The Head Cat / Jeff Beck / La playlist de Julien

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The Head Cat / Jeff Beck / La playlist de Julien
SAMEDI 27 AOÛT 2016 LE JOURNAL DU JURA
RIFFS HIFI 21
THE HEAD CAT L’un des nombreux projets parallèles du grand disparu
Quand Lemmy s’abreuvait
aux sources du rock and roll
PASCAL VUILLE
L’irremplaçable Ian Fraser
«Lemmy» Kilmister, commandant en chef de Motörhead,
s’éteignait chez lui il y a huit
mois, foudroyé par un cancer
aussi agressif que sa musique.
Les témoignages posthumes
commencent à voir le jour.
En l’espace d’un mois, deux albums live sont sortis des archives des labels. D’abord, un double CD/DVD/vinyle («Clean
your clock»), enregistré lors des
ultimes concerts de Motörhead,
à Munich, les 20 et 21 novembre
2015. N’ayant subi aucune retouche, on y entend moult larsens déchirants. La voix de Lemmy, émacié et tenant à peine
debout, a perdu en puissance et
en clarté, mais l’énergie du trio
fou n’a en rien été entamée. La
locomotive fonçait à plein régime, comme en 1975. La setlist
comporte trois blues d’anthologie («Lost woman blues», «Just
‘cos you got the power» et
«Whorehouse blues») qui prouvent que le rock brut, rapide et
guerrier du trio était ancré dans
sa plus primale expression.
Motörhead, c’était du blues sous
amphét’. La preuve? Ecoutez ne
serait-ce que «Bomber», ça
saute aux yeux.
Un autre album est disponible,
anecdotique mais tout aussi indispensable pour ceux qui ont
prêté allégeance à Lem’. Nom-
La colère est plus grande que la peur
On avait adoré «Between dog and wolf», véritable album de la
renaissance pour New Model Army. «Between wine and blood», son
successeur, avait été composé dans l’urgence: six nouveaux morceaux,
plus un live de 11 pièces. Avec «Winter» (distribution Phonag Records),
le combo de Justin Sullivan renoue avec la rage et la colère qui
constituent sa marque de fabrique. Plus messianique que
franchement destroy, «Winter» n’en est pas moins hautement
représentatif des trublions anglais qui, depuis 1980, oscillent toujours
entre punk, soul, british folk et rock sauvage. Un subtil dosage faisant
que New Model Army reste inimitable. On pourra les applaudir à
Lucerne (Schuur) le 23 octobre, à Winterthour (Salzhaus) le 24 et à
Berne (Dachstock) le 25. Pour partager avec eux ce message, tout sauf
subliminal par les temps qui courent: «Anger is greater than fear». Oui,
décidément, la colère est plus grande que la peur! } PABR
MEGADETH
Rust in Peace, Nick Menza
Alors que Megadeth sillonne le monde pour promouvoir son excellent
dernier album, «Dystopia», savoureux retour aux sources du thrash
metal mélodique si cher au furieux rouquin Dave Mustaine, ses fans
pleurent la mort du batteur Nick Menza, décédé sur scène le 21 mai
d’un infarctus du myocarde à l’âge de 51 ans. Entre 1989 et 1998, le fils
du célèbre saxophoniste Don Menza, notamment interprète du thème
de la Panthère Rose, avait assuré la rythmique de Megadeth lors de sa
période la plus glorieuse, la plus prolifique, la plus lucrative, aussi,
participant entre autres aux chefs-d’œuvre metal que son «Rust in
Peace» – un disque majeur –, «Countdown to Extinction» et
«Youthanasia». Après un retour avorté dans le giron de Megadeth en
2004 pour d’obscures raisons financières – «On m’a offert un contrat
vraiment injuste», dira Nick Menza à l’époque –, l’Américain voguait
sous d’autres couleurs, les groupes Memorain, et Orphaned to Hatred
notamment. Rust in Peace, Nick.} LK
The Head Cat: Danny B. Harvey (The Rockats), Lemmy (Motörhead) et Slim Jim Phantom (Stray Cats), réunis en
hommage aux pionniers du rock’n’roll. LDD
mé «Rock’n’roll riot on the Sunset Strip», il témoigne de ses activités extraconjugales. Si
Motörhead était sa régulière, il
s’était autorisé près de 150 incartades avec d’autres musiciens.
Acoquiné avec le batteur Slim
Jim Phantom, des Stray Cats, et
le guitariste Danny B. Harvey
des Rockats, il aimait à passer en
revue, dans de petits clubs, le répertoire des pionniers du
rock’n’roll.
L’improbable trio, baptisé The
Lemmy aimait à passer en revue
dans de petits clubs le répertoire
des pionniers du rock and roll.
Head Cat, publiera trois collections (en 2000, 2006 et 2011) de
chansons qui ont bercé l’adolescence du bassiste et qui ont façonné celui qui aimait le rockabilly par-dessus tout.
Tous ces maîtres
A tel point que Lemmy y troquera sa légendaire basse «Rickenbastard» contre une gratte sèche. Les lascars reprenaient
Elvis, Eddie Cochrane, Buddy
Holly, Johnny Cash, Carl Perkins, T-Bone Walker. A leur façon, en tant que fans, avec panache et décontraction. En intro
de «Fool’s paradise» (de Buddy
Holly), il dira que ce titre figurait sur le tout premier disque
qu’il avait acheté. La genèse de
ce projet de cœur? Un jam avec
Johnny Ramone, en 1999, gravé
sur une compilation en hommage au King (The Swing Cats,
«A tribute to Elvis Presley»).
Le géant à la dégaine inimitable
(Stetson, favoris, pustules d’époque, boucle de ceinture, bagues
tête-de-mort, santiags sur mesure) a laissé un trou béant dans la
galaxie rock. Chaque sortie d’album posthume remue le couteau
dans la plaie. Mais comme l’a très
bien dit un chroniqueur british:
«Ces disques ne nous rappellent
pas ce que nous avons perdu avec
Lemmy, mais ce que nous avons eu
grâce à lui.» Amen. }
The Head Cat, «Rock’n’roll riot on the Sunset
Strip», Cleopatra Records. Motörhead,
«Clean your clock», distr. Warner Music. Phil
Campbell (le guitariste de Motörhead
pendant 31 ans) sera en concert à Soleure
(Kofmehl) le 20 octobre.
PHÉNOMÈNE En s’alliant à deux jeunettes, le maître brouille encore toutes les pistes
Il nous cloue toujours le Beck, Jeff...
Il serait, selon certains esthètes, l’inventeur du hard rock.
C’était il y a fort longtemps avec
les Yardbirds. Depuis, le grand
Jeff Beck s’est ingénié à faire passer le caméléon pour un animal
tristement monocolore. Oui, celui qui a refusé de devenir un
Rolling Stones n’a jamais cessé
d’évoluer. Pendant que d’autres
stagnaient, il défrichait avec une
rage peu commune. Du blues au
(hard) rock, du rhythm and
blues au jazz rock, il a même tâté
de la techno et de l’electro, sans
oublier le classique, reléguant
notamment son pote Clapton au
rang de perroquet asthmatique
du blues.
Avec une constance majeure,
cependant. On songe bien sûr à
ce son d’une pureté azuréenne,
ce toucher de guitare à faire
pleurer ses innombrables clones. A 72 ans, le maître ne s’est
surtout pas calmé. Figurez-vous
que lors d’une récente party
d’anniversaire, le Jeff est tombé
sur une nana de 25 balais. Poliment, il lui a demandé ce qu’elle
NEW MODEL ARMY
faisait dans la vie. Carmen Vandenberg, c’est le nom de la jeunette, lui a avoué qu’elle jouait
de la guitare avec sa copine
chanteuse Rosie Bones dans le
duo Bones, justement. Au lieu
de répondre poliment «Ah!
bon?», el Becko s’en est tout de
go allé voir les deux punkettes
en concert. «J’ai été littéralement
scotché», a-t-il révélé à toute la
presse qui compte. Au point de
les embarquer, ni une ni deux,
pour son dernier CD réalisé en
15 jours, «Loud hailer». En français, mégaphone.
A 72 balais, Jeff Beck avait subitement envie de crier sa colère.
Avec nos deux jeunettes, il est
plutôt bien tombé. La douce Rosie lui a concocté quelques textes sur lesquels il place des riffs
sauvages, mais aussi ces soli
lents et langoureux dont il a le
secret. Pas de doute, ceux qui en
sont restés à la période jazz rock
façon «Wired» ont dû avoir
peur. Bon, l’homme les avait
déjà initiés à la techno et à l’electro. Juste pour l’anecdote, vous
MARILLION
Non, «FEAR» ne passera pas à la radio
Quatre ans après la sortie de «Sounds that can’t be made», Marillion
est mûr pour présenter son 18e album studio. Son nom: «FEAR», pour
«Fuck everyone and run». Livraison: mi-septembre. S’appuyant sur un
système d’autoproduction cofinancé par ses fans, le quintette anglais
s’est affranchi de la pression de l’industrie du disque «mainstream». Il
peut laisser libre cours à sa créativité sans se soucier du format.
Résultat, «FEAR», c’est cinq titres s’ébattant très loin des standards des
radios FM: «El Dorado» (16’43), «Living in FEAR» (6’25), «The Leavers»
(20’53), «White Paper» (7’18) et «The New Kings» (16’43). Ce dernier
morceau, lâché aux fans sponsors mi-juin, propose du pur prog-rock à
tiroirs, marque de fabrique de Steve Rothery & Cie. Et dire que dans les
«eighties», quand le groupe d’Aylesbury écoulait des albums par
millions, Marillion était l’égal de U2... } LK
LA PLAYLIST DE...
Julien Baumann
[email protected]
JOHNNY THUNDER «I’m Alive» (1969)
Juste après la sortie de ce titre, Bob Dylan l’aurait défini comme l’un
des morceaux les plus puissants qu’il ait jamais entendu. A ne pas
confondre avec Johnny Thunders, des New York Dolls, Thunder a créé
avec «I’m Alive» un furieux hymne à la liberté. La bande-son parfaite
pour envoyer bouler son patron et démarrer une nouvelle vie.
BONNIE PRINCE BILLY «If I had the world to give» (2016)
Ou quand Will Oldham, troubadour des temps modernes, reprend un
classique du rock psychédélique sur un album en hommage à Grateful
Dead. Un piano, une voix pour une love song façon Elton John, mais
avec suffisamment de fragilité et de sincérité pour que le kitch et la
mièvrerie servent à merveille la profondeur du propos. Les frissons!
Jeff Beck? Toujours sans rival au sommet de la hiérarchie guitare. LDD
avez déjà entendu sa reprise de
«Bad romance», de Lady Gaga?
«Loud hailer» est un album résolument noisy. C’est que Beck
entend désormais casser la baraque, mais aussi son image de
guitariste prodige faisant 672
fois par an la couverture de Guitarist Magazine. Ici, sa rencontre avec les deux filles tient de la
légende du rock. Il faut voir sur
YouTube la petite Rosie se rou-
ler par terre, munie d’un portevoix, sous le regard amoureux
du maître impassible. Aucun
doute, ce type est un pur génie.
Avec «Loud hailer», il vient de
réaliser un disque de fou, dur
d’approche et parfois déroutant.
Un génie, on vous le disait.
} PIERRE-ALAIN BRENZIKOFER
Jeff Beck se produira le 22 octobre à Bâle,
lors de la fameuse Baloise Session.
NINA SIMONE «The Human Touch» (1969)
Seule au piano, Nina Simone met à nu toute l’étendue de son talent
d’interprète et de sa virtuosité dans un album resté confidentiel.
L’enregistrement est sans effet. En tendant l’oreille, on perçoit tantôt un
pied qui bas la mesure, tantôt un craquement de chaise. La douce
mélodie jazzy de «The Human Touch» apaise malgré la mélancolie des
paroles: «No one seems to care as much. No time to smile, laugh or
cry as much. Have we lost the touch that means so much? Have we
lost the human touch?» On connaît la réponse, non?
GEORGES BRASSENS «La ballade des gens qui sont nés
quelque part» (1972)
J’ai grandi dans un de ces plaisants villages où il fait bon regarder le
reste avec mépris. J’habite une cité où les nouveaux porteurs de
cocardes ragent lorsque l’on trahit les couleurs de leur joli drapeau.
Paradoxalement, le chauvinisme n’a pas de frontière. Cette ballade
nous le rappelle avec suffisamment d’insolence et d’humour pour
comprendre que le crottin de nos chevaux n’a jamais rendu jaloux
personne. }