Formation - Académie de Clermont
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Formation - Académie de Clermont
VOYAGES ET DÉCOUVERTES, XVIe-XVIIIe SIÈCLE Introduction : le monde en 1491 les premières découvertes En Extrême-Orient et en Asie Deux mouvements sont notables : o d’abord des ambassades de frères franciscains au milieu du XIIIe, pour tenter de dénouer des problèmes géopolitiques liés à la grande extension de l’empire mongol (Jean de Plan Carpin, Guillaume de Rubrouck) o Marco Polo fin XIIIe ouvre la porte de l’Asie aux marchands génois grâce à la « route de la soie ». Polo participe également à l’élan des grandes découvertes grâce à son « Devisement du Monde » En Afrique Depuis fort longtemps les Européens connaissent et arpentent l’Afrique septentrionale. Ainsi de nombreux marchands italiens sont installés à Marrakech, Tunis, Alexandrie… Ceuta est forteresse portugaise depuis 1415. Mais au-delà du Sahara le continent noir est inconnu des Européens (au contraire des Musulmans), hormis le littoral occidental peu à peu exploré. C’est qu’Henri le Navigateur (1394-1460) joue un rôle majeur. Fils de Jean 1er de Portugal, il est le financier et le conseiller des expéditions portugaises du XVe siècle. Sa priorité est l'exploration des côtes africaines au sud du Maroc à la recherche d’or et du royaume du prêtre Jean (royaume chrétien légendaire). On doit à Henri le Navigateur (1394-1460) l'exploration de Madère en 1418, des Açores entre 1432 et 1457, du Rio de Oro en 1436 et de la côte du Sénégal en 1445. En 1415, il s'installe à Sagres, au sud du Portugal et crée en 1431 l'académie de Sagres, une institution de formation des navigateurs. On y étudie la navigation mais aussi la géographie et l'astronomie. Il y rassemble un fond important de livres et de cartes afin de faciliter les expéditions. Ses architectes construisent les caravelles. Ainsi, à partir de 1416, une expédition est financée tous les ans. A chaque découverte, le capitaine plante un pilier de pierre (calcaire) de deux mètres de hauteur, le pradao, afin de marquer leur avancée et de faire savoir au suivant que quelqu'un est déjà passé et qu'ils sont sur la bonne route. Et l’Amérique ? Terre Neuve Vikings - Les côtes méridionales de Terre-Neuve sont explorées vers la fin du Xe siècle par Leif Eriksson (fils d'Erik le Rouge), un Viking originaire d'Islande (Thulé). Selon les récits scandinaves les dernières expéditions vers le Vinland (désignation scandinave de TerreNeuve) auront lieu au XIIe siècle. Pêcheurs et explorateurs européens. - Dès le début du XVe siècle, de nombreux marins européens partent pêcher la morue au large des côtes canadiennes et dans le golfe du Saint Laurent (marins bretons de Paimpol et de Saint Malo, marins normands de Barfleur et Dieppe, marins du Pays basque, navigateurs irlandais et portugais). Ainsi on retrouve leur présence dans la dîme payée au roi de France sur « les Pescheries des terres neufves ». Dès cette époque, cartes et portulans circulent parmi les navigateurs européens. Des îles sont indiquées à l'Ouest de l'Océan Atlantique ; île d'Antilia, île de Brasil, île de Bacalao. En 1472, l'explorateur portugais João Vaz Corte-Real se rend sur l'île de Terra Nova do Bacalhau sur laquelle les marins-pêcheurs portugais pêchent la morue depuis une longue période. l’état des forces en Europe Fin XVe la péninsule italienne l’emporte en Europe par sa richesse et l’éclat de sa civilisation. Mais les Turcs arrivés à Constantinople sont une menace pour leur prospérité. En Espagne le mariage en 1469 d’Isabelle de Castille et de Ferdinand d’Aragon prépare l’unification des deux royaumes. Ainsi : - on achève la reconquista (prise de Grenade), fin du mouvement initié au VIIIe siècle - on patronne le 1er voyage de Christophe Colomb Au Portugal Jean II (1481-1495), de la dynastie des Aviz, poursuit l’exploration méthodique des côtes d’Afrique commencée au début du siècle. et pendant ce temps-là Aztèques, Mayas, Incas, … Fin XVe le continent américain est très inégalement occupé : 80 % de la population sur les plateaux du Mexique au Pérou. Trois civilisations émergent : → Mayas (Yucatan). L’empire est très divisé en plusieurs petits États qui n’offriront qu’une très faible résistance. → Aztèques (Mexique central). L’empire est récent mais puissant (Tenochtitlan = 500 000 hab.) L’économie repose sur des cultures (maïs, cacao, coton…) et les métaux (or, argent, cuivre). La société est très hiérarchisée. La religion est dominée par Huitzilopochtli à qui il faut offrir des sacrifices humains. Les peuplades voisines sont les victimes, ce qui rendra l’empire très fragile. → Incas (empire Quichua). La plupart des terres sont exploitées par corvées ; la société est très encadrée par de nombreux fonctionnaires, à tel point qu’on a pu qualifier le régime inca de communiste. La religion est fondée sur le culte du soleil. Le panthéon des Incas est évidemment différent de celui des peuples de la MésoAmérique. Ces civilisations présentent, à côté de traits archaïques (ignorance de la roue, du fer, absence d’écriture, peu d’animaux domestiques), des caractères très évolués (formes d’organisation, astronomie, architecture…). Il ne faut cependant pas croire que le reste de l’Amérique est resté au stade préhistorique. Des formes d’organisation très évoluées ont été mises à jour. (Ex. des sociétés mississippiennes) I- Fin XVe - début XVIe siècle : de l’ouverture au monde à son partage On peut citer François Lebrun : « Les grandes découvertes sont mues par des mobiles économiques et religieux. Elles aboutissent à la mise en place d’une économie mondiale dont l’Europe est le moteur et le bénéficiaire. » A-Les leviers des grandes découvertes 1- Des instruments - la boussole. Elle est utilisée depuis 2600 av. JC par les Chinois. La première représentation en est faite dans le « Livre des Merveilles ». Mais elle n’est transmise que plus tardivement aux Européens par les biais des Arabes. - l’astrolabe. A priori inventé par Hipparque cet instrument sert au calcul de l’heure par observation du soleil et des étoiles. Il est lui-aussi utilisé par les Arabes de l’Islam, tout comme la sphère armillaire qui montre le mouvement apparent des étoiles. - le compas - le sablier de marine 2- Les connaissances - Pierre d’Ailly reprend les idées de Ptolémée sur la Terre dans son Imago Mundi, imprimé en 1483. Son ouvrage aurait été lu par Colomb. - portulans. Sorte de carte nautique servant essentiellement à repérer les ports et connaître les dangers qui pouvaient les entourer : courants, bas-fonds... Les portulans étaient grossièrement dessinés, les détails ne s'attachant qu'à ce qui avait de l'importance pour la navigation. L'établissement de ces cartes nautiques était basé sur un mode de navigation par cabotage. 3- Les caravelles Elles sont mises au point début XVe par les Portugais (maniabilité, navigation par tous les temps). B-Les motivations des grandes découvertes : le poids des rivalités 1- Des motivations géo-économiques - La Route de la Soie est barrée. On est contraint d’imaginer d’autres voies. Les rivalités entre États sont un moteur. On entre en concurrence pour sa prospérité en Europe. Mais pourquoi ce besoin de partir est-il si fort ? - pénurie en métaux précieux, aggravée par la croissance économique. Colomb et les découvreurs sont animés par la fièvre de l’or (cf. Cathay – Chine, Cipango – Japon, Eldorado) - recherche des épices pour masquer le goût des viandes mal conservées et la pharmacie. La concurrence est forte entre marchands italiens et Portugais. - pour les Portugais, besoin en esclaves pour leurs plantations sucrières (cf. Madère, Açores) 2- Les motivations spirituelles - esprit de mission : gagner de nouvelles âmes dans la foi. - esprit de croisade. C’est le cas avec Isabelle de Castille qui nomme en avril 1492 Christophe Colomb vice-roi de toutes les terres qu’il découvrira. C-La pluralité des acteurs - Découvreurs. - Conquérants. Ils sont souvent parfois à différencier. Ainsi Cortes part à la découverte du Mexique, mais surtout pour conquérir des territoires. - Souverains qui se font souvent financiers et mécènes. - Ports, armateurs et marins. Ex. de l’équipage du premier voyage de Colomb. - Hommes d’Église. Ils participent mais n’en sont pas au centre. - Chroniqueurs. Ce sont souvent des hommes d’Église, des intellectuels. Plusieurs figures émergent comme Bartolomé de Las Casas, Bernal Diaz del Castillo ou Bernardino de Sahagun (première chronique en nahuatl) - Scientifiques, intellectuels. - Les autres (victimes ou bénéficiaires) Les grandes découvertes fonctionnent comme un système. Toutes les franges de la société européenne sont plus ou moins touchées (ex. de l’introduction de plantes nouvelles, des conséquences de la monétarisation de l’économie…) D-Principaux voyages d’exploration, amélioration des connaissances et partage du monde 1 - La découverte des côtes africaines et de la route des Indes Le but des souverains portugais est de prendre l’Islam à revers et de gagner des régions riches, en or, épices… Avec Jean II se déroulent les étapes décisives : → 1487 : Bartolomeu Dias, avec trois caravelles, atteint la côte du Natal, découvre le Cap des Tempêtes (cf. Bonne Espérance). → 1497 : Vasco de Gama part avec quatre caravelles et 160 hommes. Il double le cap de Bonne Espérance puis longe la côte orientale africaine jusqu’à Calicut en Inde. 2 - La découverte du Nouveau Monde Dès 1500 le Portugais Cabral reconnaît et prend possession de la côte du Brésil. Mais une le continent est peu à peu exploré par les Espagnols : - Cortes - Pizarre - Almagro (Chili) - De Soto (Mississippi) - Coranado (Californie) - Orellana (Amazonie)… La compétition se renforce entre les nations européennes. Jaloux, Anglais et Français vont chercher le passage vers l’Asie au nord du continent : - 1497 : expédition du marin génois Giovanni Cabotto, au service des Anglais (cf. John Cabot) - 1523-24 : expédition de Giovanni do Verrazano, sur commande de François Ier - 1534 : Jacques Cartier découvre le Saint-Laurent, qu’il remonte jusqu’au site de Montréal - Fin XVIe : nombreuses autres tentatives de Hudson, Baffin… 3 - Le premier tour du monde Le 25 septembre 1515, Balboa, après sa traversé de l’isthme de Panama, découvre l’Océan Pacifique. Mais reste à contourner l’obstacle américain. Magellan, Portugais au service de Charles Quint, va le réaliser : → départ de San Lucar le 20 septembre 1519. → Rio de Plata atteint en janvier 1920. → le 28 novembre 1521, après une terrible navigation de 38 jours, il atteint l’océan qu’il baptise Pacifique car la mer y parait calme. → le 16 mars 1521 il touche les Philippines mais est tué peu de temps après par des indigènes. → le seul navire subsistant arrive en Espagne le 6 septembre 1522 par le cap de Bonne-Espérance, avec 35 survivants. Ce voyage est la preuve expérimentale de la sphéricité de la Terre. Annexe : Colomb et ses quatre voyages : du contact candide au racisme Quelques points sur Colomb intéressants pour notre étude : - les origines de Colomb. Son errance est caractéristique de l’époque. Il propose ainsi ses services à plusieurs royaumes, à Jean II qui refuse, puis à Isabelle de Castille. Aujourd’hui encore ses origines sont contestées ; tout le monde veut s’approprier Colomb. - le savoir de Colomb ; Christophe Colomb s’installe au Portugal en 1476, au moment où commence à y prendre corps le projet d’atteindre l’Inde en contournant l’Afrique. Inspiré par le cosmographe Toscanelli, la lecture de Pierre d’Ailly…, il pense que le Japon et la Chine sont proches de l’Europe (≈ Californie actuelle), vers l’Ouest. - le 1er voyage de découverte, mais où apparaissent les premières tentations colonialistes. Colomb partira de Palos le 3 août 1492 avec trois caravelles, une centaine d’hommes. Après une escale aux Canaries, possession espagnole, il touche terre le 12 octobre à San Salvador, persuadé d’avoir atteint l’Asie. Il découvre Hispaniola (St-Domingue) et Cuba. Il est de retour à Palos le 15 mars 1493. Reçu en triomphateur, les Espagnols obtiennent du pape Alexandre III une bulle déclarant espagnoles toutes « les terres fermes ou îles découvertes ou à découvrir » au-delà du méridien passant à cent lieues à l’ouest des Açores. Mais le 4 juin 1494, Jean II, par le traité de Tordesillas, fait reporter la ligne plus à l’ouest. - les trois autres voyages dont le but est la colonisation, l’exploitation de toutes les ressources. Au cours des trois voyages suivants Colomb découvre quelques unes des grandes et petites Antilles, le delta de l’Orénoque, une partie des rivages de l’Amérique centrale. A sa mort en 1506, il ne soupçonne pas qu’il a découvert un nouveau monde. L’Amérique est baptisée ainsi en hommage à Amerigo Vespucci, navigateur d’origine florentine. II- XVIe - XVIIe siècle : conquête et exploitation des nouveaux mondes A-La conquête L’exploitation de l’Amérique est moins l’œuvre des souverains espagnols que des conquistadors. La logique est très souvent militaire. On note trois étapes : → conquête des Antilles (1492-1519), vite vidées de leurs indigènes (choc microbien, violences…) → conquête du Mexique à partir de 1519. En deux ans, entre autres grâce à ses chevaux, à ses canons, à l’aide des Tlaxcaltèques qu’il a soumis, Hernan Cortes arrivera à s’emparer définitivement de Tenochtitlan (Mexico) le 12 août 1521 et à « détruire » l’empire aztèque. Il est nommé par Charles Quint en 1522 capitaine général de la Nouvelle Espagne. → conquête des Andes par François Pizarre (1531-1533) profitant des divisions des deux fils de l’Inca. Cuzco est prise le 15 novembre 1533 : l’empire Inca s’est effondré. Après le pillage des trésors aztèques et incas, l’exploitation des mines va constituer au XVIe la grande richesse des Indes espagnoles (cf. argent de Potosi au Pérou et Zacatecas au Mexique). Dans l’Océan Indien, les Portugais veulent en premier lieu installer des comptoirs (Mombasa, Zanzibar…). Mais ils se heurtent aux marchands musulmans : on va donc également passer à une logique armée. Des Açores jusqu’à l’Insulinde l’empire colonial portugais est constitué d’une série de forteresses dominant leur arrière-pays et servant de points d’appui à une flotte militaire. Est créé l’Estado da India. B-L’exploitation rationnelle des colonies 1 - L’Amérique espagnole L’occupation est très discontinue. On a divisé en 2 vice-royautés, 9 audiencias, avec : - la Nouvelle Espagne (capitale Mexico) - le Pérou (capitale Lima) Les vices-rois relèvent en Espagne du Conseil des Indes. Mais du fait de la distance l’autorité du Roi laisse à désirer. L’exploitation au profit exclusif de la métropole prévaut tout de suite. Tous les navires doivent passer par la Casa de contratacion de Séville. Le Roi prélève le quint ou cinquième. On impose le travail forcé aux Indiens (système des encomiendas) en dépit des protestations du dominicain Las Casas. L’Espagne fournit les produits fabriqués dont la colonisation a besoin. La population indienne s’effondre de 30 M à 10 M au XVIe. Donc on va faire appel à la main d’œuvre noire. La christianisation reste superficielle. Les Jésuites au XVIIe vont créer des « réductions » (communautés), notamment en Uruguay. 2 - Le Brésil portugais Au XVIe la colonisation se limite à quelques foyers du Nordeste autour de Bahia et Recife. On est sous la menace : - des Français - mais surtout des Hollandais (création provisoire d’un Brésil hollandais) Le Brésil côtier fondé sur le sucre est prospère. Le cycle de l’or lui succède vers 1700 (cf. Minas Gerais) 3 - Les Antilles Elles sont rapidement décimées et délaissées au profit du continent par les Espagnols. Donc : - arrivée de flibustiers - colonisation de certaines îles par d’autres puissances : • Hollandais (cf. Curaçao) • Anglais, s’emparant de la Jamaïque • Français avec des colons engagés en France de l’Ouest et des esclaves noirs 4 – L’Amérique du Nord Tout au long du XVIe les Français s’aventurent (cf. marins malouins) mais ne s’installent pas. Puis : → en 1608, Samuel de Champlain fonde Québec, voulant créer une Nouvelle France. Mais les résultats sont longtemps médiocres. Vers 1660 la colonie n’a que 2000 Français. En 1663, Colbert lui donne la structure d’une province avec gouverneur et intendant. → à partir de 1669, on décide d’explorer vers le Sud jusqu’au Mississippi. Cavelier de La Salle en prend possession au nom de Louis XVI (cf. Louisiane). Mais les Anglais sont solidement implantés le long de l’Atlantique. → le 9 novembre 1620, près de Cap Cod, débarquent les passagers du Mayflower, dont 42 « Pères Pèlerins », puritains anglais réfugiés en Hollande. De 1630 à 1640, 20 000 d’entre eux gagnent le Massachusetts. Puis sont fondés des colonies indépendantes. Se constitue une Nouvelle Angleterre, tournée vers la mer. Boston fondé en 1630 devient un grand port. Cette pression des colons fait céder les Hollandais (traité de Breda) installés dans une série de comptoirs dans la vallée de l’Hudson (Nouvelle Amsterdam devient New York en 1664). La France a pour elle l’espace, mais les Anglais ont pour eux le nombre (400 000 contre 15 000 Franco-Canadiens). C-Les bénéfices des métropoles - les conséquences matérielles avec l’introduction du tabac, quinquina, maïs, pomme de terre… - les conséquences économiques. Les stocks de métaux précieux augmentent fortement. La bourgeoisie tire grand profit des villes marchandes, alors que les classes populaires se paupérisent en raison de la hausse des prix. De même tous les pays ne bénéficient pas également de cette manne : Charles Quint et Philippe II peuvent entretenir leurs armées, flottes… La monarchie espagnole devient la première puissance de l’Europe. - les conséquences intellectuelles avec les débats sur les « sauvages », bons ou mauvais ? D-Les conséquences des conquêtes : nouveau partage du monde et première mondialisation En 1519 le Roi d’Espagne, qui a 19 ans, devient l’empereur Charles V ou Charles Quint. Sa puissance, sur les possessions duquel « le soleil ne se couche pas » semble considérable. Influencé par l’humanisme érasmien « il rêve de réaliser la monarchie universelle et chrétienne », l’imperium mundi : - pouvoir spirituel du Pape - pouvoir temporel Le règne de Philippe II (1556-1598) sera le siècle d’or espagnol. Le fils de Charles Quint possède les trois quarts de l’Amérique, les Philippines. De plus, battant les partisans d’Antoine de Crato, il se fait proclamer roi du Portugal. Se trouve réalisée l’union des deux plus grands empires coloniaux. En venant s’installer avec son gouvernement à Lisbonne, il semble vouloir faire de ce port le centre de la domination ibérique sur le monde. Mais dès 1582 il le quitte pour Madrid en Castille. Le roi dispose d’argent grâce aux mines de Potosi, ce qui permet d’entretenir la meilleure flotte d’Europe. L’économie européenne, limitée au XVIe à l’Italie du Nord et aux Pays-Bas, éclate : - promotion de la façade atlantique (Lisbonne, Séville) - Anvers, grand centre financier et de redistribution des produits exotiques Annexe : Cortes et Pizarro, les destructeurs d’empires Deux points sur Cortès et Pizarro intéressants pour notre étude : - les deux conquistadors participent grandement au partage du monde, à la mise en place très rapide de la Nouvelle-Espagne. Avec quelques centaines d’hommes seulement, ils sont très rapidement venus à bout de deux civilisations bien établies : supériorité technique ? (armes, armures, stratégie, rôle du cheval…) poids des dissensions aux deux empires (oppression des peuples voisins des Aztèques, Empire Inca scindé en deux) plus d’autres facteurs plus conjoncturels (lâcheté de Moctezuma face aux Dieux, rôle de la bataille de Cajamarca dans la conquête aztèque, fatalisme face aux signes…) choc microbien (variole, grippe) - les deux conquérants ont certes des motivations personnelles mais l’envie d’apporter un prestige supplémentaire à la Couronne espagnole est omniprésente. Dans les lettres de Cortes on trouve les mêmes traits que dans la correspondance de Colomb. III- Le XVIIIe : de nouvelles découvertes, de nouvelles rivalités, de nouvelles pratiques En Europe le XVIIIe est le siècle de la croissance de la population, de la production, inséparables de l’essor des échanges commerciaux avec le reste du monde. A-De nouveaux rapports de force progressivement favorables à l’Europe du Nord 1 – La place des « précurseurs » Pour les Espagnols dès la fin du XVIe siècle les rapports sur mer se sont dégradés avec l’Angleterre : → pillages en Nouvelle Espagne, Panama, de Francis Drake, puis au Chili, au Pérou, où il intercepte un convoi chargé d’or et d’argent (lors du 2ème tour du monde). → Philippe II, devenu roi du Portugal, veut éliminer ce danger anglais sur l’Atlantique, souhaitant envahir l’Angleterre. L’Invincible Armada quitte Lisbonne le 20 mai 1588 : ce sera la débâcle. L’Espagne a perdu toute chance d’abattre sa rivale. Sous les trois premiers bourbons l’Espagne connaît un redressement après le déclin du XVIIe siècle. Philippe V et Ferdinand VI développent le commerce avec l’Amérique et s’opposent aux empiétements des Anglais. Avec Charles III (1599-1788), on a un rôle nouveau joué par Barcelone qui se lance dans les échanges avec l’Amérique. Le monopole de la Casa de contratacion est supprimé : le commerce américain est libre avec tous les ports. Le Portugal a vu depuis la fin XVIe son empire colonial se réduire. Il vit de l’exploitation du Brésil (Lisbonne reconstruite en 1755 grâce à l’or brésilien). 2 – L’affirmation de l’Europe du Nord Les grands vainqueurs sont dans un premier temps les Hollandais : → 1er voyage aux îles de la Sonde (1595-96) → installation de la Cie des Indes orientales dans les Moluques, à Java (Batavia – 1619), Malacca… Jusqu’en 1692 rien n’entrave l’extraordinaire essor des Provinces-Unies, dont la grande richesse vient du commerce maritime. La fermeture de Lisbonne aux Hollandais les a lancés sur les mers : - vaste empire colonial dans l’océan Indien. La Cie des Indes Orientales a le monopole : - - énorme capital, bénéfices impressionnants - nombreux comptoirs - milliers de marins… la Cie des Indes Occidentales pratique le pillage des bateaux espagnols et portugais, et s’établissent provisoirement en Amérique (Nouvelle Amsterdam, Brésil) Les Hollandais sont aussi les maîtres du commerce de transit. L’abondance de l’or et de l’argent déposés dans les banques d’Amsterdam en fait le plus grand centre de métaux précieux d’Europe. Puis la mainmise des Anglais devient évidente. On a un très grand essor économique et une population en hausse. Londres connaît une croissance spectaculaire, devenant une grande place commerciale : - avec ses compagnies de commerce (Cie des Indes Orientales) - avec son port, ses constructions navales Londres voit la création en 1696 du Board of Trade, véritable ministère du Commerce et des Colonies. Les Français sont moins dynamiques. Colbert favorise la construction navale et crée des compagnies de commerce, comme celles des Indes orientales et occidentales en 1664. La guerre déclenchée en 1672 fait disparaître les Compagnies hormis celles des Indes orientales. De plus la bourgeoise hésite à investir dans le commerce. Cependant il y a quelques réussites : → tonnages et volumes commerciaux en hausse → Saint-Malo, Rouen, Nantes, La Rochelle, Bordeaux commencent à participer au commerce avec le Nouveau Monde et l’océan Indien B-« Finir le monde » : les nouveaux espaces des découvertes 1 – De nouveaux leviers On note des progrès décisifs dans l’art de la navigation : → sextant (pour mesurer la latitude) → chronomètre (pour la longitude) → navires plus vastes, rapides, maniables… Il est très significatif de voir que ce sont des Anglais qui ont mis au point les premiers sextants et chronomètres. 2 – Les découvertes au XVIIe et XVIIIe En partie parce que les conflits sur le continent sont relativement nombreux, les voyages de découverte sont peu nombreux au XVIIe (cf. hollandais Abel Tasman) et on poursuit plutôt l’exploration des continents. Mais ils reprennent au XVIIIe car on a un désir de connaître la configuration du monde sans son entier. Les buts sont scientifiques avec des équipages doublés de savants, naturalistes… Le principal but est l’exploration du Pacifique : → 1766-1768, les Anglais Wallis et Carteret, puis Bougainville, sont à Tahiti… → les trois voyages de James Cook (1729-1779) contribuent à la découverte du Pacifique → François de La Pérouse (1785-88) complète cette liste. Son voyage se termine tragiquement C-Des finalités diverses : du pragmatisme politique et commercial aux avancées de la science 1 – Toujours des objectifs géopolitiques et géostratégiques… Les rivalités sont toujours aussi exacerbées. L’exemple de la rivalité franco-anglaise en témoigne. Malgré des positions équilibrées (Antilles, Inde), le traité de Paris (1763) amène la supériorité des Anglais, notamment en Amérique du Nord. En Amérique du Nord la fécondité est forte chez les Français, mais pas l’immigration (≠ Anglais). Malgré le péril indien, les rapports difficiles avec la métropole, la menace française…les 13 colonies anglaises (1732) sont solidaires. Le 8 juillet 1755 la France et l’Angleterre rompent leurs relations, suite à la prise de plus de 200 navires par l’amiral anglais Boscawen. Mal suivis par la métropole, les Français doivent capituler le 8 septembre 1760 devant Montréal : c’est la fin de la Nouvelle-France. Les Anglais prennent même la Guadeloupe et la Martinique. En Inde ils prennent tout de suite l’avantage. En février 1761 le dernier comptoir, Mahé, se rend. Avec le traité de Paris (1763) la France : - cède la Canada - cède tous les territoires à l’est du Mississippi - retrouve Guadeloupe, Martinique et cinq comptoirs indiens Cela est diversement accueilli de chaque côté de la Manche. Pour Choiseul, ces conditions sont inespérées (garder les îles à sucre ≠ céder les « arpents de neige » canadiens). 2 – Toujours des finalités commerciales Le commerce direct avec l’Amérique s’amplifie, dans le cadre de l’exclusif, chaque colonie ne pouvant en principe que commercer avec sa métropole. Mais il existe de la contrebande ou interlope. De plus l’Angleterre, par le traité d’Utrecht (1717), s’assure le commerce avec les colonies espagnoles et portugaises. La France s’enrichit peu à peu non avec le Canada, mais avec les colonies antillaises, surtout Saint-Domingue. 3 – Le renforcement de la traite négrière Le fait majeur est l’existence d’un double courant de traite d’esclaves : → le plus ancien aux mains des marchands arabes d’Afrique de l’Est pour approvisionner l’empire turc et l’Asie du Sud-Ouest. → un courant européen né au XVIe pour les mines et plantations du Nouveau Monde. Les Portugais sont peu à peu évincés par les Hollandais, puis à partir de 1670-80 par les Anglais et les Français. On troque les captifs contre des marchandises. Puis la traite négrière s’intensifie (6 M d’Africains au XVIIIe) : * 53 % vers les Antilles * 31 % vers le Brésil * 10 % en Nouvelle Espagne * 6 % en Amérique du Nord Les bateaux partent de Liverpool, Nantes ou Bordeaux, vont vers le Golfe de Guinée ou l’Angola, puis partent vers l’Amérique avec les captifs pour revenir en Europe chargés de produits coloniaux : c’est le commerce triangulaire. 4 – Le renforcement des voyages à visée scientifique Ces voyages sont relativement nombreux. A la fin de la période, on peut même constater que les Russes se lancent dans des voyages d’exploration. Cf. article Wikipédia Annexe : Les récits de voyage de Cook et Bougainville Quelques mots sur Louis-Antoine de Bougainville (1729-1811) : - Fils de mercier, mais son oncle administrateur Gal des Postes, ami de d’Alembert. Jeune bourgeois parisien curieux des sciences et du monde - Scientifique. A 22 ans publie un Traité de calcul intégral - En 1756 il part renforcer les troupes de Montcalm au Canada. Se fait enseigner les éléments de la navigation et du commandement en mer. 1ers contacts avec les Indiens qui ébranlent le mythe du bon sauvage - Se lance à son retour dans une aventure personnelle : reconnaître et coloniser les îles Malouines dans le but de recaser des Acadiens, d’ouvrir un comptoir en AmSud, escale commandant le détroit de Magellan. Agit aussi par esprit de découverte scientifique (Terra Incognita pour assurer l’équilibre du globe). Trois voyages entre 1763 et 1767 mais les Bourbons espagnols font cesser l’aventure - Il faut compenser cet échec. Il va convaincre Choiseul de financer le « Voyage autour du monde ». Louis XVI donne son accord. Missions multiples : • restituer les Malouines • reconnaître les terres inconnues du Pacifique • prendre possessions de plusieurs • ramener des plants (muscadier, giroflier…) • trouver un comptoir en face des côtes de Chine - Arme la Boudeuse, une frégate (navire de guerre) et la flûte L’Étoile (navire de commerce pour le ravitaillement). L’équipage très hétéroclite est composé de : deux écrivains deux chirurgiens un riche amateur éclairé un ingénieur cartographe : Romainville un naturaliste : Commerson un astronome : Véron quatre musiciens - le voyage : décembre 1766 – mars 1769. N’a rien véritablement découvert. Peu d’illustrations de paysage. Pas de plants ramenés. Pas de comptoir. Commerson mourra peu après son retour. A fait toutefois faire à la géographie de l'Océanie de grands progrès, trouvant des îles nouvelles, précisant la situation de beaucoup d'autres, donnant sur les mœurs des indigènes des renseignements intéressants. Conclusion : AMATEURISME ÉCLAIRÉ Quelques mots sur James Cook (1729-1811) : - issu d’une famille pauvre de cultivateurs (8 frères er sœurs). Rudiments d’éducation scolaire. Devient apprenti sur un chantier naval. - il intègre la marine royale britannique. Il a appris ce qui lui servira : l’algèbre, la trigonométrie, la navigation et l’astronomie. Au Canada il montre des talents pour la topographie et la cartographie. - participe à trois grandes expéditions : - première expédition (1768 – 1771). En 1768, la Royal Society charge James Cook, à bord du HMB Endeavour, d’explorer l'océan Pacifique sud avec pour principales missions l'observation du transit de Vénus du 3 juin 1769 et la recherche d'un hypothétique continent austral mais Cook ne le découvrira pas. L’Endeavour était un trois-mâts barque du même type de ceux que Cook avait déjà commandés, embarcation solide et idéale en termes de capacité de stockage ainsi que pour son faible tirant d’eau, qualité indispensable pour s’approcher des nombreux récifs et archipels du Pacifique. - deuxième expédition (1772 – 1775). Cook est promu au grade de commandant avant d’être chargé par la Royal Society de se rendre à nouveau dans les mers du sud à la recherche du continent austral. Au cours de son premier voyage, Cook avait démontré que la Nouvelle-Zélande n’était rattachée à aucune terre et estimé la taille de l’Australie. Cook appareilla à bord du HMS Resolution, accompagné de Tobias Furneaux à la tête du HMS Adventure. - troisième expédition (1776 – 1779). Pour sa dernière expédition, Cook commandait à nouveau le HMS Resolution pendant que le capitaine Charles Clerke prenait la tête du HMS Discovery. Naviguant ensuite le long du continent américain, Cook décrivit dans son journal les tribus indiennes de l'île de Vancouver, des côtes de l'Alaska, des îles Aléoutiennes et des deux rives du détroit de Béring. Cook meurt à Hawaï. - son héritage est immense, au contraire de Bougainville. Les douze années que Cook consacra à naviguer dans le Pacifique apportèrent énormément de connaissances de la région aux Européens. Il découvrit plusieurs îles et cartographia avec précision de larges portions de côte. Dès son premier voyage, il fut capable de calculer précisément sa longitude, ce qui n’était pas du tout évident à l’époque car cela nécessite de connaître l’heure avec exactitude. Cook était accompagné de peintres (Sydney Parkinson réalisa 264 dessins avant sa mort à la fin du premier voyage, William Hodges représenta de nombreux paysages de Tahiti et de l’île de Pâques) et de scientifiques de renom. Joseph Banks (qui découvrit les Banksia) et Daniel Solander recueillirent 3 000 espèces de plantes. Cook fut le premier Européen à établir un contact rapproché avec plusieurs peuples du Pacifique. Il conclut, avec raison, à l’existence d’un lien entre eux, malgré les milliers de miles d’océan qui les séparaient parfois. Conclusion : MÉTHODISME SCIENTIFIQUE