Romain BRIAT - Sciences Po Service Carrières

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Romain BRIAT - Sciences Po Service Carrières
Rapport de stage
Chargé de développement
BUSINESS FRANCE
Ambassade de France à Kuala Lumpur
Malaisie
Romain Briat
Collège Universitaire
2014-2015
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Table des matières
1. Etapes préliminaires
1.1 L’intuition
1.2 Les démarches
2. Le stage
2.1 Ubifrance, l’agence française pour le développement international des entreprises
2.2 Faire un stage chez Ubifrance
2.3 Mon stage chez Ubifrance : missions et réalisations
2.4 Connaissances assimilées, compétences et savoir-être acquis
3. Appréciation culturelle
3.1 « Malaysia, truly Asia » ? L’expérience de confrontation avec la différence
3.2 Appréciation du contexte politique et socioculturel
4. Mon « équipée malaise ». Expériences originales hors-stage
5. Bilan des objectifs fixés
5.1 Bilan des objectifs d’ouverture culturelle
5.2 Bilan des objectifs d’apprentissage linguistique
5.3 Evolution de mon projet académique et professionnel
Annexes
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1. Etapes préliminaires
1.1
L’intuition
« Nous ne voyageons pas pour le plaisir de voyager, que je sache. Nous sommes cons,
mais pas à ce point »
Samuel Becket, Mercier et Camier
Cette troisième année a mis bien du temps à se dessiner. Je portais
simplement, le plus clair de mon cheminement, la volonté dure mais floue de
réaliser un ou plusieurs stages. Non pas que j’avais alors une dent contre
l’université, bien au contraire : l’idée était de m’en éloigner un peu, pour faire
le point sur ce qu’elle m’avait transmis en termes de savoir-faire et de savoirêtre, et avec l’intuition de revenir plus déterminé à apprendre, plus conscient de
ma chance, plus ouvert. Ces intentions mêlées et raisonnées ont peu à peu pris
le pas sur le rêve initial – je dois l’avouer – d’étudier dans une prestigieuse
université étrangère.
En même temps, une des motivations à opter pour l’option du stage est
la possibilité de doubler la mise : vivre au moins deux expériences, chacune
aux antipodes de mes habitudes françaises, mais aussi radicalement différentes
entre elles deux. Parier deux fois, en l’occurrence, c’était se lancer deux fois le
défi de l’adaptation et de la réussite dans des environnements différents,
multiplier les champs de l’expérience – ce que ne permet pas non plus une
année universitaire. Nul besoin de préciser pour l’instant les données concrètes
de chacune de ces expériences ; je ne savais pas encore ce que je voulais, et
ignorais même où la radicalité du contraste allait résider : dans la culture et la
géographie ? Dans le type d’activité, le type de personnes ? Peu importe : il
était difficile, dès le stade de la prise de conscience de ce potentiel, de ne pas y
regarder plus près. Je me dois d’ajouter que les quelques témoignages recueillis
auprès de camarades plus âgés m’avaient mis sur la piste : alors que les
stagiaires étaient unanimes sur la force de l’expérience vécue, l’avis des
étudiants en échange était certes toujours positif mais plus terne, leur histoire,
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plus commune. Il n’est guère utile de s’étendre sur les autres points, plus
classiques, qui asseyaient ma motivation : curiosité du monde de l’entreprise,
défi de l’intégration dans des cercles professionnels, désir profond
d’autonomisation.
1.2 Les démarches
Quoi qu’il en soit, à cette prise de conscience toute stimulante succéda
une petite prise de conscience : celle de la complexité des chemins. Comment
concrétiser tout cela ? C’est-à-dire deux choses, deux vastes ensembles de
difficultés : que chercher, et comment chercher ? Les réponses furent plus
longues à venir. Je ne savais pas du tout ce que je voulais, à tous points de vue :
acteurs, secteurs, géographie. Pour le premier stage, après avoir caressé l’idée
du cabinet d’avocat, je me suis tourné vers les ambassades. Pourtant, je
souhaitais également vivre une expérience en entreprise, avec tout ce que cela
implique notamment en termes d’obligation de résultats, de dynamique et de
stimulation par des projets de groupe.
J’ai alors appris l’existence d’Ubifrance, pendant des services
économiques traditionnels des ambassades de France. Cet agent, que je décrirai
en détails plus loin, m’assurait la découverte des secteurs public et privé, à leur
intersection : fonctionnant comme une petite entreprise, il est tout de même
relié à l’Etat qui le contraint à une mission de service public. Après avoir
postulé à divers bureaux – la plupart en Asie du sud-est, région qui m’attirait
tout particulièrement –, j’ai reçu une réponse positive de celui du Vietnam,
basé à Ho-Chi Minh. Finalement, la convention ne fut pas signée du fait
d’impossibilités de calendrier. Mais ce ne fut qu’un contretemps, puisque
quelques jours plus tard un membre d’Ubifrance Malaisie me relançait.
Quelques mails et un entretien Skype plus tard, la convention fut signée. Le
stage s’étendrait sur six mois, de septembre à mars.
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2. Le stage
2.1 Ubifrance 1 , l’agence française pour le développement
international des entreprises
Qu’est-ce qu’Ubifrance ? En clair, quels sont ses statut, missions,
activités ?
Ubifrance est, à l’instar de l’Agence Française de Développement, ou
encore, dans d’autres champs, l’INA et la RATP, un Etablissement Public à
Caractère Industriel et Commercial (EPIC). C’est-à-dire, une entité de droit
public réalisant des services qui pourraient éventuellement être assurés par une
entité commerciale privée, mais que l’Etat a choisi de maîtriser pour garantir
un service public et focaliser l’activité pour le long terme sur une mission
prédéfinie. Ubifrance, pour agir en faveur de l’expansion internationale des
entreprises, agit de manière cohérente avec Bpifrance et Coface – avec
lesquelles elle a créé le label Bpifrance –, sous la tutelle du Ministère de
l’Economie, des Finances et de l’Emploi, du Ministère du Commerce Extérieur
et de la Direction Générale du trésor et de la Politique Economique. Entre 2012
et 2014, elle a effectué plus de 50 000 accompagnements d’entreprises
françaises à l’export, et organisé environ 2 000 évènements B to B à l’étranger.
Ajoutons à ces acteurs la banque Oséo, et nous voilà en présence de ce qui a pu
être appelé les « clés de l’export » : prospection, financement et assurance.
Coface garantit en effet cette dernière, grâce à l’assurance prospection,
autrement dit la protection contre le risque de démarches commerciales
infructueuses. De son côté, Oséo rend accessible différents prêts de
financement des projets exportateurs : les Prêts Pour l’Export (PPE), et les
Contrats de Développement lorsqu’il s’agit d’investissements immatériels.
Avant de développer les missions menées, puis l’expérience acquise, il
s’agit d’expliquer plus en détails le fonctionnement de l’agence. Les activités
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Ubifrance est devenu Business France en janvier 2015. Avant de détailler cette réforme plus
loin, je conserverai l’appellation historique – qui n’a aujourd’hui plus cours.
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de Business France sont réparties en quatre pôles sectoriels :
1. les nouvelles technologies de l’information et des services (NTIS),
2. la mode, l’habitat et la santé (MHS),
3. l’agroalimentaire (Agrotech),
4. les infrastructures, transports et technologies (ITI).
L’effectif, légèrement variable selon les pays, se trouve en Malaisie de
taille intermédiaire : avec trois personnes en moyenne par secteur, une
directrice des ressources humaines qui est aussi chargée de la comptabilité, et
enfin un directeur pays, l’équipe compte moins de quinze personnes. Certains
bureaux Ubifrance jouissent d’une compétence régionale, le long de grandes
régions africaines ou à la manière du bureau de Sydney qui est, en sus de
l’Australie, en charge du territoire néozélandais. A l’inverse, certains pays
abritent plusieurs bureaux Ubifrance, il y en a notamment trois aux Etats-Unis.
Dans le cas de l’Asie du sud-est, seul le Laos n’a pas encore vu l’installation
d’un bureau Ubifrance – ce pays est géré par le bureau de Bangkok.
Les services proposés par l’agence sont très variés, et peuvent se
synthétiser en plusieurs gammes générales proposées par tous les services. Une
première est dite « d’information et de conseil », et recouvre notamment, pour
les plus courantes : des activités de brève – définie comme une « dépêche
présentant une opportunité d’affaire ou un événement marquant d’un couple
secteur/pays ou thème/pays ou thème/secteur » –, de fiche pratique de l’export
– « fiche présentant les techniques du commerce et du développement export »
–, de fiche marché – focalisée sur un secteur national porteur –, d’un Guide
général des affaires – décrivant le contexte économique, les étapes et les
bonnes pratiques du développement commercial dans le pays –, de profil
opérateur – identification et qualification des meilleurs contacts, accompagnés
d’une fiche détaillée –, d’étude de marché personnalisée, de statistiques de
marché personnalisée... La plupart de ces services sont payants selon une grille
tarifaire. Par ailleurs, d’autres services plus approfondis sont proposés : des
veilles de marché personnalisées, mais aussi des bases de données dans le
cadre de projets et appels d’offres (PROAO), par exemple. Certains peuvent
être davantage focalisés sur le droit et la réglementation en vigueur : Ubifrance
propose des études réglementaires et juridiques personnalisées, des synthèses
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réglementaires, etc. Chacun de ces services est de toute façon négociable au cas
par cas, dans le but de s’adapter au mieux à la demande de chaque entreprise.
En second lieu, on peut regrouper une autre série de services de
l’agence sous la catégorie « Contacts ». Ce qui recouvre tout d’abord l’activité
primordiale de prospection de marché. Au sein de laquelle on distingue d’abord
les tests sur l’offre, qui consistent en une sélection des prospects potentiels,
auxquels est présentée l’offre commerciale de l’entreprise, puis en une
synthèse des réactions recueillies pour confirmer la bonne réception des
produits sur le marché, et donc leur potentiel. Le deuxième service le plus
souvent vendu est la mission de prospection. Elle constitue en quelque sorte le
cœur de l’activité de Business France : cette dernière organise un programme
de rendez-vous personnalisé pour l’entreprise avec des contacts malaisiens ou
internationaux implantés en Malaisie. Tous les contacts nécessaires à la
préparation et la bonne réalisation de la mission, qui dure au moins deux jours,
sont fournis. Cette mission peut se faire collective à l’occasion de la venue de
délégations
d’entreprises,
accompagnant
la
visite
d’une
personnalité
ministérielle, ou alors conduite par un pôle économique français de
compétitivité. Dans son sillage, Business France offre un suivi de contact,
destiné à entretenir un courant d’affaires initié durant la prospection, et à
relancer certains contacts dont l’avis final n’avait pas été obtenu. Pour cela, les
responsables sectoriels relancent, qualifient et confirment l’intérêt ou non pour
l’offre du client auprès des contacts pré-sélectionnés. En dehors de la
prospection, de simples rencontres « B to B » sont proposées, soit de
découverte d’un marché au cours de laquelle les entreprises, via des visites et
des entretiens, s’informent sur les caractéristiques d’un marché pour mieux
connaître le milieu d’affaires et ses opportunités. Business France organise
également des colloques d’information en partenariat avec de grands acteurs
malaisiens, privés ou publics. Les entreprises françaises participantes ont ainsi
l’opportunité de présenter leur offre auprès d’acheteurs potentiels sélectionnés
par Business France, soit sous forme de mini-expositions pour les biens de
consommation, soit sous forme de colloque « standard » pour une savoir-faire
ou une technologie. Sans oublier la mise en place de Pavillons France dans le
cadre de salons professionnels internationaux ; Business France fait profiter
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aux entreprises françaises, ainsi regroupées, d’un soutien financier, logistique
et promotionnel.
De manière subsidiaire, une troisième gamme de services peut être
évoquée, dite de Communication. Elle concerne, tout d’abord, tous les
éléments de communication qui soutiennent chacun des événements évoqués
précédemment. Mais elle peut consister en des opérations autonomes, à
l’exemple de revues de presse.
2.2 Faire un stage chez Ubifrance
Comment faut-il appréhender un stage dans cette organisation : quels
sont le cadre de travail et les missions proposées aux stagiaires ?
Ubifrance reçoit régulièrement des stagiaires, et le plus souvent
plusieurs par bureaux (souvent deux ou trois), pour des périodes de moyen
terme à plus long terme, pouvant aller de cinq à huit mois environ et dépendant
en fait directement des besoins de chaque filière. Plus précisément, et de
manière pragmatique, dépendant des budgets liés aux événements collectifs –
mission de prospection pour délégation d’entreprises, colloque, organisation de
salons pour les trois cas les plus fréquents. Ces événements sont naturellement
les plus demandeurs en termes de volume de travail, et leurs budgets sont en
effet les seuls à même de dégager une marge suffisante pour héberger un
collaborateur supplémentaire. La rémunération des stagiaires d’Ubifrance est
par ailleurs le minimum fixé par la loi pour les stages de moins de deux mois,
soit environ 436 euros au moment de signer la convention. Somme qui s’est
trouvée rehaussée en 2015, en vertu d’un décret sur les stages entré en vigueur
au 1er janvier de cette année, restreignant, entre autres modifications du régime
précédent, le nombre de stagiaires au sein des entreprises.
En quoi consistait ce stage d’assistant chargé de développement ? Il fut
une contribution généraliste à la mission générale de Business France Malaisie,
identique à tous les bureaux Business France à travers le monde : une mission
de soutien aux entreprises françaises dans leurs démarches d’accès aux
marchés internationaux, en l’occurrence malaisien. J’allais donc intervenir dans
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différentes sphères d’activités, pour les plus significatives d’entre elles :
réalisation d’études de marché, soutien stratégique et logistique à l'organisation
de missions de prospection, organisation d'événements de promotion, rédaction
d'articles et de brèves sur l'actualité sectorielle et économique du pays.
Finalement, j’ai tout au long des six mois eu la chance de découvrir
cette agence de manière complète : de manière horizontale, en prenant part à
l’élaboration de nombreux projets et services différents, que l’on a évoqués cidessus, de manière verticale par ailleurs en m’intégrant au sein de deux
services différents, à savoir la filière « Agrotech » et la filière « Infrastructures,
Transports et Technologies » (ITI). J’ai en fait travaillé les quatre premiers
mois à parité pour les deux secteurs, avant d’être mobilisé exclusivement sur le
second à partir du mois de janvier. Cette évolution correspondait à mes
souhaits ainsi qu’aux besoins du bureau, mais j’ajoute que j’aurais volontiers
poursuivi ma collaboration avec la filière Agrotech si un nouveau stagiaire
n’était arrivé à cette période.
2.3 Mon stage chez Ubifrance : missions et réalisations
− Mon stage pour le service « Agrotech »
Au cours des trois premiers mois de mon contrat, j’ai pu effectuer des
missions très diverses. De manière extrêmement synthétique, les voici :
•
Rédaction et mise à jour de fiches sectorielles synthétisant l’activité
nationale et/ou régionale du secteur. Coordination avec les autres bureaux
Ubifrance de la zone ASEAN.
•
Veille économique sectorielle, publication d’études de marché et de brèves
d’actualité.
•
Analyse du marché au cas par cas et recherche de partenaires potentiels pour
des entreprises françaises du secteur agro-alimentaire. Contact des acteurs
malaisiens, publics et privés, par téléphone et par email. Mise sur pied de
programmes de rendez-vous « Business to Business » entre Français et
Malaisiens, avec gestion de la logistique, sur deux ou trois jours. Exemple de
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réussite : l’entreprise METAROM a conclu un partenariat de distribution
auprès d’un acteur local.
•
Organisation de missions collectives telles que :
o Le French Wine Tasting Event : venue d’un groupe de producteurs
français de vin, en coordination avec les autres bureaux Ubifrance de la
région afin de leur donner un aperçu du marché sud-est asiatique.
Accueil, organisation de visites de différents points de vente de Kuala
Lumpur, et d’une dégustation de vins à l’hôtel G-Tower de Kuala
Lumpur (gestion des invitations et coordination de la logistique avec les
salariés de l’hôtel). Résultats concluants : le Champagne LOMBARD &
MEDOT, par exemple, a signé des contrats de distribution grâce à cet
événement de dégustation, dont c’était la première édition. Lequel sera
reproduit à l’avenir, au vu de la satisfaction des Français tout comme des
Malaisiens.
o Le salon MIHAS 2015 – rencontre phare du marché du halal en Asie du
sud-est –, comprenant la campagne d’information, la mise en place d’un
Pavillon français, l’invitation du Grand Rabbin de la Mosquée de Lyon,
etc.
− Mon
stage
pour
le
service
« Infrastructures,
Transports
et
Technologies »
Ce département a occupé les deux tiers de mon temps. De même, les
missions se sont faites très variées, « au fil de l’eau » :
•
Rédaction et mise à jour de fiches sectorielles synthétisant l’activité
nationale et/ou régionale du secteur.
•
Veille économique sectorielle, publication d’études de marché et de brèves
d’actualité.
•
Mise à jour du Guide des Affaires de Malaisie, publié annuellement par
Ubifrance.
•
Synthèse visuelle fonctionnelle des acteurs malaisiens des secteurs du
transport, de l’énergie et de l’environnement, des infrastructures et du
développement immobilier.
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•
Mission de conseil en tant que sous-traitant du cabinet stratégique Arthur D
Little concernant l’étude du marché des services aéroportuaires. Approche et
interview
des
cadres-clés
des
grandes
compagnies
aériennes
et
aéroportuaires.
•
Analyse du marché au cas par cas et recherche de partenaires potentiels pour
des entreprises françaises du secteur agro-alimentaire. Contact des acteurs
malaisiens, publics et privés, par téléphone et par email. Mise sur pied de
programmes de rendez-vous « Business to Business » entre Français et
Malaisiens, avec gestion de la logistique, sur deux ou trois jours.
•
Organisation de missions collectives. Notamment :
o Le salon PETRONAS FORUM OIL & GAS – point d’orgue de mon
stage. Organisation de conférences, de programmes de rendez-vous
multiples, à l’hôtel Mandarin Oriental. Une vingtaine d’entreprises
françaises présentes, dont Technip, Total, etc. Elaboration de plaquettes
marketing. Organisation d’un cocktail d’arrivée et d’un cocktail de fin à
l’Ambassade de France. Rédaction des éléments de discours de
l’Ambassadeur et du directeur d’Ubifrance Malaisie.
o Le salon IGEM 2014 : sollicitations et information auprès d’un large
panel d’entreprises françaises, montage du pavillon français avec un
designer sous-traitant. Deux entreprises présentes : SERPOL (solutions
de dépollution et de gestion des déchets), et SMOOVE (système
innovant de partage public de vélos). L’entreprise Smoove signa ainsi un
contrat avec l’île malaisienne de Penang, entre autres (camps
d’universités, etc.). Rédaction d’un communiqué de presse.
o Le colloque « Energy Efficiency Symposium 2015 », en partenariat avec
la mission de Défense de l’Ambassade et TNB (Tenaga Nasional
Berhad), l’opérateur national malaisien, à l’hôtel Double Tree.
2.4 Connaissances assimilées, compétences et savoir-être acquis
− L’économie malaisienne : connaissances générales acquises
Au sein d’Ubifrance, il m’a fallu assimiler rapidement la toile de fond
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de l’environnement économique, quelques données générales en somme
indispensables à la compréhension de toutes les autres. Il s’agit d’être conscient
des dynamiques et de l’importance respective des différents secteurs
économiques, de l’évolution historique générale, et ensuite de connaître le plus
vite possible les acteurs majeurs des secteurs public et privé (français et
internationaux), leurs prérogatives respectives, pour la simple et bonne raison
qu’ils sont des partenaires de base d’Ubifrance et des autres services de
l’ambassade, et qu’un collaborateur d’Ubifrance se doit de les connaître pour
faire appel à eux de manière pertinente.
Pour ouvrir cette section, voici donc la préface que j’ai rédigée à la
demande du directeur du Bureau en guise d’annonce du Guide des Affaires, qui
synthétise la situation de l’économie malaisienne du point de vue français :
« La Malaisie, simple carrefour commercial pour contrats empaquetés,
hub commode pour hommes d’affaires pressés ? Telle est l’image, tels sont les
rôles auxquels l’on tend à réduire ladite contrée. Savamment, mais sans
habileté. Car c’est, hélas, nous-mêmes et notre avenir que nous réduisons
ainsi ; qui scions sciemment la branche sur laquelle l’on pourrait être assis.
Mais pour cela il n’est évidemment pas trop tard.
Car la branche pousse avec patience, grandit en assurance. La Malaisie
révèle des qualités et des ressources neuves, et le lierre qui circonvenait
sournoisement perd en vigueur. Cette nation croît solidement au sein de
l’ASEAN, présentant des chiffres élevés et réguliers – plus de 5,5 % de
croissance en moyenne sur les cinq dernières années. Sa solidarité avec ses
rameaux voisins libre-échangistes – qui promet d’ailleurs d’être accrue dans la
période qui s’ouvre – loin de dissimuler des insuffisances, assure la prospérité
de sa classe moyenne devenue vaste. Le potentiel de ce marché est limpide.
Les Français – grands groupes depuis des décennies, PME depuis peu – l’ont
bien compris, qui ont mis le cap hors de nos terres encalminées, et sont
aujourd’hui plus de 260 à arborer le fier drapeau. Ce rameau, en conséquence,
est passé pour nos entreprises du statut de pays client et partenaire industriel
d’exécution, à celui de partenaire stratégique et technologique, plateforme de
croissance régionale.
La branche bien soutenue par son tronc, génère de la confiance. En
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2014, selon le classement Doing Business, la Malaisie est le sixième pays au
monde le plus favorable aux affaires. Il est le premier en termes d’obtention de
prêt, et le quatrième au plan de la protection des investisseurs. C’est dire
combien la qualité de l’environnement confine à l’hospitalité, et c’est peu dire
que les températures tropicales s’étendent au climat économique. Le
gouvernement, tuteur astucieux, est déterminé à négocier habilement le passage
à la catégorie des pays à revenu moyen supérieur : au travers de programmes
pragmatiques impliquant très fortement le secteur privé dont les PME – faisant
de la Malaisie un pays de référence pour les partenariats publics-privés –, il
cherche à consolider la consommation interne, poser les bases nécessaires à
une économie du savoir, repenser les villes et les réseaux de transports,
favoriser la montée en gamme des industries phares du pays pour en faire des
pôles d’excellence mondiaux. Cela avec, en guise d’horizon, l’ambition du
projet Vision 2020, et l’objectif de faire de la Malaisie un pays développé et
riche : à plante tropicale, le soin doit être infatigable.
Du maniement des outils juridiques à l’appréhension des hommes, du
hard au soft, de l’explicite à l’implicite, les compétences commandées par la
réussite en Malaisie couvrent de larges champs. Ce guide en constitue une
approche. Au travers de faits, d’analyses, de témoignages de terrain et de
conseils pratiques, le Bureau Ubifrance de Malaisie souhaite par celui-ci
procurer les bases pour appréhender au mieux le terreau local des affaires dans
ce pays encore trop méconnu, et contrairement aux rumeurs, aux mystères plus
impénétrables pour les hommes d’affaires que pour les voyageurs. »
Quelles sont, alors, en bref, la température et les tendances de
l’économie malaisienne ? Je retracerais quelques-unes de ces données
tacitement exigées. Les évolutions de moyen terme, d’abord : en 1991, le Dr
Mahatir, alors Premier ministre depuis 1976 et qui le restera jusqu’en 2003,
fixait les orientations du projet baptisé Vision 2020. Cette projection vise à
l’horizon de la fin de la présente décennie à faire accéder la Malaisie au statut
de pays riche et développé. Et il faut dire que le pays a su se donner les moyens
de ses ambitions. C’est ainsi que le taux de croissance de la Malaisie s’est
maintenu avec rigueur à des niveaux soutenus, favorisant logiquement
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l’apparition massive d’une classe moyenne désormais importante, dynamique
et évidemment moteur de la forte consommation interne nationale.
Depuis 2010, ne souhaitant pas se retrouver prise dans le piège des pays
à revenu intermédiaire – récoltant de facto les inconvénients des pays riches et
ceux des pays pauvres… –, l’administration de l’actuel Premier ministre Dato
Seri Najib Razak a su engager, à travers le Nouveau modèle économique
malaisien et les ambitieux Programmes de Transformation Economique et
Gouvernementale, les réformes lourdes et nécessaires pour faire de l’entrée de
la Malaisie dans le club des nations les plus développées de la planète une
réalité tangible et reconnue.
En d’autres termes, plus assez compétitive pour faire face aux
émergents ni assez développée pour concurrencer les pays les plus avancés,
l'économie malaisienne vit actuellement une période stratégique capitale devant
lui permettre de maintenir la croissance de sa société. Au travers de
programmes pragmatiques et impliquant très fortement le secteur privé dont les
PME, le gouvernement veut renforcer la consommation interne, pose les bases
indispensables à une économie du savoir compétitive, repense les villes et les
réseaux de transports, favorise la montée en gamme des industries phares du
pays pour en faire des pôles d'excellence d’envergure mondiale. Par ailleurs, la
Malaisie parfait certaines réformes de ses divers règlements et de son
administration pour donner encore davantage de garanties aux investisseurs et
partenaires étrangers qui souhaitent participer à la montée en puissance du
pays. Les signes sont sans équivoque : la libéralisation de la quasi-totalité des
secteurs de l’économie, l’abaissement des barrières tarifaires et la mise en
place d’incitations fiscales sont autant de sérieux encouragements à
entreprendre ou s’implanter en Malaisie.
Après quelques années de timidité, l’adhésion des entreprises françaises
à cette bascule économique est aujourd’hui assez nette. Si bien que la tendance
des cinq dernières années se confirme et que la Malaisie est passé pour nos
entreprises nationales du statut de « pays client et partenaire industriel
d'exécution » à celui de « partenaire stratégique et technologique, plateforme
de croissance régionale ». Cette transition radicale concerne non seulement les
grands groupes, actifs depuis des décennies en Malaisie, mais aussi un grand
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nombre de PME pour lesquelles la Malaisie est désormais le nouvel ancrage
stratégique pour les marchés de l'ASEAN.
− Ubifrance, le Service Economique, l’Ambassade. Connaissances et
savoir-être acquis
De manière plus implicite, et avec le recul, j’ai pu assimiler de
nombreux éléments de connaissance et de savoir-être dans ce contexte très
riche. Il s’est avéré par exemple passionnant de découvrir le fonctionnement
d’une Ambassade de l’intérieur, les protocoles et les hiérarchies, les différents
services et leurs relations. D’autant plus que l’actualité était chargée lors de
mon passage : un nouvel ambassadeur venant d’arriver (SEMA Christophe
Penot), nous avons pu observer les étapes de son intégration, sa diplomatie
courtoise vis-à-vis des différents services, son appropriation progressive du
cadre culturel et des personnalités incontournables de Malaisie. C’est un jeu de
patience et de prudence mêlées qui possède, évidemment, son exigence. Il était
également passionnant de constater combien tous les acteurs de l’Ambassade
scrutaient ses faits et gestes afin d’analyser au plus vite quelles allaient être ses
priorités, ses manières de faire et d’être, ses grandes orientations « politiques ».
Par ailleurs, l’observation des relations entre le Service Economique, la
Chambre de Commerce et d’Industrie franco-malaisienne et Ubifrance s’est
révélée de même très riche. Il semble qu’il y ait une constance de froides
relations entre ces acteurs dont les champs d’étude et d’actions peuvent venir à
se chevaucher. C’est le cas en Malaisie, comme dans de nombreux pays
semble-t-il. D’autant plus qu’en l’occurrence, le hasard a fait qu’Ubifrance et
le Service Economique – deux services qui cohabitent physiquement – voient
simultanément arriver à leur tête un nouveau directeur. Là aussi, il y avait donc
matière à observation et analyse.
Enfin, j’ai eu la chance de suivre un fil conducteur supplémentaire au
cours de mon stage : la fusion entre Ubifrance et l’AFII, Agence Française
pour les Investissements Internationaux. Celle-ci, de manière symétrique à
l’action d’Ubifrance, est chargée de rendre attractif le territoire français aux
yeux d’investisseurs étrangers. Cette fusion a vu la naissance de l’agence
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Business France. Nous étions donc aux premières loges de cette période
charnière voyant, là encore, des tractations politiques naturelles se mêler aux
intérêts de la France.
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3. Les différences culturelles
3.1 « Malaysia, truly Asia ? » L’expérience de confrontation
avec la différence
Le travail de veille économique que Business France partage avec le
Service Economique oblige par définition, à se maintenir éveillé et ouvert sur
les évolutions de l’environnement économique et social du pays. Et il n’est ni
long ni difficile de se passionner pour le cas malaisien. Je ne fis pas exception.
Certains aspects attirent en effet naturellement l’attention. Si c’est un
pays à majorité musulmane où certains éditoriaux – provenant de journaux en
anglais, donc pas des brûlots extrémistes – considèrent l’UE, les États-Unis et
Israël comme une alliance contre les musulmans du monde entier, d’autres
m’ont permis d’apprendre que si la religion est extrêmement régulée en
Malaisie, ce n’est pas uniquement au profit de l’islam. Par exemple, un
éditorial m’a appris (à travers une histoire de conversion d’une jeune
chrétienne à l’islam) qu’avant sa majorité, un enfant ne peut choisir sa foi, qui
est décidée par ses parents. Cette conversion n’ayant pas été approuvée par les
parents, une enquête de police a été ouverte. Anecdote digne d’être remarquée,
l’article se finissait ainsi : « Many say they send their children to school to get
an education, and not a religion. Je suis Jilius Yapoo » (J. Yapoo étant le père
de la fillette qui s’était convertie à son issu, un pauvre paysan envers lequel
l’éditorial (écrit par un Chinois, tout de même) fait preuve de beaucoup de
compassion. Une nouvelle expression mondiale est née, accommodée
désormais à toutes les tragédies… Toujours dans la même veine, si la plupart
des femmes malaises sont voilées, ce n’est pas le cas de la directrice de la
banque centrale, ni de la femme du sultan de Johor (Etat frontalier avec
Singapour, dont le sultan a été récemment couronné), qui sont pourtant
évidemment malaises et donc musulmanes.
3.2 Appréciation du contexte politique et socioculturel
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Il est maintenant temps de dire un mot des ethnies en Malaisie. La
Malaisie offre à l'immergé l'exemple d'une société multiculturelle, relativement
typique à nos yeux, nettement atypique à l'échelle de l'Asie de l'est et du sudest. Typique à nos yeux : ce n'est pas que la société française lui ressemble
particulièrement, mais nos repères culturels et notre grande proximité avec le
monde anglo-saxon nous rendent familiers de ce schéma social.
Il y a énormément à dire mais je ne m’étendrai pas, voici simplement
quelques indications nécessaires à la compréhension du pays : trois ethnies
principales peuplent la Malaisie (ainsi qu’une quatrième, la plus ancienne
même, les Orang Asli, qui sont les habitants originels de la Malaisie) :
•
Les Malais (qui sont tous musulmans), formant la majorité de la
population. On les appelle aussi les « bumiputeras » (fils du sol) ;
•
Les Chinois, qui détiennent la majorité du pouvoir économique ; et
•
Les Indiens, surtout présent dans le secteur agricole, industriel et dans
les professions libérales.
Il y a donc des Malaisiens chinois, des Malaisiens indiens et des Malais.
Face à la domination économique des Chinois (des Malaisiens chinois), les
Malais, qui détiennent le pouvoir politique et contrôlent l’administration, ont
imposé des politiques discriminantes : l’accès aux universités, aux postes dans
l’administration et dans les entreprises publiques est favorisé pour les malais
grâce à des quotas, et il en est de même dans le secteur privé : pour ouvrir une
entreprise en Malaisie, il est souvent nécessaire qu’un Malais détienne au
minimum 30% des parts, l’accès aux marchés publics est également favorisé
pour les entreprises malaises. Ces quelques exemples suffisent à mettre en
exergue la tension inévitable que semble recéler cette population malaisienne
diverse. Il est d’ailleurs à la fois amusant et révélateur d’entendre parfois de
légers différends entre des Malais et des Chinois ou Indiens, lorsque les
premiers voudraient insinuer leur légitimité et authenticité supérieure dans
l’ordre social, et que les seconds et les troisièmes relativisent tout d’un coup,
baissant le voile : de toute façon, vous aurez beau dire, vous-mêmes les Malais
venez en grande majorité d’Indonésie, et n’êtes pas le peuple originel ! Celuici, si l’on tient vraiment à l’identifier, consiste en la tribu des Orang Aslu que
j’évoquais au début de ce paragraphe.
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L’harmonie est toutefois le mot qui définit la Malaisie. Les Malaisiens
attachent extrêmement d’importance à l’harmonie, qui permet un certain
équilibre entre les différentes ethnies du pays. On voit partout dans la rue des
affiches prônant le slogan « One Malaysia », des noms de lieux s’appellent One
Malaysia quelque chose, des entreprises publiques utilisent le préfixe 1
Malaysia, etc. L’harmonie – je parle certes du mot, son application est à
l’évidence plus ardue – est le ciment qui lie les différentes communautés. J’ai
d’ailleurs remarqué que les différents peuples constituant la nation malaisienne
possèdent une conscience aigüe de cette particularité, redoublée d’une certaine
fierté.
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4. Mon « équipée malaise2 ». Expériences hors-stage
Une des choses qui rendent la Malaisie si attractive est la grande
aisance de mobilité qu’elle garantit. On pourrait ajouter, par extension et
ironiquement, que cette attractivité de la Malaisie n’a paradoxalement d’égale
que la facilité avec laquelle l’on peut en sortir. Du fait de la qualité des
transports en bus – le train demeurant en quelque sorte le parent pauvre des
transports nationaux – et la modicité des transports en avion – via la compagnie
malaisienne Air Asia notamment –, il devient à tous points de vue accessible de
passer quelques jours dans des zones reculées du pays, tout autant que dans les
pays voisins. Ne serait-ce pour le week-end. Ainsi, m’en étant rapidement
rendu compte, ai-je pris l’habitude de prendre un bus ou un avion chacune de
ces fins de semaines, parfois à l’occasion de week-ends prolongés que me
permettaient des heures supplémentaires de travail acharné. La plupart de ces
petites expéditions, qui ont considérablement participé à la découverte du
pays, me resteront en mémoire. Quelques-unes de ces dernières seront
brièvement narrées ici, exclusivement sur le territoire malaisien, et pour leur
intérêt historique ou culturel.
Sur le plan historique, ma visite de deux jours à Malacca (Melaka), au
début de l’année, est représentative des richesses de la Malaisie. Ville située à
deux heures de route au sud de Kuala Lumpur, Malacca est le plus ancien port
de Malaisie. La ville fut fondée vers 1400 par Parameswara, un prince venu de
Sumatra. Il développa la ville et son port, qui fut visité quelques années plus
tard par Zheng He (Cheng Ho), un explorateur chinois envoyé par la dynastie
des Ming. Parameswara s’allia aux Chinois pour renforcer sa position face au
royaume de Siam et à celui de Java, et débuta de fructueuses relations
commerciales avec la Chine. Au début du XVIème siècle, la ville fut conquise
par les Portugais, qui y construisirent un fort et une église (l’église Saint
Paul !). Vers 1640, la ville fut gagnée par les Hollandais et, à la toute fin du
XVIIIème siècle, se furent finalement les Britanniques qui s’en emparèrent.
La riche ville de Malacca a donc successivement connu des influences
2
L’Equipée malaise est un roman de Jean Echenoz publié en 1987.
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malaises, chinoises, portugaises (qui sont détestés par les malaisiens, le musée
retraçant l’histoire de Malacca est farouchement anti-portugais, et bien plus
clément avec les Hollandais et les Anglais), hollandaises et anglaises.
Au XVIIème siècle, les Baba-Nyonya s’installèrent à Malacca,
carrefour maritime de première importance. Les Baba-Nyonya sont une
communauté faisant partie de la communauté plus large des Peranakan.
Peranakan signifie « enfant de » et désigne les descendants des marchands
venus en Malaisie du monde entier dès le XVème siècle : chinois, mais aussi
indiens tamouls, indiens musulmans, hindous, … Certains marchands ne
faisaient que passer mais d’autres se sont durablement installés, se mariant
avec des femmes locales. Leurs héritiers, appelés encore aujourd’hui
Peranakan, ont conservé dans leur culture ce mélange entre culture locale et
culture étrangère. Les Baba-Nyonya sont spécifiquement des Peranakans
chinois, dont beaucoup se sont installés à Malacca. Ils ont contribué au
développement et à la richesse de la ville, et les influences mêlées se retrouvent
dans l’architecteur, la cuisine, les rites, … La communauté Baba-Nyonya est
très présente à Malacca, mais aussi dans d’autres villes ayant une histoire
similaire : Singapour et Penang notamment, ces trois villes formant ce que l’on
a appelé les Straits Settlements (établissements des détroits), territoires
administrés par la toute-puissante Compagnie anglaise des Indes orientales au
XIXème siècle.
A Malacca, j’ai pu visiter la Baba-Nyonya Heritage House, une
splendide demeure Baba-Nyonya, le musée Cheng Ho (qui d’ailleurs fut un
navigateur
remarquable !
Nous
connaissons
très
mal
l’histoire
du
développement de la Chine en Asie, et pourtant elle mena des expéditions très
importantes : dans tout l’archipel malais, en Inde, dans tout le golfe persique
jusqu’à la Mecque, Cheng Ho étant d’ailleurs musulman, et même jusqu’à
Mombasa, d’où il ramena une girafe !). Le premier voyage de Cheng Ho (1405
- 1407) utilisa plus de 300 navires et près de 30 000 hommes, son navire amiral
était près de cinq fois plus gros que celui de Christophe Colomb.
Après ce musée passionnant, j’ai visité les vestiges de la domination
portugaise et les ruines de l’église Saint Paul. Pour finir, Malacca ne fait pas
21
exception au ravissement et la diversité des repas malaisiens : la visiter oblige,
lorsque l’on vogue dans ce rues, à s’arrêter fréquemment pour découvrir des
mets… Surprenants. Mais toujours exquis, à l’instar de ces gâteaux secs à
l’ananas qui font sa fierté, ou de ces boules de pâtes à la noix de coco roulées
dans des miettes de cacahuètes, sans oublier sa spécialité salée, les fameuses
« chicken rice balls », ou autres huîtres frites.
Sur le même plan historique, des villes se révèlent également
attachantes, et plus intéressantes que les guides et la rumeur veulent bien
l’avouer – ce qui recèle au moins un avantage : le faible nombre de touristes. A
l’instar de la ville d’Ipoh, au cœur de la péninsule, véritable îlot de culture
chinoise, et de ses temples bouddhistes chinois abrités et aménagés dans des
grottes magnifiques. Ces temples-grottes, parfois entourées de jardins
remarquables, dont certains à la japonaise, sont reconnus comme les plus
grands de Malaisie.
Plus encore, l’île de Penang, autre ancien comptoir britannique du
détroit de Malacca, est probablement le plus dense et bel exemple – du moins à
titre personnel – de concentration de patrimoine anglais. Après avoir pris le
train en direction du nord de Kuala Lumpur, je suis monté sur un ferry qui
assure une traversée rapide, de moins d’une heure. Aussitôt, l’héritage en
question s’offre à la vue dans la capitale de l’île, Georgetown, et de ses rues au
nom anglais qui font résonner des échos de la présence impériale britannique.
Le long de quelques grandes avenues, on y découvre au hasard et avec surprise
un hôtel majestueux, l’Eastern and Oriental Hotel, entièrement conservé
depuis le congé britannique, dans lequel on s’aventure à petit pas comme dans
un musée. Le monument, ainsi que plusieurs impressionnantes églises
anglicanes en parfait état, incarnent absolument la style et l’atmosphère
anglaise. Mais le charme le plus probant réside assurément dans les mélanges,
de ces maisons coloniales de bord de mer (dont de nombreuses encore
délaissées, mais pas pour longtemps compte tenu de l’engouement de l’île pour
les investisseurs immobiliers) qui emploient des matériaux et des styles
traditionnels malais. J’ai beaucoup apprécié ce front de mer, à l’est de l’île, en
dépit des hôtels qui le jalonnent toujours plus denses, grands et modernes.
Cette côte offre également une zone attractive pour les navigateurs, et on
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aperçoit de nombreux bateaux appartenant à des particuliers. En 2008,
Georgetown a été inscrite au patrimoine mondial de l'humanité par l'Unesco.
Penang s’est avérée un des meilleurs endroits où je me suis rendu en Malaisie,
présentant des arguments au niveau culturel, gastronomique, naturel,
historique.
Par ailleurs, certaines destinations se révèlent davantage par leur
magnificence naturelle. Avec plusieurs amis, nous sommes par exemple partis
aux îles Perhentian, situées au nord-est de la péninsule malaise, partant
le vendredi soir en bus de nuit et revenant le lundi matin. L’île où nous étions
n’était pas très grande, sans aucune route : seules certaines plages étaient
habitées, et derrière la rangée de cahutes ne se trouvait que la jungle
impénétrable. Là, nous avons fait du snorkeling dans une eau chaude et
transparente, où nous avons notamment vu des forêts de coraux magnifiques,
des petits poissons de toutes les couleurs, et des dorades coryphènes d’une
certaine taille. Nous avons aussi vu plusieurs requins à pointe noire –
inoffensifs mais tout de même inquiétants, certains faisaient près de deux
mètres de long et étaient assez larges.
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5 Bilan des objectifs fixés
5.1 Bilan des objectifs d’ouverture culturelle
Je n’étais certes pas parti en Malaisie avec des objectifs d’ouverture
culturelle en tête. Pire que cela : je n’étais jamais allé en Asie, et connaissait
fort peu ce continent. Et pourtant, je ne pourrais pas me lancer
honnêtement dans une description exhaustive de mes désarçonnements : il y
manquerait quelque récit, quelque surprise.
Certains soirs, des évènements sont organisés par l’Alliance Française.
A l’exemple d’un atelier de pantouns. Les pantouns sont des poèmes malais
(connus en France sous le nom de pantoums, à cause d’une erreur de
typographie de Victor Hugo, et dont le style a été repris par des poètes français,
notamment par Verlaine). Ce sont des petits poèmes, souvent des quatrains, se
servant de l’analogie et obéissant à certaines règles : i) le premier distique
exprime un tableau général, une ombre portée, qui est développée par le second
distique, qui en exprime le sens ; ii) le premier distique est neutre et dépouillé
de toute expression personnelle, tandis que le second, qui porte le message,
adopte une dimension subjective ; et iii) les rimes alternent sous forme croisée
AB/AB (ainsi, le pantoun est souvent défini comme un quatrain de rimes
alternées). Les pantouns sont souvent des poèmes d’amour, parfois tristes, mais
toujours magnifiques. On nous a présenté l’histoire et les pantouns puis on
nous a proposé, à partir de certaines images, de créer les nôtres.
Voici certains pantouns malais que je trouve très touchants :
A quoi bon allumer la lampe
quand la mèche manque au milieu
A quoi bon lancer ces œillades
quand le cœur n’est pas dans les yeux
Ou encore :
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La goutte ne fait pas l’encre,
C’est l’encre qui fait la goutte.
La beauté ne fait pas l’amour,
C’est l’amour qui fait la beauté.
Ou :
Si c’est du riz, dis que c’est du riz,
Que je ne vanne pas en vain
Si c’est oui, dis que c’est oui
Que je n’attende pas sans fin.
A propos de la Malaisie, on ne peut pas ne pas inclure la gastronomie
dans la culture, tant elle est inextricablement liée aux héritages culturels et aux
traditions des migrants, et en dire un mot. Première particularité, les Malaisiens
comme les expatriés ont coutume de prendre la plupart de leur repas à
l’extérieur – je n’ai pour ma part, en six mois, jamais cuisiné –, dans ce que
nous appellerions des restaurants mais lesquels sont nettement plus accessibles.
Et de nature différente, comme dans le cas des food courts. On peut trouver
dans les food courts de la nourriture de tous les pays d’Asie : thaïe,
vietnamienne, chinoise, malaise, indienne … Et le repas complet ne dépasse
pas 10 ringgits (environ 2,5 euros). En outre, l’on trouve partout dans la rue des
grands restaurants ouverts appelés mamak, qui sont tenus par des malaisiens
indiens : la cuisine est d’inspiration indienne mais ce sont des restaurants
typiquement malaisiens, avec évidemment beaucoup de poulet frit, de nasi
goreng (riz sauté malaisien) ou de mee goreng (nouilles sautées malaisiennes),
ainsi que des plats de viande (agneau, poulet) et de poisson, toujours en sauce.
Voilà autant d’occasions d’apprendre et de réviser des mots éminemment clés
de la langue locale…
5.2 Bilan des objectifs d’apprentissage linguistique
Le stage s’effectuant au moins autant en anglais qu’en français – et au
moins autant à l’écrit qu’à l’oral –, je suis satisfait d’avoir pu améliorer mon
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niveau dans cette langue.
Par ailleurs, ce stage m’a également permis de m’initier à l’indonésien –
le malais en est un proche dérivé, j’ai donc préféré m’astreindre à l’indonésien
–, qui s’avère peu ardu. Je compte vivement poursuivre cet apprentissage.
5.3 Evolution de mon projet académique et professionnel
Le stage m’a permis de tirer des conclusions quant à mes orientations
académiques. Je pense suivre le Master Politiques Publiques, éventuellement
tout en souhaitant poursuivre des expériences dans le conseil.
Les enjeux maritimes m’intéressent désormais également. J’ai rencontré
de nombreux acteurs commerciaux et publics du shipping et de l’exploitation
off shore, et les sujets de géopolitique maritimes liés m’attirent tout autant.
Ainsi, j’ai pu assister à un événement organisé par un groupe de volontaires
français faisant visiter le musée national de Kuala Lumpur, sur les enjeux du
détroit de Malacca. Une agrégée de géographie nous a fait un exposé
passionnant sur ce lieu éminemment stratégique où transite 80% du pétrole
importé par la Chine et le Japon. Ce détroit, qui se situe entre l’île indonésienne
de Sumatra et la péninsule malaise, fait entre 300 km et 50 km de large (moins
de 3 km à son embouchure près de Singapour). C’est la deuxième voie
maritime la plus fréquentée après la Manche et une zone de passage de
marchandises extrêmement importante, qui s’ouvre sur les ports de Singapour,
et qui donne accès aux marchés asiatiques. Quasiment toutes les marchandises
allant d’Asie vers l’Afrique, le Moyen-Orient, l’Europe ou l’Amérique le
traversent, c’est dire son importance.
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Conclusion
Ne partez pas, en troisième année, en terrain connu. Fuyez les décisions
trop rationnelles, abandonnez vos prétentions, et ouvrez-vous.
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ANNEXES
Annexe générale. Recommandations pratiques pour aller et
s’installer en Malaisie
− Le visa
Fait surprenant ou inquiétant, les services de l’Ambassade de France en
Malaisie – ou du moins, Business France, n’apportent pas leur soutien à
l’obtention d’un visa de travail, même pour un stage long. L’exercice est donc
ardu : pour se maintenir dans le pays, il faut convaincre l’immigration de
délivrer un visa touristique, lequel dure… Trois mois. En pratique, si vous
réalisez un stage en Malaisie, vous sortirez probablement du territoire plus
fréquemment qu’une fois tous les trois mois. Cependant, il faut tout de même
prendre garde à ne pas rendre cela trop visible, car les services de
l’immigration sont fortement susceptibles de trouver ces manœuvres étranges.
− Le logement
La plupart des Français logent dans des condominiums, sortes de
résidences sécurisées disposant de certains services (salle de gym et de
musculation, piscine, service de nettoyage, etc.). Il est très facile de trouver un
appartement pour quelques mois, seul ou en colocation.
Mais vous pouvez tout aussi bien loger dans des immeubles
« classiques », ce qui vous permettra de vous confronter à la différence de
manière bien plus aisée…
− Le coût de la vie
Il est évidemment faible. Même si, à comparer avec les autres pays de
l’ASEAN, il est le deuxième plus élevé – après Singapour, évidemment.
Le taux de change a évolué à l’avantage de l’Euro tout au long de
l’année 2014-2015. Comptez dix ringgits (un peu plus de deux euros) pour un
repas.
28
Annexe personnelle
French Wine Tasting, G-Tower Hotel, Kuala Lumpur
Petronas Forum, Mandarin Oriental, Kuala Lumpur
29
Petronas Forum, Mandarin Oriental, Kuala Lumpur
Salon IGEM, Kuala Lumpur Convention Center
30
Un mariage traditionnel malais entre une Malaise et… Un Palois
Mont Bromo, Indonésie
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