Le contexte de l`élevage au Sénégal - Thèses
Transcription
Le contexte de l`élevage au Sénégal - Thèses
ÉCOLE NATIONALE VETERINAIRE D’ALFORT Année 2005 SENEGAL : UN SYSTEME DE SANTE ANIMALE EN VOIE DE PRIVATISATION THESE Pour le DOCTORAT VETERINAIRE Présentée et soutenue publiquement devant LA FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL le par Mathilde, Cécile, Bénédicte PAUL Née le 1er septembre 1978 à Digne (Alpes-de-Haute-Provence) JURY Président : M. Professeur à la Faculté de Médecine de CRETEIL Membres Directeur : Mme Bénédicte GRIMARD-BALLIF Professeur à l’ENVA Assesseur : M. Yves MILLEMANN Maître de conférences à l’ENVA LISTE DES MEMBRES DU CORPS ENSEIGNANT Directeur : M. le Professeur COTARD Jean-Pierre Directeurs honoraires : MM. les Professeurs PARODI André-Laurent, PILET Charles Professeurs honoraires: MM. BORDET Roger,BUSSIERAS Jean,LE BARS Henri, MILHAUD Guy,ROZIER Jacques,THERET Marcel,VUILLAUME Robert DEPARTEMENT DES SCIENCES BIOLOGIQUES ET PHARMACEUTIQUES (DSBP) Chef du département : M. BOULOUIS Henri-Jean, Professeur - Adjoint : M. DEGUEURCE Christophe, Professeur -UNITE D’ANATOMIE DES ANIMAUX DOMESTIQUES - UNITE D’HISTOLOGIE , ANATOMIE PATHOLOGIQUE Mme CREVIER-DENOIX Nathalie, Professeur* M. CRESPEAU François, Professeur * M. DEGUEURCE Christophe, Professeur M. FONTAINE Jean-Jacques, Professeur Mlle ROBERT Céline, Maître de conférences Mme BERNEX Florence, Maître de conférences M. CHATEAU Henri, AERC Mme CORDONNIER-LEFORT Nathalie, Maître de conférences -UNITE DE PATHOLOGIE GENERALE , MICROBIOLOGIE, IMMUNOLOGIE Mme QUINTIN-COLONNA Françoise, Professeur* M. BOULOUIS Henri-Jean, Professeur Mme VIALE Anne-Claire, Maître de conférences -UNITE DE PHYSIOLOGIE ET THERAPEUTIQUE M. BRUGERE Henri, Professeur * Mme COMBRISSON Hélène, Professeur M. TIRET Laurent, Maître de conférences -UNITE DE PHARMACIE ET TOXICOLOGIE Mme ENRIQUEZ Brigitte, Professeur * Mme HUYNH-DELERME, Maître de conférences contractuel M. TISSIER Renaud, Maître de conférences -UNITE DE BIOCHIMIE M. BELLIER Sylvain, Maître de conférences* M. MICHAUX Jean-Michel, Maître de conférences - UNITE DE VIROLOGIE M. ELOIT Marc, Professeur * Mme ALCON Sophie, Maître de conférences contractuel -DISCIPLINE : PHYSIQUE ET CHIMIE BIOLOGIQUES ET MEDICALES M. MOUTHON Gilbert, Professeur -DISCIPLINE : BIOLOGIE MOLECULAIRE Melle ABITBOL Marie, Maître de conférences contractuel -DISCIPLINE : ETHOLOGIE M. DEPUTTE Bertrand, Professeur DEPARTEMENT D’ELEVAGE ET DE PATHOLOGIE DES EQUIDES ET DES CARNIVORES (DEPEC) Chef du département : M. FAYOLLE Pascal, Professeur - Adjointe : Mme BEGON Dominique , Professeur - UNITE DE PATHOLOGIE CHIRURGICALE -UNITE DE MEDECINE M. POUCHELON Jean-Louis, Professeur* M. FAYOLLE Pascal, Professeur * M. MAILHAC Jean-Marie, Maître de conférences M. CLERC Bernard, Professeur M. MOISSONNIER Pierre, Professeur Mme CHETBOUL Valérie, Professeur Mme VIATEAU-DUVAL Véronique, Maître de conférences M. MORAILLON Robert, Professeur M. DESBOIS Christophe, Maître de conférences M. BLOT Stéphane, Maître de conférences Mlle RAVARY Bérangère, AERC (rattachée au DPASP) M. ROSENBERG Charles, Maître de conférences contractuel M. ZILBERSTEIN Luca, Maître de Conférences contractuel Melle MAUREY Christelle, Maître de conférences contractuel M. HIDALGO Antoine, Maître de Conférences contractuel - UNITE DE CLINIQUE EQUINE M. DENOIX Jean-Marie, Professeur * - UNITE DE RADIOLOGIE Mme BEGON Dominique, Professeur* M. TNIBAR Mohamed, Maître de conférences contractuel M. RUEL Yannick, AERC M. AUDIGIE Fabrice, Maître de conférences Mme DESJARDINS-PESSON Isabelle, Maître de confér..contractuel - UNITE DE PARASITOLOGIE ET MALADIES PARASITAIRES M. CHERMETTE René, Professeur * -UNITE DE REPRODUCTION ANIMALE M. POLACK Bruno, Maître de conférences M. MIALOT Jean-Paul, Professeur * (rattaché au DPASP) M. GUILLOT Jacques, Professeur M. NUDELMANN Nicolas, Maître de conférences Melle MARIGNAC Geneviève, Maître de conférences contractuel Mme CHASTANT-MAILLARD Sylvie, Maître de conférences (rattachée au DPASP ) M. FONTBONNE Alain, Maître de conférences M. PARAGON Bernard, Professeur (rattaché au DEPEC) M. REMY Dominique, Maître de conférences (rattaché au DPASP) M. GRANDJEAN Dominique, Professeur (rattaché au DEPEC) Melle CONSTANT Fabienne, AERC (rattachée au DPASP) DEPARTEMENT DES PRODUCTIONS ANIMALES ET DE LA SANTE PUBLIQUE (DPASP) Chef du département : M. CERF Olivier, Professeur - Adjoint : M. BOSSE Philippe, Professeur -UNITE DES MALADIES CONTAGIEUSES - UNITE DE ZOOTECHNIE, ECONOMIE RURALE M. TOMA Bernard, Professeur M. BOSSE Philippe, Professeur M. BENET Jean-Jacques, Professeur* M. COURREAU Jean-François, Professeur* Mme HADDAD H0ANG XUAN Nadia, Maître de confér.contractuel Mme GRIMARD-BALLIF Bénédicte, Maître de conférences M. SANAA Moez, Maître de conférences Mme LEROY Isabelle, Maître de conférences M. ARNE Pascal, Maître de conférences -UNITE D’HYGIENE ET INDUSTRIE DES ALIMENTS M. PONTER Andrew, Maître de conférences D’ORIGINE ANIMALE M. BOLNOT François, Maître de conférences * - UNITE DE PATHOLOGIE MEDICALE DU BETAIL ET DES M. CARLIER Vincent, Professeur ANIMAUX DE BASSE-COUR M. CERF Olivier, Professeur Mme BRUGERE-PICOUX Jeanne, Professeur Mme COLMIN Catherine, Maître de conférences M.MAILLARD Renaud, Maître de conférences associé M. AUGUSTIN Jean-Christophe, Maître de conférences M. MILLEMANN Yves, Maître de conférences* M. ADJOU Karim, Maître de conférences Ingénieurs Professeurs agrégés certifiés (IPAC) : Mme CONAN Muriel, Professeur d’Anglais Mme CALAGUE, Professeur d’Education Physique * Responsable de l’Unité 1 AERC : Assistant d’Enseignement et de Recherche Contractuel 2 A M. le Professeur Professeur à la Faculté de Médecine de Créteil, qui nous a fait l’honneur d’accepter la présidence de notre jury de thèse. Hommage respectueux A M. Bénédicte GRIMARD-BALLIF Professeur à l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort, qui nous a fait l’honneur d’accepter la direction de notre thèse. Pour l’intérêt qu’elle a porté à notre travail, sa disponibilité, ses conseils avisés, qu’elle trouve ici l’expression de nos sincères remerciements. Considérations respectueuses A M. Yves MILLEMANN Maître de conférences à l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort, qui a très volontiers accepté de faire partie de notre jury de thèse. Pour le temps qu’il nous a consacré et la pertinence de ses corrections, qu’il trouve ici l’expression de notre profonde gratitude. Sincères remerciements 3 4 Au personnel de la DIREL, à Baba SALL et Sadibou FALL pour leur soutien et leur aide précieuse. A Cheikh LY, Président de l’ODVS, pour toute l’attention qu’il a portée à nos travaux, pour ses conseils avisés. Remerciements respectueux. Aux vétérinaires, aux acteurs de la santé animale au Sénégal, pour la chaleur de leurs accueil et disponibilité dans les enquêtes. Aux éleveurs que nous avons rencontrés. Pour leur courage, pour la « teranga » qu’ils m’ont fait l’honneur de partager. Avec tout mon respect. A Pape Serigne SECK, compagnon de galère : pour ta patience, pour ta gentillesse. Pour les rires partagés, et parce que grâce à toi bien des portes se sont ouvertes. Merci, et bonne chance à toi. 5 6 A mes parents, pour tout l’amour qu’ils me donnent et la confiance qu’ils m’accordent. Vous m’avez permis de croire à mes ambitions et donné les moyens de réaliser mes rêves. Avec toute mon admiration, pour tout cela et bien plus encore, merci. A mes sœurs, mes beaux-frères. Les liens qui nous unissent sont forts. Vous m’avez fait grandir et je vous dois beaucoup. Pour la complicité que nous partageons, parce que vous êtes formidables, vous m’êtes précieux. A Benjamin, Clarisse, Quentin, Lucile. Le temps passe, vous voilà déjà grands… Je vous aime ! A mes grands-parents, à toute ma famille, pour la chaleur dont ils m’entourent. A Aurélie, Bérengère, Emilie, Gamète, Hameline, Lucile. Merci, merci. Pour vos personnalités attachantes. Pour votre soutien, pour tous les mauvais – et surtout ! – les bons moments partagés. Pour tous ceux passés et tous ceux à venir. Au casse-cacahuète, mon préféré ! Pour ton soutien sans failles. A Bertrand, à Delphine. Sans vous, je n’en serais sûrement pas là. Merci. Aux âmes voyageuses : à Sophie, Manu, Laurence, Laure, William. Que la passion qui vous anime ne vous quitte jamais, que vos pas vous emmènent encore loin … et qu’on y aille ensemble ! A mes amis : à Xavier, à tous les autres. Pour votre amitié fidèle. Je pense à vous. Aux Docteurs Martin, Pasternak, à toute l’équipe du « Pont de Seine ». Vous m’avez ouvert les portes du monde vétérinaire … avec beaucoup de rire et de bonne humeur. Sincères remerciements. Aux habitants de Kolobo, de Gossas, des villes et villages traversés au Sénégal. Vous m’avez accueillie. Merci de m’avoir fait partager votre Afrique et m’en avoir donné le meilleur. A Biteye, sama Coco, dieureudief. 7 8 9 TABLE DES MATIERES I. GENÈSE ET ÉVOLUTIONS DU SYSTÈME DE SANTÉ ANIMALE AU SÉNÉGAL : DE L’ÈRE COLONIALE À L’AVÈNEMENT DE LA PRIVATISATION .......................................................................................................…...... A. B. La santé animale sous l’ère coloniale............................................................................... Les Indépendances : le « Tout Etat »................................................................................ 1. L’accession du Sénégal à l’indépendance..................................................................... 2. Les services vétérinaires post-coloniaux : le « Tout-Etat » ?....................................... C. La « crise » et les politiques d’ajustement structurel........................................................ 1. Le contexte économique et politique : crise et ajustement........................................... 2. L’élevage et les services de santé animale dans les nouvelles politiques agricoles................................................................................................................................ 3. L’intervention des institutions internationales sur les systèmes de santé animale en Afrique............................................................................................................................. a) Le bilan..................................................................................................................... b) L’émergence de nouveaux modèles d’organisation des systèmes de santé animale ............................................................................................................................. D. Privatisation et transition vers un nouveau système de santé animale au Sénégal........... 1. Les réformes du cadre organique.................................................................................. 2. La mise en œuvre de la privatisation............................................................................ a) La dynamique d’installation des privés.................................................................... b) Le « système rénové »............................................................................................... E. Les enjeux pour le nouveau système................................................................................ 1. Les Services de santé animale face au credo de lutte contre la pauvreté...................... a) La lutte contre la pauvreté : un concept omniprésent dans le nouveau discours des institutions internationales.......................................................................................... b) Les services de santé animale dans le processus de lutte contre la pauvreté............ 2. Les Services vétérinaires face aux règles internationales du commerce des productions animales............................................................................................................ a) L’OMC et les Accords SPS...................................................................................... b) Les services de santé animale face à la nouvelle donne internationale : le rôle de l’OIE............................................................................................................................. c) Législation et assurance qualité : pour une harmonisation régionale de la réglementation en Afrique ?.............................................................................................. II. L’ÉLEVAGE AU SÉNÉGAL : ÉTAT DES LIEUX................................................ A. L’espace sénégalais........................................................................................................... 1. Principales caractéristiques........................................................................................... 2. Les contraintes climatiques........................................................................................... 3. Les découpages administratifs...................................................................................... 4. Peuplement du Sénégal................................................................................................. 5. L’agriculture................................................................................................................. B. L’élevage au Sénégal........................................................................................................ 1. Importance économique................................................................................................ 2. Le cheptel sénégalais.................................................................................................... 1 a) b) Les effectifs............................................................................................................... Les races locales....................................................................................................... 3. Principaux modes d’élevage......................................................................................... a) L’élevage de ruminants............................................................................................. b) Les volailles.............................................................................................................. c) L’élevage porcin....................................................................................................... d) Chevaux et ânes........................................................................................................ C. La situation zoosanitaire................................................................................................... 1. Une pression sanitaire variable..................................................................................... 2. Les principales maladies affectant le cheptel sénégalais.............................................. a) Les maladies virales.................................................................................................. b) Les maladies bactériennes......................................................................................... c) Les maladies parasitaires.......................................................................................... III. SYSTÈME DE SANTÉ ANIMALE : PRATIQUES D’ACTEURS ET RÉALITÉS DE TERRAIN.................................................................................................... A. Des acteurs multiples........................................................................................................ 1. Les éleveurs.................................................................................................................. a) Les groupements d’éleveurs..................................................................................... b) Les auxiliaires d’élevage........................................................................................... 2. Les prestataires de services privés................................................................................ a) Les docteurs vétérinaires........................................................................................... b) Les paraprofessionnels vétérinaires.......................................................................... c) Les acteurs extra-légaux........................................................................................... d) Les praticiens traditionnels....................................................................................... 3. Les acteurs du service public : la Direction nationale de l’Elevage (DIREL).............. 4. Les organisations professionnelles du secteur vétérinaire............................................ a) Les organisations de professionnels et para-professionnels vétérinaires.................. b) L’Ordre des Docteurs Vétérinaires du Sénégal (ODVS).......................................... 5. Les organismes d’appui................................................................................................ a) Les projets................................................................................................................. b) Les ONG................................................................................................................... B. Le fonctionnement du système de santé animale : du cadre théorique aux pratiques de terrain................................................................................................................................... 1. La distribution du médicament vétérinaire................................................................... a) Le marché du médicament vétérinaire...................................................................... b) Le circuit de distribution du médicament au Sénégal............................................... 2. Les vaccinations obligatoires........................................................................................ 3. La surveillance épidémiologique.................................................................................. C. Les interrelations au sein du système et les « stratégies d’acteurs »................................ 1. Les relations entre acteurs............................................................................................. 2. Des acteurs aux stratégies parfois divergentes.............................................................. IV. BILAN ET LIMITES D’UN SYSTÈME « RÉNOVÉ »......................................... A. Privatisation et services aux éleveurs : Appréciation des performances du «nouveau» système................................................................................................................... 1. Évolution du personnel du secteur de l’élevage........................................................... 2. La disponibilité en intrants et services.......................................................................... 2 3. 4. La couverture vaccinale................................................................................................ Les risques inhérents au système actuel........................................................................ a) Une dégradation du service de l’Etat et un transfert de fonctions sans garantie de compétences ?.............................................................................................................. b) Une approche marchande et médicamenteuse de la santé animale ?........................ B. La couverture des besoins des éleveurs par le système actuel.......................................... 1. Des besoins diversifiés.................................................................................................. a) Définitions : « Stratégies » et « pratiques » en santé animale.................................. b) Quels facteurs décisionnels pour les pratiques de santé animale ?........................... c) Une demande variable et des besoins diversifiés...................................................... 2. La réponse potentielle aux besoins des éleveurs : une offre hétérogène...................... a) Vétérinaires privés : des praticiens urbains ?............................................................ b) Le réseau public, fruit de l’histoire........................................................................... c) La répartition des autres privés................................................................................. 3. Une adéquation imparfaite entre offre et besoins en services de santé animale........... C. Les solutions alternatives.................................................................................................. 1. Une nécessaire évolution vers un système mieux ciblé et plus flexible....................... 2. L’approche « santé animale de base ».......................................................................... a) Principes.................................................................................................................... b) La méthode d’intervention : formation d’auxiliaire ou formation de masse des éleveurs ?.......................................................................................................................... c) Efficacité et pérennité des systèmes alternatifs........................................................ d) Limites...................................................................................................................... 3. Un autre visage du système de santé animale : l’ethnomédecine vétérinaire............... a) La connaissance et la description des maladies animales......................................... b) La prophylaxie et les traitements « traditionnels »................................................... c) Qui sont les guérisseurs du bétail ?........................................................................... d) Forces et faiblesses de la médecine traditionnelle.................................................... 4. Un challenge pour le système de santé animale : l’intégration de l’approche alternative dans un cadre légal.............................................................................................. a) Auxiliaires et législation........................................................................................... b) Intégration de la « médecine traditionnelle » dans le système de santé....... ... 3 4 TABLE DES ILLUSTRATIONS FIGURES FIGURE 1 : EVOLUTION DE LA PART DES DÉPENSES DE PERSONNEL (EN %) DANS LE BUDGET TOTAL DES SERVICES DE SANTÉ ANIMALE POUR DIVERS PAYS AFRICAINS, DE 1965 À 1979 (D’APRÈS ANTENEH, 1984, CITÉ PAR CHENEAU ; 1985)................................................................................................................... 31 FIGURE 2 : EVOLUTION DU BUDGET DE L’ÉLEVAGE EN AFRIQUE ENTRE 1965 ET 1976 (D’APRÈS GTZ/CIRAD-EMVT, 1988)......................................................................... 32 FIGURE 3 : L’AUXILIAIRE DE BANGUI (D’APRÈS GTZ/CIRAD-EMVT, 1988)...........34 FIGURE 4 : EVOLUTION DU NOMBRE DE PROFESSIONNELS INSTALLÉS À TITRE PRIVÉ, EFFECTIFS CUMULÉS (D’APRÈS CISSÉ, 1996).................................................. 39 FIGURE 5 : EVOLUTION DE L’INSTALLATION DES DOCTEURS VÉTÉRINAIRES EN CLIENTÈLE PRIVÉE AU SÉNÉGAL, EFFECTIFS CUMULÉS (D’APRÈS FALL, 2003) 39 FIGURE 6 : CHAPITRE 1.1.1 DU CODE ZOOSANITAIRE INTERNATIONAL : DÉFINITIONS GÉNÉRALES................................................................................................. 47 FIGURE 7 : CARTE GÉNÉRALE DU SÉNÉGAL. ANCIEN DÉCOUPAGE ADMINISTRATIF (D’APRÈS DIVISION GÉOGRAPHIQUE DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ETRANGÈRES, CITÉ PAR IZF, 1998)...............................................................53 FIGURE 8 : PROFIL MÉTÉOROLOGIQUE DU SÉNÉGAL (D’APRÈS FAO/SMIAR, 2001)......................................................................................................................................... 56 FIGURE 9 : GRANDS DOMAINES CLIMATIQUES ET TRANSLATION DES ISOHYÈTES (D’APRÈS CORMIER ET AL., 2000) NB : LE RECUL DE LA LIMITE DU FRONT DE LA TRYPANOSOMIASE (« AVANT LA SÉCHERESSE » = AVANT 1973 ; « MAINTENANT » = 2000) EST À METTRE EN RELATION AVEC LA TRANSLATION DES ISOHYÈTES....................................................................................... 56 FIGURE 10 : DES ROYAUMES ET ETATS PRÉCOLONIAUX AU NOUVEAU DÉCOUPAGE ADMINISTRATIF (D’APRÈS THIAM ET GUEYE, 2000 ; CSE, 2004).....59 FIGURE 11 : LA CROISSANCE DES VILLES SÉNÉGALAISES EN 1988 (D’APRÈS CORMIER ET AL., 2000)........................................................................................................59 FIGURE 12 : LES ZONES AGRICOLES (D’APRÈS CORMIER ET AL., 2000).................61 FIGURE 13 : LES GRANDS DOMAINES AGRO-CLIMATIQUES (D’APRÈS CSE, 2004) 61 FIGURE 14 : ZÉBUS GOBRA................................................................................................ 64 FIGURE 15 : VACHE NDAMA EN CASAMANCE .............................................................64 FIGURE 16 : MOUTONS PEUL-PEUL SÉNÉGALAIS........................................................ 65 FIGURE 17 : CAMPEMENT DE PASTEURS TRANSHUMANTS DANS LE FERLO..... 67 FIGURE 18 : TROUPEAU EN ZONE PASTORALE............................................................ 67 FIGURE 19 : LES SOUS-PRODUITS AGRICOLES REPRÉSENTENT UNE COMPOSANTE IMPORTANTE DE L'ALIMENTATION DU BÉTAIL DANS LE BASSIN ARACHIDIER..........................................................................................................................69 FIGURE 20 : L’EMBOUCHE CONSTITUE UNE FORME DE VALORISATION DES SOUS-PRODUITS AGRICOLES............................................................................................ 69 FIGURE 21 : MOUTONS DE CASE À DAKAR .................................................................. 72 FIGURE 22 : JEUNES ZÉBUS GOBRA EN EMBOUCHE DANS LE BASSIN ARACHIDIER .........................................................................................................................72 FIGURE 23 : SALLE DE TRAITE ET VACHES PRIM'HOLSTEIN DANS LA FERME WAYEM'BAM (RÉGION DE DAKAR).................................................................................75 5 FIGURE 24 : PRODUIT D'INSÉMINATION ARTIFICIELLE (GÉNÉRATION F1, MONTBÉLIARDE X GOBRA)...............................................................................................75 FIGURE 25 : PRODUIT F1 D'INSÉMINATION GOBRA X PRIM'HOSLTEIN..................75 FIGURE 26 : TRANSPORT DE L'EAU EN ZONE PASTORALE........................................78 FIGURE 27 : ABREUVEMENT AU FORAGE EN ZONE PASTORALE............................79 FIGURE 28 : CLINIQUE VÉTÉRINAIRE À DAKAR...........................................................95 FIGURE 29 : ORGANIGRAMME DE LA DIRECTION DE L'ELEVAGE (D'APRÈS DIREL, 2004)......................................................................................................................... 100 FIGURE 30 : LES CHEFS DE POSTE VÉTÉRINAIRE RÉALISENT UNE PART IMPORTANTE DES CAMPAGNES DE VACCINATION................................................. 101 FIGURE 31 : MARCHÉ MONDIAL DU MÉDICAMENT EN 1999, % EN VALEUR (D’APRÈS VANDAELE, CITÉ PAR BÂ, 2001).................................................................. 105 FIGURE 32 : COMPOSITION DU MARCHÉ DU MÉDICAMENT VÉTÉRINAIRE DANS LA ZONE UEMOA EN 1999, % EN VALEUR (D’APRÈS TCHAO, 2000, CITÉ PAR BA, 2001)....................................................................................................................................... 105 FIGURE 33 : PARTS DE MARCHÉ DES DIFFÉRENTS TYPES DE MÉDICAMENTS AU SÉNÉGAL, CUMUL 1994-1999 (D’APRÈS BÂ, 2001).......................................................105 FIGURE 34 : ORGANISATION DES CIRCUITS DE DISTRIBUTION DES MÉDICAMENTS VÉTÉRINAIRES AU SÉNÉGAL (D'APRÈS ODVS, 2002)..................107 FIGURE 35 : PARC DE VACCINATION (COMMUNAUTÉ RURALE DE SADIO)....... 111 FIGURE 36 : SCHÉMA D’ORGANISATION DU RÉSEAU DE SURVEILLANCE ÉPIDÉMIOLOGIQUE DE LA PESTE BOVINE (D’APRÈS DIREL, 2000)....................... 112 FIGURE 37 : LES AGENTS DE POSTE DU SECTEUR PUBLIC PERMETTENT AUJOURD'HUI ENCORE LE MAILLAGE DU TERRAIN ET RÉALISENT UNE GRANDE PARTIE DES SOINS AUX ANIMAUX..............................................................120 FIGURE 38 : EVOLUTION DU PERSONNEL VÉTÉRINAIRE DE 1984 À 2003 (D’APRÈS CHENEAU, 1985 ; CISSÉ, 1996 ; GUEYE, 2003 ; UMALI ET AL., 1992)..... 126 FIGURE 39 : ÉVOLUTION DU NOMBRE DE BOVINS VACCINÉS (D’APRÈS DIREL, 2004)....................................................................................................................................... 128 FIGURE 40 : MODÈLE CONCEPTUEL DES FACTEURS INFLUENÇANT LES DÉCISIONS PRISES PAR LES ÉLEVEURS DANS LE DOMAINE DE LA GESTION DE LA SANTÉ ANIMALE (D’APRÈS CHILONDA ET VAN HUYLENGROECK, 2001).... 131 FIGURE 41 : TAUREAU MÉTIS GOBRA/GUZERAH.......................................................134 FIGURE 42 : MARCHÉ HEBDOMADAIRE (LOUMA) EN ZONE PASTORALE........... 135 FIGURE 43 : LE NIVEAU DES PRIX DES INTRANTS, EN PARTICULIER CELUI DES ALIMENTS DU BÉTAIL, INFLUENCE LES PROCESSUS DÉCISIONNELS DES ÉLEVEURS............................................................................................................................ 136 FIGURE 44 : LOCALISATION DES VÉTÉRINAIRES PRIVÉS AU SÉNÉGAL (D'APRÈS ODVS, 2004).......................................................................................................................... 140 FIGURE 45 : LOCALISATION DES SERVICES DE L'ÉLEVAGE AU SÉNÉGAL (D'APRÈS DIREL, 2004)....................................................................................................... 144 FIGURE 46 : RATIO UNITÉS DE SANTÉ ANIMALE (VLU) / DOCTEUR VÉTÉRINAIRE ET VLU / PROFESSIONNEL VÉTÉRINAIRE PAR RÉGION (D’APRÈS RÉPUBLIQUE DU SÉNÉGAL, 2002 ; DIREL, 2004 ; ODVS, 2004)........................................................... 146 FIGURE 47 : RÔLES DU VÉTÉRINAIRE SUPERVISEUR DANS LE SYSTÈME TANZANIEN (D’APRÈS WOODFORD, 2004)................................................................... 177 FIGURE 48 : PISTES DE TRAVAIL POUR UN DÉVELOPPEMENT DE LA MÉDECINE VÉTÉRINAIRE TRADITIONNELLE (D'APRÈS MATHIAS ET MCCORKLE, 2004).....178 6 TABLEAUX TABLEAU 1 : EFFECTIFS DU PERSONNEL DES SERVICES DE L’ÉLEVAGE EN 1952, POUR L’AOF ET LE SÉNÉGAL (D’APRÈS DIOP, 1989)................................................... 21 TABLEAU 2 : EXEMPLE DE COMPOSITION DU CRÉDIT ACCORDÉ PAR LE PARC POUR L’INSTALLATION D’UN VÉTÉRINAIRE PRIVÉ (D’APRÈS FALL, 2003)..........38 TABLEAU 3 : SITUATION ZOOSANITAIRE EN 2004 (D’APRÈS OIE, 2005).................81 TABLEAU 4 : EVOLUTION DU PERSONNEL DES SERVICES DE SANTÉ ANIMALE (D’APRÈS CHENEAU, 1985 ; CISSÉ, 1996 ; GUEYE, 2003 ; UMALI ET AL., 1992)..... 126 TABLEAU 5 : TAUX DE MORTALITÉ MOYENS DANS LES EXPLOITATIONS AYANT ACCÈS OU NON À UN AUXILIAIRE (D’APRÈS IDL GROUP ET MCCORKLE, 2003)....................................................................................................................................... 157 TABLEAU 6 : ETUDE COMPARATIVE DE L’APTITUDE À RÉSISTER À UNE SÉCHERESSE FUTURE ET DE LA « QUALITÉ DE VIE » AVEC ET SANS AUXILIAIRE (D’APRÈS THE IDL GROUP ET MCCORKLE, 2003)............................... 160 TABLEAU 7 : QUELQUES PLANTES DE LA PHARMACOPÉE SÉNÉGALAISE (D’APRÈS BÂ, 1982 ; KERHARO ET ADAM, 1974)......................................................... 172 TABLEAU 8 : ECHANTILLON INTERROGÉ POUR CHACUN DES TROIS SITES DE L’ÉTUDE................................................................................................................................214 TABLEAU 9 : NOMBRE MOYEN ET TYPE D'ANIMAUX POSSÉDÉS PAR LES ÉLEVEURS DE L'ÉCHANTILLON..................................................................................... 214 7 ANNEXES Annexe I : Annexe II : Annexe III : Annexe IV : Annexe V : Annexe VI : Annexe VII : Annexe VIII : Annexe IX : Annexe X : Questionnaire destiné aux vétérinaires privés ………………………….. Questionnaire destiné aux acteurs du secteur public …………………… Lettre de Politique de développement de l’élevage …………………….. Loi portant création de l’Ordre des vétérinaires du Sénégal …………… Code de déontologie de la médecine vétérinaire ……………………….. Décret relatif à l’institution du mandat sanitaire au Sénégal …………… Organisations professionnelles d’éleveurs, classement par échelle d’intervention …………………………………………………………… Arrêté portant organisation de la DIREL ……………………………….. Précisions relatives à l’étude Mc Corkle et IDL Group portant sur les auxiliaires de santé animale …………………………………………….. Aperçu de la pharmacopée vétérinaire traditionnelle …………………... 185 187 188 193 199 203 205 206 214 215 8 9 TABLE DES PRINCIPAUX ACRONYMES AEF AOF ATE DIREL DIRFEL DPDA DSRP EMI FAO FIDES FMI GIE IE ITE LDPE LNERV LPDA MDE MOSA NEPAD NPA ODVS OIE OMC ONG ONU PACE PACEPA PAPEL PARC PAS PIB PPCB PPR PSAOP SERA SNSE UEMOA VLU VSF Afrique Equatoriale Française Afrique Occidentale Française Agent Technique d'Elevage Direction nationale de l'Elevage Directoire des Femmes en Elevage Déclaration de Politique de Développement Agricole Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté Exploitations Mixtes Intensifiées Food and Agriculture Organization Fonds d'Investissement pour le Développement Economique et Social Fonds Monétaire International Groupement d'Intérêt Economique Infirmier d'Elevage Ingénieur des Travaux d'Elevage Lettre de Politique de Développement de l'Elevage Laboratoire National d'Elevage et de Recherches Vétérinaires Lettre de Politique de Développement Agricole Maison des Eleveurs Maintien par Ordre Sans Affectation Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique Nouvelle Politique Agricole Ordre des Vétérinaires du Sénégal Office International des Epizooties Organisation Mondiale du Commerce Organisation Non Gouvernementale Organisation des Nations Unies Programme Panafricain de Contrôle des épizooties Projet d'Appui à la Concertation Etat-Professionnels Agricoles Projet d'Appui à l'Elevage Panafrican Rinderpest Campaign Plan d'Ajustement Structurel Produit Intérieur Brut Péripneumonie Contagieuse Bovine Peste des Petits Ruminants Programme d'Appui aux Services Agricoles et aux Organisation de Producteurs Secrétariat d'Etat aux Ressources Animales Système National de Surveillance Epidémiologique Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine Veterinary Livestock Unit (Unité de Santé Animale) Vétérinaire Sans Frontières 10 11 INTRODUCTION Les systèmes de santé animale en Afrique ont longtemps fait l’objet de préoccupations des pouvoirs publics, depuis la mise en place des administrations coloniales jusqu’à nos jours. Les institutions étatiques et les pouvoirs centraux ont toujours marqué de leur empreinte l’organisation et l’évolution des services vétérinaires (Ly et Domenech, 1999). Le système de santé animale au Sénégal a subi, comme dans de nombreux pays d’Afrique, de nombreux remaniements au cours de ces vingt dernières années. Après une période coloniale et post-indépendance caractérisée par l’omniprésence de l’Etat dans la fourniture des services vétérinaires, le système a été profondément bouleversé au cours des années 1980 (Diop, 1989). Ces années ont vu s’engager dans de nombreux pays en développement un processus de privatisation des services de santé animale. Le Sénégal n’a pas échappé au mouvement général. Face à des contraintes économiques et structurelles importantes, et dans un contexte de crise, le pays s’est lancé sur la voie de la libéralisation des services aux éleveurs (Ly et Domenech, 1999). Le processus, initié sous l’impulsion des institutions internationales, est aujourd’hui considéré comme irréversible (Gueye, 2003). Ainsi, à partir du début des années 1990, l’Etat sénégalais s’est progressivement désengagé de certaines de ses fonctions et s’est recentré sur ses missions régaliennes. Parallèlement s’est mis en place un secteur privé, qui fait intervenir différentes catégories socio-professionnelles dans la distribution des médicaments et les soins aux animaux. Aux acteurs « anciens » du domaine public s’ajoute aujourd’hui tout un faisceau d’intervenants qui font de ce système de santé animale un ensemble complexe (Cisse, 1996). C’est lors de séjours au Sénégal, et au cours de discussions avec différents intervenants du secteur de l’élevage, que s’est révélé l’intérêt d’une étude synthétique sur le processus de privatisation du secteur de la santé animale dans ce pays. Alors que sur le terrain apparaissent de nombreuses discordances dans le fonctionnement du système, ce processus, encore jeune, est déjà confronté à de nouveaux enjeux (Ly et Domenech, 1999). Aujourd’hui, l’étude des systèmes de santé profite d’un regain d’intérêt de la communauté internationale qui, dans le cadre des politiques de lutte contre la pauvreté et le contexte de mondialisation, s’interroge sur les évolutions à venir de ces systèmes (Domenech et al., 2004). Mais face à ces nouvelles contraintes, et avant de se projeter dans des mutations futures, il est intéressant de dresser un constat sur le processus de privatisation au Sénégal et sur l’état du système actuel. 12 Notre étude de la privatisation du système de santé animale au Sénégal s’appuie sur des sources bibliographiques et sur des entretiens réalisés lors d’un séjour de trois mois sur le terrain. C’est d’abord un bilan que nous dresserons, celui de la privatisation des services vétérinaires au Sénégal. Ce bilan n’a pas la prétention d’être exhaustif, loin de là. Mais il devra permettre de mieux comprendre dans quel contexte et de quelle manière se sont opérés les processus de privatisation, à travers l’étude de la genèse et des évolutions du système de santé au Sénégal. Ensuite, c’est un état des lieux que nous dresserons, afin de mieux comprendre dans quel contexte s’inscrit notre étude du système de santé animale : celui de l’élevage au Sénégal aujourd’hui. Alors que perdurent des traits caractéristiques d’un élevage souvent qualifié de « traditionnel », les contraintes et enjeux évoluent. Les systèmes d’élevage au Sénégal sont variés et subissent aujourd’hui de nombreuses mutations (SONED, 1999). Puis notre travail mettra en lumière l’ensemble complexe que constitue le système de santé animale. L’étude du fonctionnement des services vétérinaires permettra de voir quelle est la réalité des intervenants sur le terrain. Parallèlement, elle montrera que le système est animé par des acteurs multiples confrontés à des enjeux variés. Enfin, on s’interrogera sur la question de l’adéquation entre offre de services et besoins des éleveurs. Dans quelle mesure le système actuel permet-il de satisfaire la demande et les besoins des éleveurs ? Alors que tous sont loin d’avoir un accès équitable aux services, on s’interrogera sur les perspectives d’amélioration. Parmi les pistes de réflexion et les propositions lancées par les institutions internationales, nous nous attacherons à celle de l’approche dite « santé animale de base » qui semble aujourd’hui avoir obtenu un consensus en sa faveur (Blanc et al., 2003). 13 Préambule : genèse du projet et méthodologie La problématique de notre travail a émergé lors d’un premier séjour au Sénégal en janvier 2003. Après avoir constaté sur le terrain la stratification complexe du faisceau d’intervenants en santé animale, et après discussion avec quelques uns des différents acteurs, il est apparu qu’un travail sur le processus de privatisation des services vétérinaires au Sénégal pourrait s’avérer intéressant. L’idée de départ était de cibler notre étude sur le phénomène d’installation des docteurs vétérinaires en clientèle privée. Un travail sur le terrain était nécessaire pour mener à bien cette étude. Pendant près de trois mois, de mars à juin 2004, nous avons été accueillie au sein de la Direction Nationale de l’Elevage (DIREL) qui nous a servi de port d’attache durant notre séjour. Dans le but de mieux comprendre le processus de privatisation, nous avons prévu de rencontrer les vétérinaires privés. Mais il s’agissait aussi d’identifier et interviewer les autres acteurs du système. Parallèlement, face à l’hétérogénéité de l’offre en services émergeait la question de l’accessibilité des éleveurs aux soins vétérinaires. Nous avons alors tenté d’enrichir notre travail en nous préoccupant davantage de l’opinion des éleveurs sur le phénomène de privatisation ; il s’agissait de comprendre leurs besoins et les contraintes auxquels ils sont soumis. La littérature ne mentionne que rarement l’opinion de ces derniers sur un processus de privatisation qui leur était destiné (Thomé et al., 1996). Nous avons donc essayé de mieux appréhender cet aspect, de récolter différents points de vue en rencontrant des éleveurs soumis à des besoins et des contraintes variés. Une première phase de notre travail a consisté, à Dakar, à brièvement recenser et consulter les travaux consacrés à la privatisation de la médecine vétérinaire en Afrique et au Sénégal. Dans un deuxième temps il convenait de recenser les professionnels vétérinaires, de qualification diverse, exerçant au Sénégal. Après avoir dénombré les acteurs, il s’est agi de les localiser sur diverses cartes afin d’avoir une première idée de la géographie vétérinaire à l’échelle nationale. Puis il a fallu cibler les acteurs que nous souhaitions rencontrer, élaborer une méthodologie pour les entretiens, et définir un échantillon. Nous avons décidé de rencontrer les vétérinaires privés, cible initiale de notre étude, mais aussi les acteurs institutionnels, les autres intervenants sur le terrain, et les éleveurs. Pour chaque catégorie d’acteurs la méthodologie utilisée a été différente, et des difficultés et obstacles particuliers ont émergé. Enfin est venu le temps des enquêtes. Nous avons décidé de consacrer 6 semaines aux enquêtes de terrain : 2 semaines à Dakar, 4 en région. A Dakar, nous avons réalisé nos entretiens seule et de manière autonome. Dans les régions, les premiers entretiens ont été réalisés en compagnie de deux fonctionnaires de la DIREL, qui nous ont offert de profiter de leur « tournée » de préparation de la campagne de vaccination pour rencontrer les différents intervenants. Les trois dernières semaines de « terrain » en région ont été conduites de manière autonome et accompagnée d’un étudiant de l’école vétérinaire de Dakar, en thèse lui aussi. ● Les acteurs institutionnels Pour mieux comprendre les tenants et les aboutissants du processus de privatisation, mais aussi pour mieux en appréhender les enjeux, il était important de rencontrer des acteurs issus des institutions. Les contacts avec les différents intervenants ont été noués à Dakar par le biais de la Direction de l’Elevage, qui nous a ainsi permis d’interroger : - la Direction de l’Elevage (DIREL) : Directeur de l’élevage, personnel des différents services, chef du personnel ; 14 - l’Ordre des Vétérinaires du Sénégal (ODVS) : son Président, M. Cheikh LY ; le Syndicat National des Travailleurs de l’Elevage : son Président, M. Lamine KARE ; Le Directoire National des Femmes en Elevage (DINFEL) : sa Présidente, Me DIALLO ; Les organisations professionnelles d’éleveurs : le Président de la Fédération nationale des GIE d’éleveurs du Sénégal, M. El Hadj Malick SOW ; Le Syndicat des Vétérinaires Privés du Sénégal (SYNPRIVET) : son Président, M. Sory GUEYE. Les entretiens se sont déroulés de manière informelle, sous la forme d’une discussion et de questions ouvertes. Il s’agissait de recueillir les impressions de chacun sur le processus de privatisation, d’écouter les points de vue et entendre les revendications de chacun. ● Les professionnels et para-professionnels vétérinaires La construction de l’échantillon a été un des points critiques de notre travail. La priorité des entretiens, dès le départ, a été donnée aux vétérinaires privés, cœur de notre étude. Afin d’obtenir un échantillon représentatif, un tirage au sort aurait été intéressant. Cependant, pour des raisons logistiques, cette méthodologie était inapplicable. Nous avons simplifié la méthode d’analyse en nous fixant pour objectif de rencontrer une trentaine de vétérinaires privés sur les 95 en exercice recensés par Gueye (2003), ce qui constituait déjà une proportion intéressante. Le choix des vétérinaires interviewés s’est fait selon leur localisation et les possibilités matérielles d’aller leur rendre visite. Nous souhaitions rencontrer des praticiens dakarois, bien sûr, mais il était important d’enquêter auprès des vétérinaires ruraux en région qui n’ont ni les mêmes besoins ni la même vision sur le processus de privatisation. Malgré la proportion importante de vétérinaires localisés à Dakar, nous avons essayé de favoriser les entretiens avec les vétérinaires ruraux. Ce biais volontaire avait pour but de mieux comprendre les problèmes posés dans les zones plus reculées en matière d’accessibilité pour les éleveurs. Au final, nous avons pu interviewer 29 vétérinaires privés : 9 à Dakar, 20 en région. Nous souhaitions aussi rencontrer des intervenants issus d’autres corps professionnels. Réaliser un échantillon représentatif de chaque catégorie professionnelle était impossible : d’une part parce que la fiabilité du corpus de base était douteuse, d’autre part parce que le temps imparti et les moyens logistiques dont nous disposions étaient limités. Dans ce cadre, nous avons dû revoir nos ambitions. Face à la problématique de départ − le phénomène d’installation des vétérinaires privés en clientèle −, nous avons donné la priorité aux enquêtes auprès de ces derniers. Notre méthode a été alors de prévoir nos « tournées » en fonction de la localisation des vétérinaires privés et des possibilités de transport qui nous étaient offertes, puis, une fois sur place, de rencontrer les acteurs du secteur public en présence : inspecteurs régionaux et départementaux, agents de poste vétérinaire Les interviews des vétérinaires privés et agents de poste du public étaient guidées par un questionnaire (Annexe I et II) réalisé par nos soins et validé par la Direction de l’Elevage (DIREL) et l’Ordre des Vétérinaires Sénégalais (ODVS). Tout en suivant le canevas du questionnaire, la porte était laissée ouverte pour les remarques et discussions informelles. Lorsque cela était possible, nous avons accompagné les intervenants sur le terrain, dans le cadre de leur exercice quotidien. Les agents de poste enquêtés au final ont été au nombre de 25. Avec les inspecteurs départementaux (9 au total) et régionaux (7), les interviews se sont déroulées de manière informelle, sans questionnaire. Plus que d’obtenir des réponses à une grille de questions, il s’agissait de recueillir leurs impressions sur le processus de privatisation. 15 ● Les éleveurs Dès le départ, nous avions à cœur de placer les éleveurs au centre de nos préoccupations. Cependant, nous étions consciente de l’impossibilité de réaliser un échantillon représentatif. L’objectif était simplement d’en rencontrer le plus possible, et de recueillir des points de vue variés. Pour cela, il s’agissait de rencontrer des éleveurs de profil différent : membres ou non de groupements et organisations professionnelles, citadins ou ruraux, « petits » ou « grands » éleveurs, hommes ou femmes. Il était important aussi de rencontrer des éleveurs pratiquant des types d’élevage variés, des plus « extensifs » au plus « intensifs »… Les régions enquêtées correspondant à des zones agro-écologiques variables, cela nous a permis de rencontrer des éleveurs pratiquant des systèmes d’élevage différenciés et soumis à des contraintes différentes : pasteurs du Nord Sénégal, agro-éleveurs du Bassin arachidier, éleveur de bovins laitiers ou de volailles à Dakar. Les entretiens réalisés auprès des éleveurs se sont déroulés sous la forme de discussions informelles et de questions ouvertes. Les questions portaient sur le mode de consommation des éleveurs en matière de santé animale, sur l’accessibilité aux différents prestataires et aux médicaments vétérinaires, et sur l’opinion générale quant au processus de privatisation. Un premier obstacle a été la prise de contact. Notre volonté de rencontrer les éleveurs n’a, semble t’il, pas été bien comprise de notre structure d’accueil, la DIREL. L’incapacité de cette dernière à nous mettre en rapport avec les éleveurs est à mettre en relation, on imagine, avec les difficultés que rencontrent les deux types d’acteurs, éleveurs et institutions, pour établir un véritable dialogue et une communication constructive. Ceci semble conforter, malheureusement, l’idée d’une Direction de l’élevage bureaucratique et bien éloignée des préoccupations des éleveurs. Les contacts avec les organisations professionnelles d’éleveurs se sont faits par le biais des vétérinaires privés et du Syndicat des travailleurs de l’élevage. Quant aux rencontres avec les éleveurs, elles ont été initiées par les professionnels vétérinaires (docteurs vétérinaires, agents de poste) que nous avions rencontrés auparavant. Nous avons pu interroger les éleveurs au gré des consultations quotidiennes. Parfois, le vétérinaire nous a introduite auprès des pouvoirs locaux ou dans les marchés pour nous laisser conduire nos entretiens de manière autonome. Les éleveurs ont été interrogés tantôt en groupe, tantôt de manière individuelle. Finalement, le plus difficile a été de rencontrer des éleveurs « lambda ». Les personnes qui nous ont introduite auprès des éleveurs ont eu, semble t’il, tendance à nous présenter soit les éleveurs « notables », représentants des organisations professionnelles (Maisons Des Eleveurs par exemple), soit des éleveurs « modèles » (possédant des produits d’insémination artificielle). Par ailleurs, il s’est avéré difficile de nous entretenir avec les femmes qui pourtant jouent souvent un rôle central dans les soins aux animaux. Au final, nos entretiens ont été réalisés auprès de : - 29 vétérinaires privés, - 25 agents de postes vétérinaires, - 7 inspecteurs régionaux de l’élevage, - 9 inspecteurs départementaux de l’élevage, - 10 auxiliaires, - les représentants de deux organisations professionnelles régionales, - une vingtaine d’éleveurs individuels, - cinq groupes d’éleveurs. Nos enquêtes se sont déroulées dans 7 régions du Sénégal, présentant des caractéristiques différenciées : - la région de Dakar, très urbanisée et siège d’un élevage parfois intensif, - Thiès, région en voie d’urbanisation, 16 - Fatick, Kaolack, Diourbel, cœur du bassin arachidier et cadre d’un élevage intégré à l’agriculture, Saint-Louis, englobant des zones urbaines et d’autres à vocation pastorale, Tambacounda, région reculée. Au fil de notre séjour ont émergé plusieurs difficultés ayant trait au déroulement et à la méthodologie même de nos enquêtes. La première des difficultés a été la récolte des données et la constitution du corpus de base recensant les intervenants en santé animale. La simple opération qui consistait à rassembler des informations éparses et à vérifier la mise à jour des données a déjà été très coûteuse en temps passé. On disposait d’une liste à jour pour les vétérinaires privés, issue de l’Ordre des Vétérinaires du Sénégal et des travaux de Gueye (2003). Pour les acteurs publics, il s’est avéré que les données disponibles étaient erronées. Une mise à jour a été faite en synthétisant les rapports régionaux annuels de la DIREL. Cependant, l’exactitude de la liste obtenue peut rester douteuse. Enfin, pour les acteurs privés autres que docteurs vétérinaires, on ne dispose d’aucune donnée. Quel est leur nombre ? Où sont-ils ? Nous n’avons pas pu répondre à ces questions qui nécessiteraient un long recensement exhaustif sur le terrain. Un deuxième obstacle a été la constitution de l’échantillon à enquêter. Un tirage au sort eût été une méthode utilisable pour déterminer un échantillon représentatif des vétérinaires privés et acteurs du public à enquêter. Mais nous avons disposé d’un temps et de moyens logistiques limités. Dans cette mesure, il a fallu d’abord cibler les zones d’enquêtes envisageables, puis déterminer un itinéraire compatible avec les moyens à notre disposition, voire s’adapter aux « tournées » proposées. On peut aussi s’interroger sur la représentativité des intervenants rencontrés. Au vu de l’obstacle que représente le transport dans certaines zones, nous avons parfois dû nous limiter à rencontrer les intervenants les plus accessibles. En ce qui concerne les éleveurs, le biais était important. Loin d’être représentatifs, les éleveurs que nous avons rencontrés n’avaient pas été choisis au hasard. En effet, les rencontres ont souvent été initiées par les professionnels vétérinaires : il s’est parfois agi d’éleveurs « modèles », d’éleveurs « porte-parole » et très revendicatifs. Le lieu de rencontre n’était pas neutre non plus : le marché, l’officine du vétérinaire. Dans cette mesure, il faut tenir compte du fait que nous n’avons pu rencontrer que des éleveurs possédant un accès aux services vétérinaires et au marché : nous n’avons pas pu interroger les éleveurs exclus du système et ceux pour qui se posent les plus grands problèmes d’accessibilité. Ainsi, loin de se vouloir exhaustives et représentatives, nos enquêtes prétendent plutôt donner un éclairage sur certains points de vue, et montrer quelques unes des difficultés rencontrées sur le terrain. Enfin, ces expériences de terrain ont été pour nous l’occasion d’appréhender les écueils auxquels peut s’exposer le chercheur lors des enquêtes. Nous avons ainsi pu nous heurter à différents obstacles déjà relevés par Fassin et Brousselle en 1991. Ainsi s’est posée à nous la question de la « relation d’enquête », c'est-à-dire le rapport social qui s’instaure entre l’enquêteur et l’enquêté à travers le questionnaire. Fassin et Brousselle (1991) notaient que ce dernier « détermine pour une grande part les réponses faites et donc la qualité de l’information recueillie ». La position sociale de l’enquêteur influe sur la tenue de l’entretien et la qualité des informations recueillies. Notre statut a forcément biaisé les réponses. « Blanc », « toubab », nous avons parfois été considérée comme un « bailleur » potentiel et nos entretiens ont alors été l’occasion de formuler des demandes d’appui financier ou technique à certains projets. Selon l’intermédiaire qui nous a introduite auprès de l’enquêté, la réaction de ce dernier a été de rester prudent et méfiant, ou au contraire d’être plus virulent. D’autre fois, nos interviews ont servi de lieu d’expression de toutes les revendications. Selon la personne enquêtée, et selon nos accompagnateurs, nous avons pu 17 incarner différentes figures : financeur potentiel, représentant tantôt des services vétérinaires publics tantôt des docteurs vétérinaire privés, vétérinaire praticien, ou encore « chercheur curieux ». Selon Fassin et Brousselle (1991), cette remarque générale tenant à la relation entre enquêteur et enquêté vaut particulièrement pour des populations africaines où divers facteurs sociaux et culturels interfèrent avec la réponse. Et il apparaît que « l’écriture joue à la fois comme instrument de transformation de la parole et donc du savoir, et comme mode de contrôle politique dans des groupes illettrés où l’administration s’impose par ses pouvoirs symboliques autant que réels ». Et c’est peut-être avec cet éclairage qu’il convient de lire certaines réponses réticentes lors des interviews menées en présence des acteurs du public : éleveurs prudents lors des entretiens en présence des représentants locaux des services vétérinaires, vétérinaires privés ou agents de poste sur la réserve lorsque nous étions accompagnée de membres de la Direction Nationale de l’Elevage. Par ailleurs, nous avons pu vérifier la difficulté d’élaborer un questionnaire ou une grille d’enquêtes. Tout comme le notaient Fassin et Brousselle (1991), il apparaît effectivement que certaines questions pouvaient paraître à la fois « incongrues » (quel rapport avec la santé ?) et « dangereuses » (pourquoi me demande-t-on cela ?). Cela est particulièrement le cas pour les questions qui mettent en jeu un jugement de valeur sur le travail et la disponibilité des différents intervenants, mais aussi pour les questions relatives au réseau illicite de vente des médicaments ou à l’utilisation de la médecine traditionnelle. Et Fassin (1992) rappelle que si certaines questions ne permettent aucune réponse fiable, ce n’est pas parce que les sujets interrogés « cachent la vérité », mais « simplement parce que la question n’a pas de sens ». 18 19 I.GENÈSE ET ÉVOLUTIONS DU SYSTÈME DE SANTÉ ANIMALE AU SÉNÉGAL : DE L’ÈRE COLONIALE À L’AVÈNEMENT DE LA PRIVATISATION A.La santé animale sous l’ère coloniale L’arrivée des premiers vétérinaires en Afrique est étroitement liée à la conquête coloniale. Huzard fils fut le premier vétérinaire français missionné en Afrique, au Sénégal, en 1819 avec pour ordre « d’effectuer des recherches sur les races des chevaux et bêtes de somme qui pourraient être introduites en France, ainsi qu’aux Antilles et à la Guyane, avec avantage » (Gerbaud, 1986). Les vétérinaires militaires accompagnant les expéditions coloniales qui se multiplient en Algérie, puis en Afrique noire, ont été les seuls représentants de la profession en Afrique jusqu’à la fin du XIXème siècle (Landais, 1990). Cinq d’entre eux sont tués au combat en Afrique noire entre 1880 et 1885, « victimes de la folle course à la conquête que se livrent les puissances européennes en perspective de la conférence africaine qui se tiendra finalement à Berlin en 1885, et entérine le dépeçage de l’Afrique » (Landais, 1990). Selon Feunten (1955), ce n’est qu’assez longtemps après l’installation de l’Administration française en AOF (Afrique occidentale française) que les Pouvoirs publics se sont intéressés à l’élevage, qui comptait peu dans la vie économique du pays. Il était alors périodiquement décimé par de graves maladies contagieuses, peste bovine notamment, qui sévissaient sous forme d’épizooties meurtrières détruisant parfois les trois quarts du cheptel. Cependant, vers 1890, quelques observateurs, les militaires de l’Escadron des Spahis Sénégalais, se consacrèrent à l’étude du bétail (Feunten, 1955). En 1904 est créée par le Gouverneur général Roume la première institution de santé animale, le Service Zootechnique et des Epizooties, dans le but de coordonner les efforts entrepris dans les différentes colonies. D’abord composé d’un très petit nombre de techniciens, tous militaires, ce service se renforce peu à peu en recrutant des vétérinaires civils qui effectuent l’ensemble de leur carrière en Afrique occidentale française et donnent à l’action engagée toute la continuité indispensable (Feunten, 1955). Parallèlement s’ébauchent les débuts de la formation vétérinaire en Afrique. « En même temps que s’organisait un cadre de techniciens qualifiés, il apparut que l’absence d’encadrement et d’exécution réduisait considérablement l’efficacité d’un état-major peu nombreux, dispersé dans un pays immense dépourvu de moyens de communication rapides. C’est pourquoi, en 1924, était créée à Bamako une Ecole vétérinaire où allaient être formés tous les vétérinaires africains de l’AOF et du Togo. A la même époque, la formation d’un personnel d’exécution était entreprise dans chaque territoire, dans le but de pourvoir le Service d’un nombre suffisant d’infirmiers vétérinaires. L’action en matière de protection sanitaire du bétail était dès lors engagée sur des bases solides» (Feunten, 1955). Malgré des effectifs en service et des moyens financiers souvent réduits, le Service organise le contrôle des mouvements commerciaux du bétail, l’inspection des abattoirs, et les premières études sur les maladies parasitaires et microbiennes du cheptel (Landais, 1990). L’arrêté de 1904 a fixé les premières règles de police sanitaire. L’action des services est centrée sur la lutte contre les maladies du bétail. Les interventions des vétérinaires coloniaux sont selon Landais guidées par une doctrine : la conviction que la lutte sanitaire est dans tous 20 les cas la priorité absolue (Landais, 1990). Cette doctrine est historiquement liée à la situation qui prévalait en Afrique. La peste bovine exerçait d’épouvantables ravages et la tradition conserve le souvenir du quasi-anéantissement du cheptel bovin ouest-africain par les épizooties qui frappèrent en 1828, 1866, de 1891 à 1893 du Tchad au Soudan, de 1915 à 1917 puis de 1918 à 1922 du Niger au Sénégal (Gallais, 1972). Les premières vaccinations débutent dans les années 1925-30. L’intervention de la France dans le domaine de la santé animale n’est sûrement pas désintéressée ; la métropole envisage les avantages qu’elle pourrait tirer de sa politique coloniale. L’élevage colonial est à cette période considéré comme un pourvoyeur potentiel de la métropole (Landais, 1990). Les années cinquante sont le siège d’importants remaniements pour la santé animale. Les Services, nommés « Services de l’Elevage et des Industries Annexes » en 1942, prennent l’appellation de « Services de l’Elevage et des Industries Animales d’Outre-Mer » en 1950 (Landais, 1990). L’organisation des services s’articule autour d’un service central qui contrôle les services locaux des différents territoires. Au niveau de la Fédération (Afrique Occidentale Française), on trouve un inspecteur général auprès du gouverneur général, à Dakar. Au niveau local, un chef de service national est un vétérinaire inspecteur général, placé à Saint-Louis pour le Sénégal. A l’échelle de la circonscription (Cercle) on trouve un conseiller technique au Commandant de Cercle. Les Cercles sont découpés en subdivisions où œuvre un assistant d’élevage, subdivisions elles-mêmes décomposées en cantons gérés par un chef de poste (Diop, 1989). Le tableau 1 présente les effectifs des Services de l’élevage pour l’AOF et le Sénégal en 1952. Tableau 1 : Effectifs du personnel des Services de l’élevage en 1952, pour l’AOF et le Sénégal (d’après Diop, 1989) NC = Non Connu AOF Vétérinaires inspecteurs Vétérinaires africains Contrôleurs de colonisation Assistants d’élevage Infirmiers vétérinaires 94 98 29 29 720 Sénégal 10 19 3 NC 102 Le cheptel sénégalais était alors évalué à 717 000 bovins, 727 000 petits ruminants, 3 100 chameaux, 20 500 chevaux et 36 300 ânes (Bonnet-Dupeyron, 1951). L’Ecole vétérinaire de Bamako ferme ses portes en 1953. Lors d’une conférence réunissant les chefs de service de l’élevage en 1952, le Haut Commissaire, considérant qu’il était souhaitable que les jeunes africains bacheliers s’orientent vers le corps des vétérinaires inspecteurs, demande qu’une action soit entreprise dans ce sens. Les vétérinaires sont alors formés dans des écoles françaises et une spécialisation est souvent nécessaire, qui s’effectue dans des centres tels que l’Institut Pasteur, l’Ecole française des cuirs et peaux, l’Ecole de tannerie de Lyon (Diop, 1989). 21 La profonde modification de la politique coloniale française à la suite de la deuxième guerre mondiale a considérablement changé le contexte de l’intervention des vétérinaires en Afrique. Alors que jusque là les budgets locaux devaient supporter la charge de tous les investissements, désormais c’est le budget de l’Etat qui alimente les colonies. Fortement organisés, solidaires, les vétérinaires coloniaux obtiennent des investissements considérables et disposent à partir de 1955 d’un réseau d’infrastructures et moyens humains impressionnants (Landais, 1990). Un énorme effort d’investissement fut notamment consenti au titre du FIDES (Fonds d’investissement pour le développement économique et social), dont les premiers programmes sont lancés en 1949. En quelques années furent édifiés les laboratoires de DakarHann pour l’AOF, de Farcha (Fort-Lamy) pour l’Afrique Equatoriale Française (AEF) et celui de Tananarive pour Madagascar. Chacun de ces centres s’appuyait sur un réseau de laboratoires territoriaux. De nombreux postes vétérinaires (les Centres d’immunisation et de traitement), composés d’équipes mobiles, complètent le dispositif (Landais, 1990). Les attributions des Services s’articulent autour de la protection sanitaire des animaux, du développement et perfectionnement de l’élevage, ainsi que l’amélioration de l’exploitation des produits animaux dans les territoires relevant du Ministère de la France d’Outre-Mer (Diop, 1989). L’intervention des Services poursuit la lutte contre les épizooties ; la peste bovine frappe à nouveau le Sénégal et la Mauritanie en 1955 et 1956. Les campagnes de prophylaxie sont toujours au cœur des préoccupations et des politiques de santé animale. La protection sanitaire du cheptel mobilise toujours toutes les énergies et l’AOF lui consacre 19% des dotations inscrites pour les investissements au titre du plan de développement économique et social en 1956 (Diop, 1989). Les années 50 voient l’implication croissante des Services dans les « aménagements pastoraux » : hydraulique pastorale et lutte contre les feux de brousse grâce à des systèmes de pare-feux. Le FIDES fournit les moyens financiers à cette politique, qui se développe alors à grande échelle (Landais, 1990). Les investissements en hydraulique pastorale représentent 66% du budget de 1956 (Diop, 1989). Parallèlement, se développe un réseau d’établissements expérimentaux et de fermes d’élevage qui ont pour mission d’appliquer et de vulgariser les résultats acquis par les Centres fédéraux, et d’effectuer les essais d’intérêt local. Chaque territoire d’AOF, à l’exception de la Mauritanie, dispose ainsi d’un tel établissement en 1955. Au Sénégal, le centre de Dahra est chargé de l’amélioration des races bovines et ovines. Mais plus que les programmes d’amélioration des races bovines et ovines, c’est le haras qui attire particulièrement l’attention des éleveurs de chevaux et des turfistes, et un rapport de 1952 souligne que « les brillants résultats obtenus par les demi-sang anglo-arabes sur les hippodromes du Sénégal témoignent du bien-fondé de la nécessité du rôle important que va jouer le centre d’élevage équin de Dahra » (Landais, 1990). Tout au long de l’ère coloniale, le vétérinaire est passé du statut de militaire, homme de terrain, à celui d’administrateur. Alors que les premiers vétérinaires entretiennent une forte présence sur le terrain, une proximité avec les éleveurs, et accordent une attention toute particulière aux pratiques médicales et à la pharmacopée indigènes, jusqu’à la fin des années 30, les années 50-60 marquent un changement dans la pratique vétérinaire. Les vétérinaires coloniaux deviennent le sommet de la pyramide au sein du puissant dispositif qu’ils ont construit. L’ère des praticiens parcourant la brousse à pieds ou à cheval est révolue. Désormais, une armée d’exécutants s’interpose entre l’éleveur et le vétérinaire (Landais, 1990). 22 Depuis sa création, la profession vétérinaire a constamment défendu le même point de vue : les vétérinaires ont compétence sur l’ensemble des problèmes touchant à l’élevage. Après la deuxième guerre mondiale, l’emprise de la profession recule en France et son domaine d’influence diminue. En Afrique, les vétérinaires coloniaux conservent le contrôle total des Services de l’élevage jusqu’aux indépendances, et lèguent à leurs confrères africains une situation sans équivoque à cet égard. Leur champ d’action couvre un domaine très large, allant de la maîtrise des facteurs en amont comme l’organisation de la commercialisation, jusqu’à l’amélioration de la production elle-même en aval (Landais, 1990). Aujourd’hui encore, les Services de l’élevage sont placés sous contrôle des vétérinaires, que l’on accuse souvent de conservatisme atavique et de pratiques monopolistiques. Le système vétérinaire hérité de l’ère coloniale va néanmoins connaître de nombreux remaniements avec l’accession du Sénégal à l’indépendance, en 1960. B.Les Indépendances : le « Tout Etat » 1.L’accession du Sénégal à l’indépendance Depuis 1953, une vague de contestation secouait les pays colonisés. Le premier pas vers l’indépendance est marqué par la loi-cadre de 1956 qui a renforcé les pouvoirs de l’Assemblée territoriale du Sénégal, composée de parlementaires qui représentent leur pays. L’évolution est accélérée par le référendum du 28 septembre 1958. On crée alors la « Communauté française », regroupant des républiques autonomes et dont le Sénégal devient un Etat membre le 25 novembre 1958. La Communauté prévoit la mise en place de républiques africaines autonomes, placées sous le contrôle de la France et pouvant s’associer entre elles. Le 17 janvier 1959, les délégués des Assemblées de quatre pays (Dahomey, Soudan, Haute-Volta et Sénégal) adoptent une Constitution fédérale qui porte le nom de Fédération du Mali. Mais deux pays se désolidarisent, et finalement, le Sénégal et le Soudan poursuivent seuls le processus de mise en place des institutions fédérales. Le dernier combat reste alors celui de l’indépendance, un droit prévu par la Constitution de 1958. L’indépendance de la Fédération du Mali est proclamée le 20 juin 1960. Mais très vite, elle est minée par des querelles internes et des positions politiques différentes. La Fédération du Mali éclate, et le 20 août 1960, l’Assemblée sénégalaise proclame l’indépendance du Sénégal. Le 25 août 1960, une nouvelle constitution est votée. Le Sénégal devient membre de l’Organisation des Nations Unies le 27 septembre 1960 (Devey, 2000). Le premier gouvernement du Sénégal est celui de Léopold Sédar Senghor, de 1960 à 1972. Dans le cadre du « Premier plan de développement économique et social », il oriente son action vers une politique de nationalisation de l’économie et de socialisation (Castaneda, 2004). C’est l’ère du « Tout-Etat ». Dès le départ, l’Etat fut considéré comme un appareil efficace pour stimuler la croissance, une conception partagée à l’époque par la très grande majorité des dirigeants des pays en développement. La première décennie qui suivit l’indépendance fut marquée par une tendance à « l’hypertrophie de l’appareil d’Etat », pourtant déjà fortement développé à l’époque coloniale, lorsque le Sénégal abritait la capitale de l’AOF. Le nombre de fonctionnaires tripla entre 1960 et 1965. Par ce biais, Senghor visait à renforcer son autorité politique, en s’appuyant sur l’armée et la police. Les années 1970 ont été marquées par une stratégie de nationalisation et de création de nouvelles entreprises parapubliques. Toutefois, ce secteur parapublic se révéla vite peu performant. Il contribua, en outre, à développer des pratiques clientélistes et des comportements de rentiers (Devey, 2000). 23 Dans l’économie du pays, l’agriculture occupe une place importante après l’indépendance. Le développement du Sénégal se poursuit sur le mode de l’économie de traite1, caractéristique de la période coloniale. L’arachide − culture dominante−, le coton, les produits halieutiques et les phosphates furent les principaux produits exportés, fournissant la majeure partie des recettes d’exportation (Devey, 2000). Le secteur agricole est prioritairement choisi comme moteur du développement, soutenu par une intervention massive de l’Etat. Quant à l’élevage, il est considéré comme une activité au service de l’agriculture. Les plans du gouvernement conservent les objectifs coloniaux d’accroissement des productions animales en vue de satisfaire les besoins du marché local de viande (Castaneda, 2004). 2.Les services vétérinaires post-coloniaux : le « Tout-Etat » ? Les premières années suivant l’Indépendance ne voient pas de changement majeur pour les services de l’élevage. L’Etat sénégalais conserve le principe du dispositif et les catégories professionnelles héritées de l’ère coloniale (Landais, 1990). La formation des professionnels vétérinaires prend cependant un nouvel essor avec la naissance de trois écoles qui formeront directement au Sénégal le personnel dont l’Etat a besoin. Le terrain est toujours occupé par des techniciens, qui sont dorénavant formés à l’Ecole des infirmiers et agents techniques d’élevage de Saint-Louis, créée en 1962 au lendemain de l’indépendance. Les infirmiers d’élevage (IE) prennent le relais des infirmiers vétérinaires coloniaux et reçoivent une formation de 2 ans. Les agents techniques d’élevage (ATE) ont une année supplémentaire de formation. Parallèlement, l’Etat forme des cadres intermédiaires, les ingénieurs des travaux d’élevage (ITE), à l’Ecole nationale des Cadres ruraux de Bambey, créée en 1960. Les docteurs vétérinaires, jusque là formés en Europe, sortiront bientôt de l’Ecole inter-états des sciences et médecine vétérinaires de Dakar (EISMV), dont l’idée a germé en 1961 et dont le fonctionnement effectif prend place en 1971. Les jeunes diplômés sont destinés à une carrière de cadre supérieur dans l’administration (Diop, 1989). Le cadre institutionnel est modifié en 1968 avec la création de la Direction de l’Elevage et des Industries Animales, placée sous l’autorité du Ministère de l’Economie rurale. Le personnel est réparti en fonction de sa qualification dans les différentes ramifications de la Direction de l’Elevage. L’administration centrale est située à Dakar. Elle déploie son personnel dans des structures organisées selon le découpage administratif de l’époque. En 1968, au sein des sept capitales de région, on peut trouver une Inspection Régionale de l’Elevage chargée de donner l’impulsion et placée sous l’autorité d’un Docteur vétérinaire. Chaque département est ensuite géré par un Secteur de l’élevage, dirigé par un Chef de secteur de formation ITE. Les secteurs sont subdivisés en sous-secteurs, correspondant à l’arrondissement, placés sous la responsabilité d’un ATE ou IE. L’ensemble forme le réseau de base des Services de l’élevage. Certaines localités ou grandes voies de déplacement du bétail ont la chance d’être dotées de postes vétérinaires pour lesquels le Chef de poste est ATE ou IE. Les Services de l’élevage sont structurés de manière pyramidale et le Docteur vétérinaire est très clairement placé au sommet de cette hiérarchie (Diop, 1989). 1 Rocheteau (1974) définit le « cercle de la traite » ainsi : « exportation du produit et importation de marchandises, avec domination économique du commerçant sur le producteur ». Au Sénégal, la colonisation a instauré la traite arachidière. La culture de l’arachide s’est répandue sur une grande partie du territoire, en liaison avec le développement du réseau de transports et l’expansion du négoce qui se faisait avec la France par le biais de grandes maisons de commerce, la plupart d’origine bordelaise. Ce type d’économie, basée sur l’instauration d’une économie de marché a profondément modifié les structures sociales et économiques du pays (Devey, 2000). 24 Les attributions de la Direction de l’élevage sont fixées par arrêté le 6 mars 1968. Elles concernent toutes les actions relatives à l’élevage et la pathologie des espèces animales, le contrôle sanitaire des animaux et la lutte contre les maladies animales et les zoonoses, l’assistance vétérinaire et zootechnique aux éleveurs. Mais la Direction a aussi en charge les questions d’hydraulique pastorale et d’amélioration des pâturages, d’étude et gestion des performances zootechniques, d’organisation des transactions commerciales des animaux et produits d’origine animale (Diop, 1989). La lutte contre les maladies contagieuses, la peste bovine en particulier, est toujours au centre des préoccupations. En 1959, les fonctionnaires vétérinaires africains réunis à Nairobi avaient évoqué le principe d’une campagne conjointe de vaccination contre la peste bovine. Ce projet « PC 15 » touche d’abord dans une première phase, les quatre états riverains du lac Tchad : Cameroun, Niger, Nigeria, Tchad. Le Sénégal entre dans la phase III du projet, qui couvre également entre 1966 et 1969 les régions de l’ouest du Mali, la Mauritanie, le nordouest de la Côte d’Ivoire, le Libéria, la Guinée, la Sierra Leone et la Gambie. Le PC15 permet des vaccinations de masse contre la peste bovine et la péripneumonie contagieuse bovine. En 1968, la peste bovine est contrôlée et le Sénégal ne connaît plus de foyer pour la maladie (Samake, 1990). La situation à l’époque laissait entrevoir des perspectives très favorables ; Henri Lepissier, coordonnateur du PC15 en Afrique de l’Ouest et du Centre écrivait en 1971 : « après la période historique des grandes épizooties, après avoir connu un « nouveau visage » de la peste bovine dans une période récente, l’on peut affirmer sans risque de se tromper que nous entrons dans la période finale du « dernier visage » de la peste bovine en Afrique Centrale et de l’Ouest » (Lepissier, 1971). Après l’indépendance, La Direction de l’élevage a subi un nouveau remaniement et a pris en 1976 le nom de Direction de la santé et des productions animales. L’organisation des services est toujours calquée sur le découpage administratif. A la fin des années 1970, les Services comptent 8 inspections régionales, 28 secteurs, 70 postes vétérinaires (Diop, 1989). Les attributions n’ont guère changé mais les années 1970 sont marquées par la naissance des grands projets d’élevage : SODESP (Société de développement de l’élevage en zone sylvopastorale) en 1975, PDESO (Programme de développement de l’élevage au Sénégal Oriental) en 1976. Après l’indépendance, l’héritage de l’ère coloniale est prégnant. Dans leurs attributions, les Services de la post-colonie gardent aussi la même vision technique et les actions restent centrées sur la couverture prophylactique (Diop, 1989). Les Services de l’élevage ont été marqués dans leur organisation et l’édification de leur hiérarchie par les vétérinaires coloniaux. Les docteurs vétérinaires conservent leur statut de cadres administratifs supérieurs et ont placé sous leurs ordres une foule d’exécutants, qui assurent sur le terrain le maillage du territoire (Landais, 1990). Les années post-indépendance sont aussi marquées par l’omniprésence de l’Etat. Dans le domaine de la santé animale, cette période de « Tout-Etat » correspond à un appareil vétérinaire qui compte de nombreux fonctionnaires, et qui assure les campagnes de vaccination de masse, obligatoires et entièrement subventionnées. Ces campagnes marquent très fortement les esprits. La santé animale est l’apanage du domaine public. L’agent de poste joue un rôle de première importance pour les éleveurs. Garant de la santé animale, il distribue gratuitement des médicaments de base, des antiparasitaires, qui sont autant de moyens incitatifs destinés à faciliter l’adhésion des éleveurs aux campagnes de vaccination (Diop, 1989). 25 C.La « crise » et les politiques d’ajustement 1.Le contexte économique et politique : crise et ajustement structurel Après l’ère du « Tout-Etat », le Sénégal connaît une période de crise. Disposant de recettes limitées, irrégulières et difficiles à étendre, « l’Etat n’a pas eu les moyens de ses ambitions » (Devey, 2000). La contrainte budgétaire devient un frein au bon fonctionnement de l’économie et un handicap pour sa croissance ultérieure. L’Etat ne peut plus fonctionner sans recourir à l’aide publique et aux emprunts extérieurs. Le poids de la dette publique s’est alourdi et les déficits budgétaires se sont accumulés (Devey, 2000). Le système socialiste tel que façonné par Senghor trouve ses limites à la fin des années 1960. A la veille du départ de celui-ci, le pays est traversé par une grave crise sociale et économique. Le pays est animé de mouvements sociaux, le système en place est remis en cause et les épisodes de sécheresse de 1973 ont considérablement aggravé les difficultés. La crise économique du secteur exportateur, accentuée par la chute des prix internationaux des matières premières et par l’endettement, complète le cercle vicieux d’instabilité générale (Castaneda, 2004). A la fin des années 70, alors que s’amorce la crise de la dette des pays en développement, le gouvernement sénégalais de Senghor ne parvient finalement plus à maintenir une telle gestion de son Etat. En 1980, le Président Senghor se retire pour laisse le pouvoir à son premier ministre Abdou Diouf (Castaneda, 2004). De nombreux autres pays en développement connaissent eux aussi à ce moment une période de crise économique grave. Les institutions dites « de Bretton Woods »2, Banque Mondiale et Fonds Monétaire International (FMI) occupent une place de tout premier plan (Castaneda, 2004). En effet, ces deux institutions jouent un rôle central pour le financement des pays en développement. Selon Stiglitz (2002), la mission initiale de la Banque Mondiale est « inscrite dans son vrai nom : Banque internationale pour la reconstruction et le développement» ; elle est vouée à l’éradication de la pauvreté. Quant au FMI, il est chargé « d’assurer la stabilité économique du monde ». Ainsi, « si nécessaire, il fournirait des liquidités, sous forme de prêts, aux pays qui, confrontés à des difficultés économiques, n’étaient pas en mesure de stimuler la demande globale par leurs propres moyens » (Stiglitz, 2002). La place majeure qu’occupent les institutions de Bretton Woods dans l’économie des pays en développement est accentuée par le mécanisme de conditionnalité mis en place par ces dernières (Norro, 1998). Ce sujet est chaudement débattu dans le monde en développement. Selon Stiglitz (2002), il est clair que tout contrat de prêt stipule bien sûr des conditions fondamentales. Mais pour lui, dans le cas des prêts accordés aux pays par les institutions de Bretton Woods, « le mot « conditionnalité » désigne des conditions plus rigoureuses, qui transforment souvent le prêt en arme politique ». Les conditions vont en effet au-delà de l’économie et portent sur des points qui relèvent normalement de la politique (Stiglitz, 2002). Ainsi, les prêts sont octroyés aux pays à condition que la politique que le pays se propose de suivre soit approuvée par les institutions financières (Norro, 1998). Le FMI n’accorde son soutien qu’à condition que le pays s’engage à mener une politique déterminée, censée lui permettre de rétablir à bref délai les grands équilibres macroéconomiques. La Banque Mondiale a rejoint la pratique de conditionnalité du FMI. A partir de 1980, au lieu de s’en tenir strictement au financement traditionnel de projets, elle a 2 En référence à la conférence monétaire et financière des Nations Unies à Bretton Woods, en juillet 1944, qui a vu naître le FMI et la Banque Mondiale. Cette naissance s’est faite dans le cadre d’un effort concerté pour financer la reconstruction de l’Europe dévastée par la guerre et sauver le monde de futures dépressions (Stiglitz, 2002). 26 envisagé d’appuyer le développement en soutenant des changements de politique économique par des prêts non liés à des projets et à durée suffisamment longue : les « prêts d’ajustement structurel » (Norro, 1998 ; Sarrasin, 1999). Finalement, l’acceptation, par un pays endetté, d’entrer dans un programme d’ajustement a été généralement la condition nécessaire pour obtenir des capitaux nouveaux (Norro, 1998). Ces accords, qui prévoient tous, peu ou prou, des engagements de politique financière et économiques, posent, selon Norro (1998) clairement la question de l’autonomie des décisions politiques et, a contrario, celle de la « mise en tutelle progressive des pays endettés et notamment des pays africains ». Ainsi, dans un contexte d’endettement croissant des pays du tiers-monde, de dégradation des termes de l’échange3 et de déficit budgétaire récurrent, le FMI et la Banque Mondiale coordonnent leurs actions et s’entendent pour affirmer la nécessité de mettre en place un « ajustement » pour la plupart des pays, en particulier ceux à faible revenu nonexportateurs de pétrole (Castaneda, 2004 ; Sarrasin, 1999). Les « programmes d’ajustement structurel » se sont multipliés dans le monde en développement. Initialement, l’ajustement économique appliqué conjointement par le FMI et la Banque Mondiale pouvait être scindé en deux parties : des mesures de stabilisation et des mesures de changement structurel4. Concrètement, ces deux types de mesures se sont souvent appliqués simultanément par ce qu’il est tenu d’appeler les « Programmes d’ajustement structurel » (PAS) (Sarrasin, 1999). Pour Sarrasin (1999), l’action et la réflexion du FMI et de la Banque mondiale ont grandement été orientées par une doctrine néolibérale. Bien qu’elles n’aient jamais appliqué ces principes de manière orthodoxe, les institutions internationales les ont souvent érigés en modèle à suivre pour les pays en développement qu’elles financent. Ainsi, la période des années 1980 a été marquée par le retour en force d’un modèle économique basé sur la libéralisation des échanges, la prédominance des forces du marché et la redéfinition des interventions de l’Etat. La Banque Mondiale s’appuie sur un a priori qui est la nécessité pour les économies en développement de s’ouvrir et de s’intégrer le plus possible aux échanges internationaux et à l’économie mondiale. Par ailleurs, les objectifs et actions de la Banque mondiale accordent une place privilégiée au secteur privé et à l’utilisation optimale des ressources d’un pays, gage de l’efficacité économique (Sarrasin, 1999). Le FMI, quant à lui, a orienté systématiquement ses recommandations dans la voie de la limitation des dépenses. Par ailleurs, « et même s’il s’en défend, le Fonds n’a guère échappé à la facilité qui consistait à suivre un canevas général de politique économique dont l’adaptation aux spécificités propres de chaque pays paraît faible » (Norro, 1998). Ce canevas comprend normalement une réduction des dépenses de l’Etat, une limitation de l’accroissement ou même une réduction de la masse salariale (salaires réels et/ou effectifs de travailleurs), une modification du taux de change (dévaluation), un assainissement des organismes parapublics et, souvent, une privatisation de certaines d’entre eux (Norro, 1998). Finalement, au cours des années 1980 et 90, a émergé un nouveau « consensus de Washington » (le consensus entre le FMI, la Banque Mondiale et le Trésor américain sur la « bonne » politique à suivre pour les pays en développement), qui a marqué un tournant radical dans la conception du développement et de la stabilisation. L’austérité, la privatisation et la libéralisation ont été les trois piliers de ce consensus de Washington. Les politiques d’austérité visent à une réduction des déficits et à une discipline budgétaire drastique. La libéralisation consiste en la suppression de l’intervention de l’Etat sur les marchés financiers et le démantèlement des entraves au commerce. La privatisation, quant à elle, s’attache à la 3 Ce sont « les prix que les pays développés et moins développés obtiennent respectivement pour ce qu’ils produisent » (Stiglitz, 2002). 4 Les mesures de stabilisation visaient à la lutte contre l’inflation, le déficit de la balance des paiements et le déficit budgétaire des gouvernements. Ces mesures de stabilisation à court terme étaient parallèlement appuyées d’un changement structurel. Celui-ci visait la réduction et le retrait de rigidité et de distorsions du marché. Cet objectif misait sur une réorganisation du rôle de l’Etat dans l’économie pour favoriser l’ouverture des marchés et de la compétitivité (Sarrasin, 1999). 27 conversion d’activités et d’entreprises gérées par l’Etat en branches et firmes privées (Stiglitz, 2002). Selon Stiglitz, le raisonnement qui fonde la privatisation est le suivant : « dans beaucoup de pays en développement − mais aussi développés −, les Etats dépensent souvent trop d’énergie à faire ce qu’ils ne devraient pas faire, et cela les détourne de ce qu’ils devraient faire. Le problème n’est pas que l’Etat tient trop de place, mais qu’il n’est pas dans son rôle. En règle générale, des entreprises privées en concurrence entre elles peuvent s’acquitter plus efficacement de certaines tâches ». L’auteur souligne un des points critiques des politiques de privatisation mises en place : la vitesse d’exécution. Selon lui, « le FMI soutient que le plus important, et de loin, c’est de privatiser vite. Les problèmes de concurrence et de réglementation, on pourra les régler ensuite ». Il s’en est souvent suivi une situation de monopole pour les anciennes entreprises publiques privatisées. Cette situation, qui a « semé au passage la corruption dans la vie politique », se révèle défavorable non seulement pour le consommateur, mais aussi pour le personnel (Stiglitz, 2002). Ainsi, la décennie des années 80 a offert des solutions drastiques à la majeure partie des pays du « Tiers Monde » ; le Sénégal n’a échappé ni à la crise, ni aux politiques d’ajustement structurel impulsées par les institutions de Bretton Woods. Le déséquilibre de la balance commerciale, la dérive de la dette publique, le taux de chômage ont donné lieu à la mise en place du Plan d’ajustement de court terme de la Banque mondiale et du FMI en 1979-1980. Mais ce programme de stabilisation de court terme, initié par Senghor en 1979 n’a pas permis au pays de sortir de sa crise financière (Gning, 2004). Face à des pressions internationales de plus en plus prégnantes, Diouf engage le Sénégal dans un Plan de redressement économique et financier de 1980 à 1984, puis un Plan d’ajustement structurel (PAS) et un Plan d’ajustement à moyen et long terme (PAMLT) de 1985 à 1992 (Castaneda, 2004). Dans la lignée des principes économiques édictés par les institutions internationales, le gouvernement du Sénégal s’est lancé à partir de 1987 dans un programme de privatisation du secteur parapublic. A partir de 1995, le processus de privatisation s’est accéléré au Sénégal (Nations Unies, 2000). Le désengagement de l’Etat s’étend désormais au secteur des infrastructures telles que les sociétés d’eau, de téléphone, de chemin de fer et d’électricité. Mais ce désengagement va aussi toucher le secteur agricole dans son ensemble, et l’élevage en particulier. 2.L’élevage et les services de santé animale dans les nouvelles politiques agricoles Sur fond de crise et d’ajustement structurel, et dans le cadre des plans liant l’Etat et les bailleurs de fonds, le Gouvernement du Sénégal met en place une Nouvelle Politique Agricole (NPA) à partir de 1984. Les principaux objectifs de la NPA sont axés autour de la réduction du champ d’intervention de l’Etat, du relèvement du niveau de vie des populations rurales et de l’autosuffisance alimentaire (Castaneda, 2004). Par ailleurs, cette Nouvelle Politique Agricole insiste aussi sur une meilleure organisation du monde rural et un nouveau rôle pour les organisations paysannes. Elle s’inscrit dans la lignée des discours de libéralisation et privatisation prônés par les bailleurs internationaux (Gning, 2004). La Nouvelle Politique Agricole, en s’engageant pour un retrait de l’Etat dans le domaine de l’agriculture, a marqué un changement brutal par rapport aux politiques passées. Néanmoins, de nombreux doutes furent émis sur la volonté et la capacité du secteur privé à combler les domaines délaissés par l’Etat (Gning, 2004). L’élevage apparaît comme un sous-secteur prioritaire pour le développement dans la mesure où il permet d’atteindre les objectifs d’autosuffisance alimentaire. On privilégie alors 28 l’intensification et la diversification des productions. Pour l’élevage, le souci de décentralisation et de désengagement de l’Etat constitue l’axe prioritaire des actions recommandées par les Conseils Interministériels. Le volet élevage de la NPA se centre sur l’intensification des productions par une stratification des producteurs selon la zone agroéocologique, la responsabilisation des producteurs à travers la création de Groupements d’Intérêt Economique (GIE), et la prépondérance du secteur privé (Castaneda, 2004). La mise en œuvre des orientations de la NPA en matière d’élevage a été confiée au Secrétariat d’Etat aux Ressources animales, crée en 1986. Les lignes d’action définies par le Secrétariat d’Etat s’inspirent des recommandations des Conseils Interministériels consacrés à l’élevage. Ces recommandations ont été traduites en plans d’action. Un plan d’action est consacré à la santé animale. Mais les plans d’action touchent aussi à la distribution, la conservation et le stockage des produits d’élevage, à la commercialisation et l’approvisionnement, et enfin à l’organisation, la formation et la responsabilisation des éleveurs (SONED, 1999). En 1994, la Déclaration de Politique de Développement Agricole (DPDA) définit la nouvelle orientation politique de l’élevage en matière agricole, fixe les objectifs et indique les actions et mesures par lesquels cette politique devra garantir un développement durable et une croissance soutenue. Dans le cadre du Programme d’Ajustement Structurel, l’Etat sénégalais a élaboré en 1995 avec les partenaires au développement une Lettre de Politique de Développement Agricole (LPDA). En 1999, la Lettre de Politique de Développement de l’Elevage (LPDE ; Annexe III) confirme les orientations déjà amorcées dans cette dernière. L’Etat souhaite « faire de l’élevage un poumon du développement économique à travers la définition et la réalisation d’objectifs visant à intensifier la production animale et à promouvoir les exportations ». Dans cette lettre, le gouvernement énonce un certain nombre de mesures politiques visant à atteindre ces objectifs. Parmi ces mesures, il est important de noter que sur le plan institutionnel, l’Etat s’engage à « mettre en adéquation les missions dévolues au Ministère de l’Elevage et les moyens humains et matériels nécessaires par l’élaboration d’un plan de recrutement, de formation et de recyclage du personnel ». On peut trouver dans les objectifs de la Nouvelle Politique Agricole, et plus spécifiquement pour l’élevage dans la LPDE, les grands principes de désengagement de l’état et de privatisation. Ces grands principes découlent des politiques d’ajustement structurel, ellesmêmes impulsées au pays par les institutions financières internationales et via les « prêts conditionnés ». 3.L’intervention des institutions internationales sur les systèmes de santé animale en Afrique L’intervention des institutions internationales a grandement modifié les politiques économiques et sociales africaines. Elle a touché le domaine de l’agriculture, mais elle a aussi profondément bouleversé le secteur de la santé animale en Afrique. Le Sénégal, comme la plupart des pays d’Afrique, a « rénové » l’organisation de son système de santé animale sous l’impulsion de ces institutions, Banque Mondiale et OIE (Office International des Epizooties) en particulier. Ces dernières, dans les années 1980, ont dressé un bilan des systèmes de santé vétérinaire pour différents pays d’Afrique puis proposé un nouveau modèle, toujours basé sur le désengagement de l’Etat et l’émergence du secteur privé. Nous verrons donc ces bilans et modèles communs aux pays africains, avant d’aborder la privatisation des services pour le Sénégal. 29 a)Le bilan La fin des années 1970 aura été marquée par la résurgence de la peste bovine en Afrique dont les premiers foyers réapparaissent au Sénégal en 1978 (Samake, 1990). Les institutions internationales (Banque Mondiale, OIE.) s’inquiètent fortement de cette résurgence et voient dans ce phénomène l’expression de l’érosion et des défaillances qui touchent les services publics vétérinaires africains, et la nécessité d’un changement dans la politique des services vétérinaires (Cheneau, 1985). Des séminaires sur les structures de santé animale de base réunissent les Directeurs de l’élevage et les principaux bailleurs : à Bujumbura (Burundi) en 1984 (GTZ5-IEMVT6-CTA7, 1984), à Blantyre (Malawi) en 1985 (GTZ-CTA-ODA8, 1985). Suivent une série de consultations qui fera émerger un bilan pour l’amélioration des services de santé animale. Les institutions internationales éditent des documents de travail. Ainsi, la Banque Mondiale et l’OIE présentent un diagnostic du secteur de la santé animale en Afrique sub-saharienne en 1985 (De Haan et Nissen, 1985, Cheneau, 1985). Selon ce bilan, les difficultés rencontrées dans le domaine de santé animale proviennent de différents types d’obstacle : ●le contexte historique : à leurs débuts, il y a près d’un siècle, les services de l’élevage employaient un personnel vétérinaire avec un haut niveau de qualification. Cela était, selon De Haan et Nissen (1985), justifié d’une part par le fait que la santé animale et les épizooties étaient la principale contrainte au développement de l’élevage, et d’autre part par le prix élevé des médicaments. Cependant, soulignent les auteurs, les campagnes de vaccination ont permis ces dernières années de réduire le risque d’épizootie. De plus, la baisse du prix des médicaments et l’augmentation de la valeur des animaux ont accru la viabilité économique des activités de médecine vétérinaire individuelle. La toile de fond du secteur de la santé animale a ainsi subi de profonds changements. Or, il s’avère que les institutions au service du secteur de l’élevage n’ont pas évolué. C’est cette inertie que les auteurs de la Banque Mondiale notaient en 1985 comme point critique. Selon ces mêmes auteurs, en 1985, « la structure des services de santé animale en Afrique reflétait encore le contexte historique ». Ces services, en Afrique, « ont encore un fort biais vétérinaire et beaucoup de fonctions de routine sont réservées aux seuls professionnels » (De Haan et Nissen, 1985). ● les contraintes budgétaires : dans la plupart des pays africains, dont le Sénégal, le budget de l’élevage a diminué en termes absolus et relatifs (De Haan et Nissen, 1985). Par ailleurs, la répartition des coûts au sein du budget montre que les coûts liés au personnel augmentent plus vite que le reste (De Haan et Nissen, 1985 ; Cheneau, 1985 ; figure 1). 5 GTZ : German Agency for Technical Co-operation IEMVT : Institut d’Elevage et de Médecine Vétérinaire des pays Tropicaux 7 CTA : Centre Technique de coopération Agricole et rurale 8 ODA : Overseas Development Administration 6 30 Budget de personnel/budget total (%) 120 100 80 Tchad 60 Burkina Faso Niger 40 Sénégal 20 Côte d'Ivoire Togo Rep. Centraf 0 6566 6667 6768 6869 6970 7071 7172 7273 7374 7475 7576 7677 7778 7879 Années Figure 1 : Evolution de la part des dépenses de personnel (en %) dans le budget total des services de santé animale pour divers pays africains, de 1965 à 1979 (d’après Anteneh, 1984, cité par Cheneau ; 1985) NB : Données pour 1966-67 non disponibles ; Rép. Centraf = République Centrafricaine. Si la tendance continue, le personnel n’aura bientôt plus aucune ressource matérielle pour faire son travail. Une estimation moyenne sur 7 pays sahéliens présentée en 1988 à Bangui (GTZ/CIRAD-EMVT, 1988) et reproduite ci-dessous (figure 2) montrait qu’entre 1965 et 1976, les budgets des services de l’élevage étaient passés de 2 à moins de 1% des budgets nationaux, tandis que les rapports entre budgets de fonctionnement et salaires du personnel évoluaient respectivement de 45-55% à 20-80%. Dans ces conditions, les structures nationales ne permettent plus de répondre efficacement aux besoins de prévention des épizooties et de soins des animaux. 31 Figure 2 : Evolution du budget de l’élevage en Afrique entre 1965 et 1976 (d’après GTZ/CIRAD-EMVT, 1988) les contraintes liées au personnel : les normes proposées dans le document de l’OIE donnent des ratios d’effectif de bétail par professionnel vétérinaire. L’étude de ces ratios montre une inadéquation dans certains pays sahéliens. Au Sénégal, l’auteur estime que le ratio est satisfaisant, mais que les professionnels vétérinaires sont trop nombreux par rapport au budget de fonctionnement alloué (Cheneau, 1985). Le document de la Banque mondiale présente de son côté une première évaluation de l’efficacité des services de santé animale. En ce qui concerne la lutte contre les maladies animales, le secteur est jugé comme globalement déficient : les laboratoires de diagnostic manquent de moyens, le taux de couverture vaccinale n’est pas suffisant. La médecine curative, elle, ne se limite qu’à une petite partie de la population malgré une demande identifiée comme croissante. Les postes vétérinaires manquent de moyens de transport, le personnel n’est guère motivé ; il s’en suit des prestations de service marquées par un caractère irrégulier et une faible présence des acteurs sur le terrain (De Haan et Nissen, 1985). Quant à la distribution des médicaments, elle est placée sous le monopole du gouvernement pour limiter la fraude et le marché noir. Mais face à un budget qui s’amenuise, la distribution des médicaments est déficiente, les médicaments sont peu diffusés. Finalement, la confrontation d’une forte demande et d’une offre limitée et monopolisée par l’Etat encourage bien au contraire le marché noir et la surfacturation des services (De Haan et Nissen, 1985). ● Ainsi, la Banque Mondiale (De Haan et Nissen, 1985) en vient aux conclusions que : 32 - l’augmentation du nombre de fonctionnaires n’est pas en adéquation avec un budget qui s’amenuise. Par conséquent, on se trouve face à un personnel trop nombreux par rapport aux moyens dont il dispose, donc inefficace ; le recouvrement des coûts est peu ou pas contrôlé ; l’efficacité du réseau de distribution des médicaments vétérinaires est faible ; les services de médecine curative sont quasi inexistants malgré la demande. La crise des systèmes de santé animale touche donc l’Afrique toute entière, le Sénégal n’échappe pas aux difficultés. L’OIE indique en 1985 que « la crise mondiale, partout ressentie, donne lieu à une prise de conscience générale, qui conduit à la réflexion, puis à des réformes. Aussi bien les gouvernements que les agents des Services de santé et de productions animales et les éleveurs, les organisations internationales et les bailleurs de fonds, tous conviennent que le moment est venu d’agir » (Cheneau, 1985). b)L’émergence de nouveaux modèles d’organisation des systèmes de santé animale Face à ces conclusions, la Banque Mondiale présente des approches alternatives centrées sur la restriction du monopole du gouvernement et le transfert progressif des responsabilités vers le secteur privé. (1)Les orientations L’Office International des Epizooties (OIE), en 1985, a dressé un bilan qui identifie les mêmes contraintes et propose un modèle de réorganisation des services vétérinaires qui s’articule autour du désengagement de l’Etat de certaines de ses fonctions et du transfert vers le privé (Cheneau, 1985). Pour cela, Cheneau (1985) définit d’abord les orientations majeures de ces remaniements : ● Réhabiliter les Services vétérinaires et redéfinir leur fonctions fondamentales : pour cela, il faut délimiter le domaine d’intervention de l’Etat, soulager celui-ci de certaines tâches qui seront confiées aux structures parapubliques ou privées, et maîtriser le recrutement dans la fonction publique ; ● Assurer la plus grande autonomie budgétaire possible aux Services vétérinaires, ce qui passera notamment par une meilleure redistribution des revenus de l’élevage ; ● Privatiser certaines fonctions des Services vétérinaires : pour cela, il faudra encourager cette privatisation et faire appel à de nouvelles catégories de personnel (auxiliaires notamment). (2)Les méthodes proposées Selon Cheneau (1985), « l’action à entreprendre passe par la recherche des solutions et par le dialogue. Le présent rapport, élaboré à la suite de la recommandation de la Commission régionale de l’OIE pour l’Afrique, démontre que les esprits y sont préparés ». La question d’une réforme des systèmes de santé animale a été longuement discutée, dans des enceintes nombreuses réunissant les Directeurs de l’élevage des pays africains, et différents experts. On a pu citer Bujumbura (GTZ-IEMVT-CTA, 1984) et Blantyre (GTZ-CTA-ODA, 1985), mais dès 1976 le Comité Permanent Inter-Etats de Lutte contre la Sécheresse dans le Sahel et le Club du Sahel abordaient ces problèmes (Cheneau, 1985). (3)Le nouveau modèle 33 Le modèle proposé par l’OIE et la Banque Mondiale (Cheneau, 1985 ; De Haan et Nissen, 1985) se base sur les axes suivants : Un service de l’élevage réhabilité, dont les fonctions sont décrites dans le Manuel sur les standards des Services vétérinaires, revu par la FAO. Cette réhabilitation passe par une maîtrise des effectifs qui s’opérera grâce à un arrêt des recrutements dans la fonction publique, une incitation au départ et la retraite anticipée. Le « nouveau » service de l’élevage sera servi par une chaîne de commandement pyramidale pour laquelle un organigramme-type est proposé. ● La privatisation de la médecine vétérinaire passe par un transfert des tâches et il convient donc de préciser quelles tâches sont susceptibles d’être confiées au secteur privé. Pour que la privatisation ait une chance d’aboutir, il faut que l’Etat permette une concurrence loyale entre le système privé et les services de l’Etat, mais aussi qu’il garde un contrôle sur l’ensemble du système. L’Etat doit aussi favoriser le regroupement des éleveurs et améliorer le niveau de vie de ceux-ci. Dans le cadre de la privatisation, de nouveaux opérateurs privés vont agir : les vétérinaires, mais aussi les auxiliaires pour lesquels on s’interrogera sur le recrutement et la formation. ● Le terme « auxiliaire » désigne un éleveur formé aux soins vétérinaires. Le terme « d’auxiliaire d’élevage » était employé bien avant la période des Indépendances pour des agents sans formation particulière, recrutés à titre permanent par les Services de l’élevage, qui étaient affectés dans les postes de brousse de leur zone d’origine et qui pratiquaient toutes les activités de vaccination ou de soins qui leur étaient demandé (Blanc et al., 2003). L’atelier de Bangui en 1988 (GTZ/CIRAD-EMVT, 1988) présente pour la première fois le profil souhaité des auxiliaires (figure 3). L’auxiliaire de Bangui Le choix Le choix des auxiliaires devra tenir compte des spécificités régionales et devra privilégier les candidats issus du milieu et approuvés par la communauté. Les tâches Les auxiliaires devront avoir pour tâches : - les premiers soins de base, - l’administration des produits vétérinaires jugés non dangereux, - les activités zootechniques et la gestion des stocks de produits. Selon les circonstances, ils seront appelés à exécuter d’autres tâches. La formation La formation des auxiliaires doit se faire par objectifs bien ciblés, adaptés aux réalités de chaque pays et aux systèmes de production. Elle sera de courte durée, suivie de stages courts et répétés. La rémunération La rémunération des auxiliaires fait partie des obligations des groupes cibles. Elle doit être laissée à la latitude des éleveurs. Figure 3 : L’auxiliaire de Bangui (d’après GTZ/CIRAD-EMVT, 1988) (4)La « balance » service public/secteur privé Le développement d’un secteur privé suppose la redéfinition des rôles du service public et du privé. Pour la Banque Mondiale, en 1985 (De Haan et Nissen, 1985), la répartition des tâches entre les deux secteurs doit se baser sur deux critères : la notion de « bien public » ou « privé » et les coûts d’exécution. 34 Les biens de nature « publique » sont : - l’élaboration et la supervision des politiques de développement de l’élevage ; - l’inspection vétérinaire, c’est-à-dire le respect de la conformité aux normes de santé publique, le contrôle des importations et exportations, les mesures de quarantaine, le contrôle de qualité des intrants et services vétérinaires ; - la collecte des données concernant les effectifs du cheptel, les mouvements de bétail, les marchés, la transformation des produits, les importations et exportations ; - la détection des maladies à déclaration obligatoire dans les zones difficiles d’accès, la confirmation du diagnostic, la mise en place de mesures sanitaires adaptées ; - la supervision et le développement, la participation au financement des campagnes de vaccination contre la peste bovine, la péripneumonie contagieuse bovine, et selon le cas, la fièvre aphteuse. La Banque Mondiale admet que l’exécution entière des campagnes de vaccination par les services publics serait improductive, et propose à long terme de sous-traiter les opérations de vaccination auprès du secteur privé, sous la supervision du service public. A l’opposé des actes de médecine préventive, ceux de médecine curative sont de nature « biens privés ». Le bénéfice tiré des actes curatifs sur un troupeau profite exclusivement au propriétaire, et personne d’autre ne peut en tirer profit. Selon l’OIE (Cheneau, 1985), les structures étatiques doivent se consacrer à la conception des politiques et des programmes de développement, à l’organisation du marché, au contrôle de l’exécution des interventions d’intérêt général présentant le caractère de « service public », à l’encadrement et à la formation des personnels, au contrôle de la mise sur le marché des médicaments vétérinaires, à la promotion des résultats de la recherche zootechnique et vétérinaire. Quant à la lutte contre les maladies, le choix des opérateurs chargés du contrôle dépend de la nature même des maladies. La lutte contre les maladies contagieuses doit rester sous la responsabilité directe des Services officiels, qui doivent contrôler les mouvements des animaux, veiller au respect de la réglementation, contrôler l’exécution des campagnes de vaccination. La lutte contre les maladies moins répandues, ou moins diffusibles, ou d’incidence économique moindre pour la collectivité, de même que les traitements curatifs pourra être entreprise par les éleveurs eux-mêmes (De Haan et Nissen, 1985). Après le constat de « crise des systèmes de santé animale » énoncé par les institutions internationales, et dans un contexte de politique d’ajustement structurel, le Sénégal se conforme aux exigences de la Banque Mondiale et de l’OIE et amorce au début des années 1990 une transition vers un système de santé animale privatisé et libéralisé. 35 D.Privatisation et transition vers un nouveau système de santé animale au Sénégal 1.Les réformes du cadre organique Dans la lignée des changements initiés dans le cadre de la NPA, les Services de l’élevage sont rattachés en 1986 au Secrétariat d’Etat aux Ressources Animales (SERA). En 1988, on crée un Ministère chargé des Ressources Animales. Les réformes du cadre organique obéissent aux modèles proposés par la Banque Mondiale et l’OIE : désengagement de l’Etat, émergence du secteur privé. (1)Le désengagement de l’Etat Les actions amorcées dès 1986 par le SERA s’inscrivaient dans la lignée d’un processus libéralisation et de privatisation de l’ancien domaine public. En 1990, l’Etat se désengage du secteur des intrants d’aliments du bétail et des activités marchandes. La Société d’Exploitation des Ressources Animales et le Centre National d’Aviculture de Mbao sont privatisés. Par ailleurs, en matière de santé animale, la stratégie des plans d’action consécutifs à la Nouvelle Politique Agricole reposait sur (SONED, 1999) : - la prise en charge progressive d’une partie des frais de prophylaxie collective par les éleveurs ; - la libéralisation progressive de la médecine individuelle ; - l’instauration d’un programme de soins vétérinaires de base avec l’appui d’auxiliaires issus du milieu éleveur afin de démultiplier l’action des services vétérinaires. Ce plan d’action est marqué par la politique d’ajustement structurel et le vent de libéralisation qui ont marqué le Sénégal des années 1980. Par ailleurs, il témoigne de l’empreinte des institutions internationales dans le domaine de la santé animale. Les mesures proposées correspondent aux idées avancées notamment par l’OIE et la Banque Mondiale. En ce qui concerne la médecine vétérinaire, les premières mesures prises sont le gel des recrutements de professionnels vétérinaires dans la fonction publique à partir de 1990. Le gouvernement encourage les départs volontaires, les mises à la retraite. Par l’arrêté du 17 mai 1990, l’Etat maintient 295 agents de la Direction de l’élevage « par ordre sans affectation ». L’effectif « utile », c’est-à-dire les corps techniques chargés de la couverture sanitaire et du développement du cheptel passe alors de 734 à 424 agents. Ces « Maintiens par Ordre Sans Affectation » ou MOSA affectent toutes les catégories professionnelles. Le MOSA provoque une levée de boucliers. Les personnels désignés le sont apparemment sans justification, et les « coupes » opérées dans le personnel ne répondent à aucune logique technique. Certains postes vétérinaires se retrouvent dépourvus d’agents et sont progressivement fermés. Parallèlement, l’Etat s’engage à se retirer des activités cliniques dans les localités pourvues de vétérinaire privé. La Lettre de Politique du Développement de l’Elevage (LPDE ; Annexe III) confirme en 1999 le processus engagé. Ainsi, l’Etat entend « poursuivre le processus de privatisation de la profession vétérinaire avec une claire définition des rôles respectifs de l’Etat et du secteur privé ». La délimitation proposée quant aux prérogatives du secteur public et du privé est conforme à celle énoncée par les institutions internationales. Ainsi, la LPDE annonce que « dans ce cadre précis, les activités relevant de l’Etat concernent l’élaboration des 36 programmes de lutte contre les maladies légalement contagieuses ou les zoonoses, la surveillance épidémiologique du territoire, le contrôle des mouvements du bétail notamment aux frontières, l’élaboration des normes d’hygiène et de qualité ainsi que le contrôle des denrées d’origine animale et des produits utilisés pour l’élevage, l’inspection sanitaire. Certaines de ces activités peuvent être déléguées au secteur privé dans le cadre d’un mandat sanitaire. Il s’agit, en particulier, des interventions au cours des campagnes officielles de vaccination, de l’inspection sanitaire notamment au niveau des abattoirs.». (2)Le cadre réglementaire Il n’est que peu modifié malgré les remaniements importants que subissent les Services de l’élevage à cette époque. La structure des Services vétérinaires étatiques n’est pas affectée. Une série de textes organise la profession. Le texte majeur entérinant la privatisation de la profession vétérinaire est la loi du 26 juin 1992 portant création de l’Ordre Des Vétérinaires du Sénégal (Annexe IV). Le décret du 27 avril 1993 présente le Code de Déontologie de la Médecine vétérinaire (Annexe V). Enfin, 1995 marque une étape décisive dans le processus de privatisation au Sénégal. Le 6 juillet 1995 paraît le décret relatif à l’institution du mandat sanitaire au Sénégal (Annexe VI). Ce décret est d’importance majeure puisque c’est à travers lui que l’Etat concède une partie de ses prérogatives au secteur privé. Ainsi, l’article 1 du décret mentionne que « les opérations de prophylaxie collective des maladies animales jugées obligatoires ainsi que l’inspection d’hygiène et de salubrité des denrées animales et d’origine animale exécutées par les services de l’Etat peuvent désormais être confiées aux vétérinaires privés investis d’un mandat sanitaire ». L’Etat peut donc officiellement déléguer ponctuellement certaines missions du domaine public aux vétérinaires privés qui en font la demande. 2.La mise en œuvre de la privatisation Le recouvrement des coûts préconisé par la Banque Mondiale était déjà bien amorcé en 1975. Il est progressivement renforcé et est presque total en 1985 (Cheneau, 1985). Mais le principal frein à l’essor de l’implantation des vétérinaires en clientèle privée est l’investissement initial nécessaire pour la naissance d’un cabinet vétérinaire. Le projet PARC (Panafrican Rinderpest Campaign) va jouer un rôle central dans le processus de privatisation, en finançant les installations des vétérinaires privés. Ce projet a débuté au Sénégal en 1989 avec la campagne de vaccination contre la peste bovine. En 1993, suite à la convention de financement du 7ème Fonds Européen de Développement, le PARC introduit le soutien à la privatisation des services vétérinaires dans ses activités. Il appuie le financement de l’installation des jeunes vétérinaires dans le secteur privé grâce à un accès au crédit facilité, par le biais d’un accord avec la banque (CNCAS : Crédit National de Caisse d’épargne du Sénégal) dont le protocole a été signé en 1991 entre la CNCAS et la Direction de l’élevage (Fall, 2003). Les dossiers sont examinés par le Comité de pilotage qui comprend des représentants de l’administration (Direction de l’élevage, PACE9), de l’Ordre des docteurs vétérinaires, du Syndicat des travailleurs de l’élevage, de l’Union européenne, de l’organisme de crédit (CNCAS). Ce comité a récemment été élargi au PAPEL10. Il est chargé d’examiner et de formuler un avis sur les dossiers de demande de prêts. Les dossiers agréés par le comité sont transmis à la banque pour instruction. La décision finale d’octroi ou de rejet de la demande de crédit est réservée à la banque. L’Ordre des vétérinaires sert de caution morale aux 9 Programme panafricain de lutte contre les épizooties ; il a pris le relais de la fin du PARC en 1999 Projet d’appui à l’élevage 10 37 vétérinaires financés (Fall, 2003). Les crédits alloués de 1993 à 2003 représentaient en 2003 un montant total de près de 373 000 000 Francs CFA (568 598 €11) pour le crédit principal et 100 000 000 FCFA (152 439 €) pour le crédit apport personnel. Le montant des crédits va de 2 500 000 à 8 000 000 FCFA (3811 à 12 195 €). Le montant alloué est décomposé en différentes rubriques. Un exemple type est présenté dans le tableau 2. Tableau 2 : Exemple de composition du crédit accordé par le PARC pour l’installation d’un vétérinaire privé (d’après Fall, 2003) Rubriques Stock de médicaments Dépenses de fonctionnement (salaires, loyer, électricité,…) Equipement technique (trousseau, matériel de froid, …) Matériel de locomotion (véhicule d’occasion) TOTAL Montants en Montants Part en Francs CFA en euro % 3 000 000 4 573 41% 725 000 1 105 10% 1 235 000 1 883 17% 2 400 000 3 659 32% 7 360 000 11 220 100% En 1998, le PARC avait financé au Sénégal 45 installations en clientèle privée : 43 docteurs vétérinaires et 2 techniciens. Une seule ONG a participé directement au financement de l’installation de vétérinaires privés : Vétérinaires Sans Frontières (VSF), qui a installé un docteur vétérinaire dans la ville de Kolda. Le suivi des crédits est assuré par le PARC. Une formation en gestion a été proposée avec le PARC en collaboration avec VSF. a)La dynamique d’installation des privés Quelques vétérinaires se sont installés à titre privé avant les années 1990. Mais le véritable élan d’installation des vétérinaires privés viendra à partir de la politique d’arrêt des recrutements dans la fonction publique au début des années 90. Les ITE et ATE ayant fait les frais des MOSA et départs volontaires s’installent en clientèle. Ils sont rapidement rejoints par les jeunes diplômés ATE, ITE et docteurs vétérinaires. La figure 4 présente l’évolution des prestataires officiellement installés à titre privé. Ces statistiques sont à manipuler avec prudence. La source (Cissé, 1996) ne précise pas comment ces chiffres ont été évalués. Mais sachant qu’aucun recensement des prestataires privés n’a été effectué, on peut émettre l’hypothèse que ces chiffres sont issus de la Direction de l’élevage, et sont basés sur le dénombrement des « autorisations d’exercer », document nécessaire à l’installation, délivrées par celle-ci. Dans ce cas, il faut s’attendre à une surestimation de ces chiffres pour les agents et ingénieurs installés à titre privé. En effet, certains agents la demandent sans exercer pour autant. A l’inverse, de nombreux prestataires opèrent sans autorisation d’exercer, mais ils se positionnent alors hors de tout cadre légal et relèvent plutôt du domaine de l’informel. La figure 5 présente la dynamique d’installation des docteurs vétérinaires. Les chiffres présentés ne correspondent pas exactement à ceux de la figure précédente pour ce qui concerne les docteurs vétérinaires. Ces divergences sont liées aux sources différentes dont ont été extraites les données. 11 Sur la base 1 € = 656 Francs CFA 38 50 47 45 40 40 Nombre de professionnels vétérinaires 36 Docteurs Vétérinaires 35 31 30 Ingénieurs des Travaux d'Elevage 26 25 25 22 Agents Techniques d'Elevage 21 19 20 Infirmiers d'Elevage 16 14 15 12 12 12 10 10 7 5 4 5 1 2 1 0 0 0 0 0 0 0 1965 1974 1989 4 3 0 0 0 1990 1991 1992 1993 1994 Figure 4 : Evolution du nombre de professionnels installés à titre privé, effectifs cumulés (d’après Cissé, 1996) 80 69 Nb de professionnels installés 70 66 57 60 53 50 41 43 40 Autofinancement Financement PARC 50 Total installés 31 30 23 20 10 0 18 12 7 6 1 1993 14 7 5 1994 16 16 10 5 1995 1996 1997 1998 1999 Figure 5 : Evolution de l’installation des docteurs vétérinaires en clientèle privée au Sénégal, effectifs cumulés (d’après Fall, 2003) 39 Il est important de remarquer le rôle de catalyseur joué par le financement PARC dans la dynamique d’installation des vétérinaires privés. Alors que l’installation à titre privé est déjà autorisée avant les années 1990, le phénomène de privatisation ne prend son essor qu’à partir de l’année 1994 avec les premiers crédits PARC. Le phénomène d’installation apparaît aujourd’hui encore comme largement dépendant de l’accès au crédit. La part de vétérinaires autofinancés est très maigre. Depuis 1999, le mécanisme de financement par le PARC est bloqué12. Moins de cinq nouveaux vétérinaires se sont installés depuis cette date. b)Le « système rénové » L’avènement de la privatisation a induit une complexification du système de santé animale, jusque là fortement empreint de l’héritage colonial, puis de l’omnipotence de l’Etat. Au système public se superpose une nouvelle strate, celle du secteur privé. Ces deux composantes du nouveau système emploient vétérinaires, agents ou ingénieurs, qui se partagent l’ensemble des missions des services de santé animale. Alors que les services étatiques se recentrent sur leurs fonctions régaliennes, le secteur privé fait main mise sur les domaines de distribution du médicament vétérinaire, les soins curatifs, et par le biais du mandat sanitaire obtient l’autorisation d’exécuter les campagnes de prophylaxie collective. Avec la privatisation des Services vétérinaires, la Direction de l’élevage a vu son personnel se réduire. Les docteurs vétérinaires sont passés de 61 en 1984 à 58 en 1994 (soit une baisse d’effectifs de 5% environ). Quant aux agents et ingénieurs, la réduction de personnel a été plus sévère, puisqu’ils sont passés de 660 à 310, soit une baisse d’effectifs de plus de 50%. Ainsi, le « dégraissage » de la fonction publique induit par le processus de privatisation est loin d’avoir affecté les différentes catégories professionnelles de manière égale : bien qu’ayant touché toutes les catégories, il a épargné les docteurs vétérinaires bien plus que les professions intermédiaires, lourdement affectées par les opérations de départ. Ce système « rénové», âgé aujourd’hui d’à peine plus de dix ans, tente de parachever sa construction. A travers l’étude de la mise en place de la privatisation au Sénégal, on peut déjà noter quelques points critiques qui sont autant de difficultés que le système de santé animale doit aujourd’hui surmonter. Le premier point, le plus visible, est le fait que la privatisation du réseau vétérinaire se soit fait sous l’impulsion de ce que Ly (2004) appelle un « choc exogène » : la pression des institutions internationales. Le processus de privatisation n’est pas né d’une initiative intrinsèque au pays, mais il s’est opéré au Sénégal comme dans de nombreux pays, sous la pression de la Banque Mondiale. Il s’est mis en place sous la forme du modèle préconisé par cette dernière. Le deuxième point critique est la rapidité de sa mise en œuvre qui n’a, semble t’il, pas laissé le temps aux institutions locales d’internaliser ces réformes, qui ont été subies plus que réellement adoptées. Cette rapidité va de pair avec un cadre législatif déficient ; l’ensemble des acteurs du secteur de la santé animale opère aujourd’hui dans un cadre aux contours mal définis. Ces acteurs se partagent aujourd’hui des tâches dans un environnement où les textes de loi sont flous et trop insuffisants pour délimiter clairement la nature des acteurs et les prérogatives de chacun. Enfin, nos entretiens semblent montrer que la manière dont la privatisation a été mise en œuvre a été vécue par les agents techniques d’élevage (ATE) et ingénieurs des travaux d’élevage (ITE), selon leurs propres termes, comme une « mise au placard ». Selon eux, le 12 Le gel des crédits est semble t’il lié à des difficultés concernant les modalités de gestion des fonds. En effet, la gestion des fonds de crédit assurée par le comité de gestion du PARC doit, depuis 1998, être transférée à un autre organisme. L’Ordre des Vétérinaires du Sénégal (ODVS) a été désigné mais le transfert n’est toujours pas effectif : dans l’attente d’une solution, les fonds sont bloqués. 40 dégraissage de la fonction publique a été opéré en sens unique pour laisser la part belle aux docteurs vétérinaires, qui n’ont été que faiblement concernés par ces mesures. De plus, ils s’estiment lésés par les politiques de financement des installations privées. Enfin, les textes touchant à la réglementation de la profession vétérinaires sont largement favorables aux docteurs vétérinaires. Il ressort de nos entretiens que les ATE et ITE ressentent aujourd’hui parfois une certaine aigreur contre le processus de privatisation, qu’ils accusent d’avoir été établi de manière unilatérale, sans tenir compte d’eux, et mis en œuvre uniquement de façon à fournir un emploi aux jeunes docteurs vétérinaires de Dakar. Dans une lettre13 qu’il adressait en 1990 au Président de la République du Sénégal, le Secrétaire général du Syndicat national des travailleurs de l’élevage affirmait : « l’arrêté du 17 mai 1990 maintenant 295 agents de la Direction de l’élevage par ordre sans affectation alimente à nouveau la tension déjà existante dans le monde du travail depuis l’avènement des départs volontaires». La rapidité et la violence des mesures prises ont provoqué chez les techniciens un sentiment de déception et d’incompréhension. Dans la lettre précédemment citée, le Secrétaire général du Syndicat national des travailleurs de l’élevage soulignait que « cette réduction des effectifs pourrait être envisagée, si nécessaire, d’une façon régressive et non brutalement comme si avec une baguette magique, on réussirait jusqu’au niveau même de la communauté rurale à introduire l’exercice libéral de la fonction vétérinaire pour suppléer 295 agents. L’irrationalité de cet arrêté vient du fait qu’il semble demandé aux agents retenus un surcroît de travail incompatible avec leur état d’esprit, démoralisés qu’ils sont, en grande majorité, par l’insécurité de l’emploi qui est une négation de leur option à servir dans la fonction publique ». Enfin, ces mutations des services vétérinaires s’inscrivent dans un contexte d’instabilité ministérielle, où le secteur de l’élevage a été, depuis l’Indépendance, constamment ballotté d’un ministère à un autre (Gning, 2004). Ce nouveau système de santé animale, encore jeune mais déjà en proie à de nombreuses difficultés, se voit de plus aujourd’hui confronté à des enjeux nouveaux, qui sont autant de défis à relever. E.Les enjeux pour le nouveau système 1.Les Services de santé animale face au credo de lutte contre la pauvreté a)La lutte contre la pauvreté : un concept omniprésent dans le nouveau discours des institutions internationales Les grandes réformes macroéconomiques entreprises dans les années 1980 par les pays en développement étaient supposées évoluer vers un développement plus durable qui prendrait en compte les aspects sociaux et environnementaux (Castaneda, 2004). Mais l’application des mesures d’ajustement au cours des années 1980 et 1990 a conduit à de vives oppositions provenant d’abord des pays concernés, mais aussi de certaines organisations de l’ONU (Organisation des Nations Unies) comme le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) ou le Bureau International du travail. Cette dénonciation des effets négatifs de 13 Thiendella Tanor Fall, Secrétaire général du Syndicat national des Travailleurs de l’élevage : Lettre au Président de la République du Sénégal, 18 juin 1990. 41 l’ajustement, que l’on connaît sous le vocable « coûts sociaux », va rejoindre les fondements mêmes du modèle de développement adopté par la Banque. Elle relève en effet plus particulièrement la contradiction entre l’objectif de lutte contre la pauvreté énoncé par l’institution depuis les années 1960 et les mesures préconisées pour relancer la croissance à partir des années 1980 (Sarrasin, 1999). L’opinion voulant que les politiques d’ajustement structurel aient aggravé la pauvreté dans les pays en développement s’est mise à « circuler » dans quelques organisations des Nations Unies à partir de 1983. La Banque Mondiale a répondu à ces critiques en « adaptant » ses programmes d’ajustement pour tenir compte davantage de leur impact sur les pauvres. En effet, si la première génération (de 1981 à 1984) se concentrait principalement sur l’équilibre macroéconomique, ce n’est qu’avec la deuxième génération (1984 à 1986) que la Banque commence à accorder une certaine attention aux dimensions sociales de l’ajustement. Avec la troisième génération de ses programmes (19871997), la Banque mondiale propose l’incorporation de la réduction de la pauvreté comme objectif fondamental des efforts d’ajustement, au même titre que la relance de la croissance (Sarrasin, 1999). Le Rapport sur le développement dans le monde 1990 de la Banque Mondiale a finalement fait état d’une négligence de sa part sur les questions sociales au cours des années 1980 et propose un changement de ses politiques pour la décennie suivante (Sarrasin, 1999). Ainsi, des « filets de sécurité » et des « programmes ciblés » visant la distribution et la subvention de nourriture, des programmes d’emploi, de sécurité sociale et de réinstallation sont autant d’efforts de l’institution visant à diminuer les « coûts sociaux » de ses mesures et à intégrer les pauvres au processus de la croissance (Sarrasin, 1999). Le FMI a aussi repensé son approche du développement. Ainsi, souligne Stiglitz (2002), « il y a peu, il se demandait encore s’il devait se soucier de la pauvreté − qui était du ressort de la Banque Mondiale −, mais aujourd’hui il a intégré cet aspect des choses, du moins dans son discours ». Les grandes lignes de la pensée sur le développement des organisations internationales sont intégrées dans les politiques sénégalaises qui poursuivent les objectifs de sécurité alimentaire, de lutte contre la pauvreté et de protection des ressources naturelles (Castaneda, 2004). De 1994 à 1999, les axes qui guident les actions concernant le sous-secteur de l’élevage sont clairement attachés à la nouvelle vision du développement qui commence à se profiler. Ils se déclinent comme suit (SONED, 1999) : - création d’un environnement institutionnel, législatif et réglementaire propice à la relance des productions animales ; - amélioration des techniques d’exploitation des ressources animales ; - développement d’un partenariat de type nouveau entre les organisations professionnelles d’éleveurs et les institutions étatiques ; - implication accrue du secteur privé dans le développement de l’élevage ; - gestion durable des ressources naturelles. L’année 2000, pour le Sénégal, est celle de « l’alternance ». Abdoulaye Wade arrive au pouvoir le 19 mars 2000, avec 58% de suffrages. Une majorité de la population vote pour une transformation de la société par des reformes libérales. Cette alternance coïncide avec l’émergence à la Banque Mondiale d’un nouveau consensus en faveur du secteur privé (qui attend le moment propice à l’investissement) et de la Bonne Gouvernance14 (Castaneda, 2004). De son côté, le FMI parle de couvrir les défaillances sociales, perçues comme des obstacles à son objectif final, la croissance. La cohérence entre ces deux visions est établie dans le Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté 14 Vocable sous lequel les institutions de Bretton Woods ont popularisé le concept de décentralisation administrative. On y rattache les principes de transparence et efficacité dans la gestion publique, Etat de droit, statut juridique de l’entreprise … (Seck, 1998) 42 (DSRP) qui devient la base des conditionnalités d’attribution des prêts, et qui est approuvé par le Sénégal en 2001 (Castaneda, 2004). L’élan des institutions internationales en faveur de la Bonne Gouvernance s’accompagne d’un mouvement en faveur de son corollaire : la participation des pauvres au processus de développement. Seck, en 1998, soulignait ainsi que, pourtant longtemps citée en exemple, « l’expérience sénégalaise » avait atteint ses limites. Face aux défis qui lui sont lancés (montée de la pauvreté et des tensions sociales, accès aux services de base de plus en plus difficiles pour la majorité de la population), le « seul espoir » pour le Sénégal est la montée en puissance de la société civile. La prise en compte des acteurs de la société civile (mouvements associatifs, ONG locales, organisations professionnelles, syndicats, …) occupe aujourd’hui une place majeure dans un discours centré sur la lutte contre la pauvreté. L’élevage, comme les autres activités, est encadré par les discours internationaux. Aujourd’hui, le NEPAD (Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique), l’UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest-africaine), la FAO (Food and Agriculture Organization), la Banque Africaine de Développement et la Banque Mondiale constituent les piliers des programmes et plans de développement de l’élevage au Sénégal (Castaneda, 2004). Les principes énoncés s’inscrivent bien sûr dans la mouvance de la « lutte contre la pauvreté », et sous-tendent aujourd’hui les grandes orientations énoncées par le gouvernement du Sénégal en matière d’élevage. Alors que le NEPAD déclare « la guerre mondiale contre la pauvreté et le sousdéveloppement», la Politique Agricole de l’UEMOA (PAU) − adoptée par le Sénégal en décembre 2001 − se donne pour objectif de contribuer de manière durable à la satisfaction des besoins alimentaires de la population, au développement économique et social des Etats membres et à la réduction de la pauvreté. La FAO s’inscrit dans la dynamique de la UEMOA à travers son programme Pro-poor Livestock Policy Initiative. Ce programme, dont le démarrage était prévu pour janvier 2004, place l’élevage au cœur de la lutte contre la pauvreté en reconnaissant son rôle au sein des ménages africains et le poids culturel de l’activité. Il provient du constat que les progrès techniques en élevage n’ont pas conduit aux changements de conditions de vie des pauvres. La Banque Mondiale centre ses ressources sur le Programme d’Appui aux services Agricoles et aux Organisations de Producteurs (PSAOP). La base de l’action du PSAOP est la participation des acteurs ruraux et le développement des capacités de concertation. Par ailleurs, le programme place des fonds au service de la DIREL pour l’exécution des programmes de santé animale. La Banque Mondiale programme « l’Initiative Elevage, Pauvreté et Croissance » (IEPC) dans le cadre du programme « African Livestock » (ALIVE) dont l’objectif est d’accroître la contribution du secteur élevage à la lutte contre la pauvreté et à la croissance de l’économie nationale. Le gouvernement sénégalais a inséré ces nouvelles orientations dans son discours. En 1999, la Lettre de politique de développement de l’élevage (Annexe III) annonçait ses objectifs globaux, dans lesquels on retrouve explicitement le principe de lutte contre la pauvreté. Les objectifs globaux sont au nombre de trois : - accroître de façon soutenue les productions animales en vue de contribuer de manière spécifique à la réalisation de l’objectif de sécurité alimentaire ; - améliorer le revenu des producteurs en élevage et lutter contre la pauvreté ; - préserver les ressources naturelles. b)Les services de santé animale dans le processus de lutte contre la pauvreté 43 Le recentrage du discours des institutions internationales sur la lutte contre la pauvreté semble s’être accompagné d’un changement dans la perception qu’ont ces dernières de l’élevage et de la santé animale. Alors qu’Akakpo et Ly (2003) soulignaient récemment l’importance de l’élevage et le rôle du vétérinaire dans la lutte contre la pauvreté, la communauté internationale est de plus en plus consciente que le développement de l’élevage, et plus particulièrement le contrôle de la santé animale, doit être une composante intégrale de la croissance agricole pour les fermiers pauvres (De Haan, 2004). De Haan, en 2004, a souligné les impacts des changements d’orientation du développement agricole sur l’élevage. Encouragé par des donateurs et de plus en plus par les gouvernements nationaux, l’objectif public stratégique de production animale de plusieurs pays en développement a changé : il va désormais d’une production accrue pour une autosuffisance alimentaire à un double objectif de réduction de la pauvreté et de croissance économique. Cette nouvelle orientation touche surtout des populations vivant souvent dans des régions rurales peu peuplées et marginales. Elle nécessite alors un changement de paradigme des services qui doivent adopter différentes approches et affronter des coûts plus élevés pour servir une population ciblée plus importante. Selon De Haan (2004), « la réduction de la pauvreté étant devenu l’un des critères principaux pour l’attribution d’assistance officielle au développement, cela affecte de manière importante la principale clientèle des Services vétérinaires ». La clientèle des services de santé animale doit donc s’élargir, s’étendre aux petits éleveurs et ne pas négliger les plus vulnérables. Ainsi, dans le contexte des politiques de lutte contre la pauvreté, les institutions réfléchissent sur une approche nouvelle du système de santé animale et de ses évolutions, recentrée sur les besoins des éleveurs, et plus particulièrement des plus pauvres (De Haan, 2004). De nombreuses études récentes proposent un abord des systèmes de santé animale plus spécifiquement axé sur la satisfaction des besoins des « petits éleveurs ». Ainsi, Catley (2002), constatant les insuffisances des systèmes vétérinaires actuels dans la lutte contre la pauvreté, souligne l’importance de permettre aux plus pauvres d’accéder aux services, et fait appel à des alternatives qui laissent une plus grande place à la participation des communautés au système. Les travaux d’Ahuja et al (2003), Chilonda et Van Huylenbroeck (2001), Peeling et Holden (2004) proposent eux aussi une étude de ces systèmes de santé centrée sur la question de l’accès des éleveurs les plus vulnérables aux services. Il s’avère aussi que l’accent mis sur la pauvreté amène des changements sur la façon dont l’assistance au développement international est allouée, particulièrement en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud. Dans les années 1980, les donateurs internationaux véhiculaient l’aide principalement par le biais de projets d’investissements bien définis et spécifiquement ciblés. Mais alors que la priorité est maintenant de plus en plus donnée au financement de lignes spécifiques du budget national, le personnel vétérinaire et les producteurs doivent s’adapter à ce nouveau mode de financement. Ils doivent faire appel à des compétences qu’ils ne possèdent pas toujours pour fonctionner dans le nouvel environnement qui entoure la préparation des documents sur les politiques et le budget. Le défi pour le secteur de la santé animale, lorsqu’il cherche des fonds additionnels, est donc de développer des plans bien orchestrés pour les petits éleveurs pauvres et d’intégrer ces plans aux politiques nationales et aux discussions de définition des priorités (De Haan, 2004). 2.Les Services vétérinaires face aux règles internationales du commerce des productions animales Le Sénégal aujourd’hui, en ce qui concerne les productions et la santé animales, se voit confronté à un double défi : celui de gérer la sécurité alimentaire sur son propre territoire, 44 mais aussi celui de sa participation au commerce mondial, dans un environnement encadré par l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce). Ce double défi repose grandement sur les Services vétérinaires, à qui il incombe d’assurer à la fois la lutte contre les maladies animales et l’innocuité des denrées alimentaires d’origine animale. Les questions de sécurité sanitaire des aliments sont devenues en quelques années des préoccupations essentielles des consommateurs, particulièrement dans les pays occidentaux. Mais elles concernent aussi directement les producteurs et les consommateurs des pays africains, car il ne s’agit pas seulement d’un souci de pays riches. Sidibe, en 2003, soulignait à quel point l’accès à une nourriture saine et suffisante pour tous figure au premier plan des priorités en matière d’amélioration des conditions de vie des populations et de lutte contre la pauvreté. Par ailleurs, la qualité des produits agricoles et d’élevage et le respect des normes du commerce international dans ce domaine conditionnent également les possibilités pour de nombreux petits producteurs africains de pouvoir vendre leurs produits à l’exportation et donc d’accroître leurs revenus monétaires (Sidibe, 2003). Mais le commerce international est aujourd’hui grandement régi par l’Organisation Mondiale du Commerce, qui fixe les « règles du jeu ». Le Sénégal est membre de l’OMC, et s’intègre de ce fait au commerce mondial d’animaux et de produits d’origine animale. a)L’OMC et les Accords SPS Parallèlement à la création de l’OMC, est entré en vigueur le 1er janvier 1995 un accord ayant trait à l’application des réglementations concernant l’innocuité des produits alimentaires, ainsi que la protection de la santé des animaux et la préservation des végétaux : l’Accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires, dit « Accord SPS ». Il définit les règles fondamentales concernant l’innocuité des produits alimentaires, ainsi que les normes sanitaires pour les animaux et les végétaux. Il permet aux pays membres d’établir leurs propres normes, qui doivent bien sûr cependant se baser sur des considérations scientifiques. Par ailleurs, les pays membres sont encouragés à appliquer les normes, directives ou recommandations internationales, dans les cas où il en existe. Ainsi, tous les pays appliquent des mesures afin d’une part d’assurer la sécurité sanitaire des produits alimentaires pour les consommateurs, et d’autre part d’empêcher la dissémination de parasites ou de maladies chez les animaux et les végétaux. Ces mesures sanitaires peuvent revêtir de nombreuses formes. Les pays peuvent par exemple exiger que les produits proviennent d’une zone exempte de maladies, que les produits soient inspectés, que les produits subissent un traitement ou une transformation spécifique, que des niveaux maximaux admissibles soient établis pour les résidus de pesticides, etc. Les mesures sanitaires (santé des personnes et des animaux) et phytosanitaires s’appliquent aux produits alimentaires d’origine nationale ou aux maladies locales d’animaux et de végétaux, ainsi qu’aux produits provenant d’autres pays (OMC, 1998). Ainsi, en acceptant l’Accord sur l’OMC, les gouvernements ont reconnu qu’ils étaient liés par les règles de tous les accords commerciaux multilatéraux qui y sont annexés, y compris l’Accord SPS (OMC, 1998). Le Sénégal ne déroge pas à la règle, et doit donc se conformer aux exigences de l’Accord SPS. Mais les tarifs douaniers et quotas ayant été considérablement réduits avec l’adoption de l’OMC, les barrières potentielles au libre-échange ont été modifiées pour le commerce mondial. Ainsi, les normes réglementaires sont devenues le principal argument utilisé pour limiter l’accès au marché international des pays qui ne sont pas en mesure de justifier le respect scrupuleux de ces normes (Boutrif et Pineiro, 2000). Malgré le traitement spécifique et différencié que prévoit l’Accord SPS pour les pays en développement (Accord qui reconnaît que ces derniers peuvent voir plus de difficultés à 45 satisfaire aux nouvelles mesures réglementaires), plusieurs pays estiment qu’ils rencontrent aujourd’hui davantage de difficultés à accéder à certains marchés agricoles et agroalimentaires avec ce nouveau système. Selon Boutrif et Pineiro (2000), de nombreux facteurs influencent la capacité des pays en développement à satisfaire aux exigences SPS des pays développés : - le niveau d’accès à l’information et à l’expertise scientifique et technique ; - l’incompatibilité des exigences SPS des pays développés avec les systèmes de production et/ou de commercialisation des pays en voie de développement ; - les contraintes liées aux ressources et aux infrastructures des pays en développement. Les auteurs soulignent l’inaptitude de ces pays à non seulement satisfaire les exigences SPS des pays développés, mais aussi − facteur tout aussi important pour les partenaires commerciaux − à en faire la preuve quand ces exigences sont satisfaites. Il semble que, pour partie, le problème réside dans le niveau de participation, insuffisant jusqu’à présent, des pays en développement aux Accords SPS et au développement des mesures résultant de ces accords. En particulier, ils ne participent pas de manière efficace au mécanisme dit « de transparence »15 spécifié par les Accords, car manquant d’expertise pour répondre aux notifications dans le délai de 60 jours. Ils manquent également d’expertises pour mener des évaluations de risque quand leurs propres réglementations SPS sont différentes de celles des pays développés, ou encore pour participer au système de règlement. Enfin, leur participation aux organismes internationaux qui fixent les normes est souvent limitée en effectifs et en compétences, et ne permet pas d’assurer la prise en considération de leurs préoccupations et intérêts (Boutrif et Pineiro, 2000). b)Les services de santé animale face à la nouvelle donne internationale : le rôle de l’OIE Les Accords SPS ont donc édicté des normes, directives et recommandations internationales que les gouvernements sont invités à suivre. L’OIE joue dans ce domaine une nouvelle fois un rôle central : l’organisation a été reconnue comme organisation de référence dans les accords SPS. Elle recommande que les administrations vétérinaires s’impliquent dans la sécurité sanitaire des aliments d’origine animale en réduisant les risques, en éliminant ou maîtrisant les dangers imputables aux animaux avant leur première transformation. Cela devra se faire en collaboration avec les autres autorités compétentes dans un esprit de concertation et de transparence (Sidibe, 2003). L’OIE édite le Code zoosanitaire international, recueil de normes internationales pouvant être utilisé lors de l’application des mesures aux importations. Selon Vallat et Wilson (2003), l’importance de ce code est majeure puisqu’il est employé par les autorités vétérinaires pour définir les réglementations sanitaires destinées à garantir la sécurité des importations d’animaux et de produits d’origine animale, tout en évitant la mise en place de barrières injustifiées. Le Code mentionne plusieurs recommandations relatives à l’organisation des services vétérinaires. L’étude de quelques passages de ce Code permet de mieux comprendre les préceptes que sont censés suivre les services vétérinaires des pays membres de l’OMC. Le Sénégal, comme de nombreux pays en voie de développement, a bien du mal à se conformer à l’ensemble de ces recommandations. L’analyse du Code laisse voir certains points saillants, qui sont autant d’entraves au commerce et de limite à la crédibilité des services vétérinaires. Ces points, entre 15 Les pays sont tenus de notifier aux autres pays les modifications apportées à leurs prescriptions sanitaires et phytosanitaires ou les nouvelles prescriptions qui affectent le commerce. Ils doivent aussi accepter que soit examinée la façon dont ils appliquent leurs réglementations concernant l’innocuité des produits alimentaires, la protection de la santé des animaux et la préservation des végétaux (OMC, 1998). La période actuelle pour se conformer aux nouvelles mesures SPS est de 60 jours à partir de la notification (Boutrif et Pineiro, 1998). 46 autres, sont aussi des éléments de réflexion pour un service de santé animale en perpétuelle évolution, à la recherche d’une amélioration de son efficacité et qui est amené à poursuivre de nombreuses réformes. (1)Structure et organisation des services vétérinaires - - - « l’Administration vétérinaire » désigne le service vétérinaire public, qui est responsable de la mise en œuvre des mesures zoosanitaires et des procédures de certification officielles. Le service public peut déléguer certaines tâches au secteur privé, à condition qu’il ait les moyens d’en contrôler l’exécution. « l’Autorité vétérinaire » désigne le service vétérinaire, sous l’autorité de l’administration vétérinaire, qui est directement responsable de l’application des mesures zoosanitaires dans un territoire déterminé du pays. Ces autorités vétérinaires sont constituées des personnels permanents ou temporaires des services vétérinaires publics. Cette définition intègre donc les vétérinaires privés possédant un mandat sanitaire. Les « Services vétérinaires » sont composés de l’administration vétérinaire et l’ensemble des autorités vétérinaires. Le « Vétérinaire officiel » est un vétérinaire désigné par l’administration vétérinaire de son pays pour effectuer l’inspection des marchandises en vue de la protection de la santé publique et/ou de la santé animale et, le cas échéant, pour effectuer la certification de ces marchandises Le « contrôle vétérinaire officiel » signifie que « l’autorité vétérinaire officielle connaît l’endroit où les animaux sont entretenus, et l’identité du propriétaire ou du détenteur, et qu’elle peut intervenir à tout moment pour l’application des mesures zoosanitaires appropriées. » Figure 6 : Chapitre 1.1.1 du Code zoosanitaire international : définitions générales La première définition montre que le Code (figure 6) a pleinement intégré la privatisation des services de santé animale. Il stipule clairement le recours au mandat sanitaire et à la délégation de certaines tâches au secteur privé. Une lecture correcte des articles du Code devra donc prendre en compte le réseau de vétérinaires privés. De plus, la définition du contrôle officiel montre la nécessité d’un réseau vétérinaire de proximité, garantissant une réelle connaissance de la situation zoosanitaire et épizootique au niveau du terrain. Pour ce faire, Le Brun (2003) explique que « face aux difficultés opérationnelles du service public, et dans le cadre de la privatisation des prestations de services vétérinaires, l’Etat doit avoir une politique favorisant l’installation, puis le maintien sur le terrain des professionnels privés qualifiés ». L’installation d’un réseau de praticiens privés est vue comme un moyen d’accroître l’accès aux services pour le plus grand nombre d’éleveurs. Mais, dans les pays en développement, la réalité du terrain impose souvent que le vétérinaire privé se fasse aider par des professionnels non vétérinaires. Cependant, afin de satisfaire aux exigences d’une certification de « vétérinaire officiel », le vétérinaire certificateur doit pouvoir assurer un contrôle rapproché de ses agents, qui opèrent ainsi sous sa responsabilité professionnelle. Cette obligation soulève un problème de crédibilité vis-à-vis des personnels non qualifiés, exerçant en tant que travailleurs indépendants et hors de toute réelle supervision. Selon Le Brun (2003), « il s’avère impossible d’apporter un crédit officiel aux agissements des auxiliaires intervenant dans les zones de grand pastoralisme éloignées de toute compétence vétérinaire». L’auteur souligne l’importance d’un maillage vétérinaire régulier du territoire national. Selon lui, les Etats doivent adopter une « politique résolument protectionniste vis-à-vis du vétérinaire privé » pour favoriser l’installation puis le maintien sur le terrain de ces professionnels qualifiés, « garants de la crédibilité des systèmes nationaux de certification officielle ». 47 Cette politique doit notamment assurer : - le monopole de l’exercice libéral pour les seuls vétérinaires ; - la lutte contre toute concurrence « déloyale » ou illégale, qu’elle provienne des agents du service public, d’autres professions ou acteurs voulant intervenir en santé animale ; - l’intégration maximale des vétérinaires privés dans les activités officielles de police sanitaire par le biais du mandat sanitaire ; - l’appui éventuel des vétérinaires privés dans les zones difficiles et de faible rentabilité par la délivrance de contrats de services publics. - (2)Qualité des services de santé animale Dans le nouvel environnement commercial international, et pour ce qui concerne son application aux échanges des productions animales, les pays doivent justifier de Services vétérinaires nationaux capables de produire des certificats sanitaires fiables et en accord avec la réglementation internationale. Le commerce est basé sur la confiance entre l’importateur et l’exportateur en ce qui concerne la qualité des produits, objets du commerce ; faire confiance, c’est « accorder du crédit, c’est croire ce que certifie le Service vétérinaire d’un pays» (Sidibé, 2003). Il se pose un important problème de reconnaissance mutuelle des certificats, qui nécessite la mise en œuvre de solutions pouvant se fonder sur l’évaluation objective des Services vétérinaires. L’assurance qualité, selon la norme internationale ISO 8402, est « l’ensemble des actions préétablies et systématiques nécessaires pour donner la confiance appropriée en ce qu’un produit ou service satisfera aux exigences données relatives à la qualité » (Gerster, cité par Sidibé 2003). C’est donc l’ensemble des moyens organisationnels des responsabilités, des procédures, des procédés et des ressources mis en œuvre par un service pour atteindre un objectif précis : obtenir la confiance dans la qualité du travail réalisé. La qualité des Services vétérinaires dépend d’un ensemble de facteurs, parmi lesquels figurent des principes fondamentaux à caractère éthique, organisationnel et technique. Le respect de ces principes par les Services vétérinaires d’un Pays membre est une condition importante pour gagner et conserver la confiance à l’égard des certificats vétérinaires délivrés par ces services (Vallat et Wilson, 2003). ● Principes éthiques Le Code énonce quelques principes fondamentaux auxquels les services vétérinaires doivent se conformer pour assurer la qualité de leurs activités. Parmi eux : jugement professionnel, indépendance, impartialité, intégrité, objectivité. Selon Le Brun (2003), ces principes, à l’exception du premier, sont parfois difficiles à faire appliquer dans le contexte qui caractérise souvent les pays en voie de développement. En effet, de graves dysfonctionnements institutionnels compliquent souvent la tâche des fonctionnaires de l’Etat : fragilité d’une carrière face au politique, faible niveau de rémunération, voire insécurité totale du versement des salaires. Ces dysfonctionnements sont communément générateurs d’une recherche de revenus complémentaires et parfois même de graves dérives éthiques qui, à l’évidence, peuvent oblitérer les capacités initiales d’indépendance, d’impartialité, d’intégrité et d’objectivité des agents de l’Etat. Cette problématique se retrouve dans le secteur privé, trop souvent mû uniquement par des considérations de profit immédiat. Ceci est pour Le Brun (2003) l’occasion de soulever l’importance « cruciale » d’une réorganisation des services vétérinaires sur le plan national, réorganisation qui privilégiera la qualité des ressources humaines aussi bien que leur encadrement. ● Principes organisationnels et techniques 48 Deux autres principes du Code concernent l’organisation générale des Services vétérinaires et leur politique en matière de qualité. Les Services doivent ainsi démontrer qu’ils sont en mesure, grâce à une législation et une organisation appropriée, de mener à bien leurs tâches, ainsi que les procédures de certification internationale. Par ailleurs, ils doivent aussi définir et documenter les responsabilités et la structure des différentes organisations qui les composent. Enfin, en matière, de qualité, « les Services vétérinaires doivent définir et mettre par écrit leur politique, leurs objectifs et leur engagement, et doivent s’assurer que cette politique est comprise, mise en place et entretenue à tous les niveaux de l’organisation ». Pour Le Brun (2003), cet article confirme la nécessité de réorganiser les Services vétérinaires. Si beaucoup de pays en développement ont dès à présent produit des documents d’orientation de leur politique générale en matière d’élevage et plus particulièrement du secteur de la santé animale, peu d’entre eux ont néanmoins entamé concrètement un processus de réaffectation des acteurs de la santé animale. Trop souvent, une privatisation de certains services aux éleveurs s’est faite sans réelle réorientation des activités du secteur public. Par ailleurs, Sidibé (2003) souligne que la réorganisation des Services doit rétablir un mécanisme efficient de remontée de l’information vers un point focal national s’engageant à informer immédiatement l’OIE et les organisations pertinentes. C’est la « chaîne de commandement unique, qui a été mise à mal ces dernières années ». ● Evaluation de la qualité Le Code sanitaire indique que aucun pays exportateur ne peut se soustraire à une demande de contrôle de la qualité de ses services vétérinaires émanant de son « client » importateur. A contrario, un pays importateur reste souverain quant au choix de la provenance et de la qualité des produits animaux ou d’origine animale qu’il importe. Mais l’évaluation de la qualité et de la fiabilité des Services vétérinaires des pays constitue un important volet de toute procédure d’analyse de risque à laquelle les pays peuvent légitimement recourir pour toute décision concernant les contrôles de santé animale ou de santé publique à appliquer lors des échanges internationaux d’animaux, de produits d’origine animale, de matériel génétique animal et d’aliments destinés aux animaux. Il est donc indispensable de mettre en place les principes d’évaluation des Services vétérinaires dans le but d’assurer la qualité et donc la fiabilité de l’organisation de l’inspection sanitaire et de la certification des animaux vivants et des produits d’origine animale (Sidibé, 2003). Ainsi pourra être établie une confiance entre partenaires d’échanges internationaux fondée sur l’assurance de la qualité des produits d’origine animale faisant l’objet de la transaction commerciale. L’OIE recommande que toute évaluation des Services vétérinaires se fonde sur les lignes directrices élaborées par l’OIE et reprises dans le Code (Le Brun, 2003). Ces lignes directrices, adoptées par tous les Pays membres en 2002, s’appliquent aussi bien à l’évaluation des services vétérinaires d’un autre pays qu’à l’évaluation des services vétérinaires nationaux. c)Législation et assurance qualité : pour une harmonisation régionale de la réglementation en Afrique ? Selon le Code sanitaire pour les animaux terrestres de l’OIE, les services vétérinaires «doivent pouvoir démontrer qu’ils sont en mesure, grâce à une législation appropriée, d’exercer leur contrôle sur toutes les questions concernant la santé animale». Cela comprend, 49 selon les circonstances, les contrôles des exportations et importations, la déclaration des maladies animales, l’inspection, le contrôle des déplacements, la mise en interdit des zones ou locaux infectés, les examens de laboratoire, le traitement, la destruction des animaux infectés ou matériel contaminés ainsi que le contrôle de l’usage des médicaments (Sidibé, 2003). Les politiques d’assurance qualité devront donc être confortées par l’adoption et l’application de législations en santé animale et en santé publique vétérinaire, et être harmonisées dans un cadre régional, afin de conduire les pays africains à se conformer progressivement au Code sanitaire pour les animaux terrestres. Ils pourront alors être reconnus par la communauté internationale, à travers les mécanisme de l’OIE, comme indemnes d’épizooties, pour un meilleur accès aux marchés. Selon Sidibé (2003), une modernisation et une harmonisation du code législatif et de la réglementation vétérinaires en Afrique sont indispensables, dans le but : - de les actualiser en fonction des engagements régionaux et internationaux relatifs aux déclarations d’épizooties à l’OIE et des méthodes de lutte commune, notamment en ce qui concerne les maladies épizootiques transfrontalières et les zoonoses ; - de protéger les consommateurs de produits animaux par un meilleur contrôle des denrées d’origine animale, ainsi que les éleveurs et leur cheptel par la définition des conditions d’agrément des aliments du bétail, des médicaments et vaccins utilisables, leur importation, leur distribution et leur utilisation. Sidibé (2003) souligne que « l’harmonisation et la mise en cohérence des législations nationales par rapport au contexte international sont devenues nécessaires ». La mise sous assurance qualité des services vétérinaires des pays en développement et, notamment, des pays africains, « sera source de progrès en termes d’efficacité de l’organisation, de rationalisation dans l’utilisation de moyens limités et de planification des formations pour une meilleure adéquation missions/compétences ». De plus, selon lui, les services vétérinaires africains, en travaillant selon les principes de l’assurance qualité, devront, dans la dynamique de participation des pays au commerce régional et international, acquérir et conserver la confiance de leurs homologues des pays importateurs par la qualité et la fiabilité de leur certification des produits d’origine animale. En effet, « seule la preuve de l’existence d’autorités sanitaires capables de garantir la certification fiable de l’état sanitaire des animaux et des produits appelés à franchir les frontières permet d’établir la confiance entre pays voulant participer au commerce régional ou international » (Sidibé, 2003). 50 Conclusion Depuis l’ère coloniale, le système de santé animale est placé sous l’influence du docteur vétérinaire. Celui-ci s’est placé au sommet de la hiérarchie, dans des services étatiques organisés de manière pyramidale. Après des années post-Indépendance marquées par l’omniprésence de l’Etat dans le domaine de la fourniture des services de santé animale, l’avènement de la privatisation des services vétérinaires dans les années 1990 a provoqué un profond bouleversement. Ce dernier, en modifiant la structure et le fonctionnement des institutions vétérinaires, a aussi changé l’environnement tout entier des éleveurs. Initiée par les grandes institutions internationales, dans un contexte de réformes économiques et structurelles drastiques, la privatisation a été vécue de l’intérieur du système comme un « choc exogène », face auquel ni l’Etat ni les éleveurs sénégalais n’étaient préparés. A travers l’analyse de la mise en place d’un nouveau système, on voit déjà poindre quelques uns des éléments qui génèrent aujourd’hui encore des frictions sur le terrain et entravent le bon fonctionnement : des changements mal préparés, une conception verticale de la privatisation qui s’est faite sans les éleveurs, la part belle réservée aux vétérinaires. En l’espace de trente ans, on est passé d’un système « tout public » à un système où public et privé doivent collaborer. Ce système, encore jeune, n’a pas encore fini les transitions initiales mais doit déjà faire face à de récents enjeux − lutte contre la pauvreté et normes du commerce international − susceptibles d’exiger de nouveaux changements. Avant d’envisager quelles mutations sont envisageables dans l’avenir, il est important de s’interroger sur l’organisation et le fonctionnement du système actuel de santé animale. Dans quel contexte s’inscrit-il ? Comment le cadre théorique élaboré par les institutions internationales a-t-il été adapté au Sénégal ? Quelle est la réalité des acteurs de terrain ? 51 II.L’ÉLEVAGE AU SÉNÉGAL : ÉTAT DES LIEUX Après avoir vu le cadre historique dans lequel s’est mis en place le système actuel de santé animale, nous nous intéresserons aux caractéristiques et au fonctionnement de ce système dorénavant privatisé et « rénové ». Dans un premier temps, il s’agira de comprendre le contexte global dans lequel il s’inscrit : un territoire sénégalais marqué par des contraintes diverses, dans lequel un élevage souvent qualifié de « traditionnel » subit en fait des mutations majeures. Dans un second temps, nous pourrons nous attarder sur les caractéristiques du système de santé animale, ses éléments et son fonctionnement. A.L’espace sénégalais 1.Principales caractéristiques Certains parlent de « Finistère ouest-africain », d’autres de « Sahel maritime ». Ces deux images caractérisent assez bien le Sénégal, le plus occidental des pays d’Afrique de l’Ouest et le seul pays sahélien à jouir d’une façade maritime sur l’océan Atlantique qui s’étale sur près de 700 km. Le Sénégal porte le nom de l’un des principaux fleuves du pays qui le sépare du nord de la République Islamique de Mauritanie. Au sud, il confine avec la Guinée Bissau, lusophone, et la République de Guinée, francophone. A l’ouest, il est limité par l’océan Atlantique. A l’est, la rivière Famélé délimite sa frontière avec le Mali, autre pays francophone. Enfin, particularité héritée de l’Histoire, la République de Gambie, anglophone, forme à l’intérieur du Sénégal une curieuse enclave le long du fleuve Gambie, longue de 300 km mais large de 50 km seulement (Devey, 2000 ; figure 7). Le Sénégal s’étend sur 196 192 km², entre 18° et 24° de latitude nord et 11° et 17° de longitude ouest. C’est un petit pays, tant par sa taille que par sa population (9 millions d’habitants). Essentiellement composé de plaines et de plateaux, c’est un pays plat dont le relief s’incline doucement vers l’océan. L’altitude y dépasse rarement les 100 m. Les rares accidents du relief sont constitués par les deux « mamelles » volcaniques de la presqu’île du Cap-Vert et les premiers contreforts du Fouta-Djallon au Sud-Est. Si ce modèle est très uniforme, les sols sont différents et changent progressivement du nord au sud en fonction de l’accroissement de la pluviosité (Devey, 2000). 52 Figure 7 : Carte générale du Sénégal. Ancien découpage administratif (d’après Division géographique du Ministère des Affaires Etrangères, cité par IZF, 1998). 53 2.Les contraintes climatiques Le Sénégal est situé en zone tropicale, entre le tropique du Cancer et l’équateur ; il subit des contraintes climatiques majeures. Les grands traits climatiques sont le résultat conjoint de facteurs géographiques et aérologiques. Les premiers s’expriment par la latitude qui confère au territoire des caractères tropicaux, et par la position de finistère ouest-africain qui détermine des conditions climatiques différentes dans la région littorale et dans l’intérieur. Les seconds s’expriment par l’alternance sur le pays de trois flux − l’alizé maritime, l’harmattan et la mousson − dont les déplacements sont facilités par la platitude du relief. L’année climatique est divisée en deux saisons principales par le critère pluviométrique : saison sèche et saison humide. La saison des pluies (ou hivernage) débute au sud-est du Sénégal au mois de mai avec l’arrivée de la mousson qui envahit progressivement le pays. Les pluies augmentent d’abord lentement, jusqu’au mois d’août où elles culminent. D’une manière générale, les pluies décroissent du sud vers le nord. Le nombre de mois pluvieux varie selon la latitude (6 au sud du pays, à Kédougou et Tambacounda, 5 à Diourbel, dans le centre, 4 à Matam en zone sahélienne ; figure 8). Les températures, en permanence élevées et supérieures à 15°C, sont liées à la latitude tropicale du Sénégal. Mais elles varient dans le temps selon les saisons, notamment avec les pluies qui les abaissent, et, dans l’espace, avec la proximité ou l’éloignement de l’océan. Les maxima principaux se situent avant le début des pluies, en avril, mai ou juin, et une remontée des températures intervient à la fin de l’été, lorsque les précipitations s’interrompent (Leroux et Sagna, 2000). Le Sénégal est en proie à une insécurité climatique majeure. D’abord, parce que la moyenne annuelle des précipitations est faible sur une grande partie du pays. Ensuite, parce que ces précipitations subissent de fortes variations interannuelles (à Linguère, la moyenne de 414 mm recouvre des précipitations allant de 850 mm en année exceptionnellement pluvieuse à moins de 200 mm en année sèche). Enfin, parce que le Sénégal, comme l’ensemble du Sahel est soumis à une translation des isohyètes16 vers le sud, qui depuis une trentaine d’année traduit le recul du front pluvieux vers le sud et l’assèchement des zones les plus au nord (figure 9). Le pays a été lourdement affecté par les différents épisodes de sécheresse qui ont affecté l’ensemble du Sahel depuis les années 1970, et plus particulièrement par la « grande sécheresse » de 1972-73 et les mauvais hivernages de 1983-84 et 1991-92 (Leroux et Sagna, 2000). L’absence de reliefs importants et le développement limité du réseau hydrographique donnent aux facteurs climatiques un rôle prépondérant dans la répartition des paysages végétaux au Sénégal. L’évolution des paysages se fait par transitions insensibles, en liaison avec la croissance progressive des pluies du nord au sud du pays (figure 9). Dans le domaine sahélien dominent les acacias auxquels sont associés fréquemment le soump (Balanites aegyptiaca) aux fruits oléagineux, le jujubier (Zizyphus mauritiana) et, à l’approche des villages, le baobab (Adansonia digitata). Au sol, le tapis herbacé, desséché dès le mois de novembre est composé de graminées annuelles, dont le cram-cram (Cenchrus biflorus). Vers le sud, la transition est faite par des savanes arborées où l’emportent le kadd (Acacia aldiba) dans les régions les plus intensément cultivées et des taillis de Combrétacées dans le Ferlo. Le domaine soudanien est par excellence celui de la savane sous ses différentes physionomies. Des arbres, tels que le caïlcédrat (Khaya senegalensis), en formations ouvertes surplombent un tapis de grandes herbes. Une maigre savane herbeuse couvre les cuirasses 16 Ligne joignant les points du globe où les pluies moyennes sont égales. 54 ferrugineuses qui affleurent en Haute-Gambie. La transition avec le domaine subguinéen est marquée par l’apparition, en Moyenne Casamance, d’essences préforestières. Le domaine subguinéen est occupé à l’état naturel par une forêt dense à feuilles caduques dominée à laquelle est associé le palmier à huile (Elais guineensis). Ne subsistant que sous forme d’îlots, cette forêt a progressivement fait place, sous l’action de l’homme, à la palmeraie qui couvre désormais tout le domaine des cultures, les champs des plateaux comme les rizières des vallées (Ndiaye, 2000). Les caractéristiques de la végétation sont importantes puisqu’elles déterminent la nature et la valeur nutritive des pâturages naturels, qui au Sénégal constituent majoritairement la base de l’alimentation du bétail. Selon Boudet (1991), un pâturage peut-être défini par l’espèce fourragère principale qui s’y trouve. D’après la classification qu’il a établie, on trouve au Sénégal : - une steppe herbeuse à fourrés dans la zone pastorale ; - une savane arbustive dans le centre ; - une savane boisée et une forêt claire en Casamance et dans le sud du Sénégal Oriental. 55 Figure 8 : Profil météorologique du Sénégal (d’après FAO/SMIAR, 2001) Figure 9 : Grands domaines climatiques et translation des isohyètes (d’après Cormier et al., 2000) NB : Le recul de la limite du front de la trypanosomiase (« avant la sécheresse » = avant 1973 ; « maintenant » = 2000) est à mettre en relation avec la translation des isohyètes. 56 3.Les découpages administratifs L’espace sénégalais a fait l’objet, des indépendances jusqu’à nos jours, de plusieurs découpages administratifs. Alors que la figure 7 présentait le découpage ayant prévalu jusqu’en 2002 (10 régions, 30 départements), la figure 10 montre les modifications du remaniement de 2002, qui a créé une onzième région (Matam). Ainsi, le Sénégal compte aujourd’hui 11 régions, 22 départements. Chaque département est lui-même réparti en arrondissements, eux-mêmes subdivisés en communautés rurales. Par ailleurs, le vocabulaire géographique reste pour le Sénégal encore fortement imprégné de l’héritage précolonial. Certaines zones géographiques sont aujourd’hui toujours couramment désignées par des dénominations précoloniales (notamment Baol, Jolof, Sine, Saloum, …) (Thiam et Gueye, 2000). La figure 10 permet de visualiser les grandes entités qui se sont succédé sur le territoire sénégalais, du XVe au XVIIIe siècle. 4.Peuplement du Sénégal Le peuplement du Sénégal est ancien. Pays « de passages et de rencontres, de métissages et d’échanges » (Senghor, cité par Diouf, 1994), l’espace ethnique du Sénégal d’aujourd’hui est le résultat d’un processus de mouvements de populations, de peuplement qui s’est étendu sur plusieurs siècles. Malgré leur diversité, il est important de souligner que « les différentes ethnies sénégalaises ne sont rien d’autre que des espaces culturels variés, sur un fonds culturel commun. Unité dans la diversité, unité culturelle, qui est simplement synonyme d’unité nationale » (Diouf, 1994). Aujourd’hui, le Sénégal compte une vingtaine d’ethnies réparties de manière hétérogène sur l’ensemble du pays. Les Wolofs, 44% de la population totale, sont largement majoritaires dans les provinces historiques du Walo, Cayor, Baol, Saloum et dans les grandes villes. Les Sereer, 15% du total, se répartissent en plusieurs sous-groupes dans le Sine-Saloum et les îles de la côte. Quant au groupe Peul-Toucouleur (23%), il se concentre dans la vallée du Sénégal, au Ferlo et en Haute-Casamance. La majorité est aujourd’hui sédentaire mais de nombreuses familles de pasteurs nomadisent encore le Ferlo. Les Diola (6%) forment un peuplement homogène en Basse-Casamance débordant en Gambie et Guinée-Bissau. D’autres ethnies sont présentes avec des effectifs plus faibles : Baïnouk, Balant, Mandjk, Bassari, Soninké, Malinké … Chaque ethnie a sa langue, mais le wolof est parlé par plus de trois-quarts des Sénégalais. Le français est la langue de l’administration et de l’enseignement (Diouf, 1994 ; Mbow et Kane, 2000). Près de 90% des Sénégalais, dont la totalité des Wolof, Toucouleur et Manding sont musulmans, et 5% sont chrétiens (en particulier Sereer et Diola ; Mbow et Kane, 2000). L’espace sénégalais est aujourd’hui peuplé de près de 9 millions d’habitants (Devey, 2000). Mais la répartition des hommes est très inégale sur l’ensemble du territoire. Si la densité moyenne de population est de 45 habitants au kilomètre carré, ce chiffre masque des réalités très différenciées ; un contraste important oppose l’ouest et l’est du pays. L’ouest, qui comprend la moyenne vallée du fleuve Sénégal, le bassin arachidier, les régions urbaines de Dakar et de Thiès et la Basse-Casamance, abrite de très fortes densités humaines, y compris en zone rurale, qui correspondent à des régions très anciennement occupées par des paysanneries sédentaires. L’est, en revanche, est un « vide humain ». La densité de population est inférieure à 10 habitants au kilomètre carré dans le Ferlo, et à 6 habitants dans la région de Tambacounda (Devey, 2000). La croissance urbaine s’est accélérée au cours des dernières décennies ; le taux d’urbanisation approche aujourd’hui les 50%. Le réseau urbain sénégalais est encore dominé par la toute 57 puissance de l’agglomération dakaroise (Dakar-Pikine-Rufisque), qui concentre le quart de la population sénégalaise (figure 11). Mais des villes secondaires émergent de manière fulgurante et contrebalancent l’influence écrasante de la capitale (Cormier et al., 2000) ; les villes autres que celles constituant l’agglomération dakaroise rassemblent 46% de la population urbaine totale. En 1998, le Sénégal comptait 36 centres urbains dont la population dépasse les 10 000 habitants ; en dépit d’un tassement général de la croissance, la décennie 1976-1988 a été marquée par la consolidation des villes régionales. Ces villes se caractérisent par une croissance généralement rapide (Ba et Sakho, 2000). 58 Figure 10 : Des royaumes et Etats précoloniaux au nouveau découpage administratif (d’après Thiam et Gueye, 2000 ; CSE, 2004) Figure 11 : La croissance des villes sénégalaises en 1988 (d’après Cormier et al., 2000) 59 5.L’agriculture L’agriculture sénégalaise se consacre, pour l’essentiel, à des cultures sous pluies dont le cycle végétatif correspond à l’hivernage (figure 12). L’éventail des cultures est d’autant plus réduit que les pluies sont en moyenne faible ; d’autre part, la production est largement soumise aux aléas climatiques. La moitié septentrionale du pays est particulièrement exposée aux risques de sécheresse. Le secteur agricole est actuellement en stagnation. Sa part dans le PIB est de 17%, contre 19 en 1964-65. Le taux de croissance de la production agricole (2,4%) est inférieur aux taux de croissance démographique. La crise climatique est à l’origine d’une recomposition des espaces ruraux et d’une transformation des systèmes agro-pastoraux. La zone de forte production de l’arachide s’est déplacée vers le sud, de même pour le coton, et l’activité agricole dans la vallée du Sénégal s’est recentrée autour des cultures irriguées. Mais depuis les Indépendances, l’agriculture sénégalaise a connu d’autres mutations. Les cultures pluviales ont bénéficié de la diffusion de la traction attelée, ce qui a amélioré la gestion des cultures et limité l’effondrement de la production agricole en période de sécheresse. L’arachide qui, pendant toute la période coloniale a été le moteur de l’économie sénégalaise n’a plus la même importance sur le marché mondial des oléagineux, ce qui s’est traduit par une baisse constante de la demande et des prix. Les espaces forestiers et pastoraux se dégradent et se réduisent. Enfin, les débouchés urbains ne cessent de croître, une agriculture périurbaine et souvent intra-urbaine s’est développée et intensifiée, mobilisant une main d’œuvre nombreuse (Cormier et al., 2000). Finalement, compte tenu des grandes caractéristiques géographiques, on peut distinguer au sein de l’espace sénégalais six grands ensembles : les Niayes, bande côtière comprenant Dakar et la grande côte jusqu’à Saint-Louis, la vallée du fleuve Sénégal, la zone sylvo-pastorale (régions de Saint-Louis et Matam), le Bassin arachidier (régions de Diourbel, Fatick et Kaolack), le Sénégal oriental (Tambacounda), et la Casamance (figure 13). 60 Figure 12 : Les zones agricoles (d’après Cormier et al., 2000) Figure 13 : Les grands domaines agro-climatiques (d’après CSE, 2004) 61 B.L’élevage au Sénégal 1.Importance économique La valeur sur pieds17 du cheptel est estimée à 504 milliards de Francs CFA en 1997 (SONED, 1999). Une analyse à prix constants 1987 montre que de 1994 à 1998 la part de l’élevage dans le PIB du secteur primaire a été relativement stable, et de l’ordre de 49 + 3%, et que les contributions de l’élevage à la croissance ont toujours été positives. La production de viande au Sénégal, toutes espèces confondues, a été estimée à 101 000 tonnes en 1997. Elle est principalement assurée par les bovins (49% en moyenne) et les petits ruminants (27%). La production nationale de viande de volaille a été estimée en 1997 à 17 000 tonnes, dont 6 800 tonnes par l’aviculture industrielle (7 600 tonnes en 2000), et 10 200 tonnes par l’aviculture traditionnelle. Selon la DIREL (citée par SONED, 1999), la consommation de viande était estimée à 11,6 kg par personne et par an en moyenne, en 1997. Cette consommation porte essentiellement sur la viande de volaille (36%) et ruminants (31% bovins, 20% petits ruminants). Il est important de noter une forte augmentation de la consommation de volaille depuis les années 1990. Enfin, la consommation de produits halieutiques joue un rôle majeur dans l’alimentation sénégalaise et l’apport protéique (27,5 kg/personne/an en 1998). Les importations de viande sont faibles. Cependant, il faut noter la part grandissante des importations de viande de volaille depuis le milieu des années 1980 (en liaison avec l’urbanisation rapide de la population), et l’importation de moutons sur pieds (30 000 environ) à l’occasion de la fête de la Tabaski. Les exportations de viande et de bétail sont, elles, dérisoires (SONED, 1999). La production de lait totale était en 1997 estimée à 110 millions de litres, toutes espèces confondues, et provient essentiellement de l’élevage traditionnel. Elle se caractérise par un déficit structurel car de très loin insuffisante pour couvrir la demande intérieure qui ne cesse de croître. La consommation annuelle par habitant a été estimée à 26 litres en 1997, soit près de 232 millions de litres à l’échelle nationale. Pour satisfaire la demande, le Sénégal a recours aux importations, essentiellement sous forme de lait en poudre. Le taux de couverture des besoins de la population sénégalaise par la production était inférieur à 55% en 1997 (Broutin et Diokhané, 2000). En 1993, les importations représentaient les 2/3 de l’offre, soit 32 000 tonnes. En 1994, sous l’effet de la dévaluation du Franc CFA, les importations ont chuté mais s’élevaient malgré tout à près de 23 000 tonnes en 1998 (SONED, 1999). 2.Le cheptel sénégalais a)Les effectifs Le dernier recensement du cheptel au Sénégal date de 1974. Depuis, le cheptel fait l’objet d’estimations à partir des campagnes de vaccination obligatoires organisées par l’Etat et les vols systématiques de reconnaissance du Centre de Suivi Ecologique. Les données sur les effectifs restent donc très approximatives. Selon FAOSTAT, l’élevage au Sénégal en 2003 comptait environ 3 millions de bovins, 4,5 millions d’ovins, 4 millions de caprins, 300 000 porcs, 45 millions de volailles, 500 000 chevaux, 400 000 ânes et 4 000 dromadaires (SONED, 1999). 17 Bovins, ovins, caprins 62 On assiste, au Sénégal, depuis 3 décennies, à un lent glissement de l’élevage du nord du pays (vallée du Sénégal, nord du Ferlo18) vers les zones plus méridionales (sud du Djolof, Sine Saloum19). Cette évolution concerne le cheptel bovin et les petits ruminants (Santoir, 1994). Selon Santoir (1994), le Sénégal apparaît comme coupé en deux selon une ligne ouestest correspondant approximativement à l’isohyète 500 mm. Dans la moitié nord du pays (les régions de Saint-Louis, Louga et Diourbel), les effectifs n’ont cessé de baisser lentement, depuis 1968, premier mauvais hivernage annonciateur des périodes de sécheresse actuelles. Dans la moitié sud du pays, au contraire, la croissance est continue. Le cheptel bovin y devient, dès 1972, plus important qu’au nord. La densité kilométrique du bétail progresse lentement mais régulièrement dans le sud, alors que dans le nord, elle baisse rapidement. Les densités bovines étaient concentrées en 1970 dans la basse vallée, le cœur du bassin arachidier et le pays sereer. Vingt années plus tard, ces régions ont toujours des densités élevées, mais la région du fleuve est beaucoup moins chargée ; une nouvelle zone de densité apparaît en Moyenne Casamance (Kolda). L’évolution des effectifs de petits ruminants est sensiblement la même que celle des bovins (Santoir, 1994). La sécheresse de 1972 a provoqué une baisse très forte dans la moitié nord du pays (- 30%), mais la reprise a été rapide. Depuis 1986, les effectifs ne paraissent plus progresser dans la zone pastorale ; il y a désormais moins de petits ruminants au nord que dans le sud du pays, où la densité du cheptel a été multipliée par cinq et où le nombre de petits ruminants a progressé très vite. Il y a désormais autant de têtes de petit bétail par habitant dans le sud que dans le nord. Le petit élevage, caractéristique autrefois de la zone sahélienne, s’est donc répandu vers les régions soudaniennes (Santoir, 1994). b)Les races locales ● Les bovins : On trouve au Sénégal deux catégories distinctes d’animaux, les zébus et les taurins, ainsi que les métis, produits de leur croisement. La principale race de zébu est le Gobra, que l’on trouve dans tout le centre et le nord du Sénégal. Ce zébu est caractérisé par la présence d’une bosse et d’un fanon abondant, une robe uniformément blanche ou grise et d’imposantes cornes en forme de lyre (figure 14). Pour un poids à la naissance de 22 kg, à l’âge adulte, les mâles peuvent atteindre une taille de 150 cm au garrot et un poids de 400 kg. Les performances de production mesurées sur des animaux maintenus en conditions de transhumance et rentrés à l’étable pendant 6 mois laissent apparaître des résultats modestes : en moyenne 2,5 L de lait par jour et 900 kg par an, un GMQ20 de 300 g/j et un rendement de carcasse de 52% (DAD-IS, 1998). Très endurants, bons marcheurs (ils parcourent jusqu’à 30 voire 40 km par jour), ils présentent une bonne résistance à la chaleur (zone de confort de 28°C), et ils ont de faibles besoins en eau, ce qui leur permet de s’abreuver tous les deux voire trois jours seulement. Ce sont donc des animaux particulièrement bien adaptés aux régions semi-arides (Pfister, 1991). Les taurins sont caractérisés par leur trypanotolérance. On trouve des taurins de race N’Dama dans la zone sud du pays, dans les régions soudaniennes préforestières, où ils sont capables de supporter la présence des glossines. Bien adaptés aux zones humides, ils sont peu résistants aux conditions du milieu semi-aride (Pfister, 1991). Ces animaux sont de petit 18 Soit les régions de Saint-Louis et de Louga Soit les départements de Diourbel, Gossas, Kaolack et Mbacké. 20 Gain Moyen Quotidien 19 63 format (figure 15) : les mâles pèsent 18 kg environ à la naissance et à l’âge adulte atteignent un poids de 300 kg en moyenne pour 120 cm au garrot. La robe est unicolore, fauve, blanche ou blonde. La bosse est absente, les cornes sont courtes (DAD-IS, 1998). Figure 14 : zébus Gobra Figure 15 : vache NDama en Casamance 64 Enfin, le Djakoré est une race issue du croisement entre Gobra et N’Dama. On trouve ce type d’animaux dans la zone de transition sahélo-soudanienne, notamment dans de le sud du SineSaloum et au Sénégal Oriental. Le Djakoré a hérité des N’Dama un certain degré de trypanotolérance. Les mâles atteignent 135 cm au garrot. La robe est unie, grise, jaune ou blanche. Les cornes sont longues et fines, la bosse est présente mais nettement moins marquée que chez les Gobra (DAD-IS, 1998). ● Les ovins : Le mouton Peul-peul sénégalais est présent dans toute la zone sahélienne et sahélosoudanienne, dans le centre et le nord du Sénégal. Le pelage des moutons peuls est ras. La robe est claire tachetée de roux ou de noir, bicolore noire et blanche pour les peuls-peuls du Ferlo (figure 16), unicolore acajou pour les peuls-peuls du Fouta (Nersy, 1988). Les mâles adultes pèsent en moyenne 40 kg, pour une taille de 75 cm au garrot (DAD-IS, 1998). Cet animale a de bonnes aptitudes bouchères. Figure 16 : moutons Peul-Peul sénégalais Le mouton maure à poils ras, aussi appelé Ladoum ou Touabire, occupe le nord et l’ouest du Sénégal. Le poil est court. La robe est unicolore, blanche, ou tachée de noir ou de roux. La couleur foncée occupe en général l’avant-main (Nersy, 1988). Les mâles peuvent atteindre 85 cm au garrot et un poids de 50 kg en moyenne (DAD-IS, 1998). Cet animal est particulièrement apprécié par les éleveurs, qui en font souvent un mouton de case destiné à la Tabaski. Les animaux de cette race se vendent à un prix élevé sur le marché de Dakar. Le Waralé est un mouton métis de peul-peul et Touabire. Il présente des caractéristiques intermédiaires à celles des deux races. Le métissage étant le plus souvent anarchique, tous les stades entre le peul-peul et le Touabire peuvent être observés (Nersy, 1988). Le Djallonké peuple une grande partie du Sénégal, au sud et à l’est. (Nersy, 1988) C’est un mouton de petit format (27 kg en moyenne pour les mâles adultes, pour 50 cm au garrot), d’allure trapue. Cette race est réputée être trypanotolérante (DAD-IS, 1998). 65 ● Les caprins : La chèvre du Sahel occupe toute la zone sahélienne. Elle est de grande taille (85 cm chez le mâle, 75 cm chez la femelle). La chèvre du Fouta Djallon mesure de 40 à 50 cm au garrot. Elle est élevée dans la zone soudanaise et guinéenne (Nersy, 1988). 3.Principaux modes d’élevage a)L’élevage de ruminants ● L’élevage à dominante pastorale On définit comme « pastoral » un type de système de production, pour lequel « les populations tirent l’essentiel de leur subsistance de l’élevage, lequel leur permet d’assurer la reproduction de leur mode de vie » (Marty, 1992). Bonfiglioli, (1992 ; cité par Diao, 2001) complète cette définition en précisant que « au moins 50% du revenu brut21 des unités domestiques provient de l’élevage ou d’activités liées à l’élevage ». Les revenus issus de l’élevage peuvent être tirés directement de l’élevage (vente des animaux, de viande ou de lait), mais aussi indirectement (commerce caravanier par exemple). Pour le Sénégal, Bâ (2000) localise l’élevage pastoral dans la zone sahélienne, notamment le Ferlo qui s’étend, à l’est du Bassin de l’arachide, de la vallée du Sénégal à l’axe ferroviaire Kaolack-Tambacounda-Kayes. Cette zone se caractérise par la faible pluviosité, la brièveté de la saison des pluies, la profondeur de la nappe phréatique, ce qui rend difficile l’agriculture sous pluie et les installations permanentes. La végétation d’épineux et les vastes prairies d’hivernage sont exploitées de manière très extensive par des pasteurs en majorité issus de l’ethnie Peul. Ces derniers vivent en campements dispersés et pratiquent parfois la transhumance (figure 17), qui permet d’optimiser la mise en valeur d’espaces arides. La transhumance consiste en une migration saisonnière qui comprend deux phases. En saison des pluies, les troupeaux et leurs bergers se dispersent dans le Ferlo grâce à la multiplication des points d’eau temporaires qui leur permettent d’exploiter les pâturages les plus reculés. En saison sèche, au contraire, pasteurs et bovins se regroupent progressivement autour des forages, puis se replient sur la périphérie du Ferlo, soit en direction de la vallée du Sénégal, soit vers l’ouest et le sud où le Bassin de l’arachide leur offre les pâturages des jachères, les puits des villages et surtout les débouchés : marchés ruraux et urbains (vente de produits laitiers et de bétail). La sécheresse qui a touché le Sénégal en 1972-73, en 1983-84 et en 1991-92 a particulièrement affecté l’élevage sahélien, dont les effectifs ont été gravement amputés, tandis que les parcours traditionnels étaient désorganisés et que de nombreux pasteurs étaient contraints de se replier vers le sud. Aujourd’hui, la multiplication des points d’eau depuis les années 1980 rend plus flexibles l’abreuvement du bétail et les déplacements des troupeaux, tant pour la transhumance que pour la commercialisation. Certains groupements peuls se fixent à demeure, à proximité des forages (Bâ, 2000). Le système pastoral (figure 18) se base souvent sur une exploitation combinée des différentes espèces animales, dont la complémentarité permet de tirer le meilleur parti des pâturages sahéliens. 21 valeur totale de la production commercialisée + valeur estimative de la production de subsistance consommée par les unités domestiques 66 Figure 17 : Campement de pasteurs transhumants dans le Ferlo Figure 18 : Troupeau en zone pastorale 67 Sous l’effet de critères environnementaux, économiques et sociaux, le pastoralisme évolue. La pression des échanges économiques a modifié la complémentarité ancienne avec l’agriculture et a parfois envenimé les relations de concurrence et de conflits. L’évolution récente témoigne de la difficulté des sociétés pastorales à tirer parti des échanges commerciaux dans la crise actuelle et à protéger leurs revenus (Marty, 1992). Par ailleurs, l’espace pastoral tend aujourd’hui vers une réduction et une désorganisation. Les anciens parcours immenses et contrôlés par des groupes bien identifiés de pasteurs n’existent généralement plus comme tels. Un peu partout, les études témoignent de la progression des champs cultivés ou des jardins sur des terres autrefois occupées uniquement par l’élevage extensif. Quant aux modes de conduite de l’élevage, ils ont souvent beaucoup évolué dans le sens de déplacements moins nombreux et moins importants. Aussi la transhumance a-t-elle été fréquemment raccourcie dans le temps et dans l’espace. La multiplication des centres de sédentarisation et des points de fixation pour les anciens nomades change également le paysage de l’ancienne zone pastorale. Ces transformations entraînent évidemment un peu partout une dégradation très nette de l’environnement : surpâturage, raréfaction sinon disparition d’espèces très appétées, remplacement par des espèces moins appréciées, piétinement précoce renforcé favorisant ensuite l’érosion éolienne, destruction des arbres et des forêts, ensablement des bas-fonds, formation de dunes vives, etc (Marty, 1992). Tandis que d’autres systèmes apparaissent ailleurs en pleine croissance, ceux de la zone pastorale ont montré leur extrême sensibilité aux aléas du climat et du marché. Les pertes en cheptel suivant les différents épisodes de sécheresse ont eu pour conséquence un appauvrissement considérable des populations pastorales. Enfin, l’élevage sahélien se traduit depuis les dernières décennies par un transfert de propriété, passant des mains des anciens pasteurs de la zone sahélienne à celles d’agriculteurs du sud. Les chutes spectaculaires des prix de 1973 et 1984 ont favorisé nettement ceux qui disposent d’argent pour acquérir des animaux et des aliments capables d’assurer leur entretien jusqu’au retour des pâturages naturels. Cela concerne surtout les « nouveaux éleveurs », souvent absentéistes, qui, grâce à leurs positions dans les circuits commerciaux ou dans la fonction publique, ont des facilités pour opérer ainsi. Malgré tous ces avatars, les systèmes pastoraux résistent. Les politiques de sédentarisation des nomades aboutissent difficilement et on assiste au maintien, quand ce n’est pas au retour, d’une certaine mobilité. C’est le cas au Ferlo : « Ainsi, le maintien de la mobilité pastorale, même de faible amplitude, autour des forages, permet-il aux Peuls de se remobiliser le cas échéant pour des déplacements plus importants lorsque la sauvegarde de leur bétail l’exige » (Barral, 1983 ; cité par Marty, 1992). La logique d’utilisation de l’espace pastoral, faite de mobilité et de flexibilité, ne peut être totalement démantelée. C’est ce que Santoir (1983), appelle la « raison pastorale » face au développement et aux divers aménagements. ● L’association élevage-agriculture La deuxième forme d’élevage que les chercheurs distinguent classiquement dans la typologie est qualifiée d’élevage « agropastoral ». Selon Bonfiglioli (1992 ; cité par Diao, 2001), « on définit agropastoral un système dans lequel au moins 50% du revenu brut provient d’activités liées à l’agriculture, et entre 10 et 50 % d’activités d’élevage ». Potchier (1992) affine cette définition en distinguant : - Les agropasteurs, qui combinent agriculture et élevage. - Les agriculteurs éleveurs, qui sont en fait des agriculteurs pratiquant depuis peu l’élevage et ayant acquis progressivement des animaux grâce aux revenus dégagés par leurs activités agricoles. Les animaux sont souvent confiés à des bergers anciens pasteurs devenus salariés, ayant récemment perdu leurs troupeaux. 68 Figure 19 : Les sous-produits agricoles représentent une composante importante de l'alimentation du bétail dans le Bassin arachidier Figure 20 : L’embouche constitue une forme de valorisation des sous-produits agricoles 69 L’association d’autres activités agricoles à celle de l’élevage dépend de la situation géographique (gradient du nord au sud), de la nature des sols cultivables mais surtout de la disponibilité des ressources en eau et des modes d’accès à ces ressources. Au bord de grands fleuves tel le Sénégal, de nombreux exploitants de périmètres aménagés pratiquent l’élevage autour des parcelles irriguées (riz, tomates, oignons, …) en saison de culture ou en contresaison. Quant à l’agriculture pluviale (mil, arachide, coton, …), très aléatoire, elle est parfois associée au pastoralisme progressant vers le sud. Ainsi, au Sénégal, on rencontre le système liant agriculture et élevage principalement dans le bassin arachidier − où les Sereer sont connus pour leur maîtrise de l’intégration entre ces deux activités −, la vallée du fleuve Sénégal, et la zone du Sud du pays où, de la Casamance au Sénégal Oriental, les ethnies Diola, Peul et Mandingues s’adonnent à l’élevage des N’Dama (Bâ, 2000). Les combinaisons et les importances relatives des activités d’élevage et d’agriculture évoluent dans l’espace et dans le temps. L’analyse des différentes situations agricoles laisse apparaître une forte diversité. Celle-ci résulte de nombreux facteurs liés d’une part aux caractéristiques du milieu physique, d’autre part aux modes concrets de combinaison des facteurs de production (systèmes de production) dans le cadre de structures sociales éminemment variables d’une région à l’autre (Potchier, 1992). Parmi ces facteurs on peut noter une imbrication plus ou moins forte entre systèmes de culture pluviaux et/ou irrigués et systèmes d’élevage, ou une diversité de l’association des activités d’agriculture et d’élevage au sein des mêmes unités de production. Les modes de relation entre agriculteurs et éleveurs sont multiples (contrats de fumure, confiage), de même que les degrés d’association de ces deux activités à l’intérieur d’une même unité de production (accumulation, épargne facilement mobilisable, lait, énergie pour le transport, travail du sol, utilisation des sousproduits agricoles pour l’alimentation animale …). Il est important de noter le rôle du troupeau dans les mécanismes de capitalisation ou d’épargne-vente au sein de l’exploitation agricole. L’acquisition de bovins est souvent très active à l’issue de campagnes agricoles favorables. S’agissant des petits ruminants, il est utile de souligner que leur acquisition est peu liée aux revenus monétaires des cultures de rente, sauf pour les femmes qui capitalisent en caprins une partie des revenus monétaires des cultures de rente de maraîchage. Les petits ruminants (en particulier les mâles) font l’objet de transactions précoces pour faire face au fur et à mesure aux dépenses courantes des ménages. Les bovins, mâles essentiellement, sont vendus pour les dépenses à caractère familial (dot, mariages, funérailles) ou religieux (pèlerinage) ou même vital (déficit vivrier sévère). Les bœufs de trait de réforme entrent dans cette catégorie et leur valeur est inverse de l’âge de la réforme et de l’intensité de leur utilisation. Les évolutions récentes des systèmes de production sont dominées par les crises climatiques successives, la dégradation des conditions du milieu physique et le déséquilibre croissant entre les besoins alimentaires et la production agricole. Par ailleurs, on assiste dans les zones agricoles à une progression de l’élevage. « L’élevage s’est diversifié et a fortement progressé au cours des trois dernières décennies en raison d’une amélioration de la protection sanitaire, de l’intérêt marqué des agriculteurs pour cette production, et ceci malgré les pertes catastrophiques de 1979-80 » (Potchier, 1992). La notion d’agropastoralisme peut être illustrée par l’exemple des Sereer du Bassin arachidier, qui ont élaboré un modèle d’association et d’intensification agriculture-élevage considéré aujourd’hui comme une référence (Lericollais et Faye, 1994). La civilisation sereer traditionnelle est une « civilisation du mil et du bovin ». Les Sereer sont agropasteurs depuis toujours, et la référence à l’élevage est permanente dans les principales manifestations de la vie sociale et culturelle. Le modèle agraire ancien est basé sur l’utilisation des jachères, du parc arboré (en particulier le kadd, Acacia albida) qui nourrit les animaux pendant la période de soudure, sur l’exploitation des résidus de culture par la « vaine pâture ». Les mouvements du troupeau au sein du terroir sont à la base d’importants transferts de fertilité via la fumure 70 animale, qui constituent une clé dans la gestion de l’exploitation agricole. Selon Lericollais et Faye, il y avait, en terme d’association agriculture-élevage un modèle séreer original. Aujourd’hui, le nœud du système agraire sereer demeure la gestion de la fertilité. Cependant, il fait l’objet de nombreuses modifications. Le système fourrager a considérablement évolué : espace pastoral résiduel, complètement balayé par les défrichements, disparition de la jachère, abandon de la vaine pâture au profit de pratiques d’appropriation et de ramassage des sousproduits de culture. Ces modifications du système fourrager s’accompagnent d’une différenciation du système d’élevage. D’un point de vue stratégique, l’orientation générale tend à renforcer l’élevage dit « intégré » qui est de type semi-intensif. Cette intensification s’est faite grâce à l’appropriation des sous-produits agricoles disponibles (pailles de mil, fanes d’arachide, …) et à l’acquisition d’autres aliments agro-industriels (graines de coton, tourteaux industriels ; figure 19). Cependant, la majeure partie du cheptel est constituée de bovins qui sont encore conduits de manière extensive, avec une alimentation essentiellement basée sur le pâturage naturel. Ces animaux se retrouvent aujourd’hui marginalisés par le mode actuel d’occupation de l’espace. La transhumance devient alors la seule voie de survie. Les animaux pâturent toujours sur le terroir à la fin des récoltes, mais les ressources fourragères s’épuisent très rapidement. Vers le mois d’avril, les troupeaux partent massivement en transhumance. Parallèlement, à côté du troupeau traditionnel, les paysans sereer développent depuis quelques années un élevage bovin spéculatif connu sous le nom d’embouche paysanne (figure 20). Cette dernière constitue une nouvelle spéculation particulièrement liée à la valorisation des sous-produits. L’évolution du système d’élevage se traduit par des modifications des objectifs de production et des pratiques d’exploitation des produits d’origine animale. Ces modifications proviennent également de l’ouverture du système de production au marché qui dicte des orientations plus économiques que socio-culturelles. Ainsi, les abattages massifs qui caractérisaient les funérailles, moments d’exhibition du prestige lignager ont régressé, tandis que la fonction de régulation de l’alimentation et de l’économie des familles, ainsi que le rôle technique dans l’agriculture constituent aujourd’hui les objectifs dominants de la production animale. ● Les autres formes d’élevage ♦ Elevage ovin villageois et urbain : L’élevage ovin villageois ou citadin représente une composante importante et peu étudiée des systèmes d’élevage sénégalais. Dans la ville de Dakar et ses environs, les effectifs de petits ruminants étaient estimés à 144 000 têtes en 1988. Une enquête menée par Missohou et al. (1995) dans différents quartiers de la ville de Dakar a montré que les petits ruminants étaient présents dans près de 45% des concessions (figure 21). Les effectifs sont constitués quasi-exclusivement d’ovins (97,5%). Les races les plus fréquentes sont le Touabire, le Balibali − qui sont des races importées de pays voisins − et les produits de leur croisement avec le mouton Peul sénégalais. La prépondérance de ces races peut être vue comme le signe d’une recherche de production de haute qualité. La taille des troupeaux est de 1 à 10 en moyenne. L’augmentation du ratio femelles/mâles avec l’âge des animaux traduit la forte pression d’abattage des mâles. Malgré la présence de bergeries dans la plupart des élevages, le principal mode de conduite consiste à les garder à l’attache pendant une partie de la journée. 71 Figure 21 : Moutons de case à Dakar Figure 22 : Jeunes zébus Gobra en embouche dans le Bassin arachidier 72 Seuls 12,5% des éleveurs laissent leurs animaux en divagation. L’alimentation est à base de fanes d’arachide, de provende, de niébé, de mil ou de restes de cuisine. Les animaux font l’objet d’un suivi vétérinaire qualifié de « bon » par Missohou et al. (1995) compte tenu du contexte africain : 55% des propriétaires déclarent avoir déparasité et vacciné leurs animaux. Les éleveurs, qui sont en grande majorité musulmans (97%) déclarent élever les moutons pour l’autoconsommation (62,5%), la protection contre le mauvais sort22 (16%), par coutume (12%) ou pour la vente (8,1%). Le coût relativement élevé des animaux ajouté à la faible proportion des élevages tournés vers la commercialisation dénote leur finalité peu lucrative. La principale cause de destockage des moutons est la Tabaski23 au cours de laquelle 42% des animaux abattus proviennent du troupeau (Missohou et al., 1995). En 1987, 80% des animaux abattus pendant toute l’année au Sénégal l’ont été à l’occasion de la Tabaski (Martin, 1993). C’est dire l’ampleur de ce phénomène et l’importance toute particulière accordée à l’élevage de moutons. Toutefois, le baptême, le mariage, la visite d’un étranger ou la charité rituelle sont autant de circonstances de sacrifices des moutons. ♦ L’embouche bovine : D’après Pagot (1985), l’embouche est « la préparation des animaux pour la boucherie, quelle que soit la méthode employée ». Qu’il soit agro-pasteur, paysan emboucheur ou partenaire d’un groupement d’éleveur, le producteur voit avant tout dans l’embouche sa fonction d’épargne permettant de valoriser sans trop de risques (Faye et Landais, 1986 ; cités par Haessler 1990) et dans un minimum de temps leur activité agricole principale. Les importants revenus qu’elle dégage permettent de tamponner les variations défavorables des revenus des cultures, fortement tributaires des aléas climatiques qui ont caractérisé ces dernières années. L’embouche bovine lorsqu’elle est bien menée permet alors d’augmenter les revenus des paysans et notamment ceux dont les revenus se situent sous la moyenne (Wardle, 1979 ; cité par Haessler, 1990). Elle a également l’avantage de s’intégrer sans trop de problèmes dans les temps de travaux d’une exploitation agricole car elle offre un moyen d’occuper la morte saison. Pour ceux qui possèdent un troupeau naisseur (Tourrand, 1989 ; cité par Haessler, 1990), elle représente un moyen de valoriser un capital sur pied pour la boucherie de même qu’elle permet de préparer un animal de travail réformé pour la viande pour les utilisateurs de bovins de traits (Lhoste 1986, Rochez 1977 ; cités par Haessler, 1990). L’embouche peut revêtir plusieurs formes qui peuvent être menées séparément ou combinées, se succédant dans le temps. L’embouche extensive ou embouche herbagère consiste à entretenir les animaux sur des pâturages qui peuvent être naturels et, dans ce cas, généralement de valeur assez faible ou améliorés. Les animaux ne reçoivent qu’une complémentation minérale. Elle concerne surtout des animaux jeunes (de 2 à 5 ans) et doit être de durée assez longue : 1 à 2 ans et parfois davantage. De durée généralement plus courte, l’embouche semi-intensive utilise également le pâturage naturel ou amélioré, mais les animaux reçoivent en outre un complément alimentaire plus ou moins important. La vitesse d’engraissement dépend essentiellement de la valeur du pâturage et de la richesse de la supplémentation. L’embouche intensive permet d’obtenir des gains de poids plus rapides et des animaux généralement mieux finis et plus gras. Au Sénégal, elle se pratique principalement sous la forme de mise en stabulation des animaux. Toute l’alimentation est fournie à l’auge. L’herbe est substituée partiellement ou en totalité par divers produits fibreux et par des aliments plus concentrés en éléments nutritifs, tels que céréales, racines ou tubercules, sous-produits agro-industriels, etc. La durée de ce type d’embouche est courte et 22 Selon certains marabouts, la présence d’un mouton blanc dans la concession familiale permet d’en chasser les génies. 23 Fête religieuse musulmane qui commémore chaque année le sacrifice d’Abraham. On sacrifie de préférence un bélier jeune, entier, haut sur pattes, bien gras. 73 en général n’excède pas 6 mois. L’embouche industrielle en feed-lot n’est que très peu pratiquée au Sénégal. Par contre, un nombre croissant d’éleveurs pratique une embouche dite « paysanne ». Ils préparent quelques animaux à la boucherie (un ou deux bovins), au moyen de sous-produits de leur exploitation et de quelques aliments achetés (Rivière, 1991). L’embouche paysanne se développe considérablement au Sénégal, en particulier dans la zone du Bassin arachidier qui, par sa localisation, permet une disponibilité et un accès facile aux sous-produits agricoles (fanes de mil, tourteau d’arachide, …) combinés à un réseau commercial développé (figure 22). Quant à l’embouche ovine, elle est pratiquée principalement en vue de préparer la fête de la Tabaski. L’embouche prend alors le plus souvent la forme d’un élevage dit « mouton de case », élevage décrit précédemment (élevage ovin urbain et villageois). L’animal, deux à trois mois avant la Tabaski, est attaché à proximité de la maison et nourri avec des sousproduits agricoles et résidus de cuisine. ♦ Elevage laitier : ► Elevage intensif périurbain à Dakar Au Sénégal, la production laitière intensive est essentiellement concentrée dans la zone périurbaine de Dakar, au niveau de la zone dite des « Niayes », où le climat doux est propice à l’élevage de races exotiques. Le système intensif se caractérise par un niveau élevé d’utilisation d’intrants, notamment alimentaires (concentrés, complexes minéralo-vitaminés, fourrages cultivés), l’utilisation de biotechnologies pour améliorer la production et l’utilisation d’une main-d’œuvre salariée spécialisée. Les niveaux de production sont de loin supérieurs à ceux des autres systèmes de production. Cependant, les produits obtenus, du fait de leur coût, ciblent une clientèle limitée. De même, la production ne couvre qu’une très infime partie des besoins de consommation (Dieye, 2003). Dans la zone des Niayes, en 2000, on a recensé un troupeau laitier de race exotique (Jersey, Montbéliarde, Holstein) d’environ un millier de vaches en production, réparties dans trois grandes fermes (SOCA, Wayembam (figure 23) et Niacoulrab) et une dizaine de petites fermes appartenant à des opérateurs privés de la région de Dakar (Broutin et Diokhané, 2000). A côté de ces grandes fermes, un réseau de fermes de taille plus modeste s’est tissé autour de Dakar, sur l’initiative d’opérateurs économiques privés qui pour la plupart étaient complètement étrangers au secteur de l’élevage ou qui ont bénéficié de projets d’introduction de races importées. Une étude faite en 1990 avait recensé 67 fermes ayant en moyenne 31 têtes. Cependant, une enquête réalisée en 1993 auprès de 13 élevages a mis en évidence des effectifs de vaches laitières très inférieurs (7 en moyenne par élevage), avec un faible niveau de production. Le système d’élevage est surtout traditionnel avec cependant une complémentation pour les vaches en lactation (sous-produits maraîchers, drêches de tomates, tourteaux d’arachide). La prophylaxie se limite à la vaccination contre la péri-pneumonie contagieuse bovine (PPCB) et au déparasitage (Broutin et Diokhané, 2000). ► Dispositifs périurbains dans les villes secondaires Une ceinture laitière périurbaine a été implantée à Kolda (Haute-Casamance) à partir de 1994. Le dispositif mis en place a consisté à tester un paquet technique portant sur la stabulation des femelles en lactation, afin de maintenir la production laitière pendant toute la saison sèche et de générer des revenus additionnels pour les agropasteurs. 74 Figure 23 : Salle de traite et vaches Prim'Holstein dans la ferme Wayem'Bam (région de Dakar) Figure 24 : Produit d'insémination artificielle (génération F1, Montbéliarde x Gobra) Figure 25 : Produit F1 d'insémination Gobra x Prim'Hosltein 75 Le paquet technique vise l’intensification de la production par l’amélioration de l’habitat, de la santé et de l’alimentation des animaux, par la supplémentation à base de sous-produits agricoles locaux (graines de coton et tourteaux de sésame). L’innovation porte également sur le développement de la filière par la connexion du bassin de production à la laiterie localisée en ville permettant une meilleure valorisation du lait. Démarrée en 1994 avec 23 producteurs de 9 villages, la filière a connu une forte progression avec 108 producteurs répartis dans 30 villages en 1998. Pendant la même période, le nombre de femelles en stabulation est passé de 137 à 512. L’engouement des agropasteurs est lié à l’impact du paquet technique sur l’amélioration des niveaux de production mais surtout au rôle important du lait comme source de protéines et de revenus monétaires pendant la saison sèche (Dieye et al., 2002). Dans la zone de Tambacounda, la SODEFITEX (Société de développement des fibres textiles), à la recherche de débouchés pour la graine de coton a appuyé le développement d’étables fumières avec généralisation de la complémentation au niveau des étables. ► Exploitations mixtes intensifiées Ces exploitations mixtes intensifiées (EMI) sont un produit du projet PAPEL. Le PAPEL (Projet d’appui à l’élevage) est un projet placé sous la tutelle du Ministère de l’Agriculture et de l’Elevage du Sénégal, qui a pour but de « faire du Sénégal un pays autosuffisant en produits d’origine animale, où l’élevage joue un rôle déterminant dans le développement économique et social ». Son objectif global est de contribuer de manière durable à la sécurité alimentaire et à la réduction de la pauvreté d’ici la dixième année de sa mise en œuvre. Parmi ses objectifs spécifiques, l’augmentation de la production de lait occupe une place importante. Il est spécifié que « la production de lait par jour devra passer de 3 à 10 litres et la lactation de 140 à 280 jours dans les exploitations intensifiées. Il en résultera une production additionnelle de 12,5 millions de litres par an à la dixième année » (PAPEL, 2003). Dans sa première phase (août 1992-juin 1999), le PAPEL a appuyé la mise en place de 6000 EMI dans le bassin arachidier (exploitations mixtes intensifiées. Ces EMI sont des exploitations « traditionnelles » sélectionnées par le projet pour accueillir des vaches métis de race locale (Gobra) et de race importée (Montbéliarde ou Prim’Holstein principalement ; figures 24 et 25). Dans sa deuxième phase, le projet couvre une zone de 83 700 km², englobant le Bassin arachidier et la zone sylvo-pastorale. Cette phase s’attache à l’appui à la création de huit ceintures laitières autour des grandes agglomérations et des axes routiers situés dans la zone du projet. Ces ceintures sont destinées à abriter des animaux F1 issus du croisement par insémination artificielle entre races locales (Gobra et Djakoré) et races exotiques à haut potentiel de production laitière (Prim’Holstein et Montbéliardes principalement). Après une phase initiale d’importation, le PAPEL prévoit par la suite une production locale de semences exotiques. Au terme du projet, les résultats escomptés pour cette sous-composante seront mesurés à travers l’existence de 1920 EMI structurées en ceintures, de 8 centres de collecte et transformation du lait, d’un Centre d’amélioration génétique opérationnel, d’une forte demande et d’une offre privée de qualité en matière d’insémination artificielle, mais aussi à travers la diffusion de 60 000 doses de semences, et la production additionnelle de lait générée par le projet (PAPEL, 2003). 76 b)Les volailles L’aviculture traditionnelle compte environ 12 millions de tête (SONED, 1999), soit environ 70% de l’effectif national de volaille. Il concerne essentiellement la couche sociale la plus défavorisée du pays (Buldgen et al., 1992). Les effectifs par propriétaire sont faibles (moins de 10 têtes). Les conditions de production traditionnelle et familiale restent médiocres et très dépendantes des maladies. Ces systèmes traditionnels sont basés sur la reproduction naturelle des poules et coqs locaux, la rusticité des animaux, la modicité des techniques et du matériel d’élevage, une alimentation sommaire, une vulnérabilité aux épizooties et une production très autoconsommée (Ly, 2003). Au Sénégal, le petit élevage avicole villageois peut être considéré comme une activité marginale qui occasionne peu de frais et de travail pour l’agriculteur. La construction d’un abri rudimentaire pour la nuit et l’acquisition de deux ou trois reproductrices suffit pour mettre sur pied une petite unité de production dont la gestion est confiée aux femmes. La volaille est en liberté permanente durant la journée, alors que le soir, elle est enfermée dans un dortoir servant d’abri contre les intempéries et les prédateurs. L’alimentation est essentiellement constituée de restes de repas ou de résidus de récolte. L’aviculture moderne a connu, quant à elle, des progrès considérables depuis 1987 avec l’augmentation des investissements privés qui permettent l’exploitation d’effectifs importants (1 million en 1980, plus de 5 millions en 1996). Des actions de développement, menées depuis 1962 par le Centre National Avicole (CNA) et relayées de 1994 à 1998 par le Projet de développement des espèces à cycle court (PRODEC) ont conduit à une intensification du secteur en vue de l’augmentation de la production. Ainsi, une aviculture semi-industrielle de proximité s’est développée dans les espaces urbains et périurbains depuis deux décennies, surtout dans la région de Dakar. En 1980, Arbelot et al (1997) ont recensé 125 exploitations avicoles dans la région de Dakar (780 000 poulets de chair, 250 000 pondeuses environ). En 1994, leur nombre était estimé à 600 environ, avec 3, 6 millions de poule de chair et 500 000 pondeuses (SONED, 1999). La taille des élevages de pondeuse varie de 200 à 10 000 sujets, avec une moyenne annuelle de 2000 têtes par exploitation. Quant aux poulets de chair, leur nombre varie de 100 à 8000 sujets, avec une moyenne de 800 têtes par exploitation. Cependant, l’aviculture moderne qui suscite tant d’engouement se révèle être une entreprise difficile, voire incertaine, du fait des incertitudes commerciales. Des contraintes d’ordre technique et institutionnel, ainsi que des problèmes pathologiques sont à l’origine de performances moyennes. c)L’élevage porcin Il reste dominé par une production traditionnelle et familiale. Intégrée à d’autres spéculations, la production de porc est peu spécialisée et typiquement extensive. L’élevage porcin est pratiqué dans les zones de population non musulmane. Principalement présent dans les régions de Ziguinchor, Fatick, Kaolack et sur la Petite Côte, on le rencontre également en îlots dans d’autres régions du Sénégal. Avec près de 50 000 têtes, soit 27% du cheptel national, la Basse Casamance se distingue parmi les zones de production (SONED, 1999). d)Chevaux et ânes Le cheval est présent dans plusieurs secteurs d’activité tels que la traction hippomobile urbaine et rurale, les courses hippiques. La traction équine et asine s’est maintenue en zone 77 rurale malgré la promotion de la culture attelée par traction bovine qui bénéficiait de l’appui du Programme Agricole. La rapidité du cheval et la diffusion de la charrette équine facilitent l’exécution des opérations culturales, du transport et de l’exhaure. Ainsi, le cheval de trait agricole et la traction hippomobile jouent toujours un rôle fondamental dans les relations et les échanges ruraux, la commercialisation des produits agricoles, l’approvisionnement en intrants et produits de consommation et le transport des personnes. L’âne est délaissé malgré son apport décisif dans le transport des personnes et des biens, de l’eau particulièrement, en zone rurale (figure 26 ; SONED, 1999). Figure 26 : Transport de l'eau en zone pastorale C.La situation zoosanitaire Malgré les efforts entrepris et les progrès réalisés dans le domaine de la lutte contre les maladies animales, l’élevage sénégalais subit encore aujourd’hui des contraintes sanitaires importantes qui limitent son développement. 1.Une pression sanitaire variable Bien que l’ensemble du pays soit affecté par des maladies animales majeures, la pression sanitaire n’est pas homogène sur le territoire sénégalais. Celle-ci varie en fonction de la combinaison de divers facteurs, notamment géographiques, épidémiologiques ou zootechniques. Un premier facteur de différenciation spatiale de la pression des maladies est l’existence de biotopes très diversifiés. La vaste gamme de climats présente au Sénégal conditionne tour à tour le paysage et la végétation : on trouve des zones arides ou semi-arides avec une végétation steppique aussi bien que des zones humides de savane voire de forêts claires. 78 Dans les zones à climat toujours humide, l’association de températures et d’un taux d’hygrométrie élevés toute l’année favorise l’existence et la multiplication de nombreux vecteurs arthropodes : moustiques, culicoïdes, tiques, glossines. Que la majorité des maladies à transmission vectorielle se retrouve dans ces régions n’est donc pas surprenant. Certains de ces vecteurs sont, du reste, très inféodés à un biotope précis. Les glossines, par exemple, ne se retrouvent que dans les régions où les précipitations annuelles sont supérieures à 600 mm (en général 1000 mm), avec des températures comprises entre 20° et 30°C et une végétation abondante qui les protège des radiations solaires. Cela explique que l’aire d’extension des trypanosomoses transmises par les glossines soit bien délimitée et relativement stable. Toutefois, il convient de garder à l’esprit que les facteurs édaphiques peuvent jouer un rôle local important. Ainsi, même dans les zones arides où les populations de vecteurs connaissent une diminution drastique en saison sèche, le moindre point d’eau peut entretenir une population suffisante pour assurer la transmission des agents pathogènes. Si les conditions climatiques des régions chaudes sont plutôt favorables à la pullulation des insectes, en revanche, la chaleur et l’ensoleillement sont plutôt défavorables à la survie des agents pathogènes qui se retrouvent dans le milieu extérieur. Ainsi, le virus de la fièvre aphteuse peut-il être transmis à distance, notamment par les vents, dans les pays tempérés alors que ce mode de contamination semble rare, voire inexistant, dans les régions chaudes où il est rapidement inactivé par la lumière solaire et la chaleur (Lefèvre et Blancou, 2003). La pression sanitaire se différencie aussi sous l’influence du mode d’élevage. Ce dernier peut faire intervenir des degrés de promiscuité, de contact ou de brassage des animaux très divers, ce qui favorise ou non l’apparition et le développement de maladies transmissibles. Il semble qu’une conduite des animaux basée sur la transhumance favorise le maintien et la dispersion des maladies, en particulier celles à transmission directe (Lefèvre et Blancou, 2003). En effet, les occasions sont nombreuses au cours desquelles les animaux sont amenés à se rassembler : lors des mouvements de troupeaux vers les zones de pâturages après regroupement de plusieurs troupeaux appartenant à des éleveurs différents, à la nuit tombée lorsque les éleveurs regroupent les animaux dans une enceinte facile à surveiller, ou encore lors de l’abreuvement car les points d’eau (mares, forages) sont partagés par les éleveurs d’une même zone (figure 27). Figure 27 : Abreuvement au forage en zone pastorale 79 Même dans les zones où l’agriculture et l’élevage sont associés, les contacts entre animaux de troupeaux différents restent très nombreux. Il arrive que, pendant les semaines qui précèdent le travail des champs, tous les animaux du village soient réunis sur les parcelles qui seront cultivées afin d’assurer une bonne fumure de la terre. Lors de ces rassemblements, les maladies à transmission directe nécessitant un contact étroit et prolongé sont facilement transmises, les animaux étant réunis sur de très petites surfaces. De même, une fois les semailles terminées, il est de règle d’éloigner les animaux du village sous la garde de bergers qui vont faire paître ces « troupeaux collectifs » au loin et ne les rentrent qu’une fois les récoltes faites. Dans ces cas-là, « l’unité épidémiologique » n’est plus le troupeau appartenant à un propriétaire mais bien le troupeau du village tout entier. 2.Les principales maladies affectant le cheptel sénégalais Le cheptel sénégalais est la cible de nombreuses maladies. Le tableau 3 donne un aperçu des maladies répertoriées en 2004. Bien que non exhaustif, il a pour avantage de les classer selon leur importance socio-économique : c’est la raison pour laquelle nous avons conservé cette forme de classement. La hiérarchisation est celle de l’OIE, dont sont extraites les données. La liste A répertorie des maladies qui ont un « grand pouvoir de diffusion et une gravité particulière, susceptibles de s’étendre au-delà des frontières nationales, dont les conséquences socio-économiques ou sanitaires sont graves et dont l’incidence sur le commerce international sont très importantes ». La liste B comporte des maladies « qui sont considérées comme importantes du point de vue socio-économique et/ou sanitaire au niveau national et dont les effets sur le commerce international des animaux et des produits d’origine animale ne sont pas négligeables » (OIE, 1999). A partir de cet aperçu du tableau des maladies sévissant au Sénégal, nous pourrons nous attacher à décrire rapidement leurs principales caractéristiques : espèces cibles, agent responsable, épidémiologie, signes cliniques. Les descriptions qui vont suivre ne font pas appel au même classement des maladies que celui décrit précédemment. En vue de simplifier la lecture et de mettre en lumière leur étiologie, elles sont classées ainsi : maladies virales, maladies bactériennes, maladies parasitaires. 80 Tableau 3 : Situation zoosanitaire en 2004 (d’après OIE, 2005) 0 : maladie jamais signalée (année) : date à laquelle la maladie a été signalée pour la dernière fois ND : informations Non Disponibles + : présence signalée ou connue V : vaccination Maladie BOVINS Fièvre aphteuse Peste bovine Peripneumonie contagieuse bovine Dermatose nodulaire contagieuse EQUIDES Peste équine OVINS ET CAPRINS Peste des petits ruminants Fièvre de la vallée du Rift Fièvre catarrhale du mouton Clavelée et variole caprine SUIDES Peste porcine africaine Peste porcine classique Stomatite vésiculeuse Maladie vésiculeuse du porc OISEAUX Influenza aviaire Maladie de Newcastle PLUSIEURS ESPECES Rage Fièvre charbonneuse Leptospirose BOVINS Anaplasmose bovine Trypanosomose Septicémie hémorragique Dermatophilose Cysticercose bovine OVINS ET CAPRINS Brucellose Agalaxie contagieuse Pleuropneumonie contagieuse caprine Chlamydiose ovine EQUIDES Anémie infectieuse des équidés Lymphangite épizootique Gale des équidés SUIDES Rhinite atrophique du porc Cysticercose porcine Nombre de foyer Fréquence s cas morts Prophylaxie MALADIES DE LA LISTE A Nombre d'animaux vaccinés + (1978) (1977) + 5 7 0 2 56 0 + 5 5 5 V 25 000 + + (1995) + 6 1 231 5 49 0 V 1 000 000 8 79 11 V 80 000 1 ND 8 V 350 000 V V 1300 50 000 + 0 0 0 (1993) + 2 190 80 MALADIES DE LA LISTE B + ND ND + + + ND ND 1 42 21 3 1364 55 0 0 28 ND ND ND ND ND ND ND ND ND 81 OISEAUX Bronchite infectieuse aviaire Variole aviaire Maladie de Marek Mycoplasmose aviaire Charbon symptomatique (bovins) Botulisme (bovins) Autres pasteurelloses (petits ruminants) ND ND ND ND MALADIES DE LA LISTE C + 2 21 10 + 8 68 32 + 12 151 88 V V 44 000 37 000 V 38 000 82 a)Les maladies virales Parmi les nombreuses maladies virales recensées, on ne décrira ici que les maladies à forte importance socio-économiques : celles figurant sur la liste A de l’OIE. Ce sont aussi celles les plus fréquemment citées par les éleveurs. Bien que n’étant parfois plus signalées depuis plusieurs années, elles ont par, les dégâts qu’elles occasionnent, marqué les éleveurs. ● Maladies virales à transmission directe : La peste bovine n’a plus été signalée au Sénégal depuis 1978. Elle a cependant fortement marqué les esprits, et reste crainte par les anciens pour qui « c’est la ruine absolue ». L’importance de la peste bovine tient aux pertes qu’elle occasionne. Celles liées à l’épizootie qui ravagea le continent africain de 1880 à 1895 détruisit 80 à 90% des bovidés domestiques et sauvages. La peste bovine est toujours considérée comme la plus importante des maladies des ruminants en raison de la très forte mortalité qu’elle occasionne (Lefèvre, 2003 d). Cette maladie, due à un virus de la famille des Paramyxoviridae, genre Morbillivirus, affecte les Artiodactyles et notamment les bovins. Elle provoque dans sa forme aiguë une hyperthermie brutale associée à un état typhique prononcé, des érosions de la muqueuse buccale, une diarrhée profuse. Elle évolue le plus souvent vers la mort en 10 jours (Provost et Borredon, 1963). Après plusieurs années de lutte médicale contre la peste bovine (au moyen du vaccin à virus vivant atténué), le Sénégal a obtenu en 2003 le statut de « pays indemne de peste bovine ». Les mesures de vaccination de masse interrompues depuis 1997, la prophylaxie sanitaire et la surveillance épidémiologique sont des éléments clé pour le processus d’éradication. Cette étape ne sera parachevée qu’avec le statut de pays libre d’infection que le pays obtiendra en 2005 si la surveillance épidémiologique ne révèle pas l’existence du virus bovipestique chez les espèces sensibles (ruminants domestiques et sauvages). La peste des petits ruminants (PPR) sévit régulièrement au Sénégal (9 foyers déclarés en 2001 sur des ovins). La maladie n’a été décrite pour la première fois que relativement récemment, en 1940 en Côte d’Ivoire ; puis ensuite un an plus tard au Dahomey (actuel Bénin). Pendant près de quinze ans elle est restée circonscrite dans ces deux territoires, et c’est en 1955 qu’elle est décrite pour la première fois au Sénégal (Mornet et al., 1956). Le virus fait partie du genre Morbillivirus, famille des Paramyxoviridae. A un tableau clinique semblable à celui de la peste bovine, s’ajoutent fréquemment des signes de bronchopneumonie en phase d’état. Les seules espèces domestiques sensibles sont les ovins et les caprins. Ces derniers succombent le plus souvent à la maladie (Lefèvre et Diallo, 1990). Son importance économique est liée à sa fréquence et à sa gravité, notamment dans les cheptels nouvellement infectés (morbidité pouvant atteindre 90% et mortalité de 70 à 80%), et à sa contagiosité. Le vaccin vivant peste bovine a longtemps été utilisé pour vacciner les petits ruminants contre la PPR ; néanmoins, dans le cadre des programmes d’éradication de la peste bovine et pour ne pas gêner les dépistages sérologiques de cette maladie chez tous les animaux sensibles au virus bovipestique, l’utilisation de ce vaccin hétérologue est déconseillée au profit du vaccin homologue. Il s’agit d’un vaccin atténué thermosensible (Diallo, 2003). La vaccination contre la PPR est obligatoire au Sénégal et partiellement financée par l’Etat. La maladie de Newcastle provoque encore des ravages sur l’élevage de volailles au Sénégal, notamment en élevage villageois. Cette maladie hautement contagieuse affecte la majorité des espèces aviaires mais les gallinacés − notamment poules et pintades − sont les plus fréquemment touchés. La forme suraiguë provoque des symptômes généraux et la mort 83 en 24 à 48 heures ; la forme aiguë associe une atteinte de l’état général des symptômes digestifs, respiratoires, nerveux et cutanés. La mort survient alors en 3 à 4 jours. Cette maladie est considérée comme un fléau majeur de l’élevage avicole, en raison de sa gravité médicale (létalité élevée) et de sa très forte contagiosité (Buldgen et al., 1992). La vaccination au Sénégal est obligatoire mais n’est pas directement subventionnée. Par contre, le PAPEL s’est investi dans une campagne de vaccination de masse et dans la formation de vaccinatrices. D’autres maladies de la liste A sévissent régulièrement au Sénégal. Parmi elles, la fièvre aphteuse (19 foyers sur bovins en 2001, 5 en 2004) affecte les ruminants et se caractérise par une forte contagiosité, une haute morbidité et les pertes de production importantes qu’elle induit. La dermatose nodulaire contagieuse (35 foyers en 2001, 2 en 2004) affecte les bovins et exceptionnellement les petits ruminants. Elle est liée à un virus du genre Capripoxvirus, famille des Poxviridae. La clavelée (8 foyers en 2004), est une maladie hautement contagieuse et considérée comme la plus meurtrière des varioles animales (mortalité des agneaux touchant parfois 80%, morbidité élevée). La maladie est due à un Poxvirus du genre Capripoxvirus (Fassi-Fehri et Lefèvre, 2003). ● Maladies virales à transmission vectorielle : Les maladies virales à transmission vectorielle font intervenir un arthropode hématophage qui transporte un arbovirus. Elles entraînent souvent des pertes économiques importantes pour les éleveurs. L’épidémiologie des arboviroses est complexe car elle résulte des interactions entre cinq éléments : le virus, le vecteur, le réservoir, l’espèce sensible et l’environnement. Il convient toutefois de signaler que la transmission vectorielle n’est pas forcément exclusive d’autres modes de transmission, notamment directe (Lefèvre, 2003 b) La fièvre de la vallée du Rift est transmise par une grande variété de moustiques et touche de nombreuses espèces animales domestiques, notamment les ruminants. Le virus de la fièvre de la fièvre de la vallée du Rift appartient à la famille des Bunyaviridae, genre Phlebovirus. Sur le plan clinique, la maladie se traduit par divers tableaux allant de d’une septicémie rapidement mortelle chez les jeunes à une infection inapparente et une virémie transitoire, en passant par des avortements qui sont la règle chez les bovins lors d’une épizootie. L’importance de la maladie tient surtout au fait qu’elle s’est révélée une zoonose majeure particulièrement meurtrière au cours de deux épidémies, l’une en Egypte en 1977-78 et l’autre en Mauritanie le long du fleuve Sénégal en 1987. Ce dernier épisode est particulièrement démonstratif car associé à un bouleversement écologique dû à la mise en eau d’un barrage sur le fleuve Sénégal. Au cours de la dernière épidémie, le nombre de morts a été estimé entre 200 et 300 pour la seule région de Rosso. Si pour les animaux, la transmission vectorielle est la plus fréquente, la transmission à l’homme se fait par contact direct avec les animaux (lors de la manipulation de produits souillés, viande, sécrétions nasales, avortons, …). Des foyers ont été détectés par la suite au Sénégal en 1998, 1999, et une suspicion en 2001. La fièvre de la vallée du Rift fait partie des maladies surveillées par le Système National de Surveillance Epidémiologique, et des enquêtes sérologiques sont menées sur des troupeaux sentinelles situés dans le Delta et la vallée du fleuve Sénégal. La lutte contre les vecteurs étant illusoire, seule la vaccination des animaux domestiques peut prévenir l’apparition des épizooties et, par voie de conséquence, celle des épidémies. Des vaccins à virus vivants ou inactivés sont disponibles. Dans les régions où la maladie est enzootique, les vaccins à virus vivant modifié sont préférables en raison de leur moindre coût (Lefèvre, 2003 a). Au Sénégal, leur utilisation reste rare. 84 La peste équine sévit régulièrement. Cette maladie, due à un Orbivirus transmis par des arthropodes hématophages du genre Culicoïdes, se caractérise par une évolution grave, le plus souvent mortelle. Elle n’affecte que les équidés ; le cheval est de loin le plus sensible, l’âne est souvent porteur asymptomatique. Chez le cheval, elle provoque des troubles fébriles intenses associés à des atteintes sévères des fonctions respiratoires et cardiaques. Les taux de morbidité et mortalité peuvent être variables mais restent importants : de 50 à 70% dans les formes cardiaques, à plus de 90% dans les formes pulmonaires. La maladie est saisonnière ; son évolution dans le temps est directement liée aux périodes d’activité des vecteurs en saison chaude et humide, après la saison des pluies. Dans l’espace, elle est tributaire des zones de pullulation des vecteurs, qui se rencontrent surtout dans les régions basses et humides (marécages, bord des fleuves et cours d’eau). La prophylaxie médicale contre la peste équine repose à l’heure actuelle sur l’emploi de vaccins à virus modifiés (Zientara, 2003). La vaccination est obligatoire au Sénégal, mais la couverture vaccinale reste limitée. b)Les maladies bactériennes ● Les maladies bactériennes à transmission directe : La péripneumonie contagieuse bovine (PPCB) est une maladie infectieuse, contagieuse, affectant les bovins et les buffles domestiques, à évolution insidieuse et due à Mycoplasma mycoides subsp. mycoides (SC). Les mycoplasmoses sont en règle générale des maladies chronique à haute morbidité mais faible mortalité, et les porteurs sains jouent un rôle prédominant dans l’épidémiologie. Ce sont par excellence des maladies de troupeaux ; il n’y a apparemment pas de différence entre élevages intensifs et extensifs (Nicolet, 2003). La transmission de la PPCB se fait exclusivement par voie aérienne. La contagion indirecte ne joue qu’un rôle minime, voire nul. La contamination nécessite un contact étroit entre animaux excréteurs et animaux sensibles, mais la durée de ce contact n’est pas nécessairement longue. La PPCB se caractérise sur le plan clinique par une pleuropneumonie aiguë, suraiguë ou subaiguë (Saint-Alme, 2004). Son impact économique est évident lors de contamination récente et de l’évolution de foyers sous forme aiguë : mortalité, amaigrissement et baisse de productions. Il est moins net dans les zones d’enzootie où la PPCB évolue sous forme subclinique. Le contrôle de cette maladie et a fortiori son éradication reste complexe et tient du défi, comme pour toutes les mycoplasmoses (Lefèvre, 2003 c). La PPCB est inscrite sur la liste A de l’OIE. Malgré le fait que le Sénégal ne connaisse plus de foyer depuis 1977, la maladie fait toujours l’objet d’une lutte collective via des campagnes de vaccination de masse en partie subventionnées par l’Etat. ● Les maladies d’origine hydro-tellurique : La fièvre charbonneuse ou charbon bactéridien est une maladie infectieuse bactérienne, affectant essentiellement les mammifères herbivores, pour lesquels elle est souvent mortelle. Dans certaines conditions épidémiologiques, la maladie peut se transmettre à l’homme ; elle est inscrite sur la liste B de l’OIE. La bactérie charbonneuse ou Bacillus anthracis est un bacille. Le germe se présente sous deux formes : une forme végétative qui se développe dans l’organisme réceptif et des spores, qui se forment hors de l’organisme et constituent la forme de résistance (viabilité supérieure à 80 ans). Le cycle infectieux fait intervenir deux réservoirs principaux : le sol (l’environnement au sens large) qui est la source des spores, et l’animal (herbivore principalement). La maladie est transmise par l’herbe et l’eau souillés par les produits infectieux. L’infection de l’herbivore est presque toujours fatale. La mort de l’animal boucle le cycle : les cadavres, qui contiennent d’innombrables spores, souillent le sol et le cycle peut recommencer. 85 Trois formes cliniques sont possibles. La forme suraiguë est observée surtout chez les bovins, ovins et caprins. Son apparition est brutale et son évolution très rapidement mortelle. Les animaux présentent des symptômes de congestion cérébrale et meurent en 2 à 3 h. Les formes aiguës et subaiguës sont fréquentes chez les bovins, équins et ovins. On observe de la fièvre, de l’inrumination, un état d’excitation suivi de dépression, des difficultés respiratoires, des déplacements incoordonnés, des convulsions et la mort qui survient en moins de 72 h. La forme chronique, enfin, apparaît surtout chez les espèces moins sensibles comme les porcs, mais on la rencontre aussi chez les bovins, les chevaux et les chiens. Le symptôme principal est l’œdème pharyngé et lingual ; on voit apparaître un jetage mousseux et hémorragique d’origine buccale. Les animaux meurent souvent d’asphyxie. Le traitement généralement recommandé consiste en une première injection de pénicilline suivie quelques heures plus tard d’une injection d’antibiotique retard. En ce qui concerne les méthodes de prophylaxie, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a recommandé de prendre un certain nombre de mesures lors de l’apparition d’un foyer de fièvre charbonneuse. Ces mesures concernent notamment la destruction des cadavres d’animaux et la désinfection, décontamination et traitement des matériels contaminés. Quant à la prophylaxie médicale, on utilise un vaccin vivant à usage vétérinaire (Shlyakhov, Segev et Rubinstein, 2003). Le charbon symptomatique affecte principalement les bovins et ovins, occasionnellement les porcins et chevaux. Il est dû à des bacilles, principalement Clostridium chauvoei seul ou en association avec C. septicum. C’est une maladie du pâturage, d’apparition saisonnière. Les animaux sont contaminés par ingestion de spores sur les pâturages ; ces spores peuvent résister pendant des années dans les sols, en particulier ceux riches en matière organiques et ceux situés autour des points d’eau. Chez les bovins, la maladie affecte principalement les animaux de 4 mois à 3 ans. Elle débute par l’apparition de tuméfactions chaudes et douloureuses dans les muscles de la cuisse ou de la croupe. A la pression, ces tuméfactions sont crépitantes en raison du gaz formé dans les tissus. L’état général est profondément altéré avec des signes généraux : fièvre élevée, anorexie et abattement. Les animaux présentent des boiteries sévères. La mort survient en 24 à 48 h. La prophylaxie est principalement basée sur l’utilisation de vaccins à germes et/ou toxines inactivés (El-Idrissi, 2003). Le botulisme est une grave intoxination, commune à l’homme et à de nombreuses espèces animales. Elle est due à l’ingestion d’aliments imprégnés de toxine ou de spores de Clostridium botulinum. Sous sa forme végétative ou mycélienne, le bacille possède une faible résistance. Par contre, la spore de C. botulinum est l’une des plus résistantes parmi celles des bactéries sporulées. La maladie se caractérise cliniquement par un syndrome neurologique paralytique, évoluant rapidement vers la mort (deux à quatre jours pour la forme aiguë ou suraiguë, cinq à quinze jours pour les formes subaiguës ou chroniques). La symptomatologie générale est dominée par trois grands types de manifestations : les manifestations paralytiques, sécrétoires et oculaires. Outre sa gravité et l’évolution fatale qui en découle, l’importance de cette affection est aggravée par les pertes économiques qu’elle induit et son caractère zoonotique. La toxine botulique est le principal élément pathogène ; c’est le poison d’origine bactérienne le plus actif que l’on connaisse (Akakpo, 2003). La maladie affecte de nombreuses espèces domestiques ou sauvages : herbivores (cheval, bovins, petits ruminants, dromadaires, …), porcins, carnivores, oiseaux …En ce qui concerne les animaux, les sources d’infection sont le milieu extérieur et le tube digestif des animaux vivants. Les phénomènes de putréfaction des cadavres favorisent la germination de la spore ; la forme végétative libère alors la toxine. Lorsque de petits animaux tombent dans un point d’eau ou que leur cadavre se putréfie dans une réserve de grains ou de fourrage, ils entraînent la contamination de l’aliment ou de l’eau. L’animal s’intoxique alors suite à l’ingestion de substances imprégnées de toxines : eau de boisson, fourrages ou grains contaminés. Certains facteurs favorisent 86 l’infection : une alimentation déficiente entraîne un comportement alimentaire particulier des animaux, le pica (léchage d’os, de pierres contaminés), qui serait à l’origine de l’augmentation des cas de botulisme en élevage extensif (Doutre et Touré, 1978). Le traitement de la maladie fait intervenir un traitement symptomatique, cependant inefficace dès lors que les symptômes sont apparus, et un traitement spécifique reposant sur la sérothérapie antitoxique instituée précocement. La prophylaxie médicale repose principalement sur l’utilisation de l’anatoxine botulinique spécifique (Akakpo, 2003). ● Les maladies bactériennes à transmission vectorielle : Parmi elles, l’anaplasmose bovine est une maladie infectieuse, virulente, non contagieuse. Elle est due à une rikettsie, transmise par des tiques et des diptères piqueurs (taons, stomoxes). Les animaux réceptifs sont les bovidés et les cervidés. La maladie est caractérisée par de la fièvre, une anémie progressive ; elle peut prendre une forme inapparente ou évoluer sous une forme sévère vers la mort. En zone d’enzootie, les pertes par retard de croissance sont insidieuses et difficiles à évaluer, mais représentent vraisemblablement des sommes considérables (Camus et Uilenberg, 2003). c)Les maladies parasitaires ● Les helminthoses : Un inventaire des helminthes parasites des bovins (Vassiliades, 1978) et des petits ruminants (Tillard, 1991) au Sénégal témoigne de la grande diversité des espèces rencontrées. Parmi elles, les strongyloses digestives sont les plus répandues au Sénégal. Elles se traduisent par des troubles gastro-entéritiques avec une diarrhée persistante conduisant à un état d’anémie et de maigreur extrême ; dans les cas les plus graves, la maladie peut être mortelle. C’est dans les zones sahélienne, sahélo-soudanienne et soudanienne nord que ces parasitoses sévissent avec la plus grande gravité et sont en partie responsables de la plupart des cas de mortalité enregistrés chez les veaux. Ces cas surviennent en fin de saison sèche, en raison de l’extrême faiblesse des animaux consécutive à une longue période de disette, et au début de l’hivernage lors de la recrudescence du parasitisme causée par des infestations nouvelles (Vassiliades, 1978). En plus de cette action directe, ces parasitoses ont une influence défavorable sur la croissance et les productions animales, difficile à apprécier mais certainement sous-estimée. D’autres helminthes causent le teniasis et la cysticercose musculaire ; cette dernière est à l’origine de perte en viandes bovines qui sont saisies à l’abattoir. Enfin, on trouve également des parasites du type « trématode ». La distomatose est liée à la présence de la grande douve, Fasciola gigantica, dans les canaux biliaires du foie : cela entraîne un ictère, des troubles généraux avec maigreur et anémie, ce qui a pour conséquence une dépréciation importante de leur valeur commerciale. On trouve traditionnellement la grande douve dans deux foyers majeurs (Vassiliades, 1978) : l’un au Nord dans le Delta du fleuve Sénégal et autour du lac de Guiers, l’autre au Sud dans la région de Kolda. Cette répartition est liée à celle du mollusque hôte intermédiaire : la limnée. La schistosomose se rencontre classiquement dans deux grandes zones : au Nord, la région de Saint-Louis, à l’Est et au Sud-Est les régions de Tambacounda et Kolda. En effet, c’est dans ces zones que les conditions écologiques sont les plus favorables aux mollusques qui sont les hôtes intermédiaires, et ce notamment grâce à la présence d’eau douce pendant toute ou une partie de l’année (Diaw et Vassiliades, 1987). Il est intéressant de noter un importante extension des trématodoses du bétail après la construction des barrages dans le bassin du fleuve Sénégal, notamment après la mise en 87 service du barrage de Diama (1985-86) et la multiplication des aménagements hydroagricoles. Les taux d’infestation ont augmenté au niveau des anciens foyers, et parallèlement, à partir de 1989-90, de nouveaux foyers sont apparus (Diaw et al., 1998). ● Les protozooses : La trypanosomose est une maladie parasitaire provoquée par des protozoaires appartenant au genre Trypanosoma, qui se multiplient dans le plasma sanguin, la lymphe et divers organes des mammifères. Au Sénégal, dans la zone de Kolda, la plupart des affections sont dues à Trypanosoma congolense (Seck et al., 2002). La transmission à l’hôte mammifère se fait par l’intermédiaire d’un vecteur, la glossine, chez laquelle le parasite effectue une évolution cyclique plus ou moins complexe avant d’être transmis à l’hôte définitif par piqûre. Il semble que les vecteurs ne transmettent les trypanosomes qu’à l’intérieur des troupeaux ; ce sont de mauvais vecteurs entre troupeaux, à moins que ceux-ci ne soient très proches, ce qui peut se produire par exemple sur des points d’abreuvement communs en saison sèche (Cuisance et al., 2003). Le type d’affection trypanosomienne varie selon l’agent pathogène en cause et l’espèce infectée. Après une période d’incubation qui varie d’une à quelques semaines, la maladie évolue par accès ou « crises ». Dans les formes suraiguës, le premier accès est mortel ; dans les formes aiguës, on observe plusieurs accès qui vont en s’aggravant, et la mort survient en 7 à 8 semaines. Enfin, dans les formes chroniques, les accès sont légers et séparés par de longues périodes apparemment « silencieuses ». L’amaigrissement est un symptôme presque constant à une période avancée de la maladie. Dans sa phase ultime, l’animal meurt dans un état de maigreur extrême. De plus, on rencontre fréquemment dans les formes chroniques des avortements, un tarissement de la sécrétion lactée, une stérilité chez les mâles, des retards de croissance, une faiblesse au travail (Itard et Frézil, 2003). Une étude sur l’impact économique des trypanomoses animales en Afrique subsaharienne a montré des coûts directs importants : taux de vélage réduit de 1 à 12% chez les trypanotolérants et de 11 à 20% chez les bovins sensibles ; taux de mortalité augmentés de 0 à 10% chez les premiers et de 10 à 20% chez les seconds. Les coûts indirects sont liés à une plus faible utilisation des terres infestées par les tsé-tsé (Itard et al., 2003). La trypanotolérance est l’aptitude à vivre et à rester productive dans des zones infestées par des glossines (Authié et al., 2003). C’est un phénomène qui s’observe chez les animaux sauvages en contact permanent, depuis des milliers d’années, avec les glossines et leurs trypanosomes, mais aussi chez les taurins d’Afrique occidentale (notamment les Ndama de Casamance). On la rencontre également chez certaines races d’ovins et caprins de petite taille (moutons et chèvres Djallonkés, chèvres guinéennes, chèvres de Casamance). Les races trypanotolérantes sont également résistantes à d’autres parasitoses comme, par exemple, les infestations à tiques et les maladies dues aux acariens. En revanche, les zébus et la plupart des ovins, caprins et équins sahéliens sont trypanosensibles et peuvent succomber à la maladie, de même que les espèces ou races d’animaux importés. La gravité des symptômes ou la fréquence des rechutes chez ces animaux, sera fonction de leur état général, notamment en saison sèche, époque où l’alimentation est insuffisante en qualité et quantité. Les animaux infectés pendant la saison sèche pourront surmonter leur infection au cours de la saison des pluies grâce à une alimentation plus abondante. Les produits de première génération, issus de croisements entre zébus et taurins conservent un degré de trypanotolérance, intermédiaire entre celui des parents (comme par exemple les produits de Gobra et N’Dama). Les moyens de lutte contre les trypanosomoses peuvent concerner les vecteurs (programmes de contrôle ou d’éradication, mettant en œuvre des méthodes telles que la lutte écologique, biologique, génétique ou mécanique, ou des méthodes chimiques) ou les parasites (utilisation de médicaments chimiques à activité curative, qui visent à limiter les pertes occasionnées par ces affections ; d’autre part, en l’absence de méthodes de protection faisant intervenir des phénomènes immunitaires, l’emploi de médicaments à activité préventive 88 assure, sous certaines conditions, la protection des animaux susceptibles de contracter l’affection ; Cuisance et al., 2003). Parmi les babésioses animales, les babésioses bovines sont celles qui ont les plus grandes conséquences économiques. On s’y attachera donc plus particulièrement. Ces maladies sont dues à des protozoaires parasites intra-érythrocytaires appartenant à quatre espèces du genre Babesia. En zone tropicale on ne rencontre que B. bovis et B. bigemina. Chez les bovins, ces protozoaires ont un vecteur commun : la tique Boophilus microplus, mais d’autres espèces de tiques sont aussi incriminées dans la transmission. Bien que les pertes économiques dues aux babésioses soient toujours décrites comme considérables, peu de données chiffrées sont disponibles. Cependant, suite aux études menées en Argentine, au Mexique ou en Australie, on peut estimer les pertes annuelles dues aux tiques et aux maladies transmises par celles-ci à 5 dollars américains par tête. Dans certains cas, les coûts supplémentaires (liés à la mise en quarantaine et la lutte contre la propagation de la maladie) sont plus importants que ceux attribués directement à la maladie. La présence de la maladie constitue aussi un obstacle important à l’introduction de races bovines plus productives. Les babésioses se présentent sous différentes formes, d’une forme suraiguë à des infections bénignes. Les premiers signes de la maladie apparaissent 8 à 16 jours après que les tiques infectées ont commencé à se nourrir. La température rectale et le taux de parasitémie augmentent en parallèle. Les animaux infectés sont apathiques, anorexiques ou leur poil se hérisse. L’hémoglobinémie et l’hémoglobinurie, suivies d’un ictère apparaissent alors, conjointement avec d’autres symptômes tels que constipation, déshydratation, tremblements, faiblesse, prostration. On observe fréquemment des signes d’atteinte cérébrale. La prophylaxie médicale au Sénégal fait principalement intervenir la chimiothérapie et la chimioprophylaxie (essentiellement à base de diminazène et d’imidocarbe). Cependant il semble que la vaccination soit considérée aujourd’hui comme l’un des procédés qui offre les meilleures perspectives dans la lutte contre les babésioses bovines. Par ailleurs, l’utilisation d’une stratégie de lutte contre la tique vectrice (par application d’acaricides sur les animaux) est aujourd’hui entravée par la généralisation de la résistance des tiques aux acaricides (Figueroa et Camus, 2003). 89 Conclusion L’élevage sénégalais s’inscrit donc dans un cadre géographique marqué sur le plan climatique par des contraintes pluviométriques majeures et sur le plan démographique par un phénomène d’urbanisation croissante. Dans cet environnement coexistent des systèmes d’élevage complexes, variés, et en pleine mutation. Les éleveurs voient leurs troupeaux exposés à des pressions sanitaires diverses et variables selon le biotope ou le mode d’élevage. Et malgré les progrès réalisés depuis la mise en place des services vétérinaires sous l’ère coloniale, la santé animale constitue toujours aujourd’hui un facteur limitant pour le développement de l’élevage au Sénégal. Au vu de l’importance qu’occupe la santé des troupeaux pour les éleveurs, et suite aux changements du système vétérinaires initiés par la privatisation, il convient de s’interroger maintenant sur l’état et le fonctionnement du système de santé animale actuel. 90 91 III.SYSTÈME DE SANTÉ ANIMALE : D’ACTEURS ET RÉALITÉS DE TERRAIN PRATIQUES Après avoir vu le contexte global dans lequel s’inscrit l’élevage sénégalais, on s’intéressera maintenant au système de santé animale, ses caractéristiques et son fonctionnement. Pour ce faire, nous nous appuierons sur des données bibliographiques, mais aussi sur nos propres observations. Celles-ci ont été formulées à partir d’enquêtes que nous avons effectué sur le terrain, et dont le protocole24 est détaillé en préambule. Le concept de « système de santé » est couramment utilisé en santé humaine. Un tel concept fait appel à une approche systémique du réseau de santé, ce qui permet de resituer ce dernier dans un cadre plus large et de mieux en appréhender la complexité. La logique systémique associe, rassemble, et permet de mieux comprendre un ensemble complexe, en s’intéressant tout particulièrement aux liaisons et interactions entre les différents éléments constitutifs. En matière de santé animale, Bonnet et al. (2002) définissent le système de santé comme « l’association de prestataires fournisseurs de services sanitaires, de clients (éleveurs) et d’acteurs institutionnels régulant le système (en assurant partiellement son financement et en définissant les règles). Ces trois éléments du système sont reliés par des flux financiers, des flux physiques et des flux d’information ». On examinera donc successivement les différents éléments du système de santé animale, c’est-à-dire les acteurs en présence, puis le fonctionnement à travers trois exemples précis, et enfin les interrelations unissant les protagonistes. A.Des acteurs multiples Pour Gobatt (2001), « les systèmes de santé existent par l’intermédiaire des Etats, des partenaires bailleurs, du personnel de santé et des populations qui les mettent en place, les font vivre, les adaptent ou les réinventent ». Cet aspect dynamique du comportement de ces protagonistes fait d’eux bien plus que de simples éléments du système : ils en sont acteurs. 1.Les éleveurs L’étude de la SONED (1999) souligne l’omniprésence de l’élevage pour les familles sénégalaises : l’élevage est pratiqué par 68 % d’entre elles. Si l’élevage est présent dans la quasi-totalité des ménages ruraux (90%), il est important de noter la place importante qu’il occupe malgré tout en zone urbaine (26% à Dakar et 52% dans les autres centres urbains). Nous avons vu précédemment la grande variété et le caractère évolutif des modes d’élevage au Sénégal. Les « éleveurs » ne constituent donc pas une catégorie homogène, mais présentent cependant des caractéristiques communes. Au sein du système de santé, ils jouent un rôle de premier ordre : ce sont les consommateurs de l’offre de santé animale. De plus ce sont les premiers détenteurs de l’information à la base. Fins connaisseurs de leurs troupeaux, ils sont 24 Durée d’enquête : 3 mois. Echantillon = acteurs des différentes catégories professionnelles (29 vétérinaires privés, 25 agents de poste vétérinaire, 7 inspecteurs régionaux, 9 départementaux, 10 auxiliaires, organisations professionnelles, 20 éleveurs, 5 groupes d’éleveurs. Les questionnaires sont détaillés en Annexe I et II. 92 les premiers à détecter les maladies éventuelles, et ont à ce titre un rôle tout particulier à jouer dans la surveillance épidémiologique. Les éleveurs peuvent être étudiés à titre individuel, mais peuvent aussi constituer des catégories d’acteurs différenciées lorsqu’ils se ressemblent en groupements ou prennent le statut d’auxiliaire à l’issue d’une formation. a)Les groupements d’éleveurs Les éleveurs se rassemblent au sein de différents groupements, aujourd’hui très nombreux au Sénégal. Les organisations d’éleveurs peuvent être classées par échelles d’intervention : faîtières (action au niveau national), régionales (action au niveau d’une région ou d’un ensemble de régions), locales (action au niveau de la commune, communauté, village ou autres rassemblements). Les Organisations Professionnelles d’éleveurs et de pasteurs sont des acteurs-clés de la nouvelle approche prônée par le Gouvernement d’Abdou Diouf ; elles sont devenues actives dès les années 1980 et surtout à partir de la première moitié des années 90 (20 ans après la naissance des « organisations paysannes » sous Senghor). Elles constituent une forme collective du secteur privé qui apparaît aujourd’hui comme centrale dans les discours sur le développement (Castaneda, 2004). Le concept d’Organisation Professionnelle reste assez flou tant au niveau de la littérature qu’au niveau de l’application. On pourra l’entendre ici comme un « rassemblement des acteurs, en majorité éleveurs et pasteurs, autour de l’élevage comme production pour coordonner une action collective, un groupe officiellement reconnu » (Castaneda, 2004). Ces organisations sont très hétérogènes. Leur échelle d’intervention et de représentation varie (Annexe VIII), tout comme leurs objectifs. La plupart des organisations d’éleveurs affichent des objectifs de type économique qui cherchent à satisfaire des besoins comme : les activités techniques pour la modernisation de l’élevage, l’accès aux services vétérinaires, l’accès au crédit, la mise en place d’unités de transformations laitières. Ces objectifs économiques sont souvent accompagnés d’objectifs de représentation, pour la défense des intérêts du groupe. A l’échelle locale, ces objectifs ne sont pas exprimés nettement. Par contre, à l’échelle régionale et nationale, les organisations professionnelles se présentent comme des organisations de contestation affichant clairement à travers leurs multiples objectifs celui de se faire représenter (Castaneda, 2004). Interlocuteurs privilégiés de l’Etat, elles ont un rôle majeur à jouer pour faire entendre la voix des éleveurs dans les processus d’élaboration des politiques. Ainsi, c’est par exemple au Directoire National des Femmes en Elevage et aux représentants des Maisons des Eleveurs que la Direction de l’élevage fait appel lors des cadres généraux de concertation entre acteurs de la santé animale. b)Les auxiliaires d’élevage Le concept d’auxiliaire d’élevage fait écho aux anciens « scouts vétérinaires » ou « infirmiers d’élevage » de la période coloniale. Dans les années 1970, on les retrouve sous la dénomination de « vaccinateurs ». Formés par les agents de l’Etat, des projets ou des ONG tout au long des quatre dernières décennies, nombreux sont les éleveurs que l’on désigne aujourd’hui sous des vocables variés (« agents communautaires vétérinaires », « agents vulgarisateurs de base », …) et qui consacrent une partie de leur activité à la santé animale. Selon Bonis Charancle (1994), l’auxiliaire est « un éleveur auquel est dispensée une 93 formation qui le rend apte à reconnaître et traiter quelques unes des principales pathologies animales présentes dans la région ». La formation des auxiliaires au Sénégal s’est amorcée dès 1976, lorsque le PDESO (Projet de Développement de l’Elevage au Sénégal Oriental) a formé des « agents de vulgarisation d’élevage » destinés à intervenir dans le domaine de la santé animale (vaccination, soins), la supplémentation des troupeaux en période de soudure, le suivi des troupeaux et le conseil en zootechnie (Bergassoli, 1986). Depuis, de nombreux projets et ONG25 se sont impliqués dans la formation d’auxiliaires d’élevage. Selon Niang (2004), le nombre des auxiliaires au Sénégal en 2003 serait de plus de 2000. Il semble aujourd’hui que la plupart de ces auxiliaires se soient détachés de leur cadre de formation et opèrent à titre privé. Ils interviennent aussi en tant qu’assistants des professionnels lors de la campagne de vaccination, agents communautaires (soins, vaccination, conseil), et tiennent une place importante dans le réseau de distribution des médicaments vétérinaires (Youm, 2002). Martin et Domenech (1998, cités par Youm, 2002) conçoivent l’auxiliaire comme étant « un éleveur recevant une formation adéquate lui permettant d’effectuer des soins et certaines vaccinations dans des conditions précisées par les textes réglementaires ». Ces dernières restent floues pour l’instant et la législation sénégalaise ne mentionne nulle part les auxiliaires d’élevage. Il existe différentes conceptions de la place et du rôle, et tout particulièrement de leur lien avec les éleveurs. Dans certains cas, l’auxiliaire est conçu comme une fonction d’un ou de plusieurs membres d’un groupement d’éleveurs, dans d’autres cas, l’auxiliaire est plutôt conçu comme un opérateur privé de type individuel, voire comme un opérateur au service d’un vétérinaire privé (Mestre, 1994). Ces deux aspects coexistent aujourd’hui au Sénégal. Sous un même principe, se cache une grande diversité. Autour de la définition centrale, de nombreuses variantes existent : - leur formation26 : le lieu (centralisée à la ville, ou au village), le formateur (vétérinaire privé, agent public, …), la durée (de quelques jours à deux mois), le contenu (santé animale et/ou production animale, thèmes abordés en santé animale, gestes techniques enseigné,…) ; - l’éleveur formé peut avoir été désigné par la collectivité, rattaché à un groupement, avoir postulé de son propre chef, … ; - il y a des limites variables à ses activités : autorisation pour faire certains gestes techniques, zone d’activité, … ; - reconnaissance officielle ou simple tolérance ; - l’auxiliaire peut agir bénévolement pour la collectivité, recevoir une indemnité fixe ou percevoir une marge sur chaque médicament qu’il vend ; - il est plus ou moins contrôlé dans l’exercice de ses fonctions. Il n’existe pas de diplôme officiel délivré aux auxiliaires sénégalais ; au mieux, l’organisme formateur leur délivre une attestation. Les auxiliaires d’élevage, par leur nombre et leur proximité avec les éleveurs, constituent aujourd’hui au Sénégal une catégorie importante d’acteurs de santé animale. Cependant, celle-ci regroupe des intervenants aux profils hétérogènes et mal définis, qui interviennent dans un cadre réglementaire flou tendant − sinon à nier leur existence − à les marginaliser. 2.Les prestataires de services privés 25 Par exemple : la DIREL par l’intermédiaire du PNVA a formé 35 auxiliaires, la SODEFITEX, 227, mais aussi la SAED, l’Eglise Evangélique Luthérienne, VSF, … 26 L’hétérogénéité de la formation des auxiliaires a été étudiée dans la zone sylvo-pastorale par Youm en 2002. 94 a)Les docteurs vétérinaires Le diplôme d’Etat délivré par une école vétérinaire leur donne le titre de « docteur vétérinaire » et leur confère de manière explicite et conformément aux usages internationaux l’aptitude d’exercer la médecine, la chirurgie et la pharmacie vétérinaires. Après la privatisation, les attributions du vétérinaire exerçant en clientèle privée sont (Niang, 2004) : - la pratique de la médecine, chirurgie et pharmacie vétérinaire - la délivrance de certificats sanitaires officiels pour des actes accomplis dans l’exercice de leur clientèle - la zooprophylaxie collective grâce au mandat sanitaire. Les Docteurs vétérinaires peuvent exercer à titre privé après en avoir fait la demande auprès de la Direction de l’Elevage. Leur nombre s’élevait à 148 en 2003 (Niang, 2004). Les vétérinaires privés sont installés le plus souvent dans un « cabinet vétérinaire », et emploient un ou deux salariés, qui les assistent dans la vente des médicaments au cabinet et dans les actes de soins et les tournées sur le terrain. Ces salariés sont des agents techniques, mais aussi très souvent des parents ou amis formés par le vétérinaire directement. Ils emploient du personnel supplémentaire lors des campagnes de vaccination, agents techniques d’élevage (ATE) ou auxiliaires, qui est payé « à la tâche » en fonction du nombre de têtes vaccinées. Figure 28 : Clinique vétérinaire à Dakar Le chiffre d’affaire mensuel des cabinets varie entre 1 et 5 millions de F CFA27 (Niang, 2004); les variations saisonnières du chiffre sont très marquées (creux en hivernage pour les cabinets du bassin arachidier, en saison sèche pour la zone pastorale). Les vétérinaires des grands centres urbains connaissent une activité plus régulière. La composition du chiffre d’affaire laisse voir la forte dépendance des cabinets envers la vente de médicaments (80% du chiffre). Les revenus dégagés par la rémunération des vaccinations effectuées dans le cadre du mandat sanitaire constitue pour de nombreux vétérinaires une « bouffée d’oxygène » et intervient pour 10 à 15% dans leur chiffre d’affaire. Les vétérinaires sont nombreux à diversifier leur 27 Soit entre 1500 et 7 600 € environ 95 activité (figure 28) pour atténuer les variations saisonnières et augmenter le chiffre d’affaire : vente d’aliments du bétail, production animale (embouche bovine ou ovine, aviculture), ou activités diverses : quincaillerie, transport, petit commerce, … Les sorties des vétérinaires sur le terrain varient fortement selon les cabinets et le dynamisme du vétérinaire. On déplore souvent le manque de présence sur le terrain des vétérinaires, qui souvent ne se déplacent vers les élevages que durant la campagne de vaccination, ou parfois d’ailleurs ne s’y déplacent pas. Dans certains cabinets, la présence du vétérinaire est virtuelle : se consacrant essentiellement à ses « affaires », il s’absente souvent ; parfois même, il s’est expatrié, confiant la gestion du cabinet à son « bras droit ». Le PACEPA notait en 2003 que « la présence effective des vétérinaires sur le terrain dans le cadre de l’exercice d’une pratique vétérinaire quotidienne est faible. Ce constat n’est pas anodin. En effet, il conforte l’appréciation de certains sur l’activité du secteur privé qui est jugée purement mercantile » (PACEPA, 2003 b). b)Les paraprofessionnels vétérinaires Ce vocable, utilisé par Léonard et al. (2002), s’applique à « tous les travailleurs en santé animale qui n’ont pas de qualification universitaire, en d’autres termes, qui ne sont pas vétérinaires ». Il désigne les ingénieurs des travaux d’élevage, les agents techniques d’élevage et les auxiliaires d’élevage. Les diplômés de l’Ecole Nationale des Cadres Ruraux de Bambey (Ingénieurs des travaux d’élevage ou ITE) ou du Centre National de Formation des techniciens de l’élevage et des industries animales de Saint-Louis (Agents techniques d’élevage ou ATE) s’installent en clientèle après avoir émis une « demande d’autorisation d’exercer les soins infirmiers vétérinaires à titre privé » auprès de la Direction de l’élevage (Niang, 2004). Pour être valable, l’autorisation doit être renouvelée chaque année. Quant aux auxiliaires d’élevage, les textes réglementaires ne mentionnent pas leurs conditions d’exercice. Seuls les paraprofessionnels diplômés peuvent faire une demande d’exercice privé. L’autorisation précise les restrictions relatives à « l’exercice des soins infirmiers vétérinaires » : - les limites géographiques de la zone d’exercice (communauté rurale), - l’exercice des soins se fait « sous contrôle » du Docteur vétérinaire le plus proche, ou de l’Inspecteur Régional ou Départemental des Services Vétérinaires, - le contrôle se rapporte plus particulièrement à l’approvisionnement et la détention des médicaments vétérinaires, - la vaccination contre la peste et la péripneumonie contagieuse des bovidés, ainsi que la délivrance de certificats sanitaire et de salubrité relèvent « exclusivement de la compétence des services vétérinaires ». Malgré une présence que l’on peut supposer importante sur le terrain, on ne dispose que de peu d’informations sur le nombre d’agents et ingénieurs exerçant à titre privé ; ils ne font pour l’instant l’objet d’aucun recensement. Le chiffre d’affaire mensuel de leurs structures est évalué à 2 millions de F CFA 28 (Niang, 2004). c)Les acteurs extra-légaux 28 3 000 € environ 96 Nombreux sont les opérateurs de santé animale qui exercent aujourd’hui hors du cadre légal. Il peut s’agir d’acteurs diplômés (ITE ou ATE) qui exercent les soins vétérinaires ou vendent des médicaments sans avoir demandé d’autorisation d’exercer auprès de la DIREL, ou dont l’autorisation n’est plus valable. Il peut également s’agir d’auxiliaires qui se sont détachés de l’organisme qui les employait et travaillent à titre privé en exerçant des soins de base, revendant des médicaments. Certains éleveurs sans formation aucune se livrent aussi à ces pratiques en s’autoproclamant « auxiliaires ». Enfin, des commerçants divers (vendeurs de bétail, mais pas seulement) vendent des médicaments sur les marchés, parfois dans leurs boutiques alors que la distribution des produits vétérinaires est réservée aux pharmaciens et vétérinaires. d)Les praticiens traditionnels Ceux que l’on appelle « guérisseurs », « praticiens traditionnels », « tradipraticiens » jouent un rôle important dans le système de santé animale. En circulant en brousse, en interrogeant les éleveurs, ou en discutant avec les divers prestataires de service privé, on prend conscience de la place qu’occupe cette médecine dite « traditionnelle » dans l’environnement quotidien des éleveurs. Les « guérisseurs » sont au plus proche des troupeaux, et constituent souvent le premier interlocuteur de l’éleveur en matière de santé animale. Ils conseillent, « soignent », ou « guérissent ». Par « médecine traditionnelle », on pourra entendre « combinaison globale de connaissances et de pratiques, explicables ou non, utilisées pour diagnostiquer, prévenir ou éliminer une maladie, et pouvant se baser exclusivement sur l’expérience et les observations anciennes transmises de génération en génération » (Sofowora, 1996). Le guérisseur traditionnel est défini par Sofowara (1996) comme « une personne reconnue par la communauté dans laquelle elle vit comme compétente pour procurer des soins de santé en utilisant des substances végétales, animales et minérales, ainsi que d’autres méthodes ». Mathias et Mc Corkle (2004) utilisent le même type de définition au profit de la santé animale, en soulignant que les guérisseurs sont des « gens dont la profession est de traiter hommes ou animaux dans le but de leur permettre de recouvrer la santé (…) Leurs compétences dans le domaine de la médecine traditionnelle sont reconnues par la communauté (ou la région) dans laquelle ils vivent ». Malgré le rôle central des femmes dans les soins prodigués aux animaux (pour l’élevage des petits ruminants ou l’élevage laitier par exemple), la littérature ne s’est que peu attardée sur leurs pratiques (Mathias et McCorkle, 2004). Souvent, les praticiens traditionnels délivrent leurs services à la fois aux humains et aux animaux. Pour ces derniers, le domaine d’intervention touche à la santé ou aux productions animales. La clientèle est d’abord composée de la famille, des amis, des membres de la communauté ethnique ou villageoise. Mais les praticiens traditionnels élargissent souvent leur clientèle aux villages voisins et se déplacent jusqu’à eux (Mathias et McCorkle, 2004). Alors que Ly (2000) affirme que peu d’éleveurs au Sénégal semblent avoir recours aux tradipraticiens, nos entretiens nous mèneraient plutôt à penser que les praticiens traditionnels constituent encore souvent un interlocuteur de choix pour les éleveurs. Ces derniers nous ont mentionné avoir recours aux guérisseurs pour une grande palette de problèmes de santé animale : maladies, mais aussi fractures ou problèmes obstétriques. Les agents d’élevage que nous avons rencontré nous ont confirmé l’importance que tenaient aujourd’hui les praticiens traditionnels. Il nous est difficile de donner une estimation chiffrée des recours à la médecine traditionnelle. Fassin (1992) a souligné la complexité des enquêtes ayant trait à la médecine traditionnelle et le mystère qui entoure ces pratiques. Le recueil d’informations est délicat et l’appréciation quantitative des recours est souvent sous-estimée. D’une part parce que l’aveu de l’utilisation de la médecine traditionnelle fait l’objet de méfiance pour l’enquêté, et d’autre part parce que les questions sont souvent mal posées par 97 l’enquêteur, voire n’ont parfois aucun sens. La médecine vétérinaire traditionnelle au Sénégal a été étudiée par Toigbe (1978) ou Bâ (1982). Bâ (1996) soulignait que les savoirs populaires en matière de soins aux animaux portaient à la fois sur la santé (aspects préventifs et curatifs) et la production animale (augmentation de la production laitière). Ces médecines font appel à une gamme d’outil variés : utilisation des plantes, du feu, mais aussi techniques chirurgicales (castration) et pratiques magico-religieuses (Bâ, 1982). La pharmacopée sénégalaise a fait l’objet en 1973 d’une étude détaillée. Beaucoup des plantes décrites dans cette étude par Kerharo et Adam (1974) sont, selon Bâ (1982) ou Toigbe (1978), utilisées par les tradipraticiens vétérinaires. Parmi elles, certaines ont fait l’objet de travaux scientifiques permettant de les qualifier de « plantes médicinales »29. 3.Les acteurs du service public : la Direction nationale de l’Elevage (DIREL) Il a fallu attendre l’arrêté du 5 juin 2000 portant organisation de la Direction de l’Elevage (Annexe VIII) pour voir précisées les attributions de la Direction de l’Elevage et les modalités d’organisation des Services dans le nouveau contexte de privatisation ; le précédent arrêté datait de 1987. Entre ces deux périodes, les nouvelles prérogatives et les changements opérés au sein de la Direction dans le cadre de la privatisation n’étaient pas formalisés. Le personnel de la DIREL est de qualification variée (ATE, ITE, Docteurs vétérinaires) et évolue au sein d’une structure strictement hiérarchisée ; les docteurs vétérinaires sont placés au sommet de la pyramide. Les vétérinaires officiels exercent aujourd’hui des missions centrées sur (Niang, 2004) : - la formulation et la mise en œuvre des politiques, - la santé publique vétérinaire, - la gestion et la préservation des ressources naturelles, - la recherche, l’enseignement et la formation, - la zooprophylaxie collective, - le suivi de l’exécution du mandat sanitaire, - les haras nationaux. La réorganisation de 2000 induit une dissociation fonctionnelle entre les activités de productions animales et celles de santé animale. Cette dissociation correspond à une véritable révolution des modalités d’intervention de l’Etat dans le sous-secteur de l’élevage et elle implique de sérieux efforts de coordination des fonctions et de circulation des informations sur l’élevage (SONED, 1999). A côté de l’organisation centrale (figure 29), la Direction comprend des structures décentralisées : ● Les Inspections régionales des Services vétérinaires assurent les missions de contrôle et d’application de la réglementation dans le domaine vétérinaire30. A leur tête, un docteur vétérinaire est assisté ou non par des cadres subalternes. ●Les Inspections départementales des Services vétérinaires sont chargées d’assister les Inspections Régionales dans la mise en œuvre de la politique de protection zoosanitaire et d’hygiène publique vétérinaires, de promotion des productions animales, de développement des organisations professionnelles et du pastoralisme. Elles ont pour mission d’assurer 29 Ce sont « toutes les plantes qui contiennent une ou des substances pouvant être utilisées à des fins thérapeutiques ou qui sont des précurseurs dans la synthèse des drogues utiles» (définition formulée par l’OMS, citée par Sofowora, 1996). 30 en particulier dans les domaines de la surveillance épidémiologique, la prophylaxie, l’hygiène publique vétérinaire, le suivi de l’exercice privé de la médecine et de la pharmacie vétérinaire, l’inspection des denrées alimentaires d’origine animale. 98 l’exécution des programmes de prophylaxie collective, l’inspection des denrées alimentaires d’origine animales, l’application de la police sanitaire, la coordination du réseau d’épidémiosurveillance. Elles sont gérées par un Ingénieur des travaux d’élevage et ses assistants éventuels. ● Les postes vétérinaires : les Chefs de poste vétérinaire (ATE ou Infirmiers d’élevage) assurent le travail de terrain : exécution des campagnes de prophylaxie (figure 30), inspection des denrées animales, … Le LNERV (Laboratoire National d’Elevage et de Recherches Vétérinaires) assure la production de vaccins. Parallèlement au laboratoire national, et conformément aux recommandations de l’OIE, la DIREL s’efforce de développer un réseau de laboratoires régionaux (l’objectif annoncé est de doter chaque région d’un laboratoire, soit 11 au total ; pour l’instant, la DIREL annonce 6 laboratoires fonctionnels). Il est important de noter que derrière la structuration de la DIREL présentée sur la figure 29 se cachent parfois des « coquilles vides ». Au sein des services centraux, certains bureaux fantômes n’ont de bureau que le nom : bureau de la documentation, mais, plus grave bureau du lait également. Les inspections départementales ont souvent un personnel réduit à l’inspecteur lui-même, qui cumule les fonctions des différents services. Au niveau régional, sur les 6 laboratoires annoncés, 5 sont en fait un local sans matériel ni technicien ; un seul est fonctionnel, celui de Kaolack, pour qui l’inspecteur départemental assure les fonctions de technicien de laboratoire. 99 DIRECTION DE L’ELEVAGE Bureau de la législation et de la réglementation Bureau de la gestion et des ressources humaines Bureau du suivi évaluation Bureau d’information et de documentation Secrétariat/Bureau du courrier Division des Productions Animales Projets Division Pastorale Bureau du lait Bureau du cheval Bureau de l’aviculture et des élevages non conventionnels Bureau apicole PACE PAPEL PACEPA Bureau du suivi des Organisations socioprofessionnelles et du développement technique communautaire Division de l’Hygiène Publique Vétérinaire Division de la Protection Zoosanitaire Bureau de la surveillance épidémiologique Bureau de la prophylaxie et de la lutte contre les zoonoses Bureau de la médecine et pharmacie vétérinaire Bureau de l’hygiène alimentaire Bureau de l’assurance qualité INSPECTIONS REGIONALES DES SERVICES VETERINAIRES (11) Service administratif et financier Service des études et de la programmation Laboratoire régional de contrôle et analyses vétérinaires Service pastoral INSPECTIONS DEPARTEMENTALES DES SERVICES VETERINAIRES (33) Bureau des Services vétérinaires Bureau des productions et industries animales Bureau des aménagements pastoraux et fonciers Bureau de la vulgarisation et du transfert de technologies Postes vétérinaires Centre d’animation pastorale Figure 29 : Organigramme de la Direction de l'Elevage (d'après DIREL, 2004) 100 Figure 30 : Les Chefs de poste vétérinaire réalisent une part importante des campagnes de vaccination 4.Les organisations professionnelles du secteur vétérinaire a)Les organisations de professionnels et paraprofessionnels vétérinaires Les Docteurs vétérinaires sont les premiers à s’être rassemblés en 1965, au sein de l’Association Nationale des Vétérinaires du Sénégal (ANVS). Cette dernière se voulait être un cadre de concertation professionnelle et de communion familiale à tous les Docteurs vétérinaires. En 1988, dans le contexte des changements institutionnels de la privatisation, des Docteurs vétérinaires se regroupent pour créer le Syndicat des Vétérinaires Privés du Sénégal (SYNPRIVET), qui veut promouvoir le développement de la profession vétérinaires et des activités connexes (Gueye, 2003). En 1967, deux organisations regroupent les ITE et ATE pour faire écho à l’ANVS. En 1992, à l’orée de la politique de départ volontaire, les ingénieurs et agents techniques décident d’unifier leur force en créant le Syndicat des Travailleurs de l’Elevage. Ce syndicat assure des fonctions de représentation, et lutte pour la défense des intérêts de la profession. Très véhément, il constitue une importante force de contestation face aux politiques menées par la Direction de l’élevage et l’Ordre des vétérinaires (Gueye, 2003). b)L’Ordre des Docteurs Vétérinaires du Sénégal (ODVS) L’ODVS est une institution à caractère semi-public auquel l’adhésion est obligatoire pour les vétérinaires du secteur public comme pour ceux du privé, et dont les attributions sont administratives et disciplinaires, géré par un « Conseil de l’Ordre ». La loi du 26 juin 1992 portant création de l’Ordre des Docteurs vétérinaires du Sénégal (Annexe IV) précise la définition de l’exercice de la profession vétérinaire, et celle des compétences de l’ODVS. La personne morale qu’est un Ordre des vétérinaires, à la différence d’un syndicat, est astreinte à trois rôles conventionnels qui sont (Ly, 2001 ; cité par Gueye, 2003) : 101 - un rôle administratif par la tenue réglementaire du Tableau de l’Ordre décrit par la loi ; - un rôle réglementaire par une veille sur le code de déontologie et par des propositions ou initiatives pour l’amélioration de l’environnement juridique et légal de la profession ; - un rôle disciplinaire par le recours à une police vétérinaire et l’application d’une discipline professionnelle. L’Ordre des vétérinaires a été créé avec pour idée initiale aussi bien la régulation que la défense des intérêts de la profession vétérinaire (Woodford, 2004). Mais il souhaite aujourd’hui dépasser un niveau d’organisation corporatiste pour constituer un véritable cadre normalisateur de la profession vétérinaire (Cisse, 1996). Malgré un engagement timide de ses membres à ses débuts, l’Ordre suscite aujourd’hui un réel intérêt dans la profession et fait l’objet d’un projet de renforcement de ses capacités institutionnelles dans le contexte nouveau du marché des produits et services vétérinaires. Woodford (2004) souligne le rôle que peut jouer une telle organisation pour développer au sein du corps des vétérinaires la notion de professionnalisme qui lui fait défaut aujourd’hui. De plus, l’attention croissante accordée à la privatisation des services vétérinaires implique que les organismes de régulation tels que l’Ordre jouent pleinement leur rôle dans l’établissement des standards, la régulation et les actions disciplinaires, en tenant compte des paraprofessionnels. Selon Woodford (2004), un des principaux challenges des organisations professionnelles est la capacité à promouvoir l’intérêt collectif au-delà des intérêts individuels. Cependant, si les acteurs réussissent à passer ces difficultés, de telles associations peuvent devenir un important levier dans l’optimisation de l’utilisation des ressources. 5.Les organismes d’appui a)Les projets ● Le PACE (Programme Panafricain de Contrôle des Epizooties) a pris le relais du PARC qui se terminait en 1999. Créé sous l’égide du Bureau Interafricain des Ressources Animales de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA-IBAR) pour une durée de 5 ans, le PACE intervient dans l’appui à : - l’établissement des réseaux de surveillance épidémiologique des principales maladies animales ; - l’acquisition des capacités nécessaires à l’organisation du contrôle épidémiologique de ces maladies ; - au développement d’une distribution efficace et durable des produits et services vétérinaires. Le PAPEL (Projet d’appui à l’élevage) reste le seul grand projet de production animale. Il intervient dans le domaine de la santé animale à travers la formation de vaccinatrices pour lutter contre la maladie de Newcastle, et dans la rénovation des infrastructures rurales. ● ● Le volet « élevage » du Programme Agricole 2001 intervient à travers des actions telles que l’insémination artificielle, l’opération « sauvegarde du bétail », ou le marquage par tatouage. Enfin, le volet élevage du PSAOP (Programme des Services Agricoles et d’Appui aux Organisations Paysannes) entreprend de renforcer les missions de service public du Ministère chargé de l’élevage, notamment l’amélioration de l’information zoosanitaire, l’amélioration 102 ● de la protection sanitaire des troupeaux et le renforcement de la privatisation de la médecine vétérinaire (Gueye, 2003). b)Les ONG Elles sont nombreuses à intervenir dans le domaine de l’élevage. Pour la santé animale, les ONG se sont souvent intéressées à la formation d’auxiliaires d’élevage, à la question de la diffusion du médicament vétérinaire via la mise en place de pharmacies vétérinaires villageoises. Parmi elles, Vétérinaires Sans Frontières et l’Eglise Evangélique Luthérienne se sont plus particulièrement engagées dans la formation d’auxiliaires (Gueye, 2003). 103 B.Le fonctionnement du système de santé animale : du cadre théorique aux pratiques de terrain Après avoir vu les différents acteurs qui interviennent dans le système, il est possible de mieux comprendre le fonctionnement du système vétérinaire. L’étude de trois exemples de services (la distribution du médicament vétérinaire, les vaccinations et l’épidémiosurveillance) nous permettra d’illustrer ce fonctionnement, de décrire quelques unes des pratiques observées, de mettre en avant les difficultés rencontrées par ces acteurs, et de voir à quel point la mise en application d’un cadre théorique est délicate sur le terrain. 1.La distribution du médicament vétérinaire a)Le marché du médicament vétérinaire Le marché mondial du médicament vétérinaire représentait en 1999 un minimum de 11,55 milliards de $, et connaît depuis 1994 une croissance moyenne de l’ordre de 1% par an. Au sein de ce marché, l’Afrique ne représente que 3%, soit 182 millions de $ (figure 31). Au Sénégal, le médicament vétérinaire représente un marché de 1,2 milliards de FCFA en 1999, ce qui le place en quatrième place dans la zone UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (Bâ, 2001 ; figure 32). Lorsque l’on analyse la segmentation du marché au Sénégal par classe thérapeutique, on peut voir que la tendance au Sénégal est identique à celle du marché africain dans sa globalité : prépondérance des antiparasitaires, forte présence des antibiotiques et des vaccins (figure 33). A l’image des pays sahéliens peu touchés par la trypanosomiase, la part des importations de trypanocides au Sénégal reste marginale par rapport aux autres médicaments, alors qu’en Côte d’Ivoire où la trypanosomiase exerce une forte pression sur les troupeaux, les importations de trypanocides représentent 32% des importations totales de médicaments. L’étude de la segmentation du marché par espèces est révélatrice de l’importance accordée par les éleveurs aux différentes espèces pour les dépenses de santé animale. Le marché réel des médicaments pour les ruminants représente 73,6% du marché total des médicaments vétérinaires, de 1994 à 1999. La part des médicaments pour volailles a augmenté avec le développement récent de l’aviculture, et représentait en 1999 17% du marché total (Bâ, 2001). Le marché a connu une évolution en dents de scie durant ces dix dernières années. L’influence de la dévaluation a entraîné un doublement de la valeur des médicaments de 1994 à 1995. Cependant, les importations ont été multipliées par un facteur 2,5 entre ces deux années (Bâ, 2001). Fall (2003) voit dans ce phénomène un lien direct avec l’expansion de l’installation des vétérinaires privés à partir de 1993. 104 17% Amérique du Nord 35% 3% Europe occidentale 4% Amérique latine Europe de l'Est Afrique 13% Asie 28% Figure 31 : Marché mondial du médicament en 1999, % en valeur (d’après Vandaele, cité par Bâ, 2001) 3% 3% 4% 9% Mali Côte d'Ivoire 43% Burkina Faso Senegal 13% Bénin Togo Niger 25% Figure 32 : Composition du marché du médicament vétérinaire dans la zone UEMOA en 1999, % en valeur (d’après Tchao, 2000, cité par Ba, 2001) anticoccidiens 2% antibiotiques 13% vitamines 11% antiparasitaire 44% vaccins 6% trypanocides 7% reproduction 1% prémix 9% matériel 1% autre 6% Figure 33 : Parts de marché des différents types de médicaments au Sénégal, cumul 1994-1999 (d’après Bâ, 2001) 105 b)Le circuit de distribution du médicament au Sénégal Les conditions de fabrication et de distribution du médicament sont toujours régies par la loi du 8 juillet 1975. Cette dernière stipule que « la préparation, la vente en gros, la vente au détail et toute délivrance des médicaments destinés à l’usage de la médecine vétérinaire sont réservés aux pharmaciens et aux vétérinaires ». Le circuit officiel fait intervenir les acteurs à travers différentes étapes : importation, stade de « gros », vente au détail, distribution aux éleveurs. Dans ces étapes, les acteurs sont nombreux (pharmaciens, vétérinaires, paraprofessionnels, ONG, …) et de nature diverse (secteur public ou privé). La majorité des produits vétérinaires sont importés depuis la France (92% du volume importé) ; seuls quelques vaccins sont produits au Sénégal, par le LNERV de Dakar. Les importations et le secteur de « gros » sont aux mains de sociétés privées (une quinzaine au total), gérées par des vétérinaires. L’Etat s’est désengagé de ce secteur et les importations de la DIREL n’ont représenté que 0,5% des importations sur les années 1994 à 1999. La distribution se fait par le biais des pharmaciens et vétérinaires. Ceux-ci délivrent les médicaments directement aux éleveurs après prescription, ou font appel à un réseau d’intermédiaires qui opèrent sous leur contrôle et permettent d’accroître la diffusion des médicaments : ONG, projets, groupements d’éleveurs, pharmacies vétérinaires villageoises, auxiliaires.Les pharmaciens n’occupent une place que très marginale dans le circuit, aussi bien au niveau des importateurs et grossistes qu’à celui de la distribution (Bâ, 2001). Ce circuit officiel de distribution, conforme aux textes réglementaires fait l’objet de nombreux contournements et ce secteur est parfois qualifié de « règne de l’informel », tant les déviances y sont courantes (figure 34). Le circuit officiel est « court-circuité » à différents niveaux. Les grossistes-importateurs délivrent directement les médicaments aux groupements d’éleveurs, aux auxiliaires, aux agents du service public, mais aussi aux éleveurs. Sur une dizaine de sociétés importatrices et grossistes, seule une a adopté des mesures strictes de restriction de vente aux seuls vétérinaires et pharmaciens. Quant aux agents et ingénieurs de l’élevage, ils détiennent un stock important de médicament ; théoriquement placés sous « contrôle » d’un vétérinaire privé ou des services vétérinaires, ils s’approvisionnent souvent directement auprès des grossistes et vendent les médicaments sans autorisation. ● 106 Figure 34 : Organisation des circuits de distribution des médicaments vétérinaires au Sénégal (d'après ODVS, 2002) ● Un circuit illicite des médicaments fait intervenir les acteurs dans un réseau « clandestin ». Ce circuit, bien que dénoncé dans tous les documents officiels, sévèrement condamné par tous les acteurs, vétérinaires ou non, n’est que très peu connu. Selon l’ODVS (2002), des médicaments, d’origine diverse -Egypte, Pakistan, Brésil, Inde, Jordanie, ...-, sont importés depuis les pays voisins de la Mauritanie et de la Gambie. Ces pays frontaliers du Sénégal sont d’accès facile et la vente de médicaments y est libre, ce qui permet un ravitaillement facile. Les médicaments passent ensuite aux mains d’auxiliaires d’élevage, de commerçants, ou de vendeurs qui les mettent à la disposition des éleveurs, souvent à l’occasion des loumas, marchés hebdomadaires qui jouent un rôle central dans la diffusion de ces médicaments. Les téfankés cumulent souvent leur rôle de commerçant en bétail et de vendeur de médicaments. Ces médicaments, qualifiés de « frauduleux » par les officiels, sont disponibles à bas prix : l’Ourofino ® est un antiparasitaire dont le principe actif, l’ivermectine, est la molécule la plus utilisée pour le déparasitage. Il est vendu sur les loumas pour 2000 ou 3000 F CFA ; son 107 pendant « officiel », l’Ivomec ®, est vendu en cabinet vétérinaires à 20 000 F CFA(Bâ, 2001). Les vétérinaires privés, tout comme les agents du public, que nous avons rencontrés s’unissent pour dénoncer ces pratiques qui, selon eux, outre les pertes économiques qu’elles occasionnent pour leur activité, menacent la santé des consommateurs. La question de l’efficacité de ces médicaments fait couler beaucoup d’encre. On ne dispose pour l’instant pas de résultats sur d’éventuelles analyses de laboratoire pour la composition de ces médicaments. Il semble cependant régner une certaine confusion entre ce qui constitue de « vrais médicaments » importés à bas prix et ce qui est appelé « médicaments bidon ». Au Burkina Faso, Thomé et al. (1996) ont déterminé une typologie en trois catégories des médicaments qui circulent sur l’ensemble du marché. Ils distinguent : ♦ De vrais médicaments : - Issus de laboratoires européens et commercialisés moins chers dans les pays limitrophes grâce soit à des systèmes de distribution plus efficient (Mali), soit aux politiques de subvention réalisées dans ces pays (Togo) ; - Issus de laboratoires dont les coûts de production sont inférieurs (Nigéria, Egypte, Inde …). ♦ De faux vrais médicaments : C'est-à-dire de vrais médicaments mais qui sont commercialisés pour un usage qui ne correspond pas à leur composition. Ceci est illustré par Thomé et al. au Burkina : le paracétamol fabriqué en Inde est vendu comme déparasitant pour les petits ruminants. Au Sénégal, on pourrait classer dans cette catégorie l’exemple donné par l’ODVS (2002) : des capsules d’oxytétracycline sont utilisées comme antidiarrhéiques chez les ovins, pour traiter des coliques chez les chevaux, ou contre la peste aviaire. ♦ De vrais faux médicaments : C'est-à-dire des produits de la contrefaçon (bolus en plâtre, comprimés de saccharose) qui ne contiennent aucun produit actif et sont vendus comme médicaments. La perméabilité de ce système avec les autres et, en particulier, avec le secteur étatique et le secteur privé reste un sujet tabou. Pourtant, selon Thomé et al. (1996), cette perméabilité semble bien réelle, même s’il n’est pas simple de savoir s’il s’agit de dérapages individuels ou d’une semi institutionnalisation. Les volumes qui transitent par ce système sont mal connus. Au Burkina Faso, beaucoup d’acteurs institutionnels estiment que les volumes du marché extra-légal sont du même ordre que ceux qui transitent par le marché légal. Les prix pratiqués ne sont bien sûr pas du tout transparents mais semblent être extrêmement attractifs (Thomé et al., 1996). Le circuit extra-légal est très sévèrement dénoncé par l’ensemble des acteurs. Pour les vétérinaires privés, ils constituent une des raisons de leurs difficultés financières, et « une violation flagrante de la réglementation en vigueur (…) On ne saurait voir et laisser faire des personnes mal attentionnées ou avides de gain piétiner les lois, conventions et recommandations qui régissent la fonction de vétérinaire ». Mais de plus, on incrimine ces médicaments qui constituent « un grave problème de santé publique », et sont susceptibles « d’empoisonner le consommateur » (ODVS, 2002). Cependant ce circuit, bien que critiqué par tous, persiste et occupe visiblement une place de plus en plus importante. Alors que les discours officiels le condamnent, que des opérations « coup de poing » saisissent parfois aux frontières des stocks de médicaments, sur le terrain, les acteurs du public semblent faire preuve d’un étrange immobilisme. Pendant que les privés se scandalisent des vendeurs qui opèrent sur les loumas au vu de tous, rien ne semble fait concrètement pour abolir ces pratiques. La question se pose alors de comprendre pourquoi l’Etat n’intervient pas avec plus de fermeté, puisqu’il condamne ce réseau parallèle. On peut penser que l’attitude de l’Etat, qui minimise le phénomène, tient en partie à son refus d’admettre l’incapacité qu’il a à satisfaire la demande et à offrir un service à l’ensemble des 108 éleveurs. Il convient par ailleurs de signaler que ce circuit illicite de vente de médicaments vétérinaires semble faire écho à un réseau similaire concernant les médicaments humains au Sénégal, réseau décrit par Fassin en 1985 et 1986. Les études de Fassin mettent en lumière toute la complexité du réseau clandestin des médicaments humains. Mais elles montrent aussi la nécessité de replacer le circuit des médicaments dans un contexte économique, politique et social beaucoup plus large. Selon Fassin (1986), dans une perspective fonctionnaliste, la vente illicite peut apparaître comme une réponse à l’impossibilité qu’ont les populations d’accéder à un médicament à bas prix : les conditions de possibilité du développement des commerces de médicaments sont indissociables de la situation des circuits officiels de distribution. Vendu au détail (donc en fonction du besoin immédiat), à bas prix (donc accessible sans recours à l’emprunt ou au crédit) et dans des lieux familiers, marchés, coins de rue (donc intégré à la vie quotidienne), le médicament illicite paraît plus adapté au contexte social que le produit d’officines (Fassin, 1986). Mais Fassin (1986) signale aussi que la stabilité de l’édifice de ce réseau « parallèle » ne peut se comprendre qu’à la lumière des enjeux de pouvoir qu’on y découvre, qui mettent en relation l’Etat et la confrérie mouride31. Fassin (1985) a montré que les biographies des vendeurs ambulants de médicaments étaient stéréotypées : Wolof, appartenant à la confrérie musulmane des mourides, venant du Baol. D’origine rurale, ils quittent leur village à la saison sèche pour trouver du travail et se dirigent vers Touba, ville sainte du mouridisme. Ils rejoignent un parent ou un ami qui va pouvoir servir d’initiateur, avant de s’éloigner de Touba dans un deuxième temps et d’asseoir leur commerce. Ainsi, selon Fassin (1986), « le contrôle de nombreux trafics par les marabouts mourides est certes un secret de polichinelle, mais plusieurs recherches sociologiques ont démontré le rôle économique et politique de la confrérie (…) Les réseaux d’approvisionnement et de distribution apparaissent comme un système complexe dont la trame est l’organisation mouride et dont le noyau dur est Touba ». Dans ce contexte, comment l’Etat pourrait-il démanteler le système ? Les hommes à la tête de ces réseaux sont trop puissants pour être attaqués sans que soit remis en question l’ordre national. La présence des marabouts mourides autour des membres du gouvernement et l’influence de la confrérie mouride sur le corps électoral sont telles qu’il serait suicidaire pour un ministre de s’y opposer (Fassin, 1985). Et au niveau périphérique, cette vente illicite assure également à la police des revenus officieux (amendes) qui garantissent aux revendeurs ambulants une certaine tranquillité. Ainsi, la minimisation du phénomène de vente illicite des médicaments et la surprenante tolérance révèlent l’incapacité du pouvoir à faire plus qu’à prendre acte de son existence. Cela tient à la fois au rôle joué par les instances religieuses, qui exercent un contrôle politique étroit, et aux insuffisances du système de santé, qui ne parvient pas à mettre les soins de base à la portée des populations. Ces observations, faites par Fassin (1985) pour le circuit de distribution des médicaments humains, pourraient peut-être prévaloir pour le médicament vétérinaire ? On ne dispose pour l’instant pas d’études à ce propos. Mais ce qu’affirmait Fassin (1985) est en tout cas valable pour le réseau vétérinaire et constitue une piste de travail à explorer : « la vente illicite doit être envisagée, non comme un fait isolé et innommable, mais comme un lieu où s’expriment des pratiques sociales sur la maladie ». 31 La confrérie mouride est exclusivement sénégalaise et à dominante wolof. Le mouridisme regrouperait plus de 36 % des musulmans du Sénégal. Elle est très répandue dans le bassin arachidier, notamment dans le Baol, mais on trouve des mourides dans de nombreuses autres régions et villes du pays. Au cœur du Baol, Touba est la capitale religieuse des mourides. La communauté mouride est très impliquée dans la sphère économique. Les années 1960 ont vu de jeunes ruraux mourides coloniser les circuits de la distribution, du transport ou de l’économie populaire urbaine. Après avoir pris pied dans le commerce, ils se sont lancés dans le transport, l’artisanat d’art et de services, l’immobilier. Puis ils ont ébauché des stratégies pour l’industrie et la finance. Ils ont progressivement étendu leur empire à tout le pays. Ausjourd’hui, la confrérie occupe une dimension internationale : par le biais des migrations, elle a investi quelques grandes villes étrangères, New-York, Johannesbourg, Taïwan, Paris, Milan, Hong-Kong ou Doubaï (Devey, 2000). 109 2.Les vaccinations obligatoires Les vaccinations obligatoires sont recensées dans le décret n°2002-1094 relatif à la police sanitaire des animaux. Ce décret abroge et remplace le décret précédent, qui datait de 1962. Il impose une vaccination obligatoire pour les maladies suivantes : PPCB (peripneumonie contagieuse bovine), PPR (peste des petits ruminants), peste équine, mais aussi : peste aviaire et maladie de Newcastle, charbon bactéridien et symptomatique dans les zones où ces maladies sévissent, clavelée autour des foyers éventuels. Les volailles sont soumises à la vaccination contre la variole aviaire entre 4 et 12 semaines, et contre l’encéphalomyélite infectieuse aviaire dans les élevages reproducteurs. Le décret de police sanitaire se traduit par une interprétation plutôt lâche : la DIREL concentre ses efforts sur la PPCB, la PPR et la peste équine. Sur le terrain, les inspections régionales et départementales censées veiller à son application n’exercent leur contrôle que pour les trois maladies citées précédemment. Des mesures de pression sont prévues pour inciter les éleveurs à vacciner : l’accès au forage, au marché est conditionné par la présentation d’une fiche d’immunisation. Mais en pratique, ces fiches sont rares et ne sont quasiment jamais contrôlées. L’organisation des campagnes de vaccination de masse est du ressort des missions régaliennes de l’Etat. Le coût de la vaccination est supporté par l’Etat et l’éleveur : évalué à 110 F CFA/tête pour la PPCB, il est payé par l’éleveur à hauteur de 60 Francs CFA. L’Etat subventionne également le coût de la vaccination contre la PPR (40 F CFA payés par l’éleveur, 34 F CFA par l’Etat). Les dates de début et de clôture de la campagne sont fixées par la DIREL : du 1er octobre au 30 avril par exemple en 2004. L’amplitude entre ces deux dates doit permettre aux intervenants de réaliser la campagne et de toucher les éleveurs avant le départ en transhumance (DIREL, 2003). En 1995, l’arrêté relatif aux modalités d’exercice du mandat sanitaire a permis à l’Etat de déléguer l’exécution des campagnes de vaccination contre la PPCB, la PPR et la Peste équine aux vétérinaires du secteur privé. Depuis, les vétérinaires détenteurs du mandat sanitaire organisent et réalisent la campagne de vaccination dans la zone qui leur a été attribuée. Ils sont placés sous contrôle des services vétérinaires qui assurent la coordination et le contrôle des vaccinations. En plus de leurs salariés permanents, ils ont souvent recours à des auxiliaires ou ATE engagés spécialement pour cette période d’activité plus intense. Dans les zones non couvertes par les mandataires, les services de l’Etat continuent de travailler comme ils en avaient l’habitude avant la privatisation. Les inspecteurs départementaux et régionaux organisent et coordonnent le déroulement de la campagne. Sur le terrain, les agents des différents postes du département parcourent la brousse pour réaliser les vaccinations. Le plus souvent, ils se regroupent tour à tour dans chacune des zones pour vacciner successivement les troupeaux, sans faire appel à du personnel supplémentaire. Pour la campagne 2002-2003, les mandataires ont été au nombre de 39. Les objectifs de la DIREL sont une participation des privés à hauteur de 85% des effectifs vaccinés. Cet objectif est atteint pour les ovins (93% des ovins vaccinés l’ont été par des vétérinaires privés) mais pas pour les bovins (70% seulement). Les résultats de la campagne sont toujours loin de l’objectif annoncé d’un taux de couverture de 80% qui permettrait de bénéficier de l’effet de protection du troupeau32. Seul 49 % de l’effectif bovin a été vacciné. Pour la PPR, le taux de vaccination est de 11% ; pour la peste équine, 2% (DIREL, 2003). 32 La loi de Charles Nicole précise qu’une maladie contagieuse ne peut se propager dans une population animale dont 75% des individus sont protégés (Bonnet et al., 2002). 110 Le rapport de campagne 2002-2003 (DIREL, 2003) amorce une réflexion sur les difficultés rencontrées : - difficultés d’approvisionnement en vaccin, - manque de sensibilisation des éleveurs sur le caractère obligatoire des vaccinations et refus de vacciner, - contention et vétusté des parcs de vaccination (figure 35). Figure 35 : Parc de vaccination (Communauté rurale de Sadio) Mais le PACEPA (2003 b) complète ce diagnostic en soulignant le manque d’implication des vétérinaires privés et des éleveurs dans la préparation de la campagne, la démotivation des agents du service public, le manque de clarté dans la répartition des rôles entre secteur privé et public. Lorsque l’on interroge les propriétaires de chevaux, il apparaît que le prix du vaccin contre la peste équine est trop cher pour la plupart d’entre eux. Fixé à 1000 F CFA, il est entièrement à leur charge. Quant aux piètres résultats de vaccination contre la PPR, ils sont, selon les vétérinaires, entre autres liés aux difficultés matérielles de vaccination des petits ruminants : il n’existe pas d’enclos ni de parc de vaccination pour ces derniers, et les vétérinaires sont contraints au « porte à porte », ce qui leur prend beaucoup de temps. 3.La surveillance épidémiologique L’épidémiosurveillance est « une méthode fondée sur des enregistrements en continu permettant de suivre l’état de santé ou les facteurs de risque d’une population définie, en particulier de déceler l’apparition de processus pathologiques et d’en étudier le développement dans le temps et dans l’espace, en vue de l’adoption de mesures appropriées de lutte » (Bonnet et al., 2002). Les systèmes de suivi et de surveillance constituent des outils d’aide à la décision pour la lutte collective contre les maladies. Pour des maladies en voie d’éradication (peste bovine), menaçantes (fièvre de la vallée du Rift), ou en expansion (PPCB, PPR), des systèmes de suivi et de surveillance sont nécessaires afin (Roger et al., 2004) : - de détecter rapidement la réapparition de foyers pour une intervention rapide, 111 - d’estimer l’occurrence et la distribution spatiale et temporelle avant l’établissement de stratégies de contrôle, - d’évaluer l’efficacité des mesures de lutte mises en place. La surveillance épidémiologique représente aujourd’hui un enjeu international : d’une part, dans le cadre de l’obligation de déclarations régulières de la situation zoosanitaire du pays à l’OIE ; d’autre part, pour l’analyse des risques liés aux échanges d’animaux et de produits d’animaux, dont une composante importante est l’évaluation du système d’épidémiosurveillance produisant les informations sanitaires (Bonnet et al., 2002). Au Sénégal, le dispositif de surveillance des maladies animales s’appuie sur le SNSE, Système National de Surveillance Epidémiologique. Celui-ci compte un réseau peste bovine, un réseau fièvre de la vallée du Rift (soutenu par le programme EMERCASE), et un réseau de surveillance des maladies aviaires qui implique les élevages industriels et semi-industriels. L’organisation d’un réseau de surveillance au Sénégal peut être illustré par l’exemple du dispositif appliqué à la peste bovine (figure 36). Ce dernier fait intervenir une « Unité centrale », constituée par des agents de la DIREL et du LNERV, et des « Services de terrain ». 49 postes vétérinaires, dits « postes de surveillance active » polarisent 300 points d’enquête correspondant aux 300 troupeaux de l’échantillon aléatoire. Sur ces derniers les agents procèdent périodiquement à des prélèvements de sang visant à prouver l’absence de circulation du virus bovipestique sur les animaux nés après l’arrêt de la vaccination (DIREL, 2000). Figure 36 : Schéma d’organisation du réseau de surveillance épidémiologique de la peste bovine (d’après DIREL, 2000) 112 L’implication des différents acteurs dans le réseau reste un point critique. Les vétérinaires privés ont été amenés à s’intégrer plus activement au SNSE, sous l’impulsion du programme PACEPA33. Ce programme pilote avait pour objectif de poursuivre la collaboration du secteur privé à la surveillance épidémiologique en continuant notamment de responsabiliser des vétérinaires privés par un élargissement du mandat sanitaire à la surveillance épidémiologique (Roger et al., 2004). La méthodologie du programme repose sur trois principes (Coly et Pfister, 2004) : - faire jouer à chacun des acteurs son rôle : les associations et Maisons des éleveurs encouragent l’adhésion des éleveurs au principe de surveillance ; l’éleveur ou le berger donne l’alerte ; le praticien privé ou public se rend auprès des animaux, recueille les données et prend les premières mesures conservatoires ; l’administration, c’est-à-dire les services vétérinaires gère la suite de l’alerte en assurant le contrôle de la maladie ; - être suffisamment démonstratif et significatif, en touchant massivement chaque catégorie d’acteurs ; - favoriser le développement de relations entre les différentes catégories d’acteurs afin de favoriser l’existence d’un cadre de concertation durable permettant de pérenniser le programme. Dans les régions de Diourbel, Fatick et Kaolack, la Direction de l’élevage a passé un contrat avec les vétérinaires privés mandataires pour que ces derniers assurent des séances de sensibilisation des éleveurs sur la question de l’épidémiosurveillance, et plus particulièrement de la peste bovine. Les premiers résultats techniques n’apparaissent pas pleinement satisfaisants (Roger et al., 2004). Le rapport de bilan du PACEPA (2003 a) met en lumière plusieurs difficultés. Sur 28 vétérinaires, seuls 6 ont envoyé des prélèvements. La faible implication des vétérinaires semble refléter leurs interrogations et leurs doutes quant au fonctionnement du SNSE plutôt qu’une absence de volonté de leur part de participer au réseau. Finalement, tous les domaines de fonctionnement du système sont perfectibles : la récolte des données est problématique, le circuit de transmission présente des lacunes, le suivi, l’animation et les relations entre les différents acteurs de terrain sont insuffisants, le retour de l’information est tardif voire inexistant. Il est important de noter que le manque de présence sur le terrain des vétérinaires privé, ce qui nuit au bon fonctionnement du système. Les vétérinaires privés sont déçus, notamment à cause de l’absence de retour des informations qui les discrédite auprès des éleveurs en attente des résultats et qu’ils ont dû convaincre pour pouvoir faire un prélèvement. Les éleveurs, eux, sont réticents face au vétérinaire qui souhaite faire un prélèvement, parce que ce geste présente une valeur symbolique importante ; c’est un acte qui nécessite toute la confiance de l’éleveur envers son vétérinaire (PACEPA, 2003 a). Les agents du public, qui se sentent parfois dépossédés de leur rôle dans le cadre de la privatisation, se raccrochent aux missions qui subsistent et ont tendance à considérer la surveillance comme domaine réservé (Coly et Pfister, 2004). Dans son rapport, le PACEPA (2003 a) porte cependant un jugement globalement positif sur les résultats de cette opération-test. Pour que cette expérience puisse être pleinement valorisée, il recommande de : - poursuivre la contractualisation de cette prestation d’épidémiosurveillance avec les vétérinaires privés avec en perspective la relecture des textes régissant le mandat sanitaire ; 33 Projet d’appui à la concertation Etat-Professionnels agricoles : ce programme a démarré par un atelier à Kaolack en octobre 2000, réunissant les vétérinaires privés, les inspecteurs régionaux des services vétérinaires et les présidents des Maisons des éleveurs des régions de Kaolack, Diourbel et Fatick. 113 - envisager de contractualiser cette prestation avec les professionnels des autres catégories légalement installées (ATE, ITE), dans la mesure où ces derniers sont plus régulièrement en contact avec les éleveurs ; faire en sorte que les vétérinaires privés soient plus responsables et veillent à améliorer leur présence sur le terrain au quotidien. C.Les interrelations au sein du système et les « stratégies d’acteurs » 1.Les relations entre acteurs Nous avons pu voir précédemment qu’un « système » se caractérisait par les interactions unissant ses éléments ; en l’occurrence, le système de santé animale est le siège d’interrelations entre les différents acteurs en présence. Pour mieux comprendre le système, son fonctionnement, ses fragilités, il est important de défricher les processus sociaux autour des acteurs, en interrogeant un réseau de relations explicatif. L’éleveur constitue l’élément central du réseau de relations au sein du système. Consommateur et cible du système, il se trouve dans une position délicate : ancien bénéficiaire d’un service public émanant de « l’Etat providence », il s’est retrouvé en moins de 10 ans client sur un marché, celui des services de santé animale. Il exprime parfois l’ambiguïté de sa situation ; un éleveur nous confiait ainsi : « on est satisfaits du travail du vétérinaire privé, mais on ne peut pas laisser tomber les agents du public, ils ont vaincu la peste bovine et ils nous ont toujours soutenus ». Les éleveurs que le vétérinaire privé a réussi à conquérir lui sont fidèles : ils le trouvent souvent plus disponible que le service public. Mais ils entretiennent souvent des liens étroits avec les agents de poste du public. Ceux-ci incarnent encore la figure emblématique de l’Etat au sein de la communauté. De plus, éleveurs et agent de poste se côtoient parfois depuis longtemps, et, placé au cœur de la communauté rurale, l’agent se trouve intimement mêlé à toute la vie sociale. Au-delà de son rôle d’agent d’élevage, le chef de poste joue aussi un rôle de médiateur dans les conflits, intervient pour assister les éleveurs dans les démarches administratives, participe à la vie de la communauté. Présent aux côtés des éleveurs, il connaît les réalités du terrain et partage leurs difficultés. Castaneda (2004) analyse dans son travail les relations entre les organisations professionnelles d’éleveurs et l’Etat, et met en lumière le phénomène de surpolitisation des organisations d’éleveurs. Alors qu’elles apparaissent souvent comme le résultat direct d’une action de l’Etat (coopératives, GIE34 de première génération, MDE35 et DIRFEL36), elles entretiennent au niveau régional des relations particulières avec les services vétérinaires. Le cas des Maisons des éleveurs semble particulièrement éloquent ; les inspecteurs régionaux exercent une grande influence sur les organisations professionnelles. Selon un interviewé, « la marge d’action des inspecteurs dépasse largement leurs compétences et a empêché la prise de responsabilités de la part de la population ». En binôme avec les Présidents des MDE, ils exercent un contrôle parfois préjudiciable sur les ressources financières de ces dernières. Les inspecteurs apparaissent comme incontournables, entretenant des liens étroits avec le Président et le Trésorier ; les MDE sont « une boîte noire gérée de façon strictement patrimoniale par une clique d’individus ». Les relations entre les prestataires privés et les organisations professionnelles semblent elles plus ténues. Rares sont les vétérinaires privés impliqués aux côtés de GIE ou autres 34 Groupement d’intérêt économique Maison des éleveurs 36 Directoire des femmes en élevage 35 114 groupements. C’est ce que souligne Thomas (2004) : « les relations fonctionnelles vétérinaires privés-organisations professionnelles d’éleveurs ne sont pas toujours effectives. La plupart des échecs ou difficultés rencontrées dans les appuis au secteur productif de l’élevage résultent de la faiblesse du lien économique organisation professionnelle d’éleveurs-vétérinaire privé ». Seul le secteur avicole a réussi à développer des liens étroit entre éleveurs et vétérinaires : plusieurs organisations rassemblent en leur sein éleveurs, para-professionnels et vétérinaires, à l’image du COTAVI (Collectif des Techniciens Avicoles). La coopération entre les différents prestataires de service (vétérinaires, paraprofessionnels, du secteur privé ou du public) est un élément déterminant dans la réussite de la délivrance des services de santé animale. Elle inclut des relations d’entraide et solidarité, d’échange d’information, de contrôle et supervision. Mais pour les opérateurs privés, il s’agit de se partager un marché, celui de la santé animale. C’est dans ce cadre qu’émergent des relations de conflits et de concurrence. Les acteurs du privé accusent de manière récurrente les agents de poste de continuer à pratiquer la médecine à titre privé dans leur zone, même si cela leur est interdit. Cela semble se vérifier sur le terrain, où effectivement de nombreux agents avouent ne pas avoir cessé complètement leur activité. A travers nos entretiens, plusieurs arguments ont été émis par les agents de poste pour justifier leurs pratiques : - le lien qu’ils entretiennent avec des éleveurs qu’ils ne peuvent pas « laisser tomber » ; - le rôle social qu’ils jouent pour les éleveurs les plus démunis auxquels ils procureraient des services moins chers que les vétérinaires privés ; - l’argument que la clinique leur permet de maintenir un lien avec les éleveurs qui leur permet ensuite d’assurer correctement la surveillance épidémiologique. La confiance de l’éleveur permet de contrôler les troupeaux et pratiquer des prélèvements sur leurs animaux. « Il faut motiver l’éleveur qui passe la journée à notre disposition ; pour cela, il faut lui donner des produits, des déparasitants », nous a dit un agent de poste. Parallèlement, certains inspecteurs départementaux ou régionaux tolèrent de telles pratiques qui se déroulent parfois au sein même des locaux de l’inspection. Ils avouent leur impuissance à interdire à leurs agents de pratiquer, au vu de la faiblesse des moyens que leur donne l’Etat, et le maigre salaire qu’ils reçoivent. Si certains se cantonnent dans les discours officiels et affirment réprimer ces pratiques tout en fermant les yeux, d’autres expriment tout haut l’ambiguïté de leur situation : « Dans de telles conditions, alors que les agents n’ont ni téléphone, ni véhicule, parfois même pas de poste construit, comment voulez-vous que j’interdise à mes agents de gagner leur vie ? » nous demandait un inspecteur. De leur côté, les agents du public reprochent souvent aux vétérinaires privés une approche mercantile. Selon certains, la « course à l’argent » menée par les privés est en partie responsable des déviances observées dans le circuit de distribution des médicaments. Ainsi, les vétérinaires privés, il y a quelques années, étaient autorisés à exercer leur activité sur les marchés et à y vendre des médicaments. Ces pratiques, aujourd’hui interdites, ont selon beaucoup d’agents du public, été l’élément déclencheur avant l’explosion de l’automédication et la prolifération des médicaments frauduleux. « C’est de la faute aux vétérinaires privés qui, pour gagner de l’argent, ont montré qu’on pouvait exposer et vendre des produits sur le marché. Les produits sont devenus une chose banale. Ils ont initié les éleveurs au secret de la seringue ». Selon un autre agent, « il y a 10 ou 15 ans, aucun éleveur n’avait de produit vétérinaire. Aujourd’hui, ils traitent eux-mêmes, depuis l’avènement des vétérinaires privés». Entre vétérinaires et paraprofessionnels installés à titre privé, les relations semblent plutôt tendues et complexes. Les premiers accusent les seconds d’exercice illégal de la médecine, tandis que ceux-ci condamnent l’attitude monopolistique des vétérinaires. Les frictions corporatistes ne paraissent pas apaisées. C’est parfois dans un climat de méfiance que les agents du public et les opérateurs privés tentent de travailler ensemble. Cependant, 115 tous s’accordent pour condamner les pratiques du secteur informel, du réseau « clandestin » de diffusion du médicament vétérinaire, qui concurrence sérieusement leurs activités et fait chuter leur chiffre d’affaire. Si entre privé et public semblent persister des relations de concurrence, le temps passant, la collaboration semble cependant de plus en plus étroite. Certains vétérinaires voient encore d’un mauvais œil le contrôle qu’exercent sur eux les agents lors des prophylaxies, mais la plupart se sont fait des agents du public un allié indispensable pour la conquête de leur clientèle. Dès lors, les agents épaulent les vétérinaires privés : ils les présentent aux éleveurs, expliquent à ces derniers le nouveau schéma de privatisation, et les redirigent vers le secteur privé. A l’exception d’un ou deux, tous les vétérinaires privés interrogés et les agents de poste nous ont dit entretenir de bonnes relations les uns avec les autres. Les agents nous ont dit avoir renvoyé les éleveurs aux vétérinaires : « au début, les éleveurs nous demandaient si le jeune vétérinaire privé était bon. Est-ce que les médicaments qu’il vend sont bons ? On les rassurait, parce qu’ils ont confiance en nous et on les envoyait chez le vétérinaire. » D’autre part il s’est noué des relations commerciales entre les agents du public et du privé. Dans la mesure où les rapports s’améliorent avec le privé, les agents acceptent volontiers de s’approvisionner en médicaments chez le vétérinaire. Celui-ci ne voit alors pas d’inconvénients à ce que l’agent continue de pratiquer un peu de clinique, dans la mesure où cela lui permet d’augmenter son volume de vente, et où un accord tacite est passé entre les deux parties. Certains vétérinaires vont même jusqu’à employer les agents du public pour les campagnes de vaccination, alors que cela est strictement interdit. Quant aux auxiliaires, pour le public comme pour le privé, ils n’apparaissent désormais plus que rarement comme des concurrents. La plupart des vétérinaires, ITE ou ATE ont lié avec eux des relations commerciales qui leurs permettent de diffuser plus largement leurs médicaments. Les relations de contrôle et supervision que les vétérinaires ou les agents sont censés exercer sur ces derniers se limitent souvent à ces transactions commerciales. Si certains côtoient régulièrement les auxiliaires lors de tournées dans les villages, la plupart ne semblent entretenir avec eux des liens que lorsque ceux-ci viennent s’approvisionner en médicaments, ou lorsqu’ils collaborent dans les campagnes de vaccination. Les cas d’auxiliaires et de vétérinaires travaillant en collaboration étroite et se référant les éleveurs sont rares. On a pu entendre que « les vétérinaires privés ont formé des auxiliaires pour vendre plus de médicaments en brousse. Ils les forment mais après ils ne les surveillent pas, souvent ils ne sont pas là et ils les laissent seul. Les vétérinaires privés manquent de professionnalisme ». Dans ce système complexe, les différents secteurs, privé ou public, formel ou informel, loin de constituer des éléments disjoints sont en fait étroitement intriqués. La plupart des vétérinaires installés à titre privé, voire certains agents du public se font aider par des vendeurs (au niveau des pharmacies et des relais pour la diffusion des campagnes), dont ils assurent de façon plus ou moins lâche le suivi et le contrôle. Les « installés » recherchent plus la confiance que la compétence chez leurs « assistants », ce qui les amène à privilégier le recrutement de membres de leur famille, indépendamment de leur niveau de compétence. Il y a ici une imbrication étroite du formel et de l’informel. Il y a souvent par ailleurs imbrication du public et du privé, surtout pour la distribution des intrants. Les agents de l’élevage mènent parallèlement à leurs missions de service public des activités de vente de médicaments et soins, à caractère privé. Les agents de l’élevage se fournissent en intrants auprès du secteur privé, les privés utilisent les services de l’Etat pour diffuser les intrants. 116 2.Des acteurs aux stratégies parfois divergentes Les relations entre les différents acteurs se font dans un univers, celui de la médecine vétérinaire qui, tout comme la médecine humaine est un « champ social comme un autre, avec ses rapports de force, ses luttes et ses monopoles, ses intérêts et ses profits » (Gobatt, 2001). Placés au cœur de « l’arène sociale », et confrontés à la nouvelle donne induite par le processus de privatisation, les protagonistes du système de santé se comportent en acteurs, au sens où l’entend Livian (2000) : est acteur « celui ou ceux qui, ensemble, ont des positions communes face au problème et des intérêts à défendre ». Dans le contexte nouveau d’un marché de santé animale privatisé, les opérateurs se positionnent face à des enjeux et des objectifs variés, et développent des « stratégies ». Livian (2000) définit ces dernières comme « un ensemble de comportements stables que les acteurs adoptent en vue de préserver leurs intérêts ». Les éleveurs, les prestataires de services − privés ou publics −, tous réagissent différemment face au changement. Leurs stratégies sont orientées en fonction des enjeux concrets de la situation ; il ne faut pas comprendre celles-ci comme un calcul systématique, fait « à froid ». Il est important de souligner que la stratégie est forcément « rationnelle », au sens où elle tend à obtenir des résultats. Mais cette rationalité est relative puisqu’elle dépend du point de vue duquel on se place ; d’autre part, il s’agit souvent d’une « rationalité limitée ». La décision n’est pas toujours la réponse à un problème donné, le problème lui-même se construit au fur et à mesure. De plus, l’homme ne peut appréhender tous les choix possibles ; cependant il ne va pas chercher la « meilleure » solution, il s’arrêtera à la première solution assez bonne pour correspondre aux critères de choix qu’il avait. Les éleveurs sont souvent mal informés à propos de la privatisation. Pour certains, elle se résume au passage d’un service gratuit à un service payant. Ils ont le sentiment qu’elle s’est faite sans eux, « sans nous demander notre avis ». Le processus semble s’être opéré au Sénégal comme dans d’autres pays d’Afrique (Thomé et al., 1996), de manière verticale. Les éleveurs ont « subi » la privatisation. Le concept leur a été expliqué au fur et à mesure que les vétérinaires privés s’installaient, mais il n’a visiblement pas fait l’objet de « campagne de sensibilisation » de masse. Les éleveurs les plus proches des centres urbains ont appris à « faire avec » le réseau de vétérinaires privés et à en tirer parti. Ceux que nous avons rencontré se disent favorables à la privatisation, parce qu’elle a amélioré la diffusion des médicaments et qu’elle permet d’avoir à sa disposition un vétérinaire compétent et toujours prêt à se déplacer. « Avant, les vétérinaires de l’Etat ne pouvaient pas tout couvrir, faute de moyens ». « Pendant la période creuse, l’Etat ne donnait plus rien. Les gens ont été enchantés que les médicaments arrivent. Même s’il faut payer, on s’adapte ». Pour les éleveurs intensifs (aviculteurs par exemple) la multiplicité des opérateurs consécutive à la privatisation permet d’avoir un service disponible à proximité, et de faire jouer la concurrence pour bénéficier des meilleurs prix. Pour les éleveurs plus éloignés, « la privatisation n’a rien changé » ; leur « vétérinaire » est toujours le même, c'est-à-dire l’agent de poste. Le vétérinaire privé est souvent perçu comme un « marchand de médicaments », qui ne s’intéresse à eux que pour le profit. Les éleveurs plus éloignés demandent à ce que l’on implante une pharmacie plus proche d’eux, que l’on développe un réseau d’auxiliaires qui puissent être auprès de leurs troupeaux. Parce que « le cabinet des vétérinaires est toujours en ville. Quel que soit le cas, grave ou pas, il faut se déplacer pour aller le chercher et payer pour le faire venir. C’est cher ». Les groupements d’éleveurs (CNCR37 ou DIRFEL par exemple) se disent favorables à la privatisation : elle aurait permis d’augmenter la disponibilité des services vétérinaires. Mais ils soulèvent un des points critiques : le manque d’information des éleveurs. Par ailleurs, selon 37 Conseil national des cadres ruraux 117 Thomé et al. (1996), si ces groupements se positionnent favorablement face à la privatisation, c’est en partie « car ils y voient la possibilité de se l’approprier pour profiter au mieux des différents dispositifs existants et s’autonomiser ainsi par rapport aux services et aux agents de l’Etat ». Ainsi, tout en affichant une opinion globalement positive à l’égard de la privatisation (« c’est une très bonne chose »), les organisations d’éleveurs ne manquent pas de faire émerger leurs revendications et de réclamer plus de responsabilités : « les vétérinaires pensent que nous sommes l’entrave à leur épanouissement ; ils ne veulent pas que l’on connaisse ce qu’ils connaissent. Ils essayent toujours de nous limiter. Les vétérinaires posent une situation de conflit entre nous ». Mais Olivier de Sardan (1995) souligne le manque de représentativité des organisations professionnelles, « écran de protection face à l’administration, moyen d’ascension d’une nouvelle élite ou au contraire mode de préservation du pouvoir des « notables » anciens, enjeu politique et économique local, trompe-l’œil ou coquille vide, la coopérative villageoise ou le groupement paysan sont rarement l’expression d’un consensus égalitaire, et en général fort peu de temps ». Un représentant d’une fédération nationale des éleveurs nous donnait ainsi une opinion ambiguë sur la privatisation : « la privatisation était indispensable, c’est une très bonne chose. On est satisfait du travail des vétérinaires privés. Ils sont plus disponibles que les agents publics qui ont moins de moyens. Mais on ne peut pas tourner le dos à l’Etat qui a éradiqué la Peste bovine, on ne peut pas l’ignorer. La contrainte, c’est l’Etat qu’on ne peut pas contredire, les Inspecteurs régionaux, départementaux, les agents de poste ». Les auxiliaires, une fois formés et équipés, ont pour objectif de réaliser leurs activités de santé animale de façon à rentabiliser cette activité annexe de leur activité principale et prêter un service qui leur assure une certaine reconnaissance sociale (Thomé et al., 1996). Leur stratégie est fonction de la rentabilité de cette activité de santé animale. Soit ils peuvent assurer leurs services, même si le cadre dans lequel ils ont été mis en place disparaît, et étendre leur domaine de compétences de manière à pouvoir assurer l’ensemble des prestations de service qui sont recherchées. Ils pratiquent, le cas échéant, des actes pour lesquels ils n’ont pas été formés. Soit ils doivent abandonner tout simplement leur activité si elle est peu rentable ou mettent en péril leur activité principale. Ils ne disposent souvent d’aucune information sur la privatisation, alors qu’ils sont des acteurs importants de celle-ci (Thomé et al., 1996). Une fois que la structure non pérenne qui les a mis en place disparaît, les auxiliaires qui continuent leurs activités agissent de manière autonome et s’approvisionnent sur le marché privé. Les prestataires de services privés remplissent trois fonctions principales : l’importation, la distribution-vente de médicaments et les soins. Les importateurs et grossistes en médicaments sont face à un enjeu prioritaire, la rentabilité économique, et développent des stratégies offensives pour gagner des parts de marché (Thomé et al., 1996). Favorables à la privatisation, ils en restent néanmoins critiques. Les mesures d’accompagnement sont faibles, voire nulles : absence d’appui financier ce qui ne leur permet pas d’avoir la surface financière suffisante, rôle des structures publiques rarement remis en cause ce qui entraîne un concurrence déloyale … Pour les vétérinaires privés, les enjeux sont d’ordre économique et social : augmenter leurs revenus, créer leur fonction et la rendre nécessaire, développer des activités conformes avec leur statut. Pour cela, leur stratégie est claire (Thomé et al., 1996) : - obtenir l’exclusivité du transfert des fonctions vétérinaires du public vers le privé ; - sécuriser l’approvisionnement en médicaments ; - constituer une clientèle captive en s’appuyant sur des réseaux de distribution existant sur le terrain (services publics, réseaux d’auxiliaires,…) ; 118 - concentrer leurs activités sur la pharmacie vétérinaire en déléguant les soins à leurs réseaux de distribution ; - face aux incertitudes des politiques, au flou et aux imprécisions des textes, diversifier leurs activités vers d’autre secteurs : production, commerce d’aliments du bétail, ONG ; - s’impliquer via les structures professionnelles dans les prises de décision politique. Ils ne sont pas contre la privatisation, puisqu’ils espèrent en vivre, mais ils subissent la privatisation plus qu’ils n’en sont les moteurs. Reprochant à l’Etat de ne pas créer un environnement favorable, ils soulignent notamment le manque d’aide à l’installation, la concurrence déloyale, le manque de circulation de l’information. Les opérateurs extra-légaux sont dans une logique d’enjeu économique : gagner de l’argent en distribuant des médicaments vétérinaires et en réalisant des soins. Le second enjeu est d’éviter que ce ne soit les seuls vétérinaires qui soient attributaires des fonctions transférées au secteur privé. Ces opérateurs ont pour stratégie de répondre à trois des exigences des utilisateurs des médicaments vétérinaires et des soins : la proximité, la disponibilité et le moindre coût (Thomé et al., 1996). Un ATE (Agent Technique d’Elevage) installé à titre privé nous a expliqué avoir refusé de collaborer avec le vétérinaire privé de sa zone : « je n’accepte pas un salaire dérisoire. Aucun vétérinaire privé n’est capable de me payer correctement. Je préfère garder mon indépendance et financièrement c’est plus intéressant ». Selon lui, la privatisation a été menée de manière inégale et en défaveur des professions intermédiaires : « la privatisation est une bonne chose. Mais former des diplômés et ne pas les recruter dans la fonction publique, ce n’est pas bon. Quelle solution il nous reste ? Les vétérinaires privés nous paient une bouchée de pain. Il faut accompagner la privatisation en la finançant, et en aidant aussi les techniciens à s’installer ». Cet Agent, bien que diplômé, opère aujourd’hui hors du cadre légal puisqu’il n’a pas renouvelé chaque année son autorisation d’exercer. Il affirme que « le cadre législatif me convient ». Cela semble aller dans le sens de ce qu’affirmaient Thomé et al. en 1996 : « on peut penser qu’ils ne sont pas opposés à la privatisation. En effet, si dans certains cas ces opérateurs travaillaient déjà avec les services publics, la privatisation et la multiplication des opérateurs et des circuits leur sont favorables. Elles rendent plus difficile leur identification, diversifient leurs sources d’approvisionnement et multiplient le nombre de leurs employeurs potentiels − agents du service public, vétérinaire privés ». De plus, l’ATE installé à titre privé que nous avons rencontré a souligné toute l’ambiguïté du cadre légal actuel et le double jeu orchestré par les vétérinaires, jeu dont il tire parti : « on ne peut pas comprendre les docteurs vétérinaires. Les pratiques des grossistes ne sont pas claires : certains acceptent de vendre les médicaments aux éleveurs mais pas à nous, techniciens privés. Moi, j’achète mes médicaments à Dakar. Je fais plusieurs grossistes ; si un refuse, j’achète à un autre ». Suivant la position où ils se trouvent dans la hiérarchie des services de l’élevage, les cadres du secteur public n’ont pas la même position face à la privatisation. En effet, même si globalement personne n’est enthousiaste, plus on descend dans la hiérarchie et plus on craint de perdre les avantages acquis : sécurité d’emploi, légitimité, revenu complémentaire… Le Sénégal illustre la stratégie du secteur public dans une situation où les fonctions vétérinaires lui ont en grande partie été retirée. Alors qu’il n’existe aucune menace sur leurs emplois dans le public, les vétérinaires essaient de défendre leurs prérogatives. Ce positionnement répond à un double jeu : préserver sa place dans les services publics sans se couper de l’opportunité d’un exercice privé. Les services de l’élevage, en dépit des compressions d’effectifs, constituent encore un réseau de taille importante, qui maille le territoire. Les agents publics sur le terrain, ont noué des relations avec les éleveurs et bénéficient d’un équipement minimum. Malgré la dégradation de leurs capacités d’intervention, ils réalisent les campagnes de vaccination, vendent des 119 médicaments, assurent quelques soins, interviennent dans le réseau d’épidémiosurveillance et sont, pour beaucoup, dans l’intervention de l’Etat en cas de foyer de maladies contagieuse (figure 37). Figure 37 : Les agents de poste du secteur public permettent aujourd'hui encore le maillage du terrain et réalisent une grande partie des soins aux animaux Leurs enjeux sont de ne pas perdre leur emploi et les revenus qui y sont liés : salaire de la fonction publique, primes des projets de renforcement des services de vulgarisation agricole et revenus liés aux ventes de médicaments et aux actes. Il s’agit de ne pas perdre leur pouvoir et leur légitimité en maintenant les fonctions des services de l’élevage et éventuellement, de préparer leur reconversion professionnelle en établissant des liens avec les projets et en créant ou participant à l’action d’ONG. Comme on peut le voir, ces enjeux sont principalement une défense des acquis. La stratégie développée est alors de résister au changement, de ne rien modifier dans ses activités de santé animale, en contribuant à maintenir les vétérinaires privés en amont, comme des distributeurs de médicament approvisionnant les services de l’élevage mais réalisant peu de ventes directes aux éleveurs et encore moins de soins. Quand cela n’est pas possible, la stratégie de rechange est de chercher à se partager le « territoire » entre le public et le privé. Ils peuvent également privilégier une diversification de leurs propres activités (production, ONG, …). Leur niveau d’information sur la privatisation est rudimentaire, parfois inexistante. La libéralisation leur permet de s’approvisionner en médicaments en dehors de tout contrôle du service public, et donc en dehors de tout contrôle sur les prix. Ils se disent donc favorables à la privatisation. Mais lorsque des opérateurs privés viennent concurrencer leurs activités ou que leurs avantages sont remis en cause, ils s’y opposent tous de front (Thomé et al., 1996). Quant aux organisations professionnelles vétérinaires, la mise en place de l’Ordre des Vétérinaires du Sénégal coïncide avec le processus de privatisation des services de santé animale. Les enjeux des ordres sont des enjeux catégoriels (Thomé et al., 1996) : - obtenir que les fonctions vétérinaires transférées au secteur privé ne soit transférées qu’à des docteurs vétérinaires ; - obtenir le maximum d’aides à l’installation pour les vétérinaires privés ; 120 - réguler la participation des autres professionnels de l’élevage (techniciens, ingénieurs), des éleveurs et des auxiliaires à l’exercice de la pratique vétérinaire. Pris dans des contradictions internes liées au poids des vétérinaires du secteur public dans la structure, l’Ordre a beaucoup de difficultés à remplir ses fonctions de régulation de la profession et de concertation. Il n’y a pas, en son sein, de position commune par rapport à la privatisation, la position de chacun étant clairement liée à sa situation personnelle (fonctionnaire, sans emploi, installé en libéral ou exerçant dans un projet). Les organisations professionnelles telles que le Syndicat des Travailleurs de l’Elevage orientent leur stratégie vers une défense des intérêts (refus de voir déléguée l’inspection des viandes aux docteurs vétérinaires privés), voire de reconquête des prérogatives perdues (pour l’attribution du mandat sanitaire de vaccination aux agents et ingénieurs de l’élevage). Dans une lettre38 qu’il adressait en 2001 au Président de la République du Sénégal, le Président du Regroupement National des Techniciens Privés de l’Elevage exprimait clairement le sentiment d’exclusion éprouvé par les professions intermédiaires : « La privatisation de la médecine vétérinaire au Sénégal se déroule comme s’il n’existait que le seul corps des Docteurs vétérinaires. Toute la législation en vigueur est taillée sur mesure pour ne servir que les intérêts des Docteurs vétérinaires. Pour les autres corps, le vide est total ». Le Président du Syndicat des Travailleurs de l’Elevage nous avait confié son indignation : « la privatisation a été concoctée sans notre avis. Elle a été faite de manière aberrante et unique, par les docteurs vétérinaires et pour eux, pour leur trouver du travail. Elle a écarté les techniciens de la vaccination. Seuls les vétérinaires ont le droit de faire des ordonnances alors que les autres étaient là bien avant. L’Etat a même voulu déléguer les opérations de contrôle sanitaire aux docteurs vétérinaires privés mais le Syndicat s’y est opposé. Depuis l’indépendance, les docteurs vétérinaires n’ont jamais touché une seringue. Ils n’ont jamais été sur le terrain ; et depuis la privatisation, ils veulent tout à coup tout s’accaparer ». Pour ce qui est du point de vue des organismes d’aide, bailleurs et projets, il est important de noter que les politiques de l’élevage et du sous-secteur de la santé animale en sont largement inspirées. Le Ministère des Affaires Etrangères, l’Union européenne et la Banque Mondiale, appuient ou ont appuyé des programmes de restructuration des services de l’élevage et de privatisation de la santé animale dans différents pays, dont le Sénégal. Les bailleurs ont des objectifs d’appui à la mise en œuvre de politiques et inscrivent leur action dans le long terme. Les projets s’inscrivent dans le court et le moyen terme et doivent prendre en compte les réalités de terrain. Thomé et al. soulignaient en 1996 les nuances à apporter à la position des bailleurs, bien évidemment favorables à la privatisation. Certains d’entre eux prônent la privatisation tout en appuyant le renforcement de l’Etat, comme la Banque Mondiale qui a mis en place parallèlement à la privatisation des services vétérinaires des programmes d’appui aux services de vulgarisation. Cependant, au sein des organismes de financements, certains interlocuteurs restent sceptiques sur la capacité économique des opérateurs privés et sur la volonté des décideurs de mettre réellement en œuvre la politique de privatisation. 38 Lettre du Président du Regroupement National des Techniciens Privés de l’élevage au Sénégal au Président de la République du Sénégal, 8 Mai 2001. 121 Conclusion Ainsi, le système de santé animale est un ensemble complexe, composé d’acteurs multiples, confrontés à des enjeux variés et aux stratégies parfois divergentes. En ce qui concerne les relations entre acteurs, on peut retenir que : - - le « système » de santé animale se caractérise par les interactions unissant les différents acteurs qui le composent. l’éleveur est l’élément central du réseau. Consommateur et cible du système, il est dans une position ambiguë entre les intervenants publics et privés. les organisations d’éleveurs sont une entité souvent instrumentalisée et sur-politisée, dont l’efficacité est discutable. Elles sont parfois sous l’influence des services vétérinaires publics, et leur collaboration avec les vétérinaires privés est difficile. la coopération entre les différents prestataires de service (vétérinaires, paraprofessionnels, du secteur privé ou public) est encore houleuse. Elle est le siège de relations de concurrence (entre privé et public, vétérinaires et paraprofessionnelles), et lorsqu’elle s’opère, les échanges sont essentiellement basés sur des interactions commerciales. autour du noyau dur du système gravite toute une palette d’acteurs du réseau informel, unanimement dénoncés par les acteurs officiels. les différents secteurs décrits, public ou privé, formel ou informels, loin d’être des éléments disjoints sont étroitement intriqués. 122 Par ailleurs, l’analyse des stratégies d’acteurs laisse apparaître que : - - - dans « l’arène sociale » et face à un marché limité, celui des services de santé animale, les acteurs en présence développent des stratégies variées. En fonction des enjeux auxquels ils sont confrontés, ils se positionnent dans le système et défendent leurs intérêts. les éleveurs sont mal informés sur un processus de privatisation qu’ils subissent plus qu’ils n’animent. Les éleveurs proches des centres urbains ont su tirer profit de la privatisation ; ceux plus éloignés se sentent isolés et délaissés en zone rurale par des vétérinaires auxquels on reproche une stratégie mercantile. les groupements d’éleveurs se disent favorables à la privatisation. Cependant, leur manque de représentativité fait douter de l’objectivité des positions adoptées. les auxiliaires gravitent à la périphérie du système, sans contrôle. Ils sont peu informés et déploient une stratégie basée sur la rentabilité de leur activité en santé animale. les prestataires de services privés sont face à des enjeux économiques et sociaux : augmenter leurs revenus, développer des activités conformes avec leur statut. Ils soulignent le peu d’appui qu’ils ont reçu. les opérateurs extra-légaux sont dans une logique d’enjeu économique ; il s’agit aussi de tirer parti du flou législatif. les acteurs du réseau public sont le plus souvent dans une stratégie de défense des acquis : statut, fonctions, revenus liés aux services de santé animale. Le fonctionnement de cet ensemble est parfois qualifié de « chaotique ». Malgré toutes les contraintes et les difficultés auxquelles il est exposé, le système vétérinaire se doit d’assurer ses fonctions et de combler les besoins des éleveurs. Après dix années de privatisation, quel bilan peut-on énoncer ? Qu’en est-il de la satisfaction des éleveurs ? 123 124 IV.BILAN ET LIMITES D’UN SYSTÈME « RÉNOVÉ » A.Privatisation et services aux éleveurs : appréciation des performances du «nouveau» système L’évaluation des performances d’un système de santé est une tâche difficile, et facilement subjective. Ainsi, au vu de la complexité des systèmes de santé, il apparaît que les résultats dont on dispose sont bien souvent difficiles à interpréter et sont parfois contradictoires selon le point de vue que l’on privilégie. De plus, les performances globales des systèmes vétérinaires actuels sont évaluées de manière assez diverses et peu normatives. Domenech et al. (2004) soulignent plusieurs axes de recherche à envisager dans le domaine des systèmes de santé animale. Un des axes à privilégier serait en premier lieu l’identification et la mise au point d’une nomenclature de critères et d’indicateurs fiables sur l’efficacité et sur les fonctionnement des systèmes de santé tant conventionnels que non conventionnels, en termes médicaux, économiques, sociaux et environnementaux. En l’absence de ces indicateurs, il est difficile de procéder à une évaluation rigoureuse. Par ailleurs, si dans certains pays (notamment en Afrique de l’Est), les politiques de privatisation de la santé animale ont fait l’objet d’évaluations (par le biais des projets) et sont le sujet de différents travaux de recherche, on ne dispose que de peu de documents pour le Sénégal. Au vu des ces différentes contraintes et difficultés, nous n’envisageons pas ici de dresser une évaluation exhaustive des performances du nouveau système de santé, mais plutôt d’avancer des éléments d’appréciation et quelques pistes de réflexion. 1.Évolution du personnel du secteur de l’élevage Le personnel total des Services vétérinaires, privé comme public, a plutôt tendu vers une augmentation au cours des dix dernières années. Bien que les statistiques doivent être considérées avec prudence, il semble que l’essor du secteur privé consécutif à la privatisation des services de santé animale a compensé la diminution des ressources humaines du secteur public, pour les docteurs vétérinaires comme pour les para-professionnels (tableau 4). Ce phénomène s’est observé à partir de 1994, année clé qui signe l’essor du développement du secteur privé. Auparavant, la diminution du personnel du public s’était répercutée sur l’offre globale disponible pour les éleveurs (figure 38). 125 Tableau 4 : Evolution du personnel des services de santé animale (d’après Cheneau, 1985 ; Cissé, 1996 ; Gueye, 2003 ; Umali et al., 1992) Nb de personnel "auxiliaire" = Agents Techniques d’Elevage, Ingénieurs des Travaux d’Elevage, Infirmiers d’Elevage Nb de docteurs vétérinaires 1984 1989 1994 1998 2000 2003 Public 61 39 58 57 53 36 Privé 2 4 49 111 128 132 Total 87 68 198 235 249 246 Public 660 532 310 349 349 285 Privé 0 0 87 156 168 205 Total privé 2 4 136 267 296 337 Total 660 532 397 505 517 490 Total public 721 571 368 406 402 321 Personnel total 723 600 595 740 766 736 800 700 Effectifs personnel 600 500 Total public 400 Total privé 300 200 100 02 20 00 20 98 19 96 19 94 19 92 19 90 19 88 19 86 19 19 84 0 Figure 38 : Evolution du personnel vétérinaire de 1984 à 2003 (D’après Cheneau, 1985 ; Cissé, 1996 ; Gueye, 2003 ; Umali et al., 1992) De nombreuses réserves doivent être émises quant à la validité de cette compensation du secteur public par le privé. Cette compensation n’est en effet peut-être qu’apparente. Les statistiques et recensement du personnel des services de l’élevage sont à considérer avec prudence ; les chiffres varient considérablement selon la source que l’on considère (Services de l’élevage, OIE). En ce qui concerne le secteur privé, les données correspondant aux 126 docteurs vétérinaires privés sont le plus souvent tirées des registres de l’Ordre des Vétérinaires du Sénégal, Les chiffres, estimés à partir des autorisations d’exercer délivrées par ce dernier ne traduisent pas toujours la réalité sur le terrain. Tous les vétérinaires comptabilisés par l’ODVS n’exercent pas régulièrement ; certains même n’exercent pas du tout et se sont orientés vers d’autres activités. Quant aux ATE et ITE, aucun recensement n’a été fait récemment et ces chiffres sont des estimations issues de la DIREL. Ils correspondent probablement là aussi au nombre d’autorisations d’exercer délivrées. Mais de nombreux techniciens et ingénieurs ont demandé cette autorisation sans la renouveler. Sont-ils comptabilisés ? Personne n’a pu nous répondre. Par ailleurs, un très grand nombre d’ATE et ITE exercent sans autorisation. Qu’en est-il pour leur recensement ? 2.La disponibilité en intrants et services On entend ici par disponibilité « l’approvisionnement régulier et au meilleur coût et la mise à disposition la plus rapprochée possible pour les différentes catégories d’éleveurs » (Thomé et al., 1996). Selon les éleveurs que nous avons rencontrés, il semble que la privatisation ait amélioré la disponibilité en intrants vétérinaires. « Du temps du service public, il y avait très peu de médicaments disponibles ». Les éleveurs les plus proches des villes trouvent facilement un vétérinaire susceptible de leur délivrer des médicaments. Quant à ceux situés en zone rurale, ils ont recours à l’agent de poste vétérinaire, à l’auxiliaire, ou au secteur informel. Avec la privatisation, les acteurs du circuit de distribution du médicament se sont multipliés, étoffant ainsi considérablement le réseau de distribution aux éleveurs. Les auxiliaires, mais aussi les acteurs du secteur informel, rapprochent le médicament de son destinataire et contribuent largement à une meilleure diffusion des médicaments. Tous les écrits s’accordent pour dire que la privatisation de la santé animale a amélioré la diffusion des médicaments auprès des éleveurs, bien qu’elle ait aussi stigmatisé le développement d’un marché noir des médicaments dont la qualité est souvent douteuse. En ce qui concerne la disponibilité des services, la situation est très différente entre les éleveurs proches des centres urbains, et ceux des zones rurales. Pour les premiers, le vétérinaire est dorénavant plus disponible que l’agent public et, surtout, il est souvent doté d’un véhicule qui lui permet de se déplacer chez eux. Mais pour les éleveurs des zones rurales éloignés des centres urbains, « ça n’a rien changé » : leur « vétérinaire » reste l’agent de poste, qui est souvent encore dénué de moyens et de véhicule, et qui ne dispose que d’une quantité de médicaments très limitée. Le seul point positif qu’ils voient à la privatisation est, dans certaines zones, la prolifération des ONG et leur cortège d’auxiliaires qui délivrent un service de proximité (Thomé et al., 1996). « La privatisation, ça a permis aux éleveurs d’avoir des médicaments et de toucher à la seringue », nous ont confié de nombreux agents de poste. Les médicaments vétérinaires ont subi au cours des dix dernières années une augmentation de prix, dont l’impact sur la disponibilité et l’utilisation par les éleveurs est difficile à apprécier. La dévaluation du Franc CFA, concomitante à l’essor de la privatisation en 1994, a entraîné une augmentation générale, bien que variable, du coût des médicaments, mais également une augmentation du prix du bétail. Les conséquences de cette augmentation du prix des médicaments sont difficiles à apprécier. Un indicateur intéressant à relever serait le nombre d’animaux que doit vendre un éleveur pour en traiter un nombre déterminé d’autres. L’augmentation des coûts est aussi liée à la politique des laboratoires occidentaux ; une augmentation du prix au niveau de ces laboratoires se répercute sur le terrain. La question du recours plus systématique à des produits génériques, a priori plus économiques, reste entière. Enfin, le mode de constitution du prix est variable en fonction des systèmes de distribution et de la multiplication des marges. Le concept de prix unique sur l’ensemble d’un territoire (comme en Guinée par exemple), régule ces fluctuations et permet un meilleur 127 contrôle, par les éleveurs en particulier, mais a tendance à « tirer les prix vers le haut » (Thomé et al., 1996). 3.La couverture vaccinale 3500000 80,0 70,0 3000000 60,0 Nombre de bovins 50,0 2000000 40,0 1500000 30,0 % de bovins vaccinés 2500000 Nombre de bovins vaccinés Effectif total de bovins % de bovins vaccinés 1000000 20,0 500000 10,0 20 00 19 98 19 96 19 94 19 92 19 90 19 88 19 86 19 84 19 82 19 80 0,0 19 78 0 Figure 39 : évolution du nombre de bovins vaccinés (D’après DIREL, 2004) L’évolution du nombre de vaccinations (figure 39) montre au Sénégal, à l’instar de la mouvance observée dans de nombreux pays d’Afrique, une stagnation voire une diminution du nombre de bovins vaccinés, même s’il est difficile de la rapporter à des effectifs qui sont mal connus. Le graphique ci-dessus permet cependant d’appréhender les grandes tendances. La chute du nombre de bovins vaccinés est particulièrement notable à partir de 1992. On aurait pu penser que cette chute serait directement liée à l’arrêt de la vaccination contre la peste bovine. Visiblement, la relation de cause à effet n’est pas évidente − la vaccination contre la peste bovine n’a été suspendue qu’à partir de 1997. Certains voient dans ce phénomène une corrélation avec l’essor du processus de privatisation, et l’incapacité du système libéral à garantir l’état sanitaire du cheptel. On reproche souvent aux vétérinaires privés une démarche mercantile. Selon certains éleveurs ou inspecteurs, certains vétérinaires négligent les troupeaux les plus éloignés ou difficiles d’accès. D’autres ne se déplacent pas en personne pour les vaccinations et emploient lors des campagnes une main d’oeuvre pas toujours qualifiée. Il semble que de telles attitudes contribuent à une baisse d’implication des éleveurs pour les vaccinations. Le manque de motivation est lié d’une part au recul des grandes épizooties meurtrières (et à la baisse de la crainte et de la vigilance des éleveurs), et d’autre part aux rapports parfois conflictuels entre l’Etat et les éleveurs, qui voient dans la vaccination encore aujourd’hui un moyen de prélever l’impôt. De plus, les 128 éleveurs appréhendent les campagnes de vaccination dans lesquelles les animaux sont malmenés lors de la contention. Finalement, aujourd’hui encore, les éleveurs se sentent bloqués dans une relation d’autorité et de non prise en considération contre laquelle ils s’insurgent ; leur réticence à vacciner les animaux est en partie la traduction concrète de ce mouvement de résistance contre les institutions en place. 4.Les risques inhérents au système actuel a)Une dégradation du service de l’Etat et un transfert de fonctions sans garantie de compétences ? Selon Thomé et al. (1996), les restructurations de la fonction publique, le transfert effectué ou à venir de certaines fonctions au secteur privé s’accompagnent souvent d’une dégradation du service public qui se manifeste par : - une rétraction du service rendu, entraînée par la diminution du nombre d’agents et le non pourvoiement de certaines zones d’élevage ; - une dégradation des services par la diminution générale des moyens de fonctionnement et par l’approvisionnement incertain de leurs pharmacies ; - la dégradation de la qualité des services, due au manque de moyens pour les laboratoires ou pour la formation continue ; - la priorité, par beaucoup d’agents, accordée à leurs activités « rentables » : vente de médicaments ou activités rémunératrices. La privatisation a entraîné une redistribution des fonctions. Les vétérinaires privés se cantonnent souvent à l’administration de leurs affaires. Leur présence sur le terrain est parfois minime. Le contact direct avec l’éleveur, le diagnostic, les opérations de soins, les conseils de posologie ne sont pas donnés par eux-mêmes, mais par le personnel qu’ils emploient : auxiliaires, agents ou vendeurs. Ce personnel est généralement mal formé alors qu’il remplit la fonction la plus importante. La responsabilité des opérateurs est diluée alors que parallèlement se développe une offensive des « corps » pour préserver leur prééminence dans les politiques de privatisation. Quant aux agents de l’Etat, ils ne sont pas toujours en mesure de remplir leur fonction de contrôle, et ce par manque de légitimité : - la plupart des agents de terrain sont des ingénieurs ou des agents qui ne s’estiment pas aptes à contrôler des vétérinaires privés ; - la difficulté des agents à remplir leur fonction (manque de moyens) rend difficile le contrôle ou la critique envers d’autres opérateurs. Etre agent de l’Etat n’est pas obligatoirement une garantie de compétences, malgré les formations initiales. Le même type de comportements que ceux observés dans le privé peuvent se retrouver dans la fonction publique. Il reste que la longue pratique de certains agents leur a donné une connaissance du milieu éleveur, des principales maladies et de leur contexte, un savoir et un savoir-faire qu’il serait dommage de laisser se disperser ou se limiter (Thomé, 1996). b)Une approche marchande et médicamenteuse de la santé animale ? 129 Les différents opérateurs privilégient leurs intérêts à court terme, c'est-à-dire les revenus qu’ils tirent de la vente des médicaments. Les soins sont relégués au second plan, sauf dans les cabinets pour les animaux domestiques où les deux aspects sont liés. Les aspects formation/conseil et appui zootechnique ne sont donc pas prioritaires, et l’articulation n’est pas faite dans ce domaine entre ce que doit être l’action du public et l’action du secteur privé. La motivation est d’abord économique et ne garantit pas la réponse aux besoins réels de l’ensemble des producteurs. L’éleveur est un client et n’est vu que comme un client (Thomé et al., 1996) Le risque est une concentration des opérateurs dans les zones d’élevage consommatrices d’intrants (zones urbaines et périurbaines d’embouche, zones infestées par la trypanosomiase) à l’image de ce que Thomé et al. (1996) ont pu observer au Burkina Faso, au Niger, en République Centrafricaine et en Guinée. Les spéculations considérées comme mineures et les zones pastorales où l’investissement en santé animale est faible, intéressent peu les nouveaux opérateurs ; ils considèrent qu’il y a peu d’argent à gagner dans ces secteurs. Au Sénégal, un inspecteur départemental nous disait que « les éleveurs se sont sentis abandonnés. Les privés n’aiment pas le risque. Ils s’installent en ville et restent sur le goudron ». B.La couverture des besoins des éleveurs par le système actuel Pour mieux comprendre le degré de satisfaction des besoins des éleveurs en matière de santé animale, on s’intéressera tour à tour aux contraintes et besoins, puis à la réponse actuelle offerte par le système. 1.Des besoins diversifiés a)Définitions : « Stratégies » et « pratiques » en santé animale La gestion de la santé animale est citée par Landais et al., (1987) dans la typologie qu’il établit des pratiques d’élevage, définies par Teissier en 1979 et cité par Lhoste en 1986 : « la pratique est la façon dont l’opérateur met en œuvre une opération technique … la technique est considérée comme un ensemble ordonné d’opérations ayant une finalité de production ». Landais discerne des pratiques d’agrégation, des pratiques d’exploitation, et des pratiques de conduite, regroupant « l’ensemble des opérations techniques effectuées par l’homme sur les animaux en vue d’assurer leur entretien et de les mettre en condition de produire et (éventuellement) de se reproduire conformément à ses objectifs », parmi lesquelles apparaît la gestion de la santé animale. Landais (1987), envisage les pratiques sous l’angle décisionnel, c’est-à-dire « par référence à un centre de décision aux ressources et à l’information dont il dispose, aux objectifs qu’il poursuit, aux stratégies qu’il développe à cet effet ». Thomé et al. (1996) évoquent aussi une « stratégie des éleveurs en matière de santé animale ». Nous avons déjà précisé plus haut dans ce travail la notion de « stratégie d’acteur ». Mais Chauveau (1995) s’est intéressé plus particulièrement à l’analyse du concept de « stratégie des agriculteurs africains » et du « raisonnement stratégique ». Le concept de « stratégies » appliqué aux comportements des agriculteurs africains est né de l’hypothèse centrale que « ces comportements relèvent de choix cohérents et délibérés dont l’intelligibilité requiert la prise en compte des conditions réelles dans lesquelles s’effectuent les activités agricoles ». L’auteur souligne cependant que « les stratégies des agriculteurs ne sont ni données ni directement observables. Les stratégies sont le résultat d’une construction de 130 l’observateur à partir de données hétérogènes, mais aussi de ponts de vue hétérogènes. La règle d’or en la matière est donc de ne pas prendre le « raisonnement stratégique » de l’agronome, de l’économiste ou du sociologue pour l’intention stratégique de l’agriculteur ». C’est ce processus décisionnel que nous allons tacher d’appréhender maintenant, en prenant garde aux écueils dénoncés par Cheveau (1995). Ainsi, nous tacherons de mieux comprendre comment s’élaborent les prises de décision relatives à la santé animale. Mais nous n’oublierons pas que, d’une part ces décisions sont le résultat d’un processus complexe que nous ne prétendons pas appréhender de manière exhaustive et que, d’autre part, les éléments que nous présenterons ne sont que le fruit d’une reconstruction du processus a posteriori. b)Quels facteurs décisionnels pour les pratiques de santé animale ? Les comportements des éleveurs et les processus de prise de décision en matière de santé animale n’ont que peu été étudiés jusque là. Chilonda et Van Huylengroeck (2001) ont élaboré un schéma conceptuel explicitant les différents facteurs influençant les décisions prises par les éleveurs dans le cadre de la gestion de la santé de leurs troupeaux. Ce schéma (figure 40) montre que les décisions résultent de l’interaction de plusieurs variables, notamment les caractéristiques propres à l’éleveur, le système d’élevage, les facteurs économiques, la situation institutionnelle et les paramètres biophysiques. Facteurs économiques Marché, prix des intrants vétérinaires et produits d’origine animale, etc. Pression sanitaire Maladies, parasites, climat, etc. Facteurs institutionnels Politique en matière d’élevage, organisation des services de santé animale, infrastructures, etc. DECISIONS RELATIVES A LA GESTION DE LA SANTE ANIMALE Caractéristiques des éleveurs Objectifs, connaissances, etc. Système d’élevage Ressources agricoles et de l’élevage, degré d’intensification, connexion au marché, etc. Figure 40 : Modèle conceptuel des facteurs influençant les décisions prises par les éleveurs dans le domaine de la gestion de la santé animale (d’après Chilonda et Van Huylengroeck, 2001) Ce sont quelques uns des éléments pris en compte par les éleveurs pour la gestion de la santé animale que nous allons envisager maintenant. 131 (1)Les caractéristiques propres aux éleveurs Les caractéristiques propres aux éleveurs, et en particulier les objectifs, connaissances et comportements de ces derniers ont une forte influence sur la gestion de la santé animale. Les petits éleveurs, en particulier, ont de multiples objectifs rattachés aux activités d’élevage (ressource pécuniaire, sécurité financière, accumulation de richesse, rôle dans les échanges sociaux, autoconsommation des produits d’origine animale, statut social), et ces objectifs interviennent grandement sur les prises de décision (Chilonda et Van Huylengroeck, 2001). Les compétences des éleveurs en santé animale, l’idée qu’ils se font de la maladie, ses représentations mentales, ses répercussions sur la productivité du troupeau, tout comme la connaissance qu’ils ont de la gestion des risques sanitaires interviennent de manière prépondérante dans la « stratégie ». Le niveau d’éducation et les connaissances influent sur la gestion de la santé animale. Selon Chilonda et Van Huylengroeck (2001), l’éducation formelle augmente les compétences des éleveurs en matière de gestion et la compréhension d’une information complexe relative à l’adoption de nouvelles techniques (d’élevage, de lutte contre les maladies, …). Ce paramètre est cependant loin d’être le plus important en matière de gestion de la santé animale. L’éducation informelle (notamment les connaissances capitalisées au contact des professionnels de santé animale) et l’expérience acquise sur le terrain interviennent. Les facteurs culturels interviennent aussi ; les pasteurs peuls par exemple, sont souvent très impliqués dans le suivi de leur troupeau. L’élevage occupe une place prépondérante dans la culture peule. Les épizooties marquent les esprits et les grandes épidémies de peste bovine servent encore aujourd’hui de repère dans le système chronologique de la tradition orale dans la société peul (années 1892, 1917, 1943 ; Bâ, 1986). Selon un vétérinaire, « les transhumants ont capitalisé beaucoup d’expérience en matière de connaissance des maladies, c’est ce qui les pousse à beaucoup dépenser pour la santé de leurs animaux ». Les éleveurs Peuls sont les plus reconnus pour leurs connaissances en matière de pathologie animale. Ils connaissent bien les maladies affectant leurs troupeaux, et sont capables de les décrire de manière souvent très fine. L’identification des maladies fait partie de l’éducation et de la pratique du berger peul (Bâ, 1986). Chacune des maladies est identifiée par un nom qui évoque souvent la symptomatologie (Bâ, 1986) : le charbon symptomatique, qui provoque des boiteries et une tuméfaction des muscles, de l’épaule et de la hanche notamment, est connu sous le nom de koyngal (la patte) ou henndu (la tumeur). La tuberculose est désignée par doyru (la toux), la peste bovine par saafa (la fièvre) ou caaru (la diarrhée). La péripneumonie contagieuse bovine, qui cause des difficultés respiratoires, une toux douloureuse est joofe (poumons) ou wecco (poitrine, côte). Les symptômes et leur évolution sont décrits avec précision. Les informations sanitaires circulent entre les éleveurs. Les forages et les marchés au bétail sont un lieu privilégié d’échanges. Les transhumants « ont développé un réseau efficace de circulation de l’information, dont le relais est souvent le louma. S’il y a une épidémie quelconque, ils se passent l’information solidairement pour rapidement pouvoir vacciner ou connaître le produit vétérinaire adapté »39. Par ailleurs, plusieurs vétérinaires parlent de « transfert de connaissances » des transhumants vers les agriculteurs. (2)Le système d’élevage Les caractéristiques du système d’élevage sont souvent citées comme un paramètre prépondérant pour la prise de décision en matière de santé animale (Chilonda et Van Huylengroeck, 2001 ; Thomé et al., 1996). 39 A. DIAW, vétérinaire privé à Tambacounda, lors des Journées de réflexion “pastoralisme et développement de l’élevage”, LNERV/DAKAR, 23 Octobre 2003 132 On rappellera la définition du système d’élevage donnée par Landais (1992) : « Un système d’élevage est un ensemble d’éléments en interaction dynamique organisé par l’homme en vue de valoriser des ressources par l’intermédiaire d’animaux domestiques pour en obtenir des productions variées (lait, viande, cuirs et peaux, travail, fumure, etc.) ou pour répondre à d’autres objectifs ». Menjon et D’Orgeval (1983) apportent un autre éclairage sur cette définition en précisant que le système d’élevage est « l’ensemble des ateliers et des techniques qui permettent de produire des animaux ou produits animaux dans des conditions compatibles avec l’objectif de l’agriculteur et avec les contraintes d’exploitations ». Dufumier (2001) souligne que « au niveau de chaque troupeau, le système d’élevage se présente comme un ensemble ordonnée d’interventions dans les domaines de la sélection, de la reproduction, de l’alimentation, de l’hygiène, de la santé, etc ». Les pratiques de gestion du risque sanitaire ne sont qu’un élément au sein du pilotage des activités d’élevage. Pour comprendre les tenants et les aboutissants des choix opérés en santé animale, il faut envisager la santé dans une globalité, celle du système d’élevage. Certains facteurs qui semblent plus particulièrement déterminants pour la demande en services de santé animale (Vétérinaires Sans Frontières, 2000) : l’accès aux ressources naturelles, les caractéristiques du troupeau et le niveau d’intégration des élevages aux réseaux commerciaux. ● L’accès aux ressources naturelles La disponibilité de la terre et de l’eau joue un rôle prépondérant pour la gestion de la santé animale (Chilonda et Van Huylengroeck, 2001). Un accès non sécurisé aux ressources pastorales, comme c’est aujourd’hui le cas dans de nombreux systèmes transhumants −notamment au Sénégal−, favorise des stratégies d’investissement minimum (donc de risques minimums) dans le système de production, y compris pour les dépenses de santé animales. A contrario, un accès restreint mais sécurisé aux espaces pastoraux, favoriserait les processus d’intensification et donc le recours aux services et aux intrants (Vétérinaires Sans Frontières, 2000). ● Les caractéristiques du troupeau Ahuja et al. (2003) ont montré que la demande était corrélée de manière significative à la valeur des animaux, qu’on peut évaluer à travers le nombre d’animaux de race exotique ou métissés détenus par les éleveurs. Plus le nombre d’animaux exotiques ou métissés augmente, plus la consommation des éleveurs en intrants vétérinaires est grande. C’est ce que nous a confirmé pour le Sénégal un agent d’élevage en zone pastorale, selon qui les éleveurs étaient prêts à dépenser de fortes sommes pour les taureaux de race Guzerah ou métissés (figure 41), ces animaux atteignant des prix élevés sur le marché. Outre ces animaux « métis », les animaux à haute valeur sont aussi les bovins ou ovins d’embouche, les vaches à forte production laitière ou « bonne maman » … La valeur des animaux peut aussi revêtir un caractère beaucoup plus subjectif. C’est le cas par exemple pour certains bovins, qui sont parfois porteurs d’un patrimoine familial ou culturel. La vache héritée du troupeau familial, ou celle qui est à l’origine de toute la lignée fait l’objet de soins particuliers ; pour elle, on peut dépenser sans compter. 133 Figure 41 : taureau métis Gobra/Guzerah Par ailleurs, la taille du troupeau rentre aussi en ligne de compte pour la gestion de la santé du cheptel. Selon Chilonda et Van Huylengroeck (2001), ce facteur entre en jeu par le biais du mécanisme des économies d’échelle. Un éleveur qui possède un grand troupeau a statistiquement plus de chance de faire l’expérience d’une maladie animale. De plus, il pourra tirer un meilleur profit des services vétérinaires, puisque le coût des dépenses par animal diminue lorsque la taille du troupeau augmente. Les services en deviennent alors plus abordables. ●L’intégration des systèmes d’élevage au marché Le degré d’intensification et l’orientation plus ou moins prononcée du système de production vers le marché interviennent de manière prépondérante dans les processus de décision pour la gestion de la santé animale. En effet, ces facteurs déterminent des degrés variables de consommation en intrants et technologies, en particulier vétérinaires. La commercialisation régulière d’animaux (figure 42) ou de produits alimentaires d’origine animale influe directement sur le recours aux services en santé animale. 134 Figure 42 : Marché hebdomadaire (louma) en zone pastorale Schématiquement, plus les systèmes s’intensifient et s’intègrent dans une logique commerciale, plus leur consommation potentielle et intrants et services de santé animale augmente (Thomé et al., 1996). Ahuja et al. (2003) ont réalisé une étude statistique sur la demande en services de santé animale en Inde. Ils ont noté une corrélation positive et significative entre la demande en services et des variables telles que le prix moyen du lait ou la proportion de la production en lait vendue sur le marché. Ces variables permettent d’évaluer le degré d’intégration de l’élevage au marché. Selon les auteurs, une augmentation de 1% du prix payé à l’éleveur pour le lait provoque une augmentation de 2% de la demande en services vétérinaires. Le niveau de commercialisation des animaux et produits d’origine animale est lié aux objectifs et stratégies propres des éleveurs, mais aussi à la nature du marché (accessibilité, régularité, valorisation de la qualité). Il existe une étroite corrélation entre marché au bétail et services en santé animale : en général, plus un éleveur disposera d’un accès au marché sécurisé pour son bétail, plus forte sera l’offre de service en santé animale. Dans ce cas, l’achat de services et d’intrants dépendra directement de la rémunération du bétail (donc des termes de l’échange bétail/intrants ; Vétérinaires Sans Frontières, 2000). On peut chercher ici des éléments d’explication sur le comportement et les modes de consommation de certains éleveurs. Le programme PAPEL a initié une campagne d’insémination artificielle à partir de semences Prim’Holstein, sur les vaches Gobra, et ce dans le but d’accroître la production laitière. Les vaches métis ont bien sûr une valeur marchande supérieure aux Gobra, mais parfois, les soins vétérinaires accordés à ces animaux restent frustres : vaccination obligatoire, souvent rien de plus. On peut penser que malgré la valeur de ces animaux, le prix médiocre du lait payé aux éleveurs, la faiblesse des circuits de commercialisation et l’accès difficile au marché constituent un facteur limitant pour la demande en services, et ce malgré la valeur des animaux. La plupart des vétérinaires privés ont intégré ces « modèles » de consommation, et se sont installés dans les villes et les zones « à haut potentiel » de production. Sans le formuler directement, ils ont spéculé sur la rentabilité de leur activité à travers la proximité du marché des productions animales. 135 (3)Les facteurs économiques Les facteurs économiques englobent l’existence ou non d’un marché pour les produits d’origine animale, mais aussi pour les intrants vétérinaires, le niveau des prix des produits et intrants, et la relation entre l’offre et la demande. Un premier facteur économique prépondérant est l’existence d’un marché pour les animaux et les produits d’origine animale. On a pu voir précédemment que la présence ou l’absence de marché, mais aussi sa nature, son accessibilité, sa qualité influencent grandement les décisions relatives à la gestion du troupeau, et en premier lieu celles concernant la santé animale. Les insuffisances de marché, leur inaccessibilité sont une des principales explications du manque d’intérêt des éleveurs pour l’adoption de nouvelles technologies (Chilonda et Van Huylengroeck, 2001). Par ailleurs, le niveau des prix sur le marché joue un rôle central dans les processus de décision des éleveurs. Lorsque l’on s’intéresse au rapport des prix entre intrants (figure 43) et produits, on s’aperçoit que les éleveurs sont très sensibles aux variations de ce dernier. Ce rapport détermine les conditions de rentabilité des activités de l’éleveur, et en conséquence les sommes investies dans les différents ateliers, y compris en terme de santé animale (Chilonda et Van Huylengroeck, 2001). Dans le cas d’un accès sécurisé au marché, l’achat de services et d’intrants vétérinaires par les éleveurs dépend directement de la rémunération du bétail, et plus précisément des termes de l’échange bétail/intrants (Vétérinaires Sans Frontières, 2000). Figure 43 : Le niveau des prix des intrants, en particulier celui des aliments du bétail, influence les processus décisionnels des éleveurs Les facteurs relatifs à la composition de l’offre et la demande en bétail et produits d’origine animale influencent également les décisions concernant la santé animale. Une baisse de la demande en bétail et produits d’origine animale et une diminution du niveau des prix n’incitent pas les éleveurs à allouer les ressources disponibles au troupeau. L’adoption de nouvelles technologies et la consommation d’intrants, y compris vétérinaires, en sont freinées (Chilonda et Van Huylengroeck, 2001). Enfin, la structure du marché des intrants et services de santé animale conditionne leur utilisation. Si des intrants tels que les médicaments vétérinaires et les services de santé animale ne sont pas disponibles, ou disponibles à des prix trop élevés, leur utilisation en est 136 limitée. Une des causes principales du faible recours aux services est la déficience de ces marchés. Cependant, les imperfections et défaillance des marchés des services tiennent souvent à des considérations institutionnelles, et en particulier − pour les services publics − à la volonté de l’Etat de les améliorer. C’est à ce titre, et en considérant que l’Etat est incapable d’assurer la maintenance et l’amélioration de tels services que la privatisation a été envisagée comme le moyen d’aboutir à une meilleure efficacité des services et éventuellement, à un coût total plus faible (Chilonda et Van Huylengroeck, 2001). (4)Les facteurs institutionnels L’environnement institutionnel dans lequel les éleveurs évoluent influence les pratiques d’élevage en général (Chilonda et Van Huylengroeck, 2001), et en particulier la gestion de la santé animale et le degré avec lequel les éleveurs sont en connexion avec le système vétérinaire. Les facteurs institutionnels se rapportent à la politique et l’organisation des services vétérinaires, les infrastructures, l’accessibilité aux services vétérinaires, les sources d’information et les possibilités d’extension de ces services. Parmi les facteurs institutionnels, la situation et les choix politiques interviennent dans la mesure où ils déterminent le degré d’implication du secteur public (ou au niveau d’implication du secteur privé) dans la fourniture des services de santé animale. Ces facteurs sont primordiaux dans la mesure où ils conditionnent le niveau des subventions attribuées au secteur de l’élevage, et aux intrants vétérinaires en particulier (vaccinations par exemple pour le Sénégal), le niveau de prix des produits de l’élevage, ainsi que d’autres mécanismes de régulation qui déterminent le recours aux services vétérinaires. Les facteurs institutionnels incluent aussi les politiques de crédit menées par l’Etat, qui constituent un élément important pour les stratégies des éleveurs en matière d’élevage, d’allocation des ressources disponibles aux différentes activités et d’utilisation des intrants vétérinaires. Les décisions politiques déterminent le schéma d’organisation de l’offre en services de santé animale, qui influe à son tour sur l’utilisation qui en est faite par les éleveurs. Face à une offre atomisée et complexe (docteur vétérinaire, ATE, auxiliaire, praticien traditionnel, etc.), l’éleveur raisonne en fonction de la disponibilité, la qualité du personnel vétérinaire, et la capacité de ce dernier de fournir un diagnostic et un traitement corrects (ce qui détermine le coût et l’opportunité de telles interventions). Les facteurs politiques déterminent aussi la présence et la qualité d’infrastructures telles que la présence de marché et de routes conduisant à ces derniers, les moyens de communication, ou encore les sources disponibles de produits et services vétérinaires. Toutes ces infrastructures sont des paramètres décisifs pour les décisions des éleveurs relatives à la gestion de la santé animale (Chilonda et Van Huylengroeck, 2001). Dans cet environnement institutionnel, les auteurs accordent une place prépondérante à des paramètres économiques particuliers, les « coûts de transaction ». L’économie des coûts de transaction appartient à la tradition de recherche de la mouvance dénommée « Nouvelle Economie Institutionnelle », qui s’est intéressée aux transactions entre les différents acteurs économiques. Les coûts de transaction sont définis comme les « coûts de fonctionnement du système économique » (Kenneth Arrow, 1969 ; cité par Williamson, 1994). Ils constituent « l’équivalent économique des frictions dans les systèmes physiques » (Williamson, 1994). Dans le domaine des services de santé animale, ces frictions peuvent être la distance géographique entre l’éleveur et le prestataire, la difficulté d’accès ou le coût des services. Les coûts de transaction constituent des obstacles à l’utilisation des services de santé animale et sont des variables très importantes du processus de décision. Par ailleurs, ces coûts diminuent lorsque le bénéfice que les éleveurs retirent des mesures de contrôle sanitaire augmente (Chilonda et Van Huylengroeck, 2001). 137 (5)La pression sanitaire La pression de la pathologie animale joue bien entendu un rôle majeur dans la gestion de la santé animale par les éleveurs. Nous avons vu précédemment les facteurs qui conditionnent les variations de pression sanitaire : conditions climatiques, systèmes d’élevage. Chilonda et Van Huylengroeck (2001) distinguent dans ces facteurs des paramètres intrinsèques à la population animale, et d’autres extrinsèques. Tous conditionnent les décisions prises par les éleveurs pour la gestion de la santé de leurs troupeaux. Parmi les déterminants intrinsèques on pourra citer les caractéristiques physiques ou physiologiques de l’animal hôte ou de l’agent pathogène. Des facteurs importants liés à l’hôte sont par exemple les sensibilités liées à l’espèce, l’âge ou le sexe. Ceux liés à l’agent pathogène incluent la virulence, le mode de transmission de la maladie et la relation hôte/agent qui est établie. Les facteurs extrinsèques à la population animale sont en rapport avec les paramètres environnementaux de la maladie, les facteurs climatiques tels que la pluviométrie, la chaleur, le vent, l’humidité … De plus, les facteurs environnementaux liés au système de production influencent aussi les interactions hôte/parasite, ce qui conditionne à son tour les décisions prises en matière de gestion de la santé animale. c)Une demande variable et des besoins diversifiés Une tentative d’évaluation de la demande potentielle en santé animale a été faite par la Banque Mondiale, en s’appuyant sur la notion de VLU (Veterinary Livestock Unit). Dans le principe, les VLU sont à la santé ce que les UBT (Unité de Bétail Tropical) sont à l’alimentation. 1 VLU correspond à une quantité donnée de soins vétérinaires. D’après la Banque Mondiale (De Haan et Nissen, 1985), 1VLU = 1 bovin = 1 chameau = 2 chevaux ou ânes = 2 porcs = 10 petits ruminants = 100 volailles. Dans une région donnée, l’importance de la demande en santé animale serait donc directement liée au nombre de VLU présentes. Dans la pratique, ce modèle trop simpliste n’est que partiellement opérationnel (Vétérinaires Sans Frontières, 2000). Outre le nombre d’animaux (ou de VLU), l’évaluation de la demande doit prendre en compte les stratégies des éleveurs en matière de santé animale. Parmi les différents facteurs décisionnels envisagés précédemment, certains semblent surdéterminants par rapport à la demande : la pression de la pathologie animale, les systèmes d’élevage et les conditions du marché et de la viande (Thomé et al., 1996). Les conditions du marché et de la viande varient dans l’espace (notamment en fonction de la proximité des centres urbains et des conditions d’accès au marché) et dans le temps. La pression sanitaire, elle, est géographiquement différenciée. Quant aux systèmes d’élevage, ils déterminent grandement les stratégies des éleveurs. Pour appréhender de manière globale les grandes tendances de la demande à l’échelle du Sénégal, on peut se baser sur les travaux de Woodford (2004) qui a synthétisé les besoins et les contraintes des éleveurs selon les grands types d’élevage. ● Dans les zones d’élevage très intensif, (élevages laitiers ou avicoles de la région de Dakar et de la zone des Niayes), la prévention et le contrôle des maladies se complique sous l’effet de l’intensification et de la concentration des animaux qu’elle implique. Les dépenses en santé animale sont basées sur une analyse coût/bénéfices. La demande en fourniture de services est importante, en quantité comme en qualité. De tels systèmes font appel à des compétences vétérinaires qui sont celles de vétérinaires qualifiés. 138 ● Dans les zones urbaines et peri-urbaines (villes secondaires), l’élevage tend à évoluer vers une intensification des productions. Ces élevages ont de plus en plus recours à des protocoles de vaccination réguliers, des conseils zootechniques, voire l’insémination artificielle. Dans les zones agricoles (Bassin arachidier, Sud du Sénégal), l’élevage est complémentaire voire intégré à l’agriculture. Ces agro-éleveurs disposent souvent d’une connaissance des maladies moins importante que les pasteurs. Cependant, ils sont capables de reconnaître les maladies les plus fréquentes affectant leur cheptel et souhaitent avoir accès aux médicaments « modernes » pour traiter leurs animaux. Dans ces systèmes, les coûts de transaction − distance physique et sociale vers le prestataire −, et l’accès de l’éleveur au marché déterminent le type de demande en services de santé animale. ● Dans les zones les plus sèches (zone sylvo-pastorale), l’élevage est souvent la seule forme de mise en valeur des ressources naturelles. La mobilité est un facteur important pour la survie. Dans de tels systèmes, la valeur individuelle des animaux est souvent faible, et le destockage des animaux relativement modeste. L’accès aux ressources, pâturages et eau, constitue la priorité absolue. La santé animale ne constitue pas pour eux une contrainte majeure. De plus, la pression des maladies est souvent, dans ce type de milieu, plus faible qu’ailleurs. Les pasteurs ont une connaissance des maladies extrêmement développée, et sont conscients de la valeur de certains médicaments « modernes », bien qu’ils manquent souvent d’informations sur leur utilisation. Cependant, le problème se pose principalement en terme d’accès aux services. La demande en services « professionnels » est généralement faible. Les besoins se tournent plutôt vers une formation pour une utilisation appropriée des supports vétérinaires « modernes », et une amélioration de l’accès à des services de base de qualité. Dans ces systèmes, la demande en services de santé animale est spécifiquement conditionnée par les coûts de transaction, distance physique et sociale. Quand les services deviennent accessibles aux pasteurs, les éleveurs savent très vite tirer bénéfice des interventions de santé animale. ● Ainsi, on pourra retenir que : - - les besoins en santé animale doivent être envisagés dans le cadre d’une analyse globale du système d’élevage. Le processus décisionnel en santé animale fait appel au concept de « stratégie » des éleveurs. les principaux facteurs décisionnels à l’échelle de l’éleveur sont : les caractéristiques propres aux éleveurs (objectifs, compétences), le système d’élevage (accès aux ressources naturelles, caractéristiques du troupeau, intégration au marché), les facteurs économiques (niveau des prix entre produits et intrants, relation offre/demande), les facteurs institutionnels, la pression sanitaire. les besoins et demande sont spatialement différenciés en fonction du type d’élevage pratiqué. Ainsi, l’évaluation de la demande est complexe. La « photographie » de cette demande que l’on pourrait obtenir par la seule prise en compte des densités de bétail n’est pas du tout révélatrice de la réalité des besoins sur le terrain. Pour mieux cerner ces derniers, il est nécessaire de prendre en compte les stratégies des éleveurs, qui sont elles-mêmes très dépendantes du système d’élevage pratiqué. Finalement, la demande en services de santé animale est complexe et diversifiée. L’éleveur de vaches laitières Prim’Holstein à Dakar n’a ni les mêmes besoins, ni les mêmes contraintes que le pasteur Peul du Ferlo ou que l’agriculteur de Casamance. 139 Face à la diversité de cette demande, on peut s’interroger sur les services offerts en retour. La question de l’offre se posait avant la privatisation de manière unique : elle était uniquement conditionnée par la répartition des agents publics. Avec la libéralisation des services de santé animale, on a vu que le réseau de prestataires s’était considérablement complexifié. Dans quelle mesure ce nouveau tissu d’intervenants permet-il de satisfaire ces besoins variés ? 2.La réponse potentielle aux besoins des éleveurs : une offre hétérogène Puisque l’on a vu que la différenciation spatiale était une clé importante des variations de la demande des éleveurs sur l’ensemble du territoire, on abordera également la problématique de la satisfaction de ces besoins sous un angle géographique. a)Vétérinaires privés : des praticiens urbains ? Pour l’année 2003, on a pu recenser 149 docteurs vétérinaires privés. Les enquêtes de Gueye ont montré que seulement 95 d’entre eux étaient effectivement en exercice régulier. La carte de répartition des vétérinaires laisse apparaître une répartition hétérogène de ces derniers sur l’ensemble du territoire (figure 44). Figure 44 : Localisation des vétérinaires privés au Sénégal (d'après ODVS, 2004) Plusieurs points méritent d’être soulignés. 140 Tout d’abord, le contraste ouest/est pour l’implantation des privés ; alors que l’ouest rassemble de nombreux vétérinaires, l’est semble « vide ». Ceci s’inscrit dans la tendance d’un espace sénégalais fortement polarisé par l’ouest. Ensuite, le déséquilibre entre la région de Dakar, qui concentre 38 des 95 vétérinaires en exercice, soit près de 40%, et les autres régions. Puis, une disparité entre les départements d’une même région ; l’exemple le plus flagrant est la région de Tambacounda, pour laquelle, le département de Tambacounda rassemble 6 des 8 vétérinaires, alors que Kédougou n’en possède aucun. Enfin, l’implantation des vétérinaires au sein des centres urbains. Alors que les villes de Dakar et Pikine, dont la population dépasse les 500 000 habitants, accueillent à elles seules 35% des vétérinaires, le reste des praticiens s’est installé dans les régions, mais préférentiellement dans des centres urbains, villes secondaires qui connaissent au Sénégal un essor important. Les petites et moyennes villes n’accueillent souvent qu’un seul vétérinaire. Seules les villes de plus de 50 000 habitants semblent pouvoir accueillir plus d’un vétérinaire : Kolda et Louga comptent 2 vétérinaires, Tambacounda, 5. Les vétérinaires sont installés dans des « grandes villes » (entre 100 et 500 000 habitants) à hauteur de 19%. Il est alors fréquent de rencontrer plusieurs cabinets vétérinaires dans la même ville : 2 à Kaolack, 3 à Mbour, 3 à Saint-Louis, 4 à Thiès. L’agglomération de Dakar, avec 26 vétérinaires, est selon certains considérée comme « surpeuplée » en vétérinaires. Derrière les disparités, c’est le choix et les préférences des vétérinaires pour leur lieu d’installation qui apparaît. En effet, le choix du lieu d’installation n’est pas réglementé. L’Ordre des vétérinaires n’intervient que pour réguler les installations en cas de « saturation », mais son rôle se limite à celui de conseiller. Pour tenter d’expliquer ces disparités, il est intéressant de mieux comprendre comment s’est opéré le choix des vétérinaires pour leur lieu d’installation. On se doute que pourront apparaître des facteurs « élevage », découlant d’une appréciation du marché potentiel et d’une évaluation de la rentabilité financière de leur activité, mais on s’attachera à ne pas oublier bien d’autres facteurs qui pourraient rentrer en ligne de compte. Lorsque l’on interroge les vétérinaires, spontanément, la première réponse est souvent « je suis de la région, ma famille est ici ». Cette dernière joue un rôle central dans le choix du lieu d’installation. Les vétérinaires s’attachent aussi à évaluer la demande potentielle. Même si ce paramètre n’est pas toujours clairement énoncé, il transparaît lorsque l’on nous dit s’être interrogé sur « les effectifs du bétail », « la présence d’un gros marché du bétail ». La « logique » des effectifs du bétail voudrait que les vétérinaires soient plus présents là où le nombre de tête de bétail est le plus grand. La réalité de la répartition est bien différente. Les régions de Kaolack, Saint-Louis et Tambacounda comptent le même nombre de vétérinaires privés (8) pour des effectifs et une demande potentielle sensiblement différents : entre 500 et 600 000 VLU40 pour les deux premières, contre près du double d’unités vétérinaires pour Tambacounda (900 000 VLU). On peut penser que par « effectifs » du bétail, les vétérinaires ont envisagé les effectifs globaux du département ou de l’arrondissement qu’ils envisageaient de couvrir, mais surtout la densité du bétail. Ils ont tout intérêt à intervenir dans une zone où le bétail est dense, et où la demande est relativement concentrée. Le type d’élevage rentre aussi en ligne de compte ; les privés se sont installés dans les zones où ils estimaient pouvoir trouver des éleveurs consommateurs d’intrants vétérinaires et solvables, les seules vaccinations obligatoires ne suffisant pas à gagner sa vie. Ils se sont installés préférentiellement là où ils estimaient pouvoir trouver des élevages plus utilisateurs de soins vétérinaires : près de Dakar (zone d’aviculture et d’élevage laitier plus intensif qu’ailleurs), dans la région de Thiès (aviculture) mais aussi dans le bassin arachidier, où se 40 VLU : Veterinary Livestock Unit, Unité de santé animale initialement proposée par la Banque Mondiale, qui permet d’évaluer la demande en services. 1 VLU= 1 bovin = 1 camelin = 10 petits ruminants = 2 porcins, chevaux, ânes = 100 volailles. 141 développe l’embouche ovine et bovine qui a fréquemment recours à des soins vétérinaires, ou dans la zone du fleuve où selon l’un d’entre eux, on « mise sur un accroissement de la demande lié à une intensification des productions animales, plus intégrées à l’agriculture ». La pression des maladies n’a que rarement été citée dans nos entretiens ; seul un privé installé à Sokone, à la limite de la zone de trypanosomiase, nous a dit avoir considéré ce facteur comme important dans le choix du lieu d’exercice. Les vétérinaires tiennent compte de la concurrence potentielle. Celle émanant du secteur public n’a en théorie pas lieu d’être, et peut se régler dans le temps en trouvant un terrain d’entente. La présence d’autres privés, agents et ingénieurs d’élevage principalement, est en revanche un facteur important évoqué par les vétérinaires. La concurrence du secteur informel, des praticiens occasionnels itinérants, des auxiliaires, mais surtout la présence dans la zone d’un circuit parallèle de distribution des médicaments peut décourager un vétérinaire de s’installer. On peut imaginer que c’est le cas à Touba (1 seul vétérinaire pour une ville de près de 300 000 habitants) et dans la région de Diourbel en général (3 vétérinaires seulement). Le choix du lieu d’exercice se fait presque toujours à la faveur d’un grand centre urbain. Pourquoi un tel attrait pour la ville, pour un métier en apparence rural ? Le regroupement des vétérinaires privés au sein des villes n’est pas un phénomène exclusivement sénégalais. Les mêmes tendances ont été observées dans différents pays d’Afrique. Plusieurs éléments d’explication peuvent être avancés. Tout d’abord, la ville rassemble des facteurs indispensables à l’exercice de l’activité vétérinaire, un accès aisé à l’eau et l’électricité. Mais on peut aussi penser que la ville constitue, pour des vétérinaires qui veulent toucher le plus grand nombre possible d’éleveurs, un lieu de convergence de la demande. D’abord, parce que la ville est aujourd’hui le siège d’un élevage intra et péri-urbain développé : élevage avicole, laitier parfois, mais aussi élevage de moutons de case. Les chevaux utilisés pour la traction urbaine constituent aussi une demande importante. En ville, les clients sont donc nombreux à être directement à proximité du vétérinaire. Ces éleveurs urbains, pour qui l’élevage constitue souvent une activité secondaire et spéculative, sont solvables et forts consommateurs de médicaments vétérinaires. La présence de cette demande urbaine permet pour les vétérinaires de pallier au caractère saisonnier de l’activité rurale et de maintenir un chiffre d’affaire suffisant tout au long de l’année. Ensuite, parce que la ville constitue un pôle de rassemblement des ruraux. Ceux-ci viennent régulièrement se ravitailler pour les biens de consommation courante, viennent accomplir des formalités administratives. Dans les villes où le foirail tient une place importante, nombreux sont les éleveurs qui viennent chaque semaine à l’occasion des marchés au bétail, même s’ils n’ont pas d’animaux à vendre. Les marchés sont un lieu majeur de rencontre et d’échange d’informations. Ces passages par la ville sont pour les éleveurs l’occasion de venir acheter les médicaments au vétérinaire, d’amener leur mouton en consultation, mais aussi de fixer un rendez-vous futur. Enfin, la ville présente bien d’autres avantages pour le vétérinaire. Elle permet d’assurer à sa famille, ses enfants, la présence d’infrastructures scolaires ou de santé facilement accessibles. Mais on peut aussi penser que la ville constitue le lieu de vie adéquat pour ces « docteurs vétérinaires », souvent issus de familles elles-mêmes urbaines, diplômés après 5 années d’enseignement supérieur à Dakar. La brousse, qui permettrait pourtant aux vétérinaires d’être au plus près de leurs éleveurs, serait-elle incompatible avec le statut de docteur vétérinaire ? Thomé et al. (1996) soulignent que la profession de vétérinaire, le titre de « docteur », la longueur et la difficulté des études, les sacrifices et l’espoir de la famille, sont autant d’éléments qui déterminent un statut. « Travailler en brousse, dormir dans les campements, et soigner les animaux dans des parcs sont des activités difficilement compatibles avec ce statut ». Cet attrait des vétérinaires pour la ville leur est souvent reproché ; on entend dire qu’ils sont « bien éloignés des réalités de l’élevage ». 142 b)Le réseau public, fruit de l’histoire Le réseau public s’est installé après les Indépendances, dès 1968 avec la création de la Direction de l’Elevage et des Industries Animales. On a pu voir que ce réseau s’appuyait sur le découpage administratif du Sénégal. Chaque région comporte une Inspection régionale des services vétérinaires, chaque département une inspection départementale. Les postes vétérinaires se sont distribués sur le territoire selon une logique administrative elle aussi (figure 45) : un poste pour chaque sous-secteur (correspondant aux arrondissements), auxquels se sont ajoutés des postes pour certaines localités « stratégiques », lieux de rassemblement du bétail ou nœuds sur les circuits de commercialisation. Le réseau public aujourd’hui est le produit de l’histoire ; l’héritage, la trame du réseau des années 1970 a été modifiée au cours du temps. Modifications au fil des remaniements administratifs, mais aussi à l’heure de l’ajustement structurel par des « maintiens par ordre dans affectation », où de nombreux postes ont été fermés, selon une logique qui visiblement échappe au raisonnement rationnel d’affectation du personnel en fonction des effectifs du bétail. Dans la lettre 41 qu’il adressait en 1990 au Président de la République du Sénégal, le Secrétaire général du Syndicat national des travailleurs de l’élevage soulignait : « on a constaté que la grande préoccupation du législateur a été de réduire d’un tiers l’effectif du service et l’on se doit de lui reprocher surtout de n’avoir pas tenu compte dans le choix des agents ni de la répartition géographique, ni de l’effectif réel par formation, ni même de la superficie parfois trop grande de certaines régions». Avec l’avènement de la privatisation, la distribution géographique des postes a été légèrement modifiée. Si les agents étaient tenus de ne plus exercer les soins vétérinaires là où s’installaient les privés, leurs postes n’ont le plus souvent pas été fermés. Les agents sont restés en place mais ont recentré leurs activités sur les fonctions régaliennes. Les postes vétérinaires sont répartis sur le territoire selon un gradient qui décroît d’ouest en est. Le réseau est dense dans le bassin arachidier, et dans la zone pastorale où de nombreux postes ont été ouverts à proximité des forages. Ils sont installés en zone rurale, le plus souvent dans le chef lieu de la communauté rurale. Cela permet une plus grande proximité avec les éleveurs, mais ne remplit que partiellement les « vides » laissés par les vétérinaires privés. Avec près de 300 communautés rurales, et seulement 136 postes, la couverture en zone rurale paraît aujourd’hui encore insuffisante. Les régions de Tambacounda et de Matam semblent une fois de plus bien peu loties. Déjà délaissées par les vétérinaires privés, elles ne sont que faiblement couvertes par le service public. 41 Thiendella Tanor Fall, Secrétaire général du Syndicat national des Travailleurs de l’élevage : Lettre au Président de la République du Sénégal, 18 juin 1990. 143 Figure 45 : Localisation des Services de l'élevage au Sénégal (D'après DIREL, 2004) Coly et Pfister (2004) soulignaient en que la répartition des postes du public pourrait faire l’objet d’un redéploiement de son personnel. Alors que certains agents avouent « s’ennuyer » sans clinique, et avoir des journées de travail bien peu remplies, on peut penser que le réseau public pourrait bien plus utilement collaborer avec le réseau privé, et que le public pourrait jouer son rôle en apportant une offre en services là où les privés sont absents. Cette fonction n’est que partiellement assurée aujourd’hui, et la question du redéploiement n’est apparemment pas à l’ordre du jour. La DIREL ne dispose à ce jour que d’informations erronées sur la répartition de ses postes. Les données remontent visiblement à la DIREL, mais la centralisation et la synthèse des informations, de même que leur circulation a l’air bien difficile. c)La répartition des autres privés La répartition des autres praticiens privés n’est que très mal connue. On avançait en 2003 le nombre de 151 agents et 54 ingénieurs installés à titre privé (Gueye, 2003). Ces estimations sont bien imprécises ; l’étude de Gueye ne nous dit pas d’où ont été tirées les informations. On peut s’imaginer qu’il s’agit de données récoltées à partir des autorisations d’exercer délivrées à la Direction de l’élevage. Dans ce cas, on peut penser que ces chiffres sont très supérieurs au nombre de privés installés dans un cadre légal : en effet, les autorisations ont été dénombrées mais le recensement n’est pas remis à jour, et la plupart des agents ne renouvellent pas leur demande d’autorisation. A partir de là, ils doivent être considérés comme hors du cadre légal d’exercice. 144 Le choix de la zone d’installation de ces privés fait intervenir des facteurs communs à ceux des docteurs vétérinaires (évaluation de la demande potentielle et de la rentabilité de l’activité). Mais on peut imaginer que ces privés sont plus présents en zone rurale ; souvent agents du public à la retraite, ils sont nombreux à exercer dans la communauté rurale qui les accueillait dans le poste public. Quant au secteur informel, aucune information n’est disponible. On peut imaginer qu’il s’est déployé préférentiellement là où l’offre officielle ne couvrait pas les besoins, ou encore là où ses acteurs rencontraient des conditions propices à l’exercice d’un commerce illicite de médicaments (zone de Touba, proximité des frontières, mauritanienne ou gambienne ….). 3.Une adéquation imparfaite entre offre et besoins en services de santé animale La demande, les besoins sont là, quels que soient la densité du bétail, la pression pathologique ou le système d’élevage. Mais cette demande est diversifiée et ne se porte pas toujours vers le même type de services. Quant à l’offre, elle est fortement hétérogène : les praticiens sont nombreux et de qualification variée. Ils pratiquent des prix très variables et sont localisés de manière très disparate sur l’ensemble du territoire. Mais que peut-on dire de l’adéquation entre la demande et l’offre en santé animale ? De quelle manière les besoins des éleveurs sont-ils couverts par le système actuel ? A l’échelle nationale, on peut avoir un premier aperçu de la couverture des besoins en examinant le rapport unités de santé animale (VLU) / professionnel vétérinaire. A l’échelle régionale, les disparités sont très marquées. Les ratios VLU/docteur vétérinaire varient de 1800 (Dakar) à 100 000 (Kolda). Quant au ratio VLU/professionnel vétérinaire (qui prend en compte les ATE et ITE), il passe de 800 (Dakar) à 10 000 (Louga) ou 16 000 (Tambacounda, Kolda). La figure 46 montre une différence nette entre les régions urbanisées, moins pauvres et bien pourvues en docteurs vétérinaires et professionnels de santé animale, et les régions rurales, moins bien pourvues. Le ratio VLU/professionnel vétérinaire varie dans le même sens que l’indice de pauvreté (IPH) ; plus une région est pauvre, moins elle dispose de professionnels pour soigner ses troupeaux. Paradoxalement, plus une région est urbanisée et plus elle compte de vétérinaires privés disponibles. 145 120000 100 96,6 90 103000 100000 80 VLU/DV (Unités de santé animale / Docteur vétérinaire) 70 80000 52,22 52000 42 55,85 49,11 76000 49000 47,3 51,66 68000 39,03 41500 44000 37,2 40000 29,4 21,8 17500 17,66 17,7 Indice de Pauvreté Humaine en 1999 14,5 10 7900 8600 16700 7800 7900 Zi gu in ch or Ko ld a Ka ol ac k 0 Fa tic k Sa in tL ou Ta is m ba co un da 10200 VLU/prof vet (Unités de santé animale / professionnel vétérinaire) Taux d'urbanisation en 2000 20 16000 7000 Lo ug a io ur be l 4700 D Th ie s ak ar 40 45500 22 1800 800 0 D 50 30 29,8 20000 60 % VLU 48,45 60000 62,36 58,76 57,09 Figure 46 : Ratio Unités de santé animale (VLU) / Docteur vétérinaire et VLU / Professionnel vétérinaire par région (D’après République du Sénégal, 2002 ; DIREL, 2004 ; ODVS, 2004). A l’échelle de l’éleveur, la satisfaction des éleveurs en terme de santé animale se décline en fonction de six grands critères (Thomé et al., 1996) : - La proximité, critère essentiellement géographique, renvoie au maillage du territoire par les prestataires de service. Un des indicateurs clé est la distance maximale à parcourir entre l’opérateur et l’éleveur. - La disponibilité, qui concerne aussi bien le personnel que le matériel et les médicaments. - La qualité, qui peut se définir par les compétences du personnel et les caractéristiques des produits disponibles. - La polyvalence, qui est un critère lié aux champs couverts par le service : diagnostic, soins, fourniture et administration des médicaments, formation à leur usage, etc. - Le coût. L’éleveur est intéressé au différentiel de coûts entre les différents prestataires, à la stabilité de ce coût et à sa compatibilité avec la rentabilité de son élevage. - La qualité relationnelle. Critère qualitatif, son importance n’est pas à négliger. La relation entre l’éleveur et le professionnel en santé animale n’est pas réduite à la prestation de service mais inscrite dans une relation humaine. 146 En zone urbaine et peri-urbaine, la réponse est a priori simple : les besoins des éleveurs sont majoritairement couverts. Les éleveurs proches des centres urbains disposent d’un docteur vétérinaire ou d’un agent d’élevage, proche de leur domicile, facile d’accès, disponible, prodiguant des services de qualité garantie par l’éthique de la profession. Ces éleveurs peuvent même profiter de la libéralisation en faisant jouer les règles du marché et de la concurrence pour faire baisser les prix et solliciter le professionnel de leur choix. La question se complique en zone rurale. Là, le maillage du réseau vétérinaire est plus lâche. Les vétérinaires privés en sont souvent absents. Quant au secteur public, il vient combler les insuffisances, mais il n’y réussi que partiellement. Si dans un cadre théorique, l’idée est d’offrir un poste vétérinaire et un agent par communauté rurale, les moyens de l’Etat sont limités. Seulement un tiers des communautés rurales sont dotées d’agents, agents qui travaillent souvent dans des conditions ne permettant pas de satisfaire la demande des éleveurs : pas de moyen de locomotion, faibles stocks de médicaments. Parallèlement, le réseau informel se déploie en un tissu d’organisation complexe et de qualité inégale. On peut penser que les distensions du maillage actuel, superposées à une demande bel et bien présente en zone rurale, jouent un rôle favorisant dans le développement de réseaux informels de services de soins aux animaux et de distribution de médicaments vétérinaires. La proximité, la disponibilité, la qualité ou encore le coût des services subissent de nombreuses variations que l’éleveur en zone rurale n’a d’autre choix que d’accepter. Au niveau de l’éleveur, le facteur limitant aujourd’hui pour la satisfaction des besoins en santé animale se résume à l’accessibilité dont l’éleveur dispose pour les services en question. L’accessibilité se définit comme le potentiel d’accès à un service. Elle est conditionnée par différents facteurs. Ces facteurs peuvent être considérés comme autant de coûts de transaction, d’obstacles qui limitent l’accessibilité aux services, et par conséquent l’utilisation de ces services par les usagers. ● La distance physique On s’interrogera ici plus particulièrement sur la distance géographique séparant le praticien et l’éleveur. De nombreux auteurs ont mis en évidence la place centrale de ce facteur comme déterminant de la consommation des services de santé animale. Woods (2003) a montré dans ses travaux au Zimbabwe que la distance physique entre un éleveur et le centre vétérinaire constituait un coût de transaction qui pouvait limiter le recours aux services vétérinaires. Au Zimbabwe, les éleveurs se situent souvent à une distance importante du centre vétérinaire ; lorsqu’un animal est malade, ils doivent parcourir une distance importante pour aller chercher le vétérinaire. Le problème du transport se pose doublement pour l’éleveur : pour aller chercher le vétérinaire au cabinet, puis pour faire venir celui-ci jusqu’au village. Le transport représente un coût financier, mais aussi un coût en temps perdu. Dans un système privé, le coût du transport du vétérinaire est à la charge de l’éleveur. Woods (2003) conclut que l’importance écrasante de la distance à travers son étude montre que les coûts de transaction liés au transport − en temps et en argent − réduisent non seulement la consommation des éleveurs en services, mais aussi l’offre en elle-même, les agents visitant moins souvent les villages les plus éloignés. Réduire le temps de transport vers les centres vétérinaires devrait à la fois augmenter la demande et l’offre en services vétérinaires. Koma (2003), en Ouganda, a montré que les éleveurs les plus proches des centres vétérinaires ont tendance à faire appel plus facilement au vétérinaire. Il semble cependant que la distance ne soit décisive dans la consommation de l’offre que lorsqu’elle est supérieure à un certain seuil, qui varie selon la région, le développement et la fonctionnalité des transports. Dans les zones d’élevage extensif, où la population est dispersée, la distance jusqu’au prestataire a un impact important sur la décision de faire appel 147 au vétérinaire ou non. Mais dans des zones où cette distance vers le prestataire est moins grande, ce facteur pèse moins dans le processus de décision et d’autres facteurs entrent alors en ligne de compte. C’est ce que semble confirmer l’étude d’Ahuja et al. (2003) en Inde : la distance n’intervient alors pas comme facteur limitant dans la consommation de l’offre, qui est plutôt déterminée par des paramètres liés à l’intégration des élevages au marché. Le transport a souvent été cité comme facteur limitant lors de nos entretiens en zone rurale. Les éleveurs parcourent souvent plus de 10 kilomètres pour aller chercher l’agent ou le vétérinaire à pieds, en charrette, ou avec des transports en commun rares et aléatoires. L’agent, s’il n’est pas véhiculé, se rend au village dans ces mêmes conditions de transport, mais à moindre coût. S’il est véhiculé, l’agent ou le vétérinaire facture à l’éleveur le prix du carburant, qui est souvent plus élevé que le total du prix des médicaments et prestations qu’il accomplira sur place. Les éleveurs développent des stratégies de contournement pour diminuer les frais de transport. Ils attendent souvent la période des vaccinations de masse pour soumettre au vétérinaire l’ensemble de leurs problèmes et faire soigner les animaux malades. D’autres éleveurs se regroupent pour partager le prix du déplacement. Enfin, souvent, ils attendent le jour du marché hebdomadaire, où ils se rendent en ville, pour aller chez le vétérinaire et acheter un traitement qu’ils administreront eux-mêmes. ● Les facteurs économiques Le prix des prestations est un facteur entrant dans le processus de consommation de l’offre. Mais ce coût est souvent couplé avec le coût des médicaments. La plupart des praticiens, quelle que soit leur nature, pratiquent un prix « global » et ne différencient pas coût du médicament et coût de la prestation. Le prix total ne semble pas décisif dans la consommation de l’offre : selon Ahuja et al. (2003), l’influence du prix des services sur la consommation n’est pas significative, même pour les éleveurs les plus pauvres. C’est ce que soulignait un éleveur dans nos entretiens : « le prix n’est pas trop cher tant que le médicament est bon ». Selon Ahuja et al. (2003), les revenus des éleveurs, même s’ils sont faibles, n’interviennent pas sur la consommation de l’offre ; si les éleveurs les plus riches font plus souvent appel au vétérinaire, c’est aussi parce qu’ils ont de plus grands troupeaux. Woods (2003), dans son étude au Zimbabwe, nuance ce point de vue et montre que les éleveurs les plus démunis ont moins fréquemment recours au vétérinaire parce qu’ils craignent des prix trop élevés. Selon Koma (2003), les éleveurs évaluent un coût approximatif pour le traitement de leur animal ; ils appellent d’autant moins le vétérinaire que ce coût est élevé. ● La distance sociale Ces facteurs ont été peu étudiés jusque là. Woods (2003) s’est intéressée à la question de « genre ». Partant du fait qu’au Zimbabwe, de nombreux éleveurs de moutons sont des femmes, elle pose l’hypothèse que la différence de « genre » est un facteur limitant la consommation de l’offre, et que la distance existant entre un prestataire homme et un client femme est réduite quand les deux protagonistes sont des femmes. Ses conclusions sont que les femmes vétérinaires ne sont pas plus efficaces dans la fourniture de services aux femmes éleveurs, et ceci parce que les facteurs sociaux interviennent de manière mineure dans les coûts de transaction, ou sont cachés par d’autres facteurs. Par contre, les hommes font moins appel aux femmes vétérinaires. La différence de statut social entre l’éleveur et le prestataire intervient dans le choix de l’éleveur, et peut intervenir comme barrière à l’utilisation des services. Alors que le docteur vétérinaire est souvent vu comme un « notable urbain », loin des réalités des éleveurs, l’agent de poste et plus encore, l’auxiliaire partage une grande proximité avec ces derniers, qui ont facilement recours à leurs services. Faisant partie de la communauté, l’auxiliaire est inséré 148 dans les réseaux sociaux. Selon Rebelle (1994), un éleveur mauritanien rapporte : « Pour nous, le meilleur vétérinaire, c’est l’auxiliaire, parce qu’il n’est pas au-dessus de nous. Il est à notre disposition. Nous n’avons pas besoin d’aller lui chercher une fourchette et une cuillère pour le faire manger, il nous offre le meilleur travail. Il se met dans les mêmes conditions que nous et il ose prendre des mesures ». Le système de santé animale au Sénégal, comme dans de nombreux pays africains, se trouve aujourd’hui confronté à de nombreuses disparités : disparité de l’offre (praticiens de compétences diverses, répartis sur le territoire de manière hétérogène), disparité de la demande (pression sanitaire variable, systèmes d’élevage variés, stratégies des éleveurs différentes). Malgré ces disparités, il doit relever un défi : celui de l’adéquation entre offre et besoins, et de l’accessibilité des services au plus grand nombre. La satisfaction de l’équité dans l’accessibilité se complexifie sous l’effet de la diversification et des mutations de l’élevage : le système doit être performant pour les élevages les plus intensifs et les plus exigeants en compétence, tout comme il doit assurer des services minimaux à tous les profils d’éleveurs et prendre garde à ne pas marginaliser encore plus les petits éleveurs ou les plus pauvres. L’enjeu de l’équité se pose à double titre (Domenech et al., 2004) : - d’un point de vue éthique, et dans un contexte politique de lutte contre la pauvreté, il est important de satisfaire les besoins de tous les types d’éleveurs. Permettre aux éleveurs les plus pauvres d’accéder aux services, c’est leur permettre d’accéder aux marchés certifiés. - du côté des services publics, l’accès des services au plus grand nombre permet de récolter plus d’informations à la base, de les faire remonter au niveau central ; la question de l’information ascendante est cruciale, notamment en terme de surveillance épidémiologique. Il ressort de cette étude que : - les vétérinaires privé sont implantés de manière disparate sur le territoire sénégalais : forte polarisation à l’ouest, concentration à Dakar, implantation en zone urbaine. le réseau public, fruit de l’histoire, manque de moyens mais pourrait être plus judicieusement déployé. les autres privés et le secteur informel comblent, on l’imagine, le vacuum laissé par le réseau officiel. Cependant, cette compensation n’est probablement que partielle et les données à ce sujet sont absentes. l’adéquation entre offre et besoins est finalement très imparfaite : l’accessibilité d’un grand nombre d’éleveurs aux services est réduite par des facteurs d’ordre géographique (distance physique), économique (coûts), ou sociaux. Permettre au plus grand nombre d’accéder aux services implique de repenser le système de santé, de manière à lever un certain nombre des barrières géographiques, économiques et socio-culturelles qui en limitent pour l’instant l’usage. Le système actuel ne peut pas satisfaire les besoins sur l’ensemble du territoire. L’accessibilité des éleveurs, ruraux notamment, aux services est limitée. L’amélioration du système passe par une réflexion sur la capacité de ce dernier à proposer une offre de proximité aux éleveurs, et plus particulièrement en zone rurale. 149 C.Les solutions alternatives 1.Une nécessaire évolution vers un système mieux ciblé et plus flexible Face à des besoins aussi diversifiés, le système de santé doit offrir des services adaptés et « ciblés ».Le système actuel ne permet pas de répondre aux besoins des éleveurs éloignés des centres urbains. Le réseau privé est pour l’instant limité aux zones proches des villes. Les possibilités d’extension de ce réseau semblent pour l’instant réduites, et ce notamment pour deux raisons. D’abord, les difficultés actuelles de financement des nouvelles installations. En ce qui concerne les ATE et ITE, les possibilités de crédit sont minces. Pour les docteurs vétérinaires, l’installation était auparavant financée à crédit par le PARC. Or la gestion des fonds, assurée par le comité de gestion du PARC doit depuis 1998 être transférée à un autre organisme, probablement l’ODVS. Cependant, les modalités de transfert n’ont pas été clairement définies : depuis 1998, les crédits sont bloqués. Le mouvement d’expansion des vétérinaires privés est aujourd’hui au point mort, et ce depuis 1998. Le deuxième facteur d’essoufflement des installations est lié à un seuil de saturation des possibilités de viabilité des cabinets. La rumeur court aujourd’hui parmi les vétérinaires que toutes les zones potentiellement rentables pour un vétérinaire privé sont déjà occupées. Dans ces conditions, s’installer à son compte revient à une prise de risques démesurée. Effectivement, la majorité des villes sont déjà pourvues en vétérinaires, les zones dites « à haut potentiel » sont parfois saturées, mais il semble que certaines zones soient encore susceptibles de faire vivre un vétérinaire. Même si cette rumeur ne traduit pas exactement la réalité de la géographie vétérinaire actuelle, elle s’appuie tout de même sur des fondements et des réalités économiques relatives à la démographie vétérinaire. Ainsi, les possibilités d’accueil d’un territoire pour les vétérinaires ne sont pas infinies, ni homogènes. Dans certaines zones, l’activité vétérinaire n’est ni rentable ni viable, et le réseau privé n’est pas toujours extensible à l’ensemble d’un pays. C’est ce qui a été démontré pour le Zimbabwe (Odeyemi cité par Ly, 2003). Au Zimbabwe, la santé animale est gérée à travers des centres vétérinaires localisés dans 63 villes. La majorité de ces centres est placée sous contrôle de l’Etat. Odeyemi a mené en 1996 une étude pour modéliser l’impact du retrait de l’Etat sur la viabilité économique de ces centres vétérinaires, ainsi que les effets sur la couverture sanitaire des troupeaux. Son modèle permet d’évaluer la viabilité économique d’un cabinet vétérinaire en comparant le budget minimum requis pour l’exercice des activités vétérinaires (appelé « veterinary coefficient » ou VC) aux revenus générés par ces activités. Le VC, coefficient vétérinaire, calculé au niveau national, inclut les coûts de transport ainsi que le salaire des vétérinaires privés. Les revenus potentiels du cabinet dépendent du nombre de tête de bétail présents dans la zone, de la distance entre le cabinet et les clients (soit en d’autres mots les coûts de transport), et du montant que les éleveurs sont prêts à dépenser pour la santé animale. Ces données sont combinées pour donner un index de viabilité de l’exercice (« Practice Viability Index », PVI), pour chaque centre. Il ressort de cette étude que, sur les 63 centres vétérinaires, seulement 38 seraient viables si l’Etat se retirait. Dans ce scénario, seulement 47% du cheptel national serait couvert par le suivi vétérinaire. Cette couverture serait inégalement distribuée, puisque 70% des troupeaux commerciaux seraient couverts, alors que moins de 36% des troupeaux communaux le seraient. Odeyemi et Setiono (cités par Ly 2003) ont appliqué le même modèle en Indonésie. Là aussi, les vétérinaires sont dans l’impossibilité de couvrir la totalité du territoire sans une aide de l’Etat à travers des subventions substantielles. De même, on peut penser qu’au Sénégal, l’activité d’un vétérinaire privé serait loin d’être rentable partout. A terme, la couverture du territoire par le réseau privé atteindra une saturation, et des zones resteront vierges. Un système de prestations assuré par le seul réseau de vétérinaires privés 150 n’est pas envisageable. Or, le réseau public souffre de moyens insuffisants et ne permet pas de combler les « vides », qui sont actuellement remplis par un réseau informel complexe. Il est alors intéressant de réfléchir aux alternatives envisageables. Au vu de l’impossibilité du système conventionnel à couvrir l’ensemble du territoire et de la demande, il faut repenser le système d’une manière rénovée, et se tourner vers un système de santé polymorphe et flexible, qui fasse intervenir une offre adaptée à des besoins variés. Face au constat qu’il a dressé, Odeyemi indique que le réseau des auxiliaires peut être un palliatif intéressant pour les zones non viables pour les autres professionnels. Selon lui, un des avantages des auxiliaires tient à leurs attentes plus faibles en matière de revenu et au fait que pour eux les revenus générés par les activités vétérinaires ne sont qu’un « bonus » venant compléter les revenus générés leurs autres activités. La Banque Mondiale, dès 1994, soulignait le rôle à tenir pour les auxiliaires. Toutes les études s’accordent autour de l’importance des auxiliaires pour la fourniture des services vétérinaires, en particulier dans les zones délaissées par le réseau privé. Sur la base d’un système de santé intégrant un réseau d’auxiliaires, Woodford (2004) propose quatre schémas d’organisation des services qui peuvent être intégrés au sein d’un même système, en fonction des besoins des différents types d’élevage. Les deux premiers modèles, destinés à répondre à la demande des élevages intensifs et des élevages semiintensifs des zones urbaines ou périurbaines, font appel au système conventionnel de docteurs vétérinaires et paraprofessionnels diplômés. Pour les zones agro-pastorales ou pastorales non desservies par le système « classique », où la demande n’est pas satisfaite, Woodford propose un schéma basé sur un réseau d’auxiliaires de santé animale, supervisé par un vétérinaire ou un para-professionnel diplômé. Le système de Woodford combine plusieurs modèles faisant appel à des professionnels, paraprofessionnels et auxiliaires. Les combinaisons possibles et surtout l’articulation entre les différents modèles permet d’offrir sur l’ensemble du territoire et pour chaque type d’élevage un service mieux ciblé sur les besoins réels. La flexibilité et le caractère évolutif sont par ailleurs des éléments importants du système de santé, qui devra s’adapter aux mutations de l’élevage. Déjà présents dans de nombreux pays africains, les auxiliaires de santé animale apparaissent aujourd’hui comme un élément majeur du réseau de soins aux animaux. Souvent mis en place sur l’initiative des ONG, ils ne sont que partiellement intégrés au système en place. Cependant, les grandes institutions internationales reconnaissent maintenant leur importance pour le développement des services de santé animale et prônent une meilleure utilisation de ces précieux acteurs. Selon Blanc et al. (2003), le recours au système des auxiliaires plutôt qu’au système conventionnel est conditionné par la demande, placée sous l’influence de différents facteurs qui déterminent ensemble les zones de prédilections des auxiliaires. L’importance de la demande en services est d’abord fonction de la possibilité et du temps nécessaire pour rentabiliser le coût de l’intervention. Ce coût étant d’autant plus élevé que la distance est grande entre le fournisseur de services et l’animal et entre le lieu où le médicament est disponible et celui où il est administré, le recours à un auxiliaire plutôt qu’à un professionnel est naturellement justifié en proportion de l’éloignement des services classiques disponibles. Il sera donc plus fréquent dans les zones de faible densité d’élevage, dans les zones d’élevage extensif et dans les zones difficiles d’accès soit du fait des difficultés de communication, soit du fait de l’insécurité. A ces facteurs physiques, géographiques, climatiques et politiques s’ajoutent, des facteurs économiques (incapacité financière ou plus souvent absence de disponibilités monétaires). Cette faiblesse économique, combinée avec les facteurs sociologiques peut être interprétée comme la cause d’une demande préférentielle pour les services des auxiliaires, même dans les zones d’agriculture mixte à fortes densités de population et d’animaux où se pratiquent certaines formes d’élevage intensif (travail, lait). 151 On retiendra donc que : - le réseau privé est insuffisant et n’est pas extensible à l’ensemble du territoire sénégalais. il faut se tourner vers un système polymorphe et plus flexible. face à des moyens limités, les auxiliaires sont une alternative envisageable qui a fait ses preuves. Leur intégration dans le système peut se faire selon différents schémas, variables en fonction de la demande. 2.L’approche « santé animale de base » a)Principes L’approche « auxiliaires » s’insère en fait dans un cadre plus large, qui est celui du concept de « santé animale de base ». Ce type d’approche n’est pas nouveau. Le concept d’auxiliaire d’élevage a été redécouvert seulement dans les années 1980 et décrit comme le moyen de pallier l’insuffisance grandissante des services de santé animale (Blanc et al., 2003). En 1984 et 1985, pour répondre aux carences des systèmes, et permettre une meilleure couverture des besoins des éleveurs et des gouvernements en matière de lutte contre les maladies animales, les séminaires de Bujumbura (GTZ/IEMVT/CTA, 1984) et Blantyre (GTZ/CTA/ODA, 1985) recommandaient l’adoption d’un « nouveau concept » : - partir des besoins, des intérêts et des priorités des éleveurs et de leurs familles qui seront associés étroitement à ce qui les concerne ; - favoriser l’organisation des communautés d’éleveurs en associations, coopératives et groupements de producteurs ; - promouvoir l’émergence d’une structure de santé animale de base, intermédiaire entre les services vétérinaires et les éleveurs, apte à exprimer et à satisfaire les besoins de ces derniers ; - aider à l’implantation d’entreprises privées dans le domaine vétérinaire (clientèle, pharmacies, etc...) ; - introduire le paiement des intrants par les bénéficiaires … et améliorer la viabilité des actions. On peut aisément constater que l’énoncé de ces principes simples d’intervention pour le développement de services de santé animale de base porte en lui les prémices des méthodologies et philosophies plus ou moins complexes développées par la suite sous le label « participatif », qui est aujourd’hui utilisé communément pour désigner les modalités d’action à tous les niveaux des systèmes existant de santé animale de base dans la quasi-totalité des projets qui les supportent. Le concept de participation communautaire trouve son origine, d’après Catley et Leyland (2000, cité par Blanc et al., 2003), immédiatement après la seconde guerre mondiale, dans la théorie développée dans les pays occidentaux selon laquelle les écarts technologiques, puis les écarts en terme de ressources étaient identifiés en tant que contraintes majeures du développement. L’évolution de ces idées justifia par la suite l’évolution des politiques de développement suivies par les principaux bailleurs de fond. Les analyses rétrospectives de projets réalisées dans les années 1990 concluaient que les bénéfices du développement en Agriculture avaient plus de chances de se pérenniser si la participation communautaire se traduisait par une participation interactive (échange de connaissances) et la mobilisation (action collective). Une telle approche sous-entend des changements dans les attitudes 152 professionnelles marquées par la volonté d’apprendre au contact des populations rurales plutôt que de se contenter d’imposer des solutions techniques. Elle implique aussi la recherche d’une compréhension d’ensemble, plutôt que sectorielle, des problèmes des communautés qui les composent. Ce type d’approche se fonde sur l’utilisation de membres des communautés d’éleveurs pour assurer à travers eux des services simples, mais répondant aux contraintes prioritaires de ces communautés. L’obtention de données nécessaires pour déterminer les priorités ressenties passe par un échange d’informations entre les communautés et les techniciens, et dont les principes sont clairs : - construire sur les connaissances des éleveurs ; - les amener à exprimer leurs besoins prioritaires et à discuter les techniques et moyens dont ils disposent pour les satisfaire ; - encourager l’usage des systèmes traditionnels de gestion et d’organisation - apprécier le niveau de cohésion et de responsabilités au sein des communautés - développer les capacités de programmer des actions et d’en apprécier les résultats ; - apporter des éléments de gestion et des éléments techniques utiles à la résolution des problèmes identifiés. Ces principes de participation communautaire sont aujourd’hui considérés comme le moyen le plus sûr pour que les communautés visées adhèrent aux objectifs qu’ils auront été encouragés à définir eux-mêmes. Selon Blanc et al. (2003), ce type d’approche communautaire devrait permettre de pallier les performances insuffisantes des gouvernements et du secteur privé à fournir les services et permettre de faire face à la variété des situations, en particulier en matière d’accessibilité, de sécurité ou de rentabilité de l’activité vétérinaire Le concept de participation des communautés dans l’amélioration des services de santé animale a été mis en œuvre et des auxiliaires de santé animale formés dès le début des années 1980 à l’initiative des gouvernements et des bailleurs de fonds tels que la Banque Mondiale au Niger en 1983 et au Sénégal la même année (Projet de Développement de l’Elevage au Sénégal Oriental, PDESO). Les modalités d’intervention auprès des communautés d’éleveurs et le rôle des auxiliaires de santé animale ont ensuite été développés, affinés et mis en œuvre par diverses ONG, au premier rang desquelles Vétérinaires Sans Frontières-France (VSF) qui les introduisirent successivement en Guinée en 1985, au Niger en 1986, puis au Guatemala en 1987, au Mali et Togo en 1988, au Cambodge et Honduras en 1991 et enfin au Nicaragua et en Bolivie. En Afrique de l’Est, les principes de participation communautaire trouvent leur origine dans les projets initiés après la sécheresse de 1979-1980. Ce sont encore les ONG qui, motivées par l’absence de services officiels dans certaines zones, se sont montrées particulièrement actives. La conceptualisation de l’approche de participation communautaire a été développée et affinée sur ces bases à partir de 1990 d’abord dans le cadre de projets de recherche, puis avec le support de projets gérés en coopération avec l’OUA/IBAR (projets PARC puis PACE, CAPE : Community-based Animal Health and Participatory Epidemiology, depuis 2001 ; Blanc et al., 2003). Il est à noter que l’intérêt porté aux auxiliaires de santé animale par le programme PARC était surtout lié à la nécessité d’intervenir, pour atteindre son objectif d’éradication de la peste bovine, dans les zones difficiles d’accès où la maladie persistait du fait de l’incapacité d’intervention des services classiques de santé animale. C’est en partie ce qui explique l’intérêt porté, ces dernières années, sur le développement de systèmes d’alerte précoce fondés sur la présence d’auxiliaires et les efforts développés pour démontrer l’efficacité des techniques participatives dans le contrôle et la surveillance des maladies épizootiques dans certains écosystèmes. 153 L’importance prise par cette approche, notamment via les services de santé animale fournis par les auxiliaires, dans le dispositif de protection national contre les maladies du bétail est très variable selon les pays. Alors que des pays ont intégré la santé animale de base dans leur dispositif de lutte contre les maladies et/ou leur politique de développement sectorielle (Népal, Tchad), que d’autres appuient directement la constitution d’associations d’utilisateurs ou de fournisseurs de services de santé animale de base (République Centrafricaine, Guinée, Haïti, Guatemala), le Sénégal fait partie des pays « observateurs » des systèmes de fourniture de services de santé animale de base (Blanc et al., 2003). Le concept de participation des communautés dans l’amélioration des services de santé animale a été mis en œuvre et des auxiliaires de santé animale formés dès 1983 au Sénégal, via le PDESO. Dans ce pays, bien que les initiatives de mise en place en santé animale de base aient fini par remporter la conviction de nombreux responsables, de telles approches n’ont pas encore pu s’imposer au niveau politique comme modalité viable et pérenne de l’amélioration de la santé animale. Les principaux avantages des ces systèmes, et les problèmes à prendre en considération ne se déclinent pas de la même façon selon que l’on se place du côté de l’éleveur, normalement le premier bénéficiaire de ces services, ou du côté de l’Etat, qui pour responsabilité le contrôle des maladies animales et la salubrité publique. Sous l’angle de l’éleveur, parmi les changements positifs induits par la présence d’auxiliaires, on peut noter la proximité d’un fournisseur de services membre de la communauté avec lequel il est facile de communiquer quand un animal est malade. On peut relever les bénéfices qu’il retirera de la disponibilité de médicaments de qualité reconnue, car fournis ou recommandés par des professionnels, le service officiel ou le projet partenaire de la communauté, dans l’environnement immédiat du lieu où se trouvent les animaux. Pour le secteur public, la présence d’auxiliaires sur le terrain va permettre d’accélérer les politiques d’ajustement en cours et particulièrement le retrait progressif de l’état des activités de services sans risquer de laisser les éleveurs dépourvus de ces services. Elle va aussi permettre de s’assurer que les communautés d’éleveurs pourront disposer de services dans les zones où les services vétérinaires ne pouvaient intervenir et où l’intervention des professionnels privés en santé animale n’est pas rentable, et d’étendre le champ géographique des activités de surveillance des maladies contagieuses et épizootiques. b)La méthode d’intervention : formation d’auxiliaire ou formation de masse des éleveurs ? Une étude de cas (Blanc et al., 2003) de mise en œuvre de services de santé animale dans 23 pays montre qu’il existe, en matière de santé animale de base, en fait trois approches différentes, qui peuvent être complémentaires : - la formation d’auxiliaires (21 pays) ; - la formation de pharmaciens de groupements (Burundi et Madagascar) ; - la formation de masse des éleveurs (au niveau national en République centrafricaine et Guinée). Trois pays mettent en œuvre une approche mixte (Guinée, Madagascar et Tchad). Le choix entre les deux pôles principaux, formation d’auxiliaires ou formation de masse des éleveurs, répond à un ensemble de critères liés au milieu, au système d’élevage, et à la mobilité. 154 (1)La formation d’auxiliaires Dans les villages d’agro-éleveurs, où l’on rencontre par exemple des bœufs de traction, des troupeaux de capitalisation, de l’embouche ovine ou bovine sur quelques têtes et où les animaux sont concentrés dans des villages accessibles à tout moment et ne transhumant pas, la formation d’auxiliaires de santé animale peut s’avérer judicieuse. La concentration de cheptels stables, en villages, peut permettre à cet auxiliaire d’être efficace parce que présent sur place quand un épisode pathologique survient et apte à mettre en œuvre une thérapeutique immédiatement. D’autre part, ce n’est qu’avec un nombre de cas à traiter assez important qu’un auxiliaire peut y trouver un avantage financier assez motivant et un rôle social valorisant. L’action de ces auxiliaires en santé animale peut toucher les aspects sanitaires dans les domaines préventifs et curatifs et éventuellement s’étendre aux aspects production animale sur des thèmes d’alimentation et de conduite d’élevage. Ce type d’auxiliaire peut être lié à un groupement en tant que pharmacien ou lié à un docteur vétérinaire en tant que membre de son réseau de diffusion des soins sous son contrôle, ou à une association d’auxiliaires (Blanc et al., 2003). (2)La formation de masse des éleveurs La formation de l’éleveur devient d’autant plus à privilégier que le système d’élevage est de type pastoral transhumant. Dans ce type de milieu, le système de l’auxiliaire devient moins efficient pour plusieurs raisons (Blanc et al., 2003) : - - - - la dispersion : pour les pasteurs des zones de savane, le système d’élevage demande le plus souvent un habitat dispersé qui se traduit sous la forme de campements. Les déplacements sont longs dans ce milieu et les éleveurs, isolés, traitent par eux-mêmes leur bétail. la mobilité : la transhumance a deux composantes, une temporelle et une spatiale. Pendant cette période, les éleveurs sont loin de leur point d’attache, loin de la pharmacie comme de l’auxiliaire. le professionnalisme : les connaissances des pasteurs professionnels sont très étendues, qu’il s’agisse de la reproduction, de la conduite au pâturage ou de la santé animale. La connaissance des pathologies est particulièrement précise et les diagnostics le plus souvent pertinents. Ainsi, ils ont toujours traité eux-mêmes leur bétail, soit avec les produits de la pharmacopée traditionnelle, soit avec les produits vétérinaires modernes. Cependant, c’est surtout au niveau de la posologie des produits vétérinaires que se trouve la limite de leur compétence. la coutume : en milieu pastoral, il est difficile pour un « étranger », même s’il est éleveur, de venir traiter le bétail d’un autre éleveur. Les pratiques de soins du bétail ne se font qu’entre parents très proches pour des raisons sanitaires (éviter au maximum les contaminations entre troupeaux) et sociologiques. l’éloignement et l’inaccessibilité : l’absence de moyens rapides de communication et de déplacement, ainsi que l’inaccessibilité des zones à certaines époques, rendent les tournées chez les pasteurs difficiles et souvent non rentables, pour un vétérinaire comme pour un auxiliaire. Tous ces facteurs se combinent et font que dans un habitat dispersé et en élevage pastoral transhumant, un auxiliaire d’élevage ne pourra que difficilement apporter tous les services qu’on attendrait de lui. 155 On constate donc qu’il n’existe pas une façon unique d’apporter la santé animale au plus près des animaux, que les conditions du milieu jouent un grand rôle ainsi que les systèmes d’élevage, leur caractère sédentaire ou transhumant, dispersé ou concentré. Les espèces animale élevées jouent aussi un rôle important et parfois même les races (bovins trypanotolérants) car la pression pathologique sur ces animaux, de même que leur densité vont jouer pleinement sur la santé animale, sur l’urgence dans la mise en oeuvre des traitements et sur le choix de la meilleure façon d’y répondre, formation d’auxiliaires et/ou formation de masse des éleveurs. Il n’y a pas en effet opposition entre les deux concepts, mais complémentarité. Les deux formules ne touchent pas les mêmes cibles, ne répondent pas aux mêmes besoins ni aux mêmes attentes et à l’échelle nationale (en Guinée par exemple), les deux systèmes de complètent car il y a souvent cohabitation de plusieurs systèmes d’élevage dans un même lieu (Blanc et al., 2003). c)Efficacité et pérennité des systèmes alternatifs Plusieurs études en Afrique se sont interrogées sur l’efficacité de ce type de système « alternatif ». On ne dispose pour l’instant que de peu d’informations à ce sujet pour le Sénégal. Dans l’idée d’appréhender l’efficacité et la pérennité de tels systèmes, on se basera sur des études de cas établies dans plusieurs pays, et reprises par Blanc et al. dans leur étude (2003). Des études qualitatives permettent d’apprécier le niveau de satisfaction des éleveurs. Quant aux études quantitatives, elles présentent souvent des chiffres probants mais doivent cependant être considérées avec prudence : elles sont souvent conduites dans le cadre d’une auto-évaluation et peuvent parfois manquer d’objectivité (Blanc et al., 2003). (1)Amélioration de la santé animale Les activités développées au Sud Soudan depuis 1993 représentent sans doute un des exemples les plus convaincants, notamment pour la vaccination, de l’efficacité des systèmes de santé animale communautaire. Dans cette large zone dépourvue d’administration de l’élevage, l’utilisation d’auxiliaires de santé animale par une douzaine d’ONG coordonnées par l’opération Ligne de Vie du Soudan - secteur Sud (Operation Lifeline Sudan – Southern Sector ou OLS-SS) a permis d’assurer la fourniture, non seulement de services de vaccination, mais aussi des traitements de base des principales maladies. Elle a aussi permis d’assurer que l’approche communautaire de la santé animale dans un système agro-pastoral dépendant de l’élevage pour la sécurité de son alimentation est une méthode viable pour la fourniture de services de santé animale de base. En revanche, les systèmes mis en place ne peuvent être considérés comme pérennes du fait des recouvrements de coûts très variables utilisés par les divers programmes intervenant et du soutien financier massif injecté dans l’opération par de nombreux intervenants (Jones et al., 1998). L’exemple du Guatemala est aussi indirectement démonstratif de l’efficacité de l’activité des auxiliaires de santé animale et, dans ce cas, également de leur pérennité. Le projet VSF, dans cet exemple, a encouragé la création d’une association d’auxiliaires (Associacion de los promotores pecuatios de Ixcan) et la prise en charge des approvisionnements en médicaments par celle-ci. Plus de dix années après la fin de l’opération VSF, l’association existe toujours et les promoteurs en sont toujours actifs, ce qui signe la satisfaction des éleveurs qui font appel à eux et par là un effet reconnu positif sur la santé des animaux (VSF, cité par Blanc et al., 2003). Les résultats chiffrés les plus parlants ont été obtenus à l’aide d’une étude socioéconomique réalisée en parallèle sur trois sites du Kenya, de Tanzanie et des Philippines qui 156 s’est attachée à comparer les conditions d’élevage chez différents groupes d’éleveurs ayant accès ou non aux services d’un auxiliaire de santé animale. La méthodologie de l’étude est détaillée en Annexe IX. Les résultats obtenus montrent que l’auxiliaire semble avoir un impact significatif sur le niveau des mortalités du bétail puisque, sur les trois sites étudiés, les taux de mortalité des petits comme des grands animaux étaient en moyenne réduits de moitié dans les villages ayant accès à un auxiliaire (tableau 5). Tableau 5 : Taux de mortalité moyens dans les exploitations ayant accès ou non à un auxiliaire (d’après IDL Group et McCorkle, 2003) Philippines Kenya Tanzanie Bovins 3% 19 % 15 % Sans auxiliaire Petits ruminants 12 % 22 % 25 % Bovins 0% 11 % 9% Avec auxiliaire Petits ruminants 6% 7% 17 % (2)Accessibilité, disponibilité et consommation des produits vétérinaires La consommation de produits vétérinaires de qualité reconnue pourrait être un critère parlant de l’efficacité, en termes de niveau d’activité des auxiliaires de santé animale, si l’approvisionnement en était toujours maîtrisé et contrôlé. En outre, la disponibilité volontaire des auxiliaires de santé animale à remplir leur rôle et donc la pérennité de leurs services dépend en partie non négligeable des bénéfices qu’ils en tirent, eux-mêmes souvent étroitement liés au volume des ventes pratiquées. Enfin, les consommations en médicaments, bien que le plus souvent considérées par les éleveurs comme facteurs de coût plutôt que facteurs de production sont naturellement liées en partie aux systèmes d’exploitation pratiqués, à la pression pathologique dans les zones fréquentées par les animaux et aux possibilités de commercialisation des produits de l’élevage. Il s’ensuit que les dépenses par tête peuvent varier selon un gradient considérable et tendent à être d’autant plus élevées que l’élevage est intensif et la vente des produits facile et régulière tandis qu’elles sont d’autant plus faibles que l’élevage est extensif et les marchés éloignés et incertains. Ces différents facteurs sont normalement à prendre en compte pour juger de l’importance de l’auxiliaire de santé animale dans l’exécution de cette fonction de distribution. Le cas de la Centrafrique est particulier par le fait que les éleveurs ont été encouragés, depuis le début des années 1980, à se regrouper en Groupements d’Intérêt Pastoral (GIP) euxmêmes représentés au niveau national par une Fédération (FNEC). La structure a été complétée ultérieurement par des fédérations régionales intermédiaires (FELGIP), constituant une structure pyramidale représentative fondée en principe sur des bases démocratiques, destinée à défendre les intérêts des éleveurs et assurer leurs approvisionnements les plus vitaux. Ceux-ci concernent en premier lieu les médicaments vétérinaires et les intrants qui sont achetés en gros (et donc à meilleur prix) par la FNEC et distribués par elle jusqu’aux GIP où les éleveurs peuvent s’approvisionner. En République Centrafricaine, les dépenses annuelles en matière de santé animale ont été étudiées en détail par des enquêtes socio-économiques en 1990 auprès de 200 familles d'éleveurs Mbororo. Les dépenses familiales annuelles en produits vétérinaires sont estimées en 1990 à 732 Euros pour un troupeau moyen de 125 bovins. Pour l'ensemble des 17500 familles d'éleveurs, les dépenses en produits vétérinaires peuvent ainsi être estimées à 12,8 millions d'Euro. Au même moment, le chiffre d'affaires des produits vétérinaires de la Fédération 157 Nationale des Eleveurs Centrafricains est de 10,4 millions d'Euros. On peut donc conclure que la Fédération couvre 81 % des besoins des éleveurs au niveau national. Le reste des achats est effectué auprès des autres intervenants privés. Grâce à la structure FNEC centrale d'achat, aux 25 Dépôts régionaux et aux 175 Groupements en 1990, l'approvisionnement en produits vétérinaires est résolu au niveau national, au prix le plus bas possible, en permanence, à proximité des éleveurs et avec une qualité garantie (Blanc et al., 2003 ; Thomé et al., 1994). Une des conclusions de l’étude réalisée au Kenya, en Tanzanie et aux Philippines par IDL Group et McCorkle (2003), est que la présence d’un auxiliaire a tendance à faire baisser de façon notable la fréquence avec laquelle les éleveurs font appel à d’autres fournisseurs de médicaments présents dans leur environnement (de 3,61 à 2,1 par an au Kenya, de 2,68 à 0,86 en Tanzanie). Ce résultat est probablement à attribuer à une meilleure connaissance de l’usage des médicaments les plus courants que détient normalement l’auxiliaire et à une baisse des gaspillages dus à l’usage de médicaments mal connus et mal maîtrisés. Dans nombre de pays, la multiplicité des intervenants et des projets tend à créer, en l’absence de coordination des systèmes d’intervention, des disparités entre les types de produits et les niveaux de prix qui sont préjudiciables à la pérennité des circuits de distribution mis en place. Dans ce domaine, la faiblesse ou la non application des législations spécifiques et le laisser aller qui entoure la distribution des médicaments vétérinaires est souvent la cause de préjudices importants pour les éleveurs (qui risquent de se faire vendre des produits périmés, de mauvaise qualité ou frauduleux) et pour les auxiliaires de santé animale pour lesquels la qualité des médicaments et leur efficacité sont des facteurs importants de leur notoriété comme de leurs revenus potentiels. Enfin, il existe peu d’exemples où les structures à qui ont été confiés l’approvisionnement et la distribution ont su totalement éviter des ruptures de stock dramatiques pour les éleveurs et dommageables à la crédibilité des systèmes de distribution et donc des auxiliaires qui en font partie en tant qu’intermédiaires (Blanc et al., 2003). (3)Surveillance et prévention des maladies contagieuses Cette fonction a toujours figuré parmi les rôles espérés des auxiliaires de santé animale, même quand ceux-ci n’étaient pas clairement exprimés au départ. Outre le fait que, dans l’utilisation de médicaments courants, notamment les antiparasitaires, la formation insiste souvent sur la prévention, toutes les opérations étudiées, à de rares exceptions près, ont prévu la participation des auxiliaires de santé animale aux activités de vaccination, soit dans le cadre de campagnes saisonnières sous la supervision d’agents des services vétérinaires, soit comme l’une des activités à eux attribuées, et les ont formé à cet effet. Les activités de vaccination constituaient même, pour certaines opérations une des motivations essentielles de la formation et de la mise en place d’auxiliaires. Le Sud Soudan demeurait au début des années 1990, une des principales zones d’Afrique de l’Est où la peste bovine était considérée comme endémique et il devint évident, pour les ONG chargées d’améliorer la sécurité alimentaire des communautés affectées par la guerre que la lutte contre cette maladie constituait un facteur important pour les populations concernées constituées en grande partie d’éleveurs pastoraux. Une approche basée sur les communautés fut donc développée qui s’est concentrée sur la formation de travailleurs de santé animale issus de ces communautés à la vaccination des bovins contre la peste bovine et au traitement des affections courantes. Le succès de ce programme de vaccination de masse, réalisé en collaboration avec le programme PARC, a contribué à l’effort global d’éradication de la peste bovine et s’est révélé une réussite puisque, depuis 1998, la région n’a connu aucun nouveau foyer confirmé de peste bovine. A ce stade, l’éradication de la maladie suppose l’arrêt de la vaccination de masse et une période d’observation active destinée à détecter l’éventuelle 158 réapparition de la maladie et assurer le traitement rapide des derniers foyers. La rapidité et l’efficacité de la détection dépendent alors de la qualité des relations avec les communautés qui jouent alors le rôle de sentinelles actives pour le compte du programme d’ensemble. Ce passage d’une stratégie fondée sur des vaccinations régulières, reconnues pour leur efficacité par les bénéficiaires, à un arrêt total des vaccinations nécessaires à la phase de surveillance n’est cependant pas aisé et comporte le risque que les communautés concernées perdent confiance et réduisent leur coopération. Il semble que ce risque ait pu être minimisé au Sud Soudan grâce à un effort de communication fondée sur des matériels et des messages adaptés aux communautés. Il y aurait aujourd’hui environ 1 400 auxiliaires de santé animale actifs dans la région du Sud Soudan, qui fourniraient un accès à des soins de base à prés de 80 % des éleveurs de la région. Ces auxiliaires ont assuré depuis 1993 plus d’un million de vaccinations annuelles contre la peste bovine (utilisation de vaccins thermostable) ainsi que des nombres croissants d’autres vaccinations et des traitements divers du bétail, des petits ruminants et des volailles. Des indicateurs incontestables de l’effectivité des vaccinations sont d’une part le taux de séroconversion obtenu de 76 %, qui se compare favorablement aux taux de 50 à 85 % réalisés dans des campagnes de vaccination classiques, et surtout d’autre part, le recul, puis la disparition de foyers vérifiés de peste bovine, qui sont passés de 12 en 1993 à 2 seulement en 1998. Début 2002, une stratégie de non vaccination a pu être introduite pour passer d’un système de lutte basé sur la vaccination de masse à une surveillance épidémiologique de la maladie (Jones et al., 1998). L’efficacité des auxiliaires dans l’exécution de vaccinations de masse contre la peste bovine a également fait ses preuves dans de nombreux autres programmes, particulièrement en Ethiopie, au Kenya, en Ouganda et en Tanzanie depuis 1994, mais aussi au Tchad et en Centrafrique. Dans d’autres pays, ils participent aussi, parfois de façon déterminante dans les campagnes de vaccination de masse, comme en Guinée et en Namibie pour la PPCB, au Népal pour la PPR ou encore à Madagascar pour les deux charbons (Blanc et al., 2003). La participation des auxiliaires de santé animale aux programmes de surveillance épidémiologique est cependant relativement récente et n’a encore fait l’objet, pour son développement, de concepts méthodologiques élaborés que dans quelques opérations spécifiques en Afrique de l’Est et en Centrafrique où les éleveurs ont été sensibilisés à ces activités. Cette évolution dans le rôle attribué aux auxiliaires en matière de prévention des maladies contagieuses est d’ailleurs à suivre étroitement pour assurer qu’elle satisfait aux conditions de sécurité recherchées aux plans local et international. Il est clair que l’efficacité et la pérennité des auxiliaires de santé animale dans l’exécution de ces fonctions de détection et d’alerte dépendront de la qualité des rapports avec les institutions professionnelles (ONG, privées ou publiques) avec lesquelles les communautés d’éleveurs sont le plus souvent en contact et de l’existence de systèmes de communication appropriés et réguliers entre partenaires (Blanc et al., 2003). (4) Coûts des services de santé animale et des produits vétérinaires Une des justifications de l’utilisation des auxiliaires et aussi une des raisons de leur succès, est le faible coût de leur intervention si on la compare à celui des professionnels de la santé animale dans les mêmes conditions. Cette qualité a souvent été mise en avant et tient essentiellement au fait que les auxiliaires vivent sur place, n’ont pas besoin de transport moderne, utilisent parfois des traitements moins onéreux disponibles localement et pratiquent des prix d’intervention plus bas. Dans certaines conditions, des associations d’auxiliaires (Guatemala) ou des associations de communautés d’éleveurs peuvent provoquer des économies 159 d’échelle notables grâce à une gestion collective de certains approvisionnements comme les médicament (cas de la Centrafrique, du Tchad, de la Guinée ; Blanc et al., 2003). (5) Impact Les arguments sont nombreux qui plaident en faveur d’un impact positif de l’activité des auxiliaires et leur rôle dans la réduction de la pauvreté par l’amélioration de la santé animale et le niveau de vie des familles d’éleveurs. De nombreuses études et évaluations l’attestent et le fait est rarement contesté (Blanc et al., 2003). L’étude de cas réalisée parallèlement au Kenya, en Tanzanie et aux Philippines (tableau 6) qui, bien que limitée au recueil des avis des éleveurs, a fait ressortir une amélioration de 8 points en moyenne (63 contre 55) des niveaux de satisfaction des bénéficiaires (IDL Group et McCorkle, 2003). Ainsi, outre une diminution des pertes de productions animales imputables aux maladies, l’impact des auxiliaires se ressent aussi sur des paramètres qualitatifs ayant trait à des dimensions non financières. La perception que les éleveurs ont de leur mode de vie (mesurée par la qualité de vie et la capacité à résister à la sécheresse 42) est supérieure dans les communautés pourvues d’auxiliaires (IDL Group et McCorkle, 2003). Tableau 6 : Etude comparative de l’aptitude à résister à une sécheresse future et de la « qualité de vie » avec et sans auxiliaire (D’après The IDL Group et McCorkle, 2003) Sans auxiliaire Avec auxiliaire Capacité de résistance à la sécheresse Philippines 56 56 Kenya 30 70 Tanzanie 58 66 Qualité de vie Philippines 58 60 Kenya 40 60 Tanzanie 66 70 NB : note sur un score de 100 points, où 100 = valeur correspondant à une capacité de résistance à la sécheresse / une qualité de vie maximum. D’après Blanc et al. (2003), Leyland et Catley, ainsi que McKorkle font en outre état de résultats au Malawi, en Afghanistan, au Kenya, en Tanzanie. Bien sur, dans les exemples d’efficacité cités figurent les exemples du Sud Soudan et de la Région Afar d’Ethiopie où l’action des auxiliaires de santé animale dans la réalisation de campagnes de vaccination contre la peste bovine a été déterminante (Blanc et al., 2003). (6) Pérennité des systèmes mis en place Parmi les opérations ayant formé et mis en place des auxiliaires de santé animale, force est de reconnaître que fort peu ont encore fait la preuve de leur capacité à se perpétuer sans l’assistance des organisations qui les ont développées et les financements extérieurs qui les ont soutenus. Dans les exemples étudiés par Blanc et al. (2003), dont les plus anciens remontent à une vingtaine d’années, une proportion importante a fait l’objet d’opérations ponctuelles de durées courtes à moyenne (2 à 5 ans). Aucune, selon les auteurs, n’a fait l’objet d’enquêtes rétrospectives pour déterminer le taux de survivance des activités entreprises quelques années après le départ des équipes de projet. Mais il paraît probable, qu’en l’absence de suivi, de 42 La « qualité de vie » et la « capacité de résistance » à la sécheresse ont été évaluées selon les modalités détaillées en Annexe IX. 160 recyclage et de supervision par les services vétérinaires locaux, la majorité, sinon la totalité des auxiliaires concernés ont cessé leurs activités, soit à cause de difficultés d’approvisionnement en médicaments, soit qu’ils se soient lassés de trop faibles revenus, soit encore qu’ils aient préféré se concentrer au commerce illégal de produits meilleurs marché frelatés ou frauduleux. Plusieurs exemples de systèmes d’amélioration de la santé animale ont cependant fait la preuve de leur longévité et continuent à être actifs longtemps après le départ des équipes qui ont contribué à les mettre en place et des financements qui les accompagnaient. Ces exemples constituent plusieurs modèles différents de systèmes de fourniture de services de santé animale mais ont tous en commun le fait que les auxiliaires de santé animale, au moment de la clôture du ou des projets qui les ont assistés, étaient déjà rattachés à une structure organisationnelle, soit étatique (services vétérinaires), soit privée (Groupements d’éleveurs, associations de promoteurs, vétérinaires privés). d)Limites (1)Sécurité d’utilisation des médicaments La majorité, si ce n’est la totalité des initiatives faisant appel aux auxiliaires vétérinaires ont à un moment du faire face à la question suivante : dans quelle mesure l’administration de médicaments par des non-professionnels comporte-t-elle un risque pour la santé publique ? C’est une problématique que Dasebu et al. (2003) ont résumé sous la question suivante « peut-on faire confiance aux auxiliaires pour une utilisation sécurisée des médicaments ? ». Cette question est sujette à controverse, car bien que le niveau de formation des auxiliaires soit très limité, le degré de compétences requis pour une administration sécurisée des médicaments est considérable. De plus, le problème se complique sous les effets des enjeux que représente le marché du médicament. En effet, face à une demande des éleveurs importante et croissante, la vente des médicaments est un élément déterminant pour la rentabilité des intervenants de la santé animale et presque vital pour eux, qu’ils soient auxiliaires ou professionnels vétérinaires (Thomé et al., 1996). Afin de mieux cerner les risques en santé publique et leur lien avec le recours au système des auxiliaires, Dasebu et al. (2003) ont réalisé une étude de cas dans deux pays d’Afrique, le Ghana et le Mozambique. L’enquête, menée auprès des auxiliaires, mais aussi des éleveurs et des autres intervenants dans le domaine de la santé animale, a cherché à mieux cerner les cas de mauvaise utilisation des médicaments et à évaluer la pertinence des traitements mis en place. Elle a porté sur les poins suivants : connaissance des maladies et diagnostic, qualité des médicaments, adéquation du traitement, risques liés aux résidus médicamenteux. La justesse du diagnostic étant le premier déterminant du bon usage des médicaments, il est rassurant de constater que le diagnostic des auxiliaires s’avère pertinent dans 85% des cas. En ce qui concerne la qualité des médicaments utilisés, un des points critiques est, en liaison avec un marché libéralisé, ouvert et très dynamique (comme c’est le cas au Ghana par exemple), la prolifération de médicaments de moindre qualité. Ces médicaments sont détenus dans des conditions parfois inappropriées (respect de la chaîne du froid) et délivrés par des vendeurs sans formation aucune (Dasebu et al., 2003). Pour ce qui est de la qualité du traitement, les résultats sont moins enthousiasmants que ceux relatifs au diagnostic : 46% des traitements mis en place sont jugés en partie inefficaces ou inappropriés. Cependant, 50% sont qualifiés de « bons ». Les cas de réelle incompétence sont rares. Il est important de noter que ces problèmes liés aux traitements mis en place ne sont majoritairement pas dus à une inadéquation du traitement avec le diagnostic mais plutôt à un problème massif de sous-dosage des médicaments et à une durée insuffisante de traitement. C’est là un des points critiques relevés par l’enquête. Les doses d’antibiotiques, acaricides ou vermifuges utilisées par les auxiliaires se sont avérées insuffisantes dans près de 55% des cas. Lorsque l’on s’interroge sur les raisons de cette tendance, deux raisons principales 161 apparaissent. La première est une sous-estimation du poids des animaux ou une erreur de calcul. La deuxième est d’ordre économique. En effet, au vu de l’augmentation du prix des médicaments, sous-doser permet de diminuer les coûts de traitement par unité. Par ailleurs, l’observance du traitement pose problème : 84% des traitements mis en place ne sont pas suivis jusqu’au bout. Là aussi, l’éleveur cherche à diminuer les coûts de production liés à la santé animale en minimisant la durée du traitement. Ainsi, il ce dernier est interrompu lorsque l’animal présente des signes de guérison, mais aussi lorsque les ressources monétaires disponibles sont insuffisantes (Dasebu et al., 2003). Ces problèmes de sous-dosage et de durée insuffisante de traitement sont un des points saillants, qui augmente considérablement les risques de résistance aux médicaments. Mais il convient d’ajouter que ce risque n’incombe pas aux seuls auxiliaires, loin de là. Au contraire, et bien que cela puisse paraître paradoxal, il semble que le système des auxiliaires permette de diminuer ce risque. En effet, il s’agit de replacer ces problèmes de sous-dosage dans le contexte de l’élevage africain. Tout d’abord, la privatisation a permis aux éleveurs d’accéder directement et plus facilement aux médicaments. Or, il s’avère que les cas de sous-dosage chez les éleveurs s’approchent des 100%. Dans ce contexte, le recours aux auxiliaires permet de diminuer ces risques, puisque chez eux la pratique du sous-dosage, bien que fréquente, est cependant inférieure. De plus, l’enquête a révélé que ces pratiques étaient répandues chez les techniciens de santé animale (près de 60% de cas de sous-dosages). Pourquoi cette tendance est-elle aussi répandue, finalement chez tous les intervenants de la santé animale ? Parce que l’élevage s’inscrit souvent dans un contexte économique fragile pour les éleveurs. Les considérations financière sont un élément décisif pour la gestion de la santé animale par les éleveurs. Il apparaît que la volonté des éleveurs de minimiser les coûts a un impact direct et significatif à la fois sur le dosage et sur la durée du traitement. Toute la difficulté réside dans le fait que ces contraintes influent sur le comportement des prestataires de santé animale (quelle qu’en soit la nature), qui modifient leurs schémas d’administration des médicaments. Ainsi, les facteurs économiques (notamment la capacité des éleveurs à payer) prennent le pas sur les considérations techniques (Dasebu et al., 2003). Un deuxième risque important pour la santé publique est la réticence des éleveurs à respecter les temps d’attente. Cette réticence est à rapprocher d’une méconnaissance des risques liés aux résidus médicamenteux. Les éleveurs sont mal informés à ce sujet. De plus, les conseils qui leur sont donnés sur les risques en liaison avec la consommation des produits d’origine animale sont incorrects ou ne sont pas donnés du tout dans 61% des cas. Les auxiliaires n’ont bien souvent pas reçu une formation suffisamment poussée dans ce domaine, et par conséquent sont susceptibles de prodiguer des conseils insuffisants. Cependant, il apparaît que les vétérinaires, plus compétents en la matière, ne réussissent pas non plus à modifier les comportements des éleveurs dans ce domaine. Finalement, ce sont bien souvent les mêmes forces économiques que celles invoquées précédemment qui agissent et limitent le respect des temps d’attente. Les éleveurs considèrent en effet bien souvent les délais d’attente comme une perte économique, qui se surajoute aux sommes déjà investies pour le coût des traitements. Cette manière de voir influence aussi à sont tour le comportement des intervenants de santé animale qui, dans le cas où ils ont pu bénéficier d’une formation appropriée, se découragent souvent et cessent rapidement de donner des conseils à ce propos (Dasebu et al., 2003). Plusieurs enseignements peuvent être tirés de ces constatations. Ainsi, vu sous l’angle de l’éleveur, les économies réalisées en ignorant les recommandations relatives à l’utilisation des médicaments, à l’observance des traitements et au respect des temps d’attente sont clairement visibles, alors que les risques qui en résultent sont beaucoup moins tangibles. Alors qu’une meilleure information des éleveurs et consommateurs dans ce domaine peut améliorer la situation, il devient nécessaire de disposer de données quantitatives plus importantes sur les risques posés pour la santé humaine afin de permettre une meilleure prise de conscience collective. Par ailleurs, la sensibilisation des populations à ces problèmes restera limitée tant que les auxiliaires qui sont en première ligne sur le terrain ne bénéficient 162 ni des outils ni des informations adéquats, et tant que les prestataires de services de santé animale continuent d’accepter des pratiques inappropriées émanant des autres acteurs et d’eux-mêmes. De plus, les exemples du Ghana et du Mozambique montrent que les initiatives utilisant le système des auxiliaires, si elles sont bien menées, ne comportent pas plus de risque de mauvaise utilisation des médicaments que ceux qui résultent déjà de la libéralisation du marché des intrants vétérinaires un peu partout en Afrique (Dasebu et al., 2003). Finalement, lorsque l’on s’intéresse aux mesures envisageables pour permettre une utilisation plus sécurisée des médicaments, on constate que les contraintes financières sont le premier facteur sous-jacent à une pratique endémique du sous-dosage. Or, les éleveurs qui subissent le plus intensément ces contraintes économiques, c'est-à-dire les plus pauvres, sont aussi ceux qui se tournent de manière privilégiée vers les auxiliaires. Dans cette mesure, le rôle des auxiliaires dans la lutte contre les mauvaises utilisations de médicaments est probablement trop peu reconnu, et plus certainement encore, sous-exploité. Au vu du manque criant d’information des populations (éleveurs et consommateurs) au sujet des produits d’origine animale, un réseau d’auxiliaires armés d’une meilleure compréhension de l’utilisation des médicaments constitue aujourd’hui un des moyens disponibles pour améliorer la prise de conscience collective (Dasebu et al., 2003). Par ailleurs, il est intéressant de noter que ces observations font écho à des remarques voisines relatives dans le domaine de la santé humaine (Redmond, 2003). (2)Les écueils de la « participation communautaire » De nombreux projets ayant fait appel à un réseau d’auxiliaires se sont appuyés sur cette approche dite « communautaire ». Les auxiliaires ont été désignés ou élus au sein de la communauté. La gestion de leur officine peut être « communautaire ». Ils sont eux-mêmes parfois regroupés en organisations professionnelles. Il est important de souligner à présent les écueils de cette « participation communautaire », « approche à la base », qui est loin d’être synonyme d’efficacité sociale. Balique (2001) souligne ainsi que «dans le langage des personnes qui se disent progressistes, le mot « communauté » a un contenu magique qui est censé ouvrir de nombreuses portes ». Ainsi, selon lui, parmi les images d’Epinal souvent évoquées, « la communauté, c’est l’égalité et le partage, c’est le groupe contre l’individu, le rapprochement du riche et du pauvre, la disparition du maître et de l’esclave, … ». Mais ce stéréotype de communauté villageoise consensuelle masque les « multiples divisions et antagonismes qui structurent les paysanneries africaines et les organisations collectives qui en sont issues, aussi « égalitaires » qu’elles puissent paraître à la première vue pour un observateur extérieur » (Olivier de Sardan, 1995). Intartaglia, en 1999, a montré de quelle manière un projet de santé animale basé sur l’utilisation d’auxiliaires peut déboucher sur un phénomène d’exclusion socio-politique de certaines populations. Ainsi, l’exemple cité par l’auteur au Cambodge est éloquent. Le projet de Vétérinaires Sans Frontières (VSF) au Cambodge visait à la construction de services de santé animale axés autour de deux critères : la pertinence technique et l’accessibilité économique d’un côté, l’accès au plus grand nombre et la logique d’intérêt général d’un autre. Dans ce cadre, VSF a mis en place un réseau d’agents d’élevage élus par leurs villages respectifs et regroupés au sein « d’organisations intermédiaires spécialisées ». Ces associations, en plus d’assurer la gestion des magasins vétérinaires destinés à approvisionner les agents formés, devaient remplir une fonction de médiation et porter les demandes des populations locales sur l’élevage : elles se faisaient alors outil de promotion paysanne dans le développement local. Il s’est avéré que le projet avait fait preuve d’une réussite technique indéniable. Cependant, Intartaglia souligne à quel point le projet, malgré sa conception « communautaire » et 163 « démocratique », a renforcé des logiques déjà existantes d’exclusion socio-politique des populations locales et a conforté les rapports de pouvoir déjà existants. Selon l’auteur, cette exclusion tient à la conjugaison voire à l’intrication de plusieurs facteurs. Un premier point crucial est la question des modalités de choix de l’auxiliaire. Selon les projets, l’auxiliaire est désigné par la communauté, voire élu par elle. Alors que cette élection pourrait paraître la forme la plus « démocratique », voire « égalitaire » de choix, il s’avère en pratique que « l’élection est beaucoup moins neutre qu’il n’y paraît » (Intartaglia, 1999). L’auteur précise que « les personnes qui se présentaient à l’élection devaient avoir de bonnes relations avec le chef du village ». Balique (2001) souligne que, de même, dans les centres de santé (humaine) communautaires, « le choix des délégués étant laissé à la discrétion des villages, ce sont en fait les « personnes influentes » qui cooptent leurs représentants, renforçant ainsi la réalité des pouvoirs en place, qu’ils soient traditionnels, religieux ou financiers ». Par ailleurs, la concentration des moyens du projet sur l’agent d’élevage (formation, dotations en matériel notamment) ainsi que l’insuffisance de contrôle de l’activité de l’agent a accentué la tendance à la « notabilité » des agents d’élevage. De plus, cela a créé des situations de rente propices au contrôle de l’offre du projet par les agents d’élevage. Ainsi, « ces choix méthodologiques ont fait des agents du projet dans l’arène locale les intermédiaires uniques et privilégiés, et n’ont pas, de fait, responsabilisé les « paysans », pourtant théoriquement désignés comme les bénéficiaires » (Intartaglia, 1999). Un autre type de facteur est d’ordre social. Ainsi, selon Intartaglia, les services rendus par les agents s’inscrivent dans un marché où d’autres prestataires coexistent et où sévit souvent une forte concurrence pour l’agent d’élevage. Mais la logique technique et celle marchande des services rendus par les agents s’inscrivent dans une logique sociale réticulaire, car la vente des services s’appuie sur des réseaux de clientèle souvent déjà constitués à l’échelle d’un village. « Il apparaît ainsi une exclusion d’une partie des populations rurales du service mis en place, exclusion plus liée à ces réseaux sociaux qu’à la pertinence technique intrinsèque du service de l’agent d’élevage ». Par ailleurs, face à cette exclusion du service d’une partie variable des populations villageoises s’ajoute une exclusion d’ordre socio-politique, beaucoup plus systématique des populations vis-à-vis de l’offre du projet. En effet, l’agent d’élevage est souvent un acteur du pouvoir local, politique, religieux ou économique. « Les actions de formation ont conforté la position de notables établis ou émergents ». Il s’en suit un contrôle du projet dans les villages, contrôle d’ordre politique, symbolique et économique, et un renforcement des réseaux clientélistes et de patronage. Ces enjeux pour le contrôle et l’aide du projet dans les villages ont suscité une compétition entre notables dans des situations de tensions latentes entre les différents acteurs du pouvoir local. Une recomposition des réseaux de clientèle en lien avec des changements dans la composition de l’élite locale et des « têtes » de réseaux est apparue dans certains cas mais ne modifiant pas réellement les rapports de pouvoir en place. Le regroupement des auxiliaires au sein d’associations chargées d’objectifs de gestion, mais aussi de représentation paysanne a aussi posé problème. Ce choix méthodologique repose sur le postulat de départ, selon lequel « une organisation concourt indubitablement à la réalisation de l’intérêt général » (Intartaglia, 1999). Mais selon l’auteur, l’analyse du projet VSF au Cambodge contredit assez largement ce principe. En général, les acteurs du pouvoir local ont contrôlé l’offre technique et financière du projet, renforçant l’exclusion socio-épolitique des populations mais n’entraînant pas de manière identique une exclusion du service. Les réseaux socio-économiques verrouillent dans un certain sens l’accès aux services de santé animale. Un autre postulat, celui de l’égalitarisme, consiste à affirmer que tous les individus composant ces structures associatives se retrouvent en leur sein sur un pied d’égalité. Or, « il met entre parenthèses les hiérarchies sociales desquelles dépendent les agents d’élevage, les fonctionnaires, les paysans mais qui guident de fait leurs comportements au sein de l’organisation ». Le mode centralisé de prise de décision qui a caractérisé ces associations 164 n’implique qu’un petit noyau d’initiés. Olivier de Sardan (1995) rappelle que la plupart des sociétés africaines étaient déjà à la veille de la colonisation à la fois fortement hiérarchisées et fortement individualisées. Aussi, « les interventions extérieures, aussi communitaristes qu’elles se veuillent, sont-elles vite appropriées par des groupes ou des intermédiaires en place, même si elles ne font pas toujours le jeu des puissants et ouvrent parfois de nouveaux espaces ». Et Olivier de Sardan (1995) souligne par ailleurs l’ambiguïté de la situation dans laquelle se sont trouvés certains projets qui s’adressaient explicitement à des groupes défavorisés mais qui se sont trouvés « détournés » ou accaparés, soit par un groupe particulier au sein des « défavorisés », soit par des acteurs « favorisés ». Il rappelle aussi au le développement en matière de santé (et l’on peut imaginer que les mêmes mécanismes s’opèrent en santé animale) n’échappe pas à la règle de l’accaparement. Ainsi, « présidents de coopératives, animateurs ruraux ou « pharmaciens » villageois utilisent parfois la distribution locale de médicaments comme une ressource dans leur politique clientéliste ». D’autrefois il s’agira de « cartes de construction de dispensaires établies sur des critères politiques » … voire de « soins vétérinaires monopolisés par certains propriétaires de troupeaux ». Ainsi, il apparaît que : - l’approche « auxiliaires » s’intègre dans un cadre plus large, appelé « santé animale de base », qui fait lui-même écho aux approches participatives du développement. La méthode d’intervention fait intervenir deux modalités différentes : formation d’auxiliaires ou formation de masse des éleveurs. Les études de cas montrent globalement des résultats positifs en matière d’efficacité de ces services. La pérennité et le suivi de ces interventions restent des points critiques. Un des écueils principaux est lié à l’essence même de ce type d’approche communautaire : exclusion socio-politique, accaparement par exemple. 3.Un autre visage du système de santé animale : l’ethnomédecine vétérinaire Le concept de « santé animale de base », qui s’est donné pour principe de construire sur les connaissances des éleveurs, doit être rapproché du domaine de l’ethnomédecine vétérinaire. Ce que l’on appelle « médecine traditionnelle », ou « ethnomédecine » vétérinaire constitue un vaste corpus de connaissances et de savoir-faire que les approches « participatives » utilisées en santé animale de base sont amenées à côtoyer. La prise en compte des savoirs populaires n’a rien de particulièrement nouveau aujourd’hui. Depuis les années 1970, Freire a servi de référence à tous ceux qui proclament vouloir s’appuyer sur les savoirs populaires pour instaurer un développement de type alternatif (développement participatif, « development from below »). Du côté des ethnologues, c’est surtout après les années 1960 qu’un programme d’investigation a émergé autour de la notion d’ « ethnoscience ». Un colloque international en 1978 avait déjà pour titre « Indigenous knowledge and development » (Olivier de Sardan, 1995). Les connaissances des éleveurs en matière de production et de santé animale sont étendues. Mais outre les éleveurs, il convient d’ajouter aux acteurs classiquement identifiés du réseau vétérinaire les « docteurs des animaux » traditionnels. Dans les pays en développement, malgré l’omniprésence des « guérisseurs », la communauté contemporaine de vétérinaires a largement ignoré ces praticiens autochtones, ainsi que leur contribution (Mathias et McCorkle, 2004). Aujourd’hui, il semble que cette situation tende à changer. La tendance 165 semble être à la reconnaissance des « savoirs locaux », en témoigne les publications de grands organismes internationaux tels l’OIE (Bâ, 1996) ou l’UNICEF (Adolph et al., 1996). En 1999, Olivier de Sardan soulignait à quel point la connaissance et la reconnaissance de ce que l’on appelle « savoirs populaires techniques » sont importantes. Ainsi, il faut souligner que « les savoir-faire que les messages techniques diffusés par les agents de développement n’arrivent pas en terrain vierge. (…) Les paysans auxquels on s’adresse ont déjà des compétences et des savoir-faire dans tous les domaines concernés par le développement, ces savoir-faire et ces compétences reposant sur des savoirs et des systèmes de sens complexes et évolutifs ». En matière de santé animale, et pour le Sénégal, ces savoirs dits « traditionnels » ont fait l’objet de quelques études. Loin d’être exhaustives, leur lecture permet cependant de se donner un aperçu des connaissances répertoriées et du champ de recherche à explorer en matière d’ethnomédecine vétérinaire. a)La connaissance et la description des maladies animales Les maladies animales sont connues des éleveurs et sont désignés sous des mots particuliers dans le langage vernaculaire. Par ailleurs, elles font l’objet d’une description détaillée par les éleveurs. Au Sénégal, les connaissances des Peuls en matière d’élevage sont réputées. L’apprentissage de la brousse et de ses secrets, des maladies et traitements du bétail fait partie de l’éducation du jeune berger (Bâ, 1986). Schmidt et Ferney, en 1974, ont élaboré un bref lexique des principaux termes d’élevage en poular43, et ce « dans un but essentiellement pratique, dans une perspective vétérinaire ». Ce lexique permet d’appréhender la finesse et la richesse des connaissances peules. Le seul signalement des bovidés, par exemple, fait appel à 41 termes. Le lexique permet une traduction en français des termes peul pour la description des animaux, des maladies ou la sémiologie. Un inventaire plus détaillé des connaissances des Peuls du Sénégal en matière de pathologie vétérinaire a été établi par Bâ en 1982. Son travail répertorie les maladies connues, leur description, les traitements « traditionnels » classiquement utilisés. Les maladies sont bien connues des éleveurs et guérisseurs : elles sont décrites à travers leurs symptômes, mais aussi à travers des éléments d’épidémiologie. Bâ (1982) a recueilli de précieuses informations auprès des guérisseurs africains. Ces dernières ont été reprises dans un article de 1994. Les signes cliniques et les stades d’évolution de la maladie sont connus et décrits de manière remarquable. Quant à l’agent causal, la saison d’apparition ou le mode de contamination, ils sont évoqués avec une précision variable. Le botulisme, par exemple, « frappe les adultes en toute saison mais est plus rare pendant l’hivernage. Les Peuls accusent l’ostéophagie et l’eau de certains puits et lacs d’être à l’origine du mal » (Bâ, 1994). Pour la péri-pneumonie contagieuse bovine, « les Peuls savent bien que l’agent morbide se trouve dans les poumons malades » (Bâ, 1994). Dupire (1996) souligne cependant que chez les Peuls, « si le diagnostic de la maladie est assez sûr, remarquable même parfois chez certains spécialistes, les causes invoquées − eau, pâturages, insectes, génies − font intervenir sur le même plan faits d’observation et agents surnaturels ». b)La prophylaxie et les traitements « traditionnels » ● La 43 prophylaxie Langue des Peuls et Toucouleurs. 166 Selon Bâ (1996), « la prévention est une préoccupation essentielle de l’éleveur : barrer la route au mal avant qu’il ne pénètre dans le troupeau ». La prophylaxie peut faire intervenir des pratiques variées. En fonction des symptômes manifestés par les animaux et la contagiosité de la maladie, les éleveurs pratiquent l’isolement des animaux malades. Ainsi, à propos de la péripneumonie contagieuse bovine, Bâ (1994) énonce deux maximes bien connues des Peuls : - « Yeedo hoto njeeddu » (éviter le repos des troupeaux malades avec les sains) ; - « Jofe hoto njofdu » (éviter la cohabitation des malades et des sains). Les éleveurs et guérisseurs ont par ailleurs recours à la pharmacopée pour tenter de prévenir certaines maladies susceptibles de frapper leurs troupeaux. Ainsi, pour la trypanosomose (Daaso) on utilise, par voie orale, une macération de poudre de feuilles ou d’écorce de Terminalia avicennioides (Combrétacée) ou de Ceiba pentendra (Bombacées). Selon Bâ (1996), l’action préventive est entretenue par l’administration périodique de la préparation. Pour prévenir les carences, les éleveurs pratiquent régulièrement la « cure salée ». Les Peuls désignent par « Yooyo » la maladie provoquant le pica, et l’attribuent à une carence en sel (Bâ, 1994). Pour parer à cette maladie, ils conduisent les troupeaux, pendant les périodes d’apparition de la maladie, vers des puits ou des terres salées. Ils distribuent parfois du sel en nature « trois fois dans la même semaine » (Bâ, 1994). Dupire (1996) a décrit la pratique de la cure salée chez les Peuls nomades du Niger. « L’hivernage s’installant et les points d’eau étant de plus en plus nombreux, il faut en effet pour compléter l’effet salutaire d’une nourriture fraîche et abondante que le troupeau fasse une cure salée ». Alors que pendant la saison sèche les bêtes n’ont pu assimiler qu’une petite quantité de natron, les déplacements en hivernage sont l’occasion de faire passer les animaux sur des terres salées. Il semble que pour être profitable, cette cure doive être progressive (Dupire, 1996). Enfin, en matière de prophylaxie, il convient de reconnaître la finesse des pratiques dites « traditionnelles ». Bâ soulignait, en 1996, que « au Sahel, nos ancêtres peuls ont découvert la vaccination, et ce n’est pas notre moindre fierté, peut-être bien avant Jenner ». Ainsi, lorsque frappe « Jofe » (péripneumonie contagieuse bovine), les Peuls placent sous la peau du chanfrein un morceau de poumon de la taille d’un grain de mil, prélevé sur un poumon de bovin malade et traité par fermentation avec du lait, de l’eau et du tanin d’Acacia nilotica pendant 24 à 48 heures. Les réactions vaccinales sont fréquentes, mais l’immunité est solide et durable (Bâ, 1996). De Saint-Croix (1944, cité par Dupire, 1996) avait noté au Nigeria les mêmes pratiques : « un morceau de poumon appartenant à une vache morte de pleuropneumonie est déposé dans du lait où on le laisse mûrir dans un endroit frais. Ce vaccin est ensuite appliqué aux animaux qui n’ont pas encore été touchés par la maladie, en l’introduisant dans une entaille légère pratiquée sur le naseau ». Bizimana (1994) reprend ces exemples en soulignant que chez les Peuls de Mauritanie, Mali et Sénégal, le morceau de poumon introduit est retiré au troisième jour, la plaie rincée et la zone cautérisée. D’autres pratiques de vaccination sont décrites par Bizimana (1994) en République centrafricaine, Somalie ou Ethiopie. ● Les traitements Les traitements sont souvent composés et font appel à plusieurs outils. Un des aspects les plus documentés (bien qu’au final les études dans ce domaine restent rares) est le recours des thérapeutes traditionnels à la pharmacopée. Toigbé, en 1978, a recensé les plantes utilisées par les Peuls du Bénin et du Sénégal pour la médecine vétérinaire. Son inventaire, bien que non exhaustif, comporte pour le Sénégal 54 plantes d’usage courant et cite 27 plantes considérées comme toxiques pour le bétail. Les plantes de la pharmacopée sont le plus souvent classées en trois catégories : les plantes à 167 usage médicinal, les plantes lactogènes et les plantes toxiques (Bâ, 1994). Le recours aux plantes est extrêmement répandu, que ce soit pour la prophylaxie ou le traitement traditionnel des maladies. Pour chaque pathologie identifiée, Bâ (1996) donne un traitement traditionnel à base de plantes. L’Acacia nilotica peut être utilisé sous la forme d’un broyat de feuilles fraîches, filtrées dans une étoffe. Il est alors appliqué comme topique pour soigner conjonctivites ou pour faciliter la cicatrisation des plaies récentes. Les feuilles du Boscia senegalensis sont utilisées dans le traitement du rhume des chevaux ou comme insectifuge et insecticide en application sur les plaies (Bâ, 1994). Tout comme en médecine humaine, les plantes peuvent être utilisées sous plusieurs formes : poudre, infusion, macération, décoction. Toutes les parties de la plante sont susceptibles d’être utilisées : feuilles, fraîches ou séchées, écorce, racine, fruits, fleurs. On retrouve ces différents modes de préparation dans l’inventaire de Toigbé (1978). Bâ (1996) souligne que « le mérite des guérisseurs a été, non seulement de découvrir et d’assimiler les plantes médicinales, mais aussi de mettre au point des techniques de récolte des parties ayant une valeur curative puis de préparer, conditionner et conserver les médicaments ». Kerharo et Adam (1974) ont décrit les différentes formes médicamenteuses et les modes d’administration utilisés au Sénégal par les thérapeutes traditionnels en médecine humaine. On peut imaginer que ceux ayant trait à la médecine vétérinaire sont quasisemblables. Par ailleurs, ils soulignent que « les techniques utilisées par les guérisseurs professionnels en Afrique noire ressortissent de la pharmacie galénique qui comprend trois parties connexes : préparation, administration et posologie des traitements. On doit reconnaître, à la vérité, le caractère élémentaire des deux dernières qui se passent d’injections intramusculaires et intraveineuses, de dosages et de mesures pondérales. Par contre, la préparation des médicaments atteint un certain degré de perfection ». Dans certains cas, le recours à la pharmacopée se conjugue avec des techniques médicales ou chirurgicales. Parmi les actes fréquemment utilisés en médecine vétérinaire, on pourrait à titre d’exemple citer la saignée, utilisée dans le traitement des phlébites des veines du doigt, ou l’utilisation du feu pour cautériser les abcès (Bâ, 1994). Certains thérapeutes traditionnels pratiquent la chirurgie. En 1958, Ligers décrivait la castration des taureaux sur les rives du fleuve Niger : « l’opérateur saisit indifféremment l’un des testicules et le serre assez fortement. De sa main droite, il y fait au couteau une fente longitudinale par laquelle il sort, en pressant, le « grain » ou le noyau du testicule. Puis il attrape ce testicule sorti de son enveloppe et tire sur cette partie jusqu’à ce que le nerf qui le réunit au bassin soit sorti sur une longueur suffisante. A ce moment il coupe ce nerf à ras du corps près de l’incision. Pour l’autre testicule l’opération est identique ». Bâ (1982) décrit trois techniques de castration chez les Peuls : la castration dite « au bâton » (qui consiste à mettre le taurillon en décubitus latéral, puis à faire passer un pilon sous les cordons testiculaires et taper dessus avec un bâton), la « castration sanglante » (à cordon couvert, par une incision sur chaque testicule ou une seule sur le raphée médian), et une castration des petits ruminants dans laquelle on fait remonter les testicules vers le trajet inguinal. Bâ (1982) décrit plus loin le traitement du prolapsus utérin : la matrice est enduite de lubrifiant (laalo, tanin de baobab), remise en place. Puis la vulve est suturée avec deux bâtonnets secs et pointus reliés par des ligatures à base de fibres végétales. Les techniques chirurgicales « traditionnelles » offrent une réponse aux problèmes de plaie, abcès, fractures : les thérapeutes drainent, nettoient, suturent, appliquent des pansements. Les traitements « traditionnels » décrits (Bâ, 1982 ; Ligers, 1958 ; Dupire, 1996) combinent souvent plusieurs outils : pharmacopée, technique médicale ou chirugicale, mais aussi incantations, amulettes, ou autres pratiques qui nous apparaissent bien mystérieuses. Toute la complexité de cette « médecine traditionnelle » réside dans la pluralité des pratiques. Et toute la difficulté consiste à ne pas faire d’amalgame hâtif avec des références ésotériques trop simplistes. 168 Cependant, il convient de reconnaître l’omniprésence des références magiques et religieuses dans les traitements traditionnels. Ainsi, Sofowora (1996) a élargi sa définition de la médecine traditionnelle44, en précisant qu’il convient d’y ajouter la phrase suivante : « en tenant compte du concept originel de la nature qui inclut le monde matériel, l’environnement sociologique, qu’il soit vivant ou mort et les forces métaphysiques de l’univers ». Pour Dupire (1996), « par ce mélange étonnant d’empirisme préscientifique et de thérapeutique magique, la science vétérinaire du berger s’enracine dans le réel et prend appui sur l’irréel : elle est à l’image même de sa conception de la Nature ». Selon elle, le berger dispose de tout un arsenal de pratiques magiques, prophylactiques, les unes positives, les autres négatives (interdits). « Les talismans traditionnels qui assurent aux hommes l’alliance des forces surnaturelles font partie de l’héritage du lignage et se transmettent, comme le bétail, de père en fils » (Dupire, 1996). Au Sénégal, le traitement même des maladies fait souvent appel à la fois à la pharmacopée, à une technique médicale précise, et à des facteurs magiques ou religieux. Si Bâ ne les mentionne que rarement dans ses inventaires (1982, 1994), plusieurs éleveurs nous ont rapporté l’utilisation d’amulettes, de cordelettes, et la formulation de « paroles » pour le traitement des diarrhées par exemple. Kerharo et Adam (1974) soulignaient que « le souci de ne pas séparer radicalement la thérapeutique active de tout contexte cosmologique, social et religieux, s’il nuit à l’établissement d’une science médicale positive, facilite en revanche les techniques de guérison ». Fassin (1992) précise la distinction qu’établissent les Sénégalais dans le savoir : ils opposent un savoir positif et un savoir négatif, mais aussi un savoir islamique et un savoir « traditionnel » qui se réfère aux représentations et pratiques préislamiques. Si en matière de médecine humaine cette dichotomie a été évoquée par divers auteurs (Kerharo et Adam, 1974 ; Fassin, 1992), on ne connaît semble t’il que très mal l’aspect magico-religieux des traitements vétérinaires. Mais on peut penser que la même distinction entre savoirs islamiques et préislamiques pourrait s’appliquer aux tradipraticiens vétérinaires. La description que Ligers (1958) fait de la castration des taureaux chez les Peuls de Koa souligne non seulement la superposition d’une technique chirurgicale et de facteurs magico-religieux, mais aussi l’étroite intrication entre références pré et post islamiques. Ainsi, après avoir coupé les deux testicules, le castreur dit un verset islamique puis crache des incantations sur les plaies (Ligers, 1958) : le recours à l’islam est clairement mentionné. Mais d’autres éléments peuvent être vus comme une référence préislamique. Ainsi, les testicules coupés sont rendus au Dieu du Niger, appelé Tyanaba en peul (Ligers, 1958). Cette pratique peut être mise en relation avec certaines légendes peules qui attribuent à Tyanaba la création des bœufs (Ligers, 1958). Les légendes autour de l’origine aquatique des bovidés sont reprises par Ndongo (1986), selon qui la naissance de ces mythes est très probablement antéislamique. c)Qui sont les guérisseurs du bétail ? La connaissance des maladies, comme celle de certains traitements, fait partie de l’éducation du berger. Les éleveurs ont donc tous un champ de connaissance relatif à la médecine vétérinaire. A côté de ce socle commun de connaissances, certains possèdent un savoir particulier : ce sont les « thérapeutes » traditionnels. Mathias et McCorkle (2004) ont décrit quelques unes des caractéristiques de ces tradipraticiens. Un des points importants à souligner est le fait que ceux qu’ils appellent les « docteurs des animaux » traditionnels soignent souvent à la fois humains et animaux. L’étude de McCorkle et al. (2001 ; citée par Mathias et McCorkle, 2004) indique que sur 105 types de tradipraticiens recensés dans 33 pays, seulement 17% ne se consacrent qu’aux seuls animaux. Les autres traitent 44 Sofowara (1996) définit ainsi la médecine traditionnelle : « combinaison globale de connaissances et de pratiques, explicables ou non, utlisées pour diagnostiquer, prévenir ou éliminer une maladie physique, mentale ou sociale, et pouvant se baser exclusivement sur l’expérience et les observations anciennes transmises de génération en génération, oralement ou par écrit ». 169 indifféremment hommes ou animaux. Par ailleurs, si certains praticiens sont des généralistes, la plupart sont spécialisés. Dans ce cas, ils n’offrent qu’un certain type de traitement : médecine par les plantes, utilisation du feu (cautérisation), castration, intervention spirituelle ou religieuse par exemple (Mathias et McCorkle, 2004). Mais sur les 105 types de praticiens traditionnels recensés, seulement 21% ne se consacrent qu’aux pratiques spirituelles. 70% offrent principalement des services empiriques qui sont comparables à ceux émanant des vétérinaires « modernes » : réduction de fractures, chirurgie, vaccination, castration, obstétrique, conseils en nutrition, traitements médicaux (McCorkle et al., 2001, cité par Mathias et McCorkle, 2004). L’acquisition des connaissances par le guérisseur se fait le plus souvent auprès d’un parent ou d’un membre de la communauté. Mais l’apprentissage peut aussi s’enrichir par le biais des expériences personnelles, des essais et erreurs, des observations et des voyages. Pour certaines sociétés interviennent des éléments ésotériques tels que les rêves, les visions, ou des pratiques religieuses (Mathias et McCorkle, 2001). d)Forces et faiblesses de la médecine traditionnelle La question de l’efficacité des traitements traditionnels a longtemps fait l’objet d’un débat controversé. Il semble qu’aujourd’hui soient reconnues certaines de ses vertus. Mathias et McCorkle (2004) soulignent que l’ethnomédecine vétérinaire « fonctionne » et « tombe sous le sens vétérinaire ». Il s’avère que de nombreux médicaments modernes sont dérivés ou sont synthétisés à partir de substances chimiques d’origine naturelle, auparavant découvertes et utilisées par les éleveurs et les tradipraticiens. Un certain nombre de plantes et principes pharmacologiques utilisés en médecine traditionnelle ont fait l’objet d’essais cliniques. Certaines « plantes indigènes » ont fait preuve de leur efficacité (par exemples celles étudiées par Nfi et al. au Cameroun en 1999, qui ont déterminé un effet anthelminthique avéré avec des réductions d’excrétion des œufs allant jusqu’à 50%). L’OMS (cité par Sofowara, 1996) qualifie de telles plantes de « plantes médicinales » (c'est-à-dire des plantes dont les propriétés thérapeutiques et les composants ont été établis scientifiquement), alors que celles n’ayant pas fait l’objet d’une étude scientifique consciencieuse sont appelées « plantes considérées comme médicinales ». D’autres plantes ont donné des réponses indifférentes ou négatives aux essais cliniques. Mais Mathias et McCorkle (2004) insistent sur le fait que ces derniers sont orientés vers une visée commerciale et ne tiennent que très rarement compte des effets physiologiques à long terme des traitements traditionnels, des synergies entre les composants intervenant dans les polyprescriptions, ou du fait que les préparations médicamenteuses traditionnelles ne sont qu’une partie d’une approche globale et intégrée de la gestion de la santé animale. Dans ce contexte, les essais réalisés ne peuvent pas rendre compte de l’efficacité de certains médicaments traditionnels. Bizimana et Schrecke (1995) ont proposé un aperçu des plantes indigènes utilisées par les praticiens traditionnels vétérinaires et étudiées dans le cadre de protocoles scientifiques (Annexe X). Malgré le faible nombre de plantes ayant fait l’objet d’études rigoureuses, les résultats montrent une relation claire entre leurs propriétés chimiques et pharmacologiques et leur usage traditionnel (Bizimana et Schrecke, 1995). Kerharo et Adam (1974) ont récapitulé les propriétés pharmaceutiques de la pharmacopée sénégalaise. Parmi les plantes citées par Toigbe (1978) ou Bâ (1982) comme classiquement utilisées par les praticiens vétérinaires traditionnels, il s’avère qu’un certain nombre semble contenir des principes actifs aux effets notables. Le choix de ces plantes et leur utilisation empirique par les praticiens fait écho à des fondements pharmacologiques (tableau 7). L’ethnomédecine vétérinaire rassemble également un vaste corpus de connaissances en matière de pratiques zootechniques qui retentissent sur la santé animale. Il semble que les bénéfices des savoir-faire traditionnel en matière d’alimentation, reproduction et autres 170 pratiques d’élevage soient relativement bien documentés (Mathias et McCorkle, 2004). En comparaison, les bénéfices tirés des pratiques magico-religieuses en médecine vétérinaire sont mal connus. Pourtant, certaines peuvent avoir des effets positifs sur la prévention des maladies (Mathias et McCorkle, 2004) : les éleveurs prennent des mesures pour protéger le troupeau du « vent du diable » (froid, poussière) ou des zones « hantées » (infectées ou contaminées). 171 Tableau 7 : Quelques plantes de la pharmacopée sénégalaise (D’après Bâ, 1982 ; Kerharo et Adam, 1974) Nom de la plante Cassia tora L. Utilisation Traitement des mammites. Terminalia avicennioides Traitement des oedèmes. Euphorbia hirta Plante lactogène. Traitement des diarrhées. Securidaca longepedunculata Traitement des morsures de serpent (tuméfactions) Cissus quadrangularis Traitement des coliques du cheval. Traitement des plaies. Traitement de la trypanosomiase et de la piroplasmose. Traitement du charbon symptomatique. Traitement des diarrhées. Antiinflammatoire et fébrifuge. Traitement des plaies, des conjonctivites. Traitement de l’état de « fatigue ». Traitement des diarrhées. Traitement de l’infécondité des vaches. Traitement du charbon symptomatique. Emploi dans les effections urinaires et hépatiques. Balanites aegyptiaca Adansonia digitata Ceiba pentandra Mitragyna inermis Combretum glutinosum Propriétés pharmacologiques Extrait alcoolique : propriétés antibactériennes Gram + et antifongiques. Composé isolé des graines : activité ocytocique et antibiotique. Gomme de graines : permet la confection de suspensions et d’émulsions à consistance de crème. Extrait aqueux de racine, d’écorce de tige : antibacterien Gram +. Diarrhéique doux, stimulant cardiaque, diurétique, cardiotoniques. Action antihistaminique, antianaphylactique, cardiovasculaire et respiratoire. antispasmodique. Galactagogue : induit un développement mammaire et un début de secrétion. Action amoebicide ; efficace dans les dysenteries amoebienne et permet une négativation coprologique rapide. Insecticide. Action antibiotique controversée. Action molluscicide : anthelminthique, antivenimeux. Action cardiaque : bradycardie et augmentation de l’amplitude des contractions du cœur. Analgésique externe et antirhumatismal (forte teneur en salicylate de méthyle). Action favorable sur l’évacuation gastro-intestinale. Réduction de 33% du temps de convalescence pour les fractures. Action ichtyotoxique. Insecticide. Saponoside (diosgénine) isolé : matière première pour la synthèse de corticostéroïdes. Action fébrifuge. Action insecticide, larvicide. Action fébrifuge. Hypotenseur. Action diurétique. Hypotenseur d’appoint. Spasmolytique génito-urinaire. 172 La question de l’efficacité des médecines traditionnelles reste complexe : Zampléni (1981, cité par Fassin, 1992) souligne que « l’écrasante majorité des démarches médicales proprement africaines ne se prêtent pas à de telles procédures de vérification expérimentales », et que « les ressorts de leur efficacité sont à rechercher dans l’interaction des variables biophysiques et symboliques, psychologiques et sociales que nos connaissances actuelles ne permettent pas d’extraire du contexte sémantique où elles exercent leurs effets ». Les données économiques permettant une comparaison traitements traditionnels versus médicaments du commerce sont limitées. Cependant, selon Mathias et McCorkle (2004), les études disponibles montrent que les premiers peuvent constituer une alternative efficace et bon marché aux seconds. De plus, le médicament traditionnel présente l’avantage de pouvoir faire l’objet de facilités de paiement : il peut être payé en espèces, certes, mais aussi comme c’est souvent le cas, en nature, par une sorte de troc très en pratique dans de nombreux endroits d’Afrique (Bâ, 1996). De plus, il semble exister dans la profession de guérisseur une sorte de « code de bonne conduite », qui s’appuie sur deux principes (Bâ, 1996) : - soit le demandeur offre de payer ce qu’il peut en fonction de ses ressources, le devoir du guérisseur étant de rendre le produit disponible et à la portée de toutes les bourses ; - soit le guérisseur fixe un prix symbolique, dont le demandeur s’acquittera en espèces ou en nature. Mathias et McCorkle (2004) ont relevé ce type de pratiques dans différents pays. En Inde, au Népal, au Sri Lanka, les guérisseurs ne sont pas rémunérés et ne travaillent que pour gagner le respect et un capital social. Ils sont aidés par la communauté en cas de besoin. Comme Bâ (1996), Mathias et McCorkle (2004) affirment que les praticiens sont souvent payés en espèces, nature ou parfois en travail. Dans de nombreux pays d’Afrique, il semble qu’ils ne soient payés que si le traitement porte ses fruits. Mathias et McCorkle (2004) ont par ailleurs fait la démonstration de l’efficacité technico-économique des traitements traditionnels au Pérou. Ainsi, il apparaît que une préparation traditionnelle à base de tabac permettait de diminuer les infestations parasitaires sur les moutons dans des taux comparables à ceux obtenus avec les médicaments trouvés dans le commerce. Plus encore, récolter les plantes et préparer le traitement représente pour une famille de taille moyenne 4 heures de travail. En comparaison, le médicament du commerce coûte à la famille 9 $ dans une région où le salaire quotidien moyen n’excède pas 1 $ (Mathias et McCorkle, 2004). Par ailleurs, l’ethnomédecine vétérinaire peut permettre aux éleveurs un recours aux soins facile. Dans des zones reculées, la médecine traditionnelle peut s’avérer plus facile d’accès que le système conventionnel. Il s’avère qu’en cas d’urgence, les tradipraticiens et leurs traitements sont souvent plus facilement disponibles. Les frais de transport et les coûts d’opportunité sont réduits puisque les éleveurs n’ont pas à se déplacer pour aller acheter des médicaments pas toujours disponibles. De plus, il y a moins de chances que des médicaments périmés ou frauduleux soient vendus à des populations vulnérables et moins lettrées. Cependant, on manque aujourd’hui d’études socio-économiques relatives à la compréhension de ces facteurs (Mathias et McCorkle, 2004). Un autre atout de la médecine traditionnelle est son ancrage dans un univers socioculturel familier à la communauté (Bâ, 1996). « Le médicament traditionnel appartient étroitement au patrimoine de la société africaine. Celle-ci se reconnaît en lui et le reconnaît comme son produit » (Bâ, 1996). L’éleveur maîtrise les dénominations usuelles en langue vernaculaire, les indications, les formes pharmaceutiques, les précautions d’emploi. Mais plus encore, il semble intéressant d’envisager la médecine traditionnelle sous l’angle plus large d’un véritable système de sens dans lequel elle s’inscrit. Olivier de Sardan (1995) désigne 173 sous ce terme les modes d’interprétation de la maladie. Il souligne de quelle manière les itinéraires thérapeutiques traditionnels, bien que fortement incertains et aléatoires et dotés d’une efficacité parfois loin d’être garantie, fonctionnent comme des systèmes de sens qui eux, ont fait leurs preuves. Ainsi, ils permettent de rendre compte des formes de la souffrance, des vicissitudes de la condition individuelle, de l’échec éventuel des thérapies. Autrement dit, « les représentations populaires sur la santé » définissent à la fois des itinéraires thérapeutiques considérés comme efficaces et des argumentaires permettant de rendre compte des échecs ou des succès (Olivier de Sardan, 1995). Il semble donc aujourd’hui que la tendance soit à la reconnaissance de ces savoirs dits « traditionnels ». Mais il convient de prendre garde à ne pas figer ces savoirs dans une vision traditionaliste passéiste. Fassin (1992) rappelle que l’opposition implicite ou explicite entre médecine traditionnelle et médecine moderne, et plus généralement entre tradition et modernité, laisse à penser qu’il existe d’un côté l’immuabilité de pratiques séculaires, de l’autre la marche du progrès scientifique. Olivier de Sardan soulignait en 1995 que l’on « tend aussitôt à enfermer ces savoirs et ces cultures dans une vision a-temporelle, passéiste, patrimoniale ». Mais pour Fassin (1992), les recherches historiques ont pourtant établi la perméabilité des sociétés africaines au changement. Il ne manque pas de noter que « ces faits sont connus et pourtant l’anthropologie médicale, parce qu’elle cherche à reconstituer des corpus traditionnels, oublie souvent de prendre en compte les transformations des savoirs et des pratiques ». Olivier de Sardan (1995) s’attarde sur l’exemple des pratiques thérapeutiques dites « indigènes » : l’intérêt nouveau qui leur est porté y voit souvent la survivance de techniques et de connaissances ancestrales. Mais les itinéraires thérapeutiques proposés par ceux que l’on a désigné, comme l’OMS, sous le vocable de « tradipraticiens », comme les savoirs sur lesquels ils s’appuient « n’ont pour bonne part rien de traditionnel ». Ainsi, sans pour autant être « occidentaux », ils ont considérablement évolué depuis le XIXème siècle et la conquête coloniale. Ils ont intégré et transformé toute une série d’éléments matériels et symboliques liés à la médecine européenne (Olivier de Sardan, 1995). C’est ce que Mathias et McCorkle (2004) ont noté pour la médecine vétérinaire : de nos jours, l’ethnomédecine vétérinaire englobe de nombreuses techniques adoptées de la médecine vétérinaire « moderne ». En effet, les guérisseurs et leur clientèle sont constamment exposés à de nouveaux enjeux et de nouvelles situations face auxquelles ils font preuve d’une remarquable plasticité adaptative. Olivier de Sardan (1995) impute cette tenace illusion de traditionnalité à la combinaison de deux processus : - Tout ce qui en Afrique ne relève pas du secteur considéré comme « moderne » − au sens le plus occidental du terme − est automatiquement imputé à la traditionnalité africaine et renvoyé à une sorte de cliché de l’Afrique ancestrale qui surnagerait plus ou moins dans les tourmentes contemporaines. - Tout ce qui, dans les domaines qu’on dit pourtant « modernes », ne correspond pas à ce que l’on pourrait appeler la normalité occidentale, économique ou politique, est également imputé à des survivances de type culturel qui renverraient, au-delà des « apparences modernes », à ce même vieux fond patrimonial. 174 L’ethnomédecine vétérinaire est donc une piste de travail envisageable : - elle fait appel aux « savoirs locaux », étendus aussi bien dans la prophylaxie des maladies que leur traitement. les intervenants sont parfois spécialisés, mais traitent souvent aussi bien humains qu’animaux. l’ethnomédecine s’appuie sur un socle de connaissances empiriques, dont le fondement scientifique et l’efficacité sont difficiles à évaluer. un de ses atouts est son ancrage dans un univers socio-culturel familier à l’éleveur. il convient de ne pas figer cette ethno-médecine dans une vision traditionaliste. 4.Un challenge pour le système de santé animale : l’intégration de l’approche alternative dans un cadre légal Les alternatives que représentent l’utilisation d’un réseau d’auxiliaires et la médecine vétérinaire traditionnelle semblent pouvoir enrichir le système conventionnel et pourraient le rendre plus accessible aux éleveurs. Cependant, une telle approche, pour pouvoir faire face aux impératifs de la « nouvelle donne » du commerce international, devra s’intégrer dans un cadre législatif bien délimité. a)Auxiliaires et législation Au Sénégal, le réseau des auxiliaires opère pour l’instant hors de tout cadre légal. Bien que la nécessité du recours à ce type d’approche apparaisse maintenant comme incontournable, et malgré le fait que le gouvernement intègre progressivement les auxiliaires dans le système officiel de santé animale (dans la surveillance épidémiologique notamment), la reconnaissance officielle des auxiliaires est une question toujours épineuse. Dans un système de libéralisation et de privatisation où les acteurs traditionnels de la santé animale ont du mal à trouver leur place, la multiplication des opérations utilisant des auxiliaires et leur place grandissante dans l’exercice d’activités traditionnellement réservées à la profession vétérinaire ont provoqué des réactions d’inquiétude et parfois de franche opposition. Pourtant, un des facteurs limitants l’efficacité du système des auxiliaires est le manque de reconnaissance officielle. L’absence de reconnaissance induit un cadre flou, dans lequel ces auxiliaires exercent leur activité. L’absence de contrôle sur ces auxiliaires dessert le système actuel, et des dérives vers une mauvaise utilisation des médicaments reste à craindre. Le problème de la reconnaissance des auxiliaires au niveau international est directement lié à la crédibilité des systèmes de services de santé animale face aux normes internationales et au problème de la certification des Services vétérinaires. La certification d’origine et les normes sanitaires sont devenues des armes commerciales dont les producteurs locaux n’ont pas la maîtrise. La non reconnaissance par les institutions internationales qui veillent au respect des normes, l’OIE en particulier, pose le problème de l’accès au marché des pays ayant intégré au système conventionnel un système alternatif. En partant de ce constat, Fermet-Quinet (2003) dénonce violemment les systèmes de « santé communautaire » : « En légiférant et en institutionnalisant ces pratiques douteuses de « pseudo-agents sanitaires communautaires », soi-disant « adaptées aux conditions des éleveurs et consommateurs des pays pauvres », le modèle sanitaire mis en place restera incompatible avec les normes recommandées par les institutions internationales. (…) L’installation durable d’un sous175 système vétérinaire et sanitaire privera durablement, voire définitivement, ces pays de la moindre chance de maîtriser leur développement sanitaire, et surtout de l’accès aux marchés mondiaux pour l’exportation de leurs produits agricoles compétitifs. (…) L’exclusion des pays pauvres du marché international sera inéluctable et ce, au bénéfice des pays riches, qui possèdent déjà un système sanitaire conforme. Les quelques marchés africains qui résistent un tant soit peu à la concurrence extérieure seront vite ramenés à un état de dépendance ». L’OIE, consultée à ce sujet, a formé un groupe ad hoc qui a examiné le rôle des vétérinaires du secteur privé et du personnel para-professionnel dans la fourniture de services en santé animale. La conclusion essentielle en est : « la proposition de définir un membre du personnel para-professionnel comme étant une personne qui, dans le cadre de l’application du Code de l’OIE, est autorisée à exécuter certains actes vétérinaires (en fonction de la catégorie de personnel para-professionnel) dans un pays, grâce à une autorisation d’exercer délivrée par l’organisme vétérinaire officiel. Ces tâches lui sont déléguées sous la responsabilité et la direction d’un vétérinaire diplômé ou autorisé à exercer ». Cette proposition, rigoureusement rédigée, implique qu’un certain nombre de dispositions aient été prises au préalable, dont (Blanc et al., 2003) : - - la définition précise des tâches qu’il est possible de confier à un auxiliaire (dans le respect du Code de l’OIE) ; la délivrance d’une autorisation d’exercer par l’organisme vétérinaire officiel. Ceci suppose que les auxiliaires soient enregistrés et donc qu’un registre soit tenu à cet effet et aussi qu’une preuve de l’autorisation (carte ou certificat) soit délivrée à l’intéressé par ce même organisme ; l’existence d’un lien de subordination (contractuel ou hiérarchique) entre l’auxiliaire et un vétérinaire reconnu ; une supervision efficace devant être exercée par le vétérinaire responsable par délégation des actes effectués par l’auxiliaire qui lui est attaché. Une proposition qui découle de la précédente est « la création d’un organisme vétérinaire officiel dans chaque pays membre de l’OIE qui serait chargé de l’octroi de l’autorisation d’exercer et de l’habilitation des vétérinaires et du personnel para-professionnel, de l’établissement et de la surveillance des normes professionnelles, ainsi que de la discipline. Ceci suppose la création d’une nouvelle structure professionnelle accréditée, dotée d’un pouvoir disciplinaire et des moyens de suivi nécessaire à la surveillance. En ce qui concerne l’approvisionnement en médicaments, selon Blanc et al. (2003), la proposition du groupe ad hoc est cohérente avec l’énoncé de la précédente en précisant que : « l’approvisionnement repose sur un diagnostic préalable et un traitement spécifique faisant appel à des produits autorisés, et ne soit consenti qu’à des éleveurs dont les animaux sont confiés au soin du vétérinaire ou du personnel para professionnel travaillant sous sa responsabilité ». Les diverses implications sous-tendues par la proposition comprennent : - une définition préalable précise des produits autorisés et donc l’existence d’une législation adéquate sur les médicaments vétérinaires ; - une formation de l’auxiliaire de santé animale en cohérence avec les tâches qui lui sont déléguées et les médicaments autorisés ; et, comme plus haut, - l’existence d’un lien de subordination assorti d’une supervision adéquate. Les notions de supervision et subordination peuvent être éclairées par la définition qui en a été faite par le système tanzanien (figure 47 ; Woodford, 2004). 176 Les rôles du vétérinaire superviseur dans le système de santé animale en Tanzanie - s’assurer que les para-professionnels maintiennent un niveau de compétences adéquat dans leurs pratiques vérifier que les para-professionnels utilisent uniquement des médicaments de bonne qualité, et de manière appropriée jouer le rôle de référent pour l’auxiliaire en cas de pathologie particulière ou mal connue améliorer la qualité des compétences et le champ d’action de l’auxiliaire s’assurer que les para-professionnels tiennent à jour un registre régulier de leurs activités Figure 47 : Rôles du vétérinaire superviseur dans le système Tanzanien (d’après Woodford, 2004) Un des facteurs importants pour la qualité des services offerts est la pérennité des liens unissant superviseur et supervisé. Face au constat que le plus souvent les liens entre auxiliaire et superviseur se distendent, et que la fréquence des contacts entre le superviseur et les paraprofessionnels diminuent au cours du temps, le système tanzanien propose de contractualiser ces liens. Dans les termes du contrat sont précisés les rôles et obligations de chacun. Le paraprofessionnel s’engage « à faire part au moins une fois par mois du résumé de ses activités » ; le superviseur s’engage « à maintenir une fréquence de contact suffisante entre le supervisé et lui » (Woodford, 2004). Enfin, le groupe ad hoc reconnaît l’importance des « éleveurs et de leurs associations » dans le dispositif de lutte, préventif et curatif, contre les maladies animales et recommande que des liens officiels soient noués entre les administrations vétérinaires et les pourvoyeurs de service, reconnaissant ainsi le rôle essentiel des services vétérinaires dans la supervision et le contrôle des services de santé animale (Blanc et al., 2003). Il est à noter que ces recommandations tendent tout autant à protéger les éleveurs demandeurs des services assurés par les auxiliaires que les consommateurs nationaux ou, potentiellement, étrangers et devraient à ce titre figurer dans les politiques nationales traitant de la protection de la santé animale. Il est aussi à noter que, si la création d’un organisme vétérinaire officiel chargé de définir les tâches autorisées des auxiliaires de santé animale et de délivrer les autorisations d’exercer peut figurer dans un texte réglementaire (décret ou arrêté) plutôt que législatif (loi ou ordonnance), la délivrance d’une autorisation d’exercer représente une reconnaissance officielle suffisante des auxiliaires permettant une définition souple et évolutive des tâches qui lui sont allouées. Il n’est donc nul besoin de texte législatif pour définir un statut qui se trouverait ainsi figé. Il devient alors primordial que l’organisme officiel joue son rôle et tienne à jour la liste complète des auxiliaires et leur lieu d’exercice (Blanc et al., 2003). b)Intégration de la « médecine traditionnelle » dans le système de santé (1)Perspectives de développement de l’ethnomédecine vétérinaire En 1978, l’OMS recommandait la pleine utilisation de toutes les ressources − y compris celles relevant des pratiques traditionnelles − pour permettre aux populations du monde entier d’accéder à la santé de base. Mathias et McCorkle (2004) montrent de quelle manière, à travers ces mêmes lignes, on peut lire la nécessité pour la médecine vétérinaire de 177 faire bon usage des ressources que représentent les tradipraticiens et l’ethnomédecine vétérinaires. Les raisons énoncées par les auteurs sont les suivantes : - Les guérisseurs du bétail sont des praticiens traditionnels établis qui ont des connaissances empiriques solides et une clientèle notable. Les éleveurs font appel aux tradipraticiens dans plus de 25% des cas où ils ont besoin du conseil d’un professionnel, et ce même quand les services vétérinaires conventionnels sont disponibles. - De nombreux guérisseurs traitent à la fois hommes et bétail. Ceci est un facteur favorable au développement d’une approche plus efficace de la fourniture des services de santé et conjointe animaux/humains et traditionnel/moderne. Il semble qu’une telle approche duale permette aux populations reculées ou nomades de tirer avantage des services à la fois pour les hommes (et plus particulièrement pour les enfants) et pour l’élevage. - L’intégration de traitements ethnovétérinaires dans un système santé animale de base avec auxiliaires permet d’étendre les possibilités de choix disponibles à la fois pour les fournisseurs de services et leurs clients. Ainsi, l’intégration des praticiens traditionnels dans un système de santé signifie que la santé animale (ou humaine) pourrait être étendue à des groupes qui sont trop peu desservis par les systèmes conventionnels en place, ou qui n’ont pas accès à la santé du tout (Mathias et McCorkle, 2004). Cependant, pour cela, il reste à vaincre un certain nombre d’obstacles et du chemin reste à faire. Quelques uns des éléments de réflexion et des pistes de recherche énoncées par les auteurs sont présentés en figure 48. Le secteur « moderne » doit mieux connaître les rôles des praticiens traditionnels et prendre en compte leur importance. Des études sont nécessaires pour comprendre : l’étendue du champ d’action des tradipraticiens ; de quelle manière les tradipraticiens et leurs clients réagissent aux changements éconiques et sociaux. On manque de travaux menés auprès des « guérisseurs », de leurs clients et des éleveurs, proposant une réflexion sur la façon dont les pratiques de médecine traditionnelle pourraient être améliorées, renforcées et intégrées économiquement comme fonctionnellement au systèmes conventionnel. Des recherches en laboratoire et sur le terrain sont nécessaires pour mieux appréhender l’efficacité de la médecine traditionnelle. Des projets pilotes pourraient être développés pour illustrer les modalités d’intégration entre système de santé traditionnel et conventionnel. On a besoin d’études d’impact et d’analyses coûts-bénéfices pour déterminer l’efficacité et les impacts socio-économiques des systèmes vétérinaires utilisant une approche « traditionnelle », conventionnelle ou combinée. Ces études pourront être menées à l’échelle de l’exploitation agricole, de la communauté ou au niveau national. On manque d’études sur les politiques nationales et internationales, et sur les modalités de régulation, supervision et gestion des prérogatives des différentes corps professionnels. Enfin, il est indispensable d’établir des politiques et un cadre réglementaire ayant trait à la protection de la flore et faune locales, ainsi que des autres ressources naturelles, afin de prévenir une surexploitation concomitante à leur utilisation en médecine traditionnelle. Parallèlement, il convient de réglementer la propriété intellectuelle des praticiens traditionnels. Figure 48 : Pistes de travail pour un développement de la médecine vétérinaire traditionnelle (d'après Mathias et McCorkle, 2004) 178 (2)Médecine traditionnelle et auxiliaires de santé animale L’intégration de l’ethnomédecine dans le système conventionnel passe avant tout par une meilleure connaissance de celle-ci, mais aussi par une reconnaissance de la part les acteurs institutionnels. Ces deux étapes sont le préalable nécessaire à l’insertion de la médecine traditionnelle dans le système conventionnel de santé animale. Les phases suivantes sont l’élaboration d’un cadre légal laissant place aux pratiques traditionnelles et l’intégration des « guérisseurs » aux projets sur le terrain. Une des solutions les plus évidentes pour cette dernière phase est l’utilisation des tradipraticiens au sein des systèmes d’auxiliaires de santé animale. Les auxiliaires sont avant tout éleveurs et ont un ancrage profond dans la vie de la communauté. Ils sont amenés à côtoyer les guérisseurs et avoir accès à de nombreuses pratiques de médecine traditionnelle. Selon IDL Group (2003), les projets de développement faisant appel aux auxiliaires devraient capitaliser ces connaissances « traditionnelles » en encourageant le personnel du projet à faire émerger et partager les informations et le savoirfaire lors des séances de formation. Idéalement, au début d’un projet d’auxiliaires, les formateurs et les participants répertorieront ensemble l’éventail des pratiques locales, discuteront et sélectionneront celles susceptibles d’être intégrées dans un système de santé animale. Certaines pratiques « traditionnelles » faisant écho à des pratiques « modernes » pourront être utilisées et encouragées directement. D’autres nécessiteront des recherches plus poussées, par exemple pour mieux connaître puis tester l’efficacité des plantes de la pharmacopée. Catley et al. (2004) soulignent l’importance, avant de précipiter la sélection de guérisseurs traditionnels comme auxiliaires, de prendre en compte le maximum d’informations à travers des enquêtes participatives. Ainsi, outre l’étendue des connaissances et compétences des tradipraticiens, il convient de bien connaître le type de services disponibles, les différentes formes de paiements pour les services des guérisseurs traditionnels et la qualité des relations entre les individus de la communauté et le guérisseur traditionnel. Dès lors, il est très difficile de recommander des lignes directrices bien définies pour la sélection de guérisseurs traditionnels locaux en tant qu’auxiliaires. Ainsi, la règle d’or, s’il en a une, est de laisser les membres de la communauté décider. « Ils sauront bien si les guérisseurs traditionnels de leur propre région sont aptes et auront aussi leur avis sur l’efficacité des services proposés » rappellent Catley et al. (2004). L’expérience d’Anthra, en Inde, montre selon Catley et al. (2004) que l’utilisation des guérisseurs traditionnels par le système des auxiliaires et la capitalisation des connaissances autochtones bénéficie à l’ensemble de la communauté et contribue davantage à l’acceptation de l’auxiliaire par la communauté villageoise. 179 Conclusion Ainsi, ce système de santé animale « rénové » offre aujourd’hui un bilan mitigé. Bien que la privatisation ait « pris racine », il semble qu’elle reste toujours sans réponse pour des éleveurs éloignés des centres urbains. L’accessibilité du plus grand nombre d’éleveurs à l’ensemble des services de santé animale reste un point critique et un défi à relever. Dans l’idée de rapprocher le système vétérinaire des besoins des éleveurs, il est nécessaire dans un premier temps de mieux comprendre comment s’opère la gestion de la santé animale au sein de l’exploitation agricole, puis de réfléchir à des approches alternatives. Il s’avère que les choix des éleveurs en matière de suivi vétérinaire se raisonnent en combinant des paramètres tels que le système d’élevage, les facteurs économiques, la pression sanitaire ou le cadre institutionnel. Pour répondre à des besoins et contraintes aussi diversifiées, l’approche « santé animale de base » propose de s’appuyer sur des réseaux d’auxiliaires. Les expériences menées en ce sens semblent aujourd’hui montrer que de tels systèmes peuvent fonctionner. L’intégration de la médecine traditionnelle, composante omniprésente mais trop mal connue du système, au sein d’un ensemble vétérinaire conventionnel pourrait elle aussi permettre de rapprocher un peu plus les services de santé des éleveurs. 180 CONCLUSION Fruit de l’histoire, le système de santé animale au Sénégal est aujourd’hui encore fortement marqué par l’héritage colonial et l’empreinte du « Tout-Etat » post-Indépendances. Face au contexte de crise des années 1980, le Sénégal a dû se plier aux politiques d’ajustement structurel. Ce «choc exogène » s’est répercuté sur le système vétérinaire, qui, conformément aux recommandations pressantes des institutions internationales, s’est lancé au début des années 1990 dans un processus de privatisation. Les services étatiques se sont désengagés de certaines de leurs fonctions pour se recentrer sur leurs missions régaliennes. Parallèlement émergeait un secteur privé. Mais l’étude de l’organisation et du fonctionnement du système actuel met en lumière quelques unes des difficultés rencontrées, parmi lesquelles : - une offre opaque, qui fait intervenir de nombreux acteurs, aux stratégies parfois divergentes, évoluant dans un cadre flou ; - le risque d’une dégradation des services de l’Etat et d’une approche marchande de la santé animale ; - les importantes disparités dans l’adéquation entre offre en services et besoins des éleveurs, notamment en termes d’accès aux services. Confronté aux impératifs de politique de lutte contre la pauvreté, le système actuel doit évoluer vers une meilleure accessibilité et offrir au plus grand nombre d’éleveurs une offre disponible et adaptée aux besoins et contraintes qu’ils rencontrent. Partant du constat que le secteur privé ne peut étendre son maillage sur l’ensemble du territoire pour des questions de rentabilité, et que les moyens de l’Etat sont insuffisants pour développer le réseau des postes publics, nous sommes amenés à réfléchir aux alternatives envisageables. Une des pistes actuellement à l’étude dans les travaux de recherche sur les systèmes de santé animale est l’utilisation accrue de la participation des éleveurs au système, notamment via le développement du réseau des auxiliaires d’élevage. Ce type de réseau a déjà partiellement été mis en place au Sénégal par différents projets, mais manque de suivi et opère pour l’instant hors du cadre légal. La question de la reconnaissance officielle de ces systèmes alternatifs se voit confrontée aujourd’hui aux exigences des normes édictées par les institutions internationales. 181 Parallèlement, dans l’idée de rapprocher le système de santé animale des éleveurs et d’en faciliter l’accès plus grand nombre, et dans la lignée des « approches participatives » du développement, certains avancent l’idée d’une plus grande intégration des médecines dites « traditionnelles » au système. Mais alors que le système actuel peine à trouver ses marques, et face aux enjeux de l’intégration aux cadres normatifs internationaux, la reconnaissance et l’implication officielle des opérateurs dits « traditionnels » dans le cadre légal semble pour l’instant difficile. Ce travail, loin de se prétendre exhaustif, a été pour nous l’occasion d’appréhender la complexité d’un système de santé. Cette étude du phénomène de privatisation de la médecine vétérinaire nous a permis de voir de quelle manière une approche systémique pouvait permettre de mieux comprendre cet ensemble composite. Elle a été aussi l’occasion de soulever quelques points critiques et pistes de travail à explorer. Une étude plus précise des stratégies des éleveurs en matière de santé animale paraît être un préalable nécessaire à une meilleure adéquation du système aux besoins et contraintes des éleveurs. Face à la multiplicité des recours possibles et à la diversité des itinéraires thérapeutiques envisageables pour un éleveur, il serait intéressant de mieux comprendre quels sont les déterminants de ces itinéraires. Fassin (1992) a mis en lumière toute leur complexité dans le « champ de la santé » humaine. Dans l’idée de mieux comprendre la gestion de la santé animale, l’analyse systémique à l’échelle de l’exploitation agricole pourrait apporter beaucoup. Et par ailleurs, au vu des difficultés à surmonter dans les enquêtes portant sur le recours aux soins (Fassin et Brousselle, 1991), on peut penser que les sciences humaines pourraient enrichir ce type de travail et permettre une compréhension plus fine des processus. D’autre part, à l’échelle du système de santé animale tout entier, une approche systémique permet d’appréhender les enjeux auxquels est confrontée l’organisation vétérinaire. Parallèlement, en tentant de mieux analyser les stratégies d’acteurs, on pourra aussi mieux comprendre les blocages actuels du système. Cet ensemble complexe que constitue un système de santé est une masse mouvante et changeante. Confronté aux impératifs de la mondialisation et aux règles du jeu fixées par les institutions internationales, le système de santé animale subit de nombreux remaniements qui affectent lourdement son organisation et son cadre législatif. Ces changements sont mis en place avec difficulté parfois, se heurtant à un apparent immobilisme. Mais il convient de ne pas oublier que législation va souvent de pair avec légitimation de rapports sociaux et enjeux de pouvoir préexistants. L’apparente inertie du système actuel cache en effet un labyrinthe d’interactions sociales, économiques et politiques que toute modification du cadre législatif bouleverse considérablement. Ces bouleversements peuvent parfois se retourner contre les bonnes intentions qui les animent… La question de la valorisation et de l’intégration de la médecine traditionnelle en est l’illustration. Ainsi, devant le consensus actuel autour de la reconnaissance des « savoirs traditionnels », qui apparaît pourtant comme une alternative évidente, Fassin (1992) émet quelques réserves. « Face aux mutations de la société, des réponses faciles ont été données : l’intégration des guérisseurs aux services de santé, la reconnaissance de leur pratique par les pouvoirs publics, voire leur organisation en profession ont été proposées par des gouvernements africains et par des organismes internationaux. En fait les conséquences de telles décisions n’ont pas été analysées. (…) La professionnalisation et l’officialisation des médecines africaines sous la tutelle scientifique et éthique de la médecine cosmopolite modifieraient considérablement les conditions d’exercice et par conséquent l’efficacité de ces médecines». Finalement, ne serions nous pas confronté à une « impossible synthèse entre médecine traditionnelle et occidentale » et, en l’absence de critères d’évaluation scientifique, à la nécessité de choix idéologiques (Fassin, 1992) ? 182 ANNEXES 183 184 ANNEXE I QUESTIONNAIRE DESTINE AUX VETERINAIRES EXERCANT EN CLIENTELE A TITRE PRIVE Nom et prénom : Nom de la clinique : Adresse et numéro de téléphone : Questions générales sur l’installation Date d’obtention du diplôme : Date d’installation : Modalités d’installation (aide PARC/PACE ; montant alloué) : Avez-vous remboursé votre crédit ? En combien de temps ? Si blocage, pourquoi ? Qui vous a aidé et conseillé pour votre installation ? Dans quel domaine ? Quels sont les points à améliorer ? Etes-vous globalement satisfaits de votre situation ? Quels sont les avantages/inconvénients à être dans le privé ? Quand avez-vous décidé de vous installer ? Dès la sortie de l’école ? OUI/NON Quelqu’un vous a t’il encouragé à vous installer ? Qui ? Comment avez-vous décidé du choix de la zone d’installation ? Quels facteurs avez-vous pris en compte ? (infrastrucures, famille, qualité de vie, forage, marchés, …) De quelle région êtes-vous originaires ? Comment s’est faite la création de votre clientèle ? Comment les éleveurs vous ont-ils accueillis ? Description de la structure Avez-vous des salariés ? Quelle est leur qualification ? Quelles taches leurs sont confiées ? Quel est leur mode de rémunération ? Relations avec les autres professionnels Quelle est votre zone d’action ? Quels sont les autres professionnels dans cette zone ? Quels sont vos rapports avec eux ? Vous sentez-vous en concurrence avec eux ? Certains professionnels font-ils appel à vous ? Faites-vous appel à d’autres professionnels ? Dans quels cas ? Rapports avec le secteur public Quels sont vos rapports avec le secteur public ? Vous sentez-vous investi d’une mission de service public ? Retournez-vous des informations à la DIREL ? Mandat sanitaire : OUI/NON. Depuis quand disposez-vous du mandat ? Pour quelle zone ? Comment vous organisez-vous pour la campagne de vaccination ? Quelles sont les principales difficultés rencontrées pendant la campagne ? Pensez-vous survivre si le mandat n’était plus subventionné ? Vous sentez-vous impliqué dans l’épidémiosurveillance ? Quelles sont les difficultés rencontrées dans ce domaine ? Description des activités Pratiquez-vous d’autres activités rémunératrices ? Lesquelles ? Quelles sont les espèces présentées à la clinique ? A quelle fréquence ? Pour quel type de pathologie ? Quelle est la période d’activité la plus importante dans l’année ? Pratiquez-vous la chirurgie ? Dans quel cas ? Où consultez-vous ? Vous déplacez-vous chez les éleveurs ? A quelle fréquence ? Dans quels cas ? Dans quelle zone ? Quel type d’éleveurs paye le mieux ? Pour quel type d’animaux ? Quelles sont les modalités de paiement ? Combien les éleveurs dépensent-ils en moyenne par animal ? Les éleveurs se plaignent-ils de vos tarifs ? Les éleveurs demandent-ils des conseils ? De quel type ? Pour quels animaux ? Les appliquent-ils ? Pensez-vous pouvoir répondre à la demande des éleveurs transhumants ? Comment pourrait-on mieux adapter le suivi vétérinaire pour ces éleveurs ? 185 Perspectives d’avenir Pensez-vous pourvoir augmenter la taille de votre clientèle ? Quel secteur est-il possible de développer ? Pensez-vous que la zone pourrait accueillir un autre privé ? Dans la région, où lui conseilleriez-vous de s’installer ? Quels sont les facteurs à étudier avant de s’installer ? Conclusions sur la privatisation Quelle est votre opinion sur la privatisation ? Pensez-vous qu’elle rende service aux éleveurs ? En quantité ? En qualité ? Pensez-vous que les éleveurs soient satisfaits de la privatisation ? Quelles sont les zones délaissées par les privés ? Pourquoi ? Comment s’organiser dans les zones enclavées, par quels moyens pourrait-on vous inciter à aller vous y installer ? 186 ANNEXE II QUESTIONNAIRE DESTINE AUX AGENTS DE POSTE VETERINAIRE PUBLIC Nom, prénom : Fonction : Adresse / téléphone : Moyens logistiques : Rôle et attributions : Rémunération : Relations entre professionnels de la santé animale Quels sont les professionnels présents dans la zone ? Depuis combien de temps ? Quels sont leurs rôles respectifs ? Quels sont les rapports entre secteur public et privé ? Quelles sont les principales difficultés rencontrées dans ces rapports ? Que pourrait-on faire pour améliorer ces rapports ? Recevez-vous suffisamment d’informations de la part des différents acteurs ? Quels sont les obstacles à une meilleure communication ? Secteur privé Etes-vous satisfait du travail des privés ? Pour la médecine individuelle/collective, vaccination, distribution des médicaments, sensibilisation des éleveurs, épidémiosurveillance …. Quel domaine les privés ont-ils amélioré ? Dans quel domaine ont-ils des efforts à faire ? Quel type de services les privés pourraient-ils développer à l’avenir ? Que proposez-vous pour mieux impliquer les privés dans les missions de service public ? Couverture de la zone Trouvez-vous les acteurs suffisamment nombreux dans la zone ? Où manque t on de personnel ? De quel type ? Pour quelles prestations ? Pourquoi ? Pensez-vous qu’un nouveau privé pourrait s’installer dans la zone ? Où ? Quels facteurs lui conseilleriez-vous d’étudier avant de s’installer ? Les éleveurs sont-ils demandeurs ? La privatisation Que pensez-vous de la privatisation ? Pensez-vous qu’elle rende service aux éleveurs ? En quantité ? En qualité ? Pensez-vous que les éleveurs soient satisfaits de la privatisation ? Quelles sont les zones délaissées par les privés ? Pourquoi ? Comment s’organiser dans les zones enclavées ? 187 ANNEXE III LETTRE DE POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DE L’ELEVAGE I. CONTEXTE DU SECTEUR La société Sénégalaise est ouverte à un monde en mutation profonde sur les plans économique et culturel. Les forces mondiales qui agissent sur les économies nationales ont déjà des effets visibles la notion de frontière est de plus en plus désuète, les technologies nouvelles de communication transmettent des informations et surtout des modes de vie qui font craindre une remise en cause des valeurs traditionnelles favorables au progrès. C’est surtout l’évolution des échanges de biens et services avec une plus grande facilité offerte par les nouveaux accords internationaux, celles des flux financiers et celles des flux d’investissement privé qui deviennent de plus en plus déterminants dans les stratégies de développement. Les statistiques mondiales de la CNUCED montrent que le commerce total de marchandises, aux prix courant, a augmenté de 11% depuis 1950. Les exportations des pays à économie de marché développé ayant augmenté plus rapidement que le taux moyen global, ont atteint 69,8%. Sur la même période, la part des exportations des pays en développement dans leur ensemble a baissé pour s’établir à 27,4%. Il ressort cependant des statistiques, que durant les années 1990, la performance en termes d’exportation des pays en développement serait supérieure à 33%. Malheureusement la part de l’Afrique Subsaharienne dans le volume du commerce international a régressé. Elle est passée de 2,7% en 1970 à 1,3% en 1997. La mise en oeuvre des mesures issues du Cycle de I’Uruguay Round constitue un défi majeur pour notre pays, même si d’importantes distorsions peuvent apparaître. En effet, dans le secteur agricole, le niveau des tarifs ad valorem peut être parfois tel qu’il est difficile de pénétrer parfois les marchés des pays développés. En ce qui concerne les investissements directs étrangers ( IDE), il ressort des statistiques de la Banque Mondiale que sur 167 milliards de dollars de flux nets de capitaux privés à destination des pays en développement en 1995, moins d’un dixième a été mobilisé par l’Afrique soit 11,8 milliards de dollars ainsi répartis 5 milliards pour les pays de l’Afrique au Sud Sahara et 6,8 milliards pour l’Afrique du Nord. Parallèlement, l’Afrique reste encore le premier bénéficiaire de l’aide public au développement (APD) qui poursuit sa tendance décroissante en raison de la baisse des fonds budgétaires alloués par les pays donateurs. C’est dans ce contexte que le Sénégal développe des initiatives avec ses partenaires de la sous région, pour faire face ensemble à la mondialisation. La communauté Economique Des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), maillon important de la Communauté Economique africaine (CEA), avait pour objectif d’accélérer la mise en place d’un marché commun en vue de l’intégration de la sous région. A une échelle plus réduite se situe l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), qui est pour le Sénégal un marché local où la forte compétition exige des réformes structurelles encore plus hardies. Comme dans la plupart des pays Africains, le secteur de l’élevage constitue au Sénégal un maillon essentiel de l’économie, à travers la promotion des exportations, la création d’emplois et la satisfaction des besoins alimentaires des populations rurales et urbaines. En effet, l’élevage revêt au Sénégal une grande importance tant sur le plan économique, social et culturel. Prés de 3.000.000 individus s’adonnent peu ou prou à des activités d’élevage et 350.000 familles sénégalaises tirent l’essentiel de leurs revenus de celles-ci. Le sous secteur de l’élevage contribue pour 7,4% au P.I.B. national et 35,5% au P LB. du secteur primaire et ceci malgré la faiblesse des investissements publics. En effet, durant la décennie 1985-1995, moins de 4% du volume total des investissements publics du secteur agricole étaient annuellement consacrés à l’élevage. En 1960, ce taux atteignait 10%. En 1998, le budget inscrit pour l’élevage est de 4,71% du volume totale alloué au secteur primaire et devrait passer à 9,7% d’ici l’an 2000. Il convient de rappeler que la contribution de l’élevage à l’économie nationale dépasse la production alimentaire directe et inclut les cuirs et peaux, le fumier et la traction animale. L’ensemble de ces éléments joue un rôle important dans la sécurité alimentaire des populations rurales et dans la lutte contre la pauvreté. Durant les dix dernières années, le secteur agricole a fait l’objet de différentes réformes dont la plus récente a visé l’ajustement sectoriel global. C’est ainsi que le Gouvernement a été amené à élaborer une Lettre de Politique de Développement Agricole (LPDA) dont les principaux objectifs sont: • assurer une croissance agricole de 4% par an • améliorer la sécurité alimentaire des populations • assurer une meilleure gestion des ressources naturelles • assurer une sécurité foncière pour tous les producteurs • générer des emplois et accroître les revenus en milieu rural • promouvoir l’investissement privé et l’efficacité des dépenses publiques. Pour réaliser ces objectifs, l’Etat a pris un certain nombre de mesures visant l’atteinte des finalités suivantes : • le désengagement de l’Etat au profit du secteur privé de toutes les activités marchandes • la libéralisation des prix et de la commercialisation des produits et intrants agricoles • le développement de l’investissement privé. La politique menée en matière d’élevage s’est inspirée des orientations de la LPDA. Dans le cadre de l’ajustement du sous secteur de l’élevage, l’Etat a pris les mesures ci après: • Privatisation de la SERAS et des activités de production du Centre National d’Aviculture de Mbao. • Mise en vente de la SODESP. 188 • Désengagement de l’Etat des activités de médecine et de pharmacie vétérinaires au bénéfice de praticiens vétérinaires privées installés grâce notamment à des fonds de garantie mis en place à la. CNCAS par les projets PARC et PAPEL • Libéralisation des prix des produits d’origine animale en particulier la viande. • Renforcement des organisations d’éleveurs. Depuis juillet 1998, le sous-secteur de l’élevage qui relevait du Ministère de l’Agriculture, a été érigé en un Ministère en plein exercice. Par cette décision, le Gouvernement du Sénégal entend donner un signal fort pour montrer sa détermination à intensifier les productions animales en vue de contribuer à la satisfaction des besoins des populations, de promouvoir les exportations et de faire de l’élevage un secteur de croissance très forte. Pour ce faire des mesures idoines sont engagées pour renforcer les atouts du sous-secteur et réduire les principales contraintes. Les atouts Parmi les atouts de l’élevage Sénégalais on peut citer entres autres : · Un cheptel important et varié · des traditions pastorales confirmées · un contrôle sur les deux principales épizooties que sont la peste bovine et la péripneumonie contagieuse bovine. · une grande disponibilité de sous-produits agricoles et agro-industriels notamment dans le bassin arachidier et la vallée du Fleuve · l’existence d’une zone à vocation pastorale marquée (zone sylvopastorale) et de zones aménagées propices aux cultures fourragères ( vallée du Fleuve, du Ferlo et de l’Anambé, Ranch de Dolly); · un personnel technique public et privé qualifié · une grande marge de progression en raison notamment du caractère extensif des systèmes de production. Les contraintes ·L’élevage reste confronté à des contraintes dont les principales sont: ·un mode d’élevage essentiellement extensif où l’alimentation du cheptel est basé sur les pâturages naturels soumis aux aléas climatiques, aux feux de brousses et à la pression des cultures ·la faiblesse de l’investissement public et privé dans le secteur qui se traduit par l’insuffisance des infrastructures de base (pistes de production dans la zone sylvopastorale, ouvrage hydraulique, unités de transformation et de conservation etc.) ·une dégradation progressive des écosystèmes pastoraux · une persistance de certaines maladies telle que la peste des petits ruminants, la maladie du Newcastle, la peste porcine africaine, la peste équine etc. · une connaissance limitée des effectifs réels du cheptel · le sous équipement et le faible niveau de technicité des producteurs ·les insuffisances dans la politique de formation des éleveurs · la présence de nombreux intermédiaires dans les circuits de commercialisation du bétail entraînant un renchérissement des prix de la viande à la consommation · l’absence d’une sécurisation foncière pour les activités pastorales ·la faiblesse du potentiel laitier des races locales dont la production ne dépasse pas 2 litres de lait par jour avec une période de lactation de 180 jours. II. ORIENTATIONS GÉNÉRALES Le Gouvernement s’est engagé depuis la dévaluation du FCFA en 1994 dans une série de programmes d’ajustement et de réformes économiques en vue de rétablir les conditions d’une croissance forte et durable et d’assurer la viabilité financière extérieure et intérieure. Le IXème Plan d’Orientation pour le développement Économique et Social (1996-2001) vient renforcer cette orientation. La stratégie globale du Gouvernement vise la compétitivité et le développement humain durable et constitue un prolongement des activités engagées au lendemain de la dévaluation. Il s’agit du renforcement de la concurrence interne, de l’amélioration de la compétitivité des entreprises, de la promotion des investissements et des exportations, l’amélioration du financement du marché et une plus grande responsabilisation du secteur privé et une amélioration des stratégies de mise en valeur des ressources humaines. Compte tenu de ces orientations, l’Etat entend faire de l’élevage un poumon du développement économique du pays à travers la définition et la réalisation d’objectifs forts visant à intensifier la production animale et à promouvoir les exportations. Le râle de l’Etat reste limité dans ce contexte à: i) la gestion du service public, à l’orientation et la définition des voies et moyens pour un développement socio-économique durable; ii) la responsabilisation des producteurs iii) et son désengagement des activités marchandes pour les confier aux privés. III. LES OBJECTIFS DU SECTEUR DE L’ÉLEVAGE 1. OBJECTIFS GÉNÉRAUX Dans le respect des orientations de la politique économique et social du IXème plan et de la Déclaration de politique générale du Gouvernement, d’août 1998, le sous-secteur de l’élevage vise à atteindre en l’an 2003 les objectifs globaux suivants : • accroître de façon soutenue les productions animales en vue de contribuer de manière spécifique à la réalisation de l’objectif de sécurité alimentaire • améliorer le revenu des producteurs en élevage et lutter contre la pauvreté • préserver les ressources naturelles. Pour atteindre ces objectifs, dans le moyen terme, le Gouvernement entend améliorer de manière significative la compétitivité du secteur. Pour cela, il est nécessaire : • d’améliorer le potentiel génétique, 189 • de mettre en place un crédit adapté, • et de renforcer les capacités institutionnelles et organisationnelles ainsi que la formation des différents acteurs. 2 . OBJECTIFS SPECIFIQUES De manière plus spécifique, les objectifs ci-après seront recherchés : • la production globale de viande actuellement de 100.000 tonnes sera portée à 144.600 tonnes en l’an 2003, ce qui permettra d’assurer une consommation de 14 kg par habitant et par an au lieu de 11,5 kg actuellement. • la consommation d’oeufs actuellement de 22 unités per capita sera porté à 30 unités en l’an 2003. • la facture laitière ( évaluée à prés de 30 milliards de FCFA en 1997) sera progressivement réduite et la production locale accrue de manière à porter la consommation de lait de 27 litres par habitant et par an à 35 litres en 2003 d’où un taux moyen de croît de 5%. • la production des miels et cires sera augmentée respectivement de 200 à 1000 tonnes et de 50 à 150 tonnes en 2003. • la filière équine devra connaître un développement grâce à l’amélioration génétique des races locales. IV. LES ORIENTATIONS STRATEGIQUES DU SECTEUR Pour atteindre ces objectifs, l’Etat entend prendre un train de mesures qui tiennent compte des orientations stratégiques ci-après: · Rendre les différentes filières animales plus compétitives, plus productives et plus diversifiées. · Développer l’initiative privée et renforcer la professionnalisation des producteurs et leurs organisations socioprofessionnelles. · Adapter l’environnement financier aux besoins des producteurs privés qui investissent pour l’intensification de l’élevage. · Assurer la qualité des services fournis par I’Etat. · Assurer une saine gestion des ressources naturelles pour un développement durable. Compte tenu de ces orientations, le Gouvernement affirme par la présente lettre son intention de mettre en oeuvre les politiques suivantes pour atteindre les objectifs fixés dans le sous secteur de l’élevage. V. MESURES POLITIQUES Le Gouvernement du Sénégal s’engage à: Sur le plan institutionnel 1. Faciliter la création d’Interprofession au niveau national et régional pour mieux habiliter les opérateurs privés à contribuer fortement à la création de richesses et à fournir sur des bases contractuelles des prestations de services dans le domaine de la mise en place, de l’entretien et de la gestion des infrastructures sociales et économiques. 2. Renforcer l’organisation et la professionnalisation des producteurs notamment par la consolidation des organisations d’éleveurs et autres acteurs et le développement de programmes d’alphabétisation fonctionnelle. L’Etat encouragera également la création de structures de formation d’auxiliaires d’élevage (dans le domaine de la santé, de la zootechnie...) qui travailleront pour les associations d’éleveurs. 3. Mettre en adéquation les missions dévolues au Ministère de l’Elevage et les moyens humains et matériels nécessaires par l’élaboration d’un plan de recrutement, de formation et de recyclage du personnel. Sur le plan du développement du secteur. 1. Améliorer l’investissement privé dans l’élevage en favorisant l’accès des éleveurs au crédit, aux fonds de bonification de garantie et de calamités dans le cadre du système de crédit rural durable. 2. Prendre en compte les besoins en infrastructures de base (pistes de production, ouvrages hydrauliques etc.) des populations pastorales et les faire financer par le PNIR. 3. Poursuivre le désengagement de l’Etat des sociétés de production et de commercialisation des productions animales. A cet effet, il sera pro,cédé au parachèvement de la liquidation de la SODESP et un programme de réhabilitation sera élaboré pour faire du Ranch de Dolly un centre d’intensification et de diversification des productions animales avec une gestion de type privé qui associe les éleveurs. 4. Assurer la sécurisation du bétail à travers un système d’identification approprié et un contrôle plus efficace des mouvements des animaux. 5. Poursuivre le processus de privatisation de la profession vétérinaire avec une claire définition des rôles respectifs de l’Etat et du secteur privé. Dans ce cas précis, les activités relevant de l’Etat concernent l’élaboration des programmes de lutte contre les maladies légalement contagieuses ou les zoonoses, la surveillance épidémiologique du territoire, le contrôle des mouvements du bétail notamment aux frontières, l’élaboration des normes d’hygiène et de qualité ainsi que le contrôle des denrées d’origine animale et des produits utilisés pour l’élevage, l’inspection sanitaire etc. Certaines de ces activités peuvent être déléguées au secteur privé dans le cadre d’un mandat sanitaire. Il s’agit, en particulier, des interventions au cours des campagnes officielles de vaccination, de l’inspection sanitaire notamment au niveau des abattoirs. 6. Renforcer la lutte contre les épizooties en développant la prévention à travers la mise en place d’un système national de surveillance épidémiologique. 7. Soutenir la mise en place un laboratoire national de contrôle des médicaments a usage vétérinaire et des denrées d’origine animale. 8. Procéder au recensement exhaustif du cheptel. 9. Élaborer un plan d’équipements et d’actions pour lutter contre les feux de brousses. 10. Veiller à ce que le plan d’aménagement foncier privilégie les activités d’élevage dans la zone sylvopastorale, en général et dans la vallée du Ferlo en particulier. 14 veiller à ce que la révision de la loi sur le domaine national en cours prenne les activités pastorales comme une forme de mise en valeur des terres. Sur le plan de la satisfaction de la demande. 190 Créer un environnement économique favorable à l’accroissement de la production de volaille, de viande, de lait et de produits de la ruche. • Réhabiliter tous les abattoirs régionaux et réaliser les abattoirs de Kolda, Dahra, Fatick et Touba. La gestion de ces établissements sera à la charge du secteur privé avec lequel l’Etat signera un contrat. • Soutenir l’implantation d’abattoirs de volailles par les privés. • Inciter le secteur privé à accroître la capacité de transport frigorifique en viande. • Intégrer la filière viande dans le marché d’intérêt national en cours de création (notamment par l’installation de nouveaux abattoirs). • Mettre un centre national d’amélioration génétique à Sangalkam pour favoriser les opérations d’insémination artificielle en rapport avec le secteur privé et assurer leur contrôle. • Mettre en place des incitations fiscales et des mesures réglementaires destinées à favoriser l’installation de promoteurs privés dans la filière laitière (production et transformation). • Rechercher, en relation avec les collectivités locales, a promouvoir un environnement local propice aux initiatives génératrices de revenus notamment par la réalisation d’infrastructures économiques essentiels (foirails, parcs de vaccination, aires d’abattage...). Sur le Plan du financement. Aider à la mise en développement de l’élevage associations professionnelles place d’un fond interprofessionnel de (FIDEL) pour renforcer l’autonomie des dans le sous-secteur de l’élevage. VI. MODAL1TES ET INSTRUMENTS DE MISE EN OEUVRE DES MESURES POLITIQUES 1. Les Réformes institutionnelles Elles seront mises en place grâce au Programme de Services Agricoles et d’Appui aux Organisations Paysannes (PSAOP). Celui ci devra aider en particulier: • l’amélioration des performances de la recherche zootechnique et vétérinaire et du système de transfert de technologies dans le domaine des productions animales pour répondre au besoin des éleveurs. • l’appui à la professionnalisation et à la responsabilisation des organisations de producteurs et notamment des Maisons des Eleveurs pour leur permettre de jouer un rôle dans la génération, le transfert et l’adoption de technologies adaptées. • la structuration du Ministère de I’Elevage pour lui permettre de bien mener ses missions de service public. Cette structuration devrait s’opérer de manière à bien préciser l’organisation nouvelle des services centraux du ministère ainsi que les services régionaux et locaux. Elle devra permettre par ailleurs la création d’une cellule d’analyse, de planification et de suivi - évaluation rattaché au cabinet du Ministre de l’Elevage. Le PSAOP, prévoit d’assurer le financement de trois programmes d’appui à l’exercice des missions de service public du Ministère de I’Elevage qui sont: · le Programme national de contrôle de qualité des denrées d’origine animale; · le Programme national d’amélioration de l’information zoosanitaire · le Programme national de lutte contre les maladies animales. 2. Les Instruments pour la réalisation des mesures prévues Le plan d’action pour la relance de l’élevage (1999-2003), élaboré en octobre 1998, intègre une partie des mesures et prévoit leur réalisation à travers les instruments ciaprès : 1/ Le Programme agricole. Il est financé par le trésor public et permet le démarrage d’activités pilotes telles que l’insémination artificielle des vaches locales, la formation des éleveurs et leur équipement. 2/ Les projets financés sur le Budget Consolidé d’investissement (BCI). Ils sont au nombre de deux, le PADA (Projet d’Appui au Développement de l’Apiculture) et le PACDAOA (Projet d’Amélioration du Contrôle des Denrées Alimentaires d’Origine Animale). Le PADA vise la relance de l’apiculture alors que le PACDAOA vise à améliorer la qualité des produits alimentaires d’origine animale. 3/ Les projets bénéficiant d’un concours extérieur. il s’agit du: - PARC (Campagne Panafricaine de lutte contre la Peste bovine), financé par le FED dont la phase actuelle s’achève en décembre 1999 pour être relayé par le PAGE (Programme Panafricain de Contrôle des Epizooties). - PAPEL (Projet d’Appui à l’Elevage) financé par la BAD. La première phase de ce projet s’est achevée en décembre 1998. Un nouveau financement est attendu. - PRODEC (Projet de Développement des Espèces à cycle Court) financé par la Coopération Française. Ce projet est en cours d’achèvement. 4/ Le programme spécial national de développement de l’élevage Celui-ci comporte les projets déjà inscrits au Programme Triennal d’investissement Public (PTIP) en recherche de financement. D’autres projets devront par ailleurs être formulés afin d’assurer une prise en compte parfaite de l’ensemble des besoins de développement du secteur. Ces projets qui s’intéressent à chacune de nos zones agro-écologiques visent à terme à un réajustement global du sous-secteur. lis constituent de ce fait un ensemble d’actions destinées à assurer une augmentation durable de la productivité du sous-secteur et son intensification. 5/ Le Programme National d’infrastructures Rurale (PNIR). Il prévoit la construction d’infrastructures d’élevage et de pistes de production au niveau de certaines communautés rurales. 6/ Le Fonds Interprofessionnel de Développement de l’Elevage (FIDEL). Ce fonds est mis en place et géré par les éleveurs eux-mêmes. C’est donc un système endogène et autoentretenu de financement de l’élevage que proposent les professionnels en vue de sécuriser d’avantage les productions animales et de renforcer leur participation dans le développement de l’élevage en général. 7/ Le Programme Spécial de Sécurité Alimentaire. 191 Financé conjointement par le Gouvernement et la FAO, il vise à promouvoir la diversification des productions animales et des sources de revenus et également le développement durable de l’aviculture et de l’apiculture rurale ainsi que l’élevage des petits ruminants. 8/ Programme de Modernisation et d’intensification de l’agriculture. Financé par la BAD, ce programme vise à accroître les productions céréalières, horticoles et d’élevage ainsi que les exportations agricoles. Il vise également à améliorer la balance commerciale et les revenus en milieu rural. 9/ Programme de lutte contre la Pauvreté. Financé conjointement entre le Gouvernement et ses partenaires au développement, ce programme vise l’amélioration des conditions de vie des populations les plus démunies. Compte tenu de l’importance accordé par le Gouvernement à ce programme, la contribution de la politique d’élevage à l’objectif de lutte contre la pauvreté devra faire l’objet d’une attention toute particulière. Pour réaliser l’ensemble des objectifs assignés au secteur, de nouveaux instruments sont nécessaires. L’identification et la formulation de ces instruments seront réalisées dans le cadre de l’élaboration d’un programme d’investissement du secteur de l’élevage (PISE). L’Etat s’engage à réaliser ce programme avant la fin de l’année 1999 en relation avec ses partenaires au développement. 192 ANNEXE IV LOI PORTANT CREATION DE L’ORDRE DES VETERINAIRES DU SENEGAL 193 194 195 196 197 198 ANNEXE V CODE DE DEONTOLOGIE 199 200 201 ANNEXE VI DECRET RELATIF A L’INSTITUTION DU MANDAT SANITAIRE AU SENEGAL 202 203 ANNEXE VII ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES D’ELEVEURS CLASSEMENT PAR ECHELLE D’INTERVENTION - ● Organisations faîtières : action au niveau national Fédération des Groupements d’Intérêt Economique (GIE) d’éleveurs (FNGIE-E) Union Nationale des Coopératives d’Eleveurs du Sénégal (UNCES) Union Nationale des Organisations d’Eleveurs du Sénégal (UNOES) Directoire National des Femmes en Elevage (DINFEL) Conseil National des Cadres Ruraux (CNCR) Syndicats (Pêcheurs, paysans, pasteurs) - ● Organisations régionales : action au niveau régional et d’un ensemble de régions Associations régionales (dont ANAPES et ADENA) GIE d’éleveurs Coopératives d’éleveurs Maisons des Eleveurs (MDE ; dans chaque région) Directoires régionaux de femmes en élevage (DIRFEL) - ● Organisations locales : action au niveau des communes, communautés, villages et les possibles rassemblements GIE d’éleveurs Coopératives d’éleveurs Associations des professionnels du bétail et de la viande Auxiliaires d’élevage Comités interprofessionnels 204 ANNEXE VIII ARRETE PORTANT ORGANISATION DE LA DIRECTION NATIONALE DE L’ELEVAGE 205 206 207 208 209 210 211 ANNEXE IX PRECISIONS RELATIVES A L’ETUDE DE MC CORKLE ET IDL GROUP PORTANT SUR LES AUXILIAIRES DE SANTE ANIMALE L’étude de MC Corkle et IDL Group (2003) a porté sur trois sites : un au Kenya, un en Tanzanie, un aux Philippines.L’objectif de l’étude était de quantifier l’impact des auxiliaires de santé animale sur la mortalité et la morbidité des troupeaux, et d’apprécier les bénéfices économiques et sociaux associés à la présence d’auxiliaires. L’impact des auxiliaires a été établi en comparant des éleveurs ayant accès aux services d’auxiliaires de santé animale avec des éleveurs de profil identique mais n’ayant pas accès aux services des auxiliaires. Un échantillon d’éleveurs a été sélectionné dans des villages pourvus ou dépourvus d’auxiliaires, en gardant un nombre équivalent d’éleveurs « pauvres » ou « riches » (richesse appréciée avec des indicateurs précis et détaillés par Mathias et McCorkle, 2003). Pour chaque site, 80 familles ont été interrogées (Tableau 8). Tableau 8 : Echantillon interrogé pour chacun des trois sites de l’étude Avec auxiliaires Sans auxiliaires TOTAL Eleveurs « riches » 20 20 40 Eleveurs « pauvres » 20 20 40 TOTAL 40 40 80 Les enquêtes ont été menées grâce à un questionnaire et les données vérifiées par triangulation avec les données disponibles auprès des services vétérinaires. Le nombre moyen et le type d’animaux correspondant à l’échantillon d’éleveurs interrogés dans l’étude sont détaillés dans le tableau 9. Tableau 9 : Nombre moyen et type d'animaux possédés par les éleveurs de l'échantillon Tanzanie Kenya Philippines Bovins 16 5 2 Eleveurs « riches » Ovins/caprins/porcins 23 19 6 Volaille 14 7 16 Bovins 6 0 1 Eleveurs « pauvres » Ovins/caprins/porcins 8 12 3 Volaille 9 6 15 Malgré les variations du nombre moyen d’animaux possédés par les éleveurs sur les trois sites, la proportion des revenus issus de l’élevage dans le revenu total des familles apparaît similaire, ce qui confère finalement à l’échantillon total une certaine homogénéité. Des paramètres qualitatifs tels que « l’aptitude à résister à une sécheresse future » ou « la qualité de vie » ont été évalués à travers une analyse des réponses fournies dans le questionnaire. Le canevas des questions posées était par exemple : « vous sentez-vous plus ou moins vulnérable que dix ans auparavant ? », « vous sentez-vous plus ou moins capable de résister à une sécheresse que dix ans auparavant ? », « vos systèmes de production sont-ils plus ou moins résistants aux aléas ? ». Toutes ces questions, qui sont complexes et abstraites, n’ont pas été utilisées telles quelles mais ont servi de base de travail pour les enquêteurs qui les ont adapté en fonction du contexte local et des nuances linguistiques. Pour arriver à leurs fins, les enquêteurs ont fait appel à un arsenal complexe de techniques d’enquêtes participatives. 212 215 ANNEXE X APERCU DE LA PHARMACOPEE VETERINAIRE TRADITIONNELLE D’après Bizimana et Schreke, 1995 213 214 215 216 BIBLIOGRAPHIE AHUJA V., MORRENHOF J., SEN A. (2003) The delivery of veterinary services to poorer communities : the case of rural Orissa, India. Rev. Sci. Tech. Off. Int. Epiz, 22(3), 931-948. AKAKPO A. J. (2003) Botulisme. In : Principales maladies infectieuses et parasitaires du bétail. Europe et régions chaudes. Paris : Lavoisier, 1077-1091. AKAKPO A.J., LY C. (2003) Rôle du vétérinaire dans la lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne. Revue africaine de santé et de productions animales. 1(1), 59-68. ARBELOT B., FOUCHER H., DAYON J.-F., MISSOHOU A. (1997) Typologie des aviculteurs dans la zone du Cap-Vert au Sénégal. Rev. Elev. Méd. Vét. Pays trop., 50(1), 75-83. AUTHIE E., MAILLARD J.-C., HANOTTE O. (2003) Trypanosomoses : trypanotolérance. In : Principales maladies infectieuses et parasitaires du bétail. Europe et régions chaudes. Paris : Lavoisier, 1725-1737. BA A.S. (1994) L'art vétérinaire et la pharmacopée traditionnelle en Afrique sahélienne. Rev. Sci. Tech Off. Int. Epiz, 13(2), 373-396. BA A.S. (1982) L'art vétérinaire en milieu traditionnel africain. Thèse Méd. Vét., Dakar, 132 p. BA A.S. (1996) Passé, présent et perspectives de l'ethno-médecine vétérinaire africaine. Rev. Sci. tech. Off. Int. Epiz. 15(3), 813-826. BA C. (1986) Les Peuls du Sénégal. Etude géographique. Dakar, Abidjan, Lomé : Nouvelles Editions africaines. 394 p. BA C. (2000) Elevage. In : Atlas du Senegal. Paris : Jeune Afrique, 38-39. BA C., SAKHO P. (2000) Villes régionales. In : Atlas du Sénégal. Paris : Jeune Afrique, 44-47. BA M. (2001), La commercialisation des intrants vétérinaires au Sénégal. Situation postdévaluation et perspectives. Thèse Méd. Vét., Dakar. 106 p. BALIQUE (2001), Le concept de communauté et ses limites : à propos des centres de santé communautaires du Mali. In : HOURS B. (ed). Systèmes et politiques de santé : de la santé publique à l'anthropologie. Paris : Karthala, 275-283. BERGASSOLI H. (1986) L'élevage bovin au Sénégal oriental. Thèse Méd. Vét, Alfort, n°83, 103 p. BIZIMANA N. (1994) Epidemology, surveillance and control of the principal infectious animal diseases in Africa. Rev. Sci. Tech Off. Int. Epiz., 13(2), 397-416. BIZIMANA N., SCHRECKE W. (1995) African traditional veterinary practices and their possible contribution to animal health and production. In : Livestock Production and Diseases. Proceedings of the 8th Conf. Inst. Trop. Vet. Med. (AITVM), Berlin, Germany, 544-549. BLANC P., CORI G., KAMIL H., LE MASSON A., RENARD J.-F., THONNAT J. (2003) Etude bibliographique sur les auxiliaires de santé animale. CIRAD-EMVT-VSF France. Montpellier, France, Mai 2003. Rapport n°2003-12. BONIS CHARANCLE J.M. (1994) Auxiliaires d'élevage, vétérinaires privés : principales difficultés rencontrées et types d'appui apportés à ces opérateurs privés. In : Privatisation des services aux éleveurs. Quelle place pour les opérateurs privés dans les processus de désengement de l'Etat du secteur vétérinaire en Afrique francophone ?, Actes du Colloque, Journées Internationales de Bamako, 13-15 Décembre 1994. Lyon, Vétérinaires Sans Frontières, 52-57. BONNET P., CAMUS E., HENDRIKX P., LANCELOT R. (2002) Santé animale. In : Mémento de l'agronome. Paris : MAE, CIRAD, GRET, CTA, 1355-1390. BONNET-DUPEYRON M.F. (1951) Cartes de l'élevage pour le Sénégal et la Mauritanie. Paris : ORSTOM, Ministère de la France d'Outre-Mer. BOUDET G. (1991) Manuel sur les pâturages tropicaux et les cultures fourragères. Paris : IEMVT, La Documentation française. 266 p. 217 BOUTRIF E., PINEIRO M. (2002) Nouvel environnement de commerce international et pays en développement : l'impact des accords SPS et OTC. In : HANAK E., BOUTRIF E., FABRE P., PINEIRO M. Gestion de la sécurité des aliments dans les pays en développement. Actes de l'atelier international, CIRAD-FAO, 11-13 Décembre 2000, Montpellier, France. BROUTIN C., DIOKHANE O. (2000) La filière "lait et produits laitiers" au Sénégal, Ateliers d'échange, 30 mars 2000, Dakar, GRET, TPA, 38 p. BULDGEN A., DETIMMERMAN F., SALL., COMPERE R. (1992) Etude des paramètres démographiques et zootechniques de la poule locale du bassin arachidier sénégalais. Rev. Elev. Méd. Vét. Pays trop., 45(3-4), 341-347. CAMUS E., UILENBERG G. (2003) Anaplamose bovine, In : Principales maladies infectieuses et parasitaires du bétail. Europe et régions chaudes. Paris : Lavoisier, 1099-1107. CASTANEDA D. (2004) Les organisations professionnelles d'éleveurs au Sénégal. Rapport de stage Institut d'Etude Politiques, Paris. 51 p. CATLEY A. (2002), Towards poverty-focused policies, legislation and institutions for animal health service delivery in Africa, CAPE, OAU/IBAR. 12 p. CATLEY A., BLAKEWAY S., LEYLAND T. (2004) Les services communautaires de santé animale. Un guide pratique pour l'amélioration des services vétérinaires de base. Paris : Karthala/AU-IBAR. 382 p. CATLEY A., LEYLAND T. (2000), Community participation and the delivery of veterinary services in Africa, 24 Novembre 2000, Elsevier et Preventive Veterinary Medicine. 14 p. CHAUVEAU J.-P. (1995) Des "stratégies des agriculteurs africains" aux "raisonnement stratégique". In : BLANC-PAMARD C., BOUTRAIS J. (dir). Thèmes et variations. Nouvelles recherches au Sud. Paris : ORSTOM, 180-217. CHENEAU Y. (1985) L'organisation des Services vétérinaires en Afrique. Rev. Sci. Tech. Off. Int. Epiz., 5(1), 57-101. CHILONDA P., VAN HUYLENBROECK G. (2001) A conceptual framework for the economic analysis of factors influencing decision-making of small-scale framers in animal health management. Rev. Sci. Tech. Off. Int. Epiz., 20(3), 687-700. CISSE A. (1996) La profession vétérinaire au Sénégal. Activités, moyens et contraintes face à la privatisation. Thèse Méd. Vét., Dakar. 128 p. COLY R., PFISTER V. (2004) "Libéralisation et organisation des services aux éleveurs dans le domaine de la santé animale : cas de la surveillance épidémiologique". Agridoc n°2 [en-ligne] [http://www.agridoc.com/resdoc/revuethem/revue_2.htm] (consulté le 30 janvier 2005) ,27-30. CORMIER M.-C., GUEYE C., LERICOLLAIS A., SECK S.M. (octobre 2000) Sénégal 2000, images et cartes. [en-ligne]. Bondy : Institut pour la Recherche et le Développement (consulté le 4 août 2004). CSE (2004) Communication personnelle. CUISANCE D., ITARD J., DESQUESNES M., FREZIL J.-L., DE LA ROCQUE S. (2003) Trypanosomoses : épidémiologie. In : Principales maladies infectieuses et parasitaires du bétail. Europe et régions chaudes. Paris : Lavoisier, 1627-1650. DAD-IS (1998), Site du système d'information de la stratégie mondiale pour la gestion des ressources génétiques des animaux d'élevage. [en-ligne] [http://dad.fao.org/fr/home.htm] (consulté le 15 décembre 2004). DASEBU S., ESCRIVAO R., OAKELEY R. (2003) The safe administration of medicines : can CBAHWs be trusted ?. In : The IDL Group. Community based animal health workers, threat or opportunity ? An overview. Crewkerne : The Cromwell Press, 43-55. DE HAAN C. (2004) La prestation de services de santé dans un monde en changement. Rev. Sci. Tech. Off. Int. Epiz., 23(1), 21-16. DE HAAN C., NISSEN N.J. (1985) Animal health services in sub-saharan Africa. Alternative approaches. World Bank technical paper n°44, 84 p. DE ROSNAY J. (1975) Le Macroscope. Paris : Le Seuil. 300 p. DEVEY M. (2000) Le Sénégal. Paris : Karthala. 306 p. 218 DIALLO A. (2003) Peste des petits ruminants. In : Principales maladies infectieuses et parasitaires du bétail. Europe et régions chaudes. Paris : Lavoisier, 307-322. DIAO A.S. (2001) Dynamiques socio-économiques du pastoralisme dans le Ferlo. Rapport de stage. Dakar, PPZS. 71 p. DIAW O.T., VASSILIADES G. (1987) Epidémiologie des schistosomoses du bétail au Sénégal. Rev. Elev. Méd. Vét. Pays trop., 40(3), 265-274. DIAW O.T., VASSILIADES G., THIONGANE Y., SEYE M., SARR Y., DIOUF A. (1998) Extension des trématodoses du bétail après la construction des barrages dans le bassin du fleuve Sénégal. Rev. Elev. Méd. Vét. Pays trop., 51(2), 113-120. DIEYE P.N. (2003) Comportements des acteurs et performances de la filière lait périurbain de Kolda (Sénégal). Thèse Master of Science, CIHEAM, Institut Agronomique Méditerranéen de Montpellier. 60 p. DIEYE P.N., FAYE A., SEYDI M., CISSE S.A. (2002) Production laitière périurbaine et amélioration des revenus des petits producteurs en milieu rural au Sénégal. Cahiers d'étude et de recherches francophones Agriculture, 11(4), 251-257. DIOP P.S. (1989) Histoire du Service de l'élevage au Sénégal. Thèse Méd. Vét, Dakar, 110 p. DIOUF M. (1994) Sénégal, les ethnies et la nation. Paris : UNRISD, L'Harmattan. 205 p. DIREL (2000) Dossier Peste bovine. Bulletin d'information sur les maladies animales au Sénégal. N°0. DIREL (2003) Bilan de la campagne de vaccination 2002-2003. 57 p. DOMENECH J., BONNET P., RENARD J.-F. (2004) Nécessité pour la recherche de soutenir l'émergence de systèmes de santé animale non conventionnels. Rev. Sci. Tech. Off. Int. Epiz., 23(1), 375-382. DOUTRE M. P., TOURE B. (1978) A propos d'un cas de botulisme hydrique de type D au Sénégal. Considérations étiopathogéniques. Rev. Elev. Méd. Vét. Pays trop., 31(4), 411-415. DUFUMIER M. (2001) Les projets de développement agricole. Manuel d'expertise. Paris : Karthala et CTA, 1996. 353 p. DUPIRE M. (1996) Peuls nomades. Paris : Karthala. 336 p. EL-IDRISSI A. H. (2003) Entérotoxémies et gangrènes gazeuses. In : Principales maladies infectieuses et parasitaires du bétail. Europe et régions chaudes. Paris : Lavoisier, 1063-1072. FALL S. (2003) Fonds de garantie du PACE. Note sur la situation, les résultats obtenus et les perspectives. Dakar, Ministère de l'élevage/DIREL/PACE. 12 p. FAO/SMIAR (2001) Système mondial d'information et d'alerte rapide sur l'alimentation et l'agriculture. Base de données sur les pays d'Afrique de l'Ouest et du Centre. [en-ligne], [http://www.fao.org/giews/french/basedocs/afouest.htm], (consulté le 20 Décembre 2004). FASSI-FEHRI M., LEFEVRE P.-C. (2003) Clavelée et variole caprine. In : Principales maladies infectieuses et parasitaires du bétail. Europe et régions chaudes. Paris : Lavoisier, 415-427. FASSIN D. (1985) Du clandestin à l'officieux. Les réseaux de vente illicite des médicaments au Sénégal. Cahiers d'études africaines, 25(98), 161-177. FASSIN D. (1986) La vente illicite des médicaments au Sénégal. Economies parallèles, Etat et sociétés. Politique africaine, 23, 123-130. FASSIN D. (1992) Pouvoir et maladie en Afrique. Paris : Presses Universitaires de France. 359 p. FASSIN D., BROUSSELLE C. (1991) Les enquêtes d'accès aux soins en Afrique. Problèmes méthodologiques. Rev. Epidém. Et Santé Publ., 39(1), 89-99. FERMET-QUINET E. (2003) Des économies locales menacées par des projets de développement ! Grain de sel, 24, 7-9. FEUNTEN L.M. (1955) L'élevage en AOF. Son importance économique et sociale ; les conditions de son développement et de son amélioration. Rev. El. Méd. Pays Trop., 8 (2-3), 137-162. FIGUEROA J. V., CAMUS E. (2003) Babésioses. In : Principales maladies infectieuses et parasitaires du bétail. Europe et régions chaudes. Paris : Lavoisier, 1569-1583. GALLAIS J. (1972) Les sociétés pastorales ouest-africaines face au développement. Cahiers d'études africaines, 12(1-2), 353-368. 219 GERBAUD O. (1986), Les premiers vétérinaires français aux colonies (1770-1830).MaisonsAlfort : IEMVT, Etudes et synthèses n°19. 254 p. GNING M. C. (2004), Trade, political influence and liberalization : situating the poor in the political economy of livestock in Senegal. PPLPI Working paper n°8. FAO, 96 p. GOBATT I. (2001), Les médecins acteurs dans les systèmes de santé. Une étude de cas au Burkina Faso. In : HOURS B. (dir), Systèmes et politiques de santé. De la santé publique à l'anthropologie. Paris : Karthala, 137-159. GOUVERNEMENT DU SENEGAL (2000), La privatisation au Sénégal. Site officiel du Gouvernement. [http://gouv.sn/politiques/privatisation.html] (consulté le 24 janvier 2005) GOUVERNEMENT DU SENEGAL (2000), Lettre de politique de développement de l'élevage. Site officiel du Gouvernement. [http://primature.sn/politiques/lpd_elevage.htm] (consulté le 30 mars 2004). GTZ/CIRAD-EMVT (1988), Politique nouvelle pour le développement de l'élevage. Vers une nouvelle structure pour la santé animale en Afrique. Rapport de synthèse d'un atelier tenu à Bangui (République centrafricaine) du 22 au 27 février 1988. 30 p. GTZ/CTA/ODA (1985), Primary animal health care in Africa, Blantyre (Malawi), 25th-28th september 1985. GTZ/IEMVT/CTA (1984), Actes du séminaire sur une structure de santé animale de base. Le rôle des auxiliaires d'élevage en Afrique. Bujumbura (Burundi), 24-26 octobre 1984. GUEYE D.S. (2003) La démographie vétérinaire au Sénégal. Thèse Méd Vét, Dakar, n°15, 104 p. HAESSLER C. (1990) L'embouche bovine en milieu paysan en Afrique de l'Ouest. Approche technico-économique. DESS Productions animales en régions chaudes. Maisons-Alfort, IEMVT. IDL GROUP, MCCORKLE C. (2003) Do CBAHWs provide services that work ? Evidence of impact from Kenya, Tanzania and the Philippines. In : The IDL Group. Community Animal Health Workers –Threat or opportunity ? Crewkerne : The Cromwell Press, 76-90. INTARTAGLIA D. (1999) Comment allier efficacité technico-économique et efficacité sociale ? Enseignements d'un projet de santé animale au Cambodge. Transverses (5). Lyon : VSF. 23 p. ITARD G., CUISANCE D., TACHER G. (2003) Trypanosomoses : historique, répartition géographique. In : Principales maladies infectieuses et parasitaires du bétail. Europe et régions chaudes. Paris : Lavoisier, 1607-1615. ITARD J., FREZIL J.-L. (2003) Trypanosomoses : symptômes et lésions. In : Principales maladies infectieuses et parasitaires du bétail. Europe et régions chaudes. Paris : Lavoisier, 16571667. IZF (1998), Portail de la zone franc [en ligne], [http://www.izf.net/izf/Documentation/Cartes/Pays/supercartes/sénégal.htm] (consulté le 28 janvier 2004) JONES B.A., DEEMER B., LEYLAND T.J., MOGGA W., STEM E. (1998) Community animal health services in Southern Sudan : the experience so far. Proceedings of the 9th International Conference of Associations of Institutes of Tropical Veterinary Medicine (AITVM), 14th-18th September, Harare. KERHARO J., ADAM J.G. (1974) La pharmacopée sénégalaise traditionnelle. Plantes médicinales et toxiques. Paris : Vigot frères. 579 p. KOMA L. M. (2003) Can private veterinarians survive in Uganda ? In : Leonard D.K. (dir), Africa's changing markets for health ans veterinary services. The new institutional issues. St Martin's press, 45-167. LANDAIS E. (1990) Sur les doctrines des vétérinaires coloniaux français en Afrique noire. Cahiers d'études africaines, 26(1-2), 33-71. LANDAIS E. (1992) Principes de modélisation des systèmes d'élevage. Les cahiers de la recherche développement, 32, 83-93. LANDAIS E., LHOSTE P., MILLEVILLE P. (1987) Points de vue sur la zootechnie et les systèmes d'élevage tropicaux. Cah. Sci. Hum., 23(3-4), 421-437. 220 LE BRUN Y. (2003) Lignes directrices de l'OIE en matière d'organisation des Services vétérinaires et de leurs relations avec les partenaires privés, en particulier dans les pays en voie de développement. Rev. Sci. Tech. Off. Int. Epiz., 22(2), 561-567. LEFEVRE P.-C, GOURREAU J.-M. (2003) Dermatose nodulaire contagieuse. In : Principales maladies infectieuses et parasitaires du bétail. Europe et régions chaudes. Paris : Lavoisier, 429-443. LEFEVRE P.-C. (2003 a) Fièvre de la vallée du Rift. In : Principales maladies infectieuses et parasitaires du bétail. Europe et régions chaudes. Paris : Lavoisier, 643-657. LEFEVRE P.-C. (2003 b) Généralités sur l'épidémiologie des arboviroses d'intérêt vétérinaire. In : Principales maladies infectieuses et parasitaires du bétail. Europe et régions chaudes. Paris : Lavoisier, 637-642. LEFEVRE P.-C. (2003 c) Péripneumonie contagieuse bovine. In : Principales maladies infectieuses et parasitaires du bétail. Europe et régions chaudes. Paris : Lavoisier, 775-794. . LEFEVRE P.-C. (2003 d) Peste bovine. In : Principales maladies infectieuses et parasitaires du bétail. Europe et régions chaudes. Paris : Lavoisier, 285-305. LEFEVRE P.C., DIALLO A. (1990) Peste des Petits Ruminants. Rev. Sci. Tech. Off. Int. Epiz., 9, 951-965. LEONARD D.K., LY. C., WOODS P.S.A. (2002) Les auxiliaires d'élevage et la profession vétérinaire dans le contexte de la privatisation en Afrique. In : Les premiers soins de santé animale au 21ème siécle : adapter les règles, les politiques et les institutions.Mombasa, Kenya, 15-18 Octobre 2003. CAPE, 8 p. LEPISSIER H. (1971), Rapport technique sur la campagne conjointe OUA/CSTR contre la peste bovine en Afrique centrale et occidentale. Lagos. LERICOLLAIS A., FAYE A. (1994) Des troupeaux sans pâturages en pays Sereer au Sénégal. In : BLANC-PAMARD C., BOUTRAIS J. Dynamique des systèmes agraires : à la croisée des parcours. pasteurs, éleveurs, cultivateurs. Paris : 165-196. LEROUX M., SAGNA P. (2000) Climat. In : Atlas du Sénégal. Paris : Jeune Afrique, 16-19. LHOSTE P. (1986) L'association agriculture-élevage. Evolution du système agropastoral au SineSaloum (Sénégal). Thèse Doct. Sc. Agro, INA-PG. 268 p. LIGERS Z. (1958) Comment les Peuls de Koa castrent leurs taureaux. Bull. IFAN, Série B, 20(12), 191-204. LIVIAN Y.F. (2000) Introduction à l'analyse des organisations, Paris : Economica. 76 p. LY C .(2000) Veterinary professionals in Senegal : allocation of priorities and working behavior. In : Leonard D.K. (dir), Africa's changing markets for health ans veterinary services. The new institutional issues. St Martin's press,168-202. LY C .(2003) The economics of community based animal health workers. In : The IDL Group. Community based animal health workers, threat or opportunity ? An overview. Crewkerne : The Cromwell Press, 91-107. LY C. (2003) Les enjeux d'une politique avicole pour le Sénégal. Communication présentée à l'Académie des Sciences et Techniques du Sénégal. Dakar, 31 janvier 2003. 14 p. LY C. (2004) Communication personnelle. LY C., DOMENECH J. (1999) Les enjeux des prestations vétérinaires publiques et privées en Afrique. Congrès Mondial Vétérinaire, Lyon (France), 23-26 Septembre 1999. 12 p. MARTIN V. (1993) Le mouton de Tabaski au Sénégal. Thèse Méd Vét, Toulouse, n°4003. 90 p. MARTY A. (1992) Les zones pastorales. In : BOSC P.M., DOLLE V., GARIN P., YUNG J.M. Le développement agricole au Sahel. Montpellier : CIRAD, 231-268. MATHIAS E., MC CORKLE C.M. (2004) Traditional livestock healers. Rev. Sci. Tech. Off. Int. Epiz, 23(1), 277-284. MBOW R., KANE A.F.(2000) Peuplement et ethnies. In : Atlas du Sénégal. Paris : Jeune Afrique, 22-23. MENJON P., D'ORGEVAL R., (1983) Entre atelier et filière : le système d'élevage. Agriscope, 1. 221 MESTRE C. (1994), Les pratiques de terrain : Etat des lieux. Appui aux opérateurs privés, in Privatisation des services aux éleveurs. Quelle place pour les opérateurs privés dans les processus de désengement de l'Etat du secteur vétérinaire en Afrique francophone ?, Actes du Colloque, Journées Internationales de Bamako, 13-15 Décembre 1994. Lyon, Vétérinaires Sans Frontières. MISSOHOU A., LY C., DIEDHIOU M., TILLARD E., DIOUF S. (1995), Elevage citadin de moutons à Dakar : structure et productivité. Proc. 8th Conf. Inst. Trop. Vet. Med. Berlin. 208-212. MORNET P., ORUE J., GILBERT Y., THIERY G., SOW M. (1956) La peste des petits ruminants en Afrique occidentale française. Ses rapports avec la peste bovine. Rev. Elev. Méd. Vét. Pays trop., 9, 313-342. NATIONS UNIES (2000) Privatisations au Sénégal : un processus inégal. Afrique Relance [online] Avril 2000, 14(1). [http://un.org/french/ecosocdev/genifo/afrec/vol14no1/privat5fr.htm] (consulté le 20 janvier 2005) NDIAYE P. (2000) Végétation et faune. In : Atlas du Sénégal. Paris : Jeune Afrique, 20-21. NDONGO S. M. (1986) Le Fantang. Poèmes mythiques des bergers peuls. Paris, Dakar : Karthala, IFAN, UNESCO. 200 p. NERSY C. (1988) Les petits ruminants dans la région du Sine-Saloum au Sénégal. Enquête socioéconomique, proposition d'amélioration. Thèse Méd vet, alfort n°14. 228 p. NFI A., NDI C., BAYEMI P.H., NJWE R., TCHOUMBOUE J., NJAKOI H., MOPOI N., NJAKOI SALI-DJANGO M. (1999) The anthelminthic efficacy of some indigenous plants in the Northwest province of Cameroon. Rev. Elev. Méd. Vét. Pays trop., 52 (2), 103-106. NIANG A.B. (2004) Réussite de la privatisation de services réalisés par des paraprofessionnels dans le cadre de systèmes traditionnels : l'exemple du Sénégal. Rev. sci. tech. Off. int. Epiz., 23(1), 341-349. NICOLET J. (2003) Mycoplasmes et mycoplasmoses. In : Principales maladies infectieuses et parasitaires du bétail. Europe et régions chaudes. Paris : Lavoisier, 769-774. NORRO M. (1998) Economies africaines. Analyse économique de l'Afrique subsaharienne. Paris : De Boeck et Larcier, 307 p. ODVS (2002) Le marché illicite des médicaments vétérinaires et les risques pour les consommateurs. 2ème journée d'études de l'Ordre des Docteurs Vétérinaires du Sénégal (ODVS). Kaolack, (Sénégal), 9 mars 2002. OIE (2005) Handistatus. Site d'aide à l'information sur la situation zoosanitaire mondiale. [en ligne], Mise à jour le 14 avril 2005 [http://www.oie.int/hs2/report.asp] (consulté le 13 août 2005). OLIVIER DE SARDAN J.-P. (1995) Anthropologie et développement. Essai en socioanthroplogie du changement social. Paris : Karthala 1995. 218 p. OMC (Mai 1998) Comprendre l'Accord de l'OMC sur les mesures sanitaires et phytosanitaires. [en ligne] [http://www.wto.org/french/tratop_f/sps_f/spsund_f.htm] (consulté le 20 juillet 2004). PACEPA (2003 a) Bilan de la poursuite de l'appui à l'implication des vétérinaires privés dans l'épidémiosurveillance. Dakar, juin 2003. PACEPA (2003 b) Bilan du programme "contribution au renforcement de l'implication des acteurs dans les campagnes de vaccination de masse". Dakar, juin 2003. PAGOT J. (1985) L'élevage en pays tropicaux. Paris : Maisonneuve et Larose. 526 p. PAPEL Site du Projet d'appui à l'élevage. [en-ligne] [http://www.papelsenegal.org/papel/objectifs.htm] (consulté le 15 juin 2003). PEELING D., HOLDEN S. (2004) The effectiveness of community-based animal health workeres, for the poor, for communities and for public safety. Rev. Sci. Tech. Off. Int. Epiz., 23(1), 253-276. PFISTER V. (1991) Facteurs de développement de l'élevage bovin en Afrique tropicale sèche. Thèse med vet, Alfort n° 54, 193 p. POTCHIER G. (1992) Les systèmes de production à dominante agricole. In : BOSC P.M., DOLLE V., GARIN P., YUNG J.M. Le développement agricole au Sahel. Montpellier : CIRAD, 213-228. PROVOST A., BORREDON C. (1963) Les différents aspects du diagnostic clinique et expérimental de la peste bovine. Rev. Elev. Méd. Vét. Pays trop., 16, 445-526. 222 REBELLE B. (1994), Les pratiques de terrain in Privatisation des services aux éleveurs. Quelle place pour les opérateurs privés dans les processus de désengement de l'Etat du secteur vétérinaire en Afrique francophone ?, Actes du Colloque, Journées Internationales de Bamako, 1315 Décembre 1994. Lyon, Vétérinaires Sans Frontières, 76-77. REDMOND E. (2003) Community health workers : experience from the field of human medicine. In : The IDL Group. Community based animal health workers, threat or opportunity ? An overview. Crewkerne : The Cromwell Press, 65-75. REPUBLIQUE DU SENEGAL (2002) Document de stratégie de réduction de la pauvreté. 80 p. RIVIERE R. (1991) Manuel d'alimentation des ruminants domestiques en milieu tropical. Paris : La Documentation française. 524 p. ROCHETEAU G. (1974) L'accumulation du capital au Sénégal : Révision de la problématique de départ. In : BLANCHET G., GASTELLU J.-M., ROCH J., ROCHETEAU G. Structures sociales et développement économique : contribution à l'étude de la formation du capital au Sénégal. Méthodologie et problématique d'une recherche en équipe. Dakar : ORSTOM, 85-95. ROGER F., THONNAT J., HENDRIKX P., DOMENECH J. (2004) Les systèmes de suivi et de surveillance des maladies et le rôle des acteurs de santé animale publics et privés : l'expérience de l'Afrique. Rev. Sci. Tech. Off. Int. Epiz., 23(1), 137-145. SAMAKE S. (1990) La lutte contre la peste bovine en Afrique. Perspectives de son éradication. La situation au Mali. Thèse Méd Vét, Toulouse, 109 p. SAINT-ALME G. (2004) Diagnostic différentiel des maladies respiratoires des bovins. Thèse Méd. Vét., Alfort, 159 p. SANTOIR C. (1983) Raison pastorale et développement. (les problèmes des peul sénégalais face aux aménagements). Paris : ORSTOM.185 p. SANTOIR C. (1994), Décadence et résistance du pastoralisme. Les Peuls de la vallée du fleuve Sénégal. Cahiers d'études africaines, 34 (1-3), 231-263. SARRASIN B. (1999) Ajustement structurel et lutte contre la pauvreté en Afrique. La Banque Mondiale face à la critique. Paris : L'Harmattan. 101 p. SCHLYAKHOV E., SEGEV S., RUBINSTEIN E. (2003) Fièvre charbonneuse. In : Principales maladies infectieuses et parasitaires du bétail. Europe et régions chaudes. Paris : Lavoisier, 1053-1062. SCHMIDT J., FERNEY J. (1974) Petit vocabulaire de base des termes d'élevage en poular. Bull. IFAN, Série B, 36(2), 414-422. SECK A.T. (1998), Le Sénégal face au défi de l'ajustement structurel. Le Monde diplomatique. Octobre 1998, p.4-5. [on line] [http://monde-diplomatique.fr] (consulté le 25 janvier 2005) SECK M.T., FALL A., DIAITE A., DIOKOU A., DIENG M. (2002) Effet de l'infection trypanosomienne sur les performances au travail des taurins Ndama trypanotolérants en zone subhumide du Sénégal. Rev. Elev. Méd. Vét. Pays Trop., 55(2), 109-115. SIDIBE A.S. (2003) Les apports de l'assurance qualité à une organisation nationale vétérinaire dans les pays en développement : le cas de l'Afrique. Rev. Sci. Tech. Off. Int. Epiz., 22(2), 679-688. SOFOWORA A.(1996) Plantes médicinales et médecine traditionnelle d'Afrique. Paris : Karthala. SONED (1999), Etude sur le rôle et l'importance du sous-secteur de l'élevage dans l'économie nationale : formulation d'une stratégie nationale de développement, République du Sénégal, Ministère de l'économie, des finances et du plan. 58 p. STIGLITZ J. (2002) La grande désillusion. Paris : Fayard. 407 p. THIAM I.D., GUEYE M (2000) Préhistoire et histoire. In : Atlas du Sénégal. Paris : Jeune Afrique, 24-27. THOMAS P. (2004) Les organisations professionnelles d'éleveurs dans le contexte de libéralisation : de l'utopie à la réalité. Agridoc n°2 [en-ligne] [http://www.agridoc.com/resdoc/revuethem/revue_2.htm] (consulté le 30 janvier 2005). 223 THOME O., BONIS-CHARANCLE J.-M., MESTRE C., CORREZE A. (1996), Processus de privatisation en santé animale en Afrique, à partir des études de cas : Burkina Faso, Guinée, Niger et République Centrafricaine. Paris, Ministère de la Coopération, Collection Evaluations n°27, 387 p. TILLARD E. (1991) Evaluation technico-économique des effets de prophylaxies en milieu villageois chez les petits ruminants de la région de Kolda (Sénégal). Thèse Méd Vét, Alfort, n°58, 172 p. TOIGBE E. G. (1978) Contribution à l'étude de la médecine vétérinaire africaine : la pharmacopée des Peuls du Bénin et du Sénégal. Thèse Méd Vét, Dakar,110 p. UMALI D.L., FEDER G., DE HAAN C. (1992) The balance between public and private sector activities in the delivery of livestock services. World Bank Discussion paper n°163. 136 p. VALLAT B ., WILSON D. (2003) Les obligations des Pays Membres de l'OIE en matière d'organisation de leurs Services vétérinaires. Rev. Sci. Tech. Off. Int. Epiz., 22(2), 553-559. VASSILIADES G. (1978) Les affections parasitaires dues à des helminthes chez les bovins du Sénégal. Rev. Elev. Méd. Vét. Pays trop., 31 (2), 157-163. VETERINAIRES SANS FRONTIERES (2000), Former en santé animale de base. Leçons d'expériences. Lyon : VSF, 32 p. WILLIAMSON O.E. (1994) Les institutions de l'économie. Paris : Interéditions, 402 p. WOODFORD J.D. (2004) Synergies between veterinarians and para-professionals in the public and private sectors : organisational and institutional relationships that facilitate the process of privatising animal health services in developin countries. Rev. sci. tech. Off.int. Epiz., 23(1), 115135. WOODS P.S.A. (2003) The importance of proximity, transport, and gender as transaction costs in the use of veterinary services in Zimbabwe. In : Leonard D.K. (dir) Africa's changing markets for health ans veterinary services. The new institutional issues, St Martin's press, 67-92. YOUM B. G. (2002) Les auxiliaires d'élevage au Sénégal, Thèse Méd. Vét., Dakar, n°3, 105 p. ZIENTARA S. (2003) Peste équine. In : Principales maladies infectieuses et parasitaires du bétail. Europe et régions chaudes. Paris : Lavoisier, 687-703. 224 225 SENEGAL : UN SYSTEME DE SANTE ANIMALE EN VOIE DE PRIVATISATION PAUL Mathilde Résumé : Un système de santé animale est un ensemble complexe réunissant en son sein différentes catégories de fournisseurs de services vétérinaires, des clients (éleveurs), et des acteurs institutionnels. Au Sénégal, dans le cadre des politiques d’ajustement structurel des années 1980, ce système s’est considérablement transformé. Sous l’impulsion des institutions internationales, les services de santé animale ont fait l’objet d’un processus de privatisation. Le réseau vétérinaire dans son ensemble s’est complexifié, et aux acteurs du secteur public s’ajoute aujourd’hui tout un faisceau d’intervenants de qualifications diverses, opérant avec des pratiques et des stratégies variées. Le fonctionnement de ce système « rénové » − déjà confronté à de nouveaux enjeux − reste chaotique et de nombreuses difficultés subsistent. Parmi elles, les questions de l’accessibilité des éleveurs aux services et de l’adéquation entre offre et besoins en santé animale constituent un important défi à relever pour le Sénégal. Dans cette perspective, de nouvelles approches sont actuellement à l’étude. Le développement d’un réseau d’auxiliaires de santé animale et l’intégration de l’ethnomédecine vétérinaire apparaissent comme des alternatives envisageables. Mots clés : Santé animale, service public, privatisation, auxiliaire vétérinaire, médecine traditionnelle, élevage, Afrique, Sénégal Jury : Président : Pr. Directeur : Pr Bénédicte GRIMARD-BALLIF Assesseur : Dr Yves MILLEMANN Adresse de l’auteur : Mlle Mathilde PAUL 397 avenue Jean Moulin 04100 MANOSQUE 226 227 SENEGAL : AN ANIMAL HEALTH SYSTEM ON THE WAY OF PRIVATIZATION PAUL Mathilde Summary : An animal health system is a complex whole gathering a wide variety of different actors such as : veterinary service providers, clients (breeders), and governmental institutions. In Senegal, because of the political structural adjustments of the 1980s, this system has been considerably remodelled. Following the demands of international organizations, the animal health services have been widely privatised. The whole veterinary system became more diversified. Many organisations of different qualification and operating with different strategies and practices are now added to the public services. Although this “renovated” system is operational - and has already many new stakes - the situation is chaotic and many difficulties remain. Among them, the opportunity for breeders to have access to the services and the accuracy between offer and demand in animal health is an important challenge that Senegal is taking up. In this perspective, new approaches are actually studied. The development of a network of qualified assistants in animal health, and the growth of veterinary ethnomedicine appear to be conceivable alternatives. Keywords : Animal health, public service, privatization, veterinary auxiliary, traditional medicine, breeding, Africa, Senegal Jury : President : Pr. Director : Pr Benedicte GRIMARD-BALLIF Assessor : Dr Yves MILLEMANN Author’s address: Miss Mathilde PAUL 397 avenue Jean Moulin 04100 MANOSQUE 228 229 230 PAUL M. SENEGAL : UN SYSTEME DE SANTE ANIMALE EN VOIE DE PRIVATISATION 2005 231