Concurrence dans les mobiles et prix des appels entrants : aspects
Transcription
Concurrence dans les mobiles et prix des appels entrants : aspects
Concurrence dans les mobiles et prix des appels entrants : aspects stratégiques et enjeux réglementaires J. Bezzina et Thierry Pénard ENST Bretagne, ICI Janvier 2000 Contents 1 Introduction 2 2 La politique tarifaire pour les abonnés mobile 2.1 Concurrence hors prix . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2 Le rôle des normes dans la concurrence entre opérateurs mobiles 2.3 Concurrence en prix et subventions d’accès . . . . . . . . . . . . 2.4 Justi…cation et e¢cacité des subventions d’accès . . . . . . . . . 2.5 Les risques commerciaux liés aux subventions d’accès . . . . . . . 2.5.1 Le risque de désabonnement (“churning“) . . . . . . . . . 2.5.2 Le risque moral . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 4 5 6 7 9 9 10 3 La politique des appels entrants 3.1 Structure tarifaire des appels entrants 3.1.1 Justi…cation commerciale . . . 3.1.2 Une comparaison européenne . 3.2 Analyse théorique des ententes . . . . 12 12 12 13 17 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 Interconnexion et reversements 20 4.1 La réglementation de l’interconnexion . . . . . . . . . . . . . . . 20 4.2 4.3 Le di¤érend entre FT et SFR sur les appels entrants . . . . . . . Asymétrie de réglementation et marché pertinent . . . . . . . . 21 24 5 Conclusion et perspectives d’évolution sur le mobile 26 6 Bibliographie 27 1 1 Introduction En septembre 1999, le nombre d’abonnés mobile a atteint le chi¤re de 17 millions, soit un taux de pénétration de 28.5 % dans la population française. Fait encore plus remarquable, le rythme de croissance des abonnés ne ‡échit pas depuis 3 ans (voir …gure 1). Sur les dix premiers mois de l’année 1999, le marché a gagné 6 millions d’abonnés, alors que sur la même période en 98, le nombre de nouveaux abonnés étaient seulement de 3.6 millions. Les parts de marché des trois opérateurs français, France Télécom Mobile (FTM), SFR et Bouygues Télecom s’établissent respectivement à 49 % (8.5 millions), 36 % (6 millions) et 15 % (2.5 millions). Selon les prévisions de l’IDATE, le taux de pénétration des mobiles devrait dépasser 50 %, soit plus de 30 millions d’abonnés1 . Ces prévisions optimistes se fondent sur les taux de pénétration observés dans les pays scandinaves qui sont de l’ordre de 50 à 60 %. Seule ombre au tableau, la Fance enregistre un retard important sur la plupart des pays d’Europe du Nord et de certains pays d’Europe du Sud (Italie, Portugal), comme le montre le graphique 2. Une étude de l’OCDE souligne que le principal facteur d’explication des di¤érences nationales dans les taux de pénétration du mobile est la date de libéralisation du marché des télécommunications dans chacun des pays. Les pays qui ont introduit la concurrence le plus tôt dans les réseaux …xes et mobiles sont ceux qui ont le plus fort taux de pénétration. Un second facteur stimulant est l’introduction d’un troisième opérateur mobile qui se traduit par une accélération de la di¤usion du mobile. En revanche, la densité du pays, la qualité du réseau …xe ou le revenu par habitant ne permettait pas de rendre compte à eux seuls de l’inégal succès du mobile dans les pays de l’OCDE. Par exemple, des pays densément peuplés comme Hong-Kong connaissent de forts taux d’équipement, tout comme les pays scandinaves où la densité est très faible. De même, les taux insu¢sants de raccordement au réseau …xe peuvent expliquer le succès du mobile en Italie, mais pas dans les pays scandinaves. En fait, c’est la conjonction de nombreux facteurs sociéconomiques dont le plus important est le degré de concurrence sur le marché des télécommunications, qui explique le taux de pénétration du mobile dans chaque pays. Cette étude analyse la concurrence sur le marché de la téléphonie mobile, en considérant les aspects stratégies et réglementaires. Nous allons dans un premier temps étudier la politique tarifaire des opérateurs mobiles, en distinguant la tari…cation de l’accès et des appels sortants (section 2) et la tari…cation des appels entrants (section 3). Dans un second temps, nous nous intéresserons à la réglementation de l’interconnexion entre réseaux …xes et réseaux mobiles (section 4). 1 Ces prévisions sont extraites d’un rapport réalisé pour le compte de l’ART, intitulé ”Perspective d’évolution à moyen terme du marché français du radiotéléphone” disponible à l’adresse suivante http://www.art-telecom.fr/publications/ 2 Figure 1: Courbe de di¤usion du mobile GSM en France entre 1992 et 1995 Figure 2: Le retard de la France dans la di¤usion de la téléphonie mobile 3 2 La politique tarifaire pour les abonnés mobile 2.1 Concurrence hors prix La politique tarifaire est un élément fondamental de la stratégie des opérateurs. Ce n’est pas la seule dimension concurrentielle, mais c’est actuellement celle qui prime sur le marché des mobiles. Il existe d’autres dimensions qui peuvent di¤érencier les o¤res des opérateurs. Cette di¤érenciation est verticale, lorsqu’elle porte sur la qualité du service : à prix identique, tous les consommateurs choisiraient l’opérateur o¤rant la meilleure qualité. Il existe un second type de di¤érenciation que l’on appelle de la di¤érenciation horizontale ou spatiale. Les consommateurs n’ont pas les mêmes préférences sur les services que les opérateurs devraient o¤rir. Le positionnement des opérateurs par rapport aux préférences des abonnés peut créer une di¤érenciation entre les o¤res et une segmentation du marché. Il est important de comprendre que la di¤érenciation permet de relâcher la concurrence en prix, alors que l’homogénéité dans les services et le rapprochement des qualités intensi…ent la plupart du temps la concurrence en prix. Nous allons passer en revue les di¤érentes manières pour les opérateurs de se di¤érencier horizontalement et verticalement : ² la publicité et le marketing sont une composante essentielle de la concurrence hors prix entre opérateurs. Les dépenses de promotion des opérateurs permettent de renforcer leur notoriété et d’améliorer leur image. Ces dépenses peuvent prendre di¤érentes formes comme le sponsoring d’évênements sportifs, la distribution de cadeau ... La part la plus importante est constitué des salaires et des commissions versés aux représentants commerciaux et aux vendeurs. C’est eux qui vont convaincre les futurs abonnés de choisir le bon opérateur, qui vont s’assurer que leur offre est bien mis en valeur par rapport aux o¤res des concurrents. Certains opérateurs vont mettre jusqu’à développer leur propre réseau de vente. On peut noter que France Télécom béné…cie d’un avantage certain sur ses concurrents, parce qu’il dispose déjà d’un réseau d’agences sur toute la France et que sa notoriété est déjà établie. ² les services o¤erts aux clients comme l’assistance, la messagerie, le relevé de consommation, sont autant d’éléments qui peuvent entrer en compte dans le choix d’un opérateur. Toute chose égale par ailleurs, un abonné préfèrera toujours l’opérateur qui lui propose le plus grand nombre de services au prix le plus faible. On peut remarquer que les opérateurs français o¤rent tous quasiment les mêmes services, pour des prix très proches. Cette dimension ne constitue pas un élément de di¤érenciation. Tous les opérateurs se sont alignés sur le mieux disant en termes de services. ² la couverture géographique est un indice de qualité du réseau auquel les abonnés sont très sensibles. Là aussi, tous les opérateurs français o¤rent actuellement la même couverture qui est proche de 99% de la population française. Ceci ne constitue plus comme avant un facteur de di¤érenciation verticale. En e¤et, pendant longtemps, France Télécom a joué sur 4 son avantage en termes de couverture . Il a été le premier à couvrir le territoire, suivi peu de temps après de SFR, puis de Bouygues Télécom dernier entrant. Les trois opérateurs ont d’ailleurs rempli leurs obligations réglementaires en matière de couverture, bien avant la date …xée par l’ART. ² le dimensionnement du réseau est aussi un indice de qualité. Un réseau mal dimensionné conduit à une saturation du réseau, c’est à dire à des di¢cultés pour établir ou recevoir une communication. La qualité des communications peut aussi se dégrader avec la congestion du réseau. Ces problèmes peuvent conduire à une insatisfaction des abonnés et donc à une mauvaise image qui se retourne contre l’opérateur. Une partie des abonnés peuvent décider de ne pas renouveler leur abonnement et dissuader leur entourage de prendre cet opérateur. 2.2 Le rôle des normes dans la concurrence entre opérateurs mobiles La norme retenue par les opérateurs peut être un élément de di¤érenciation, même si ces aspects technologiques sont largement ignorés des clients. Dans les années 80-90, deux technologies ont été successivement introduites sur le marché des mobiles : le GSM à 900 MHz et le GSM à 1,8 GHz dont les premières licences ont été attribuées au Royaume Uni sous le nom de “ DCS 1800 ” . Alors que le GSM à 900 MHz permet de faire aussi bien des petites que des grandes cellules (jusqu’à 25 km), le GSM à 1,8 GHz ne permet pas de faire de grandes cellules (portée maximale e¢cace de l’ordre de 5 km). Par ailleurs, le nombre de canaux maximal disponible pour les opérateurs dans la bande des 1,8 GHz est 3 fois plus élevé que dans la bande des 900 MHz. Si on considère qu’il y a le même nombre de concurrents dans chaque gamme de fréquence, le volume de communication moyen au km2 pourrait théoriquement être trois fois plus élevé avec le GSM à 1,8 GHz. Aujourd’hui, en France, toutes les licences GSM donnent accès aux deux technologies. Cela n’était pas le cas dans le passé puisque dans de nombreux pays on a d’abord attribué deux licences GSM à 900 MHz (Itinéris et SFR en France), puis une ou deux licences (Bouygues en France) à 1,8 Ghz. Les opérateurs se sont alors trouvés en situation asymétrique. Les opérateurs de GSM à 900 MHz, lorsqu’ils étaient les seuls licenciés avaient le choix entre deux stratégies pour les zones urbaines : ² soit faire directement un réseau dense et pratiquer des subventions tarifaires pour attirer les consommateurs grands publics, selon un modèle de développement similaire à celui qu’avait connu le Royaume Uni avec les téléphones analogiques, ² soit faire de la “ discrimination intertemporelle ” et choisir un modèle de développement en deux phases, en commençant avec un réseau de densité moyenne, orienté vers la clientèle d’a¤aire, puis en baissant les prix dans une second phase de densi…cation du réseau. Cependant, à terme, un 5 opérateur GSM à 900 MHz ne peut que buter sur les capacités limitées de son réseau, relativement au réseau à 1,8 GHz, ceci pouvant être une raison su¢sante de maintenir des prix élevés. La technologie disponible pour les opérateurs GSM à 1,8 GHz les a contraint à déployer directement un réseau dense. En outre, comme ils sont historiquement arrivés sur le marché après les opérateurs à 900 MHz, ils se sont trouvés en présence d’une “ base installée ” d’abonnés, les obligeant à avoir une politique marketing plus agressive pour pénétrer le marché. Plus que les opérateurs de GSM à 900 MHz, ils ont donc été incités à pratiquer des subventions tarifaires pour attirer les consommateurs vers leurs réseaux. Dans le cas français comme dans le cas anglais, il existe une circonstance aggravante puisque les opérateurs GSM 900 étaient aussi les anciens opérateurs analogiques, et n’avaient donc pas un intérêt fort à déployer rapidement leur nouveau réseau. C’est explicitement pour créer une pression concurrentielle sur les opérateurs GSM à 900 MHz que le DTI (Secrétariat d’Etat à l’industrie) britannique à attribuer des licences “ DCS 1800 ” . Le même modèle institutionnel a été adopté dans d’autres pays européens, dont la France. Dans de nombreux cas de …gures (par exemple en France, mais aussi la Grèce...), l’arrivée d’un troisième (et parfois d’un quatrième opérateur) a été suivie d’une guerre de prix et d’innovations marketing, comme le forfait qui ont accéléré le processus de di¤usion. C’est ce que nous allons voir dans la section 2.3 2.3 Concurrence en prix et subventions d’accès Le marché des mobiles se caractérise actuellement par un schéma de subventions d’accès, c’est à dire une déconnexion entre les coûts et les prix des services. De la même façon que dans la téléphonie …laire, l’accès est subventionné par les communications, c’est à dire par l’usage2 . Ainsi, le coût d’accès à un mobile (i.e. ouverture de la ligne et acquisition du poste) est très supérieur au prix payé par le client. Pour respecter une pratique de “vérité des prix“, l’opérateur mobile devrait tarifer l’accès plus de 1 000 francs, alors qu’en réalité, il le facture moins de 200 francs, quand ce n’est pas o¤ert pour 1 franc. Ces pratiques de subventions étaient limitées avant l’arrivée de Bouygues. La téléphonie mobile était un service haut de gamme avec un prix d’accès élevé. C’est Bouygues Télécom qui a joué sur les subventions d’accès pour viser le grand public. Parallèlement, il a introduit le concept de forfait, c’est à dire un prix unique comprenant un paquet de services “crédit de communications 2 Avec la libéralisation des télécommunications, les opérateurs historiques ont été appelés à réorienter leurs tarifs vers les coûts. Ce rééquilibrage est déjà largement réalisé en France où le prix de l’abonnement a sensiblement augmenté, tandis que le prix des communications longue distance a fortement baissé. Le dé…cit “historique“ d’accès s’est donc considérablement réduit. Le dé…cit restant est …nancé par une contribution des opérateurs au Service Universe l des Télécommunications. En attendant le rééquilibrage des tarifs de l’opérateur historique vers les coûts à l’horizon du 31/12/2000, tous les opérateurs du marché (les exploitants des réseaux ouverts au public et les fournisseurs du service téléphonique au public contribuent au service universel en proportion de leur chi¤re d’a¤aire. 6 Tarifs proposés par les opérateurs pour 4 h de communications 1200 1000 800 Prix Bouygues 4 h Itineris 4h 600 SFR 4h +4 h SFR 3h+3h 400 200 janv-00 mai-99 sept-99 janv-99 mai-98 sept-98 janv-98 mai-97 sept-97 janv-97 mai-96 sept-96 janv-96 avr-95 sept-95 0 Date Figure 3: Evolution de la concurrence sur les forfaits de 4 heures + accès+ autres services“. Avec les forfaits, il est plus di¢cile de véri…er la connexion “prix/coûts“. Sur les graphiques 3, 4 et 5, on peut remarquer la façon dont les deux opérateurs en place SFR et Itinéris ont du s’aligner sur les prix proposés par Bouygues. Ce dernier est entré avec des prix souvent moitié moins cher que ses concurrents. L’alignement des prix s’est fait vers le bas. 2.4 Justi…cation et e¢cacité des subventions d’accès Dans le téléphone …xe, l’accès a été subventionné à l’origine pour stimuler le démarrage du réseau et assurer sa viabilité. En e¤et, il était important d’atteindre une certaine masse critique d’abonnés, pour rendre le réseau réellement attractif. Les subventions d’accès se justi…aient donc d’un point de vue économique puisque leur coût était largement contrebalancé par le gain social dérivé des externalités de réseaux. La téléphonie …xe a connu dans la plupart des pays développés une courbe de di¤usion en S avec un demarrage lent, puis une accélération des abonnements à partir d’une certaine masse critique, et en…n un ralentissement de la di¤usion lorsque le taux d’équipement commence à être très élevé. Sans subvention croisée, les opérateurs n’auraient jamais réussi à atteindre la masse critique nécessaire et exploiter au maximum les externalités de réseau. On peut se demander si les subventions d’accès se justi…ent toujours lorsque la masse critique est atteinte. Les distorsions de prix ne sont-elles pas ine¢caces lorsque le nombre d’abonnés est déjà très élevé et que le raccordement de nouveaux abonnés a des e¤ets limités sur l’utilité des abonnés existants ? C’est au nom du principe d’e¢cacité que la Commission Européenne exige des opérateurs historiques la réduction des subventions d’accès au réseau …xe. Le 7 Tarifs proposés par les opérateurs pour 2h de communications 700 600 500 Bouygues 2h Prix 400 Itineris 2 h 300 SFR 2 h 200 100 nov-98 mai-98 août-98 nov-97 févr-98 août-97 fev 97 mai-97 nov-96 mai-96 aout 96 nov-95 févr-96 avr-95 août-95 0 Date Figure 4: Evolution de la concurrence sur les forfaits de 2 heures Tarifs proposés par SFR et Itinéris pour 1 heure de communications 450 400 350 Prix 300 250 SFR 1 h 200 Itineris 1 h 150 100 nov-99 mai-99 août-99 nov-98 févr-99 août-98 mai-98 févr-98 nov-97 août-97 fev 97 mai-97 nov-96 aout 96 févr-96 nov-95 août-95 avr-95 0 mai-96 50 Date Figure 5: Evolution de la concurrence sur les forfaits de 1 heure 8 rééquilibrage des tarifs devrait garantir une meilleure allocation des ressources3 . Peut-on justi…er les subventions d’accès dans la téléphonie mobile avec les mêmes arguments que la téléphonie …xe ? Cela revient à se demander s’il existe des externalités de réseau dans le mobile et une masse critique à atteindre. On peut répondre dans un premier temps que le réseau mobile contrairement au réseau …xe a béné…cié immédiatement d’externalités de réseau maximales à travers son interconnexion au réseau …xe et ce quel que soit le nombre d’abonnés mobiles. Par contre, on peut exhiber des externalités indirectes liées à la baisse de prix des équipements avec le nombre d’utilisateurs. Les fabricants peuvent réaliser des économies d’échelle sur la production. De même, l’augmentation du nombre d’utilisateurs permet d’accélérer les investissements et d’améliorer la couverture nationale et donc la satisfaction des abonnés. D’ailleurs, les courbes de di¤usion du mobile au Royaume-Uni, représentées sur la …gure 6, ont bien une forme en S avec di¤usion lente au départ puis accélération rapide, …n stagnation . 2.5 Les risques commerciaux liés aux subventions d’accès Les subventions d’accès pratiquées par les opérateurs déséquilibrent leurs comptes et fragilisent leur situation …nancière. En particulier, les opérateurs encourrent deux types de risques commerciaux. D’une part, leurs abonnés peuvent résilier leur abonnement avant d’avoir couvert les coûts de la subvention d’accès. D’autre part, leurs abonnés peuvent être candidats à une subvention d’accès uniquement pour obtenir le terminal. 2.5.1 Le risque de désabonnement (“churning“) La subvention de l’accès est telle qu’il faut près de 14 mois pour rentabiliser un abonné (en tenant compte des recettes sur les appels entrants et le forfait). En moyenne, un opérateur investit 1 200 à 1 400 francs pour gagner un abonné (subvention sur l’accès, coût du marketing et de la publicité, ...). Si l’abonné quitte son opérateur au bout de six mois, les pertes sont considérables pour ce dernier. Or un opérateur concurrent peut toujours proposer des o¤res tarifaires plus intéressantes sur les communications puisqu’il n’a pas eu à supporter les subventions d’accès sur le terminal. Pour limiter ces risques, les opérateurs imposent généralement des clauses de non résiliation pendant une période minimale de 1 an. Ces clauses ont dernièrement été jugées par ces tribunaux administratifs comme abusives. Mais, si on 3 Les subventions d’accès et les subventions croisées entre les services ont été étudiées dans la théorie des marchés contestables (Baumol, Panzar e t Willig [1982]). La notion de “marché contestable“ apparaît comme une généralisation de la notion de marché de concurrence parfaite. Ici, c e n’est ni la taille, ni le nombre de …rmes dans l’industrie qui détermine la contestabilité. La parfaite contestabilité d’un segment de marché est notamment caractérisée par une possibilité d’entrée libre et de sortie sans coûts. De cette vulnérabilité de la …rme en place aux incursions “Hit & Run“, il est deux attributs auxquels sont rattachés les marchés parfaitement contestables : ils excluent la présence de pro…ts monopolistiques ; ils excluent la présence de subventions croisées. Autrement dit, les subventions croisées, les pro…ts monopolistiques et le s ine¢cacités sont autant d’incitations à l’entrée punitive dans la branche. 9 Figure 6: Les courbes de di¤usion du GSM au Royaume-Uni supprime ces clauses, il faut alors revoir complètement la structure tarifaire, sous peine de ruiner les opérateurs. Une autre manière de limiter les désabonnements est d’introduire une clause contractuelle prévoyant un renouvellement de l’abonnement à la …n de la première année par accord tacite. Sauf initiative de l’abonné, un mois, voire 3 mois avant le terme du contrat, la reconduction est automatique pour une durée de un an. Tout est donc fait du côté des opérateurs pour rendre la résiliation de l’abonnement di¢cile et ainsi décourager l’abonné de changer d’opérateurs. On comprend dès lors que les opérateurs français a¢chent des taux de désabonnement assez faibles (de l’ordre de 5 à 15 %). 2.5.2 Le risque moral Dans une relation contractuelle, on parle de risque moral lorsqu’une des parties n’observe pas ou n’évalue pas parfaitement les actions de l’autre partie. Cette dernière peut tirer pro…t de l’asymétrie d’informations pour adopter un comportement contraire aux intérêts de la partie non informée. Par exemple, dans une relation contractuelle, si les comportements d’une des parties ne peuvent pas être parfaitement surveillés, alors cette partie peut en abuser. Elle peut adopter un comportement opportuniste, ne pas respecter complètement le contrat. Un employeur dans une relation salariale peut être exposé à du risque moral, si ses employés réduisent leurs e¤orts dès qu’ils ne sont plus surveillés. Dans le cas du mobile, le risque moral peut venir du comportement des 10 clients face aux subventions d’accès. En e¤et, dans certains magasins, les clients peuvent acquérir un appareil mobile pour moins de 200 F sans contracter sur le champ un abonnement. Il est prévu qu’ils téléphonent à l’opérateur pour la mise en service et les formalités administratives (prélèvement automatique). Dans ce cas, rien n’empêche une personne d’acheter un portable sans jamais le mettre en service. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce type de comportements. Par exemple, un abonné, qui casse son portable ou dont la batterie ne fonctionne plus, a tout intérêt à racheter un nouveau portable plutôt que de faire réparer son portable ou d’acheter une nouvelle batterie. Pour les opérateurs, il s’agit d’une perte sèche puisqu’aucun nouveau tra…c n’est généré par ces achats de mobiles. Cette perte est d’autant plus importante pour l’opérateur qu’elle conduit en plus à un ”gachis” de numérotation qui constitue une ressource rare. Pour limiter le risque moral, les opérateurs peuvent conditionner l’achat du portable à la signature d’un contrat d’abonnement : ils peuvent demander aux acheteurs de remplir et signer le contrat sur le lieu d’achat. Le problème est que cette procédure prend du temps et mobilise des vendeurs. Se pose alors la question de la rémunération de ce service et donc sur les modes de commercialisation de la téléphonie mobile. Une solution possible est de con…er aux points de vente la gestion complète des abonnements. L’abonné a alors a¤aire à des Sociétés de Commercialisation de Services (SCS) indépendantes des opérateurs. Par exemple, les hypermarchés Carrefour ont leur propre SCS qui gère les abonnements mobiles. Ces SCS perçoivent tous les mois les forfaits de leurs abonnés mobiles et en reversent une partie aux opérateurs qui assurent le service de téléphonie mobile. Par exemple, seuls 40 % des abonnés à Itinéris sont aujourd’hui gérés directement par France Télécom. Pour SFR, le chi¤re est seulement de 15 %. Depuis un an, la part d’abonnés gérée directement par les opérateurs a nettement augmenté. Pour SFR, les abonnés relevant des SCS en octobre 98 était de 45 %. En fait, les opérateurs mobiles cherchent à reprendre la maîtrise de la relation avec leurs abonnés, tout en étant confrontés à un dilemme : comment réduire le problème de risque moral, tout en contrôlant les démarches d’abonnement. Il paraît di¢cile de séparer l’acte d’achat de celui de l’abonnement. L’abonnement doit se faire pour une partie dans les points de vente. Mais, comment faire accepter à des enseignes comme la FNAC ou Carrefour d’être simplement un lieu d’accueil et de signature des contrats, sans aucun regard sur la gestion de l’abonné ? Une solution possible est de mettre à disposition dans les points de vente des personnels payés directement par les opérateurs ou de rétribuer les enseignes de manière signi…cative pour le service qu’elles rendent. En…n une dernière solution passe par la mise en place de son propre réseau de distribution ou par la vente directe. France Télécom dispose d’un réel avantage sur ses concurrents puisqu’il béné…cie déjà un réseau d’agence couvrant tout le territoire. Les subventions d’accès ne sont pas la seule spéci…cité de la tari…cation des mobiles. Il existe aussi une forme de subvention croisée de la téléphonie mobile par la téléphonie …xe à travers le prix des appels entrants. Ce prix est largement supérieur au prix des appels sortants. Le mobile est donc …nancé à la fois par les usagers du mobile mais aussi par les usagers du …xe qui ne sont pas 11 nécessairement abonnés au mobile. C’est une forme de taxation indirecte. Nous allons dans la section suivante tenter d’analyser les stratégies des opérateurs sur le prix des appels entrants. Ce prix entrant constitue en e¤et une autre dimension de la concurrence entre opérateurs mobiles. 3 La politique des appels entrants 3.1 Structure tarifaire des appels entrants La téléphonie mobile, bien qu’en plein essor, n’est pas encore considérée aujourd’hui comme un service substituable à la téléphonie …laire. Pour la plupart des utilisateurs, surtout pour une famille, le téléphone mobile est complémentaire du téléphone …xe,. Un téléphone …xe permet une utilisation collective et multi-usage (Internet, Minitel,...). De plus, un des freins à la substitution tient aux coûts élevés des appels d’un abonné du réseau …xe vers un abonné du réseau mobile. Le prix des appels peut limiter à la fois le nombre d’appels que va recevoir un abonné mobile et la durée moyenne de ces appels. Un abonné mobile peut donc juger préférable de conserver sa ligne …xe pour permettre à ses correspondants de le joindre à un tarif ”normal”. Ainsi, il existe deux façons de communiquer avec lui : ² en l’appelant sur son mobile, avec la garantie de pouvoir le joindre en dehors de chez lui, rapidement, ² en l’appelant sur sa ligne …xe, avec le risque de ne pas pouvoir le joindre immédiatement s’il n’est pas chez lui. Un mobile o¤re donc un service de valeur supérieure pour celui qui appelle et il peut paraître normal que ce service ait un prix. L’écart de prix entre un appel sur un mobile et sur un …xe correspondrait au service que fournissent les opérateurs mobiles aux abonnés du réseau …xe, en leur permettant de pouvoir joindre immédiatement leur interlocuteur. Cet écart de prix s’explique en partie par le surcoût qu’entraîne l’acheminement d’une communication du réseau …xe vers le réseau mobile. Nous discuterons de ces questions liées à l’interconnexion …xe/mobile dans la section 4. S’il est légitime que le prix d’un appel …xe vers mobile soit supérieur au prix d’un appel à l’intérieur du réseau …xe, la di¤érence de prix ne sert pas seulement à couvrir les coûts induits. Les recettes générées par les appels entrants permettent aux opérateurs mobiles de couvrir les pertes d’exploitation de leur réseau. Les revenus des appels entrants représentent environ un tiers du CA des opérateurs mobiles. 3.1.1 Justi…cation commerciale Longtemps, l’asymétrie de prix existant entre les tarifs entrants et sortants a été défendue en France au nom du développement de la concurrence sur le marché mobile. L’importance des tarifs entrants ont permis de subventionner 12 l’abonnement et l’usage du mobile. Les opérateurs pouvaient se lancer dans une concurrence vive sur les forfaits puisqu’ils comptaient sur les revenus des appels entrants pour compenser les pertes. Ces subventions croisées ont permis de dynamiser le marché des mobiles et de rattraper le retard, le taux de pénétration du GSM en France passant d’environ 2 % à plus de 17 %, entre 1994 et 1999. Ces subventions s’avéraient d’autant plus nécessaire que le chi¤re d’a¤aires moyen par abonné diminuait avec le taux de pénétration 4 . De même, les opérateurs ont du supporter des investissements lourds en raison de l’étendue géographique de la France. Sans ces subventions croisées, la couverture du territoire n’aurait jamais été réalisée aussi vite, avant même le décollage e¤ectif du marché des mobiles. Cependant, les appels entrants ne revêtent pas la même importance pour les trois opérateurs. Ils ont servi en particulier à couvrir les investissements commerciaux et “marketing“ importants que SFR et Bouygues ont du engager pour contester la forte notoriété de France Télécom. 3.1.2 Une comparaison européenne Une comparaison (ou Benchmarking) menée à l’échelle européenne (…gure7) montre que les tarifs entrants sont relativement élevés en France. On remarque que les prix les plus bas sont dans les pays ayant les taux de pénétration les plus élevés. La taxation des appels entrants peut donc apparaitre comme un mal nécessaire dans la phase de démarrage des mobiles. Mais, il semble que l’accélération de la di¤usion des mobiles passe par une baisse du prix des appels entrants. En e¤et, à terme, les appels entrants peuvent constituer un frein à l’essor des mobiles, en limitant l’utilité d’avoir un mobile et en empêchant la substitution …xe/mobile. La comparaison des appels entrants au niveau européen a été e¤ectuée pour une durée moyenne d’appel de 70 secondes. Il faut noter que le choix de cette durée n’est pas neutre dans le prix …nal. On peut en e¤et montrer qu’en choisissant une durée moyenne d’appel de 80 secondes, la France serait un peu mieux placée par rapport à d’autres pays. Pour comprendre celà, il faut entrer dans la structure de tari…cation des appels entrants. Cette tari…cation est généralement non-linéaire, comme on peut le voire dans les exemples de la France, du Danemark, de l’Allemagne et de l’Angleterre (…gure 8) : ² l’exemple danois est typiquement une forme de tari…cation binomiale, avec une charge d’établissement d’appel que le consommateur supporte, quelle que soit sa consommation ; ² les exemples français et anglais sont très proches, ils impliquent une charge …xe à l’appel pendant les premières secondes de conversation, appelée 4 Les premiers à s’abonner étaient la clientèle professionnelle qui avait une utilisation intensive du téléphone mobile. Au fur et à mesure que le mobile se di¤use, on touche des clientèles grand public dont les revenus sont plus faibles et qui choisissent donc des forfaits avec des communications plus limitées. 13 Figure 7: Comparaison des tarifs européens pour des appels entrants d’une durée moyenne de 70 secondes. Figure 8: Comparaison des structures tarifaires dans quatre pays européens “crédit temps“. Ce crédit temps est bien plus important dans le cas français (60 secondes contre 15 secondes en Angleterre). ² l’exemple allemand est une forme de tari…cation plus élaborée puisqu’elle constitue clairement un “tarif par blocs“ [Multipart Tari¤ ], bien que le mode de prélèvement, au sein de périodes indivisibles données, ne soit pas variable mais indépendant des quantités consommées. En France, les tarifs entrants ont eu, en outre, comme caractéristiques d’être très stables dans le temps et identiques pour les trois opérateurs. Il a fallu attendre juillet 99 pour que les prix soient révisés à la baisse. De plus, les opérateurs n’ont jamais cherché à discriminer entre leurs abonnés, en …xant des tarifs entrants di¤érents selon les forfaits. On peut donc se demander si les opérateurs n’ont pas mis en place une entente tacite sur la tari…cation des appels entrants. 14 Figure 9: Structure tarifaire des appels entrants Figure 10: Structure tarifaire pour les appels entrants 15 Figure 11: Structure tarifaire pour les appels entrants Figure 12: Structure tarifaire pour les appels entrants 16 3.2 Analyse théorique des ententes Une entente sur les prix est illégale en France comme dans tous les pays dotés d’une législation antitrust. Il n’est donc pas possible pour des entreprises de signer un contrat juridique par lequel elles s’engagent à …xer le même prix. Toute entente est nécessairement secrète et plus ou moins informelle. Le risque de sanction incite les entreprises à ne laisser aucune trace écrite de leurs discussions. Pour autant, la similitude des prix des appels entrants à un niveau élevé et leur stabilité peuvent-elles être interprétées comme un indice ou un signe possible d’entente tacite entre les opérateurs mobiles ? Certes, les opérateurs ont conscience qu’une concurrence trop vive est ”suicidaire” et qu’il est dans l’intérêt de tous d’établir des tarifs élevés pour rentabiliser leurs investissements. Dans la presse, il est courant que les responsables de ces sociétés expriment leur préoccupation face à la faiblesse des prix et à la spirale des subventions d’accès. Ils en appellent tous à un retour à la sagesse et à une vérité des prix payés par les consommateurs. Mais, ces appels ont peu d’e¤et sur les formules d’accès et d’abonnement proposées aux consommateurs. La concurrence tire toujours les prix vers le bas. Aucun opérateur ne prend le risque de remonter ses prix, de peur de perdre des parts de marché sur les nouveaux abonnés. Les opérateurs se livrent donc une concurrence en prix sur des services assez homogènes. Ce type de concurrence que l’on désigne dans la théorie économique sous le nom de concurrence à la Bertrand, empêche les entreprises d’exercer leur pouvoir de marché et d’obtenir des pro…ts positifs. Au contraire, chaque opérateur tire les prix vers le bas jusqu’à leur niveau minimal pour essayer de prendre des clients aux autres opérateurs. Sur les prix des appels entrants, la concurrence ne semble pas aussi vive. Les opérateurs ont réussi à maintenir les prix entrants à un niveau élevé. On peut se demander pourquoi les appels entrants n’ont pas connu la même pression concurrentielle. La stabilité de la ”présumée” entente sur les prix entrants contraste en e¤et avec l’instabilité des prix des appels sortants. Une entente sur les prix entrants n’est stable que si aucun opérateur n’a d’incitation à baisser unilatéralement ses prix. Cette stabilité peut être plus ou moins forte. Si pour chaque opérateur, …xer le même prix que celui pratiqué actuellement par les autres opérateurs constitue sa meilleur stratégie ou sa meilleure réponse, alors la situation actuelle est une situation d’équilibre, c’est à dire une situation stable. On est en présence d’un équilibre de Nash. Si par contre, un opérateur peut obtenur un pro…t supérieur en baissant unilatéralement ses prix entrants, la stabilité doit être évalué de manière dynamique. Il faut considérer alors les possibilités de représailles futures des autres opérateurs. Si ces représailles sont su¢samment sévères, alors le gain espéré de rompre l’entente peut être inférieur aux pertes liées aux représailles. Précisément, une entente sur les prix entrants pourrait trouver sa stabilité dans l’utilisation de stratégies dynamiques qui dépendraient des décisions passées des opérateurs. Ces stratégies pourraient avoir la forme suivante : ² chaque opérateur choisit de …xer le prix des appels entrants au niveau décidé collectivement ; 17 ² tant qu’aucun opérateur ne baisse le prix de ses appels entrants, la coopération se poursuit ; ² dès que l’un des opérateurs décide de baisser unilatéralement son prix, les autres opérateurs baissent immédiatement le prix de leurs appels entrants pour s’aligner sur l’opérateur déviant. Nous allons regarder les conditions d’équilibre ou de stabilité temporelle qui reposeraient sur ce type de stratégies. Tout d’abord, il est important de décomposer les recettes mensuelles obtenues par chaque opérateur pour les appels entrants : Revenu moyen par appel entrant et par seconde*Nombre moyen d’appels entrants par abonnés et par mois *Durée moyenne de l’appel en seconde*Nombre d’abonnés de l’opérateur Par exemple, si chaque abonné reçoit en moyenne 15 appels entrants, pour une durée moyenne de 70 secondes, soit un prix moyen de 2.3 FTTC par appel (moyenne pondérée des prix HP et HC hors reversement à France Télécom), France Télécom Mobile avec ses 8 millions d’abonnés peut revendiquer des recettes d’un montant égal à 276 millions. Si la durée moyenne augmente ou le nombre d’appel augmente de 10 %, la hausse des recettes n’est pas négligeable (+2.76 millions). Or, les appels entrants sont une composante à part entière de l’utilité qu’un abonné peut retirer d’un téléphone mobile (appeler, mais aussi être appelé). Plus les appels entrants sont élevés et moins les abonnés du …xe appelleront les abonnés du mobile. Les appels entrants ne sont pas seulement une source de recettes, mais aussi une variable pouvant in‡uencer les décisions d’abonnement. Un opérateur peut ainsi utiliser comme argument commercial une baisse du prix de ses appels entrants pour gagner des parts de marché. La question est de savoir si les pertes sur les recettes unitaires des appels entrants seront compensées par la hausse de la consommation (nombre d’appels et durée moyenne). Si l’on regarde précisément les e¤ets d’une baisse unilatérale du prix des appels entrants, on peut s’attendre aux résultats suivants : ² l’e¤et est positif sur le nombre d’appels entrants par abonnés ; ² l’e¤et est positif sur la durée moyenne des appels entrants, l’ampleur de cet e¤et dépendant de l’élasticité prix des abonnés du réseau …xe ; ² l’e¤et est positif sur le nombre de nouveaux abonnés ; l’opérateur peut ainsi gagner des parts de marché sur ses concurrents et stimuler les demandes d’abonnement ; il faut alors ajouter aux recettes des appels entrants, les recettes générées par les forfaits de ces nouveaux abonnés ausquels on doit enlever les pertes liées à la subvention d’accès. ² en revanche, l’e¤et est négatif sur les recettes unitaires. 18 L’e¤et net est donc indéterminé. On peut cependant dire que si l’e¤et net est négatif, alors les opérateurs n’ont aucune incitation à dévier de l’entente. On est dans une situation d’équilibre ou de stabilité même dans un environnement à horizon limité. Si l’e¤et net est positif, alors l’entente est potentiellement instable. Il existe une opportunité à dévier de l’entente. Seule la sévérité des représailles futures peut dissuader l’opérateur de rompre l’entente. Dans ce contexte, une entente sur les appels entrants représente alors une situation stable si le gain net d’une déviation de l’entente est inférieur aux coûts d’opportunités liés aux représailles des autres opérateurs. Etant donné la stabilité des prix entrants sur le marché des mobiles jusqu’à une période très récente, on peut conclure que les conditions de stabilité de l’entente étaient satisfaites. Cela tient sans doute au faible e¤et d’une baisse de prix des appels entrants sur les décisions d’abonnement à un opérateur qui ne permet pas de compenser les e¤ets négatifs sur les recettes unitaires des appels entrants, les critères de qualité du réseau et de prix des forfaits jouant un rôle autrement plus déterminant. De même, les abonnés du réseau …xe ont sans doute une faible élasticité prix pour leurs appels vers un réseau mobile. La nature du marché des mobiles plaide aussi en faveur d’une explication en termes d’entente tacite. Ainsi, le marché des mobiles présente un certain nombre de facteurs favorables à une entente : ² information parfaite sur les décisions des opérateurs ; ² petit nombre d’entreprises ; ² acheteurs nombreux. En revanche, d’autres facteurs jouent dans le sens inverse, le premier étant l’asymétrie entre les opérateurs : ² pour FT, les incitations à respecter l’entente sont moins fortes que ses concurrents parce qu’une baisse des prix des appels entrants en augmentant le tra…c de son réseau …xe vers les réseau mobile accroît ses revenus en tant qu’opérateur local. De plus, une telle baisse fragilise ses concurrents qui voient une partie de leurs recettes menacée. On peut donc comprendre pourquoi FT a été le premier à annoncer une baisse unilatérale en juillet 1999 ; ² pour SFR, les incitations à respecter l’entente sont moins fortes que Bouygues, puisque SFR appartient à Cégétel qui propose aussi une o¤re de téléphonie …xe longue distance. Or le surcoût des appels entrants a entraîné des pratiques de reroutage des appels vers l’étranger. Ces pratiques sont même un argument commercial pour certains opérateurs longue distance. Bien sûr, seuls les opérateurs qui ne possèdent pas d’infrastructure longue distance peuvent se permettre de faire du reroutage. Ceci pénalise donc les opérateurs ayant déployé leur propre réseau et au premier chef Cégétel. C’est pourquoi Cégétel a commencé au début de l’année 99 à plaider pour une baisse des prix des appels entrants. 19 ² pour Bouygues, son équilibre …nancier repose fortement sur les recettes des appels entrants. Il n’a donc aucun intérêt à baisser le prix des appels entrants, contrairement à ces deux concurrents directs 4 Interconnexion et reversements 4.1 La réglementation de l’interconnexion L’interconnexion pour un opérateur de téléphonie mobile revêt une importance stratégique. En e¤et, les appels entrants …xe vers mobile représentent un tiers de ses revenus. De même, les charges d’interconnexion versés à l’opérateur …xe et autres opérateurs mobiles constituent 20 % de ses coûts totaux. De plus, l’interconnexion garantit à chaque opérateur mobile des externalités maximales avec l’ensemble des abonnés des réseaux …xes et mobile. Ces externalités favorisent ainsi le développement du marché mobile qui peut s’a¤ranchir des courbes de di¤usion classique des services en réseau. L’interconnexion …xe / mobile peut permettre ausssi d’instaurer à terme une réelle concurrence entre opérateurs …xes et opérateurs mobiles via la substitution …xe / mobile. On comprend alors l’importance de réglementer l’interconnexion entre les réseaux …xe et mobile. Préalablement, il était essentiel d’obliger France Télécom à accepter l’interconnexion de son réseau …xe avec tous les réseaux mobiles. Plus largement, la réglementation doit veiller au développement d’une concurrence loyale, transparente et objective sur le marché mobile, c’est-à-dire ² éviter a priori l’érection de barrières à l’entrée et l’éviction d’entrants par l’intermédiaire des tarifs d’interconnexion élevés ; ² éviter a priori la discrimination sur les tarifs entrants sous forme de tarifs d’interconnexion plus élevés pour les opérateurs concurrents par rapport aux tarifs pratiqués pour sa propre …liale de Mobiles. Depuis 1994, les tarifs entrants sont …xés librement par les opérateurs mobiles et soumis au schéma de reversement suivant. 1. France Télécom facture la communication à l’abonné …xe sur la base du tarif …xé par l’opérateur mobile. 2. France Télécom retire des sommes perçues sa rémunération pour l’acheminement sur son réseau (dont le montant est …xé dans un contrat de droit privé entre lui et l’opérateur mobile) plus la contribution qui lui revient également au titre du service universel. Il retire ensuite du solde un pourcentage qui correspond à la rémunération de sa prestation de recouvrement réalisé pour le compte de l’opérateur mobile (“peines et soins“). 3. France Télécom reverse aux opérateurs mobiles le solde …nal. 20 Figure 13: Nature des relations entre opérateurs …xes et mobiles 4.2 Le di¤érend entre FT et SFR sur les appels entrants Un di¤érend entre SFR et FT est apparu sur l’identité du prestataire de service dans la cas d’un appel entrant. L’ART a tranché cette a¤aire, en rappelant que le prestataire de service dans le cas d’un appel entrant reste FT , c’est à dire l’opérateur de la boucle locale qui achemine la communication vers le point d’interconnexion le plus proche avec le réseau mobile. Dans ces conditions, c’est à l’opérateur mobile de faire une o¤re ou une proposition d’interconnexion pour la terminaison de l’appel. Dans ce schéma, l’opérateur mobile …xe donc le prix de l’appel entrant et négocie avec l’opérateur local le prix d’interconnexion qu’il souhaite obtenir pour fournir le service de terminaison de l’appel. En d’autres termes, il propose un partage des revenus des appels entrants à l’opérateur local. SFR prétendait au contraire qu’il était le prestataire du service et que c’était à FT de lui proposer un prix d’interconnexion pour l’acheminement de l’appel vers son réseau mobile. En d’autres termes, SFR revendiquait un schéma d’interconnexion indirecte comme dans la téléphonie longue distance (avec facturation par un tiers). Quels sont les arguments de chacun et qui a raison ? Avant d’essayer de répondre sur ce point, il est important d’avoir en tête les schémas d’interconnexion directe et indirecte, tels qu’ils sont dé…nis dans le catalogue de FT. Ils peuvent être représentés graphiquement de la manière suivante : Si l’on prend la dé…nition de l’interconnexion directe et indirecte, telle qu’elle 21 Figure 14: Schémas d’interconnexion est proposée dans le catalogue de FT 1999, et si l’on retranscrit les arguments des deux acteurs, alors on obtient les deux thèses suivantes : Position de SFR “Pour un schéma d’interconnexion indirecte avec FT fournisseur du service d’interconnexion“ On est en présence d’interconnexion indirecte puisque France Télécom achemine ou collecte le tra…c des abonnés …xes au point d’interconnexion du réseau de SFR a…n de permettre à ces abonnés de devenir client de SFR et d’utiliser les services de celui-ci. Position de France Télécom “Contre un schéma d’interconnexion indirecte et avec SFR fournisseur du service d’interconnexion“ On n’est pas en présence d’interconnexion indirecte, mais plutôt d’une interconnexion directe puisque c’est SFR qui achemine, à partir du point d’interconnexion à son réseau et jusqu’à l’un de ses abonnés desservi par son réseau ou accessible depuis son réseau, le tra…c provenant d’un client de France Télécom. Pour savoir qui des deux opérateurs devraient assurer l’interconnexion, on doit répondre à la question suivante : à qui “appartient“ le client appelant depuis le réseau de France Télécom sur le réseau de SFR ? Arguments en faveur de SFR 22 FT ne remplit qu’un service d’acheminement de l’abonné au commutateur le plus proche. Ce service est simple et ne constitue pas l’essentiel de la valeur créée par ce service. Cette valeur vient surtout de l’utilisation des infrastructures mobiles pour acheminer l’appel soit sur la même zone locale, soit dans une zone plus éloignée (transmission interurbaine). Le service que l’appelant achète, c’est la possibilité de joindre son interlocuteur à tout moment en dehors de son domicile. Il peut très bien attendre le retour de son interlocuteur ou lui laisser un message sur son répondeur. Dans ces conditions, n’estil pas normal que le prestataire de service soit en fait l’opérateur mobile ? Argument en faveur de FT Au cours des discussions, France Télécom n’a jamais parlé d’interconnexion indirecte mais de prestation d’acheminement. De plus, il ne peut y avoir de facturation de service sans contrat entre le prestataire et le client. Dans ces conditions, SFR ne peut pas légalement facturer des abonnés du …xe, clients de FT. Derrière ce di¤érend, se trouvent des enjeux importants en termes …nanciers. Si le schéma d’interconnexion indirecte avait été adopté, alors c’était à FT de révéler ses coûts sur la boucle locale pour calculer le prix d’interconnexion (ce prix existe déjà dans le catalogue d’interconnexion pour les services de téléphonie longue distance). Il aurait fallu bien sûr rajouter les surcoûts de facturation de ce service (les peines et soins). Mais, FT n’était plus en mesure de négocier sa part sur les marges obtenues sur les appels entrants. Il devait se contenter d’obtenir de la part censée couvrir ses coûts. De son côté, SFR se retrouvait libre de …xer ses marges sur les appels entrants et elle n’aurait plus à partager les gains avec l’opérateur local. Dans le schéma actuel d’interconnection directe, les deux opérateurs doivent négocier le partage des béné…ces, sans que FT ne soit contraint de révéler de l’information sur ses coûts réels. Deux décisions récentes de l’ART (Décision n ± 99-767 en date du 15 septembre 1999, Décision n ± 99-823 en date du 30 septembre 1999) viennent d’apporter un éclairage supplémentaire sur cette question. En e¤t, le régulateur vient d’arrêter, pour l’année 2000 la liste des opérateurs exerçant une in‡uence signi…cative sur le marché des télécommunications. SFR et France Télécom Mobile rentrent dans cette liste, ce qui signi…e qu’ils devront orienter leurs tarifs d’interconnexion vers les coûts. SFR ne peut donc plus espérer à terme gagner de l’argent sur les appels entrants. D’une part, il n’a pas été reconnu comme le prestataire de service des appels entrants et doit se contenter de faire une o¤re d’interconnexion. D’autre part, cette o¤re d’interconnexion devra re‡éter les coûts du service rendu. Nous allons revenir en détail sur ces deux décisions de l’ART particulièrement attendues. 23 4.3 Asymétrie de réglementation et marché pertinent Dans la réglementation française, tous les opérateurs de réseaux ouverts au public qui ont été désignés par l’ART comme exerçant une in‡uence signi…cative, sont soumis à des obligations particulières : ² ils doivent publier une o¤re technique et tarifaire d’interconnexion préalablement approuvée par l’ART, les tarifs devant rémunérer l’usage e¤ectif du réseau et re‡éter les coûts correspondants ; ² ils doivent répondre aux demandes justi…ées d’accès au réseau, y compris les demandes d’accès spécial. Toute la question est de savoir comment l’ART dé…nit la notion d’in‡uence signi…cative sur un marché. Selon l’ART, un opérateur exerce une in‡uence signi…cative sur un des marchés jugées pertinents s’il détient une part de marché supérieure à 25% sur ce marché. Les marchés pertinents pour l’ART sont les suivants : ² les réseaux et services de téléphonie publique …xe, ² les liaisons louées ² les réseaux et services de téléphonie mobile. A ce niveau, le régulateur a introduit une asymétrie dans le traitement des opérateurs puissants. En e¤et, tous les opérateurs de téléphonie …xe ou de liaisons louées qui sont puissants (plus de 25 % du marché) doivent donc assurer l’orientation des tarifs d’interconnexion vers les coûts. En revanche pour les opérateurs mobiles puissants, seuls ceux qui exercent aussi une in‡uence signi…cative sur le marché national de l’interconnexion (plus de 25 % des parts de marchés) sont tenus à l’obligation d’orientation des tarifs vers les coûts. Autrement dit, les opérateurs mobiles béné…cient d’un régime plus favorable en matière d’interconnexion. Les obligations qui peuvent peser sur les opérateurs mobiles (publication d’un catalogue d’interconnexion décomposés, séparation des rédevances d’interconnexion de celles du Service Universel et séparation comptable) s’exercent selon des conditions plus restrictives que pour les opérateurs de téléphonie …xe ou de liaisons louées. L’asymétrie de régulation se trouve dans l’espace commercial ou le ”marché pertinent”considéré par le régulateur pour apprécier le degré de dominance5 . Les termes de cette asymétrie se résument de la manière suivante : ² les opérateurs puissants sur le marché de détail qu’ils soient …xes ou mobiles doivent répondre à toute demande raisonnable de connexion au réseau, 5 Ce point est d’autant plus important qu’en droit de la concurrence, l’appréciation du pouvoir de dominance d’une …rme passe par la délimitation du marché pertinent. Cette notion capitale a pour fonction de délimiter l’espace au sein duquel on peut entrevoir les conditions dans lesquelles s’exerce la concurrence et la puissance potentielle d’une …rme donnée. 24 ² les opérateurs puissants …xes (ou de liaisons louées) sur le marché de détail doivent en outre orienter leurs tarifs d’interconnexion vers leurs coûts, ² en ce qui concerne les opérateurs de téléphonie mobile, seuls ceux qui sont dominants sur le marché national de l’interconnexion sont tenus à l’obligation d’orientation des tarifs vers les coûts. La distinction opérée entre marché pertinent pour opérateurs …xes (ou liaisons louées) et opérateurs mobiles et les obligations réglementaires di¤érenciées entre acteurs qui en découlent a poussé l’ART à considérer deux catégories d’opérateurs mobiles en France, les opérateurs mobiles exerçant une in‡uence signi…cative sur le marché de détail de la téléphonie mobile et les opérateurs mobiles exerçant une in‡uence signi…cative sur le marché national de l’interconnexion. L’observation du marché de détail de la téléphonie mobile montre que, pour les années 1998/1999, France Télécom Mobiles et SFR exercent tous deux une in‡uence signi…cative sur le marché de détail et doivent, à ce titre, répondre aux demandes raisonnables de connexion à leur réseau. Cette conclusion se révèle véri…ée quel que soit le critère utilisé pour mesurer les parts de marché : ² nombre d’abonnés ² chi¤re d’a¤aires ² nombre de minutes de tra…c au départ des réseaux La mesure de marché national de l’interconnexion porte sur la terminaison de tous les appels, quelle que soit la provenance de l’appel (…xe ou mobile). On inclut aussi les appels internes (on parle d’interconnexion interne). Cette mesure a été e¤ectuée en volume (minute) et en valeur (Chi¤re d’a¤aires). ² le tra…c d’interconnexion interne pour les réseaux …xes a été valorisé au tarif d’interconnexion locale dit Intra-CAA (c’est-à-dire le tarif d’interconnexion le moins couteux proposé par France Télécom) ; ² le tra…c …xe vers mobile a été valorisé à la recette moyenne perçue par l’opérateur (prix des appels entrants après réduction de 20% moins “peines et soins“ retenus par l’opérateur …xe) ; ² le tra…c d’interconnexion interne des opérateurs mobiles ainsi que le tra…c d’interconnexion échangé entre opérateurs mobiles a été valorisé de la même façon que le tra…c …xe vers mobile. En volume, l’ART a constaté que pour 1998, France Télécom détenait une part de marché supérieure à 90% du marché national de l’interconnexion. Par contre en valeur, la part détenue par France Télécom sur le marché …xe est passée de 45 % à 30 % entre 1998 et 1999, du fait de la croissance du tra…c mobile et de la di¤érence entre le prix moyen d’interconnexion en …xe et le prix de l’interconnexion des opérateurs mobiles. En 1999, France Télécom Mobiles 25 et SFR ont vu leur part de marché excéder chacune les 25%, celle de Bouygues Télécom a été estimé à moins de 15% et celle des autres opérateurs …xes à moins de 1% en valeur. L’ART, dans sa décision n± 99-823 a donc convenu que France télécom Mobiles et SFR exercent pour l’année 2000 une in‡uence signi…cative sur le marché national de l’interconnexion. A ce titre, ces deux opérateurs sont théoriquement tenus d’orienter leurs tarifs d’interconnexion vers leurs coûts. Le régulateur français a cependant prévu des aménagements et de mesures d’accompagnement, étant donné la situation …nancière des opérateurs mobiles en France. Nous avons vu en e¤et que le marché des mobiles se caractérisait par un déséquilibre tarifaire d’une part entre le prix des appels entrants et sortants et d’autre part entre le prix des communications et du poste mobile. De plus, il existe aussi un déséquilibre entre les opérateurs notamment en termes de coûts supportés : les dates d’entrée sur le marché étant di¤érentes, il en résulte des écarts dans l’amortissement des investissements consentis. Le niveau du tarif d’interconnexion conditionnant en grande partie le niveau des prix de détail des appels entrants, et connaissant les déséquilibres entre opérateurs sur le marché, une application stricte du principe de vérité des coûts donnerait un avantage concurrentiel certain à France Télécom Mobiles par rapport à SFR dans sa …xation des tarifs d’interconnexion. SFR se verrait alors condamnée à l’alternative d’o¤rir des prix d’interconnexion plus élevés que son concurrent au risque de perdre des clients, ou de s’aligner sur France Télécom Mobiles au risque de rendre son activité dé…citaire. Dans ces conditions, l’ART étaient bien obligé d’adopter une démarche “pragmatique“ par rapport au principe d’orientation des tarifs vers les coûts. 5 Conclusion et perspectives d’évolution sur le mobile Le marché des télécommunications est actuellement en pleine e¤ervescence. La téléphonie mobile participe pour une grande part à cette agitation. En dix ans, le marché des mobiles est devenu un marché incontournable pour les opérateurs de réseau …xe. Tous se sont lancés dans la téléphonie mobile, avec succès comme pour France Télécom qui détient actuellement 50 % du marché français Ce mouvement de libéralisation est largement encadré par une réglementation à la fois nationale et européenne. En France, l’ART est en charge de cette réglementation, qui présente un caractère largement asymétrique. Entre téléphonie …xe et mobile, le critère d’in‡uence signi…cative s’apprécie di¤érement. Pour être soumis à une contrainte réglementaire d’orientation des tarifs vers les coûts, il su¢t d’être dominant sur le marché de détail pour un opérateur …xe alors qu’il faut, en plus, être puissant sur le marché national de l’interconnexion pour un opérateur mobile. De plus, les opérateurs mobiles, puissants sur le marché national de l’interconnexion, sont soumis en théorie à l’orientation des tarifs vers les coûts. Mais, pour ne pas 26 compromettre la pérennité des opérateurs dont l’équilibre économique est le plus instable, le principe d’orientation vers les coûts se met en place progressivement avec pour objectif la résorption des déséquilibres entre acteurs. Le régulateur en France reste conscient que la concurrence est, à terme, la meilleure garantie du meilleur prix pour les consommateurs …nals. L’amélioration des conditions de concurrence pour les communications …xes vers mobiles est, à ce titre, l’un de ses ob jectifs avoués. Outre la baisse signi…cative intervenue récemment sur le prix des appels entrants, d’autres facteurs peuvent favoriser la concurrence sur le segment du marché des communications …xes vers mobiles : sélection du transporteur vers les mobiles, alignement des autorisations des opérateurs mobiles sur celles des opérateurs …xes du point de vue de l’interconnexion et de la détermination des prix de détail... En…n, il ne faut pas perdre de vue qu’une nouvelle génération de réseau mobile devrait voir le jour à partir de 2002. Cette nouvelle génération s’appuiera sur la norme UMTS dont l’intérêt est d’o¤rir des débits et une qualité plus élevés. C’est donc pour les opérateurs la possibilité d’o¤rir une plus large gamme de services et notamment des services liées à Internet. Cependant, cette nouvelle norme va nécessiter de lourds investissements. Le gouvernement a prévu d’attribuer les nouvelles licences sur un principe de présélection des opérateurs (prime aux opérateurs en place), puis d’enchères. Il est possible qu’il décide d’attribuer ainsi une quatrième licence d’opérateurs mobiles. Pour l’instant, les opérateurs mobiles actuels se sont déclarés candidats, mais il est possible que Bouygues se retire du marché en vendant son réseau à un opérateur étranger. La vague de fusion entre opérateurs mobiles ont entrainé une montée des valorisations des opérateurs mobiles qui pourait ne pas laisser insensible les dirigeants de Bouygues. Avec une valorisation des abonnés, autour de 20 à 30 000 francs chacun, on peut estimer la valorisation boursière de Bouygues Télécom entre 50 et 75 milliards de francs. 6 Bibliographie ² Site de l’Art : http://www.art-telecom.fr ² DangNguyen G., Phan D. [2000] Économie des télécommunications et de l’Internet, Economica. ² Salgues, B. [1995), Les télécoms mobiles, Editions HERMES. ² Valletti T.M., M. Caves [1998] ” Competition in UK Mobile Communications ”, Telecommunication Policy 22, 109-131. 27