correspondances medicales - Editions Médicales Anthroposophiques
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CORRESPONDANCES MEDICALES Le fer dans l’ortie, la racine de camomille, l’anis et la fraise des bois Thérapeutique avec des préparations à base de fer Fer, vin et vinaigre : préparation de Ferrum sulfuricum silicicum et Ferrum hydroxydatum Traitement par le fer dans certains rhumatismes et myopathies Nicotiana, Dulcamara et Hyoscyamus, solanacées dans les maladies des voies respiratoires Un nouveau métal végétabilisé : Oenothera Argento culta Automne - Hiver 2007 / N° 21 Les Correspondances Médicales, réservées au corps médical, paraissent deux fois par an et sont disponibles sur abonnement. Elles sont adressées gracieusement sur demande écrite à l’adresse suivante : IFEMA Institut de Formation et d’Edition pour la Médecine Anthroposophique 2, rue du Blochmont 68330 Huningue Chaque auteur est responsable de ses propres articles. Toute reproduction de texte doit faire l’objet d’une demande à l’IFEMA. Dépôt légal : 4ème trimestre 2007 Sommaire - Editorial .......................................................................... page 5 - Le fer dans l’ortie, la racine de camomille, les fruits de l’anis et la fraise des bois Docteur Willem Daems .................................................. page 7 - Thérapeutique avec des préparations à base de fer Docteur Olaf Titze .......................................................... page 15 - Fer, vin et vinaigre : préparation de Ferrum sulfuricum silicicum (Kephalodoron®) et Ferrum hydroxydatum Docteur Wolfram Engel .................................................. page 23 - Diagnostic cristallographique et traitement par le fer du rhumatisme et de la myopathie (myasthénie) Docteur Alla Selawry ...................................................... page 47 - Les Solanacées dans les maladies des voies respiratoires Nicotiana, Dulcamara et Hyoscyamus du point de vue pharmaceutique Docteur Ulrich Meyer ..................................................... page 60 - Oenothera Argento culta Une nouvelle préparation à base d’un métal végétabilisé Docteur Joop van Dam .................................................. page 87 - Oenothera Argento culta Note à propos d’un nouveau médicament contre la peau sèche Docteur Lüder Jachens .................................................. page 92 Editorial Chers lecteurs, L’été semble déjà bien loin. Avec l’automne est revenue la nécessité de reprendre nos activités avec énergie et de nous défendre contre les agressions du climat et du stress. Le fer est le métal de l’action : son utilisation est omniprésente dans les outils et machines de l’âge industriel. Nous en avons besoin dans notre sang et nos muscles, pour notre respiration , nos mouvements, notre immunité. Nous lui consacrons l’essentiel de ce numéro, en abordant en particulier des aspects pratiques, avec deux articles de référence, l’un, classique, d’Alla Selawry et un autre plus récent d’Olaf Titze. Les aspects pharmaceutiques ne sont pas oubliés, avec la botanique de plantes liées au fer (Willem Daems), et un aperçu sur les processus pharmaceutiques de médicaments anthroposophiques typiques dérivés du fer, par Wolfram Engel. Nous continuons par ailleurs notre étude des solanacées entamée dans le précédent numéro, avec un article à la fois fondamental et pratique d’Ulrich Meyer. Et enfin nous terminons par une petite note ensoleillée, avec les fleurs lumineuses de l’onagre que l’on voit s’obstiner au bout de leurs tiges jusqu’à fin octobre, et qui font l’objet d’une nouvelle préparation de « métal végétabilisé ». Bonne lecture ! Docteur François Hibou Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 5 Urtica dioïca Photo J. Abegg Le fer dans l’ortie, la racine de camomille, les fruits de l’anis et la fraise des bois * Docteur Willem Daems Traduction Laetitia Lescourret L’étude des substances et, de ce fait, la pharmacognosie et la pharmacologie, ont connu un approfondissement et un enrichissement considérables grâce à la science de l’esprit issue de l’anthroposophie. Celle-ci place au premier plan les phénomènes processuels ainsi que le chemin menant du spirituel à la substance, aboutissement de cette matérialisation. Pour la science de l’esprit, les processus et les lois présidant à cette matière en devenir sont tout aussi importants que les lois de la substance achevée, telle qu’elle s’offre à nos sens. Pour l’art pharmaceutique fondé sur les connaissances et l’approche de la science de l’esprit, il en résulte de nouvelles manières de concevoir le traitement de la substance. Cela ne signifie pas pour autant que la substance, la matière en tant que telles soient reléguées à un rôle subalterne. On pourrait aisément penser que l’enthousiasme déclenché par les nouveaux acquis aurait fait s’effacer l’intérêt pour la substance elle-même. Or, lorsque Rudolf Steiner affirme par exemple que l’on trouve du cuivre dans la mélisse et du fer dans la racine de camomille et les fruits de l’anis, il a lui-même à cœur que l’on vérifie ces informations, voire ces prédictions. Ce fut le cas pour l’indication importante1) qu’il livra, concernant la présence de cyanure dans la queue des comètes - un fait qui fut ultérieurement confirmé par la spectrographie. Du temps de Rudolf Steiner, beaucoup de choses étaient encore inconnues dans le domaine de l’étude des composants minéraux des plantes. Ainsi par exemple, c’est seulement en 1922 que l’on découvrit que la mélisse était l’une des plantes médicinales les plus riches en cuivre parmi 26 étudiées2). L’étude des substances minérales contenues dans les végétaux est une branche de la phytochimie. Ces derniers temps, la physiologie végétale a largement contribué à ce qu’elle appelle la phénoménologie de l’absorption des ions, mais ses résultats ne sont pas exploités au * Texte tiré des Korrespondenzblätter für Ärzte, 50, 1963, 7-13 Willem Daems, Dr. Phil., Pharmacien, a longtemps été actif au sein du Laboratoire Weleda, Arlesheim (Suisse) Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 7 profit de l’étude des plantes thérapeutiques. Comme on le sait, celle-ci se base sur des principes actifs définis avec plus ou moins de précision, à savoir alcaloïdes, glycosides, huiles essentielles, sucres, tanins etc., représentant des groupes de substances certes importants pour une étude des plantes médicinales basée sur la science de l’esprit, mais qui seront toujours examinés dans le cadre de leurs processus respectifs de formation. Rudolf Steiner s’est exprimé très clairement à propos des substances minérales contenues dans les plantes. Répondant à une question des ouvriers du Goetheanum3), il expliqua pourquoi les plantes des montagnes étaient de meilleures plantes médicinales que celles des vallées, en disant que c’était l’intégration des éléments minéraux, propre à chaque espèce qui faisait de la plante une plante médicinale. Il choisit comme exemple la fraise des bois, qui sait se servir d’une façon remarquable du fer présent dans le sol. La physiologie végétale parle de sélectivité dans l’absorption des ions. Chaque cellule végétale montre toujours une concentration plus forte de l’ensemble de ses ions, que celle des ions contenus dans l’espace entourant la plante. Mais la concentration n’est pas la même pour tous les ions, la plante opère un choix selon leur nature. La physiologie végétale n’a aucune explication satisfaisante pour ce phénomène étonnant, cette dépense d’énergie non négligeable et que l’on peut calculer. L’approche mécaniste et quantitative ne pourra jamais expliquer complètement un phénomène auquel participe le vivant, l’action au sein d’une structure de forces éthériques. L’essentiel est pour nous que l’on puisse voir dans les cendres le reflet de la structure de la substance minérale de la plante vivante. Ce qui compte avant tout, ce sont les proportions des éléments entre eux bien plus que leur quantité en valeur absolue. Dans ce contexte, nous devons considérer une indication donnée par Rudolf Steiner dans un cas pathologique précis4) : il recommandait que « l’on utilise le fer que l’on obtient lorsqu’on fait une décoction de racine de camomille. On y trouve du fer avec du soufre, du potassium et du calcium dans de justes proportions. Dans la racine, il y a du fer »*. A ce jour, on ne trouve, à notre connaissance, aucune analyse des cendres de racine de camomille et, bien qu’il n’y ait aucune plante à fleurs qui ne contienne pas de fer (si l’on en trouve dans les feuilles, on devrait a fortiori en trouver aussi dans les racines), on peut considérer * 8 En italique dans l’édition originale du texte de Rudolf Steiner Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 comme une belle confirmation de l’affirmation de Rudolf Steiner les chiffres de nos analyses, soit du même ordre de grandeur que la teneur en fer des racines d’orties : 661, 890, 930, 940, 1040, 1130, 1281, 1495 mg pour 100 g de cendres. Il en est de même pour les fruits de l’anis. Comme le dit Rudolf Steiner5) « on découvrira que l’activité de cette plante est en rapport avec la présence de fer ou de sels de fer finement disséminés ». A cette époque, il manquait déjà, comme aujourd’hui encore, l’analyse des cendres dans la littérature. Dans cinq types de fruits d’anis de diverses provenances, nous avons respectivement trouvé 870, 920, 1190, 1250 et 1785 mg de fer pour 100 g de cendres. Aucun chiffre n’est disponible pour la fraise des bois, Fragaria vesca Linn. Cependant Wehmer6) indique une teneur en fer (sous forme de Fe2O3) de 0,2% et 0,7% respectivement pour une teneur en cendres de 0,8% pour des fraises fraîches et 5,53% pour des fraises séchées de jardin (Fragaria moschata Duchesne). Concernant le fait que l’on trouve du fer ou des sels de fer dans les fruits de l’anis, il serait certainement intéressant d’étudier la forme sous laquelle se présente le fer dans la plante, notamment dans les fruits et les graines. Il est vraisemblable que le fer est totalement fixé organiquement dans la plante vivante. Nous n’avons pas non plus pu mettre en évidence la présence de fer dans le dialysat de feuilles d’ortie broyées. En tout cas, la plante absorbe le fer sous une forme fixée organiquement, comme l’ont montré des essais sur des cultures tendant à la chlorose7). Dans cette expérience, il y avait suffisamment de fer dans le sol, mais les phénomènes de chlorose n’ont disparu qu’après adjonction d’un chélateur, en l’occurrence de l’acide éthylène-diaminetétraacétique (EDTA). Or l’ensemble des acides aminés et des peptides sont des chélateurs, si bien que l’on est en droit d’attendre que de tels essais ouvrent de nouvelles perspectives sur le métabolisme du fer dans la plante. Dans la pharmacopée anthroposophique, la plante médicinale à teneur en fer de loin la plus importante est la grande ortie ou Urtica dioïca Linn. Rudolf Steiner la présenta aux médecins8) peu de temps après que la médecine classique eut établi qu’il fallait une dose moyenne de 200 à 300 mg de fer pour le traitement substitutif du fer en cas d’anémie hypochrome9). Dans le premier Cours aux médecins10), Rudolf Steiner avait déjà fait remarquer que le sang est une substance malade de par sa nature Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 9 L’ortie dioïque (Urtica dioïca) - Photo J. Abegg Fraise des bois (Fragaria vesca) 10 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 intrinsèque et qui a constamment besoin du fer pour sa guérison. Il ajoute même : « [le sang] doit sans cesse être guéri par un apport de fer ». Cette indication semble faire avant tout allusion à un besoin quantitatif, mais une chose doit être claire dès l’abord : ce besoin ne saurait être couvert par les 30% de feuilles d’orties fraîches que contient le médicament Anaemodoron® (en France, préparation : Fragaria vesca 15 %, Mel 5 %, Urtica dioica 30 %, Excipient q.s.p. 100 %). Nous savons par contre que le corps assimile, fixe le fer toujours offert en quantité suffisante par la nourriture. Si l’assimilation est perturbée, le processus fer de la grande ortie, décrit par Rudolf Steiner, est alors en mesure d’opérer une véritable guérison. Cependant, lorsque les pharmaciens lui demandèrent quelle proportion d’ortie devait contenir cette formule, Rudolf Steiner répondit « Suffisamment pour mettre le fer en évidence ». Par nos expériences, nous avons pu définir la teneur en fer de l’ortie pendant toute la période végétative (d’avril à novembre) entre autres pour vérifier, si l’on peut déceler un rythme végétatif précis en ce qui concerne les valeurs du fer. La physiologie végétale connaît certes le rythme journalier d’absorption des ions - elle a principalement lieu pendant la période diurne - ; à notre connaissance, les essais sur un ou plusieurs éléments minéraux d’une espèce végétale, à raison d’une fois par jour pendant toute la période végétative (pour l’ortie, nous l’avons fait sur une durée de trois ans) n’ont encore jamais été réalisés par ailleurs. Nous reviendrons à l’occasion sur ces essais. Nous disposons entre-temps de données chiffrées relatives à la teneur en fer de plus de 600 plants d’orties. D’après le tableau succinct figurant ci-dessous, la teneur en fer dépend du site - les plantes situées au voisinage des rails du tramway contenaient plus de cinq fois plus de fer que celles des parcelles expérimentales, récoltées au même moment - ; de plus, la teneur en fer de l’ortie diminue au fur et à mesure que l’on monte de la racine vers la fleur. Ces séries de mesures confirment une fois de plus que les chiffres résultant d’analyses antérieures sont inutilisables. Ils ne sont pas faux en soi mais les fortes disparités entre les chiffres fournis par la littérature (qui peuvent varier dans une fourchette de 1 à 10) ne se comprennent que si l’on admet que les auteurs n’ont pas tenu compte des différences entre les sites, ni des fluctuations en cours d’année ou de journée. Même deux plans poussant côte à côte peuvent faire apparaître des différences allant jusqu’à 40 %. Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 11 URTICA DIOICA : TENEURS EN FER (a) Fe dans les cendres en mg % Jardin Weleda 1960-1961 Feuilles Racines Tige Fleurs Parcelles expérimentales 1962 Parcelles I à V (c) Parcelles VI (d) Berges de la Birs 1962 Feuilles Racines Poids sec en % Teneur en cendres en % du poids sec 260 (49-574) (b) 915 128 117 21,25 (15,23-32,83) 18,13 (14,1-28,4) 17,0 6,6 16,8 9,0 17,4 10,8 335 (95-569) 255 (113-471) 23,18 (15,90-30,90) 18,77 (15,3-24,5) 28,36 (23,90-31,50) 19,87 (13,9-30,3) 260 (50-948) 902 (3301485) 28,8 (23,10-33,70) 35,5 (19,70-42,70) 16,96 (13,2-22,6) 5,49 (3,54-10,00) 24,2 32,0 15,7 3,9 6,5 Reinach (forêt) 26.6.1961 Feuilles Racines Tige 212 373 106 Feuilles provenant de différents sites 15-9-1961 Jardin Weleda Siegen (Westphalie) Prairies (Grisons) Rails du tram (Arlesheim) 182 239 175 1055 ! (a) Mesures photométriques des ions de fer (II) par le biais d’un chélat de phénanthroline (b) Les chiffres sont des valeurs moyennes avec, entre parenthèses, le minimum et le maximum de la série analysée (c) Parcelles I à V : d’avril à novembre, les plantes ont été coupées de façon à toujours être âgées de 5 semaines au moment de leur récolte, en vue d’en déterminer la teneur en fer (d) Parcelle VI : les plantes ont suivi une croissance naturelle 12 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 Au cours de nos analyses, qui s’étendent à ce jour sur 3 ans, nous avons trouvé que les orties du printemps (avril) et de l’automne (septembre) affichent de très fortes teneurs en fer, alors que l’été marque un creux. Les valeurs élevées ont un caractère absolu car elles ne dépendent ni de l’humidité ni de la teneur en cendres. Les teneurs en fer constatées ne valent que pour les sites mentionnés. Mais on peut dire que, pour prendre un exemple de calcul, on peut retenir l’hypothèse de 0,5 % de fer dans les cendres, pour une teneur en cendres d’environ 20 % et un poids sec d’environ 20 % également. Cela signifie donc que l’on peut supposer que 100 g de feuilles d’orties fraîches contiennent 20 mg de fer (100 x 0,2 x 0,2 x 0,005). Théoriquement, 100 g de Fragaria vesca 15 %, Mel 5 %, Urtica dioica 30 %, Excipient q.s.p. 100 % devraient donc contenir 2 mg de fer (20 x 1/3 x 0,3). La quantité est certainement encore inférieure, car la quantité de fer contenue dans l’ortie utilisée ne peut pas se retrouver en totalité dans les cendres. Il est clair en tout cas que la quantité de fer contenue dans ce médicament (s’y ajoute encore un apport de la fraise des bois) ne joue absolument aucun rôle dans le traitement de l’anémie. L’efficacité ne peut venir que du processus fer. Dans le passé, le traitement des hémorragies à l’aide de préparations à base d’orties partait du même principe. Dans les anciennes pharmacopées, on trouve de nombreuses préparations telles que les liquor haemostaticus, emulsio haemostatica, epithema ad hemorragiam etc., qui étaient préparées à base de feuilles, de racines ou de fleurs d’orties. Déjà, Galien faisait préparer des jus pressés d’orties en cas d’hémorragies, et Pline recommandait de priser de la poudre de racine d’ortie en cas d’épistaxis. De nos jours, on connaît peut-être encore la liquor stypticus, une solution de chlorure ferrique à 10 %. Son action hémostatique est bien supérieure à l’effet astringent des solutions à base de sels métalliques. Pourtant, les préparations à base d’orties engendrent un caillot11), mou, cohérent, non friable. Devant les chiffres fournis par les analyses, force est de constater que l’action hémostatique des préparations à base d’orties ne se comprend que grâce au processus fer dans ces plantes et non grâce à leur teneur en fer. Mentionnons pour finir le travail de synthèse de Walter Bopp12), sur le fer et l’anémie, qui étudie particulièrement la préparation Fragaria vesca 15 %, Mel 5 %, Urtica dioica 30 %, Excipient q.s.p. 100 %.■ Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 13 Bibliographie et notes 1) Rudolf Steiner : L’ésotérisme chrétien - Esquisse d’une cosmogonie psychologique, 18 Conférences en mai-juin 1906 à Paris, Triades, 1957 GA 94 2) Prof. Dr. Anna Koffler, (Ada-University, Ohio), études des oligoéléments de 26 plantes médicinales (manuscrit de 1962) 3) Rudolf Steiner : Conférence aux ouvriers du Goetheanum, Dornach, 9 septembre 1924 in Die Schöpfung der Welt und des Menschen GA 354 (non traduit) 4) Rudolf Steiner : Conseils avec les professeurs de l’école Waldorf de Stuttgart, 28 octobre 1922 in Konferenzen mit den Lehrern der Freien Waldorfschule 1919-1924 GA 300/b (non traduit) 5) Rudolf Steiner : Médecine et science spirituelle,; 10ème conférence, Editions Anthroposophiques Romandes, 1978, GA 312 6) C. Wehmer : Die Pflanzenstoffe, Volume I (Iéna 1929), p. 452 7) Communication du Dr. I. de Haan, Labo. de physiologie végétale, Wageningen (Hollande) 8) Rudolf Steiner : Physiologie et thérapie 4ème conférence du 28 octobre 1922, Editions Anthroposophiques Romandes, 1986, GA 314 9) A. Adler : Eisen. Schw. Med. Wschr. 50 (1920), p. 51 et 663. Confirmé par E. Meulengracht, Eisen. Acta med. scan. 58 (1923), p. 594 10) Rudolf Steiner : Médecine et science spirituelle, 3ème conférence, Editions Anthroposophiques Romandes, 1978, GA 312 11) W. Ripperger : Grundlagen zur praktischen Pflanzenheilkunde (Stuttgart-Leipzig, 1937). Il recommande en outre des infusions dont le principal élément est l’ortie, en cas d’hémorragies d’origine gynécologique durant la ménopause. 12) Walter Bopp : Eisen und Anämie, dans la série Menschenwesen und Heilkunst 3, édité par l’association des médecins d’orientation anthroposophique de Stuttgart, 1962 14 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 Thérapeutique avec des préparations à base de fer * Docteur Olaf Titze Traduction Laetitia Lescourret Deux processus élémentaires opposés sont à l’œuvre dans l’organisme humain : le premier a trait aux informations et au traitement de ces informations. C’est grâce à lui que sont créées les structures qui formeront l’architecture de l’ensemble de l’organisme, c’est un courant qui, d’une certaine manière, parcourt l’être humain de haut en bas, et même pourrait-on dire, de l’extérieur vers l’intérieur. En polarité avec celui-ci, le processus élémentaire du métabolisme agit du bas vers le haut ou, autrement dit, du centre vers la périphérie. Alors que ce qui a trait à l’information tend toujours au repos, à la forme et à la structure, ce qui est d’origine métabolique vit dans le changement et la métamorphose. Il en résulte une construction et une déconstruction permanente des substances, qui se manifestent par des processus cycliques continus, c’est-à-dire que les produits de déconstruction sont généralement réutilisés et, dans une moindre mesure, éliminés. Il faut de l’énergie pour maintenir l’activité de ces processus en circuit fermé. Ces deux processus élémentaires déploient une activité relativement intense pendant le développement de l’enfant. Un troisième processus élémentaire, le « système rythmique » maintient constamment l’équilibre entre eux. Dans la phase sensorimotrice du développement, c’est avant tout le système neurosensoriel qui prévaut, tandis que la coordination des mouvements, par exemple, ne se développe qu’après la maturation des fonctions sensorielles. Ainsi, le réchauffement qui viendra par la suite du métabolisme et des membres, descend tout d’abord de la tête. Dans cette phase, le Moi vit encore totalement dans la périphérie et crée dans le système neuro-sensoriel un reflet ou une empreinte à partir des impressions sensorielles qu’il a assimilées. Même la force de verticalisation est d’abord quelque chose qui est fortement influencé par le milieu. Le petit enfant qui grandit parmi les loups ne se redresse pas. Avec la deuxième dentition, le processus change de sens. La force de verticalisation pénètre à l’intérieur et agit de bas en haut, du système * Article tiré du Merkurstab, 57. Jahrgang, Heft 4, 2004, p. 298-301 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 15 métabolique et moteur en direction du système neurosensoriel. Si cette inversion de sens de la polarité ne se fait pas correctement, autrement dit si le courant des forces circulant de haut en bas continue de prédominer, cela se traduira par des pieds et des mains froides ou par de la fatigue en montant les escaliers (symptômes de la chlorose = anémie des jeunes filles carencées en fer). Du point de vue de la science de l’esprit, les résistances à cette inversion polaire autour de l’âge de 9 ans reposent sur le fait que le Moi, contrairement au corps astral, ne se lie pas assez intensément au corps physique vitalisé. La symptomatique en résultant a été fort bien décrite par Michael Stellmann et Georg Soldner dans la revue Merkurstab (8). Je reviendrai sur ce point dans le cadre de l’indication thérapeutique de certaines préparations à base de fer. Le Moi se confronte aux forces étrangères des substances venant de l’extérieur. L’un des phénomènes annexes de cette emprise du Moi sur les forces matérielles exogènes est le goût, et tout ce qui se rattache à ce phénomène gustatif, sous forme de sécrétions et d’excrétions par les différentes glandes digestives. Leur but est en effet de dégrader au maximum les propriétés des substances exogènes. Après résorption des substances par la paroi intestinale, ce processus se poursuit jusque dans l’activité du système immunitaire. Les défenses humorales ainsi que cellulaires contre les éléments étrangers se trouvant dans le sang sont liées aux protéines (globulines) ainsi qu’aux globules blancs (leucocytes) du sang. Ces défenses servent au maintien de l’individualité sur le plan corporel. Elles constituent une enveloppe matérielle fermée, protégeant l’entité individuelle contre le monde extérieur. L’activité du Moi et du corps astral à l’origine de ces phénomènes se joue dans le sang, bien en deçà de la surface de la conscience et ne nécessite aucune intervention de la volonté. Par contre, pour communiquer avec ses semblables ou tout simplement avec son milieu, l’être humain a justement besoin de cette activité volontaire, d’une part dans le processus de perception (qui transforme par exemple la vue en observation) et d’autre part dans l’activité physique. Pour pouvoir faire quelque chose dans le monde, la réflexion ne suffit pas : il faut une action consciente et responsable. L’être humain en porte le remède dans ses globules rouges. C’est le fer. Le fer est en effet l’élément régulateur de la relation entre les éléments constitutifs supérieurs (Moi et corps astral ou psychique) et inférieurs (corps physique et corps éthérique ou corps de vie). Pour pouvoir comprendre un peu la nature du fer dans son rapport 16 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 avec l’organisme humain, considérons tout d’abord la respiration. La respiration est, en miniature, l’image des rythmes nettement plus amples de la vie et de la mort ainsi que de la veille et du sommeil. Dans la naissance comme dans l’éveil (mais d’une façon un peu différente) le complexe psycho-spirituel de l’être humain se lie assez intensément avec son complexe physique-éthérique. Il en va autrement dans la respiration : dans l’inspiration la fixation de l’oxygène est si labile que l’oxygène absorbé par les tissus peut être restitué. La régénération de l’ensemble des tissus et le métabolisme énergétique reposent donc sur une liaison très ténue de l’élément psycho-spirituel de l’homme avec son corps, grâce au fer. Sur la base de ces considérations, deux processus pathologiques différents sont envisageables : soit l’individualité humaine se lie trop peu avec le substrat corporel de la volonté. Soit elle se lie trop intensément avec le physique-corporel. Si l’on s’en tient au domaine fonctionnel, le résultat est similaire dans les deux cas, mis à part quelques différences, naturellement. Les traits communs sont cependant le fait de ne pas pouvoir dominer au moins les fonctions physiques conscientes telle que la perception et une pensée conscientes ou encore une action décidée et responsable. Pendant la période autour de la 9ème année, où a lieu cette inversion du sens de la polarité, au cours de laquelle l’activité du Moi, qui laissait son empreinte dans le système neuro-sensoriel, se confronte désormais aux forces terrestres dans le système métabolique et moteur, différents symptômes physiques surgissent chez l’enfant ; ils sont en majeure partie de nature purement fonctionnelle, abstraction faite de l’anémie hypochrome (« chlorose » des jeunes filles). La rencontre avec la pesanteur implique désormais la maîtrise des membres et l’intériorisation de la verticalité. Ce qui auparavant était uniquement imitation de l’entourage humain qui vit debout, doit désormais devenir une impulsion volontaire intériorisée. De la même manière, la dégradation progressive, mécanique et chimique, des aliments demande une forte intervention de l’organisation du Moi. Si une faiblesse subsiste de ce côté, il en résulte des maux de ventre, des nausées après les repas, des intolérances à certains aliments et du météorisme. Michael Stellmann et Georg Soldner décrivent d’autres troubles fonctionnels tels que les troubles circulatoires labiles et hypotoniques avec mains et pieds froids et humides, ou une hypotension orthostatique ou encore une anémie par carence en fer avec fatigue, troubles du réveil et de l’endormissement et asthénie frappante (cf. entre autres la chlorose des jeunes filles). Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 17 Un autre trouble fonctionnel peut survenir ; il concerne cette fois-ci la respiration, le patient se plaignant d’avoir le souffle court lorsqu’il monte les escaliers. Enfin, pendant cette période du développement de l’enfant, on note des céphalées liées au stress et une baisse de l’attention et de la concentration. Les parents qui accompagnent leur enfant à la consultation mentionnent fréquemment une mauvaise mémoire, allant de pair avec un sens de l’observation déficient. La recherche des clés de la maison, des livres scolaires, des chaussures de gymnastique égarées, etc. pose beaucoup de problèmes à l’enfant. Dans son cycle de conférences Thérapeutique et science spirituelle(1), pour « l’insertion du Moi » dans l’organisme humain à partir du système métabolique et moteur, Rudolf Steiner préconise, outre des mesures pédagogiques, un soutien par des composés du fer à « forte influence minérale-saline ». • Concrètement sont recommandés, le carbonate de fer (sidérite) pour le système métabolique, • Ferrum muriaticum (Ferrum sesquichloratum) pour la circulation et, pour la respiration, un acide d’origine végétale (par exemple Ferrum citricum) • Et pour la tête, le métal pur (Ferrum sidereum). En observant la fabrication du fer martelé, qui fait jaillir de minuscules paillettes lorsqu’on le forge à l’état incandescent, j’ai pensé à Ferrum ustum pour une meilleure maîtrise du système moteur et au silicate de fer (nontronite) pour soutenir le sens de l’observation. Dans la pratique, voici comment je procède généralement : lors de l’apparition de tout ou partie des symptômes à ce stade du développement, à partir de la 9ème année, je prévois l’accompagnement thérapeutique suivant sur une période de six mois (Tableau 1). 1er mois 18 Ferrum ustum D6 1 mesurette 3 fois par jour 2ème mois Sidérite D6 1 mesurette 3 fois par jour 3ème mois Ferrum sesquichlorat. D6 10 gouttes 3 fois par jour 4ème mois Ferrum citricum D12 10 gouttes 3 fois par jour 5ème mois Ferrum sidereum D20 1 comprimé le matin 6ème mois Nontronite D20 1 mesurette 2 fois par jour Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 A l’âge adulte, survient chez l’être humain une autre situation, qui fait déjà figure aujourd’hui de maladie du siècle, à savoir que « le corps astral et l’organisation du Moi ont tendance à s’engloutir trop profondément dans les corps physique et éthérique »(2). Rudolf Steiner appelle cela la « maladie de vouloir se reposer » qui, sur le plan physiologique, fait l’objet d’une guérison permanente grâce au fer contenu dans le sang (fer sérique). La recherche du confort et la tendance à s’en remettre aux autres au lieu de passer soi-même à l’action, sont largement répandues dans notre siècle. Mais cet état ne se limite généralement pas au niveau psychique, il entraîne progressivement des accès pathologiques et une fixation au niveau organique, indépendamment de la volonté. Dans ce contexte, une thérapie martiale a donc pour but de dénouer le lien trop intense de l’organisation du Moi et du corps astral avec les corps physique et éthérique. Nous avons déjà mentionné cette faculté du fer, à propos du lien plus lâche des gaz de la respiration avec le fer de l’hémoglobine, fixé dans l’organisme. Il n’est donc pas étonnant que dans les tendances pathologiques et les maladies résultant de cette trop grande emprise du complexe supérieur en l’homme, les voies respiratoires soient facilement touchées, comme c’est le cas dans les infections grippales, laryngite, trachéite, bronchite et pneumonie. Il est intéressant de noter qu’une infection se produit avant tout lorsque, à la suite d’un épuisement ou d’une inertie physique ou spirituelle, les comportements de la petite enfance, tels que l’imitation, refont surface. Dans ce cas, l’attention doit surtout porter sur l’imitation de la voix enrouée d’une personne grippée ou le fait de « parler du nez » plutôt que sur le contact avec de soi-disant agents pathogènes. De même, les migraines de week-end ou de détente vont toutes deux dans le sens de « la maladie de vouloir se reposer ». Dans les maladies inflammatoires et dégénératives du système nerveux, une liaison trop forte de l’organisation du Moi et du corps astral avec les corps physique et éthérique entraîne une dangereuse dégradation des cellules nerveuses et sensorielles, qui peut aboutir à des paralysies ou à la cécité. De même que les préparations sous forme de sels de fer favorisent « l’insertion du Moi » dans les corps physique et éthérique, les composés à base de fer et du principe sulfurique (au sens alchimique) atténuent une trop forte imprégnation des corps physique et éthérique par le Moi et le corps astral ». Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 19 La migraine, comprise comme une réaction inflammatoire ou un processus métabolique déplacé au niveau du système nerveux central, demande donc à être traitée avec Ferrum sulfuricum tel que proposé dans le médicament Ferrum sulfuricum silicicum et l’infection grippale et ses complications pulmonaires seront traitées par Ferrum phosphoricum. La trachéite et la bronchite peuvent être traitées par du sulfure de fer, au mieux sous forme d’Anis-Pyrite. Pour le traitement d’affections inflammatoires du système nerveux médullaire, comme la poliomyélite par exemple, on fera appel à l’arséniate de fer sous la forme de Scorodite et pour la dégénérescence maculaire, on aura recours à Chrysolithe, un composé de magnésium et de fer. Les formes d’administration et les posologies ont été confirmées par la pratique (Tableau 2). Composés à base de fer, destinés à relâcher une trop forte emprise du Moi et du corps astral sur les corps éthérique et physique 1. Tendance à l’évanouissement et aux malaises cérébraux chez les hypotendus : Ferrum hydroxydatum 50% 1 mesurette 3 fois par jour 2. Traitement longue durée des migraines : Ferrum sulfuricum silicicum 1 comprimé 3 fois par jour 3. Infections grippales et leurs complications : Ferrum phos. comp. granules et Ferrum phos. D6 ou D8 injections s.c. 4. Trachéite ou bronchite : Anis-Pyrite D3 toutes les 2 heures, avec compresses chaudes de pommade Eucalyptus comp. 5. Poliomyélite : Scorodite D30 en combinaison avec des compresses chaudes de carbonate de sodium (cristaux de soude) sous la colonne vertébrale 6. Dégénérescence maculaire : Chrysolithe D30 trit. et ampoules buv. éventuellement avec préparations à base d’organes (sous contrôle ophtalmologique) La préparation Ferrum hydroxydatum est fabriquée de la manière suivante : on verse du vinaigre de vin sur de la poudre de fer et on laisse macérer le tout un certain temps à 37°. Toutefois, cela n’entraîne pas une métamorphose complète du métal et on obtient finalement un 20 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 mélange de métal et d’hydroxyde de fer. L’acide a pour but de stimuler le corps astral ; ensuite on rince à l’eau jusqu’à disparition totale du goût acide*. Le but thérapeutique est de relâcher l’emprise trop forte du corps astral sur l’éthérique. Comme dans une sorte de processus modèle, la liaison de l’acide avec le métal est amorcée puis stoppée par un rinçage abondant à l’eau, apparentée à l’éthérique (Ferr. acetic. se transforme en Ferr. hydrox.). En osant présenter ici face à face les préparations à base de fer favorisant respectivement incarnation et excarnation, j’admets volontiers que l’on puisse contester mes affirmations. Je m’appuie cependant sur une longue pratique thérapeutique qui confirme les théories avancées ici. Correspondance des préparations à base de fer favorisant l’incarnation et celles favorisant l’excarnation dans l’image du « huit harmonieux » Pôle neuro-sensoriel, respiration Nontronite Chrysolithe Ferrum sidereum Scorodite Ferrum citricum Anis-Pyrite Ferrum sesquichlorat. Ferrum phos. Sidérite Ferrum sulf. Ferrum ustum Ferrum hydrox. Pôle métabolique et moteur Cette courbe également appelée « huit harmonieux » met en évidence une symétrie : l’un des côtés part de l’inspiration qui introduit le psycho-spirituel dans le corps, l’autre côté part de l’expiration qui libère de ce corps le psycho-spirituel à l’état naissant(7). Les deux branches se rejoignent et s’interpénètrent en un point dont on peut penser qu’il correspond au processus de la formation biliaire(6). La formation de la bile commence dans les canalicules biliaires entre les * Pour les détails du procédé, voir l’article de W. Engel dans ce mêm numéro - NdlR Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 21 cellules hépatiques. Puis le flux biliaire pénètre dans le lobe hépatique en allant du centre vers la périphérie(7). La direction prise par le courant d’oxygène destiné à l’incarnation et par le sang artériel venant des poumons et du cœur pour être finalement dégradé dans la rate, s’inverse donc dans le processus de formation biliaire, de même que dans la transformation du sang artériel en sang veineux. Tandis que le courant de l’inspiration fait pénétrer dans l’organisme les forces formatrices mais aussi génératrices de conscience, le courant centrifuge est à l’origine des forces désorganisatrices, génératrices de chaleur et porteuses de la volonté humaine.■ Olaf Titze, Docteur en Médecine générale Blumhardtweg 4/3 D - 73087 Boll Références bibliographiques 1. Steiner R. Thérapeutique et science spirituelle 4ème conférence GA 313, Editions Anthroposophiques Romandes, Genève 1980 2. Steiner R. Médicament et médecine à l’image de l’homme 9ème conférence GA 319, Editions Anthroposophiques Romandes, Genève 1988 3. Steiner R. Médecine et science spirituelle 3ème conférence GA 312, Editions Anthroposophiques Romandes, Genève 1978 4. Steiner R. - Wegman I. Données de base pour un élargissement de l’art de guérir chapitres 7 et 20 GA 27, Editions Triades, Paris 1985 5. Begemann, Harwarth, Praktische Hämatologie, Thieme Verlag p. 59 6. Steiner R. Physiologie occulte 8ème conférence GA 128, Editions Anthroposophiques Romandes, Genève 1978 7. Rohen, J.W. Morphologie des menschlichen Organismus Verlag Freies Geistesleben 2000 p.144 8. Stellmann H.M., Soldner G., Merkurstab 1/04 p. 28 à 32 22 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 Fer, vin et vinaigre : préparation de Ferrum sulfuricum silicicum (Kephalodoron®) et Ferrum hydroxydatum * Docteur Wolfram Engel Traduction Laetitia Lescourret 1. Introduction A la question « Qu’est-ce qu’un médicament ? », le grand Paracelse** donnait une réponse concise : « Ce que la nature propose et que l’homme, par l’intelligence, amène à son terme. » Tout ou presque est déjà dit et la voie vivement recommandée à l’être humain, toujours en quête de connaissances, pour la fabrication des médicaments est celle d’une recherche honnête d’harmonie avec la nature. L’idée centrale transparaît aussi, invitant à considérer comme un tout interdépendant, une approche pleine d’amour des créatures de la nature, le travail au perfectionnement de l’œuvre terrestre et la préparation des médicaments pour l’être humain. Avant Paracelse, nombreux sont ceux qui ont emprunté ce chemin de connaissance fondé sur l’amour ; au début du 20ème siècle, Rudolf Steiner, de par sa coopération avec le corps médical, l’a animé d’une nouvelle vie grâce à une vision moderne et exhaustive. Les résultats de ses recherches en matière de fabrication de médicaments nous sont accessibles grâce aux écrits de Ludwig Noll, Oskar Schmiedel ou d’autres ; il existe également des notes manuscrites de Rudolf Steiner lui-même. On trouve sur l’une de ces notes les indications relatives à la fabrication de deux préparations contenant du fer, qui sont aujourd’hui connues sous le nom de Kephalodoron® (ou Ferrum-Quarz) en Allemagne, Ferrum sulfuricum silicicum en France et Biodoron® en Suisse, d’une part, et Ferrum hydroxydatum d’autre part, qui sont disponibles en différentes hauteurs de dynamisation et formes galéniques***. Mais dans la pratique médicale, il semble que ces préparations soient inégalement * Ancienne appellation : Ferrum cum Aceto praeparatum Cet article est tiré d’une conférence donnée, par l’auteur le 8 avril 2005 à Kassel, à l’occasion de la session de Pâques de l’Association médicale anthroposophique en Allemagne, parue dans le Merkurstab, Heft 2, 2006, p. 154-162 ** Theophrastus Bombastus von Hohenheim, dit Paracelse ; 1493-1541 *** Se reporter au répertoire des médicaments Weleda du pays considéré Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 23 connues. Ferrum sulfuricum silicicum est maintes fois mentionné dans l’ensemble des œuvres de Rudolf Steiner. D’innombrables publications sont parues, dont une monographie sous forme de livre(1). Peu de choses ont été publiées à ce jour au sujet de Ferrum hydroxydatum(2). En aidant à mieux comprendre l’importance longtemps sous-estimée de Ferrum hydroxydatum, cet article entend lui redonner sa vraie place sur le plan thérapeutique. C’est pourquoi les substances et procédés de fabrication utilisés pour les deux médicaments seront décrits au cours de cet article. Le but est d’essayer de formuler les principes et les idées qui ont donné naissance à ces préparations. Jetons tout d’abord un coup d’œil sur le fer. Nous vivons sur une « Terre de silice et de fer » L’écorce terrestre a fait l’objet d’études très précises en d’innombrables lieux, que ce soit pour sa pétrographie ou sa composition chimique, c’est-à-dire sa géochimie. Dans l’ensemble, la grande majorité de ses roches est de nature siliceuse, les sous-sols calcaires constituant moins de 3%. Des extrapolations indiquent une teneur moyenne en poids atomiques de 47% d’ oxygène, 28% de silicium, 8% d’aluminium, 5% de fer et 3 à 4% de calcium*, (suivi du sodium, du potassium et du magnésium). Le fer est donc le quatrième élément le plus répandu et tient une place non négligeable dans la constitution matérielle de l’écorce terrestre ! Selon toute vraisemblance, le noyau de la Terre est fait de fer solide (fernickel), entouré d’une couche « en rotation » de fer fondu (fer-nickel), qui produisent le champ magnétique terrestre. Mathématiquement, il en résulterait pour l’ensemble de notre globe une teneur moyenne en fer de 35% ! Notre planète paraît être saturée de fer. Même si nous ne pouvons nous attarder ici sur la question de la véritable nature du fer et de son origine, j’aimerais au moins souligner les multiples formes que prennent les minéraux du fer. Les sulfures, oxydes, carbonates, hydroxydes, phosphates, silicates de fer, etc. que nous rencontrons aujourd’hui nous laissent deviner les traces de l’intervention et de la matérialisation des forces cosmiques du fer sur terre, à une phase antérieure de la vie de notre planète. Rudolf Steiner décrit en images grandioses la naissance des métaux provenant du cosmos et se liant à la Terre(3). Les métalloïdes que nous désignons aujourd’hui sous le nom de soufre (dans la pyrite), d’oxygène (dans l’hématite), de carbone (dans la sidérite), d’hydrogène (dans la goethite) etc., peuvent tout à fait * 24 La majeure partie du calcium se trouve dans les silicates de calcium Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 être conçus comme les résidus de l’« atmosphère albumineuse » qui régnait à l’époque lémurienne, selon sa description. Le fer est l’unique métal qui s’intègre délibérément aux conditions terrestres (désintégration par l’air et l’eau en substrats et sédiments). Il en résulte de multiples couleurs ! Nous portons du fer en nous Le corps d’un adulte a besoin d’environ 3 à 5 grammes de fer. C’est beaucoup pour un métal, mais ramené au poids du corps, cela ne représente que 0,005% soit environ un millième par rapport au 5% de fer dans l’écorce terrestre*. Mais ce fer est lié à des protéines d’une grande importance sur le plan fonctionnel, disponible et mobilisable à tout moment, il intervient au niveau processuel ; il se trouve donc en permanence « dans le circuit » – dans tous les sens de l’expression ! Nous avons besoin de fer pour nous délimiter par rapport au monde. Le fer est indispensable à la respiration (transport de l’oxygène dans le sang) et à la production d’énergie (fer des cytochromes de la chaîne respiratoire). Il sert ainsi à l’élaboration de la chaleur physique endogène de 37°C, fondement essentiel de l’activité du Moi dans le sang (chaleur de l’âme) et joue également un rôle dans les défenses immunitaires. Lorsque le sang a été libéré du fer au cours de la destruction de l’hémoglobine, il vient s’opposer sous forme de liquide biliaire au flux nutritionnel venant de l’extérieur. Nous avons aussi besoin de fer pour nous lier au monde. Au cours de la respiration, le fer contenu dans le sang permet aussi la restitution du dioxyde de carbone. C’est un processus fer qui permet la formation de la parole au niveau du larynx. Nous nous entourons de fer L’homme se sert du fer extrait de la Terre ; il le fond (traitement métallurgique en haut fourneau), le façonne et lui donne forme. Presque tout le monde s’entoure de toutes sortes d’objets en fer : ceux de la vie quotidienne, les moyens de déplacement (chemins de fer, autos, ponts), les machines de production entre autres, ce qui signifie que le fer peut remplacer la force musculaire humaine. Actuellement, * Pour le phosphore, c’est l’inverse : comparée à la nature extra-humaine, la proportion de phosphore (phosphate) dans l’être humain est multipliée d’un facteur 100 ! Cependant, une grande partie du phosphore contenu dans le corps se trouve sous forme de phosphate de calcium dans les os. Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 25 l’humanité utilise environ 800 millions de tonnes d’acier par an – cette quantité dépasse l’imagination. Le fer dans le cosmos Une qualité du fer très subtile mais tout à fait essentielle pour l’être humain est transmise par l’atmosphère. Lorsque les météorites y pénètrent, celles-ci deviennent incandescentes et en grande partie se dissolvent en fines vapeurs de fer qui nous entourent et que nous respirons (sans le savoir). Seule une infime partie des météorites de fer s’écrase à la surface de la Terre sous forme de « blocs » massifs. Ce fer a une place particulière dans la fabrication des médicaments (Ferrum sidereum). De plus, dans l’univers, la planète Mars est maître de la dynamique des forces du fer. En effet, on a mis en évidence que la « planète rouge » contient une forte teneur en fer. Les premiers centimètres de sa surface contiennent d’ailleurs nettement plus de fer (sous forme d’oxyde de fer fortement coloré, d’un rouge–rouille) que les roches proprement dites de Mars. On suppose qu’une poussière cosmique contenant du fer s’est accumulée pendant des millions d’années sur le sol de Mars(4). 2. Le fer et l’imagination de Michael La « sentence » de Rudolf Steiner tirée de l’Imagination de Michael est comme un appel à l’humanité actuelle, pour qu’elle ouvre les yeux et se secoue, afin non seulement d’être à l’affût des nombreuses traces matérielles du fer, mais aussi d’essayer de reconnaître et de comprendre la réalité de la dimension spirituelle cachée de ce métal. « Ô Homme Tu le forges à ton service Tu fais apparaître sa valeur matérielle Dans nombre de tes œuvres. Mais il ne t’apportera le salut Que lorsqu’à toi se révèlera La haute puissance de l’esprit qui l’habite(5). » L’homme met le fer à son service, il s’entoure en toute circonstance d’ouvrages en fer (machines industrielles, architecture, art, guerre). Il 26 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 existe plus de 1000 ( ! ) types d’acier différents (alliages de fer) en usage actuellement. Le fer est le seul métal à modifier aussi profondément ses propriétés lorsqu’on lui ajoute d’autres éléments. C’est là la valeur matérielle du fer. Il accepte cette utilisation et cette diversification, c’est à croire qu’il les incite même! La volonté humaine se réduit à la pression d’un bouton sur une machine. Les quatre premières lignes de la formule de R. Steiner, introduites par l’adresse en forme de supplique « Ô Homme » soulignent le côté unilatéral et superficiel de notre relation avec le fer. Ensuite suit l’invitation encourageante à découvrir le salut qui peut émaner des forces dispensées par ce métal. Outre le fait essentiel que le fer est un remède « naturel » dont notre sang a besoin en permanence(6) et qu’il est le seul métal lourd à être toléré en concentration pondérable dans notre organisme, il est permis de penser, dans le contexte thérapeutique, aux nombreuses substances pharmaceutiques créées en laboratoire grâce aux métamorphoses du fer. Le texte de Steiner dirige notre regard sur l’aspect spirituel des forces du fer, sur sa « puissance » qui, quelle que soit la manière dont on l’interprète, n’aura certainement rien à voir avec la puissance guerrière et martiale, ce qui est visé ce sont certaines forces curatives du fer pour l’ensemble de l’humanité et qu’il s’agit de percevoir. Quelque chose de latent cherche à se révéler et sera révélé. Dans ce contexte, nous pensons à l’épée de feu de Michael combattant le dragon de soufre, symbole de la lutte pour le « progrès de la Terre » et le « progrès de l’homme », tant désiré. Au plan substantiel, nous pensons au fer météorique venu du cosmos, qui se condense et devient matière, s’enfonçant dans la terre de façon inattendue dans un fracas de tonnerre. Dans le cours de l’année, cela correspond à l’atmosphère de la St Michel. Nous verrons plus loin quelle est la relation du fer avec la Passion et avec Pâques. 3. Fabrication de Ferrum hydroxydatum* On verse du vinaigre de vin rouge sur Ferrum (metallicum) reductum, un fer spécial (voir ci-dessous), et on laisse le tout macérer pendant deux semaines à 37 °C (ce qui correspond à la température moyenne * Ancienne appellation : « Ferrum cum Aceto praeparatum » Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 27 du sang humain). On réalise ainsi une digestion du fer dans du vinaigre de vin, ce qui donne lieu à d’intéressantes odeurs et changements de couleur du vinaigre. La solution est ensuite décantée et le résidu de « fer » est rincé à l’eau. Pendant que l’eau s’évapore à l’air libre, il se produit une réaction étonnante. Un processus s’amorce qui, la première fois, peut grandement surprendre le préparateur ou l’observateur et les étonne chaque fois : en effet, la préparation monte lentement en température, à 25°, 30°, 40°… 60°, 70° jusqu’à environ 80°C. Il y a dégagement de vapeurs et d’odeurs ! Afin de ne pas laisser la préparation se dessécher, ce qui interromprait prématurément le processus, il faut la surveiller (la réunir en tas, l’humidifier, effectuer un apport d’air, la changer de position) et ce pendant 2 jours ; puis la température baisse tout d’abord lentement à 40°C, 30°C, jusqu’à la température ambiante.Lors de cette phase, se développe une chaleur endogène persistante, accompagnée et soutenue par une grande « avidité d’air ». La préparation absorbe en permanence l’oxygène de l’air. Le fer « inspire », il s’oxyde grâce à une réaction contrôlée. Il y a également formation d’hydroxydes de fer complexes (voir plus loin pour leurs appellations). La préparation devient toujours plus lourde, elle « croît ». Sa couleur s’assombrit sans cesse. Sa consistance est celle d’une terre granuleuse, son odeur rappelle un peu celle d’une belle motte d’humus, en voie de devenir une bonne terre à maturité : forte mais agréablement épicée. Une fois la réaction entièrement achevée, Ferrum hydroxydatum est broyé en une fine poudre de couleur brun rouille. Quelle est donc la nature du « Ferrum (metallicum) reductum » utilisé, pour qu’il donne une telle réaction de début de digestion par le vinaigre ? R. Steiner indique qu’il s’agit de « scories de fer ». Nous verrons plus loin comment comprendre cette indication. 4. Fabrication de Ferrum sulfuricum silicicum (Kephalodoron®) Le « remède-type » Ferrum sulfuricum silicicum est une composition à base de Ferrum sulfuricum (sulfate de fer bivalent) et de silice, de vin blanc et de miel, qui sont combinés dans cette préparation. La nouvelle entité originale résultant de cette combinaison s’appelle également « Ferrum-Quarz » (Ferrum-silice) en Allemagne et sert également de souche au Biodoron® (Suisse). 28 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 Ferrum sulfuricum est réduit à l’état d’une fine poudre, puis intimement mélangé avec du miel. On ajoute à cette masse pâteuse du vin blanc qui a d’abord été chauffé puis refroidi. On mélange à nouveau vigoureusement le tout. Puis on incorpore de la silice* finement pulvérisée et auparavant portée à incandescence, et on constitue à partir de ces ingrédients une préparation homogène à la consistance d’une bouillie. Ensuite a lieu une distillation sous vide, qui permet de séparer l’élément aqueux, l’alcool et toutes les autres substances volatiles. Il reste un produit clair, d’un grège verdâtre, gonflé, poreux et cuit à la fois qui, en raison de son comportement hygroscopique, ne peut être travaillé en une fine poudre que dans un milieu au degré hygrométrique spécialement abaissé et au froid. Devant la couleur claire de la poudre obtenue suite à l’enrobage avec du miel et l’extractionde l’eau, on ne pense pas forcément que la teneur en fer de cette substance est assez élevée, soit 16%. 5. Réflexions à propos des compositions et étude comparative Tenons-nous en tout d’abord à Ferrum sulfuricum silicicum (Figure 1). Ferrum sulfuricum silicicum (Kephalodoron®) Miel Vin Ferrum sulfuricum Quartz Figure 1 Ferrum sulfuricum et silice La base essentielle de cette composition réside dans les composants minéraux agissant en profondeur (et directement sur l’organisation du Moi) : Ferrum sulfuricum et la silice. A l’extérieur de l’être humain, ils représentent les trois principes Sal (la silice), Sulfur (le soufre) et Mercur (le fer) et favorisent en l’homme (respectivement) * Se reporter à la référence bibliographique (1) pour le traitement thermique du vin et de la silice Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 29 les passages de l’activité respiratoire à l’activité neurosensorielle, de la circulation à la respiration et du métabolisme au rythme sanguin, en cas de migraine notamment(7). Mais Ferrum sulfuricum associé à la silice peut également être l’expression comprimée du trio « silice – fer – terre » décrit ci-dessus. Cette essence quasi minérale de la matérialité de la Terre est enrichie de forces particulières issues du domaine végétal au cours de la préparation de Ferrum sulfuricum silicicum. Le vin La vigne (Vitis vinifera, de la famille des Ampélidacées) apporte en outre la qualité éthérique. Ce n’est pas par hasard que vitis et vital ont la même racine. Le pied de vigne, peut-être très âgé et doté d’un tronc en apparence sclérotique et lignifié, est depuis toujours l’expression d’une grande force de vie avec l’explosion annuelle de ses pousses de verdure et ses raisins sucrés et juteux (même sous la sécheresse et la grosse chaleur). L’appellation Biodoron proposée en Suisse par Rudolf Steiner pour ce médicament (on avait même envisagé celle de « Vitalisator ») souligne la justesse de ce raisonnement. Pour l’Allemagne, il a fallu trouver un autre nom en raison de l’appellation quasi similaire déjà existante, d’une marque déposée. Je me bornerai à mentionner* le fait qu’outre les processus végétaux spécifiques de la vigne, cette plante déploie des forces astrales lors de la formation de ses grappes de raisins et que lors de la fermentation du jus qui donnera le vin alcoolisé, se déroule un phénomène comparable à ce qui se passe en l’homme lorsque l’activité du Moi participe à la formation du sang (8). Le miel Avec le miel, nous parvenons à un autre stade. L’abeille récolte le nectar des fleurs qu’elle transforme en miel et dépose dans les alvéoles hexagonales de la ruche. Elle tire ces forces formatrices de la sphère florale éthérique-astrale où se trouvent les mêmes forces hexagonales revitalisantes, porteuses d’une force vivante, que celles auxquelles la silice doit sa forme hexagonale. Celle-ci semble lui avoir été instillée par le ciel en des temps anciens où, telle une fleur, elle * 30 Une description plus détaillée de la vigne et de ses composantes est prévue dans cette Revue en liaison avec un article sur Kalium aceticum. Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 était encore malléable comme la cire(9). A la différence près qu’elle a ensuite durci. Le miel est en étroite affinité avec la silice ou acide silicique. Dans ce qu’on appelle les « Entretiens sur les abeilles », Rudolf Steiner approfondit l’intéressante trilogie lait-miel-silice(10). L’abeille seule ne peut survivre ; l’Etat que forme l’ensemble de la population, l’ordre social plein de sagesse de ces animaux, sont l’expression d’une « âme-groupe du niveau supérieur » (« l’abeille ») ; il s’agit d’ébauches du Moi. Comme la vigne, les abeilles dépassent largement le niveau de leur règne naturel proprement dit. On peut alors comprendre ce qui est dit dans le livre Données de base pour un élargissement de l’art de guérir : « Le miel permet à l’organisation du Moi de dominer le corps astral comme il convient » (11). La fabrication oriente l’ensemble initial silice-fer-soufre (stade minéral) en le faisant passer par les phases de « vivification » et d’« astralisation » pour qu’il soit adapté à l’être humain. Le processus thermique final, à savoir la distillation, a pour but d’intégrer les composants résiduels dans une unité de niveau supérieur, une configuration nouvelle. Le végétal (la vigne) et l’animal (le miel) haussent la substance, du monde minéral jusqu’à l’homme. (Une observation plus fine permet de reconnaître dans ce processus un parallèle avec l’édification de la substance humaine à partir de la nourriture, après que celle-ci ait tout d’abord été dévitalisée jusqu’au stade minéral dans les processus de digestion). Christian Morgenstern a su saisir sous forme poétique la façon dont l’homme fait partie intégrante de la création qui l’entoure ; il en a merveilleusement décrit les différents niveaux dans son poème au titre si bien choisi « Lavement des pieds » : Le lavement des pieds Merci à toi, pierre muette, je m’incline vers toi bien bas : Moi, plante, je te dois mon être. Sol et fleurs, merci ; moi, la bête je me courbe vers vous bien bas : J’ai pu monter grâce à votre aide Merci à vous, bête, herbe et pierre, je m’humilie vers vous bien bas : Vous m’avez aidé à me faire. Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 31 Un pieux merci à toi, ô homme, toi que nous saluons bien bas : Car parce que tu es, nous sommes. En Dieu, le simple remercie le divers, et le haut le bas. Tout être en un MERCI se lie. Lors du Lavement des pieds des disciples, puis lors de la Cène, le Jeudi Saint, le vin joue un rôle primordial. Si nous considérons Ferrum hydroxydatum, c’est le vinaigre qui est essentiel. Le vinaigre est intimement lié au Vendredi Saint. Comme nous avons déjà pu le constater, « Ferrum metallicum reductum » doit d’une certaine manière traverser un processus de mort à cause du traitement par le vinaigre et de la combustion qui s’en suit au contact de l’air, il est oxydé et, soumis au régime des dégradations terrestres, sa nature se terrestrise entièrement. Cela a lieu grâce au vinaigre de vin, lui aussi un produit de décomposition du vin (Figure 2). Ferrum metallicum reductum Vinaigre 37°C Air (O2) Réchauffement Ferrum hydroxydatum Ferrum sulfuricum silicicum (Kephalodoron®) Miel Ferrum sulfuricum Quartz 32 Correspondances médicales Vin Figure 2 Automne - Hiver 2007 / n° 21 6. Vinaigre de vin Qu’est-ce que le vinaigre ? De même que les raisins portent les levures grâce auxquelles le vigneron pourra amorcer et, avec le temps, amener le vin à maturation, des bactéries acétiques se trouvent toujours dans le vin laissé à l’air libre. Cependant, le vin et le vinaigre ne sont pas des produits naturels au sens strict, mais le résultat de la poursuite d’un processus amorcé par la plante elle-même et qui ne pourrait arriver à son terme sans l’aide de l’homme. Il s’agit d’authentiques acquis culturels. Alors que le vin procède de la fermentation anaérobie par les levures, le vinaigre de vin naît du vin par apport d’air, c’est-à-dire dans un milieu riche en oxygène sous l’effet des bactéries de l’acide acétique (cultures du genre acétobacter). L’alcool éthylique est oxydé par voie enzymatique en acide acétique. L’être humain aussi décompose au niveau de son métabolisme, l’éthanol (production endogène ou apport extérieur) en acide acétique. Il faut un long processus de maturation pour obtenir un bon vinaigre. Weleda utilise un vinaigre de vin rouge de grande qualité, fabriqué selon le procédé d’Orléans : dans des fûts de chêne couchés et ouverts à la circulation de l’air, la « mère » du vinaigre flotte, telle un tapis gélatineux formé par les acétobacters, à la surface du liquide. La « combustion » de l’alcool éthylique en acide acétique se déroule en libérant de l’énergie, de sorte que la température de la préparation dans le fût peut être supérieure de 3°C à celle de l’environnement. Selon la taille du fût, la transformation du vin en vinaigre peut durer plusieurs mois, affinage compris. Contrairement à ce procédé, les grands producteurs de vinaigre transforment aujourd’hui le vin en vinaigre alimentaire en 2 à 3 jours, dans des installations d’acétification équipées de matériels coûteux, selon des procédés biotechnologiques. La qualité visible s’en ressent inévitablement : couleur, odeur, goût et pureté. Nous ne parlerons pas ici des qualités mercurielles du vinaigre*. Qu’est-ce que le vinaigre par rapport au vin ? Si par la fermentation alcoolique le vin est déjà une expression de la qualité du Moi (au niveau végétal), que dire du vinaigre ? Le vinaigre * Se reporter à la note 8. Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 33 pourrait-il représenter un degré d’intensification par rapport au vin ? On voit tout d’abord que le vin « doit se sacrifier », c’est-à-dire disparaître pour que le vinaigre puisse naître. En liaison avec des événements de la plus haute importance dans l’histoire de l’humanité, dans le déroulement de la Passion et jusque dans la Crucifixion du Christ, nous retrouvons le vinaigre dans les récits des 4 Evangélistes. Tandis qu’au cours de la Cène, le Jeudi Saint, le vin est tendu aux disciples, le Christ sur la croix refuse le vin (mélangé à de la myrrhe) qui lui est tendu, peut-être pour soulager ses douleurs. Lorsqu’il dit ensuite « j’ai soif », on lui tend une éponge imbibée de vinaigre. Aussitôt après seront prononcés les mots « tout est accompli » qui scellent les « 3 ans ». Le vinaigre est avant tout du vin mort, mais c’est aussi le profond symbole d’une mort sans corruption, une mort qui ouvre au Moi la voie vers une vie supérieure ; le vinaigre symbolise la mort surmontée par le Christ et menant à la naissance de l’esprit. Le vinaigre est l’expression du vin transformé sur la Croix ; le sang du Christ a transformé la Terre et nous-mêmes. En liaison avec le sang et le mystère du Golgotha, le vin et le vinaigre sont des mystères visibles, porteurs d’une profonde sagesse et dont le décryptage doit se poursuivre. En complément de ce qui vient d’être dit, nous pouvons nous pencher sur 3 anciens symboles de l’alchimie. Ils sont souvent incompréhensibles, surtout si on les considère superficiellement comme des conventions arbitraires ; peut-être devrait-il en être ainsi, mais j’ai entre-temps acquis la conviction qu’à moins d’être de purs non-sens, ils ont été choisis avec sagesse et sont l’expression de profonds mystères sous une forme condensée à l’extrême, grâce à leur force symbolique - en tout cas, cela m’est clairement apparu à diverses occasions. Vinaigre : ou Terre : Vitriol : Le symbole du vinaigre (la croix) : la relation du vinaigre (acetum vini) avec la mort apparaît nettement à côté du symbole dans les appellations plus anciennes : Vinum mortuum = le vin mort, ou Filius 34 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 vini = le fils du vin ! (se reporter à l’expression mère du vinaigre, mentionnée ci-dessus). Le vinaigre signe la dernière étape du Christ fait homme, sa pénétration totale de la Terre et sa fusion en elle. Le symbole de la Terre (le globe impérial) : le symbole de la Terre est celui du globe surmonté de la croix. Le ciel touche la terre. Ce globe impérial était jadis l’un des insignes conférés aux empereurs et aux rois, pour signifier leur puissance divine sur terre. Ce symbole est également celui de l’antimoine ! Le symbole du vitriol (la croix dans le cercle) : les vitriols (sulfates métalliques hydratés sous forme de cristaux) sont de véritables sels provenant des métaux qui se forment dans la profondeur des mines, par désagrégation des minerais sous les altérations dues aux intempéries (surtout la mélantérite = sulfate de fer naturel hydraté [vitriol vert] se formant à partir de la pyrite ; la chalcanthite = sulfate de cuivre naturel hydraté [vitriol bleu, vitriol de Chypre] à partir de la chalcopyrite). C’est pourquoi on peut, là encore, parler d’une sorte de processus de mort (cf. ci-dessous). Plusieurs symboles similaires avaient cours pour les vitriols. Dans ce cas, la croix (mort) se trouve dans le cercle, comme profondément enfouie dans la Terre ! 7. Fabrication de Ferrum sulfuricum et de « Ferrum metallicum reductum » à partir de la sidérite Si maintenant nous étudions comment sont fabriquées les deux substances Ferrum sulfuricum et « Ferrum metallicum reductum », ce qui est présenté à chaque fois dans la partie gauche du schéma, il nous faut souligner que le terme de « substance » vient du verbe latin « substare » : « être en dessous ». On attire notre attention sur le fait qu’une matière visible, une substance, n’est que l’apparence matérielle, l’empreinte visible, le réceptacle terrestre de quelque chose de plus élevé, de quelque chose qui se situe au-dessus ou derrière. L’essence d’une substance est d’une manière ou d’une autre liée à son aspect matériel, de façon plus ou moins stable, mais spécifique (un morceau de fer est bien du fer et non du plomb) ; mais par le processus (du latin procedere = avancer, rehausser, se développer), c’est-à-dire par la transformation de l’état actuel, par le passage d’un état à un autre, la purification, l’affinement, le fait de faire avancer dans une direction donnée, le réceptacle (pour Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 35 conserver la même image) s’ouvre pour donner naissance à quelque chose de nouveau. Il s’agit là d’un principe uniformément valable pour la fabrication d’un médicament. Pour en revenir à la formule de Paracelse citée au début, il appartient aux hommes accomplissant ces opérations et à leur « intuition » de savoir comment et avec quelles forces transformer la substantialité transmise par la nature. Aussi est-il déterminant de poser la question de la provenance ou de l’histoire, de la « biographie » du Ferrum sulfuricum (sulfate de fer) et du « Ferrum metallicum reductum » mis en œuvre. On ne trouve aucune indication concrète de Rudolf Steiner à ce sujet ou pour des cas comparables ; il en a laissé l’initiative aux pharmaciens ; et le travail qui a été fourni à propos de cette question au cours des 80 dernières années est considérable ; je salue avec admiration tous les prédécesseurs qui se sont penchés attentivement sur ces questions. Il y a plusieurs procédés pour combiner le fer et le soufre et en faire un sulfate de fer. Chez Weleda, le procédé utilisé depuis des décennies consiste à dissoudre le minéral sidérite (carbonate de fer naturel) dans de l’acide sulfurique (Figure 3). La sidérite dont le nom vient du grec « sideros » (= fer) est un carbonate naturel de fer bivalent. On verse de l’acide sulfurique dilué sur de la sidérite réduite en poudre. Sous l’action de la chaleur, un bouillonnement se produit spontanément, du dioxyde de carbone se forme et s’échappe. Le processus de dissolution s’accomplit durant plusieurs semaines et la couleur passe d’un brun terreux à un vert émeraude profond, pratiquement noir. Les étapes de purification suivantes sont la filtration et la cristallisation, afin d’obtenir la substance Ferrum sulfuricum et ses cristaux bien connus, d’un vert bleuâtre translucide. Si on observe les attributs de l’acide sulfurique, ce sont avant tout ses qualités déjà plus terrestres qui frappent, par rapport au soufre élémentaire (Figure 4). La figure retrace les différentes étapes de transformation du soufre jaune, hydrophobe, à l’odeur piquante, représentant les qualités sulfuriques, jusqu’à Ferrum sulfuricum : le parcours de l’oxydation (combustion) jusqu’à l’acide sulfurique dilué est une descente progressive par libération d’impondérables (dégagement de chaleur et de lumière). Le soufre se consume en une « cendre » volatile et permet ainsi la formation d’un sel de fer. Le fer, qui reste bivalent dans ce sulfate de fer, devient désormais 36 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 Ferrum metallicum reductum Vinaigre 37°C Air (O2) Réchauffement Ferrum hydroxydatum Soufre Ferrum sulfuricum silicicum (Kephalodoron®) Sidérite Miel CO2 Acide sulfurique dilué Vin Ferrum sulfuricum Quartz Figure 3 Fabrication de Ferrum sulfuricum S combustion au contact de l’air avec O2 en : SO2 la combustion avec O2 donne : SO3 + H2O donne : H2SO4 conc. + H2O donne : H2SO4 dilué + la Sidérite donne : solution de Fe SO4 + CO2 Cristallisation en Ferrum sulfuricum Figure 4 Descente et dégagement de lumière et de chaleur Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 37 transparent, très acide et réactif, aisément soluble dans l’eau et avec un goût métallique agressif. Etant donné que le fer, comme nous l’avons présenté plus haut, est vraiment le prototype du métal dur, forgeable et pouvant prendre de multiples formes mais qui finit sous forme de sel dans le sulfate de fer (vitriol), on peut parler pour le fer également d’une sorte de processus de mort. Mais ce n’est pas tout. Les lettres du mot VITRIOL sont les initiales des mots de la mystérieuse phrase suivante : Visita interiora terrae rectificando invenies occultum lapidem. Cette sentence déjà très ancienne peut être traduite et interprétée comme suit : « Si tu visites l’intérieur de la Terre, par la distillation (purification), tu trouveras la pierre (le trésor) cachée. » Cette phrase fait d’abord allusion à la formation et au gisement des sulfates métalliques dans les profondeurs des mines (Visita interiora terrae) et au traitement en laboratoire de ce sel métallique (rectificando) ainsi qu’aux fruits qui en résultent. L’une des caractéristiques de l’alchimie est de ne pas séparer les réalités extérieures de la nature (macrocosme) et les processus intérieurs de l’être humain (microcosme), mais de les considérer comme un tout en interaction. L’homme travaillant dans les mines et en laboratoire devrait accomplir sa tâche en son âme et conscience. L’expérience et la formation acquises par l’homme bénéficient à son environnement et réciproquement. 8. Fabrication de Ferrum metallicum reductum Là encore, nous partons de la sidérite (Figure 5) ! A l’origine, peut-être en a-t-il été ainsi par hasard ; si on regarde le graphique représentant ces deux médicaments en polarité, cette « tradition » fidèlement respectée s’avère de plus en plus une idée et une nécessité géniales. En tant que carbonate de fer naturel, (cf. ci-dessus), la sidérite, comme le calcaire, n’a pas seulement la possibilité de réagir avec les acides 38 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 Ferrum metallicum reductum H2O Vinaigre 37°C H2 Air (O2) Réchauffement CO2 ~ 700°C Ferrum hydroxydatum Ferrum sulfuricum silicicum (Kephalodoron®) Soufre Sidérite CO2 Miel Acide sulfurique dilué Ferrum sulfuricum Quartz Vin Figure 5 (cf. la fabrication de Ferrum sulfuricum), mais elle dégage du dioxyde de carbone en brûlant. Dans la sidérite, le fer n’est que faiblement lié au carbonate et n’est pas encore fixé dans une voie définie. Il est donc ouvert et prêt à se laisser intégrer dans de multiples processus*. La sidérite s’ouvre pour une voie vers le haut et vers le bas ! Comment obtient-on Ferrum metallicum reductum ? La sidérite, minéral à structure granuleuse, est portée à incandescence (environ 700 °C) dans un tube en fer. Il y a expulsion de dioxyde de carbone, et de ce fait, formation d’oxydes de fer et de produits intermédiaires. Le passage simultané de l’hydrogène à travers le tube arrache au fer son oxygène (ce qu’on peut voir par la condensation de l’eau à la sortie de l’appareillage). Le fer de la sidérite « expire » donc du dioxyde de carbone et de * Cela est confirmé par le fait que le minéral sidérite en tant que tel est également un médicament apprécié en homéopathie. Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 39 l’oxygène et se retrouve de ce fait sous une forme métallique réduite. Ce processus enrichit fortement le fer en impondérables (sulfurisation). Ce Ferrum metallicum reductum , une « scorie de fer » (terme figurant dans les notes de Steiner), est utilisé pour la fabrication de Ferrum hydroxydatum (cf. ci-dessus). La scorie de fer est traditionnellement la scorie surnageante qui, lors du traitement du fer, se sépare du lui par « flottabilité » étant moins lourde ; c’est un résidu non métallique qui se fige après refroidissement, il est de couleur foncée, poreux et cassant et, selon le minerai brut et les matières complémentaires utilisées, se compose avant tout de calcium, de silicium, d’oxygène, d’aluminium, de carbone et de fer, bien entendu. La comparaison de ces propriétés et de celles de Ferrum metallicum reductum met en évidence le fait que cette substance est certes un fer à caractère métallique, mais possède surtout beaucoup de points communs avec les scories. Ferrum metallicum reductum est issu d’un processus thermique de réduction, sa couleur est gris foncé et il est très poreux. En devenant fer, la sidérite enregistre une baisse de poids tout en gardant une dimension et une forme similaires, sa densité augmente et de minuscules cavités microscopiques s’insèrent dans les grains initiaux. En raison de la grande dispersion lumineuse sur cette surface rugueuse, l’aspect de la surface à l’œil nu est mat (l’éclat métallique n’est visible qu’au microscope). La sidérite n’apparaissant jamais à l’état pur, Ferrum metallicum reductum n’est pas non plus du fer pur chimiquement parlant. Le fer métallique en constitue la majeure partie, mais il contient des inclusions de calcaire, de silice et d’argile en quantité non négligeable (Fe, Ca, Si, O, Al) et d’autres substances à l’état de traces. Dans les deux cas, nous retrouvons les cinq constituants principaux de l’écorce terrestre. De par les substances incorporées à la sidérite, le fer réduit, qui est devenu cosmique-sulfurique, garde pratiquement toujours une relation perceptible avec les conditions terrestres, son lien à la Terre. Cependant, Ferrum metallicum reductum est hautement réactif : lors de sa réduction par l’hydrogène et avec les importantes surfaces internes contenant encore, de l’hydrogène gazeux au début, le risque est qu’il subisse une oxydation non contrôlée lors d’un apport d’air. En raison de son caractère pyrophorique, il doit être protégé jusqu’à ce que soit amorcée la réaction par le vinaigre, qui n’est pas si fulminante 40 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 mais s’étale dans la durée. Cette réaction ne sera pas décrite ici. Des scories de fer au sens littéral ne donneraient pas lieu à ce profil de réaction. 9. La polarité entre Ferrum sulfuricum silicicum et Ferrum hydroxydatum Quelques points communs essentiels d’ordre général lient la fabrication de ces deux médicaments : • l’interaction du fer et du « vin » • une préparation tout d’abord « anorganique » (en « Ferrum metallicum reductum » et Ferrum sulfuricum respectivement ; la réalisation concrète est basée dans chaque cas sur la sidérite), • suit la partie « organique » de la fabrication pour laquelle les notes [de Rudolf Steiner] interviennent, • l’élaboration en une substance solide, • la concentration plutôt élevée dans les deux cas. Comme le cours de ce texte a déjà nettement mis en évidence la polarité et la complémentarité de ces préparations à base de fer, on peut supposer que ce n’est pas par hasard que Rudolf Steiner a précisément regroupé sur une même feuille ces deux médicaments (Ferrum hydroxydatum est mentionné en premier). Un tableau permet de visualiser encore une fois la correspondance entre les points essentiels (Tableau 1). Maintenant, considérons une nouvelle fois le schéma récapitulatif comme une image, avec la ligne médiane horizontale (horizon) représentant le niveau de la surface terrestre et la zone normale où les éléments constitutifs supérieurs de l’être humain s’emparent de son corps. Dans ces quatre quadrants, peut-être pouvons-nous suivre les voies et gestes polaires du fer et, ce faisant, comparer ces processus à la « profondeur d’incarnation » du complexe psycho-spirituel en l’être humain (Tableau 2). « Epuisement » : la sidérite (substance naturelle) est transformée en Ferrum sulfuricum par l’acide sulfurique. Il s’agit d’un composé puissant unidirectionnel, en lien avec les forces mortifères de la Terre, qui comme dans la formation naturelle des sulfates métalliques Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 41 Tableau 1 Ferrum hydroxydatum Ferrum sulfuricum silicicum (Kephalodoron®) Vinaigre Vin De vin rouge Vin blanc « Ferrum metallicum reductum » = substance à base de fer complexe, opaque, contenant des matières annexes (Ca, Si, Al, O) ; a tendance à se consumer = Sulfur « Ferrum sulfuricum » = sel transparent, clairement défini : d’une grande pureté = Sal Dans la dernière phase de fabrication : combustion spontanée à partir de l’intérieur (70 – 80°C) Dans la dernière phase de fabrication : distillation avec chaleur venant de l’extérieur (environ 70°C) Absorption d’air ; présence de gaz ; la préparation doit être constamment humidifiée. Sous vide : détachement de tout élément volatil Nouvelle entité saturée d’eau et d’air ; de couleur foncée, ocre-rouille Nouvelle entité hygroscopique ; de couleur claire, grègeverdâtre Tableau 2 42 3. Expiration excarnation (évanouissement) endothermique ; réduction 4. Inspiration incarnation (présence en soi) exothermique ; oxydation 1. Epuisement déconstruction liée à l’état de veille ; exothermique, processus Sal 2. Récupération revitalisation grâce au sommeil ; endothermique ; processus Sulfur Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 (vitriols) dirige vers la profondeur (oxydation, sel). Si dans l’orientation de sa vie, l’homme s’investit trop fortement dans cette direction, si par exemple il sollicite excessivement son système neurosensoriel par son aspiration à une connaissance purement intellectuelle, sans veiller à une régénération suffisante, il en résultera une perte de vitalité. Selon la constitution de la personne, cela peut se traduire par un accès de migraine (tentative d’autoguérison de l’organisme) ou, à long terme, par le syndrome de fatigue chronique. Les éléments constitutifs supérieurs envahissent trop profondément le corps. « Récupération » : la vigne, qui plonge ses racines très profondément dans la terre minérale (jusqu’à 10 mètres), fournit la qualité des forces de vie au sulfate de fer et à la silice, le miel dispense les forces revitalisantes du règne animal et il constitue en même temps un lien direct (le « liant ») avec l’homme. Comme nous l’avons cité plus haut : « Le miel permet à l’organisation du Moi de dominer le corps astral comme il convient. » Le chemin de Ferrum sulfuricum vers Ferrum sulfuricum silicicum (Kephalodoron®) ramène des profondeurs vers le haut, vers la « lumière du jour ». « Expiration » : lorsque la sidérite est portée à incandescence et passe ainsi par un processus de réduction spontanée à l’état de « Ferrum metallicum reductum » aisément inflammable, on a affaire à un processus de détachement ou d’élévation hors du contexte terrestre. Le fer, devenant plus étranger à la Terre, c’est-à-dire sulfurique - cosmique, se rapproche de la qualité de son état d’origine grâce à la chaleur, mais tend aussitôt à se lier de nouveau avec la Terre, sous l’influence active des forces terrestres. Le fer métallique ne reste pas longtemps stable sur terre (rouille)*. Le geste fondamental est l’expiration qui, par intensification, conduit chez l’homme à l’évanouissement (trop faible intervention du complexe supérieur). Dans un contexte encore plus large, cela signifie excarnation. « Inspiration » : dans ce cas, le fer est soumis à une préparation qui lui permet de se rapprocher des conditions terrestres grâce au vinaigre (oxydation prudente), et empêche ainsi une réaction brutale fulminante. Le vinaigre « réconcilie » le ciel et la terre, autrement dit c’est un médiateur, dans la mesure où il amorce la réaction et poursuit l’intégration dans les conditions terrestres sous forme d’une * Les gisements de fer à l’état natif sur terre sont dus soit aux météorites (Ferrum sidereum) ou doivent leur formation à des situations géologiques extrêmement rares (exemples : Disko au Groenland et Bühl près de Kassel en Allemagne). Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 43 grande inspiration, avec formation de chaleur intrinsèque. Le fer ne doit en aucun cas se précipiter trop vite sur terre, ce qui le ferait se consumer. Voici peut-être un modèle pour guider la volonté, afin que le psychisme puisse assurer la maîtrise du corps et que le destin puisse agir de façon constructive. 10. Indications thérapeutiques Dans le volume de monographies mises au point par la Commission C (12), publié par l’Association médicale anthroposophique en Allemagne, on trouve les données suivantes à propos des indications thérapeutiques courantes des deux médicaments. Ferrum hydroxydatum (13) « Selon la connaissance anthroposophique de l’être humain et de la nature, entre autres : Intégration harmonieuse de l’organisation de sensibilité dans l’ensemble de l’organisme, par exemple en cas de troubles hypotoniques mais aussi hypertoniques de la régulation de la circulation, de faiblesse générale, de vertiges et d’état pré-apoplectiques. » Les indications thérapeutiques élaborées au sein des commissions pour les médicaments sont des instantanés et des généralisations. Rudolf Steiner avait ajouté sur ses notes la mention « et ce pour fortifier les facultés psychiques ». Cela n’est pas une indication très concrète au sens actuel, mais elle montre que Ferrum hydroxydatum recèle un potentiel thérapeutique qui reste à vérifier dans le cadre de traitements individuels. Pour quelle constitution et quelle situation de leur existence, des personnes auraient-elles aujourd’hui besoin d’un remède « pour fortifier leur facultés psychiques », venant pour ainsi dire soutenir la maîtrise effective de leur corps et l’accomplissement de leurs tâches dans la vie ? Cela pourrait en effet être une question à élucider sur le plan thérapeutique. Malheureusement, Ferrum hydroxydatum n’est pas un nom parlant, il ne convient donc pas vraiment pour mettre en évidence la particularité de sa fabrication ou ses possibles applications thérapeutiques. Sans connaître le contexte, on penserait peut-être à un hydroxyde de fer à la formule chimique définie (Fe(OH)3 par exemple). De ce point de vue, l’ancienne 44 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 appellation Ferrum cum Aceto praeparatum était plus compréhensible. Il est donc d’autant plus important de réfléchir sur ce médicament. « Ferrum / Quarz » (14) * « Selon la connaissance anthroposophique de l’être humain et de la nature, entre autres : Céphalées vasomotrices, migraines, douleurs post-traumatiques, épuisement nerveux surtout lié à la constitution » Rudolf Steiner décrit son action par l’expression « consolidation en cas de migraine, etc..). 11. Conclusion Comme tous les métaux, le fer est, par nature, d’origine cosmique. De tous métaux, le fer est celui qui a le plus fortement abandonné la qualité d’« étranger » sur la Terre, il est devenu le compagnon en toute circonstance, que ce soit pour le monde du travail comme pour le monde à l’état naturel, minéral, végétal, animal, et pour l’ensemble de l’humanité. Le fer est le métal qui s’est le plus intensément lié à la Terre, que ce soit quantitativement ou sous forme processuelle, en s’intégrant aux conditions terrestres. Le fer entend être un compagnon au service de l’être humain, pour lui permettre d’évoluer sur son chemin de vie, que ce soit en bonne santé, ou en passant par la maladie et la guérison. C’est avec reconnaissance qu’outre l’aspect martial du fer, souvent hostile à la vie dans la technique et tragique dans l’usage des armes, nous pouvons prendre conscience d’un premier élément de la dimension spirituelle très importante du fer, à savoir son aspect « mercuriel », qui est grandiose et incroyablement « puissant ».■ Dr. Rer. Nat., Wolfram Engel, Pharmacien Weleda AG - Postfach 1320 D - 73503 SCHWÄBISCH-GMÜND * La monographie citée ici est publiée sous le titre « Ferrum / quarz » mais elle concerne directement le médicament décrit dans ce texte, sous les appellations Kephalodoron, Ferrum sulfuricum silicicum et Biodoron. Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 45 Bibliographie (1) Kohlhase M. (éditeur). Biodoron/Kephalodoron – Beiträge zu einem erweiterten Verständnis 1ère édition Persephone vol.12, Dornach, Verlag am Goetheanum, 1998 (2) Engel W. A propos des préparations Ferrum phosphoricum et Ferrum hydroxydatum, cf. Correspondances médicales Weleda 11/1994, n° 3 (3) Steiner R. Mystères - Centres initiatiques, Conférence du 1er décembre 1923 à Dornach, Editions Anthroposophiques Romandes, 1977, GA 232 (4) Yen A. New Scientist 2003 ; 179 (2411) :16 (5) Steiner R. Quatre imaginations cosmiques – La vie de l’âme dans sa participation au cours de l’année, Conférences du 5 octobre 1923 à Dornach et du 15 octobre 1923 à Stuttgart, Editions Triades, 1984, GA 229 (6) Steiner R. Médecine et science spirituelle, Conférence du 23 mars 1920 à Dornach, Editions Anthroposophiques Romandes, 1978, GA 312 (7) Steiner R. et Wegman I. Données de base pour un élargissement de l’art de guérir, Chapitre XX. 2 « Un remède contre la migraine : Ferrum sulfuricum silicicum » Editions Triades, 1992, GA 27 (8) Steiner R. Du développement occulte de l’homme, Conférence du 20 mars 1913 à La Haye, Editions Anthroposophiques Romandes, 1982, GA 145 (9) Steiner R. Mystères – Antiquité, Moyen Âge, Rose-Croix, Initiation moderne, Conférence du 30 décembre 1923 à Dornach, Editions Anthroposophiques Romandes, 1977, GA 233 (10) Steiner R. Abeilles, fourmis et guêpes, Conférence du 1er décembre 1923 à Dornach, Editions Triades, 2003, GA 351 (11) Steiner R. et Wegman I. Données de base pour un élargissement de l’art de guérir, Chapitre XX. 1 « Plumbum mellitum » Editions Triades, 1992, GA 27 (12) Association médicale anthroposophique en Allemagne (éditeur) sur demande de la Section médicale du Goetheanum de Dornach (Suisse) : Médicaments anthroposophiques Monographies de la Commission C. 1ère édition Schönaich, 1999 (13) Publié au Bundesanzeiger (Gazette officielle) N° 43 du 2 mars 1991 (14) Publié au Bundesanzeiger N° 99 du 4 juin 1986 46 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 Diagnostic cristallographique et traitement par le fer du rhumatisme et de la myopathie (myasthénie)* Docteur Alla Selawry Traduction Béatrice Petit I. La thérapie du rhumatisme Le fer est l’un des médicaments les plus actifs dans le rhumatisme. L’homéopathie connaît un traitement symptomatique pour de nombreuses forme de rhumatismes musculaires et articulaires, au sens général où l’entend Rudolf Steiner. Mais on connaît moins bien le principe d’action du fer sur le métabolisme, en particulier sur le métabolisme protéique. 1. Equilibre fer-protéines D’après Rudolf Steiner, le fer porteur de la respiration, représente le pôle opposé aux protéines porteuses du métabolisme. Le fantôme du fer, son système de forces, s’étend, à partir des poumons, à tout l’organisme. Rudolf Steiner le caractérise sous le terme de rayonnement. A cette influence du fer, s’opposent des processus métaboliques créateurs de protéines qui l’arrêtent. Il s’agit d’un équilibre dynamique entre fer et protéines. Là où le processus fer est trop faible, ou que l’une ou l’autre fonction s’affaiblit, apparaissent des perturbations métaboliques. Cellesci peuvent reposer sur une perturbation fonctionnelle de l’un des organes formateurs de protéines ou dans l’extension excessive d’un processus albuminisant comme, par exemple, dans l’allergie ; ainsi beaucoup de maladies cutanées ou de rhumatismes réagissent-ils au Fer. Le Fer dans le sang s’oppose à l’action du métabolisme, cette action est spécialisée sur les protéines. On doit chercher, dans le processus fer, un médicament qui s’oppose, de façon générale, à la protéine (Rudolf Steiner, Cours aux médecins 1920). * Article tiré des Cahiers de Médecine Anthroposophique n° 29, 1985, p.60-71 Les détails du système fonctionnel du fer sont décrits dans le livre du Dr. Alla Selawry, Types fonctionnels métalliques en psychologie et médecine, Editions Guy Trédaniel, Paris, 1990. Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 47 Cette indication s’applique au niveau fonctionnel. La signification du fer pour le métabolisme protidique, en particulier des muscles et des articulations, fait rechercher en lui le médicament global contre les rhumatismes articulaires, et musculaires. 2. La cristallisation sanguine - diagnostic d’orientation pour les troubles métaboliques Il faut d’abord déterminer quelles sont les perturbations métaboliques présentes chez le sujet atteint de rhumatisme. On peut, pour cela, s’aider de la cristallisation. Des examens pratiqués sur de très nombreux rhumatisants, durant plus de vingt ans montrent les résultats suivants : chez tous les sujets, on trouve des dépôts aqueux nets indiquant des perturbations métaboliques et des signes de perturbations touchant les organes formateurs de protéines. Un ou plusieurs organes peuvent être atteints. De telles indications sont précieuses pour des perturbations métaboliques, par ailleurs difficilement décelables. Il existe, bien sûr, chez tout rhumatisant, une modification de l’équilibre fer-protéines, respiration et métabolisme. Mais, celle-ci n’est pas toujours primaire. Chez certains, prédomine le dysfonctionnement des reins-surrénales (troubles du processus cuivre); Chez d’autres un dysfonctionnement hépatique (troubles du processus étain), une perturbation du tractus digestif et du foie (troubles du processus mercure) ou un dysfonctionnement pancréatique (troubles du processus Stibium), les perturbations du fer n’étant alors que les phénomènes secondaires. La cristallisation offre une aide important pour différencier de telles perturbations, des processus organiques ou métalliques. Il faudra donc aussi traiter ces perturbations. La plupart des cristallisations montre cependant, par des signes organiques tels que : poumon et système hépato-biliaire - poumon, thyroïde et surrénale, etc..., des perturbations du processus fer. 3. Thérapie générale par le fer Pour une thérapie martiale donnée, le choix de la préparation, de la dilution et du mode de prescription est souvent déterminant. En effet, il arrive souvent qu’une certaine composition à base de fer soit très efficace et une autre pratiquement pas. Il en est de même pour la dilution ou le mode de prescription. 48 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 Perturbations du métabolisme protidique : 1 4 Poumons Coeur Allergie, furonculose ++ +++ ++ Maladie de la peau Maladie articulaire Foie 2 Epilepsie Reins 3 Fig. : Superposition de plusieurs sphères fonctionnelles organiques Rappel général : Le fer et les différentes compositions à base de fer possèdent une affinité pour des fonctions et sphères déterminées à l’intérieur du processus fer. Ainsi le fer météorique cosmique agit sur la forme ; le fantôme du fer sur le rayonnement du fer lui-même. La pyrite, formation ferreuse la plus ancienne et la plus répandue sur terre, relie le fer au soufre. Elle agit principalement sur l’équilibre fer-protéines et s’adresse avant tout au système respiratoire, centre de la fonction respiratoire du fer. L’hématite, oxyde ferrique, agit sur le processus d’oxygénation du sang. Le carbonate de fer (sidérite) agit, par le processus acide carbonique, sur le métabolisme et le système rénal. La Scorodite (Ferrum arsenicosum) agit préférentiellement sur le système nerveux et les muscles. Le fer métallique agit, à haute dilution, sur le système sensoriel (Rudolf Steiner - Cours aux médecins) et possède, en outre, une action globale. On choisira la forme de préparation et son dosage, en fonction de la Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 49 perturbation du fer ou du métabolisme que l’on estimera responsable de la maladie. Le choix de la dilution gouverne l’action du fer, selon les lois fondamentales bien connues. Les basses dilutions D3 - D8 agissent sur le système métabolique ; les dilutions moyennes D10 - D15, sur le système rythmique ; les hautes dilutions D20 - D30, sur le système nerveux. Il faut tenir compte évidemment, de la constitution et du tableau clinique individuels. Le mode de prescription modifie lui aussi l’action du fer. La voie orale agit sur le métabolisme, les injections sur le système circulatoire, les onguents et bains sur le système nerveux. 4. Le traitement individuel du rhumatisant par le fer L’anamnèse personnelle du patient permet de reconnaître l’évolution du rhumatisme sur l’arrière-fond de troubles des processus organiques ou métalliques particuliers. La cristallisation montre quel est le trouble métabolique à l’origine de la maladie actuelle. Tous deux se complètent réciproquement et permettent d’établir un traitement correspondant au malade et dans lequel le fer joue le rôle principal. Il faut d’abord s’adresser à l’équilibre fer-protéines lui-même, par un traitement à base de Ferrum met. praep. ou de pyrite. On a ainsi utilisé Fer. D6, généralement en injection sous-cutanée entre les omoplates, 2 à 3 fois par semaine, chez une série de rhumatisants, ce qui amena le plus souvent une nette amélioration. Remarquablement plus active que n’importe quelle dilution s’avéra cependant être la thérapie martiale échelonnée. (Modification dans la dilution du fer) : D6 - D12 - D20 - D12 - D6 (injections souscutanées 2 à 3 fois par semaine, chaque dilution 4 semaines). Visiblement, on touche ici l’équilibre fer-protéines dans la totalité de l’organisme tripartite. Ce traitement conduisit à une importante amélioration ou à la guérison d’un grand nombre de malades gravement atteints, ayant résisté jusque-là à tout autre traitement. Chez d’autres, un traitement échelonné par Ferrum praep. et Ferrum sid. fut décisif. Dans d’autres cas, on employa plusieurs préparations martiales, l’une après l’autre, comme Sidérite D6, Hématite D12 - Ferrum metallicum D20, en fonction des troubles fonctionnels organiques apparaissant à l’anamnèse. Chez beaucoup de patients, la thérapie martiale seule fut suffisante ; chez d’autres, on y ajouta simultanément les plantes correspondantes 50 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 (par exemple Salix D6, Equisetum D6, Arnica D3, ou en cataplasmes, etc...) ainsi que Pancreas D3 trituration ou Glandula suprarenalis. A ce niveau, le traitement le plus employé fut Hématite D6 - 4 semaines, Salix D3, puis Ferrum praep. D12, Equisetum D6 - 4 semaines, puis Fer météorique - Urtica D4 ou Formica D15. Mais l’effet décisif parut être amené par l’institution de la thérapie martiale. Chez certains, on alterna le traitement par le fer avec des cures courtes de cuivre, étain ou mercure, en fonction des perturbations fonctionnelles organiques les plus importantes. Les résultats furent satisfaisants. A signaler la nécessité de contrôler le fer sérique ainsi que l’Hémoglobine. Voici deux histoires de maladie, exemples parmi beaucoup d’autres, permettant de retransmettre l’expérience pratique : 1. Histoire de maladie - Rhumatisme articulaire subaigu Madame Emma, 21 ans, mère de famille femme au foyer, souffre depuis l’âge de 16 ans de rhumatisme articulaire. C’est une femme blonde asthénique, anémique, qui donne l’impression d’être précocement vieillie. Elle a eu une enfance difficile. La famille vivait dans un appartement en sous-sol, humide et sans soleil. Il n’y avait jamais assez d’argent, le père était manoeuvre, c’était un buveur qui cassait tout à la maison. Emma tremblait dès qu’il arrivait. La mère pouvait à peine nourrir les 6 enfants de sorte qu’Emma alla se placer, dès l’âge de 9 ans, chez un paysan où elle devait travailler dur et porter de lourdes charges. Plus tard elle fut employée de maison, et allait le moins souvent possible chez elle. Enfant, Emma souffrait de refroidissements incessants et d’inflammations rénales et vésicales récidivantes. Les règles étaient abondantes (3 semaines et demie - 6 jours), douloureuses avec des pertes importantes et épuisantes. A 16 ans, après avoir été trempée lors d’un travail pénible, elle eut un rhumatisme articulaire aigu grave et resta 6 semaines à l’hôpital. Depuis, elle souffre de douleurs plus ou moins violentes et de gonflements articulaires, principalement au niveau des épaules et des doigts. Madame Emma est mariée depuis 2 ans et a un enfant de 6 mois. Pendant la grossesse, les douleurs articulaires avaient pratiquement disparues. 6 mois après l’accouchement, elles revinrent, accrues, et s’étendirent aux chevilles et aux genoux. Madame Emma peut à peine plier les doigts qui sont enflés et douloureux, a du mal à porter son enfant et à faire la lessive de celui-ci. Les articulations sont enflées, légèrement déformées, les gaines tendineuses épaissies Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 51 et douloureuses. Du point de vue psychique, Madame Emma est sensible, anxieuse, facilement fatiguée et déprimée par son état. Elle n’arrive plus à s’occuper de son mari et de son enfant. C’est son mari qui doit, le soir quand il rentre, laver les affaires de l’enfant, faire le ménage, etc... On fit une cristallisation comme test d’orientation qui a montré une striation dense, manquant de forces formatrices (ce qui correspond à l’anémie) avec une vitalité diminuée, ainsi que des dépôts aqueux, signes de troubles métaboliques. Les principales perturbations observées sont des formes pulmonaires pâles, peu nettes, indiquant des troubles de l’oxygénation. Il s’y ajoute des formes pancréatiques en aile de papillon, avec une tendance inflammatoire discrète. Des formes reins-surrénales avec des moirages montrent des troubles d’élimination et un dysfonctionnement surrénal. Du point de vue des processus, on pense à une perturbation du processus fer. Les examens cliniques donnent 62 % d’hémoglobine (Hb) 18 % de fer sérique et une vitesse de sédimentation (VS) à 28/60. On pratique une cure martiale échelonnée avec Pyrite comme traitement de base. On donne PYRITE D8 - D12 - D20 - D12 - D8 en injection, chaque fois 4 semaines, - deux fois par semaine, ainsi que Pancréas D3 trit. per os - 2 fois par jour, avant le repas et Ferrum 0,1 % en onction sur les articulations. Les couleurs et les gonflements articulaires régressent, lentement, en 5 mois. Madame Emma peut à nouveau bouger librement ses mains et s’occuper de son enfant. Avant les règles et par temps froid et humide, les troubles articulaires reviennent mais d’une façon plus atténuée et cèdent aux injections de Pyrite. Après un an de cure martiale discontinue, Madame Emma se sent bien. Objectivement aussi, le métabolisme du fer est redevenu normal : Hb 78 % - fer sérique 80 % - VS 4/10. Cette guérison dura 17 ans. Le rhumatisme articulaire n’est, jusqu’à présent, pas réapparu. 2. Rhumatisme articulaire chronique déformant Ida, 40 ans, infirmière, souffre depuis 5 ans de rhumatisme articulaire chronique déformant. Elle est grande, corpulente, blond clair, a les joues rouges, est toujours active et d’une humeur gaie, voire un peu excitée. Dans l’anamnèse, on trouve toute une série de maladies en faveur d’un trouble du processus fer. Depuis l’enfance, elle souffre de poussées subfébriles après chaque refroidissement et chaque émotion. En hiver, elle a eu pendant des années, de la sinusite après chaque rhume et a 52 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 eu plusieurs grippes graves. A 10 ans, elle a eu une scarlatine sévère suivie d’une néphrite ; à 21 ans, une angine grave amenant des liaisons myocardiques. En outre, elle présentait une hypotension à 95/65 et une VS augmentée en permanence (15/25). De plus, depuis l’âge de 15 ans, elle souffrait d’une dermatite solaire, elle avait aussi des troubles du métabolisme de l’eau avec rétention et oedèmes des membres inférieurs, à côté de crises sudorales si violentes qu’elle se retrouvait trempée jusqu’aux os. Le rhumatisme apparut à 35 ans au niveau des articulations de la main droite, après un refroidissement, alors qu’elle était en sueur, suite à une activité fatigante. En quelques semaines, les douleurs et gonflements s’étendirent aux articulations des épaules et des hanches ainsi qu’à la colonne vertébrale. Une amygdalectomie pratiquée à l’âge de 37 ans, en raison d’une surinfection amygdalienne, conduisit à une nouvelle poussée de rhumatismes. Pendant les 3 années suivantes, après une courte amélioration, de nouvelles poussées apparurent, encore plus étendues. La maladie progresse lentement malgré divers traitements cortisoniques, qui n’entraînèrent qu’une amélioration provisoire et durent être interrompus en raison d’effets secondaires. Les douleurs sont permanentes, plus fortes le matin avec enraidissement articulaire, plus supportables le soir. Le gonflement des articulations est variable et entraîne un manque de force dans les mains. Ida a dû interrompre son travail pendant plusieurs mois. On lui a proposé la mise en invalidité. La cristallisation montre des dépôts aqueux massifs avec des troubles métaboliques importants. Dans le champ supérieur, apparaît un foyer d’infection. Parmi les formes d’organe, on trouve des polygones cardiaques avec des troubles cardio-vasculaires. Mais ce sont les formes pulmonaires épaisses, avec des troubles respiratoires, et les formes hépatobiliaires accompagnées de dépôts aqueux et de réactions inflammatoires qui prédominent. Ces dernières conditionnent toute l’image. Des formes très marquées de pancréas et rein surrénales montrent une réaction inflammatoire. En résumé, au niveau processus, prédominent les perturbations du processus fer que l’on trouvait déjà à l’anamnèse. On pratiqua, comme traitement, une thérapie martiale avec des injections d’Hématite D6. Les douleurs articulaires régressent lentement. Une thérapie martiale échelonnée : Sidérite D6, Hématite D12, Fer météorique D20, Hématite D12, Sidérite D6, injections sous- Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 53 cutanées 2 fois par semaine, chaque fois accompagnée d’Equisetum pendant 2 semaines, conduit à une nette amélioration ainsi qu’à la régression des gonflements articulaires et des crises sudorales. Les mains retrouvent de la force. Ce traitement fut répété durant un an. Les troubles s’atténuèrent au point qu’Ida fut à nouveau parfaitement apte à travailler. Durant les 3 années suivantes, lors de manifestations rhumatismales minimes, la cure martiale fut répétée. Le rhumatisme articulaire a, dans une large mesure, disparu. De telles expériences témoignent de l’efficacité de la thérapie par le fer en cas de rhumatisme articulaire. Cette thérapie a été pratiquée par de nombreux médecins qui en confirment l’efficacité. II. Thérapie de la myopathie par le fer (myasthénie) On connaît les conséquences de la myopathie : affaiblissement, dégénérescence et fonte progressive du système musculaire. Son étiologie, par contre, reste inconnue. Son traitement actuel n’est que symptomatique et peu efficace. L’art de guérir élargi par la science spirituelle propose de nouveaux points de vue dans le traitement de la myopathie. Il considère, dans le sens de PARACELSE, homme et univers comme microcosme et macrocosme et établit des corrélations entre les processus donnant naissance à l’homme et les processus naturels. Il perçoit dans les principaux métaux des principes formateurs déterminés et des systèmes régissant l’organisme. Ainsi, le plomb est principalement en rapport avec le système osseux. Il gouverne l’ossification et maintient, par exemple, l’équilibre entre rachitisme et sclérose. L’action de l’étain est orientée vers le système articulaire et les séreuses. Il maintient les états d’hydratation entre oedème d’une part, et dessèchement, arthrose d’autre part. De la même façon, le fer agit particulièrement sur le système musculaire. La myoglobine, qui renferme du fer, en interaction avec l’hémoglobine du sang, entretient le fonctionnement musculaire. Une carence en fer mène à un relâchement et une faiblesse du système 54 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 musculaire ; un excès de fer à l’agitation et à une mobilité excessive (d’après Rudolf Steiner, Arbeitervorträge 1923). Des doses infimes de fer produisent en premier lieu une augmentation des sensations musculaires, puis secondairement un relâchement de la musculature. Le fer et son action activatrice sont visiblement en rapport avec le système musculaire et son activité. «Les forces du fer sont dans tout ce qui, en l’homme, devient mouvement, ce qui est expression de la volonté, ce qui le fait marcher, tenir, travailler» (Rudolf Steiner). Les sujets qui souffrent de myopathie montrent souvent d’autres perturbations du processus fer dans leur anamnèse comme, par exemple, anémie, manque de fer sérique, bronchite chronique ou pneumonie, dysfonctionnement biliaire, état de fatigue, inhibition de la volonté, dépression. La cristallisation sanguine confirme la présence de troubles du processus fer par la présence de dysfonctionnements organiques déterminés (foie, vésicule biliaire, poumon). De telles considérations amènent à prendre comme base de travail les hypothèses suivantes : considérer la myopathie comme une maladie du système fer et utiliser une thérapie à base de fer. Pour le traitement, on utilise le fer pur (Fe metallicum et Fe praeparatum), le fer lié au soufre (Pyrite) et surtout le fer lié à l’arsenic (Scorodite) ; on le prescrit - en fonction des indications individuelles - en injections (D6 et D20), en trituration (D4 et D6) et onguent au fer (0,1 - 0,4 %). Comme traitement d’accompagnement, on donne principalement Arnica, qu’on utilise également en début de traitement, avant le fer. Dans ce cas, le fer paraît être le facteur décisif de l’évolution. 1. Histoire de maladie Rudolf B., né en 1955, vient pour la première fois en consultation en 1961, à l’âge de 5 ans. C’est un enfant petit, pâle, chétif, à petite tête, aux os fins. Sa démarche est incertaine, la station debout lui est pénible, il vacille et s’assied dès que possible. Il donne l’impression d’être fatigué et a l’air d’un vieillard. Rudolf a toujours été maladif. Bébé, il a fait, à trois reprises, une infection pulmonaire (à 6 semaines, double pneumonie ; à 18 mois, broncho-pneumonie avec otite moyenne et à 3 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 55 ans, pneumonie lobaire). Il a en outre, d’incessantes bronchites avec fièvre, sans cause décelable. Il a toujours été chétif ; il a appris péniblement et tardivement à marcher et se fatiguait très vite. La marche devint de plus en plus difficile dans les deux dernières années ; il vacille souvent et tombe. Lors des promenades, même courtes, son père est obligé de le porter. L’orthopédiste constate une myopathie grave dans laquelle la ceinture scapulaire est nettement plus atteinte que la ceinture pelvienne. Une élévation active des bras au-delà de l’horizontale est impossible. Au niveau des jambes, la marche sur la pointe des pieds et des talons est encore possible. Il a été dit aux parents qu’il fallait s’attendre à une impotence fonctionnelle totale. Ils viennent demander de l’aide. L’image d’ensemble témoigne d’une perturbation du processus fer qui s’exprime déjà dans les infections pulmonaires répétées, les bronchites récidivantes et les accès fébriles, s’ajoutant à la fonte musculaire. La cristallisation montre un dysfonctionnement du système respiratoire, de la circulation et du système hépato-biliaire. Elle confirme donc les perturbations visibles du processus fer. On prescrivit comme traitement Scorodite, afin de traiter spécifiquement le processus fer au niveau du muscle. On donna tantôt Scorodite D6, (action sur le système métabolique sanguin du muscle), tantôt Scorodite D20, (action par l’intermédiaire du système nerveux), chaque fois 6 semaines, 2 fois par semaine, en injection sous-cutanée au niveau de la cuisse (D6) ou de l’avant-bras (D20), toujours accompagné d’Arnica planta tota D3 - D6 ; sont également prescrits : Ferrum D6 et Arnica radix D20. On utilisa également Plantago dont les feuilles rappellent la forme du muscle. Entre temps, on fit des injections de cuivre, Cuprum D6, chaque fois 2 semaines, afin de stimuler l’anabolisme ; on sait que le cuivre, métal polaire du fer, active ainsi la fonction martiale indirectement. Rudolf reçut aussi vers 12 - 14 ans Magnésium phosphoricum D6 - 2 à 3 fois par an, durant 6 semaines. Dans l’espace de 6 mois, l’état général s’améliore notablement. L’anxiété et la fatigue qui commençaient à apparaître s’atténuent et le garçonnet joue maintenant avec d’autres enfants. Il est toute la journée sur ses jambes. Sa démarche prend de l’assurance, il tombe plus rarement; au bout de 2 ans, il fait, le dimanche, des promenades d’une heure ou deux avec ses parents sans se plaindre. A l’examen, on perçoit l’accroissement des muscles au niveau de la ceinture scapulaire 56 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 et pelvienne, la musculature des membres se rétablit lentement, les extrémités grandissent. Durant ces années, les bronchites fébriles se répètent assez souvent, accompagnées de fièvre persistante. A cette occasion, on prescrit régulièrement des préparations martiales : Pyrite D3 - D6, Ferrum praep. D6, Ferrum phos. D6, Plantago D4. Peu à peu, les bronchites deviennent plus rares et plus brèves. A partir de 1965, elles disparaissent complètement. En 1962, Rudolf va à l’école. Durant la première année, il est très vite fatigué, la position assise prolongée lui est pénible ainsi que l’écriture ; mais, avec des injections prolongées de Scorodite, des bains à l’Arnica et des massages à l’huile d’Arnica cum cupro, cela s’améliore. Les bras et les jambes, auparavant glacés, se réchauffent et deviennent plus mobiles. Ses dessins connaissent une transformation comparable. Au début, il avait dessiné au crayon noir des petits bonhommes avec de simples traits et des arbres comme des broussailles desséchées. Maintenant, il choisit volontiers le vert et le rouge et en colore de grandes surfaces ; ses êtres humains, ses bêtes et ses arbres ont des formes plus exubérantes et plus vivantes. Le reflet de son propre système osseux et musculaire, qui s’exprimait au début, fait place progressivement au vécu intérieur de système sanguin et musculaire. La période scolaire se passe bien. L’écriture ne fait plus de difficultés, l’examen du spécialiste montre une force scapulaire diminuée, mais les bras sont libres et vigoureux. Les articulations des genoux sont libres, de même que celles des chevilles, qui étaient autrefois légèrement limitées. Il existe une lordose prononcée et une discrète scoliose de la colonne vertébrale. Rudolf est très maigre, mais aussi agile et souple. Au lieu du pronostic d’impotence fonctionnelle donné par le spécialiste, le jeune garçon est très actif. Au lieu d’une école spécialisée pour handicapés physiques, il est à l’école publique et commence ensuite une formation d’électricien. Il est revenu récemment nous voir pour chercher une attestation. Il est maintenant électricien et a monté sa propre affaire. Dans ce cas, la thérapie continue par le fer avec différentes préparations, alternées pour de brèves périodes avec le cuivre, avait conduit de façon décisive à un renforcement et à une régénération du système musculaire fortement atrophié, ainsi qu’à une meilleure irrigation ; elle avait fait cesser la tendance aux refroidissements et aux accès fébriles, et avait aussi, psychiquement, contribué à l’éveil et à l’activité. Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 57 2. Histoire de maladie : myodystrophia gravis Paul, 12 ans, souffre d’une myopathie. Bébé, il était en bonne santé, en dehors d’une méningite, suite à une vaccination antivariolique. A l’âge de 5 ans, après une angine, il eut des difficultés à courir. A 7 ans, il se mit à avoir une démarche de canard. A la clinique, on constata une atrophie des muscles fessiers et des cuisses, une forte scoliose, une position sur la pointe des pieds. La musculature de la ceinture scapulaire et des bras était également affaiblie, les réflexes patellaires et cutanés abdominaux absents. Depuis le séjour en clinique (5 ans), Paul ne peut plus marcher. Il est tout juste capable de bouger un peu les bras. Il a pris beaucoup de poids, il est ralenti et constamment constipé. Du point de vue psychique, il est très inhibé, apathique, déprimé, il s’isole de ses camarades de classe et n’ose pas saluer les gens qu’il connaît parce qu’on l’emmène à l’école en fauteuil roulant. Les résultats scolaires sont faibles, sa mère doit le faire travailler. L’instituteur propose une école spécialisée. La cristallisation montre une vitalité diminuée dans son ensemble. Au premier plan, se trouvent les glandes endocrines. Au point de vue des processus, on constate des troubles du processus fer, confirmant l’anamnèse. Comme traitement, on donne d’abord Scorodite D6 injections pour stimuler le métabolisme musculaire, et Choleodoron pour relever la fonction hépato-biliaire, ainsi que Magnésium phosphoricum, des bains d’Arnica et Oleum arnicae cum cupro en onction. Au bout de 2 mois, Paul devient plus actif, il commence à parler à ses camarades de classe et peut faire ses devoirs tout seul. Le matin, il chante même de confiance. Du point de vue physique, il paraît plus frais, va tous les jours à la selle, perd quelques kilos. Au bout de 3 mois, les bras ont nettement plus de force, ses jambes sont chaudes et non plus glacées comme avant. Il commence à bricoler, devient plus gai. Son intérêt pour l’entourage grandit. Il collectionne les timbres, lit des récits de voyage et est bientôt le meilleur en géographie. Ses résultats scolaires sont bons. On ne parle plus d’école spécialisée. Il a de bons contacts avec ses camarades qui viennent le voir avec empressement, l’aident à porter son fauteuil roulant sur les 15 marches menant à la salle de classe. En juin 1969, il fait une grave infection pulmonaire dont il se rétablit péniblement. Puis il se remet à bricoler avec beaucoup de patience et apprend 58 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 à nouveau avec assiduité, montre de l’intérêt, rapporte de bonnes notes. Pour le concours de prix de l’école, il fait tout seul une longue rédaction sur l’Amérique et remporte le premier prix. Il est heureux, plein d’assurance. Quelques jours après, il avale de travers en mangeant, est atteint de détresse respiratoire et est envoyé à l’hôpital où il meurt, au bout de 5 jours, d’une paralysie respiratoire. Les parents écrivent un mot plein de reconnaissance pour sa vie remplie et heureuse malgré le poids des soins, et qui valait la peine d’être vécue, pour lui comme pour ses proches. Ici la thérapie par le fer n’avait pas réussi à enrayer la myopathie déjà bien avancée. Il était seulement apparu quelques améliorations : renforcement de la musculature des bras, meilleure mobilité, meilleure irrigation et meilleur fonctionnement intestinal. Mais les effets psychiques furent déterminants : après le traitement par le fer, l’état apathique, dépressif, disparut, l’activité s’éveilla et donc aussi la confiance en soi, de sorte que le jeune paralysé mena une vie bien remplie dans sa famille et dans sa classe. Il avait, en quelque sorte, surmonté intérieurement son handicap physique, tandis qu’il collectionnait avec passion les timbres, acquérait des connaissances sur les pays étrangers et écrivait sa rédaction sur l’Amérique, comme s’il y avait été lui-même. Il quitta cette vie sur une victoire. Conclusion Les expériences décrites encouragent à tenter une thérapie martiale, dans des états pathologiques et système musculaire et articulaire tenus pour incurables actuellement. Il s’agit là de connaître toujours d’avantage les principe d’action du fer et des sphères de fonctionnement au niveau du corps et de l’âme, de les démontrer expérimentalement, avec l’aide des cristallisations, et de les manier comme un système d’équilibre. C’est dans ce but qu’est écrite cette communication.■ Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 59 Les Solanacées dans les maladies des voies respiratoires Nicotiana, Dulcamara et Hyoscyamus du point de vue pharmaceutique* Docteur Ulrich Meyer Traduction Laetitia Lescourret Introduction Depuis 2003 un groupe de travail formé de médecins, de pharmaciens, et de thérapeutes s’est attaché à aprofondir l’étude de l’art de guérir les maladies pulmonaires et bronchiques du point de vue de la science de l’esprit. Ce groupe étudie également selon la méthode goethéenne les plantes médicinales, utiles ou susceptibles de l’être dans le domaine des affections pulmonaires. Après une étude du coing (Cydonia oblongata) contenue dans la composition Citrus/ Cydonia (Gencydo ®) récemment parue (1), nous présenterons dans cet article trois Solanacées intéressantes du point de vue des affections pulmonaires : le tabac (Nicotiana tabacum), la morelle douce-amère (Solanum dulcamara) et la jusquiame noire (Hyoscyamus niger). Les Solanacées – caractéristiques d’une famille botanique (2) La famille des Solanacées comprend entre 2 000 et 2 500 espèces regroupées en 85 à 90 genres, et répandues pour l’essentiel en Amérique latine. En font partie de nombreuses plantes alimentaires (tomate, pomme de terre, poivron), des condiments (paprika, chili) et de véritables plantes médicinales et toxiques, parmi lesquelles, outre les trois mentionnées ci-dessus, la belladone (Atropa belladonna), la pomme épineuse ou datura (Datura stramonium) et la mandragore (Mandragora offininarum). Le tabac est avant tout considéré comme un excitant ; hors de l’orientation anthroposophique, il joue également un rôle médicinal (marginal) en homéopathie. Les Solanacées comprennent de nombreuses plantes herbacées, rarement des arbustes et encore moins des arbres. Elles apprécient en général les sols riches en nutriments et manifestent une belle vitalité * 60 Article tiré du Merkurstab, 59. Jahrgang, Heft 4, 2006, p. 342-351 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 et une forte prolifération. Chez la tomate, la croissance végétative est si exubérante que les pousses latérales doivent être éliminées pour permettre une récolte de fruits suffisamment gros. Etant donné leur grande vitalité, il est compréhensible que les Solanacées disposent d’un faisceau cribro-vasculaire bicollatéral. Outre le tissu conducteur normal (phloème) situé à la périphérie de leur tige, elles possèdent donc un phloème secondaire, dénommé phloème intraxylaire, qui se trouve dans le bois (le xylème = tissu conducteur d’eau et de sels) (Dans une plante typique, la sève brute (eau et sels minéraux) monte dans la tige par des canaux rigides (le xylème) tandis que la sève élaborée descend par des canaux souples (le phloème). Xylème et phloème sont le plus souvent juxtaposés dans ce que l’on appelle des faisceaux cribro-vasculaires. Habituellement le faisceau de phloème est situé à la périphérie de la tige tandis que le xylème est dirigé vers l’intérieur. Chez les solanacées il y a donc deux faisceaux de phloème pour un seul de xylème ce qui traduit la prédominance des activités d’élaboration de la plante-NdlR). Même pour le non-botaniste, les “ teintes sales ” de nombreuses Solanacées sont frappantes : des couleurs d’un violet noirâtre ou d’un brun sale se retrouvent non seulement dans les fleurs mais aussi dans la zone foliaire, normalement verte. A l’exception du genre Solanum, les fleurs sont souvent invaginées, s’ouvrent dans l’obscurité (Datura) et reçoivent alors de temps à autre des visiteurs insolites tels que des chauves-souris et des papillons de nuit. Trait typique de la formation des bourgeons des Solanacées, on distingue une “ structure inférieure ” et une “ structure supérieure ”. La structure inférieure purement végétative se forme jusqu’à l’apparition de la première fleur et donne une succession régulière de feuilles. La fleur termine la montée verticale de la pousse principale qui poursuit alors sa croissance végétative en biais, latéralement, le long de deux axes (la plupart du temps). Ce principe de croissance qui ne s’observe que chez les Solanacées, a été désigné par le terme de “ trichasium ” par Ruth Mandera (deux axes plus tige à la base de l’inflorescence). Les rameaux du trichasium montrent de nombreux déplacements et avortements de feuilles que même le botaniste a du mal à décrypter. (voir aussi l’article de J.-G. Barth dans les Correspondances médicales N° 20-NdlR) La croissance en trichasium et les décalages de feuilles apparaissent seulement après la première fleur. Celle-ci est l’organe de la plante qui Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 61 se tourne vers les pollinisateurs de par sa forme, sa couleur et son parfum caractéristiques, et s’ouvre ainsi le plus largement à l’élément psychique (astral). Chez les Solanacées, l’impulsion astrale représentée par l’inflorescence intervient très tôt, avec des conséquences morphologiques nettement identifiables sur la structure de la pousse, qui est de nature éthérique-végétative. Le point d’impact matériel de l’astral se trouve dans les protéines, ce qui se manifeste par exemple par la teneur nettement plus élevée en protéines des organismes animaux (les tissus de soutien de la plante sont de nature cellulosique tandis que les tissus de soutien animaux sont de nature protéique-NdlR). Si l’impulsion astrale dans la plante est trop forte, trop précoce et/ou trop profonde, on assiste à des perturbations du métabolisme protidique, qui se traduisent entre autres par la formation d’alcaloïdes(3). Le point de départ typique est typiquement un acide aminé protéinogène dégradé en amine biogène par décarboxylation (par exemple l’ornithine est décarboxylée en N-méthylputrescine - NdlR). Généralement, il se produit une cyclisation : l’azote est pris dans un hétérocycle azoté basique, l’alcaloïde qui se forme est ensuite “ désionisé ” (dans la vacuole) par des acides végétaux spécifiques de l’espèce. De ce fait, cet alcaloïde est largement soustrait au métabolisme. Les alcaloïdes tropaniques des Solanacées correspondent à ce type de formation alcaloïdique(4). Nicotiana tabacum Le genre Nicotiana comprend environ 70 espèces à petites feuilles, sous forme d’arbustes bas, très répandus surtout en Amérique du Sud. Quelque 18 espèces se sont acclimatées en Australie. Outre Nicotiana tabacum, Nicotiana rustica, le tabac du paysan, extrêmement riche en nicotine et aux fleurs jaunes, est avant tout connu comme excitant. Le rôle de Tabacum est restreint en homéopathie, il est inexistant en phytothérapie. En revanche, les laboratoires pharmaceutiques d’orientation anthroposophique proposent une vaste gamme de préparations contenant du tabac. Outre des remèdes unitaires(5), citons notamment les compositions Cuprum aceticum comp.a) et Nicotiana comp.b) , dont les indications thérapeutiques sont entre autres l’asthme bronchique et la bronchite spasmodique. Il est d’autant plus surprenant de voir que le tabac a longtemps été laissé de côté 62 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 du point de vue anthroposophique. Les seules publications médicales réellement importantes sont l’article paru en 1933 dans “ Natura ” “ Le tabac, une plante médicinale ” (6) de Gerhard Suchantke (1902-1958) et l’étude publiée il y a 4 ans dans le “ Merkurstab ” “ Nicotiana tabacum en dilution homéopathique et ses possibilités pratiques ” (7). En nous appuyant sur ces travaux, nous allons donner ici une description du tabac et étudier son histoire, sa morphologie, sa physiologie et sa pharmacologie. Le tabac dans la perspective historique “ Serais-tu dans l’endroit le plus reculé, Dans le plus petit cabanon, A quoi bon, tu trouverais là Du tabac et des mauvaises langues. ” Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832) Lors de la découverte de l’Amérique, dès 1492, Christophe Colomb et ses coéquipiers ont connu les délices du tabac. L’usage du tabac chez les Indiens remonte extrêmement loin. La plus ancienne représentation consiste en un bas-relief trouvé dans les vestiges de la ville de Palenque au Mexique, datant du 6ème ou 7ème siècle après J.C, et montrant un prêtre maya en train de fumer. Il faut en déduire que le fait de fumer du tabac était largement répandu sur le continent américain dans le cadre de pratiques cultuelles et de cérémonies. Le tabac servait entre autres à stimuler les danseurs pendant leur danse de guerre, mais aussi pour le calumet de la paix après un combat victorieux. En Europe, ce sont les navigateurs qui ont essentiellement contribué à la diffusion de l’habitude de fumer ; la fumée sortant de la bouche et des narines était parfois interprétée comme un signe du diable, une provocation pour l’Inquisition. L’expression “ boire du tabac ” prouve que le phénomène “ fumer ” était alors inclassable, car les produits de luxe nouvellement importés à cette époque, tels que le café et le cacao, étaient consommés sous forme liquide – le verbe “ fumer ” restait encore à forger en Europe ! La première appellation du tabac, “jusquiame péruvienne” (Hyoscyamus peruvianus) se rattache également à un fait connu. Cette expression est d’autant plus surprenante que le tabac et la jusquiame sont a priori Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 63 assez dissemblables. Ces deux plantes ont toutefois en commun un duvet visible de poils glanduleux (Figure 1) et une accentuation du pôle foliaire – même si leur structure est très différente. Figure 1 Duvet du tabac Autre détail intéressant, l’expression “ ivresse sèche ” qui a été créée au début de la consommation de tabac. Elle concerne en premier lieu l’opposé de l’alcool et de la “ joie humide ”. Mais le mot “ sec ” peut aussi être interprété autrement - le tabac n’engendre aucun des états ébrieux typiques, que l’on connaissait par suite de l’absorption d’éthanol, mais aussi de nombreuses Solanacées, composants essentiels des “ baumes de sorcière ” (8). La mode de priser le tabac est née au tout début du 18ème siècle, à la Cour de France. Aussi étonnant que cela paraisse de nos jours, cette coutume passait pour raffinée, ce dont témoignent de somptueuses tabatières d’or et d’argent ou décorées de pierres précieuses. En 64 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 anatomie, le terme de “ tabatière ” s’est conservé et désigne la fosse entre les 1er et 2ème métacarpiens. Jean Nicot (1530-1600), diplomate français envoyé au Portugal, est à l’origine de la propagation du tabac en Europe ; c’est en son honneur que Carl Von Linné (1707-1778) nommera le genre “ Nicotiana ”. Par contre, l’espèce “ tabacum ” vient de tabacos, nom qui, chez les Indiens, désignait par exemple les tubes faits de feuilles de maïs roulées, à l’aide desquels on pouvait savourer Nicotiana. Le tabac a très vite été promu au rang de remède (à tous les maux) et vendu dans les pharmacies avec les pipes, mais aussi sous forme de tabac à priser. Dans la perspective des pathologies humorales, le tabac passait pour “ chaud ” et “ sec ” - fait parfaitement compréhensible dans la phénoménologie de l’acte de fumer. En revanche, l’asthme était considéré comme une maladie “ humide ” et “ froide ” ; l’utilisation du tabac suivait donc un principe thérapeutique allopathique (9). Comme l’a montré Wolfgang Schivelbusch, l’évolution de l’engouement pour le tabac reflète “ l’accélération ”, phénomène des temps modernes. Au départ, l’utilisateur se servait d’une pipe, qu’il bourrait lui-même consciencieusement et fumait ensuite à loisir. A la fin du 18ème siècle, est arrivé le cigare, fabriqué à la main dans des usines spécialisées et que le consommateur devait couper lui-même. Enfin, la cigarette a suivi, au milieu du 19ème siècle, produite à des millions d’exemplaires par des machines, et prête à l’emploi. Pour l’allumer, il fallait non plus un copeau de bois enflammé, mais des allumettes au phosphore, elles aussi de fabrication industrielle ; fumer devenait le geste accompagnateur d’un siècle de plus en plus neurasthénique et stressé. “ Le temps de fumer une cigarette ”, devenue l’unité de temps informelle, est “ au temps qu’il faut pour fumer un cigare ”, ce qu’est la vitesse d’une automobile par rapport à celle d’une diligence. La cigarette symbolise une autre conception du temps que le cigare (10). Alors que la consommation des nouveaux produits de luxe tels que le cacao était de bon ton pour les dames, celles qui fumaient ont violemment agité les esprits jusqu’au 20ème siècle. Un père jésuite écrivait en 1658 : “ Cette épidémie est si indomptable et si ravageuse qu’elle empoisonne également le sexe féminin. On rencontre des individus de ce sexe qui, au lieu d’avoir en main l’aiguille ou la quenouille, se promènent avec une tabatière, fument même une pipe et ont le museau roussi par la fumée du tabac, à la manière d’une barbe […] ” (11) Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 65 Morphologie et physiologie de Nicotiana (12) Le tabac en tant que plante (Figure 2) se développe à partir d’une graine qui ne pèse que 0,8 milligramme environ. En dépit de leur infime poids unitaire, un hectare de tabac fournit entre 600 et 800 kilos de graines aussi légères que de la poussière, car les plantes sont richement pourvues en capsules (Figure 3). On peut obtenir 200 à 300 kilos d’huile à partir de ces graines. Cette huile absolument exempte de nicotine, fait intéressant, peut être utilisée pour l’alimentation, ce qui a été effectivement pratiqué par la Suisse pendant la Seconde Guerre Mondiale. C’était alors le seul pays européen à ne pas être rationné et la superficie cultivée a doublé jusqu’en 1946, passant à 1 450 hectares (13) ! En raison du poids infime de la graine, la plante en germe ne dispose guère de substances de réserve pour sa croissance. Aussi les germes sont-ils vulnérables face aux maladies les plus diverses ; on ne devrait répandre que des semences absolument irréprochables dans les parterres de semis. Le tabac a besoin d’une chaleur de germination de 18 à 28°C, il faut donc arroser le sol d’eau tiédie. Les plants qui ont poussé en serre doivent s’endurcir avant de se retrouver à l’air libre ; au bout de 35 à 40 jours a lieu le repiquage en plein champ. S’il a lieu par temps frais, cela peut aisément engendrer une crise de croissance dont le tabac risque de se remettre difficilement dans son développement ultérieur. Les plantes “ se tassent ”, comme dit le jardinier. Le tabac ne pénètre pas particulièrement profondément dans la terre, mais il émet de nombreuses racines adventices ; le sol doit être aéré par binage. Le tabac est une plante gourmande, il a donc besoin de sols riches en nutriments, et notamment de potassium. Les cendres peuvent représenter 18% du poids sec des feuilles ! Par ailleurs, il ne faut pas administrer de l’azote ni trop longtemps ni à trop forte dose car par la suite, la teneur en protéines pourrait augmenter trop fortement. Un excès de protéines ne peut pas être éliminé lors de la fermentation des feuilles, ce qui donne une odeur de corne brûlée lorsqu’on les fume. La tige de la plante du tabac a une structure vigoureuse, elle contient peu de moelle souple ; sa teneur en cellulose fait qu’elle peut être utilisée dans la fabrication de papier. Dans des conditions climatiques lui convenant, le tabac pousse très bien, jusqu’à prendre en longueur 6 centimètres par jour. Comparons 66 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 Figure 2 Tabac avec semis de trèfle Figure 3 Capsules du tabac Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 67 cette performance de croissance accomplie pendant la période végétative à partir d’une minuscule graine, avec l’appareil foliaire nettement plus petit d’une belladone de plusieurs années qui peut faire appel aux substances de réserve d’une puissante racine en forme de rave ! La pousse de tabac, dans le cas idéal non ramifiée, engendre un grand nombre de feuilles sessiles, qui peuvent atteindre 70 centimètres de long (Figure 4). Les variétés dites géantes atteignent plus de 4 mètres de hauteur avec plus de 100 grandes feuilles. La récolte des feuilles se fait successivement de bas en haut. Le limbe imposant consomme une grande quantité d’eau notamment de fin juin à début août : par jour, il faut 5 litres au mètre carré, ce qui signifie 50 tonnes par hectare ! “ On ne peut attendre qu’une telle quantité soit fournie par des précipitations. Si le sol détient une capacité suffisante, il peut au moins couvrir en partie ce qui manque, grâce aux réserves d’eau emmagasinées pendant l’hiver. Le planteur de tabac a pour tâche de veiller sur ces réserves d’eau par un travail soigneux de ses champs.(14) ” Tandis que la tige et les feuilles du tabac, même comparées au sein du genre, sont extrêmement imposantes, les fleurs ont un aspect effacé, bien qu’une plante saine en produise environ 250. Regroupées en panicules, elles se démarquent nettement de la zone foliaire. Le tube reste verdâtre sur une grande partie de sa longueur, pourvu de poils glanduleux comme les bractées, puis perd sa couleur et devient blanchâtre (Figure 5). Seule la pointe à cinq lobes est d’une teinte rose pâle et le stigmate qui en émerge, d’un vert lumineux, constitue aussi un aspect végétatif dans la zone de l’inflorescence. Lorsqu’elle se fane, la fleur, qui n’a sinon rien de lumineux, se colore rapidement d’une teinte brunâtre comme si, précocement vieillie, elle allait pourrir. La capsule, gonflée après la fécondation, repousse la fleur desséchée au bord du calice qui la maintient, et le pistil qui subsiste fait éclater le tube de la fleur. Dans l’ensemble, le tabac donne l’impression d’une solanacée chez laquelle sur le plan morphologique, l’impulsion florale est repoussée aussi loin que possible de la zone végétative des bractées. En un certain sens, la fleur est sous l’emprise du végétatif. Dès lors, on ne s’étonnera pas du fait que la culture de tabacs d’ornement (Nicotiana alata) mette l’accent sur des fleurs d’un blanc pur ou de couleurs lumineuses. Ces espèces que l’on rencontre souvent, plantées dans des massifs de verdure au cœur des villes, réjouissent notre œil bien davantage que le tabac ordinaire. 68 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 Figure 4 Tabac au stade «foliaire» Figure 5 Fleur de tabac Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 69 Quel est le geste qui se manifeste dans la formation d’alcaloïdes ? La nicotine, alcaloïde principal, se compose de deux noyaux cycliques azotés dérivés d’acides aminés : l’acide aspartique (protéinogène) pour la composante pyridine, et l’ornithine (non protéinogène) pour la composante pyrrolidine(15). La synthèse s’opère en mobilisant les protéines de réserve (grains d’aleurone) dès la germination, bien que les graines soient minuscules, comme nous l’avons déjà dit. La zone principale de synthèse des alcaloïdes est le méristène apical radiculaire (tissu à multiplication rapide des pointes des racines - NdlR), ensuite les alcaloïdes sont transportés vers le haut par le courant de transpiration et les vaisseaux conducteurs d’eau et de sels (xylème), et stockés dans les feuilles. Même lors de ce qu’on appelle des “ essais de privation ”, la nicotine est très difficile à recycler dans le métabolisme, si bien que les feuilles mûres sont en général plus riches en alcaloïdes que les jeunes. La teneur en nicotine peut atteindre 10% de la masse sèche, au grand étonnement des premiers spécialistes de physiologie végétale, vu le manque général d’azote disponible dans la plante. La floraison de la plante entraîne une inhibition de la formation d’alcaloïdes, si bien que l’on obtient des feuilles nettement plus riches en nicotine en ôtant les fleurs. Comme chez les autres plantes à alcaloïdes, la formation d’un poison dans le tabac est interprétée comme une substance de défense et de lutte, au sens darwinien. Nicotiana est précisément un exemple de l’unilatéralité de ce point de vue. Tout un arsenal d’ “ ennemis ” menace cette plante toxique : parmi les animaux, nous citerons les vers blancs, les chenilles, les taupes, les nématodes mangeurs de pieds et de racines, les limaces, escargots et petites limaces grises agrestes, les noctuelles des moissons, les sauterelles et les larves d’Elatéridés. Le tabac est littéralement assailli par ces ravageurs, grignoté et dévoré. S’y ajoutent des maladies dues à des champignons : moisissures blanches et grises, pourriture des semis, pythium, rouille, pourriture noire. Des bactéries sont cause de la chlorose du tabac (wild fire toxin), et de la maladie des jeunes plants (les feuilles deviennent gluantes et se collent) ; le “ tabac blanc ”, la nécrose et la mosaïque du tabac sont causées par des virus pathogènes. La cuscute ou “ mort du tabac ” est une plante parasite qui s’enroule par des suçoirs autour de Nicotiana. Même sous forme de produit fini entreposé chez le commerçant, le tabac peut être la proie des nuisibles : scarabées et mites du tabac, dermestes du lard et ptinidae ainsi que mites domestiques et ténébrions sont très amateurs de cigares. 70 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 En 1954, un connaisseur de tabac sans préjugé en vint à la conclusion suivante : “ Même l’idée que la nicotine protège la plante des maladies et des insectes nuisibles est erronée […] Aussi, en dépit de nombreuses études, la clarté n’a pas été faite sur son but réel. Qui plus est, en faisant précisément allusion à la nicotine, certains naturalistes ont mis en doute l’existence d’une finalité dans la nature. ” (16) Plus tard, il n’y eut plus que Kurt Mothes (1900-1983), spécialiste de physiologie végétale et pharmacien, pour remettre en question le paradigme darwinien de “ l’utilité ” des poisons : “ la plante, qui peut se permettre un grand luxe de matière ” (vitalité de son corps éthérique) “ nous montre une foule de possibilités de réactions qui sont sans implication physiologique plus profonde […] Dans la plupart des cas – si ce n’est généralement – elles n’ont certainement aucune fonction écologique déterminante, mais résultent du simple jeu de la nature ” (17). L’approche goethéenne de ce jeu sans finalité de la part de la plante peut être intéressante et mener à une compréhension approfondie de ce qu’on appelle les “ principes actifs ”. Le tabac allie donc les paradoxes : d’un côté il manifeste une énorme énergie végétative foliaire dans des conditions favorables d’environnement, et de l’autre, il reste une plante extrêmement sensible malgré une forte toxicité. A cet égard, il est en réelle polarité avec la morelle douce-amère, à faible croissance et souvent consumée, mais qui montre une incroyable ténacité de vie. La préparation des feuilles fraîches pour la consommation de produits de luxe est un processus très complexe où le séchage et des opérations de fermentation vont de pair. Les feuilles récoltées sont fortement hygroscopiques et ont besoin d’une régulation de la ventilation. Cela se reflète dans l’architecture typique des séchoirs à tabac qui sont dotés de nombreuses petites portes par exemple ou de parois constituées de lamelles, pour pouvoir gérer l’aération. Au cours de la fermentation, la chlorophylle et les protéines se dégradent, laissant la place aux caroténoïdes, à la xanthophylle et aux substances aromatiques qui se forment alors. Dans cette activité métabolique, s’expriment une inhibition des qualités végétatives-constructrices et une aromatisation de type floral. Fait intéressant, un tabac bien fermenté (qui “ tire ” bien) pour l’enveloppe du cigare – ce qu’on appelle les feuilles de couverture - rappelle le cuir extrêmement mince et tanné, faisant ressortir une caractéristique proche de l’animal-astral (18). Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 71 Chimie et pharmacologie de la nicotine La nicotine, un alcaloïde, a été découverte en 1828 à Heidelberg par le médecin Wilhelm Heinrich Posselt (1806-1877) et le chimiste Karl Ludwig Reimann (1804-1872) (19). La nicotine pure est une huile qui bout à 250°C. Elle a une odeur forte, piquante et déplaisante, qui augmente encore à l’échauffement. De petites quantités de nicotine sous forme gazeuse s’évaporent déjà du champ de tabac, un phénomène qui fait davantage penser à une huile essentielle qu’à un alcaloïde. En pharmacologie, la nicotine est connue pour ses effets paradoxaux sur le système nerveux central. A petites doses et sur une courte durée d’action, elle a un effet excitant sur le tronc cérébral et le myélencéphale, à forte dose et avec un temps d’action plus long, elle a un effet paralysant. Les points d’impact de la nicotine sont en outre les ganglions du sympathique et du parasympathique. Les qualités d’action polaires de la nicotine sont donc “ potentialisées ”, l’alcaloïde intervenant simultanément sur les deux branches, antagonistes comme on le sait, du système neurovégétatif. Fait compréhensible du point de vue pharmacologique classique, “ ses propriétés dualistes rendent impossible toute application thérapeutique ” (20). La dose toxique chez l’homme est d’environ 60 milligrammes de nicotine, une cigarette en contient de 15 à 25 mg, un cigare, de 120 à 150 mg. Le fait que les fumeurs ne ressentent aucun symptôme d’empoisonnement aigu est pour l’essentiel lié à quatre causes : détoxication rapide de la nicotine par ouverture du cycle de la pyrrolidine, combustion de l’alcaloïde dans la zone rougeoyante de la cigarette, dépôt dans le bout non consommé et résorption partielle dans les poumons par le biais de la fumée. Les effets métaboliques de la nicotine sont significatifs chez les fumeurs chroniques. Ils se manifestent particulièrement sur un organe, soumis de toute manière à une forte dégradation : la peau. Fumer induit – en grande partie à cause d’une vasoconstriction périphérique – un vieillissement prématuré, une perte d’élasticité et une mauvaise cicatrisation des plaies (21). La cigarette a un effet anorexique, s’ils arrêtent de fumer, les fumeurs prennent généralement du poids et cette augmentation n’est pas (seulement) liée à des “ drogues de substitution ” telles que les sucreries, elle met en évidence l’activation du métabolisme anabolique (22). En effet, les produits de combustion du tabac accélèrent l’oxydation des acides gras libres dans le foie (23). Dans l’ensemble, la nicotine renforce l’activité diurne de dégradation 72 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 en l’homme, elle masculinise et intellectualise. Cela explique peutêtre pour quelle raison le tabac était par tradition interdit aux femmes (en âge de procréer). Du point de vue scientifique, chez les fumeuses chroniques on observe un déplacement du quotient oestrogènes/ androgènes en faveur de la testostérone, hormone mâle (24). En cas de grossesse, il en résulte souvent des enfants dystrophiques. Si l’on fait la synthèse de ces phénomènes, il apparaît que le tabac concilie superbement des propriétés apparemment paradoxales : 1. Une énorme force végétative va de pair avec une extrême dépendance des conditions climatiques et une grande vulnérabilité aux “ ennemis ” de toute espèce. 2. Un poison fort, reposant sur la dégradation des protéines, diffuse à partir de la racine, sans jamais compromettre l’édification massive de substance, à l’œuvre dans la zone foliaire et les bourgeons. 3. Chez l’homme, le tabac peut de la même manière avoir un effet excitant ou paralysant selon l’état d’esprit de la personne. Il est donc compréhensible que le tabac puisse être un médicament pour le poumon, car le système rythmique doit précisément équilibrer les polarités du système neurosensoriel supérieur et du complexe inférieur métabolique-moteur. Parmi les types de Solanacées, c’est le pôle foliaire végétatif et d’édification qui prédomine, de sorte qu’en cas de BCO, ce sont les types maigres, à métabolisme affaibli, du genre “ pink puffer ” atteints d’emphysème, qui tirent profit d’un traitement par le tabac (25). Ce traitement devrait être interprété comme “ allopathique ”, au sens d’un processus antagoniste à la maladie, la dilution (basse à moyenne) doit éviter un effet toxique en cas de prise par voie buccale. Les inhalations consistant à faire agir directement sur les voies respiratoires les médicaments à base de tabac (dynamisé - NdlR), semblent très prometteuses. Les injections sous-cutanées se font entre les omoplates. Solanum dulcamara Avec près de 1 500 espèces, le genre Solanum est de très loin le plus important des Solanacées (Figure 6). C’est en Amérique du Sud qu’il est le plus représenté. Le genre comprend des plantes alimentaires Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 73 essentielles telles que la pomme de terre (Solanum tuberosum) et l’aubergine (Solanum melongena), auxquelles était autrefois associée la tomate (Solanum lycopersicum) qui constitue aujourd’hui un genre apparenté mais à part. La morelle douce-amère est un semi-arbuste lignifié à la base, pluriannuel, extrêmement ramifié, d’où l’expression populaire qui le désigne en Allemagne : “ plus c’est long, mieux c’est ”. Les rameaux forment un entrelacs chaotique (Figure 7) et s’appuient sur d’autres plantes ou sur des clôtures. Paradoxalement, il lui manque une force de redressement, bien que la lignification soit extrêmement vigoureuse, comparée à d’autres variétés apparentées qui restent davantage herbacées, telles que Solanum nigrum (la morelle noire). Solanum dulcamara apprécie les sites à tendance humide et riches en nutriments, telles que les taillis le long des rives ou les ceintures de roseaux, où ses branches flottent sur l’eau. On remarquera aussi la croissance épiphytique sur les têtes de saules en train de pourrir, que l’on rencontre souvent dans les prairies le long des fleuves et ruisseaux (27). Le principe du trichasium typique des Solanacées dans la zone florale, est absent chez la douce-amère. Entre les inflorescences, on trouve six à neuf bractées à chaque génération de pousses, ce qui est le signe d’une prédominance végétative. Les feuilles sont fermes, mais souples ou sèches selon le site, la chlorophylle peut s’assombrir jusqu’au violet, ce qui est typique des Solanacées. Les feuilles sont souvent couvertes de piqûres d’altises, même les feuilles proches des fleurs, et donc loin du sol, sont fréquemment piquées. Avec cette structure de pousse échevelée, la douce-amère laisse souvent l’impression de quelque chose de “ malsain et de désordonné ”. Les cinq pétales succulents, uniquement réunis à la base, et renversés loin en arrière, sont d’un violet lumineux et portent des motifs colorés d’un blanc verdâtre, qui guident les insectes vers le pollen. D’un jaune intense, les cinq étamines réunies par les anthères (synanthérées) forment un contraste très net dans cet ensemble (Figure 6). Après la fructification, se forment de petits fruits comme des tomates, mais plus étirés en longueur, qui passent par toutes les nuances colorées, du vert foncé à l’orange puis au rouge écarlate (Figure 8). Par comparaison, Dulcamara semble très éloignée des Solanacées, le principe végétatif peut s’imposer face à une intervention excessive de l’impulsion astrale. D’où les différences sur le plan des substances. Effectivement, il manque ici les alcaloïdes 74 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 Figure 6 Fleurs de Dulcamara Figure 7 Tige de Dulcamara Figure 8 Fruits de Dulcamara Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 75 tropaniques caractéristiques des Solanacées “ classiques ”, du type hyoscyamine / scopolamine. Dulcamara élabore des glycoalcaloïdes. Il s’agit de substances issues à l’origine du métabolisme des lipides, de par leur composante stéroïde, ensuite associées à des sucres (glycoside) et qui incorporent à la périphérie un atome d’azote (alcaloïde). L’azote peut aussi être remplacé par de l’oxygène par la plante, de sorte que les stéroïdes alcaloïdes sont accompagnés des saponines correspondantes (éléments tous deux glycosidés). Les glycoalcaloïdes se distinguent fondamentalement des alcaloïdes tropaniques qui proviennent à l’origine du métabolisme des acides aminés. Tandis que ceux-ci s’accumulent de façon quasiment immuable sous forme de sels dans toutes les parties de la plante, Dulcamara peut dégrader la quasi-totalité des glycoalcaloïdes dans les fruits mûrs. Le changement de couleur des baies va de pair avec la dégradation des alcaloïdes, la synthèse des saponines et la formation des caroténoïdes, responsables de la teinte éclatante des fruits. La faible toxicité de la morelle douce-amère disparaît complètement à la maturité des fruits. Elle ne peut rivaliser avec la saveur d’une tomate, le goût des baies laisse une sensation amère et piquante. Les glycoalcaloïdes n’ont pas l’impact sur le système nerveux, typique des alcaloïdes tropaniques. Ils n’ont pratiquement aucun effet aigu sur le système nerveux central mais, pris sur une période prolongée, ils présentent des effets certains sur le système métabolique, sous forme d’une action corticoïde directe. Les saponines associées peuvent moduler la biotransformation au niveau du foie et retarder la dégradation des corticostéroïdes endogènes. Cependant, il faut remarquer que Dulcamara est préparée tout à fait différemment en phytothérapie, en homéopathie et en médecine anthroposophique, ce qui entraîne des effets différenciés. La phytothérapie utilise par tradition les tiges lignifiées (Stipites Dulcamarae) de la plante. Fait intéressant, il s’agit du seul (!) produit végétal à base d’une tige, utilisé dans la pharmacologie d’Europe centrale. Aussi ébahi que résigné, Dietrich Frohne, éminent spécialiste de pharmacognosie à Kiel, constatait : “ L’étude de la littérature plus ancienne n’a pas permis d’expliquer pourquoi chez la douce-amère précisément, les parties de la plante utilisées en pharmacie sont depuis toujours la tige au lieu des autres éléments habituels ” (28). La Commission E de l’ancien Office fédéral de la Santé a publié en 1990 une monographie. Comme “ traitement de soutien en cas 76 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 d’eczéma chronique ”, il est recommandé de prendre 1 à 3 grammes (par jour) sous forme d’infusion ou de décoction (29). La phytothérapie du début du siècle dernier, Gerhard Madaus (1890-1942) par exemple, cite comme “ indication essentielle ” après la peau, l’asthme ainsi que les maladies de refroidissement au sens large. Stipites Dulcamarae peut être prescrit sous forme de drogue au sens propre et préparé par toute pharmacie. Il faut faire remarquer et expliquer au patient le goût spécifique qui, les appellations française et latine en témoignent, fait d’abord ressortir l’amertume puis laisse un arrière-goût doux comme la réglisse (30). L’homéopathie n’utilise pas les tiges riches en gluco-alcaloïdes, mais les jeunes pousses végétatives, qui contiennent des stéroïdes alcaloïdes et des saponines en proportion quasiment égales. Pour cette médecine, Dulcamara est un remède souverain contre les troubles apparaissant ou s’aggravant par temps froid et humide. La détoxication des baies rouge écarlate de la douce-amère en été trouve pour ainsi dire son pendant dans le soulagement qu’éprouve le patient Dulcamara grâce à la chaleur (31). Weleda propose des dilutions alcooliques de D3 à D30, fabriquées dans l’esprit homéopathique. Parmi les “ médicaments types ” de la médecine anthroposophique, on trouve Dermatodoron® qui contient des décoctions de fleurs de douceamère et de lysimaque (Lysimachia nummularia, Primulacées). Tandis que les fleurs aromatiques chargées d’huiles essentielles sont typiquement préparées par le procédé plus doux de l’infusion, la fleur de douceamère, riche en saponines mais pauvres en glycoalcaloïdes, supporte un traitement thermique plus intense. Dermatodoron® n’est certes pas une panacée pour l’ensemble des dermatoses, mais correctement utilisé (à haute dose), il a des vertus bienfaisantes ; fait significatif, l’urticaire liée au froid en est une indication sûre, qui n’est guère améliorée par une autre méthode. Dans ce contexte, nous renvoyons à l’article publié par Lüder Jachens en 2004, à propos du traitement différencié à l’aide de Dermatodoron® (32). La préparation est disponible en soluté injectable, en gouttes et en pommade. Se pose la question de savoir si Dulcamara permet de se passer des corticoïdes, prévalant pour le traitement de l’asthme, ou même de les remplacer complètement. Etant donné les propriétés de la plante et l’expérience acquise en la matière par l’homéopathie et la phytothérapie, un essai semble tout indiqué notamment pour les patient(e)s dont l’état s’aggrave par temps froid et humide. Des Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 77 préparations de tiges riches en alcaloïdes en dosage allopathique pourraient servir d’introduction au traitement, pour être par la suite relayées par des dynamisations (basses) de pousses, à action plutôt régulatrice. A ce jour, la médecine anthroposophique n’a guère d’expérience avec Dulcamara dans les maladies pulmonaires. Hyoscyamus niger L’utilisation de la jusquiame noire (Figures 9,10) dans le traitement des maladies respiratoires n’est pas vraiment anthroposophique, elle provient de l’expérience homéopathique. Les préparations à base de jusquiame, disponibles chez Weleda sont les dilutions alcooliques (D4-D30), une pommade à 5%, un soluté injectable (5%- D30) et les dilutions aqueuses (D3-D15). WALA propose des ampoules injectables (D4-D30) et des granules (Velati) ; de plus, la préparation Archangelica comp. (granules et ampoules injectables) c) contient Hyoscyamus D3 ou D6. En homéopathie, Hyoscyamus correspond à l’indication thérapeutique suivante “ toux irritante et spasmodique (coqueluche) avec accès nocturnes et grande sécheresse avec piqûres dans la gorge. Dès qu’il s’allonge, la toux gênante et persistante commence, forçant le patient à se redresser [..] ”. Les symptômes psychiques du patient Hyoscyamus sont les suivants : grande excitation, jalousie et méfiance (33). Au sein de la grande famille des Solanacées, Hyoscyamus appartient à un genre restreint comptant 15 variétés. C’est une plante rudérale qui affectionne les sols à forte teneur en azote. Le qualificatif “ niger ” renvoie à sa racine de couleur noire. La plante peut atteindre 80 cm de hauteur ; elle est entièrement couverte de duvets blancs hirsutes. En outre, abondamment pourvue de poils glanduleux, la plante répand une odeur déplaisante et elle est gluante au toucher. La jusquiame élabore des fleurs en forme d’entonnoirs, leur couleur est jaune soufre avec des veines violettes dont la couleur s’intensifie vers le bas pour former une gorge d’un violet sombre. Dans l’ensemble, elles ont un aspect trouble et sale. Tandis que les pousses de la jusquiame fleurissent en permanence, plus bas, les fleurs devenues fruits développent des capsules à deux compartiments contenant de nombreuses graines qui restent enfermées dans le calice. On pense involontairement à une épine dorsale, “ et l’illusion de voir des dos d’animaux est encore renforcée par l’enroulement 78 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 Figures 9 et 10 Jusquiame noire Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 79 en crosses des extrémités. Quelques fleurs sont encore épanouies et regardent vers l’avant comme des yeux frontaux ” (34). Dans sa structure inférieure, c’est-à-dire avant l’apparition de la première fleur, Hyoscyamus montre une métamorphose régulière de ses feuilles. Avec la première fleur, la croissance verticale de la pousse se divise en plusieurs rameaux, ces “ rameaux latéraux font un geste large, extraordinairement caractéristique, pour se dresser obliquement ” (35). Ils s’accompagnent de “ perturbations ” massives dans l’alternance entre feuille et fleur. La feuille appartenant à chaque fleur grandit avec le pétiole retenu dans la tige et ne se déploie pas en-dessous, ce qui serait normal, mais au-dessus de la fleur. La deuxième feuille ne prend pas forme. Il n’y a donc aucune feuille là où elle devrait normalement se trouver. Les feuilles de la structure “ supérieure ” ont une forme nettement asymétrique et sont en outre comme poussées du plan l’horizontal, qui est la position typique de leur limbe, vers la verticale où elles pendent pour ainsi dire mollement. C’est seulement la succession des feuilles dans leur ensemble qui donne une impression de rythme étonnamment harmonieux. La jusquiame appartient aux végétaux que les profanes tiennent spontanément pour toxiques. Selon le botaniste Herbert Grohmann (1897-1957), “ il y a certainement peu de plantes qui, dès le premier abord, donnent l’impression d’être si mystérieuses et même si inquiétantes […] On ne peut vraiment pas dire que la vue de cette fleur soit sympathique ” (36). Et pourtant, des trois Solanacées “ classiques ” (Belladone, Datura, Jusquiame - NdlR), c’est la jusquiame qui a la plus faible teneur en alcaloïdes tropaniques. La floraison continue à l’extrémité de la pousse devrait induire une dépression permanente de la formation des alcaloïdes dans la racine. Hyoscyamus contient en proportion égales de l’hyoscyamine, qui a une action stimulante sur le système nerveux central, et de la scopolamine qui a une action paralysante sur ce même système (Belladonna en contient dans un rapport de 20 :1, et Datura stramonium dans un rapport de 2-5 :1). Les traits caractéristiques d’Atropa belladonna et de Datura stramonium sont respectivement la racine en forme de rave et la beauté des fleurs. Hyoscyamus occupe la position médiane entre ces deux pôles et met l’accent sur la zone foliaire. En raison de l’intervention permanente de l’impulsion florale, la plante réussit une métamorphose harmonieuse de son feuillage. Au niveau des substances, il s’établit 80 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 Figure 11 Succession foliaire de la jusquiame noire (Hyoscyamus niger), tiré de l’ouvrage de R. Mandera Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 81 un équilibre entre des alcaloïdes à action polaire, ce qui explique l’utilisation de Hyoscyamus non seulement pour le traitement des affections cardio-vasculaires, mais aussi pour les troubles des voies respiratoires. S’il est trop fortement investi dans le système rythmique baignant, dans le cas idéal, dans un état de rêve, c’est-à-dire de semi-conscience, le pôle neurosensoriel peut engendrer une toux irritante, des spasmes et une hypervigilance ; le système rythmique peut alors être fortifié par Hyoscyamus qui contient une composante équilibrante, issue de la zone foliaire et “ non toxique ”, à la différence de Belladonna et de Datura stramonium (37). Les indications thérapeutiques de la préparation citée ci-dessus Archangelica comp. (WALA) sont la laryngite, la trachéite et la toux irritante ; selon la Monographie de la Commission C, les ampoules injectables de Hyoscyamus 5% (Weleda) sont utilisées en cas de bronchites chronique, accompagnées de spasmes. Reste encore à découvrir une vaste gamme d’utilisation de Hyoscyamus niger dans la thérapeutique des maladies pulmonaires, approfondie par l’anthroposophie. Une analyse détaillée de Nicotiana, Dulcamara et Hyoscyamus montre que l’intervention de l’astral chez les Solanacées est très différenciée sur les plans morphologique et physiologique. Au niveau du système rythmique, l’interaction labile du psychisme et du corps de vie doit en permanence être tenue en équilibre. Un traitement différencié à l’aide de Solanacées peut s’avérer utile en cas d’asthme et de bronchite chronique obstructive.■ Remerciements Je remercie Ruth Mandera, Franziska Roemer, Vera Knür et Peter A. Pedersen (Weleda AG) pour leur relecture critique du manuscrit et leurs nombreuses et utiles remarques. Mes remerciements vont également à Anne et Rolf Bucher pour la culture du tabac dans les jardins de WALA et les entretiens très intéressants que j’ai eus avec eux à propos de cette plante et de bien d’autres. Je remercie Margit Müller pour son soutien indéfectible au secrétariat. Dr. Ulrich Meyer, Pharmacien, WALA Heilmittel GmbH Dorfstrasse 1 D 73087 Eckwälden/Bad Boll 82 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 Littérature (1) U. Meyer Die Quitte – ein „Sonderling“ unter den Rosengewächsen. Ein Beitrag zum Verständnis der Komposition Citrus/Cydonia. Der Merkurstab 2005; 58 (6): p.491-497. (non traduit). (2) Pour l’étude botanique, cf. R. Mandera Les Solanacées et le principe d’interpénétration. Tycho de Brahe Jahrbuch für Goetheanismus 1985 (3) R. Schaette Stickstoff und Astralität im Pflanzenreich Anthroposophischpharmazeutische Arbeitsgemeinschaft. Editeur. Le concept d’homéopathisation chez Rudolf Steiner – Actes de la session 1977. Stuttgart 1978 : p. 18-33 (4) Se reporter également à P.A. Pedersen Characteristische Inhaltsstoffe der tomatenpflanze und der Nachtschattengewächse. Der Merkurstab 2002; 55 p.278-285. (5) Weleda : dilutions alcooliques D1 à D30, pommade 5%, suppositoires 1%, dilutions (avec processus rythmique) D3 à D10, solutés injectables D3 à D30 ; WALA : Granules (Velati) D6 à D10, solutés injectables D2 à D30. (6) G. Suchantke : Der Tabak als Heilpflanze. Natura 1933; 7: p. 232-244 (7) J.Wilkens Nicotiana tabacum in homöopathischer Potenzierung in seinen praktischen Möglichkeiten. Der Merkurstab 2005; 58 (5): p.393403. (8) J. Müller Hexensalben und Liebestränke – ein Beitrag sur Kulturgeschichte der Nachtschattengewächse. Gesnerus 1998; 55 : p. 0205-220. (9) M. Strobel Asthma bronchiale – Die Geschichte seine medikamentösen Therapie bis zum Beginn des 20. Jahrhunderts. Stuttgart 1994 : p. 3239 (10) W. Schivelbusch Das Paradies, der Geschmack und die Vernunft – Eine Geschichte der Genussmittel. Francfort/Main 1992 : p. 123-127. (11) Citation tirée de B. Homberg Tabakiana. Leipzig 1972 : p.73 (12) Parmi les ouvrages plus anciens recommandés, citons : W. Endemann Die Tabakpflanze. Lutherstadt Wittenberg 1954 ; H. Aschenbrenner Die Tabak-Fibel. Oldenburg (Oldenburg) année de publication non indiquée ; F.K. Reckert Tabak – Tabakwaren – Tabakhandel. BerlinSchöneberg 1952. Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 83 (13) B. Livio. Ein Schweizer Nachtschattengewächs – „gesund, gut korrekt“. Neue Zürcher Zeitung – Edition Internationale 3-4 septembre 2005 ; 205 : p.9. (14) Endemann (cf. ci-dessus) : p.16 (15) H. Rimpler, Editeur. Pharmazeutische Biologie II – Biogene Arzneistoffe. Stuttgart New York 1990 : p. 358. (16) Endemann (cf. ci-dessus) : p. 25 (17) Cf. C. Friedrich Wissenschaftliche Schulen in der Pharmazie. Teil 8 : Kurt Mothes (1900-1983) und sein Schülerkreis. Die Pharmazie 2000 ; 55: p. 850-856. (18) Forum PTA : Zigarrenmanufaktur – Kleines und feines Handwerk. Pharmazeutishce Zeitung 2004 ; p. 149; Supplément Forum PTA 2004; 15 ; pp. 30. (19) F. Eiden Zur Geschichte der Tabakalkaloïde. Pharmazie in unserer Zeit 1986 ; 15 : p.1-18 (20) Rimpler (cf. ci-dessus) p. 363 (21) M. Krug, A. Wünsche, A. Blum Tabakabhängigkeit und die Folgen auf die Haut. Der Hautarzt 2004 ; 55 : p. 301-316. (22) C.E.Müller Nicotin – Vom Genussmittel zum Arzneistoff ? Deutsche Apotheker Zeitung 1995 ; 135: p. 3253-3268. (23) K.O.Haustein Gewichtszunahme bei Rauchstopp – Schicksal oder mangelnde Disziplin ? Medizinische Monatsschrift für Pharmazeuten 2004 ; 27 : pp. 168. (24) K.O.Haustein (cf. ci-dessus) (25) Communication personnelle de Christof Schnürer, médecin (Herdecke/Ruhr°) et Johannes Wilkens médecin (Bad Steben) 2005. Cf. également M.Woernle Polare Krankheitsursachen des Lungenemphysems. Tycho de Brahe Jahrbuch für Goetheanismus 1991. Niefern-Öschelbronn 1991 : p.434-450. (26) J. Hildebrand-Fenner, U. Meyer Inhalative Therapie mit anthroposophischen Arzneimitteln – Praktische Gesichtspunkte zu Verordnung und Handhabung. Der Merkurstab 2004 ; 57 : p.216-219. (27) Cf. J.Wilkens, M. Sommer, G.Soldner, M.Teut; Die Behandlung des Fibromyalgie-Syndroms mit Weidenmistelextrakten. Der Merkurstab 2004 ; 58 ; p.264-271. 84 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 (28) D. Frohne Solanum dulcamara L. – Der Bittersüsse Nachtschatten Portrait einer Arzneipflanze. Zeitschrift für Phytotherapie 1933 ; 14 : p.337-342 (29) Frohne (cf. ci-dessus) (30) G. Madaus Lehrbuch der biologischen Heilmittel – Volume 6. Reprint Ravensburg 1989 : p.1242-1247 (31) B. Vonarburg Homöotanik. Farbiger Arzneipflanzenführer der klassischen Homöopathie. Volume 3 : Farbenprächtiger Herbst. Stuttgart 1997 : p. 67-73 (32) L. Jachens Über die Wirkung von Dermatodoron® Der Merkurstab 2004 ; 57 ; p.408-413. (33) B. Vonarburg Homöotanik. Farbiger Arzneipflanzenführer der klassischen Homöopathie. Volume 2 : Blütenreicher Sommer. Stuttgart 1997 : p. 214-222. Cf. également G. Madaus Lehrbuch der biologischen Heilmittel – Volume 7. Reprint Ravensburg 1989 : p.1578-1586. (34) G. Grohmann La plante – Une approche de sa vraie nature, Editions Triades 1992, p. 359. (35) G. Grohmann (cf. ci-dessus) (36) G. Grohmann (cf. ci-dessus) (37) Cf. R. Mandera (voir ci-dessus) et M. Woernle Über die Wirkung dreier Nachtschattengewächse im Menschen : Belladonna, Hyoscyamus und Stramonium. Tycho de Brahe Jahrbuch für Goetheanismus 1988. Niefern-Öschelbronn 1988 : p.140-164. Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 85 Notes sur les médicaments cités dans l’article Ces préparations (qui ne sont pas toutes disponibles en France sous cette forme précise ou sous une forme approchante - NdlR) contiennent : a) Cuprum aceticum comp. Soluté injectable - 1 ml contient : • Cuprum aceticum Dil. aqueuse D5, 0,1g • Nicotiana tabacum feuilles fermentées 33b Dil. D9, 0,1g • Renes bovis Gl. Dil.D5, 0,1g L’injection sous-cutanée dans la région rénale est le mode d’administration recommandé. b) Nicotiana comp. Granules (Velati) - 100 g contiennent : • Carbo betulae Dil. aqueuse D19, 1g • Chamomilla recutita e radice ferm. 33c Dil. D2, 1g • Nicotiana tabacum feuilles fermentées 33b Dil. D9, 1g Soluté injectable - 1 ml contient : • Carbo betulae Dil. aqueuse D19, 0,1g • Chamomilla recutita e radice ferm. 33c Dil. D2, 0,1g • Nicotiana tabacum feuilles fermentées 33b Dil. D9, 0,1g c) Archangelica comp. Granules (Velati) : 100 g contiennent : • Angelica Archangelica racine fermentée. 33c Dil. D2, 1g • Argentum nitricum Dil.aqueuse D14, 1g • Hyoscyamus niger plante fermentée 33d Dil. D3, 1g • Pyrite Trituration D2, 5g • Salvia officinalis feuilles fermentées 33d TM, 2,5g Soluté injectable - 1 ml contient : • Angelica Archangelica racine fermentée. 33c Dil. D4, 0,1g • Argentum nitricum Dil.aqueuse D14, 0,1g • Hyoscyamus niger plante fermentée 33d Dil. D6, 0,1g • Pyrite Dilution D6, 0,1g • Salvia officinalis feuilles fermentées 33d Dil.D2, 0,1g Les mentions «33b» etc. font référence à la Pharmacopée allemande. 86 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 Oenothera Argento culta Une nouvelle préparation à base d’un métal végétabilisé* Docteur Joop van Dam Traduction Laetitia Lescourret Métaux végétabilisés et compositions minérales sur un modèle végétal : deux procédés anthroposophiques typiques Au cours des années quatre-vingts, un groupe de travail composé de quelques médecins et pharmaciens anthroposophes émit l’idée de fabriquer de nouvelles préparations à base de métaux végétabilisés. L’une d’entre elles, Oenothera Argento culta, est entre-temps devenue disponible auprès du laboratoire Weleda en Allemagne (et désormais en France aussi - NdlR). C’est avant tout Walter Cloos (1900-1985) qui mit en œuvre certains concepts de Rudolf Steiner pour explorer de nouvelles pistes dans la fabrication des remèdes. Il a non seulement approfondi et concrétisé l’idée des métaux végétabilisés, mais il a aussi trouvé des moyens de synthétiser une “ imitation de plante ” sous forme minérale (« compositions minérales sur un modèle végétal », communément appelées en France les « Solutios », voir n° 19 des Correspondances médicales – NdlR). Ces deux idées complémentaires, avaient été conçues à la même époque, en 1921, par Rudolf Steiner. Dans le premier cas, un minéral est amené au stade du végétal. Pour ce faire, on injecte dans une terre cultivée une solution métallique qui résulte de la mise en œuvre de quatre processus pharmaceutiques successifs. Les plantes semées dans ce champ sont récoltées et compostées en fin d’année. L’année suivante, le compost est épandu sur ce même terrain. Puis à nouveau, on sème, on récolte et on composte. Ce n’est qu’au bout de la troisième année que la plante est finalement transformée en médicament. Le processus de végétabilisation, qui est en fait un processus de dynamisation, s’accomplit en un cycle de trois ans, englobant lui-même de nombreux cycles jour / nuit. Dans le second cas, il s’agit de recréer (à un niveau minéral NdlR) ce qui existe à un niveau végétal. A cette fin on sélectionne des * Article tiré du Merkurstab, 59. Jahrgang, Heft 5, 2006, p.438-440 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 87 Oenothera biennis Photo J.G. Barth composants minéraux essentiels présents dans la plante. Des sels, issus cette fois-ci du milieu minéral, sont recombinés avec un « liant » suivant un mode de préparation spécial. Ces nouvelles compositions minérales sur un modèle végétal sont appelées “ Solutio ”. Ainsi par exemple : Solutio ferri avec comme modèle végétal Urtica dioica ; Solutio sacchari, sur le modèle de Chamomilla radix et Solutio Siliceae sur le modèle d’Equisetum arvense. Après des années de travail minutieux, on obtint enfin le premier métal végétabilisé en 1936 et la première composition minérale sur un modèle végétal, en 1949. Dans le processus de végétabilisation, le métal est retravaillé de façon à le faire apparaître sous mode végétal, facilitant son absorption et son assimilation par le corps. Avec la solutio, l’organisme rencontre un “ modèle végétal ” combiné à des substances minérales. Cette combinaison minérale exige une plus grande force de digestion que celle nécessaire pour assimiler le simple végétal. Ainsi cette préparation végétale “ synthétique ” force l’organisation du Moi à affronter la composition minérale. 88 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 Dans les métaux végétabilisés, c’est avant tout le corps astral qui rencontre la plante médicinale, l’organisation du Moi entrant en jeu par le biais du métal. Dans les métaux végétabilisés, on associe deux substances ayant une action thérapeutique allant dans le même sens. Le champ d’action du métal est généralement plus large que celui de la plante utilisée pour la végétabilisation. Dans ce type de préparation un aspect précis de ce vaste champ d’action est sélectionné, . La plante permet ainsi de déployer une vertu thérapeutique spécifique du métal. Le cuivre par exemple, est un médicament antispasmodique, réchauffant et structurant. A chacune de ces trois propriétés et à leur action spécifique, correspond un des trois médicaments suivants : Tabacum Cupro cultum, Melissa Cupro culta, Chamomilla Cupro culta. Mais quel domaine du champ d’action thérapeutique de l’argent, Oenothera fait-il ressortir ? Oenothera biennis Afin de répondre à cette question, observons d’abord l’image de cette plante et sa dynamique. L’onagre, rapportée en Europe au début du 17ème siècle, provient d’Amérique où elle pousse dans les régions lumineuses et plutôt sèches. Il s’agit d’une plante bisannuelle : Oenothera biennis. La première année, se forment une rosace de feuilles oblongues et lancéolées ainsi qu’une racine pivotante. L’année suivante, pousse rapidement une haute tige à partir de la rosace. Les feuilles se suivent de façon rythmique et serrée. Avec sa tige droite et ses feuilles orientées vers le haut, la plante offre l’image de la profusion, elle peut atteindre 1,5 à 2 mètres et se développe bien dans les jardins, les champs ainsi que sur les bas-côtés des routes de nos contrées. Fin juin, début juillet, apparaissent les premiers boutons en haut de la tige. De nombreux bourgeons apparaissent plus bas sur la tige ou sur les hampes latérales, à la base des feuilles. La fleur se compose de quatre pétales jaunes en forme de cœur renversé, de huit étamines de longueur égale et d’un pistil en forme de croix. Le fruit est une gousse allongée dispersant ses graines aux alentours lorsqu’elle s’ouvre. Ces dernières conservent leur pouvoir germinatif pendant des décennies. Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 89 L’ouverture de ses fleurs est l’événement caractéristique de l’onagre et lui a valu son nom tant en allemand, (Nachtkerze = bougie de nuit) qu’en anglais (evening primrose). A la tombée du jour, les fleurs s’ouvrent soudain une à une. Dans un premier temps les sépales d’un vert rougeâtre s’écartent rapidement, puis les quatre pétales jaunes repliés sur euxmêmes en spirale s’ouvrent soudain dans une dynamique fascinante. Cinq à dix minutes plus tard, la fleur est ouverte et luit dans l’obscurité grandissante de la nuit. Un parfum fort, doux, légèrement enivrant se répand. De nombreux insectes visitent alors cette fleur chargée de pollen ; la nuit ce sont les papillons nocturnes, le jour les abeilles et autres insectes. Le spectacle de l’ouverture des fleurs se répète chaque soir pendant des mois, jusqu’en octobre. Cette longue période de floraison témoigne d’une forte vitalité, même si la fleur elle-même ne dure guère. Elle se fane au bout d’une nuit et d’un jour, et tombe le lendemain. Alors débute la formation des graines. La gousse dans laquelle mûrissent de nombreuses graines noires, commence à croitre. Ces graines renferment l’huile d’onagre, bien connue pour ses nombreux usages thérapeutiques. Pendant toute la période d’été, on peut observer le déroulement simultané des différentes phases, du bourgeonnement aux fleurs ouvertes, ainsi que l’allongement progressif des gousses disposées l’une au-dessous de l’autre dans un processus rythmique. La fleur s’ouvre donc quand vient la nuit, mais en direction de la Lune et non du Soleil. La couleur, le parfum, et surtout le déploiement soudain de la floraison, signent la forte astralité au niveau de la fleur. D’une grande vitalité globale, la plante est largement marquée par une organisation rythmique, tant dans sa structure que dans le temps. Le côté nocturne et, avec lui le courant des substances, sont fortement marqués. Oenothera vient d’Amérique, une région géographique où prédominent les forces du chimisme et de l’éther de vie. Le soir, lorsque les fleurs s’ouvrent et que les forces éthériques de lumière et de chaleur se résorbent dans l’enveloppe éthérique de la Terre, ce sont également les forces du chimisme et de l’éther de vie qui prennent le dessus. A ce moment, la fleur, en s’ouvrant d’un seul coup, apporte un peu de ces qualités de lumière et de chaleur dans la nuit. Ainsi, elle se détache du rapport naturel entre les plantes et leur environnement. Elle introduit la qualité réchauffante de la lumière dans la composante fraiche et nocturne des forces éthériques. 90 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 Indications gynécologiques L’action thérapeutique de la plante agit dans la zone métabolique de l’être humain, sous la forme d’une stimulation de la vitalité et de l’élaboration des substances par les forces de l’éther chimique et de l’éther de vie. Les propriétés rythmiques de la plante ainsi que la dynamique marquée de la floraison nocturne suggèrent une relation avec le cycle menstruel de la femme, qui est un processus rythmique s’accomplissant dans la zone métabolique. C’est pour cette raison qu’Oenothera a été choisie comme “ porte d’accès ” à l’action de l’argent. Sur la base du vaste champ d’action de l’argent, la combinaison végétabilisée grâce à l’onagre accentue l’effet anabolique dans la sphère du métabolisme, en liaison avec les organes de la reproduction. L’indication thérapeutique est celle de troubles du cycle féminin dans lesquels les deux périodes (phase folliculaire et phase lutéale) sont trop distantes l’une de l’autre et au cours desquels le syndrome prémenstruel, apparaît dans la seconde moitié du cycle, témoignant d’une constitution physique et psychique trop sous l’emprise de la pesanteur. Il s’agit alors non seulement de renforcer la vitalité dans la sphère des organes génitaux féminins mais aussi d’insuffler suffisamment de chaleur et de lumière dans l’aspect nocturne du rythme menstruel. La posologie est de 15 gouttes 1 fois par jour dans la première moitié du cycle, et de 15 gouttes 2 fois par jour dans la seconde moitié. On peut aussi penser à ce médicament - à la posologie indiquée - en cas de troubles rythmiques du cycle (oligoménorrhée autant que polyménorrhée) pouvant être une cause de trouble de la fertilité. Un autre article aborde une indication toute différente : Peau sèche et démangeaisons liées à l’eczéma*.■ Dr. Joop van Dam Zeist - Holland * Cf dans ce même numéro l’article du Docteur Jachens Lüder. : Oenothera Argento culta – Note à propos d’un nouveau médicament contre la peau sèche. Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 91 Oenothera Argento culta Note à propos d’un nouveau médicament contre la peau sèche* Docteur Lüder Jachens Traduction Laetitia Lescourret Une nouvelle préparation, Oenothera Argento culta D3, dilution, a été inscrite à la nomenclature des médicaments de Weleda AG, Schwäbisch Gmünd, en novembre 2005. Elle contient de l’argent végétabilisé par l’onagre et convient pour traiter la peau sèche et les démangeaisons des sujets atteints d’eczéma ou présentant une diathèse cutanée atopique, caractérisée par un déficit des forces anaboliques au niveau de l’épiderme. L’onagre est particulièrement ouverte aux éthers de type dit inférieur s’élevant dans la plante depuis l’élément terrestre (éther de vie et éther chimique – NdlR). Les preuves en sont la racine pivotante, la prolifération des feuilles et la floraison ininterrompue du début de l’été jusqu’aux premières gelées de l’automne. La plante s’ouvre à l’action des éthers de type supérieur (éther de lumière et éther de chaleur – NdlR) par la zone florale et la formation des graines, en fleurissant précisément la nuit, un fait inhabituel. L’action de la lumière et de la chaleur cosmiques est de ce fait fortement imprégnée de la marque de la Lune. Il en résulte une intense interpénétration des éthers de type inférieur et supérieur et, par voie de conséquence, une profusion d’acides gras insaturés dans les graines, entre autres. L’onagre est connue des dermatologues depuis 18 ans environ, * 92 Article tiré du Merkurstab, 59. Jahrgang, Heft 1, 2006, p.66 Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 pour l’action bénéfique de l’huile de ses graines dans le traitement de l’eczéma ; d’après l’expérience de l’auteur et en dépit de l’engouement manifesté pour cette plante, , l’effet de cette huile est souvent décevant. La coopération de notre collègue hollandais Joop van Dam et de Weleda, Zietermeer/Hollande, a donné naissance à la préparation Oenothera Argento culta D3, dilution, conçue en priorité pour des indications gynécologiques. Selon l’expérience acquise par l’auteur dans son cabinet de dermatologie, nous pouvons la considérer comme le médicament par excellence de l’état épidermique du sujet atopique. L’onagre incorpore l’argent dans son entité végétale de manière à ce que l’épiderme s’en trouve revitalisé, et les forces anaboliques locales régénérées. La sécheresse et les démangeaisons régressent notablement en l’espace de 4 semaines, chez l’enfant comme chez l’adulte. Cet effet est remarquablement net et non perturbé (par des inflammations) chez le sujet atopique à peau saine, qui se plaint simplement d’une peau sèche et de quelques problèmes minimes d’eczéma pendant l’hiver. La posologie d’Oenothera Argento culta D3, dilution, devrait être de 5 à 10 gouttes avant les 3 repas pour l’enfant et de 10 gouttes avant les 3 repas pour l’adulte. Chez les enfants, la prise des gouttes sera associée à l’ingestion d’huile d’onagre (à faire préparer en flacon de 100 ml, pour des raisons économiques), à raison d’une cuillère à café par jour. Ceci permettant l’introduction d’ un traitement substitutif par le biais du corps physique, afin de compléter l’action du remède dynamique au niveau du corps astral et du corps éthérique. En cas de démangeaisons nocturnes et de troubles consécutifs du sommeil, il est recommandé d’y associer Bryophyllum Argento cultum, D3, dilution, à raison de 5 à 10 gouttes le soir, pour l’enfant comme pour l’adulte. Pour l’adulte, on peut également ajouter Argentum metallicum, D6, trituration, ou bien Argentite D6, trituration, 1 mesurette avant les 3 repas ou 1 mesurette le soir, lorsqu’il s’agit d’activer l’anabolisme nocturne.■ Dr. med. Lüder Jachens Oberthalhofen 25 D - 88167 STIEFENHOFEN / ALLGÄU Correspondances médicales Automne - Hiver 2007 / n° 21 93 Directeur de publication : Dr Jean Chazarenc Institut de Formation et d’Edition pour la Médecine Anthroposophique 2 rue du Blochmont 68330 HUNINGUE Tél. 03 89 69 68 09 - Fax 03 89 91 05 21 - E-mail : [email protected] Imprimerie Freppel-Edac Colmar