinciel?Faithelle-mêmen’enavaitpas crusesyeuxlorsqu’elleétaitarrivéeetavaitdécouvertl’endroit. PourquoiRaull’avait-ilconduitelàetpasàl'estancia?sedemanda-t-ellepourlacentièmefois. Plus curieux encore, pourquoi avait-il insisté pour la ramener en Argentine ? Qu’attendait-il d’elle? Lorsqu’elleétaitpartie,quelquesheuresàpeineaprèsleurmariage,ellenes’étaitpasattenduà ce qu’il la suive. Pourquoi l’aurait-il fait, après avoir mis un point d’honneur à lui faire comprendrequ’ilnel’aimaitpas? Enserappelantsesmotsexacts,elleneputréprimerunfrisson.Elleavaitétésichoquéeparses propos qu’elle n’avait eu qu’une hâte : mettre le plus de distance possible entre eux. Maintenant encore,ellenecomprenaitpascommentelleavaitpusetromperàcepointsursoncompte. Rouvrant les yeux, elle soupira et tendit la main vers le verre de limonade posé sur une table prèsdesachaiselongue.IlluiétaitimpossibledesedétendrecarellesavaitqueRaulnetarderait pasàréapparaître. Etait-ilentraindetravailler?Commentpouvait-ilseconcentrersurquoiquecesoitalorsque leurmariagepartaitàvau-l’eau? Levantlesyeux,ellelevitsoudainquitraversaitlaterrasseécraséedesoleildanssadirection.Il s’était douché et changé après le vol et portait à présent une chemise de lin bleu pâle sur un pantalondetoile.L'auradepuissancequ’ildégageaitluiasséchalagorge,commetouteslesfois qu’ellelevoyait. L'espaced’uninstant,ellesedemandaquoifaire.Ellehésitaitentrehurler,bourrerdecoupsce corps athlétique, ou plus simplement fondre en larmes. Au final, épuisée, elle décida de ne rien fairedutout. –Laprochainefoisquetudécidesdet’enfuir,réfléchis-yàdeuxfois,lançasonmarid’unton acide.J’aipassélamatinéeàréglerlesproblèmessurvenuspendantquejetepoursuivaisaubout dumonde. –Jenet’aipasdemandédemepoursuivre. –Tunem’aspaslaissélechoix.Situvoulaisunmariagelibre,tun’auraispasdûépouserun Argentin. Surunsignepresqueimperceptibledelui,desserveursapparurentetentreprirentdedresserune tablesurlaquelleilsdisposèrentunbuffetfroid. –Jen’aipasfaim,déclara-t-elleenlesobservant. –Ilfautquetumanges. Elle tourna les yeux vers lui avant de comprendre son erreur. Car en dépit de la façon dont il l’avait traitée, il l’attirait toujours autant. Malgré son imposante stature, il se mouvait avec une grâceféline.Soncorpsévoquaitlaforceetlavitesse,lapuissanceetlasouplesse,autantdequalités qu’ilappliquaitàtoutcequ’ilfaisait:travail,sport…sexe. –Jenevoudraispasteretenir,marmonna-t-elle.Jesuissûrequetubrûlesd’enviederetournerà tontravail. –Jemesuisoccupédescriseslesplusurgentes,jen’aidoncrienàfairecetaprès-midi. La mine sombre, il s’assit sur une chaise voisine et se servit un verre de limonade avant d’ajouter: –Ilyadeschosesplusimportantesàrégler. –Plusimportantesquetontravail? Endépitdesatension,ellesemitàrire,avantdeseressaisirensentantqu’elleétaitsurlepoint defondreenlarmes. –Jecroyaisquec’étaitmoiquiavaisreçuuncoupsurlatête,marmonna-t-elle. –Pourquoit’es-tuenfuie?demandaRaul,impassible. Laquestionétaitsiinsultantequ’elledutseretenirpournepaslegifler. –Situessérieux,alorstuesencoreplusinsensiblequecequejecroyais. –Jenesuispasinsensible. Repoussantsachaise,ilselevabrusquementetlatoisadesonregardnoir. – Je ne comprends simplement pas pourquoi quelqu’un comme toi voudrait partir au moment mêmeoùelleatteintsonbut. –Sonbut?répéta-t-elled’unevoixtremblante.Tucroisquejesuisunecroqueusedediamants? Soncompagnonladévisagead’unœilnarquois,sansrépondre.Etcesilenceétaitéloquent.La jeunefemmedéglutit,déterminéeànepass’effondrerdevantlui. –Jesuispartieparcequetum’asditdeschosesaffreuses!Tuasétéodieux,stupideetcruel.Tu croisquej’avaisenvied’enentendredavantage? LesyeuxnoirsdeRaulplongèrentdanslessiens,flamboyants,accusateurs. –C'esttoiquiascréécettesituation.Ilfallaitallerjusqu’aubout. –Pourquoifaire?Tuasététrèsclairquantàtaposition,danscetteaffaire. Siclairqu’ilavaitparquelquesmotsbiensentisdétruitsesrêves.Etsanaïveté. –Situprendstesjambesàtoncouàlapremièredifficulté,cemariages’annoncetrèsintéressant. Situm’avaisparlé,nousaurionspuarrangerleschoses. –Tune«parlais»pas,Raul.Tuaccusais!Jugeetpartieàlafois!Tun’aspasvouluécouterce quej’avaisàdirepourmadéfense! Serendantcomptedecequ’ellevenaitdedire,elleenchaînaaussitôt: –Etjen’aipasàmedéfendre,parcequejen’airienfaitdemal!Riendutout!Alorsarrêtede metraitercommesij’avaiscommisuncrime. –Tuasprétenduquetuprenaislapilule. –Etc’étaitvrai! Voilà,c’étaitdit.Lesujetquiavaitprécipitélacriseetempoisonnéleurrelationflottauninstant entreeux. Faithserenditcomptequ’elles’étaitmiseàtrembler,maisellen’auraitsudiresic’étaituneffet desafaiblessephysiqueouuneréactionauxaccusationsdeRaul. – Je n’avais pas prévu de tomber enceinte ! renchérit-elle, lançant ses dernières forces dans la bataille. Mais ça, je te l’ai déjà dit. Si tu ne veux pas l’entendre, c’est ton problème. Retourne travailler,nousn’avonsplusrienànousdire. Tournantlestalons,ils’éloignaetellecrutuninstantqu’ilallaitluiobéir.Maisils’immobilisa quelquesmètresplusloin,lespoingsserrés,toutsoncorpsirradiantd’unecolèrecontenue. Elleleconnaissaitassezbienpoursavoirqu’ilétaitàboutdepatience.Etcelal’étonnaitd’autant plusqu’ilmanifestaitengénéralunsang-froidimpressionnantentoutescirconstances.Iln’étaitpas devenumilliardairepourrien.Quandsesconcurrentscraquaientsouslapression,Raul,lui,restait demarbre. Ellel’étudiaensilenceàtraverslebrouillarddeseslarmes,notantlalignetenduedesesépaules. Lorsqu’iltournalatêtepourfixerl’horizon,elleentraperçutledébutdebarbequicommençaità couvrirsamâchoire. DepuisquandRauloubliait-ildeseraser?Celasignifiait-ilqu’ilsouffrait?Sic’étaitlecas,elle enétaitravie.Ilsavaientaumoinsquelquechoseencommun! – Comment te sens-tu, physiquement ? demanda-t-il en continuant de lui tourner le dos. Le personnelmédicals’estbienoccupédetoi? –Ohoui.Rassure-toi,tun’aspersonneàrenvoyeroùàpoursuivreenjusticedececôté. Ilpivotaverselle,l’ombred’unsourireauxlèvres. –Jevoisàcecommentairequetonespritfonctionneparfaitement. – Oui, ma tête va très bien. Je n’ai pas besoin de l’équipe médicale. Ils doivent te coûter une fortune. –Ah,maisc’estl’undesavantagesd’êtremafemme,cariño. –Tonargentnem’ajamaisintéresséettulesaistrèsbien.Jenesavaismêmepasquituétais quandjet’airencontré.Etjegagnaistrèsbienmaviesanstoi,mercibeaucoup.Alorsn’insultepas notrerelationenlaissantsupposerquej’enavaisaprèstafortune. –Pourquoitesoucierducoûtdel’équipemédicale,alors?Nousavonsdéjàassezdeproblèmes commeça.Inutiled’enrajouter. –Jem’enpréoccupeparcequenousnesommesplusensembleetquejeneveuxrientedevoir. –Maintenantjemedemandesitun’aspasperdularaison,aprèstout. Poingssurleshanches,fermementcampésursesjambesécartées,ilenchaîna: –Tut’esjetéesouscettevoitureàdessein? Laquestionluiarrachaunhoquetdestupeur. –Non!Commentpeux-tumedemanderunechosepareille? – Parce que je n’ai pas peur d’affronter les sujets difficiles, contrairement à toi. Tu étais… perturbée. Perturbée?Ellefaillitéclaterderire.Lemotétaittellementinadéquatpourdécrirelesentiment d’anéantissementquil’avaitdévoré! –Effectivement,jemesentais«perturbée»,commetuledis,etc’estpourçaquej’aitraversé sansregarder.C'étaitunaccident. –Pourquoiavoirditàl’hôpitalquetun’avaispasdefamille?C'étaituneattitudeextrêmement égoïste.Tuauraisdûm’appeler. –Pourquoidiableaurais-jefaitunechosepareille? –Pourmedireoùtuétais,répliquasoncompagnon,laminesombreetlamâchoirecrispée. –Jen’avaispasderaisondecroirequeçat’intéressait. –Arrêtecespuérilités,s’ilteplaît. – Ça n’a rien de puéril ! Je suis honnête, c’est tout ! Notre dernière confrontation n’avait rien d’amical.Tum’asfaitsouffrir,Raul.Terriblement. – Je n’ai fait que me montrer honnête quant à mes sentiments, moi aussi, répondit-il sans manifesterlamoindretracederemords. Les tremblements de Faith s’accentuèrent. Malgré la chaleur, elle avait aussi froid que si on l’avaitlarguéeenmaillotdebaindansl’océanArctique. –J’ail’impressiondeneplussavoirquitues.Tun’esplusl’hommequej’aiconnu. Sentantsonestomacsenouerd’alarmantefaçonetsatêtesemettreàtourner,elleachevadansun souffle: –Va-t’en.Toutestfini,Raul. Lâchantunjuron,ilsedétournadenouveau,commesileseulfaitdelaregarderluipesait. – Peut-être que tu n’as pas voulu voir la vérité, Faith. C'est bien moi, je n’ai pas changé. Simplement,tun’aspréférévoirquecequiteconvenaitetocculterlereste. –C'estfaux.Jesaisquetupeuxêtredurenaffairesmaistun’es…tun’étaispascruel. Sentantleslarmesmenacerdenouveau,ellebattitfurieusementdespaupièrespours’éclaircirla vision. –Jusqu’aujourdenotremariage,reprit-elle,tuétais… –Quoi?Naïf?Unbelimbécile?coupa-t-ilfurieusement. –Jenecroispasqu’ilsoitnaïfdefaireconfianceàlapersonnequel’on… Elleavaitfaillidire«quel’onaime»,maisellesavaitqu’ilnel’avaitjamaisaimée. –…quel’onépouse,acheva-t-elle.Iln’estpasnaïfdefaireconfianceàcellequel’onépouse. –Ohvraiment?fitRauld’untonlourddesarcasme.Çadépendpeut-êtredesraisonsdumariage enquestion,tunecroispas?Dansnotrecas,ilestbasésurlemensongeetlatromperie.Jenevois pascommentlaconfiancepourraitentrerenlignedecompte! –Jenet’aijamaismenti!Etjenecomprendsmêmepascommenttupeuxlecroire.C'estàcause detonargent?C'estunproblèmepropreauxmilliardaires?Qu’est-cequetucrois,Raul?Quetu estellementfabuleux,quetuastellementd’argentquelesfemmesvonttoutfairepourtepiéger? C'estça? Sonmarisepassaunemainlassesurlevisage,puissecoualatête. – Laissons le sujet de côté pour le moment. Tu n’es pas en état d’en discuter sereinement et franchement,moinonplus.Lefaitestquetuauraispuêtretuéedanscetaccident. –Cequiauraitréglétoustesproblèmes. – Dios mío, c’est une remarque parfaitement injustifiée ! A aucun moment je n’ai souhaité ta mort! Ellehaussalesépaules.Elleavaitlagorgehorriblementsècheet,heureusedeceprétextepour détourner le regard, prit son verre de limonade. Mais sa main tremblait tellement qu’elle en renversaunedosegénéreusesursarobe. Avecunjuron,Raulluiôtasonverredesmains,puisleluiportaauxlèvres. –Bois,ordonna-t-il.Tuasbesoindet’hydrater. Sesmanièresautoritairesavaientbeaulahérisser,ellesavaitqu’ilavaitraison.Elleobtempéra donc,buvantàpetitesgorgéesjusqu’àcequesonverresoitvide. Sa présence, cependant, ne l’aidait guère à recouvrer ses moyens. Il était à présent si proche d’elle qu’elle sentait la chaleur qui émanait de son corps, ce qui eut pour effet d’aggraver ses tremblements. –Tun’aspasl’airbien.Jevaisappelerlemédecin. –Non,c’estinutile,jet’assure. Claquantdesdents,elleserallongeasursontransat,enpleineconfusionintérieure.Raulluiavait clairementditqu’ilregrettaitleurmariageetpourtant,ilétaitvenulachercherenAngleterrepour laramenerenArgentine.C'étaitàn’yriencomprendre. –Pourquoisuis-jeici,Raul?demanda-t-ellefaiblement.Qu’est-cequetumeveux? –Tuesmafemme.Taplaceestàmescôtés. Elle ferma les yeux, déprimée. Ainsi donc, ce n’était qu’une question de possession. Elle était pareille,àsesyeux,àunetêtedebétail. –Jen’auraisjamaiscruquecegenredechosenousarriverait…,murmura-t-elle. –Jeveuxbientecroire.Tuasfaitunpari,tuasperdu.Aieaumoinslecouraged’enaffronterles conséquences.C'estàcausedetoiquenousensommeslà. –J’enaiassez.Jeneveuxplusenparler. – Je croyais que parler était ce que les femmes faisaient de mieux ? Que ça permettait de résoudren’importequelproblème? –Jen’airiend’autreàtedire,Raul.Tuesencolère,tudisdeschosesaffreuses…J’aivraiment l’impressiondenejamaist’avoirvraimentconnu. Une ombre passa dans les yeux de son mari, une nébuleuse mouvante qui suggérait de noirs secrets,profondémentenfouis. –Jenepeuxpasêtrel’époused’unhommequinem’aimepas,reprit-elleaveceffort.Jeveux divorcer.Donne-moilespapiersquejedoissigneretjeleferai. Commeilnerépondaitrien,ellelevadenouveaulesyeuxetconstataqu’ils’étaitéloigné.Ilse tenaitàprésentauborddelapiscine,ledostourné.Maisilpivotasoudainementpourlacloueràsa chaiselonguedetoutelaforcedesonregard. –Tutedémènescommeunefollepourmeforceràt’épouseretmaintenant,tuveuxdivorcer? Aumomentmêmeoùturemporteslabataille,tudéposeslesarmes? – Je n’ai jamais vu notre relation comme une guerre, Raul, répondit-elle avec une immense lassitude. – Peut-être pas une guerre ouverte, non, mais tu m’as habilement manipulé pour me forcer à t’épouser.Aprésentquetuasatteinttonbut… –Jen’aipasdebut!coupalajeunefemmeenseredressantbrusquement.Jenesuispasunede tesentreprises!Jen’aipasdestratégieoudeplanquinquennal! –Vraiment?Aquilafautesinousensommeslà,pourtant?Lemariagenefaisaitpaspartiede mesprojetsetj’aiétéclairsurcepointdèsledébut. Avançantd’unpas,ilrepritd’unevoixvibranted’émotion: –Pasdemariage.Pasdebébé.Tuesentréedanscetterelationlesyeuxgrandsouverts. L'accusationétaitsiinjustequel’espaced’uninstant,elleeutdumalàrespirer.Commentavaitellepucroirequeleurssentimentssuffiraientàcomblerlegouffrequilesséparait? –Tutetrompes.Jenevisaispaslemariage.J’étaistrèsheureuseavectoietçamesuffisait.Je croyaisquenouspartagionsquelquechosedespécial. – C'était le cas. Mais ça ne te suffisait pas, n’est-ce pas ? Tu voulais davantage… Tu pensais savoircequejedésiraismieuxquemoi-même! –Jenet’aijamaismenti,Raul!Toutçanefaitpaspartied’unplanélaboré!C'étaitunaccident! –Lapilule,c’estscientifique. –Exactement,etlascienceditqu’elleestàquatre-vingt-dix-neufpourcentefficace!Ilesttemps quetuapprennesquetunepeuxpastoutcontrôlerdanslavie.Lesaccidents,çaarrive!J’ensuisla preuvevivante.Maisçan’aplusd’importance,n’est-cepas? CommeRaulouvraitlabouchepourrépondre–etsansdoutecontestersespropos,commeàson habitude–ellel’interrompitd’ungestevif. – Non ! Ça suffit, maintenant. Je ne suis pas d’humeur à supporter une nouvelle volée de critiques. –Tunesaismêmepascequej’allaisdire. –Ohsi,jelesais.Quelquechosedugenre«situn’étaispastombéeenceinte,jenemeseraispas sentiobligédet’épouser»oubien«quellechancequetuaiesperdulebébé». Sesyeuxs’emplirentdelarmesmais,lesravalantfarouchement,elleenchaîna: – Je ne me sens pas chanceuse. Je sais que tu n’en voulais pas, et je te répète que c’était un accident,maisjeregretted’avoirperdulebébé. Raulétaitàprésentsitenduquetoutsoncorpsparaissaitvibrer.Ilacquiesçasèchement. –Jecomprends. –Non,tunecomprendspas!Commentlepourrais-tu?Jet’aiintentionnellementtenuàl’écart detoutça,pourteprotéger,pendantquetuétaisàNewYork.Jenevoulaispasajouteràtonstress parcequetutravaillaissurcettefusion… –C'étaituneOPA. –Jemefichedecequec’était!Jesavaissimplementquec’étaitimportantpourtoi!C'estpour çaquejenet’airiendit.Maisévidemment,tul’asmalinterprété,ettuascruquec’étaitparpeur quetun’annulesnotremariagequej’avaisgardélesilence. –C'étaituneconclusionnaturelle. –Pourunhommetelquetoi,Raul.N’importequid’autrem’auraitremerciée. Lecœurserré,elledétournalatête.Elleétaitépuiséeparcetteluttedetouslesinstants. –Va-t’en.Laisse-moitranquille.Aquoibonparlerdetoutça? –Noussommesmariés.Nousdevonsréglerleproblèmeensemble. – Certains problèmes n’ont pas de solution et c’est le cas de celui-ci. Est-ce que tu te rends comptequetun’aspasuneseulefoissongéàmessentimentsdanscetteaffaire? Avecunsoupir,ilsemassalanuque. –Ecoute,jemerendsbiencomptequetuasétééprouvée… – Etonnant, non ? Je perds un bébé, je découvre que mon mari est un monstre, je me fais renverserparunevoiture,je… Elles’interrompit,lesoufflecourt,lestempesvrilléesparlamigraine. –Calme-toi!Lesmédecinsontditquetudevaisévitertouteformedestress.Tuasraison,ilest inutiledeparlerdetoutça.Nomeimporta.Nousdevonsallerdel’avant. – Aller où ? demanda-t-elle d’une voix étranglée. Tu es soulagé, mais ce n’est pas mon cas. Notrerelationestmorteet…etjen’aimêmepasdebébépourmelarappeler,acheva-t-elled’une voixbrisée. –C'estpourçaquetuauraisdûmequitterilyasixmoispourunhommequipartagetonidéal defélicitédomestique.Tuauraisdûpartiraulieudemeforcerlamain. –C'étaitunaccident. Faithcouvritsonvisagedesesmainspourcacherseslarmes,maiscefutenvain.Elleentendit Rauljureravantdesentirsacuisseeffleurerlasiennecommeilprenaitplaceprèsd’elle. –Arrêtedepleurer.Jenet’aijamaisvuepleurerjusqu’àprésent.Tueslafemmelaplusforte quej'aiejamaisconnue.Tutedemandescequej’aicontrelemariage?Regardecequ’ilafaitde toi.Nousétionsheureux,avant. –Çan’arienàvoiraveclemariage.C'est…c’estl’hommequetuesdevenu… –J’étaisdéjàcethomme.Tulesavais.Tusavaisquenousn’avionspasd’avenir,quetufinirais parvouloirdesenfants. –Jen’aijamaispenséàça! –Quandtuascomprisàquelpointtuavaisenvied’unbébé,tuauraisdûpartir. Dejustesse,elleretintunéclatderirehystérique. –Maiscommentpeux-tuêtresidouéenaffairessitun’écoutespascequ’ontedit?Jeneveux plus en discuter avec toi, de toute façon. Tu tiens à croire le pire, à t’imaginer que tu as été manipulé?Trèsbien.Toutcequejetedemande,c’estdedivorcer.Jeveuxoubliercedésastre. Etellevoulaitplusquetoutl’oublier,lui.Sic’étaitencorepossible… Aussitôt,levisagedeRaulseferma. –Iln’yaurapasdedivorce,répliqua-t-ilsanslamoindrehésitation.Tuaschoisitavoie,ilfaut allerjusqu’auboutmaintenant,cariño.Jedoistelaisser:j’aidescoupsdefilàpasser.Jeteverrai audîner. 5. Qu’était-ellecenséeporteraudîner? Faithavaitfuil’Argentineavecsonsacàmainpourtoutbagage.Etforcément,ellenes’étaitpas arrêtéeencheminpourseracheterunegarde-robe! Jetant un coup d’œil à sa montre, elle constata qu’elle disposait encore de quelques heures. Et puisquel’appartementdeRaulsetrouvaitenpleincentredeBuenosAires,ellen’auraitsansdoute pasdemalàtrouverquelquechosed’approprié. Elle emprunta l’ascenseur et, tandis qu’il descendait, s’adossa à la paroi, songeuse. Raul avait tellementchangéquec’enétaiteffrayant.Etellen’avaitpasbesoind’encherchertrèsloinlaraison. Entombantenceinte,elleavaitcommislepéchéultime. Elle tressaillit lorsque les portes de l’ascenseur s’ouvrirent sur l’homme qui occupait ses pensées.Lorsqu’ill’aperçut,sonvisagesecontractaaussitôtsousl’effetdelacolère. –Maisqu’est-cequetufais?Tuescenséetereposer! Latensionsexuellequiexplosaentreeux,commeàl’accoutumée,luicoupamomentanémentle souffle.Etsoudain,endévisageantRaul,ellecompritpourquoileurrelationavaitétédèsledépart vouéeàl’échec. Ilsappartenaientàdeuxmondesdifférents.Passeulemententermesdefortune,maiségalement d’éducation, de culture, d’expérience de la vie. Et ils avaient eu beau parler, il n’avait jamais évoquésonpassé. Enrésumé,ellenesavaitpresqueriendelui! Ilrevenaitd’unrendez-vousd’affaires,àenjugerparlecostumeanthracitequ’ilportaitsurune impeccable chemise blanche. Sentant son pouls s’affoler, elle se demanda comment elle pouvait encore le trouver si désirable après tout ce qu’il lui avait fait subir. Etait-elle masochiste sans le savoir? – Je… je vais faire du shopping, déclara-t-elle enfin, se rappelant qu’il venait de poser une question. –Jecroyaisqueleshoppingnet’intéressaitpas? –Jen’airienàmemettre.Tousmesvêtementssontrestésàl'estancia. Raulladévisageauninstant,sourcilsfroncés,avantd’acquiescer. –Excuse-moi,jen’avaispaspenséàcedétail.Tuauraisdûm’enparlerplustôt. Ilfitunpasenavantetlesportesdel’ascenseurserefermèrentderrièrelui.Asongranddam, elleseretrouvaprisonnièred’unespacequiluiparutsoudaintropétroit. Des visions érotiques envahissaient son esprit, la forçant à regarder droit devant elle et à se concentrer sur un détail insignifiant de la cabine. Mais cette stratégie ne l’aida pas à diminuer le désirquimontaitenellecommelapressiondansunemachineàvapeur. Avecunpincementaucœur,elleserenditcomptequec’étaitlapremièrefoisqu’ilssetenaientsi proches l’un de l’autre sans se toucher. Elle enviait son détachement apparent, le contrôle qu’il exerçaitsursesémotions. Peut-êtreaurait-elledûmoinss’investirdansleurrelation.Maiscelaaurait-ilrenduleurrupture moinsdifficile?Rienn’étaitmoinssûr. Raulnefaisaitpasminedevouloirparleret,deplusenplustendue,elletentadeseraisonner. Commentpouvait-elleunseulinstantsongeràunequelconquerelationavecunhommequinelui faisaitpasconfiance?Laconfiance,dansuncouple,étaitaussiessentiellequel’oxygèneàunêtre humain. N’avait-elledoncaucunefierté?Ouétait-cetoutsimplementqu’elleavaitsous-estimélepouvoir del’amour? –Je…jenesavaispasquetuavaisunappartementàBuenosAires,remarqua-t-elledansl’espoir dedétournerlecoursdesespensées. Avecunhochementdetête,Raultirasursacravateavantd’appuyerdupoingfermésurlebouton quicommandaitl’accèsàsonappartement. –Jetravailletard,parfois,secontenta-t-ilderépondre. Lacabines’élevadenouveau.Elleétaitàl’extérieurdubâtimentetsaparoideverreoffraitune vuespectaculairesurlaville. –C'estvraimentmagnifique,murmuraFaith. –Oui.Maisj’aimisl’appartementenvente. –Vraiment? –Jemesuisaperçuqu’unascenseurdeverren’étaitpaslemoyenidéaldeprotégersonintimité. Elleacquiesçaensilence.Elleavaitbeaumalleconnaître,ellesavaitàquelpointilétaitattachéà sa vie privée. Il ne reculait devant aucune dépense pour la préserver. C'était d’ailleurs la raison pour laquelle il passait la majeure partie de son temps à l'estancia, sertie entre des dizaines de milliersd’hectaresdepampad’uncôtéetl’Atlantiquedel’autre. Là,ils’adonnaitàsapassion,l’élevagedechevauxdepolo.L'estanciaétaitdevenuelepointde passage obligé de tout ce que le monde comptait d’amateurs fortunés. Bien sûr, l'estancia n’était qu’une fraction de l’empire de Raul, qui englobait également des hôtels, des banques, des entreprisesdenégoce.Ils’étaitdiversifié,luiavait-ilexpliquéunjour,afind’éviterqu’unebrutale baissed’activitédansunsecteurenparticuliernemetteenpérill’ensembledesesaffaires. Lesportess’ouvrirentenfinsurl’appartementetRauljaillitlepremierdelacabine,commes’il avaithâtedes’éloignerd’elle.Aprèsuneinfimehésitation,ellelesuivit. – C'est vraiment impressionnant, dit-elle en admirant la vue qu’offraient les grandes baies vitrées. Rauleutunhaussementd’épaules. –C'estjusteuneville. –Pourquoias-tuachetécetappartementsicen’estpaspourlavue? – Je te l’ai dit : j’avais besoin d’un endroit où me doucher et me changer. Et c’est un investissement. Il se tenait immobile, découpé contre l’horizon, irradiant une incroyable tension. L'énergie pulsaitdetoutsoncorpsenondespresquepalpables. – L'argent entre donc en compte dans la moindre de tes décisions ? ne put-elle s’empêcher de remarqueravecironie. –Pasdanstoutes,non,réponditRaulensetournantverselleetenplongeantlesyeuxdansles siens. Lemessageétaitclair.Sil’argentl’avaitintéressé,ilnel’auraitpaschoisieelleenpremierlieu. Faithledévisagea,sedemandantcommentelleavaitjamaispusesentiràl’aiseaveclui.Touten luiévoquaitlepouvoir,l’agressivité,lavirilité.C'étaitunmélangeentêtant,certes,maisinfiniment dangereux.Iln’étaitpasétonnantqu’elles’ysoitbrûlélesailes. –Jenet’aipasencorefaitvisitermaislachambreestàl’étage,déclara-t-il. Savoixetsesmanièresétaientsèches,commes’ilbrûlaitd’envied’endirebeaucoupplusmais secontenait. –Prendsunedoucheetutiliselesvêtementsquetutrouverasdanslesplacards. Les vêtements ? Faith sentit son cœur tressauter dans sa poitrine tandis que son estomac se serrait.Pourquoiavait-ildesvêtementsfémininsdanssesplacards?Ellen’étaitjamaisvenueet… Iln’yavaitqu’uneexplicationpossible. Serappelantquelafaçondontilconduisaitsavienelaregardaitplus,elleserralespoings. –Al’étage?répéta-t-elle. D’unsignedetête,illuidésignaunescalierqu’ellen’avaitpasremarqué. –L'appartementestunduplex. Elleseforçaàsourirepuis,redoutantqu’ilnelisesontroubledanssesyeux,sedirigeaàgrands pasversl’escalier.EllesentaitleregarddeRaulbraquésursanuquesibienqu’elledutseretenir pournepassemettreàcourir. Lachambreoccupaitl’intégralitédupremierétage.Rongéeparlajalousie,elleévitaderegarder endirectiondel’immenselit,unlitqu’ilavaitdûpartageravecunnombreincalculabledefemmes. Pourlapremièrefois,ellesedemandaits’ilavaiteudesmaîtressesdurantleurproprerelation. Aprèstout,ils’étaitrenduàplusd’unerepriseàBuenosAirespendantqu’ellerestaitàl'estancia pour s’occuper des chevaux. Qui savait comment il avait occupé ses nuits ? Il s’était toujours montré sexuellement insatiable et d’une vigueur inépuisable. Pouvait-il même passer une seule journéesansfairel’amour? TentantdenepaspenserauxlargesmainsdeRaulcaressantuneautrefemme,ellesedéshabilla avantdepassersousladouche.Queluiimportaitqu’ill’eûtdéjàremplacée?Cen’étaitpascomme silemoindreavenirétaitpossibleentreeux.Pasaprèscedontill’avaitaccusé. Ilavaitraison:ilsn’étaientabsolumentpasfaitsl’unpourl’autre.Elleétaitunefemmemoderne et lui, le produit d’un monde qui l’avait rendu dur et cynique. Peut-être aurait-elle dû, comme il l’avaitsuggéré,mettreuntermeàleurrelationdesmoisplustôt. Maisc’étaitnégligerunlégerdétail. Ellel’aimait. Elleétaitéperdumentamoureusedelui.Etilavaitpiétinécetamour,l’avaitréduitànéant. Lesyeuxfermés,ellelaissal’eaubrûlanteluicourirsurlapeau,trouvantunétrangeréconfort dans cet excès de chaleur. Après l’odeur de désinfectant de sa chambre d’hôpital, le parfum des luxueuxproduitsdedoucheàsadispositionétaitunvéritablebonheur. Elle aurait pu rester là pendant des heures mais elle soupçonnait qu’il finisse par venir la chercher.Etcommec’étaitbienladernièrechosequ’ellevoulait,elleseforçaàcouperl’eau.Puis elles’enveloppad’unépaispeignoiretrevintdanslachambre. Sepréparantmentalementàdécouvrirlacollectiondevêtementsfémininsdontregorgeaitsans doutesonplacard,ellel’ouvritengrand,d’uncoupsec. Maisaulieuderobesdesoirée,delingeriefineetautresaccessoires,ellesetrouvafaceàune rangéedecostumes,dechemisesetdecravates.Unintensesoulagementl’envahit,auquelsuccéda bienvitedel’irritation.Carelleauraitpréférénerienressentir.EllesemoquaitbiendeRauletde saviesexuelle. Oudumoins,c’étaitlathéorie…Secouantlatête,ellesedemandacommentelleallaitpouvoir divorcer. Oh, légalement, elle savait que la chose serait facile. Mais survivre à l’agonie émotionnelleenseraituneautre.Lesdeuxdernièressemainesluiavaientdonnéunavant-goûtdela difficultédelachose. En parcourant le contenu du placard, elle comprit rapidement qu’elle n’y trouverait rien à sa taille.Avecunsoupir,ellepritunechemiseblancheetl’enfila.Elleluitombaitàmi-cuissesmais, en y ajoutant une ceinture et en roulant les manches, la jeune femme en fit une robe improvisée acceptable. Ainsivêtue,etvaguementembarrassée,Faithredescenditdanslesalon.Raulluitournaitledos, le téléphone collé à l’oreille, prenant appui d’une main contre la baie vitrée. Il se retourna en l’entendantarriveretsonregardl’enveloppatelunventbrûlant. Ilmurmuraquelquesmotsdanslecombiné,puisraccrochasanscesserdel’observer. –Tuasperdudupoids,observa-t-il. – C'est juste que cette chemise est trop grande pour moi, protesta Faith. Il n’y avait pas de vêtementsféminins. –Pourquoiyenaurait-il?Jenepensepasqu’onmeprendraittrèsausérieuxsijemettaisune robeetdestalons. Laquestionluibrûlaitleslèvresmaiselleserefusadelaposer,semaudissantintérieurementde safaiblesse.Pourquoiserabaisserendonnantlibrecoursàsajalousie? Illevasoudainlesyeuxaucielavantdepartird’unrirerauque. –Tun’espastrèsdouéepourladissimulation,n’est-cepas?Jet’aitoujoursétéfidèle.Pourqui me prends-tu ? Pour un adolescent en proie à ses hormones ? Tu crois que je couche avec la premièrevenue? Mortifiéeetsoulagéeàlafois,ellebredouilla: –Je…Jepensaisjusteque… –Jesaiscequetupensais.Pourtoninformation,jen’aijamaisamenéuneautrefemmeences lieux.Cen’estpasunnidd’amour.Quandjesuisici,c’estpourletravail. Atterréeparsaproprefaiblesse,elleneputquemurmurer: –C'estsidifficile… –C'esttoiquirendsleschosesdifficiles.Pasmoi. –Tuattendsquejet’accordemaconfiancemaistumerefuseslatienne.Qu’est-cequej’aidonc fait pour te laisser croire que je pourrais un jour te mentir ? Particulièrement sur un sujet aussi important? Soncompagnonpâlitlégèrement.Ilsefigea,détournantleregard. –TunepeuxpassortirdansBuenosAiresaveccettechemisesurledos. Ainsi donc, il préférait changer de sujet. Son instinct lui soufflait qu’il valait mieux ne pas le contrarier.Ildevaitavoirunebonneraisondelefaire. Mais la curiosité l’emporta. Elle voulait connaître la réponse. Pour la première fois, elle se demandaitsiellenepayaitpaspourlescrimesd’uneautre. –Commejetel’aiexpliqué,jesuispartiesansmesaffaires.Jen’aipasréfléchi. –Eneffet.Toutcommetun’aspasréfléchiquandtut’esjetéesouscetaxi.Cen’estpasd’une garde-robedonttuasleplusbesoin,cariño.C'estdequelqu’unpourteprotéger.Pourteprotéger detoi-même. –Cen’estpasvrai.Jen’auraisprisaucuneaffairedetoutefaçon,mêmesij’avaiseulechoix.Je nevoulaisrientedevoir,rienemporterquit’appartenait. – Tu m’appartenais, fit valoir son compagnon d’une voix sourde, ses cils voilant momentanémentl’éclatférocedesesyeux.Tuétaismienne.Etcontrairementàtoi,jeprendsgrand soindecequim’appartient. 6. –Jenet’appartienspas,Raul. Illafixaensilence,regrettantdenepasavoirpenséàluiacheterdesvêtements.Celaluiaurait permisdeseconcentrersurladiscussionencours.Jamaisiln’auraitpenséqu’unesimplechemise blanchepuisseêtreaussisexy. Ce n’était pas la chemise, corrigea-t-il aussitôt, mais celle qui la portait. Faith aurait été séduisantedanslesvêtementsdesagrand-mère. Elleledévisageaitàprésentdesesyeuxverts,brillantscommedesémeraudes. – Parle-moi, Raul, demanda-t-elle d’une voix soudain radoucie. Dis-moi ce qui a fait de toi quelqu’und’aussidur.Est-cequ’ilyaquelquechosequej’ignore?Est-cequequelqu’unt’afait souffrir? Ilseraidit.Elles’approchaitdangereusementdelavérité.Plusqu’aucuneautreauparavant. –Nousavonsparlésansarrêt,fit-ilvaloird’untonfroid,fuyantlaquestionqu’illisaitdansson regard. –Maispeut-êtrepasdesbonneschoses. –C'esttoiquim’astrahi,luirappela-t-ildurement. –Pourquoiaurais-jefaitunechosepareille? –Parcequetuvoulaistemarier. –C'estfaux! – Si c’est faux, que faisons-nous là, mari et femme ? s’emporta-t-il. Parce que c’est ce que j’aimeraissavoir! Il se mordit la lèvre en constatant qu’elle s’était remise à trembler. Avec son visage pâle, elle semblaitenétatdechoc. –Noussommesmarietfemmeparcequejecroyaisquec’étaitcequetuvoulais,répondit-elle dansunsouffle.C'esttoiquim’asdemandéeenmariage. –Parcequetunem’aspaslaissélechoix.Tun’asdoncrienécoutédecequejet’aiditaucours decesdixderniersmois?Pasdemariage,pasdebébé,j’aiététrèsclairsurcesdeuxpoints.Si c’étaitcequetuavaisderrièrelatête,tuauraisdûchoisirunautrehomme. Maisalorsmêmequ’ilprononçaitcesmots,ilsavaitqu’ilmentait.Jamaisilnel’auraitlaissée partiravecunautrehomme. –Jen’avaisrienderrièrelatête,protesta-t-elled’unevoixlasse.Jenesuisvenuedanstafichue estanciaquepourm’occuperdechevaux.Jenesavaismêmepasàquoituressemblais! Voyant qu’elle crispait et décrispait convulsivement les poings, il leva une main en signe d’apaisement. –D’accord,calme-toi. – Comment veux-tu que je me calme alors que tu m’accuses d’avoir c-c-comploté contre toi ! rétorqua-t-elle,bégayantsousl’effetdelacolère.C'étaitunaccident!Çaarriveàdesmillionsde femmes tous les jours ! Et je te rappelle qu’il faut être deux pour ça. Tu étais là, tout le temps, partout!Aulit,sousladouche,danslesécuries,danstonbureau,dansleschamps…Jen’aipasfait çatouteseule! Cettediatribepassionnéeévoquaitdesimagessivivacesqu’illuifallutquelquessecondesavant depouvoirformuleruneréponse. –Tum’asditquetuprenaislapilule. –Ehbien,ilsemblequeriennesoitcertaindanscemonde! –Bon,n’enparlonsplus,toutçaappartientaupassé. –Non,cen’estpasdupassé.Jen’aipasl’intentiondevivreavecunhommequimecroitcapable dupire! –Toutmariagetraversedespériodesdecrise… –Maispasdeuxheuresaprèslacérémonie!serécria-t-elleavecunéclatderirenerveux.Jete déteste,Raul! Deslarmesavaientjaillidesesyeuxets’étaientmisesàroulerlelongdesesjoues.Cen’étaient pas des larmes calculées pour s’attirer les faveurs d’un homme – celles-ci Raul savait les reconnaître–maisdessanglotsangoissésquisemblaientsecouertoutsonêtre. –Jetedétesteparcequetunemecroispas.Jetedétesteparcequetum’asépouséealorsquetu n’en avais pas envie. Mais plus que tout, je te déteste parce que tu te moques que j’aie perdu le bébé! Avecunjuron,ilfitunpasdanssadirectionmaisellelevalamainpourl’arrêter. –Net’avisepasdemetoucheroujetejurequejenerépondspasdemaréaction! –Tuesvisiblementbouleversée… – A cause de toi ! coupa-t-elle, les yeux jetant des éclairs. Décide-toi, Raul. Tu ne peux pas m’accuserdetementiretd’avoirvoulutemanipuler,puisvouloirm’aiderdanslasecondequisuit. Quandj’aiperdulebébé…c’estlàquej’auraiseubesoindetonsoutien!Maisqu’est-cequetuas fait?Tuasprétenduquej’avaistoutmanigancépourteforceràm’épouser!Cejour-là,j’ainon seulementperdulebébé,maisjet’aiperdutoi! Faceàcesaccusationsinjustes,ilsentaitsapropretensionremonter. –Etqu’étais-jesupposécroired’autre? –Quejen’auraisjamaispufaireunechosepareille! Sesjouesruisselaientdelarmesàprésentmaiselleneparaissaitplusnitriste,nivulnérable.Tout sonêtreexprimaitlacolère.Etelleétaitplusbellequejamais. –Çaauraitsansdouteaidésitum’avaisannoncélanouvelleavantlemariage,grommela-t-il, passantsesdoigtsdanssescheveuxenungestedefrustration. –Jel’auraissansdoutefaitsij’avaisréaliséàquelpointtuétaiscynique!Encorequejenesais pascommentj’auraispulefaire,vuquetuesarrivécinqminutesavantlacérémonie!Sijet’en avaisparlé,jemeseraissûrementeffondrée.Etj’aipenséqueceneseraitpasbonpourtonimage detevoirépouserunefemmeenlarmes! –Faith… –Réponds-moihonnêtement,Raul,l’interrompit-elled’unevoixrauqued’émotion.Situétaisà ce point contre la notion de mariage, pourquoi me l’avoir proposé ? Quand je t’ai annoncé que j’étaisenceinte,jet’aidittrèsclairementquejenem’attendaispasàcequetum’épouses. –Oui,c’étaittrèshabile. – Pas habile, non, honnête. Tu as une idée du courage qu’il m’a fallu pour t’annoncer la nouvelle, alors que je savais que c’était la dernière chose que tu voulais entendre ? J’aurais pu m’enfuiretdisparaîtreavectonbébépourl’élevertouteseule.Maisjenel’aipasfait. Raulsefigea,laminesombre,hantéparlesdémonsdesonpassé. –Jen’auraispasvoulucela.Jenel’auraispaspermis.Jamais. – Pourquoi pas ? Si tu es si allergique au concept de paternité, ça aurait été une option parfaitementraisonnable. Repoussantdessouvenirsqu’ilpensaitavoirenterrésdéfinitivement,ilsemassalestempesdu boutdesdoigts.Non,ilnevoulaitpasrepenseraupassé.Pasmaintenant.Niplustard,d’ailleurs. – J’essaie de te comprendre, murmura-t-elle, les yeux scintillants comme deux éclats de jade. Maistunem’yaidespas. Raulprituneprofondeinspirationavantderépondrecalmement: –Jen’aipassimalréagiquandtum’asannoncéquetuétaisenceinte. – En effet, tu n’as pas eu la moindre réaction. Tu es resté immobile, comme si tu venais de recevoiruneballeenpleincœur. Illadévisagea,perplexe,déchirépardesémotionscontradictoires.Leurrelationétaitenmiettes et il ignorait comment en recoller les morceaux. En général, au premier signe d’incompatibilité avecunefemme,ilrompait. Alorspourquoinefaisait-ilpasdemêmeavecelle? –Tudoistecalmer… –Arrêtedemediredemecalmer!Jenemecalmeraipas!Jesuisfurieuse,Raul.Contretoi,et contre moi-même. Je m’en veux d’avoir cru que nous partagions quelque chose de spécial. J’ai vraimentcruque…quenouspourrionssurmonterçaensemble… Savoixsebrisaetilsentittoussesmusclessecrisper. –Pourquoinem’as-tupasditquetuavaisperdulebébécettenuit-là?Jet’aiappelée,justeavant lemariage.Tuauraispulefaire. –Jenevoulaispastel’annoncerautéléphone!Quevoulais-tuquejedise?«Tuaspasséune bonnejournée,monchéri?Aufait,j’aifaitunefaussecouche…» –Faith… – J’étais anéantie et je sais que tu détestes les larmes ! Ne le nie pas. Regarde-toi, même maintenant,tuesentraindetedire«pourvuqu’elleneseremettepasàpleurer…». –C'estfaux. Il s’éloigna d’elle, ne s’arrêtant que lorsqu’il eut atteint le bout de la pièce. Il y avait déjà un immensefosséémotionnelentreeux. –Toutcelan’aaucuneimportance,renchérit-ilavecirritation.Noussommesmariésetc’esttout cequicompte. Il repensa à l’année qui venait de s’écouler, à la passion qu’ils avaient partagée. Elle avait eu beau ignorer son identité, le jour de leur rencontre, leur entente sexuelle avait été explosive, immédiate. Et quand elle avait découvert qui il était, elle n’avait pas changé. Elle était restée la même, continuant de lui dire ses quatre vérités quand elle en avait envie. Habitué à être entouré d’hypocrites,ilavaittrouvésafranchiseincroyablementrafraîchissante. –Raul,c’estfini. –Tuesmafemme,Faith.Taplaceestdansmonlit. Acesmots,elleeutunhoquetdestupeursuivid’unricanementincrédule. –Dis-moiquetuplaisantes! Blesséparsaréaction,ilserembrunit. –Touterelationtraversedesmomentsunpeudifficiles,marmonna-t-il. –Desmomentsunpeudifficiles? –Jet’aidittoutàl’heurequ’iln’yauraitpasdedivorce. –Jenepensaispasquetuétaissérieux. –Nousnousentendonsbientouslesdeux. –Noussommessexuellementcompatibles,jetel’accorde.Lereste,c’estdelapurepossessivité! TonnumérodemachoArgentin! Elleétaitàprésenttrèspâleetelleoscillaitlégèrement,commesiellesetrouvaitsurlepontd’un navire. Fronçant les sourcils, il s’avança vers elle. Mais avant qu’il ait pu l’atteindre, elle s’était effondréedetoutsonlongsurlesoldemarbre. – Ce genre de chose arrive après un traumatisme crânien. Mais elle doit éviter toute forme de stress. Lorsque Faith se réveilla, elle était allongée sur un lit, un médecin penché sur elle. Un grognementdedépitluiéchappa.Ohnon,pasencore... –Que…ques’est-ilpassé?demanda-t-elleenseredressantpéniblement. –Vousvousêtesévanouie,luiappritlemédecin. –Jenem’évanouisjamais. –Vousêtesconvalescente.Vousdevezvousménager. –Jecomptelarameneràl'estanciademain,annonçaRaul. – Ça devrait lui faire du bien, en effet. Mais rappelez-vous qu’après une fausse couche et une blessureàlatête,elleaavanttoutbesoinderepos. Refermant sa trousse, le médecin salua Faith d’un signe de tête et se retira suivi par Raul. Quelquesminutesplustard,cedernierreparutetladévisagead’unairinquiet. –Pourquoimeregardes-tucommeça?bougonna-t-elle.Jenevaispasmecasserendeux. –Lemédecinpensequeta…volatilitéémotionnelleestdueàtafaussecouche.Ilditqueçate feradubiend’enparler. –D’enparler?Ilnedoitpastrèsbienteconnaître.Jecomprendsmieuxpourquoitufaiscette tête.Tuaspeurquejeneveuillesoudainmettremonâmeànue.Net’inquiètepas,Raul,tuesbien ladernièrepersonneaveclaquellejeveuxparlerdeça. Ilencaissalaremarquesansbroncher,continuantdeladévisagerd’unairsombre.Puisilfitun petitgesteetquelquechosetombasursesgenoux.Baissantlesyeux,ellereconnutaussitôtl’objetet lesbattementsdesoncœurs’accélérèrent. –C'esttonalliance,déclara-t-il.L'alliancequetum’asjetéeauvisagedeuxheuresàpeineaprès l’avoirreçue.Remets-la.Tudoislaporter,tuesmafemme!Net’aviseplusdel’oublier. –Tun’auraisjamaisdûmeladonner,murmura-t-elle,lavoixbrisée. –Jen’aijamaiseul’intentiondetefairesouffrir. –MonDieu,heureusement!Qu’est-cequeçaseraitsic’étaitlecas! –Jeveuxbienreconnaîtrequejemesuiscomportédefaçonunpeuégoïste. Cetaveulapritdecourt,laprivantmomentanémentdel’usagedelaparole. –Tuvois,jefaisdesefforts,renchérit-il. –Puisquetufaisdesefforts,donne-moiuneseulebonneraisonderemettrecettealliance. –Tum’aimes. Cette affirmation – et son arrogance – l’ébranlèrent, la forçant à s’interroger. L'aimait-elle vraiment?Sonsensdujugementétait-ilmauvaisàcepoint? –Laisse-moitranquille,Raul,répliqua-t-elleavecraideur.Tuasentendulemédecin:j’aibesoin derepos. Enguisederéponse,illuipritl’alliancedesmainspourlaluipasseràl’annulaire. – Quoi que tu en dises, Faith, je sais que tu m’aimes. Alors n’enlève pas cette alliance. Et maintenant,dis-moicommenttutesens. –Qu’est-cequeçapeuttefaire?Tutemoquesparfaitementdemessentiments. –Tutetrompes,protesta-t-il,resserrantsonétreinte.Quoiquetuenpenses,tucomptesbeaucoup pourmoi.Etlesmédecinsontditquetudevaisparlerdetafaussecouche.Jeleuraiexpliquéquela grossesseétaitaccidentellemaisilsdisentqueçanefaitpasdedifférence. –Parcequetuavaisbesoinqu’unmédecintediseça?s’exclama-t-elle,incrédule.Tucroisque çachangequoiquecesoit,quelagrossessesoitdésiréeounon? –Jenesaispas.Jen’aiaucuneexpérienceenlamatière. –Jenevoismêmepaspourquoinousenparlons,marmonna-t-elleavecungested’irritation. –Parcequec’estcequelesmédecinsrecommandent.Est-ceque…çaafaitmal,physiquement? –Raul,jenecroisvraimentpasque… –Parle-moi! –Pourquoi?Pourquetupuissesmevoirm’effondrer? –Diosmío,inutiledem’agresserquandj’essaiedet’aider!Dis-moicequeturessens. –Delacolère,voilàcequejeressens! –Sí,çajelevoisbien.Quoid’autre? –Delatristesse,murmura-t-elle,crispantlesdoigtssurlacouverturequiluicouvraitlesjambes. Etdelaculpabilité.Parcequejemedemandaisquellesseraientlesconséquencesdecettegrossesse surnotrerelation…Etmaintenantquejel’aiperdu… –Cen’étaitpastafaute… Il avait lu dans ses pensées, elle en fut stupéfaite. Contre toute attente, il était donc capable d’empathie. –Netetorturepaspourrien,renchérit-il. – Tu voulais savoir ce que je ressentais, je te l’ai dit. Je me sens coupable. Triste. Déçue. En colèrecontretoi.Etvide.Incroyablementvide.Parcequej’aiperduunepartiedemoi.Unepartie denous. –Tuastoujourseuunfortinstinctmaternel,soupiraRaul.Jet’aiobservée,chaquefoisquetu aidaisunejumentàmettrebas,etc’étaitévident. –Peut-être,maisçan’étaitpasunproblème.Jen’avaispaspourprojetdememarieretd’avoir desenfants.J’étaisbienavectoietc’étaittoutcequicomptait.J’étaisheureusedevivreaujourle jour. –Leproblèmeétaitlatent. –Tutetrompes.Jenesaispascombiendefoisjevaisdevoirtelerépéter. – Ce que je veux dire, c’est que tu espérais secrètement que je me réveillerais un jour avec l’envied’avoirdesenfants. Ellehaussalesépaules.Surcepoint,ilétaitinutiledementir. –Peut-être.Maisjenel’aijamaisformuléencestermes,oudemanièreconsciente. –Bon,etmaintenant? –Disonsquej’aiconnudemeilleursmomentssic’estlesensdetaquestion. –Jen’aijamaisvoulutefairesouffrir,soupira-t-il,selevantetenposantsurelleunregardqui luinoualagorge. –Raul,s’ilteplaît… –J’adoreêtreavectoi. C'était ce qui ressemblait le plus à une déclaration d’amour, dans sa bouche, et elle en resta muettedesurprise.Redoutantdes’humilier,ellefermalesyeuxetironisa: –Tevoilàdevenusentimental? –Peut-être. Elleneputretenirungémissementdedépit. –Ilm’estplusfaciledet’affronterquandtuesdésagréable.Pourquoifais-tuçamaintenant,alors qu’iln’yaplusd’avenirpossibleentrenous? –Parcequecontrairementàtoi,jecroisqu’iln’estpastroptard. Enproieàlaplusintenseconfusion,ellesecoualatête. –Commentpeux-tuaffirmerquejecompteàtesyeuxaprèsm’avoirfaitsouffriràcepoint? –Situnecomptaispas,jeneseraispasiciencemoment.C'estaussisimplequecela. –Non,c’estaucontrairetrèscompliqué.Nousnousrendonsmutuellementmalheureux. –Maisjusqu’àcemariage,nousétionstrèsheureuxensemble.Nousdevonsoubliercequis’est passé,nousconcentrersurnotrerelationetallerdel’avant. –Jenepeuxpasoublier.C'estimpossible… – Qu’allons-nous faire, alors ? Continuer sur cette voie? Tu vas de nouveau passer sous une voiture,out’évanouirsousl’effetdustress? Commeengourdie,ellelevaunregardd’incompréhensionverslui. –Qu’est-cequetuattendsdemoi,aujuste? –Jeteveuxtoi,c’esttout.Dansmonlit. Face à une telle manifestation de machisme, elle sentit la petite flamme d’espoir qui brûlait encoreenelles’évanouir. –Tucroissérieusementquenousavonsunavenir? –Oui.Maistuestoutepâleetjenevoudraispasquetut’évanouissesdenouveau.Laissonsdonc lesujetdecôtépourlemoment.Tuasbesoindetereposer.Pourmapart,jedoistravailler. Sansattendresaréponse,ils’éloigna.Tropépuiséepourprotester,elleselaissaallercontreles coussins,l’espritenproieàmilleinterrogations. PourquoiRaulétait-ilsidéterminéàfairedurerleurmariage? Quelavenirs’offraitàeux? Avait-ellesuffisammentderessourcespourluipardonner? Sielleacceptaitdeluidonnerunechance,nesecondamnait-ellepasàplusdesouffranceencore, sic’étaitpossible? Incapable de trouver le repos, elle finit par se lever et par redescendre dans le salon. A sa surprise,elleletrouvanonpasentraindetravaillermaisallongésurlecanapé,lesyeuxclos. Ilparaissaitépuiséetellesentitsoncœurseserrer.Cinqminutesplustôt,ellel’auraitgiflé.Et voilàqu’ellebrûlaitd’enviedeleprendredanssesbras. Maudissant sa faiblesse, elle s’apprêtait à tourner les talons lorsqu’il ouvrit les paupières et plongeasonregarddanslesien.Ellesentitsoncorpss’épanouirtelleunefleurausoleiletcomprit, àlafaçondontilcrispaitlespoings,qu’iléprouvaitlamêmechose. Avecunriretriste,ildemanda: –C'estcompliqué,hein? –Oui… Détournantleregard,elleétudialavuesurlavilleavantdereprendre: –Jen’aijamaisvouluteforcerlamain.Nous…nousétionsbien,ensemble. –C'estvrai. –Reste-t-ilquelquechosedetoutça? Ensilence,ilseredressaavantdes’approcherd’ellepourl’attirerdoucementcontrelui. –Commentpeux-tuposerunetellequestion?Tusensaussibienquemoicequ’ilyaentrenous. Ellen’eutpasletempsd’ouvrirlabouchequeseslèvresseposaientdéjàsurlessiennes.C'était unbaiserdénuédetendressemaisbrûlantdepassion,etelles’affaissaavecunpetitsoupircontre soncorpsmusclé. Ilss’embrassèrentavecunefouguedésespérée,presquefurieuse.Cenefutquelorsqu’unemain puissanteenveloppal’undesesseinsqu’ellerecouvraunsemblantderaison. – Nous… nous ne pouvons pas régler tous nos problèmes au lit, fit-elle valoir d’une voix hachée,lesmembresparcourusdefrissons.C'esttropcompliquépour… –Lavieestcompliquée,murmuraRaultoutcontresonoreille. –Tun’aspasunseulinstantpenséàmessentiments. –Noussommestouslesdeuxcoupablesdeça. Sonpremierréflexefutdeprotester,maisellesoupiraetreconnut: –D’accord,j’auraisputedireplustôtquej’avaisperdulebébé.Maisjet’assurequemesraisons denepaslefairen’avaientriend’égoïste. Lentement,ilsedétachad’elle.Illadévisageaensilence,commes’ilcherchaitquelquechose, puispoussaàsontourunprofondsoupir. –S'ilyaunechosequecesderniersmoisnousontprouvé,c’estquenousnenousconnaissons pas aussi bien que ça. Rien d’extraordinaire en même temps : c’est le cas dans de nombreux mariages.Nouspouvonssurmontercetteépreuve,Faith.Maispassitufuis. Elleledévisagea,indécise,déchirée.Soncœurluisoufflaitunechose,lalogiqueuneautre. – Si je reste, l’avertit-elle d’une voix lourde d’émotion, ce n’est pas pour souffrir. Ne t’avise plusjamaisdemeblesser… 7. Qu’ilétaitétrangederevenirdansunlieuqu’elleavaitcrunejamaisrevoir! Assise à l’arrière d’une longue limousine, Faith étudia les vantaux ornementés du portail qui commandaitl’accèsàl'estancia.N’était-ellepasentraindefairelaplusgrosseerreurdesavie? N’avait-elle pas succombé un peu trop rapidement à l’alchimie sexuelle qui existait entre Raul et elle? Aufondd’elle-même,ellesavaitquecen’étaitpaslecas.Ellel’aimaitsincèrementetilluiétait impossibledecombattrecela. De plus, elle adorait l’Argentine. Le seul fait d’être là, après le bruit et l’agitation de Buenos Aires, lui donnait déjà l’impression de se sentir mieux. La pampa était un décor d’une beauté incomparable. Comme la limousine remontait une allée bordée d’arbres, elle retint son souffle. Le bâtiment principal de l'estancia lui apparut bientôt dans toute la splendeur de son style colonial. Les bougainvilléesquipoussaientcontrelesmursblancslestachaientd’écarlate,donnantl’impression quelesfleursavaientétépeintesàmêmelafaçade.Despelousesceintesdebarrièresencadraientla demeure.Là,demagnifiqueschevauxpaissaientougalopaientàleurgré. EllesetournaversRaul.Iln’avaitpasouvertlaboucheduranttoutletrajet.Ilavaitpassétoutson temps sur son ordinateur portable ou au téléphone, négociant apparemment l’achat d’un ranch voisindusien. –Tucomptesagrandirl'estancia?demanda-t-ellepourromprelesilence. Uneétrangeexpressionvoilalevisagedesonmari,etlajeunefemmecompritquecen’étaitpas lesujetàaborder. –Tufaislaconversationoututeprendsd’unintérêtsoudainpourmesaffaires?demanda-t-il. Quatrejourss’étaientécoulésdepuisleurarrivéeàBuenosAireset,àpartcetuniquebaiser,il nel’avaitplustouchéedepuisqu’illuiavaitrendusonalliance.Ilavaitpassésontempsàtravailler etellenel’avaitvuqu’auxdînersauborddelapiscine.Mêmelà,ilnes’attardaitjamais,regagnant sonbureausitôtsondessertavalé. Elleavaitfaitsemblantdenepass’enoffusquer.Ladernièrechosequ’ellesouhaitait,c’étaitlui donnerl’impressionqu’elleavaitbesoindelui,desaprésence.Touslessoirs,elleavaitdoncfait mine d’aller s’installer dans le canapé, un livre à la main. Mais, en quatre jours, elle n’était parvenueàlirequedeuxpages… Raul ne l’avait pas davantage rejointe la nuit, dormant dans la chambre d’amis. Une nouvelle fois, elle s’était refusé à l’interroger. Mais son imagination la travaillait. Pourquoi l’évitait-il ? Etait-ceparcequ’iln’aimaitpassescheveuxcourts?Etait-ceparcequ’illatrouvaittropmaigre? DeuxjoursaprèssonretourenArgentine,unelivraisonétaitarrivée.Enouvrantlesnombreuses boîtes, elle avait découvert une garde-robe intégrale. Rien ne manquait, pas même les sousvêtements.Ilavaitàl’évidenceunegrandeexpériencedesfemmes… Mais,siellevoulaitdonnerunechanceàleurmariage,ellenedevaitpaspenseràcegenrede chose.Elleavaitdoncacceptélecadeaudebonnegrâce. Machinalement,elleportaunemainàsescheveuxettirasurunemèchecommepourl’allonger. Aussitôt,Raulfronçalessourcils. –Laissetescheveuxtranquilles.Jelesaimecommeilssont. C'étaitlepremiercomplimentqu’illuifaisaitdepuislejouroùilavaitdéboulédanssachambre d’hôpital,etellerougit. –Vraiment? –Oui.Tumefaispenseràunelfe. –Oh. Elle brûlait d’envie de lui demander s’il trouvait les lutins sexys mais se ravisa en réalisant qu’elleconnaissaitdéjàlaréponse.Apparemmentnon,vuqu’ill’évitaitdepuisquatrejours. Et c’était mieux ainsi, se répéta-t-elle pour la centième fois. Car elle n’était pas prête à faire l’amouraveclui.Oui,elleledésirait,maisleschosesétaientbienpluscompliquéesquecela.Ils devaient avant tout résoudre certains problèmes importants. Raul, pour commencer, devait lui prouverqu’iltenaitàelle. Lalimousinevenaitdes’arrêterdevantlamaison.Maria,lagouvernante,traversalacouràpas rapidespourlesaccueillir. –Buenosdias,Maria,quétal?fitRaulavecungrandsourire. Seremémorantavecdouleurl’époquelointaineoùcegenredesourireluiétaitdestiné,ellesalua à son tour la gouvernante. Celle-ci les précéda en direction de l’Océane, la résidence privée de Raul. Lapremièrefoisqu’ill’yavaitamenée,Faithavaitétéfrappéeparlabeautédecepetitcoinde paradis,oùlesilenceétaitseulementtroubléparlemurmureduventdanslespalmesetlesoupirdu ressac.Lamaisondonnaiteneffetsuruneplageprivéetotalementdéserte. –Toutestprêtpourvous,annonçaMariacommeRaulouvraitlaporte.Justecommevousl’avez demandé. Faith s’immobilisa sur le seuil, le souffle coupé. Le salon était rempli de fleurs au parfum délicieux. Sur la table, une bouteille de champagne reposait dans un seau à glace près d’une corbeilledefruitsexotiques.Quelqu’uns’étaitvisiblementdonnélapeinedefêterdignementleur retour. –UneidéedeRaul,expliquaMariaavecungrandsourire.Lesjeunesmariésméritentunaccueil exceptionnel. Faith s’empourpra. Que savait le personnel des dernières semaines ? Etaient-ils au courant du désastrequ’avaitétéleurmariage? Visiblementdésireusedeleslaisserseuls,MariaditquelquesmotsenespagnolàRaulavantde refermerlaportederrièreelle.Faithregardadenouveauautourd’elle,médusée. –C'est…c’esttoiquiascommandétoutça? –Oui,réponditsonmaritoutenfaisantsauterlebouchonduchampagne.Tuvois,jesuiscapable dememontrerattentionné. Surlepointdefairevaloirqu’elleauraitpréféréunefranchediscussion,ellesemorditlalèvre. Ilauraitétémaladroitdegâchercemoment. –Quesaittonpersonneldecesdernièressemaines?demanda-t-elleaulieudecela. –Jen’enaipaslamoindreidée. Ilversaduchampagnedansdeuxflûtesavantdereprendre: –Jen’aipaspourhabitudedediscuterdemavieprivéeavecmesemployés. –Tuasquandmêmebiendûleurexpliquernotreabsence,jesuppose? Sonmariparutsincèrementdéroutéparlaquestion. –Pourquoiaurais-jedûfaireunechosepareille?J’ignorecequ’ilspensentetjem’enmoque.Et tudevraisfairedemême. –Moi,jenem’enmoquepas,maugréa-t-elle. –Situveuxvraimentlesavoir,ilsdoiventpenserquetudoisêtreparticulièrementdouéeaulit pouravoirréussiàmeconvaincredet’épouser. Elle se sentit rougir jusqu’à la racine des cheveux. Un sourire entendu aux lèvres, il approcha pourluitendreuneflûtequ’ellepritd’unemaintremblante. –Nous…nousnepouvonspascontinuercommeça,Raul. –Comment? –Tutravaillescommeunfoudepuisquatrejours.Jenesaispassituasvraimentdesimpératifs professionnelsousitum’évites,maisilfautquenousparlions.Quenousparlionsvraiment, pas quenousnouslancionsdesaccusationsquinemènentàrien.Leproblèmenes’enirapasdeluimême. Figé,ilplongeasesyeuxdanslessiens. Ce simple regard suffit. Faith sentit son estomac se retourner comme une vague de chaleur explosait en elle. Ses seins bourgeonnèrent, sa gorge s’assécha instantanément, ses jambes se mirentàtrembler. Ellevitàl’expressiondeRaulqu’iléprouvaitlamêmechose.Unebulledesensualitésemblaitse refermersureux,lesemprisonnerdanssonatmosphèrelourdeetmoite.Lesimplefaitderespirer devenaitdifficile. Lentement,ils’avançaverselle.Ellereculajusqu’àsentirlemurderrièresondos. – Le temps de parler est révolu, souffla son mari, caressant sa joue du bout du doigt. Nous n’avonsfaitqueçacesderniersjours,etçamerendfou. – Mais… mais c’est toi qui m’as tenue à l’écart, hoqueta-t-elle, tournant en vain la tête pour essayerd’échapperàsescaresses. –Tucroisqueçan’apasétéhorriblementdifficilepourunhommecommemoi? – Je ne me suis pas posé la question, mentit-elle. Je suis bien trop préoccupée pour penser au sexe. –Ah,siseulementc’étaitvrai,leschosesseraientbeaucoupplussimples.Malheureusement,tu medésiresautantquejetedésire.Jelevoyaisdanstesyeux,chaquefoisquetufaisaissemblantde liredanstoncanapé. –Tu…tutetrompes. – Je croyais que nous devions être honnêtes l’un envers l’autre ? J’ai envie de toi à chaque secondedujouretdelanuitdepuisquejet’airencontrée,etçan’ajamaischangé. L'aveuluicoupalesouffle.Illuifallutquelquessecondespourpouvoirarticulerlemoindremot. –Mais…pourquoim’avoirlaisséedormirseulealors?Pourmepunir? – C'était moi que je punissais, confessa-t-il dans un souffle. Le médecin m’a dit que tu devais éviter toute forme de stress, et j’ai compris à son regard qu’il me considérait comme source de stress.Jemesuisdoncdélibérémenttenuàl’écart.Etjepeuxt’assurerquemaintenant,c’estmoiqui suisstressé. LecorpsdeRaultoutcontrelesien,elleétaitbienincapablederéfléchir. –Nous…nousnedevrionspasfaireça,bredouilla-t-elle.Çaneferaqu’aggraverleschoses. –Lesaggraver?Jenevoispascommentc’estpossible,cariño.Jesuisfaitdechairetdesang, pasdepierre.Cesdernièressemainesontétéintolérables. –Tum’asaccuséed’avoirvoulutepiégerentombantenceinteet… –Diosmío,pourquoiparlerdeçamaintenant?Voilàlaseulechosequiimporte… Encadrant son visage de ses mains, il l’embrassa passionnément. Elle lui agrippa les épaules, presque terrifiée par l’intensité du désir qui s’était emparé d’elle. Et même si ce désir était synonymededavantagedesouffranceàl’avenir,ellesetrouvaitbienincapabled’yrésister. Balayéeparuntourbillondesensations,elleneserenditcomptequ’illuiavaitôtésarobeque lorsque cette dernière tomba à ses pieds. Vêtue uniquement de ses sous-vêtements, elle s’affaissa contreluiethoquetaensentantlaprotubérancequigonflaitsonpantalon. Ses lèvres n’avaient pas quitté les siennes. Sa langue enveloppait la sienne et ses mains couvraientsesseins,caressantetpétrissantdoucement.Uneexplosionmoiteinondasescuisseset, sansintentionconsciente,ellelevaunejambecontrelasienne. Unetellepositionauraitchoquésapudeur,autrefois,maiselles’enmoquaittotalementàprésent. Raul glissa une main inquisitrice entre ses cuisses et, à travers le tissu de sa culotte de dentelle, caressadoucementlecœurdesonêtre. C'en fut plus qu’elle n’en pouvait supporter. Fébrilement, elle s’attaqua à la ceinture de son compagnon et libéra son sexe tendu, massif, palpitant de désir. Elle l’enveloppa d’une main tremblante,arrachantàRaulungrondementpresqueanimal.Enréponse,sesdoigtsglissèrentsous ladentelleets’immiscèrententrelespétalesdesaféminité. Elle avait attendu ce moment depuis trop longtemps. Elle gémit de plaisir en murmurant son nom.Ellel’embrassafarouchement,sentantuneintolérabletensionmonterenelle.Toutsoncorps aspirait à l’explosion qui la libérerait enfin et elle ne se rendit d’abord pas compte qu’il avait agrippésonautrejambepourlasoulever. Cenefutquelorsqu’ellesentitsonérectionpointerentresescuissesqu’ellerepritunsemblant deraison.Unéclairdepaniquel’aveuglaet,soudain,ellesedébattitpourlerepousser. –Raul,non! Ilsefigea,lesoufflecourt,aumomentoùilallaitlapénétrer. –Non?répéta-t-ild’unevoixrauqued’incrédulité.Commentça,non? –Nousnepouvonspasfaireça.Repose-moi! Lesyeuxbrillantsdecolère,sonmarihésitauninstant,puisobéitenfin.Ils’éloignaensuitede quelquespasetallas’appuyercontreunmur,respirantlourdement. –Raul… –Attends!Donne-moiuneminute… Elleledévisageaensilence,sanssavoirquedireouquefaire,sonproprecorpsvibrantencore d’unepassioninassouvie.Ilétaitàdeminu,sonpantalonlargementouvert,etcelanel’aidaitguère àrecouvrersesesprits.Ellefermadonclesyeuxpouréchapperàlatentation. Maiscommentcethommepouvait-illarendreàcepointesclavedesessens? Enfin,ilsedétachadumuretentrepritdeserhabilleravecdesgestesmécaniques. –Tupeuxm’expliquercequivientdesepasser?C'étaituneplaisanterieouunepunition? –Nil’unenil’autre. Frissonnant, elle se baissa pour ramasser sa robe et la plaquer contre son corps comme un bouclier. –Alorsquoi?Tuenavaisenvieautantquemoi.N’essaiepasdeprétendrelecontraire. –Jeneprétendsriendutout. –Pourquoim’as-tuarrêtédanscecas?insista-t-il,leregardplussombrequejamais. –Nousn’avonspasdemoyendecontraception.Pourunhommequineveutabsolumentpasde bébé,jetetrouvebienimprudent. Ilsepétrifiapuis,aprèsquelquessecondesdesilenceabsolu,répliqua: –Jenesuispasimprudent.Pashabituellement.J’avaisoubliéquetuneprenaispaslapilule. Faithrouladesyeuxirritésmaisrépliquadesontonlepluscalme: –Jeprenaislapilule.Maisj’aiarrêtéquandonm’aannoncéquej’étaisenceinte.Etjenel’aipas repriseaprèsavoirperdulebébé. –Voilàdoncundétailqu’ilvanousfalloirréglersansplusattendre. –Non!Nousavonsdesproblèmesbeaucoupplusimportants,Raul! – Nous avons envie l’un de l’autre. Nous ne pensons qu’à ça. C'est ça le seul problème que je voie. –Tunepeuxpasfonderunerelationsurlesexe,luiasséna-t-elle,tremblantedefrustration. –Nesous-estimejamaisl’importancedusexe. –Jesaistrèsbienquec’estimportant.Maissic’estnotreseulpointcommun,notrecoupleest vouéàl’échec!Unmariage,c’estavanttoutunequestiondeconfiancemutuelle.Ilfautquenous parlions. –Situastellementbesoindeparler,tun’asqu’àtéléphoneràunedetesamies! Puis,avecungesterageur,iltournalestalonsetdisparutdanslachambre.Faithn’hésitaqu’un courtinstantavantdeluiemboîterlepas. –Tunepeuxpast’enfuircommeçaaubeaumilieud’uneconversationjusteparcequetun’en appréciespaslateneur! –Diosmío,pasmaintenant! Avecunsoupird’impatience,ilsetournaverselle,lamainsurlapoignéedelasalledebains. –Tun’espasnaïve,n’est-cepas?Tuvoisbiencequisepasse?Alorshabille-toietsorsd’ici. –Mais… –Faith… Lavoixdesonmaritremblait,commes’ilétaitsurpointd’abdiquertoutcontrôlesurlui-même. – Si tu restes là à demi nue, je te promets que je vais finir ce que nous avons commencé, contraceptionounon.Etcettefois,tuaurasbeaumesupplier,jenem’arrêteraipas! Ebranléeparlaviolencedesespropos,etterriblementexcitéeparlesimagesqu’ilsévoquaient, elleprotestad’unfiletdevoix: –Maisnousavonstantdechosesàrésoudre… –Encemoment,jemeficheéperdumentdecequenousavonsàrésoudre.Laseulechosequi m’intéresse,c’estdetefairel’amour. Avisantsonexpressionchoquée,ilpartitd’unriredur. –Est-cequeçafaitdemoiquelqu’undesuperficiel?C'estpossible.Maisc'estbienledernierde messoucis.Jet’aidéjàprévenuquejen’étaispaslemariidéal.Souviens-t’enavantd’essayerde mechanger. –Jen’aijamaisvoulutechanger.Jeveuxsimplementcomprendrecequisepassedanstatête. –Cequisepassedansmatête,c’estquesitunesorspasd’ici,nousallonstouslesdeuxfinirsur lelitquetuvoislà. –Tuessaiesdélibérémentdemechoquer. – Non, je suis honnête. C'est bien ce que tu voulais, n’est-ce pas ? A moins que tu ne préfères reconsidérer cette requête ? Les femmes aiment rarement savoir à quoi pensent vraiment les hommes. Choquéeparlaférocitédesavoix,ellebattitenretraiteverslaporte. –Je…jeferaisbiendetelaisserseul.Jeteverraiplustard. –Tupeuxycompter,oui.J’aiundînerd’affaires,cesoir.Tuyassisteras.Maisjeneveuxpas êtredistrait.Jeneveuxvoirnitondécolleté,nitesjambes,niquoiquecesoitd’autresusceptiblede metroubler.Alorschoisisbientatenue,oujen’hésiteraipasàmontrerenpublicàquelpointjete désire! –Raul… Maislaportedelasalledebainsavaitdéjàclaquéderrièrelui. Dios,ellelerendaitcomplètementfou! Lesdeuxmainsappuyéescontrelaparoicarrelée,Raulouvritengrandl’eaufroideetlaissale jetluimartelerlesépaules.Toussesmusclesétaientcrispés,sonsangparaissaitbouillonnerdans sesveines,ledésirgonflaittoujourssonbas-ventre. Il inspira profondément, fort peu habitué à ce sentiment de frustration sexuelle. Il n’avait pas voulu pousser les choses aussi loin avec elle, la toucher aussi intimement. Que s’était-il passé ? Commentavait-ilpuperdreàcepointlecontrôledelui-même,alorsqu’ilsetarguaitengénéral d’unsang-froidinébranlable? Ils’étaitcomportécommeunanimaletilignoraitcequil’irritaitleplus:qu’ellel’eûtarrêtéau derniermomentouqu'ilsefûtconduitdefaçonaussiégoïste.Ilavaitétésiavidedesatisfaireses instinctsqu’ilenavaitmêmeoubliéleproblèmecrucialdelacontraception! Après quelques instants, il dut se résigner au fait que l’eau froide ne résoudrait pas son problème. Il tourna le robinet et, ruisselant, sortit de la douche. D’un geste brusque trahissant sa frustration,ilsaisituneserviettesurunepileetl’enroulaautourdesataille. Marié. Ilétaitmarié,aprèsavoirévitécetteinstitutiontoutesavie.Etcelaavaittransforméunerelation parfaitementheureuseenunvéritablechampdemines! Etmaintenant?sedemanda-t-ilavecunesombreironie.Faithvoulaitparler,commetoutesles femmes,etilserendaitbiencomptequ’ilallaitdevoirfairedescompromis.Elleavaitraisonen affirmantqu’unerelationnepouvaitpasuniquementsefondersurlesexe.D’ailleurs,ilappréciait sonespritautantquesoncorps. S'ilvoulaitretrouverunsemblantdetranquillité,ilallaitdoncdevoiraccéderàsesdésirs.Oudu moins,fairesemblantd’yaccéder. Car il ne comptait pas un instant lui ouvrir les portes de son âme. Sans quoi, il y avait fort à parierqu’ellepartiraitencourant… 8. Faithavaitbeaufixersonmiroir,illuiétaitimpossibledeseconcentrersursonreflet. Commentenétait-ellearrivéelà? Elleétaitforte,intelligenteetindépendante.Etpourtant,ellevivaitetagissaitaugrédescaprices d’unmilliardaireautempéramentexplosif.Encetinstantprécis,ellesedemandaits’ilapprouverait sonchoixvestimentairepourledîner. DanslesaffairesfourniesparRaul,elleavaittrouvéunerobenoirerasdecouquiluidescendait àmi-mollets.Letissuétaitsouple,lacoupeclassiqueetélégante.Derrièresasimplicitéapparente, ondevinaitletravaild’ungrandcouturier.Luiplairait-ellevêtuedelasorte? ToutcequeFaithpouvaitdireàcestade,c’étaitquelarobenerévélaitnisondécolleté,nises jambes.Seulssesbrasétaientvisibles.Théoriquement,ellesatisfaisaitdoncaucahierdescharges imposéparsonmari. Raul n’était pas encore là lorsqu’elle descendit dans le salon. Elle se posta devant les grandes fenêtresdansl’espoirquelespectacledelapampaproduiraitcommed’habitudesoneffetapaisant. Quelques minutes plus tard, un bruit de pas la fit tressaillir. Elle se retourna pour voir Raul avancerverselle,vêtud’uncostumesiimpeccablementtailléqu’ilsemblaitavoirétécoususurson corps.Ilexsudaitl’autorité,lepouvoir,l’assurance. –Tuasl’airtrèsintimidantdanstondéguisementd’hommed’affaires,observa-t-elle,recourant àl’ironiepourcachersontrouble. –Lesapparencescomptent. –Voilàquiestparlécommeunvraimachoargentin. –Jesuisunmachoargentin,réponditRaulavecunhaussementd’épaules.Jenel’aijamaisnié. Ellelesavaitcapabled’utilisersoncharmecommeunearme.Maisc’étaitàsonintelligencequ’il devaitsonsuccès.Sonespritfonctionnaitdeuxfoisplusvitequeceluidesgensnormaux,cequilui permettaitdedevancersystématiquementsesadversaires. Illadévisageauninstantensilence,delatêteauxpieds,avantdefaireclaquersalangued’unair réprobateur. –Tun’avaisriendemoinsprovocant? Totalementdéroutée,elleledévisageabouchebée.Puisellebaissalesyeuxavantdeluirappeler avecexaspération: –Tuasditquetunevoulaisvoirnimondécolleté,nimesjambes.J’aifaitexactementcequetu m’asdemandé. –Tuaslesbrasnus. –Mesbras? –Oui.Sijelesvois,jepeuxaisémentimaginerlereste,etçam’empêchedemeconcentrersur mesaffaires. Ellesentitsonrythmecardiaque,jusqu’alorssouscontrôle,s’emballerbrutalement. –Tuesincroyablementprimaire. –Oui. –Situn’arrivespasàtecontrôler,tun’asqu’àpasm’emmeneràcedîner. LasuggestionarrachaunsourireàRaul. – L'un des avantages d’être marié, c’est de pouvoir montrer sa femme lorsque l’occasion l’exige. –Etc’estlecas? –Oui.Prendsuneétole,çadevraitsuffire. –Parcettechaleur?Tunepréfèrespasquejemetteunmanteau,parhasard? – Excellente idée. Un manteau sans rien dessous. Plus tard, je l’enlèverai et je m’occuperai de toi… Cettemenacesisensuelleemplitl’espritdeFaithdevisionsparticulièrementprécises,etellese sentitrougirjusqu’auxoreilles.Tentantdeluidissimulersaréaction,elleserralesdents. –Tuesunobsédésexuel,tulesaisça? –Gracias. Exaspérée,ellelefusillaitduregard. –Cen’étaitpasuncompliment! –Aimerlesexeestparfaitementnormal.C'estunequaliténaturellechezunhomme.Jenevois pascequ’ilyademalàcela. Elleinspiraprofondément,regrettantdéjàd’avoirfaitdévierlaconversation.Cen’étaitpasun sujetdontellevoulaitdiscuteraveclui. –Iln’yariendemalàcela.Maisiln’yapasquelesexedanslavie.Nouspourrions…parler davantage,parexemple. –Biensûr.Avantetaprèsl’amour. Ilsemoquaitd’elle,àprésent,etelleétaitagacéeparletroublequeluicausaitsavoixdouce, veloutée. Unefemmeforte,intelligenteetindépendante? Cettedescriptionluiparaissaitrisible,àprésent! –Raul,nefaispasça… –Tunepensesqu’àfairel’amouravecmoi,neleniepas.Noussavonstousdeuxcequinous attend. Chacun de nous se demande « comment ce sera ? » ou « pourrai-je patienter encore longtemps?» Son accent paraissait s’être épaissi, ajoutant encore à son pouvoir de séduction. Elle blêmit, sidérée par la facilité avec laquelle il exposait des pensées qu’elle n’osait même pas s’avouer à elle-même. –Tutetrompes,répliqua-t-elled’unevoixgrinçante. –Menteuse! Au prix d’un gros effort, elle détourna les yeux. La seule chance de reprendre un semblant de contrôlesurelle-même,c’étaitdenepasleregarder. –Pourunhommedetonintelligence,tuesétonnammentsuperficiel. –Tutesentiraisflattéesi,enterejoignantaulit,jeprenaisunlivre?Sijemedésintéressaisde toi? Il s’était approché et, tout en parlant, avait posé une main sur sa taille provoquant en elle un frissonquiluiremontalelongdel’échinepourvenirmourircommeunsoupirsursanuque. –Çat’arrivedepenseràautrechosequ’ausexe?demanda-t-elle. –Sí.Parfois,jepenseàmesaffaires. Il se pencha pour l’embrasser, avant de suivre du bout de la langue le dessin de sa lèvre inférieure. –Aprésent,souffla-t-il,ilvafalloirquetuarrêtesdemedistraireoujeseraiincapabledeme concentrer. –C'est...c’esttoiquiascommencé. Elle était à présent extrêmement tendue. Raul dut le remarquer car il tendit la main pour lui souleverlementond’undoigt. –Tuestoutepâle. –C'estledécalagehoraire,prétendit-elle.Jesuisfatiguée. –Non,cen’estpasça.Jet’aivueavecdavantagedecouleursaprèsunenuitpasséeàveillerun chevalmalade. Ilsepenchapourl’étudierplusintensément,ajoutantencoreàl’inconfortdeFaith. –Tuasdesvertiges?Tuveuxvoirunmédecin? –Non,jet’assurequejevaisbien. –Situneveuxpassortir,n’hésitepasàledire.Jecomprendraisquetuveuillestecoucher.Tu voiscommejepeuxêtreattentionné? –Jesupposequesij’allaismecoucher,tunetarderaispasàmerejoindreaulit? –Biensûr,répondit-ildumêmeton.Noussavonstousdeuxquetuseraismortellementvexéesi jenelefaisaispas.Tum’accuseraisdenepastetrouverattirante,n’est-cepas? Sansluilaisserletempsderépondre,ildéposaunnouveaubaisersurseslèvres.Cettefois,il étaitpresquetendre,cequil’ébranlaplusencorequelasensualitéduprécédent. Ellevoulutparlermaissalanguesemblaitêtresoudéeàsonpalais.Plaçantunemainaucreuxde sondos,Raull’entraînaverslaporte. –Allons-y.Nosinvitésvontbientôtarriver. Enfinunsujetdeconversationanodin!Elleretrouvasoudainl’usagedelaparole. –Cesgensaveclesquelsnousallonsdîner,quisont-ils? – Ils possèdent des terres, expliqua Raul comme ils empruntaient l’allée de gravier menant au bâtimentprincipaldel'estancia.Desterresquejeconvoite. –Tuasdéjàdesmilliersd’hectares.Çanetesuffitpas? –Plusj’enai,mieuxjemeporte,réponditsonmari. Maisunelueurétrangevenaitd’éclaterdanssonregard,etFaitheutl’impressionquel’affaire étaitbienpluscomplexequ’unesimpleacquisitionimmobilière. – En d’autres termes, tu as une bonne raison de t’intéresser à ces terres, mais tu n’as pas l’intentiondelapartageravecmoi? –J’apprécietavivacitéd’espritettonintelligence,fitRaulenriant. –Tantquejenelesutilisepas,fit-ellevaloird’untonacerbe. Sa réponse fut de l’embrasser de nouveau, avec une telle habileté que toute amertume l’abandonnaaussitôtpourlaisserplaceàunedouceimpressiondebien-être. –Tuasungoûtdélicieux,murmura-t-illorsqu’ilsedétachaenfind’elle. Désorientée, elle posa une main sur son torse pour retrouver son équilibre, avant de lever un regardaccusateurverslui. –Tufaistoujoursça! –Quoidonc? –Tum’embrassespourmefairetaire! –Tuveuxquejem’arrête?souffla-t-iltoutcontreseslèvres. –Oui.Non.Je…Jenesaispas.Oùas-tuapprisàembrassercommeça? –C'estuntalentinné,murmura-t-il,leregardbrillantdemalice. –Tonegoestdécidémentdisproportionné! D’unemain,ilplaquasonbassincontrelesien.Faithhoquetaensentant,àtraverssesvêtements, laviolencedesondésir. –Iln’yapasquemonegoquisoitdisproportionné… Choquée,frémissantededésiretamuséeparsonarrogance,ellenesutquedireetfinitparlever unemainimpérieuse. –C'estbon,arrête.Tais-toietnemetouchepaspendantuneminute. –Metaire,c’estfacile.Maisnepastetoucher… – J’ai dit arrête ! le réprimanda-t-elle. Je ne veux plus que tu m’embrasses. Je n’arrive pas à réfléchirquandtulefais. –Justement. –Tuavouesdoncutiliserlesexecommeunearmepouréviterd’avoiràparler? –C'estjustequejenevoispasl’intérêtdeparler.C'estunepertedetemps.Situsavaislenombre deréunionsauxquellesjedoisdéjàassister… –Jenesuispastontravail,Raul.Jesuistafemme. –Sí.Ettusavaisexactementquelgenred’hommetuépousais. Ilavaitdurciletonmaissonregardétaittoujoursposésurseslèvres,sensuelettentateur. –Situneveuxpasquejet’embrasse,enchaîna-t-ilavecunhaussementd’épaules,tun’asqu’à past’habillerdefaçonaussiprovocante. –Etquesuis-jecenséeporter,Raul?Dis-le-moi,parcequejen’enaipaslamoindreidée.Dis- moiaussicequejefaisavectoitantquetuyes.Toutallaitbienavantquejefassetaconnaissance. J’avaisunecarrièreprometteuse… –Jen’aiabsolumentriencontrelefaitquetutravailles,coupasonmari,visiblementsurprispar cetaccèsdecolère.Jesuisunhommemoderne. –Moderne,toi?Tuferaispasserunhommedescavernespourunprogressiste.Jemedemande bienpourquoij’aiabdiquétouteintelligencelejouroùjet’airencontré. –Tonintelligencemesembleintacte. –Alorspourquoisuis-jelà,avectoi,aprèscequetum’asfait?Pourquoiest-cequejetelaisse m’embrasser? –Parcequej’embrassetrèsbien,répondit-ilavecleplusgrandsérieux. Puisilluienveloppalajoued’unemainpossessiveavantd’ajouter: –Assezdiscuté,maintenant.Nosinvitésvontarriver. Une autre conversation qui tournait court, songea-t-elle avec désespoir. Et comme les fois précédentes,iln’avaitabsolumentrienrévélédelui-même. –Sicesnégociationssontsiimportantespourtoi,pourquoitiens-tuàcequejesoisprésente? demanda-t-elledansunmouvementd’humeur.Ilestévidentquejet’empêchedeteconcentrer. –Jepréfèrequetusoislà,c’esttout. Se résignant au fait qu’elle ne recevrait pas d’autre explication, Faith ramassa le sac à main qu’elleavaitlaissétomberquandill’avaitembrassée. – Quel rôle suis-je supposée jouer? insista-t-elle comme ils se remettaient en marche. Suis-je autoriséeàparleroudois-jefairesemblantd’avoirsubiunelobotomie? – Le rôle de ma femme, répondit Raul avec un sourire si charmeur qu’elle en eut le souffle coupé. –Jedétestequandtufaisça,marmonna-t-elle. Enriant,sonmariluipritlamain. –Quandjefaisquoi? –Tulesaistrèsbien.Tuutilisescesourirequandtusensquetuvasperdrepied. –Perdre?répéta-t-ilavecunfroncementdesourcils.Jamaisentenducemot.Qu’est-cequeça veutdire? –Trèsdrôle.J’espèrejustequejenevaispastemettredansl’embarras.Monunivers,cesontles chevaux.Jenesaispascommentimpressionnerunhommed’affaires. –Jesuisunhommed’affairesettum’asimpressionné.Alorsnetefaispasdesouci. –Cedîneral’airvraimentimportant… –Ill’est. –Est-cequejepeuxespérerquetumediraspourquoiunjour? Il ne répondit pas à la question et, lorsque Faith leva les yeux vers lui, elle vit qu’il fixait un véhicule qui remontait doucement la route. Son sourire s’était effacé pour laisser place à l’expressionfroideetdéterminéequ’ilarboraitavanttoussesrendez-vousprofessionnels. Lavoitures’arrêtadansunnuagedepoussièredevantl'estancia.Laportes’ouvritetunhomme corpulentmitpiedàterre,transpirantdanslachaleurdusoir.Ildevaitavoirlacinquantainebien tassée mais sa façon de s’habiller suggérait un désir farouche de retenir une jeunesse depuis longtemps révolue. Sa chemise largement ouverte peinait à contenir un ventre rebondi et ses cheveuxavaientétéhabilementcoifféspourrecouvriraumieuxunecalvitieprononcée. –Vásquez!lança-t-il.Ilparaîtquedesfélicitationssontderigueur? –Pedro. Raul s’avança pour serrer la main du nouveau venu, tandis que Faith regardait la femme qui descendit au même instant du côté passager. Elle comprit soudain, en la voyant, pourquoi le dénomméPedrosemblaitseraccrocherdésespérémentàsajeunesse. La femme était splendide. Elle parvenait à donner l’impression d’être sensuelle et mince à la fois. La cascade de cheveux noirs qui tombait sur ses épaules brillait comme de l’onyx poli. Apparemment indifférente à la chaleur, elle ôta ses immenses lunettes de soleil pour révéler un visageparfaitservantd’écrinàdemagnifiquesyeuxenamande.Unsourireaimableapparutsurses lèvreslorsqu’elleaperçutàsontourFaith. Elle s’approcha d’un pas alerte et, la prenant de court, l’embrassa sur les deux joues avant de passersonbrasdanslesien,commesitoutesdeuxétaientamiesdelonguedate. – Enchantée de faire enfin votre connaissance ! La moitié de l’Argentine est prête à vous arracher les yeux. La moitié féminine, bien sûr. La moitié masculine, en revanche, est probablementsoulagéequevousayezéliminéRauldumarchédescélibataires.Jem’appelleSofia. Déroutéeparsafranchiseetnesachantquerépondre,FaithcoulaunregarddésespéréversRaul. Maissonmari,enpleineconversationavecPedro,neluiprêtaitpaslamoindreattention. EllesetournadoncdenouveauversSofia,pourconstaterquecettedernièrefixaitRauld’unair ouvertementappréciateur,sesyeuxcourantlelongdesoncorpsathlétique. –Oups,fitSofiaenpouffant,quandellecroisaleregardmédusédeFaith.Vousm’avezpriseen flagrantdélit! Ellesedonnaunepetitetapemoqueusesurlamainavantdereprendre: – Vous devez bien admettre qu’il est à croquer. Je n’ai pas souvent l’occasion de voir des hommestelsquelui.C'estl’undesinconvénientslorsquel’onestavecRaul.Touteslesfemmesle dévorentduregard. Choquéeparlaboufféedejalousiequiexplosaitenelle,Faithfitdesonmieuxpourresterpolie. Maissavoixétaitinhabituellementcrispéelorsqu’elledemanda: –Etvotremarin’ytrouverienàredire? –Jesupposequ’ilneseraitpasravi,maisiln’apasàs’inquiéter.Rauletmoin’étionsvraiment pasfaitsl’unpourl’autre. L'espaced’uninstant,Faithcrutavoirmalentendu. –Vous…vousleconnaissezbien? Pourquoiposait-ellelaquestionquandelleconnaissaitdéjà–etredoutait–laréponse? –Plutôtbien,oui. Sofialadévisagea,sourcilsfroncés,avantdesemordrelalèvre. – Oh non… Quelle gaffeuse je suis. Apparemment vous n'avez pas parlé de son passé... Après tout,c’esttantmieux.Sij’étaisavecRaul,jepréféreraisneriensavoir. –Sofia… La voix de Raul résonna juste derrière les deux femmes. Elles se retournèrent, surprises. A la minedumilliardaire,ilétaitévidentqu’ilavaitentenducettedernièreremarque.MaisSofian’en parutguèreémue. –Allons,Raul,inutiledeprendreceton.Jesuisraviequetuaiesenfintrouvéquelqu’uncapable de supporter tes manières autocratiques. Comment vas-tu ? Tu as l’air en pleine forme, comme toujours. AvantqueRaulpuisserépondre,Pedros’approcha,s’essuyantlefrontavecungrandmouchoir. –Etsinousallionsnousmettreaufrais? –Biensûr.Nousprendronsl’apéritifsurlaterrasse. Paralyséeparlastupeur,FaithdévisageaRaul. C'étaittout?Iln’avaitriend’autreàluidire? Le tact n’était certes pas l’une de ses qualités premières, elle était bien placée pour le savoir. Maisellepeinaitàcroirequ’ileûtsongéàinvitersonanciennemaîtressesansl’enavertir. Amoinsqu’ilnes’agissed’unecoïncidence? Elleétaitdésespérémentprêteàlecroire.D’uneminuteàl’autre,RaulallaitchasserSofia,lui fairecomprendrequ’ellen’étaitpaslabienvenue. Aulieudecela,ildéclaraaimablement: –Ilfaitplusfraissurlaterrasse.Suivez-moi. Faithtressaillitcommes’ilvenaitdelafrapper. Ainsi,unefoisdeplus,sonmarin’avaitpasuninstantsongéàsessentiments.Ellecomprenait mieux,àprésent,pourquoiilavaitparuréticentàluiparlerdudîner… Iltraversalacour,Pedroàsescôtés.Riendanssesmanièresn’indiquaitlemoindreembarras. Elle aurait voulu lui arracher les yeux ou s’enfuir en courant mais Sofia la tenait toujours fermementparlebras. –Nousavonsunmotenespagnolpourdésignerunhommetelquelui,souffla-t-elle.Guapísimo. Çasignifie«incroyablementséduisant». Puis, regardant autour d’elle comme le petit groupe atteignait la terrasse recouverte d’une pergola,elleajouta: – Ça fait longtemps que je ne suis pas venue. Il faudra que vous me montriez ce que Raul a changé. Faithneréponditpas,tropoccupéeàenvisagerdifférentsmoyensd’étranglersonmari. Maisd’abord,illuifallaitbienadmettrequ’elleportaitsapartderesponsabilité.Ilavaitprétendu vouloirdonnerunechanceàleurmariageetelleavaitfoncétêtebaisséedanslepanneau.Elleavait étéstupide. Raulsemontrait-ilcruelàdessein?Laprésencedesonanciennemaîtresseétait-elleunefaçon détournéedeluirappelerqu’ilnecomptaitpaschangerdemodedevie? Unsoudainvertigelasaisitetellesedemandasiellen’allaitpass’effondrerdevantleursinvités. Mais,serrantlesdents,elleseforçaàrespirerprofondémentetacceptalacoupedechampagneque luitendaitunserveurquivenaitd’apparaîtrecommeparmiracle. Ellel’avalaendeuxgorgéeset,conscienteduregardsurprisetvaguementréprobateurdeRaul, levalacoupevidedanssadirection. –Anous,monchéri!s’exclama-t-elle.Atoutescespetiteschosesquimemontrentàquelpoint tutiensàmoi. Ilplissalesyeuxmaisavantqu’ilpuisserépondre,Pedrolevasonverreàsontour. –Avousdeux.Tousnosvœuxdebonheur. Faithregrettaitdéjàd’avoirbutoutcechampagne.Satêtetournaitetellenesavaitpluscequien étaitlacause,lafatigueoul’alcool. –Quefaites-vousdanslavie,Faith?repritPedroavecsesmanièresfranchesetdirectes. –ElleestmariéeàRaul,déclaraSofia.Cequisignifiequ’elledoitpassersontempsàsefaire belle. Sonregardseposa,visiblementperplexe,surlescheveuxcourtsdeFaith.Cettedernièresesentit rougir. –Jesuisvétérinaire,répondit-elle.Jesuisspécialiséedansleschevaux.C'estcommeçaquej’ai atterrienArgentine. Dontellerepartiraitleplusvitepossible,sepromit-elleensilence. –Faithesttrèsdouée,renchéritsonmari.Sonaidenousesttrèsprécieuse. Illuisouritd’unairaffable.Necomprenait-ildoncpasàquelpointelleluienvoulait? Pedro, qui ne se rendait apparemment pas compte de la tension qui alourdissait l’atmosphère, avalaunegorgéedechampagneavantdemaugréer: –L'undemesétalonsmeposedesproblèmes.Ilbotte,ilmordsonpalefrenier.Ilestnévicieux, jepense. – Aucun cheval ne naît vicieux, corrigea Faith, incapable de garder le silence. Il a dû être maltraité. SonregardplongeadansceluideRauletelleajouta: –Nouspouvonstousnousmontrervicieuxdanscertainescirconstances. RaulfronçalesourcilcommePedroacquiesçait,l’airpréoccupé. –C'estvraiquejeneconnaispasl’histoiredecetanimal.Jel’airécupérérécemment.Jepensais qu’ilavaitdupotentiel,maisjen’ensuisplussisûr.Ilabesoinqu’onluimontrequicommande. UnrirenerveuxfranchitleslèvresdeFaith. – Selon mon expérience, ce genre de méthode autoritaire ne mène à rien. Les gens réagissent beaucoupmieuxlorsquel’ongagneleurrespectetleurconfiance. –Lesgens?Maisjecroyaisquenousparlionsdechevaux? –Lesgens,leschevaux,lesprincipessontlesmêmes.Lefondementd’unerelationdurable,c’est laconfiance. Raulluijetauneœilladenoire,maisellenecillapas. – Vous laissez une femme vous dire comment élever vos chevaux, Vásquez ? demanda Pedro avecunclind’œil. –J’emploielesmeilleurs,hommeoufemme. –Jenecroispasavoirjamaisrencontréunefemmevétérinaire. – Nous ne sommes pas très différentes de la version masculine, répondit Faith. Nous sommes justepluspetitesparcequenousn’avonspasàcontenirunegodémesuré,encequinousconcerne. Acesmots,Sofiapouffa. –J’adorel’humouranglais. Al’aidedesonmouchoir,Pedros’épongeadenouveaulefront,puisreprit: –Jesaisquecen’estpaspolitiquementcorrect,maisjenepensepasqu’unefemmepuissefaire exactementlesmêmeschosesqu’unhomme. – Je suis d’accord, répondit Faith. J’ai beau essayer, je n’arrive pas à me montrer aussi rustre qu’unhomme.Heureusement,cedéfautmajeurn’aaucuneinfluencesurmescompétencesentant quevétérinaire. Pedro dut enfin se rendre compte que quelque chose n’allait pas, car il jeta un regard interrogateuràRaul.Cedernier,commeàsonhabitude,manifestauneindifférencesouveraine. – Comme vous le voyez, ma femme est une forte tête. C'est pour cela que les chevaux la respectent. –Monétalonestdangereux,remarquaPedro,reprenantlefildeleurprécédenteconversation. Nousnepouvonspaslelaissersortirdel’écurie. – Les chevaux sont des animaux sociaux, intervint Faith. Ils évoluent en troupeau. Un étalon a besoindesortiretd’affirmersadomination. –CommeRaul,ironisaSofia. – Vous pourriez peut-être m’aider, alors, suggéra Pedro, ignorant la remarque de sa femme. Maisjevouspréviens,c’estuntravailsacrémentdifficile. –Rienn’esttropdifficilepourelle,déclaraRaul.Elleesttrèsintelligente. Faithsecoualatête,irritée. –L'intelligencen’arienàvoirdansl’affaire.Ilfautjustesavoirfairepreuvedepatienceetde douceur. –Jenecomprendsplus,fitSofiaavecsonrirecristallin,parlons-nousdeRauloudel’étalon? Puis,avecunclind’œil,elleajouta: –Etsinoussongionsàmanger?Situnenousnourrispas,Raul,jevaisrejoindreteschevaux dansl’écurie.Ons’occupemieuxd’euxquedesinvités,ici! 9. Undélicieuxasado–unbarbecuesurunfeudepleinair–futservienguisededîner.Lanuit tombaitlorsqueFaithetRaulreconduisirentenfinleursinvitésàleurvoitureavantdereprendrele chemindel’Océane. Furieusecontresonmarietcontreelle-même,Faithmarchaitentête,d’unpasraide.Ellen’osait pasparlerdepeurd’exploserou,pireencore,defondreenlarmes. –Toncous’allongequandtuesencolère,observaRauld’untonamusé,derrièreelle.Etvuque j’aidepluslonguesjambesquetoi,tunerisquespasdemesemer,alorséconomisetonénergie. Ellepivotasoudain,pareilleàunanimalacculé. – Tu veux vraiment parler de ça ici ? Réfléchis bien, parce que je ne suis pas sûre que tu vas appréciercequej’aiàtedire,etnouspourrionsavoirdesspectateurs. Lamineindifférente,iltirasursacravatepourladesserrer. –Discuter?Jecroyaisquenousavionsassezdiscutépourtoutunmois. –Situn’aimespasça,peut-êtrequetudevraiséviterd’invitertesex-petitesamiesàdînersans avoirlacourtoisiedemeprévenir! –Vuquec’esttoiquiportesl’alliance,tun’asaucuneraisond’êtrejalouse,fit-ilvaloiravecune irritationvisible. –Cen’estpasunequestiondejalousie,c’estunequestionderespectmutuel!Essaiedevoirles chosessousunautreangle…Commentaurais-turéagisij’avaisinvitéunancienpetitami? –Jel’auraisréduitenpoussière.Maisc’estdifférent. –Non,cen’estpasdifférent.J’aidessentiments,Raul.Ilseraitbonquetut’enrappelles. Tremblant si fort qu’elle tenait à peine debout, elle tourna les talons et regagna l’Océane. Elle abandonnasonsacàmêmelesoldel’entréeavantdesedirigerdirectementverslachambre,où elleentrepritderetirersesbouclesd’oreilles. Quelquessecondesplustard,Raullarejoignit.Ilsedéplaçaitaveclagrâcemenaçanted’unfélin, sonbeauvisageexprimantunmélangedecolèreetdefrustration. –Jenecomprendspasquelesttonproblème,gronda-t-ilenpassantunemaindanssescheveux. –Jelesaisbien,etc’estjustementlàleproblème!Tunepensesjamaisàmoi,àmessentiments. –C'estuneaccusationinfondée.Sijenet’aipasditqueSofiavenait,c’étaitprécisémentpourte protéger. –End’autresmots,tusavaisqueçamedérangerait. Ellepivotaversluietleregrettaaussitôt.Lesimplefaitdeleregarderluidonnaitl’impression deperdretoussesmoyensintellectuels.Sessens,enrevanche,paraissaientexacerbés.C'étaitune combinaisondésastreuse. Sonmariavaitplissélesyeux,sabouches’étaitpincéeenuneligneblancheetfurieuse.Mêmeen colère,ilétaitinfinimentséduisant. –Jepensaisqueturéagiraiscommeunefemme,déclara-t-il.Etc’estexactementcequetufais. Lesnerfsàvif,elleprituneprofondeinspiration. – Elle m’a narguée, m’a agité votre passé commun sous le nez pendant toute la soirée. Nous avonsunmotpourleshommestelsquelui,guapísimo,ajouta-t-elleenimitantlavoixdeSofia. –Turéagisdefaçonexcessive.Sofiaetmoi,c’estdel’histoireancienne. –Vraiment?Ellet’apourtantdévoréduregardpendanttoutelasoirée! –C'estsonproblème,paslemien.Niletien,d’ailleurs. –C'estpeut-êtreidiotdemapart,maisjenepeuxpasmemontreraussiindifférentequetoi.Elle semblaitensavoirlongsurtoietjenesaispasquelsétaientsessentimentsàmonégard.Impossible de dire si elle me voulait du mal ou me considérait comme une amie. Mais j’ai clairement eu l’impressionqu’elleauraitbienvouluavoircetteallianceaudoigtàmaplace. –Çaauraitétéunvéritabledésastre. –Elleestpourtanttrèsbelle… –Netefaispassouffrirpourrien,Faith.Tuvauxmieuxqueça.Jen’aijamaisprétenduêtreun saint,j’aiunpassé.Mais,tun’aspasàtesentirmenacée. –Biensûrquesi.Tunem’auraisjamaisépouséesitunet’yétaispassentiobligé! – Si tu continues de disséquer le moindre de mes faits et gestes, tu n’arriveras qu’à des conclusionsdésagréables,etsurtouterronées. – Il est vrai qu’après ce soir, mes doutes quant à notre mariage se sont transformés en certitudes! Ilsoupira,l’airsoudaintrèslas. –Sofian’arienàvoiravecnous. –Tuinvitestonexàdînersansm’enavertirettuespèresquejevaismemontreraimableavec elle?Çaatoutàvoiravecnous! Ilssefaisaientàprésentfacecommedeuxanimauxsurlepointdesebattre.L'atmosphère,dans lapièce,semblaitgrésillerd’électricité. –Jen’aifaitqu’inviterunhommedontjeveuxacheterlesterres,etilsetrouvequeSofiaestson épouse. Je ne pensais pas que ça avait la moindre importance étant donné que, comme tu l’as souligné,c’estuneex.Pourquoitemets-tudansdesétatspareils? –Parcequejesuistafemme! –Exactement.Etçadevraitsuffireàterendreheureuse.Jenevoispasdequoituteplains. Elleledévisageabouchebée,sidérée.Jamaisellen’auraitsoupçonnéqu’ilpuisseêtreàcepoint arrogant. Avisant son expression choquée, il plongea un regard noir et lourd de menaces dans le sien. Puis,avecunelenteurdélibérée,ilavançasurelle.Aussitôt,elletenditlamain. –Nem’approchepas. Carellesavaitques’illatouchait,ellenerépondraitplusderien.Malheureusement,l’ignorant superbement,illuiagrippalepoignet.D’ungestesec,ill’attiraàluietpassasonbrasautourdesa taillepourl’emprisonner. –Lâche-moi!ordonna-t-elleensetortillantavecunsinguliermanquedeconviction.Aprèsce quis’estpassécesoir,tun’espasprèsdemetoucherdenouveau! Mais c’étaient des paroles en l’air et tous deux le savaient. Déjà, l’atmosphère semblait s’être épaissie,latempératureavoiraugmentédanslapièce. –Pourquoivoudrais-tuquejetelâche?murmura-t-il. Ilapprochaseslèvresdessiennesmaiselledétournalatête.Celanel’empêchapasd’éprouver unfrissondeplaisirlorsqu’ellesentitsonmentonrâpeuxeffleurersajoue. –Parcequenousnousrendonsmutuellementmalheureux,répondit-elled’unevoixfaible. –Seulementlorsquenousdiscutons…Nousnenoussommespastouchésdepuisdessemaineset çanousrendfous… –Non,Raul,je… Elles’interrompitcommeilsuivait,duboutdeslèvres,lacourbedesajoue. –Arrête… Une main large lui enveloppa le visage, la forçant à tourner la tête. Ses lèvres flottaient à quelquesmillimètresdessiennesàpeinemaisilnel’embrassapas. –Pourquoimerésister?souffla-t-il. –Parcequejen’aipaslechoix,répondit-elleavecunefranchisedésespérée.Ilenvademasanté mentale,demafierté… Alorsill’embrassaetFaitheutl’impressionquetoutsoncorpsprenaitfeu. –Tun’aimespasça?repritsonmarid’unevoixrauquededésir. Salanguesuccédaàseslèvres,caressantsabouche,taquinant,explorant. –Siçaneteplaîtpas,tun’asqu’àpartir,murmura-t-il. –Jenepeuxpas.Tumeretiens. UnsouriresardoniqueettriomphalapparutsurlevisagedeRaul. –Jet’ailâchéeilyacinqminutes,cariño.C'esttoiquiteserrescontremoi… Il lui accorda cinq secondes pour se rendre compte qu’il disait vrai puis, au moment où elle s’apprêtaitàfaireunpasenarrière,ill’embrassadenouveau. Ilnes’agissaitplus,cettefois,depetitsbaisersprovocants,depréliminairesludiquesdestinésà éveiller son désir. Cette fois, ses lèvres étaient conquérantes, sauvages, passionnées. Sa langue enveloppalasienneetunkaléidoscopelumineuxexplosadevantlesyeuxdelajeunefemme. Elles’effondracontrelui,traverséededéchargesdesensationspures.Sesseinsétaientpresque douloureuxetellefrissonnaensentantlabossequigonflaitlepantalondeRaul. Lecreuxdesesgenouxheurtasoudainlereborddulitetelles’yeffondra,entraînantRaulavec elle. Une main puissante glissa sur l’arrondi de sa cuisse, remonta sous sa robe et appuya doucementsurladentelledéjàmoitedesonstring. Haletantededésir,elles’attaquaàsachemise,gémissantdefrustrationlorsquelesboutonslui résistèrent.Ellerévélaenfinsontorsesculpturalsurlequelelleposalesdeuxmainsàplat.Sapeau étaitbrûlante,sesmusclesdurscommedelapierre.Avecunsoupirdesatisfaction,elledescenditle longdesescôtesjusqu’àsataille. –Maintenant…,lesupplia-t-elle.Jen’enpeuxplus… Ilparuthésiter,puisselibéradesonpantalon.Remontantsarobejusqu’àsataille,illuisaisitles cuissesetsepositionnaentreelles. Auseuildesaféminité,ilhésitaunenouvellefois,plongeantsesyeuxdanslessiens.Frémissant d’expectative,elleacquiesça.Alors,d’uneseulepensée,illaposséda. Elleeneutd’abordlesoufflecoupé.Puis,peuàpeu,soncorpss’adaptaàsaprésencemassiveet une vague de plaisir atomisa le peu de raison qui lui restait, la précipitant dans un océan de sensations. Dans la semi pénombre, elle leva un regard médusé vers lui, peinant presque à croire à l’intensité du plaisir qu’ils partageaient. Leurs corps soudés, luisant de sueur, paraissaient n’en formerqu’un.Lesdoigtsdesonmariétaientmêlésàsescheveux,sesonglesétaientplantésdans sondos. L'orgasmelacueillitparsurprise,avecuneviolencequilatétanisatoutentière.Leurslèvresne s’étaientpasquittéesetilsneseséparèrentenfinquepourreprendreleursouffle. Encore engourdie de plaisir, elle se serra contre lui. Les battements de son cœur se calmèrent peuàpeumaiselletrouvaàpeinelaforcedeprotesterlorsqu’ildescenditlelongdesoncorpset entrouvritdoucementsescuisses. –J’adoreteregarder,murmura-t-ilenluiembrassantl’intérieurd’ungenou,puisenremontant lelongdesajambe. –Raul,non,protesta-t-ellefaiblement.Jenecroispasquejepuisse… –Tutetrompes. Ilfitcourirundoigttentateurentresescuisses,luiarrachantunhoquetdeplaisir.Puissalangue succédaàsesdoigts,etellecrutqu’elleallaitperdrelaraison.Ellevenaitd’avoirunorgasmemais c’étaitcommesiriennes’étaitpassé,commesisoncorpsétaitdenouveauprêtpourl’amour.Ses nerfs vibraient, ses cellules électrisées par le plaisir dansaient une gigue folle, son sang bouillonnaitdanssesveines. Elleeutàpeineletempsdes’enétonnerqu’unsecondorgasmelaterrassa,aussiintensequele précédent. Mais contre toute attente, au lieu de se détacher d’elle pour la laisser récupérer, Raul l’agrippaparlatailleet,roulantsurledos,l’empalasurlui. Un hoquet de stupeur et d’extase mêlées franchit ses lèvres tandis qu’il se mettait à bouger de nouveau en elle, dur comme le roc. Jamais elle n’avait éprouvé des sensations si intenses, si ravageuses. C'était un marathon amoureux et érotique qui lui faisait prendre conscience de son corps comme jamais auparavant. Elle n’était plus que plaisir et fatigue, extase et épuisement. Ses membres semblaient peser des tonnes mais son esprit était étonnamment léger, alerte et avide de sensationsnouvelles. Iln’avaitqu’àlatoucheretelleétaitsienne.Peuimportaitlemoment,peuimportaitlafaçon,elle étaitàsamerci.C'étaiteffrayantetexcitantàlafois. Elle le sentit se raidir et il explosa enfin en elle, l’entraînant de nouveau dans les abîmes du plaisir. Lorsqu’elle s’effondra sur le lit, vidée de toute énergie, il lui fut impossible d’ouvrir les yeuxpendantdelonguesminutes.Cesimplemouvementluisemblaituneffortinsurmontable. Sonpoulsralentitenfinet,ouvrantlespaupières,ellesetournaversRaul.Sonvisageétaittout prèsdusien.Ellecrutylireuneexpressiondetendressemais,aprèscequ’ilsvenaientdepartager, nesongeamêmepasàs’enétonner. Ellefutdoncstupéfaitelorsqu’ilseredressabrusquement,leregardsoudaindur. –Voilàquidevraitterassurerquantàmondésirpourtoi.Tun’asplusàêtrejalousedeSofia. Stupéfaite,elleleregardas’éloignerensilenceverslasalledebains.Cesmotsluiavaientfait l’effetd’unedoucheglaciale.Larassurer?C'étaitpourcelaqu’illuiavaitfaitl’amour? –Que…qu’est-cequetuveuxdire?demanda-t-elleenlerejoignantenfin.Tuessayaisjustede… meprouverquelquechose? Déjàsousladouche,ilhaussaseslargesépaules. –Disonsqu’aprèsça,tunedouterasplusdel’effetquetuassurmoi. –Uneconversationauraitsuffiàmeconvaincre.Tun’étaispasobligédemefairel’amour. –J’aitoujoursétéunhommepratiqueplutôtquethéorique,cariño. Faithserenditsoudaincomptequel’endroitétaitmalchoisipourunediscussionsérieuse.Raul étaitnu,sonimpressionnantevirilitéenévidence,etellesentitàsongranddamunedoucechaleur s’éveilleraucreuxdesonestomac. Baissantlesyeux,ellemarmonna: –J’aimeraisbiensavoirpourquoitupensesquelesexerésouttouslesproblèmes. Sansrépondreàsaquestion,ilcoupabrusquementlejetd’eauavantdesetournerverselle. –Serviette,s’ilteplaît? Elleluientendituneettressaillitlorsquesamaineffleuralasienne.Prudemment,ellefitunpas enarrière. – Tu veux que je te dise pourquoi je pense que le sexe résout tous les problèmes ? Il y a une heure,tuétaisfurieuse.Aprésent,tuescalme.Çarépondàtaquestion,non? –J’ail’impressiond’êtretamaîtresseplutôtquetafemme,lança-t-elled’untonaccusateur. –Lorsquel’onsongeàl’impactdumariagesurlaviesexuelled’uncouple,tudevraisenêtre satisfaite. – Ah oui, le mariage… Dis-moi une chose, est-ce à cause de Sofia que tu es contre ? Est-ce à caused’ellequetuneveuxpasd’enfants?C'estellequit’atraumatisé? Acesmots,sonvisagesefermainstantanément.Saposturetoutentièrechangea,sefitdéfensive, presquehostile. –Tuesmafemme,Faith,dit-ild’untonglacial.Çadevraitsuffireàtecontenter.Necherchepas plusloin. Puisiltournalestalons,nonsansluiavoirdécochéunregardquiluifitcomprendrequ’ilvalait mieuxnepaspoursuivrecettediscussion. 10. Lovéedansl’undescanapésblancsdel’Océane,Faithregrettaitl’absencedeRaulets’envoulait des’êtremontréesipeudélicate.Quellemouchel’avaitdoncpiquée?Ellesemaudissaitd’avoir abordélesujetdumariageetdesenfants,etplusencored’yavoirmêléSofia. Lematinvenu,ilavaitémergédelasalledebainsvêtudel’undesesimpeccablescostumeset annoncéqu’ildevaitserendreàBuenosAires.Ellenel’avaitpasrevudepuis. Regrettantdenepaspouvoirremonterletemps,elleavalasansenthousiasmeunegorgéed’eau. Marialuiavaitapportédequoidéjeuner,unpeuplustôt,maisellen’avaitpasd’appétit. Elle avait voulu comprendre Raul, le forcer à s’ouvrir. L'intention était noble. Le problème, c’étaitquesonmaris’étaitsentiagressé.Etlorsqu’onl’agressait,ilsebattait.S'ilnepouvaitpasse battre,ils’enfuyait. Celaluirappelaitlejouroùelleluiavaitapprisqu’elleétaitenceinte.Ill’avaitimmédiatement demandéeenmariage,luiavaitachetéunebaguedefiançaillesavantdepartirenvoyaged’affaires. Sur le coup, elle avait supposé que c’était normal, que c’était là la vie d’un milliardaire. Elle comprenaitseulementmaintenantqueRaulavaitvoulufuir. Defait,ellenevalaitguèremieuxquelui.N’avait-ellepasfaitexactementlamêmechoselejour deleurmariage?Ilsnevalaientguèremieuxl’unquel’autre. Aceciprèsqu’ellenefuiraitplus,dorénavant.Etellen’essaieraitpasdavantagedelepousserà parler.C'étaitlàlasourcedetoussesmaux,elleleréalisaitenfin.Pluselleluiforçaitlamain,plus ilrésistait. Fixant sans appétit l’assiette posée devant elle, elle repensa à la remarque de Sofia sur les similitudesentreRauletunétalon.Sonmariétaitviril,puissant,dominateur.Etlaseulefaçonde domptercegenredepersonnalitéétaitd’userdedouceuretdepatience. Elledevaitdoncgagnersaconfiance.Puisqu’ildétestaitparlerdesesémotions,elledevaitcesser de l’interroger sur le sujet. Au lieu de cela, elle se concentrerait sur le présent. Lui-même avait admisqu’ilsétaientheureuxavantqu’ellenetombeenceinte.Elledevaitdoncretrouvercettemagie d’autrefois. Malheureusement,Raulnereparutpasdetoutelajournée.Etelleavaitbeaufairedesonmieux pours’occuper,sonabsencedevintunpoidspresqueinsupportable. Oùétait-il?L'avait-ellechassépourdeboncettefois? Lesoirvenu,misérableetépuisée,elleallasecoucherdebonneheure.Aquoibonattendreun hommequinevoulaitvisiblementpasdesacompagnie? Après avoir en vain attendu toute la journée que sa mauvaise humeur passe, Raul avait décidé d’attendrelanuitpourrentreràl’Océane.Ilsupposaitqu’iltrouveraitFaithendormie,cequileur éviteraitunenouvelleconfrontation. Avecunsoupirimpatient,ilabandonnasavestesurlecanapéetseservitunverre. Ilavaitbeauparlercinqlanguescouramment,ilnecomprendraitjamaislesfemmes! Pourquoivoulaient-ellestoujoursparler?Aquoibon?C'étaittotalementinutileet,engénéral, cela ne faisait qu’aggraver les choses. Le secret du bonheur, selon lui, c’était de réprimer toute émotionquimenaçaitsonéquilibrepsychologique. MaislesquestionspermanentesdeFaithmenaçaientdedétruirecettepaixintérieurechèrement acquise.Malgrélui,ilsentaitremonterdessouvenirsqu’ilpensaitavoirdéfinitivementréprimés. Lamaincrispéesursonverre,ilenbutlecontenud’untrait.L'alcooldescendittelunfeubrûlant dans sa gorge mais ne lui apporta pas le soulagement escompté. Il lui semblait se rapprocher de quelque chose qu’il avait évité toute sa vie, d’une nébuleuse noire remplie de dangereuses émotions. Sontéléphonesonnasoudain,l’arrachantàsesréflexions.Marmonnantunjuron,ildécrochaen hâtedepeurquelasonnerieneréveilleFaith. –C'estmoi,fitunevoixdanssondos. Iltressaillitet,pivotant,vitsafemmequisetenaitsurleseuil,lesyeuxrougesdesommeiletun téléphoneenmain. –C'estmoiquit’appelais,expliqua-t-elle. –A3heuresdumatin?demandaRaul,sepréparantmentalementàunenouvelleconfrontation. Pourquoiça? –Parcequejemefaisaisdusouci. Sourcilsfroncés,ill’étudiaensilence.Elleétaitpiedsnusetportaitunenuisettededentellequi lui fit instantanément oublier sa colère. Son bas-ventre envoyait une série de messages urgents à sonespritenfiévréet,malgrélui,iltournaleregardverslesofa. Ici.Maintenant.Sansréfléchir. Surlepointdelasaisiretdelaclouersurlecanapépourluifairel’amour,ilsefigeaencroisant sonregardetenlisantquelquechosed’étrangedanssesyeuxverts. Del’inquiétude.Elles’étaitvraimentfaitdusoucipourlui. Tentantdeserappelerladernièrefoisquequelqu’uns’étaitinquiétépourlui,Raulréprimasa furieuse envie de lui faire l’amour. Malgré le désir qui engluait sa raison, il sentait confusément queceneseraitpasunebonneidée. –Tutesensbien?Tuasl’airextrêmementtendu. Elleledévisageaitd’unairanxieuxetilserenditcomptequ’ellen’avaitaucuneidéedel’effet qu’elleavaitsurlui.Necomprenait-ellepasquec’étaitelle,lasourcedesatension? –J’aibesoind’airfrais,maugréa-t-il. Iltournalestalonsetsortit.Furieuxetfrustré,ilespéraitquel’airdelanuitl’aideraitàretrouver sesesprits. Maisqueluiarrivait-il?Depuisquandnepensait-ilqu’ausexe? Certes,ilavaittoujourseuunerobustelibido.Maisjamaisaupointd’obscurcirsonjugement! Ilprituneprofondeinspiration,essayantdésespérémentderecouvrercelégendairesang-froid dontilsetarguaitentempsnormal.L'immensitédel’océan,faceàlui,l’aidaàsedétendrequelque peu. Dumoinsjusqu’aumomentoùilsentitdeuxbrasgracilesglisserautourdesataille,etoùFaith s’appuyacontresondosavecunetendressequilepritdecourt. –Jet’aime. Elleavaitparléd’unevoixdoucemaisilentenditlesmotsaussiclairementquesielleavaitcrié. Totalement dérouté, il se préparait à un nouveau tourbillon émotionnel lorsqu’elle le contourna pourluifaireface. Contretouteattente,elleneprononçapasunmot.Alaplace,elleentrepritdedéfairedoucement lesboutonsdesachemise,qu’ellefitensuiteglisserdesesépaules.Seslèvresseposèrentsurson torseetledésirqu’ilavaittentédecontenirexplosaavecuneviolenceredoublée. Cette fois, il ne résista pas à son instinct. Ses mains encadrèrent le visage de Faith et il l’embrassa passionnément, fiévreusement. Mais au moment où il s’apprêtait à l’allonger sur le sable,elleéchappaàsonétreinteetposasesdeuxmainssursontorsenu. –Tuembrassesmerveilleusement,souffla-t-elle. Ilvoulaitlasaisirdenouveaupourluiconfirmerlachosemaisellepritlesdevantsetl’embrassa sur la poitrine. Puis ses lèvres descendirent le long de son ventre, et elle tomba à genoux sur le sable. Ses cheveux blonds brillaient sous le clair de lune et ses yeux verts scintillaient comme des émeraudes.Elleluilançaunregardd’unetellesensualitéqu’ileneutlesoufflecoupé.Habituéà avoirl’initiative,ilpeinaitàcomprendrecequisepassaitetneréagitpasaussitôtlorsque,dubout desdoigts,elleeffleurasabraguette. Ungrognementfranchitseslèvresetildutavoirunmomentd’absencecar,quelquessecondes plus tard, il réalisa que son pantalon était sur ses chevilles. La main de Faith se referma sur son sexe,conquéranteetaudacieuse,luiarrachantunhoquetdeplaisiretd’incrédulité. Elleentamaunmouvementdeva-et-vientquileforçaàfaireappelàtoutesavolontépournepas explosersur-le-champ.Maisiln’étaitpasauboutdesessurprises.Al’instantoùilpensaitqu’ilne pourraitpasrésisterpluslongtemps,ellelecueillitentreseslèvres. Saraisonvacilla,sonespritsefocalisasurcettepartiedesoncorpsqu’enveloppaitunechaleur moiteetmouvante,quecaressaitunelanguehabile.Ledésirluitordaitleventreetsonemprisesur lui-même se fissura, pour exploser finalement comme il se précipitait tête baissée dans le plus violentorgasmedesavie. Il resta un long moment les yeux fermés et la mâchoire crispée, complètement inconscient du tempsquipassait.Enfin,lorsqu’ilrouvritlespaupières,ilvitqueFaithledévisageait.Ilselaissa tomber à genoux et la poussa doucement contre le sable. Mais, appuyant sur son torse, elle murmura: –Allonge-toi.Jen’enaipasfiniavectoi. Méduséettoujourssecouéparcequ’ilvenaitdevivre,Raulobéitinstinctivement.Sanslequitter desyeux,Faiths’installaàcalifourchonsurlui.Ilglissaenellesanseffort,avecungrognementde satisfaction. –Çava?demandalajeunefemme. –Non. SeslèvresemprisonnèrentcellesdeFaithetluiarrachèrentunbaiserfurieux.Puisilluiagrippa latailleetlaplaquacontresonbassinensailliesavides,passionnées.Soncorpsétaitenfeu,son espritenétatdesurchauffe,sesnerfsauborddelarupture. Il plongea en elle, encore et encore, jusqu’au moment où elle renversa la tête en arrière et, secouéedeconvulsions,criasonnom.Alorsils’abandonnaàsontouravantdes’effondrerdansle sable,enlaserrantfarouchementdanssesbras. Ilrompitlesilencelepremier. –Tun’asjamaisfaitça… –Tunem’enasjamaisdonnél’occasion,répondit-elled’unevoixrauque.Tuprendstoujours l’initiative. – Je ne le ferai plus jamais ! lui promit-il, caressant ses cheveux avec révérence. C'était incroyable. Tu es incroyable. Dorénavant, je me contenterai de m’allonger et je te laisserai faire toutletravail.Jeseraicomplètementpassif. –Passif?répéta-t-elleenriant.Tupourraisessayertantquetuveux,tun’yarriverasjamais. –Pourquoiavoirchoisicesoir?s’enquit-il,unsourireauxlèvres. Ellerepritsonsérieux,unesoudainetimiditédansleregard. –Nousavionsunproblème.Jenesavaispascommentteparler. –Jecroyaisquetudétestaisrecourirausexepourrésoudrelesproblèmes? –Apparemment,çamarche,marmonna-t-elle.Jevoulaisessayer. –Çaoui,çamarche… Encadrantsonvisagedesesmains,ill’embrassafarouchementavantdereprendre: –Diosmío,dorénavant,jetelaisseraiprendrel’initiativeentout… LorsqueFaithouvritlesyeux,ellevitRaulquil’étudiaitensouriantdepuisunfauteuilprèsdulit. –Ilestmidi,l’informa-t-ild’unairamusé. Elleseredressabrusquement,stupéfaite. –Non!Déjà? –Tuasdormicommeunbébé.Tudevaisêtretrèsfatiguée. –Lesdernièressemainesn’ontpasétéfaciles… –C'estvrai.Etpuisquel’heureestauxexcuses,jeveuxbienadmettremapartderesponsabilité. Ellehaussaunsourcilétonné,arrachantunsoupiràsonmari. –Nemeregardepascommeça.Jesuistoutàfaitcapabledereconnaîtremestorts.C'estjuste quej’airarementtort,neput-ils’empêcherd’ajouter,unelueurmalicieusedansleregard. Elleeutàsontourunsourirevacillant. –Tun’aspasàt’excuser.Jecomprendspourquoituasagicommetul’asfait. –C'esttrèsgénéreuxdetapart,maisjemesuismontréinsensible.Ilestnormalquetutesois enfuie,vuquejenet’aipasdonnéderaisondecroireenl’avenir,ennotrerelation.Maiscetavenir existe,cariño.Etpourteleprouver,j’aiorganiséunpetitvoyage,rienquepournousdeux. –Unvoyage? Faithvibraitd’excitationfaceauchangementqu’elledécelaitenlui.Maisellenelecomprenait paspourautant.Etait-ceàcaused’hiersoir?Entoutcas,ellen’allaitpasrisquerdetoutgâcheren lequestionnant. – Nous avons manqué notre lune de miel, reprit-il de sa voix de velours. J’ai donc décidé d’y remédier. Trop émue pour parler, elle remonta ses genoux sur sa poitrine. Il était si beau, si sûr de lui. Commentunefemmepouvait-elleluirésister? –Oùallons-nous?demanda-t-elle,émue. –Tuestropcurieuse…Vatepréparer,jem’occupedureste… Faith contemplait d’un œil émerveillé les chutes d’Iguazú, à la frontière du Brésil. Elles formaientunrideaud’écumeblanchetiréenformedeferàchevalàtraverslajungleverdoyante. Lespectacleétaitd’unebeautéàcouperlesouffle. –C'estlapremièrefoisquejevoisplusd’unecascadeàlafois!s’exclama-t-elle. Passantunbrasautourdesataille,Raull’attiracontrelui. – Il y en a deux cent soixante-quinze, lui souffla-t-il à l’oreille. Nous les partageons avec le BrésilmaislesdeuxtierssetrouventenArgentine. Lafiertéchauvine,danssavoix,lafitrire. –Ilfauttoujoursquetusoislemeilleur,n’est-cepas?letaquina-t-elle. Sa réponse se réduisit à un long baiser. Après quoi, légèrement haletante, elle reporta son attentionsurlepaysage.Unnuagedebrumemontaitdeschutes,créantunsfumatomystérieux. –C'estvraimentmagnifique. Les chutes semblaient presque dorées sous le soleil, et elle sentit le bras de Raul se resserrer autourd’elle. –GargantadelDiablo,murmura-t-ilenpointantundoigt.NousappelonscettecascadelaGorge du Diable. C'est la plus grande de toutes. J’ai réservé un bateau qui nous emmènera sur l’Iguazú demain.Çavateplaire. De retour à leur hôtel, Faith passa un long moment sur le balcon à observer la rivière qui s’étendaitdevantsesyeux.Illuisemblaitêtreauparadis.Toutl’émerveillait. –Jecommenceàmesentirjaloux,remarquasonmarienlarejoignantsurlebalcon.C'estmoi quetuescenséeregarder,paslepaysage. –Tunepeuxpasm’envouloir.Lavueestépoustouflante.Mesparentsauraientadorécetendroit. –Tunem’asjamaisrienditdetonenfance.Maisjesupposequ’elleétaittrèsheureuse? –Pourquoidis-tuça? Illuisouritavecunsoupçond’ironie. –Parcequetuasunetellefoidanslemariagequejesupposequetesparentsontdûêtreheureux. Etpaslestiens?faillit-elledemander.Maisunenouvellefois,elleravalasaquestiondepeurde briserlamagiedumoment. –Mesparentssesontrencontrésquandilsétaientadolescents.Mamèreestrapidementtombée enceintedemoi.Al’époque,c’étaitscandaleux.Maismesparentsonttenubon.Ilsétaientamoureux etsavaientqu’unjouroul’autre,ilsvoudraientdesenfants. C'étaitbiensûrlaraisonpourlaquelleellen’avaitjamaisdoutédesmotivationsdeRaullorsqu’il l’avaitdemandéeenmariage.Ellel’aimaitetellesupposaitquecesentimentétaitmutuel. –Hmm,jetecomprendsmieuxmaintenant. Illadévisageaunlongmomentetelleeutl’impressionqu’ilallaitajouterquelquechose.Maisil resta silencieux et, après quelques secondes, s’éloigna de quelques pas sur le balcon pour faire mined’étudierlavue. Faith,quiavaitapprisàneplusposertouteslesquestionsquiluibrûlaientleslèvres,ravalaune nouvellefoissacuriosité. –Alors,oùallons-nousdemain?demanda-t-elled’untondégagé. Il se retourna pour lui faire face, le regard traversé d’ombres, la mâchoire serrée. Au lieu de répondre,ill’embrassaavecuneintensitépresqueféroce. Bienvite,leurétreintesefitplussensuelle,leurslèvress’adoucirent,leurscorpss’assouplirent. Raullapritdanssesbras,latransportajusqu’àlachambreet,d’uncoupdepied,claqualaporte derrièrelui. Aprèscelailnefutplusquestiondeparler. 11. Aprèsquatrejoursmerveilleuxetquatrenuitsincroyables,ilsrevinrentàl’estancia.Faith,pour la première fois depuis longtemps, se sentait en paix. Car si Raul ne l’avait épousée que parce qu’elleétaitenceinte,ellesavaitqu’ilsétaientvéritablementheureuxtouslesdeux.Iln’yavaitrien decontraint,d’artificieldansleurplaisiràêtreensemble. La seule ombre au tableau était la fatigue chronique qui l’accablait. Elle avait parfois des vertiges et des accès de nausée et, même si le médecin lui avait assuré que c’était parfaitement normalaprèsuntraumatismecrânien,cemanqued’énergieconstantcommençaitàluipeser. Ellen’enditcependantrienàRauldepeurdel’inquiéter.Ellenevoulaitpasqu’ilconvoqueune armée de médecins pour l’examiner. Elle garda donc la chose pour elle, espérant que son état s’amélioreraitavecletemps. Ilsétaientheureux,etc’étaittoutcequicomptait. –RaulestdebonnehumeurparcequePedroluiavendusesterres! Mateo,unamiprocheetassociédeRaul,levasonverreenuntoastmoqueur. –Raulesttoujoursdebonnehumeurquandilobtientcequ’ilveut!ajouta-t-ilenriant. Ilsdînaientdansl’undesrestaurantslesplushuppésdeBuenosAires,entourésdel’élitedela ville,danslalumièretamiséedeschandellesetlestintementsdel’argentcontrelaporcelaine.Les accentsd’ungroupedejazzinstallésurlaterrasseemplissaientlasalle. –Raulobtienttoujourscequ’ilveut,ironisaJulieta,lafemmedeMateo.Tun’avaispasditque Pedronevoulaitpasvendre? –Ils’estlaisséconvaincreparmonoffre,réponditRaul.Jecroisquemafemmel’ainfluencé. Apparemment,jesuisdevenuplushumaindepuisquejel’aiépousée. –Jen’iraispasjusque-là,fitMateoavecunclind’œilàl’intentiondeFaith. Puis,fronçantlessourcils,ilremarqua: – Tu es bien silencieuse ce soir. Tout va bien ? Tu es pâle. Raul, tu ne trouves pas qu’elle est pâle? –Elleestanglaise.TouteslesAnglaisessontpâles. Faith se força à sourire, consciente du regard intense que Raul posait sur elle. Malgré son badinage,ilsemblaitinquiet. –Jevaisbien,déclara-t-elle. C'était un mensonge éhonté. Elle était épuisée mais en ignorait totalement la raison. Elle qui débordaitengénérald’énergien’avaitcesdernierstempsqu’uneenvie:passersesjournéesaulit. Peut-êtreétait-celerésultatd’uneviesexuelleparticulièrementactive. Au moins, tout allait bien de ce côté-là. C'était émotionnellement que le bât blessait. Car Raul étaittoujoursaussiinaccessible,aussidistant. – A l’Empereur Raul, fit Julieta en levant son verre, dont l’empire comprend presque toute l’Argentine. –Nousportonsuntoastàl’eaualorsqu’ilyaduchampagne?remarqual’intéresséenlevantun sourcilétonné. –Ah,maisc’estquenousavonsdesnouvelles,nousaussi.N’est-cepas,Mateo? L'expressiondesonmaris’adoucit. –C'estvrai…Julietaestenceinte.Nousl’avonsapprishier. Faitheutl’impressionquelapiècesevidaitsoudaindesonair.Lesondesconversationsrecula pourlaisserplaceàunbattementsourddanssesoreilles. Se rendant compte que tous les visages étaient tournés vers elle, la jeune femme se força de nouveauàsourire. –C'estfantastique,parvint-elleàarticuler. Elle était sincèrement ravie pour son amie. Mais la nouvelle lui rappelait également sa propre perte,luifaisaitressentirplusintensémentcetteterriblesensationdevidequiluitordaitleventre. –Ceserabientôttontour,Raul,repritJulieta.Puisquetuasvaincutaphobiedumariage,àquand celledesenfants? RedoutantdevoirRaulsefermer,Faithréponditd’unevoixfaussementenjouée: – Oh, il est trop tôt pour ça. J’ai bien l’intention de poursuivre ma carrière. Et puis, nous ne sommespasensembledepuistrèslongtemps. Elleseforçaàsourire,faisantdesonmieuxpourréprimersesémotions.Elleespéraitdetoutes ses forces que l’illusion fonctionnait car elle se sentait sur le point de fondre en larmes, sans raison. Maisqueluiarrivait-il?Celaluiressemblaitsipeu! –Jesuisvraimentravipourvousdeux,déclaraRaul.Malheureusement,nousdevronsfêterçaun peuplustard.Faithavraimentl’airtrèsfatiguée.Ilesttempsquenousrentrions. Pourunefois,Faithfutraviedelevoirprendreleschosesenmain. –Jenesuispashabituéeàdînerà22heures,expliqua-t-elleenguised’excuse.ALondres,nous mangeonsbeaucoupplustôt. –Nousavonspasséuneexcellentesoirée,renchéritsonmari,glissantunbrasautourdesataille. Ilfaudraremettreçaauplusvite. Reconnaissante, Faith le laissa la guider hors du restaurant et s’installa dans la Ferrari noire garéedevantl’entrée. Déterminéeànepaspleurer,ellebouclasaceintureetfermalesyeux. –Merci,murmura-t-elle. PuiselleentenditlemoteurrugircommelavoitureglissaitdanslacirculationdeBuenosAires. Rauljetauncoupd’œilinquietendirectiondesafemme.Sespaupièresétaientcloses,sonvisage trèspâle. Dormait-elle?Ouquelquechoselatroublait-elle? Elleavaitétébouleverséeparl’annoncedeJulieta,celaneluiavaitpaséchappé.Etilcomprenait pourquoi. Avecunjuronétouffé,ilappuyasurl’accélérateur.Ilregrettaitàprésentdenepasavoirchoisi l’hélicoptère pour venir en ville. Il ne savait pas si sa femme somnolait ou faisait semblant de dormiretdanslesdeuxcas,celaneluiressemblaitpas.Elleavaitétésipleined’énergie,avantleur mariage! Queluiarrivait-il?Elleavaitcessédeleharcelerdequestionsetàsasurprise,ilavaitdécouvert quecelaluimanquait.Ellesemblaitégalementtrèsfatiguéedepuissonaccident.Cedernieravait-il eudesconséquencesplusimportantesqueprévu?Etait-ellemalade? Unesueurfroideperçasursonfrontcommel’angoisseluiétreignaitleventre.Auméprisdes limitationsdevitesse,ilaccéléraencoreetilsatteignirentl'estanciaenunriendetemps. Mais lorsqu’il s’arrêta dans la cour, Faith ne bougea pas. Le cœur battant, Raul bondit de la voitureetlançasesclésàundomestiquevenulesaccueillir. –Appelezunmédecin,ordonna-t-il.Qu’ilsoitàl’Océanedansdixminutes. –Mais…Ilest2heuresdumatin! –Jemefichequ’ilsoit2heuresdumatin! ContournantlaFerrari,ilouvritlaportecôtépassageretpritFaithdanssesbras.Satêteroula contresonépaulelorsqu’illasouleva. Presqueaupasdecourse,ilgagnal’Océaneetdéposasonépousesurleurlit.Ilhésitauninstant puis,décidantquesaroben’avaitpasl’airtrèsconfortable,entrepritdeladéshabiller. Une vague de désir lui coupa presque le souffle lorsqu’il découvrit ses sous-vêtements de dentelle rose mais il ramena aussitôt ses pensées sur l’urgence de la situation. Avec d’infinies précautions, il l’installa sous les draps. Ce fut à ce moment qu’elle ouvrit les yeux et demanda d’unevoixensommeillée: –J’aidormipendanttoutletrajet?Désolée.Çan’apasdûêtretrèsexcitantpourtoi. –Cen’estpasgrave,répondit-il,soulagédevoirdescouleursrevenirdanssesjoues. Peut-être n’était-elle pas malade, après tout. Peut-être était-elle simplement fatiguée. Il ne la laissaitpasbeaucoupdormirlanuit… –Tunevienspastecoucher? Ilfutdouloureusementtentédelarejoindreavantdeserappelerquelemédecinallaitarriver. –Non.Pastoutdesuite. –Bon.Netardepastrop. Il la regarda, médusé et exaspéré. La Faith d’autrefois n’aurait pas manqué de le mitrailler de questions sur sa conduite. Pourquoi ne venait-il pas se coucher ? Que se passait-il ? Avait-il des problèmes? –J’attendslemédecin,expliqua-t-ilpourcoupercourtàsespropresruminations. Elletournalatêteverslui,surprise. –Tuesmalade? –Non.Jel’aiappelépourtoi. –Pourquoi? –Parcequetuestropsouventfatiguée. –Jevaisbien…,commença-t-elle. Maisill’interrompitd’ungesteimpatient. – Non tu ne vas pas bien. Tu as eu un traumatisme crânien et je veux savoir si cette fatigue généraleenestuneconséquencenormale. Elle haussa les épaules, ce qui fit remonter l’inquiétude de Raul en flèche. La Faith qu’il connaissaitnecapitulaitpasaussiaisément! Desbruitsdepasprécédèrentl’apparitiondumédecin.Ils’arrêtasurleseuil,arrachantàRaulun claquementdelangueimpatient. –Vouscomptezexaminermafemme,ouiounon? – Dès que vous serez sorti de la pièce, répondit l’intéressé, visiblement peu intimidé par ses manières. –Pardon? – Mes consultations sont privées. Après quoi, si votre femme veut vous voir, nous vous appellerons. Raulouvritlabouchepourprotester,puissongeaqueFaiths’ouvriraitpeut-êtreplusaisémentau médecin.Ilquittadonclapièceensilence,àgrandesenjambéesfurieuses. –Votremarial’airtrèsinquiet,déclaralepraticientoutenprenantlatempératureetlepoulsde Faith.Ildoittenirénormémentàvous. Çam'étonnerait,songea-t-elle.Maisellepréféranepasrépondredepeurdefondreenlarmes. Danssonétat,elleétaitcapabledetout. Elleserenditcompteauregardinterrogateurquelemédecinposaitsurellequ’ilvenaitdelui poserunequestion. –Pardon? –Jevoulaisconnaîtreladatedevosdernièresrègles. –Pourquoicettequestion?Quelrapportavecmonaccident? – Je ne crois pas que vos symptômes soient liés à votre accident, répondit l’autre, remballant pensivementsonstéthoscope. –Ildoitbienyavoirquelquechose.Jesuisépuiséeenpermanence. –Oui,ilyaquelquechose.Alors,cesdernièresrègles? –Jen’enaipaseudepuislafaussecouche,répondit-elle,serrantlesdents. –Etquandaeulieucettefaussecouche? Elleluidonnaladate,puissoupira: –Faut-ilvraimentparlerdetoutça? –Oui.Lafaussecouche,décrivez-la. Faithobtempéra.Lemédecinpritdesnotes,hochantlatête. –Etvousn’êtespasalléeàl’hôpital?Vousn’avezpasconsulté? –Non.C'étaittrèstôtdanslagrossesseetiln'yavaitpasderaison. Puisellecouvritsonvisagedesesmains,sentantl’angoisseenflerenelle. –Pouvons-nouschangerdesujetmaintenant?Enquoiest-ceimportant? – C'est important parce que je ne crois pas que vous ayez perdu ce bébé. En fait, je suis quasimentsûrquevousêtestoujoursenceinte. LanouvelleétaitsiinattenduequeFaithledévisageabouchebée,frappéedestupeur. –En…Enceinte?répéta-t-elleenfin. –Vousavezeudessaignementsaumomentdevosrègles.C'esttrèsfréquentmaissansgravité. D’aprèsmescalculs,vousêtesenceintedetroismois. Enceinte? Ellen’avaitpasperdulebébé? D’ungesteinstinctif,ellecouvritsonventre,tandisqu’unsentimentdejoiepureenvahissaittout sonêtre. Puisellecompritlesimplicationsdececoupdethéâtreetpassaenuninstantdubonheurleplus parfaitaudésespoirleplusprofond. Carcettenouvelle,toutemerveilleusesoit-elle,sonnaitaussilafindesarelationavecRaul. Faithavançaitsurlaplage,sepréparantmentalementàlaconversationlaplusdifficiledetoute savie. Comment son mari réagirait-il ? Il ne serait pas ravi d’apprendre qu’elle était enceinte, elle le savait.Elleserappelaitencoreaveceffroilejouroùelleleluiavaitannoncélapremièrefois. Il était à peine 4 heures du matin mais il y avait déjà assez de lumière pour lui permettre de discerner sa silhouette. Il était tourné vers la mer et elle leva une main pour lui toucher l’épaule avantdeseraviser. –Raul? Ilpivotaaussitôtetellefutsurprisedeliredel’angoissedanssonregard.Deuxmainspuissantes luiagrippèrentlesépaulesetlasecouèrentlégèrement. –Alors?Qu’est-cequ’iladit? –Tu…tumefaismal. Illarelâchainstantanément,laminecontrite. –Excuse-moi,cariño.Jemefaisaisdusouci,c’esttout. Seigneur, comment lui annoncer la nouvelle ? C'était sans doute pire que tout ce qu’il avait imaginé… –Je…je… –Diosmío,tucommencesàm’inquiéter.Qu’est-cequ’iladit? Faith se mit à trembler de manière incontrôlable. Par quel cruel coup du sort devait-elle prononcerelle-mêmelesmotsquilessépareraientàjamais? –Parle!gronda-t-il,unelueurpaniquéedansleregard.Oujevaisallerchercherceméd… –Jesuisenceinte. Raulsefigeaetellerepritenhâte: – J’ai cru qu’il s’agissait d’une fausse couche mais je me suis apparemment trompée. Je suis toujoursenceinte.Detroismois. Les bras de Raul retombèrent, ballants, à ses côtés. Il fit un pas en arrière, une expression d’incrédulitésursonbeauvisage. Ilneprononçapasunmot. Pasunseul. Lesseulssonsquiluiparvenaientétaientceuxduressacetdesbattementsaffolésdesoncœur. Illadévisageapendantcequiluisemblauneéternitéavantdetournerlestalonsetdes’éloigner surlaplage. Laissantenfinlibrecoursàsadétresse,elletombaàgenouxdanslesableetsemitàsangloter. 12. Ilneluifallutpaslongtempspourfairesesbagages.Ellen’avaitpresquerienàemporter.Toutes lesrobesdecocktailetlespairesdechaussuresqueluiavaitachetéesRaulneluiserviraientplusà rien. Refermantsavalise,ellelatransportajusqu’àlaportedel’Océaneetseretournapourjeterun dernierregarddanslesalon,àsonsoldeboisclairetàsesrideauxblancsquegonflaitdoucement unebrisevenuedelamer.Ellenereverraitplusjamaiscetendroit. C'estjusteunemaison,songea-t-elle,laminesombre.Riend’autre. Siellelevoulait,ellepourraitreproduirecegenrededécoration,plustard. Maisellesavaitqu’ellesementait.Non,cen’étaitpasqu’unemaison.C'étaitsamaison,celleque Rauletelleavaientpartagée. Samainseposasurl’interrupteurpouréteindrelalumièreetnoyerdansl’obscuritélethéâtrede sonbonheur,lorsquelavoixdeRaulsefitentendrederrièreelle. –Situcroissérieusementquejevaistelaissert’enfuirunesecondefois,c’estmalmeconnaître. Ellepivota,lecœurbattantlachamade. –Jecroyaisque…quetuétaisparti. –Parti? Sontonétaitmenaçant. –Partioù?reprit-il. –Jenesaispas.Le…leplusloinpossible,jesuppose. –Cen’estpasmoiquim’enfuis,quejesache.Cemariageadoncsipeud’importancepourtoi? Laminesombre,ilfitunpasenavantetluiencadralevisagedesesmainspourlaforceràle regarder. –Situdoisvraimentpleurer,autantlefairesurmonépaule.Passurcelled’unétrangerdansun avion. –Lemomentestmalchoisipourtemontrerpossessif,Raul.Lâche-moi. Aulieud’obéir,ilpassaunbrasautourdesataillepourl’attirerplusétroitementcontrelui. –Parle-moi,cariño.Jeveuxsavoircequetupenses.Tuesdevenuetrèssecrèteetjen’ysuispas habitué.Pourquoiveux-tupartiralorsquenoussommessibienensemble? –Tun’aspasentenducequejet’aidit?demanda-t-elle,incrédule.Jesuisenceinte. – J’ai entendu. Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi ça te rend malheureuse. Je croyais quetuvoulaiscetenfant? – Bien sûr que je le veux ! Mais je te veux aussi toi et nous savons que les deux sont incompatibles.Tudétesteslesenfants! Ilyeutunlongsilencepuis,avecunprofondsoupir,illarelâcha. –Jen’aijamaisdit,pasuneseulefois,quejedétestaislesenfants. –Pasdemariage,pasd’enfants,cita-t-elled’unevoixmorne.Cesonttespropresmots. –C'estvrai.Maisçanesignifiepasquejen’aimepaslesenfants.Je…je… Ilcherchaitsesmots,cequilasurprit.Cen’étaitpaslàleRaulqu’elleconnaissait,toujourssûr deluietenpleinepossessiondesesmoyens. –Jecomprends,murmura-t-elle.Tun’aspasbesoind’expliquer. – Mais je veux t’expliquer ! Tu voulais toujours que je parle et maintenant tu essaies de m’en dissuader? –Oh…Vas-y,alors. – Je ne sais pas comment le dire, gronda son mari avec un geste d’irritation. Je ne suis pas commetoi. Faithattenditpatiemmentmais,commeilnedisaittoujoursrien,elledécidadel’aiderunpeu. –Tuasunevietrèsconfortable,tueslibred’alleretvenircommetuleveux.Jecomprendsque tuneveuillespasd’enfants. Maisillevalamain,uneexpressiond’intensefrustrationsursonbeauvisage. –Tun’yespasdutout. –Quoi,alors? Ilsemâchonnalalèvre,ouvritlabouche,lareferma,puisdéclarasoudain: –Cen’estpasSofia. –Pardon? –Cen’estpasàcausedeSofiaquejeneveuxpasd’enfants.Çaremonteàbienplusloin.Mais c’estbienàcaused’unefemme.Unefemmequim’atoutpris… Faith attendit en silence. Elle percevait l’angoisse qui se dégageait de lui en vagues presque palpables et dut faire un gros effort de volonté pour ne pas le prendre dans ses bras. Il devait affronterlepasséseul,ellelesentaitconfusément. –Cettefemme,c’étaitmamère,annonça-t-ilenfin. Cetteconfessionluifitl’effetd’unchocetellenesutquerépondre.Elleavaitimaginébiendes scénarios,maispascelui-ci! – Toutes les femmes n’ont pas l’instinct maternel, reprit-il avec une grimace. Ma mère n’est tombéeenceintequepourforcermonpèreàl’épouser.Ilsontdivorcéquandj’avaisneufansetça s’esttrèsmalpassé.Elleétaitdéterminéeàplumermonpèrejusqu’auderniersou,etelles’estservi demoipourça.Maisunefoisqu’elleaobtenucequ’ellevoulait,ellem’aemmenémoiaussi. –Tuveuxdirequ’elleaobtenutagarde? – Je veux dire qu’elle m’a arraché à mon père. Pas parce qu’elle m’aimait ou qu’elle voulait m’élever,maispourlefairesouffrir. –MonDieu… –C'étaientlesterresdemonpère,murmuraRaulens’avançantverslesbaiesvitrées.C'étaitun amoureuxdeschevaux.Nulnelescomprenaitmieuxquelui. –Jecroyaisquetuavaisachetécesterres? –C'estvrai.Ledomaineaétévenduaprèsledivorce.Monpèreaaccédéàtouteslesdemandes de ma mère pour ne pas que je souffre. L'estancia appartenait à notre famille depuis des générationsmaisill’avendue. Faithrestauninstantsilencieuse,digérantcettedouloureuseettragiquehistoire. –Tunepouvaispasresterauprèsdelui?demanda-t-elleenfin. – La place d’un enfant est auprès de sa mère. C'est la tradition, n’est-ce pas ? Elle m’a dit que nous partions en vacances, et c’est seulement lorsque nous sommes arrivés en Australie qu’elle m’aapprisquenousnereviendrionspas. –Jesuisvraimentdésolée.Tonpèreadûbeaucouptemanquer. –Audébut,j’airefusédel’accepter.Jemesuisenfui.Onm’arattrapéàl’aéroport.Mamèrem’a ditdegrandiretd’arrêterdemecomportercommeunbébé.Alorsc’estcequej’aifait.J’aiserré les dents, appris à ne pas montrer mes sentiments et ni à quel point l’Argentine et mon père me manquaient.Jesuisrevenudèsquej’aipuetc’estlàquej’aiapprisquel'estanciaavaitétévendue. Cettefois,Faithneputrésisteràsoninstinct.S'approchantdelui,ellel’enveloppadesesbras. –Jemesuispromisdetoutracheter,parcelleparparcelle,bâtimentparbâtiment. –LesterresdePedro… –...étaitladernièrepiècedupuzzle.L'estanciaestdenouveauentière. –Ettonpère? Ellesentitsesmusclessecrisperetregrettad’avoirposélaquestion. – Après avoir tout vendu, il est devenu gaucho. Il déménageait de ranch en ranch. Je ne l’ai rattrapé que trop tard. Il est mort sans savoir que j’étais rentré. Bien avant que je ne gagne mon premiermillionetquejenecommenceàracheternosterres. Posantsurelleunregardhanté,ilachevad’unevoixblême: –Cequemamèreluiafaitsubir…Jemesuispromisquejenelaisseraijamaisunefemmeme fairelamêmechose. –Cen’estdoncpasquetun’aimespaslemariageoulesenfants,soufflaFaith.C'estjustequetu as peur d’aimer et de perdre. Je comprends pourquoi tu m’as épousée, à présent. Tu voulais affirmertesdroitssurlebébé. –Faith… –Jenet’enveuxpas.J’auraissimplementpréféréquetumeledises.J’auraiscompris. –Non,tuseraispartieencourant,avecmonenfant.Etc’estd’ailleurscequetuasfiniparfaire. –Mets-toiàmaplace.Quandjet’aiditquej’avaisperdulebébé,tuenasétésoulagé. –J’aipaniqué,confessa-t-ilsanstenterdelenier.Mamèreavaitutilisécettemêmearmepour piégermonpère.J’aieuuneréactioninstinctive,quej’aiamèrementregrettée.Jesaisquejeme suis conduit comme un monstre mais ce n’était pas contre toi. J’essayais simplement de me protéger. Sentantquesesjambesmenaçaientdesedérober,elleselaissatombersuruncanapé. – Ce… ce n’était pas la conversation à laquelle je m’attendais, murmura-t-elle. Quand je t’ai annoncéquej’étaisenceinte,tuesparti… –Jesuisallétrouverlemédecin.Jem’étaispersuadéquetuétaismalade,etjevoulaisêtresûr qu’ilnes’étaitpastrompé.Jenesuispasdouépourfaireconfianceauxgens.Jel’aiagrippéparle coletjeluiaifaittoutrépéter. –Etcommenta-t-ilprislachose? –Plutôtpasmal,fitRaul,ensouriantpourlapremièrefois.Iladitqu’ilétaitprêtàpardonner lesexcèsdeconduited’unhommeamoureux. –Tuluiasditquetunecroyaispasenl’amour? –Non,parcequeçaauraitétémentir.Jenecroyaispasenl’amour,jusqu’aumomentoùjet’ai rencontré. Lecœurbattantlachamade,ellelevalesyeuxverslui. –C'estvrai? –Çanesevoitpas? –Je…Tun’aspasàprétendrequetum’aimes,Raul.Jeneteprendraijamaistonenfant.Nous pouvonsvivreenharmoniemêmesituneveuxpasdemoiet… –Viens,coupaRaulenlaprenantsoudainparlamain. –Oùallons-nous?Noussommesentraindeparler,Raul… –C'estbienbeaudeparlermaisparfois,ilfautsavoiragir,cariño. Hypnotisée par son sourire, elle sentit son estomac se serrer et poussa un gémissement d’incrédulité.Non,non,non!Commentpouvait-elleavoirenviedeluiaubeaumilieud’unetelle tourmenteémotionnelle? –Raul,jenecroispasquelesexe… –Chut. Il l’entraîna à l’étage – ce qui l’étonna car ils n’y montaient quasiment jamais – et poussa la premièreportesurlepalier. –Vas-y,dis-moicequetuvois. Médusée,ellefranchitleseuil.Soncœurfitunbonddanssapoitrine. C'étaitunechambred’enfant. Ensoleillée,elleétaitentièrementdécoréeetmeubléed’unvieuxlitdansuncoin,d’unechaiseà basculedansl’autre.Elleouvritlabouche,maisaucunsonn’ensortit. –Alors?Quevois-tu? –Une…unechambred’enfant,bredouilla-t-elleenfin. –Non.Cequetuvois,c’estunhommeamoureux. –Mais… Unsouriresatisfaitauxlèvres,ilétudiaitsaréaction. –J’aifaitpréparercettechambrependantnotrelunedemiel. –Notre…notrelunedemiel? –C'estlemomentoùj’aicomprisquejenepourraispasvivresanstoi.Jenesavaispasquetu étaisenceintemaisjesavaisqu’unjour,nousaurionsbesoindecettechambre. Emueauxlarmes,elleneputqueposersurluiunregardremplid’amour. –Nepleurepas,cariño.Jet’aime.Tucomprends? –Jecroyaisquetunem’avaisépouséequeparcequej’étaisenceinte. – Je t’ai épousée parce que tu étais enceinte. Mais je veux rester ton mari parce que je t’aime commejen’aijamaisaimépersonne. Ellefermalesyeux,etdeuxgrosseslarmesroulèrentlelongsesjoues.Unimmensesentiment debonheurenflaitauplusprofondd’elle-même,luidonnaitl’impressionqu’elleallaitexploser. –Jet’aime,souffla-t-elle.Tun’aspasidée… – Oh, si, je le sais, répondit-il en l’embrassant avec une infinie tendresse. Je me suis montré cruel avec toi et pourtant, tu es toujours là. Seule une femme amoureuse ferait cela. Arrête de pleurer,maintenant. –Jenepeuxpas!s’exclama-t-elleavecunrireétranglé.C'esttafaute. –Cequiprouvebienqueparlern’estpastoujourslasolution.Quedirais-tuderésoudrecepetit problèmeàmafaçon?demandasonmarienlevantunsourcilsuggestif. –Oui,soupiraFaithtoutcontreseslèvres.C'estunemerveilleuseidée,monamour.