Le contexte de l`élevage au Sénégal - Thèses

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Le contexte de l`élevage au Sénégal - Thèses
ÉCOLE NATIONALE VETERINAIRE D’ALFORT
Année 2005
SENEGAL : UN SYSTEME DE SANTE
ANIMALE EN VOIE DE PRIVATISATION
THESE
Pour le
DOCTORAT VETERINAIRE
Présentée et soutenue publiquement devant
LA FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL
le
par
Mathilde, Cécile, Bénédicte PAUL
Née le 1er septembre 1978 à Digne (Alpes-de-Haute-Provence)
JURY
Président : M.
Professeur à la Faculté de Médecine de CRETEIL
Membres
Directeur : Mme Bénédicte GRIMARD-BALLIF
Professeur à l’ENVA
Assesseur : M. Yves MILLEMANN
Maître de conférences à l’ENVA
LISTE DES MEMBRES DU CORPS ENSEIGNANT
Directeur : M. le Professeur COTARD Jean-Pierre
Directeurs honoraires : MM. les Professeurs PARODI André-Laurent, PILET Charles
Professeurs honoraires: MM. BORDET Roger,BUSSIERAS Jean,LE BARS Henri, MILHAUD Guy,ROZIER Jacques,THERET Marcel,VUILLAUME Robert
DEPARTEMENT DES SCIENCES BIOLOGIQUES ET PHARMACEUTIQUES (DSBP)
Chef du département : M. BOULOUIS Henri-Jean, Professeur - Adjoint : M. DEGUEURCE Christophe, Professeur
-UNITE D’ANATOMIE DES ANIMAUX DOMESTIQUES
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Mlle ROBERT Céline, Maître de conférences
Mme BERNEX Florence, Maître de conférences
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M. TIRET Laurent, Maître de conférences
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MEDICALES
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DEPARTEMENT D’ELEVAGE ET DE PATHOLOGIE DES EQUIDES ET DES CARNIVORES (DEPEC)
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Mme CONAN Muriel, Professeur d’Anglais
Mme CALAGUE, Professeur d’Education Physique
* Responsable de l’Unité
1
AERC : Assistant d’Enseignement et de Recherche Contractuel
2
A M. le Professeur
Professeur à la Faculté de Médecine de Créteil, qui nous a fait l’honneur d’accepter la
présidence de notre jury de thèse.
Hommage respectueux
A M. Bénédicte GRIMARD-BALLIF
Professeur à l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort, qui nous a fait l’honneur
d’accepter la direction de notre thèse.
Pour l’intérêt qu’elle a porté à notre travail, sa disponibilité, ses conseils avisés,
qu’elle trouve ici l’expression de nos sincères remerciements.
Considérations respectueuses
A M. Yves MILLEMANN
Maître de conférences à l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort, qui a très volontiers
accepté de faire partie de notre jury de thèse.
Pour le temps qu’il nous a consacré et la pertinence de ses corrections, qu’il trouve ici
l’expression de notre profonde gratitude.
Sincères remerciements
3
4
Au personnel de la DIREL, à Baba SALL et Sadibou FALL pour leur soutien et leur
aide précieuse.
A Cheikh LY, Président de l’ODVS, pour toute l’attention qu’il a portée à nos
travaux, pour ses conseils avisés. Remerciements respectueux.
Aux vétérinaires, aux acteurs de la santé animale au Sénégal, pour la chaleur de leurs
accueil et disponibilité dans les enquêtes.
Aux éleveurs que nous avons rencontrés. Pour leur courage, pour la « teranga » qu’ils
m’ont fait l’honneur de partager. Avec tout mon respect.
A Pape Serigne SECK, compagnon de galère : pour ta patience, pour ta gentillesse.
Pour les rires partagés, et parce que grâce à toi bien des portes se sont ouvertes. Merci, et
bonne chance à toi.
5
6
A mes parents, pour tout l’amour qu’ils me donnent et la confiance qu’ils
m’accordent. Vous m’avez permis de croire à mes ambitions et donné les moyens de réaliser
mes rêves. Avec toute mon admiration, pour tout cela et bien plus encore, merci.
A mes sœurs, mes beaux-frères. Les liens qui nous unissent sont forts. Vous m’avez
fait grandir et je vous dois beaucoup. Pour la complicité que nous partageons, parce que vous
êtes formidables, vous m’êtes précieux.
A Benjamin, Clarisse, Quentin, Lucile. Le temps passe, vous voilà déjà grands… Je
vous aime !
A mes grands-parents, à toute ma famille, pour la chaleur dont ils m’entourent.
A Aurélie, Bérengère, Emilie, Gamète, Hameline, Lucile. Merci, merci. Pour vos
personnalités attachantes. Pour votre soutien, pour tous les mauvais – et surtout ! – les bons
moments partagés. Pour tous ceux passés et tous ceux à venir.
Au casse-cacahuète, mon préféré ! Pour ton soutien sans failles.
A Bertrand, à Delphine. Sans vous, je n’en serais sûrement pas là. Merci.
Aux âmes voyageuses : à Sophie, Manu, Laurence, Laure, William. Que la passion qui
vous anime ne vous quitte jamais, que vos pas vous emmènent encore loin … et qu’on y aille
ensemble !
A mes amis : à Xavier, à tous les autres. Pour votre amitié fidèle. Je pense à vous.
Aux Docteurs Martin, Pasternak, à toute l’équipe du « Pont de Seine ». Vous m’avez
ouvert les portes du monde vétérinaire … avec beaucoup de rire et de bonne humeur. Sincères
remerciements.
Aux habitants de Kolobo, de Gossas, des villes et villages traversés au Sénégal. Vous
m’avez accueillie. Merci de m’avoir fait partager votre Afrique et m’en avoir donné le
meilleur.
A Biteye, sama Coco, dieureudief.
7
8
9
TABLE DES MATIERES
I.
GENÈSE ET ÉVOLUTIONS DU SYSTÈME DE SANTÉ ANIMALE AU
SÉNÉGAL : DE L’ÈRE COLONIALE À L’AVÈNEMENT DE LA
PRIVATISATION .......................................................................................................…......
A.
B.
La santé animale sous l’ère coloniale...............................................................................
Les Indépendances : le « Tout Etat »................................................................................
1. L’accession du Sénégal à l’indépendance.....................................................................
2. Les services vétérinaires post-coloniaux : le « Tout-Etat » ?.......................................
C. La « crise » et les politiques d’ajustement structurel........................................................
1. Le contexte économique et politique : crise et ajustement...........................................
2. L’élevage et les services de santé animale dans les nouvelles politiques
agricoles................................................................................................................................
3. L’intervention des institutions internationales sur les systèmes de santé animale
en Afrique.............................................................................................................................
a) Le bilan.....................................................................................................................
b) L’émergence de nouveaux modèles d’organisation des systèmes de santé
animale .............................................................................................................................
D. Privatisation et transition vers un nouveau système de santé animale au Sénégal...........
1. Les réformes du cadre organique..................................................................................
2. La mise en œuvre de la privatisation............................................................................
a) La dynamique d’installation des privés....................................................................
b) Le « système rénové »...............................................................................................
E. Les enjeux pour le nouveau système................................................................................
1. Les Services de santé animale face au credo de lutte contre la pauvreté......................
a) La lutte contre la pauvreté : un concept omniprésent dans le nouveau discours
des institutions internationales..........................................................................................
b) Les services de santé animale dans le processus de lutte contre la pauvreté............
2. Les Services vétérinaires face aux règles internationales du commerce des
productions animales............................................................................................................
a) L’OMC et les Accords SPS......................................................................................
b) Les services de santé animale face à la nouvelle donne internationale : le rôle
de l’OIE.............................................................................................................................
c) Législation et assurance qualité : pour une harmonisation régionale de la
réglementation en Afrique ?..............................................................................................
II.
L’ÉLEVAGE AU SÉNÉGAL : ÉTAT DES LIEUX................................................
A.
L’espace sénégalais...........................................................................................................
1. Principales caractéristiques...........................................................................................
2. Les contraintes climatiques...........................................................................................
3. Les découpages administratifs......................................................................................
4. Peuplement du Sénégal.................................................................................................
5. L’agriculture.................................................................................................................
B. L’élevage au Sénégal........................................................................................................
1. Importance économique................................................................................................
2. Le cheptel sénégalais....................................................................................................
1
a)
b)
Les effectifs...............................................................................................................
Les races locales.......................................................................................................
3. Principaux modes d’élevage.........................................................................................
a) L’élevage de ruminants.............................................................................................
b) Les volailles..............................................................................................................
c) L’élevage porcin.......................................................................................................
d) Chevaux et ânes........................................................................................................
C. La situation zoosanitaire...................................................................................................
1. Une pression sanitaire variable.....................................................................................
2. Les principales maladies affectant le cheptel sénégalais..............................................
a) Les maladies virales..................................................................................................
b) Les maladies bactériennes.........................................................................................
c) Les maladies parasitaires..........................................................................................
III.
SYSTÈME DE SANTÉ ANIMALE : PRATIQUES D’ACTEURS ET
RÉALITÉS DE TERRAIN....................................................................................................
A.
Des acteurs multiples........................................................................................................
1. Les éleveurs..................................................................................................................
a) Les groupements d’éleveurs.....................................................................................
b) Les auxiliaires d’élevage...........................................................................................
2. Les prestataires de services privés................................................................................
a) Les docteurs vétérinaires...........................................................................................
b) Les paraprofessionnels vétérinaires..........................................................................
c) Les acteurs extra-légaux...........................................................................................
d) Les praticiens traditionnels.......................................................................................
3. Les acteurs du service public : la Direction nationale de l’Elevage (DIREL)..............
4. Les organisations professionnelles du secteur vétérinaire............................................
a) Les organisations de professionnels et para-professionnels vétérinaires..................
b) L’Ordre des Docteurs Vétérinaires du Sénégal (ODVS)..........................................
5. Les organismes d’appui................................................................................................
a) Les projets.................................................................................................................
b) Les ONG...................................................................................................................
B. Le fonctionnement du système de santé animale : du cadre théorique aux pratiques
de terrain...................................................................................................................................
1. La distribution du médicament vétérinaire...................................................................
a) Le marché du médicament vétérinaire......................................................................
b) Le circuit de distribution du médicament au Sénégal...............................................
2. Les vaccinations obligatoires........................................................................................
3. La surveillance épidémiologique..................................................................................
C. Les interrelations au sein du système et les « stratégies d’acteurs »................................
1. Les relations entre acteurs.............................................................................................
2. Des acteurs aux stratégies parfois divergentes..............................................................
IV.
BILAN ET LIMITES D’UN SYSTÈME « RÉNOVÉ ».........................................
A. Privatisation et services aux éleveurs : Appréciation des performances du
«nouveau» système...................................................................................................................
1. Évolution du personnel du secteur de l’élevage...........................................................
2. La disponibilité en intrants et services..........................................................................
2
3.
4.
La couverture vaccinale................................................................................................
Les risques inhérents au système actuel........................................................................
a) Une dégradation du service de l’Etat et un transfert de fonctions sans garantie
de compétences ?..............................................................................................................
b) Une approche marchande et médicamenteuse de la santé animale ?........................
B. La couverture des besoins des éleveurs par le système actuel..........................................
1. Des besoins diversifiés..................................................................................................
a) Définitions : « Stratégies » et « pratiques » en santé animale..................................
b) Quels facteurs décisionnels pour les pratiques de santé animale ?...........................
c) Une demande variable et des besoins diversifiés......................................................
2. La réponse potentielle aux besoins des éleveurs : une offre hétérogène......................
a) Vétérinaires privés : des praticiens urbains ?............................................................
b) Le réseau public, fruit de l’histoire...........................................................................
c) La répartition des autres privés.................................................................................
3. Une adéquation imparfaite entre offre et besoins en services de santé animale...........
C. Les solutions alternatives..................................................................................................
1. Une nécessaire évolution vers un système mieux ciblé et plus flexible.......................
2. L’approche « santé animale de base »..........................................................................
a) Principes....................................................................................................................
b) La méthode d’intervention : formation d’auxiliaire ou formation de masse des
éleveurs ?..........................................................................................................................
c) Efficacité et pérennité des systèmes alternatifs........................................................
d) Limites......................................................................................................................
3. Un autre visage du système de santé animale : l’ethnomédecine vétérinaire...............
a) La connaissance et la description des maladies animales.........................................
b) La prophylaxie et les traitements « traditionnels »...................................................
c) Qui sont les guérisseurs du bétail ?...........................................................................
d) Forces et faiblesses de la médecine traditionnelle....................................................
4. Un challenge pour le système de santé animale : l’intégration de l’approche
alternative dans un cadre légal..............................................................................................
a) Auxiliaires et législation...........................................................................................
b) Intégration de la « médecine traditionnelle » dans le système de santé....... ...
3
4
TABLE DES ILLUSTRATIONS
FIGURES
FIGURE 1 : EVOLUTION DE LA PART DES DÉPENSES DE PERSONNEL (EN %)
DANS LE BUDGET TOTAL DES SERVICES DE SANTÉ ANIMALE POUR DIVERS
PAYS AFRICAINS, DE 1965 À 1979 (D’APRÈS ANTENEH, 1984, CITÉ PAR
CHENEAU ; 1985)................................................................................................................... 31
FIGURE 2 : EVOLUTION DU BUDGET DE L’ÉLEVAGE EN AFRIQUE ENTRE 1965 ET
1976 (D’APRÈS GTZ/CIRAD-EMVT, 1988)......................................................................... 32
FIGURE 3 : L’AUXILIAIRE DE BANGUI (D’APRÈS GTZ/CIRAD-EMVT, 1988)...........34
FIGURE 4 : EVOLUTION DU NOMBRE DE PROFESSIONNELS INSTALLÉS À TITRE
PRIVÉ, EFFECTIFS CUMULÉS (D’APRÈS CISSÉ, 1996).................................................. 39
FIGURE 5 : EVOLUTION DE L’INSTALLATION DES DOCTEURS VÉTÉRINAIRES EN
CLIENTÈLE PRIVÉE AU SÉNÉGAL, EFFECTIFS CUMULÉS (D’APRÈS FALL, 2003) 39
FIGURE 6 : CHAPITRE 1.1.1 DU CODE ZOOSANITAIRE INTERNATIONAL :
DÉFINITIONS GÉNÉRALES................................................................................................. 47
FIGURE 7 : CARTE GÉNÉRALE DU SÉNÉGAL. ANCIEN DÉCOUPAGE
ADMINISTRATIF (D’APRÈS DIVISION GÉOGRAPHIQUE DU MINISTÈRE DES
AFFAIRES ETRANGÈRES, CITÉ PAR IZF, 1998)...............................................................53
FIGURE 8 : PROFIL MÉTÉOROLOGIQUE DU SÉNÉGAL (D’APRÈS FAO/SMIAR,
2001)......................................................................................................................................... 56
FIGURE 9 : GRANDS DOMAINES CLIMATIQUES ET TRANSLATION DES
ISOHYÈTES (D’APRÈS CORMIER ET AL., 2000)
NB : LE RECUL DE LA LIMITE
DU FRONT DE LA TRYPANOSOMIASE (« AVANT LA SÉCHERESSE » = AVANT
1973 ; « MAINTENANT » = 2000) EST À METTRE EN RELATION AVEC LA
TRANSLATION DES ISOHYÈTES....................................................................................... 56
FIGURE 10 : DES ROYAUMES ET ETATS PRÉCOLONIAUX AU NOUVEAU
DÉCOUPAGE ADMINISTRATIF (D’APRÈS THIAM ET GUEYE, 2000 ; CSE, 2004).....59
FIGURE 11 : LA CROISSANCE DES VILLES SÉNÉGALAISES EN 1988 (D’APRÈS
CORMIER ET AL., 2000)........................................................................................................59
FIGURE 12 : LES ZONES AGRICOLES (D’APRÈS CORMIER ET AL., 2000).................61
FIGURE 13 : LES GRANDS DOMAINES AGRO-CLIMATIQUES (D’APRÈS CSE, 2004)
61
FIGURE 14 : ZÉBUS GOBRA................................................................................................ 64
FIGURE 15 : VACHE NDAMA EN CASAMANCE .............................................................64
FIGURE 16 : MOUTONS PEUL-PEUL SÉNÉGALAIS........................................................ 65
FIGURE 17 : CAMPEMENT DE PASTEURS TRANSHUMANTS DANS LE FERLO..... 67
FIGURE 18 : TROUPEAU EN ZONE PASTORALE............................................................ 67
FIGURE 19 : LES SOUS-PRODUITS AGRICOLES REPRÉSENTENT UNE
COMPOSANTE IMPORTANTE DE L'ALIMENTATION DU BÉTAIL DANS LE BASSIN
ARACHIDIER..........................................................................................................................69
FIGURE 20 : L’EMBOUCHE CONSTITUE UNE FORME DE VALORISATION DES
SOUS-PRODUITS AGRICOLES............................................................................................ 69
FIGURE 21 : MOUTONS DE CASE À DAKAR .................................................................. 72
FIGURE 22 : JEUNES ZÉBUS GOBRA EN EMBOUCHE DANS LE BASSIN
ARACHIDIER .........................................................................................................................72
FIGURE 23 : SALLE DE TRAITE ET VACHES PRIM'HOLSTEIN DANS LA FERME
WAYEM'BAM (RÉGION DE DAKAR).................................................................................75
5
FIGURE 24 : PRODUIT D'INSÉMINATION ARTIFICIELLE (GÉNÉRATION F1,
MONTBÉLIARDE X GOBRA)...............................................................................................75
FIGURE 25 : PRODUIT F1 D'INSÉMINATION GOBRA X PRIM'HOSLTEIN..................75
FIGURE 26 : TRANSPORT DE L'EAU EN ZONE PASTORALE........................................78
FIGURE 27 : ABREUVEMENT AU FORAGE EN ZONE PASTORALE............................79
FIGURE 28 : CLINIQUE VÉTÉRINAIRE À DAKAR...........................................................95
FIGURE 29 : ORGANIGRAMME DE LA DIRECTION DE L'ELEVAGE (D'APRÈS
DIREL, 2004)......................................................................................................................... 100
FIGURE 30 : LES CHEFS DE POSTE VÉTÉRINAIRE RÉALISENT UNE PART
IMPORTANTE DES CAMPAGNES DE VACCINATION................................................. 101
FIGURE 31 : MARCHÉ MONDIAL DU MÉDICAMENT EN 1999, % EN VALEUR
(D’APRÈS VANDAELE, CITÉ PAR BÂ, 2001).................................................................. 105
FIGURE 32 : COMPOSITION DU MARCHÉ DU MÉDICAMENT VÉTÉRINAIRE DANS
LA ZONE UEMOA EN 1999, % EN VALEUR (D’APRÈS TCHAO, 2000, CITÉ PAR BA,
2001)....................................................................................................................................... 105
FIGURE 33 : PARTS DE MARCHÉ DES DIFFÉRENTS TYPES DE MÉDICAMENTS AU
SÉNÉGAL, CUMUL 1994-1999 (D’APRÈS BÂ, 2001).......................................................105
FIGURE 34 : ORGANISATION DES CIRCUITS DE DISTRIBUTION DES
MÉDICAMENTS VÉTÉRINAIRES AU SÉNÉGAL (D'APRÈS ODVS, 2002)..................107
FIGURE 35 : PARC DE VACCINATION (COMMUNAUTÉ RURALE DE SADIO)....... 111
FIGURE 36 : SCHÉMA D’ORGANISATION DU RÉSEAU DE SURVEILLANCE
ÉPIDÉMIOLOGIQUE DE LA PESTE BOVINE (D’APRÈS DIREL, 2000)....................... 112
FIGURE 37 : LES AGENTS DE POSTE DU SECTEUR PUBLIC PERMETTENT
AUJOURD'HUI ENCORE LE MAILLAGE DU TERRAIN ET RÉALISENT UNE
GRANDE PARTIE DES SOINS AUX ANIMAUX..............................................................120
FIGURE 38 : EVOLUTION DU PERSONNEL VÉTÉRINAIRE DE 1984 À 2003
(D’APRÈS CHENEAU, 1985 ; CISSÉ, 1996 ; GUEYE, 2003 ; UMALI ET AL., 1992)..... 126
FIGURE 39 : ÉVOLUTION DU NOMBRE DE BOVINS VACCINÉS (D’APRÈS DIREL,
2004)....................................................................................................................................... 128
FIGURE 40 : MODÈLE CONCEPTUEL DES FACTEURS INFLUENÇANT LES
DÉCISIONS PRISES PAR LES ÉLEVEURS DANS LE DOMAINE DE LA GESTION DE
LA SANTÉ ANIMALE (D’APRÈS CHILONDA ET VAN HUYLENGROECK, 2001).... 131
FIGURE 41 : TAUREAU MÉTIS GOBRA/GUZERAH.......................................................134
FIGURE 42 : MARCHÉ HEBDOMADAIRE (LOUMA) EN ZONE PASTORALE........... 135
FIGURE 43 : LE NIVEAU DES PRIX DES INTRANTS, EN PARTICULIER CELUI DES
ALIMENTS DU BÉTAIL, INFLUENCE LES PROCESSUS DÉCISIONNELS DES
ÉLEVEURS............................................................................................................................ 136
FIGURE 44 : LOCALISATION DES VÉTÉRINAIRES PRIVÉS AU SÉNÉGAL (D'APRÈS
ODVS, 2004).......................................................................................................................... 140
FIGURE 45 : LOCALISATION DES SERVICES DE L'ÉLEVAGE AU SÉNÉGAL
(D'APRÈS DIREL, 2004)....................................................................................................... 144
FIGURE 46 : RATIO UNITÉS DE SANTÉ ANIMALE (VLU) / DOCTEUR VÉTÉRINAIRE
ET VLU / PROFESSIONNEL VÉTÉRINAIRE PAR RÉGION (D’APRÈS RÉPUBLIQUE
DU SÉNÉGAL, 2002 ; DIREL, 2004 ; ODVS, 2004)........................................................... 146
FIGURE 47 : RÔLES DU VÉTÉRINAIRE SUPERVISEUR DANS LE SYSTÈME
TANZANIEN (D’APRÈS WOODFORD, 2004)................................................................... 177
FIGURE 48 : PISTES DE TRAVAIL POUR UN DÉVELOPPEMENT DE LA MÉDECINE
VÉTÉRINAIRE TRADITIONNELLE (D'APRÈS MATHIAS ET MCCORKLE, 2004).....178
6
TABLEAUX
TABLEAU 1 : EFFECTIFS DU PERSONNEL DES SERVICES DE L’ÉLEVAGE EN 1952,
POUR L’AOF ET LE SÉNÉGAL (D’APRÈS DIOP, 1989)................................................... 21
TABLEAU 2 : EXEMPLE DE COMPOSITION DU CRÉDIT ACCORDÉ PAR LE PARC
POUR L’INSTALLATION D’UN VÉTÉRINAIRE PRIVÉ (D’APRÈS FALL, 2003)..........38
TABLEAU 3 : SITUATION ZOOSANITAIRE EN 2004 (D’APRÈS OIE, 2005).................81
TABLEAU 4 : EVOLUTION DU PERSONNEL DES SERVICES DE SANTÉ ANIMALE
(D’APRÈS CHENEAU, 1985 ; CISSÉ, 1996 ; GUEYE, 2003 ; UMALI ET AL., 1992)..... 126
TABLEAU 5 : TAUX DE MORTALITÉ MOYENS DANS LES EXPLOITATIONS
AYANT ACCÈS OU NON À UN AUXILIAIRE (D’APRÈS IDL GROUP ET MCCORKLE,
2003)....................................................................................................................................... 157
TABLEAU 6 : ETUDE COMPARATIVE DE L’APTITUDE À RÉSISTER À UNE
SÉCHERESSE FUTURE ET DE LA « QUALITÉ DE VIE » AVEC ET SANS
AUXILIAIRE (D’APRÈS THE IDL GROUP ET MCCORKLE, 2003)............................... 160
TABLEAU 7 : QUELQUES PLANTES DE LA PHARMACOPÉE SÉNÉGALAISE
(D’APRÈS BÂ, 1982 ; KERHARO ET ADAM, 1974)......................................................... 172
TABLEAU 8 : ECHANTILLON INTERROGÉ POUR CHACUN DES TROIS SITES DE
L’ÉTUDE................................................................................................................................214
TABLEAU 9 : NOMBRE MOYEN ET TYPE D'ANIMAUX POSSÉDÉS PAR LES
ÉLEVEURS DE L'ÉCHANTILLON..................................................................................... 214
7
ANNEXES
Annexe I :
Annexe II :
Annexe III :
Annexe IV :
Annexe V :
Annexe VI :
Annexe VII :
Annexe VIII :
Annexe IX :
Annexe X :
Questionnaire destiné aux vétérinaires privés …………………………..
Questionnaire destiné aux acteurs du secteur public ……………………
Lettre de Politique de développement de l’élevage ……………………..
Loi portant création de l’Ordre des vétérinaires du Sénégal ……………
Code de déontologie de la médecine vétérinaire ………………………..
Décret relatif à l’institution du mandat sanitaire au Sénégal ……………
Organisations professionnelles d’éleveurs, classement par échelle
d’intervention ……………………………………………………………
Arrêté portant organisation de la DIREL ………………………………..
Précisions relatives à l’étude Mc Corkle et IDL Group portant sur les
auxiliaires de santé animale ……………………………………………..
Aperçu de la pharmacopée vétérinaire traditionnelle …………………...
185
187
188
193
199
203
205
206
214
215
8
9
TABLE DES PRINCIPAUX ACRONYMES
AEF
AOF
ATE
DIREL
DIRFEL
DPDA
DSRP
EMI
FAO
FIDES
FMI
GIE
IE
ITE
LDPE
LNERV
LPDA
MDE
MOSA
NEPAD
NPA
ODVS
OIE
OMC
ONG
ONU
PACE
PACEPA
PAPEL
PARC
PAS
PIB
PPCB
PPR
PSAOP
SERA
SNSE
UEMOA
VLU
VSF
Afrique Equatoriale Française
Afrique Occidentale Française
Agent Technique d'Elevage
Direction nationale de l'Elevage
Directoire des Femmes en Elevage
Déclaration de Politique de Développement Agricole
Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté
Exploitations Mixtes Intensifiées
Food and Agriculture Organization
Fonds d'Investissement pour le Développement Economique et Social
Fonds Monétaire International
Groupement d'Intérêt Economique
Infirmier d'Elevage
Ingénieur des Travaux d'Elevage
Lettre de Politique de Développement de l'Elevage
Laboratoire National d'Elevage et de Recherches Vétérinaires
Lettre de Politique de Développement Agricole
Maison des Eleveurs
Maintien par Ordre Sans Affectation
Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique
Nouvelle Politique Agricole
Ordre des Vétérinaires du Sénégal
Office International des Epizooties
Organisation Mondiale du Commerce
Organisation Non Gouvernementale
Organisation des Nations Unies
Programme Panafricain de Contrôle des épizooties
Projet d'Appui à la Concertation Etat-Professionnels Agricoles
Projet d'Appui à l'Elevage
Panafrican Rinderpest Campaign
Plan d'Ajustement Structurel
Produit Intérieur Brut
Péripneumonie Contagieuse Bovine
Peste des Petits Ruminants
Programme d'Appui aux Services Agricoles et aux Organisation de
Producteurs
Secrétariat d'Etat aux Ressources Animales
Système National de Surveillance Epidémiologique
Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine
Veterinary Livestock Unit (Unité de Santé Animale)
Vétérinaire Sans Frontières
10
11
INTRODUCTION
Les systèmes de santé animale en Afrique ont longtemps fait l’objet de préoccupations
des pouvoirs publics, depuis la mise en place des administrations coloniales jusqu’à nos jours.
Les institutions étatiques et les pouvoirs centraux ont toujours marqué de leur empreinte
l’organisation et l’évolution des services vétérinaires (Ly et Domenech, 1999).
Le système de santé animale au Sénégal a subi, comme dans de nombreux pays d’Afrique, de
nombreux remaniements au cours de ces vingt dernières années. Après une période coloniale
et post-indépendance caractérisée par l’omniprésence de l’Etat dans la fourniture des services
vétérinaires, le système a été profondément bouleversé au cours des années 1980 (Diop,
1989). Ces années ont vu s’engager dans de nombreux pays en développement un processus
de privatisation des services de santé animale. Le Sénégal n’a pas échappé au mouvement
général. Face à des contraintes économiques et structurelles importantes, et dans un contexte
de crise, le pays s’est lancé sur la voie de la libéralisation des services aux éleveurs (Ly et
Domenech, 1999). Le processus, initié sous l’impulsion des institutions internationales, est
aujourd’hui considéré comme irréversible (Gueye, 2003).
Ainsi, à partir du début des années 1990, l’Etat sénégalais s’est progressivement désengagé de
certaines de ses fonctions et s’est recentré sur ses missions régaliennes. Parallèlement s’est
mis en place un secteur privé, qui fait intervenir différentes catégories socio-professionnelles
dans la distribution des médicaments et les soins aux animaux. Aux acteurs « anciens » du
domaine public s’ajoute aujourd’hui tout un faisceau d’intervenants qui font de ce système de
santé animale un ensemble complexe (Cisse, 1996).
C’est lors de séjours au Sénégal, et au cours de discussions avec différents
intervenants du secteur de l’élevage, que s’est révélé l’intérêt d’une étude synthétique sur le
processus de privatisation du secteur de la santé animale dans ce pays. Alors que sur le terrain
apparaissent de nombreuses discordances dans le fonctionnement du système, ce processus,
encore jeune, est déjà confronté à de nouveaux enjeux (Ly et Domenech, 1999). Aujourd’hui,
l’étude des systèmes de santé profite d’un regain d’intérêt de la communauté internationale
qui, dans le cadre des politiques de lutte contre la pauvreté et le contexte de mondialisation,
s’interroge sur les évolutions à venir de ces systèmes (Domenech et al., 2004). Mais face à ces
nouvelles contraintes, et avant de se projeter dans des mutations futures, il est intéressant de
dresser un constat sur le processus de privatisation au Sénégal et sur l’état du système actuel.
12
Notre étude de la privatisation du système de santé animale au Sénégal s’appuie sur des
sources bibliographiques et sur des entretiens réalisés lors d’un séjour de trois mois sur le
terrain.
C’est d’abord un bilan que nous dresserons, celui de la privatisation des services
vétérinaires au Sénégal. Ce bilan n’a pas la prétention d’être exhaustif, loin de là. Mais il
devra permettre de mieux comprendre dans quel contexte et de quelle manière se sont opérés
les processus de privatisation, à travers l’étude de la genèse et des évolutions du système de
santé au Sénégal.
Ensuite, c’est un état des lieux que nous dresserons, afin de mieux comprendre dans quel
contexte s’inscrit notre étude du système de santé animale : celui de l’élevage au Sénégal
aujourd’hui. Alors que perdurent des traits caractéristiques d’un élevage souvent qualifié de
« traditionnel », les contraintes et enjeux évoluent. Les systèmes d’élevage au Sénégal sont
variés et subissent aujourd’hui de nombreuses mutations (SONED, 1999).
Puis notre travail mettra en lumière l’ensemble complexe que constitue le système de santé
animale. L’étude du fonctionnement des services vétérinaires permettra de voir quelle est la
réalité des intervenants sur le terrain. Parallèlement, elle montrera que le système est animé
par des acteurs multiples confrontés à des enjeux variés.
Enfin, on s’interrogera sur la question de l’adéquation entre offre de services et besoins des
éleveurs. Dans quelle mesure le système actuel permet-il de satisfaire la demande et les
besoins des éleveurs ? Alors que tous sont loin d’avoir un accès équitable aux services, on
s’interrogera sur les perspectives d’amélioration. Parmi les pistes de réflexion et les
propositions lancées par les institutions internationales, nous nous attacherons à celle de
l’approche dite « santé animale de base » qui semble aujourd’hui avoir obtenu un consensus
en sa faveur (Blanc et al., 2003).
13
Préambule : genèse du projet et méthodologie
La problématique de notre travail a émergé lors d’un premier séjour au Sénégal en
janvier 2003. Après avoir constaté sur le terrain la stratification complexe du faisceau
d’intervenants en santé animale, et après discussion avec quelques uns des différents acteurs,
il est apparu qu’un travail sur le processus de privatisation des services vétérinaires au
Sénégal pourrait s’avérer intéressant. L’idée de départ était de cibler notre étude sur le
phénomène d’installation des docteurs vétérinaires en clientèle privée. Un travail sur le terrain
était nécessaire pour mener à bien cette étude. Pendant près de trois mois, de mars à juin
2004, nous avons été accueillie au sein de la Direction Nationale de l’Elevage (DIREL) qui
nous a servi de port d’attache durant notre séjour. Dans le but de mieux comprendre le
processus de privatisation, nous avons prévu de rencontrer les vétérinaires privés. Mais il
s’agissait aussi d’identifier et interviewer les autres acteurs du système. Parallèlement, face à
l’hétérogénéité de l’offre en services émergeait la question de l’accessibilité des éleveurs aux
soins vétérinaires. Nous avons alors tenté d’enrichir notre travail en nous préoccupant
davantage de l’opinion des éleveurs sur le phénomène de privatisation ; il s’agissait de
comprendre leurs besoins et les contraintes auxquels ils sont soumis. La littérature ne
mentionne que rarement l’opinion de ces derniers sur un processus de privatisation qui leur
était destiné (Thomé et al., 1996). Nous avons donc essayé de mieux appréhender cet aspect,
de récolter différents points de vue en rencontrant des éleveurs soumis à des besoins et des
contraintes variés.
Une première phase de notre travail a consisté, à Dakar, à brièvement recenser et
consulter les travaux consacrés à la privatisation de la médecine vétérinaire en Afrique et au
Sénégal.
Dans un deuxième temps il convenait de recenser les professionnels vétérinaires, de
qualification diverse, exerçant au Sénégal. Après avoir dénombré les acteurs, il s’est agi de les
localiser sur diverses cartes afin d’avoir une première idée de la géographie vétérinaire à
l’échelle nationale. Puis il a fallu cibler les acteurs que nous souhaitions rencontrer, élaborer
une méthodologie pour les entretiens, et définir un échantillon. Nous avons décidé de
rencontrer les vétérinaires privés, cible initiale de notre étude, mais aussi les acteurs
institutionnels, les autres intervenants sur le terrain, et les éleveurs. Pour chaque catégorie
d’acteurs la méthodologie utilisée a été différente, et des difficultés et obstacles particuliers
ont émergé.
Enfin est venu le temps des enquêtes. Nous avons décidé de consacrer 6 semaines aux
enquêtes de terrain : 2 semaines à Dakar, 4 en région. A Dakar, nous avons réalisé nos
entretiens seule et de manière autonome. Dans les régions, les premiers entretiens ont été
réalisés en compagnie de deux fonctionnaires de la DIREL, qui nous ont offert de profiter de
leur « tournée » de préparation de la campagne de vaccination pour rencontrer les différents
intervenants. Les trois dernières semaines de « terrain » en région ont été conduites de
manière autonome et accompagnée d’un étudiant de l’école vétérinaire de Dakar, en thèse lui
aussi.
● Les
acteurs institutionnels
Pour mieux comprendre les tenants et les aboutissants du processus de privatisation, mais
aussi pour mieux en appréhender les enjeux, il était important de rencontrer des acteurs issus
des institutions. Les contacts avec les différents intervenants ont été noués à Dakar par le biais
de la Direction de l’Elevage, qui nous a ainsi permis d’interroger :
- la Direction de l’Elevage (DIREL) : Directeur de l’élevage, personnel des différents
services, chef du personnel ;
14
-
l’Ordre des Vétérinaires du Sénégal (ODVS) : son Président, M. Cheikh LY ;
le Syndicat National des Travailleurs de l’Elevage : son Président, M. Lamine KARE ;
Le Directoire National des Femmes en Elevage (DINFEL) : sa Présidente, Me
DIALLO ;
Les organisations professionnelles d’éleveurs : le Président de la Fédération nationale
des GIE d’éleveurs du Sénégal, M. El Hadj Malick SOW ;
Le Syndicat des Vétérinaires Privés du Sénégal (SYNPRIVET) : son Président, M.
Sory GUEYE.
Les entretiens se sont déroulés de manière informelle, sous la forme d’une discussion et de
questions ouvertes. Il s’agissait de recueillir les impressions de chacun sur le processus de
privatisation, d’écouter les points de vue et entendre les revendications de chacun.
● Les
professionnels et para-professionnels vétérinaires
La construction de l’échantillon a été un des points critiques de notre travail. La priorité
des entretiens, dès le départ, a été donnée aux vétérinaires privés, cœur de notre étude. Afin
d’obtenir un échantillon représentatif, un tirage au sort aurait été intéressant. Cependant, pour
des raisons logistiques, cette méthodologie était inapplicable. Nous avons simplifié la
méthode d’analyse en nous fixant pour objectif de rencontrer une trentaine de vétérinaires
privés sur les 95 en exercice recensés par Gueye (2003), ce qui constituait déjà une proportion
intéressante. Le choix des vétérinaires interviewés s’est fait selon leur localisation et les
possibilités matérielles d’aller leur rendre visite. Nous souhaitions rencontrer des praticiens
dakarois, bien sûr, mais il était important d’enquêter auprès des vétérinaires ruraux en région
qui n’ont ni les mêmes besoins ni la même vision sur le processus de privatisation. Malgré la
proportion importante de vétérinaires localisés à Dakar, nous avons essayé de favoriser les
entretiens avec les vétérinaires ruraux. Ce biais volontaire avait pour but de mieux
comprendre les problèmes posés dans les zones plus reculées en matière d’accessibilité pour
les éleveurs. Au final, nous avons pu interviewer 29 vétérinaires privés : 9 à Dakar, 20 en
région.
Nous souhaitions aussi rencontrer des intervenants issus d’autres corps professionnels.
Réaliser un échantillon représentatif de chaque catégorie professionnelle était impossible :
d’une part parce que la fiabilité du corpus de base était douteuse, d’autre part parce que le
temps imparti et les moyens logistiques dont nous disposions étaient limités. Dans ce cadre,
nous avons dû revoir nos ambitions. Face à la problématique de départ − le phénomène
d’installation des vétérinaires privés en clientèle −, nous avons donné la priorité aux enquêtes
auprès de ces derniers. Notre méthode a été alors de prévoir nos « tournées » en fonction de la
localisation des vétérinaires privés et des possibilités de transport qui nous étaient offertes,
puis, une fois sur place, de rencontrer les acteurs du secteur public en présence : inspecteurs
régionaux et départementaux, agents de poste vétérinaire
Les interviews des vétérinaires privés et agents de poste du public étaient guidées par
un questionnaire (Annexe I et II) réalisé par nos soins et validé par la Direction de l’Elevage
(DIREL) et l’Ordre des Vétérinaires Sénégalais (ODVS). Tout en suivant le canevas du
questionnaire, la porte était laissée ouverte pour les remarques et discussions informelles.
Lorsque cela était possible, nous avons accompagné les intervenants sur le terrain, dans le
cadre de leur exercice quotidien. Les agents de poste enquêtés au final ont été au nombre de
25. Avec les inspecteurs départementaux (9 au total) et régionaux (7), les interviews se sont
déroulées de manière informelle, sans questionnaire. Plus que d’obtenir des réponses à une
grille de questions, il s’agissait de recueillir leurs impressions sur le processus de
privatisation.
15
● Les
éleveurs
Dès le départ, nous avions à cœur de placer les éleveurs au centre de nos préoccupations.
Cependant, nous étions consciente de l’impossibilité de réaliser un échantillon représentatif.
L’objectif était simplement d’en rencontrer le plus possible, et de recueillir des points de vue
variés. Pour cela, il s’agissait de rencontrer des éleveurs de profil différent : membres ou non
de groupements et organisations professionnelles, citadins ou ruraux, « petits » ou « grands »
éleveurs, hommes ou femmes. Il était important aussi de rencontrer des éleveurs pratiquant
des types d’élevage variés, des plus « extensifs » au plus « intensifs »… Les régions
enquêtées correspondant à des zones agro-écologiques variables, cela nous a permis de
rencontrer des éleveurs pratiquant des systèmes d’élevage différenciés et soumis à des
contraintes différentes : pasteurs du Nord Sénégal, agro-éleveurs du Bassin arachidier, éleveur
de bovins laitiers ou de volailles à Dakar.
Les entretiens réalisés auprès des éleveurs se sont déroulés sous la forme de discussions
informelles et de questions ouvertes. Les questions portaient sur le mode de consommation
des éleveurs en matière de santé animale, sur l’accessibilité aux différents prestataires et aux
médicaments vétérinaires, et sur l’opinion générale quant au processus de privatisation.
Un premier obstacle a été la prise de contact. Notre volonté de rencontrer les éleveurs n’a,
semble t’il, pas été bien comprise de notre structure d’accueil, la DIREL. L’incapacité de
cette dernière à nous mettre en rapport avec les éleveurs est à mettre en relation, on imagine,
avec les difficultés que rencontrent les deux types d’acteurs, éleveurs et institutions, pour
établir un véritable dialogue et une communication constructive. Ceci semble conforter,
malheureusement, l’idée d’une Direction de l’élevage bureaucratique et bien éloignée des
préoccupations des éleveurs. Les contacts avec les organisations professionnelles d’éleveurs
se sont faits par le biais des vétérinaires privés et du Syndicat des travailleurs de l’élevage.
Quant aux rencontres avec les éleveurs, elles ont été initiées par les professionnels
vétérinaires (docteurs vétérinaires, agents de poste) que nous avions rencontrés auparavant.
Nous avons pu interroger les éleveurs au gré des consultations quotidiennes. Parfois, le
vétérinaire nous a introduite auprès des pouvoirs locaux ou dans les marchés pour nous laisser
conduire nos entretiens de manière autonome. Les éleveurs ont été interrogés tantôt en
groupe, tantôt de manière individuelle. Finalement, le plus difficile a été de rencontrer des
éleveurs « lambda ». Les personnes qui nous ont introduite auprès des éleveurs ont eu, semble
t’il, tendance à nous présenter soit les éleveurs « notables », représentants des organisations
professionnelles (Maisons Des Eleveurs par exemple), soit des éleveurs « modèles »
(possédant des produits d’insémination artificielle). Par ailleurs, il s’est avéré difficile de nous
entretenir avec les femmes qui pourtant jouent souvent un rôle central dans les soins aux
animaux.
Au final, nos entretiens ont été réalisés auprès de :
- 29 vétérinaires privés,
- 25 agents de postes vétérinaires,
- 7 inspecteurs régionaux de l’élevage,
- 9 inspecteurs départementaux de l’élevage,
- 10 auxiliaires,
- les représentants de deux organisations professionnelles régionales,
- une vingtaine d’éleveurs individuels,
- cinq groupes d’éleveurs.
Nos enquêtes se sont déroulées dans 7 régions du Sénégal, présentant des caractéristiques
différenciées :
- la région de Dakar, très urbanisée et siège d’un élevage parfois intensif,
- Thiès, région en voie d’urbanisation,
16
-
Fatick, Kaolack, Diourbel, cœur du bassin arachidier et cadre d’un élevage intégré à
l’agriculture,
Saint-Louis, englobant des zones urbaines et d’autres à vocation pastorale,
Tambacounda, région reculée.
Au fil de notre séjour ont émergé plusieurs difficultés ayant trait au déroulement et à
la méthodologie même de nos enquêtes.
La première des difficultés a été la récolte des données et la constitution du corpus de base
recensant les intervenants en santé animale. La simple opération qui consistait à rassembler
des informations éparses et à vérifier la mise à jour des données a déjà été très coûteuse en
temps passé. On disposait d’une liste à jour pour les vétérinaires privés, issue de l’Ordre des
Vétérinaires du Sénégal et des travaux de Gueye (2003). Pour les acteurs publics, il s’est
avéré que les données disponibles étaient erronées. Une mise à jour a été faite en synthétisant
les rapports régionaux annuels de la DIREL. Cependant, l’exactitude de la liste obtenue peut
rester douteuse. Enfin, pour les acteurs privés autres que docteurs vétérinaires, on ne dispose
d’aucune donnée. Quel est leur nombre ? Où sont-ils ? Nous n’avons pas pu répondre à ces
questions qui nécessiteraient un long recensement exhaustif sur le terrain.
Un deuxième obstacle a été la constitution de l’échantillon à enquêter. Un tirage au sort eût
été une méthode utilisable pour déterminer un échantillon représentatif des vétérinaires privés
et acteurs du public à enquêter. Mais nous avons disposé d’un temps et de moyens logistiques
limités. Dans cette mesure, il a fallu d’abord cibler les zones d’enquêtes envisageables, puis
déterminer un itinéraire compatible avec les moyens à notre disposition, voire s’adapter aux
« tournées » proposées. On peut aussi s’interroger sur la représentativité des intervenants
rencontrés. Au vu de l’obstacle que représente le transport dans certaines zones, nous avons
parfois dû nous limiter à rencontrer les intervenants les plus accessibles. En ce qui concerne
les éleveurs, le biais était important. Loin d’être représentatifs, les éleveurs que nous avons
rencontrés n’avaient pas été choisis au hasard. En effet, les rencontres ont souvent été initiées
par les professionnels vétérinaires : il s’est parfois agi d’éleveurs « modèles », d’éleveurs
« porte-parole » et très revendicatifs. Le lieu de rencontre n’était pas neutre non plus : le
marché, l’officine du vétérinaire. Dans cette mesure, il faut tenir compte du fait que nous
n’avons pu rencontrer que des éleveurs possédant un accès aux services vétérinaires et au
marché : nous n’avons pas pu interroger les éleveurs exclus du système et ceux pour qui se
posent les plus grands problèmes d’accessibilité.
Ainsi, loin de se vouloir exhaustives et représentatives, nos enquêtes prétendent plutôt donner
un éclairage sur certains points de vue, et montrer quelques unes des difficultés rencontrées
sur le terrain.
Enfin, ces expériences de terrain ont été pour nous l’occasion d’appréhender les
écueils auxquels peut s’exposer le chercheur lors des enquêtes. Nous avons ainsi pu nous
heurter à différents obstacles déjà relevés par Fassin et Brousselle en 1991.
Ainsi s’est posée à nous la question de la « relation d’enquête », c'est-à-dire le rapport social
qui s’instaure entre l’enquêteur et l’enquêté à travers le questionnaire. Fassin et Brousselle
(1991) notaient que ce dernier « détermine pour une grande part les réponses faites et donc la
qualité de l’information recueillie ». La position sociale de l’enquêteur influe sur la tenue de
l’entretien et la qualité des informations recueillies. Notre statut a forcément biaisé les
réponses. « Blanc », « toubab », nous avons parfois été considérée comme un « bailleur »
potentiel et nos entretiens ont alors été l’occasion de formuler des demandes d’appui financier
ou technique à certains projets. Selon l’intermédiaire qui nous a introduite auprès de
l’enquêté, la réaction de ce dernier a été de rester prudent et méfiant, ou au contraire d’être
plus virulent. D’autre fois, nos interviews ont servi de lieu d’expression de toutes les
revendications. Selon la personne enquêtée, et selon nos accompagnateurs, nous avons pu
17
incarner différentes figures : financeur potentiel, représentant tantôt des services vétérinaires
publics tantôt des docteurs vétérinaire privés, vétérinaire praticien, ou encore « chercheur
curieux ». Selon Fassin et Brousselle (1991), cette remarque générale tenant à la relation entre
enquêteur et enquêté vaut particulièrement pour des populations africaines où divers facteurs
sociaux et culturels interfèrent avec la réponse. Et il apparaît que « l’écriture joue à la fois
comme instrument de transformation de la parole et donc du savoir, et comme mode de
contrôle politique dans des groupes illettrés où l’administration s’impose par ses pouvoirs
symboliques autant que réels ». Et c’est peut-être avec cet éclairage qu’il convient de lire
certaines réponses réticentes lors des interviews menées en présence des acteurs du public :
éleveurs prudents lors des entretiens en présence des représentants locaux des services
vétérinaires, vétérinaires privés ou agents de poste sur la réserve lorsque nous étions
accompagnée de membres de la Direction Nationale de l’Elevage.
Par ailleurs, nous avons pu vérifier la difficulté d’élaborer un questionnaire ou une grille
d’enquêtes. Tout comme le notaient Fassin et Brousselle (1991), il apparaît effectivement que
certaines questions pouvaient paraître à la fois « incongrues » (quel rapport avec la santé ?) et
« dangereuses » (pourquoi me demande-t-on cela ?). Cela est particulièrement le cas pour les
questions qui mettent en jeu un jugement de valeur sur le travail et la disponibilité des
différents intervenants, mais aussi pour les questions relatives au réseau illicite de vente des
médicaments ou à l’utilisation de la médecine traditionnelle. Et Fassin (1992) rappelle que si
certaines questions ne permettent aucune réponse fiable, ce n’est pas parce que les sujets
interrogés « cachent la vérité », mais « simplement parce que la question n’a pas de sens ».
18
19
I.GENÈSE ET ÉVOLUTIONS DU SYSTÈME DE SANTÉ
ANIMALE AU SÉNÉGAL : DE L’ÈRE COLONIALE À
L’AVÈNEMENT DE LA PRIVATISATION
A.La santé animale sous l’ère coloniale
L’arrivée des premiers vétérinaires en Afrique est étroitement liée à la conquête
coloniale.
Huzard fils fut le premier vétérinaire français missionné en Afrique, au Sénégal, en 1819
avec pour ordre « d’effectuer des recherches sur les races des chevaux et bêtes de somme qui
pourraient être introduites en France, ainsi qu’aux Antilles et à la Guyane, avec avantage »
(Gerbaud, 1986). Les vétérinaires militaires accompagnant les expéditions coloniales qui se
multiplient en Algérie, puis en Afrique noire, ont été les seuls représentants de la profession
en Afrique jusqu’à la fin du XIXème siècle (Landais, 1990). Cinq d’entre eux sont tués au
combat en Afrique noire entre 1880 et 1885, « victimes de la folle course à la conquête que se
livrent les puissances européennes en perspective de la conférence africaine qui se tiendra
finalement à Berlin en 1885, et entérine le dépeçage de l’Afrique » (Landais, 1990).
Selon Feunten (1955), ce n’est qu’assez longtemps après l’installation de l’Administration
française en AOF (Afrique occidentale française) que les Pouvoirs publics se sont intéressés à
l’élevage, qui comptait peu dans la vie économique du pays. Il était alors périodiquement
décimé par de graves maladies contagieuses, peste bovine notamment, qui sévissaient sous
forme d’épizooties meurtrières détruisant parfois les trois quarts du cheptel. Cependant, vers
1890, quelques observateurs, les militaires de l’Escadron des Spahis Sénégalais, se
consacrèrent à l’étude du bétail (Feunten, 1955).
En 1904 est créée par le Gouverneur général Roume la première institution de santé
animale, le Service Zootechnique et des Epizooties, dans le but de coordonner les efforts
entrepris dans les différentes colonies. D’abord composé d’un très petit nombre de
techniciens, tous militaires, ce service se renforce peu à peu en recrutant des vétérinaires
civils qui effectuent l’ensemble de leur carrière en Afrique occidentale française et donnent à
l’action engagée toute la continuité indispensable (Feunten, 1955).
Parallèlement s’ébauchent les débuts de la formation vétérinaire en Afrique. « En même
temps que s’organisait un cadre de techniciens qualifiés, il apparut que l’absence
d’encadrement et d’exécution réduisait considérablement l’efficacité d’un état-major peu
nombreux, dispersé dans un pays immense dépourvu de moyens de communication rapides.
C’est pourquoi, en 1924, était créée à Bamako une Ecole vétérinaire où allaient être formés
tous les vétérinaires africains de l’AOF et du Togo. A la même époque, la formation d’un
personnel d’exécution était entreprise dans chaque territoire, dans le but de pourvoir le
Service d’un nombre suffisant d’infirmiers vétérinaires. L’action en matière de protection
sanitaire du bétail était dès lors engagée sur des bases solides» (Feunten, 1955).
Malgré des effectifs en service et des moyens financiers souvent réduits, le Service
organise le contrôle des mouvements commerciaux du bétail, l’inspection des abattoirs, et les
premières études sur les maladies parasitaires et microbiennes du cheptel (Landais, 1990).
L’arrêté de 1904 a fixé les premières règles de police sanitaire. L’action des services est
centrée sur la lutte contre les maladies du bétail. Les interventions des vétérinaires coloniaux
sont selon Landais guidées par une doctrine : la conviction que la lutte sanitaire est dans tous
20
les cas la priorité absolue (Landais, 1990). Cette doctrine est historiquement liée à la situation
qui prévalait en Afrique. La peste bovine exerçait d’épouvantables ravages et la tradition
conserve le souvenir du quasi-anéantissement du cheptel bovin ouest-africain par les
épizooties qui frappèrent en 1828, 1866, de 1891 à 1893 du Tchad au Soudan, de 1915 à 1917
puis de 1918 à 1922 du Niger au Sénégal (Gallais, 1972). Les premières vaccinations débutent
dans les années 1925-30.
L’intervention de la France dans le domaine de la santé animale n’est sûrement pas
désintéressée ; la métropole envisage les avantages qu’elle pourrait tirer de sa politique
coloniale. L’élevage colonial est à cette période considéré comme un pourvoyeur potentiel de
la métropole (Landais, 1990).
Les années cinquante sont le siège d’importants remaniements pour la santé animale.
Les Services, nommés « Services de l’Elevage et des Industries Annexes » en 1942, prennent
l’appellation de « Services de l’Elevage et des Industries Animales d’Outre-Mer » en 1950
(Landais, 1990).
L’organisation des services s’articule autour d’un service central qui contrôle les services
locaux des différents territoires. Au niveau de la Fédération (Afrique Occidentale Française),
on trouve un inspecteur général auprès du gouverneur général, à Dakar. Au niveau local, un
chef de service national est un vétérinaire inspecteur général, placé à Saint-Louis pour le
Sénégal. A l’échelle de la circonscription (Cercle) on trouve un conseiller technique au
Commandant de Cercle. Les Cercles sont découpés en subdivisions où œuvre un assistant
d’élevage, subdivisions elles-mêmes décomposées en cantons gérés par un chef de poste
(Diop, 1989).
Le tableau 1 présente les effectifs des Services de l’élevage pour l’AOF et le Sénégal en 1952.
Tableau 1 : Effectifs du personnel des Services de l’élevage en 1952, pour l’AOF et le Sénégal (d’après
Diop, 1989)
NC = Non Connu
AOF
Vétérinaires inspecteurs
Vétérinaires africains
Contrôleurs de colonisation
Assistants d’élevage
Infirmiers vétérinaires
94
98
29
29
720
Sénégal
10
19
3
NC
102
Le cheptel sénégalais était alors évalué à 717 000 bovins, 727 000 petits ruminants,
3 100 chameaux, 20 500 chevaux et 36 300 ânes (Bonnet-Dupeyron, 1951).
L’Ecole vétérinaire de Bamako ferme ses portes en 1953. Lors d’une conférence
réunissant les chefs de service de l’élevage en 1952, le Haut Commissaire, considérant qu’il
était souhaitable que les jeunes africains bacheliers s’orientent vers le corps des vétérinaires
inspecteurs, demande qu’une action soit entreprise dans ce sens. Les vétérinaires sont alors
formés dans des écoles françaises et une spécialisation est souvent nécessaire, qui s’effectue
dans des centres tels que l’Institut Pasteur, l’Ecole française des cuirs et peaux, l’Ecole de
tannerie de Lyon (Diop, 1989).
21
La profonde modification de la politique coloniale française à la suite de la deuxième
guerre mondiale a considérablement changé le contexte de l’intervention des vétérinaires en
Afrique. Alors que jusque là les budgets locaux devaient supporter la charge de tous les
investissements, désormais c’est le budget de l’Etat qui alimente les colonies. Fortement
organisés, solidaires, les vétérinaires coloniaux obtiennent des investissements considérables
et disposent à partir de 1955 d’un réseau d’infrastructures et moyens humains impressionnants
(Landais, 1990).
Un énorme effort d’investissement fut notamment consenti au titre du FIDES (Fonds
d’investissement pour le développement économique et social), dont les premiers
programmes sont lancés en 1949. En quelques années furent édifiés les laboratoires de DakarHann pour l’AOF, de Farcha (Fort-Lamy) pour l’Afrique Equatoriale Française (AEF) et celui
de Tananarive pour Madagascar. Chacun de ces centres s’appuyait sur un réseau de
laboratoires territoriaux. De nombreux postes vétérinaires (les Centres d’immunisation et de
traitement), composés d’équipes mobiles, complètent le dispositif (Landais, 1990).
Les attributions des Services s’articulent autour de la protection sanitaire des animaux,
du développement et perfectionnement de l’élevage, ainsi que l’amélioration de l’exploitation
des produits animaux dans les territoires relevant du Ministère de la France d’Outre-Mer
(Diop, 1989).
L’intervention des Services poursuit la lutte contre les épizooties ; la peste bovine frappe à
nouveau le Sénégal et la Mauritanie en 1955 et 1956. Les campagnes de prophylaxie sont
toujours au cœur des préoccupations et des politiques de santé animale. La protection sanitaire
du cheptel mobilise toujours toutes les énergies et l’AOF lui consacre 19% des dotations
inscrites pour les investissements au titre du plan de développement économique et social en
1956 (Diop, 1989). Les années 50 voient l’implication croissante des Services dans les
« aménagements pastoraux » : hydraulique pastorale et lutte contre les feux de brousse grâce à
des systèmes de pare-feux. Le FIDES fournit les moyens financiers à cette politique, qui se
développe alors à grande échelle (Landais, 1990). Les investissements en hydraulique
pastorale représentent 66% du budget de 1956 (Diop, 1989).
Parallèlement, se développe un réseau d’établissements expérimentaux et de fermes d’élevage
qui ont pour mission d’appliquer et de vulgariser les résultats acquis par les Centres fédéraux,
et d’effectuer les essais d’intérêt local. Chaque territoire d’AOF, à l’exception de la
Mauritanie, dispose ainsi d’un tel établissement en 1955. Au Sénégal, le centre de Dahra est
chargé de l’amélioration des races bovines et ovines. Mais plus que les programmes
d’amélioration des races bovines et ovines, c’est le haras qui attire particulièrement l’attention
des éleveurs de chevaux et des turfistes, et un rapport de 1952 souligne que « les brillants
résultats obtenus par les demi-sang anglo-arabes sur les hippodromes du Sénégal témoignent
du bien-fondé de la nécessité du rôle important que va jouer le centre d’élevage équin de
Dahra » (Landais, 1990).
Tout au long de l’ère coloniale, le vétérinaire est passé du statut de militaire, homme
de terrain, à celui d’administrateur. Alors que les premiers vétérinaires entretiennent une forte
présence sur le terrain, une proximité avec les éleveurs, et accordent une attention toute
particulière aux pratiques médicales et à la pharmacopée indigènes, jusqu’à la fin des années
30, les années 50-60 marquent un changement dans la pratique vétérinaire. Les vétérinaires
coloniaux deviennent le sommet de la pyramide au sein du puissant dispositif qu’ils ont
construit. L’ère des praticiens parcourant la brousse à pieds ou à cheval est révolue.
Désormais, une armée d’exécutants s’interpose entre l’éleveur et le vétérinaire (Landais,
1990).
22
Depuis sa création, la profession vétérinaire a constamment défendu le même point de vue :
les vétérinaires ont compétence sur l’ensemble des problèmes touchant à l’élevage. Après la
deuxième guerre mondiale, l’emprise de la profession recule en France et son domaine
d’influence diminue. En Afrique, les vétérinaires coloniaux conservent le contrôle total des
Services de l’élevage jusqu’aux indépendances, et lèguent à leurs confrères africains une
situation sans équivoque à cet égard. Leur champ d’action couvre un domaine très large,
allant de la maîtrise des facteurs en amont comme l’organisation de la commercialisation,
jusqu’à l’amélioration de la production elle-même en aval (Landais, 1990). Aujourd’hui
encore, les Services de l’élevage sont placés sous contrôle des vétérinaires, que l’on accuse
souvent de conservatisme atavique et de pratiques monopolistiques.
Le système vétérinaire hérité de l’ère coloniale va néanmoins connaître de nombreux
remaniements avec l’accession du Sénégal à l’indépendance, en 1960.
B.Les Indépendances : le « Tout Etat »
1.L’accession du Sénégal à l’indépendance
Depuis 1953, une vague de contestation secouait les pays colonisés. Le premier pas
vers l’indépendance est marqué par la loi-cadre de 1956 qui a renforcé les pouvoirs de
l’Assemblée territoriale du Sénégal, composée de parlementaires qui représentent leur pays.
L’évolution est accélérée par le référendum du 28 septembre 1958. On crée alors la
« Communauté française », regroupant des républiques autonomes et dont le Sénégal devient
un Etat membre le 25 novembre 1958. La Communauté prévoit la mise en place de
républiques africaines autonomes, placées sous le contrôle de la France et pouvant s’associer
entre elles. Le 17 janvier 1959, les délégués des Assemblées de quatre pays (Dahomey,
Soudan, Haute-Volta et Sénégal) adoptent une Constitution fédérale qui porte le nom de
Fédération du Mali. Mais deux pays se désolidarisent, et finalement, le Sénégal et le Soudan
poursuivent seuls le processus de mise en place des institutions fédérales. Le dernier combat
reste alors celui de l’indépendance, un droit prévu par la Constitution de 1958.
L’indépendance de la Fédération du Mali est proclamée le 20 juin 1960. Mais très vite, elle
est minée par des querelles internes et des positions politiques différentes. La Fédération du
Mali éclate, et le 20 août 1960, l’Assemblée sénégalaise proclame l’indépendance du Sénégal.
Le 25 août 1960, une nouvelle constitution est votée. Le Sénégal devient membre de
l’Organisation des Nations Unies le 27 septembre 1960 (Devey, 2000).
Le premier gouvernement du Sénégal est celui de Léopold Sédar Senghor, de 1960 à
1972. Dans le cadre du « Premier plan de développement économique et social », il oriente
son action vers une politique de nationalisation de l’économie et de socialisation (Castaneda,
2004). C’est l’ère du « Tout-Etat ». Dès le départ, l’Etat fut considéré comme un appareil
efficace pour stimuler la croissance, une conception partagée à l’époque par la très grande
majorité des dirigeants des pays en développement. La première décennie qui suivit
l’indépendance fut marquée par une tendance à « l’hypertrophie de l’appareil d’Etat »,
pourtant déjà fortement développé à l’époque coloniale, lorsque le Sénégal abritait la capitale
de l’AOF. Le nombre de fonctionnaires tripla entre 1960 et 1965. Par ce biais, Senghor visait
à renforcer son autorité politique, en s’appuyant sur l’armée et la police. Les années 1970 ont
été marquées par une stratégie de nationalisation et de création de nouvelles entreprises
parapubliques. Toutefois, ce secteur parapublic se révéla vite peu performant. Il contribua, en
outre, à développer des pratiques clientélistes et des comportements de rentiers (Devey,
2000).
23
Dans l’économie du pays, l’agriculture occupe une place importante après
l’indépendance. Le développement du Sénégal se poursuit sur le mode de l’économie de
traite1, caractéristique de la période coloniale. L’arachide − culture dominante−, le coton, les
produits halieutiques et les phosphates furent les principaux produits exportés, fournissant la
majeure partie des recettes d’exportation (Devey, 2000). Le secteur agricole est
prioritairement choisi comme moteur du développement, soutenu par une intervention
massive de l’Etat. Quant à l’élevage, il est considéré comme une activité au service de
l’agriculture. Les plans du gouvernement conservent les objectifs coloniaux d’accroissement
des productions animales en vue de satisfaire les besoins du marché local de viande
(Castaneda, 2004).
2.Les services vétérinaires post-coloniaux : le « Tout-Etat » ?
Les premières années suivant l’Indépendance ne voient pas de changement majeur
pour les services de l’élevage. L’Etat sénégalais conserve le principe du dispositif et les
catégories professionnelles héritées de l’ère coloniale (Landais, 1990).
La formation des professionnels vétérinaires prend cependant un nouvel essor avec la
naissance de trois écoles qui formeront directement au Sénégal le personnel dont l’Etat a
besoin. Le terrain est toujours occupé par des techniciens, qui sont dorénavant formés à
l’Ecole des infirmiers et agents techniques d’élevage de Saint-Louis, créée en 1962 au
lendemain de l’indépendance. Les infirmiers d’élevage (IE) prennent le relais des infirmiers
vétérinaires coloniaux et reçoivent une formation de 2 ans. Les agents techniques d’élevage
(ATE) ont une année supplémentaire de formation. Parallèlement, l’Etat forme des cadres
intermédiaires, les ingénieurs des travaux d’élevage (ITE), à l’Ecole nationale des Cadres
ruraux de Bambey, créée en 1960. Les docteurs vétérinaires, jusque là formés en Europe,
sortiront bientôt de l’Ecole inter-états des sciences et médecine vétérinaires de Dakar
(EISMV), dont l’idée a germé en 1961 et dont le fonctionnement effectif prend place en 1971.
Les jeunes diplômés sont destinés à une carrière de cadre supérieur dans l’administration
(Diop, 1989).
Le cadre institutionnel est modifié en 1968 avec la création de la Direction de
l’Elevage et des Industries Animales, placée sous l’autorité du Ministère de l’Economie
rurale. Le personnel est réparti en fonction de sa qualification dans les différentes
ramifications de la Direction de l’Elevage. L’administration centrale est située à Dakar. Elle
déploie son personnel dans des structures organisées selon le découpage administratif de
l’époque. En 1968, au sein des sept capitales de région, on peut trouver une Inspection
Régionale de l’Elevage chargée de donner l’impulsion et placée sous l’autorité d’un Docteur
vétérinaire. Chaque département est ensuite géré par un Secteur de l’élevage, dirigé par un
Chef de secteur de formation ITE. Les secteurs sont subdivisés en sous-secteurs,
correspondant à l’arrondissement, placés sous la responsabilité d’un ATE ou IE. L’ensemble
forme le réseau de base des Services de l’élevage. Certaines localités ou grandes voies de
déplacement du bétail ont la chance d’être dotées de postes vétérinaires pour lesquels le Chef
de poste est ATE ou IE. Les Services de l’élevage sont structurés de manière pyramidale et le
Docteur vétérinaire est très clairement placé au sommet de cette hiérarchie (Diop, 1989).
1
Rocheteau (1974) définit le « cercle de la traite » ainsi : « exportation du produit et importation de
marchandises, avec domination économique du commerçant sur le producteur ». Au Sénégal, la colonisation a
instauré la traite arachidière. La culture de l’arachide s’est répandue sur une grande partie du territoire, en liaison
avec le développement du réseau de transports et l’expansion du négoce qui se faisait avec la France par le biais
de grandes maisons de commerce, la plupart d’origine bordelaise. Ce type d’économie, basée sur l’instauration
d’une économie de marché a profondément modifié les structures sociales et économiques du pays (Devey,
2000).
24
Les attributions de la Direction de l’élevage sont fixées par arrêté le 6 mars 1968. Elles
concernent toutes les actions relatives à l’élevage et la pathologie des espèces animales, le
contrôle sanitaire des animaux et la lutte contre les maladies animales et les zoonoses,
l’assistance vétérinaire et zootechnique aux éleveurs. Mais la Direction a aussi en charge les
questions d’hydraulique pastorale et d’amélioration des pâturages, d’étude et gestion des
performances zootechniques, d’organisation des transactions commerciales des animaux et
produits d’origine animale (Diop, 1989).
La lutte contre les maladies contagieuses, la peste bovine en particulier, est toujours au
centre des préoccupations. En 1959, les fonctionnaires vétérinaires africains réunis à Nairobi
avaient évoqué le principe d’une campagne conjointe de vaccination contre la peste bovine.
Ce projet « PC 15 » touche d’abord dans une première phase, les quatre états riverains du lac
Tchad : Cameroun, Niger, Nigeria, Tchad. Le Sénégal entre dans la phase III du projet, qui
couvre également entre 1966 et 1969 les régions de l’ouest du Mali, la Mauritanie, le nordouest de la Côte d’Ivoire, le Libéria, la Guinée, la Sierra Leone et la Gambie. Le PC15 permet
des vaccinations de masse contre la peste bovine et la péripneumonie contagieuse bovine. En
1968, la peste bovine est contrôlée et le Sénégal ne connaît plus de foyer pour la maladie
(Samake, 1990). La situation à l’époque laissait entrevoir des perspectives très favorables ;
Henri Lepissier, coordonnateur du PC15 en Afrique de l’Ouest et du Centre écrivait en 1971 :
« après la période historique des grandes épizooties, après avoir connu un « nouveau visage »
de la peste bovine dans une période récente, l’on peut affirmer sans risque de se tromper que
nous entrons dans la période finale du « dernier visage » de la peste bovine en Afrique
Centrale et de l’Ouest » (Lepissier, 1971).
Après l’indépendance, La Direction de l’élevage a subi un nouveau remaniement et a
pris en 1976 le nom de Direction de la santé et des productions animales. L’organisation des
services est toujours calquée sur le découpage administratif. A la fin des années 1970, les
Services comptent 8 inspections régionales, 28 secteurs, 70 postes vétérinaires (Diop, 1989).
Les attributions n’ont guère changé mais les années 1970 sont marquées par la naissance des
grands projets d’élevage : SODESP (Société de développement de l’élevage en zone sylvopastorale) en 1975, PDESO (Programme de développement de l’élevage au Sénégal Oriental)
en 1976.
Après l’indépendance, l’héritage de l’ère coloniale est prégnant. Dans leurs
attributions, les Services de la post-colonie gardent aussi la même vision technique et les
actions restent centrées sur la couverture prophylactique (Diop, 1989). Les Services de
l’élevage ont été marqués dans leur organisation et l’édification de leur hiérarchie par les
vétérinaires coloniaux. Les docteurs vétérinaires conservent leur statut de cadres
administratifs supérieurs et ont placé sous leurs ordres une foule d’exécutants, qui assurent sur
le terrain le maillage du territoire (Landais, 1990).
Les années post-indépendance sont aussi marquées par l’omniprésence de l’Etat. Dans le
domaine de la santé animale, cette période de « Tout-Etat » correspond à un appareil
vétérinaire qui compte de nombreux fonctionnaires, et qui assure les campagnes de
vaccination de masse, obligatoires et entièrement subventionnées. Ces campagnes marquent
très fortement les esprits. La santé animale est l’apanage du domaine public. L’agent de poste
joue un rôle de première importance pour les éleveurs. Garant de la santé animale, il distribue
gratuitement des médicaments de base, des antiparasitaires, qui sont autant de moyens
incitatifs destinés à faciliter l’adhésion des éleveurs aux campagnes de vaccination (Diop,
1989).
25
C.La « crise » et les politiques d’ajustement
1.Le contexte économique et politique : crise et ajustement
structurel
Après l’ère du « Tout-Etat », le Sénégal connaît une période de crise. Disposant de
recettes limitées, irrégulières et difficiles à étendre, « l’Etat n’a pas eu les moyens de ses
ambitions » (Devey, 2000). La contrainte budgétaire devient un frein au bon fonctionnement
de l’économie et un handicap pour sa croissance ultérieure. L’Etat ne peut plus fonctionner
sans recourir à l’aide publique et aux emprunts extérieurs. Le poids de la dette publique s’est
alourdi et les déficits budgétaires se sont accumulés (Devey, 2000). Le système socialiste tel
que façonné par Senghor trouve ses limites à la fin des années 1960. A la veille du départ de
celui-ci, le pays est traversé par une grave crise sociale et économique. Le pays est animé de
mouvements sociaux, le système en place est remis en cause et les épisodes de sécheresse de
1973 ont considérablement aggravé les difficultés. La crise économique du secteur
exportateur, accentuée par la chute des prix internationaux des matières premières et par
l’endettement, complète le cercle vicieux d’instabilité générale (Castaneda, 2004). A la fin
des années 70, alors que s’amorce la crise de la dette des pays en développement, le
gouvernement sénégalais de Senghor ne parvient finalement plus à maintenir une telle gestion
de son Etat. En 1980, le Président Senghor se retire pour laisse le pouvoir à son premier
ministre Abdou Diouf (Castaneda, 2004).
De nombreux autres pays en développement connaissent eux aussi à ce moment une
période de crise économique grave. Les institutions dites « de Bretton Woods »2, Banque
Mondiale et Fonds Monétaire International (FMI) occupent une place de tout premier plan
(Castaneda, 2004). En effet, ces deux institutions jouent un rôle central pour le financement
des pays en développement. Selon Stiglitz (2002), la mission initiale de la Banque Mondiale
est « inscrite dans son vrai nom : Banque internationale pour la reconstruction et le
développement» ; elle est vouée à l’éradication de la pauvreté. Quant au FMI, il est chargé
« d’assurer la stabilité économique du monde ». Ainsi, « si nécessaire, il fournirait des
liquidités, sous forme de prêts, aux pays qui, confrontés à des difficultés économiques,
n’étaient pas en mesure de stimuler la demande globale par leurs propres moyens » (Stiglitz,
2002). La place majeure qu’occupent les institutions de Bretton Woods dans l’économie des
pays en développement est accentuée par le mécanisme de conditionnalité mis en place par
ces dernières (Norro, 1998). Ce sujet est chaudement débattu dans le monde en
développement. Selon Stiglitz (2002), il est clair que tout contrat de prêt stipule bien sûr des
conditions fondamentales. Mais pour lui, dans le cas des prêts accordés aux pays par les
institutions de Bretton Woods, « le mot « conditionnalité » désigne des conditions plus
rigoureuses, qui transforment souvent le prêt en arme politique ». Les conditions vont en effet
au-delà de l’économie et portent sur des points qui relèvent normalement de la politique
(Stiglitz, 2002). Ainsi, les prêts sont octroyés aux pays à condition que la politique que le
pays se propose de suivre soit approuvée par les institutions financières (Norro, 1998). Le
FMI n’accorde son soutien qu’à condition que le pays s’engage à mener une politique
déterminée, censée lui permettre de rétablir à bref délai les grands équilibres
macroéconomiques. La Banque Mondiale a rejoint la pratique de conditionnalité du FMI. A
partir de 1980, au lieu de s’en tenir strictement au financement traditionnel de projets, elle a
2
En référence à la conférence monétaire et financière des Nations Unies à Bretton Woods, en juillet 1944, qui a
vu naître le FMI et la Banque Mondiale. Cette naissance s’est faite dans le cadre d’un effort concerté pour
financer la reconstruction de l’Europe dévastée par la guerre et sauver le monde de futures dépressions (Stiglitz,
2002).
26
envisagé d’appuyer le développement en soutenant des changements de politique économique
par des prêts non liés à des projets et à durée suffisamment longue : les « prêts d’ajustement
structurel » (Norro, 1998 ; Sarrasin, 1999). Finalement, l’acceptation, par un pays endetté,
d’entrer dans un programme d’ajustement a été généralement la condition nécessaire pour
obtenir des capitaux nouveaux (Norro, 1998). Ces accords, qui prévoient tous, peu ou prou,
des engagements de politique financière et économiques, posent, selon Norro (1998)
clairement la question de l’autonomie des décisions politiques et, a contrario, celle de la
« mise en tutelle progressive des pays endettés et notamment des pays africains ».
Ainsi, dans un contexte d’endettement croissant des pays du tiers-monde, de
dégradation des termes de l’échange3 et de déficit budgétaire récurrent, le FMI et la Banque
Mondiale coordonnent leurs actions et s’entendent pour affirmer la nécessité de mettre en
place un « ajustement » pour la plupart des pays, en particulier ceux à faible revenu nonexportateurs de pétrole (Castaneda, 2004 ; Sarrasin, 1999). Les « programmes d’ajustement
structurel » se sont multipliés dans le monde en développement. Initialement, l’ajustement
économique appliqué conjointement par le FMI et la Banque Mondiale pouvait être scindé en
deux parties : des mesures de stabilisation et des mesures de changement structurel4.
Concrètement, ces deux types de mesures se sont souvent appliqués simultanément par ce
qu’il est tenu d’appeler les « Programmes d’ajustement structurel » (PAS) (Sarrasin, 1999).
Pour Sarrasin (1999), l’action et la réflexion du FMI et de la Banque mondiale ont
grandement été orientées par une doctrine néolibérale. Bien qu’elles n’aient jamais appliqué
ces principes de manière orthodoxe, les institutions internationales les ont souvent érigés en
modèle à suivre pour les pays en développement qu’elles financent. Ainsi, la période des
années 1980 a été marquée par le retour en force d’un modèle économique basé sur la
libéralisation des échanges, la prédominance des forces du marché et la redéfinition des
interventions de l’Etat. La Banque Mondiale s’appuie sur un a priori qui est la nécessité pour
les économies en développement de s’ouvrir et de s’intégrer le plus possible aux échanges
internationaux et à l’économie mondiale. Par ailleurs, les objectifs et actions de la Banque
mondiale accordent une place privilégiée au secteur privé et à l’utilisation optimale des
ressources d’un pays, gage de l’efficacité économique (Sarrasin, 1999). Le FMI, quant à lui, a
orienté systématiquement ses recommandations dans la voie de la limitation des dépenses. Par
ailleurs, « et même s’il s’en défend, le Fonds n’a guère échappé à la facilité qui consistait à
suivre un canevas général de politique économique dont l’adaptation aux spécificités propres
de chaque pays paraît faible » (Norro, 1998). Ce canevas comprend normalement une
réduction des dépenses de l’Etat, une limitation de l’accroissement ou même une réduction de
la masse salariale (salaires réels et/ou effectifs de travailleurs), une modification du taux de
change (dévaluation), un assainissement des organismes parapublics et, souvent, une
privatisation de certaines d’entre eux (Norro, 1998).
Finalement, au cours des années 1980 et 90, a émergé un nouveau « consensus de
Washington » (le consensus entre le FMI, la Banque Mondiale et le Trésor américain sur la
« bonne » politique à suivre pour les pays en développement), qui a marqué un tournant
radical dans la conception du développement et de la stabilisation. L’austérité, la privatisation
et la libéralisation ont été les trois piliers de ce consensus de Washington. Les politiques
d’austérité visent à une réduction des déficits et à une discipline budgétaire drastique. La
libéralisation consiste en la suppression de l’intervention de l’Etat sur les marchés financiers
et le démantèlement des entraves au commerce. La privatisation, quant à elle, s’attache à la
3
Ce sont « les prix que les pays développés et moins développés obtiennent respectivement pour ce qu’ils
produisent » (Stiglitz, 2002).
4
Les mesures de stabilisation visaient à la lutte contre l’inflation, le déficit de la balance des paiements et le
déficit budgétaire des gouvernements. Ces mesures de stabilisation à court terme étaient parallèlement appuyées
d’un changement structurel. Celui-ci visait la réduction et le retrait de rigidité et de distorsions du marché. Cet
objectif misait sur une réorganisation du rôle de l’Etat dans l’économie pour favoriser l’ouverture des marchés et
de la compétitivité (Sarrasin, 1999).
27
conversion d’activités et d’entreprises gérées par l’Etat en branches et firmes privées (Stiglitz,
2002). Selon Stiglitz, le raisonnement qui fonde la privatisation est le suivant : « dans
beaucoup de pays en développement − mais aussi développés −, les Etats dépensent souvent
trop d’énergie à faire ce qu’ils ne devraient pas faire, et cela les détourne de ce qu’ils
devraient faire. Le problème n’est pas que l’Etat tient trop de place, mais qu’il n’est pas dans
son rôle. En règle générale, des entreprises privées en concurrence entre elles peuvent
s’acquitter plus efficacement de certaines tâches ». L’auteur souligne un des points critiques
des politiques de privatisation mises en place : la vitesse d’exécution. Selon lui, « le FMI
soutient que le plus important, et de loin, c’est de privatiser vite. Les problèmes de
concurrence et de réglementation, on pourra les régler ensuite ». Il s’en est souvent suivi une
situation de monopole pour les anciennes entreprises publiques privatisées. Cette situation,
qui a « semé au passage la corruption dans la vie politique », se révèle défavorable non
seulement pour le consommateur, mais aussi pour le personnel (Stiglitz, 2002).
Ainsi, la décennie des années 80 a offert des solutions drastiques à la majeure partie
des pays du « Tiers Monde » ; le Sénégal n’a échappé ni à la crise, ni aux politiques
d’ajustement structurel impulsées par les institutions de Bretton Woods.
Le déséquilibre de la balance commerciale, la dérive de la dette publique, le taux de chômage
ont donné lieu à la mise en place du Plan d’ajustement de court terme de la Banque mondiale
et du FMI en 1979-1980. Mais ce programme de stabilisation de court terme, initié par
Senghor en 1979 n’a pas permis au pays de sortir de sa crise financière (Gning, 2004). Face à
des pressions internationales de plus en plus prégnantes, Diouf engage le Sénégal dans un
Plan de redressement économique et financier de 1980 à 1984, puis un Plan d’ajustement
structurel (PAS) et un Plan d’ajustement à moyen et long terme (PAMLT) de 1985 à 1992
(Castaneda, 2004).
Dans la lignée des principes économiques édictés par les institutions internationales, le
gouvernement du Sénégal s’est lancé à partir de 1987 dans un programme de privatisation du
secteur parapublic. A partir de 1995, le processus de privatisation s’est accéléré au Sénégal
(Nations Unies, 2000). Le désengagement de l’Etat s’étend désormais au secteur des
infrastructures telles que les sociétés d’eau, de téléphone, de chemin de fer et d’électricité.
Mais ce désengagement va aussi toucher le secteur agricole dans son ensemble, et l’élevage
en particulier.
2.L’élevage et les services de santé animale dans les
nouvelles politiques agricoles
Sur fond de crise et d’ajustement structurel, et dans le cadre des plans liant l’Etat et les
bailleurs de fonds, le Gouvernement du Sénégal met en place une Nouvelle Politique Agricole
(NPA) à partir de 1984. Les principaux objectifs de la NPA sont axés autour de la réduction
du champ d’intervention de l’Etat, du relèvement du niveau de vie des populations rurales et
de l’autosuffisance alimentaire (Castaneda, 2004). Par ailleurs, cette Nouvelle Politique
Agricole insiste aussi sur une meilleure organisation du monde rural et un nouveau rôle pour
les organisations paysannes. Elle s’inscrit dans la lignée des discours de libéralisation et
privatisation prônés par les bailleurs internationaux (Gning, 2004). La Nouvelle Politique
Agricole, en s’engageant pour un retrait de l’Etat dans le domaine de l’agriculture, a marqué
un changement brutal par rapport aux politiques passées. Néanmoins, de nombreux doutes
furent émis sur la volonté et la capacité du secteur privé à combler les domaines délaissés par
l’Etat (Gning, 2004).
L’élevage apparaît comme un sous-secteur prioritaire pour le développement dans la
mesure où il permet d’atteindre les objectifs d’autosuffisance alimentaire. On privilégie alors
28
l’intensification et la diversification des productions. Pour l’élevage, le souci de
décentralisation et de désengagement de l’Etat constitue l’axe prioritaire des actions
recommandées par les Conseils Interministériels. Le volet élevage de la NPA se centre sur
l’intensification des productions par une stratification des producteurs selon la zone
agroéocologique, la responsabilisation des producteurs à travers la création de Groupements
d’Intérêt Economique (GIE), et la prépondérance du secteur privé (Castaneda, 2004). La mise
en œuvre des orientations de la NPA en matière d’élevage a été confiée au Secrétariat d’Etat
aux Ressources animales, crée en 1986. Les lignes d’action définies par le Secrétariat d’Etat
s’inspirent des recommandations des Conseils Interministériels consacrés à l’élevage. Ces
recommandations ont été traduites en plans d’action. Un plan d’action est consacré à la santé
animale. Mais les plans d’action touchent aussi à la distribution, la conservation et le
stockage des produits d’élevage, à la commercialisation et l’approvisionnement, et enfin à
l’organisation, la formation et la responsabilisation des éleveurs (SONED, 1999).
En 1994, la Déclaration de Politique de Développement Agricole (DPDA) définit la
nouvelle orientation politique de l’élevage en matière agricole, fixe les objectifs et indique les
actions et mesures par lesquels cette politique devra garantir un développement durable et une
croissance soutenue. Dans le cadre du Programme d’Ajustement Structurel, l’Etat sénégalais a
élaboré en 1995 avec les partenaires au développement une Lettre de Politique de
Développement Agricole (LPDA). En 1999, la Lettre de Politique de Développement de
l’Elevage (LPDE ; Annexe III) confirme les orientations déjà amorcées dans cette dernière.
L’Etat souhaite « faire de l’élevage un poumon du développement économique à travers la
définition et la réalisation d’objectifs visant à intensifier la production animale et à
promouvoir les exportations ». Dans cette lettre, le gouvernement énonce un certain nombre
de mesures politiques visant à atteindre ces objectifs. Parmi ces mesures, il est important de
noter que sur le plan institutionnel, l’Etat s’engage à « mettre en adéquation les missions
dévolues au Ministère de l’Elevage et les moyens humains et matériels nécessaires par
l’élaboration d’un plan de recrutement, de formation et de recyclage du personnel ».
On peut trouver dans les objectifs de la Nouvelle Politique Agricole, et plus spécifiquement
pour l’élevage dans la LPDE, les grands principes de désengagement de l’état et de
privatisation. Ces grands principes découlent des politiques d’ajustement structurel, ellesmêmes impulsées au pays par les institutions financières internationales et via les « prêts
conditionnés ».
3.L’intervention des institutions internationales sur les
systèmes de santé animale en Afrique
L’intervention des institutions internationales a grandement modifié les politiques
économiques et sociales africaines. Elle a touché le domaine de l’agriculture, mais elle a aussi
profondément bouleversé le secteur de la santé animale en Afrique. Le Sénégal, comme la
plupart des pays d’Afrique, a « rénové » l’organisation de son système de santé animale sous
l’impulsion de ces institutions, Banque Mondiale et OIE (Office International des Epizooties)
en particulier.
Ces dernières, dans les années 1980, ont dressé un bilan des systèmes de santé vétérinaire
pour différents pays d’Afrique puis proposé un nouveau modèle, toujours basé sur le
désengagement de l’Etat et l’émergence du secteur privé. Nous verrons donc ces bilans et
modèles communs aux pays africains, avant d’aborder la privatisation des services pour le
Sénégal.
29
a)Le bilan
La fin des années 1970 aura été marquée par la résurgence de la peste bovine en
Afrique dont les premiers foyers réapparaissent au Sénégal en 1978 (Samake, 1990). Les
institutions internationales (Banque Mondiale, OIE.) s’inquiètent fortement de cette
résurgence et voient dans ce phénomène l’expression de l’érosion et des défaillances qui
touchent les services publics vétérinaires africains, et la nécessité d’un changement dans la
politique des services vétérinaires (Cheneau, 1985).
Des séminaires sur les structures de santé animale de base réunissent les Directeurs de
l’élevage et les principaux bailleurs : à Bujumbura (Burundi) en 1984 (GTZ5-IEMVT6-CTA7,
1984), à Blantyre (Malawi) en 1985 (GTZ-CTA-ODA8, 1985). Suivent une série de
consultations qui fera émerger un bilan pour l’amélioration des services de santé animale. Les
institutions internationales éditent des documents de travail. Ainsi, la Banque Mondiale et
l’OIE présentent un diagnostic du secteur de la santé animale en Afrique sub-saharienne en
1985 (De Haan et Nissen, 1985, Cheneau, 1985).
Selon ce bilan, les difficultés rencontrées dans le domaine de santé animale proviennent de
différents types d’obstacle :
●le contexte historique : à leurs débuts, il y a près d’un siècle, les services de l’élevage
employaient un personnel vétérinaire avec un haut niveau de qualification. Cela était, selon
De Haan et Nissen (1985), justifié d’une part par le fait que la santé animale et les épizooties
étaient la principale contrainte au développement de l’élevage, et d’autre part par le prix élevé
des médicaments. Cependant, soulignent les auteurs, les campagnes de vaccination ont permis
ces dernières années de réduire le risque d’épizootie. De plus, la baisse du prix des
médicaments et l’augmentation de la valeur des animaux ont accru la viabilité économique
des activités de médecine vétérinaire individuelle. La toile de fond du secteur de la santé
animale a ainsi subi de profonds changements. Or, il s’avère que les institutions au service du
secteur de l’élevage n’ont pas évolué. C’est cette inertie que les auteurs de la Banque
Mondiale notaient en 1985 comme point critique. Selon ces mêmes auteurs, en 1985, « la
structure des services de santé animale en Afrique reflétait encore le contexte historique ».
Ces services, en Afrique, « ont encore un fort biais vétérinaire et beaucoup de fonctions de
routine sont réservées aux seuls professionnels » (De Haan et Nissen, 1985).
● les contraintes budgétaires : dans la plupart des pays africains, dont le Sénégal, le
budget de l’élevage a diminué en termes absolus et relatifs (De Haan et Nissen, 1985). Par
ailleurs, la répartition des coûts au sein du budget montre que les coûts liés au personnel
augmentent plus vite que le reste (De Haan et Nissen, 1985 ; Cheneau, 1985 ; figure 1).
5
GTZ : German Agency for Technical Co-operation
IEMVT : Institut d’Elevage et de Médecine Vétérinaire des pays Tropicaux
7
CTA : Centre Technique de coopération Agricole et rurale
8
ODA : Overseas Development Administration
6
30
Budget de personnel/budget total (%)
120
100
80
Tchad
60
Burkina
Faso
Niger
40
Sénégal
20
Côte
d'Ivoire
Togo
Rep.
Centraf
0
6566
6667
6768
6869
6970
7071
7172
7273
7374
7475
7576
7677
7778
7879
Années
Figure 1 : Evolution de la part des dépenses de personnel (en %) dans le budget total des services de santé
animale pour divers pays africains, de 1965 à 1979 (d’après Anteneh, 1984, cité par Cheneau ; 1985)
NB : Données pour 1966-67 non disponibles ; Rép. Centraf = République Centrafricaine.
Si la tendance continue, le personnel n’aura bientôt plus aucune ressource matérielle
pour faire son travail. Une estimation moyenne sur 7 pays sahéliens présentée en 1988 à
Bangui (GTZ/CIRAD-EMVT, 1988) et reproduite ci-dessous (figure 2) montrait qu’entre
1965 et 1976, les budgets des services de l’élevage étaient passés de 2 à moins de 1% des
budgets nationaux, tandis que les rapports entre budgets de fonctionnement et salaires du
personnel évoluaient respectivement de 45-55% à 20-80%. Dans ces conditions, les structures
nationales ne permettent plus de répondre efficacement aux besoins de prévention des
épizooties et de soins des animaux.
31
Figure 2 : Evolution du budget de l’élevage en Afrique entre 1965 et 1976 (d’après GTZ/CIRAD-EMVT,
1988)
les contraintes liées au personnel : les normes proposées dans le document de l’OIE
donnent des ratios d’effectif de bétail par professionnel vétérinaire. L’étude de ces ratios
montre une inadéquation dans certains pays sahéliens. Au Sénégal, l’auteur estime que le ratio
est satisfaisant, mais que les professionnels vétérinaires sont trop nombreux par rapport au
budget de fonctionnement alloué (Cheneau, 1985). Le document de la Banque mondiale
présente de son côté une première évaluation de l’efficacité des services de santé animale. En
ce qui concerne la lutte contre les maladies animales, le secteur est jugé comme globalement
déficient : les laboratoires de diagnostic manquent de moyens, le taux de couverture vaccinale
n’est pas suffisant. La médecine curative, elle, ne se limite qu’à une petite partie de la
population malgré une demande identifiée comme croissante. Les postes vétérinaires
manquent de moyens de transport, le personnel n’est guère motivé ; il s’en suit des prestations
de service marquées par un caractère irrégulier et une faible présence des acteurs sur le terrain
(De Haan et Nissen, 1985). Quant à la distribution des médicaments, elle est placée sous le
monopole du gouvernement pour limiter la fraude et le marché noir. Mais face à un budget
qui s’amenuise, la distribution des médicaments est déficiente, les médicaments sont peu
diffusés. Finalement, la confrontation d’une forte demande et d’une offre limitée et
monopolisée par l’Etat encourage bien au contraire le marché noir et la surfacturation des
services (De Haan et Nissen, 1985).
●
Ainsi, la Banque Mondiale (De Haan et Nissen, 1985) en vient aux conclusions que :
32
-
l’augmentation du nombre de fonctionnaires n’est pas en adéquation avec un budget
qui s’amenuise. Par conséquent, on se trouve face à un personnel trop nombreux par
rapport aux moyens dont il dispose, donc inefficace ;
le recouvrement des coûts est peu ou pas contrôlé ;
l’efficacité du réseau de distribution des médicaments vétérinaires est faible ;
les services de médecine curative sont quasi inexistants malgré la demande.
La crise des systèmes de santé animale touche donc l’Afrique toute entière, le Sénégal
n’échappe pas aux difficultés. L’OIE indique en 1985 que « la crise mondiale, partout
ressentie, donne lieu à une prise de conscience générale, qui conduit à la réflexion, puis à des
réformes. Aussi bien les gouvernements que les agents des Services de santé et de productions
animales et les éleveurs, les organisations internationales et les bailleurs de fonds, tous
conviennent que le moment est venu d’agir » (Cheneau, 1985).
b)L’émergence de nouveaux modèles d’organisation des
systèmes de santé animale
Face à ces conclusions, la Banque Mondiale présente des approches alternatives
centrées sur la restriction du monopole du gouvernement et le transfert progressif des
responsabilités vers le secteur privé.
(1)Les orientations
L’Office International des Epizooties (OIE), en 1985, a dressé un bilan qui identifie
les mêmes contraintes et propose un modèle de réorganisation des services vétérinaires qui
s’articule autour du désengagement de l’Etat de certaines de ses fonctions et du transfert vers
le privé (Cheneau, 1985).
Pour cela, Cheneau (1985) définit d’abord les orientations majeures de ces remaniements :
● Réhabiliter les Services vétérinaires et redéfinir leur fonctions fondamentales : pour cela, il
faut délimiter le domaine d’intervention de l’Etat, soulager celui-ci de certaines tâches qui
seront confiées aux structures parapubliques ou privées, et maîtriser le recrutement dans la
fonction publique ;
● Assurer la plus grande autonomie budgétaire possible aux Services vétérinaires, ce qui
passera notamment par une meilleure redistribution des revenus de l’élevage ;
● Privatiser certaines fonctions des Services vétérinaires : pour cela, il faudra encourager cette
privatisation et faire appel à de nouvelles catégories de personnel (auxiliaires notamment).
(2)Les méthodes proposées
Selon Cheneau (1985), « l’action à entreprendre passe par la recherche des solutions et
par le dialogue. Le présent rapport, élaboré à la suite de la recommandation de la Commission
régionale de l’OIE pour l’Afrique, démontre que les esprits y sont préparés ».
La question d’une réforme des systèmes de santé animale a été longuement discutée, dans des
enceintes nombreuses réunissant les Directeurs de l’élevage des pays africains, et différents
experts. On a pu citer Bujumbura (GTZ-IEMVT-CTA, 1984) et Blantyre (GTZ-CTA-ODA,
1985), mais dès 1976 le Comité Permanent Inter-Etats de Lutte contre la Sécheresse dans le
Sahel et le Club du Sahel abordaient ces problèmes (Cheneau, 1985).
(3)Le nouveau modèle
33
Le modèle proposé par l’OIE et la Banque Mondiale (Cheneau, 1985 ; De Haan et
Nissen, 1985) se base sur les axes suivants :
Un service de l’élevage réhabilité, dont les fonctions sont décrites dans le Manuel sur les
standards des Services vétérinaires, revu par la FAO. Cette réhabilitation passe par une
maîtrise des effectifs qui s’opérera grâce à un arrêt des recrutements dans la fonction
publique, une incitation au départ et la retraite anticipée. Le « nouveau » service de l’élevage
sera servi par une chaîne de commandement pyramidale pour laquelle un organigramme-type
est proposé.
● La privatisation de la médecine vétérinaire passe par un transfert des tâches et il convient
donc de préciser quelles tâches sont susceptibles d’être confiées au secteur privé. Pour que la
privatisation ait une chance d’aboutir, il faut que l’Etat permette une concurrence loyale entre
le système privé et les services de l’Etat, mais aussi qu’il garde un contrôle sur l’ensemble du
système. L’Etat doit aussi favoriser le regroupement des éleveurs et améliorer le niveau de vie
de ceux-ci. Dans le cadre de la privatisation, de nouveaux opérateurs privés vont agir : les
vétérinaires, mais aussi les auxiliaires pour lesquels on s’interrogera sur le recrutement et la
formation.
●
Le terme « auxiliaire » désigne un éleveur formé aux soins vétérinaires. Le terme
« d’auxiliaire d’élevage » était employé bien avant la période des Indépendances pour des
agents sans formation particulière, recrutés à titre permanent par les Services de l’élevage, qui
étaient affectés dans les postes de brousse de leur zone d’origine et qui pratiquaient toutes les
activités de vaccination ou de soins qui leur étaient demandé (Blanc et al., 2003).
L’atelier de Bangui en 1988 (GTZ/CIRAD-EMVT, 1988) présente pour la première fois le
profil souhaité des auxiliaires (figure 3).
L’auxiliaire de Bangui
Le choix
Le choix des auxiliaires devra tenir compte des spécificités régionales et devra privilégier les candidats issus du
milieu et approuvés par la communauté.
Les tâches
Les auxiliaires devront avoir pour tâches :
- les premiers soins de base,
- l’administration des produits vétérinaires jugés non dangereux,
- les activités zootechniques et la gestion des stocks de produits.
Selon les circonstances, ils seront appelés à exécuter d’autres tâches.
La formation
La formation des auxiliaires doit se faire par objectifs bien ciblés, adaptés aux réalités de chaque pays et aux
systèmes de production. Elle sera de courte durée, suivie de stages courts et répétés.
La rémunération
La rémunération des auxiliaires fait partie des obligations des groupes cibles. Elle doit être laissée à la latitude des
éleveurs.
Figure 3 : L’auxiliaire de Bangui (d’après GTZ/CIRAD-EMVT, 1988)
(4)La « balance » service public/secteur privé
Le développement d’un secteur privé suppose la redéfinition des rôles du service
public et du privé. Pour la Banque Mondiale, en 1985 (De Haan et Nissen, 1985), la
répartition des tâches entre les deux secteurs doit se baser sur deux critères : la notion de
« bien public » ou « privé » et les coûts d’exécution.
34
Les biens de nature « publique » sont :
- l’élaboration et la supervision des politiques de développement de l’élevage ;
- l’inspection vétérinaire, c’est-à-dire le respect de la conformité aux normes de santé
publique, le contrôle des importations et exportations, les mesures de quarantaine, le
contrôle de qualité des intrants et services vétérinaires ;
- la collecte des données concernant les effectifs du cheptel, les mouvements de bétail,
les marchés, la transformation des produits, les importations et exportations ;
- la détection des maladies à déclaration obligatoire dans les zones difficiles d’accès, la
confirmation du diagnostic, la mise en place de mesures sanitaires adaptées ;
- la supervision et le développement, la participation au financement des campagnes de
vaccination contre la peste bovine, la péripneumonie contagieuse bovine, et selon le
cas, la fièvre aphteuse.
La Banque Mondiale admet que l’exécution entière des campagnes de vaccination par
les services publics serait improductive, et propose à long terme de sous-traiter les opérations
de vaccination auprès du secteur privé, sous la supervision du service public. A l’opposé des
actes de médecine préventive, ceux de médecine curative sont de nature « biens privés ». Le
bénéfice tiré des actes curatifs sur un troupeau profite exclusivement au propriétaire, et
personne d’autre ne peut en tirer profit.
Selon l’OIE (Cheneau, 1985), les structures étatiques doivent se consacrer à la conception des
politiques et des programmes de développement, à l’organisation du marché, au contrôle de
l’exécution des interventions d’intérêt général présentant le caractère de « service public », à
l’encadrement et à la formation des personnels, au contrôle de la mise sur le marché des
médicaments vétérinaires, à la promotion des résultats de la recherche zootechnique et
vétérinaire. Quant à la lutte contre les maladies, le choix des opérateurs chargés du contrôle
dépend de la nature même des maladies. La lutte contre les maladies contagieuses doit rester
sous la responsabilité directe des Services officiels, qui doivent contrôler les mouvements des
animaux, veiller au respect de la réglementation, contrôler l’exécution des campagnes de
vaccination. La lutte contre les maladies moins répandues, ou moins diffusibles, ou
d’incidence économique moindre pour la collectivité, de même que les traitements curatifs
pourra être entreprise par les éleveurs eux-mêmes (De Haan et Nissen, 1985).
Après le constat de « crise des systèmes de santé animale » énoncé par les institutions
internationales, et dans un contexte de politique d’ajustement structurel, le Sénégal se
conforme aux exigences de la Banque Mondiale et de l’OIE et amorce au début des années
1990 une transition vers un système de santé animale privatisé et libéralisé.
35
D.Privatisation et transition vers un nouveau système de
santé animale au Sénégal
1.Les réformes du cadre organique
Dans la lignée des changements initiés dans le cadre de la NPA, les Services de
l’élevage sont rattachés en 1986 au Secrétariat d’Etat aux Ressources Animales (SERA). En
1988, on crée un Ministère chargé des Ressources Animales.
Les réformes du cadre organique obéissent aux modèles proposés par la Banque Mondiale et
l’OIE : désengagement de l’Etat, émergence du secteur privé.
(1)Le désengagement de l’Etat
Les actions amorcées dès 1986 par le SERA s’inscrivaient dans la lignée d’un
processus libéralisation et de privatisation de l’ancien domaine public. En 1990, l’Etat se
désengage du secteur des intrants d’aliments du bétail et des activités marchandes. La Société
d’Exploitation des Ressources Animales et le Centre National d’Aviculture de Mbao sont
privatisés.
Par ailleurs, en matière de santé animale, la stratégie des plans d’action consécutifs à la
Nouvelle Politique Agricole reposait sur (SONED, 1999) :
- la prise en charge progressive d’une partie des frais de prophylaxie collective par les
éleveurs ;
- la libéralisation progressive de la médecine individuelle ;
- l’instauration d’un programme de soins vétérinaires de base avec l’appui d’auxiliaires
issus du milieu éleveur afin de démultiplier l’action des services vétérinaires.
Ce plan d’action est marqué par la politique d’ajustement structurel et le vent de libéralisation
qui ont marqué le Sénégal des années 1980. Par ailleurs, il témoigne de l’empreinte des
institutions internationales dans le domaine de la santé animale. Les mesures proposées
correspondent aux idées avancées notamment par l’OIE et la Banque Mondiale.
En ce qui concerne la médecine vétérinaire, les premières mesures prises sont le gel
des recrutements de professionnels vétérinaires dans la fonction publique à partir de 1990. Le
gouvernement encourage les départs volontaires, les mises à la retraite. Par l’arrêté du 17 mai
1990, l’Etat maintient 295 agents de la Direction de l’élevage « par ordre sans affectation ».
L’effectif « utile », c’est-à-dire les corps techniques chargés de la couverture sanitaire et du
développement du cheptel passe alors de 734 à 424 agents. Ces « Maintiens par Ordre Sans
Affectation » ou MOSA affectent toutes les catégories professionnelles. Le MOSA provoque
une levée de boucliers. Les personnels désignés le sont apparemment sans justification, et les
« coupes » opérées dans le personnel ne répondent à aucune logique technique. Certains
postes vétérinaires se retrouvent dépourvus d’agents et sont progressivement fermés.
Parallèlement, l’Etat s’engage à se retirer des activités cliniques dans les localités pourvues de
vétérinaire privé.
La Lettre de Politique du Développement de l’Elevage (LPDE ; Annexe III) confirme
en 1999 le processus engagé. Ainsi, l’Etat entend « poursuivre le processus de privatisation de
la profession vétérinaire avec une claire définition des rôles respectifs de l’Etat et du secteur
privé ». La délimitation proposée quant aux prérogatives du secteur public et du privé est
conforme à celle énoncée par les institutions internationales. Ainsi, la LPDE annonce que
« dans ce cadre précis, les activités relevant de l’Etat concernent l’élaboration des
36
programmes de lutte contre les maladies légalement contagieuses ou les zoonoses, la
surveillance épidémiologique du territoire, le contrôle des mouvements du bétail notamment
aux frontières, l’élaboration des normes d’hygiène et de qualité ainsi que le contrôle des
denrées d’origine animale et des produits utilisés pour l’élevage, l’inspection sanitaire.
Certaines de ces activités peuvent être déléguées au secteur privé dans le cadre d’un mandat
sanitaire. Il s’agit, en particulier, des interventions au cours des campagnes officielles de
vaccination, de l’inspection sanitaire notamment au niveau des abattoirs.».
(2)Le cadre réglementaire
Il n’est que peu modifié malgré les remaniements importants que subissent les
Services de l’élevage à cette époque. La structure des Services vétérinaires étatiques n’est pas
affectée. Une série de textes organise la profession. Le texte majeur entérinant la privatisation
de la profession vétérinaire est la loi du 26 juin 1992 portant création de l’Ordre Des
Vétérinaires du Sénégal (Annexe IV). Le décret du 27 avril 1993 présente le Code de
Déontologie de la Médecine vétérinaire (Annexe V).
Enfin, 1995 marque une étape décisive dans le processus de privatisation au Sénégal.
Le 6 juillet 1995 paraît le décret relatif à l’institution du mandat sanitaire au Sénégal (Annexe
VI). Ce décret est d’importance majeure puisque c’est à travers lui que l’Etat concède une
partie de ses prérogatives au secteur privé. Ainsi, l’article 1 du décret mentionne que « les
opérations de prophylaxie collective des maladies animales jugées obligatoires ainsi que
l’inspection d’hygiène et de salubrité des denrées animales et d’origine animale exécutées par
les services de l’Etat peuvent désormais être confiées aux vétérinaires privés investis d’un
mandat sanitaire ». L’Etat peut donc officiellement déléguer ponctuellement certaines
missions du domaine public aux vétérinaires privés qui en font la demande.
2.La mise en œuvre de la privatisation
Le recouvrement des coûts préconisé par la Banque Mondiale était déjà bien amorcé
en 1975. Il est progressivement renforcé et est presque total en 1985 (Cheneau, 1985).
Mais le principal frein à l’essor de l’implantation des vétérinaires en clientèle privée
est l’investissement initial nécessaire pour la naissance d’un cabinet vétérinaire. Le projet
PARC (Panafrican Rinderpest Campaign) va jouer un rôle central dans le processus de
privatisation, en finançant les installations des vétérinaires privés. Ce projet a débuté au
Sénégal en 1989 avec la campagne de vaccination contre la peste bovine. En 1993, suite à la
convention de financement du 7ème Fonds Européen de Développement, le PARC introduit le
soutien à la privatisation des services vétérinaires dans ses activités. Il appuie le financement
de l’installation des jeunes vétérinaires dans le secteur privé grâce à un accès au crédit facilité,
par le biais d’un accord avec la banque (CNCAS : Crédit National de Caisse d’épargne du
Sénégal) dont le protocole a été signé en 1991 entre la CNCAS et la Direction de l’élevage
(Fall, 2003).
Les dossiers sont examinés par le Comité de pilotage qui comprend des représentants de
l’administration (Direction de l’élevage, PACE9), de l’Ordre des docteurs vétérinaires, du
Syndicat des travailleurs de l’élevage, de l’Union européenne, de l’organisme de crédit
(CNCAS). Ce comité a récemment été élargi au PAPEL10. Il est chargé d’examiner et de
formuler un avis sur les dossiers de demande de prêts. Les dossiers agréés par le comité sont
transmis à la banque pour instruction. La décision finale d’octroi ou de rejet de la demande de
crédit est réservée à la banque. L’Ordre des vétérinaires sert de caution morale aux
9
Programme panafricain de lutte contre les épizooties ; il a pris le relais de la fin du PARC en 1999
Projet d’appui à l’élevage
10
37
vétérinaires financés (Fall, 2003). Les crédits alloués de 1993 à 2003 représentaient en 2003
un montant total de près de 373 000 000 Francs CFA (568 598 €11) pour le crédit principal et
100 000 000 FCFA (152 439 €) pour le crédit apport personnel. Le montant des crédits va de
2 500 000 à 8 000 000 FCFA (3811 à 12 195 €). Le montant alloué est décomposé en
différentes rubriques. Un exemple type est présenté dans le tableau 2.
Tableau 2 : Exemple de composition du crédit accordé par le PARC pour l’installation d’un vétérinaire
privé (d’après Fall, 2003)
Rubriques
Stock de médicaments
Dépenses de
fonctionnement (salaires,
loyer, électricité,…)
Equipement technique
(trousseau, matériel de
froid, …)
Matériel de locomotion
(véhicule d’occasion)
TOTAL
Montants en Montants Part en
Francs CFA
en euro %
3 000 000
4 573
41%
725 000
1 105
10%
1 235 000
1 883
17%
2 400 000
3 659
32%
7 360 000
11 220
100%
En 1998, le PARC avait financé au Sénégal 45 installations en clientèle privée : 43 docteurs
vétérinaires et 2 techniciens. Une seule ONG a participé directement au financement de
l’installation de vétérinaires privés : Vétérinaires Sans Frontières (VSF), qui a installé un
docteur vétérinaire dans la ville de Kolda. Le suivi des crédits est assuré par le PARC. Une
formation en gestion a été proposée avec le PARC en collaboration avec VSF.
a)La dynamique d’installation des privés
Quelques vétérinaires se sont installés à titre privé avant les années 1990. Mais le véritable
élan d’installation des vétérinaires privés viendra à partir de la politique d’arrêt des
recrutements dans la fonction publique au début des années 90. Les ITE et ATE ayant fait les
frais des MOSA et départs volontaires s’installent en clientèle. Ils sont rapidement rejoints par
les jeunes diplômés ATE, ITE et docteurs vétérinaires.
La figure 4 présente l’évolution des prestataires officiellement installés à titre privé. Ces
statistiques sont à manipuler avec prudence. La source (Cissé, 1996) ne précise pas comment
ces chiffres ont été évalués. Mais sachant qu’aucun recensement des prestataires privés n’a été
effectué, on peut émettre l’hypothèse que ces chiffres sont issus de la Direction de l’élevage,
et sont basés sur le dénombrement des « autorisations d’exercer », document nécessaire à
l’installation, délivrées par celle-ci. Dans ce cas, il faut s’attendre à une surestimation de ces
chiffres pour les agents et ingénieurs installés à titre privé. En effet, certains agents la
demandent sans exercer pour autant. A l’inverse, de nombreux prestataires opèrent sans
autorisation d’exercer, mais ils se positionnent alors hors de tout cadre légal et relèvent plutôt
du domaine de l’informel. La figure 5 présente la dynamique d’installation des docteurs
vétérinaires. Les chiffres présentés ne correspondent pas exactement à ceux de la figure
précédente pour ce qui concerne les docteurs vétérinaires. Ces divergences sont liées aux
sources différentes dont ont été extraites les données.
11
Sur la base 1 € = 656 Francs CFA
38
50
47
45
40
40
Nombre de professionnels vétérinaires
36
Docteurs
Vétérinaires
35
31
30
Ingénieurs des
Travaux
d'Elevage
26
25
25
22
Agents
Techniques
d'Elevage
21
19
20
Infirmiers
d'Elevage
16
14
15
12
12
12
10
10
7
5
4
5
1
2
1
0 0 0
0 0 0
0
1965
1974
1989
4
3
0
0
0
1990
1991
1992
1993
1994
Figure 4 : Evolution du nombre de professionnels installés à titre privé, effectifs cumulés (d’après Cissé,
1996)
80
69
Nb de professionnels installés
70
66
57
60
53
50
41
43
40
Autofinancement
Financement
PARC
50
Total installés
31
30
23
20
10
0
18
12
7
6
1
1993
14
7
5
1994
16
16
10
5
1995
1996
1997
1998
1999
Figure 5 : Evolution de l’installation des docteurs vétérinaires en clientèle privée au Sénégal, effectifs
cumulés (d’après Fall, 2003)
39
Il est important de remarquer le rôle de catalyseur joué par le financement PARC dans
la dynamique d’installation des vétérinaires privés. Alors que l’installation à titre privé est
déjà autorisée avant les années 1990, le phénomène de privatisation ne prend son essor qu’à
partir de l’année 1994 avec les premiers crédits PARC. Le phénomène d’installation apparaît
aujourd’hui encore comme largement dépendant de l’accès au crédit. La part de vétérinaires
autofinancés est très maigre. Depuis 1999, le mécanisme de financement par le PARC est
bloqué12. Moins de cinq nouveaux vétérinaires se sont installés depuis cette date.
b)Le « système rénové »
L’avènement de la privatisation a induit une complexification du système de santé
animale, jusque là fortement empreint de l’héritage colonial, puis de l’omnipotence de l’Etat.
Au système public se superpose une nouvelle strate, celle du secteur privé. Ces deux
composantes du nouveau système emploient vétérinaires, agents ou ingénieurs, qui se
partagent l’ensemble des missions des services de santé animale. Alors que les services
étatiques se recentrent sur leurs fonctions régaliennes, le secteur privé fait main mise sur les
domaines de distribution du médicament vétérinaire, les soins curatifs, et par le biais du
mandat sanitaire obtient l’autorisation d’exécuter les campagnes de prophylaxie collective.
Avec la privatisation des Services vétérinaires, la Direction de l’élevage a vu son personnel se
réduire. Les docteurs vétérinaires sont passés de 61 en 1984 à 58 en 1994 (soit une baisse
d’effectifs de 5% environ). Quant aux agents et ingénieurs, la réduction de personnel a été
plus sévère, puisqu’ils sont passés de 660 à 310, soit une baisse d’effectifs de plus de 50%.
Ainsi, le « dégraissage » de la fonction publique induit par le processus de privatisation est
loin d’avoir affecté les différentes catégories professionnelles de manière égale : bien
qu’ayant touché toutes les catégories, il a épargné les docteurs vétérinaires bien plus que les
professions intermédiaires, lourdement affectées par les opérations de départ.
Ce système « rénové», âgé aujourd’hui d’à peine plus de dix ans, tente de parachever sa
construction. A travers l’étude de la mise en place de la privatisation au Sénégal, on peut déjà
noter quelques points critiques qui sont autant de difficultés que le système de santé animale
doit aujourd’hui surmonter.
Le premier point, le plus visible, est le fait que la privatisation du réseau vétérinaire se soit
fait sous l’impulsion de ce que Ly (2004) appelle un « choc exogène » : la pression des
institutions internationales. Le processus de privatisation n’est pas né d’une initiative
intrinsèque au pays, mais il s’est opéré au Sénégal comme dans de nombreux pays, sous la
pression de la Banque Mondiale. Il s’est mis en place sous la forme du modèle préconisé par
cette dernière.
Le deuxième point critique est la rapidité de sa mise en œuvre qui n’a, semble t’il, pas laissé
le temps aux institutions locales d’internaliser ces réformes, qui ont été subies plus que
réellement adoptées. Cette rapidité va de pair avec un cadre législatif déficient ; l’ensemble
des acteurs du secteur de la santé animale opère aujourd’hui dans un cadre aux contours mal
définis. Ces acteurs se partagent aujourd’hui des tâches dans un environnement où les textes
de loi sont flous et trop insuffisants pour délimiter clairement la nature des acteurs et les
prérogatives de chacun.
Enfin, nos entretiens semblent montrer que la manière dont la privatisation a été mise en
œuvre a été vécue par les agents techniques d’élevage (ATE) et ingénieurs des travaux
d’élevage (ITE), selon leurs propres termes, comme une « mise au placard ». Selon eux, le
12
Le gel des crédits est semble t’il lié à des difficultés concernant les modalités de gestion des fonds. En effet, la
gestion des fonds de crédit assurée par le comité de gestion du PARC doit, depuis 1998, être transférée à un autre
organisme. L’Ordre des Vétérinaires du Sénégal (ODVS) a été désigné mais le transfert n’est toujours pas
effectif : dans l’attente d’une solution, les fonds sont bloqués.
40
dégraissage de la fonction publique a été opéré en sens unique pour laisser la part belle aux
docteurs vétérinaires, qui n’ont été que faiblement concernés par ces mesures. De plus, ils
s’estiment lésés par les politiques de financement des installations privées. Enfin, les textes
touchant à la réglementation de la profession vétérinaires sont largement favorables aux
docteurs vétérinaires. Il ressort de nos entretiens que les ATE et ITE ressentent aujourd’hui
parfois une certaine aigreur contre le processus de privatisation, qu’ils accusent d’avoir été
établi de manière unilatérale, sans tenir compte d’eux, et mis en œuvre uniquement de façon à
fournir un emploi aux jeunes docteurs vétérinaires de Dakar. Dans une lettre13 qu’il adressait
en 1990 au Président de la République du Sénégal, le Secrétaire général du Syndicat national
des travailleurs de l’élevage affirmait : « l’arrêté du 17 mai 1990 maintenant 295 agents de la
Direction de l’élevage par ordre sans affectation alimente à nouveau la tension déjà existante
dans le monde du travail depuis l’avènement des départs volontaires». La rapidité et la
violence des mesures prises ont provoqué chez les techniciens un sentiment de déception et
d’incompréhension. Dans la lettre précédemment citée, le Secrétaire général du Syndicat
national des travailleurs de l’élevage soulignait que « cette réduction des effectifs pourrait être
envisagée, si nécessaire, d’une façon régressive et non brutalement comme si avec une
baguette magique, on réussirait jusqu’au niveau même de la communauté rurale à introduire
l’exercice libéral de la fonction vétérinaire pour suppléer 295 agents. L’irrationalité de cet
arrêté vient du fait qu’il semble demandé aux agents retenus un surcroît de travail
incompatible avec leur état d’esprit, démoralisés qu’ils sont, en grande majorité, par
l’insécurité de l’emploi qui est une négation de leur option à servir dans la fonction
publique ».
Enfin, ces mutations des services vétérinaires s’inscrivent dans un contexte d’instabilité
ministérielle, où le secteur de l’élevage a été, depuis l’Indépendance, constamment ballotté
d’un ministère à un autre (Gning, 2004).
Ce nouveau système de santé animale, encore jeune mais déjà en proie à de
nombreuses difficultés, se voit de plus aujourd’hui confronté à des enjeux nouveaux, qui sont
autant de défis à relever.
E.Les enjeux pour le nouveau système
1.Les Services de santé animale face au credo de lutte contre
la pauvreté
a)La lutte contre la pauvreté : un concept omniprésent
dans le nouveau discours des institutions internationales
Les grandes réformes macroéconomiques entreprises dans les années 1980 par les
pays en développement étaient supposées évoluer vers un développement plus durable qui
prendrait en compte les aspects sociaux et environnementaux (Castaneda, 2004). Mais
l’application des mesures d’ajustement au cours des années 1980 et 1990 a conduit à de vives
oppositions provenant d’abord des pays concernés, mais aussi de certaines organisations de
l’ONU (Organisation des Nations Unies) comme le Fonds des Nations Unies pour l’enfance
(UNICEF) ou le Bureau International du travail. Cette dénonciation des effets négatifs de
13
Thiendella Tanor Fall, Secrétaire général du Syndicat national des Travailleurs de l’élevage : Lettre au
Président de la République du Sénégal, 18 juin 1990.
41
l’ajustement, que l’on connaît sous le vocable « coûts sociaux », va rejoindre les fondements
mêmes du modèle de développement adopté par la Banque. Elle relève en effet plus
particulièrement la contradiction entre l’objectif de lutte contre la pauvreté énoncé par
l’institution depuis les années 1960 et les mesures préconisées pour relancer la croissance à
partir des années 1980 (Sarrasin, 1999). L’opinion voulant que les politiques d’ajustement
structurel aient aggravé la pauvreté dans les pays en développement s’est mise à « circuler »
dans quelques organisations des Nations Unies à partir de 1983. La Banque Mondiale a
répondu à ces critiques en « adaptant » ses programmes d’ajustement pour tenir compte
davantage de leur impact sur les pauvres. En effet, si la première génération (de 1981 à 1984)
se concentrait principalement sur l’équilibre macroéconomique, ce n’est qu’avec la deuxième
génération (1984 à 1986) que la Banque commence à accorder une certaine attention aux
dimensions sociales de l’ajustement. Avec la troisième génération de ses programmes (19871997), la Banque mondiale propose l’incorporation de la réduction de la pauvreté comme
objectif fondamental des efforts d’ajustement, au même titre que la relance de la croissance
(Sarrasin, 1999). Le Rapport sur le développement dans le monde 1990 de la Banque
Mondiale a finalement fait état d’une négligence de sa part sur les questions sociales au cours
des années 1980 et propose un changement de ses politiques pour la décennie suivante
(Sarrasin, 1999). Ainsi, des « filets de sécurité » et des « programmes ciblés » visant la
distribution et la subvention de nourriture, des programmes d’emploi, de sécurité sociale et de
réinstallation sont autant d’efforts de l’institution visant à diminuer les « coûts sociaux » de
ses mesures et à intégrer les pauvres au processus de la croissance (Sarrasin, 1999).
Le FMI a aussi repensé son approche du développement. Ainsi, souligne Stiglitz (2002), « il y
a peu, il se demandait encore s’il devait se soucier de la pauvreté − qui était du ressort de la
Banque Mondiale −, mais aujourd’hui il a intégré cet aspect des choses, du moins dans son
discours ».
Les grandes lignes de la pensée sur le développement des organisations internationales
sont intégrées dans les politiques sénégalaises qui poursuivent les objectifs de sécurité
alimentaire, de lutte contre la pauvreté et de protection des ressources naturelles (Castaneda,
2004).
De 1994 à 1999, les axes qui guident les actions concernant le sous-secteur de l’élevage sont
clairement attachés à la nouvelle vision du développement qui commence à se profiler. Ils se
déclinent comme suit (SONED, 1999) :
- création d’un environnement institutionnel, législatif et réglementaire propice à la
relance des productions animales ;
- amélioration des techniques d’exploitation des ressources animales ;
- développement d’un partenariat de type nouveau entre les organisations
professionnelles d’éleveurs et les institutions étatiques ;
- implication accrue du secteur privé dans le développement de l’élevage ;
- gestion durable des ressources naturelles.
L’année 2000, pour le Sénégal, est celle de « l’alternance ». Abdoulaye Wade arrive
au pouvoir le 19 mars 2000, avec 58% de suffrages. Une majorité de la population vote pour
une transformation de la société par des reformes libérales.
Cette alternance coïncide avec l’émergence à la Banque Mondiale d’un nouveau consensus en
faveur du secteur privé (qui attend le moment propice à l’investissement) et de la Bonne
Gouvernance14 (Castaneda, 2004). De son côté, le FMI parle de couvrir les défaillances
sociales, perçues comme des obstacles à son objectif final, la croissance. La cohérence entre
ces deux visions est établie dans le Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté
14
Vocable sous lequel les institutions de Bretton Woods ont popularisé le concept de décentralisation
administrative. On y rattache les principes de transparence et efficacité dans la gestion publique, Etat de droit,
statut juridique de l’entreprise … (Seck, 1998)
42
(DSRP) qui devient la base des conditionnalités d’attribution des prêts, et qui est approuvé par
le Sénégal en 2001 (Castaneda, 2004).
L’élan des institutions internationales en faveur de la Bonne Gouvernance s’accompagne d’un
mouvement en faveur de son corollaire : la participation des pauvres au processus de
développement. Seck, en 1998, soulignait ainsi que, pourtant longtemps citée en exemple,
« l’expérience sénégalaise » avait atteint ses limites. Face aux défis qui lui sont lancés
(montée de la pauvreté et des tensions sociales, accès aux services de base de plus en plus
difficiles pour la majorité de la population), le « seul espoir » pour le Sénégal est la montée en
puissance de la société civile. La prise en compte des acteurs de la société civile (mouvements
associatifs, ONG locales, organisations professionnelles, syndicats, …) occupe aujourd’hui
une place majeure dans un discours centré sur la lutte contre la pauvreté.
L’élevage, comme les autres activités, est encadré par les discours internationaux.
Aujourd’hui, le NEPAD (Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique),
l’UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest-africaine), la FAO (Food and Agriculture
Organization), la Banque Africaine de Développement et la Banque Mondiale constituent les
piliers des programmes et plans de développement de l’élevage au Sénégal (Castaneda, 2004).
Les principes énoncés s’inscrivent bien sûr dans la mouvance de la « lutte contre la
pauvreté », et sous-tendent aujourd’hui les grandes orientations énoncées par le gouvernement
du Sénégal en matière d’élevage.
Alors que le NEPAD déclare « la guerre mondiale contre la pauvreté et le sousdéveloppement», la Politique Agricole de l’UEMOA (PAU) − adoptée par le Sénégal en
décembre 2001 − se donne pour objectif de contribuer de manière durable à la satisfaction des
besoins alimentaires de la population, au développement économique et social des Etats
membres et à la réduction de la pauvreté. La FAO s’inscrit dans la dynamique de la UEMOA
à travers son programme Pro-poor Livestock Policy Initiative. Ce programme, dont le
démarrage était prévu pour janvier 2004, place l’élevage au cœur de la lutte contre la pauvreté
en reconnaissant son rôle au sein des ménages africains et le poids culturel de l’activité. Il
provient du constat que les progrès techniques en élevage n’ont pas conduit aux changements
de conditions de vie des pauvres. La Banque Mondiale centre ses ressources sur le
Programme d’Appui aux services Agricoles et aux Organisations de Producteurs (PSAOP).
La base de l’action du PSAOP est la participation des acteurs ruraux et le développement des
capacités de concertation. Par ailleurs, le programme place des fonds au service de la DIREL
pour l’exécution des programmes de santé animale. La Banque Mondiale programme
« l’Initiative Elevage, Pauvreté et Croissance » (IEPC) dans le cadre du programme « African
Livestock » (ALIVE) dont l’objectif est d’accroître la contribution du secteur élevage à la
lutte contre la pauvreté et à la croissance de l’économie nationale.
Le gouvernement sénégalais a inséré ces nouvelles orientations dans son discours. En
1999, la Lettre de politique de développement de l’élevage (Annexe III) annonçait ses
objectifs globaux, dans lesquels on retrouve explicitement le principe de lutte contre la
pauvreté. Les objectifs globaux sont au nombre de trois :
- accroître de façon soutenue les productions animales en vue de contribuer de manière
spécifique à la réalisation de l’objectif de sécurité alimentaire ;
- améliorer le revenu des producteurs en élevage et lutter contre la pauvreté ;
- préserver les ressources naturelles.
b)Les services de santé animale dans le processus de lutte
contre la pauvreté
43
Le recentrage du discours des institutions internationales sur la lutte contre la pauvreté
semble s’être accompagné d’un changement dans la perception qu’ont ces dernières de
l’élevage et de la santé animale. Alors qu’Akakpo et Ly (2003) soulignaient récemment
l’importance de l’élevage et le rôle du vétérinaire dans la lutte contre la pauvreté, la
communauté internationale est de plus en plus consciente que le développement de l’élevage,
et plus particulièrement le contrôle de la santé animale, doit être une composante intégrale de
la croissance agricole pour les fermiers pauvres (De Haan, 2004).
De Haan, en 2004, a souligné les impacts des changements d’orientation du
développement agricole sur l’élevage. Encouragé par des donateurs et de plus en plus par les
gouvernements nationaux, l’objectif public stratégique de production animale de plusieurs
pays en développement a changé : il va désormais d’une production accrue pour une
autosuffisance alimentaire à un double objectif de réduction de la pauvreté et de croissance
économique. Cette nouvelle orientation touche surtout des populations vivant souvent dans
des régions rurales peu peuplées et marginales. Elle nécessite alors un changement de
paradigme des services qui doivent adopter différentes approches et affronter des coûts plus
élevés pour servir une population ciblée plus importante. Selon De Haan (2004), « la
réduction de la pauvreté étant devenu l’un des critères principaux pour l’attribution
d’assistance officielle au développement, cela affecte de manière importante la principale
clientèle des Services vétérinaires ». La clientèle des services de santé animale doit donc
s’élargir, s’étendre aux petits éleveurs et ne pas négliger les plus vulnérables.
Ainsi, dans le contexte des politiques de lutte contre la pauvreté, les institutions réfléchissent
sur une approche nouvelle du système de santé animale et de ses évolutions, recentrée sur les
besoins des éleveurs, et plus particulièrement des plus pauvres (De Haan, 2004). De
nombreuses études récentes proposent un abord des systèmes de santé animale plus
spécifiquement axé sur la satisfaction des besoins des « petits éleveurs ». Ainsi, Catley
(2002), constatant les insuffisances des systèmes vétérinaires actuels dans la lutte contre la
pauvreté, souligne l’importance de permettre aux plus pauvres d’accéder aux services, et fait
appel à des alternatives qui laissent une plus grande place à la participation des communautés
au système. Les travaux d’Ahuja et al (2003), Chilonda et Van Huylenbroeck (2001), Peeling
et Holden (2004) proposent eux aussi une étude de ces systèmes de santé centrée sur la
question de l’accès des éleveurs les plus vulnérables aux services.
Il s’avère aussi que l’accent mis sur la pauvreté amène des changements sur la façon
dont l’assistance au développement international est allouée, particulièrement en Afrique
subsaharienne et en Asie du Sud. Dans les années 1980, les donateurs internationaux
véhiculaient l’aide principalement par le biais de projets d’investissements bien définis et
spécifiquement ciblés. Mais alors que la priorité est maintenant de plus en plus donnée au
financement de lignes spécifiques du budget national, le personnel vétérinaire et les
producteurs doivent s’adapter à ce nouveau mode de financement. Ils doivent faire appel à des
compétences qu’ils ne possèdent pas toujours pour fonctionner dans le nouvel environnement
qui entoure la préparation des documents sur les politiques et le budget. Le défi pour le
secteur de la santé animale, lorsqu’il cherche des fonds additionnels, est donc de développer
des plans bien orchestrés pour les petits éleveurs pauvres et d’intégrer ces plans aux politiques
nationales et aux discussions de définition des priorités (De Haan, 2004).
2.Les Services vétérinaires face aux règles internationales du
commerce des productions animales
Le Sénégal aujourd’hui, en ce qui concerne les productions et la santé animales, se
voit confronté à un double défi : celui de gérer la sécurité alimentaire sur son propre territoire,
44
mais aussi celui de sa participation au commerce mondial, dans un environnement encadré par
l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce). Ce double défi repose grandement sur les
Services vétérinaires, à qui il incombe d’assurer à la fois la lutte contre les maladies animales
et l’innocuité des denrées alimentaires d’origine animale.
Les questions de sécurité sanitaire des aliments sont devenues en quelques années des
préoccupations essentielles des consommateurs, particulièrement dans les pays occidentaux.
Mais elles concernent aussi directement les producteurs et les consommateurs des pays
africains, car il ne s’agit pas seulement d’un souci de pays riches. Sidibe, en 2003, soulignait à
quel point l’accès à une nourriture saine et suffisante pour tous figure au premier plan des
priorités en matière d’amélioration des conditions de vie des populations et de lutte contre la
pauvreté.
Par ailleurs, la qualité des produits agricoles et d’élevage et le respect des normes du
commerce international dans ce domaine conditionnent également les possibilités pour de
nombreux petits producteurs africains de pouvoir vendre leurs produits à l’exportation et donc
d’accroître leurs revenus monétaires (Sidibe, 2003). Mais le commerce international est
aujourd’hui grandement régi par l’Organisation Mondiale du Commerce, qui fixe les « règles
du jeu ». Le Sénégal est membre de l’OMC, et s’intègre de ce fait au commerce mondial
d’animaux et de produits d’origine animale.
a)L’OMC et les Accords SPS
Parallèlement à la création de l’OMC, est entré en vigueur le 1er janvier 1995 un
accord ayant trait à l’application des réglementations concernant l’innocuité des produits
alimentaires, ainsi que la protection de la santé des animaux et la préservation des végétaux :
l’Accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires, dit « Accord SPS ». Il
définit les règles fondamentales concernant l’innocuité des produits alimentaires, ainsi que les
normes sanitaires pour les animaux et les végétaux. Il permet aux pays membres d’établir
leurs propres normes, qui doivent bien sûr cependant se baser sur des considérations
scientifiques. Par ailleurs, les pays membres sont encouragés à appliquer les normes,
directives ou recommandations internationales, dans les cas où il en existe. Ainsi, tous les
pays appliquent des mesures afin d’une part d’assurer la sécurité sanitaire des produits
alimentaires pour les consommateurs, et d’autre part d’empêcher la dissémination de parasites
ou de maladies chez les animaux et les végétaux. Ces mesures sanitaires peuvent revêtir de
nombreuses formes. Les pays peuvent par exemple exiger que les produits proviennent d’une
zone exempte de maladies, que les produits soient inspectés, que les produits subissent un
traitement ou une transformation spécifique, que des niveaux maximaux admissibles soient
établis pour les résidus de pesticides, etc. Les mesures sanitaires (santé des personnes et des
animaux) et phytosanitaires s’appliquent aux produits alimentaires d’origine nationale ou aux
maladies locales d’animaux et de végétaux, ainsi qu’aux produits provenant d’autres pays
(OMC, 1998).
Ainsi, en acceptant l’Accord sur l’OMC, les gouvernements ont reconnu qu’ils étaient liés par
les règles de tous les accords commerciaux multilatéraux qui y sont annexés, y compris
l’Accord SPS (OMC, 1998). Le Sénégal ne déroge pas à la règle, et doit donc se conformer
aux exigences de l’Accord SPS.
Mais les tarifs douaniers et quotas ayant été considérablement réduits avec l’adoption
de l’OMC, les barrières potentielles au libre-échange ont été modifiées pour le commerce
mondial. Ainsi, les normes réglementaires sont devenues le principal argument utilisé pour
limiter l’accès au marché international des pays qui ne sont pas en mesure de justifier le
respect scrupuleux de ces normes (Boutrif et Pineiro, 2000).
Malgré le traitement spécifique et différencié que prévoit l’Accord SPS pour les pays
en développement (Accord qui reconnaît que ces derniers peuvent voir plus de difficultés à
45
satisfaire aux nouvelles mesures réglementaires), plusieurs pays estiment qu’ils rencontrent
aujourd’hui davantage de difficultés à accéder à certains marchés agricoles et
agroalimentaires avec ce nouveau système. Selon Boutrif et Pineiro (2000), de nombreux
facteurs influencent la capacité des pays en développement à satisfaire aux exigences SPS des
pays développés :
- le niveau d’accès à l’information et à l’expertise scientifique et technique ;
- l’incompatibilité des exigences SPS des pays développés avec les systèmes de
production et/ou de commercialisation des pays en voie de développement ;
- les contraintes liées aux ressources et aux infrastructures des pays en développement.
Les auteurs soulignent l’inaptitude de ces pays à non seulement satisfaire les exigences SPS
des pays développés, mais aussi − facteur tout aussi important pour les partenaires
commerciaux − à en faire la preuve quand ces exigences sont satisfaites.
Il semble que, pour partie, le problème réside dans le niveau de participation, insuffisant
jusqu’à présent, des pays en développement aux Accords SPS et au développement des
mesures résultant de ces accords. En particulier, ils ne participent pas de manière efficace au
mécanisme dit « de transparence »15 spécifié par les Accords, car manquant d’expertise pour
répondre aux notifications dans le délai de 60 jours. Ils manquent également d’expertises pour
mener des évaluations de risque quand leurs propres réglementations SPS sont différentes de
celles des pays développés, ou encore pour participer au système de règlement. Enfin, leur
participation aux organismes internationaux qui fixent les normes est souvent limitée en
effectifs et en compétences, et ne permet pas d’assurer la prise en considération de leurs
préoccupations et intérêts (Boutrif et Pineiro, 2000).
b)Les services de santé animale face à la nouvelle donne
internationale : le rôle de l’OIE
Les Accords SPS ont donc édicté des normes, directives et recommandations
internationales que les gouvernements sont invités à suivre. L’OIE joue dans ce domaine une
nouvelle fois un rôle central : l’organisation a été reconnue comme organisation de référence
dans les accords SPS.
Elle recommande que les administrations vétérinaires s’impliquent dans la sécurité sanitaire
des aliments d’origine animale en réduisant les risques, en éliminant ou maîtrisant les dangers
imputables aux animaux avant leur première transformation. Cela devra se faire en
collaboration avec les autres autorités compétentes dans un esprit de concertation et de
transparence (Sidibe, 2003). L’OIE édite le Code zoosanitaire international, recueil de normes
internationales pouvant être utilisé lors de l’application des mesures aux importations. Selon
Vallat et Wilson (2003), l’importance de ce code est majeure puisqu’il est employé par les
autorités vétérinaires pour définir les réglementations sanitaires destinées à garantir la sécurité
des importations d’animaux et de produits d’origine animale, tout en évitant la mise en place
de barrières injustifiées. Le Code mentionne plusieurs recommandations relatives à
l’organisation des services vétérinaires.
L’étude de quelques passages de ce Code permet de mieux comprendre les préceptes que sont
censés suivre les services vétérinaires des pays membres de l’OMC. Le Sénégal, comme de
nombreux pays en voie de développement, a bien du mal à se conformer à l’ensemble de ces
recommandations. L’analyse du Code laisse voir certains points saillants, qui sont autant
d’entraves au commerce et de limite à la crédibilité des services vétérinaires. Ces points, entre
15
Les pays sont tenus de notifier aux autres pays les modifications apportées à leurs prescriptions sanitaires et
phytosanitaires ou les nouvelles prescriptions qui affectent le commerce. Ils doivent aussi accepter que soit
examinée la façon dont ils appliquent leurs réglementations concernant l’innocuité des produits alimentaires, la
protection de la santé des animaux et la préservation des végétaux (OMC, 1998). La période actuelle pour se
conformer aux nouvelles mesures SPS est de 60 jours à partir de la notification (Boutrif et Pineiro, 1998).
46
autres, sont aussi des éléments de réflexion pour un service de santé animale en perpétuelle
évolution, à la recherche d’une amélioration de son efficacité et qui est amené à poursuivre de
nombreuses réformes.
(1)Structure et organisation des services vétérinaires
-
-
-
« l’Administration vétérinaire » désigne le service vétérinaire public, qui est responsable de
la mise en œuvre des mesures zoosanitaires et des procédures de certification officielles. Le
service public peut déléguer certaines tâches au secteur privé, à condition qu’il ait les moyens
d’en contrôler l’exécution.
« l’Autorité vétérinaire » désigne le service vétérinaire, sous l’autorité de l’administration
vétérinaire, qui est directement responsable de l’application des mesures zoosanitaires dans un
territoire déterminé du pays. Ces autorités vétérinaires sont constituées des personnels
permanents ou temporaires des services vétérinaires publics. Cette définition intègre donc les
vétérinaires privés possédant un mandat sanitaire.
Les « Services vétérinaires » sont composés de l’administration vétérinaire et l’ensemble des
autorités vétérinaires.
Le « Vétérinaire officiel » est un vétérinaire désigné par l’administration vétérinaire de son
pays pour effectuer l’inspection des marchandises en vue de la protection de la santé publique
et/ou de la santé animale et, le cas échéant, pour effectuer la certification de ces marchandises
Le « contrôle vétérinaire officiel » signifie que « l’autorité vétérinaire officielle connaît
l’endroit où les animaux sont entretenus, et l’identité du propriétaire ou du détenteur, et qu’elle
peut intervenir à tout moment pour l’application des mesures zoosanitaires appropriées. »
Figure 6 : Chapitre 1.1.1 du Code zoosanitaire international : définitions générales
La première définition montre que le Code (figure 6) a pleinement intégré la
privatisation des services de santé animale. Il stipule clairement le recours au mandat sanitaire
et à la délégation de certaines tâches au secteur privé. Une lecture correcte des articles du
Code devra donc prendre en compte le réseau de vétérinaires privés.
De plus, la définition du contrôle officiel montre la nécessité d’un réseau vétérinaire de
proximité, garantissant une réelle connaissance de la situation zoosanitaire et épizootique au
niveau du terrain. Pour ce faire, Le Brun (2003) explique que « face aux difficultés
opérationnelles du service public, et dans le cadre de la privatisation des prestations de
services vétérinaires, l’Etat doit avoir une politique favorisant l’installation, puis le maintien
sur le terrain des professionnels privés qualifiés ». L’installation d’un réseau de praticiens
privés est vue comme un moyen d’accroître l’accès aux services pour le plus grand nombre
d’éleveurs.
Mais, dans les pays en développement, la réalité du terrain impose souvent que le vétérinaire
privé se fasse aider par des professionnels non vétérinaires. Cependant, afin de satisfaire aux
exigences d’une certification de « vétérinaire officiel », le vétérinaire certificateur doit
pouvoir assurer un contrôle rapproché de ses agents, qui opèrent ainsi sous sa responsabilité
professionnelle. Cette obligation soulève un problème de crédibilité vis-à-vis des personnels
non qualifiés, exerçant en tant que travailleurs indépendants et hors de toute réelle
supervision. Selon Le Brun (2003), « il s’avère impossible d’apporter un crédit officiel aux
agissements des auxiliaires intervenant dans les zones de grand pastoralisme éloignées de
toute compétence vétérinaire».
L’auteur souligne l’importance d’un maillage vétérinaire régulier du territoire national. Selon
lui, les Etats doivent adopter une « politique résolument protectionniste vis-à-vis du
vétérinaire privé » pour favoriser l’installation puis le maintien sur le terrain de ces
professionnels qualifiés, « garants de la crédibilité des systèmes nationaux de certification
officielle ».
47
Cette politique doit notamment assurer :
- le monopole de l’exercice libéral pour les seuls vétérinaires ;
- la lutte contre toute concurrence « déloyale » ou illégale, qu’elle provienne des agents
du service public, d’autres professions ou acteurs voulant intervenir en santé animale ;
- l’intégration maximale des vétérinaires privés dans les activités officielles de police
sanitaire par le biais du mandat sanitaire ;
- l’appui éventuel des vétérinaires privés dans les zones difficiles et de faible rentabilité
par la délivrance de contrats de services publics.
-
(2)Qualité des services de santé animale
Dans le nouvel environnement commercial international, et pour ce qui concerne son
application aux échanges des productions animales, les pays doivent justifier de Services
vétérinaires nationaux capables de produire des certificats sanitaires fiables et en accord avec
la réglementation internationale. Le commerce est basé sur la confiance entre l’importateur et
l’exportateur en ce qui concerne la qualité des produits, objets du commerce ; faire confiance,
c’est « accorder du crédit, c’est croire ce que certifie le Service vétérinaire d’un pays»
(Sidibé, 2003). Il se pose un important problème de reconnaissance mutuelle des certificats,
qui nécessite la mise en œuvre de solutions pouvant se fonder sur l’évaluation objective des
Services vétérinaires.
L’assurance qualité, selon la norme internationale ISO 8402, est « l’ensemble des
actions préétablies et systématiques nécessaires pour donner la confiance appropriée en ce
qu’un produit ou service satisfera aux exigences données relatives à la qualité » (Gerster, cité
par Sidibé 2003). C’est donc l’ensemble des moyens organisationnels des responsabilités, des
procédures, des procédés et des ressources mis en œuvre par un service pour atteindre un
objectif précis : obtenir la confiance dans la qualité du travail réalisé.
La qualité des Services vétérinaires dépend d’un ensemble de facteurs, parmi lesquels figurent
des principes fondamentaux à caractère éthique, organisationnel et technique. Le respect de
ces principes par les Services vétérinaires d’un Pays membre est une condition importante
pour gagner et conserver la confiance à l’égard des certificats vétérinaires délivrés par ces
services (Vallat et Wilson, 2003).
● Principes éthiques
Le Code énonce quelques principes fondamentaux auxquels les services vétérinaires
doivent se conformer pour assurer la qualité de leurs activités. Parmi eux : jugement
professionnel, indépendance, impartialité, intégrité, objectivité.
Selon Le Brun (2003), ces principes, à l’exception du premier, sont parfois difficiles à faire
appliquer dans le contexte qui caractérise souvent les pays en voie de développement. En
effet, de graves dysfonctionnements institutionnels compliquent souvent la tâche des
fonctionnaires de l’Etat : fragilité d’une carrière face au politique, faible niveau de
rémunération, voire insécurité totale du versement des salaires. Ces dysfonctionnements sont
communément générateurs d’une recherche de revenus complémentaires et parfois même de
graves dérives éthiques qui, à l’évidence, peuvent oblitérer les capacités initiales
d’indépendance, d’impartialité, d’intégrité et d’objectivité des agents de l’Etat. Cette
problématique se retrouve dans le secteur privé, trop souvent mû uniquement par des
considérations de profit immédiat. Ceci est pour Le Brun (2003) l’occasion de soulever
l’importance « cruciale » d’une réorganisation des services vétérinaires sur le plan national,
réorganisation qui privilégiera la qualité des ressources humaines aussi bien que leur
encadrement.
● Principes organisationnels
et techniques
48
Deux autres principes du Code concernent l’organisation générale des Services
vétérinaires et leur politique en matière de qualité. Les Services doivent ainsi démontrer qu’ils
sont en mesure, grâce à une législation et une organisation appropriée, de mener à bien leurs
tâches, ainsi que les procédures de certification internationale. Par ailleurs, ils doivent aussi
définir et documenter les responsabilités et la structure des différentes organisations qui les
composent. Enfin, en matière, de qualité, « les Services vétérinaires doivent définir et mettre
par écrit leur politique, leurs objectifs et leur engagement, et doivent s’assurer que cette
politique est comprise, mise en place et entretenue à tous les niveaux de l’organisation ».
Pour Le Brun (2003), cet article confirme la nécessité de réorganiser les Services vétérinaires.
Si beaucoup de pays en développement ont dès à présent produit des documents d’orientation
de leur politique générale en matière d’élevage et plus particulièrement du secteur de la santé
animale, peu d’entre eux ont néanmoins entamé concrètement un processus de réaffectation
des acteurs de la santé animale. Trop souvent, une privatisation de certains services aux
éleveurs s’est faite sans réelle réorientation des activités du secteur public. Par ailleurs, Sidibé
(2003) souligne que la réorganisation des Services doit rétablir un mécanisme efficient de
remontée de l’information vers un point focal national s’engageant à informer immédiatement
l’OIE et les organisations pertinentes. C’est la « chaîne de commandement unique, qui a été
mise à mal ces dernières années ».
● Evaluation
de la qualité
Le Code sanitaire indique que aucun pays exportateur ne peut se soustraire à une demande
de contrôle de la qualité de ses services vétérinaires émanant de son « client » importateur. A
contrario, un pays importateur reste souverain quant au choix de la provenance et de la qualité
des produits animaux ou d’origine animale qu’il importe.
Mais l’évaluation de la qualité et de la fiabilité des Services vétérinaires des pays constitue un
important volet de toute procédure d’analyse de risque à laquelle les pays peuvent
légitimement recourir pour toute décision concernant les contrôles de santé animale ou de
santé publique à appliquer lors des échanges internationaux d’animaux, de produits d’origine
animale, de matériel génétique animal et d’aliments destinés aux animaux. Il est donc
indispensable de mettre en place les principes d’évaluation des Services vétérinaires dans le
but d’assurer la qualité et donc la fiabilité de l’organisation de l’inspection sanitaire et de la
certification des animaux vivants et des produits d’origine animale (Sidibé, 2003). Ainsi
pourra être établie une confiance entre partenaires d’échanges internationaux fondée sur
l’assurance de la qualité des produits d’origine animale faisant l’objet de la transaction
commerciale.
L’OIE recommande que toute évaluation des Services vétérinaires se fonde sur les lignes
directrices élaborées par l’OIE et reprises dans le Code (Le Brun, 2003). Ces lignes
directrices, adoptées par tous les Pays membres en 2002, s’appliquent aussi bien à
l’évaluation des services vétérinaires d’un autre pays qu’à l’évaluation des services
vétérinaires nationaux.
c)Législation et assurance qualité : pour une
harmonisation régionale de la réglementation en
Afrique ?
Selon le Code sanitaire pour les animaux terrestres de l’OIE, les services vétérinaires
«doivent pouvoir démontrer qu’ils sont en mesure, grâce à une législation appropriée,
d’exercer leur contrôle sur toutes les questions concernant la santé animale». Cela comprend,
49
selon les circonstances, les contrôles des exportations et importations, la déclaration des
maladies animales, l’inspection, le contrôle des déplacements, la mise en interdit des zones ou
locaux infectés, les examens de laboratoire, le traitement, la destruction des animaux infectés
ou matériel contaminés ainsi que le contrôle de l’usage des médicaments (Sidibé, 2003).
Les politiques d’assurance qualité devront donc être confortées par l’adoption et
l’application de législations en santé animale et en santé publique vétérinaire, et être
harmonisées dans un cadre régional, afin de conduire les pays africains à se conformer
progressivement au Code sanitaire pour les animaux terrestres. Ils pourront alors être
reconnus par la communauté internationale, à travers les mécanisme de l’OIE, comme
indemnes d’épizooties, pour un meilleur accès aux marchés.
Selon Sidibé (2003), une modernisation et une harmonisation du code législatif et de la
réglementation vétérinaires en Afrique sont indispensables, dans le but :
- de les actualiser en fonction des engagements régionaux et internationaux relatifs aux
déclarations d’épizooties à l’OIE et des méthodes de lutte commune, notamment en ce
qui concerne les maladies épizootiques transfrontalières et les zoonoses ;
- de protéger les consommateurs de produits animaux par un meilleur contrôle des
denrées d’origine animale, ainsi que les éleveurs et leur cheptel par la définition des
conditions d’agrément des aliments du bétail, des médicaments et vaccins utilisables,
leur importation, leur distribution et leur utilisation.
Sidibé (2003) souligne que « l’harmonisation et la mise en cohérence des législations
nationales par rapport au contexte international sont devenues nécessaires ». La mise sous
assurance qualité des services vétérinaires des pays en développement et, notamment, des
pays africains, « sera source de progrès en termes d’efficacité de l’organisation, de
rationalisation dans l’utilisation de moyens limités et de planification des formations pour une
meilleure adéquation missions/compétences ».
De plus, selon lui, les services vétérinaires africains, en travaillant selon les principes de
l’assurance qualité, devront, dans la dynamique de participation des pays au commerce
régional et international, acquérir et conserver la confiance de leurs homologues des pays
importateurs par la qualité et la fiabilité de leur certification des produits d’origine animale.
En effet, « seule la preuve de l’existence d’autorités sanitaires capables de garantir la
certification fiable de l’état sanitaire des animaux et des produits appelés à franchir les
frontières permet d’établir la confiance entre pays voulant participer au commerce régional ou
international » (Sidibé, 2003).
50
Conclusion
Depuis l’ère coloniale, le système de santé animale est placé sous l’influence du
docteur vétérinaire. Celui-ci s’est placé au sommet de la hiérarchie, dans des services
étatiques organisés de manière pyramidale. Après des années post-Indépendance marquées
par l’omniprésence de l’Etat dans le domaine de la fourniture des services de santé animale,
l’avènement de la privatisation des services vétérinaires dans les années 1990 a provoqué un
profond bouleversement. Ce dernier, en modifiant la structure et le fonctionnement des
institutions vétérinaires, a aussi changé l’environnement tout entier des éleveurs. Initiée par
les grandes institutions internationales, dans un contexte de réformes économiques et
structurelles drastiques, la privatisation a été vécue de l’intérieur du système comme un
« choc exogène », face auquel ni l’Etat ni les éleveurs sénégalais n’étaient préparés.
A travers l’analyse de la mise en place d’un nouveau système, on voit déjà poindre
quelques uns des éléments qui génèrent aujourd’hui encore des frictions sur le terrain et
entravent le bon fonctionnement : des changements mal préparés, une conception verticale de
la privatisation qui s’est faite sans les éleveurs, la part belle réservée aux vétérinaires. En
l’espace de trente ans, on est passé d’un système « tout public » à un système où public et
privé doivent collaborer. Ce système, encore jeune, n’a pas encore fini les transitions initiales
mais doit déjà faire face à de récents enjeux − lutte contre la pauvreté et normes du commerce
international − susceptibles d’exiger de nouveaux changements.
Avant d’envisager quelles mutations sont envisageables dans l’avenir, il est important
de s’interroger sur l’organisation et le fonctionnement du système actuel de santé animale.
Dans quel contexte s’inscrit-il ? Comment le cadre théorique élaboré par les institutions
internationales a-t-il été adapté au Sénégal ?
Quelle est la réalité des acteurs de terrain ?
51
II.L’ÉLEVAGE AU SÉNÉGAL : ÉTAT DES LIEUX
Après avoir vu le cadre historique dans lequel s’est mis en place le système actuel de
santé animale, nous nous intéresserons aux caractéristiques et au fonctionnement de ce
système dorénavant privatisé et « rénové ». Dans un premier temps, il s’agira de comprendre
le contexte global dans lequel il s’inscrit : un territoire sénégalais marqué par des contraintes
diverses, dans lequel un élevage souvent qualifié de « traditionnel » subit en fait des
mutations majeures. Dans un second temps, nous pourrons nous attarder sur les
caractéristiques du système de santé animale, ses éléments et son fonctionnement.
A.L’espace sénégalais
1.Principales caractéristiques
Certains parlent de « Finistère ouest-africain », d’autres de « Sahel maritime ». Ces
deux images caractérisent assez bien le Sénégal, le plus occidental des pays d’Afrique de
l’Ouest et le seul pays sahélien à jouir d’une façade maritime sur l’océan Atlantique qui
s’étale sur près de 700 km. Le Sénégal porte le nom de l’un des principaux fleuves du pays
qui le sépare du nord de la République Islamique de Mauritanie. Au sud, il confine avec la
Guinée Bissau, lusophone, et la République de Guinée, francophone. A l’ouest, il est limité
par l’océan Atlantique. A l’est, la rivière Famélé délimite sa frontière avec le Mali, autre pays
francophone. Enfin, particularité héritée de l’Histoire, la République de Gambie, anglophone,
forme à l’intérieur du Sénégal une curieuse enclave le long du fleuve Gambie, longue de 300
km mais large de 50 km seulement (Devey, 2000 ; figure 7).
Le Sénégal s’étend sur 196 192 km², entre 18° et 24° de latitude nord et 11° et 17° de
longitude ouest. C’est un petit pays, tant par sa taille que par sa population (9 millions
d’habitants).
Essentiellement composé de plaines et de plateaux, c’est un pays plat dont le relief s’incline
doucement vers l’océan. L’altitude y dépasse rarement les 100 m. Les rares accidents du relief
sont constitués par les deux « mamelles » volcaniques de la presqu’île du Cap-Vert et les
premiers contreforts du Fouta-Djallon au Sud-Est. Si ce modèle est très uniforme, les sols sont
différents et changent progressivement du nord au sud en fonction de l’accroissement de la
pluviosité (Devey, 2000).
52
Figure 7 : Carte générale du Sénégal. Ancien découpage administratif (d’après Division géographique du
Ministère des Affaires Etrangères, cité par IZF, 1998).
53
2.Les contraintes climatiques
Le Sénégal est situé en zone tropicale, entre le tropique du Cancer et l’équateur ; il
subit des contraintes climatiques majeures. Les grands traits climatiques sont le résultat
conjoint de facteurs géographiques et aérologiques. Les premiers s’expriment par la latitude
qui confère au territoire des caractères tropicaux, et par la position de finistère ouest-africain
qui détermine des conditions climatiques différentes dans la région littorale et dans l’intérieur.
Les seconds s’expriment par l’alternance sur le pays de trois flux − l’alizé maritime,
l’harmattan et la mousson − dont les déplacements sont facilités par la platitude du relief.
L’année climatique est divisée en deux saisons principales par le critère pluviométrique :
saison sèche et saison humide. La saison des pluies (ou hivernage) débute au sud-est du
Sénégal au mois de mai avec l’arrivée de la mousson qui envahit progressivement le pays. Les
pluies augmentent d’abord lentement, jusqu’au mois d’août où elles culminent. D’une
manière générale, les pluies décroissent du sud vers le nord. Le nombre de mois pluvieux
varie selon la latitude (6 au sud du pays, à Kédougou et Tambacounda, 5 à Diourbel, dans le
centre, 4 à Matam en zone sahélienne ; figure 8).
Les températures, en permanence élevées et supérieures à 15°C, sont liées à la latitude
tropicale du Sénégal. Mais elles varient dans le temps selon les saisons, notamment avec les
pluies qui les abaissent, et, dans l’espace, avec la proximité ou l’éloignement de l’océan. Les
maxima principaux se situent avant le début des pluies, en avril, mai ou juin, et une remontée
des températures intervient à la fin de l’été, lorsque les précipitations s’interrompent (Leroux
et Sagna, 2000).
Le Sénégal est en proie à une insécurité climatique majeure. D’abord, parce que la
moyenne annuelle des précipitations est faible sur une grande partie du pays. Ensuite, parce
que ces précipitations subissent de fortes variations interannuelles (à Linguère, la moyenne de
414 mm recouvre des précipitations allant de 850 mm en année exceptionnellement pluvieuse
à moins de 200 mm en année sèche). Enfin, parce que le Sénégal, comme l’ensemble du Sahel
est soumis à une translation des isohyètes16 vers le sud, qui depuis une trentaine d’année
traduit le recul du front pluvieux vers le sud et l’assèchement des zones les plus au nord
(figure 9). Le pays a été lourdement affecté par les différents épisodes de sécheresse qui ont
affecté l’ensemble du Sahel depuis les années 1970, et plus particulièrement par la « grande
sécheresse » de 1972-73 et les mauvais hivernages de 1983-84 et 1991-92 (Leroux et Sagna,
2000).
L’absence de reliefs importants et le développement limité du réseau hydrographique
donnent aux facteurs climatiques un rôle prépondérant dans la répartition des paysages
végétaux au Sénégal. L’évolution des paysages se fait par transitions insensibles, en liaison
avec la croissance progressive des pluies du nord au sud du pays (figure 9).
Dans le domaine sahélien dominent les acacias auxquels sont associés fréquemment le soump
(Balanites aegyptiaca) aux fruits oléagineux, le jujubier (Zizyphus mauritiana) et, à
l’approche des villages, le baobab (Adansonia digitata). Au sol, le tapis herbacé, desséché dès
le mois de novembre est composé de graminées annuelles, dont le cram-cram (Cenchrus
biflorus). Vers le sud, la transition est faite par des savanes arborées où l’emportent le kadd
(Acacia aldiba) dans les régions les plus intensément cultivées et des taillis de Combrétacées
dans le Ferlo.
Le domaine soudanien est par excellence celui de la savane sous ses différentes
physionomies. Des arbres, tels que le caïlcédrat (Khaya senegalensis), en formations ouvertes
surplombent un tapis de grandes herbes. Une maigre savane herbeuse couvre les cuirasses
16
Ligne joignant les points du globe où les pluies moyennes sont égales.
54
ferrugineuses qui affleurent en Haute-Gambie. La transition avec le domaine subguinéen est
marquée par l’apparition, en Moyenne Casamance, d’essences préforestières.
Le domaine subguinéen est occupé à l’état naturel par une forêt dense à feuilles caduques
dominée à laquelle est associé le palmier à huile (Elais guineensis). Ne subsistant que sous
forme d’îlots, cette forêt a progressivement fait place, sous l’action de l’homme, à la
palmeraie qui couvre désormais tout le domaine des cultures, les champs des plateaux comme
les rizières des vallées (Ndiaye, 2000).
Les caractéristiques de la végétation sont importantes puisqu’elles déterminent la nature et la
valeur nutritive des pâturages naturels, qui au Sénégal constituent majoritairement la base de
l’alimentation du bétail. Selon Boudet (1991), un pâturage peut-être défini par l’espèce
fourragère principale qui s’y trouve. D’après la classification qu’il a établie, on trouve au
Sénégal :
- une steppe herbeuse à fourrés dans la zone pastorale ;
- une savane arbustive dans le centre ;
- une savane boisée et une forêt claire en Casamance et dans le sud du Sénégal Oriental.
55
Figure 8 : Profil météorologique du Sénégal (d’après FAO/SMIAR, 2001)
Figure 9 : Grands domaines climatiques et translation des isohyètes (d’après Cormier et al., 2000)
NB : Le recul de la limite du front de la trypanosomiase (« avant la sécheresse » = avant 1973 ;
« maintenant » = 2000) est à mettre en relation avec la translation des isohyètes.
56
3.Les découpages administratifs
L’espace sénégalais a fait l’objet, des indépendances jusqu’à nos jours, de plusieurs
découpages administratifs. Alors que la figure 7 présentait le découpage ayant prévalu
jusqu’en 2002 (10 régions, 30 départements), la figure 10 montre les modifications du
remaniement de 2002, qui a créé une onzième région (Matam). Ainsi, le Sénégal compte
aujourd’hui 11 régions, 22 départements. Chaque département est lui-même réparti en
arrondissements, eux-mêmes subdivisés en communautés rurales.
Par ailleurs, le vocabulaire géographique reste pour le Sénégal encore fortement imprégné de
l’héritage précolonial. Certaines zones géographiques sont aujourd’hui toujours couramment
désignées par des dénominations précoloniales (notamment Baol, Jolof, Sine, Saloum, …)
(Thiam et Gueye, 2000). La figure 10 permet de visualiser les grandes entités qui se sont
succédé sur le territoire sénégalais, du XVe au XVIIIe siècle.
4.Peuplement du Sénégal
Le peuplement du Sénégal est ancien. Pays « de passages et de rencontres, de
métissages et d’échanges » (Senghor, cité par Diouf, 1994), l’espace ethnique du Sénégal
d’aujourd’hui est le résultat d’un processus de mouvements de populations, de peuplement
qui s’est étendu sur plusieurs siècles. Malgré leur diversité, il est important de souligner que
« les différentes ethnies sénégalaises ne sont rien d’autre que des espaces culturels variés, sur
un fonds culturel commun. Unité dans la diversité, unité culturelle, qui est simplement
synonyme d’unité nationale » (Diouf, 1994). Aujourd’hui, le Sénégal compte une vingtaine
d’ethnies réparties de manière hétérogène sur l’ensemble du pays. Les Wolofs, 44% de la
population totale, sont largement majoritaires dans les provinces historiques du Walo, Cayor,
Baol, Saloum et dans les grandes villes. Les Sereer, 15% du total, se répartissent en plusieurs
sous-groupes dans le Sine-Saloum et les îles de la côte. Quant au groupe Peul-Toucouleur
(23%), il se concentre dans la vallée du Sénégal, au Ferlo et en Haute-Casamance. La majorité
est aujourd’hui sédentaire mais de nombreuses familles de pasteurs nomadisent encore le
Ferlo. Les Diola (6%) forment un peuplement homogène en Basse-Casamance débordant en
Gambie et Guinée-Bissau. D’autres ethnies sont présentes avec des effectifs plus faibles :
Baïnouk, Balant, Mandjk, Bassari, Soninké, Malinké … Chaque ethnie a sa langue, mais le
wolof est parlé par plus de trois-quarts des Sénégalais. Le français est la langue de
l’administration et de l’enseignement (Diouf, 1994 ; Mbow et Kane, 2000). Près de 90% des
Sénégalais, dont la totalité des Wolof, Toucouleur et Manding sont musulmans, et 5% sont
chrétiens (en particulier Sereer et Diola ; Mbow et Kane, 2000).
L’espace sénégalais est aujourd’hui peuplé de près de 9 millions d’habitants (Devey,
2000). Mais la répartition des hommes est très inégale sur l’ensemble du territoire. Si la
densité moyenne de population est de 45 habitants au kilomètre carré, ce chiffre masque des
réalités très différenciées ; un contraste important oppose l’ouest et l’est du pays. L’ouest, qui
comprend la moyenne vallée du fleuve Sénégal, le bassin arachidier, les régions urbaines de
Dakar et de Thiès et la Basse-Casamance, abrite de très fortes densités humaines, y compris
en zone rurale, qui correspondent à des régions très anciennement occupées par des
paysanneries sédentaires. L’est, en revanche, est un « vide humain ». La densité de population
est inférieure à 10 habitants au kilomètre carré dans le Ferlo, et à 6 habitants dans la région de
Tambacounda (Devey, 2000).
La croissance urbaine s’est accélérée au cours des dernières décennies ; le taux d’urbanisation
approche aujourd’hui les 50%. Le réseau urbain sénégalais est encore dominé par la toute
57
puissance de l’agglomération dakaroise (Dakar-Pikine-Rufisque), qui concentre le quart de la
population sénégalaise (figure 11). Mais des villes secondaires émergent de manière
fulgurante et contrebalancent l’influence écrasante de la capitale (Cormier et al., 2000) ; les
villes autres que celles constituant l’agglomération dakaroise rassemblent 46% de la
population urbaine totale. En 1998, le Sénégal comptait 36 centres urbains dont la population
dépasse les 10 000 habitants ; en dépit d’un tassement général de la croissance, la décennie
1976-1988 a été marquée par la consolidation des villes régionales. Ces villes se caractérisent
par une croissance généralement rapide (Ba et Sakho, 2000).
58
Figure 10 : Des royaumes et Etats précoloniaux au nouveau découpage administratif (d’après Thiam et
Gueye, 2000 ; CSE, 2004)
Figure 11 : La croissance des villes sénégalaises en 1988 (d’après Cormier et al., 2000)
59
5.L’agriculture
L’agriculture sénégalaise se consacre, pour l’essentiel, à des cultures sous pluies dont
le cycle végétatif correspond à l’hivernage (figure 12). L’éventail des cultures est d’autant
plus réduit que les pluies sont en moyenne faible ; d’autre part, la production est largement
soumise aux aléas climatiques. La moitié septentrionale du pays est particulièrement exposée
aux risques de sécheresse.
Le secteur agricole est actuellement en stagnation. Sa part dans le PIB est de 17%,
contre 19 en 1964-65. Le taux de croissance de la production agricole (2,4%) est inférieur aux
taux de croissance démographique.
La crise climatique est à l’origine d’une recomposition des espaces ruraux et d’une
transformation des systèmes agro-pastoraux. La zone de forte production de l’arachide s’est
déplacée vers le sud, de même pour le coton, et l’activité agricole dans la vallée du Sénégal
s’est recentrée autour des cultures irriguées. Mais depuis les Indépendances, l’agriculture
sénégalaise a connu d’autres mutations. Les cultures pluviales ont bénéficié de la diffusion de
la traction attelée, ce qui a amélioré la gestion des cultures et limité l’effondrement de la
production agricole en période de sécheresse. L’arachide qui, pendant toute la période
coloniale a été le moteur de l’économie sénégalaise n’a plus la même importance sur le
marché mondial des oléagineux, ce qui s’est traduit par une baisse constante de la demande et
des prix. Les espaces forestiers et pastoraux se dégradent et se réduisent. Enfin, les débouchés
urbains ne cessent de croître, une agriculture périurbaine et souvent intra-urbaine s’est
développée et intensifiée, mobilisant une main d’œuvre nombreuse (Cormier et al., 2000).
Finalement, compte tenu des grandes caractéristiques géographiques, on peut
distinguer au sein de l’espace sénégalais six grands ensembles : les Niayes, bande côtière
comprenant Dakar et la grande côte jusqu’à Saint-Louis, la vallée du fleuve Sénégal, la zone
sylvo-pastorale (régions de Saint-Louis et Matam), le Bassin arachidier (régions de Diourbel,
Fatick et Kaolack), le Sénégal oriental (Tambacounda), et la Casamance (figure 13).
60
Figure 12 : Les zones agricoles (d’après Cormier et al., 2000)
Figure 13 : Les grands domaines agro-climatiques (d’après CSE, 2004)
61
B.L’élevage au Sénégal
1.Importance économique
La valeur sur pieds17 du cheptel est estimée à 504 milliards de Francs CFA en 1997
(SONED, 1999). Une analyse à prix constants 1987 montre que de 1994 à 1998 la part de
l’élevage dans le PIB du secteur primaire a été relativement stable, et de l’ordre de 49 + 3%,
et que les contributions de l’élevage à la croissance ont toujours été positives.
La production de viande au Sénégal, toutes espèces confondues, a été estimée à 101 000
tonnes en 1997. Elle est principalement assurée par les bovins (49% en moyenne) et les petits
ruminants (27%). La production nationale de viande de volaille a été estimée en 1997 à
17 000 tonnes, dont 6 800 tonnes par l’aviculture industrielle (7 600 tonnes en 2000), et
10 200 tonnes par l’aviculture traditionnelle. Selon la DIREL (citée par SONED, 1999), la
consommation de viande était estimée à 11,6 kg par personne et par an en moyenne, en 1997.
Cette consommation porte essentiellement sur la viande de volaille (36%) et ruminants (31%
bovins, 20% petits ruminants). Il est important de noter une forte augmentation de la
consommation de volaille depuis les années 1990. Enfin, la consommation de produits
halieutiques joue un rôle majeur dans l’alimentation sénégalaise et l’apport protéique (27,5
kg/personne/an en 1998). Les importations de viande sont faibles. Cependant, il faut noter la
part grandissante des importations de viande de volaille depuis le milieu des années 1980 (en
liaison avec l’urbanisation rapide de la population), et l’importation de moutons sur pieds
(30 000 environ) à l’occasion de la fête de la Tabaski. Les exportations de viande et de bétail
sont, elles, dérisoires (SONED, 1999).
La production de lait totale était en 1997 estimée à 110 millions de litres, toutes espèces
confondues, et provient essentiellement de l’élevage traditionnel. Elle se caractérise par un
déficit structurel car de très loin insuffisante pour couvrir la demande intérieure qui ne cesse
de croître. La consommation annuelle par habitant a été estimée à 26 litres en 1997, soit près
de 232 millions de litres à l’échelle nationale. Pour satisfaire la demande, le Sénégal a recours
aux importations, essentiellement sous forme de lait en poudre.
Le taux de couverture des besoins de la population sénégalaise par la production était
inférieur à 55% en 1997 (Broutin et Diokhané, 2000). En 1993, les importations
représentaient les 2/3 de l’offre, soit 32 000 tonnes. En 1994, sous l’effet de la dévaluation du
Franc CFA, les importations ont chuté mais s’élevaient malgré tout à près de 23 000 tonnes en
1998 (SONED, 1999).
2.Le cheptel sénégalais
a)Les effectifs
Le dernier recensement du cheptel au Sénégal date de 1974. Depuis, le cheptel fait
l’objet d’estimations à partir des campagnes de vaccination obligatoires organisées par l’Etat
et les vols systématiques de reconnaissance du Centre de Suivi Ecologique. Les données sur
les effectifs restent donc très approximatives. Selon FAOSTAT, l’élevage au Sénégal en 2003
comptait environ 3 millions de bovins, 4,5 millions d’ovins, 4 millions de caprins, 300 000
porcs, 45 millions de volailles, 500 000 chevaux, 400 000 ânes et 4 000 dromadaires
(SONED, 1999).
17
Bovins, ovins, caprins
62
On assiste, au Sénégal, depuis 3 décennies, à un lent glissement de l’élevage du nord
du pays (vallée du Sénégal, nord du Ferlo18) vers les zones plus méridionales (sud du Djolof,
Sine Saloum19). Cette évolution concerne le cheptel bovin et les petits ruminants (Santoir,
1994).
Selon Santoir (1994), le Sénégal apparaît comme coupé en deux selon une ligne ouestest correspondant approximativement à l’isohyète 500 mm. Dans la moitié nord du pays (les
régions de Saint-Louis, Louga et Diourbel), les effectifs n’ont cessé de baisser lentement,
depuis 1968, premier mauvais hivernage annonciateur des périodes de sécheresse actuelles.
Dans la moitié sud du pays, au contraire, la croissance est continue. Le cheptel bovin y
devient, dès 1972, plus important qu’au nord. La densité kilométrique du bétail progresse
lentement mais régulièrement dans le sud, alors que dans le nord, elle baisse rapidement. Les
densités bovines étaient concentrées en 1970 dans la basse vallée, le cœur du bassin arachidier
et le pays sereer. Vingt années plus tard, ces régions ont toujours des densités élevées, mais la
région du fleuve est beaucoup moins chargée ; une nouvelle zone de densité apparaît en
Moyenne Casamance (Kolda).
L’évolution des effectifs de petits ruminants est sensiblement la même que celle des
bovins (Santoir, 1994). La sécheresse de 1972 a provoqué une baisse très forte dans la moitié
nord du pays (- 30%), mais la reprise a été rapide. Depuis 1986, les effectifs ne paraissent plus
progresser dans la zone pastorale ; il y a désormais moins de petits ruminants au nord que
dans le sud du pays, où la densité du cheptel a été multipliée par cinq et où le nombre de petits
ruminants a progressé très vite. Il y a désormais autant de têtes de petit bétail par habitant
dans le sud que dans le nord. Le petit élevage, caractéristique autrefois de la zone sahélienne,
s’est donc répandu vers les régions soudaniennes (Santoir, 1994).
b)Les races locales
● Les bovins :
On trouve au Sénégal deux catégories distinctes d’animaux, les zébus et les taurins, ainsi que
les métis, produits de leur croisement.
La principale race de zébu est le Gobra, que l’on trouve dans tout le centre et le nord
du Sénégal. Ce zébu est caractérisé par la présence d’une bosse et d’un fanon abondant, une
robe uniformément blanche ou grise et d’imposantes cornes en forme de lyre (figure 14). Pour
un poids à la naissance de 22 kg, à l’âge adulte, les mâles peuvent atteindre une taille de 150
cm au garrot et un poids de 400 kg. Les performances de production mesurées sur des
animaux maintenus en conditions de transhumance et rentrés à l’étable pendant 6 mois
laissent apparaître des résultats modestes : en moyenne 2,5 L de lait par jour et 900 kg par an,
un GMQ20 de 300 g/j et un rendement de carcasse de 52% (DAD-IS, 1998). Très endurants,
bons marcheurs (ils parcourent jusqu’à 30 voire 40 km par jour), ils présentent une bonne
résistance à la chaleur (zone de confort de 28°C), et ils ont de faibles besoins en eau, ce qui
leur permet de s’abreuver tous les deux voire trois jours seulement. Ce sont donc des animaux
particulièrement bien adaptés aux régions semi-arides (Pfister, 1991).
Les taurins sont caractérisés par leur trypanotolérance. On trouve des taurins de race
N’Dama dans la zone sud du pays, dans les régions soudaniennes préforestières, où ils sont
capables de supporter la présence des glossines. Bien adaptés aux zones humides, ils sont peu
résistants aux conditions du milieu semi-aride (Pfister, 1991). Ces animaux sont de petit
18
Soit les régions de Saint-Louis et de Louga
Soit les départements de Diourbel, Gossas, Kaolack et Mbacké.
20
Gain Moyen Quotidien
19
63
format (figure 15) : les mâles pèsent 18 kg environ à la naissance et à l’âge adulte atteignent
un poids de 300 kg en moyenne pour 120 cm au garrot. La robe est unicolore, fauve, blanche
ou blonde. La bosse est absente, les cornes sont courtes (DAD-IS, 1998).
Figure 14 : zébus Gobra
Figure 15 : vache NDama en Casamance
64
Enfin, le Djakoré est une race issue du croisement entre Gobra et N’Dama. On trouve ce type
d’animaux dans la zone de transition sahélo-soudanienne, notamment dans de le sud du SineSaloum et au Sénégal Oriental. Le Djakoré a hérité des N’Dama un certain degré de
trypanotolérance. Les mâles atteignent 135 cm au garrot. La robe est unie, grise, jaune ou
blanche. Les cornes sont longues et fines, la bosse est présente mais nettement moins marquée
que chez les Gobra (DAD-IS, 1998).
● Les ovins :
Le mouton Peul-peul sénégalais est présent dans toute la zone sahélienne et sahélosoudanienne, dans le centre et le nord du Sénégal. Le pelage des moutons peuls est ras. La
robe est claire tachetée de roux ou de noir, bicolore noire et blanche pour les peuls-peuls du
Ferlo (figure 16), unicolore acajou pour les peuls-peuls du Fouta (Nersy, 1988). Les mâles
adultes pèsent en moyenne 40 kg, pour une taille de 75 cm au garrot (DAD-IS, 1998). Cet
animale a de bonnes aptitudes bouchères.
Figure 16 : moutons Peul-Peul sénégalais
Le mouton maure à poils ras, aussi appelé Ladoum ou Touabire, occupe le nord et l’ouest du
Sénégal. Le poil est court. La robe est unicolore, blanche, ou tachée de noir ou de roux. La
couleur foncée occupe en général l’avant-main (Nersy, 1988). Les mâles peuvent atteindre 85
cm au garrot et un poids de 50 kg en moyenne (DAD-IS, 1998). Cet animal est
particulièrement apprécié par les éleveurs, qui en font souvent un mouton de case destiné à la
Tabaski. Les animaux de cette race se vendent à un prix élevé sur le marché de Dakar.
Le Waralé est un mouton métis de peul-peul et Touabire. Il présente des caractéristiques
intermédiaires à celles des deux races. Le métissage étant le plus souvent anarchique, tous les
stades entre le peul-peul et le Touabire peuvent être observés (Nersy, 1988).
Le Djallonké peuple une grande partie du Sénégal, au sud et à l’est. (Nersy, 1988) C’est un
mouton de petit format (27 kg en moyenne pour les mâles adultes, pour 50 cm au garrot),
d’allure trapue. Cette race est réputée être trypanotolérante (DAD-IS, 1998).
65
● Les caprins
:
La chèvre du Sahel occupe toute la zone sahélienne. Elle est de grande taille (85 cm chez le
mâle, 75 cm chez la femelle).
La chèvre du Fouta Djallon mesure de 40 à 50 cm au garrot. Elle est élevée dans la zone
soudanaise et guinéenne (Nersy, 1988).
3.Principaux modes d’élevage
a)L’élevage de ruminants
● L’élevage à
dominante pastorale
On définit comme « pastoral » un type de système de production, pour lequel « les
populations tirent l’essentiel de leur subsistance de l’élevage, lequel leur permet d’assurer la
reproduction de leur mode de vie » (Marty, 1992). Bonfiglioli, (1992 ; cité par Diao, 2001)
complète cette définition en précisant que « au moins 50% du revenu brut21 des unités
domestiques provient de l’élevage ou d’activités liées à l’élevage ». Les revenus issus de
l’élevage peuvent être tirés directement de l’élevage (vente des animaux, de viande ou de
lait), mais aussi indirectement (commerce caravanier par exemple).
Pour le Sénégal, Bâ (2000) localise l’élevage pastoral dans la zone sahélienne, notamment le
Ferlo qui s’étend, à l’est du Bassin de l’arachide, de la vallée du Sénégal à l’axe ferroviaire
Kaolack-Tambacounda-Kayes. Cette zone se caractérise par la faible pluviosité, la brièveté de
la saison des pluies, la profondeur de la nappe phréatique, ce qui rend difficile l’agriculture
sous pluie et les installations permanentes. La végétation d’épineux et les vastes prairies
d’hivernage sont exploitées de manière très extensive par des pasteurs en majorité issus de
l’ethnie Peul. Ces derniers vivent en campements dispersés et pratiquent parfois la
transhumance (figure 17), qui permet d’optimiser la mise en valeur d’espaces arides.
La transhumance consiste en une migration saisonnière qui comprend deux phases. En
saison des pluies, les troupeaux et leurs bergers se dispersent dans le Ferlo grâce à la
multiplication des points d’eau temporaires qui leur permettent d’exploiter les pâturages les
plus reculés. En saison sèche, au contraire, pasteurs et bovins se regroupent progressivement
autour des forages, puis se replient sur la périphérie du Ferlo, soit en direction de la vallée du
Sénégal, soit vers l’ouest et le sud où le Bassin de l’arachide leur offre les pâturages des
jachères, les puits des villages et surtout les débouchés : marchés ruraux et urbains (vente de
produits laitiers et de bétail). La sécheresse qui a touché le Sénégal en 1972-73, en 1983-84 et
en 1991-92 a particulièrement affecté l’élevage sahélien, dont les effectifs ont été gravement
amputés, tandis que les parcours traditionnels étaient désorganisés et que de nombreux
pasteurs étaient contraints de se replier vers le sud. Aujourd’hui, la multiplication des points
d’eau depuis les années 1980 rend plus flexibles l’abreuvement du bétail et les déplacements
des troupeaux, tant pour la transhumance que pour la commercialisation. Certains
groupements peuls se fixent à demeure, à proximité des forages (Bâ, 2000).
Le système pastoral (figure 18) se base souvent sur une exploitation combinée des différentes
espèces animales, dont la complémentarité permet de tirer le meilleur parti des pâturages
sahéliens.
21
valeur totale de la production commercialisée + valeur estimative de la production de subsistance consommée
par les unités domestiques
66
Figure 17 : Campement de pasteurs transhumants dans le Ferlo
Figure 18 : Troupeau en zone pastorale
67
Sous l’effet de critères environnementaux, économiques et sociaux, le pastoralisme
évolue. La pression des échanges économiques a modifié la complémentarité ancienne avec
l’agriculture et a parfois envenimé les relations de concurrence et de conflits. L’évolution
récente témoigne de la difficulté des sociétés pastorales à tirer parti des échanges
commerciaux dans la crise actuelle et à protéger leurs revenus (Marty, 1992).
Par ailleurs, l’espace pastoral tend aujourd’hui vers une réduction et une désorganisation. Les
anciens parcours immenses et contrôlés par des groupes bien identifiés de pasteurs n’existent
généralement plus comme tels. Un peu partout, les études témoignent de la progression des
champs cultivés ou des jardins sur des terres autrefois occupées uniquement par l’élevage
extensif. Quant aux modes de conduite de l’élevage, ils ont souvent beaucoup évolué dans le
sens de déplacements moins nombreux et moins importants. Aussi la transhumance a-t-elle
été fréquemment raccourcie dans le temps et dans l’espace. La multiplication des centres de
sédentarisation et des points de fixation pour les anciens nomades change également le
paysage de l’ancienne zone pastorale. Ces transformations entraînent évidemment un peu
partout une dégradation très nette de l’environnement : surpâturage, raréfaction sinon
disparition d’espèces très appétées, remplacement par des espèces moins appréciées,
piétinement précoce renforcé favorisant ensuite l’érosion éolienne, destruction des arbres et
des forêts, ensablement des bas-fonds, formation de dunes vives, etc (Marty, 1992).
Tandis que d’autres systèmes apparaissent ailleurs en pleine croissance, ceux de la
zone pastorale ont montré leur extrême sensibilité aux aléas du climat et du marché. Les
pertes en cheptel suivant les différents épisodes de sécheresse ont eu pour conséquence un
appauvrissement considérable des populations pastorales. Enfin, l’élevage sahélien se traduit
depuis les dernières décennies par un transfert de propriété, passant des mains des anciens
pasteurs de la zone sahélienne à celles d’agriculteurs du sud. Les chutes spectaculaires des
prix de 1973 et 1984 ont favorisé nettement ceux qui disposent d’argent pour acquérir des
animaux et des aliments capables d’assurer leur entretien jusqu’au retour des pâturages
naturels. Cela concerne surtout les « nouveaux éleveurs », souvent absentéistes, qui, grâce à
leurs positions dans les circuits commerciaux ou dans la fonction publique, ont des facilités
pour opérer ainsi.
Malgré tous ces avatars, les systèmes pastoraux résistent. Les politiques de
sédentarisation des nomades aboutissent difficilement et on assiste au maintien, quand ce
n’est pas au retour, d’une certaine mobilité. C’est le cas au Ferlo : « Ainsi, le maintien de la
mobilité pastorale, même de faible amplitude, autour des forages, permet-il aux Peuls de se
remobiliser le cas échéant pour des déplacements plus importants lorsque la sauvegarde de
leur bétail l’exige » (Barral, 1983 ; cité par Marty, 1992). La logique d’utilisation de l’espace
pastoral, faite de mobilité et de flexibilité, ne peut être totalement démantelée. C’est ce que
Santoir (1983), appelle la « raison pastorale » face au développement et aux divers
aménagements.
● L’association
élevage-agriculture
La deuxième forme d’élevage que les chercheurs distinguent classiquement dans la
typologie est qualifiée d’élevage « agropastoral ». Selon Bonfiglioli (1992 ; cité par Diao,
2001), « on définit agropastoral un système dans lequel au moins 50% du revenu brut provient
d’activités liées à l’agriculture, et entre 10 et 50 % d’activités d’élevage ». Potchier (1992)
affine cette définition en distinguant :
- Les agropasteurs, qui combinent agriculture et élevage.
- Les agriculteurs éleveurs, qui sont en fait des agriculteurs pratiquant depuis peu
l’élevage et ayant acquis progressivement des animaux grâce aux revenus dégagés par
leurs activités agricoles. Les animaux sont souvent confiés à des bergers anciens
pasteurs devenus salariés, ayant récemment perdu leurs troupeaux.
68
Figure 19 : Les sous-produits agricoles représentent une composante importante de l'alimentation du
bétail dans le Bassin arachidier
Figure 20 : L’embouche constitue une forme de valorisation des sous-produits agricoles
69
L’association d’autres activités agricoles à celle de l’élevage dépend de la situation
géographique (gradient du nord au sud), de la nature des sols cultivables mais surtout de la
disponibilité des ressources en eau et des modes d’accès à ces ressources. Au bord de grands
fleuves tel le Sénégal, de nombreux exploitants de périmètres aménagés pratiquent l’élevage
autour des parcelles irriguées (riz, tomates, oignons, …) en saison de culture ou en contresaison. Quant à l’agriculture pluviale (mil, arachide, coton, …), très aléatoire, elle est parfois
associée au pastoralisme progressant vers le sud. Ainsi, au Sénégal, on rencontre le système
liant agriculture et élevage principalement dans le bassin arachidier − où les Sereer sont
connus pour leur maîtrise de l’intégration entre ces deux activités −, la vallée du fleuve
Sénégal, et la zone du Sud du pays où, de la Casamance au Sénégal Oriental, les ethnies
Diola, Peul et Mandingues s’adonnent à l’élevage des N’Dama (Bâ, 2000).
Les combinaisons et les importances relatives des activités d’élevage et d’agriculture
évoluent dans l’espace et dans le temps. L’analyse des différentes situations agricoles laisse
apparaître une forte diversité. Celle-ci résulte de nombreux facteurs liés d’une part aux
caractéristiques du milieu physique, d’autre part aux modes concrets de combinaison des
facteurs de production (systèmes de production) dans le cadre de structures sociales
éminemment variables d’une région à l’autre (Potchier, 1992). Parmi ces facteurs on peut
noter une imbrication plus ou moins forte entre systèmes de culture pluviaux et/ou irrigués et
systèmes d’élevage, ou une diversité de l’association des activités d’agriculture et d’élevage
au sein des mêmes unités de production. Les modes de relation entre agriculteurs et éleveurs
sont multiples (contrats de fumure, confiage), de même que les degrés d’association de ces
deux activités à l’intérieur d’une même unité de production (accumulation, épargne
facilement mobilisable, lait, énergie pour le transport, travail du sol, utilisation des sousproduits agricoles pour l’alimentation animale …).
Il est important de noter le rôle du troupeau dans les mécanismes de capitalisation ou
d’épargne-vente au sein de l’exploitation agricole. L’acquisition de bovins est souvent très
active à l’issue de campagnes agricoles favorables. S’agissant des petits ruminants, il est utile
de souligner que leur acquisition est peu liée aux revenus monétaires des cultures de rente,
sauf pour les femmes qui capitalisent en caprins une partie des revenus monétaires des
cultures de rente de maraîchage. Les petits ruminants (en particulier les mâles) font l’objet de
transactions précoces pour faire face au fur et à mesure aux dépenses courantes des ménages.
Les bovins, mâles essentiellement, sont vendus pour les dépenses à caractère familial (dot,
mariages, funérailles) ou religieux (pèlerinage) ou même vital (déficit vivrier sévère). Les
bœufs de trait de réforme entrent dans cette catégorie et leur valeur est inverse de l’âge de la
réforme et de l’intensité de leur utilisation.
Les évolutions récentes des systèmes de production sont dominées par les crises
climatiques successives, la dégradation des conditions du milieu physique et le déséquilibre
croissant entre les besoins alimentaires et la production agricole. Par ailleurs, on assiste dans
les zones agricoles à une progression de l’élevage. « L’élevage s’est diversifié et a fortement
progressé au cours des trois dernières décennies en raison d’une amélioration de la protection
sanitaire, de l’intérêt marqué des agriculteurs pour cette production, et ceci malgré les pertes
catastrophiques de 1979-80 » (Potchier, 1992).
La notion d’agropastoralisme peut être illustrée par l’exemple des Sereer du Bassin
arachidier, qui ont élaboré un modèle d’association et d’intensification agriculture-élevage
considéré aujourd’hui comme une référence (Lericollais et Faye, 1994). La civilisation sereer
traditionnelle est une « civilisation du mil et du bovin ». Les Sereer sont agropasteurs depuis
toujours, et la référence à l’élevage est permanente dans les principales manifestations de la
vie sociale et culturelle. Le modèle agraire ancien est basé sur l’utilisation des jachères, du
parc arboré (en particulier le kadd, Acacia albida) qui nourrit les animaux pendant la période
de soudure, sur l’exploitation des résidus de culture par la « vaine pâture ». Les mouvements
du troupeau au sein du terroir sont à la base d’importants transferts de fertilité via la fumure
70
animale, qui constituent une clé dans la gestion de l’exploitation agricole. Selon Lericollais et
Faye, il y avait, en terme d’association agriculture-élevage un modèle séreer original.
Aujourd’hui, le nœud du système agraire sereer demeure la gestion de la fertilité. Cependant,
il fait l’objet de nombreuses modifications. Le système fourrager a considérablement évolué :
espace pastoral résiduel, complètement balayé par les défrichements, disparition de la jachère,
abandon de la vaine pâture au profit de pratiques d’appropriation et de ramassage des sousproduits de culture.
Ces modifications du système fourrager s’accompagnent d’une différenciation du
système d’élevage. D’un point de vue stratégique, l’orientation générale tend à renforcer
l’élevage dit « intégré » qui est de type semi-intensif. Cette intensification s’est faite grâce à
l’appropriation des sous-produits agricoles disponibles (pailles de mil, fanes d’arachide, …) et
à l’acquisition d’autres aliments agro-industriels (graines de coton, tourteaux industriels ;
figure 19). Cependant, la majeure partie du cheptel est constituée de bovins qui sont encore
conduits de manière extensive, avec une alimentation essentiellement basée sur le pâturage
naturel. Ces animaux se retrouvent aujourd’hui marginalisés par le mode actuel d’occupation
de l’espace. La transhumance devient alors la seule voie de survie. Les animaux pâturent
toujours sur le terroir à la fin des récoltes, mais les ressources fourragères s’épuisent très
rapidement. Vers le mois d’avril, les troupeaux partent massivement en transhumance.
Parallèlement, à côté du troupeau traditionnel, les paysans sereer développent depuis
quelques années un élevage bovin spéculatif connu sous le nom d’embouche paysanne (figure
20). Cette dernière constitue une nouvelle spéculation particulièrement liée à la valorisation
des sous-produits. L’évolution du système d’élevage se traduit par des modifications des
objectifs de production et des pratiques d’exploitation des produits d’origine animale. Ces
modifications proviennent également de l’ouverture du système de production au marché qui
dicte des orientations plus économiques que socio-culturelles. Ainsi, les abattages massifs qui
caractérisaient les funérailles, moments d’exhibition du prestige lignager ont régressé, tandis
que la fonction de régulation de l’alimentation et de l’économie des familles, ainsi que le rôle
technique dans l’agriculture constituent aujourd’hui les objectifs dominants de la production
animale.
● Les autres
formes d’élevage
♦ Elevage ovin villageois et urbain :
L’élevage ovin villageois ou citadin représente une composante importante et peu
étudiée des systèmes d’élevage sénégalais. Dans la ville de Dakar et ses environs, les effectifs
de petits ruminants étaient estimés à 144 000 têtes en 1988. Une enquête menée par Missohou
et al. (1995) dans différents quartiers de la ville de Dakar a montré que les petits ruminants
étaient présents dans près de 45% des concessions (figure 21). Les effectifs sont constitués
quasi-exclusivement d’ovins (97,5%). Les races les plus fréquentes sont le Touabire, le Balibali − qui sont des races importées de pays voisins − et les produits de leur croisement avec le
mouton Peul sénégalais. La prépondérance de ces races peut être vue comme le signe d’une
recherche de production de haute qualité. La taille des troupeaux est de 1 à 10 en moyenne.
L’augmentation du ratio femelles/mâles avec l’âge des animaux traduit la forte pression
d’abattage des mâles. Malgré la présence de bergeries dans la plupart des élevages, le
principal mode de conduite consiste à les garder à l’attache pendant une partie de la journée.
71
Figure 21 : Moutons de case à Dakar
Figure 22 : Jeunes zébus Gobra en embouche dans le Bassin arachidier
72
Seuls 12,5% des éleveurs laissent leurs animaux en divagation. L’alimentation est à base de
fanes d’arachide, de provende, de niébé, de mil ou de restes de cuisine. Les animaux font
l’objet d’un suivi vétérinaire qualifié de « bon » par Missohou et al. (1995) compte tenu du
contexte africain : 55% des propriétaires déclarent avoir déparasité et vacciné leurs animaux.
Les éleveurs, qui sont en grande majorité musulmans (97%) déclarent élever les moutons pour
l’autoconsommation (62,5%), la protection contre le mauvais sort22 (16%), par coutume
(12%) ou pour la vente (8,1%). Le coût relativement élevé des animaux ajouté à la faible
proportion des élevages tournés vers la commercialisation dénote leur finalité peu lucrative.
La principale cause de destockage des moutons est la Tabaski23 au cours de laquelle 42% des
animaux abattus proviennent du troupeau (Missohou et al., 1995). En 1987, 80% des animaux
abattus pendant toute l’année au Sénégal l’ont été à l’occasion de la Tabaski (Martin, 1993).
C’est dire l’ampleur de ce phénomène et l’importance toute particulière accordée à l’élevage
de moutons. Toutefois, le baptême, le mariage, la visite d’un étranger ou la charité rituelle
sont autant de circonstances de sacrifices des moutons.
♦ L’embouche bovine :
D’après Pagot (1985), l’embouche est « la préparation des animaux pour la boucherie,
quelle que soit la méthode employée ».
Qu’il soit agro-pasteur, paysan emboucheur ou partenaire d’un groupement d’éleveur, le
producteur voit avant tout dans l’embouche sa fonction d’épargne permettant de valoriser sans
trop de risques (Faye et Landais, 1986 ; cités par Haessler 1990) et dans un minimum de
temps leur activité agricole principale. Les importants revenus qu’elle dégage permettent de
tamponner les variations défavorables des revenus des cultures, fortement tributaires des aléas
climatiques qui ont caractérisé ces dernières années. L’embouche bovine lorsqu’elle est bien
menée permet alors d’augmenter les revenus des paysans et notamment ceux dont les revenus
se situent sous la moyenne (Wardle, 1979 ; cité par Haessler, 1990). Elle a également
l’avantage de s’intégrer sans trop de problèmes dans les temps de travaux d’une exploitation
agricole car elle offre un moyen d’occuper la morte saison. Pour ceux qui possèdent un
troupeau naisseur (Tourrand, 1989 ; cité par Haessler, 1990), elle représente un moyen de
valoriser un capital sur pied pour la boucherie de même qu’elle permet de préparer un animal
de travail réformé pour la viande pour les utilisateurs de bovins de traits (Lhoste 1986,
Rochez 1977 ; cités par Haessler, 1990).
L’embouche peut revêtir plusieurs formes qui peuvent être menées séparément ou combinées,
se succédant dans le temps. L’embouche extensive ou embouche herbagère consiste à
entretenir les animaux sur des pâturages qui peuvent être naturels et, dans ce cas,
généralement de valeur assez faible ou améliorés. Les animaux ne reçoivent qu’une
complémentation minérale. Elle concerne surtout des animaux jeunes (de 2 à 5 ans) et doit
être de durée assez longue : 1 à 2 ans et parfois davantage. De durée généralement plus
courte, l’embouche semi-intensive utilise également le pâturage naturel ou amélioré, mais les
animaux reçoivent en outre un complément alimentaire plus ou moins important. La vitesse
d’engraissement dépend essentiellement de la valeur du pâturage et de la richesse de la
supplémentation. L’embouche intensive permet d’obtenir des gains de poids plus rapides et
des animaux généralement mieux finis et plus gras. Au Sénégal, elle se pratique
principalement sous la forme de mise en stabulation des animaux. Toute l’alimentation est
fournie à l’auge. L’herbe est substituée partiellement ou en totalité par divers produits fibreux
et par des aliments plus concentrés en éléments nutritifs, tels que céréales, racines ou
tubercules, sous-produits agro-industriels, etc. La durée de ce type d’embouche est courte et
22
Selon certains marabouts, la présence d’un mouton blanc dans la concession familiale permet d’en chasser les
génies.
23
Fête religieuse musulmane qui commémore chaque année le sacrifice d’Abraham. On sacrifie de préférence un
bélier jeune, entier, haut sur pattes, bien gras.
73
en général n’excède pas 6 mois. L’embouche industrielle en feed-lot n’est que très peu
pratiquée au Sénégal. Par contre, un nombre croissant d’éleveurs pratique une embouche dite
« paysanne ». Ils préparent quelques animaux à la boucherie (un ou deux bovins), au moyen
de sous-produits de leur exploitation et de quelques aliments achetés (Rivière, 1991).
L’embouche paysanne se développe considérablement au Sénégal, en particulier dans la zone
du Bassin arachidier qui, par sa localisation, permet une disponibilité et un accès facile aux
sous-produits agricoles (fanes de mil, tourteau d’arachide, …) combinés à un réseau
commercial développé (figure 22).
Quant à l’embouche ovine, elle est pratiquée principalement en vue de préparer la fête
de la Tabaski. L’embouche prend alors le plus souvent la forme d’un élevage dit « mouton de
case », élevage décrit précédemment (élevage ovin urbain et villageois). L’animal, deux à
trois mois avant la Tabaski, est attaché à proximité de la maison et nourri avec des sousproduits agricoles et résidus de cuisine.
♦ Elevage laitier :
► Elevage intensif périurbain à Dakar
Au Sénégal, la production laitière intensive est essentiellement concentrée dans la
zone périurbaine de Dakar, au niveau de la zone dite des « Niayes », où le climat doux est
propice à l’élevage de races exotiques. Le système intensif se caractérise par un niveau élevé
d’utilisation d’intrants, notamment alimentaires (concentrés, complexes minéralo-vitaminés,
fourrages cultivés), l’utilisation de biotechnologies pour améliorer la production et
l’utilisation d’une main-d’œuvre salariée spécialisée. Les niveaux de production sont de loin
supérieurs à ceux des autres systèmes de production. Cependant, les produits obtenus, du fait
de leur coût, ciblent une clientèle limitée. De même, la production ne couvre qu’une très
infime partie des besoins de consommation (Dieye, 2003).
Dans la zone des Niayes, en 2000, on a recensé un troupeau laitier de race exotique (Jersey,
Montbéliarde, Holstein) d’environ un millier de vaches en production, réparties dans trois
grandes fermes (SOCA, Wayembam (figure 23) et Niacoulrab) et une dizaine de petites
fermes appartenant à des opérateurs privés de la région de Dakar (Broutin et Diokhané, 2000).
A côté de ces grandes fermes, un réseau de fermes de taille plus modeste s’est tissé
autour de Dakar, sur l’initiative d’opérateurs économiques privés qui pour la plupart étaient
complètement étrangers au secteur de l’élevage ou qui ont bénéficié de projets d’introduction
de races importées. Une étude faite en 1990 avait recensé 67 fermes ayant en moyenne 31
têtes. Cependant, une enquête réalisée en 1993 auprès de 13 élevages a mis en évidence des
effectifs de vaches laitières très inférieurs (7 en moyenne par élevage), avec un faible niveau
de production. Le système d’élevage est surtout traditionnel avec cependant une
complémentation pour les vaches en lactation (sous-produits maraîchers, drêches de tomates,
tourteaux d’arachide). La prophylaxie se limite à la vaccination contre la péri-pneumonie
contagieuse bovine (PPCB) et au déparasitage (Broutin et Diokhané, 2000).
► Dispositifs périurbains dans les villes secondaires
Une ceinture laitière périurbaine a été implantée à Kolda (Haute-Casamance) à partir
de 1994. Le dispositif mis en place a consisté à tester un paquet technique portant sur la
stabulation des femelles en lactation, afin de maintenir la production laitière pendant toute la
saison sèche et de générer des revenus additionnels pour les agropasteurs.
74
Figure 23 : Salle de traite et vaches Prim'Holstein dans la ferme Wayem'Bam (région de Dakar)
Figure 24 : Produit d'insémination artificielle (génération F1, Montbéliarde x Gobra)
Figure 25 : Produit F1 d'insémination Gobra x Prim'Hosltein
75
Le paquet technique vise l’intensification de la production par l’amélioration de l’habitat, de
la santé et de l’alimentation des animaux, par la supplémentation à base de sous-produits
agricoles locaux (graines de coton et tourteaux de sésame). L’innovation porte également sur
le développement de la filière par la connexion du bassin de production à la laiterie localisée
en ville permettant une meilleure valorisation du lait. Démarrée en 1994 avec 23 producteurs
de 9 villages, la filière a connu une forte progression avec 108 producteurs répartis dans 30
villages en 1998. Pendant la même période, le nombre de femelles en stabulation est passé de
137 à 512. L’engouement des agropasteurs est lié à l’impact du paquet technique sur
l’amélioration des niveaux de production mais surtout au rôle important du lait comme source
de protéines et de revenus monétaires pendant la saison sèche (Dieye et al., 2002).
Dans la zone de Tambacounda, la SODEFITEX (Société de développement des fibres
textiles), à la recherche de débouchés pour la graine de coton a appuyé le développement
d’étables fumières avec généralisation de la complémentation au niveau des étables.
► Exploitations mixtes intensifiées
Ces exploitations mixtes intensifiées (EMI) sont un produit du projet PAPEL.
Le PAPEL (Projet d’appui à l’élevage) est un projet placé sous la tutelle du Ministère de
l’Agriculture et de l’Elevage du Sénégal, qui a pour but de « faire du Sénégal un pays
autosuffisant en produits d’origine animale, où l’élevage joue un rôle déterminant dans le
développement économique et social ». Son objectif global est de contribuer de manière
durable à la sécurité alimentaire et à la réduction de la pauvreté d’ici la dixième année de sa
mise en œuvre. Parmi ses objectifs spécifiques, l’augmentation de la production de lait occupe
une place importante. Il est spécifié que « la production de lait par jour devra passer de 3 à 10
litres et la lactation de 140 à 280 jours dans les exploitations intensifiées. Il en résultera une
production additionnelle de 12,5 millions de litres par an à la dixième année » (PAPEL,
2003).
Dans sa première phase (août 1992-juin 1999), le PAPEL a appuyé la mise en place de
6000 EMI dans le bassin arachidier (exploitations mixtes intensifiées. Ces EMI sont des
exploitations « traditionnelles » sélectionnées par le projet pour accueillir des vaches métis de
race locale (Gobra) et de race importée (Montbéliarde ou Prim’Holstein principalement ;
figures 24 et 25).
Dans sa deuxième phase, le projet couvre une zone de 83 700 km², englobant le Bassin
arachidier et la zone sylvo-pastorale. Cette phase s’attache à l’appui à la création de huit
ceintures laitières autour des grandes agglomérations et des axes routiers situés dans la zone
du projet. Ces ceintures sont destinées à abriter des animaux F1 issus du croisement par
insémination artificielle entre races locales (Gobra et Djakoré) et races exotiques à haut
potentiel de production laitière (Prim’Holstein et Montbéliardes principalement). Après une
phase initiale d’importation, le PAPEL prévoit par la suite une production locale de semences
exotiques. Au terme du projet, les résultats escomptés pour cette sous-composante seront
mesurés à travers l’existence de 1920 EMI structurées en ceintures, de 8 centres de collecte et
transformation du lait, d’un Centre d’amélioration génétique opérationnel, d’une forte
demande et d’une offre privée de qualité en matière d’insémination artificielle, mais aussi à
travers la diffusion de 60 000 doses de semences, et la production additionnelle de lait
générée par le projet (PAPEL, 2003).
76
b)Les volailles
L’aviculture traditionnelle compte environ 12 millions de tête (SONED, 1999), soit
environ 70% de l’effectif national de volaille. Il concerne essentiellement la couche sociale la
plus défavorisée du pays (Buldgen et al., 1992). Les effectifs par propriétaire sont faibles
(moins de 10 têtes). Les conditions de production traditionnelle et familiale restent médiocres
et très dépendantes des maladies. Ces systèmes traditionnels sont basés sur la reproduction
naturelle des poules et coqs locaux, la rusticité des animaux, la modicité des techniques et du
matériel d’élevage, une alimentation sommaire, une vulnérabilité aux épizooties et une
production très autoconsommée (Ly, 2003). Au Sénégal, le petit élevage avicole villageois
peut être considéré comme une activité marginale qui occasionne peu de frais et de travail
pour l’agriculteur. La construction d’un abri rudimentaire pour la nuit et l’acquisition de deux
ou trois reproductrices suffit pour mettre sur pied une petite unité de production dont la
gestion est confiée aux femmes. La volaille est en liberté permanente durant la journée, alors
que le soir, elle est enfermée dans un dortoir servant d’abri contre les intempéries et les
prédateurs. L’alimentation est essentiellement constituée de restes de repas ou de résidus de
récolte.
L’aviculture moderne a connu, quant à elle, des progrès considérables depuis 1987 avec
l’augmentation des investissements privés qui permettent l’exploitation d’effectifs importants
(1 million en 1980, plus de 5 millions en 1996). Des actions de développement, menées
depuis 1962 par le Centre National Avicole (CNA) et relayées de 1994 à 1998 par le Projet de
développement des espèces à cycle court (PRODEC) ont conduit à une intensification du
secteur en vue de l’augmentation de la production. Ainsi, une aviculture semi-industrielle de
proximité s’est développée dans les espaces urbains et périurbains depuis deux décennies,
surtout dans la région de Dakar. En 1980, Arbelot et al (1997) ont recensé 125 exploitations
avicoles dans la région de Dakar (780 000 poulets de chair, 250 000 pondeuses environ). En
1994, leur nombre était estimé à 600 environ, avec 3, 6 millions de poule de chair et 500 000
pondeuses (SONED, 1999). La taille des élevages de pondeuse varie de 200 à 10 000 sujets,
avec une moyenne annuelle de 2000 têtes par exploitation. Quant aux poulets de chair, leur
nombre varie de 100 à 8000 sujets, avec une moyenne de 800 têtes par exploitation.
Cependant, l’aviculture moderne qui suscite tant d’engouement se révèle être une entreprise
difficile, voire incertaine, du fait des incertitudes commerciales. Des contraintes d’ordre
technique et institutionnel, ainsi que des problèmes pathologiques sont à l’origine de
performances moyennes.
c)L’élevage porcin
Il reste dominé par une production traditionnelle et familiale. Intégrée à d’autres
spéculations, la production de porc est peu spécialisée et typiquement extensive.
L’élevage porcin est pratiqué dans les zones de population non musulmane. Principalement
présent dans les régions de Ziguinchor, Fatick, Kaolack et sur la Petite Côte, on le rencontre
également en îlots dans d’autres régions du Sénégal. Avec près de 50 000 têtes, soit 27% du
cheptel national, la Basse Casamance se distingue parmi les zones de production (SONED,
1999).
d)Chevaux et ânes
Le cheval est présent dans plusieurs secteurs d’activité tels que la traction hippomobile
urbaine et rurale, les courses hippiques. La traction équine et asine s’est maintenue en zone
77
rurale malgré la promotion de la culture attelée par traction bovine qui bénéficiait de l’appui
du Programme Agricole. La rapidité du cheval et la diffusion de la charrette équine facilitent
l’exécution des opérations culturales, du transport et de l’exhaure.
Ainsi, le cheval de trait agricole et la traction hippomobile jouent toujours un rôle
fondamental dans les relations et les échanges ruraux, la commercialisation des produits
agricoles, l’approvisionnement en intrants et produits de consommation et le transport des
personnes.
L’âne est délaissé malgré son apport décisif dans le transport des personnes et des biens, de
l’eau particulièrement, en zone rurale (figure 26 ; SONED, 1999).
Figure 26 : Transport de l'eau en zone pastorale
C.La situation zoosanitaire
Malgré les efforts entrepris et les progrès réalisés dans le domaine de la lutte contre les
maladies animales, l’élevage sénégalais subit encore aujourd’hui des contraintes sanitaires
importantes qui limitent son développement.
1.Une pression sanitaire variable
Bien que l’ensemble du pays soit affecté par des maladies animales majeures, la
pression sanitaire n’est pas homogène sur le territoire sénégalais. Celle-ci varie en fonction
de la combinaison de divers facteurs, notamment géographiques, épidémiologiques ou
zootechniques.
Un premier facteur de différenciation spatiale de la pression des maladies est
l’existence de biotopes très diversifiés.
La vaste gamme de climats présente au Sénégal conditionne tour à tour le paysage et la
végétation : on trouve des zones arides ou semi-arides avec une végétation steppique aussi
bien que des zones humides de savane voire de forêts claires.
78
Dans les zones à climat toujours humide, l’association de températures et d’un taux
d’hygrométrie élevés toute l’année favorise l’existence et la multiplication de nombreux
vecteurs arthropodes : moustiques, culicoïdes, tiques, glossines. Que la majorité des maladies
à transmission vectorielle se retrouve dans ces régions n’est donc pas surprenant.
Certains de ces vecteurs sont, du reste, très inféodés à un biotope précis. Les glossines, par
exemple, ne se retrouvent que dans les régions où les précipitations annuelles sont supérieures
à 600 mm (en général 1000 mm), avec des températures comprises entre 20° et 30°C et une
végétation abondante qui les protège des radiations solaires. Cela explique que l’aire
d’extension des trypanosomoses transmises par les glossines soit bien délimitée et
relativement stable. Toutefois, il convient de garder à l’esprit que les facteurs édaphiques
peuvent jouer un rôle local important. Ainsi, même dans les zones arides où les populations
de vecteurs connaissent une diminution drastique en saison sèche, le moindre point d’eau peut
entretenir une population suffisante pour assurer la transmission des agents pathogènes.
Si les conditions climatiques des régions chaudes sont plutôt favorables à la pullulation des
insectes, en revanche, la chaleur et l’ensoleillement sont plutôt défavorables à la survie des
agents pathogènes qui se retrouvent dans le milieu extérieur. Ainsi, le virus de la fièvre
aphteuse peut-il être transmis à distance, notamment par les vents, dans les pays tempérés
alors que ce mode de contamination semble rare, voire inexistant, dans les régions chaudes où
il est rapidement inactivé par la lumière solaire et la chaleur (Lefèvre et Blancou, 2003).
La pression sanitaire se différencie aussi sous l’influence du mode d’élevage.
Ce dernier peut faire intervenir des degrés de promiscuité, de contact ou de brassage des
animaux très divers, ce qui favorise ou non l’apparition et le développement de maladies
transmissibles.
Il semble qu’une conduite des animaux basée sur la transhumance favorise le maintien et la
dispersion des maladies, en particulier celles à transmission directe (Lefèvre et Blancou,
2003). En effet, les occasions sont nombreuses au cours desquelles les animaux sont amenés à
se rassembler : lors des mouvements de troupeaux vers les zones de pâturages après
regroupement de plusieurs troupeaux appartenant à des éleveurs différents, à la nuit tombée
lorsque les éleveurs regroupent les animaux dans une enceinte facile à surveiller, ou encore
lors de l’abreuvement car les points d’eau (mares, forages) sont partagés par les éleveurs
d’une même zone (figure 27).
Figure 27 : Abreuvement au forage en zone pastorale
79
Même dans les zones où l’agriculture et l’élevage sont associés, les contacts entre animaux de
troupeaux différents restent très nombreux. Il arrive que, pendant les semaines qui précèdent
le travail des champs, tous les animaux du village soient réunis sur les parcelles qui seront
cultivées afin d’assurer une bonne fumure de la terre. Lors de ces rassemblements, les
maladies à transmission directe nécessitant un contact étroit et prolongé sont facilement
transmises, les animaux étant réunis sur de très petites surfaces. De même, une fois les
semailles terminées, il est de règle d’éloigner les animaux du village sous la garde de bergers
qui vont faire paître ces « troupeaux collectifs » au loin et ne les rentrent qu’une fois les
récoltes faites. Dans ces cas-là, « l’unité épidémiologique » n’est plus le troupeau appartenant
à un propriétaire mais bien le troupeau du village tout entier.
2.Les principales maladies affectant le cheptel sénégalais
Le cheptel sénégalais est la cible de nombreuses maladies. Le tableau 3 donne un
aperçu des maladies répertoriées en 2004. Bien que non exhaustif, il a pour avantage de les
classer selon leur importance socio-économique : c’est la raison pour laquelle nous avons
conservé cette forme de classement. La hiérarchisation est celle de l’OIE, dont sont extraites
les données. La liste A répertorie des maladies qui ont un « grand pouvoir de diffusion et une
gravité particulière, susceptibles de s’étendre au-delà des frontières nationales, dont les
conséquences socio-économiques ou sanitaires sont graves et dont l’incidence sur le
commerce international sont très importantes ». La liste B comporte des maladies « qui sont
considérées comme importantes du point de vue socio-économique et/ou sanitaire au niveau
national et dont les effets sur le commerce international des animaux et des produits d’origine
animale ne sont pas négligeables » (OIE, 1999).
A partir de cet aperçu du tableau des maladies sévissant au Sénégal, nous pourrons
nous attacher à décrire rapidement leurs principales caractéristiques : espèces cibles, agent
responsable, épidémiologie, signes cliniques. Les descriptions qui vont suivre ne font pas
appel au même classement des maladies que celui décrit précédemment. En vue de simplifier
la lecture et de mettre en lumière leur étiologie, elles sont classées ainsi : maladies virales,
maladies bactériennes, maladies parasitaires.
80
Tableau 3 : Situation zoosanitaire en 2004 (d’après OIE, 2005)
0 : maladie jamais signalée
(année) : date à laquelle la maladie a été signalée pour la dernière fois
ND : informations Non Disponibles
+ : présence signalée ou connue
V : vaccination
Maladie
BOVINS
Fièvre aphteuse
Peste bovine
Peripneumonie contagieuse bovine
Dermatose nodulaire contagieuse
EQUIDES
Peste équine
OVINS ET CAPRINS
Peste des petits ruminants
Fièvre de la vallée du Rift
Fièvre catarrhale du mouton
Clavelée et variole caprine
SUIDES
Peste porcine africaine
Peste porcine classique
Stomatite vésiculeuse
Maladie vésiculeuse du porc
OISEAUX
Influenza aviaire
Maladie de Newcastle
PLUSIEURS ESPECES
Rage
Fièvre charbonneuse
Leptospirose
BOVINS
Anaplasmose bovine
Trypanosomose
Septicémie hémorragique
Dermatophilose
Cysticercose bovine
OVINS ET CAPRINS
Brucellose
Agalaxie contagieuse
Pleuropneumonie contagieuse
caprine
Chlamydiose ovine
EQUIDES
Anémie infectieuse des équidés
Lymphangite épizootique
Gale des équidés
SUIDES
Rhinite atrophique du porc
Cysticercose porcine
Nombre de
foyer
Fréquence
s
cas morts Prophylaxie
MALADIES DE LA LISTE A
Nombre
d'animaux
vaccinés
+
(1978)
(1977)
+
5
7
0
2
56
0
+
5
5
5
V
25 000
+
+
(1995)
+
6
1
231
5
49
0
V
1 000 000
8
79
11
V
80 000
1
ND
8
V
350 000
V
V
1300
50 000
+
0
0
0
(1993)
+
2
190
80
MALADIES DE LA LISTE B
+
ND
ND
+
+
+
ND
ND
1
42
21
3
1364
55
0
0
28
ND
ND
ND
ND
ND
ND
ND
ND
ND
81
OISEAUX
Bronchite infectieuse aviaire
Variole aviaire
Maladie de Marek
Mycoplasmose aviaire
Charbon symptomatique (bovins)
Botulisme (bovins)
Autres pasteurelloses (petits
ruminants)
ND
ND
ND
ND
MALADIES DE LA LISTE C
+
2
21
10
+
8
68
32
+
12
151
88
V
V
44 000
37 000
V
38 000
82
a)Les maladies virales
Parmi les nombreuses maladies virales recensées, on ne décrira ici que les maladies à forte
importance socio-économiques : celles figurant sur la liste A de l’OIE. Ce sont aussi celles les
plus fréquemment citées par les éleveurs. Bien que n’étant parfois plus signalées depuis
plusieurs années, elles ont par, les dégâts qu’elles occasionnent, marqué les éleveurs.
● Maladies virales à
transmission directe :
La peste bovine n’a plus été signalée au Sénégal depuis 1978. Elle a cependant fortement
marqué les esprits, et reste crainte par les anciens pour qui « c’est la ruine absolue ».
L’importance de la peste bovine tient aux pertes qu’elle occasionne. Celles liées à l’épizootie
qui ravagea le continent africain de 1880 à 1895 détruisit 80 à 90% des bovidés domestiques
et sauvages. La peste bovine est toujours considérée comme la plus importante des maladies
des ruminants en raison de la très forte mortalité qu’elle occasionne (Lefèvre, 2003 d). Cette
maladie, due à un virus de la famille des Paramyxoviridae, genre Morbillivirus, affecte les
Artiodactyles et notamment les bovins. Elle provoque dans sa forme aiguë une hyperthermie
brutale associée à un état typhique prononcé, des érosions de la muqueuse buccale, une
diarrhée profuse. Elle évolue le plus souvent vers la mort en 10 jours (Provost et Borredon,
1963). Après plusieurs années de lutte médicale contre la peste bovine (au moyen du vaccin à
virus vivant atténué), le Sénégal a obtenu en 2003 le statut de « pays indemne de peste
bovine ». Les mesures de vaccination de masse interrompues depuis 1997, la prophylaxie
sanitaire et la surveillance épidémiologique sont des éléments clé pour le processus
d’éradication. Cette étape ne sera parachevée qu’avec le statut de pays libre d’infection que le
pays obtiendra en 2005 si la surveillance épidémiologique ne révèle pas l’existence du virus
bovipestique chez les espèces sensibles (ruminants domestiques et sauvages).
La peste des petits ruminants (PPR) sévit régulièrement au Sénégal (9 foyers déclarés en
2001 sur des ovins). La maladie n’a été décrite pour la première fois que relativement
récemment, en 1940 en Côte d’Ivoire ; puis ensuite un an plus tard au Dahomey (actuel
Bénin). Pendant près de quinze ans elle est restée circonscrite dans ces deux territoires, et
c’est en 1955 qu’elle est décrite pour la première fois au Sénégal (Mornet et al., 1956). Le
virus fait partie du genre Morbillivirus, famille des Paramyxoviridae. A un tableau clinique
semblable à celui de la peste bovine, s’ajoutent fréquemment des signes de
bronchopneumonie en phase d’état. Les seules espèces domestiques sensibles sont les ovins et
les caprins. Ces derniers succombent le plus souvent à la maladie (Lefèvre et Diallo, 1990).
Son importance économique est liée à sa fréquence et à sa gravité, notamment dans les
cheptels nouvellement infectés (morbidité pouvant atteindre 90% et mortalité de 70 à 80%), et
à sa contagiosité. Le vaccin vivant peste bovine a longtemps été utilisé pour vacciner les petits
ruminants contre la PPR ; néanmoins, dans le cadre des programmes d’éradication de la peste
bovine et pour ne pas gêner les dépistages sérologiques de cette maladie chez tous les
animaux sensibles au virus bovipestique, l’utilisation de ce vaccin hétérologue est
déconseillée au profit du vaccin homologue. Il s’agit d’un vaccin atténué thermosensible
(Diallo, 2003). La vaccination contre la PPR est obligatoire au Sénégal et partiellement
financée par l’Etat.
La maladie de Newcastle provoque encore des ravages sur l’élevage de volailles au
Sénégal, notamment en élevage villageois. Cette maladie hautement contagieuse affecte la
majorité des espèces aviaires mais les gallinacés − notamment poules et pintades − sont les
plus fréquemment touchés. La forme suraiguë provoque des symptômes généraux et la mort
83
en 24 à 48 heures ; la forme aiguë associe une atteinte de l’état général des symptômes
digestifs, respiratoires, nerveux et cutanés. La mort survient alors en 3 à 4 jours. Cette
maladie est considérée comme un fléau majeur de l’élevage avicole, en raison de sa gravité
médicale (létalité élevée) et de sa très forte contagiosité (Buldgen et al., 1992). La vaccination
au Sénégal est obligatoire mais n’est pas directement subventionnée. Par contre, le PAPEL
s’est investi dans une campagne de vaccination de masse et dans la formation de
vaccinatrices.
D’autres maladies de la liste A sévissent régulièrement au Sénégal. Parmi elles, la fièvre
aphteuse (19 foyers sur bovins en 2001, 5 en 2004) affecte les ruminants et se caractérise par
une forte contagiosité, une haute morbidité et les pertes de production importantes qu’elle
induit. La dermatose nodulaire contagieuse (35 foyers en 2001, 2 en 2004) affecte les
bovins et exceptionnellement les petits ruminants. Elle est liée à un virus du genre
Capripoxvirus, famille des Poxviridae. La clavelée (8 foyers en 2004), est une maladie
hautement contagieuse et considérée comme la plus meurtrière des varioles animales
(mortalité des agneaux touchant parfois 80%, morbidité élevée). La maladie est due à un
Poxvirus du genre Capripoxvirus (Fassi-Fehri et Lefèvre, 2003).
● Maladies virales à
transmission vectorielle :
Les maladies virales à transmission vectorielle font intervenir un arthropode hématophage
qui transporte un arbovirus. Elles entraînent souvent des pertes économiques importantes pour
les éleveurs. L’épidémiologie des arboviroses est complexe car elle résulte des interactions
entre cinq éléments : le virus, le vecteur, le réservoir, l’espèce sensible et l’environnement. Il
convient toutefois de signaler que la transmission vectorielle n’est pas forcément exclusive
d’autres modes de transmission, notamment directe (Lefèvre, 2003 b)
La fièvre de la vallée du Rift est transmise par une grande variété de moustiques et
touche de nombreuses espèces animales domestiques, notamment les ruminants. Le virus de
la fièvre de la fièvre de la vallée du Rift appartient à la famille des Bunyaviridae, genre
Phlebovirus. Sur le plan clinique, la maladie se traduit par divers tableaux allant de d’une
septicémie rapidement mortelle chez les jeunes à une infection inapparente et une virémie
transitoire, en passant par des avortements qui sont la règle chez les bovins lors d’une
épizootie. L’importance de la maladie tient surtout au fait qu’elle s’est révélée une zoonose
majeure particulièrement meurtrière au cours de deux épidémies, l’une en Egypte en 1977-78
et l’autre en Mauritanie le long du fleuve Sénégal en 1987. Ce dernier épisode est
particulièrement démonstratif car associé à un bouleversement écologique dû à la mise en eau
d’un barrage sur le fleuve Sénégal. Au cours de la dernière épidémie, le nombre de morts a
été estimé entre 200 et 300 pour la seule région de Rosso. Si pour les animaux, la
transmission vectorielle est la plus fréquente, la transmission à l’homme se fait par contact
direct avec les animaux (lors de la manipulation de produits souillés, viande, sécrétions
nasales, avortons, …). Des foyers ont été détectés par la suite au Sénégal en 1998, 1999, et
une suspicion en 2001. La fièvre de la vallée du Rift fait partie des maladies surveillées par le
Système National de Surveillance Epidémiologique, et des enquêtes sérologiques sont menées
sur des troupeaux sentinelles situés dans le Delta et la vallée du fleuve Sénégal. La lutte
contre les vecteurs étant illusoire, seule la vaccination des animaux domestiques peut prévenir
l’apparition des épizooties et, par voie de conséquence, celle des épidémies. Des vaccins à
virus vivants ou inactivés sont disponibles. Dans les régions où la maladie est enzootique, les
vaccins à virus vivant modifié sont préférables en raison de leur moindre coût (Lefèvre, 2003
a). Au Sénégal, leur utilisation reste rare.
84
La peste équine sévit régulièrement. Cette maladie, due à un Orbivirus transmis par des
arthropodes hématophages du genre Culicoïdes, se caractérise par une évolution grave, le plus
souvent mortelle. Elle n’affecte que les équidés ; le cheval est de loin le plus sensible, l’âne
est souvent porteur asymptomatique. Chez le cheval, elle provoque des troubles fébriles
intenses associés à des atteintes sévères des fonctions respiratoires et cardiaques. Les taux de
morbidité et mortalité peuvent être variables mais restent importants : de 50 à 70% dans les
formes cardiaques, à plus de 90% dans les formes pulmonaires. La maladie est saisonnière ;
son évolution dans le temps est directement liée aux périodes d’activité des vecteurs en saison
chaude et humide, après la saison des pluies. Dans l’espace, elle est tributaire des zones de
pullulation des vecteurs, qui se rencontrent surtout dans les régions basses et humides
(marécages, bord des fleuves et cours d’eau). La prophylaxie médicale contre la peste équine
repose à l’heure actuelle sur l’emploi de vaccins à virus modifiés (Zientara, 2003). La
vaccination est obligatoire au Sénégal, mais la couverture vaccinale reste limitée.
b)Les maladies bactériennes
● Les maladies
bactériennes à transmission directe :
La péripneumonie contagieuse bovine (PPCB) est une maladie infectieuse, contagieuse,
affectant les bovins et les buffles domestiques, à évolution insidieuse et due à Mycoplasma
mycoides subsp. mycoides (SC). Les mycoplasmoses sont en règle générale des maladies
chronique à haute morbidité mais faible mortalité, et les porteurs sains jouent un rôle
prédominant dans l’épidémiologie. Ce sont par excellence des maladies de troupeaux ; il n’y a
apparemment pas de différence entre élevages intensifs et extensifs (Nicolet, 2003). La
transmission de la PPCB se fait exclusivement par voie aérienne. La contagion indirecte ne
joue qu’un rôle minime, voire nul. La contamination nécessite un contact étroit entre animaux
excréteurs et animaux sensibles, mais la durée de ce contact n’est pas nécessairement longue.
La PPCB se caractérise sur le plan clinique par une pleuropneumonie aiguë, suraiguë ou
subaiguë (Saint-Alme, 2004). Son impact économique est évident lors de contamination
récente et de l’évolution de foyers sous forme aiguë : mortalité, amaigrissement et baisse de
productions. Il est moins net dans les zones d’enzootie où la PPCB évolue sous forme
subclinique. Le contrôle de cette maladie et a fortiori son éradication reste complexe et tient
du défi, comme pour toutes les mycoplasmoses (Lefèvre, 2003 c). La PPCB est inscrite sur la
liste A de l’OIE. Malgré le fait que le Sénégal ne connaisse plus de foyer depuis 1977, la
maladie fait toujours l’objet d’une lutte collective via des campagnes de vaccination de masse
en partie subventionnées par l’Etat.
● Les maladies
d’origine hydro-tellurique :
La fièvre charbonneuse ou charbon bactéridien est une maladie infectieuse bactérienne,
affectant essentiellement les mammifères herbivores, pour lesquels elle est souvent mortelle.
Dans certaines conditions épidémiologiques, la maladie peut se transmettre à l’homme ; elle
est inscrite sur la liste B de l’OIE. La bactérie charbonneuse ou Bacillus anthracis est un
bacille. Le germe se présente sous deux formes : une forme végétative qui se développe dans
l’organisme réceptif et des spores, qui se forment hors de l’organisme et constituent la forme
de résistance (viabilité supérieure à 80 ans). Le cycle infectieux fait intervenir deux réservoirs
principaux : le sol (l’environnement au sens large) qui est la source des spores, et l’animal
(herbivore principalement). La maladie est transmise par l’herbe et l’eau souillés par les
produits infectieux. L’infection de l’herbivore est presque toujours fatale. La mort de l’animal
boucle le cycle : les cadavres, qui contiennent d’innombrables spores, souillent le sol et le
cycle peut recommencer.
85
Trois formes cliniques sont possibles. La forme suraiguë est observée surtout chez les bovins,
ovins et caprins. Son apparition est brutale et son évolution très rapidement mortelle. Les
animaux présentent des symptômes de congestion cérébrale et meurent en 2 à 3 h. Les formes
aiguës et subaiguës sont fréquentes chez les bovins, équins et ovins. On observe de la fièvre,
de l’inrumination, un état d’excitation suivi de dépression, des difficultés respiratoires, des
déplacements incoordonnés, des convulsions et la mort qui survient en moins de 72 h. La
forme chronique, enfin, apparaît surtout chez les espèces moins sensibles comme les porcs,
mais on la rencontre aussi chez les bovins, les chevaux et les chiens. Le symptôme principal
est l’œdème pharyngé et lingual ; on voit apparaître un jetage mousseux et hémorragique
d’origine buccale. Les animaux meurent souvent d’asphyxie. Le traitement généralement
recommandé consiste en une première injection de pénicilline suivie quelques heures plus
tard d’une injection d’antibiotique retard. En ce qui concerne les méthodes de prophylaxie,
l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a recommandé de prendre un certain nombre de
mesures lors de l’apparition d’un foyer de fièvre charbonneuse. Ces mesures concernent
notamment la destruction des cadavres d’animaux et la désinfection, décontamination et
traitement des matériels contaminés. Quant à la prophylaxie médicale, on utilise un vaccin
vivant à usage vétérinaire (Shlyakhov, Segev et Rubinstein, 2003).
Le charbon symptomatique affecte principalement les bovins et ovins,
occasionnellement les porcins et chevaux. Il est dû à des bacilles, principalement Clostridium
chauvoei seul ou en association avec C. septicum. C’est une maladie du pâturage, d’apparition
saisonnière. Les animaux sont contaminés par ingestion de spores sur les pâturages ; ces
spores peuvent résister pendant des années dans les sols, en particulier ceux riches en matière
organiques et ceux situés autour des points d’eau. Chez les bovins, la maladie affecte
principalement les animaux de 4 mois à 3 ans. Elle débute par l’apparition de tuméfactions
chaudes et douloureuses dans les muscles de la cuisse ou de la croupe. A la pression, ces
tuméfactions sont crépitantes en raison du gaz formé dans les tissus. L’état général est
profondément altéré avec des signes généraux : fièvre élevée, anorexie et abattement. Les
animaux présentent des boiteries sévères. La mort survient en 24 à 48 h. La prophylaxie est
principalement basée sur l’utilisation de vaccins à germes et/ou toxines inactivés (El-Idrissi,
2003).
Le botulisme est une grave intoxination, commune à l’homme et à de nombreuses espèces
animales. Elle est due à l’ingestion d’aliments imprégnés de toxine ou de spores de
Clostridium botulinum. Sous sa forme végétative ou mycélienne, le bacille possède une faible
résistance. Par contre, la spore de C. botulinum est l’une des plus résistantes parmi celles des
bactéries sporulées. La maladie se caractérise cliniquement par un syndrome neurologique
paralytique, évoluant rapidement vers la mort (deux à quatre jours pour la forme aiguë ou
suraiguë, cinq à quinze jours pour les formes subaiguës ou chroniques). La symptomatologie
générale est dominée par trois grands types de manifestations : les manifestations
paralytiques, sécrétoires et oculaires. Outre sa gravité et l’évolution fatale qui en découle,
l’importance de cette affection est aggravée par les pertes économiques qu’elle induit et son
caractère zoonotique. La toxine botulique est le principal élément pathogène ; c’est le poison
d’origine bactérienne le plus actif que l’on connaisse (Akakpo, 2003). La maladie affecte de
nombreuses espèces domestiques ou sauvages : herbivores (cheval, bovins, petits ruminants,
dromadaires, …), porcins, carnivores, oiseaux …En ce qui concerne les animaux, les sources
d’infection sont le milieu extérieur et le tube digestif des animaux vivants. Les phénomènes
de putréfaction des cadavres favorisent la germination de la spore ; la forme végétative libère
alors la toxine. Lorsque de petits animaux tombent dans un point d’eau ou que leur cadavre se
putréfie dans une réserve de grains ou de fourrage, ils entraînent la contamination de l’aliment
ou de l’eau. L’animal s’intoxique alors suite à l’ingestion de substances imprégnées de
toxines : eau de boisson, fourrages ou grains contaminés. Certains facteurs favorisent
86
l’infection : une alimentation déficiente entraîne un comportement alimentaire particulier des
animaux, le pica (léchage d’os, de pierres contaminés), qui serait à l’origine de
l’augmentation des cas de botulisme en élevage extensif (Doutre et Touré, 1978).
Le traitement de la maladie fait intervenir un traitement symptomatique, cependant inefficace
dès lors que les symptômes sont apparus, et un traitement spécifique reposant sur la
sérothérapie antitoxique instituée précocement. La prophylaxie médicale repose
principalement sur l’utilisation de l’anatoxine botulinique spécifique (Akakpo, 2003).
● Les maladies
bactériennes à transmission vectorielle :
Parmi elles, l’anaplasmose bovine est une maladie infectieuse, virulente, non
contagieuse. Elle est due à une rikettsie, transmise par des tiques et des diptères piqueurs
(taons, stomoxes). Les animaux réceptifs sont les bovidés et les cervidés. La maladie est
caractérisée par de la fièvre, une anémie progressive ; elle peut prendre une forme inapparente
ou évoluer sous une forme sévère vers la mort. En zone d’enzootie, les pertes par retard de
croissance sont insidieuses et difficiles à évaluer, mais représentent vraisemblablement des
sommes considérables (Camus et Uilenberg, 2003).
c)Les maladies parasitaires
● Les helminthoses :
Un inventaire des helminthes parasites des bovins (Vassiliades, 1978) et des petits
ruminants (Tillard, 1991) au Sénégal témoigne de la grande diversité des espèces rencontrées.
Parmi elles, les strongyloses digestives sont les plus répandues au Sénégal. Elles se
traduisent par des troubles gastro-entéritiques avec une diarrhée persistante conduisant à un
état d’anémie et de maigreur extrême ; dans les cas les plus graves, la maladie peut être
mortelle. C’est dans les zones sahélienne, sahélo-soudanienne et soudanienne nord que ces
parasitoses sévissent avec la plus grande gravité et sont en partie responsables de la plupart
des cas de mortalité enregistrés chez les veaux. Ces cas surviennent en fin de saison sèche, en
raison de l’extrême faiblesse des animaux consécutive à une longue période de disette, et au
début de l’hivernage lors de la recrudescence du parasitisme causée par des infestations
nouvelles (Vassiliades, 1978). En plus de cette action directe, ces parasitoses ont une
influence défavorable sur la croissance et les productions animales, difficile à apprécier mais
certainement sous-estimée.
D’autres helminthes causent le teniasis et la cysticercose musculaire ; cette dernière est à
l’origine de perte en viandes bovines qui sont saisies à l’abattoir.
Enfin, on trouve également des parasites du type « trématode ». La distomatose est liée à la
présence de la grande douve, Fasciola gigantica, dans les canaux biliaires du foie : cela
entraîne un ictère, des troubles généraux avec maigreur et anémie, ce qui a pour conséquence
une dépréciation importante de leur valeur commerciale. On trouve traditionnellement la
grande douve dans deux foyers majeurs (Vassiliades, 1978) : l’un au Nord dans le Delta du
fleuve Sénégal et autour du lac de Guiers, l’autre au Sud dans la région de Kolda. Cette
répartition est liée à celle du mollusque hôte intermédiaire : la limnée. La schistosomose se
rencontre classiquement dans deux grandes zones : au Nord, la région de Saint-Louis, à l’Est
et au Sud-Est les régions de Tambacounda et Kolda. En effet, c’est dans ces zones que les
conditions écologiques sont les plus favorables aux mollusques qui sont les hôtes
intermédiaires, et ce notamment grâce à la présence d’eau douce pendant toute ou une partie
de l’année (Diaw et Vassiliades, 1987).
Il est intéressant de noter un importante extension des trématodoses du bétail après la
construction des barrages dans le bassin du fleuve Sénégal, notamment après la mise en
87
service du barrage de Diama (1985-86) et la multiplication des aménagements hydroagricoles. Les taux d’infestation ont augmenté au niveau des anciens foyers, et parallèlement,
à partir de 1989-90, de nouveaux foyers sont apparus (Diaw et al., 1998).
● Les protozooses
:
La trypanosomose est une maladie parasitaire provoquée par des protozoaires
appartenant au genre Trypanosoma, qui se multiplient dans le plasma sanguin, la lymphe et
divers organes des mammifères. Au Sénégal, dans la zone de Kolda, la plupart des affections
sont dues à Trypanosoma congolense (Seck et al., 2002). La transmission à l’hôte mammifère
se fait par l’intermédiaire d’un vecteur, la glossine, chez laquelle le parasite effectue une
évolution cyclique plus ou moins complexe avant d’être transmis à l’hôte définitif par piqûre.
Il semble que les vecteurs ne transmettent les trypanosomes qu’à l’intérieur des troupeaux ; ce
sont de mauvais vecteurs entre troupeaux, à moins que ceux-ci ne soient très proches, ce qui
peut se produire par exemple sur des points d’abreuvement communs en saison sèche
(Cuisance et al., 2003). Le type d’affection trypanosomienne varie selon l’agent pathogène en
cause et l’espèce infectée. Après une période d’incubation qui varie d’une à quelques
semaines, la maladie évolue par accès ou « crises ». Dans les formes suraiguës, le premier
accès est mortel ; dans les formes aiguës, on observe plusieurs accès qui vont en s’aggravant,
et la mort survient en 7 à 8 semaines. Enfin, dans les formes chroniques, les accès sont légers
et séparés par de longues périodes apparemment « silencieuses ». L’amaigrissement est un
symptôme presque constant à une période avancée de la maladie. Dans sa phase ultime,
l’animal meurt dans un état de maigreur extrême. De plus, on rencontre fréquemment dans les
formes chroniques des avortements, un tarissement de la sécrétion lactée, une stérilité chez les
mâles, des retards de croissance, une faiblesse au travail (Itard et Frézil, 2003). Une étude sur
l’impact économique des trypanomoses animales en Afrique subsaharienne a montré des
coûts directs importants : taux de vélage réduit de 1 à 12% chez les trypanotolérants et de 11 à
20% chez les bovins sensibles ; taux de mortalité augmentés de 0 à 10% chez les premiers et
de 10 à 20% chez les seconds. Les coûts indirects sont liés à une plus faible utilisation des
terres infestées par les tsé-tsé (Itard et al., 2003).
La trypanotolérance est l’aptitude à vivre et à rester productive dans des zones infestées
par des glossines (Authié et al., 2003). C’est un phénomène qui s’observe chez les animaux
sauvages en contact permanent, depuis des milliers d’années, avec les glossines et leurs
trypanosomes, mais aussi chez les taurins d’Afrique occidentale (notamment les Ndama de
Casamance). On la rencontre également chez certaines races d’ovins et caprins de petite taille
(moutons et chèvres Djallonkés, chèvres guinéennes, chèvres de Casamance). Les races
trypanotolérantes sont également résistantes à d’autres parasitoses comme, par exemple, les
infestations à tiques et les maladies dues aux acariens. En revanche, les zébus et la plupart des
ovins, caprins et équins sahéliens sont trypanosensibles et peuvent succomber à la maladie, de
même que les espèces ou races d’animaux importés. La gravité des symptômes ou la
fréquence des rechutes chez ces animaux, sera fonction de leur état général, notamment en
saison sèche, époque où l’alimentation est insuffisante en qualité et quantité. Les animaux
infectés pendant la saison sèche pourront surmonter leur infection au cours de la saison des
pluies grâce à une alimentation plus abondante. Les produits de première génération, issus de
croisements entre zébus et taurins conservent un degré de trypanotolérance, intermédiaire
entre celui des parents (comme par exemple les produits de Gobra et N’Dama).
Les moyens de lutte contre les trypanosomoses peuvent concerner les vecteurs
(programmes de contrôle ou d’éradication, mettant en œuvre des méthodes telles que la lutte
écologique, biologique, génétique ou mécanique, ou des méthodes chimiques) ou les parasites
(utilisation de médicaments chimiques à activité curative, qui visent à limiter les pertes
occasionnées par ces affections ; d’autre part, en l’absence de méthodes de protection faisant
intervenir des phénomènes immunitaires, l’emploi de médicaments à activité préventive
88
assure, sous certaines conditions, la protection des animaux susceptibles de contracter
l’affection ; Cuisance et al., 2003).
Parmi les babésioses animales, les babésioses bovines sont celles qui ont les plus grandes
conséquences économiques. On s’y attachera donc plus particulièrement. Ces maladies sont
dues à des protozoaires parasites intra-érythrocytaires appartenant à quatre espèces du genre
Babesia. En zone tropicale on ne rencontre que B. bovis et B. bigemina. Chez les bovins, ces
protozoaires ont un vecteur commun : la tique Boophilus microplus, mais d’autres espèces de
tiques sont aussi incriminées dans la transmission. Bien que les pertes économiques dues aux
babésioses soient toujours décrites comme considérables, peu de données chiffrées sont
disponibles. Cependant, suite aux études menées en Argentine, au Mexique ou en Australie,
on peut estimer les pertes annuelles dues aux tiques et aux maladies transmises par celles-ci à
5 dollars américains par tête. Dans certains cas, les coûts supplémentaires (liés à la mise en
quarantaine et la lutte contre la propagation de la maladie) sont plus importants que ceux
attribués directement à la maladie. La présence de la maladie constitue aussi un obstacle
important à l’introduction de races bovines plus productives.
Les babésioses se présentent sous différentes formes, d’une forme suraiguë à des infections
bénignes. Les premiers signes de la maladie apparaissent 8 à 16 jours après que les tiques
infectées ont commencé à se nourrir. La température rectale et le taux de parasitémie
augmentent en parallèle. Les animaux infectés sont apathiques, anorexiques ou leur poil se
hérisse. L’hémoglobinémie et l’hémoglobinurie, suivies d’un ictère apparaissent alors,
conjointement avec d’autres symptômes tels que constipation, déshydratation, tremblements,
faiblesse, prostration. On observe fréquemment des signes d’atteinte cérébrale.
La prophylaxie médicale au Sénégal fait principalement intervenir la chimiothérapie et la
chimioprophylaxie (essentiellement à base de diminazène et d’imidocarbe). Cependant il
semble que la vaccination soit considérée aujourd’hui comme l’un des procédés qui offre les
meilleures perspectives dans la lutte contre les babésioses bovines. Par ailleurs, l’utilisation
d’une stratégie de lutte contre la tique vectrice (par application d’acaricides sur les animaux)
est aujourd’hui entravée par la généralisation de la résistance des tiques aux acaricides
(Figueroa et Camus, 2003).
89
Conclusion
L’élevage sénégalais s’inscrit donc dans un cadre géographique marqué sur le plan
climatique par des contraintes pluviométriques majeures et sur le plan démographique par un
phénomène d’urbanisation croissante. Dans cet environnement coexistent des systèmes
d’élevage complexes, variés, et en pleine mutation. Les éleveurs voient leurs troupeaux
exposés à des pressions sanitaires diverses et variables selon le biotope ou le mode d’élevage.
Et malgré les progrès réalisés depuis la mise en place des services vétérinaires sous l’ère
coloniale, la santé animale constitue toujours aujourd’hui un facteur limitant pour le
développement de l’élevage au Sénégal.
Au vu de l’importance qu’occupe la santé des troupeaux pour les éleveurs, et suite aux
changements du système vétérinaires initiés par la privatisation, il convient de s’interroger
maintenant sur l’état et le fonctionnement du système de santé animale actuel.
90
91
III.SYSTÈME
DE
SANTÉ
ANIMALE :
D’ACTEURS ET RÉALITÉS DE TERRAIN
PRATIQUES
Après avoir vu le contexte global dans lequel s’inscrit l’élevage sénégalais, on
s’intéressera maintenant au système de santé animale, ses caractéristiques et son
fonctionnement. Pour ce faire, nous nous appuierons sur des données bibliographiques, mais
aussi sur nos propres observations. Celles-ci ont été formulées à partir d’enquêtes que nous
avons effectué sur le terrain, et dont le protocole24 est détaillé en préambule.
Le concept de « système de santé » est couramment utilisé en santé humaine. Un tel
concept fait appel à une approche systémique du réseau de santé, ce qui permet de resituer ce
dernier dans un cadre plus large et de mieux en appréhender la complexité. La logique
systémique associe, rassemble, et permet de mieux comprendre un ensemble complexe, en
s’intéressant tout particulièrement aux liaisons et interactions entre les différents éléments
constitutifs.
En matière de santé animale, Bonnet et al. (2002) définissent le système de santé comme
« l’association de prestataires fournisseurs de services sanitaires, de clients (éleveurs) et
d’acteurs institutionnels régulant le système (en assurant partiellement son financement et en
définissant les règles). Ces trois éléments du système sont reliés par des flux financiers, des
flux physiques et des flux d’information ».
On examinera donc successivement les différents éléments du système de santé
animale, c’est-à-dire les acteurs en présence, puis le fonctionnement à travers trois exemples
précis, et enfin les interrelations unissant les protagonistes.
A.Des acteurs multiples
Pour Gobatt (2001), « les systèmes de santé existent par l’intermédiaire des Etats, des
partenaires bailleurs, du personnel de santé et des populations qui les mettent en place, les
font vivre, les adaptent ou les réinventent ». Cet aspect dynamique du comportement de ces
protagonistes fait d’eux bien plus que de simples éléments du système : ils en sont acteurs.
1.Les éleveurs
L’étude de la SONED (1999) souligne l’omniprésence de l’élevage pour les familles
sénégalaises : l’élevage est pratiqué par 68 % d’entre elles. Si l’élevage est présent dans la
quasi-totalité des ménages ruraux (90%), il est important de noter la place importante qu’il
occupe malgré tout en zone urbaine (26% à Dakar et 52% dans les autres centres urbains).
Nous avons vu précédemment la grande variété et le caractère évolutif des modes d’élevage
au Sénégal. Les « éleveurs » ne constituent donc pas une catégorie homogène, mais présentent
cependant des caractéristiques communes. Au sein du système de santé, ils jouent un rôle de
premier ordre : ce sont les consommateurs de l’offre de santé animale. De plus ce sont les
premiers détenteurs de l’information à la base. Fins connaisseurs de leurs troupeaux, ils sont
24
Durée d’enquête : 3 mois. Echantillon = acteurs des différentes catégories professionnelles (29 vétérinaires
privés, 25 agents de poste vétérinaire, 7 inspecteurs régionaux, 9 départementaux, 10 auxiliaires, organisations
professionnelles, 20 éleveurs, 5 groupes d’éleveurs.
Les questionnaires sont détaillés en Annexe I et II.
92
les premiers à détecter les maladies éventuelles, et ont à ce titre un rôle tout particulier à jouer
dans la surveillance épidémiologique.
Les éleveurs peuvent être étudiés à titre individuel, mais peuvent aussi constituer des
catégories d’acteurs différenciées lorsqu’ils se ressemblent en groupements ou prennent le
statut d’auxiliaire à l’issue d’une formation.
a)Les groupements d’éleveurs
Les éleveurs se rassemblent au sein de différents groupements, aujourd’hui très
nombreux au Sénégal. Les organisations d’éleveurs peuvent être classées par échelles
d’intervention : faîtières (action au niveau national), régionales (action au niveau d’une région
ou d’un ensemble de régions), locales (action au niveau de la commune, communauté, village
ou autres rassemblements).
Les Organisations Professionnelles d’éleveurs et de pasteurs sont des acteurs-clés de la
nouvelle approche prônée par le Gouvernement d’Abdou Diouf ; elles sont devenues actives
dès les années 1980 et surtout à partir de la première moitié des années 90 (20 ans après la
naissance des « organisations paysannes » sous Senghor). Elles constituent une forme
collective du secteur privé qui apparaît aujourd’hui comme centrale dans les discours sur le
développement (Castaneda, 2004).
Le concept d’Organisation Professionnelle reste assez flou tant au niveau de la
littérature qu’au niveau de l’application. On pourra l’entendre ici comme un « rassemblement
des acteurs, en majorité éleveurs et pasteurs, autour de l’élevage comme production pour
coordonner une action collective, un groupe officiellement reconnu » (Castaneda, 2004).
Ces organisations sont très hétérogènes. Leur échelle d’intervention et de représentation varie
(Annexe VIII), tout comme leurs objectifs. La plupart des organisations d’éleveurs affichent
des objectifs de type économique qui cherchent à satisfaire des besoins comme : les activités
techniques pour la modernisation de l’élevage, l’accès aux services vétérinaires, l’accès au
crédit, la mise en place d’unités de transformations laitières. Ces objectifs économiques sont
souvent accompagnés d’objectifs de représentation, pour la défense des intérêts du groupe. A
l’échelle locale, ces objectifs ne sont pas exprimés nettement. Par contre, à l’échelle régionale
et nationale, les organisations professionnelles se présentent comme des organisations de
contestation affichant clairement à travers leurs multiples objectifs celui de se faire
représenter (Castaneda, 2004).
Interlocuteurs privilégiés de l’Etat, elles ont un rôle majeur à jouer pour faire entendre la voix
des éleveurs dans les processus d’élaboration des politiques. Ainsi, c’est par exemple au
Directoire National des Femmes en Elevage et aux représentants des Maisons des Eleveurs
que la Direction de l’élevage fait appel lors des cadres généraux de concertation entre acteurs
de la santé animale.
b)Les auxiliaires d’élevage
Le concept d’auxiliaire d’élevage fait écho aux anciens « scouts vétérinaires » ou
« infirmiers d’élevage » de la période coloniale. Dans les années 1970, on les retrouve sous la
dénomination de « vaccinateurs ». Formés par les agents de l’Etat, des projets ou des ONG
tout au long des quatre dernières décennies, nombreux sont les éleveurs que l’on désigne
aujourd’hui sous des vocables variés (« agents communautaires vétérinaires », « agents
vulgarisateurs de base », …) et qui consacrent une partie de leur activité à la santé animale.
Selon Bonis Charancle (1994), l’auxiliaire est « un éleveur auquel est dispensée une
93
formation qui le rend apte à reconnaître et traiter quelques unes des principales pathologies
animales présentes dans la région ».
La formation des auxiliaires au Sénégal s’est amorcée dès 1976, lorsque le PDESO (Projet de
Développement de l’Elevage au Sénégal Oriental) a formé des « agents de vulgarisation
d’élevage » destinés à intervenir dans le domaine de la santé animale (vaccination, soins), la
supplémentation des troupeaux en période de soudure, le suivi des troupeaux et le conseil en
zootechnie (Bergassoli, 1986). Depuis, de nombreux projets et ONG25 se sont impliqués dans
la formation d’auxiliaires d’élevage. Selon Niang (2004), le nombre des auxiliaires au
Sénégal en 2003 serait de plus de 2000. Il semble aujourd’hui que la plupart de ces auxiliaires
se soient détachés de leur cadre de formation et opèrent à titre privé. Ils interviennent aussi en
tant qu’assistants des professionnels lors de la campagne de vaccination, agents
communautaires (soins, vaccination, conseil), et tiennent une place importante dans le réseau
de distribution des médicaments vétérinaires (Youm, 2002).
Martin et Domenech (1998, cités par Youm, 2002) conçoivent l’auxiliaire comme
étant « un éleveur recevant une formation adéquate lui permettant d’effectuer des soins et
certaines vaccinations dans des conditions précisées par les textes réglementaires ». Ces
dernières restent floues pour l’instant et la législation sénégalaise ne mentionne nulle part les
auxiliaires d’élevage. Il existe différentes conceptions de la place et du rôle, et tout
particulièrement de leur lien avec les éleveurs. Dans certains cas, l’auxiliaire est conçu
comme une fonction d’un ou de plusieurs membres d’un groupement d’éleveurs, dans
d’autres cas, l’auxiliaire est plutôt conçu comme un opérateur privé de type individuel, voire
comme un opérateur au service d’un vétérinaire privé (Mestre, 1994). Ces deux aspects
coexistent aujourd’hui au Sénégal.
Sous un même principe, se cache une grande diversité. Autour de la définition centrale, de
nombreuses variantes existent :
- leur formation26 : le lieu (centralisée à la ville, ou au village), le formateur (vétérinaire
privé, agent public, …), la durée (de quelques jours à deux mois), le contenu (santé
animale et/ou production animale, thèmes abordés en santé animale, gestes techniques
enseigné,…) ;
- l’éleveur formé peut avoir été désigné par la collectivité, rattaché à un groupement,
avoir postulé de son propre chef, … ;
- il y a des limites variables à ses activités : autorisation pour faire certains gestes
techniques, zone d’activité, … ;
- reconnaissance officielle ou simple tolérance ;
- l’auxiliaire peut agir bénévolement pour la collectivité, recevoir une indemnité fixe ou
percevoir une marge sur chaque médicament qu’il vend ;
- il est plus ou moins contrôlé dans l’exercice de ses fonctions.
Il n’existe pas de diplôme officiel délivré aux auxiliaires sénégalais ; au mieux, l’organisme
formateur leur délivre une attestation.
Les auxiliaires d’élevage, par leur nombre et leur proximité avec les éleveurs, constituent
aujourd’hui au Sénégal une catégorie importante d’acteurs de santé animale. Cependant,
celle-ci regroupe des intervenants aux profils hétérogènes et mal définis, qui interviennent
dans un cadre réglementaire flou tendant − sinon à nier leur existence − à les marginaliser.
2.Les prestataires de services privés
25
Par exemple : la DIREL par l’intermédiaire du PNVA a formé 35 auxiliaires, la SODEFITEX, 227, mais aussi
la SAED, l’Eglise Evangélique Luthérienne, VSF, …
26
L’hétérogénéité de la formation des auxiliaires a été étudiée dans la zone sylvo-pastorale par Youm en 2002.
94
a)Les docteurs vétérinaires
Le diplôme d’Etat délivré par une école vétérinaire leur donne le titre de « docteur
vétérinaire » et leur confère de manière explicite et conformément aux usages internationaux
l’aptitude d’exercer la médecine, la chirurgie et la pharmacie vétérinaires.
Après la privatisation, les attributions du vétérinaire exerçant en clientèle privée sont (Niang,
2004) :
- la pratique de la médecine, chirurgie et pharmacie vétérinaire
- la délivrance de certificats sanitaires officiels pour des actes accomplis dans l’exercice
de leur clientèle
- la zooprophylaxie collective grâce au mandat sanitaire.
Les Docteurs vétérinaires peuvent exercer à titre privé après en avoir fait la demande auprès
de la Direction de l’Elevage. Leur nombre s’élevait à 148 en 2003 (Niang, 2004).
Les vétérinaires privés sont installés le plus souvent dans un « cabinet vétérinaire », et
emploient un ou deux salariés, qui les assistent dans la vente des médicaments au cabinet et
dans les actes de soins et les tournées sur le terrain. Ces salariés sont des agents techniques,
mais aussi très souvent des parents ou amis formés par le vétérinaire directement. Ils
emploient du personnel supplémentaire lors des campagnes de vaccination, agents techniques
d’élevage (ATE) ou auxiliaires, qui est payé « à la tâche » en fonction du nombre de têtes
vaccinées.
Figure 28 : Clinique vétérinaire à Dakar
Le chiffre d’affaire mensuel des cabinets varie entre 1 et 5 millions de F CFA27 (Niang, 2004);
les variations saisonnières du chiffre sont très marquées (creux en hivernage pour les cabinets
du bassin arachidier, en saison sèche pour la zone pastorale). Les vétérinaires des grands
centres urbains connaissent une activité plus régulière. La composition du chiffre d’affaire
laisse voir la forte dépendance des cabinets envers la vente de médicaments (80% du chiffre).
Les revenus dégagés par la rémunération des vaccinations effectuées dans le cadre du mandat
sanitaire constitue pour de nombreux vétérinaires une « bouffée d’oxygène » et intervient
pour 10 à 15% dans leur chiffre d’affaire. Les vétérinaires sont nombreux à diversifier leur
27
Soit entre 1500 et 7 600 € environ
95
activité (figure 28) pour atténuer les variations saisonnières et augmenter le chiffre d’affaire :
vente d’aliments du bétail, production animale (embouche bovine ou ovine, aviculture), ou
activités diverses : quincaillerie, transport, petit commerce, …
Les sorties des vétérinaires sur le terrain varient fortement selon les cabinets et le
dynamisme du vétérinaire. On déplore souvent le manque de présence sur le terrain des
vétérinaires, qui souvent ne se déplacent vers les élevages que durant la campagne de
vaccination, ou parfois d’ailleurs ne s’y déplacent pas. Dans certains cabinets, la présence du
vétérinaire est virtuelle : se consacrant essentiellement à ses « affaires », il s’absente souvent ;
parfois même, il s’est expatrié, confiant la gestion du cabinet à son « bras droit ». Le
PACEPA notait en 2003 que « la présence effective des vétérinaires sur le terrain dans le
cadre de l’exercice d’une pratique vétérinaire quotidienne est faible. Ce constat n’est pas
anodin. En effet, il conforte l’appréciation de certains sur l’activité du secteur privé qui est
jugée purement mercantile » (PACEPA, 2003 b).
b)Les paraprofessionnels vétérinaires
Ce vocable, utilisé par Léonard et al. (2002), s’applique à « tous les travailleurs en
santé animale qui n’ont pas de qualification universitaire, en d’autres termes, qui ne sont pas
vétérinaires ». Il désigne les ingénieurs des travaux d’élevage, les agents techniques d’élevage
et les auxiliaires d’élevage.
Les diplômés de l’Ecole Nationale des Cadres Ruraux de Bambey (Ingénieurs des travaux
d’élevage ou ITE) ou du Centre National de Formation des techniciens de l’élevage et des
industries animales de Saint-Louis (Agents techniques d’élevage ou ATE) s’installent en
clientèle après avoir émis une « demande d’autorisation d’exercer les soins infirmiers
vétérinaires à titre privé » auprès de la Direction de l’élevage (Niang, 2004). Pour être
valable, l’autorisation doit être renouvelée chaque année. Quant aux auxiliaires d’élevage, les
textes réglementaires ne mentionnent pas leurs conditions d’exercice. Seuls les
paraprofessionnels diplômés peuvent faire une demande d’exercice privé.
L’autorisation précise les restrictions relatives à « l’exercice des soins infirmiers
vétérinaires » :
- les limites géographiques de la zone d’exercice (communauté rurale),
- l’exercice des soins se fait « sous contrôle » du Docteur vétérinaire le plus proche, ou
de l’Inspecteur Régional ou Départemental des Services Vétérinaires,
- le contrôle se rapporte plus particulièrement à l’approvisionnement et la détention des
médicaments vétérinaires,
- la vaccination contre la peste et la péripneumonie contagieuse des bovidés, ainsi que la
délivrance de certificats sanitaire et de salubrité relèvent « exclusivement de la
compétence des services vétérinaires ».
Malgré une présence que l’on peut supposer importante sur le terrain, on ne dispose que de
peu d’informations sur le nombre d’agents et ingénieurs exerçant à titre privé ; ils ne font pour
l’instant l’objet d’aucun recensement.
Le chiffre d’affaire mensuel de leurs structures est évalué à 2 millions de F CFA 28 (Niang,
2004).
c)Les acteurs extra-légaux
28
3 000 € environ
96
Nombreux sont les opérateurs de santé animale qui exercent aujourd’hui hors du cadre
légal. Il peut s’agir d’acteurs diplômés (ITE ou ATE) qui exercent les soins vétérinaires ou
vendent des médicaments sans avoir demandé d’autorisation d’exercer auprès de la DIREL,
ou dont l’autorisation n’est plus valable. Il peut également s’agir d’auxiliaires qui se sont
détachés de l’organisme qui les employait et travaillent à titre privé en exerçant des soins de
base, revendant des médicaments. Certains éleveurs sans formation aucune se livrent aussi à
ces pratiques en s’autoproclamant « auxiliaires ». Enfin, des commerçants divers (vendeurs de
bétail, mais pas seulement) vendent des médicaments sur les marchés, parfois dans leurs
boutiques alors que la distribution des produits vétérinaires est réservée aux pharmaciens et
vétérinaires.
d)Les praticiens traditionnels
Ceux que l’on appelle « guérisseurs », « praticiens traditionnels », « tradipraticiens »
jouent un rôle important dans le système de santé animale. En circulant en brousse, en
interrogeant les éleveurs, ou en discutant avec les divers prestataires de service privé, on
prend conscience de la place qu’occupe cette médecine dite « traditionnelle » dans
l’environnement quotidien des éleveurs. Les « guérisseurs » sont au plus proche des
troupeaux, et constituent souvent le premier interlocuteur de l’éleveur en matière de santé
animale. Ils conseillent, « soignent », ou « guérissent ».
Par « médecine traditionnelle », on pourra entendre « combinaison globale de connaissances
et de pratiques, explicables ou non, utilisées pour diagnostiquer, prévenir ou éliminer une
maladie, et pouvant se baser exclusivement sur l’expérience et les observations anciennes
transmises de génération en génération » (Sofowora, 1996). Le guérisseur traditionnel est
défini par Sofowara (1996) comme « une personne reconnue par la communauté dans laquelle
elle vit comme compétente pour procurer des soins de santé en utilisant des substances
végétales, animales et minérales, ainsi que d’autres méthodes ». Mathias et Mc Corkle (2004)
utilisent le même type de définition au profit de la santé animale, en soulignant que les
guérisseurs sont des « gens dont la profession est de traiter hommes ou animaux dans le but
de leur permettre de recouvrer la santé (…) Leurs compétences dans le domaine de la
médecine traditionnelle sont reconnues par la communauté (ou la région) dans laquelle ils
vivent ». Malgré le rôle central des femmes dans les soins prodigués aux animaux (pour
l’élevage des petits ruminants ou l’élevage laitier par exemple), la littérature ne s’est que peu
attardée sur leurs pratiques (Mathias et McCorkle, 2004). Souvent, les praticiens traditionnels
délivrent leurs services à la fois aux humains et aux animaux. Pour ces derniers, le domaine
d’intervention touche à la santé ou aux productions animales. La clientèle est d’abord
composée de la famille, des amis, des membres de la communauté ethnique ou villageoise.
Mais les praticiens traditionnels élargissent souvent leur clientèle aux villages voisins et se
déplacent jusqu’à eux (Mathias et McCorkle, 2004).
Alors que Ly (2000) affirme que peu d’éleveurs au Sénégal semblent avoir recours
aux tradipraticiens, nos entretiens nous mèneraient plutôt à penser que les praticiens
traditionnels constituent encore souvent un interlocuteur de choix pour les éleveurs. Ces
derniers nous ont mentionné avoir recours aux guérisseurs pour une grande palette de
problèmes de santé animale : maladies, mais aussi fractures ou problèmes obstétriques. Les
agents d’élevage que nous avons rencontré nous ont confirmé l’importance que tenaient
aujourd’hui les praticiens traditionnels. Il nous est difficile de donner une estimation chiffrée
des recours à la médecine traditionnelle. Fassin (1992) a souligné la complexité des enquêtes
ayant trait à la médecine traditionnelle et le mystère qui entoure ces pratiques. Le recueil
d’informations est délicat et l’appréciation quantitative des recours est souvent sous-estimée.
D’une part parce que l’aveu de l’utilisation de la médecine traditionnelle fait l’objet de
méfiance pour l’enquêté, et d’autre part parce que les questions sont souvent mal posées par
97
l’enquêteur, voire n’ont parfois aucun sens. La médecine vétérinaire traditionnelle au Sénégal
a été étudiée par Toigbe (1978) ou Bâ (1982). Bâ (1996) soulignait que les savoirs populaires
en matière de soins aux animaux portaient à la fois sur la santé (aspects préventifs et curatifs)
et la production animale (augmentation de la production laitière). Ces médecines font appel à
une gamme d’outil variés : utilisation des plantes, du feu, mais aussi techniques chirurgicales
(castration) et pratiques magico-religieuses (Bâ, 1982). La pharmacopée sénégalaise a fait
l’objet en 1973 d’une étude détaillée. Beaucoup des plantes décrites dans cette étude par
Kerharo et Adam (1974) sont, selon Bâ (1982) ou Toigbe (1978), utilisées par les
tradipraticiens vétérinaires. Parmi elles, certaines ont fait l’objet de travaux scientifiques
permettant de les qualifier de « plantes médicinales »29.
3.Les acteurs du service public : la Direction nationale de
l’Elevage (DIREL)
Il a fallu attendre l’arrêté du 5 juin 2000 portant organisation de la Direction de
l’Elevage (Annexe VIII) pour voir précisées les attributions de la Direction de l’Elevage et les
modalités d’organisation des Services dans le nouveau contexte de privatisation ; le précédent
arrêté datait de 1987. Entre ces deux périodes, les nouvelles prérogatives et les changements
opérés au sein de la Direction dans le cadre de la privatisation n’étaient pas formalisés.
Le personnel de la DIREL est de qualification variée (ATE, ITE, Docteurs vétérinaires) et
évolue au sein d’une structure strictement hiérarchisée ; les docteurs vétérinaires sont placés
au sommet de la pyramide. Les vétérinaires officiels exercent aujourd’hui des missions
centrées sur (Niang, 2004) :
- la formulation et la mise en œuvre des politiques,
- la santé publique vétérinaire,
- la gestion et la préservation des ressources naturelles,
- la recherche, l’enseignement et la formation,
- la zooprophylaxie collective,
- le suivi de l’exécution du mandat sanitaire,
- les haras nationaux.
La réorganisation de 2000 induit une dissociation fonctionnelle entre les activités de
productions animales et celles de santé animale. Cette dissociation correspond à une véritable
révolution des modalités d’intervention de l’Etat dans le sous-secteur de l’élevage et elle
implique de sérieux efforts de coordination des fonctions et de circulation des informations
sur l’élevage (SONED, 1999).
A côté de l’organisation centrale (figure 29), la Direction comprend des structures
décentralisées :
● Les Inspections régionales des Services vétérinaires assurent les missions de contrôle et
d’application de la réglementation dans le domaine vétérinaire30. A leur tête, un docteur
vétérinaire est assisté ou non par des cadres subalternes.
●Les Inspections départementales des Services vétérinaires sont chargées d’assister les
Inspections Régionales dans la mise en œuvre de la politique de protection zoosanitaire et
d’hygiène publique vétérinaires, de promotion des productions animales, de développement
des organisations professionnelles et du pastoralisme. Elles ont pour mission d’assurer
29
Ce sont « toutes les plantes qui contiennent une ou des substances pouvant être utilisées à des fins
thérapeutiques ou qui sont des précurseurs dans la synthèse des drogues utiles» (définition formulée par l’OMS,
citée par Sofowora, 1996).
30
en particulier dans les domaines de la surveillance épidémiologique, la prophylaxie, l’hygiène publique
vétérinaire, le suivi de l’exercice privé de la médecine et de la pharmacie vétérinaire, l’inspection des denrées
alimentaires d’origine animale.
98
l’exécution des programmes de prophylaxie collective, l’inspection des denrées alimentaires
d’origine animales, l’application de la police sanitaire, la coordination du réseau
d’épidémiosurveillance. Elles sont gérées par un Ingénieur des travaux d’élevage et ses
assistants éventuels.
● Les postes vétérinaires : les Chefs de poste vétérinaire (ATE ou Infirmiers d’élevage)
assurent le travail de terrain : exécution des campagnes de prophylaxie (figure 30), inspection
des denrées animales, …
Le LNERV (Laboratoire National d’Elevage et de Recherches Vétérinaires) assure la
production de vaccins. Parallèlement au laboratoire national, et conformément aux
recommandations de l’OIE, la DIREL s’efforce de développer un réseau de laboratoires
régionaux (l’objectif annoncé est de doter chaque région d’un laboratoire, soit 11 au total ;
pour l’instant, la DIREL annonce 6 laboratoires fonctionnels).
Il est important de noter que derrière la structuration de la DIREL présentée sur la
figure 29 se cachent parfois des « coquilles vides ». Au sein des services centraux, certains
bureaux fantômes n’ont de bureau que le nom : bureau de la documentation, mais, plus grave
bureau du lait également. Les inspections départementales ont souvent un personnel réduit à
l’inspecteur lui-même, qui cumule les fonctions des différents services. Au niveau régional,
sur les 6 laboratoires annoncés, 5 sont en fait un local sans matériel ni technicien ; un seul est
fonctionnel, celui de Kaolack, pour qui l’inspecteur départemental assure les fonctions de
technicien de laboratoire.
99
DIRECTION DE L’ELEVAGE
Bureau de la législation et
de la réglementation
Bureau de la gestion et des
ressources humaines
Bureau du suivi évaluation
Bureau d’information et de
documentation
Secrétariat/Bureau du
courrier
Division des
Productions
Animales
Projets
Division Pastorale
Bureau du lait
Bureau du
cheval
Bureau de
l’aviculture et
des élevages
non
conventionnels
Bureau apicole
PACE
PAPEL
PACEPA
Bureau du suivi
des
Organisations
socioprofessionnelles
et du
développement
technique
communautaire
Division de
l’Hygiène
Publique
Vétérinaire
Division de la
Protection
Zoosanitaire
Bureau de la
surveillance
épidémiologique
Bureau de la
prophylaxie et de
la lutte contre les
zoonoses
Bureau de la
médecine et
pharmacie
vétérinaire
Bureau de
l’hygiène
alimentaire
Bureau de
l’assurance
qualité
INSPECTIONS REGIONALES DES SERVICES
VETERINAIRES (11)
Service administratif
et financier
Service des études et
de la programmation
Laboratoire régional
de contrôle et analyses
vétérinaires
Service pastoral
INSPECTIONS DEPARTEMENTALES DES
SERVICES VETERINAIRES (33)
Bureau des Services vétérinaires
Bureau des productions et industries
animales
Bureau des aménagements pastoraux et
fonciers
Bureau de la vulgarisation et du transfert
de technologies
Postes vétérinaires
Centre d’animation
pastorale
Figure 29 : Organigramme de la Direction de l'Elevage (d'après DIREL, 2004)
100
Figure 30 : Les Chefs de poste vétérinaire réalisent une part importante des campagnes de vaccination
4.Les organisations professionnelles du secteur vétérinaire
a)Les organisations de professionnels et paraprofessionnels vétérinaires
Les Docteurs vétérinaires sont les premiers à s’être rassemblés en 1965, au sein de
l’Association Nationale des Vétérinaires du Sénégal (ANVS). Cette dernière se voulait être un
cadre de concertation professionnelle et de communion familiale à tous les Docteurs
vétérinaires. En 1988, dans le contexte des changements institutionnels de la privatisation, des
Docteurs vétérinaires se regroupent pour créer le Syndicat des Vétérinaires Privés du Sénégal
(SYNPRIVET), qui veut promouvoir le développement de la profession vétérinaires et des
activités connexes (Gueye, 2003).
En 1967, deux organisations regroupent les ITE et ATE pour faire écho à l’ANVS. En
1992, à l’orée de la politique de départ volontaire, les ingénieurs et agents techniques décident
d’unifier leur force en créant le Syndicat des Travailleurs de l’Elevage. Ce syndicat assure des
fonctions de représentation, et lutte pour la défense des intérêts de la profession. Très
véhément, il constitue une importante force de contestation face aux politiques menées par la
Direction de l’élevage et l’Ordre des vétérinaires (Gueye, 2003).
b)L’Ordre des Docteurs Vétérinaires du Sénégal (ODVS)
L’ODVS est une institution à caractère semi-public auquel l’adhésion est obligatoire
pour les vétérinaires du secteur public comme pour ceux du privé, et dont les attributions sont
administratives et disciplinaires, géré par un « Conseil de l’Ordre ». La loi du 26 juin 1992
portant création de l’Ordre des Docteurs vétérinaires du Sénégal (Annexe IV) précise la
définition de l’exercice de la profession vétérinaire, et celle des compétences de l’ODVS.
La personne morale qu’est un Ordre des vétérinaires, à la différence d’un syndicat, est
astreinte à trois rôles conventionnels qui sont (Ly, 2001 ; cité par Gueye, 2003) :
101
-
un rôle administratif par la tenue réglementaire du Tableau de l’Ordre décrit par la
loi ;
- un rôle réglementaire par une veille sur le code de déontologie et par des propositions
ou initiatives pour l’amélioration de l’environnement juridique et légal de la
profession ;
- un rôle disciplinaire par le recours à une police vétérinaire et l’application d’une
discipline professionnelle.
L’Ordre des vétérinaires a été créé avec pour idée initiale aussi bien la régulation que la
défense des intérêts de la profession vétérinaire (Woodford, 2004). Mais il souhaite
aujourd’hui dépasser un niveau d’organisation corporatiste pour constituer un véritable cadre
normalisateur de la profession vétérinaire (Cisse, 1996).
Malgré un engagement timide de ses membres à ses débuts, l’Ordre suscite aujourd’hui un
réel intérêt dans la profession et fait l’objet d’un projet de renforcement de ses capacités
institutionnelles dans le contexte nouveau du marché des produits et services vétérinaires.
Woodford (2004) souligne le rôle que peut jouer une telle organisation pour développer au
sein du corps des vétérinaires la notion de professionnalisme qui lui fait défaut aujourd’hui.
De plus, l’attention croissante accordée à la privatisation des services vétérinaires implique
que les organismes de régulation tels que l’Ordre jouent pleinement leur rôle dans
l’établissement des standards, la régulation et les actions disciplinaires, en tenant compte des
paraprofessionnels.
Selon Woodford (2004), un des principaux challenges des organisations
professionnelles est la capacité à promouvoir l’intérêt collectif au-delà des intérêts
individuels. Cependant, si les acteurs réussissent à passer ces difficultés, de telles associations
peuvent devenir un important levier dans l’optimisation de l’utilisation des ressources.
5.Les organismes d’appui
a)Les projets
● Le
PACE (Programme Panafricain de Contrôle des Epizooties) a pris le relais du PARC qui
se terminait en 1999.
Créé sous l’égide du Bureau Interafricain des Ressources Animales de l’Organisation de
l’Unité Africaine (OUA-IBAR) pour une durée de 5 ans, le PACE intervient dans l’appui à :
- l’établissement des réseaux de surveillance épidémiologique des principales maladies
animales ;
- l’acquisition des capacités nécessaires à l’organisation du contrôle épidémiologique de
ces maladies ;
- au développement d’une distribution efficace et durable des produits et services
vétérinaires.
Le PAPEL (Projet d’appui à l’élevage) reste le seul grand projet de production animale. Il
intervient dans le domaine de la santé animale à travers la formation de vaccinatrices pour
lutter contre la maladie de Newcastle, et dans la rénovation des infrastructures rurales.
●
● Le
volet « élevage » du Programme Agricole 2001 intervient à travers des actions telles que
l’insémination artificielle, l’opération « sauvegarde du bétail », ou le marquage par tatouage.
Enfin, le volet élevage du PSAOP (Programme des Services Agricoles et d’Appui aux
Organisations Paysannes) entreprend de renforcer les missions de service public du Ministère
chargé de l’élevage, notamment l’amélioration de l’information zoosanitaire, l’amélioration
102
●
de la protection sanitaire des troupeaux et le renforcement de la privatisation de la médecine
vétérinaire (Gueye, 2003).
b)Les ONG
Elles sont nombreuses à intervenir dans le domaine de l’élevage. Pour la santé animale,
les ONG se sont souvent intéressées à la formation d’auxiliaires d’élevage, à la question de la
diffusion du médicament vétérinaire via la mise en place de pharmacies vétérinaires
villageoises. Parmi elles, Vétérinaires Sans Frontières et l’Eglise Evangélique Luthérienne se
sont plus particulièrement engagées dans la formation d’auxiliaires (Gueye, 2003).
103
B.Le fonctionnement du système de santé animale : du cadre
théorique aux pratiques de terrain
Après avoir vu les différents acteurs qui interviennent dans le système, il est possible
de mieux comprendre le fonctionnement du système vétérinaire. L’étude de trois exemples de
services (la distribution du médicament vétérinaire, les vaccinations et
l’épidémiosurveillance) nous permettra d’illustrer ce fonctionnement, de décrire quelques
unes des pratiques observées, de mettre en avant les difficultés rencontrées par ces acteurs, et
de voir à quel point la mise en application d’un cadre théorique est délicate sur le terrain.
1.La distribution du médicament vétérinaire
a)Le marché du médicament vétérinaire
Le marché mondial du médicament vétérinaire représentait en 1999 un minimum de
11,55 milliards de $, et connaît depuis 1994 une croissance moyenne de l’ordre de 1% par an.
Au sein de ce marché, l’Afrique ne représente que 3%, soit 182 millions de $ (figure 31). Au
Sénégal, le médicament vétérinaire représente un marché de 1,2 milliards de FCFA en 1999,
ce qui le place en quatrième place dans la zone UEMOA (Union Economique et Monétaire
Ouest-Africaine (Bâ, 2001 ; figure 32).
Lorsque l’on analyse la segmentation du marché au Sénégal par classe thérapeutique,
on peut voir que la tendance au Sénégal est identique à celle du marché africain dans sa
globalité : prépondérance des antiparasitaires, forte présence des antibiotiques et des vaccins
(figure 33). A l’image des pays sahéliens peu touchés par la trypanosomiase, la part des
importations de trypanocides au Sénégal reste marginale par rapport aux autres médicaments,
alors qu’en Côte d’Ivoire où la trypanosomiase exerce une forte pression sur les troupeaux,
les importations de trypanocides représentent 32% des importations totales de médicaments.
L’étude de la segmentation du marché par espèces est révélatrice de l’importance accordée
par les éleveurs aux différentes espèces pour les dépenses de santé animale. Le marché réel
des médicaments pour les ruminants représente 73,6% du marché total des médicaments
vétérinaires, de 1994 à 1999. La part des médicaments pour volailles a augmenté avec le
développement récent de l’aviculture, et représentait en 1999 17% du marché total (Bâ, 2001).
Le marché a connu une évolution en dents de scie durant ces dix dernières années.
L’influence de la dévaluation a entraîné un doublement de la valeur des médicaments de 1994
à 1995. Cependant, les importations ont été multipliées par un facteur 2,5 entre ces deux
années (Bâ, 2001). Fall (2003) voit dans ce phénomène un lien direct avec l’expansion de
l’installation des vétérinaires privés à partir de 1993.
104
17%
Amérique du Nord
35%
3%
Europe occidentale
4%
Amérique latine
Europe de l'Est
Afrique
13%
Asie
28%
Figure 31 : Marché mondial du médicament en 1999, % en valeur (d’après Vandaele, cité par Bâ, 2001)
3%
3%
4%
9%
Mali
Côte d'Ivoire
43%
Burkina Faso
Senegal
13%
Bénin
Togo
Niger
25%
Figure 32 : Composition du marché du médicament vétérinaire dans la zone UEMOA en 1999, % en
valeur (d’après Tchao, 2000, cité par Ba, 2001)
anticoccidiens
2%
antibiotiques
13%
vitamines
11%
antiparasitaire
44%
vaccins
6%
trypanocides
7%
reproduction
1%
prémix
9%
matériel
1%
autre
6%
Figure 33 : Parts de marché des différents types de médicaments au Sénégal, cumul 1994-1999 (d’après
Bâ, 2001)
105
b)Le circuit de distribution du médicament au Sénégal
Les conditions de fabrication et de distribution du médicament sont toujours régies par
la loi du 8 juillet 1975. Cette dernière stipule que « la préparation, la vente en gros, la vente au
détail et toute délivrance des médicaments destinés à l’usage de la médecine vétérinaire sont
réservés aux pharmaciens et aux vétérinaires ».
Le circuit officiel fait intervenir les acteurs à travers différentes étapes : importation,
stade de « gros », vente au détail, distribution aux éleveurs. Dans ces étapes, les acteurs sont
nombreux (pharmaciens, vétérinaires, paraprofessionnels, ONG, …) et de nature diverse
(secteur public ou privé). La majorité des produits vétérinaires sont importés depuis la France
(92% du volume importé) ; seuls quelques vaccins sont produits au Sénégal, par le LNERV de
Dakar. Les importations et le secteur de « gros » sont aux mains de sociétés privées (une
quinzaine au total), gérées par des vétérinaires. L’Etat s’est désengagé de ce secteur et les
importations de la DIREL n’ont représenté que 0,5% des importations sur les années 1994 à
1999. La distribution se fait par le biais des pharmaciens et vétérinaires. Ceux-ci délivrent les
médicaments directement aux éleveurs après prescription, ou font appel à un réseau
d’intermédiaires qui opèrent sous leur contrôle et permettent d’accroître la diffusion des
médicaments : ONG, projets, groupements d’éleveurs, pharmacies vétérinaires villageoises,
auxiliaires.Les pharmaciens n’occupent une place que très marginale dans le circuit, aussi
bien au niveau des importateurs et grossistes qu’à celui de la distribution (Bâ, 2001).
Ce circuit officiel de distribution, conforme aux textes réglementaires fait l’objet de
nombreux contournements et ce secteur est parfois qualifié de « règne de l’informel », tant les
déviances y sont courantes (figure 34).
Le circuit officiel est « court-circuité » à différents niveaux. Les grossistes-importateurs
délivrent directement les médicaments aux groupements d’éleveurs, aux auxiliaires, aux
agents du service public, mais aussi aux éleveurs. Sur une dizaine de sociétés importatrices et
grossistes, seule une a adopté des mesures strictes de restriction de vente aux seuls
vétérinaires et pharmaciens. Quant aux agents et ingénieurs de l’élevage, ils détiennent un
stock important de médicament ; théoriquement placés sous « contrôle » d’un vétérinaire
privé ou des services vétérinaires, ils s’approvisionnent souvent directement auprès des
grossistes et vendent les médicaments sans autorisation.
●
106
Figure 34 : Organisation des circuits de distribution des médicaments vétérinaires au Sénégal (d'après
ODVS, 2002)
● Un
circuit illicite des médicaments fait intervenir les acteurs dans un réseau « clandestin ».
Ce circuit, bien que dénoncé dans tous les documents officiels, sévèrement condamné par tous
les acteurs, vétérinaires ou non, n’est que très peu connu. Selon l’ODVS (2002), des
médicaments, d’origine diverse -Egypte, Pakistan, Brésil, Inde, Jordanie, ...-, sont importés
depuis les pays voisins de la Mauritanie et de la Gambie. Ces pays frontaliers du Sénégal sont
d’accès facile et la vente de médicaments y est libre, ce qui permet un ravitaillement facile.
Les médicaments passent ensuite aux mains d’auxiliaires d’élevage, de commerçants, ou de
vendeurs qui les mettent à la disposition des éleveurs, souvent à l’occasion des loumas,
marchés hebdomadaires qui jouent un rôle central dans la diffusion de ces médicaments. Les
téfankés cumulent souvent leur rôle de commerçant en bétail et de vendeur de médicaments.
Ces médicaments, qualifiés de « frauduleux » par les officiels, sont disponibles à bas prix :
l’Ourofino ® est un antiparasitaire dont le principe actif, l’ivermectine, est la molécule la plus
utilisée pour le déparasitage. Il est vendu sur les loumas pour 2000 ou 3000 F CFA ; son
107
pendant « officiel », l’Ivomec ®, est vendu en cabinet vétérinaires à 20 000 F CFA(Bâ, 2001).
Les vétérinaires privés, tout comme les agents du public, que nous avons rencontrés
s’unissent pour dénoncer ces pratiques qui, selon eux, outre les pertes économiques qu’elles
occasionnent pour leur activité, menacent la santé des consommateurs. La question de
l’efficacité de ces médicaments fait couler beaucoup d’encre. On ne dispose pour l’instant pas
de résultats sur d’éventuelles analyses de laboratoire pour la composition de ces médicaments.
Il semble cependant régner une certaine confusion entre ce qui constitue de « vrais
médicaments » importés à bas prix et ce qui est appelé « médicaments bidon ». Au Burkina
Faso, Thomé et al. (1996) ont déterminé une typologie en trois catégories des médicaments
qui circulent sur l’ensemble du marché. Ils distinguent :
♦ De vrais médicaments :
- Issus de laboratoires européens et commercialisés moins chers dans les pays
limitrophes grâce soit à des systèmes de distribution plus efficient (Mali), soit aux
politiques de subvention réalisées dans ces pays (Togo) ;
- Issus de laboratoires dont les coûts de production sont inférieurs (Nigéria, Egypte,
Inde …).
♦ De faux vrais médicaments :
C'est-à-dire de vrais médicaments mais qui sont commercialisés pour un usage qui ne
correspond pas à leur composition. Ceci est illustré par Thomé et al. au Burkina : le
paracétamol fabriqué en Inde est vendu comme déparasitant pour les petits ruminants. Au
Sénégal, on pourrait classer dans cette catégorie l’exemple donné par l’ODVS (2002) : des
capsules d’oxytétracycline sont utilisées comme antidiarrhéiques chez les ovins, pour traiter
des coliques chez les chevaux, ou contre la peste aviaire.
♦ De vrais faux médicaments :
C'est-à-dire des produits de la contrefaçon (bolus en plâtre, comprimés de saccharose) qui ne
contiennent aucun produit actif et sont vendus comme médicaments.
La perméabilité de ce système avec les autres et, en particulier, avec le secteur étatique et le
secteur privé reste un sujet tabou. Pourtant, selon Thomé et al. (1996), cette perméabilité
semble bien réelle, même s’il n’est pas simple de savoir s’il s’agit de dérapages individuels ou
d’une semi institutionnalisation. Les volumes qui transitent par ce système sont mal connus.
Au Burkina Faso, beaucoup d’acteurs institutionnels estiment que les volumes du marché
extra-légal sont du même ordre que ceux qui transitent par le marché légal. Les prix pratiqués
ne sont bien sûr pas du tout transparents mais semblent être extrêmement attractifs (Thomé et
al., 1996).
Le circuit extra-légal est très sévèrement dénoncé par l’ensemble des acteurs. Pour les
vétérinaires privés, ils constituent une des raisons de leurs difficultés financières, et « une
violation flagrante de la réglementation en vigueur (…) On ne saurait voir et laisser faire des
personnes mal attentionnées ou avides de gain piétiner les lois, conventions et
recommandations qui régissent la fonction de vétérinaire ». Mais de plus, on incrimine ces
médicaments qui constituent « un grave problème de santé publique », et sont susceptibles
« d’empoisonner le consommateur » (ODVS, 2002).
Cependant ce circuit, bien que critiqué par tous, persiste et occupe visiblement une place de
plus en plus importante. Alors que les discours officiels le condamnent, que des opérations
« coup de poing » saisissent parfois aux frontières des stocks de médicaments, sur le terrain,
les acteurs du public semblent faire preuve d’un étrange immobilisme. Pendant que les privés
se scandalisent des vendeurs qui opèrent sur les loumas au vu de tous, rien ne semble fait
concrètement pour abolir ces pratiques. La question se pose alors de comprendre pourquoi
l’Etat n’intervient pas avec plus de fermeté, puisqu’il condamne ce réseau parallèle. On peut
penser que l’attitude de l’Etat, qui minimise le phénomène, tient en partie à son refus
d’admettre l’incapacité qu’il a à satisfaire la demande et à offrir un service à l’ensemble des
108
éleveurs. Il convient par ailleurs de signaler que ce circuit illicite de vente de médicaments
vétérinaires semble faire écho à un réseau similaire concernant les médicaments humains au
Sénégal, réseau décrit par Fassin en 1985 et 1986. Les études de Fassin mettent en lumière
toute la complexité du réseau clandestin des médicaments humains. Mais elles montrent aussi
la nécessité de replacer le circuit des médicaments dans un contexte économique, politique et
social beaucoup plus large.
Selon Fassin (1986), dans une perspective fonctionnaliste, la vente illicite peut apparaître
comme une réponse à l’impossibilité qu’ont les populations d’accéder à un médicament à bas
prix : les conditions de possibilité du développement des commerces de médicaments sont
indissociables de la situation des circuits officiels de distribution. Vendu au détail (donc en
fonction du besoin immédiat), à bas prix (donc accessible sans recours à l’emprunt ou au
crédit) et dans des lieux familiers, marchés, coins de rue (donc intégré à la vie quotidienne), le
médicament illicite paraît plus adapté au contexte social que le produit d’officines (Fassin,
1986). Mais Fassin (1986) signale aussi que la stabilité de l’édifice de ce réseau « parallèle »
ne peut se comprendre qu’à la lumière des enjeux de pouvoir qu’on y découvre, qui mettent
en relation l’Etat et la confrérie mouride31. Fassin (1985) a montré que les biographies des
vendeurs ambulants de médicaments étaient stéréotypées : Wolof, appartenant à la confrérie
musulmane des mourides, venant du Baol. D’origine rurale, ils quittent leur village à la saison
sèche pour trouver du travail et se dirigent vers Touba, ville sainte du mouridisme. Ils
rejoignent un parent ou un ami qui va pouvoir servir d’initiateur, avant de s’éloigner de Touba
dans un deuxième temps et d’asseoir leur commerce. Ainsi, selon Fassin (1986), « le contrôle
de nombreux trafics par les marabouts mourides est certes un secret de polichinelle, mais
plusieurs recherches sociologiques ont démontré le rôle économique et politique de la
confrérie (…) Les réseaux d’approvisionnement et de distribution apparaissent comme un
système complexe dont la trame est l’organisation mouride et dont le noyau dur est Touba ».
Dans ce contexte, comment l’Etat pourrait-il démanteler le système ? Les hommes à la tête de
ces réseaux sont trop puissants pour être attaqués sans que soit remis en question l’ordre
national. La présence des marabouts mourides autour des membres du gouvernement et
l’influence de la confrérie mouride sur le corps électoral sont telles qu’il serait suicidaire pour
un ministre de s’y opposer (Fassin, 1985). Et au niveau périphérique, cette vente illicite assure
également à la police des revenus officieux (amendes) qui garantissent aux revendeurs
ambulants une certaine tranquillité.
Ainsi, la minimisation du phénomène de vente illicite des médicaments et la surprenante
tolérance révèlent l’incapacité du pouvoir à faire plus qu’à prendre acte de son existence. Cela
tient à la fois au rôle joué par les instances religieuses, qui exercent un contrôle politique
étroit, et aux insuffisances du système de santé, qui ne parvient pas à mettre les soins de base
à la portée des populations. Ces observations, faites par Fassin (1985) pour le circuit de
distribution des médicaments humains, pourraient peut-être prévaloir pour le médicament
vétérinaire ? On ne dispose pour l’instant pas d’études à ce propos. Mais ce qu’affirmait
Fassin (1985) est en tout cas valable pour le réseau vétérinaire et constitue une piste de travail
à explorer : « la vente illicite doit être envisagée, non comme un fait isolé et innommable,
mais comme un lieu où s’expriment des pratiques sociales sur la maladie ».
31
La confrérie mouride est exclusivement sénégalaise et à dominante wolof. Le mouridisme regrouperait plus de
36 % des musulmans du Sénégal. Elle est très répandue dans le bassin arachidier, notamment dans le Baol, mais
on trouve des mourides dans de nombreuses autres régions et villes du pays. Au cœur du Baol, Touba est la
capitale religieuse des mourides. La communauté mouride est très impliquée dans la sphère économique. Les
années 1960 ont vu de jeunes ruraux mourides coloniser les circuits de la distribution, du transport ou de
l’économie populaire urbaine. Après avoir pris pied dans le commerce, ils se sont lancés dans le transport,
l’artisanat d’art et de services, l’immobilier. Puis ils ont ébauché des stratégies pour l’industrie et la finance. Ils
ont progressivement étendu leur empire à tout le pays. Ausjourd’hui, la confrérie occupe une dimension
internationale : par le biais des migrations, elle a investi quelques grandes villes étrangères, New-York,
Johannesbourg, Taïwan, Paris, Milan, Hong-Kong ou Doubaï (Devey, 2000).
109
2.Les vaccinations obligatoires
Les vaccinations obligatoires sont recensées dans le décret n°2002-1094 relatif à la
police sanitaire des animaux. Ce décret abroge et remplace le décret précédent, qui datait de
1962. Il impose une vaccination obligatoire pour les maladies suivantes : PPCB (peripneumonie contagieuse bovine), PPR (peste des petits ruminants), peste équine, mais aussi :
peste aviaire et maladie de Newcastle, charbon bactéridien et symptomatique dans les zones
où ces maladies sévissent, clavelée autour des foyers éventuels.
Les volailles sont soumises à la vaccination contre la variole aviaire entre 4 et 12 semaines, et
contre l’encéphalomyélite infectieuse aviaire dans les élevages reproducteurs.
Le décret de police sanitaire se traduit par une interprétation plutôt lâche : la DIREL
concentre ses efforts sur la PPCB, la PPR et la peste équine. Sur le terrain, les inspections
régionales et départementales censées veiller à son application n’exercent leur contrôle que
pour les trois maladies citées précédemment. Des mesures de pression sont prévues pour
inciter les éleveurs à vacciner : l’accès au forage, au marché est conditionné par la
présentation d’une fiche d’immunisation. Mais en pratique, ces fiches sont rares et ne sont
quasiment jamais contrôlées.
L’organisation des campagnes de vaccination de masse est du ressort des missions
régaliennes de l’Etat. Le coût de la vaccination est supporté par l’Etat et l’éleveur : évalué à
110 F CFA/tête pour la PPCB, il est payé par l’éleveur à hauteur de 60 Francs CFA. L’Etat
subventionne également le coût de la vaccination contre la PPR (40 F CFA payés par
l’éleveur, 34 F CFA par l’Etat). Les dates de début et de clôture de la campagne sont fixées
par la DIREL : du 1er octobre au 30 avril par exemple en 2004. L’amplitude entre ces deux
dates doit permettre aux intervenants de réaliser la campagne et de toucher les éleveurs avant
le départ en transhumance (DIREL, 2003).
En 1995, l’arrêté relatif aux modalités d’exercice du mandat sanitaire a permis à l’Etat
de déléguer l’exécution des campagnes de vaccination contre la PPCB, la PPR et la Peste
équine aux vétérinaires du secteur privé. Depuis, les vétérinaires détenteurs du mandat
sanitaire organisent et réalisent la campagne de vaccination dans la zone qui leur a été
attribuée. Ils sont placés sous contrôle des services vétérinaires qui assurent la coordination et
le contrôle des vaccinations. En plus de leurs salariés permanents, ils ont souvent recours à
des auxiliaires ou ATE engagés spécialement pour cette période d’activité plus intense. Dans
les zones non couvertes par les mandataires, les services de l’Etat continuent de travailler
comme ils en avaient l’habitude avant la privatisation. Les inspecteurs départementaux et
régionaux organisent et coordonnent le déroulement de la campagne. Sur le terrain, les agents
des différents postes du département parcourent la brousse pour réaliser les vaccinations. Le
plus souvent, ils se regroupent tour à tour dans chacune des zones pour vacciner
successivement les troupeaux, sans faire appel à du personnel supplémentaire.
Pour la campagne 2002-2003, les mandataires ont été au nombre de 39. Les objectifs de la
DIREL sont une participation des privés à hauteur de 85% des effectifs vaccinés. Cet objectif
est atteint pour les ovins (93% des ovins vaccinés l’ont été par des vétérinaires privés) mais
pas pour les bovins (70% seulement). Les résultats de la campagne sont toujours loin de
l’objectif annoncé d’un taux de couverture de 80% qui permettrait de bénéficier de l’effet de
protection du troupeau32. Seul 49 % de l’effectif bovin a été vacciné. Pour la PPR, le taux de
vaccination est de 11% ; pour la peste équine, 2% (DIREL, 2003).
32
La loi de Charles Nicole précise qu’une maladie contagieuse ne peut se propager dans une population animale
dont 75% des individus sont protégés (Bonnet et al., 2002).
110
Le rapport de campagne 2002-2003 (DIREL, 2003) amorce une réflexion sur les difficultés
rencontrées :
- difficultés d’approvisionnement en vaccin,
- manque de sensibilisation des éleveurs sur le caractère obligatoire des vaccinations et
refus de vacciner,
- contention et vétusté des parcs de vaccination (figure 35).
Figure 35 : Parc de vaccination (Communauté rurale de Sadio)
Mais le PACEPA (2003 b) complète ce diagnostic en soulignant le manque d’implication des
vétérinaires privés et des éleveurs dans la préparation de la campagne, la démotivation des
agents du service public, le manque de clarté dans la répartition des rôles entre secteur privé
et public.
Lorsque l’on interroge les propriétaires de chevaux, il apparaît que le prix du vaccin contre la
peste équine est trop cher pour la plupart d’entre eux. Fixé à 1000 F CFA, il est entièrement à
leur charge. Quant aux piètres résultats de vaccination contre la PPR, ils sont, selon les
vétérinaires, entre autres liés aux difficultés matérielles de vaccination des petits ruminants : il
n’existe pas d’enclos ni de parc de vaccination pour ces derniers, et les vétérinaires sont
contraints au « porte à porte », ce qui leur prend beaucoup de temps.
3.La surveillance épidémiologique
L’épidémiosurveillance est « une méthode fondée sur des enregistrements en continu
permettant de suivre l’état de santé ou les facteurs de risque d’une population définie, en
particulier de déceler l’apparition de processus pathologiques et d’en étudier le
développement dans le temps et dans l’espace, en vue de l’adoption de mesures appropriées
de lutte » (Bonnet et al., 2002). Les systèmes de suivi et de surveillance constituent des outils
d’aide à la décision pour la lutte collective contre les maladies. Pour des maladies en voie
d’éradication (peste bovine), menaçantes (fièvre de la vallée du Rift), ou en expansion (PPCB,
PPR), des systèmes de suivi et de surveillance sont nécessaires afin (Roger et al., 2004) :
- de détecter rapidement la réapparition de foyers pour une intervention rapide,
111
-
d’estimer l’occurrence et la distribution spatiale et temporelle avant l’établissement de
stratégies de contrôle,
- d’évaluer l’efficacité des mesures de lutte mises en place.
La surveillance épidémiologique représente aujourd’hui un enjeu international : d’une part,
dans le cadre de l’obligation de déclarations régulières de la situation zoosanitaire du pays à
l’OIE ; d’autre part, pour l’analyse des risques liés aux échanges d’animaux et de produits
d’animaux, dont une composante importante est l’évaluation du système
d’épidémiosurveillance produisant les informations sanitaires (Bonnet et al., 2002).
Au Sénégal, le dispositif de surveillance des maladies animales s’appuie sur le SNSE,
Système National de Surveillance Epidémiologique. Celui-ci compte un réseau peste bovine,
un réseau fièvre de la vallée du Rift (soutenu par le programme EMERCASE), et un réseau de
surveillance des maladies aviaires qui implique les élevages industriels et semi-industriels.
L’organisation d’un réseau de surveillance au Sénégal peut être illustré par l’exemple du
dispositif appliqué à la peste bovine (figure 36). Ce dernier fait intervenir une « Unité
centrale », constituée par des agents de la DIREL et du LNERV, et des « Services de
terrain ». 49 postes vétérinaires, dits « postes de surveillance active » polarisent 300 points
d’enquête correspondant aux 300 troupeaux de l’échantillon aléatoire. Sur ces derniers les
agents procèdent périodiquement à des prélèvements de sang visant à prouver l’absence de
circulation du virus bovipestique sur les animaux nés après l’arrêt de la vaccination (DIREL,
2000).
Figure 36 : Schéma d’organisation du réseau de surveillance épidémiologique de la peste bovine (d’après
DIREL, 2000)
112
L’implication des différents acteurs dans le réseau reste un point critique. Les
vétérinaires privés ont été amenés à s’intégrer plus activement au SNSE, sous l’impulsion du
programme PACEPA33. Ce programme pilote avait pour objectif de poursuivre la
collaboration du secteur privé à la surveillance épidémiologique en continuant notamment de
responsabiliser des vétérinaires privés par un élargissement du mandat sanitaire à la
surveillance épidémiologique (Roger et al., 2004).
La méthodologie du programme repose sur trois principes (Coly et Pfister, 2004) :
- faire jouer à chacun des acteurs son rôle : les associations et Maisons des éleveurs
encouragent l’adhésion des éleveurs au principe de surveillance ; l’éleveur ou le
berger donne l’alerte ; le praticien privé ou public se rend auprès des animaux,
recueille les données et prend les premières mesures conservatoires ; l’administration,
c’est-à-dire les services vétérinaires gère la suite de l’alerte en assurant le contrôle de
la maladie ;
- être suffisamment démonstratif et significatif, en touchant massivement chaque
catégorie d’acteurs ;
- favoriser le développement de relations entre les différentes catégories d’acteurs afin
de favoriser l’existence d’un cadre de concertation durable permettant de pérenniser le
programme.
Dans les régions de Diourbel, Fatick et Kaolack, la Direction de l’élevage a passé un contrat
avec les vétérinaires privés mandataires pour que ces derniers assurent des séances de
sensibilisation des éleveurs sur la question de l’épidémiosurveillance, et plus particulièrement
de la peste bovine.
Les premiers résultats techniques n’apparaissent pas pleinement satisfaisants (Roger et al.,
2004). Le rapport de bilan du PACEPA (2003 a) met en lumière plusieurs difficultés. Sur 28
vétérinaires, seuls 6 ont envoyé des prélèvements. La faible implication des vétérinaires
semble refléter leurs interrogations et leurs doutes quant au fonctionnement du SNSE plutôt
qu’une absence de volonté de leur part de participer au réseau. Finalement, tous les domaines
de fonctionnement du système sont perfectibles : la récolte des données est problématique, le
circuit de transmission présente des lacunes, le suivi, l’animation et les relations entre les
différents acteurs de terrain sont insuffisants, le retour de l’information est tardif voire
inexistant. Il est important de noter que le manque de présence sur le terrain des vétérinaires
privé, ce qui nuit au bon fonctionnement du système. Les vétérinaires privés sont déçus,
notamment à cause de l’absence de retour des informations qui les discrédite auprès des
éleveurs en attente des résultats et qu’ils ont dû convaincre pour pouvoir faire un prélèvement.
Les éleveurs, eux, sont réticents face au vétérinaire qui souhaite faire un prélèvement, parce
que ce geste présente une valeur symbolique importante ; c’est un acte qui nécessite toute la
confiance de l’éleveur envers son vétérinaire (PACEPA, 2003 a). Les agents du public, qui se
sentent parfois dépossédés de leur rôle dans le cadre de la privatisation, se raccrochent aux
missions qui subsistent et ont tendance à considérer la surveillance comme domaine réservé
(Coly et Pfister, 2004).
Dans son rapport, le PACEPA (2003 a) porte cependant un jugement globalement positif sur
les résultats de cette opération-test. Pour que cette expérience puisse être pleinement
valorisée, il recommande de :
- poursuivre la contractualisation de cette prestation d’épidémiosurveillance avec les
vétérinaires privés avec en perspective la relecture des textes régissant le mandat
sanitaire ;
33
Projet d’appui à la concertation Etat-Professionnels agricoles : ce programme a démarré par un atelier à
Kaolack en octobre 2000, réunissant les vétérinaires privés, les inspecteurs régionaux des services vétérinaires et
les présidents des Maisons des éleveurs des régions de Kaolack, Diourbel et Fatick.
113
-
envisager de contractualiser cette prestation avec les professionnels des autres
catégories légalement installées (ATE, ITE), dans la mesure où ces derniers sont plus
régulièrement en contact avec les éleveurs ;
faire en sorte que les vétérinaires privés soient plus responsables et veillent à
améliorer leur présence sur le terrain au quotidien.
C.Les interrelations au sein du système et les « stratégies
d’acteurs »
1.Les relations entre acteurs
Nous avons pu voir précédemment qu’un « système » se caractérisait par les
interactions unissant ses éléments ; en l’occurrence, le système de santé animale est le siège
d’interrelations entre les différents acteurs en présence. Pour mieux comprendre le système,
son fonctionnement, ses fragilités, il est important de défricher les processus sociaux autour
des acteurs, en interrogeant un réseau de relations explicatif.
L’éleveur constitue l’élément central du réseau de relations au sein du système.
Consommateur et cible du système, il se trouve dans une position délicate : ancien
bénéficiaire d’un service public émanant de « l’Etat providence », il s’est retrouvé en moins
de 10 ans client sur un marché, celui des services de santé animale. Il exprime parfois
l’ambiguïté de sa situation ; un éleveur nous confiait ainsi : « on est satisfaits du travail du
vétérinaire privé, mais on ne peut pas laisser tomber les agents du public, ils ont vaincu la
peste bovine et ils nous ont toujours soutenus ». Les éleveurs que le vétérinaire privé a réussi
à conquérir lui sont fidèles : ils le trouvent souvent plus disponible que le service public. Mais
ils entretiennent souvent des liens étroits avec les agents de poste du public. Ceux-ci incarnent
encore la figure emblématique de l’Etat au sein de la communauté. De plus, éleveurs et agent
de poste se côtoient parfois depuis longtemps, et, placé au cœur de la communauté rurale,
l’agent se trouve intimement mêlé à toute la vie sociale. Au-delà de son rôle d’agent
d’élevage, le chef de poste joue aussi un rôle de médiateur dans les conflits, intervient pour
assister les éleveurs dans les démarches administratives, participe à la vie de la communauté.
Présent aux côtés des éleveurs, il connaît les réalités du terrain et partage leurs difficultés.
Castaneda (2004) analyse dans son travail les relations entre les organisations
professionnelles d’éleveurs et l’Etat, et met en lumière le phénomène de surpolitisation des
organisations d’éleveurs. Alors qu’elles apparaissent souvent comme le résultat direct d’une
action de l’Etat (coopératives, GIE34 de première génération, MDE35 et DIRFEL36), elles
entretiennent au niveau régional des relations particulières avec les services vétérinaires. Le
cas des Maisons des éleveurs semble particulièrement éloquent ; les inspecteurs régionaux
exercent une grande influence sur les organisations professionnelles. Selon un interviewé, « la
marge d’action des inspecteurs dépasse largement leurs compétences et a empêché la prise de
responsabilités de la part de la population ». En binôme avec les Présidents des MDE, ils
exercent un contrôle parfois préjudiciable sur les ressources financières de ces dernières. Les
inspecteurs apparaissent comme incontournables, entretenant des liens étroits avec le
Président et le Trésorier ; les MDE sont « une boîte noire gérée de façon strictement
patrimoniale par une clique d’individus ».
Les relations entre les prestataires privés et les organisations professionnelles semblent elles
plus ténues. Rares sont les vétérinaires privés impliqués aux côtés de GIE ou autres
34
Groupement d’intérêt économique
Maison des éleveurs
36
Directoire des femmes en élevage
35
114
groupements. C’est ce que souligne Thomas (2004) : « les relations fonctionnelles
vétérinaires privés-organisations professionnelles d’éleveurs ne sont pas toujours
effectives. La plupart des échecs ou difficultés rencontrées dans les appuis au secteur
productif de l’élevage résultent de la faiblesse du lien économique organisation
professionnelle d’éleveurs-vétérinaire privé ». Seul le secteur avicole a réussi à développer
des liens étroit entre éleveurs et vétérinaires : plusieurs organisations rassemblent en leur sein
éleveurs, para-professionnels et vétérinaires, à l’image du COTAVI (Collectif des
Techniciens Avicoles).
La coopération entre les différents prestataires de service (vétérinaires,
paraprofessionnels, du secteur privé ou du public) est un élément déterminant dans la réussite
de la délivrance des services de santé animale. Elle inclut des relations d’entraide et solidarité,
d’échange d’information, de contrôle et supervision. Mais pour les opérateurs privés, il s’agit
de se partager un marché, celui de la santé animale. C’est dans ce cadre qu’émergent des
relations de conflits et de concurrence.
Les acteurs du privé accusent de manière récurrente les agents de poste de continuer à
pratiquer la médecine à titre privé dans leur zone, même si cela leur est interdit. Cela semble
se vérifier sur le terrain, où effectivement de nombreux agents avouent ne pas avoir cessé
complètement leur activité. A travers nos entretiens, plusieurs arguments ont été émis par les
agents de poste pour justifier leurs pratiques :
- le lien qu’ils entretiennent avec des éleveurs qu’ils ne peuvent pas « laisser tomber » ;
- le rôle social qu’ils jouent pour les éleveurs les plus démunis auxquels ils
procureraient des services moins chers que les vétérinaires privés ;
- l’argument que la clinique leur permet de maintenir un lien avec les éleveurs qui leur
permet ensuite d’assurer correctement la surveillance épidémiologique. La confiance
de l’éleveur permet de contrôler les troupeaux et pratiquer des prélèvements sur leurs
animaux. « Il faut motiver l’éleveur qui passe la journée à notre disposition ; pour
cela, il faut lui donner des produits, des déparasitants », nous a dit un agent de poste.
Parallèlement, certains inspecteurs départementaux ou régionaux tolèrent de telles pratiques
qui se déroulent parfois au sein même des locaux de l’inspection. Ils avouent leur impuissance
à interdire à leurs agents de pratiquer, au vu de la faiblesse des moyens que leur donne l’Etat,
et le maigre salaire qu’ils reçoivent. Si certains se cantonnent dans les discours officiels et
affirment réprimer ces pratiques tout en fermant les yeux, d’autres expriment tout haut
l’ambiguïté de leur situation : « Dans de telles conditions, alors que les agents n’ont ni
téléphone, ni véhicule, parfois même pas de poste construit, comment voulez-vous que
j’interdise à mes agents de gagner leur vie ? » nous demandait un inspecteur.
De leur côté, les agents du public reprochent souvent aux vétérinaires privés une approche
mercantile. Selon certains, la « course à l’argent » menée par les privés est en partie
responsable des déviances observées dans le circuit de distribution des médicaments. Ainsi,
les vétérinaires privés, il y a quelques années, étaient autorisés à exercer leur activité sur les
marchés et à y vendre des médicaments. Ces pratiques, aujourd’hui interdites, ont selon
beaucoup d’agents du public, été l’élément déclencheur avant l’explosion de l’automédication
et la prolifération des médicaments frauduleux. « C’est de la faute aux vétérinaires privés qui,
pour gagner de l’argent, ont montré qu’on pouvait exposer et vendre des produits sur le
marché. Les produits sont devenus une chose banale. Ils ont initié les éleveurs au secret de la
seringue ». Selon un autre agent, « il y a 10 ou 15 ans, aucun éleveur n’avait de produit
vétérinaire. Aujourd’hui, ils traitent eux-mêmes, depuis l’avènement des vétérinaires privés».
Entre vétérinaires et paraprofessionnels installés à titre privé, les relations semblent
plutôt tendues et complexes. Les premiers accusent les seconds d’exercice illégal de la
médecine, tandis que ceux-ci condamnent l’attitude monopolistique des vétérinaires. Les
frictions corporatistes ne paraissent pas apaisées. C’est parfois dans un climat de méfiance
que les agents du public et les opérateurs privés tentent de travailler ensemble. Cependant,
115
tous s’accordent pour condamner les pratiques du secteur informel, du réseau « clandestin »
de diffusion du médicament vétérinaire, qui concurrence sérieusement leurs activités et fait
chuter leur chiffre d’affaire.
Si entre privé et public semblent persister des relations de concurrence, le temps
passant, la collaboration semble cependant de plus en plus étroite. Certains vétérinaires voient
encore d’un mauvais œil le contrôle qu’exercent sur eux les agents lors des prophylaxies,
mais la plupart se sont fait des agents du public un allié indispensable pour la conquête de leur
clientèle. Dès lors, les agents épaulent les vétérinaires privés : ils les présentent aux éleveurs,
expliquent à ces derniers le nouveau schéma de privatisation, et les redirigent vers le secteur
privé. A l’exception d’un ou deux, tous les vétérinaires privés interrogés et les agents de poste
nous ont dit entretenir de bonnes relations les uns avec les autres. Les agents nous ont dit
avoir renvoyé les éleveurs aux vétérinaires : « au début, les éleveurs nous demandaient si le
jeune vétérinaire privé était bon. Est-ce que les médicaments qu’il vend sont bons ? On les
rassurait, parce qu’ils ont confiance en nous et on les envoyait chez le vétérinaire. » D’autre
part il s’est noué des relations commerciales entre les agents du public et du privé. Dans la
mesure où les rapports s’améliorent avec le privé, les agents acceptent volontiers de
s’approvisionner en médicaments chez le vétérinaire. Celui-ci ne voit alors pas
d’inconvénients à ce que l’agent continue de pratiquer un peu de clinique, dans la mesure où
cela lui permet d’augmenter son volume de vente, et où un accord tacite est passé entre les
deux parties. Certains vétérinaires vont même jusqu’à employer les agents du public pour les
campagnes de vaccination, alors que cela est strictement interdit.
Quant aux auxiliaires, pour le public comme pour le privé, ils n’apparaissent
désormais plus que rarement comme des concurrents. La plupart des vétérinaires, ITE ou
ATE ont lié avec eux des relations commerciales qui leurs permettent de diffuser plus
largement leurs médicaments. Les relations de contrôle et supervision que les vétérinaires ou
les agents sont censés exercer sur ces derniers se limitent souvent à ces transactions
commerciales. Si certains côtoient régulièrement les auxiliaires lors de tournées dans les
villages, la plupart ne semblent entretenir avec eux des liens que lorsque ceux-ci viennent
s’approvisionner en médicaments, ou lorsqu’ils collaborent dans les campagnes de
vaccination. Les cas d’auxiliaires et de vétérinaires travaillant en collaboration étroite et se
référant les éleveurs sont rares. On a pu entendre que « les vétérinaires privés ont formé des
auxiliaires pour vendre plus de médicaments en brousse. Ils les forment mais après ils ne les
surveillent pas, souvent ils ne sont pas là et ils les laissent seul. Les vétérinaires privés
manquent de professionnalisme ».
Dans ce système complexe, les différents secteurs, privé ou public, formel ou
informel, loin de constituer des éléments disjoints sont en fait étroitement intriqués. La
plupart des vétérinaires installés à titre privé, voire certains agents du public se font aider par
des vendeurs (au niveau des pharmacies et des relais pour la diffusion des campagnes), dont
ils assurent de façon plus ou moins lâche le suivi et le contrôle. Les « installés » recherchent
plus la confiance que la compétence chez leurs « assistants », ce qui les amène à privilégier le
recrutement de membres de leur famille, indépendamment de leur niveau de compétence. Il y
a ici une imbrication étroite du formel et de l’informel.
Il y a souvent par ailleurs imbrication du public et du privé, surtout pour la distribution des
intrants. Les agents de l’élevage mènent parallèlement à leurs missions de service public des
activités de vente de médicaments et soins, à caractère privé. Les agents de l’élevage se
fournissent en intrants auprès du secteur privé, les privés utilisent les services de l’Etat pour
diffuser les intrants.
116
2.Des acteurs aux stratégies parfois divergentes
Les relations entre les différents acteurs se font dans un univers, celui de la médecine
vétérinaire qui, tout comme la médecine humaine est un « champ social comme un autre, avec
ses rapports de force, ses luttes et ses monopoles, ses intérêts et ses profits » (Gobatt, 2001).
Placés au cœur de « l’arène sociale », et confrontés à la nouvelle donne induite par le
processus de privatisation, les protagonistes du système de santé se comportent en acteurs, au
sens où l’entend Livian (2000) : est acteur « celui ou ceux qui, ensemble, ont des positions
communes face au problème et des intérêts à défendre ». Dans le contexte nouveau d’un
marché de santé animale privatisé, les opérateurs se positionnent face à des enjeux et des
objectifs variés, et développent des « stratégies ». Livian (2000) définit ces dernières comme
« un ensemble de comportements stables que les acteurs adoptent en vue de préserver leurs
intérêts ». Les éleveurs, les prestataires de services − privés ou publics −, tous réagissent
différemment face au changement. Leurs stratégies sont orientées en fonction des enjeux
concrets de la situation ; il ne faut pas comprendre celles-ci comme un calcul systématique,
fait « à froid ». Il est important de souligner que la stratégie est forcément « rationnelle », au
sens où elle tend à obtenir des résultats. Mais cette rationalité est relative puisqu’elle dépend
du point de vue duquel on se place ; d’autre part, il s’agit souvent d’une « rationalité limitée ».
La décision n’est pas toujours la réponse à un problème donné, le problème lui-même se
construit au fur et à mesure. De plus, l’homme ne peut appréhender tous les choix possibles ;
cependant il ne va pas chercher la « meilleure » solution, il s’arrêtera à la première solution
assez bonne pour correspondre aux critères de choix qu’il avait.
Les éleveurs sont souvent mal informés à propos de la privatisation. Pour certains, elle
se résume au passage d’un service gratuit à un service payant. Ils ont le sentiment qu’elle s’est
faite sans eux, « sans nous demander notre avis ». Le processus semble s’être opéré au
Sénégal comme dans d’autres pays d’Afrique (Thomé et al., 1996), de manière verticale. Les
éleveurs ont « subi » la privatisation. Le concept leur a été expliqué au fur et à mesure que les
vétérinaires privés s’installaient, mais il n’a visiblement pas fait l’objet de « campagne de
sensibilisation » de masse.
Les éleveurs les plus proches des centres urbains ont appris à « faire avec » le réseau de
vétérinaires privés et à en tirer parti. Ceux que nous avons rencontré se disent favorables à la
privatisation, parce qu’elle a amélioré la diffusion des médicaments et qu’elle permet d’avoir
à sa disposition un vétérinaire compétent et toujours prêt à se déplacer. « Avant, les
vétérinaires de l’Etat ne pouvaient pas tout couvrir, faute de moyens ». « Pendant la période
creuse, l’Etat ne donnait plus rien. Les gens ont été enchantés que les médicaments arrivent.
Même s’il faut payer, on s’adapte ». Pour les éleveurs intensifs (aviculteurs par exemple) la
multiplicité des opérateurs consécutive à la privatisation permet d’avoir un service disponible
à proximité, et de faire jouer la concurrence pour bénéficier des meilleurs prix. Pour les
éleveurs plus éloignés, « la privatisation n’a rien changé » ; leur « vétérinaire » est toujours le
même, c'est-à-dire l’agent de poste. Le vétérinaire privé est souvent perçu comme un
« marchand de médicaments », qui ne s’intéresse à eux que pour le profit. Les éleveurs plus
éloignés demandent à ce que l’on implante une pharmacie plus proche d’eux, que l’on
développe un réseau d’auxiliaires qui puissent être auprès de leurs troupeaux. Parce que « le
cabinet des vétérinaires est toujours en ville. Quel que soit le cas, grave ou pas, il faut se
déplacer pour aller le chercher et payer pour le faire venir. C’est cher ».
Les groupements d’éleveurs (CNCR37 ou DIRFEL par exemple) se disent favorables à la
privatisation : elle aurait permis d’augmenter la disponibilité des services vétérinaires. Mais
ils soulèvent un des points critiques : le manque d’information des éleveurs. Par ailleurs, selon
37
Conseil national des cadres ruraux
117
Thomé et al. (1996), si ces groupements se positionnent favorablement face à la privatisation,
c’est en partie « car ils y voient la possibilité de se l’approprier pour profiter au mieux des
différents dispositifs existants et s’autonomiser ainsi par rapport aux services et aux agents de
l’Etat ». Ainsi, tout en affichant une opinion globalement positive à l’égard de la privatisation
(« c’est une très bonne chose »), les organisations d’éleveurs ne manquent pas de faire
émerger leurs revendications et de réclamer plus de responsabilités : « les vétérinaires pensent
que nous sommes l’entrave à leur épanouissement ; ils ne veulent pas que l’on connaisse ce
qu’ils connaissent. Ils essayent toujours de nous limiter. Les vétérinaires posent une situation
de conflit entre nous ». Mais Olivier de Sardan (1995) souligne le manque de représentativité
des organisations professionnelles, « écran de protection face à l’administration, moyen
d’ascension d’une nouvelle élite ou au contraire mode de préservation du pouvoir des
« notables » anciens, enjeu politique et économique local, trompe-l’œil ou coquille vide, la
coopérative villageoise ou le groupement paysan sont rarement l’expression d’un consensus
égalitaire, et en général fort peu de temps ». Un représentant d’une fédération nationale des
éleveurs nous donnait ainsi une opinion ambiguë sur la privatisation : « la privatisation était
indispensable, c’est une très bonne chose. On est satisfait du travail des vétérinaires privés. Ils
sont plus disponibles que les agents publics qui ont moins de moyens. Mais on ne peut pas
tourner le dos à l’Etat qui a éradiqué la Peste bovine, on ne peut pas l’ignorer. La contrainte,
c’est l’Etat qu’on ne peut pas contredire, les Inspecteurs régionaux, départementaux, les
agents de poste ».
Les auxiliaires, une fois formés et équipés, ont pour objectif de réaliser leurs activités
de santé animale de façon à rentabiliser cette activité annexe de leur activité principale et
prêter un service qui leur assure une certaine reconnaissance sociale (Thomé et al., 1996).
Leur stratégie est fonction de la rentabilité de cette activité de santé animale. Soit ils peuvent
assurer leurs services, même si le cadre dans lequel ils ont été mis en place disparaît, et
étendre leur domaine de compétences de manière à pouvoir assurer l’ensemble des prestations
de service qui sont recherchées. Ils pratiquent, le cas échéant, des actes pour lesquels ils n’ont
pas été formés. Soit ils doivent abandonner tout simplement leur activité si elle est peu
rentable ou mettent en péril leur activité principale. Ils ne disposent souvent d’aucune
information sur la privatisation, alors qu’ils sont des acteurs importants de celle-ci (Thomé et
al., 1996). Une fois que la structure non pérenne qui les a mis en place disparaît, les
auxiliaires qui continuent leurs activités agissent de manière autonome et s’approvisionnent
sur le marché privé.
Les prestataires de services privés remplissent trois fonctions principales :
l’importation, la distribution-vente de médicaments et les soins.
Les importateurs et grossistes en médicaments sont face à un enjeu prioritaire, la
rentabilité économique, et développent des stratégies offensives pour gagner des parts de
marché (Thomé et al., 1996). Favorables à la privatisation, ils en restent néanmoins critiques.
Les mesures d’accompagnement sont faibles, voire nulles : absence d’appui financier ce qui
ne leur permet pas d’avoir la surface financière suffisante, rôle des structures publiques
rarement remis en cause ce qui entraîne un concurrence déloyale …
Pour les vétérinaires privés, les enjeux sont d’ordre économique et social : augmenter
leurs revenus, créer leur fonction et la rendre nécessaire, développer des activités conformes
avec leur statut. Pour cela, leur stratégie est claire (Thomé et al., 1996) :
- obtenir l’exclusivité du transfert des fonctions vétérinaires du public vers le privé ;
- sécuriser l’approvisionnement en médicaments ;
- constituer une clientèle captive en s’appuyant sur des réseaux de distribution existant
sur le terrain (services publics, réseaux d’auxiliaires,…) ;
118
-
concentrer leurs activités sur la pharmacie vétérinaire en déléguant les soins à leurs
réseaux de distribution ;
- face aux incertitudes des politiques, au flou et aux imprécisions des textes, diversifier
leurs activités vers d’autre secteurs : production, commerce d’aliments du bétail,
ONG ;
- s’impliquer via les structures professionnelles dans les prises de décision politique.
Ils ne sont pas contre la privatisation, puisqu’ils espèrent en vivre, mais ils subissent la
privatisation plus qu’ils n’en sont les moteurs. Reprochant à l’Etat de ne pas créer un
environnement favorable, ils soulignent notamment le manque d’aide à l’installation, la
concurrence déloyale, le manque de circulation de l’information.
Les opérateurs extra-légaux sont dans une logique d’enjeu économique : gagner de
l’argent en distribuant des médicaments vétérinaires et en réalisant des soins. Le second enjeu
est d’éviter que ce ne soit les seuls vétérinaires qui soient attributaires des fonctions
transférées au secteur privé. Ces opérateurs ont pour stratégie de répondre à trois des
exigences des utilisateurs des médicaments vétérinaires et des soins : la proximité, la
disponibilité et le moindre coût (Thomé et al., 1996). Un ATE (Agent Technique d’Elevage)
installé à titre privé nous a expliqué avoir refusé de collaborer avec le vétérinaire privé de sa
zone : « je n’accepte pas un salaire dérisoire. Aucun vétérinaire privé n’est capable de me
payer correctement. Je préfère garder mon indépendance et financièrement c’est plus
intéressant ». Selon lui, la privatisation a été menée de manière inégale et en défaveur des
professions intermédiaires : « la privatisation est une bonne chose. Mais former des diplômés
et ne pas les recruter dans la fonction publique, ce n’est pas bon. Quelle solution il nous
reste ? Les vétérinaires privés nous paient une bouchée de pain. Il faut accompagner la
privatisation en la finançant, et en aidant aussi les techniciens à s’installer ». Cet Agent, bien
que diplômé, opère aujourd’hui hors du cadre légal puisqu’il n’a pas renouvelé chaque année
son autorisation d’exercer. Il affirme que « le cadre législatif me convient ». Cela semble aller
dans le sens de ce qu’affirmaient Thomé et al. en 1996 : « on peut penser qu’ils ne sont pas
opposés à la privatisation. En effet, si dans certains cas ces opérateurs travaillaient déjà avec
les services publics, la privatisation et la multiplication des opérateurs et des circuits leur sont
favorables. Elles rendent plus difficile leur identification, diversifient leurs sources
d’approvisionnement et multiplient le nombre de leurs employeurs potentiels − agents du
service public, vétérinaire privés ». De plus, l’ATE installé à titre privé que nous avons
rencontré a souligné toute l’ambiguïté du cadre légal actuel et le double jeu orchestré par les
vétérinaires, jeu dont il tire parti : « on ne peut pas comprendre les docteurs vétérinaires. Les
pratiques des grossistes ne sont pas claires : certains acceptent de vendre les médicaments aux
éleveurs mais pas à nous, techniciens privés. Moi, j’achète mes médicaments à Dakar. Je fais
plusieurs grossistes ; si un refuse, j’achète à un autre ».
Suivant la position où ils se trouvent dans la hiérarchie des services de l’élevage, les
cadres du secteur public n’ont pas la même position face à la privatisation. En effet, même si
globalement personne n’est enthousiaste, plus on descend dans la hiérarchie et plus on craint
de perdre les avantages acquis : sécurité d’emploi, légitimité, revenu complémentaire… Le
Sénégal illustre la stratégie du secteur public dans une situation où les fonctions vétérinaires
lui ont en grande partie été retirée. Alors qu’il n’existe aucune menace sur leurs emplois dans
le public, les vétérinaires essaient de défendre leurs prérogatives. Ce positionnement répond à
un double jeu : préserver sa place dans les services publics sans se couper de l’opportunité
d’un exercice privé.
Les services de l’élevage, en dépit des compressions d’effectifs, constituent encore un réseau
de taille importante, qui maille le territoire. Les agents publics sur le terrain, ont noué des
relations avec les éleveurs et bénéficient d’un équipement minimum. Malgré la dégradation
de leurs capacités d’intervention, ils réalisent les campagnes de vaccination, vendent des
119
médicaments, assurent quelques soins, interviennent dans le réseau d’épidémiosurveillance et
sont, pour beaucoup, dans l’intervention de l’Etat en cas de foyer de maladies contagieuse
(figure 37).
Figure 37 : Les agents de poste du secteur public permettent aujourd'hui encore le maillage du terrain et
réalisent une grande partie des soins aux animaux
Leurs enjeux sont de ne pas perdre leur emploi et les revenus qui y sont liés : salaire de la
fonction publique, primes des projets de renforcement des services de vulgarisation agricole
et revenus liés aux ventes de médicaments et aux actes. Il s’agit de ne pas perdre leur pouvoir
et leur légitimité en maintenant les fonctions des services de l’élevage et éventuellement, de
préparer leur reconversion professionnelle en établissant des liens avec les projets et en créant
ou participant à l’action d’ONG.
Comme on peut le voir, ces enjeux sont principalement une défense des acquis. La stratégie
développée est alors de résister au changement, de ne rien modifier dans ses activités de santé
animale, en contribuant à maintenir les vétérinaires privés en amont, comme des distributeurs
de médicament approvisionnant les services de l’élevage mais réalisant peu de ventes directes
aux éleveurs et encore moins de soins. Quand cela n’est pas possible, la stratégie de rechange
est de chercher à se partager le « territoire » entre le public et le privé. Ils peuvent également
privilégier une diversification de leurs propres activités (production, ONG, …). Leur niveau
d’information sur la privatisation est rudimentaire, parfois inexistante. La libéralisation leur
permet de s’approvisionner en médicaments en dehors de tout contrôle du service public, et
donc en dehors de tout contrôle sur les prix. Ils se disent donc favorables à la privatisation.
Mais lorsque des opérateurs privés viennent concurrencer leurs activités ou que leurs
avantages sont remis en cause, ils s’y opposent tous de front (Thomé et al., 1996).
Quant aux organisations professionnelles vétérinaires, la mise en place de l’Ordre des
Vétérinaires du Sénégal coïncide avec le processus de privatisation des services de santé
animale. Les enjeux des ordres sont des enjeux catégoriels (Thomé et al., 1996) :
- obtenir que les fonctions vétérinaires transférées au secteur privé ne soit transférées
qu’à des docteurs vétérinaires ;
- obtenir le maximum d’aides à l’installation pour les vétérinaires privés ;
120
-
réguler la participation des autres professionnels de l’élevage (techniciens,
ingénieurs), des éleveurs et des auxiliaires à l’exercice de la pratique vétérinaire.
Pris dans des contradictions internes liées au poids des vétérinaires du secteur public dans la
structure, l’Ordre a beaucoup de difficultés à remplir ses fonctions de régulation de la
profession et de concertation. Il n’y a pas, en son sein, de position commune par rapport à la
privatisation, la position de chacun étant clairement liée à sa situation personnelle
(fonctionnaire, sans emploi, installé en libéral ou exerçant dans un projet).
Les organisations professionnelles telles que le Syndicat des Travailleurs de l’Elevage
orientent leur stratégie vers une défense des intérêts (refus de voir déléguée l’inspection des
viandes aux docteurs vétérinaires privés), voire de reconquête des prérogatives perdues (pour
l’attribution du mandat sanitaire de vaccination aux agents et ingénieurs de l’élevage). Dans
une lettre38 qu’il adressait en 2001 au Président de la République du Sénégal, le Président du
Regroupement National des Techniciens Privés de l’Elevage exprimait clairement le
sentiment d’exclusion éprouvé par les professions intermédiaires : « La privatisation de la
médecine vétérinaire au Sénégal se déroule comme s’il n’existait que le seul corps des
Docteurs vétérinaires. Toute la législation en vigueur est taillée sur mesure pour ne servir que
les intérêts des Docteurs vétérinaires. Pour les autres corps, le vide est total ». Le Président du
Syndicat des Travailleurs de l’Elevage nous avait confié son indignation : « la privatisation a
été concoctée sans notre avis. Elle a été faite de manière aberrante et unique, par les docteurs
vétérinaires et pour eux, pour leur trouver du travail. Elle a écarté les techniciens de la
vaccination. Seuls les vétérinaires ont le droit de faire des ordonnances alors que les autres
étaient là bien avant. L’Etat a même voulu déléguer les opérations de contrôle sanitaire aux
docteurs vétérinaires privés mais le Syndicat s’y est opposé. Depuis l’indépendance, les
docteurs vétérinaires n’ont jamais touché une seringue. Ils n’ont jamais été sur le terrain ; et
depuis la privatisation, ils veulent tout à coup tout s’accaparer ».
Pour ce qui est du point de vue des organismes d’aide, bailleurs et projets, il est
important de noter que les politiques de l’élevage et du sous-secteur de la santé animale en
sont largement inspirées. Le Ministère des Affaires Etrangères, l’Union européenne et la
Banque Mondiale, appuient ou ont appuyé des programmes de restructuration des services de
l’élevage et de privatisation de la santé animale dans différents pays, dont le Sénégal. Les
bailleurs ont des objectifs d’appui à la mise en œuvre de politiques et inscrivent leur action
dans le long terme. Les projets s’inscrivent dans le court et le moyen terme et doivent prendre
en compte les réalités de terrain. Thomé et al. soulignaient en 1996 les nuances à apporter à la
position des bailleurs, bien évidemment favorables à la privatisation. Certains d’entre eux
prônent la privatisation tout en appuyant le renforcement de l’Etat, comme la Banque
Mondiale qui a mis en place parallèlement à la privatisation des services vétérinaires des
programmes d’appui aux services de vulgarisation. Cependant, au sein des organismes de
financements, certains interlocuteurs restent sceptiques sur la capacité économique des
opérateurs privés et sur la volonté des décideurs de mettre réellement en œuvre la politique de
privatisation.
38
Lettre du Président du Regroupement National des Techniciens Privés de l’élevage au Sénégal au Président de
la République du Sénégal, 8 Mai 2001.
121
Conclusion
Ainsi, le système de santé animale est un ensemble complexe, composé d’acteurs
multiples, confrontés à des enjeux variés et aux stratégies parfois divergentes.
En ce qui concerne les relations entre acteurs, on peut retenir que :
-
-
le « système » de santé animale se caractérise par les interactions unissant les
différents acteurs qui le composent.
l’éleveur est l’élément central du réseau. Consommateur et cible du système, il est
dans une position ambiguë entre les intervenants publics et privés.
les organisations d’éleveurs sont une entité souvent instrumentalisée et sur-politisée,
dont l’efficacité est discutable. Elles sont parfois sous l’influence des services
vétérinaires publics, et leur collaboration avec les vétérinaires privés est difficile.
la coopération entre les différents prestataires de service (vétérinaires,
paraprofessionnels, du secteur privé ou public) est encore houleuse. Elle est le siège
de relations de concurrence (entre privé et public, vétérinaires et
paraprofessionnelles), et lorsqu’elle s’opère, les échanges sont essentiellement basés
sur des interactions commerciales.
autour du noyau dur du système gravite toute une palette d’acteurs du réseau
informel, unanimement dénoncés par les acteurs officiels.
les différents secteurs décrits, public ou privé, formel ou informels, loin d’être des
éléments disjoints sont étroitement intriqués.
122
Par ailleurs, l’analyse des stratégies d’acteurs laisse apparaître que :
-
-
-
dans « l’arène sociale » et face à un marché limité, celui des services de santé
animale, les acteurs en présence développent des stratégies variées. En fonction des
enjeux auxquels ils sont confrontés, ils se positionnent dans le système et défendent
leurs intérêts.
les éleveurs sont mal informés sur un processus de privatisation qu’ils subissent plus
qu’ils n’animent. Les éleveurs proches des centres urbains ont su tirer profit de la
privatisation ; ceux plus éloignés se sentent isolés et délaissés en zone rurale par des
vétérinaires auxquels on reproche une stratégie mercantile.
les groupements d’éleveurs se disent favorables à la privatisation. Cependant, leur
manque de représentativité fait douter de l’objectivité des positions adoptées.
les auxiliaires gravitent à la périphérie du système, sans contrôle. Ils sont peu
informés et déploient une stratégie basée sur la rentabilité de leur activité en santé
animale.
les prestataires de services privés sont face à des enjeux économiques et sociaux :
augmenter leurs revenus, développer des activités conformes avec leur statut. Ils
soulignent le peu d’appui qu’ils ont reçu.
les opérateurs extra-légaux sont dans une logique d’enjeu économique ; il s’agit
aussi de tirer parti du flou législatif.
les acteurs du réseau public sont le plus souvent dans une stratégie de défense des
acquis : statut, fonctions, revenus liés aux services de santé animale.
Le fonctionnement de cet ensemble est parfois qualifié de « chaotique ». Malgré
toutes les contraintes et les difficultés auxquelles il est exposé, le système vétérinaire se doit
d’assurer ses fonctions et de combler les besoins des éleveurs. Après dix années de
privatisation, quel bilan peut-on énoncer ? Qu’en est-il de la satisfaction des éleveurs ?
123
124
IV.BILAN ET LIMITES D’UN SYSTÈME « RÉNOVÉ »
A.Privatisation et services aux éleveurs : appréciation des
performances du «nouveau» système
L’évaluation des performances d’un système de santé est une tâche difficile, et
facilement subjective. Ainsi, au vu de la complexité des systèmes de santé, il apparaît que les
résultats dont on dispose sont bien souvent difficiles à interpréter et sont parfois
contradictoires selon le point de vue que l’on privilégie. De plus, les performances globales
des systèmes vétérinaires actuels sont évaluées de manière assez diverses et peu normatives.
Domenech et al. (2004) soulignent plusieurs axes de recherche à envisager dans le domaine
des systèmes de santé animale. Un des axes à privilégier serait en premier lieu l’identification
et la mise au point d’une nomenclature de critères et d’indicateurs fiables sur l’efficacité et
sur les fonctionnement des systèmes de santé tant conventionnels que non conventionnels, en
termes médicaux, économiques, sociaux et environnementaux. En l’absence de ces
indicateurs, il est difficile de procéder à une évaluation rigoureuse. Par ailleurs, si dans
certains pays (notamment en Afrique de l’Est), les politiques de privatisation de la santé
animale ont fait l’objet d’évaluations (par le biais des projets) et sont le sujet de différents
travaux de recherche, on ne dispose que de peu de documents pour le Sénégal. Au vu des ces
différentes contraintes et difficultés, nous n’envisageons pas ici de dresser une évaluation
exhaustive des performances du nouveau système de santé, mais plutôt d’avancer des
éléments d’appréciation et quelques pistes de réflexion.
1.Évolution du personnel du secteur de l’élevage
Le personnel total des Services vétérinaires, privé comme public, a plutôt tendu vers
une augmentation au cours des dix dernières années. Bien que les statistiques doivent être
considérées avec prudence, il semble que l’essor du secteur privé consécutif à la privatisation
des services de santé animale a compensé la diminution des ressources humaines du secteur
public, pour les docteurs vétérinaires comme pour les para-professionnels (tableau 4). Ce
phénomène s’est observé à partir de 1994, année clé qui signe l’essor du développement du
secteur privé. Auparavant, la diminution du personnel du public s’était répercutée sur l’offre
globale disponible pour les éleveurs (figure 38).
125
Tableau 4 : Evolution du personnel des services de santé animale (d’après Cheneau, 1985 ; Cissé, 1996 ;
Gueye, 2003 ; Umali et al., 1992)
Nb de personnel
"auxiliaire" = Agents
Techniques d’Elevage,
Ingénieurs des Travaux
d’Elevage, Infirmiers
d’Elevage
Nb de docteurs
vétérinaires
1984
1989
1994
1998
2000
2003
Public
61
39
58
57
53
36
Privé
2
4
49
111
128
132
Total
87
68
198
235
249
246
Public
660
532
310
349
349
285
Privé
0
0
87
156
168
205
Total
privé
2
4
136
267
296
337
Total
660
532
397
505
517
490
Total
public
721
571
368
406
402
321
Personnel
total
723
600
595
740
766
736
800
700
Effectifs personnel
600
500
Total public
400
Total privé
300
200
100
02
20
00
20
98
19
96
19
94
19
92
19
90
19
88
19
86
19
19
84
0
Figure 38 : Evolution du personnel vétérinaire de 1984 à 2003 (D’après Cheneau, 1985 ; Cissé, 1996 ;
Gueye, 2003 ; Umali et al., 1992)
De nombreuses réserves doivent être émises quant à la validité de cette compensation
du secteur public par le privé. Cette compensation n’est en effet peut-être qu’apparente.
Les statistiques et recensement du personnel des services de l’élevage sont à considérer avec
prudence ; les chiffres varient considérablement selon la source que l’on considère (Services
de l’élevage, OIE). En ce qui concerne le secteur privé, les données correspondant aux
126
docteurs vétérinaires privés sont le plus souvent tirées des registres de l’Ordre des
Vétérinaires du Sénégal, Les chiffres, estimés à partir des autorisations d’exercer délivrées par
ce dernier ne traduisent pas toujours la réalité sur le terrain. Tous les vétérinaires
comptabilisés par l’ODVS n’exercent pas régulièrement ; certains même n’exercent pas du
tout et se sont orientés vers d’autres activités. Quant aux ATE et ITE, aucun recensement n’a
été fait récemment et ces chiffres sont des estimations issues de la DIREL. Ils correspondent
probablement là aussi au nombre d’autorisations d’exercer délivrées. Mais de nombreux
techniciens et ingénieurs ont demandé cette autorisation sans la renouveler. Sont-ils
comptabilisés ? Personne n’a pu nous répondre. Par ailleurs, un très grand nombre d’ATE et
ITE exercent sans autorisation. Qu’en est-il pour leur recensement ?
2.La disponibilité en intrants et services
On entend ici par disponibilité « l’approvisionnement régulier et au meilleur coût et la
mise à disposition la plus rapprochée possible pour les différentes catégories d’éleveurs »
(Thomé et al., 1996).
Selon les éleveurs que nous avons rencontrés, il semble que la privatisation ait amélioré la
disponibilité en intrants vétérinaires. « Du temps du service public, il y avait très peu de
médicaments disponibles ». Les éleveurs les plus proches des villes trouvent facilement un
vétérinaire susceptible de leur délivrer des médicaments. Quant à ceux situés en zone rurale,
ils ont recours à l’agent de poste vétérinaire, à l’auxiliaire, ou au secteur informel. Avec la
privatisation, les acteurs du circuit de distribution du médicament se sont multipliés, étoffant
ainsi considérablement le réseau de distribution aux éleveurs. Les auxiliaires, mais aussi les
acteurs du secteur informel, rapprochent le médicament de son destinataire et contribuent
largement à une meilleure diffusion des médicaments. Tous les écrits s’accordent pour dire
que la privatisation de la santé animale a amélioré la diffusion des médicaments auprès des
éleveurs, bien qu’elle ait aussi stigmatisé le développement d’un marché noir des
médicaments dont la qualité est souvent douteuse. En ce qui concerne la disponibilité des
services, la situation est très différente entre les éleveurs proches des centres urbains, et ceux
des zones rurales. Pour les premiers, le vétérinaire est dorénavant plus disponible que l’agent
public et, surtout, il est souvent doté d’un véhicule qui lui permet de se déplacer chez eux.
Mais pour les éleveurs des zones rurales éloignés des centres urbains, « ça n’a rien changé » :
leur « vétérinaire » reste l’agent de poste, qui est souvent encore dénué de moyens et de
véhicule, et qui ne dispose que d’une quantité de médicaments très limitée. Le seul point
positif qu’ils voient à la privatisation est, dans certaines zones, la prolifération des ONG et
leur cortège d’auxiliaires qui délivrent un service de proximité (Thomé et al., 1996). « La
privatisation, ça a permis aux éleveurs d’avoir des médicaments et de toucher à la seringue »,
nous ont confié de nombreux agents de poste.
Les médicaments vétérinaires ont subi au cours des dix dernières années une
augmentation de prix, dont l’impact sur la disponibilité et l’utilisation par les éleveurs est
difficile à apprécier. La dévaluation du Franc CFA, concomitante à l’essor de la privatisation
en 1994, a entraîné une augmentation générale, bien que variable, du coût des médicaments,
mais également une augmentation du prix du bétail. Les conséquences de cette augmentation
du prix des médicaments sont difficiles à apprécier. Un indicateur intéressant à relever serait
le nombre d’animaux que doit vendre un éleveur pour en traiter un nombre déterminé
d’autres. L’augmentation des coûts est aussi liée à la politique des laboratoires occidentaux ;
une augmentation du prix au niveau de ces laboratoires se répercute sur le terrain. La question
du recours plus systématique à des produits génériques, a priori plus économiques, reste
entière. Enfin, le mode de constitution du prix est variable en fonction des systèmes de
distribution et de la multiplication des marges. Le concept de prix unique sur l’ensemble d’un
territoire (comme en Guinée par exemple), régule ces fluctuations et permet un meilleur
127
contrôle, par les éleveurs en particulier, mais a tendance à « tirer les prix vers le haut »
(Thomé et al., 1996).
3.La couverture vaccinale
3500000
80,0
70,0
3000000
60,0
Nombre de bovins
50,0
2000000
40,0
1500000
30,0
% de bovins vaccinés
2500000
Nombre de
bovins
vaccinés
Effectif total
de bovins
% de bovins
vaccinés
1000000
20,0
500000
10,0
20
00
19
98
19
96
19
94
19
92
19
90
19
88
19
86
19
84
19
82
19
80
0,0
19
78
0
Figure 39 : évolution du nombre de bovins vaccinés (D’après DIREL, 2004)
L’évolution du nombre de vaccinations (figure 39) montre au Sénégal, à l’instar de la
mouvance observée dans de nombreux pays d’Afrique, une stagnation voire une diminution
du nombre de bovins vaccinés, même s’il est difficile de la rapporter à des effectifs qui sont
mal connus. Le graphique ci-dessus permet cependant d’appréhender les grandes tendances.
La chute du nombre de bovins vaccinés est particulièrement notable à partir de 1992. On
aurait pu penser que cette chute serait directement liée à l’arrêt de la vaccination contre la
peste bovine. Visiblement, la relation de cause à effet n’est pas évidente − la vaccination
contre la peste bovine n’a été suspendue qu’à partir de 1997.
Certains voient dans ce phénomène une corrélation avec l’essor du processus de privatisation,
et l’incapacité du système libéral à garantir l’état sanitaire du cheptel. On reproche souvent
aux vétérinaires privés une démarche mercantile. Selon certains éleveurs ou inspecteurs,
certains vétérinaires négligent les troupeaux les plus éloignés ou difficiles d’accès. D’autres
ne se déplacent pas en personne pour les vaccinations et emploient lors des campagnes une
main d’oeuvre pas toujours qualifiée. Il semble que de telles attitudes contribuent à une baisse
d’implication des éleveurs pour les vaccinations. Le manque de motivation est lié d’une part
au recul des grandes épizooties meurtrières (et à la baisse de la crainte et de la vigilance des
éleveurs), et d’autre part aux rapports parfois conflictuels entre l’Etat et les éleveurs, qui
voient dans la vaccination encore aujourd’hui un moyen de prélever l’impôt. De plus, les
128
éleveurs appréhendent les campagnes de vaccination dans lesquelles les animaux sont
malmenés lors de la contention. Finalement, aujourd’hui encore, les éleveurs se sentent
bloqués dans une relation d’autorité et de non prise en considération contre laquelle ils
s’insurgent ; leur réticence à vacciner les animaux est en partie la traduction concrète de ce
mouvement de résistance contre les institutions en place.
4.Les risques inhérents au système actuel
a)Une dégradation du service de l’Etat et un transfert de
fonctions sans garantie de compétences ?
Selon Thomé et al. (1996), les restructurations de la fonction publique, le transfert
effectué ou à venir de certaines fonctions au secteur privé s’accompagnent souvent d’une
dégradation du service public qui se manifeste par :
- une rétraction du service rendu, entraînée par la diminution du nombre d’agents et le
non pourvoiement de certaines zones d’élevage ;
- une dégradation des services par la diminution générale des moyens de
fonctionnement et par l’approvisionnement incertain de leurs pharmacies ;
- la dégradation de la qualité des services, due au manque de moyens pour les
laboratoires ou pour la formation continue ;
- la priorité, par beaucoup d’agents, accordée à leurs activités « rentables » : vente de
médicaments ou activités rémunératrices.
La privatisation a entraîné une redistribution des fonctions. Les vétérinaires privés se
cantonnent souvent à l’administration de leurs affaires. Leur présence sur le terrain est parfois
minime. Le contact direct avec l’éleveur, le diagnostic, les opérations de soins, les conseils de
posologie ne sont pas donnés par eux-mêmes, mais par le personnel qu’ils emploient :
auxiliaires, agents ou vendeurs. Ce personnel est généralement mal formé alors qu’il remplit
la fonction la plus importante. La responsabilité des opérateurs est diluée alors que
parallèlement se développe une offensive des « corps » pour préserver leur prééminence dans
les politiques de privatisation.
Quant aux agents de l’Etat, ils ne sont pas toujours en mesure de remplir leur fonction de
contrôle, et ce par manque de légitimité :
- la plupart des agents de terrain sont des ingénieurs ou des agents qui ne s’estiment pas
aptes à contrôler des vétérinaires privés ;
- la difficulté des agents à remplir leur fonction (manque de moyens) rend difficile le
contrôle ou la critique envers d’autres opérateurs.
Etre agent de l’Etat n’est pas obligatoirement une garantie de compétences, malgré les
formations initiales. Le même type de comportements que ceux observés dans le privé
peuvent se retrouver dans la fonction publique. Il reste que la longue pratique de certains
agents leur a donné une connaissance du milieu éleveur, des principales maladies et de leur
contexte, un savoir et un savoir-faire qu’il serait dommage de laisser se disperser ou se limiter
(Thomé, 1996).
b)Une approche marchande et médicamenteuse de la
santé animale ?
129
Les différents opérateurs privilégient leurs intérêts à court terme, c'est-à-dire les
revenus qu’ils tirent de la vente des médicaments. Les soins sont relégués au second plan,
sauf dans les cabinets pour les animaux domestiques où les deux aspects sont liés. Les aspects
formation/conseil et appui zootechnique ne sont donc pas prioritaires, et l’articulation n’est
pas faite dans ce domaine entre ce que doit être l’action du public et l’action du secteur privé.
La motivation est d’abord économique et ne garantit pas la réponse aux besoins réels de
l’ensemble des producteurs. L’éleveur est un client et n’est vu que comme un client (Thomé
et al., 1996)
Le risque est une concentration des opérateurs dans les zones d’élevage consommatrices
d’intrants (zones urbaines et périurbaines d’embouche, zones infestées par la trypanosomiase)
à l’image de ce que Thomé et al. (1996) ont pu observer au Burkina Faso, au Niger, en
République Centrafricaine et en Guinée. Les spéculations considérées comme mineures et les
zones pastorales où l’investissement en santé animale est faible, intéressent peu les nouveaux
opérateurs ; ils considèrent qu’il y a peu d’argent à gagner dans ces secteurs. Au Sénégal, un
inspecteur départemental nous disait que « les éleveurs se sont sentis abandonnés. Les privés
n’aiment pas le risque. Ils s’installent en ville et restent sur le goudron ».
B.La couverture des besoins des éleveurs par le système
actuel
Pour mieux comprendre le degré de satisfaction des besoins des éleveurs en matière de
santé animale, on s’intéressera tour à tour aux contraintes et besoins, puis à la réponse actuelle
offerte par le système.
1.Des besoins diversifiés
a)Définitions : « Stratégies » et « pratiques » en santé
animale
La gestion de la santé animale est citée par Landais et al., (1987) dans la typologie
qu’il établit des pratiques d’élevage, définies par Teissier en 1979 et cité par Lhoste en 1986 :
« la pratique est la façon dont l’opérateur met en œuvre une opération technique … la
technique est considérée comme un ensemble ordonné d’opérations ayant une finalité de
production ». Landais discerne des pratiques d’agrégation, des pratiques d’exploitation, et des
pratiques de conduite, regroupant « l’ensemble des opérations techniques effectuées par
l’homme sur les animaux en vue d’assurer leur entretien et de les mettre en condition de
produire et (éventuellement) de se reproduire conformément à ses objectifs », parmi
lesquelles apparaît la gestion de la santé animale. Landais (1987), envisage les pratiques sous
l’angle décisionnel, c’est-à-dire « par référence à un centre de décision aux ressources et à
l’information dont il dispose, aux objectifs qu’il poursuit, aux stratégies qu’il développe à cet
effet ». Thomé et al. (1996) évoquent aussi une « stratégie des éleveurs en matière de santé
animale ». Nous avons déjà précisé plus haut dans ce travail la notion de « stratégie
d’acteur ». Mais Chauveau (1995) s’est intéressé plus particulièrement à l’analyse du concept
de « stratégie des agriculteurs africains » et du « raisonnement stratégique ». Le concept de
« stratégies » appliqué aux comportements des agriculteurs africains est né de l’hypothèse
centrale que « ces comportements relèvent de choix cohérents et délibérés dont l’intelligibilité
requiert la prise en compte des conditions réelles dans lesquelles s’effectuent les activités
agricoles ». L’auteur souligne cependant que « les stratégies des agriculteurs ne sont ni
données ni directement observables. Les stratégies sont le résultat d’une construction de
130
l’observateur à partir de données hétérogènes, mais aussi de ponts de vue hétérogènes. La
règle d’or en la matière est donc de ne pas prendre le « raisonnement stratégique » de
l’agronome, de l’économiste ou du sociologue pour l’intention stratégique de l’agriculteur ».
C’est ce processus décisionnel que nous allons tacher d’appréhender maintenant, en
prenant garde aux écueils dénoncés par Cheveau (1995). Ainsi, nous tacherons de mieux
comprendre comment s’élaborent les prises de décision relatives à la santé animale. Mais
nous n’oublierons pas que, d’une part ces décisions sont le résultat d’un processus complexe
que nous ne prétendons pas appréhender de manière exhaustive et que, d’autre part, les
éléments que nous présenterons ne sont que le fruit d’une reconstruction du processus a
posteriori.
b)Quels facteurs décisionnels pour les pratiques de santé
animale ?
Les comportements des éleveurs et les processus de prise de décision en matière de
santé animale n’ont que peu été étudiés jusque là. Chilonda et Van Huylengroeck (2001) ont
élaboré un schéma conceptuel explicitant les différents facteurs influençant les décisions
prises par les éleveurs dans le cadre de la gestion de la santé de leurs troupeaux. Ce schéma
(figure 40) montre que les décisions résultent de l’interaction de plusieurs variables,
notamment les caractéristiques propres à l’éleveur, le système d’élevage, les facteurs
économiques, la situation institutionnelle et les paramètres biophysiques.
Facteurs
économiques
Marché, prix des
intrants vétérinaires
et produits d’origine
animale, etc.
Pression sanitaire
Maladies,
parasites, climat,
etc.
Facteurs institutionnels
Politique en matière
d’élevage, organisation des
services de santé animale,
infrastructures, etc.
DECISIONS RELATIVES A LA
GESTION DE LA SANTE
ANIMALE
Caractéristiques des éleveurs
Objectifs, connaissances, etc.
Système d’élevage
Ressources agricoles et de
l’élevage, degré d’intensification,
connexion au marché, etc.
Figure 40 : Modèle conceptuel des facteurs influençant les décisions prises par les éleveurs dans le
domaine de la gestion de la santé animale (d’après Chilonda et Van Huylengroeck, 2001)
Ce sont quelques uns des éléments pris en compte par les éleveurs pour la gestion de la santé
animale que nous allons envisager maintenant.
131
(1)Les caractéristiques propres aux éleveurs
Les caractéristiques propres aux éleveurs, et en particulier les objectifs, connaissances
et comportements de ces derniers ont une forte influence sur la gestion de la santé animale.
Les petits éleveurs, en particulier, ont de multiples objectifs rattachés aux activités d’élevage
(ressource pécuniaire, sécurité financière, accumulation de richesse, rôle dans les échanges
sociaux, autoconsommation des produits d’origine animale, statut social), et ces objectifs
interviennent grandement sur les prises de décision (Chilonda et Van Huylengroeck, 2001).
Les compétences des éleveurs en santé animale, l’idée qu’ils se font de la maladie, ses
représentations mentales, ses répercussions sur la productivité du troupeau, tout comme la
connaissance qu’ils ont de la gestion des risques sanitaires interviennent de manière
prépondérante dans la « stratégie ».
Le niveau d’éducation et les connaissances influent sur la gestion de la santé animale. Selon
Chilonda et Van Huylengroeck (2001), l’éducation formelle augmente les compétences des
éleveurs en matière de gestion et la compréhension d’une information complexe relative à
l’adoption de nouvelles techniques (d’élevage, de lutte contre les maladies, …). Ce paramètre
est cependant loin d’être le plus important en matière de gestion de la santé animale.
L’éducation informelle (notamment les connaissances capitalisées au contact des
professionnels de santé animale) et l’expérience acquise sur le terrain interviennent. Les
facteurs culturels interviennent aussi ; les pasteurs peuls par exemple, sont souvent très
impliqués dans le suivi de leur troupeau. L’élevage occupe une place prépondérante dans la
culture peule. Les épizooties marquent les esprits et les grandes épidémies de peste bovine
servent encore aujourd’hui de repère dans le système chronologique de la tradition orale dans
la société peul (années 1892, 1917, 1943 ; Bâ, 1986). Selon un vétérinaire, « les transhumants
ont capitalisé beaucoup d’expérience en matière de connaissance des maladies, c’est ce qui les
pousse à beaucoup dépenser pour la santé de leurs animaux ». Les éleveurs Peuls sont les plus
reconnus pour leurs connaissances en matière de pathologie animale. Ils connaissent bien les
maladies affectant leurs troupeaux, et sont capables de les décrire de manière souvent très
fine. L’identification des maladies fait partie de l’éducation et de la pratique du berger peul
(Bâ, 1986). Chacune des maladies est identifiée par un nom qui évoque souvent la
symptomatologie (Bâ, 1986) : le charbon symptomatique, qui provoque des boiteries et une
tuméfaction des muscles, de l’épaule et de la hanche notamment, est connu sous le nom de
koyngal (la patte) ou henndu (la tumeur). La tuberculose est désignée par doyru (la toux), la
peste bovine par saafa (la fièvre) ou caaru (la diarrhée). La péripneumonie contagieuse
bovine, qui cause des difficultés respiratoires, une toux douloureuse est joofe (poumons) ou
wecco (poitrine, côte). Les symptômes et leur évolution sont décrits avec précision. Les
informations sanitaires circulent entre les éleveurs. Les forages et les marchés au bétail sont
un lieu privilégié d’échanges. Les transhumants « ont développé un réseau efficace de
circulation de l’information, dont le relais est souvent le louma. S’il y a une épidémie
quelconque, ils se passent l’information solidairement pour rapidement pouvoir vacciner ou
connaître le produit vétérinaire adapté »39. Par ailleurs, plusieurs vétérinaires parlent de
« transfert de connaissances » des transhumants vers les agriculteurs.
(2)Le système d’élevage
Les caractéristiques du système d’élevage sont souvent citées comme un paramètre
prépondérant pour la prise de décision en matière de santé animale (Chilonda et Van
Huylengroeck, 2001 ; Thomé et al., 1996).
39
A. DIAW, vétérinaire privé à Tambacounda, lors des Journées de réflexion “pastoralisme et développement de
l’élevage”, LNERV/DAKAR, 23 Octobre 2003
132
On rappellera la définition du système d’élevage donnée par Landais (1992) : « Un système
d’élevage est un ensemble d’éléments en interaction dynamique organisé par l’homme en vue
de valoriser des ressources par l’intermédiaire d’animaux domestiques pour en obtenir des
productions variées (lait, viande, cuirs et peaux, travail, fumure, etc.) ou pour répondre à
d’autres objectifs ». Menjon et D’Orgeval (1983) apportent un autre éclairage sur cette
définition en précisant que le système d’élevage est « l’ensemble des ateliers et des techniques
qui permettent de produire des animaux ou produits animaux dans des conditions compatibles
avec l’objectif de l’agriculteur et avec les contraintes d’exploitations ». Dufumier (2001)
souligne que « au niveau de chaque troupeau, le système d’élevage se présente comme un
ensemble ordonnée d’interventions dans les domaines de la sélection, de la reproduction, de
l’alimentation, de l’hygiène, de la santé, etc ».
Les pratiques de gestion du risque sanitaire ne sont qu’un élément au sein du pilotage des
activités d’élevage. Pour comprendre les tenants et les aboutissants des choix opérés en santé
animale, il faut envisager la santé dans une globalité, celle du système d’élevage. Certains
facteurs qui semblent plus particulièrement déterminants pour la demande en services de santé
animale (Vétérinaires Sans Frontières, 2000) : l’accès aux ressources naturelles, les
caractéristiques du troupeau et le niveau d’intégration des élevages aux réseaux commerciaux.
● L’accès
aux ressources naturelles
La disponibilité de la terre et de l’eau joue un rôle prépondérant pour la gestion de la santé
animale (Chilonda et Van Huylengroeck, 2001). Un accès non sécurisé aux ressources
pastorales, comme c’est aujourd’hui le cas dans de nombreux systèmes transhumants
−notamment au Sénégal−, favorise des stratégies d’investissement minimum (donc de risques
minimums) dans le système de production, y compris pour les dépenses de santé animales. A
contrario, un accès restreint mais sécurisé aux espaces pastoraux, favoriserait les processus
d’intensification et donc le recours aux services et aux intrants (Vétérinaires Sans Frontières,
2000).
● Les
caractéristiques du troupeau
Ahuja et al. (2003) ont montré que la demande était corrélée de manière significative à la
valeur des animaux, qu’on peut évaluer à travers le nombre d’animaux de race exotique ou
métissés détenus par les éleveurs. Plus le nombre d’animaux exotiques ou métissés augmente,
plus la consommation des éleveurs en intrants vétérinaires est grande. C’est ce que nous a
confirmé pour le Sénégal un agent d’élevage en zone pastorale, selon qui les éleveurs étaient
prêts à dépenser de fortes sommes pour les taureaux de race Guzerah ou métissés (figure 41),
ces animaux atteignant des prix élevés sur le marché. Outre ces animaux « métis », les
animaux à haute valeur sont aussi les bovins ou ovins d’embouche, les vaches à forte
production laitière ou « bonne maman » … La valeur des animaux peut aussi revêtir un
caractère beaucoup plus subjectif. C’est le cas par exemple pour certains bovins, qui sont
parfois porteurs d’un patrimoine familial ou culturel. La vache héritée du troupeau familial,
ou celle qui est à l’origine de toute la lignée fait l’objet de soins particuliers ; pour elle, on
peut dépenser sans compter.
133
Figure 41 : taureau métis Gobra/Guzerah
Par ailleurs, la taille du troupeau rentre aussi en ligne de compte pour la gestion de la
santé du cheptel. Selon Chilonda et Van Huylengroeck (2001), ce facteur entre en jeu par le
biais du mécanisme des économies d’échelle. Un éleveur qui possède un grand troupeau a
statistiquement plus de chance de faire l’expérience d’une maladie animale. De plus, il pourra
tirer un meilleur profit des services vétérinaires, puisque le coût des dépenses par animal
diminue lorsque la taille du troupeau augmente. Les services en deviennent alors plus
abordables.
●L’intégration
des systèmes d’élevage au marché
Le degré d’intensification et l’orientation plus ou moins prononcée du système de
production vers le marché interviennent de manière prépondérante dans les processus de
décision pour la gestion de la santé animale. En effet, ces facteurs déterminent des degrés
variables de consommation en intrants et technologies, en particulier vétérinaires. La
commercialisation régulière d’animaux (figure 42) ou de produits alimentaires d’origine
animale influe directement sur le recours aux services en santé animale.
134
Figure 42 : Marché hebdomadaire (louma) en zone pastorale
Schématiquement, plus les systèmes s’intensifient et s’intègrent dans une logique
commerciale, plus leur consommation potentielle et intrants et services de santé animale
augmente (Thomé et al., 1996). Ahuja et al. (2003) ont réalisé une étude statistique sur la
demande en services de santé animale en Inde. Ils ont noté une corrélation positive et
significative entre la demande en services et des variables telles que le prix moyen du lait ou
la proportion de la production en lait vendue sur le marché. Ces variables permettent
d’évaluer le degré d’intégration de l’élevage au marché. Selon les auteurs, une augmentation
de 1% du prix payé à l’éleveur pour le lait provoque une augmentation de 2% de la demande
en services vétérinaires.
Le niveau de commercialisation des animaux et produits d’origine animale est lié aux
objectifs et stratégies propres des éleveurs, mais aussi à la nature du marché (accessibilité,
régularité, valorisation de la qualité). Il existe une étroite corrélation entre marché au bétail et
services en santé animale : en général, plus un éleveur disposera d’un accès au marché
sécurisé pour son bétail, plus forte sera l’offre de service en santé animale. Dans ce cas,
l’achat de services et d’intrants dépendra directement de la rémunération du bétail (donc des
termes de l’échange bétail/intrants ; Vétérinaires Sans Frontières, 2000). On peut chercher ici
des éléments d’explication sur le comportement et les modes de consommation de certains
éleveurs. Le programme PAPEL a initié une campagne d’insémination artificielle à partir de
semences Prim’Holstein, sur les vaches Gobra, et ce dans le but d’accroître la production
laitière. Les vaches métis ont bien sûr une valeur marchande supérieure aux Gobra, mais
parfois, les soins vétérinaires accordés à ces animaux restent frustres : vaccination obligatoire,
souvent rien de plus. On peut penser que malgré la valeur de ces animaux, le prix médiocre du
lait payé aux éleveurs, la faiblesse des circuits de commercialisation et l’accès difficile au
marché constituent un facteur limitant pour la demande en services, et ce malgré la valeur des
animaux.
La plupart des vétérinaires privés ont intégré ces « modèles » de consommation, et se
sont installés dans les villes et les zones « à haut potentiel » de production. Sans le formuler
directement, ils ont spéculé sur la rentabilité de leur activité à travers la proximité du marché
des productions animales.
135
(3)Les facteurs économiques
Les facteurs économiques englobent l’existence ou non d’un marché pour les produits
d’origine animale, mais aussi pour les intrants vétérinaires, le niveau des prix des produits et
intrants, et la relation entre l’offre et la demande.
Un premier facteur économique prépondérant est l’existence d’un marché pour les animaux et
les produits d’origine animale. On a pu voir précédemment que la présence ou l’absence de
marché, mais aussi sa nature, son accessibilité, sa qualité influencent grandement les
décisions relatives à la gestion du troupeau, et en premier lieu celles concernant la santé
animale. Les insuffisances de marché, leur inaccessibilité sont une des principales
explications du manque d’intérêt des éleveurs pour l’adoption de nouvelles technologies
(Chilonda et Van Huylengroeck, 2001).
Par ailleurs, le niveau des prix sur le marché joue un rôle central dans les processus de
décision des éleveurs. Lorsque l’on s’intéresse au rapport des prix entre intrants (figure 43) et
produits, on s’aperçoit que les éleveurs sont très sensibles aux variations de ce dernier. Ce
rapport détermine les conditions de rentabilité des activités de l’éleveur, et en conséquence les
sommes investies dans les différents ateliers, y compris en terme de santé animale (Chilonda
et Van Huylengroeck, 2001). Dans le cas d’un accès sécurisé au marché, l’achat de services et
d’intrants vétérinaires par les éleveurs dépend directement de la rémunération du bétail, et
plus précisément des termes de l’échange bétail/intrants (Vétérinaires Sans Frontières, 2000).
Figure 43 : Le niveau des prix des intrants, en particulier celui des aliments du bétail, influence les
processus décisionnels des éleveurs
Les facteurs relatifs à la composition de l’offre et la demande en bétail et produits d’origine
animale influencent également les décisions concernant la santé animale. Une baisse de la
demande en bétail et produits d’origine animale et une diminution du niveau des prix
n’incitent pas les éleveurs à allouer les ressources disponibles au troupeau. L’adoption de
nouvelles technologies et la consommation d’intrants, y compris vétérinaires, en sont freinées
(Chilonda et Van Huylengroeck, 2001).
Enfin, la structure du marché des intrants et services de santé animale conditionne leur
utilisation. Si des intrants tels que les médicaments vétérinaires et les services de santé
animale ne sont pas disponibles, ou disponibles à des prix trop élevés, leur utilisation en est
136
limitée. Une des causes principales du faible recours aux services est la déficience de ces
marchés. Cependant, les imperfections et défaillance des marchés des services tiennent
souvent à des considérations institutionnelles, et en particulier − pour les services publics − à
la volonté de l’Etat de les améliorer. C’est à ce titre, et en considérant que l’Etat est incapable
d’assurer la maintenance et l’amélioration de tels services que la privatisation a été envisagée
comme le moyen d’aboutir à une meilleure efficacité des services et éventuellement, à un coût
total plus faible (Chilonda et Van Huylengroeck, 2001).
(4)Les facteurs institutionnels
L’environnement institutionnel dans lequel les éleveurs évoluent influence les
pratiques d’élevage en général (Chilonda et Van Huylengroeck, 2001), et en particulier la
gestion de la santé animale et le degré avec lequel les éleveurs sont en connexion avec le
système vétérinaire. Les facteurs institutionnels se rapportent à la politique et l’organisation
des services vétérinaires, les infrastructures, l’accessibilité aux services vétérinaires, les
sources d’information et les possibilités d’extension de ces services.
Parmi les facteurs institutionnels, la situation et les choix politiques interviennent dans
la mesure où ils déterminent le degré d’implication du secteur public (ou au niveau
d’implication du secteur privé) dans la fourniture des services de santé animale. Ces facteurs
sont primordiaux dans la mesure où ils conditionnent le niveau des subventions attribuées au
secteur de l’élevage, et aux intrants vétérinaires en particulier (vaccinations par exemple pour
le Sénégal), le niveau de prix des produits de l’élevage, ainsi que d’autres mécanismes de
régulation qui déterminent le recours aux services vétérinaires. Les facteurs institutionnels
incluent aussi les politiques de crédit menées par l’Etat, qui constituent un élément important
pour les stratégies des éleveurs en matière d’élevage, d’allocation des ressources disponibles
aux différentes activités et d’utilisation des intrants vétérinaires. Les décisions politiques
déterminent le schéma d’organisation de l’offre en services de santé animale, qui influe à son
tour sur l’utilisation qui en est faite par les éleveurs. Face à une offre atomisée et complexe
(docteur vétérinaire, ATE, auxiliaire, praticien traditionnel, etc.), l’éleveur raisonne en
fonction de la disponibilité, la qualité du personnel vétérinaire, et la capacité de ce dernier de
fournir un diagnostic et un traitement corrects (ce qui détermine le coût et l’opportunité de
telles interventions). Les facteurs politiques déterminent aussi la présence et la qualité
d’infrastructures telles que la présence de marché et de routes conduisant à ces derniers, les
moyens de communication, ou encore les sources disponibles de produits et services
vétérinaires. Toutes ces infrastructures sont des paramètres décisifs pour les décisions des
éleveurs relatives à la gestion de la santé animale (Chilonda et Van Huylengroeck, 2001).
Dans cet environnement institutionnel, les auteurs accordent une place prépondérante
à des paramètres économiques particuliers, les « coûts de transaction ». L’économie des coûts
de transaction appartient à la tradition de recherche de la mouvance dénommée « Nouvelle
Economie Institutionnelle », qui s’est intéressée aux transactions entre les différents acteurs
économiques. Les coûts de transaction sont définis comme les « coûts de fonctionnement du
système économique » (Kenneth Arrow, 1969 ; cité par Williamson, 1994). Ils constituent
« l’équivalent économique des frictions dans les systèmes physiques » (Williamson, 1994).
Dans le domaine des services de santé animale, ces frictions peuvent être la distance
géographique entre l’éleveur et le prestataire, la difficulté d’accès ou le coût des services. Les
coûts de transaction constituent des obstacles à l’utilisation des services de santé animale et
sont des variables très importantes du processus de décision. Par ailleurs, ces coûts diminuent
lorsque le bénéfice que les éleveurs retirent des mesures de contrôle sanitaire augmente
(Chilonda et Van Huylengroeck, 2001).
137
(5)La pression sanitaire
La pression de la pathologie animale joue bien entendu un rôle majeur dans la gestion
de la santé animale par les éleveurs. Nous avons vu précédemment les facteurs qui
conditionnent les variations de pression sanitaire : conditions climatiques, systèmes d’élevage.
Chilonda et Van Huylengroeck (2001) distinguent dans ces facteurs des paramètres
intrinsèques à la population animale, et d’autres extrinsèques. Tous conditionnent les
décisions prises par les éleveurs pour la gestion de la santé de leurs troupeaux.
Parmi les déterminants intrinsèques on pourra citer les caractéristiques physiques ou
physiologiques de l’animal hôte ou de l’agent pathogène. Des facteurs importants liés à l’hôte
sont par exemple les sensibilités liées à l’espèce, l’âge ou le sexe. Ceux liés à l’agent
pathogène incluent la virulence, le mode de transmission de la maladie et la relation
hôte/agent qui est établie. Les facteurs extrinsèques à la population animale sont en rapport
avec les paramètres environnementaux de la maladie, les facteurs climatiques tels que la
pluviométrie, la chaleur, le vent, l’humidité … De plus, les facteurs environnementaux liés au
système de production influencent aussi les interactions hôte/parasite, ce qui conditionne à
son tour les décisions prises en matière de gestion de la santé animale.
c)Une demande variable et des besoins diversifiés
Une tentative d’évaluation de la demande potentielle en santé animale a été faite par la
Banque Mondiale, en s’appuyant sur la notion de VLU (Veterinary Livestock Unit). Dans le
principe, les VLU sont à la santé ce que les UBT (Unité de Bétail Tropical) sont à
l’alimentation. 1 VLU correspond à une quantité donnée de soins vétérinaires. D’après la
Banque Mondiale (De Haan et Nissen, 1985), 1VLU = 1 bovin = 1 chameau = 2 chevaux ou
ânes = 2 porcs = 10 petits ruminants = 100 volailles. Dans une région donnée, l’importance de
la demande en santé animale serait donc directement liée au nombre de VLU présentes. Dans
la pratique, ce modèle trop simpliste n’est que partiellement opérationnel (Vétérinaires Sans
Frontières, 2000).
Outre le nombre d’animaux (ou de VLU), l’évaluation de la demande doit prendre en
compte les stratégies des éleveurs en matière de santé animale. Parmi les différents facteurs
décisionnels envisagés précédemment, certains semblent surdéterminants par rapport à la
demande : la pression de la pathologie animale, les systèmes d’élevage et les conditions du
marché et de la viande (Thomé et al., 1996). Les conditions du marché et de la viande varient
dans l’espace (notamment en fonction de la proximité des centres urbains et des conditions
d’accès au marché) et dans le temps. La pression sanitaire, elle, est géographiquement
différenciée. Quant aux systèmes d’élevage, ils déterminent grandement les stratégies des
éleveurs.
Pour appréhender de manière globale les grandes tendances de la demande à l’échelle du
Sénégal, on peut se baser sur les travaux de Woodford (2004) qui a synthétisé les besoins et
les contraintes des éleveurs selon les grands types d’élevage.
● Dans
les zones d’élevage très intensif, (élevages laitiers ou avicoles de la région de Dakar et
de la zone des Niayes), la prévention et le contrôle des maladies se complique sous l’effet de
l’intensification et de la concentration des animaux qu’elle implique. Les dépenses en santé
animale sont basées sur une analyse coût/bénéfices. La demande en fourniture de services est
importante, en quantité comme en qualité. De tels systèmes font appel à des compétences
vétérinaires qui sont celles de vétérinaires qualifiés.
138
● Dans les zones urbaines et peri-urbaines (villes secondaires), l’élevage tend à évoluer vers
une intensification des productions. Ces élevages ont de plus en plus recours à des protocoles
de vaccination réguliers, des conseils zootechniques, voire l’insémination artificielle.
Dans les zones agricoles (Bassin arachidier, Sud du Sénégal), l’élevage est complémentaire
voire intégré à l’agriculture. Ces agro-éleveurs disposent souvent d’une connaissance des
maladies moins importante que les pasteurs. Cependant, ils sont capables de reconnaître les
maladies les plus fréquentes affectant leur cheptel et souhaitent avoir accès aux médicaments
« modernes » pour traiter leurs animaux. Dans ces systèmes, les coûts de transaction −
distance physique et sociale vers le prestataire −, et l’accès de l’éleveur au marché
déterminent le type de demande en services de santé animale.
●
Dans les zones les plus sèches (zone sylvo-pastorale), l’élevage est souvent la seule forme
de mise en valeur des ressources naturelles. La mobilité est un facteur important pour la
survie. Dans de tels systèmes, la valeur individuelle des animaux est souvent faible, et le
destockage des animaux relativement modeste. L’accès aux ressources, pâturages et eau,
constitue la priorité absolue. La santé animale ne constitue pas pour eux une contrainte
majeure. De plus, la pression des maladies est souvent, dans ce type de milieu, plus faible
qu’ailleurs. Les pasteurs ont une connaissance des maladies extrêmement développée, et sont
conscients de la valeur de certains médicaments « modernes », bien qu’ils manquent souvent
d’informations sur leur utilisation. Cependant, le problème se pose principalement en terme
d’accès aux services. La demande en services « professionnels » est généralement faible. Les
besoins se tournent plutôt vers une formation pour une utilisation appropriée des supports
vétérinaires « modernes », et une amélioration de l’accès à des services de base de qualité.
Dans ces systèmes, la demande en services de santé animale est spécifiquement conditionnée
par les coûts de transaction, distance physique et sociale. Quand les services deviennent
accessibles aux pasteurs, les éleveurs savent très vite tirer bénéfice des interventions de santé
animale.
●
Ainsi, on pourra retenir que :
-
-
les besoins en santé animale doivent être envisagés dans le cadre d’une analyse
globale du système d’élevage. Le processus décisionnel en santé animale fait appel
au concept de « stratégie » des éleveurs.
les principaux facteurs décisionnels à l’échelle de l’éleveur sont : les caractéristiques
propres aux éleveurs (objectifs, compétences), le système d’élevage (accès aux
ressources naturelles, caractéristiques du troupeau, intégration au marché), les
facteurs économiques (niveau des prix entre produits et intrants, relation
offre/demande), les facteurs institutionnels, la pression sanitaire.
les besoins et demande sont spatialement différenciés en fonction du type d’élevage
pratiqué.
Ainsi, l’évaluation de la demande est complexe. La « photographie » de cette demande que
l’on pourrait obtenir par la seule prise en compte des densités de bétail n’est pas du tout
révélatrice de la réalité des besoins sur le terrain. Pour mieux cerner ces derniers, il est
nécessaire de prendre en compte les stratégies des éleveurs, qui sont elles-mêmes très
dépendantes du système d’élevage pratiqué. Finalement, la demande en services de santé
animale est complexe et diversifiée. L’éleveur de vaches laitières Prim’Holstein à Dakar n’a
ni les mêmes besoins, ni les mêmes contraintes que le pasteur Peul du Ferlo ou que
l’agriculteur de Casamance.
139
Face à la diversité de cette demande, on peut s’interroger sur les services offerts en retour. La
question de l’offre se posait avant la privatisation de manière unique : elle était uniquement
conditionnée par la répartition des agents publics. Avec la libéralisation des services de santé
animale, on a vu que le réseau de prestataires s’était considérablement complexifié. Dans
quelle mesure ce nouveau tissu d’intervenants permet-il de satisfaire ces besoins variés ?
2.La réponse potentielle aux besoins des éleveurs : une offre
hétérogène
Puisque l’on a vu que la différenciation spatiale était une clé importante des variations de la
demande des éleveurs sur l’ensemble du territoire, on abordera également la problématique de
la satisfaction de ces besoins sous un angle géographique.
a)Vétérinaires privés : des praticiens urbains ?
Pour l’année 2003, on a pu recenser 149 docteurs vétérinaires privés. Les enquêtes de
Gueye ont montré que seulement 95 d’entre eux étaient effectivement en exercice régulier.
La carte de répartition des vétérinaires laisse apparaître une répartition hétérogène de ces
derniers sur l’ensemble du territoire (figure 44).
Figure 44 : Localisation des vétérinaires privés au Sénégal (d'après ODVS, 2004)
Plusieurs points méritent d’être soulignés.
140
Tout d’abord, le contraste ouest/est pour l’implantation des privés ; alors que l’ouest
rassemble de nombreux vétérinaires, l’est semble « vide ». Ceci s’inscrit dans la tendance
d’un espace sénégalais fortement polarisé par l’ouest. Ensuite, le déséquilibre entre la région
de Dakar, qui concentre 38 des 95 vétérinaires en exercice, soit près de 40%, et les autres
régions. Puis, une disparité entre les départements d’une même région ; l’exemple le plus
flagrant est la région de Tambacounda, pour laquelle, le département de Tambacounda
rassemble 6 des 8 vétérinaires, alors que Kédougou n’en possède aucun. Enfin, l’implantation
des vétérinaires au sein des centres urbains.
Alors que les villes de Dakar et Pikine, dont la population dépasse les 500 000
habitants, accueillent à elles seules 35% des vétérinaires, le reste des praticiens s’est installé
dans les régions, mais préférentiellement dans des centres urbains, villes secondaires qui
connaissent au Sénégal un essor important. Les petites et moyennes villes n’accueillent
souvent qu’un seul vétérinaire. Seules les villes de plus de 50 000 habitants semblent pouvoir
accueillir plus d’un vétérinaire : Kolda et Louga comptent 2 vétérinaires, Tambacounda, 5.
Les vétérinaires sont installés dans des « grandes villes » (entre 100 et 500 000 habitants) à
hauteur de 19%. Il est alors fréquent de rencontrer plusieurs cabinets vétérinaires dans la
même ville : 2 à Kaolack, 3 à Mbour, 3 à Saint-Louis, 4 à Thiès. L’agglomération de Dakar,
avec 26 vétérinaires, est selon certains considérée comme « surpeuplée » en vétérinaires.
Derrière les disparités, c’est le choix et les préférences des vétérinaires pour leur lieu
d’installation qui apparaît. En effet, le choix du lieu d’installation n’est pas réglementé.
L’Ordre des vétérinaires n’intervient que pour réguler les installations en cas de
« saturation », mais son rôle se limite à celui de conseiller. Pour tenter d’expliquer ces
disparités, il est intéressant de mieux comprendre comment s’est opéré le choix des
vétérinaires pour leur lieu d’installation. On se doute que pourront apparaître des facteurs
« élevage », découlant d’une appréciation du marché potentiel et d’une évaluation de la
rentabilité financière de leur activité, mais on s’attachera à ne pas oublier bien d’autres
facteurs qui pourraient rentrer en ligne de compte.
Lorsque l’on interroge les vétérinaires, spontanément, la première réponse est souvent
« je suis de la région, ma famille est ici ». Cette dernière joue un rôle central dans le choix du
lieu d’installation.
Les vétérinaires s’attachent aussi à évaluer la demande potentielle. Même si ce
paramètre n’est pas toujours clairement énoncé, il transparaît lorsque l’on nous dit s’être
interrogé sur « les effectifs du bétail », « la présence d’un gros marché du bétail ». La
« logique » des effectifs du bétail voudrait que les vétérinaires soient plus présents là où le
nombre de tête de bétail est le plus grand. La réalité de la répartition est bien différente. Les
régions de Kaolack, Saint-Louis et Tambacounda comptent le même nombre de vétérinaires
privés (8) pour des effectifs et une demande potentielle sensiblement différents : entre 500 et
600 000 VLU40 pour les deux premières, contre près du double d’unités vétérinaires pour
Tambacounda (900 000 VLU). On peut penser que par « effectifs » du bétail, les vétérinaires
ont envisagé les effectifs globaux du département ou de l’arrondissement qu’ils envisageaient
de couvrir, mais surtout la densité du bétail. Ils ont tout intérêt à intervenir dans une zone où
le bétail est dense, et où la demande est relativement concentrée.
Le type d’élevage rentre aussi en ligne de compte ; les privés se sont installés dans les
zones où ils estimaient pouvoir trouver des éleveurs consommateurs d’intrants vétérinaires et
solvables, les seules vaccinations obligatoires ne suffisant pas à gagner sa vie. Ils se sont
installés préférentiellement là où ils estimaient pouvoir trouver des élevages plus utilisateurs
de soins vétérinaires : près de Dakar (zone d’aviculture et d’élevage laitier plus intensif
qu’ailleurs), dans la région de Thiès (aviculture) mais aussi dans le bassin arachidier, où se
40
VLU : Veterinary Livestock Unit, Unité de santé animale initialement proposée par la Banque Mondiale, qui
permet d’évaluer la demande en services. 1 VLU= 1 bovin = 1 camelin = 10 petits ruminants = 2 porcins,
chevaux, ânes = 100 volailles.
141
développe l’embouche ovine et bovine qui a fréquemment recours à des soins vétérinaires, ou
dans la zone du fleuve où selon l’un d’entre eux, on « mise sur un accroissement de la
demande lié à une intensification des productions animales, plus intégrées à l’agriculture ».
La pression des maladies n’a que rarement été citée dans nos entretiens ; seul un privé
installé à Sokone, à la limite de la zone de trypanosomiase, nous a dit avoir considéré ce
facteur comme important dans le choix du lieu d’exercice.
Les vétérinaires tiennent compte de la concurrence potentielle. Celle émanant du
secteur public n’a en théorie pas lieu d’être, et peut se régler dans le temps en trouvant un
terrain d’entente. La présence d’autres privés, agents et ingénieurs d’élevage principalement,
est en revanche un facteur important évoqué par les vétérinaires. La concurrence du secteur
informel, des praticiens occasionnels itinérants, des auxiliaires, mais surtout la présence dans
la zone d’un circuit parallèle de distribution des médicaments peut décourager un vétérinaire
de s’installer. On peut imaginer que c’est le cas à Touba (1 seul vétérinaire pour une ville de
près de 300 000 habitants) et dans la région de Diourbel en général (3 vétérinaires seulement).
Le choix du lieu d’exercice se fait presque toujours à la faveur d’un grand centre
urbain. Pourquoi un tel attrait pour la ville, pour un métier en apparence rural ? Le
regroupement des vétérinaires privés au sein des villes n’est pas un phénomène exclusivement
sénégalais. Les mêmes tendances ont été observées dans différents pays d’Afrique. Plusieurs
éléments d’explication peuvent être avancés. Tout d’abord, la ville rassemble des facteurs
indispensables à l’exercice de l’activité vétérinaire, un accès aisé à l’eau et l’électricité. Mais
on peut aussi penser que la ville constitue, pour des vétérinaires qui veulent toucher le plus
grand nombre possible d’éleveurs, un lieu de convergence de la demande. D’abord, parce que
la ville est aujourd’hui le siège d’un élevage intra et péri-urbain développé : élevage avicole,
laitier parfois, mais aussi élevage de moutons de case. Les chevaux utilisés pour la traction
urbaine constituent aussi une demande importante. En ville, les clients sont donc nombreux à
être directement à proximité du vétérinaire. Ces éleveurs urbains, pour qui l’élevage constitue
souvent une activité secondaire et spéculative, sont solvables et forts consommateurs de
médicaments vétérinaires. La présence de cette demande urbaine permet pour les vétérinaires
de pallier au caractère saisonnier de l’activité rurale et de maintenir un chiffre d’affaire
suffisant tout au long de l’année. Ensuite, parce que la ville constitue un pôle de
rassemblement des ruraux. Ceux-ci viennent régulièrement se ravitailler pour les biens de
consommation courante, viennent accomplir des formalités administratives. Dans les villes où
le foirail tient une place importante, nombreux sont les éleveurs qui viennent chaque semaine
à l’occasion des marchés au bétail, même s’ils n’ont pas d’animaux à vendre. Les marchés
sont un lieu majeur de rencontre et d’échange d’informations. Ces passages par la ville sont
pour les éleveurs l’occasion de venir acheter les médicaments au vétérinaire, d’amener leur
mouton en consultation, mais aussi de fixer un rendez-vous futur.
Enfin, la ville présente bien d’autres avantages pour le vétérinaire. Elle permet
d’assurer à sa famille, ses enfants, la présence d’infrastructures scolaires ou de santé
facilement accessibles. Mais on peut aussi penser que la ville constitue le lieu de vie adéquat
pour ces « docteurs vétérinaires », souvent issus de familles elles-mêmes urbaines, diplômés
après 5 années d’enseignement supérieur à Dakar. La brousse, qui permettrait pourtant aux
vétérinaires d’être au plus près de leurs éleveurs, serait-elle incompatible avec le statut de
docteur vétérinaire ? Thomé et al. (1996) soulignent que la profession de vétérinaire, le titre
de « docteur », la longueur et la difficulté des études, les sacrifices et l’espoir de la famille,
sont autant d’éléments qui déterminent un statut. « Travailler en brousse, dormir dans les
campements, et soigner les animaux dans des parcs sont des activités difficilement
compatibles avec ce statut ». Cet attrait des vétérinaires pour la ville leur est souvent
reproché ; on entend dire qu’ils sont « bien éloignés des réalités de l’élevage ».
142
b)Le réseau public, fruit de l’histoire
Le réseau public s’est installé après les Indépendances, dès 1968 avec la création de la
Direction de l’Elevage et des Industries Animales. On a pu voir que ce réseau s’appuyait sur
le découpage administratif du Sénégal. Chaque région comporte une Inspection régionale des
services vétérinaires, chaque département une inspection départementale. Les postes
vétérinaires se sont distribués sur le territoire selon une logique administrative elle
aussi (figure 45) : un poste pour chaque sous-secteur (correspondant aux arrondissements),
auxquels se sont ajoutés des postes pour certaines localités « stratégiques », lieux de
rassemblement du bétail ou nœuds sur les circuits de commercialisation. Le réseau public
aujourd’hui est le produit de l’histoire ; l’héritage, la trame du réseau des années 1970 a été
modifiée au cours du temps. Modifications au fil des remaniements administratifs, mais aussi
à l’heure de l’ajustement structurel par des « maintiens par ordre dans affectation », où de
nombreux postes ont été fermés, selon une logique qui visiblement échappe au raisonnement
rationnel d’affectation du personnel en fonction des effectifs du bétail. Dans la lettre 41 qu’il
adressait en 1990 au Président de la République du Sénégal, le Secrétaire général du Syndicat
national des travailleurs de l’élevage soulignait : « on a constaté que la grande préoccupation
du législateur a été de réduire d’un tiers l’effectif du service et l’on se doit de lui reprocher
surtout de n’avoir pas tenu compte dans le choix des agents ni de la répartition géographique,
ni de l’effectif réel par formation, ni même de la superficie parfois trop grande de certaines
régions».
Avec l’avènement de la privatisation, la distribution géographique des postes a été
légèrement modifiée. Si les agents étaient tenus de ne plus exercer les soins vétérinaires là où
s’installaient les privés, leurs postes n’ont le plus souvent pas été fermés. Les agents sont
restés en place mais ont recentré leurs activités sur les fonctions régaliennes.
Les postes vétérinaires sont répartis sur le territoire selon un gradient qui décroît
d’ouest en est. Le réseau est dense dans le bassin arachidier, et dans la zone pastorale où de
nombreux postes ont été ouverts à proximité des forages. Ils sont installés en zone rurale, le
plus souvent dans le chef lieu de la communauté rurale. Cela permet une plus grande
proximité avec les éleveurs, mais ne remplit que partiellement les « vides » laissés par les
vétérinaires privés. Avec près de 300 communautés rurales, et seulement 136 postes, la
couverture en zone rurale paraît aujourd’hui encore insuffisante. Les régions de Tambacounda
et de Matam semblent une fois de plus bien peu loties. Déjà délaissées par les vétérinaires
privés, elles ne sont que faiblement couvertes par le service public.
41
Thiendella Tanor Fall, Secrétaire général du Syndicat national des Travailleurs de l’élevage : Lettre au
Président de la République du Sénégal, 18 juin 1990.
143
Figure 45 : Localisation des Services de l'élevage au Sénégal (D'après DIREL, 2004)
Coly et Pfister (2004) soulignaient en que la répartition des postes du public pourrait
faire l’objet d’un redéploiement de son personnel. Alors que certains agents avouent
« s’ennuyer » sans clinique, et avoir des journées de travail bien peu remplies, on peut penser
que le réseau public pourrait bien plus utilement collaborer avec le réseau privé, et que le
public pourrait jouer son rôle en apportant une offre en services là où les privés sont absents.
Cette fonction n’est que partiellement assurée aujourd’hui, et la question du redéploiement
n’est apparemment pas à l’ordre du jour. La DIREL ne dispose à ce jour que d’informations
erronées sur la répartition de ses postes. Les données remontent visiblement à la DIREL, mais
la centralisation et la synthèse des informations, de même que leur circulation a l’air bien
difficile.
c)La répartition des autres privés
La répartition des autres praticiens privés n’est que très mal connue.
On avançait en 2003 le nombre de 151 agents et 54 ingénieurs installés à titre privé (Gueye,
2003). Ces estimations sont bien imprécises ; l’étude de Gueye ne nous dit pas d’où ont été
tirées les informations. On peut s’imaginer qu’il s’agit de données récoltées à partir des
autorisations d’exercer délivrées à la Direction de l’élevage. Dans ce cas, on peut penser que
ces chiffres sont très supérieurs au nombre de privés installés dans un cadre légal : en effet,
les autorisations ont été dénombrées mais le recensement n’est pas remis à jour, et la plupart
des agents ne renouvellent pas leur demande d’autorisation. A partir de là, ils doivent être
considérés comme hors du cadre légal d’exercice.
144
Le choix de la zone d’installation de ces privés fait intervenir des facteurs communs à ceux
des docteurs vétérinaires (évaluation de la demande potentielle et de la rentabilité de
l’activité). Mais on peut imaginer que ces privés sont plus présents en zone rurale ; souvent
agents du public à la retraite, ils sont nombreux à exercer dans la communauté rurale qui les
accueillait dans le poste public.
Quant au secteur informel, aucune information n’est disponible. On peut imaginer
qu’il s’est déployé préférentiellement là où l’offre officielle ne couvrait pas les besoins, ou
encore là où ses acteurs rencontraient des conditions propices à l’exercice d’un commerce
illicite de médicaments (zone de Touba, proximité des frontières, mauritanienne ou
gambienne ….).
3.Une adéquation imparfaite entre offre et besoins en
services de santé animale
La demande, les besoins sont là, quels que soient la densité du bétail, la pression
pathologique ou le système d’élevage. Mais cette demande est diversifiée et ne se porte pas
toujours vers le même type de services. Quant à l’offre, elle est fortement hétérogène : les
praticiens sont nombreux et de qualification variée. Ils pratiquent des prix très variables et
sont localisés de manière très disparate sur l’ensemble du territoire. Mais que peut-on dire de
l’adéquation entre la demande et l’offre en santé animale ? De quelle manière les besoins des
éleveurs sont-ils couverts par le système actuel ?
A l’échelle nationale, on peut avoir un premier aperçu de la couverture des besoins en
examinant le rapport unités de santé animale (VLU) / professionnel vétérinaire.
A l’échelle régionale, les disparités sont très marquées. Les ratios VLU/docteur vétérinaire
varient de 1800 (Dakar) à 100 000 (Kolda). Quant au ratio VLU/professionnel vétérinaire (qui
prend en compte les ATE et ITE), il passe de 800 (Dakar) à 10 000 (Louga) ou 16 000
(Tambacounda, Kolda). La figure 46 montre une différence nette entre les régions urbanisées,
moins pauvres et bien pourvues en docteurs vétérinaires et professionnels de santé animale, et
les régions rurales, moins bien pourvues. Le ratio VLU/professionnel vétérinaire varie dans le
même sens que l’indice de pauvreté (IPH) ; plus une région est pauvre, moins elle dispose de
professionnels pour soigner ses troupeaux. Paradoxalement, plus une région est urbanisée et
plus elle compte de vétérinaires privés disponibles.
145
120000
100
96,6
90
103000
100000
80
VLU/DV (Unités de
santé animale /
Docteur vétérinaire)
70
80000
52,22
52000
42
55,85
49,11
76000
49000
47,3
51,66
68000
39,03
41500
44000
37,2
40000
29,4
21,8
17500
17,66
17,7
Indice de Pauvreté
Humaine en 1999
14,5
10
7900
8600
16700 7800
7900
Zi
gu
in
ch
or
Ko
ld
a
Ka
ol
ac
k
0
Fa
tic
k
Sa
in
tL
ou
Ta
is
m
ba
co
un
da
10200
VLU/prof vet
(Unités de santé
animale /
professionnel
vétérinaire)
Taux d'urbanisation
en 2000
20
16000
7000
Lo
ug
a
io
ur
be
l
4700
D
Th
ie
s
ak
ar
40
45500
22
1800
800
0
D
50
30
29,8
20000
60
%
VLU
48,45
60000
62,36
58,76
57,09
Figure 46 : Ratio Unités de santé animale (VLU) / Docteur vétérinaire et VLU / Professionnel vétérinaire
par région (D’après République du Sénégal, 2002 ; DIREL, 2004 ; ODVS, 2004).
A l’échelle de l’éleveur, la satisfaction des éleveurs en terme de santé animale se
décline en fonction de six grands critères (Thomé et al., 1996) :
- La proximité, critère essentiellement géographique, renvoie au maillage du territoire
par les prestataires de service. Un des indicateurs clé est la distance maximale à
parcourir entre l’opérateur et l’éleveur.
- La disponibilité, qui concerne aussi bien le personnel que le matériel et les
médicaments.
- La qualité, qui peut se définir par les compétences du personnel et les caractéristiques
des produits disponibles.
- La polyvalence, qui est un critère lié aux champs couverts par le service : diagnostic,
soins, fourniture et administration des médicaments, formation à leur usage, etc.
- Le coût. L’éleveur est intéressé au différentiel de coûts entre les différents prestataires,
à la stabilité de ce coût et à sa compatibilité avec la rentabilité de son élevage.
- La qualité relationnelle. Critère qualitatif, son importance n’est pas à négliger. La
relation entre l’éleveur et le professionnel en santé animale n’est pas réduite à la
prestation de service mais inscrite dans une relation humaine.
146
En zone urbaine et peri-urbaine, la réponse est a priori simple : les besoins des
éleveurs sont majoritairement couverts. Les éleveurs proches des centres urbains disposent
d’un docteur vétérinaire ou d’un agent d’élevage, proche de leur domicile, facile d’accès,
disponible, prodiguant des services de qualité garantie par l’éthique de la profession. Ces
éleveurs peuvent même profiter de la libéralisation en faisant jouer les règles du marché et de
la concurrence pour faire baisser les prix et solliciter le professionnel de leur choix.
La question se complique en zone rurale. Là, le maillage du réseau vétérinaire est plus lâche.
Les vétérinaires privés en sont souvent absents. Quant au secteur public, il vient combler les
insuffisances, mais il n’y réussi que partiellement. Si dans un cadre théorique, l’idée est
d’offrir un poste vétérinaire et un agent par communauté rurale, les moyens de l’Etat sont
limités. Seulement un tiers des communautés rurales sont dotées d’agents, agents qui
travaillent souvent dans des conditions ne permettant pas de satisfaire la demande des
éleveurs : pas de moyen de locomotion, faibles stocks de médicaments. Parallèlement, le
réseau informel se déploie en un tissu d’organisation complexe et de qualité inégale. On peut
penser que les distensions du maillage actuel, superposées à une demande bel et bien présente
en zone rurale, jouent un rôle favorisant dans le développement de réseaux informels de
services de soins aux animaux et de distribution de médicaments vétérinaires. La proximité, la
disponibilité, la qualité ou encore le coût des services subissent de nombreuses variations que
l’éleveur en zone rurale n’a d’autre choix que d’accepter.
Au niveau de l’éleveur, le facteur limitant aujourd’hui pour la satisfaction des besoins
en santé animale se résume à l’accessibilité dont l’éleveur dispose pour les services en
question. L’accessibilité se définit comme le potentiel d’accès à un service. Elle est
conditionnée par différents facteurs. Ces facteurs peuvent être considérés comme autant de
coûts de transaction, d’obstacles qui limitent l’accessibilité aux services, et par conséquent
l’utilisation de ces services par les usagers.
● La distance physique
On s’interrogera ici plus particulièrement sur la distance géographique séparant le
praticien et l’éleveur. De nombreux auteurs ont mis en évidence la place centrale de ce facteur
comme déterminant de la consommation des services de santé animale.
Woods (2003) a montré dans ses travaux au Zimbabwe que la distance physique entre un
éleveur et le centre vétérinaire constituait un coût de transaction qui pouvait limiter le recours
aux services vétérinaires. Au Zimbabwe, les éleveurs se situent souvent à une distance
importante du centre vétérinaire ; lorsqu’un animal est malade, ils doivent parcourir une
distance importante pour aller chercher le vétérinaire. Le problème du transport se pose
doublement pour l’éleveur : pour aller chercher le vétérinaire au cabinet, puis pour faire venir
celui-ci jusqu’au village. Le transport représente un coût financier, mais aussi un coût en
temps perdu. Dans un système privé, le coût du transport du vétérinaire est à la charge de
l’éleveur. Woods (2003) conclut que l’importance écrasante de la distance à travers son étude
montre que les coûts de transaction liés au transport − en temps et en argent − réduisent non
seulement la consommation des éleveurs en services, mais aussi l’offre en elle-même, les
agents visitant moins souvent les villages les plus éloignés. Réduire le temps de transport vers
les centres vétérinaires devrait à la fois augmenter la demande et l’offre en services
vétérinaires. Koma (2003), en Ouganda, a montré que les éleveurs les plus proches des
centres vétérinaires ont tendance à faire appel plus facilement au vétérinaire.
Il semble cependant que la distance ne soit décisive dans la consommation de l’offre que
lorsqu’elle est supérieure à un certain seuil, qui varie selon la région, le développement et la
fonctionnalité des transports. Dans les zones d’élevage extensif, où la population est
dispersée, la distance jusqu’au prestataire a un impact important sur la décision de faire appel
147
au vétérinaire ou non. Mais dans des zones où cette distance vers le prestataire est moins
grande, ce facteur pèse moins dans le processus de décision et d’autres facteurs entrent alors
en ligne de compte. C’est ce que semble confirmer l’étude d’Ahuja et al. (2003) en Inde : la
distance n’intervient alors pas comme facteur limitant dans la consommation de l’offre, qui
est plutôt déterminée par des paramètres liés à l’intégration des élevages au marché.
Le transport a souvent été cité comme facteur limitant lors de nos entretiens en zone
rurale. Les éleveurs parcourent souvent plus de 10 kilomètres pour aller chercher l’agent ou le
vétérinaire à pieds, en charrette, ou avec des transports en commun rares et aléatoires.
L’agent, s’il n’est pas véhiculé, se rend au village dans ces mêmes conditions de transport,
mais à moindre coût. S’il est véhiculé, l’agent ou le vétérinaire facture à l’éleveur le prix du
carburant, qui est souvent plus élevé que le total du prix des médicaments et prestations qu’il
accomplira sur place.
Les éleveurs développent des stratégies de contournement pour diminuer les frais de
transport. Ils attendent souvent la période des vaccinations de masse pour soumettre au
vétérinaire l’ensemble de leurs problèmes et faire soigner les animaux malades. D’autres
éleveurs se regroupent pour partager le prix du déplacement. Enfin, souvent, ils attendent le
jour du marché hebdomadaire, où ils se rendent en ville, pour aller chez le vétérinaire et
acheter un traitement qu’ils administreront eux-mêmes.
● Les
facteurs économiques
Le prix des prestations est un facteur entrant dans le processus de consommation de
l’offre. Mais ce coût est souvent couplé avec le coût des médicaments. La plupart des
praticiens, quelle que soit leur nature, pratiquent un prix « global » et ne différencient pas
coût du médicament et coût de la prestation. Le prix total ne semble pas décisif dans la
consommation de l’offre : selon Ahuja et al. (2003), l’influence du prix des services sur la
consommation n’est pas significative, même pour les éleveurs les plus pauvres. C’est ce que
soulignait un éleveur dans nos entretiens : « le prix n’est pas trop cher tant que le médicament
est bon ». Selon Ahuja et al. (2003), les revenus des éleveurs, même s’ils sont faibles,
n’interviennent pas sur la consommation de l’offre ; si les éleveurs les plus riches font plus
souvent appel au vétérinaire, c’est aussi parce qu’ils ont de plus grands troupeaux. Woods
(2003), dans son étude au Zimbabwe, nuance ce point de vue et montre que les éleveurs les
plus démunis ont moins fréquemment recours au vétérinaire parce qu’ils craignent des prix
trop élevés. Selon Koma (2003), les éleveurs évaluent un coût approximatif pour le traitement
de leur animal ; ils appellent d’autant moins le vétérinaire que ce coût est élevé.
● La distance sociale
Ces facteurs ont été peu étudiés jusque là.
Woods (2003) s’est intéressée à la question de « genre ». Partant du fait qu’au Zimbabwe, de
nombreux éleveurs de moutons sont des femmes, elle pose l’hypothèse que la différence de
« genre » est un facteur limitant la consommation de l’offre, et que la distance existant entre
un prestataire homme et un client femme est réduite quand les deux protagonistes sont des
femmes. Ses conclusions sont que les femmes vétérinaires ne sont pas plus efficaces dans la
fourniture de services aux femmes éleveurs, et ceci parce que les facteurs sociaux
interviennent de manière mineure dans les coûts de transaction, ou sont cachés par d’autres
facteurs. Par contre, les hommes font moins appel aux femmes vétérinaires.
La différence de statut social entre l’éleveur et le prestataire intervient dans le choix de
l’éleveur, et peut intervenir comme barrière à l’utilisation des services. Alors que le docteur
vétérinaire est souvent vu comme un « notable urbain », loin des réalités des éleveurs, l’agent
de poste et plus encore, l’auxiliaire partage une grande proximité avec ces derniers, qui ont
facilement recours à leurs services. Faisant partie de la communauté, l’auxiliaire est inséré
148
dans les réseaux sociaux. Selon Rebelle (1994), un éleveur mauritanien rapporte : « Pour
nous, le meilleur vétérinaire, c’est l’auxiliaire, parce qu’il n’est pas au-dessus de nous. Il est à
notre disposition. Nous n’avons pas besoin d’aller lui chercher une fourchette et une cuillère
pour le faire manger, il nous offre le meilleur travail. Il se met dans les mêmes conditions que
nous et il ose prendre des mesures ».
Le système de santé animale au Sénégal, comme dans de nombreux pays africains, se
trouve aujourd’hui confronté à de nombreuses disparités : disparité de l’offre (praticiens de
compétences diverses, répartis sur le territoire de manière hétérogène), disparité de la
demande (pression sanitaire variable, systèmes d’élevage variés, stratégies des éleveurs
différentes). Malgré ces disparités, il doit relever un défi : celui de l’adéquation entre offre et
besoins, et de l’accessibilité des services au plus grand nombre.
La satisfaction de l’équité dans l’accessibilité se complexifie sous l’effet de la diversification
et des mutations de l’élevage : le système doit être performant pour les élevages les plus
intensifs et les plus exigeants en compétence, tout comme il doit assurer des services
minimaux à tous les profils d’éleveurs et prendre garde à ne pas marginaliser encore plus les
petits éleveurs ou les plus pauvres.
L’enjeu de l’équité se pose à double titre (Domenech et al., 2004) :
- d’un point de vue éthique, et dans un contexte politique de lutte contre la pauvreté, il
est important de satisfaire les besoins de tous les types d’éleveurs. Permettre aux
éleveurs les plus pauvres d’accéder aux services, c’est leur permettre d’accéder aux
marchés certifiés.
- du côté des services publics, l’accès des services au plus grand nombre permet de
récolter plus d’informations à la base, de les faire remonter au niveau central ; la
question de l’information ascendante est cruciale, notamment en terme de surveillance
épidémiologique.
Il ressort de cette étude que :
-
les vétérinaires privé sont implantés de manière disparate sur le territoire sénégalais :
forte polarisation à l’ouest, concentration à Dakar, implantation en zone urbaine.
le réseau public, fruit de l’histoire, manque de moyens mais pourrait être plus
judicieusement déployé.
les autres privés et le secteur informel comblent, on l’imagine, le vacuum laissé par
le réseau officiel. Cependant, cette compensation n’est probablement que partielle et
les données à ce sujet sont absentes.
l’adéquation entre offre et besoins est finalement très imparfaite : l’accessibilité d’un
grand nombre d’éleveurs aux services est réduite par des facteurs d’ordre
géographique (distance physique), économique (coûts), ou sociaux.
Permettre au plus grand nombre d’accéder aux services implique de repenser le
système de santé, de manière à lever un certain nombre des barrières géographiques,
économiques et socio-culturelles qui en limitent pour l’instant l’usage. Le système actuel ne
peut pas satisfaire les besoins sur l’ensemble du territoire. L’accessibilité des éleveurs, ruraux
notamment, aux services est limitée. L’amélioration du système passe par une réflexion sur la
capacité de ce dernier à proposer une offre de proximité aux éleveurs, et plus particulièrement
en zone rurale.
149
C.Les solutions alternatives
1.Une nécessaire évolution vers un système mieux ciblé et
plus flexible
Face à des besoins aussi diversifiés, le système de santé doit offrir des services adaptés
et « ciblés ».Le système actuel ne permet pas de répondre aux besoins des éleveurs éloignés
des centres urbains.
Le réseau privé est pour l’instant limité aux zones proches des villes. Les possibilités
d’extension de ce réseau semblent pour l’instant réduites, et ce notamment pour deux raisons.
D’abord, les difficultés actuelles de financement des nouvelles installations. En ce qui
concerne les ATE et ITE, les possibilités de crédit sont minces. Pour les docteurs vétérinaires,
l’installation était auparavant financée à crédit par le PARC. Or la gestion des fonds, assurée
par le comité de gestion du PARC doit depuis 1998 être transférée à un autre organisme,
probablement l’ODVS. Cependant, les modalités de transfert n’ont pas été clairement
définies : depuis 1998, les crédits sont bloqués. Le mouvement d’expansion des vétérinaires
privés est aujourd’hui au point mort, et ce depuis 1998. Le deuxième facteur d’essoufflement
des installations est lié à un seuil de saturation des possibilités de viabilité des cabinets. La
rumeur court aujourd’hui parmi les vétérinaires que toutes les zones potentiellement rentables
pour un vétérinaire privé sont déjà occupées. Dans ces conditions, s’installer à son compte
revient à une prise de risques démesurée. Effectivement, la majorité des villes sont déjà
pourvues en vétérinaires, les zones dites « à haut potentiel » sont parfois saturées, mais il
semble que certaines zones soient encore susceptibles de faire vivre un vétérinaire. Même si
cette rumeur ne traduit pas exactement la réalité de la géographie vétérinaire actuelle, elle
s’appuie tout de même sur des fondements et des réalités économiques relatives à la
démographie vétérinaire. Ainsi, les possibilités d’accueil d’un territoire pour les vétérinaires
ne sont pas infinies, ni homogènes. Dans certaines zones, l’activité vétérinaire n’est ni
rentable ni viable, et le réseau privé n’est pas toujours extensible à l’ensemble d’un pays.
C’est ce qui a été démontré pour le Zimbabwe (Odeyemi cité par Ly, 2003). Au Zimbabwe, la
santé animale est gérée à travers des centres vétérinaires localisés dans 63 villes. La majorité
de ces centres est placée sous contrôle de l’Etat. Odeyemi a mené en 1996 une étude pour
modéliser l’impact du retrait de l’Etat sur la viabilité économique de ces centres vétérinaires,
ainsi que les effets sur la couverture sanitaire des troupeaux. Son modèle permet d’évaluer la
viabilité économique d’un cabinet vétérinaire en comparant le budget minimum requis pour
l’exercice des activités vétérinaires (appelé « veterinary coefficient » ou VC) aux revenus
générés par ces activités. Le VC, coefficient vétérinaire, calculé au niveau national, inclut les
coûts de transport ainsi que le salaire des vétérinaires privés. Les revenus potentiels du
cabinet dépendent du nombre de tête de bétail présents dans la zone, de la distance entre le
cabinet et les clients (soit en d’autres mots les coûts de transport), et du montant que les
éleveurs sont prêts à dépenser pour la santé animale. Ces données sont combinées pour
donner un index de viabilité de l’exercice (« Practice Viability Index », PVI), pour chaque
centre. Il ressort de cette étude que, sur les 63 centres vétérinaires, seulement 38 seraient
viables si l’Etat se retirait. Dans ce scénario, seulement 47% du cheptel national serait couvert
par le suivi vétérinaire. Cette couverture serait inégalement distribuée, puisque 70% des
troupeaux commerciaux seraient couverts, alors que moins de 36% des troupeaux
communaux le seraient. Odeyemi et Setiono (cités par Ly 2003) ont appliqué le même modèle
en Indonésie. Là aussi, les vétérinaires sont dans l’impossibilité de couvrir la totalité du
territoire sans une aide de l’Etat à travers des subventions substantielles. De même, on peut
penser qu’au Sénégal, l’activité d’un vétérinaire privé serait loin d’être rentable partout. A
terme, la couverture du territoire par le réseau privé atteindra une saturation, et des zones
resteront vierges. Un système de prestations assuré par le seul réseau de vétérinaires privés
150
n’est pas envisageable. Or, le réseau public souffre de moyens insuffisants et ne permet pas de
combler les « vides », qui sont actuellement remplis par un réseau informel complexe.
Il est alors intéressant de réfléchir aux alternatives envisageables. Au vu de
l’impossibilité du système conventionnel à couvrir l’ensemble du territoire et de la demande,
il faut repenser le système d’une manière rénovée, et se tourner vers un système de santé
polymorphe et flexible, qui fasse intervenir une offre adaptée à des besoins variés.
Face au constat qu’il a dressé, Odeyemi indique que le réseau des auxiliaires peut être
un palliatif intéressant pour les zones non viables pour les autres professionnels. Selon lui, un
des avantages des auxiliaires tient à leurs attentes plus faibles en matière de revenu et au fait
que pour eux les revenus générés par les activités vétérinaires ne sont qu’un « bonus » venant
compléter les revenus générés leurs autres activités. La Banque Mondiale, dès 1994,
soulignait le rôle à tenir pour les auxiliaires. Toutes les études s’accordent autour de
l’importance des auxiliaires pour la fourniture des services vétérinaires, en particulier dans les
zones délaissées par le réseau privé.
Sur la base d’un système de santé intégrant un réseau d’auxiliaires, Woodford (2004)
propose quatre schémas d’organisation des services qui peuvent être intégrés au sein d’un
même système, en fonction des besoins des différents types d’élevage. Les deux premiers
modèles, destinés à répondre à la demande des élevages intensifs et des élevages semiintensifs des zones urbaines ou périurbaines, font appel au système conventionnel de docteurs
vétérinaires et paraprofessionnels diplômés. Pour les zones agro-pastorales ou pastorales non
desservies par le système « classique », où la demande n’est pas satisfaite, Woodford propose
un schéma basé sur un réseau d’auxiliaires de santé animale, supervisé par un vétérinaire ou
un para-professionnel diplômé. Le système de Woodford combine plusieurs modèles faisant
appel à des professionnels, paraprofessionnels et auxiliaires. Les combinaisons possibles et
surtout l’articulation entre les différents modèles permet d’offrir sur l’ensemble du territoire et
pour chaque type d’élevage un service mieux ciblé sur les besoins réels. La flexibilité et le
caractère évolutif sont par ailleurs des éléments importants du système de santé, qui devra
s’adapter aux mutations de l’élevage.
Déjà présents dans de nombreux pays africains, les auxiliaires de santé animale
apparaissent aujourd’hui comme un élément majeur du réseau de soins aux animaux. Souvent
mis en place sur l’initiative des ONG, ils ne sont que partiellement intégrés au système en
place. Cependant, les grandes institutions internationales reconnaissent maintenant leur
importance pour le développement des services de santé animale et prônent une meilleure
utilisation de ces précieux acteurs.
Selon Blanc et al. (2003), le recours au système des auxiliaires plutôt qu’au système
conventionnel est conditionné par la demande, placée sous l’influence de différents facteurs
qui déterminent ensemble les zones de prédilections des auxiliaires.
L’importance de la demande en services est d’abord fonction de la possibilité et du temps
nécessaire pour rentabiliser le coût de l’intervention. Ce coût étant d’autant plus élevé que la
distance est grande entre le fournisseur de services et l’animal et entre le lieu où le médicament
est disponible et celui où il est administré, le recours à un auxiliaire plutôt qu’à un
professionnel est naturellement justifié en proportion de l’éloignement des services classiques
disponibles. Il sera donc plus fréquent dans les zones de faible densité d’élevage, dans les zones
d’élevage extensif et dans les zones difficiles d’accès soit du fait des difficultés de
communication, soit du fait de l’insécurité. A ces facteurs physiques, géographiques,
climatiques et politiques s’ajoutent, des facteurs économiques (incapacité financière ou plus
souvent absence de disponibilités monétaires). Cette faiblesse économique, combinée avec les
facteurs sociologiques peut être interprétée comme la cause d’une demande préférentielle pour
les services des auxiliaires, même dans les zones d’agriculture mixte à fortes densités de
population et d’animaux où se pratiquent certaines formes d’élevage intensif (travail, lait).
151
On retiendra donc que :
-
le réseau privé est insuffisant et n’est pas extensible à l’ensemble du territoire
sénégalais.
il faut se tourner vers un système polymorphe et plus flexible.
face à des moyens limités, les auxiliaires sont une alternative envisageable qui a fait
ses preuves. Leur intégration dans le système peut se faire selon différents schémas,
variables en fonction de la demande.
2.L’approche « santé animale de base »
a)Principes
L’approche « auxiliaires » s’insère en fait dans un cadre plus large, qui est celui du
concept de « santé animale de base ». Ce type d’approche n’est pas nouveau.
Le concept d’auxiliaire d’élevage a été redécouvert seulement dans les années 1980 et décrit
comme le moyen de pallier l’insuffisance grandissante des services de santé animale (Blanc et
al., 2003). En 1984 et 1985, pour répondre aux carences des systèmes, et permettre une
meilleure couverture des besoins des éleveurs et des gouvernements en matière de lutte contre
les maladies animales, les séminaires de Bujumbura (GTZ/IEMVT/CTA, 1984) et Blantyre
(GTZ/CTA/ODA, 1985) recommandaient l’adoption d’un « nouveau concept » :
- partir des besoins, des intérêts et des priorités des éleveurs et de leurs familles qui
seront associés étroitement à ce qui les concerne ;
- favoriser l’organisation des communautés d’éleveurs en associations, coopératives et
groupements de producteurs ;
- promouvoir l’émergence d’une structure de santé animale de base, intermédiaire entre
les services vétérinaires et les éleveurs, apte à exprimer et à satisfaire les besoins de
ces derniers ;
- aider à l’implantation d’entreprises privées dans le domaine vétérinaire (clientèle,
pharmacies, etc...) ;
- introduire le paiement des intrants par les bénéficiaires … et améliorer la viabilité des
actions.
On peut aisément constater que l’énoncé de ces principes simples d’intervention pour le
développement de services de santé animale de base porte en lui les prémices des
méthodologies et philosophies plus ou moins complexes développées par la suite sous le label
« participatif », qui est aujourd’hui utilisé communément pour désigner les modalités d’action
à tous les niveaux des systèmes existant de santé animale de base dans la quasi-totalité des
projets qui les supportent.
Le concept de participation communautaire trouve son origine, d’après Catley et
Leyland (2000, cité par Blanc et al., 2003), immédiatement après la seconde guerre mondiale,
dans la théorie développée dans les pays occidentaux selon laquelle les écarts technologiques,
puis les écarts en terme de ressources étaient identifiés en tant que contraintes majeures du
développement. L’évolution de ces idées justifia par la suite l’évolution des politiques de
développement suivies par les principaux bailleurs de fond. Les analyses rétrospectives de
projets réalisées dans les années 1990 concluaient que les bénéfices du développement en
Agriculture avaient plus de chances de se pérenniser si la participation communautaire se
traduisait par une participation interactive (échange de connaissances) et la mobilisation
(action collective). Une telle approche sous-entend des changements dans les attitudes
152
professionnelles marquées par la volonté d’apprendre au contact des populations rurales
plutôt que de se contenter d’imposer des solutions techniques. Elle implique aussi la
recherche d’une compréhension d’ensemble, plutôt que sectorielle, des problèmes des
communautés qui les composent.
Ce type d’approche se fonde sur l’utilisation de membres des communautés d’éleveurs
pour assurer à travers eux des services simples, mais répondant aux contraintes prioritaires de
ces communautés. L’obtention de données nécessaires pour déterminer les priorités ressenties
passe par un échange d’informations entre les communautés et les techniciens, et dont les
principes sont clairs :
- construire sur les connaissances des éleveurs ;
- les amener à exprimer leurs besoins prioritaires et à discuter les techniques et moyens
dont ils disposent pour les satisfaire ;
- encourager l’usage des systèmes traditionnels de gestion et d’organisation
- apprécier le niveau de cohésion et de responsabilités au sein des communautés
- développer les capacités de programmer des actions et d’en apprécier les résultats ;
- apporter des éléments de gestion et des éléments techniques utiles à la résolution des
problèmes identifiés.
Ces principes de participation communautaire sont aujourd’hui considérés comme le moyen
le plus sûr pour que les communautés visées adhèrent aux objectifs qu’ils auront été
encouragés à définir eux-mêmes.
Selon Blanc et al. (2003), ce type d’approche communautaire devrait permettre de
pallier les performances insuffisantes des gouvernements et du secteur privé à fournir les
services et permettre de faire face à la variété des situations, en particulier en matière
d’accessibilité, de sécurité ou de rentabilité de l’activité vétérinaire
Le concept de participation des communautés dans l’amélioration des services de
santé animale a été mis en œuvre et des auxiliaires de santé animale formés dès le début des
années 1980 à l’initiative des gouvernements et des bailleurs de fonds tels que la Banque
Mondiale au Niger en 1983 et au Sénégal la même année (Projet de Développement de
l’Elevage au Sénégal Oriental, PDESO). Les modalités d’intervention auprès des
communautés d’éleveurs et le rôle des auxiliaires de santé animale ont ensuite été développés,
affinés et mis en œuvre par diverses ONG, au premier rang desquelles Vétérinaires Sans
Frontières-France (VSF) qui les introduisirent successivement en Guinée en 1985, au Niger
en 1986, puis au Guatemala en 1987, au Mali et Togo en 1988, au Cambodge et Honduras en
1991 et enfin au Nicaragua et en Bolivie. En Afrique de l’Est, les principes de participation
communautaire trouvent leur origine dans les projets initiés après la sécheresse de 1979-1980.
Ce sont encore les ONG qui, motivées par l’absence de services officiels dans certaines zones,
se sont montrées particulièrement actives. La conceptualisation de l’approche de participation
communautaire a été développée et affinée sur ces bases à partir de 1990 d’abord dans le
cadre de projets de recherche, puis avec le support de projets gérés en coopération avec
l’OUA/IBAR (projets PARC puis PACE, CAPE : Community-based Animal Health and
Participatory Epidemiology, depuis 2001 ; Blanc et al., 2003).
Il est à noter que l’intérêt porté aux auxiliaires de santé animale par le programme PARC était
surtout lié à la nécessité d’intervenir, pour atteindre son objectif d’éradication de la peste
bovine, dans les zones difficiles d’accès où la maladie persistait du fait de l’incapacité
d’intervention des services classiques de santé animale. C’est en partie ce qui explique
l’intérêt porté, ces dernières années, sur le développement de systèmes d’alerte précoce
fondés sur la présence d’auxiliaires et les efforts développés pour démontrer l’efficacité des
techniques participatives dans le contrôle et la surveillance des maladies épizootiques dans
certains écosystèmes.
153
L’importance prise par cette approche, notamment via les services de santé animale fournis
par les auxiliaires, dans le dispositif de protection national contre les maladies du bétail est
très variable selon les pays. Alors que des pays ont intégré la santé animale de base dans leur
dispositif de lutte contre les maladies et/ou leur politique de développement sectorielle
(Népal, Tchad), que d’autres appuient directement la constitution d’associations d’utilisateurs
ou de fournisseurs de services de santé animale de base (République Centrafricaine, Guinée,
Haïti, Guatemala), le Sénégal fait partie des pays « observateurs » des systèmes de fourniture
de services de santé animale de base (Blanc et al., 2003). Le concept de participation des
communautés dans l’amélioration des services de santé animale a été mis en œuvre et des
auxiliaires de santé animale formés dès 1983 au Sénégal, via le PDESO. Dans ce pays, bien
que les initiatives de mise en place en santé animale de base aient fini par remporter la
conviction de nombreux responsables, de telles approches n’ont pas encore pu s’imposer au
niveau politique comme modalité viable et pérenne de l’amélioration de la santé animale.
Les principaux avantages des ces systèmes, et les problèmes à prendre en
considération ne se déclinent pas de la même façon selon que l’on se place du côté de
l’éleveur, normalement le premier bénéficiaire de ces services, ou du côté de l’Etat, qui pour
responsabilité le contrôle des maladies animales et la salubrité publique.
Sous l’angle de l’éleveur, parmi les changements positifs induits par la présence d’auxiliaires,
on peut noter la proximité d’un fournisseur de services membre de la communauté avec lequel
il est facile de communiquer quand un animal est malade. On peut relever les bénéfices qu’il
retirera de la disponibilité de médicaments de qualité reconnue, car fournis ou recommandés
par des professionnels, le service officiel ou le projet partenaire de la communauté, dans
l’environnement immédiat du lieu où se trouvent les animaux.
Pour le secteur public, la présence d’auxiliaires sur le terrain va permettre d’accélérer les
politiques d’ajustement en cours et particulièrement le retrait progressif de l’état des activités
de services sans risquer de laisser les éleveurs dépourvus de ces services. Elle va aussi
permettre de s’assurer que les communautés d’éleveurs pourront disposer de services dans les
zones où les services vétérinaires ne pouvaient intervenir et où l’intervention des
professionnels privés en santé animale n’est pas rentable, et d’étendre le champ géographique
des activités de surveillance des maladies contagieuses et épizootiques.
b)La méthode d’intervention : formation d’auxiliaire ou
formation de masse des éleveurs ?
Une étude de cas (Blanc et al., 2003) de mise en œuvre de services de santé animale
dans 23 pays montre qu’il existe, en matière de santé animale de base, en fait trois approches
différentes, qui peuvent être complémentaires :
- la formation d’auxiliaires (21 pays) ;
- la formation de pharmaciens de groupements (Burundi et Madagascar) ;
- la formation de masse des éleveurs (au niveau national en République centrafricaine et
Guinée).
Trois pays mettent en œuvre une approche mixte (Guinée, Madagascar et Tchad).
Le choix entre les deux pôles principaux, formation d’auxiliaires ou formation de masse des
éleveurs, répond à un ensemble de critères liés au milieu, au système d’élevage, et à la
mobilité.
154
(1)La formation d’auxiliaires
Dans les villages d’agro-éleveurs, où l’on rencontre par exemple des bœufs de
traction, des troupeaux de capitalisation, de l’embouche ovine ou bovine sur quelques têtes et
où les animaux sont concentrés dans des villages accessibles à tout moment et ne transhumant
pas, la formation d’auxiliaires de santé animale peut s’avérer judicieuse. La concentration de
cheptels stables, en villages, peut permettre à cet auxiliaire d’être efficace parce que présent
sur place quand un épisode pathologique survient et apte à mettre en œuvre une thérapeutique
immédiatement. D’autre part, ce n’est qu’avec un nombre de cas à traiter assez important
qu’un auxiliaire peut y trouver un avantage financier assez motivant et un rôle social
valorisant.
L’action de ces auxiliaires en santé animale peut toucher les aspects sanitaires dans les
domaines préventifs et curatifs et éventuellement s’étendre aux aspects production animale
sur des thèmes d’alimentation et de conduite d’élevage. Ce type d’auxiliaire peut être lié à un
groupement en tant que pharmacien ou lié à un docteur vétérinaire en tant que membre de son
réseau de diffusion des soins sous son contrôle, ou à une association d’auxiliaires (Blanc et
al., 2003).
(2)La formation de masse des éleveurs
La formation de l’éleveur devient d’autant plus à privilégier que le système
d’élevage est de type pastoral transhumant. Dans ce type de milieu, le système de l’auxiliaire
devient moins efficient pour plusieurs raisons (Blanc et al., 2003) :
-
-
-
-
la dispersion : pour les pasteurs des zones de savane, le système d’élevage demande le
plus souvent un habitat dispersé qui se traduit sous la forme de campements. Les
déplacements sont longs dans ce milieu et les éleveurs, isolés, traitent par eux-mêmes
leur bétail.
la mobilité : la transhumance a deux composantes, une temporelle et une spatiale.
Pendant cette période, les éleveurs sont loin de leur point d’attache, loin de la
pharmacie comme de l’auxiliaire.
le professionnalisme : les connaissances des pasteurs professionnels sont très
étendues, qu’il s’agisse de la reproduction, de la conduite au pâturage ou de la santé
animale. La connaissance des pathologies est particulièrement précise et les
diagnostics le plus souvent pertinents. Ainsi, ils ont toujours traité eux-mêmes leur
bétail, soit avec les produits de la pharmacopée traditionnelle, soit avec les produits
vétérinaires modernes. Cependant, c’est surtout au niveau de la posologie des produits
vétérinaires que se trouve la limite de leur compétence.
la coutume : en milieu pastoral, il est difficile pour un « étranger », même s’il est
éleveur, de venir traiter le bétail d’un autre éleveur. Les pratiques de soins du bétail ne
se font qu’entre parents très proches pour des raisons sanitaires (éviter au maximum
les contaminations entre troupeaux) et sociologiques.
l’éloignement et l’inaccessibilité : l’absence de moyens rapides de communication et
de déplacement, ainsi que l’inaccessibilité des zones à certaines époques, rendent les
tournées chez les pasteurs difficiles et souvent non rentables, pour un vétérinaire
comme pour un auxiliaire.
Tous ces facteurs se combinent et font que dans un habitat dispersé et en élevage pastoral
transhumant, un auxiliaire d’élevage ne pourra que difficilement apporter tous les services
qu’on attendrait de lui.
155
On constate donc qu’il n’existe pas une façon unique d’apporter la santé animale au
plus près des animaux, que les conditions du milieu jouent un grand rôle ainsi que les
systèmes d’élevage, leur caractère sédentaire ou transhumant, dispersé ou concentré. Les
espèces animale élevées jouent aussi un rôle important et parfois même les races (bovins
trypanotolérants) car la pression pathologique sur ces animaux, de même que leur densité vont
jouer pleinement sur la santé animale, sur l’urgence dans la mise en oeuvre des traitements et
sur le choix de la meilleure façon d’y répondre, formation d’auxiliaires et/ou formation de
masse des éleveurs. Il n’y a pas en effet opposition entre les deux concepts, mais
complémentarité.
Les deux formules ne touchent pas les mêmes cibles, ne répondent pas aux mêmes besoins ni
aux mêmes attentes et à l’échelle nationale (en Guinée par exemple), les deux systèmes de
complètent car il y a souvent cohabitation de plusieurs systèmes d’élevage dans un même lieu
(Blanc et al., 2003).
c)Efficacité et pérennité des systèmes alternatifs
Plusieurs études en Afrique se sont interrogées sur l’efficacité de ce type de système
« alternatif ». On ne dispose pour l’instant que de peu d’informations à ce sujet pour le
Sénégal. Dans l’idée d’appréhender l’efficacité et la pérennité de tels systèmes, on se basera
sur des études de cas établies dans plusieurs pays, et reprises par Blanc et al. dans leur étude
(2003). Des études qualitatives permettent d’apprécier le niveau de satisfaction des éleveurs.
Quant aux études quantitatives, elles présentent souvent des chiffres probants mais doivent
cependant être considérées avec prudence : elles sont souvent conduites dans le cadre d’une
auto-évaluation et peuvent parfois manquer d’objectivité (Blanc et al., 2003).
(1)Amélioration de la santé animale
Les activités développées au Sud Soudan depuis 1993 représentent sans doute un des
exemples les plus convaincants, notamment pour la vaccination, de l’efficacité des systèmes de
santé animale communautaire. Dans cette large zone dépourvue d’administration de l’élevage,
l’utilisation d’auxiliaires de santé animale par une douzaine d’ONG coordonnées par
l’opération Ligne de Vie du Soudan - secteur Sud (Operation Lifeline Sudan – Southern Sector
ou OLS-SS) a permis d’assurer la fourniture, non seulement de services de vaccination, mais
aussi des traitements de base des principales maladies. Elle a aussi permis d’assurer que
l’approche communautaire de la santé animale dans un système agro-pastoral dépendant de
l’élevage pour la sécurité de son alimentation est une méthode viable pour la fourniture de
services de santé animale de base. En revanche, les systèmes mis en place ne peuvent être
considérés comme pérennes du fait des recouvrements de coûts très variables utilisés par les
divers programmes intervenant et du soutien financier massif injecté dans l’opération par de
nombreux intervenants (Jones et al., 1998).
L’exemple du Guatemala est aussi indirectement démonstratif de l’efficacité de
l’activité des auxiliaires de santé animale et, dans ce cas, également de leur pérennité. Le projet
VSF, dans cet exemple, a encouragé la création d’une association d’auxiliaires (Associacion de
los promotores pecuatios de Ixcan) et la prise en charge des approvisionnements en
médicaments par celle-ci. Plus de dix années après la fin de l’opération VSF, l’association
existe toujours et les promoteurs en sont toujours actifs, ce qui signe la satisfaction des éleveurs
qui font appel à eux et par là un effet reconnu positif sur la santé des animaux (VSF, cité par
Blanc et al., 2003).
Les résultats chiffrés les plus parlants ont été obtenus à l’aide d’une étude socioéconomique réalisée en parallèle sur trois sites du Kenya, de Tanzanie et des Philippines qui
156
s’est attachée à comparer les conditions d’élevage chez différents groupes d’éleveurs ayant
accès ou non aux services d’un auxiliaire de santé animale. La méthodologie de l’étude est
détaillée en Annexe IX.
Les résultats obtenus montrent que l’auxiliaire semble avoir un impact significatif sur le niveau
des mortalités du bétail puisque, sur les trois sites étudiés, les taux de mortalité des petits
comme des grands animaux étaient en moyenne réduits de moitié dans les villages ayant accès
à un auxiliaire (tableau 5).
Tableau 5 : Taux de mortalité moyens dans les exploitations ayant accès ou non à un auxiliaire (d’après
IDL Group et McCorkle, 2003)
Philippines
Kenya
Tanzanie
Bovins
3%
19 %
15 %
Sans auxiliaire
Petits ruminants
12 %
22 %
25 %
Bovins
0%
11 %
9%
Avec auxiliaire
Petits ruminants
6%
7%
17 %
(2)Accessibilité, disponibilité et consommation des
produits vétérinaires
La consommation de produits vétérinaires de qualité reconnue pourrait être un critère
parlant de l’efficacité, en termes de niveau d’activité des auxiliaires de santé animale, si
l’approvisionnement en était toujours maîtrisé et contrôlé. En outre, la disponibilité volontaire
des auxiliaires de santé animale à remplir leur rôle et donc la pérennité de leurs services dépend
en partie non négligeable des bénéfices qu’ils en tirent, eux-mêmes souvent étroitement liés au
volume des ventes pratiquées. Enfin, les consommations en médicaments, bien que le plus
souvent considérées par les éleveurs comme facteurs de coût plutôt que facteurs de production
sont naturellement liées en partie aux systèmes d’exploitation pratiqués, à la pression
pathologique dans les zones fréquentées par les animaux et aux possibilités de
commercialisation des produits de l’élevage. Il s’ensuit que les dépenses par tête peuvent varier
selon un gradient considérable et tendent à être d’autant plus élevées que l’élevage est intensif
et la vente des produits facile et régulière tandis qu’elles sont d’autant plus faibles que
l’élevage est extensif et les marchés éloignés et incertains. Ces différents facteurs sont
normalement à prendre en compte pour juger de l’importance de l’auxiliaire de santé animale
dans l’exécution de cette fonction de distribution.
Le cas de la Centrafrique est particulier par le fait que les éleveurs ont été encouragés,
depuis le début des années 1980, à se regrouper en Groupements d’Intérêt Pastoral (GIP) euxmêmes représentés au niveau national par une Fédération (FNEC). La structure a été complétée
ultérieurement par des fédérations régionales intermédiaires (FELGIP), constituant une
structure pyramidale représentative fondée en principe sur des bases démocratiques, destinée à
défendre les intérêts des éleveurs et assurer leurs approvisionnements les plus vitaux. Ceux-ci
concernent en premier lieu les médicaments vétérinaires et les intrants qui sont achetés en gros
(et donc à meilleur prix) par la FNEC et distribués par elle jusqu’aux GIP où les éleveurs
peuvent s’approvisionner.
En République Centrafricaine, les dépenses annuelles en matière de santé animale ont été
étudiées en détail par des enquêtes socio-économiques en 1990 auprès de 200 familles
d'éleveurs Mbororo. Les dépenses familiales annuelles en produits vétérinaires sont estimées en
1990 à 732 Euros pour un troupeau moyen de 125 bovins. Pour l'ensemble des 17500 familles
d'éleveurs, les dépenses en produits vétérinaires peuvent ainsi être estimées à 12,8 millions
d'Euro. Au même moment, le chiffre d'affaires des produits vétérinaires de la Fédération
157
Nationale des Eleveurs Centrafricains est de 10,4 millions d'Euros. On peut donc conclure que
la Fédération couvre 81 % des besoins des éleveurs au niveau national. Le reste des achats est
effectué auprès des autres intervenants privés. Grâce à la structure FNEC centrale d'achat, aux
25 Dépôts régionaux et aux 175 Groupements en 1990, l'approvisionnement en produits
vétérinaires est résolu au niveau national, au prix le plus bas possible, en permanence, à
proximité des éleveurs et avec une qualité garantie (Blanc et al., 2003 ; Thomé et al., 1994).
Une des conclusions de l’étude réalisée au Kenya, en Tanzanie et aux Philippines par
IDL Group et McCorkle (2003), est que la présence d’un auxiliaire a tendance à faire baisser de
façon notable la fréquence avec laquelle les éleveurs font appel à d’autres fournisseurs de
médicaments présents dans leur environnement (de 3,61 à 2,1 par an au Kenya, de 2,68 à 0,86
en Tanzanie). Ce résultat est probablement à attribuer à une meilleure connaissance de l’usage
des médicaments les plus courants que détient normalement l’auxiliaire et à une baisse des
gaspillages dus à l’usage de médicaments mal connus et mal maîtrisés.
Dans nombre de pays, la multiplicité des intervenants et des projets tend à créer, en
l’absence de coordination des systèmes d’intervention, des disparités entre les types de produits
et les niveaux de prix qui sont préjudiciables à la pérennité des circuits de distribution mis en
place. Dans ce domaine, la faiblesse ou la non application des législations spécifiques et le
laisser aller qui entoure la distribution des médicaments vétérinaires est souvent la cause de
préjudices importants pour les éleveurs (qui risquent de se faire vendre des produits périmés, de
mauvaise qualité ou frauduleux) et pour les auxiliaires de santé animale pour lesquels la qualité
des médicaments et leur efficacité sont des facteurs importants de leur notoriété comme de
leurs revenus potentiels. Enfin, il existe peu d’exemples où les structures à qui ont été confiés
l’approvisionnement et la distribution ont su totalement éviter des ruptures de stock
dramatiques pour les éleveurs et dommageables à la crédibilité des systèmes de distribution et
donc des auxiliaires qui en font partie en tant qu’intermédiaires (Blanc et al., 2003).
(3)Surveillance et prévention des maladies contagieuses
Cette fonction a toujours figuré parmi les rôles espérés des auxiliaires de santé animale,
même quand ceux-ci n’étaient pas clairement exprimés au départ. Outre le fait que, dans
l’utilisation de médicaments courants, notamment les antiparasitaires, la formation insiste
souvent sur la prévention, toutes les opérations étudiées, à de rares exceptions près, ont prévu la
participation des auxiliaires de santé animale aux activités de vaccination, soit dans le cadre de
campagnes saisonnières sous la supervision d’agents des services vétérinaires, soit comme
l’une des activités à eux attribuées, et les ont formé à cet effet. Les activités de vaccination
constituaient même, pour certaines opérations une des motivations essentielles de la formation
et de la mise en place d’auxiliaires.
Le Sud Soudan demeurait au début des années 1990, une des principales zones d’Afrique de
l’Est où la peste bovine était considérée comme endémique et il devint évident, pour les ONG
chargées d’améliorer la sécurité alimentaire des communautés affectées par la guerre que la
lutte contre cette maladie constituait un facteur important pour les populations concernées
constituées en grande partie d’éleveurs pastoraux. Une approche basée sur les communautés fut
donc développée qui s’est concentrée sur la formation de travailleurs de santé animale issus de
ces communautés à la vaccination des bovins contre la peste bovine et au traitement des
affections courantes. Le succès de ce programme de vaccination de masse, réalisé en
collaboration avec le programme PARC, a contribué à l’effort global d’éradication de la peste
bovine et s’est révélé une réussite puisque, depuis 1998, la région n’a connu aucun nouveau
foyer confirmé de peste bovine. A ce stade, l’éradication de la maladie suppose l’arrêt de la
vaccination de masse et une période d’observation active destinée à détecter l’éventuelle
158
réapparition de la maladie et assurer le traitement rapide des derniers foyers. La rapidité et
l’efficacité de la détection dépendent alors de la qualité des relations avec les communautés qui
jouent alors le rôle de sentinelles actives pour le compte du programme d’ensemble. Ce passage
d’une stratégie fondée sur des vaccinations régulières, reconnues pour leur efficacité par les
bénéficiaires, à un arrêt total des vaccinations nécessaires à la phase de surveillance n’est
cependant pas aisé et comporte le risque que les communautés concernées perdent confiance et
réduisent leur coopération. Il semble que ce risque ait pu être minimisé au Sud Soudan grâce à
un effort de communication fondée sur des matériels et des messages adaptés aux
communautés.
Il y aurait aujourd’hui environ 1 400 auxiliaires de santé animale actifs dans la région du Sud
Soudan, qui fourniraient un accès à des soins de base à prés de 80 % des éleveurs de la région.
Ces auxiliaires ont assuré depuis 1993 plus d’un million de vaccinations annuelles contre la
peste bovine (utilisation de vaccins thermostable) ainsi que des nombres croissants d’autres
vaccinations et des traitements divers du bétail, des petits ruminants et des volailles. Des
indicateurs incontestables de l’effectivité des vaccinations sont d’une part le taux de séroconversion obtenu de 76 %, qui se compare favorablement aux taux de 50 à 85 % réalisés dans
des campagnes de vaccination classiques, et surtout d’autre part, le recul, puis la disparition de
foyers vérifiés de peste bovine, qui sont passés de 12 en 1993 à 2 seulement en 1998. Début
2002, une stratégie de non vaccination a pu être introduite pour passer d’un système de lutte
basé sur la vaccination de masse à une surveillance épidémiologique de la maladie (Jones et al.,
1998).
L’efficacité des auxiliaires dans l’exécution de vaccinations de masse contre la peste
bovine a également fait ses preuves dans de nombreux autres programmes, particulièrement en
Ethiopie, au Kenya, en Ouganda et en Tanzanie depuis 1994, mais aussi au Tchad et en
Centrafrique. Dans d’autres pays, ils participent aussi, parfois de façon déterminante dans les
campagnes de vaccination de masse, comme en Guinée et en Namibie pour la PPCB, au Népal
pour la PPR ou encore à Madagascar pour les deux charbons (Blanc et al., 2003).
La participation des auxiliaires de santé animale aux programmes de surveillance
épidémiologique est cependant relativement récente et n’a encore fait l’objet, pour son
développement, de concepts méthodologiques élaborés que dans quelques opérations
spécifiques en Afrique de l’Est et en Centrafrique où les éleveurs ont été sensibilisés à ces
activités. Cette évolution dans le rôle attribué aux auxiliaires en matière de prévention des
maladies contagieuses est d’ailleurs à suivre étroitement pour assurer qu’elle satisfait aux
conditions de sécurité recherchées aux plans local et international. Il est clair que l’efficacité et
la pérennité des auxiliaires de santé animale dans l’exécution de ces fonctions de détection et
d’alerte dépendront de la qualité des rapports avec les institutions professionnelles (ONG,
privées ou publiques) avec lesquelles les communautés d’éleveurs sont le plus souvent en
contact et de l’existence de systèmes de communication appropriés et réguliers entre
partenaires (Blanc et al., 2003).
(4) Coûts des services de santé animale et des produits
vétérinaires
Une des justifications de l’utilisation des auxiliaires et aussi une des raisons de leur
succès, est le faible coût de leur intervention si on la compare à celui des professionnels de la
santé animale dans les mêmes conditions. Cette qualité a souvent été mise en avant et tient
essentiellement au fait que les auxiliaires vivent sur place, n’ont pas besoin de transport
moderne, utilisent parfois des traitements moins onéreux disponibles localement et pratiquent
des prix d’intervention plus bas. Dans certaines conditions, des associations d’auxiliaires
(Guatemala) ou des associations de communautés d’éleveurs peuvent provoquer des économies
159
d’échelle notables grâce à une gestion collective de certains approvisionnements comme les
médicament (cas de la Centrafrique, du Tchad, de la Guinée ; Blanc et al., 2003).
(5) Impact
Les arguments sont nombreux qui plaident en faveur d’un impact positif de l’activité
des auxiliaires et leur rôle dans la réduction de la pauvreté par l’amélioration de la santé
animale et le niveau de vie des familles d’éleveurs. De nombreuses études et évaluations
l’attestent et le fait est rarement contesté (Blanc et al., 2003).
L’étude de cas réalisée parallèlement au Kenya, en Tanzanie et aux Philippines (tableau 6) qui,
bien que limitée au recueil des avis des éleveurs, a fait ressortir une amélioration de 8 points en
moyenne (63 contre 55) des niveaux de satisfaction des bénéficiaires (IDL Group et McCorkle,
2003). Ainsi, outre une diminution des pertes de productions animales imputables aux
maladies, l’impact des auxiliaires se ressent aussi sur des paramètres qualitatifs ayant trait à des
dimensions non financières. La perception que les éleveurs ont de leur mode de vie (mesurée
par la qualité de vie et la capacité à résister à la sécheresse 42) est supérieure dans les
communautés pourvues d’auxiliaires (IDL Group et McCorkle, 2003).
Tableau 6 : Etude comparative de l’aptitude à résister à une sécheresse future et de la « qualité de vie »
avec et sans auxiliaire (D’après The IDL Group et McCorkle, 2003)
Sans auxiliaire
Avec auxiliaire
Capacité de résistance à la sécheresse
Philippines
56
56
Kenya
30
70
Tanzanie
58
66
Qualité de vie
Philippines
58
60
Kenya
40
60
Tanzanie
66
70
NB : note sur un score de 100 points, où 100 = valeur correspondant à une capacité de résistance à la
sécheresse / une qualité de vie maximum.
D’après Blanc et al. (2003), Leyland et Catley, ainsi que McKorkle font en outre état de
résultats au Malawi, en Afghanistan, au Kenya, en Tanzanie. Bien sur, dans les exemples
d’efficacité cités figurent les exemples du Sud Soudan et de la Région Afar d’Ethiopie où
l’action des auxiliaires de santé animale dans la réalisation de campagnes de vaccination contre
la peste bovine a été déterminante (Blanc et al., 2003).
(6) Pérennité des systèmes mis en place
Parmi les opérations ayant formé et mis en place des auxiliaires de santé animale, force
est de reconnaître que fort peu ont encore fait la preuve de leur capacité à se perpétuer sans
l’assistance des organisations qui les ont développées et les financements extérieurs qui les ont
soutenus.
Dans les exemples étudiés par Blanc et al. (2003), dont les plus anciens remontent à une
vingtaine d’années, une proportion importante a fait l’objet d’opérations ponctuelles de durées
courtes à moyenne (2 à 5 ans). Aucune, selon les auteurs, n’a fait l’objet d’enquêtes
rétrospectives pour déterminer le taux de survivance des activités entreprises quelques années
après le départ des équipes de projet. Mais il paraît probable, qu’en l’absence de suivi, de
42
La « qualité de vie » et la « capacité de résistance » à la sécheresse ont été évaluées selon les modalités
détaillées en Annexe IX.
160
recyclage et de supervision par les services vétérinaires locaux, la majorité, sinon la totalité des
auxiliaires concernés ont cessé leurs activités, soit à cause de difficultés d’approvisionnement
en médicaments, soit qu’ils se soient lassés de trop faibles revenus, soit encore qu’ils aient
préféré se concentrer au commerce illégal de produits meilleurs marché frelatés ou frauduleux.
Plusieurs exemples de systèmes d’amélioration de la santé animale ont cependant fait la preuve
de leur longévité et continuent à être actifs longtemps après le départ des équipes qui ont
contribué à les mettre en place et des financements qui les accompagnaient. Ces exemples
constituent plusieurs modèles différents de systèmes de fourniture de services de santé animale
mais ont tous en commun le fait que les auxiliaires de santé animale, au moment de la clôture
du ou des projets qui les ont assistés, étaient déjà rattachés à une structure organisationnelle,
soit étatique (services vétérinaires), soit privée (Groupements d’éleveurs, associations de
promoteurs, vétérinaires privés).
d)Limites
(1)Sécurité d’utilisation des médicaments
La majorité, si ce n’est la totalité des initiatives faisant appel aux auxiliaires
vétérinaires ont à un moment du faire face à la question suivante : dans quelle mesure
l’administration de médicaments par des non-professionnels comporte-t-elle un risque pour la
santé publique ? C’est une problématique que Dasebu et al. (2003) ont résumé sous la
question suivante « peut-on faire confiance aux auxiliaires pour une utilisation sécurisée des
médicaments ? ». Cette question est sujette à controverse, car bien que le niveau de formation
des auxiliaires soit très limité, le degré de compétences requis pour une administration
sécurisée des médicaments est considérable. De plus, le problème se complique sous les effets
des enjeux que représente le marché du médicament. En effet, face à une demande des
éleveurs importante et croissante, la vente des médicaments est un élément déterminant pour
la rentabilité des intervenants de la santé animale et presque vital pour eux, qu’ils soient
auxiliaires ou professionnels vétérinaires (Thomé et al., 1996).
Afin de mieux cerner les risques en santé publique et leur lien avec le recours au système des
auxiliaires, Dasebu et al. (2003) ont réalisé une étude de cas dans deux pays d’Afrique, le
Ghana et le Mozambique. L’enquête, menée auprès des auxiliaires, mais aussi des éleveurs et
des autres intervenants dans le domaine de la santé animale, a cherché à mieux cerner les cas
de mauvaise utilisation des médicaments et à évaluer la pertinence des traitements mis en
place. Elle a porté sur les poins suivants : connaissance des maladies et diagnostic, qualité des
médicaments, adéquation du traitement, risques liés aux résidus médicamenteux.
La justesse du diagnostic étant le premier déterminant du bon usage des médicaments,
il est rassurant de constater que le diagnostic des auxiliaires s’avère pertinent dans 85% des
cas. En ce qui concerne la qualité des médicaments utilisés, un des points critiques est, en
liaison avec un marché libéralisé, ouvert et très dynamique (comme c’est le cas au Ghana par
exemple), la prolifération de médicaments de moindre qualité. Ces médicaments sont détenus
dans des conditions parfois inappropriées (respect de la chaîne du froid) et délivrés par des
vendeurs sans formation aucune (Dasebu et al., 2003).
Pour ce qui est de la qualité du traitement, les résultats sont moins enthousiasmants que ceux
relatifs au diagnostic : 46% des traitements mis en place sont jugés en partie inefficaces ou
inappropriés. Cependant, 50% sont qualifiés de « bons ». Les cas de réelle incompétence sont
rares. Il est important de noter que ces problèmes liés aux traitements mis en place ne sont
majoritairement pas dus à une inadéquation du traitement avec le diagnostic mais plutôt à un
problème massif de sous-dosage des médicaments et à une durée insuffisante de traitement.
C’est là un des points critiques relevés par l’enquête. Les doses d’antibiotiques, acaricides ou
vermifuges utilisées par les auxiliaires se sont avérées insuffisantes dans près de 55% des cas.
Lorsque l’on s’interroge sur les raisons de cette tendance, deux raisons principales
161
apparaissent. La première est une sous-estimation du poids des animaux ou une erreur de
calcul. La deuxième est d’ordre économique. En effet, au vu de l’augmentation du prix des
médicaments, sous-doser permet de diminuer les coûts de traitement par unité. Par ailleurs,
l’observance du traitement pose problème : 84% des traitements mis en place ne sont pas
suivis jusqu’au bout. Là aussi, l’éleveur cherche à diminuer les coûts de production liés à la
santé animale en minimisant la durée du traitement. Ainsi, il ce dernier est interrompu lorsque
l’animal présente des signes de guérison, mais aussi lorsque les ressources monétaires
disponibles sont insuffisantes (Dasebu et al., 2003).
Ces problèmes de sous-dosage et de durée insuffisante de traitement sont un des points
saillants, qui augmente considérablement les risques de résistance aux médicaments. Mais il
convient d’ajouter que ce risque n’incombe pas aux seuls auxiliaires, loin de là. Au contraire,
et bien que cela puisse paraître paradoxal, il semble que le système des auxiliaires permette de
diminuer ce risque. En effet, il s’agit de replacer ces problèmes de sous-dosage dans le
contexte de l’élevage africain. Tout d’abord, la privatisation a permis aux éleveurs d’accéder
directement et plus facilement aux médicaments. Or, il s’avère que les cas de sous-dosage
chez les éleveurs s’approchent des 100%. Dans ce contexte, le recours aux auxiliaires permet
de diminuer ces risques, puisque chez eux la pratique du sous-dosage, bien que fréquente, est
cependant inférieure. De plus, l’enquête a révélé que ces pratiques étaient répandues chez les
techniciens de santé animale (près de 60% de cas de sous-dosages). Pourquoi cette tendance
est-elle aussi répandue, finalement chez tous les intervenants de la santé animale ? Parce que
l’élevage s’inscrit souvent dans un contexte économique fragile pour les éleveurs. Les
considérations financière sont un élément décisif pour la gestion de la santé animale par les
éleveurs. Il apparaît que la volonté des éleveurs de minimiser les coûts a un impact direct et
significatif à la fois sur le dosage et sur la durée du traitement. Toute la difficulté réside dans
le fait que ces contraintes influent sur le comportement des prestataires de santé animale
(quelle qu’en soit la nature), qui modifient leurs schémas d’administration des médicaments.
Ainsi, les facteurs économiques (notamment la capacité des éleveurs à payer) prennent le pas
sur les considérations techniques (Dasebu et al., 2003).
Un deuxième risque important pour la santé publique est la réticence des éleveurs à respecter
les temps d’attente. Cette réticence est à rapprocher d’une méconnaissance des risques liés
aux résidus médicamenteux. Les éleveurs sont mal informés à ce sujet. De plus, les conseils
qui leur sont donnés sur les risques en liaison avec la consommation des produits d’origine
animale sont incorrects ou ne sont pas donnés du tout dans 61% des cas. Les auxiliaires n’ont
bien souvent pas reçu une formation suffisamment poussée dans ce domaine, et par
conséquent sont susceptibles de prodiguer des conseils insuffisants. Cependant, il apparaît que
les vétérinaires, plus compétents en la matière, ne réussissent pas non plus à modifier les
comportements des éleveurs dans ce domaine. Finalement, ce sont bien souvent les mêmes
forces économiques que celles invoquées précédemment qui agissent et limitent le respect des
temps d’attente. Les éleveurs considèrent en effet bien souvent les délais d’attente comme une
perte économique, qui se surajoute aux sommes déjà investies pour le coût des traitements.
Cette manière de voir influence aussi à sont tour le comportement des intervenants de santé
animale qui, dans le cas où ils ont pu bénéficier d’une formation appropriée, se découragent
souvent et cessent rapidement de donner des conseils à ce propos (Dasebu et al., 2003).
Plusieurs enseignements peuvent être tirés de ces constatations. Ainsi, vu sous l’angle
de l’éleveur, les économies réalisées en ignorant les recommandations relatives à l’utilisation
des médicaments, à l’observance des traitements et au respect des temps d’attente sont
clairement visibles, alors que les risques qui en résultent sont beaucoup moins tangibles.
Alors qu’une meilleure information des éleveurs et consommateurs dans ce domaine peut
améliorer la situation, il devient nécessaire de disposer de données quantitatives plus
importantes sur les risques posés pour la santé humaine afin de permettre une meilleure prise
de conscience collective. Par ailleurs, la sensibilisation des populations à ces problèmes
restera limitée tant que les auxiliaires qui sont en première ligne sur le terrain ne bénéficient
162
ni des outils ni des informations adéquats, et tant que les prestataires de services de santé
animale continuent d’accepter des pratiques inappropriées émanant des autres acteurs et
d’eux-mêmes.
De plus, les exemples du Ghana et du Mozambique montrent que les initiatives utilisant le
système des auxiliaires, si elles sont bien menées, ne comportent pas plus de risque de
mauvaise utilisation des médicaments que ceux qui résultent déjà de la libéralisation du
marché des intrants vétérinaires un peu partout en Afrique (Dasebu et al., 2003).
Finalement, lorsque l’on s’intéresse aux mesures envisageables pour permettre une utilisation
plus sécurisée des médicaments, on constate que les contraintes financières sont le premier
facteur sous-jacent à une pratique endémique du sous-dosage. Or, les éleveurs qui subissent
le plus intensément ces contraintes économiques, c'est-à-dire les plus pauvres, sont aussi ceux
qui se tournent de manière privilégiée vers les auxiliaires. Dans cette mesure, le rôle des
auxiliaires dans la lutte contre les mauvaises utilisations de médicaments est probablement
trop peu reconnu, et plus certainement encore, sous-exploité. Au vu du manque criant
d’information des populations (éleveurs et consommateurs) au sujet des produits d’origine
animale, un réseau d’auxiliaires armés d’une meilleure compréhension de l’utilisation des
médicaments constitue aujourd’hui un des moyens disponibles pour améliorer la prise de
conscience collective (Dasebu et al., 2003). Par ailleurs, il est intéressant de noter que ces
observations font écho à des remarques voisines relatives dans le domaine de la santé
humaine (Redmond, 2003).
(2)Les écueils de la « participation communautaire »
De nombreux projets ayant fait appel à un réseau d’auxiliaires se sont appuyés sur
cette approche dite « communautaire ». Les auxiliaires ont été désignés ou élus au sein de la
communauté. La gestion de leur officine peut être « communautaire ». Ils sont eux-mêmes
parfois regroupés en organisations professionnelles.
Il est important de souligner à présent les écueils de cette « participation
communautaire », « approche à la base », qui est loin d’être synonyme d’efficacité sociale.
Balique (2001) souligne ainsi que «dans le langage des personnes qui se disent progressistes,
le mot « communauté » a un contenu magique qui est censé ouvrir de nombreuses portes ».
Ainsi, selon lui, parmi les images d’Epinal souvent évoquées, « la communauté, c’est l’égalité
et le partage, c’est le groupe contre l’individu, le rapprochement du riche et du pauvre, la
disparition du maître et de l’esclave, … ». Mais ce stéréotype de communauté villageoise
consensuelle masque les « multiples divisions et antagonismes qui structurent les
paysanneries africaines et les organisations collectives qui en sont issues, aussi « égalitaires »
qu’elles puissent paraître à la première vue pour un observateur extérieur » (Olivier de
Sardan, 1995).
Intartaglia, en 1999, a montré de quelle manière un projet de santé animale basé sur
l’utilisation d’auxiliaires peut déboucher sur un phénomène d’exclusion socio-politique de
certaines populations. Ainsi, l’exemple cité par l’auteur au Cambodge est éloquent. Le projet
de Vétérinaires Sans Frontières (VSF) au Cambodge visait à la construction de services de
santé animale axés autour de deux critères : la pertinence technique et l’accessibilité
économique d’un côté, l’accès au plus grand nombre et la logique d’intérêt général d’un autre.
Dans ce cadre, VSF a mis en place un réseau d’agents d’élevage élus par leurs villages
respectifs et regroupés au sein « d’organisations intermédiaires spécialisées ». Ces
associations, en plus d’assurer la gestion des magasins vétérinaires destinés à approvisionner
les agents formés, devaient remplir une fonction de médiation et porter les demandes des
populations locales sur l’élevage : elles se faisaient alors outil de promotion paysanne dans le
développement local.
Il s’est avéré que le projet avait fait preuve d’une réussite technique indéniable. Cependant,
Intartaglia souligne à quel point le projet, malgré sa conception « communautaire » et
163
« démocratique », a renforcé des logiques déjà existantes d’exclusion socio-politique des
populations locales et a conforté les rapports de pouvoir déjà existants. Selon l’auteur, cette
exclusion tient à la conjugaison voire à l’intrication de plusieurs facteurs.
Un premier point crucial est la question des modalités de choix de l’auxiliaire. Selon les
projets, l’auxiliaire est désigné par la communauté, voire élu par elle. Alors que cette élection
pourrait paraître la forme la plus « démocratique », voire « égalitaire » de choix, il s’avère en
pratique que « l’élection est beaucoup moins neutre qu’il n’y paraît » (Intartaglia, 1999).
L’auteur précise que « les personnes qui se présentaient à l’élection devaient avoir de bonnes
relations avec le chef du village ». Balique (2001) souligne que, de même, dans les centres de
santé (humaine) communautaires, « le choix des délégués étant laissé à la discrétion des
villages, ce sont en fait les « personnes influentes » qui cooptent leurs représentants,
renforçant ainsi la réalité des pouvoirs en place, qu’ils soient traditionnels, religieux ou
financiers ».
Par ailleurs, la concentration des moyens du projet sur l’agent d’élevage (formation, dotations
en matériel notamment) ainsi que l’insuffisance de contrôle de l’activité de l’agent a accentué
la tendance à la « notabilité » des agents d’élevage. De plus, cela a créé des situations de rente
propices au contrôle de l’offre du projet par les agents d’élevage. Ainsi, « ces choix
méthodologiques ont fait des agents du projet dans l’arène locale les intermédiaires uniques et
privilégiés, et n’ont pas, de fait, responsabilisé les « paysans », pourtant théoriquement
désignés comme les bénéficiaires » (Intartaglia, 1999).
Un autre type de facteur est d’ordre social. Ainsi, selon Intartaglia, les services rendus par les
agents s’inscrivent dans un marché où d’autres prestataires coexistent et où sévit souvent une
forte concurrence pour l’agent d’élevage. Mais la logique technique et celle marchande des
services rendus par les agents s’inscrivent dans une logique sociale réticulaire, car la vente
des services s’appuie sur des réseaux de clientèle souvent déjà constitués à l’échelle d’un
village. « Il apparaît ainsi une exclusion d’une partie des populations rurales du service mis en
place, exclusion plus liée à ces réseaux sociaux qu’à la pertinence technique intrinsèque du
service de l’agent d’élevage ». Par ailleurs, face à cette exclusion du service d’une partie
variable des populations villageoises s’ajoute une exclusion d’ordre socio-politique, beaucoup
plus systématique des populations vis-à-vis de l’offre du projet. En effet, l’agent d’élevage est
souvent un acteur du pouvoir local, politique, religieux ou économique. « Les actions de
formation ont conforté la position de notables établis ou émergents ». Il s’en suit un contrôle
du projet dans les villages, contrôle d’ordre politique, symbolique et économique, et un
renforcement des réseaux clientélistes et de patronage. Ces enjeux pour le contrôle et l’aide
du projet dans les villages ont suscité une compétition entre notables dans des situations de
tensions latentes entre les différents acteurs du pouvoir local. Une recomposition des réseaux
de clientèle en lien avec des changements dans la composition de l’élite locale et des « têtes »
de réseaux est apparue dans certains cas mais ne modifiant pas réellement les rapports de
pouvoir en place.
Le regroupement des auxiliaires au sein d’associations chargées d’objectifs de gestion, mais
aussi de représentation paysanne a aussi posé problème. Ce choix méthodologique repose sur
le postulat de départ, selon lequel « une organisation concourt indubitablement à la réalisation
de l’intérêt général » (Intartaglia, 1999). Mais selon l’auteur, l’analyse du projet VSF au
Cambodge contredit assez largement ce principe. En général, les acteurs du pouvoir local ont
contrôlé l’offre technique et financière du projet, renforçant l’exclusion socio-épolitique des
populations mais n’entraînant pas de manière identique une exclusion du service. Les réseaux
socio-économiques verrouillent dans un certain sens l’accès aux services de santé animale. Un
autre postulat, celui de l’égalitarisme, consiste à affirmer que tous les individus composant
ces structures associatives se retrouvent en leur sein sur un pied d’égalité. Or, « il met entre
parenthèses les hiérarchies sociales desquelles dépendent les agents d’élevage, les
fonctionnaires, les paysans mais qui guident de fait leurs comportements au sein de
l’organisation ». Le mode centralisé de prise de décision qui a caractérisé ces associations
164
n’implique qu’un petit noyau d’initiés. Olivier de Sardan (1995) rappelle que la plupart des
sociétés africaines étaient déjà à la veille de la colonisation à la fois fortement hiérarchisées et
fortement individualisées. Aussi, « les interventions extérieures, aussi communitaristes
qu’elles se veuillent, sont-elles vite appropriées par des groupes ou des intermédiaires en
place, même si elles ne font pas toujours le jeu des puissants et ouvrent parfois de nouveaux
espaces ». Et Olivier de Sardan (1995) souligne par ailleurs l’ambiguïté de la situation dans
laquelle se sont trouvés certains projets qui s’adressaient explicitement à des groupes
défavorisés mais qui se sont trouvés « détournés » ou accaparés, soit par un groupe particulier
au sein des « défavorisés », soit par des acteurs « favorisés ». Il rappelle aussi au le
développement en matière de santé (et l’on peut imaginer que les mêmes mécanismes
s’opèrent en santé animale) n’échappe pas à la règle de l’accaparement. Ainsi, « présidents de
coopératives, animateurs ruraux ou « pharmaciens » villageois utilisent parfois la distribution
locale de médicaments comme une ressource dans leur politique clientéliste ». D’autrefois il
s’agira de « cartes de construction de dispensaires établies sur des critères politiques » …
voire de « soins vétérinaires monopolisés par certains propriétaires de troupeaux ».
Ainsi, il apparaît que :
-
l’approche « auxiliaires » s’intègre dans un cadre plus large, appelé « santé animale
de base », qui fait lui-même écho aux approches participatives du développement.
La méthode d’intervention fait intervenir deux modalités différentes : formation
d’auxiliaires ou formation de masse des éleveurs.
Les études de cas montrent globalement des résultats positifs en matière d’efficacité
de ces services. La pérennité et le suivi de ces interventions restent des points
critiques.
Un des écueils principaux est lié à l’essence même de ce type d’approche
communautaire : exclusion socio-politique, accaparement par exemple.
3.Un autre visage du système de santé animale :
l’ethnomédecine vétérinaire
Le concept de « santé animale de base », qui s’est donné pour principe de construire
sur les connaissances des éleveurs, doit être rapproché du domaine de l’ethnomédecine
vétérinaire. Ce que l’on appelle « médecine traditionnelle », ou « ethnomédecine » vétérinaire
constitue un vaste corpus de connaissances et de savoir-faire que les approches
« participatives » utilisées en santé animale de base sont amenées à côtoyer. La prise en
compte des savoirs populaires n’a rien de particulièrement nouveau aujourd’hui. Depuis les
années 1970, Freire a servi de référence à tous ceux qui proclament vouloir s’appuyer sur les
savoirs populaires pour instaurer un développement de type alternatif (développement
participatif, « development from below »). Du côté des ethnologues, c’est surtout après les
années 1960 qu’un programme d’investigation a émergé autour de la notion
d’ « ethnoscience ». Un colloque international en 1978 avait déjà pour titre « Indigenous
knowledge and development » (Olivier de Sardan, 1995).
Les connaissances des éleveurs en matière de production et de santé animale sont étendues.
Mais outre les éleveurs, il convient d’ajouter aux acteurs classiquement identifiés du réseau
vétérinaire les « docteurs des animaux » traditionnels. Dans les pays en développement,
malgré l’omniprésence des « guérisseurs », la communauté contemporaine de vétérinaires a
largement ignoré ces praticiens autochtones, ainsi que leur contribution (Mathias et
McCorkle, 2004). Aujourd’hui, il semble que cette situation tende à changer. La tendance
165
semble être à la reconnaissance des « savoirs locaux », en témoigne les publications de grands
organismes internationaux tels l’OIE (Bâ, 1996) ou l’UNICEF (Adolph et al., 1996). En 1999,
Olivier de Sardan soulignait à quel point la connaissance et la reconnaissance de ce que l’on
appelle « savoirs populaires techniques » sont importantes. Ainsi, il faut souligner que « les
savoir-faire que les messages techniques diffusés par les agents de développement n’arrivent
pas en terrain vierge. (…) Les paysans auxquels on s’adresse ont déjà des compétences et des
savoir-faire dans tous les domaines concernés par le développement, ces savoir-faire et ces
compétences reposant sur des savoirs et des systèmes de sens complexes et évolutifs ».
En matière de santé animale, et pour le Sénégal, ces savoirs dits « traditionnels » ont fait
l’objet de quelques études. Loin d’être exhaustives, leur lecture permet cependant de se
donner un aperçu des connaissances répertoriées et du champ de recherche à explorer en
matière d’ethnomédecine vétérinaire.
a)La connaissance et la description des maladies animales
Les maladies animales sont connues des éleveurs et sont désignés sous des mots
particuliers dans le langage vernaculaire. Par ailleurs, elles font l’objet d’une description
détaillée par les éleveurs. Au Sénégal, les connaissances des Peuls en matière d’élevage sont
réputées. L’apprentissage de la brousse et de ses secrets, des maladies et traitements du bétail
fait partie de l’éducation du jeune berger (Bâ, 1986). Schmidt et Ferney, en 1974, ont élaboré
un bref lexique des principaux termes d’élevage en poular43, et ce « dans un but
essentiellement pratique, dans une perspective vétérinaire ». Ce lexique permet d’appréhender
la finesse et la richesse des connaissances peules. Le seul signalement des bovidés, par
exemple, fait appel à 41 termes. Le lexique permet une traduction en français des termes peul
pour la description des animaux, des maladies ou la sémiologie. Un inventaire plus détaillé
des connaissances des Peuls du Sénégal en matière de pathologie vétérinaire a été établi par
Bâ en 1982. Son travail répertorie les maladies connues, leur description, les traitements
« traditionnels » classiquement utilisés.
Les maladies sont bien connues des éleveurs et guérisseurs : elles sont décrites à travers leurs
symptômes, mais aussi à travers des éléments d’épidémiologie. Bâ (1982) a recueilli de
précieuses informations auprès des guérisseurs africains. Ces dernières ont été reprises dans
un article de 1994. Les signes cliniques et les stades d’évolution de la maladie sont connus et
décrits de manière remarquable. Quant à l’agent causal, la saison d’apparition ou le mode de
contamination, ils sont évoqués avec une précision variable. Le botulisme, par exemple,
« frappe les adultes en toute saison mais est plus rare pendant l’hivernage. Les Peuls accusent
l’ostéophagie et l’eau de certains puits et lacs d’être à l’origine du mal » (Bâ, 1994). Pour la
péri-pneumonie contagieuse bovine, « les Peuls savent bien que l’agent morbide se trouve
dans les poumons malades » (Bâ, 1994). Dupire (1996) souligne cependant que chez les
Peuls, « si le diagnostic de la maladie est assez sûr, remarquable même parfois chez certains
spécialistes, les causes invoquées − eau, pâturages, insectes, génies − font intervenir sur le
même plan faits d’observation et agents surnaturels ».
b)La prophylaxie et les traitements « traditionnels »
● La
43
prophylaxie
Langue des Peuls et Toucouleurs.
166
Selon Bâ (1996), « la prévention est une préoccupation essentielle de l’éleveur : barrer
la route au mal avant qu’il ne pénètre dans le troupeau ». La prophylaxie peut faire intervenir
des pratiques variées.
En fonction des symptômes manifestés par les animaux et la contagiosité de la maladie, les
éleveurs pratiquent l’isolement des animaux malades. Ainsi, à propos de la péripneumonie
contagieuse bovine, Bâ (1994) énonce deux maximes bien connues des Peuls :
- « Yeedo hoto njeeddu » (éviter le repos des troupeaux malades avec les sains) ;
- « Jofe hoto njofdu » (éviter la cohabitation des malades et des sains).
Les éleveurs et guérisseurs ont par ailleurs recours à la pharmacopée pour tenter de prévenir
certaines maladies susceptibles de frapper leurs troupeaux. Ainsi, pour la trypanosomose
(Daaso) on utilise, par voie orale, une macération de poudre de feuilles ou d’écorce de
Terminalia avicennioides (Combrétacée) ou de Ceiba pentendra (Bombacées). Selon Bâ
(1996), l’action préventive est entretenue par l’administration périodique de la préparation.
Pour prévenir les carences, les éleveurs pratiquent régulièrement la « cure salée ». Les Peuls
désignent par « Yooyo » la maladie provoquant le pica, et l’attribuent à une carence en sel
(Bâ, 1994). Pour parer à cette maladie, ils conduisent les troupeaux, pendant les périodes
d’apparition de la maladie, vers des puits ou des terres salées. Ils distribuent parfois du sel en
nature « trois fois dans la même semaine » (Bâ, 1994). Dupire (1996) a décrit la pratique de la
cure salée chez les Peuls nomades du Niger. « L’hivernage s’installant et les points d’eau
étant de plus en plus nombreux, il faut en effet pour compléter l’effet salutaire d’une
nourriture fraîche et abondante que le troupeau fasse une cure salée ». Alors que pendant la
saison sèche les bêtes n’ont pu assimiler qu’une petite quantité de natron, les déplacements en
hivernage sont l’occasion de faire passer les animaux sur des terres salées. Il semble que pour
être profitable, cette cure doive être progressive (Dupire, 1996).
Enfin, en matière de prophylaxie, il convient de reconnaître la finesse des pratiques dites
« traditionnelles ». Bâ soulignait, en 1996, que « au Sahel, nos ancêtres peuls ont découvert la
vaccination, et ce n’est pas notre moindre fierté, peut-être bien avant Jenner ». Ainsi, lorsque
frappe « Jofe » (péripneumonie contagieuse bovine), les Peuls placent sous la peau du
chanfrein un morceau de poumon de la taille d’un grain de mil, prélevé sur un poumon de
bovin malade et traité par fermentation avec du lait, de l’eau et du tanin d’Acacia nilotica
pendant 24 à 48 heures. Les réactions vaccinales sont fréquentes, mais l’immunité est solide
et durable (Bâ, 1996). De Saint-Croix (1944, cité par Dupire, 1996) avait noté au Nigeria les
mêmes pratiques : « un morceau de poumon appartenant à une vache morte de pleuropneumonie est déposé dans du lait où on le laisse mûrir dans un endroit frais. Ce vaccin est
ensuite appliqué aux animaux qui n’ont pas encore été touchés par la maladie, en
l’introduisant dans une entaille légère pratiquée sur le naseau ». Bizimana (1994) reprend ces
exemples en soulignant que chez les Peuls de Mauritanie, Mali et Sénégal, le morceau de
poumon introduit est retiré au troisième jour, la plaie rincée et la zone cautérisée. D’autres
pratiques de vaccination sont décrites par Bizimana (1994) en République centrafricaine,
Somalie ou Ethiopie.
●
Les traitements
Les traitements sont souvent composés et font appel à plusieurs outils.
Un des aspects les plus documentés (bien qu’au final les études dans ce domaine
restent rares) est le recours des thérapeutes traditionnels à la pharmacopée.
Toigbé, en 1978, a recensé les plantes utilisées par les Peuls du Bénin et du Sénégal pour la
médecine vétérinaire. Son inventaire, bien que non exhaustif, comporte pour le Sénégal 54
plantes d’usage courant et cite 27 plantes considérées comme toxiques pour le bétail. Les
plantes de la pharmacopée sont le plus souvent classées en trois catégories : les plantes à
167
usage médicinal, les plantes lactogènes et les plantes toxiques (Bâ, 1994). Le recours aux
plantes est extrêmement répandu, que ce soit pour la prophylaxie ou le traitement traditionnel
des maladies. Pour chaque pathologie identifiée, Bâ (1996) donne un traitement traditionnel à
base de plantes. L’Acacia nilotica peut être utilisé sous la forme d’un broyat de feuilles
fraîches, filtrées dans une étoffe. Il est alors appliqué comme topique pour soigner
conjonctivites ou pour faciliter la cicatrisation des plaies récentes. Les feuilles du Boscia
senegalensis sont utilisées dans le traitement du rhume des chevaux ou comme insectifuge et
insecticide en application sur les plaies (Bâ, 1994). Tout comme en médecine humaine, les
plantes peuvent être utilisées sous plusieurs formes : poudre, infusion, macération, décoction.
Toutes les parties de la plante sont susceptibles d’être utilisées : feuilles, fraîches ou séchées,
écorce, racine, fruits, fleurs. On retrouve ces différents modes de préparation dans l’inventaire
de Toigbé (1978). Bâ (1996) souligne que « le mérite des guérisseurs a été, non seulement de
découvrir et d’assimiler les plantes médicinales, mais aussi de mettre au point des techniques
de récolte des parties ayant une valeur curative puis de préparer, conditionner et conserver les
médicaments ». Kerharo et Adam (1974) ont décrit les différentes formes médicamenteuses et
les modes d’administration utilisés au Sénégal par les thérapeutes traditionnels en médecine
humaine. On peut imaginer que ceux ayant trait à la médecine vétérinaire sont quasisemblables. Par ailleurs, ils soulignent que « les techniques utilisées par les guérisseurs
professionnels en Afrique noire ressortissent de la pharmacie galénique qui comprend trois
parties connexes : préparation, administration et posologie des traitements. On doit
reconnaître, à la vérité, le caractère élémentaire des deux dernières qui se passent d’injections
intramusculaires et intraveineuses, de dosages et de mesures pondérales. Par contre, la
préparation des médicaments atteint un certain degré de perfection ».
Dans certains cas, le recours à la pharmacopée se conjugue avec des techniques
médicales ou chirurgicales. Parmi les actes fréquemment utilisés en médecine vétérinaire, on
pourrait à titre d’exemple citer la saignée, utilisée dans le traitement des phlébites des veines
du doigt, ou l’utilisation du feu pour cautériser les abcès (Bâ, 1994). Certains thérapeutes
traditionnels pratiquent la chirurgie. En 1958, Ligers décrivait la castration des taureaux sur
les rives du fleuve Niger : « l’opérateur saisit indifféremment l’un des testicules et le serre
assez fortement. De sa main droite, il y fait au couteau une fente longitudinale par laquelle il
sort, en pressant, le « grain » ou le noyau du testicule. Puis il attrape ce testicule sorti de son
enveloppe et tire sur cette partie jusqu’à ce que le nerf qui le réunit au bassin soit sorti sur une
longueur suffisante. A ce moment il coupe ce nerf à ras du corps près de l’incision. Pour
l’autre testicule l’opération est identique ». Bâ (1982) décrit trois techniques de castration
chez les Peuls : la castration dite « au bâton » (qui consiste à mettre le taurillon en décubitus
latéral, puis à faire passer un pilon sous les cordons testiculaires et taper dessus avec un
bâton), la « castration sanglante » (à cordon couvert, par une incision sur chaque testicule ou
une seule sur le raphée médian), et une castration des petits ruminants dans laquelle on fait
remonter les testicules vers le trajet inguinal. Bâ (1982) décrit plus loin le traitement du
prolapsus utérin : la matrice est enduite de lubrifiant (laalo, tanin de baobab), remise en place.
Puis la vulve est suturée avec deux bâtonnets secs et pointus reliés par des ligatures à base de
fibres végétales. Les techniques chirurgicales « traditionnelles » offrent une réponse aux
problèmes de plaie, abcès, fractures : les thérapeutes drainent, nettoient, suturent, appliquent
des pansements.
Les traitements « traditionnels » décrits (Bâ, 1982 ; Ligers, 1958 ; Dupire, 1996)
combinent souvent plusieurs outils : pharmacopée, technique médicale ou chirugicale, mais
aussi incantations, amulettes, ou autres pratiques qui nous apparaissent bien mystérieuses.
Toute la complexité de cette « médecine traditionnelle » réside dans la pluralité des pratiques.
Et toute la difficulté consiste à ne pas faire d’amalgame hâtif avec des références ésotériques
trop simplistes.
168
Cependant, il convient de reconnaître l’omniprésence des références magiques et religieuses
dans les traitements traditionnels. Ainsi, Sofowora (1996) a élargi sa définition de la
médecine traditionnelle44, en précisant qu’il convient d’y ajouter la phrase suivante : « en
tenant compte du concept originel de la nature qui inclut le monde matériel, l’environnement
sociologique, qu’il soit vivant ou mort et les forces métaphysiques de l’univers ». Pour Dupire
(1996), « par ce mélange étonnant d’empirisme préscientifique et de thérapeutique magique,
la science vétérinaire du berger s’enracine dans le réel et prend appui sur l’irréel : elle est à
l’image même de sa conception de la Nature ». Selon elle, le berger dispose de tout un arsenal
de pratiques magiques, prophylactiques, les unes positives, les autres négatives (interdits).
« Les talismans traditionnels qui assurent aux hommes l’alliance des forces surnaturelles font
partie de l’héritage du lignage et se transmettent, comme le bétail, de père en fils » (Dupire,
1996). Au Sénégal, le traitement même des maladies fait souvent appel à la fois à la
pharmacopée, à une technique médicale précise, et à des facteurs magiques ou religieux. Si
Bâ ne les mentionne que rarement dans ses inventaires (1982, 1994), plusieurs éleveurs nous
ont rapporté l’utilisation d’amulettes, de cordelettes, et la formulation de « paroles » pour le
traitement des diarrhées par exemple. Kerharo et Adam (1974) soulignaient que « le souci de
ne pas séparer radicalement la thérapeutique active de tout contexte cosmologique, social et
religieux, s’il nuit à l’établissement d’une science médicale positive, facilite en revanche les
techniques de guérison ». Fassin (1992) précise la distinction qu’établissent les Sénégalais
dans le savoir : ils opposent un savoir positif et un savoir négatif, mais aussi un savoir
islamique et un savoir « traditionnel » qui se réfère aux représentations et pratiques
préislamiques. Si en matière de médecine humaine cette dichotomie a été évoquée par divers
auteurs (Kerharo et Adam, 1974 ; Fassin, 1992), on ne connaît semble t’il que très mal
l’aspect magico-religieux des traitements vétérinaires. Mais on peut penser que la même
distinction entre savoirs islamiques et préislamiques pourrait s’appliquer aux tradipraticiens
vétérinaires. La description que Ligers (1958) fait de la castration des taureaux chez les Peuls
de Koa souligne non seulement la superposition d’une technique chirurgicale et de facteurs
magico-religieux, mais aussi l’étroite intrication entre références pré et post islamiques. Ainsi,
après avoir coupé les deux testicules, le castreur dit un verset islamique puis crache des
incantations sur les plaies (Ligers, 1958) : le recours à l’islam est clairement mentionné. Mais
d’autres éléments peuvent être vus comme une référence préislamique. Ainsi, les testicules
coupés sont rendus au Dieu du Niger, appelé Tyanaba en peul (Ligers, 1958). Cette pratique
peut être mise en relation avec certaines légendes peules qui attribuent à Tyanaba la création
des bœufs (Ligers, 1958). Les légendes autour de l’origine aquatique des bovidés sont reprises
par Ndongo (1986), selon qui la naissance de ces mythes est très probablement antéislamique.
c)Qui sont les guérisseurs du bétail ?
La connaissance des maladies, comme celle de certains traitements, fait partie de
l’éducation du berger. Les éleveurs ont donc tous un champ de connaissance relatif à la
médecine vétérinaire. A côté de ce socle commun de connaissances, certains possèdent un
savoir particulier : ce sont les « thérapeutes » traditionnels. Mathias et McCorkle (2004) ont
décrit quelques unes des caractéristiques de ces tradipraticiens. Un des points importants à
souligner est le fait que ceux qu’ils appellent les « docteurs des animaux » traditionnels
soignent souvent à la fois humains et animaux. L’étude de McCorkle et al. (2001 ; citée par
Mathias et McCorkle, 2004) indique que sur 105 types de tradipraticiens recensés dans 33
pays, seulement 17% ne se consacrent qu’aux seuls animaux. Les autres traitent
44
Sofowara (1996) définit ainsi la médecine traditionnelle : « combinaison globale de connaissances et de
pratiques, explicables ou non, utlisées pour diagnostiquer, prévenir ou éliminer une maladie physique, mentale
ou sociale, et pouvant se baser exclusivement sur l’expérience et les observations anciennes transmises de
génération en génération, oralement ou par écrit ».
169
indifféremment hommes ou animaux. Par ailleurs, si certains praticiens sont des généralistes,
la plupart sont spécialisés. Dans ce cas, ils n’offrent qu’un certain type de traitement :
médecine par les plantes, utilisation du feu (cautérisation), castration, intervention spirituelle
ou religieuse par exemple (Mathias et McCorkle, 2004). Mais sur les 105 types de praticiens
traditionnels recensés, seulement 21% ne se consacrent qu’aux pratiques spirituelles. 70%
offrent principalement des services empiriques qui sont comparables à ceux émanant des
vétérinaires « modernes » : réduction de fractures, chirurgie, vaccination, castration,
obstétrique, conseils en nutrition, traitements médicaux (McCorkle et al., 2001, cité par
Mathias et McCorkle, 2004). L’acquisition des connaissances par le guérisseur se fait le plus
souvent auprès d’un parent ou d’un membre de la communauté. Mais l’apprentissage peut
aussi s’enrichir par le biais des expériences personnelles, des essais et erreurs, des
observations et des voyages. Pour certaines sociétés interviennent des éléments ésotériques
tels que les rêves, les visions, ou des pratiques religieuses (Mathias et McCorkle, 2001).
d)Forces et faiblesses de la médecine traditionnelle
La question de l’efficacité des traitements traditionnels a longtemps fait l’objet d’un
débat controversé. Il semble qu’aujourd’hui soient reconnues certaines de ses vertus. Mathias
et McCorkle (2004) soulignent que l’ethnomédecine vétérinaire « fonctionne » et « tombe
sous le sens vétérinaire ».
Il s’avère que de nombreux médicaments modernes sont dérivés ou sont synthétisés à partir de
substances chimiques d’origine naturelle, auparavant découvertes et utilisées par les éleveurs
et les tradipraticiens. Un certain nombre de plantes et principes pharmacologiques utilisés en
médecine traditionnelle ont fait l’objet d’essais cliniques. Certaines « plantes indigènes » ont
fait preuve de leur efficacité (par exemples celles étudiées par Nfi et al. au Cameroun en
1999, qui ont déterminé un effet anthelminthique avéré avec des réductions d’excrétion des
œufs allant jusqu’à 50%). L’OMS (cité par Sofowara, 1996) qualifie de telles plantes de
« plantes médicinales » (c'est-à-dire des plantes dont les propriétés thérapeutiques et les
composants ont été établis scientifiquement), alors que celles n’ayant pas fait l’objet d’une
étude scientifique consciencieuse sont appelées « plantes considérées comme médicinales ».
D’autres plantes ont donné des réponses indifférentes ou négatives aux essais cliniques. Mais
Mathias et McCorkle (2004) insistent sur le fait que ces derniers sont orientés vers une visée
commerciale et ne tiennent que très rarement compte des effets physiologiques à long terme
des traitements traditionnels, des synergies entre les composants intervenant dans les
polyprescriptions, ou du fait que les préparations médicamenteuses traditionnelles ne sont
qu’une partie d’une approche globale et intégrée de la gestion de la santé animale. Dans ce
contexte, les essais réalisés ne peuvent pas rendre compte de l’efficacité de certains
médicaments traditionnels.
Bizimana et Schrecke (1995) ont proposé un aperçu des plantes indigènes utilisées par les
praticiens traditionnels vétérinaires et étudiées dans le cadre de protocoles scientifiques
(Annexe X). Malgré le faible nombre de plantes ayant fait l’objet d’études rigoureuses, les
résultats montrent une relation claire entre leurs propriétés chimiques et pharmacologiques et
leur usage traditionnel (Bizimana et Schrecke, 1995). Kerharo et Adam (1974) ont récapitulé
les propriétés pharmaceutiques de la pharmacopée sénégalaise. Parmi les plantes citées par
Toigbe (1978) ou Bâ (1982) comme classiquement utilisées par les praticiens vétérinaires
traditionnels, il s’avère qu’un certain nombre semble contenir des principes actifs aux effets
notables. Le choix de ces plantes et leur utilisation empirique par les praticiens fait écho à des
fondements pharmacologiques (tableau 7).
L’ethnomédecine vétérinaire rassemble également un vaste corpus de connaissances
en matière de pratiques zootechniques qui retentissent sur la santé animale. Il semble que les
bénéfices des savoir-faire traditionnel en matière d’alimentation, reproduction et autres
170
pratiques d’élevage soient relativement bien documentés (Mathias et McCorkle, 2004). En
comparaison, les bénéfices tirés des pratiques magico-religieuses en médecine vétérinaire sont
mal connus. Pourtant, certaines peuvent avoir des effets positifs sur la prévention des
maladies (Mathias et McCorkle, 2004) : les éleveurs prennent des mesures pour protéger le
troupeau du « vent du diable » (froid, poussière) ou des zones « hantées » (infectées ou
contaminées).
171
Tableau 7 : Quelques plantes de la pharmacopée sénégalaise (D’après Bâ, 1982 ; Kerharo et Adam, 1974)
Nom de la plante
Cassia tora L.
Utilisation
Traitement des
mammites.
Terminalia
avicennioides
Traitement des
oedèmes.
Euphorbia hirta
Plante lactogène.
Traitement des
diarrhées.
Securidaca
longepedunculata
Traitement des
morsures de serpent
(tuméfactions)
Cissus quadrangularis
Traitement des
coliques du cheval.
Traitement des plaies.
Traitement de la
trypanosomiase et de la
piroplasmose.
Traitement du charbon
symptomatique.
Traitement des
diarrhées.
Antiinflammatoire et
fébrifuge.
Traitement des plaies,
des conjonctivites.
Traitement de l’état de
« fatigue ».
Traitement des
diarrhées.
Traitement de
l’infécondité des
vaches.
Traitement du charbon
symptomatique.
Emploi dans les
effections urinaires et
hépatiques.
Balanites aegyptiaca
Adansonia digitata
Ceiba pentandra
Mitragyna inermis
Combretum glutinosum
Propriétés pharmacologiques
Extrait alcoolique : propriétés antibactériennes Gram +
et antifongiques.
Composé isolé des graines : activité ocytocique et
antibiotique.
Gomme de graines : permet la confection de
suspensions et d’émulsions à consistance de crème.
Extrait aqueux de racine, d’écorce de tige :
antibacterien Gram +.
Diarrhéique doux, stimulant cardiaque, diurétique,
cardiotoniques.
Action antihistaminique, antianaphylactique,
cardiovasculaire et respiratoire.
antispasmodique.
Galactagogue : induit un développement mammaire et
un début de secrétion.
Action amoebicide ; efficace dans les dysenteries
amoebienne et permet une négativation coprologique
rapide.
Insecticide.
Action antibiotique controversée.
Action molluscicide : anthelminthique, antivenimeux.
Action cardiaque : bradycardie et augmentation de
l’amplitude des contractions du cœur.
Analgésique externe et antirhumatismal (forte teneur en
salicylate de méthyle).
Action favorable sur l’évacuation gastro-intestinale.
Réduction de 33% du temps de convalescence pour les
fractures.
Action ichtyotoxique.
Insecticide.
Saponoside (diosgénine) isolé : matière première pour
la synthèse de corticostéroïdes.
Action fébrifuge.
Action insecticide, larvicide.
Action fébrifuge.
Hypotenseur.
Action diurétique.
Hypotenseur d’appoint.
Spasmolytique génito-urinaire.
172
La question de l’efficacité des médecines traditionnelles reste complexe : Zampléni
(1981, cité par Fassin, 1992) souligne que « l’écrasante majorité des démarches médicales
proprement africaines ne se prêtent pas à de telles procédures de vérification
expérimentales », et que « les ressorts de leur efficacité sont à rechercher dans l’interaction
des variables biophysiques et symboliques, psychologiques et sociales que nos connaissances
actuelles ne permettent pas d’extraire du contexte sémantique où elles exercent leurs effets ».
Les données économiques permettant une comparaison traitements traditionnels
versus médicaments du commerce sont limitées. Cependant, selon Mathias et McCorkle
(2004), les études disponibles montrent que les premiers peuvent constituer une alternative
efficace et bon marché aux seconds. De plus, le médicament traditionnel présente l’avantage
de pouvoir faire l’objet de facilités de paiement : il peut être payé en espèces, certes, mais
aussi comme c’est souvent le cas, en nature, par une sorte de troc très en pratique dans de
nombreux endroits d’Afrique (Bâ, 1996). De plus, il semble exister dans la profession de
guérisseur une sorte de « code de bonne conduite », qui s’appuie sur deux principes (Bâ,
1996) :
- soit le demandeur offre de payer ce qu’il peut en fonction de ses ressources, le devoir
du guérisseur étant de rendre le produit disponible et à la portée de toutes les bourses ;
- soit le guérisseur fixe un prix symbolique, dont le demandeur s’acquittera en espèces
ou en nature.
Mathias et McCorkle (2004) ont relevé ce type de pratiques dans différents pays. En Inde, au
Népal, au Sri Lanka, les guérisseurs ne sont pas rémunérés et ne travaillent que pour gagner le
respect et un capital social. Ils sont aidés par la communauté en cas de besoin. Comme Bâ
(1996), Mathias et McCorkle (2004) affirment que les praticiens sont souvent payés en
espèces, nature ou parfois en travail. Dans de nombreux pays d’Afrique, il semble qu’ils ne
soient payés que si le traitement porte ses fruits. Mathias et McCorkle (2004) ont par ailleurs
fait la démonstration de l’efficacité technico-économique des traitements traditionnels au
Pérou. Ainsi, il apparaît que une préparation traditionnelle à base de tabac permettait de
diminuer les infestations parasitaires sur les moutons dans des taux comparables à ceux
obtenus avec les médicaments trouvés dans le commerce. Plus encore, récolter les plantes et
préparer le traitement représente pour une famille de taille moyenne 4 heures de travail. En
comparaison, le médicament du commerce coûte à la famille 9 $ dans une région où le salaire
quotidien moyen n’excède pas 1 $ (Mathias et McCorkle, 2004).
Par ailleurs, l’ethnomédecine vétérinaire peut permettre aux éleveurs un recours aux
soins facile. Dans des zones reculées, la médecine traditionnelle peut s’avérer plus facile
d’accès que le système conventionnel. Il s’avère qu’en cas d’urgence, les tradipraticiens et
leurs traitements sont souvent plus facilement disponibles. Les frais de transport et les coûts
d’opportunité sont réduits puisque les éleveurs n’ont pas à se déplacer pour aller acheter des
médicaments pas toujours disponibles. De plus, il y a moins de chances que des médicaments
périmés ou frauduleux soient vendus à des populations vulnérables et moins lettrées.
Cependant, on manque aujourd’hui d’études socio-économiques relatives à la compréhension
de ces facteurs (Mathias et McCorkle, 2004).
Un autre atout de la médecine traditionnelle est son ancrage dans un univers socioculturel familier à la communauté (Bâ, 1996). « Le médicament traditionnel appartient
étroitement au patrimoine de la société africaine. Celle-ci se reconnaît en lui et le reconnaît
comme son produit » (Bâ, 1996). L’éleveur maîtrise les dénominations usuelles en langue
vernaculaire, les indications, les formes pharmaceutiques, les précautions d’emploi. Mais plus
encore, il semble intéressant d’envisager la médecine traditionnelle sous l’angle plus large
d’un véritable système de sens dans lequel elle s’inscrit. Olivier de Sardan (1995) désigne
173
sous ce terme les modes d’interprétation de la maladie. Il souligne de quelle manière les
itinéraires thérapeutiques traditionnels, bien que fortement incertains et aléatoires et dotés
d’une efficacité parfois loin d’être garantie, fonctionnent comme des systèmes de sens qui
eux, ont fait leurs preuves. Ainsi, ils permettent de rendre compte des formes de la souffrance,
des vicissitudes de la condition individuelle, de l’échec éventuel des thérapies. Autrement dit,
« les représentations populaires sur la santé » définissent à la fois des itinéraires
thérapeutiques considérés comme efficaces et des argumentaires permettant de rendre compte
des échecs ou des succès (Olivier de Sardan, 1995).
Il semble donc aujourd’hui que la tendance soit à la reconnaissance de ces savoirs dits
« traditionnels ». Mais il convient de prendre garde à ne pas figer ces savoirs dans une vision
traditionaliste passéiste. Fassin (1992) rappelle que l’opposition implicite ou explicite entre
médecine traditionnelle et médecine moderne, et plus généralement entre tradition et
modernité, laisse à penser qu’il existe d’un côté l’immuabilité de pratiques séculaires, de
l’autre la marche du progrès scientifique. Olivier de Sardan soulignait en 1995 que l’on « tend
aussitôt à enfermer ces savoirs et ces cultures dans une vision a-temporelle, passéiste,
patrimoniale ». Mais pour Fassin (1992), les recherches historiques ont pourtant établi la
perméabilité des sociétés africaines au changement. Il ne manque pas de noter que « ces faits
sont connus et pourtant l’anthropologie médicale, parce qu’elle cherche à reconstituer des
corpus traditionnels, oublie souvent de prendre en compte les transformations des savoirs et
des pratiques ». Olivier de Sardan (1995) s’attarde sur l’exemple des pratiques thérapeutiques
dites « indigènes » : l’intérêt nouveau qui leur est porté y voit souvent la survivance de
techniques et de connaissances ancestrales. Mais les itinéraires thérapeutiques proposés par
ceux que l’on a désigné, comme l’OMS, sous le vocable de « tradipraticiens », comme les
savoirs sur lesquels ils s’appuient « n’ont pour bonne part rien de traditionnel ». Ainsi, sans
pour autant être « occidentaux », ils ont considérablement évolué depuis le XIXème siècle et
la conquête coloniale. Ils ont intégré et transformé toute une série d’éléments matériels et
symboliques liés à la médecine européenne (Olivier de Sardan, 1995). C’est ce que Mathias et
McCorkle (2004) ont noté pour la médecine vétérinaire : de nos jours, l’ethnomédecine
vétérinaire englobe de nombreuses techniques adoptées de la médecine vétérinaire
« moderne ». En effet, les guérisseurs et leur clientèle sont constamment exposés à de
nouveaux enjeux et de nouvelles situations face auxquelles ils font preuve d’une remarquable
plasticité adaptative.
Olivier de Sardan (1995) impute cette tenace illusion de traditionnalité à la combinaison de
deux processus :
- Tout ce qui en Afrique ne relève pas du secteur considéré comme « moderne » − au
sens le plus occidental du terme − est automatiquement imputé à la traditionnalité
africaine et renvoyé à une sorte de cliché de l’Afrique ancestrale qui surnagerait plus
ou moins dans les tourmentes contemporaines.
- Tout ce qui, dans les domaines qu’on dit pourtant « modernes », ne correspond pas à
ce que l’on pourrait appeler la normalité occidentale, économique ou politique, est
également imputé à des survivances de type culturel qui renverraient, au-delà des
« apparences modernes », à ce même vieux fond patrimonial.
174
L’ethnomédecine vétérinaire est donc une piste de travail envisageable :
-
elle fait appel aux « savoirs locaux », étendus aussi bien dans la prophylaxie des
maladies que leur traitement.
les intervenants sont parfois spécialisés, mais traitent souvent aussi bien humains
qu’animaux.
l’ethnomédecine s’appuie sur un socle de connaissances empiriques, dont le
fondement scientifique et l’efficacité sont difficiles à évaluer.
un de ses atouts est son ancrage dans un univers socio-culturel familier à l’éleveur.
il convient de ne pas figer cette ethno-médecine dans une vision traditionaliste.
4.Un challenge pour le système de santé animale :
l’intégration de l’approche alternative dans un cadre légal
Les alternatives que représentent l’utilisation d’un réseau d’auxiliaires et la médecine
vétérinaire traditionnelle semblent pouvoir enrichir le système conventionnel et pourraient le
rendre plus accessible aux éleveurs. Cependant, une telle approche, pour pouvoir faire face
aux impératifs de la « nouvelle donne » du commerce international, devra s’intégrer dans un
cadre législatif bien délimité.
a)Auxiliaires et législation
Au Sénégal, le réseau des auxiliaires opère pour l’instant hors de tout cadre légal. Bien
que la nécessité du recours à ce type d’approche apparaisse maintenant comme
incontournable, et malgré le fait que le gouvernement intègre progressivement les auxiliaires
dans le système officiel de santé animale (dans la surveillance épidémiologique notamment),
la reconnaissance officielle des auxiliaires est une question toujours épineuse.
Dans un système de libéralisation et de privatisation où les acteurs traditionnels de la santé
animale ont du mal à trouver leur place, la multiplication des opérations utilisant des
auxiliaires et leur place grandissante dans l’exercice d’activités traditionnellement réservées à
la profession vétérinaire ont provoqué des réactions d’inquiétude et parfois de franche
opposition.
Pourtant, un des facteurs limitants l’efficacité du système des auxiliaires est le manque de
reconnaissance officielle. L’absence de reconnaissance induit un cadre flou, dans lequel ces
auxiliaires exercent leur activité. L’absence de contrôle sur ces auxiliaires dessert le système
actuel, et des dérives vers une mauvaise utilisation des médicaments reste à craindre.
Le problème de la reconnaissance des auxiliaires au niveau international est
directement lié à la crédibilité des systèmes de services de santé animale face aux normes
internationales et au problème de la certification des Services vétérinaires.
La certification d’origine et les normes sanitaires sont devenues des armes commerciales dont
les producteurs locaux n’ont pas la maîtrise. La non reconnaissance par les institutions
internationales qui veillent au respect des normes, l’OIE en particulier, pose le problème de
l’accès au marché des pays ayant intégré au système conventionnel un système alternatif.
En partant de ce constat, Fermet-Quinet (2003) dénonce violemment les systèmes de « santé
communautaire » :
« En légiférant et en institutionnalisant ces pratiques douteuses de « pseudo-agents sanitaires
communautaires », soi-disant « adaptées aux conditions des éleveurs et consommateurs des
pays pauvres », le modèle sanitaire mis en place restera incompatible avec les normes
recommandées par les institutions internationales. (…) L’installation durable d’un sous175
système vétérinaire et sanitaire privera durablement, voire définitivement, ces pays de la
moindre chance de maîtriser leur développement sanitaire, et surtout de l’accès aux marchés
mondiaux pour l’exportation de leurs produits agricoles compétitifs. (…) L’exclusion des
pays pauvres du marché international sera inéluctable et ce, au bénéfice des pays riches, qui
possèdent déjà un système sanitaire conforme. Les quelques marchés africains qui résistent un
tant soit peu à la concurrence extérieure seront vite ramenés à un état de dépendance ».
L’OIE, consultée à ce sujet, a formé un groupe ad hoc qui a examiné le rôle des
vétérinaires du secteur privé et du personnel para-professionnel dans la fourniture de services
en santé animale. La conclusion essentielle en est : « la proposition de définir un membre du
personnel para-professionnel comme étant une personne qui, dans le cadre de l’application du
Code de l’OIE, est autorisée à exécuter certains actes vétérinaires (en fonction de la catégorie
de personnel para-professionnel) dans un pays, grâce à une autorisation d’exercer délivrée par
l’organisme vétérinaire officiel. Ces tâches lui sont déléguées sous la responsabilité et la
direction d’un vétérinaire diplômé ou autorisé à exercer ». Cette proposition, rigoureusement
rédigée, implique qu’un certain nombre de dispositions aient été prises au préalable,
dont (Blanc et al., 2003) :
-
-
la définition précise des tâches qu’il est possible de confier à un auxiliaire (dans le respect
du Code de l’OIE) ;
la délivrance d’une autorisation d’exercer par l’organisme vétérinaire officiel. Ceci
suppose que les auxiliaires soient enregistrés et donc qu’un registre soit tenu à cet effet et
aussi qu’une preuve de l’autorisation (carte ou certificat) soit délivrée à l’intéressé par ce
même organisme ;
l’existence d’un lien de subordination (contractuel ou hiérarchique) entre l’auxiliaire et un
vétérinaire reconnu ;
une supervision efficace devant être exercée par le vétérinaire responsable par délégation
des actes effectués par l’auxiliaire qui lui est attaché.
Une proposition qui découle de la précédente est « la création d’un organisme vétérinaire
officiel dans chaque pays membre de l’OIE qui serait chargé de l’octroi de l’autorisation
d’exercer et de l’habilitation des vétérinaires et du personnel para-professionnel, de
l’établissement et de la surveillance des normes professionnelles, ainsi que de la discipline.
Ceci suppose la création d’une nouvelle structure professionnelle accréditée, dotée d’un
pouvoir disciplinaire et des moyens de suivi nécessaire à la surveillance.
En ce qui concerne l’approvisionnement en médicaments, selon Blanc et al. (2003), la
proposition du groupe ad hoc est cohérente avec l’énoncé de la précédente en précisant que :
« l’approvisionnement repose sur un diagnostic préalable et un traitement spécifique faisant
appel à des produits autorisés, et ne soit consenti qu’à des éleveurs dont les animaux sont
confiés au soin du vétérinaire ou du personnel para professionnel travaillant sous sa
responsabilité ». Les diverses implications sous-tendues par la proposition comprennent :
- une définition préalable précise des produits autorisés et donc l’existence d’une législation
adéquate sur les médicaments vétérinaires ;
- une formation de l’auxiliaire de santé animale en cohérence avec les tâches qui lui sont
déléguées et les médicaments autorisés ; et, comme plus haut,
- l’existence d’un lien de subordination assorti d’une supervision adéquate.
Les notions de supervision et subordination peuvent être éclairées par la définition qui en a
été faite par le système tanzanien (figure 47 ; Woodford, 2004).
176
Les rôles du vétérinaire superviseur dans le système
de santé animale en Tanzanie
-
s’assurer que les para-professionnels maintiennent un niveau de compétences adéquat dans
leurs pratiques
vérifier que les para-professionnels utilisent uniquement des médicaments de bonne qualité,
et de manière appropriée
jouer le rôle de référent pour l’auxiliaire en cas de pathologie particulière ou mal connue
améliorer la qualité des compétences et le champ d’action de l’auxiliaire
s’assurer que les para-professionnels tiennent à jour un registre régulier de leurs activités
Figure 47 : Rôles du vétérinaire superviseur dans le système Tanzanien (d’après Woodford, 2004)
Un des facteurs importants pour la qualité des services offerts est la pérennité des liens
unissant superviseur et supervisé. Face au constat que le plus souvent les liens entre auxiliaire
et superviseur se distendent, et que la fréquence des contacts entre le superviseur et les paraprofessionnels diminuent au cours du temps, le système tanzanien propose de contractualiser
ces liens. Dans les termes du contrat sont précisés les rôles et obligations de chacun. Le paraprofessionnel s’engage « à faire part au moins une fois par mois du résumé de ses activités » ;
le superviseur s’engage « à maintenir une fréquence de contact suffisante entre le supervisé et
lui » (Woodford, 2004).
Enfin, le groupe ad hoc reconnaît l’importance des « éleveurs et de leurs associations » dans
le dispositif de lutte, préventif et curatif, contre les maladies animales et recommande que des
liens officiels soient noués entre les administrations vétérinaires et les pourvoyeurs de service,
reconnaissant ainsi le rôle essentiel des services vétérinaires dans la supervision et le contrôle
des services de santé animale (Blanc et al., 2003).
Il est à noter que ces recommandations tendent tout autant à protéger les éleveurs
demandeurs des services assurés par les auxiliaires que les consommateurs nationaux ou,
potentiellement, étrangers et devraient à ce titre figurer dans les politiques nationales traitant
de la protection de la santé animale. Il est aussi à noter que, si la création d’un organisme
vétérinaire officiel chargé de définir les tâches autorisées des auxiliaires de santé animale et
de délivrer les autorisations d’exercer peut figurer dans un texte réglementaire (décret ou
arrêté) plutôt que législatif (loi ou ordonnance), la délivrance d’une autorisation d’exercer
représente une reconnaissance officielle suffisante des auxiliaires permettant une définition
souple et évolutive des tâches qui lui sont allouées. Il n’est donc nul besoin de texte législatif
pour définir un statut qui se trouverait ainsi figé. Il devient alors primordial que l’organisme
officiel joue son rôle et tienne à jour la liste complète des auxiliaires et leur lieu d’exercice
(Blanc et al., 2003).
b)Intégration de la « médecine traditionnelle » dans le
système de santé
(1)Perspectives de développement de l’ethnomédecine
vétérinaire
En 1978, l’OMS recommandait la pleine utilisation de toutes les ressources − y
compris celles relevant des pratiques traditionnelles − pour permettre aux populations du
monde entier d’accéder à la santé de base. Mathias et McCorkle (2004) montrent de quelle
manière, à travers ces mêmes lignes, on peut lire la nécessité pour la médecine vétérinaire de
177
faire bon usage des ressources que représentent les tradipraticiens et l’ethnomédecine
vétérinaires. Les raisons énoncées par les auteurs sont les suivantes :
- Les guérisseurs du bétail sont des praticiens traditionnels établis qui ont des
connaissances empiriques solides et une clientèle notable. Les éleveurs font appel aux
tradipraticiens dans plus de 25% des cas où ils ont besoin du conseil d’un
professionnel, et ce même quand les services vétérinaires conventionnels sont
disponibles.
- De nombreux guérisseurs traitent à la fois hommes et bétail. Ceci est un facteur
favorable au développement d’une approche plus efficace de la fourniture des services
de santé et conjointe animaux/humains et traditionnel/moderne. Il semble qu’une telle
approche duale permette aux populations reculées ou nomades de tirer avantage des
services à la fois pour les hommes (et plus particulièrement pour les enfants) et pour
l’élevage.
- L’intégration de traitements ethnovétérinaires dans un système santé animale de base
avec auxiliaires permet d’étendre les possibilités de choix disponibles à la fois pour les
fournisseurs de services et leurs clients.
Ainsi, l’intégration des praticiens traditionnels dans un système de santé signifie que la santé
animale (ou humaine) pourrait être étendue à des groupes qui sont trop peu desservis par les
systèmes conventionnels en place, ou qui n’ont pas accès à la santé du tout (Mathias et
McCorkle, 2004). Cependant, pour cela, il reste à vaincre un certain nombre d’obstacles et du
chemin reste à faire. Quelques uns des éléments de réflexion et des pistes de recherche
énoncées par les auteurs sont présentés en figure 48.
Le secteur « moderne » doit mieux connaître les rôles des praticiens traditionnels et prendre en compte
leur importance. Des études sont nécessaires pour comprendre :
l’étendue du champ d’action des tradipraticiens ;
de quelle manière les tradipraticiens et leurs clients réagissent aux changements éconiques et sociaux.
On manque de travaux menés auprès des « guérisseurs », de leurs clients et des éleveurs, proposant une
réflexion sur la façon dont les pratiques de médecine traditionnelle pourraient être améliorées,
renforcées et intégrées économiquement comme fonctionnellement au systèmes conventionnel.
Des recherches en laboratoire et sur le terrain sont nécessaires pour mieux appréhender l’efficacité de la
médecine traditionnelle.
Des projets pilotes pourraient être développés pour illustrer les modalités d’intégration entre système de
santé traditionnel et conventionnel.
On a besoin d’études d’impact et d’analyses coûts-bénéfices pour déterminer l’efficacité et les impacts
socio-économiques des systèmes vétérinaires utilisant une approche « traditionnelle », conventionnelle
ou combinée. Ces études pourront être menées à l’échelle de l’exploitation agricole, de la communauté
ou au niveau national.
On manque d’études sur les politiques nationales et internationales, et sur les modalités de régulation,
supervision et gestion des prérogatives des différentes corps professionnels.
Enfin, il est indispensable d’établir des politiques et un cadre réglementaire ayant trait à la protection de
la flore et faune locales, ainsi que des autres ressources naturelles, afin de prévenir une surexploitation
concomitante à leur utilisation en médecine traditionnelle. Parallèlement, il convient de réglementer la
propriété intellectuelle des praticiens traditionnels.
Figure 48 : Pistes de travail pour un développement de la médecine vétérinaire traditionnelle (d'après
Mathias et McCorkle, 2004)
178
(2)Médecine traditionnelle et auxiliaires de santé
animale
L’intégration de l’ethnomédecine dans le système conventionnel passe avant tout par
une meilleure connaissance de celle-ci, mais aussi par une reconnaissance de la part les
acteurs institutionnels. Ces deux étapes sont le préalable nécessaire à l’insertion de la
médecine traditionnelle dans le système conventionnel de santé animale. Les phases suivantes
sont l’élaboration d’un cadre légal laissant place aux pratiques traditionnelles et l’intégration
des « guérisseurs » aux projets sur le terrain. Une des solutions les plus évidentes pour cette
dernière phase est l’utilisation des tradipraticiens au sein des systèmes d’auxiliaires de santé
animale.
Les auxiliaires sont avant tout éleveurs et ont un ancrage profond dans la vie de la
communauté. Ils sont amenés à côtoyer les guérisseurs et avoir accès à de nombreuses
pratiques de médecine traditionnelle. Selon IDL Group (2003), les projets de développement
faisant appel aux auxiliaires devraient capitaliser ces connaissances « traditionnelles » en
encourageant le personnel du projet à faire émerger et partager les informations et le savoirfaire lors des séances de formation. Idéalement, au début d’un projet d’auxiliaires, les
formateurs et les participants répertorieront ensemble l’éventail des pratiques locales,
discuteront et sélectionneront celles susceptibles d’être intégrées dans un système de santé
animale. Certaines pratiques « traditionnelles » faisant écho à des pratiques « modernes »
pourront être utilisées et encouragées directement. D’autres nécessiteront des recherches plus
poussées, par exemple pour mieux connaître puis tester l’efficacité des plantes de la
pharmacopée. Catley et al. (2004) soulignent l’importance, avant de précipiter la sélection de
guérisseurs traditionnels comme auxiliaires, de prendre en compte le maximum
d’informations à travers des enquêtes participatives. Ainsi, outre l’étendue des connaissances
et compétences des tradipraticiens, il convient de bien connaître le type de services
disponibles, les différentes formes de paiements pour les services des guérisseurs traditionnels
et la qualité des relations entre les individus de la communauté et le guérisseur traditionnel.
Dès lors, il est très difficile de recommander des lignes directrices bien définies pour la
sélection de guérisseurs traditionnels locaux en tant qu’auxiliaires. Ainsi, la règle d’or, s’il en
a une, est de laisser les membres de la communauté décider. « Ils sauront bien si les
guérisseurs traditionnels de leur propre région sont aptes et auront aussi leur avis sur
l’efficacité des services proposés » rappellent Catley et al. (2004).
L’expérience d’Anthra, en Inde, montre selon Catley et al. (2004) que l’utilisation des
guérisseurs traditionnels par le système des auxiliaires et la capitalisation des connaissances
autochtones bénéficie à l’ensemble de la communauté et contribue davantage à l’acceptation
de l’auxiliaire par la communauté villageoise.
179
Conclusion
Ainsi, ce système de santé animale « rénové » offre aujourd’hui un bilan mitigé. Bien
que la privatisation ait « pris racine », il semble qu’elle reste toujours sans réponse pour des
éleveurs éloignés des centres urbains. L’accessibilité du plus grand nombre d’éleveurs à
l’ensemble des services de santé animale reste un point critique et un défi à relever. Dans
l’idée de rapprocher le système vétérinaire des besoins des éleveurs, il est nécessaire dans un
premier temps de mieux comprendre comment s’opère la gestion de la santé animale au sein
de l’exploitation agricole, puis de réfléchir à des approches alternatives. Il s’avère que les
choix des éleveurs en matière de suivi vétérinaire se raisonnent en combinant des paramètres
tels que le système d’élevage, les facteurs économiques, la pression sanitaire ou le cadre
institutionnel. Pour répondre à des besoins et contraintes aussi diversifiées, l’approche « santé
animale de base » propose de s’appuyer sur des réseaux d’auxiliaires. Les expériences menées
en ce sens semblent aujourd’hui montrer que de tels systèmes peuvent fonctionner.
L’intégration de la médecine traditionnelle, composante omniprésente mais trop mal connue
du système, au sein d’un ensemble vétérinaire conventionnel pourrait elle aussi permettre de
rapprocher un peu plus les services de santé des éleveurs.
180
CONCLUSION
Fruit de l’histoire, le système de santé animale au Sénégal est aujourd’hui encore
fortement marqué par l’héritage colonial et l’empreinte du « Tout-Etat » post-Indépendances.
Face au contexte de crise des années 1980, le Sénégal a dû se plier aux politiques
d’ajustement structurel. Ce «choc exogène » s’est répercuté sur le système vétérinaire, qui,
conformément aux recommandations pressantes des institutions internationales, s’est lancé au
début des années 1990 dans un processus de privatisation. Les services étatiques se sont
désengagés de certaines de leurs fonctions pour se recentrer sur leurs missions régaliennes.
Parallèlement émergeait un secteur privé.
Mais l’étude de l’organisation et du fonctionnement du système actuel met en lumière
quelques unes des difficultés rencontrées, parmi lesquelles :
- une offre opaque, qui fait intervenir de nombreux acteurs, aux stratégies parfois
divergentes, évoluant dans un cadre flou ;
- le risque d’une dégradation des services de l’Etat et d’une approche marchande de la santé
animale ;
- les importantes disparités dans l’adéquation entre offre en services et besoins des éleveurs,
notamment en termes d’accès aux services.
Confronté aux impératifs de politique de lutte contre la pauvreté, le système actuel
doit évoluer vers une meilleure accessibilité et offrir au plus grand nombre d’éleveurs une
offre disponible et adaptée aux besoins et contraintes qu’ils rencontrent. Partant du constat
que le secteur privé ne peut étendre son maillage sur l’ensemble du territoire pour des
questions de rentabilité, et que les moyens de l’Etat sont insuffisants pour développer le
réseau des postes publics, nous sommes amenés à réfléchir aux alternatives envisageables.
Une des pistes actuellement à l’étude dans les travaux de recherche sur les systèmes de santé
animale est l’utilisation accrue de la participation des éleveurs au système, notamment via le
développement du réseau des auxiliaires d’élevage. Ce type de réseau a déjà partiellement été
mis en place au Sénégal par différents projets, mais manque de suivi et opère pour l’instant
hors du cadre légal. La question de la reconnaissance officielle de ces systèmes alternatifs se
voit confrontée aujourd’hui aux exigences des normes édictées par les institutions
internationales.
181
Parallèlement, dans l’idée de rapprocher le système de santé animale des éleveurs et
d’en faciliter l’accès plus grand nombre, et dans la lignée des « approches participatives » du
développement, certains avancent l’idée d’une plus grande intégration des médecines dites
« traditionnelles » au système. Mais alors que le système actuel peine à trouver ses marques,
et face aux enjeux de l’intégration aux cadres normatifs internationaux, la reconnaissance et
l’implication officielle des opérateurs dits « traditionnels » dans le cadre légal semble pour
l’instant difficile.
Ce travail, loin de se prétendre exhaustif, a été pour nous l’occasion d’appréhender la
complexité d’un système de santé. Cette étude du phénomène de privatisation de la médecine
vétérinaire nous a permis de voir de quelle manière une approche systémique pouvait
permettre de mieux comprendre cet ensemble composite. Elle a été aussi l’occasion de
soulever quelques points critiques et pistes de travail à explorer.
Une étude plus précise des stratégies des éleveurs en matière de santé animale paraît être un
préalable nécessaire à une meilleure adéquation du système aux besoins et contraintes des
éleveurs. Face à la multiplicité des recours possibles et à la diversité des itinéraires
thérapeutiques envisageables pour un éleveur, il serait intéressant de mieux comprendre quels
sont les déterminants de ces itinéraires. Fassin (1992) a mis en lumière toute leur complexité
dans le « champ de la santé » humaine. Dans l’idée de mieux comprendre la gestion de la
santé animale, l’analyse systémique à l’échelle de l’exploitation agricole pourrait apporter
beaucoup. Et par ailleurs, au vu des difficultés à surmonter dans les enquêtes portant sur le
recours aux soins (Fassin et Brousselle, 1991), on peut penser que les sciences humaines
pourraient enrichir ce type de travail et permettre une compréhension plus fine des processus.
D’autre part, à l’échelle du système de santé animale tout entier, une approche systémique
permet d’appréhender les enjeux auxquels est confrontée l’organisation vétérinaire.
Parallèlement, en tentant de mieux analyser les stratégies d’acteurs, on pourra aussi mieux
comprendre les blocages actuels du système.
Cet ensemble complexe que constitue un système de santé est une masse mouvante et
changeante. Confronté aux impératifs de la mondialisation et aux règles du jeu fixées par les
institutions internationales, le système de santé animale subit de nombreux remaniements qui
affectent lourdement son organisation et son cadre législatif. Ces changements sont mis en
place avec difficulté parfois, se heurtant à un apparent immobilisme. Mais il convient de ne
pas oublier que législation va souvent de pair avec légitimation de rapports sociaux et enjeux
de pouvoir préexistants. L’apparente inertie du système actuel cache en effet un labyrinthe
d’interactions sociales, économiques et politiques que toute modification du cadre législatif
bouleverse considérablement. Ces bouleversements peuvent parfois se retourner contre les
bonnes intentions qui les animent… La question de la valorisation et de l’intégration de la
médecine traditionnelle en est l’illustration. Ainsi, devant le consensus actuel autour de la
reconnaissance des « savoirs traditionnels », qui apparaît pourtant comme une alternative
évidente, Fassin (1992) émet quelques réserves. « Face aux mutations de la société, des
réponses faciles ont été données : l’intégration des guérisseurs aux services de santé, la
reconnaissance de leur pratique par les pouvoirs publics, voire leur organisation en profession
ont été proposées par des gouvernements africains et par des organismes internationaux. En
fait les conséquences de telles décisions n’ont pas été analysées. (…) La professionnalisation
et l’officialisation des médecines africaines sous la tutelle scientifique et éthique de la
médecine cosmopolite modifieraient considérablement les conditions d’exercice et par
conséquent l’efficacité de ces médecines». Finalement, ne serions nous pas confronté à une
« impossible synthèse entre médecine traditionnelle et occidentale » et, en l’absence de
critères d’évaluation scientifique, à la nécessité de choix idéologiques (Fassin, 1992) ?
182
ANNEXES
183
184
ANNEXE I
QUESTIONNAIRE DESTINE AUX VETERINAIRES
EXERCANT EN CLIENTELE A TITRE PRIVE
Nom
et
prénom :
Nom de la
clinique :
Adresse et numéro de téléphone :
Questions générales sur l’installation
Date d’obtention du diplôme :
Date d’installation :
Modalités d’installation (aide PARC/PACE ; montant alloué) :
Avez-vous remboursé votre crédit ? En combien de temps ? Si blocage, pourquoi ?
Qui vous a aidé et conseillé pour votre installation ? Dans quel domaine ? Quels sont les points à améliorer ?
Etes-vous globalement satisfaits de votre situation ?
Quels sont les avantages/inconvénients à être dans le privé ?
Quand avez-vous décidé de vous installer ? Dès la sortie de l’école ? OUI/NON
Quelqu’un vous a t’il encouragé à vous installer ? Qui ?
Comment avez-vous décidé du choix de la zone d’installation ? Quels facteurs avez-vous pris en compte ?
(infrastrucures, famille, qualité de vie, forage, marchés, …)
De quelle région êtes-vous originaires ?
Comment s’est faite la création de votre clientèle ?
Comment les éleveurs vous ont-ils accueillis ?
Description de la structure
Avez-vous des salariés ? Quelle est leur qualification ?
Quelles taches leurs sont confiées ?
Quel est leur mode de rémunération ?
Relations avec les autres professionnels
Quelle est votre zone d’action ?
Quels sont les autres professionnels dans cette zone ?
Quels sont vos rapports avec eux ?
Vous sentez-vous en concurrence avec eux ?
Certains professionnels font-ils appel à vous ? Faites-vous appel à d’autres professionnels ? Dans quels cas ?
Rapports avec le secteur public
Quels sont vos rapports avec le secteur public ?
Vous sentez-vous investi d’une mission de service public ?
Retournez-vous des informations à la DIREL ?
Mandat sanitaire : OUI/NON. Depuis quand disposez-vous du mandat ? Pour quelle zone ?
Comment vous organisez-vous pour la campagne de vaccination ?
Quelles sont les principales difficultés rencontrées pendant la campagne ?
Pensez-vous survivre si le mandat n’était plus subventionné ?
Vous sentez-vous impliqué dans l’épidémiosurveillance ? Quelles sont les difficultés rencontrées dans ce
domaine ?
Description des activités
Pratiquez-vous d’autres activités rémunératrices ? Lesquelles ?
Quelles sont les espèces présentées à la clinique ? A quelle fréquence ? Pour quel type de pathologie ?
Quelle est la période d’activité la plus importante dans l’année ?
Pratiquez-vous la chirurgie ? Dans quel cas ?
Où consultez-vous ?
Vous déplacez-vous chez les éleveurs ? A quelle fréquence ? Dans quels cas ? Dans quelle zone ?
Quel type d’éleveurs paye le mieux ? Pour quel type d’animaux ?
Quelles sont les modalités de paiement ?
Combien les éleveurs dépensent-ils en moyenne par animal ?
Les éleveurs se plaignent-ils de vos tarifs ?
Les éleveurs demandent-ils des conseils ? De quel type ? Pour quels animaux ? Les appliquent-ils ?
Pensez-vous pouvoir répondre à la demande des éleveurs transhumants ?
Comment pourrait-on mieux adapter le suivi vétérinaire pour ces éleveurs ?
185
Perspectives d’avenir
Pensez-vous pourvoir augmenter la taille de votre clientèle ?
Quel secteur est-il possible de développer ?
Pensez-vous que la zone pourrait accueillir un autre privé ?
Dans la région, où lui conseilleriez-vous de s’installer ?
Quels sont les facteurs à étudier avant de s’installer ?
Conclusions sur la privatisation
Quelle est votre opinion sur la privatisation ?
Pensez-vous qu’elle rende service aux éleveurs ? En quantité ? En qualité ?
Pensez-vous que les éleveurs soient satisfaits de la privatisation ?
Quelles sont les zones délaissées par les privés ? Pourquoi ?
Comment s’organiser dans les zones enclavées, par quels moyens pourrait-on vous inciter à aller vous y
installer ?
186
ANNEXE II
QUESTIONNAIRE DESTINE AUX AGENTS DE POSTE
VETERINAIRE PUBLIC
Nom, prénom :
Fonction :
Adresse / téléphone :
Moyens logistiques :
Rôle et attributions :
Rémunération :
Relations entre professionnels de la santé animale
Quels sont les professionnels présents dans la zone ? Depuis combien de temps ?
Quels sont leurs rôles respectifs ?
Quels sont les rapports entre secteur public et privé ?
Quelles sont les principales difficultés rencontrées dans ces rapports ?
Que pourrait-on faire pour améliorer ces rapports ?
Recevez-vous suffisamment d’informations de la part des différents acteurs ?
Quels sont les obstacles à une meilleure communication ?
Secteur privé
Etes-vous satisfait du travail des privés ? Pour la médecine individuelle/collective, vaccination, distribution des
médicaments, sensibilisation des éleveurs, épidémiosurveillance ….
Quel domaine les privés ont-ils amélioré ?
Dans quel domaine ont-ils des efforts à faire ?
Quel type de services les privés pourraient-ils développer à l’avenir ?
Que proposez-vous pour mieux impliquer les privés dans les missions de service public ?
Couverture de la zone
Trouvez-vous les acteurs suffisamment nombreux dans la zone ?
Où manque t on de personnel ? De quel type ? Pour quelles prestations ? Pourquoi ?
Pensez-vous qu’un nouveau privé pourrait s’installer dans la zone ? Où ?
Quels facteurs lui conseilleriez-vous d’étudier avant de s’installer ?
Les éleveurs sont-ils demandeurs ?
La privatisation
Que pensez-vous de la privatisation ?
Pensez-vous qu’elle rende service aux éleveurs ? En quantité ? En qualité ?
Pensez-vous que les éleveurs soient satisfaits de la privatisation ?
Quelles sont les zones délaissées par les privés ? Pourquoi ?
Comment s’organiser dans les zones enclavées ?
187
ANNEXE III
LETTRE DE POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DE
L’ELEVAGE
I. CONTEXTE DU SECTEUR
La société Sénégalaise est ouverte à un monde en mutation profonde sur les plans économique et culturel. Les
forces mondiales qui agissent sur les économies nationales ont déjà des effets visibles la notion de frontière est
de plus en plus désuète, les technologies nouvelles de communication transmettent des informations et surtout
des modes de vie qui font craindre une remise en cause des valeurs traditionnelles favorables au progrès. C’est
surtout l’évolution des échanges de biens et services avec une plus grande facilité offerte par les nouveaux
accords internationaux, celles des flux financiers et celles des flux d’investissement privé qui deviennent de plus
en plus déterminants dans les stratégies de développement.
Les statistiques mondiales de la CNUCED montrent que le commerce total de marchandises, aux prix courant, a
augmenté de 11% depuis 1950. Les exportations des pays à économie de marché développé ayant augmenté
plus rapidement que le taux moyen global, ont atteint 69,8%. Sur la même période, la part des exportations
des pays en développement dans leur ensemble a baissé pour s’établir à 27,4%. Il ressort cependant des
statistiques, que durant les années 1990, la performance en termes d’exportation des pays en développement
serait supérieure à 33%. Malheureusement la part de l’Afrique Subsaharienne dans le volume du commerce
international a régressé. Elle est passée de 2,7% en 1970 à 1,3% en 1997. La mise en oeuvre des mesures
issues du Cycle de I’Uruguay Round constitue un défi majeur pour notre pays, même si d’importantes
distorsions peuvent apparaître. En effet, dans le secteur agricole, le niveau des tarifs ad valorem peut être
parfois tel qu’il est difficile de pénétrer parfois les marchés des pays développés. En ce qui concerne les
investissements directs étrangers ( IDE), il ressort des statistiques de la Banque Mondiale que sur 167 milliards
de dollars de flux nets de capitaux privés à destination des pays en développement en 1995, moins d’un
dixième a été mobilisé par l’Afrique soit 11,8 milliards de dollars ainsi répartis 5 milliards pour les pays de
l’Afrique au Sud Sahara et 6,8 milliards pour l’Afrique du Nord. Parallèlement, l’Afrique reste encore le premier
bénéficiaire de l’aide public au développement (APD) qui poursuit sa tendance décroissante en raison de la
baisse des fonds budgétaires alloués par les pays donateurs. C’est dans ce contexte que le Sénégal développe
des initiatives avec ses partenaires de la sous région, pour faire face ensemble à la mondialisation. La
communauté Economique Des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), maillon important de la Communauté
Economique africaine (CEA), avait pour objectif d’accélérer la mise en place d’un marché commun en vue de
l’intégration de la sous région. A une échelle plus réduite se situe l’Union Économique et Monétaire Ouest
Africaine (UEMOA), qui est pour le Sénégal un marché local où la forte compétition exige des réformes
structurelles encore plus hardies.
Comme dans la plupart des pays Africains, le secteur de l’élevage constitue au Sénégal un maillon essentiel de
l’économie, à travers la promotion des exportations, la création d’emplois et la satisfaction des besoins
alimentaires des populations rurales et urbaines. En effet, l’élevage revêt au Sénégal une grande importance
tant sur le plan économique, social et culturel. Prés de 3.000.000 individus s’adonnent peu ou prou à des
activités d’élevage et 350.000 familles sénégalaises tirent l’essentiel de leurs revenus de celles-ci. Le sous
secteur de l’élevage contribue pour 7,4% au P.I.B. national et 35,5% au P LB. du secteur primaire et ceci
malgré la faiblesse des investissements publics. En effet, durant la décennie 1985-1995, moins de 4% du
volume total des investissements publics du secteur agricole étaient annuellement consacrés à l’élevage. En
1960, ce taux atteignait 10%. En 1998, le budget inscrit pour l’élevage est de 4,71% du volume totale alloué
au secteur primaire et devrait passer à 9,7% d’ici l’an 2000. Il convient de rappeler que la contribution de
l’élevage à l’économie nationale dépasse la production alimentaire directe et inclut les cuirs et peaux, le fumier
et la traction animale. L’ensemble de ces éléments joue un rôle important dans la sécurité alimentaire des
populations rurales et dans la lutte contre la pauvreté.
Durant les dix dernières années, le secteur agricole a fait l’objet de différentes réformes dont la plus récente a
visé l’ajustement sectoriel global. C’est ainsi que le Gouvernement a été amené à élaborer une Lettre de
Politique de Développement Agricole (LPDA) dont les principaux objectifs sont:
• assurer une croissance agricole de 4% par an
• améliorer la sécurité alimentaire des populations
• assurer une meilleure gestion des ressources naturelles
• assurer une sécurité foncière pour tous les producteurs
• générer des emplois et accroître les revenus en milieu rural
• promouvoir l’investissement privé et l’efficacité des dépenses publiques.
Pour réaliser ces objectifs, l’Etat a pris un certain nombre de mesures visant l’atteinte des finalités suivantes :
• le désengagement de l’Etat au profit du secteur privé de toutes les activités marchandes
• la libéralisation des prix et de la commercialisation des produits et intrants agricoles
• le développement de l’investissement privé.
La politique menée en matière d’élevage s’est inspirée des orientations de la LPDA. Dans le cadre de
l’ajustement du sous secteur de l’élevage, l’Etat a pris les mesures ci après:
• Privatisation de la SERAS et des activités de production du Centre National d’Aviculture de Mbao.
• Mise en vente de la SODESP.
188
• Désengagement de l’Etat des activités de médecine et de pharmacie vétérinaires au bénéfice de praticiens
vétérinaires privées installés grâce notamment à des fonds de garantie mis en place à la. CNCAS par les projets
PARC et PAPEL
• Libéralisation des prix des produits d’origine animale en particulier la viande.
• Renforcement des organisations d’éleveurs.
Depuis juillet 1998, le sous-secteur de l’élevage qui relevait du Ministère de l’Agriculture, a été érigé en un
Ministère en plein exercice. Par cette décision, le Gouvernement du Sénégal entend donner un signal fort pour
montrer sa détermination à intensifier les productions animales en vue de contribuer à la satisfaction des
besoins des populations, de promouvoir les exportations et de faire de l’élevage un secteur de croissance très
forte. Pour ce faire des mesures idoines sont engagées pour renforcer les atouts du sous-secteur et réduire les
principales contraintes.
Les atouts
Parmi les atouts de l’élevage Sénégalais on peut citer entres autres :
· Un cheptel important et varié
· des traditions pastorales confirmées
· un contrôle sur les deux principales épizooties que sont la peste bovine et la péripneumonie contagieuse
bovine.
· une grande disponibilité de sous-produits agricoles et agro-industriels notamment dans le bassin arachidier et
la vallée du Fleuve
· l’existence d’une zone à vocation pastorale marquée (zone sylvopastorale) et de zones aménagées propices
aux cultures fourragères ( vallée du Fleuve, du Ferlo et de l’Anambé, Ranch de Dolly);
· un personnel technique public et privé qualifié
· une grande marge de progression en raison notamment du caractère extensif des systèmes de production.
Les contraintes
·L’élevage reste confronté à des contraintes dont les principales sont:
·un mode d’élevage essentiellement extensif où l’alimentation du cheptel est basé sur les pâturages naturels
soumis aux aléas climatiques, aux feux de brousses et à la pression des cultures
·la faiblesse de l’investissement public et privé dans le secteur qui se traduit par l’insuffisance des
infrastructures de base (pistes de production dans la zone sylvopastorale, ouvrage hydraulique, unités de
transformation et de conservation etc.)
·une dégradation progressive des écosystèmes pastoraux
· une persistance de certaines maladies telle que la peste des petits ruminants, la maladie du Newcastle, la
peste porcine africaine, la peste équine etc.
· une connaissance limitée des effectifs réels du cheptel
· le sous équipement et le faible niveau de technicité des producteurs
·les insuffisances dans la politique de formation des éleveurs
· la présence de nombreux intermédiaires dans les circuits de commercialisation du bétail entraînant un
renchérissement des prix de la viande à la consommation
· l’absence d’une sécurisation foncière pour les activités pastorales
·la faiblesse du potentiel laitier des races locales dont la production ne dépasse pas 2 litres de lait par jour avec
une période de lactation de 180 jours.
II. ORIENTATIONS GÉNÉRALES
Le Gouvernement s’est engagé depuis la dévaluation du FCFA en 1994 dans une série de programmes
d’ajustement et de réformes économiques en vue de rétablir les conditions d’une croissance forte et durable et
d’assurer la viabilité financière extérieure et intérieure. Le IXème Plan d’Orientation pour le développement
Économique et Social (1996-2001) vient renforcer cette orientation. La stratégie globale du Gouvernement vise
la compétitivité et le développement humain durable et constitue un prolongement des activités engagées au
lendemain de la dévaluation. Il s’agit du renforcement de la concurrence interne, de l’amélioration de la
compétitivité des entreprises, de la promotion des investissements et des exportations, l’amélioration du
financement du marché et une plus grande responsabilisation du secteur privé et une amélioration des
stratégies de mise en valeur des ressources humaines. Compte tenu de ces orientations, l’Etat entend faire de
l’élevage un poumon du développement économique du pays à travers la définition et la réalisation d’objectifs
forts visant à intensifier la production animale et à promouvoir les exportations. Le râle de l’Etat reste limité
dans ce contexte à:
i)
la gestion du service public, à l’orientation et la définition des voies et moyens pour un
développement socio-économique durable;
ii)
la responsabilisation des producteurs
iii)
et son désengagement des activités marchandes pour les confier aux privés.
III. LES OBJECTIFS DU SECTEUR DE L’ÉLEVAGE
1. OBJECTIFS GÉNÉRAUX
Dans le respect des orientations de la politique économique et social du IXème plan et de la Déclaration de
politique générale du Gouvernement, d’août 1998, le sous-secteur de l’élevage vise à atteindre en l’an 2003 les
objectifs globaux suivants :
• accroître de façon soutenue les productions animales en vue de contribuer de manière spécifique à la
réalisation de l’objectif de sécurité alimentaire
• améliorer le revenu des producteurs en élevage et lutter contre la pauvreté
• préserver les ressources naturelles.
Pour atteindre ces objectifs, dans le moyen terme, le Gouvernement entend améliorer de manière significative
la compétitivité du secteur. Pour cela, il est nécessaire :
• d’améliorer le potentiel génétique,
189
• de mettre en place un crédit adapté,
• et de renforcer les capacités institutionnelles et organisationnelles ainsi que la formation des différents
acteurs.
2 . OBJECTIFS SPECIFIQUES
De manière plus spécifique, les objectifs ci-après seront recherchés :
• la production globale de viande actuellement de 100.000 tonnes sera portée à 144.600 tonnes en l’an 2003,
ce qui permettra d’assurer une consommation de 14 kg par habitant et par an au lieu de 11,5 kg actuellement.
• la consommation d’oeufs actuellement de 22 unités per capita sera porté à 30 unités en l’an 2003.
• la facture laitière ( évaluée à prés de 30 milliards de FCFA en 1997) sera progressivement réduite et la
production locale accrue de manière à porter la consommation de lait de 27 litres par habitant et par an à 35
litres en 2003 d’où un taux moyen de croît de 5%.
• la production des miels et cires sera augmentée respectivement de 200 à 1000 tonnes et de 50 à 150 tonnes
en 2003.
• la filière équine devra connaître un développement grâce à l’amélioration génétique des races locales.
IV. LES ORIENTATIONS STRATEGIQUES DU SECTEUR
Pour atteindre ces objectifs, l’Etat entend prendre un train de mesures qui tiennent compte des orientations
stratégiques ci-après:
· Rendre les différentes filières animales plus compétitives, plus productives et plus diversifiées.
· Développer l’initiative privée et renforcer la professionnalisation des producteurs et leurs organisations socioprofessionnelles.
· Adapter l’environnement financier aux besoins des producteurs privés qui investissent pour l’intensification de
l’élevage.
· Assurer la qualité des services fournis par I’Etat.
· Assurer une saine gestion des ressources naturelles pour un développement durable.
Compte tenu de ces orientations, le Gouvernement affirme par la présente lettre son intention de mettre en
oeuvre les politiques suivantes pour atteindre les objectifs fixés dans le sous secteur de l’élevage.
V. MESURES POLITIQUES
Le Gouvernement du Sénégal s’engage à:
Sur le plan institutionnel
1. Faciliter la création d’Interprofession au niveau national et régional pour mieux habiliter les opérateurs privés
à contribuer fortement à la création de richesses et à fournir sur des bases contractuelles des prestations de
services dans le domaine de la mise en place, de l’entretien et de la gestion des infrastructures sociales et
économiques.
2. Renforcer l’organisation et la professionnalisation des producteurs notamment par la consolidation des
organisations d’éleveurs et autres acteurs et le développement de programmes d’alphabétisation fonctionnelle.
L’Etat encouragera également la création de structures de formation d’auxiliaires d’élevage (dans le domaine de
la santé, de la zootechnie...) qui travailleront pour les associations d’éleveurs.
3. Mettre en adéquation les missions dévolues au Ministère de l’Elevage et les moyens humains et matériels
nécessaires par l’élaboration d’un plan de recrutement, de formation et de recyclage du personnel.
Sur le plan du développement du secteur.
1. Améliorer l’investissement privé dans l’élevage en favorisant l’accès des éleveurs au crédit, aux fonds de
bonification de garantie et de calamités dans le cadre du système de crédit rural durable.
2. Prendre en compte les besoins en infrastructures de base (pistes de production, ouvrages hydrauliques etc.)
des populations pastorales et les faire financer par le PNIR.
3. Poursuivre le désengagement de l’Etat des sociétés de production et de commercialisation des productions
animales. A cet effet, il sera pro,cédé au parachèvement de la liquidation de la SODESP et un programme de
réhabilitation sera élaboré pour faire du Ranch de Dolly un centre d’intensification et de diversification des
productions animales avec une gestion de type privé qui associe les éleveurs.
4. Assurer la sécurisation du bétail à travers un système d’identification approprié et un contrôle plus efficace
des mouvements des animaux.
5. Poursuivre le processus de privatisation de la profession vétérinaire avec une claire définition des rôles
respectifs de l’Etat et du secteur privé. Dans ce cas précis, les activités relevant de l’Etat concernent
l’élaboration des programmes de lutte contre les maladies légalement contagieuses ou les zoonoses, la
surveillance épidémiologique du territoire, le contrôle des mouvements du bétail notamment aux frontières,
l’élaboration des normes d’hygiène et de qualité ainsi que le contrôle des denrées d’origine animale et des
produits utilisés pour l’élevage, l’inspection sanitaire etc. Certaines de ces activités peuvent être déléguées au
secteur privé dans le cadre d’un mandat sanitaire. Il s’agit, en particulier, des interventions au cours des
campagnes officielles de vaccination, de l’inspection sanitaire notamment au niveau des abattoirs.
6. Renforcer la lutte contre les épizooties en développant la prévention à travers la mise en place d’un système
national de surveillance épidémiologique.
7. Soutenir la mise en place un laboratoire national de contrôle des médicaments a usage vétérinaire et des
denrées d’origine animale.
8. Procéder au recensement exhaustif du cheptel.
9. Élaborer un plan d’équipements et d’actions pour lutter contre les feux de brousses.
10. Veiller à ce que le plan d’aménagement foncier privilégie les activités d’élevage dans la zone sylvopastorale,
en général et dans la vallée du Ferlo en particulier.
14 veiller à ce que la révision de la loi sur le domaine national en cours prenne les activités pastorales comme
une forme de mise en valeur des terres.
Sur le plan de la satisfaction de la demande.
190
Créer un environnement économique favorable à l’accroissement de la production de volaille, de viande, de lait
et de produits de la ruche.
• Réhabiliter tous les abattoirs régionaux et réaliser les abattoirs de Kolda, Dahra, Fatick et Touba. La gestion
de ces établissements sera à la charge du secteur privé avec lequel l’Etat signera un contrat.
• Soutenir l’implantation d’abattoirs de volailles par les privés.
• Inciter le secteur privé à accroître la capacité de transport frigorifique en viande.
• Intégrer la filière viande dans le marché d’intérêt national en cours de création (notamment par l’installation
de nouveaux abattoirs).
• Mettre un centre national d’amélioration génétique à Sangalkam pour favoriser les opérations d’insémination
artificielle en rapport avec le secteur privé et assurer leur contrôle.
• Mettre en place des incitations fiscales et des mesures réglementaires destinées à favoriser l’installation de
promoteurs privés dans la filière laitière (production et transformation).
• Rechercher, en relation avec les collectivités locales, a promouvoir un environnement local propice aux
initiatives génératrices de revenus notamment par la réalisation d’infrastructures économiques essentiels
(foirails, parcs de vaccination, aires d’abattage...).
Sur le Plan du financement.
Aider à la mise en développement de l’élevage associations professionnelles place d’un fond interprofessionnel
de (FIDEL) pour renforcer l’autonomie des dans le sous-secteur de l’élevage.
VI. MODAL1TES ET INSTRUMENTS DE MISE EN OEUVRE DES MESURES
POLITIQUES
1. Les Réformes institutionnelles
Elles seront mises en place grâce au Programme de Services Agricoles et d’Appui aux Organisations Paysannes
(PSAOP). Celui ci devra aider en particulier:
• l’amélioration des performances de la recherche zootechnique et vétérinaire et du système de transfert de
technologies dans le domaine des productions animales pour répondre au besoin des éleveurs.
• l’appui à la professionnalisation et à la responsabilisation des organisations de producteurs et notamment des
Maisons des Eleveurs pour leur permettre de jouer un rôle dans la génération, le transfert et l’adoption de
technologies adaptées.
• la structuration du Ministère de I’Elevage pour lui permettre de bien mener ses missions de service public.
Cette structuration devrait s’opérer de manière à bien préciser l’organisation nouvelle des services centraux du
ministère ainsi que les services régionaux et locaux. Elle devra permettre par ailleurs la création d’une cellule
d’analyse, de planification et de suivi - évaluation rattaché au cabinet du Ministre de l’Elevage. Le PSAOP,
prévoit d’assurer le financement de trois programmes d’appui à l’exercice des missions de service public du
Ministère de I’Elevage qui sont:
· le Programme national de contrôle de qualité des denrées d’origine animale;
· le Programme national d’amélioration de l’information zoosanitaire
· le Programme national de lutte contre les maladies animales.
2. Les Instruments pour la réalisation des mesures prévues
Le plan d’action pour la relance de l’élevage (1999-2003), élaboré en octobre 1998, intègre une partie des
mesures et prévoit leur réalisation à travers les instruments ciaprès :
1/ Le Programme agricole.
Il est financé par le trésor public et permet le démarrage d’activités pilotes telles que l’insémination artificielle
des vaches locales, la formation des éleveurs et leur équipement.
2/ Les projets financés sur le Budget Consolidé d’investissement (BCI).
Ils sont au nombre de deux, le PADA (Projet d’Appui au Développement de l’Apiculture) et le PACDAOA (Projet
d’Amélioration du Contrôle des Denrées Alimentaires d’Origine Animale). Le PADA vise la relance de l’apiculture
alors que le PACDAOA vise à améliorer la qualité des produits alimentaires d’origine animale.
3/ Les projets bénéficiant d’un concours extérieur.
il s’agit du:
- PARC (Campagne Panafricaine de lutte contre la Peste bovine), financé par le FED dont la phase actuelle
s’achève en décembre 1999 pour être relayé par le PAGE (Programme Panafricain de Contrôle des Epizooties).
- PAPEL (Projet d’Appui à l’Elevage) financé par la BAD. La première phase de ce projet s’est achevée en
décembre 1998. Un nouveau financement est attendu.
- PRODEC (Projet de Développement des Espèces à cycle Court) financé par la Coopération Française. Ce projet
est en cours d’achèvement.
4/ Le programme spécial national de développement de l’élevage
Celui-ci comporte les projets déjà inscrits au Programme Triennal d’investissement Public (PTIP) en recherche
de financement. D’autres projets devront par ailleurs être formulés afin d’assurer une prise en compte parfaite
de l’ensemble des besoins de développement du secteur.
Ces projets qui s’intéressent à chacune de nos zones agro-écologiques visent à terme à un réajustement global
du sous-secteur. lis constituent de ce fait un ensemble d’actions destinées à assurer une augmentation durable
de la productivité du sous-secteur et son intensification.
5/ Le Programme National d’infrastructures Rurale (PNIR).
Il prévoit la construction d’infrastructures d’élevage et de pistes de production au niveau de certaines
communautés rurales.
6/ Le Fonds Interprofessionnel de Développement de l’Elevage (FIDEL).
Ce fonds est mis en place et géré par les éleveurs eux-mêmes. C’est donc un système endogène et autoentretenu de financement de l’élevage que proposent les professionnels en vue de sécuriser d’avantage les
productions animales et de renforcer leur participation dans le développement de l’élevage en général.
7/ Le Programme Spécial de Sécurité Alimentaire.
191
Financé conjointement par le Gouvernement et la FAO, il vise à promouvoir la diversification des productions
animales et des sources de revenus et également le développement durable de l’aviculture et de l’apiculture
rurale ainsi que l’élevage des petits ruminants.
8/ Programme de Modernisation et d’intensification de l’agriculture.
Financé par la BAD, ce programme vise à accroître les productions céréalières, horticoles et d’élevage ainsi que
les exportations agricoles. Il vise également à améliorer la balance commerciale et les revenus en milieu rural.
9/ Programme de lutte contre la Pauvreté.
Financé conjointement entre le Gouvernement et ses partenaires au développement, ce programme vise
l’amélioration des conditions de vie des populations les plus démunies. Compte tenu de l’importance accordé
par le Gouvernement à ce programme, la contribution de la politique d’élevage à l’objectif de lutte contre la
pauvreté devra faire l’objet d’une attention toute particulière. Pour réaliser l’ensemble des objectifs assignés au
secteur, de nouveaux instruments sont nécessaires. L’identification et la formulation de ces instruments seront
réalisées dans le cadre de l’élaboration d’un programme d’investissement du secteur de l’élevage (PISE). L’Etat
s’engage à réaliser ce programme avant la fin de l’année 1999 en relation avec ses partenaires au
développement.
192
ANNEXE IV
LOI PORTANT CREATION DE L’ORDRE DES
VETERINAIRES DU SENEGAL
193
194
195
196
197
198
ANNEXE V
CODE DE DEONTOLOGIE
199
200
201
ANNEXE VI
DECRET RELATIF A L’INSTITUTION DU MANDAT
SANITAIRE AU SENEGAL
202
203
ANNEXE VII
ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES D’ELEVEURS
CLASSEMENT PAR ECHELLE D’INTERVENTION
-
● Organisations faîtières : action au niveau national
Fédération des Groupements d’Intérêt Economique (GIE) d’éleveurs (FNGIE-E)
Union Nationale des Coopératives d’Eleveurs du Sénégal (UNCES)
Union Nationale des Organisations d’Eleveurs du Sénégal (UNOES)
Directoire National des Femmes en Elevage (DINFEL)
Conseil National des Cadres Ruraux (CNCR)
Syndicats (Pêcheurs, paysans, pasteurs)
-
● Organisations régionales : action au niveau régional et d’un ensemble de régions
Associations régionales (dont ANAPES et ADENA)
GIE d’éleveurs
Coopératives d’éleveurs
Maisons des Eleveurs (MDE ; dans chaque région)
Directoires régionaux de femmes en élevage (DIRFEL)
-
● Organisations locales : action au niveau des communes, communautés, villages et les
possibles rassemblements
GIE d’éleveurs
Coopératives d’éleveurs
Associations des professionnels du bétail et de la viande
Auxiliaires d’élevage
Comités interprofessionnels
204
ANNEXE VIII
ARRETE PORTANT ORGANISATION DE LA
DIRECTION NATIONALE DE L’ELEVAGE
205
206
207
208
209
210
211
ANNEXE IX
PRECISIONS RELATIVES A L’ETUDE DE MC
CORKLE ET IDL GROUP PORTANT SUR LES
AUXILIAIRES DE SANTE ANIMALE
L’étude de MC Corkle et IDL Group (2003) a porté sur trois sites : un au Kenya, un en
Tanzanie, un aux Philippines.L’objectif de l’étude était de quantifier l’impact des auxiliaires
de santé animale sur la mortalité et la morbidité des troupeaux, et d’apprécier les bénéfices
économiques et sociaux associés à la présence d’auxiliaires.
L’impact des auxiliaires a été établi en comparant des éleveurs ayant accès aux
services d’auxiliaires de santé animale avec des éleveurs de profil identique mais n’ayant pas
accès aux services des auxiliaires. Un échantillon d’éleveurs a été sélectionné dans des
villages pourvus ou dépourvus d’auxiliaires, en gardant un nombre équivalent d’éleveurs
« pauvres » ou « riches » (richesse appréciée avec des indicateurs précis et détaillés par
Mathias et McCorkle, 2003). Pour chaque site, 80 familles ont été interrogées (Tableau 8).
Tableau 8 : Echantillon interrogé pour chacun des trois sites de l’étude
Avec auxiliaires
Sans auxiliaires
TOTAL
Eleveurs « riches »
20
20
40
Eleveurs « pauvres »
20
20
40
TOTAL
40
40
80
Les enquêtes ont été menées grâce à un questionnaire et les données vérifiées par
triangulation avec les données disponibles auprès des services vétérinaires. Le nombre moyen
et le type d’animaux correspondant à l’échantillon d’éleveurs interrogés dans l’étude sont
détaillés dans le tableau 9.
Tableau 9 : Nombre moyen et type d'animaux possédés par les éleveurs de l'échantillon
Tanzanie
Kenya
Philippines
Bovins
16
5
2
Eleveurs « riches »
Ovins/caprins/porcins
23
19
6
Volaille
14
7
16
Bovins
6
0
1
Eleveurs « pauvres »
Ovins/caprins/porcins
8
12
3
Volaille
9
6
15
Malgré les variations du nombre moyen d’animaux possédés par les éleveurs sur les trois
sites, la proportion des revenus issus de l’élevage dans le revenu total des familles apparaît
similaire, ce qui confère finalement à l’échantillon total une certaine homogénéité.
Des paramètres qualitatifs tels que « l’aptitude à résister à une sécheresse future » ou
« la qualité de vie » ont été évalués à travers une analyse des réponses fournies dans le
questionnaire. Le canevas des questions posées était par exemple : « vous sentez-vous plus ou
moins vulnérable que dix ans auparavant ? », « vous sentez-vous plus ou moins capable de
résister à une sécheresse que dix ans auparavant ? », « vos systèmes de production sont-ils
plus ou moins résistants aux aléas ? ». Toutes ces questions, qui sont complexes et abstraites,
n’ont pas été utilisées telles quelles mais ont servi de base de travail pour les enquêteurs qui
les ont adapté en fonction du contexte local et des nuances linguistiques. Pour arriver à leurs
fins, les enquêteurs ont fait appel à un arsenal complexe de techniques d’enquêtes
participatives.
212
215
ANNEXE X
APERCU DE LA PHARMACOPEE VETERINAIRE
TRADITIONNELLE
D’après Bizimana et Schreke, 1995
213
214
215
216
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SENEGAL : UN SYSTEME DE SANTE
ANIMALE EN VOIE DE PRIVATISATION
PAUL Mathilde
Résumé :
Un système de santé animale est un ensemble complexe réunissant en son sein
différentes catégories de fournisseurs de services vétérinaires, des clients
(éleveurs), et des acteurs institutionnels. Au Sénégal, dans le cadre des politiques
d’ajustement structurel des années 1980, ce système s’est considérablement
transformé. Sous l’impulsion des institutions internationales, les services de santé
animale ont fait l’objet d’un processus de privatisation. Le réseau vétérinaire dans
son ensemble s’est complexifié, et aux acteurs du secteur public s’ajoute
aujourd’hui tout un faisceau d’intervenants de qualifications diverses, opérant avec
des pratiques et des stratégies variées. Le fonctionnement de ce système « rénové »
− déjà confronté à de nouveaux enjeux − reste chaotique et de nombreuses
difficultés subsistent. Parmi elles, les questions de l’accessibilité des éleveurs aux
services et de l’adéquation entre offre et besoins en santé animale constituent un
important défi à relever pour le Sénégal. Dans cette perspective, de nouvelles
approches sont actuellement à l’étude. Le développement d’un réseau d’auxiliaires
de santé animale et l’intégration de l’ethnomédecine vétérinaire apparaissent
comme des alternatives envisageables.
Mots clés : Santé animale, service public, privatisation, auxiliaire vétérinaire,
médecine traditionnelle, élevage, Afrique, Sénégal
Jury :
Président : Pr.
Directeur : Pr Bénédicte GRIMARD-BALLIF
Assesseur : Dr Yves MILLEMANN
Adresse de l’auteur :
Mlle Mathilde PAUL
397 avenue Jean Moulin
04100 MANOSQUE
226
227
SENEGAL : AN ANIMAL HEALTH SYSTEM ON
THE WAY OF PRIVATIZATION
PAUL Mathilde
Summary :
An animal health system is a complex whole gathering a wide variety of different
actors such as : veterinary service providers, clients (breeders), and governmental
institutions. In Senegal, because of the political structural adjustments of the
1980s, this system has been considerably remodelled. Following the demands of
international organizations, the animal health services have been widely privatised.
The whole veterinary system became more diversified. Many organisations of
different qualification and operating with different strategies and practices are now
added to the public services. Although this “renovated” system is operational - and
has already many new stakes - the situation is chaotic and many difficulties
remain. Among them, the opportunity for breeders to have access to the services
and the accuracy between offer and demand in animal health is an important
challenge that Senegal is taking up. In this perspective, new approaches are
actually studied. The development of a network of qualified assistants in animal
health, and the growth of veterinary ethnomedicine appear to be conceivable
alternatives.
Keywords : Animal health, public service, privatization, veterinary auxiliary,
traditional medicine, breeding, Africa, Senegal
Jury :
President : Pr.
Director : Pr Benedicte GRIMARD-BALLIF
Assessor : Dr Yves MILLEMANN
Author’s address:
Miss Mathilde PAUL
397 avenue Jean Moulin
04100 MANOSQUE
228
229
230
PAUL M.
SENEGAL : UN SYSTEME DE SANTE ANIMALE EN VOIE DE PRIVATISATION
2005
231