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Pharmacologie clinique de la darbepoetin alfa,
une nouvelle protéine stimulant l’érythropoïèse (NESP)[1]
Clinical pharmacology of darbepoetin alfa,
a novel erythropoiesis stimulating protein (NESP)
! E. Singlas*
RÉSUMÉ. La darbepoetin alfa (Aranesp®) est une nouvelle protéine stimulant l'érythropoïèse. Elle se différencie de l'érythropoïétine (EPO)
par deux chaînes glycosylées supplémentaires et par de légères modifications de la séquence d'acides aminés. L’hyperglycosylation de la
darbepoetin alfa ralentit sa dégradation et augmente sa demi-vie ; par voie intraveineuse, la demi-vie de la darbepoetin alfa est trois fois plus
longue que celle de l’EPO, respectivement 25 h et 9 h ; par voie sous-cutanée, les demi-vies de la darbepoetin alfa et de l’EPO, respectivement 49 h et 20 h, sont plus longues que par voie intraveineuse.
Ces différences pharmacocinétiques permettent des injections moins fréquentes de darbepoetin alfa que d’EPO. Cinq études cliniques comparatives ont montré une efficacité comparable des deux produits sur l’augmentation de l’hémoglobinémie et son maintien entre 11 et 13 g/dl,
la darbepoetin alfa étant administrée une fois par semaine et l’EPO deux ou trois fois par semaine. Une équivalence entre une injection toutes
les deux semaines de darbepoetin alfa et une injection par semaine d’EPO a également été montrée.
Chez les patients naïfs, la posologie initiale de darbepoetin alfa est de 0,45 µg/kg en une injection hebdomadaire, sous-cutanée ou intraveineuse. Lorsque la darbepoetin alfa prend le relais de l’EPO, la posologie hebdomadaire initiale est calculée sur la base de la correspondance
200 UI d’EPO = 1 µg de darbepoetin alfa, la posologie étant éventuellement ajustée en fonction de l’hémoglobinémie.
Mots-clés : Darbepoetin alfa - NESP - Érythropoïétine - Anémie.
ABSTRACT. Darbepoetin alfa (Aranesp®, Amgen Laboratory) is a novel erythropoiesis stimulating protein (NESP) wich differs from erythropoietin (EPO) by two additionnal N-linked carbohydrate chains and by slight differences in the amino acid sequence. The hyperglycosylation
of darbepoetin alfa decreases serum clearance and, therefore, increases serum half-life. The mean terminal elimination of intravenous NESP
is 25 h, three time longer than that of intravenous human recombinant EPO (9 h) ; after subcutaneous administration, half-lives of NESP and
EPO are 49 h and 20 h respectively.
The longer serum half-life allows NESP to be administered less frequently than EPO.
Five clinical studies in patients with renal insufficiency, treated or not by dialysis, have shown that darbepoetin alfa administered once weekly
is as effective and well tolerated as EPO administered two or three time weekly. Patients administered EPO once weekly successfully maintained stable haemoglobin concentrations when switched to darbepoetin alfa administered once every two weeks.
For EPO-naive patients, the starting dose of darbepoetin alfa is 0.45 µg/kg once weekly either intravenously or subcutaneously. For patients
already receiving EPO who are converted to NESP, the same administration route should be maintained and the NESP dose should follow the
formula 200 U. EPO = 1 µg NESP. The patients need to be monitored and dosage adjustments performed according to individual response.
Keywords : Darbepoetin alfa - NESP - Erythropoietin - Anemia.
L
a darbepoetin alfa (Aranesp®, laboratoire Amgen) est
une nouvelle protéine stimulant l'érythropoïèse ; elle
a été développée sous la dénomination de NESP (novel
erythropoiesis stimulating protein). Par rapport à l’érythropoïétine (EPO), endogène ou recombinante, la darbepoetin alfa
est constituée d’une chaîne d’acides aminés un peu différente,
mais, surtout de deux chaînes supplémentaires de glycosylation. Elle se fixe aux récepteurs de l’EPO et stimule l’érythropoïèse par les mêmes mécanismes que l’EPO.
* Pharmacie clinique, hôpital Necker-Enfants Malades, 75743 Paris Cedex 15.
[1]
NESP : novel erythropoiesis stimulating protein.
La Lettre du Pharmacologue - Volume 17 - n° 1 - janvier-février 2003
La darbepoetin alfa est actuellement indiquée dans le traitement de l’anémie liée à l’insuffisance rénale chronique chez
l’adulte et l’enfant à partir de 11 ans et dans celui de l’anémie
chez des patients adultes atteints de tumeurs solides et recevant
une chimiothérapie.
STRUCTURE DE L’ÉRYTHROPOÏÉTINE (figure 1)
L’érythropoïétine endogène est une hormone protéique glycosylée constituée d’une séquence fixe de 165 acides aminés
(60 % du poids moléculaire), stabilisée par deux ponts disulfures en position 7-161 et 29-33, sur laquelle sont greffées
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Au plan pharmacologique, la glycosylation de l’EPO n’est pas
indispensable à son activité in vitro, elle la diminue même, mais
elle est nécessaire à son activité biologique in vivo ; l’EPO non
glycosylée, obtenue soit en enlevant les hydrates de carbone de
l’EPO, endogène ou recombinante produite sur cellules CHO,
soit à partir d’une EPO non glycosylée produite par Escherichia coli, est active in vitro mais pas in vivo (7, 8).
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Pour expliquer cet apparent paradoxe et préciser le rôle des
chaînes glycosylées dans l’activité de l’EPO, les différents isoformes ont été séparés et isolés par chromatographie d’échange
et leurs activités ont été testées (9).
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In vitro, l’affinité relative des isoformes de l’EPO pour les
récepteurs de l’EPO, situés dans la moelle osseuse à la surface
des précurseurs des hématies, est d’autant plus grande que le
nombre de molécules d’acide sialique est faible ; par exemple,
les affinités des isoformes 6 et 8 sont 7 et 3,4 fois plus importantes que celle de l’isoforme 14. L’EPO humaine recombinante, mélange des isoformes 9 à 14, a une affinité 2 fois plus
importante que celle de l’isoforme 14, mais 3,6 et 1,8 fois plus
faible que celles des isoformes 6 et 8 (10).
A
• Séquence fixe de 165 acides aminés
• 2 ponts disulfures (7-161) et (29-33)
• 4 chaînes glucidiques variables :
– trois N-glycosydiques (asparagine en 24, 38 et 83) ;
– une O-glycosydique (sérine en 126)
À l’inverse, in vivo, l’activité biologique des isoformes est d’autant plus grande que le nombre de molécules d’acide sialique
est élevé ; c’est ainsi que, chez la souris, l’isoforme 14 augmente
l’hématocrite 4,2 fois plus que l’isoforme 8, à doses équimolaires. L’EPO humaine recombinante augmente l’hématocrite
3,5 fois plus que l’isoforme 8, mais cette augmentation ne représente que 85 % de celle entraînée par l’isoforme 14 (9, 10).
Figure 1. Structure de l’érythropoïétine.
4 chaînes glucidiques variables (40 % du poids moléculaire),
3 chaînes N-glycosydiques sur les asparagines en position 24,
38 et 83 et une chaîne O-glycosydique sur la sérine en position
126 (1). Les chaînes N-glycosylées sont à 2, 3 ou 4 branches
et la chaîne O-glycosylée à 1 ou 2 branches ; chaque branche
est terminée par une molécule d’acide sialique, appelée également acide N-acétylneuraminique, résidu osidique habituel des
glycoprotéines.
Ces différences in vitro/in vivo sont dues à l’instabilité de l’EPO
non glycosylée, dont la demi-vie plasmatique n’est que de
quelques minutes (11, 12) ; en effet, l’EPO non glycosylée est
captée très rapidement par le foie, où elle est dégradée ; la glycosylation protège donc la molécule d’EPO, et sa demi-vie
plasmatique est d’autant plus longue que le nombre de molécules d’acide sialique est élevé ; par exemple, chez la souris, la
demi-vie de l’isoforme 14 est 3,2 fois plus longue que celle de
l’isoforme 6 (10).
L’EPO endogène est ainsi un mélange de plusieurs isoformes
contenant entre 7 et 14 molécules d’acide sialique. Selon la
richesse en acide sialique, le poids moléculaire est compris entre
30 et 32 000 daltons.
Pris ensemble, ces éléments indiquent qu’il existe une relation
directe entre le contenu en acide sialique, la demi-vie plasmatique et l’activité biologique in vivo, mais une relation inverse
avec l’affinité pour les récepteurs et l’activité in vitro.
L’EPO humaine recombinante produite sur cellules CHO
contient entre 4 et 14 molécules d’acide sialique, car les chaînes
N-glycosylées peuvent n’être qu’à une seule branche (2-4). Les
EPO humaines recombinantes commercialisées (α [Eprex®] ou
β [Neorecormon®]) sont purifiées et sont un mélange de 6 isoformes contenant 9 à 14 molécules d’acide sialique, avec un
poids moléculaire moyen de 30 400 daltons.
Ces considérations ont conduit à augmenter la glycosylation de
l’EPO de façon à obtenir une “EPO” moins rapidement dégradée, et donc pouvant être administrée moins fréquemment.
La glycosylation de l’EPO endogène est nécessaire à sa sécrétion par les cellules productrices et elle améliore sa solubilité
(5, 6).
16
STRUCTURE DE LA DARBEPOETIN ALFA (NESP) (figure 2)
Par rapport à l’EPO, humaine ou recombinante, la NESP est
constituée d’une séquence fixe de 165 acides aminés, voisine
de celle de l’EPO, sur laquelle sont greffées 6 chaînes glucidiques variables : les 3 chaînes N-glycosydiques en position
24, 38 et 83 et la chaîne O-glycosydique en position 126,
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Acide sialique
14
22
30 400
37 100
Pourcentage hydrate de carbone
40
51
Point isoélectrique
4,0
3,3
T1/2-h-
3,0
6,5
P
Affinité relative
4,3
1,0
D
Activité relative
1,0
3,6
R
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P
A
A
30
32
87
88
90
Figure 3. Représentation schématique des différences entre l’érythropoïétine et la darbepoetin alfa (10).
S
A
130
• 2 chaînes N-glycosydiques
supplémentaires
en 30 et 88
• Réarrangement
séquence acides
aminés
3
PM-daltons120
NESP
Chaîne N-glycosylée
A
E
F
Chez la souris, la demi-vie plasmatique de la NESP est 2 fois
plus longue que celle de l’EPO ; son affinité pour les récepteurs est 4,3 fois plus faible que celle de l’EPO, mais son activité biologique in vivo est 3,6 fois plus élevée (10).
Les principales différences entre la NESP et l’EPO sont schématisées sur la figure 3.
L
29 C -S-S- C 33
30 N
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EPO
Alanine
Histidine
Proline
Tryptophane
Proline
PHARMACOCINÉTIQUE HUMAINE DE LA NESP
NESP
Asparagine
Thréonine
Valine
Asparagine
Thréonine
Figure 2. Structure de la darbepoetin alfa, ou NESP.
comme sur l’EPO, mais, en plus, 2 chaînes N-glycosydiques
en position 30 et 88. Les positions de ces 2 chaînes additionnelles de glycosylation n’ont pas été choisies au hasard, mais
définies de façon à ne pas modifier la structure ternaire, et donc
les capacités de fixation aux récepteurs de l’EPO (10).
Cela a nécessité un réarrangement de la séquence d’acides aminés, puisque la N-glycosylation ne peut se faire que sur une
séquence asparagine – acide aminé x – sérine/thréonine. L’alanine en 30 et le tryptophane en 88 de l’EPO ont donc été remplacés par de l’asparagine ; l’histidine en 32 et la proline en 90
ont été remplacées par de la thréonine et la proline en 87 par
de la valine.
La séquence d’acides aminés de la NESP étant différente de
celle de l’EPO native, la NESP n’est pas de l’érythropoïétine,
mais une protéine voisine, stimulant également l’érythropoïèse.
Compte tenu des 2 chaînes supplémentaires de glycosylation,
le contenu en hydrate de carbone de la NESP représente 51 %
du poids moléculaire versus 40 % pour l’EPO, et son poids
moléculaire moyen est plus élevé : 37 100 daltons versus
30 400 daltons pour l’EPO. Le nombre maximal de molécules
d’acide sialique de la NESP est de 22 versus 14 pour l’EPO.
La Lettre du Pharmacologue - Volume 17 - n° 1 - janvier-février 2003
La NESP ayant été élaborée avec l’objectif de prolonger sa
durée d’action en ralentissant son élimination, plusieurs études
ont été entreprises chez l’homme de façon à vérifier l’hypothèse de départ.
La NESP plasmatique est dosée par polarisation de fluorescence en utilisant une trousse ELISA commerciale (R et D Systems, Minneapolis, États-Unis) destinée au dosage de l’EPO,
dont les anticorps ont une réaction croisée avec les deux molécules ; la limite de quantification est de 0,14 ng/ml.
La pharmacocinétique de la NESP a d’abord été étudiée chez
onze patients insuffisants rénaux sévères, traités par dialyse
péritonéale continue ambulatoire, qui ont reçu en essais croisés, à 4 semaines d’intervalle, des doses intraveineuses équimolaires d’EPOα (Eprex®) 100 UI/kg et de darbepoetin alfa
0,5 µg/kg (13). Les cinétiques plasmatiques sont présentées sur
la figure 4 et les paramètres pharmacocinétiques dans le
tableau I. La demi-vie plasmatique de la NESP (25,3 ± 2,2 h)
est 3 fois plus longue que celle de l’EPOα (8,5 ± 2,4 h) et sa
clairance est 2,5 fois plus faible (1,6 ± 0,23 versus
4,0 ± 0,3 ml/h/kg). Les volumes apparents de distribution de
la NESP et de l’EPOα, respectivement 52,4 ± 2,0 et
48,7 ± 2,1 ml/kg, sont comparables et voisins du volume plasmatique.
Six des patients qui avaient reçu NESP et EPOα en intraveineux ont reçu, 4 semaines après la dernière injection, une dose
supplémentaire de NESP par voie sous-cutanée ; les cinétiques
plasmatiques de la NESP intraveineuse et sous-cutanée
(0,5 µg/kg) sont présentées sur la figure 5 ; la demi-vie souscutanée de la NESP (48,8 ± 12,7 h) est deux fois plus longue
que la demi-vie intraveineuse. La biodisponibilité sous-cutanée de la NESP est de 37 ± 7 %.
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Concentration sérique (ng/ml)
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La comparaison des cinétiques de la NESP et de l’EPO après
injection sous-cutanée n’a pas fait l’objet d’études spécifiques,
mais des données de la littérature permettent cette comparaison. Halstenson et al. (14) ont administré, en essai croisé, à
18 volontaires sains des doses intraveineuses et sous-cutanées
de 100 UI/kg d’EPOα (Eprex®) et d’EPOβ (Neorecormon®).
Les résultats obtenus sont présentés dans le tableau II comparativement à ceux de la NESP.
NESP 0,5 µg/kg
n = 11
1
t1/2 = 25,3 heures
0,1
Tableau II. Paramètres pharmacocinétiques de l’EPOα et β et de
la NESP après injection sous-cutanée de doses équimolaires équivalentes à 100 UI/kg d’EPO.
EPO 100 U/kg
n = 10
EPO(14)
t1/2 = 8,5 heures
0,01
0
12
24
36
48
60
α
β
0,94 ± 0,25
0,71 ± 0,36
(141 ± 72)*
0,66 ± 0,28
(131 ± 55)*
Tmax -h-
54 ± 12
15 ± 8
15 ± 7
F -%-
37 ± 7
32 ± 9
33 ± 8
T1/2 -h-
49 ± 12
19 ± 11
24 ± 11
NESP
(13)
72
84
Cmax -ng/ml-
96
Figure 4. Cinétiques sériques de la NESP et de l'EPOα après injection intraveineuse unique (13).
* mUI/ml (1 µg NESP = 200 UI EPO).
Tableau I. Paramètres pharmacocinétiques de l’EPOα et de la
NESP après injection intraveineuse de doses équimolaires équivalentes à 100 UI/kg d’EPOα (13).
EPOα
NESP
p
T1/2-h-
8,5 ± 2,4
25,3 ± 2,2
< 0,001
CI -ml/h/kg-
4,0 ± 0,3
1,6 ± 0,3
< 0,001
ASC -h.ng/ml-
132 ± 8
291 ± 8
< 0,001
49 ± 2
52 ± 2
NS
Vss -ml/kg-
Concentration sérique de NESP (ng/ml)
NS : non significatif.
10
La résorption sous-cutanée est lente, avec des Tmax des EPOα
et β de 15 h. Cela est dû à l’hydrophobicité de l’EPO et à la
taille de la molécule ; la résorption sous-cutanée de la NESP
est encore plus lente (Tmax = 54 h), en rapport avec un poids
moléculaire plus élevé et une hydrophobicité plus importante.
La demi-vie plasmatique de la NESP par voie sous-cutanée est
2 fois plus longue que celle des EPOα et β en sous-cutané ; ces
dernières sont voisines de celle de la NESP injectée par voie
intraveineuse.
Au plan pharmacocinétique, la NESP se distingue principalement des EPOα et β par une demi-vie plus longue due à une
diminution de la clairance, puisque les volumes de distribution
sont comparables.
i.v. : 0,5 µg/kg
(n = 6)
t1/2 = 25,3 heures
1
s.c. :
0,5 µg/kg
(n = 6)
0,1
t1/2 = 48,8 heures
0,01
0 12 24 36 48 60 72 84 96 108 120 132 144 156 168 180
Figure 5. Cinétiques sériques de la NESP après injections uniques
par voie intraveineuse et sous-cutanée (13).
18
La biodisponibilité sous-cutanée de la NESP est incomplète et
comparable à celle des EPOα et β. Cette biodisponibilité absolue non complète est due à la taille des molécules et à la dégradation de l’EPO dans la peau par des peptidases.
Des résultats pharmacocinétiques identiques sont rapportés
chez des patients cancéreux après injections sous-cutanées de
NESP aux doses de 0,5 µg/kg (15) et de 2,25 µg/kg (16).
La pharmacocinétique de la NESP est linéaire, indépendante
du rythme d’administration, une ou trois fois par semaine, et
de la durée du traitement, jusqu’à 12 semaines (16, 17).
La pharmacocinétique de la NESP a également été étudiée chez
des enfants âgés de 3 à 16 ans (18) ; les résultats sont présentés
dans le tableau III comparativement à ceux obtenus chez des
adultes avec la NESP (13) et chez des enfants avec l’EPOβ (19).
Chez ce petit nombre d’enfants, il n’a pas été trouvé de relation entre l’âge et les paramètres pharmacocinétiques de la
NESP. Les paramètres pharmacocinétiques de la NESP chez
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Tableau III. Paramètres pharmacocinétiques de la NESP et de
l’EPOβ chez des enfants.
NESP
enfants(18)
(3-16 ans)
adultes(13)
EPOβ
enfants(19)
(9-16 ans)
5,6 (4,4-6,9)
Intraveineux
T1/2 -h-
22,1 (12-30)
25,3 (17-40)
Cl -ml/h/kg-
2,3 (1,6-3,5)
1,6 (1,3-2,0)
10 (7-15)
Vss -ml/kg-
52 (21-73)
52 ± 2
80 (65-110)
Sous-cutané
Tmax -h-
36 (10-58)
54 (36-72)
10
T1/2 -h-
43 (16-86)
49 (34-68)
21 (9-37)
F -%-
54 (32-70)
37 (30-50)
40 (20-64)
les enfants sont voisins de ceux des adultes ; par rapport à
l’EPOβ, on retrouve chez les enfants les mêmes différences que
chez les adultes.
Rappelons qu’actuellement la NESP n’est indiquée que chez
les enfants de plus de 11 ans.
ÉTUDE CLINIQUE DE LA NESP
Plusieurs études cliniques de la NESP ont permis de définir la
posologie et le rythme optimal d’administration comparativement à l’EPO humaine recombinante commercialisée. Les premières études ont été réalisées chez des patients insuffisants
rénaux traités ou non par dialyse ; des études plus récentes ont
été effectuées chez des patients cancéreux.
Recherche de la posologie optimale
La NESP a été administrée en doses croissantes de 0,075,
0,225, 0,450 et 0,750 µg/kg/sem. en une ou trois injections
hebdomadaires à des patients insuffisants rénaux traités par
épuration extrarénale, soit par voie sous-cutanée chez les
patients en dialyse péritonéale, soit par voie intraveineuse chez
les patients hémodialysés. Chaque dose était administrée pendant 4 semaines (20). L’augmentation de l’hémoglobine est
dose-dépendante, indépendante de la voie d’administration, et
il n’y a pas de différence entre l’administration de la dose hebdomadaire en une ou trois injections. La posologie optimale
paraît être de 0,45 µg/kg/sem. en une injection hebdomadaire
par voie intraveineuse ou sous-cutanée ; les doses plus faibles
ne permettent pas une efficacité biologique adéquate appréciée par une augmentation de l’hémoglobine 1g/dl/mois et
un maintien entre 11 et 13 g/dl ; la dose plus élevée de
0,75 µg/kg/sem. entraîne une augmentation trop importante de
l’hémoglobine, en particulier par voie intraveineuse.
Comparaison à l’érythropoïétine humaine recombinante
Cinq études ont comparé la NESP à l’érythropoïétine humaine
recombinante (r-Hu EPO) chez des patients insuffisants rénaux.
Dans ces études, l’EPO et la NESP étaient initialement administrées sur une base équimolaire, sachant que 1 µg de NESP
est équivalent à 200 UI de r-Hu EPO.
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Dans l’étude de Locatelli et al. (21), 166 patients insuffisants
rénaux chroniques non encore dialysés et n’ayant pas été déjà
traités par l’EPO ont été inclus ; 129 ont reçu 0,45 µg/kg de
NESP, par voie sous-cutanée en une injection par semaine
pendant 24 semaines ; les 37 autres recevaient de l’EPOα à raison de 2 injections par semaine de 50 UI/kg pendant
24 semaines ; la dose hebdomadaire d’EPOα est de 10 % plus
élevée que la dose équimolaire de NESP. Les critères d’efficacité étaient une augmentation de l’hémoglobine 1 g/dl/mois
et le maintien de l’hémoglobinémie entre 11 et 13 g/dl. Des
ajustements posologiques étaient effectués pour obtenir la
réponse biologique désirée.
Au cours des 4 premières semaines de traitement avec les posologies initiales, l’augmentation de l’hémoglobine a été de
1,38 g/dl (IC95 : 1,21-1,55) avec la NESP et de 1,40 g/dl
(IC95 : 1,07-1,72) avec l’EPOα. Le temps médian pour obtenir
une hémoglobinémie entre 11 et 13 g/dl était de 7 semaines, identique pour les deux groupes de patients ; 93 % des patients traités par NESP et 92 % par EPOα ont atteint cet objectif, avec les
posologies initiales chez 58 % des patients sous NESP et 59 %
sous EPO ; la posologie a dû être augmentée chez 35 % (NESP)
et 32 % (EPOα) des patients et diminuée chez 7 % (NESP) et
9 % (EPOα) des patients. Les posologies moyennes hebdomadaires à la 24e semaine étaient de 0,46 µg/kg (extrêmes 0,3-2,3)
pour la NESP et de 100 UI/kg (extrêmes 75-175) pour l’EPOα.
Une deuxième étude a été réalisée chez 122 insuffisants rénaux
chroniques sévères en hémodialyse ou dialyse péritonéale qui
n’avaient pas déjà été traités par EPO (22). Quatre-vingt-onze
patients ont reçu de la NESP par voie intraveineuse ou souscutanée à la posologie de 0,45 µg/kg en une injection par
semaine pendant 20 semaines ; 31 patients ont reçu de l’EPOα
à la posologie de 50 UI/kg x 3/sem., par voie intraveineuse ou
sous-cutanée, également pendant 20 semaines. Compte tenu du
rapport pondéral des deux produits, la posologie d’EPOα
(150 UI/kg/sem.) est plus élevée que celle de NESP (0,45 µg
correspondant à 90 UI/kg/sem.). Dans ces conditions, les modifications de l’hémoglobine sont plus importantes avec l’EPOα
qu’avec la NESP (augmentation de l’hémoglobine pendant les
4 premières semaines de traitement : 1,33 g/dl versus 1,10 g/dl ;
pourcentage de patients atteignant les objectifs – identiques à
ceux de l’étude précédente – : 84 % versus 72 % ; temps nécessaire pour atteindre ces objectifs : 8 semaines versus
10 semaines). Les doses nécessaires à l’obtention des objectifs
ont dû être augmentées, principalement pour la NESP : à la
20e semaine, les posologies hebdomadaires moyennes étaient
de 0,56 µg/kg pour la NESP et de 156 UI/kg pour l’EPOα.
Les différences de résultats et de posologies de cette étude par
rapport à celle de Locatelli et al. (21) sont la conséquence d’une
anémie et d’une insuffisance rénale plus sévères des patients
dialysés.
Les trois autres études cliniques, réalisées chez des patients déjà
traités par EPO, avaient comme objectif de préciser si la NESP
était aussi efficace que l’EPO pour maintenir les taux d’hémoglobine avec une moindre fréquence d’administration.
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L’étude de Nissenson et al. (23) a été effectuée chez 507 patients
hémodialysés recevant de l’EPOα par voie intraveineuse 3 fois
par semaine ; leur hémoglobinémie était stable, en moyenne à
11,2 g/dl (9,6-12,6). Ces patients ont été randomisés en
deux groupes : 338 ont continué leur traitement à l’EPOα et,
chez 169 patients, l’EPOα a été remplacée par la NESP administrée par voie intraveineuse, 1 fois par semaine, à une dose
équivalente à celle de l’EPOα : la dose totale hebdomadaire
d’EPOα en UI au moment de la randomisation a été transformée en µg de NESP sur la base de 1 µg de NESP = 200 UI
d’EPOα.
Les doses d’EPOα et de NESP étaient éventuellement ajustées
pour maintenir les concentrations individuelles d’hémoglobine
dans les limites [-1,0 à + 1,5 g/dl] des valeurs basales à la
randomisation.
La figure 6 montre les variations de l’hémoglobinémie chez
les 240 patients traités par EPOα et les 121 traités par NESP
qui ont terminé les 28 semaines de l’étude. Les posologies hebdomadaires moyennes initiales d’EPOα et de NESP étaient
respectivement de 12 706 UI et de 63,2 µg (1 µg
NESP = 201 UI EPO) ; pour maintenir l’hémoglobinémie, la
posologie moyenne de l’EPOα n’a pratiquement pas été modifiée, celle de la NESP a dû être diminuée ; lors de la période
d’évaluation, les posologies moyennes hebdomadaires
d’EPOα et de NESP étaient respectivement de 13 639 UI et
de 54,2 µg (1 µg NESP = 252 UI EPO). Cette constatation
pourrait être la traduction d’une activité biologique intrinsèque
plus importante de la NESP chez l’homme, comme cela a été
montré chez l’animal (10).
Une étude semblable a été menée chez 522 patients en hémodialyse ou dialyse péritonéale recevant de l’EPOα par voie souscutanée ou intraveineuse 1 (n = 101), 2 (n = 177) ou 3 (n = 244)
Phase d’ajustement de la dose
Évaluation
Hémoglobinémie (g/dl)
15
10
NESP (n = 121)
EPO (n = 240)
5
0
0
2
4
6
8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30
Semaines
Figure 6. Hémoglobinémie (g/dl) lors d’un traitement intraveineux
pendant 28 semaines par la NESP injectée une fois par semaine et
l’EPOα injectée trois fois par semaine (23).
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fois par semaine (24). Leur hémoglobinémie était stable, entre
9,5 et 12,5 g/dl. Ces 522 patients ont été randomisés en deux
groupes : 175 ont continué à recevoir l’EPOα à la même dose
avec le même rythme d’administration ; chez les 347 autres
patients, l’EPOα a été remplacée par la NESP à dose équimolaire (200 UI EPO = 1 µg NESP), mais avec une fréquence
d’administration moindre : les patients qui recevaient l’EPOα
2 ou 3 fois par semaine reçoivent la NESP une fois par semaine
(n = 281) ; ceux qui recevaient l’EPOα une fois par semaine
reçoivent la NESP toutes les 2 semaines (n = 66). Comme dans
l’étude précédente (23), quelques modifications posologiques
ont dû être effectuées pour maintenir l’hémoglobine dans l’intervalle [-1,0 à + 1,5 g/dl] par rapport aux valeurs basales. La
NESP injectée toutes les une ou deux semaines maintient l’hémoglobine dans la fourchette recherchée ; les doses intraveineuses et sous-cutanées de NESP sont identiques, alors que les
doses intraveineuses d’EPOα sont de 22 % plus élevées que les
doses sous-cutanées.
Des résultats identiques ont été obtenus dans la dernière étude
(25), au cours de laquelle 703 patients en hémodialyse ou dialyse péritonéale recevant de l’EPOα par voie sous-cutanée ou
intraveineuse, une, deux ou trois fois par semaine ont été traités par la NESP administrée, par la même voie, à une posologie équimolaire, mais une fois toutes les une ou deux semaines
selon le rythme d’administration de l’EPOα.
Une analyse rétrospective récente (26) des résultats obtenus
dans ces trois études prospectives (23-25) indique que la correspondance pondérale entre l’EPO et la NESP n’est pas forcément valide, en particulier pour des posologies élevées,
et qu’elle surestime la posologie de la NESP. Il a été calculé
que pour des posologies moyennes hebdomadaires
d’EPO inférieures à 7 500 UI/sem., la correspondance
200 UI EPO = 1 µg NESP était valable, mais qu’au-delà, des
doses plus faibles de NESP étaient suffisantes pour maintenir l’hémoglobinémie ; par exemple, pour une posologie antérieure de 30 000 UI/sem. d’EPO, il suffit de 90 µg/sem. de
NESP pour maintenir l’hémoglobinémie, soit un rapport de
331 :1, ce qui est en accord avec les résultats de l’étude de
Nissenson et al. (23) qui montrent un rapport de 252:1 pour
une posologie d’EPO de 13 639 UI/sem. Mais cela nécessite
d’être vérifié chez un plus grand nombre de patients et validé
dans des études contrôlées.
De ces cinq études, il ressort que la NESP administrée une fois
par semaine entraîne les mêmes augmentations de l’hémoglobine que l’EPOα administrée 2 ou 3 fois par semaine chez des
patients insuffisants rénaux chroniques, traités ou non par
dialyse. La posologie initiale moyenne de NESP est de
0,45 µg/kg/sem. à adapter selon les constatations biologiques.
Si la NESP remplace l’EPO, la posologie hebdomadaire initiale peut être calculée à partir de la posologie hebdomadaire
d’EPO selon la formule 200 UI EPO = 1 µg NESP, puis adaptée en fonction des résultats.
Comme avec l’EPO, on observe avec la NESP une grande variabilité interindividuelle de la posologie pour obtenir une même
modification de l’hémoglobinémie, ce qui justifie un suivi biologique régulier.
La Lettre du Pharmacologue - Volume 17 - n° 1 - janvier-février 2003
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Les doses intraveineuses et sous-cutanées de NESP sont identiques, alors que plusieurs études, synthétisées par Besarab (27),
ont montré que, pour obtenir un même effet sur l’hémoglobine,
les doses intraveineuses d’EPOα ou β doivent être de 23 à 47 %
plus élevées que les doses sous-cutanées.
Études cliniques en cancérologie
La première étude (28) a été réalisée chez 87 patients cancéreux, présentant une anémie (hémoglobinémie moyenne
9,9 g/dl, extrêmes 7,3-11,4). Ces patients n’avaient pas de thérapeutique cytotoxique ou de radiothérapie en cours. Répartis
en quatre groupes, ils ont reçu de la NESP aux doses de 0,5
(n = 6), 1,0 (n = 33), 2,25 (n = 18) et 4,5 (n = 30) µg/kg/sem.
en une injection sous-cutanée hebdomadaire pendant
12 semaines. Chez aucun patient, y compris ceux recevant la
dose la plus élevée, l’augmentation de l’hémoglobine pendant
les quatre premières semaines de traitement n’a été supérieure
à 2 g/dl. L’augmentation de l’hémoglobine est dose-dépendante
et, à la fin du traitement, les augmentations par rapport à l’hémoglobine de départ sont respectivement pour les 4 doses de
1,45, 1,71, 2,63 et 2,91 g/dl.
La deuxième étude (29) a été effectuée chez 107 patients cancéreux traités par chimiothérapie, présentant une anémie (hémoglobine moyenne 9,9 g/dl, extrêmes 6,9-12,0). La NESP était
administrée en une dose hebdomadaire sous-cutanée aux posologies de 0,5 (n = 13), 1,5 (n = 35) et 2,25 (n = 59) µg/kg/sem.
pendant 12 semaines. Comme dans l’étude précédente, l’augmentation de l’hémoglobine est dose-dépendante avec, en fin
de traitement, des augmentations respectives pour les 3 doses
de 1,24, 1,73 et 2,15 g/dl.
Dans une troisième étude (30), la NESP était administrée aux
posologies de 4,5 (n = 32), 6,75 (n = 17), 9,0 (n = 46) et 12,0
(n = 28) µg/kg en une injection toutes les 3 semaines à des patients
sous chimiothérapie présentant des tumeurs solides et une hémoglobine basale inférieure à 11 g/dl. Un 5e groupe de patients
(n = 51) recevait du placebo. L’augmentation de l’hémoglobine
est dose-dépendante. Les résultats préliminaires suggèrent que
la darbepoetin alfa pourrait être cliniquement efficace chez des
patients cancéreux en une injection toutes les 3 semaines.
Une étude récente (31) confirme chez 149 patients atteints d’un
cancer du poumon et traités par chimiothérapie que la NESP à
la posologie de 2,25 µg/kg en une injection hebdomadaire augmente l’hémoglobinémie et diminue le recours aux transfusions
par rapport aux 145 patients traités par placebo.
Les résultats de ces quatre études indiquent que la NESP
augmente l’hémoglobine des patients cancéreux, traités ou non
par chimiothérapie, mais ils demandent à être validés dans
des études contrôlées versus placebo et EPO ; la posologie
optimale doit également être précisée, ainsi que le rythme
d’administration.
La darbepoetin alfa a obtenu en août 2002 une extension d’indications dans le traitement de l’anémie de patients adultes
atteints de tumeurs solides et traités par chimiothérapie.
La Lettre du Pharmacologue - Volume 17 - n° 1 - janvier-février 2003
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Tolérance
Dans toutes les études cliniques, la tolérance de la NESP
a été évaluée, comparativement à celle de l’EPO. Les
effets indésirables de la NESP sont comparables, en qualité et en fréquence, à ceux de l’EPO ; le plus fréquent est
l’hypertension artérielle ; des symptômes pseudogrippaux avec céphalées, fatigue, vertige, asthénie, douleurs articulaires ont également été signalés, ainsi que des
œdèmes périphériques.
Il a été récemment rapporté de rares cas d’érythroblastopénies
avec anticorps anti-érythropoïétine, principalement avec l’EPOα,
mais également avec l’EPOβ, survenant après plusieurs mois ou
années de traitement, en majorité lors d’injections par voie souscutanée ; pour l’EPOα, la fréquence est estimée à 20,06 pour
100 000 patients-années par voie sous-cutanée et 0,67 pour
100 000 patients-années par voie intraveineuse (32).
Lors des études cliniques de la NESP, ces anticorps ont été
recherchés. À ce jour, il n’en a pas été trouvé, mais le nombre
de patients est plus faible et le recul plus limité qu’avec les
EPOα et β.
CONCLUSION
La darbepoetin alfa présente une activité biologique comparable à celle de l’érythropoïétine humaine recombinante utilisée en thérapeutique, mais avec des administrations plus espacées, ce qui peut être un avantage chez de nombreux patients,
en particulier ambulatoires.
À ce jour, la darbepoetin alfa n’est indiquée que dans le traitement de l’anémie, liée à l’insuffisance rénale chronique chez
l’adulte et l’enfant de plus de 11 ans, et dans celle de patients
adultes atteints de tumeurs solides et traités par chimiothérapie. Des extensions d’indication sont en cours d’étude.
L’augmentation de l’intervalle d’administration est particulièrement intéressant en pédiatrie, et il serait souhaitable de
disposer d’études dans cette population permettant de traiter
des enfants de moins de 11 ans.
L’équivalence des doses intraveineuses et sous-cutanées permet certainement de “revenir” à l’administration intraveineuse
chez les patients hémodialysés en s’affranchissant du surcoût
entraîné par cette voie avec les EPOα et β.
La darbepoetin alfa est une alternative aux deux EPO actuellement commercialisées, ce qui peut être intéressant compte tenu
des événements indésirables décrits ces derniers temps, mais
le recul avec la darbepoetin alfa est limité, et sa place dans la
panoplie thérapeutique reste à préciser.
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