criteres de choix d` une methode d` identification

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criteres de choix d` une methode d` identification
DES Bactériologie-Virologie 2003
Géraldine PINA
Delphine RAYNAUD
CRITERES DE CHOIX D’ UNE METHODE
D’ IDENTIFICATION
INTRODUCTION
L’identification d’un micro-organisme est fondée sur des critères subjectifs. Quelle que soit la
qualité du travail réalisé et de la méthode d’identification utilisée, l’identification repose aussi
sur la présomption « a priori » du germe.
Toute la démarche technique d’identification peut être correcte mais aboutir à un résultat
erroné. C’est le regard critique du biologiste qui peut détecter cette erreur. Il se base sur la
présomption diagnostique a priori de l’espèce grâce à la connaissance de l’environnement au
sens large et des limites de la méthode d’identification.
Toutes les méthodes disponibles possèdent des limites qu’il est impératif de reconnaître.
Il n’existe pas une classification unique universelle mais des classifications. La
reconnaissance des espèces par les procédés d’identification est basée les propriétés
phylogéniques ou biochimiques de plusieurs souches jugées comme représentatives.
En bactériologie clinique, les germes à identifier sont ceux qui présentent une importance
pour l’homme.
Certaines analyses pour l’hygiène et la sécurité relèvent de la biologie de l’environnement.
Les méthodes couramment utilisées pour les prélèvement cliniques et qui ciblent la population
bactérienne sus-citée peuvent alors ne plus être adaptées.
Une mauvaise hypothèse de départ peut conduire à un faux diagnostic sans qu’aucune erreur
ne puisse être détectée dans le processus d’identification.
La technique d’identification absolue est l’hybridation ADN/ADN, mais elle n’est pas
utilisable en routine. L’utilisation du séquençage ne se justifie pas pour chaque germe isolé à
identifier, d’autres méthodes moins absolues et bien employées sont aussi satisfaisantes.
Le niveau souhaitable de l’identification n’est pas forcément le même. Il est par exemple
souvent différent selon que le résultat est destiné au clinicien ou à l’épidémiologiste.
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I- CLASSIFICATION
1- Définitions
PHYLOGENIE
Processus par lequel les lignées des organismes ont évolué à partir d'un ancêtre commun.
TAXONOMIE
La taxonomie est une science qui a pour objet la classification des êtres vivants, leur
identification et leur nomenclature. Elle permet de classer les organismes en groupe d’affinité
ou taxons.
CLASSIFICATION
La classification est l’arrangement des organismes en groupe ou taxon selon leur similitude ou
leur parenté évolutive. Elle a pour but l’attribution d’une identité à un objet vivant. Cette
attribution permet de résumer l’ensemble des propriétés assignées à un groupe d’individus de
façon à prédire les propriétés d’un nouveau membre du groupe sans être obligé de l’explorer
totalement. En résumé, l’assignation d’une bactérie à un taxon permet d’en déduire les
caractéristiques écologiques, épidémiologiques voire thérapeutiques que possède ce taxon.
La classification est donc un préalable à l’identification.
IDENTIFICATION
L’identification consiste à placer un individu particulier dans un taxon connu. La souche
inconnue est comparée à des espèces déjà décrites (souches types) et le nom de l’espèce la
plus similaire est proposé.
La définition actuelle de l’identification ne comprend plus la comparaison de propriétés
biochimiques mais prend en compte l’identification globale de l’ADN avec une homologie
supérieure à 70%.
ESPECE BACTERIENNE
Une espèce bactérienne se définit comme un ensemble de souches ayant en commun de
nombreuses propriétés stables et étant différente de façon significative des autres groupes de
souches. Les espèces présentant des propriétés communes sont regroupées dans une catégorie
supérieure, le genre.
En bactériologie, une espèce est constituée par sa souche type et par l’ensemble des souches
considérées comme suffisamment proches de la souche type pour être incluses au sein de la
même espèce.
La notion d’espèce bactérienne a été réévaluée par l’ICSP en Février 2002. La définition
actuelle de l’espèce est phylogénétique. Elle se base sur les homologies ADN-ADN,
applicables à toutes les espèces. Elle porte sur l’ensemble du génome (plasmides exceptés), et
n’est que peu ou pas affecté par les mutations ou par la présence de plasmides.
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Une espèce est définie phylogénétiquement (= genomospecies) comme le rassemblement des
souches ayant des relations ADN-ADN avec des valeurs d’hybridation > à 70% et par une
valeur ∆Tm(e) < à 5°C.
Il reste nécessaire de disposer de caractères phénotypiques (et/ou génomiques) fiables et
faciles à mettre en évidence pour donner un nom à une espèce. S’ils existent, elle reçoit un
nom et devient une espèce, sinon, elle demeure innomée.
SOUCHE
Une souche est une population d’organismes descendant d’un organisme unique ou d’un
isolat de culture pure. Au sein d’une même espèce les souches peuvent présenter des
différences légères entre elles qui pourront être caractérisées sur la base :
F de leurs propriétés biochimiques ou physiologiques pour les biovars
F de leurs propriétés antigéniques pour les sérovars
F de leur facteur de virulence pour les pathovars
NOMENCLATURE
La nomenclature est l’ensemble des règles qui préside à l’attribution d’un nom à chaque
taxon. Elle a pour but d’unifier le langage scientifique.
L’assignation d’un nom permet de désigner le taxon sans être obligé de décrire tous ses
caractères.
Ex : le placement d’une souche bactérienne dans la famille des Enterobacteriaceae :
bacille à Gram négatif, mobile, aéro-anaérobie, fermentant le glucose, réduisant les nitrates et
oxydase négative…
L’utilisation des noms scientifiques en microbiologie s’est inspirée de celle pratiquée par les
botanistes et basée sur la dénomination binomiale. En 1930 lors du 1° Congrès International
de Microbiologie fut formée une commission de la Nomenclature et de la Taxonomie. Le
code international de nomenclature bactérienne fut publié en 1947 ; il réglemente l’usage des
noms scientifiques.
F CODE DE NOMENCLATURE
Il existe des règles qui gouvernent la nomenclature bactérienne. Leur respect conduit au
concept de « nomenclature correcte ». Ces règles sont rassemblées dans le « Code
International de Nomenclature des Bactéries » établi par la « Commission Judiciaire »
(Juridical Commission) du « Comité International de Systématique des Procaryotes » (ICSP).
Une nomenclature est légitime si elle respecte ces règles.
Une classification est validement publiée si elle est citée dans les « approved lists of Bacterial
Names » ou si elle est publiée dans la revue « International Journal of Systemic and
Evolutionary Bacteriology »
Exemple de rangs taxonomiques et de noms :
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Rang taxonomique
Règne
Division
Classe
Ordre
Famille
Genre
Espèce
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Exemple
Procaryotae
Ténéricutes
Mollicutes
Mycoplasmatales
Mycoplasmatacae
Mycoplasma
M.pneumoniae
F REGLES DE FORMATION DES NOMS
Le système binomial du botaniste suédois Carl von Linné est utilisé. La première partie du
nom est le nom de genre, la seconde partie est l’épithète ou le nom de l’espèce.
Les noms sont issus du grec ou du latin ou des deux.
On joint un préfixe ou un suffixe (ex : -oides). Ce préfixe ou ce suffixe modifie le sens du mot
(dérivation) ou lui donnent une signification nouvelle (ex : Y. paratuberculosis cause une
affection pulmonaire semblable à la tuberculose = dérivation).
Formation des noms de genre
De préférence : ne pas introduire un nom déjà utilisé pour un métazoaire, une bactérie ou un
champignon.
Il est imprimé en italique (ou souligné dans les textes manuscrits) et sa première lettre est
majuscule. Après sa première citation le nom de genre est abrégé à sa première lettre sauf si
ambiguïté. Le nom de genre est en principe féminin.
Formation des noms d’espèce
Il est imprimé en italique (ou souligné dans les textes manuscrits) et sa première lettre est
minuscule.
Formation des noms de famille
Ils sont fondés sur un nom de genre valide, ils sont féminin pluriel et se terminent par : -aceae.
Une liste des noms approuvés des espèces bactériennes ainsi que des nouvelles espèces est
publiée de façon régulière depuis 1980 par l’International Journal of Systematic Bacteriology.
F DESIGNATION DE NOUVEAUX TAXONS
Elle doit s’accompagner d’une description complète, comprenant la désignation de la souche
centrotype (la plus typique), nommée souche-type dans le cas de la désignation d’une
nouvelle espèce, accessible à la communauté microbiologique et donc déposée dans une
collection de souches bactériennes comme l’American Type Culture Collection.
Cette désignation doit s’accompagner de la description des caractéristiques différentielles
permettant d’identifier le nouveau taxon. Ces caractéristiques doivent être fournies sous forme
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de matrice de données permettant de calculer les paramètres classiques de l’identification
numérique.
2- Classification phénotypique
L’identification de l’espèce repose sur la comparaison de divers caractères phénotypiques de
la souche à étudier vis à vis de ceux d’une souche de référence.
La classification phénétique ou phénotypique utilise un faible nombre de caractères
considérés comme importants tels que la morphologie, la mise en évidence d’un caractère
biochimique, l’habitat.
Mais elle ne reflète qu’un nombre réduit d’information, les caractères considérés comme
importants sont subjectifs et dépendent des conditions environnementales.
Il est faut garder à l’esprit que ces caractères peuvent être absents notamment chez les germes
mutants.
Ex : existence de souches d’ E.coli lactose -.
Une liste (non exhaustive) des caractères phénotypiques couramment employées est détaillée
dans le tableau suivant.
Observations et tests préliminaires
Tests métaboliques
Sérologie
Test d’inhibition
Chimiotaxonomie
Coloration (Gram, bleu de méthylène…)
Morphologie (bacille, coque..)
Mobilité
Présence
de
spores
(déformantes,
terminales)
Croissance en aérobiose/anaérobiose
Hémolyse sur gélose au sang
Production d’une catalase
Test à l’oxydase
Test à l’uréase
Test de l’indole
Hydrolyse de l'hippurate
Hydrolyse de l’esculine
Production d’H2S
Agglutination
Immunochromatographie
Milieux sélectifs
Sensibilité à l'optochine
Antibiotiques
Acides gras
Acides mycoliques
Système de quinone
Profil protéique par PAGE
Pyrolyse - SM
Tableau I : Caractères utilisés en systématique bactérienne
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La chimiotaxonomie est l’analyse chimique des constituants structuraux cellulaires
3- Classification numérique
Elle évalue une similitude générale en comparant de nombreuses caractéristiques ayant
chacune le même poids (morphologique, physiologique, biochimique).
La forme d’utilisation des propriétés biochimiques permet leur analyse numérique.
L’existence de quelques caractères atypiques n’est ainsi pas un obstacle à l’identification.
L’ordinateur calcule les similitudes entre les individus, et regroupe les individus qui se
ressemblent en phénons.
Le nombre de caractères étudié varie entre 50 et 200. Le résultat est codé de façon binaire
pour chaque test (0 ou 1). La comparaison de n souches sur t caractères fourni donc une
matrice à n lignes et t colonnes qui peut être analysée.
L’établissement de la structure taxonomique se fait à l’aide de programme d’agrégation
(cluster analysis) qui évalue la ressemblance entre les souches en calculant un indice
numérique (coefficient de simple appariemment, coefficient de Jaccard).
Un dendrogramme résulte de cette analyse taxonomique.
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Les phénons formés à environ 80% de similitude sont souvent équivalents aux espèces
bactériennes.
LIMITES DE LA CLASSIFICATION PHENOTYPIQUE
Les techniques phénotypiques ne sont pas adaptées au diagnostic des bactéries dont la culture
est lente ou difficile (Chlamydiae, Rickettsiae…) ou aux germes non cultivables puisque la
condition initiale est de disposer d’une culture pure de l’espèce à identifier.
D’autres limites proviennent des tests en eux-même et leur nombre limité, même si
l’identification numérique en a considérablement amélioré les performances.
Elles ne représentent qu’une faible partie du phénotype des bactéries. Même en multipliant le
nombre de caractères étudiés (jusqu’à 300 parfois), la taxonomie numérique n’évalue que 5 à
20% du potentiel génétique d’une bactérie. De plus, le développement de ces tests s’est fait
par analogie avec des faits réels.
Certains facteurs (climat, géographie), peuvent intervenir et être responsables de grandes
modifications dans l’identification. Les origines (cliniques, vétérinaires, environnementales,
agro-alimentaires et géographiques) conditionnent dans une certaine mesure le choix des
propriétés biochimiques testées. Attention une souche représentative d’une espèce rencontrée
aux USA peut avoir des propriétés biochimiques ou une distance génétique différente par
rapport à d’autres souches, de la même espèce, isolées en Europe.
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Les tests peuvent aussi être erronés par :
o La variation du phénotype par la présence ou l’absence d’un plasmide codant
pour des fonctions métaboliques
o La variation de la taille de l’inoculum et la durée d’incubation
o Des profils différents entre des souches récemment isolées et celles qui sont
qui sont conservées depuis longtemps.
o Critères différents pour les bactéries d’un environnement différent (bactéries à
intérêt biomédical par rapport aux bactéries de l’environnement par exemple)
o Expression différente des caractères phénotypiques selon la température, la
composition du milieu de culture.
o Systèmes spécifiques à des taxons particuliers (par exemple les
entérobactéries) et qui ne peuvent s’appliquer aux autres bactéries.
4- Taxonomie moléculaire
La classification moderne des procaryotes est basée sur l’analyse des acides nucléiques. Elle
permet une approche phylogénétique.
Elle est possible depuis le développement des méthodes génétiques.
EVALUATION DE LA TAILLE DU GENOME
Les génomes bactériens ont des tailles variables (1 à 5 millions de paires de base). Cette
variabilité peut servir pour différencier des groupes bactériens.
Par exemple, il a été possible sur ce critère de distinguer L.pneumophilia de B.quintana.
(génome de 3.109 contre 1.109).
MESURE DU GC%
Le contenu en GC de l’ADN bactérien est très dispersé et varie entre 25-75%.
Actuellement, on admet que les bactéries dont le GC% diffèrent de plus de 3% ne peuvent
appartenir à la même espèce et que les bactéries dont les GC diffèrent de plus de 10% ne
peuvent appartenir au même genre. Attention, les valeurs peuvent être identiques sans que les
bactéries soient proches (bases disposées de manière différente sur l’ADN).
La mesure du GC% a permis d’intégrer le genre Yersinia (GC% : 46) dans les entérobactéries
(GC% : 45-58)
Le GC% est déterminé par mesure de la température de fusion Tm de l’ADN. En chauffant
une solution d’ADN, les liaisons hydrogènes sont rompues. Parallèlement la DO à 260nm
augmente selon une sigmoïde. Le point d’inflexion de la courbe détermine le Tm où 50% de
l’ADN est sous forme simple brin. Le Tm est d’autant plus élevé que le GC% est grand.
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La détermination du GC% permet de regrouper des souches pour des études
complémentaires (hybridation ADN/ADN).
HYBRIDATION ADN/ADN
Les méthodes d'hybridation ADN/ADN sont basées sur le fait que deux molécules d'ADN
dénaturées peuvent se réassocier à condition de présenter une homologie.
La renaturation est réalisée à partir d'un mélange de deux ADN dénaturés provenant de
bactéries différentes. Dans ces conditions, on obtient d'autant plus de duplex hétérologues que
les séquences d'ADN des micro-organismes sont proches. Pour reconnaître la provenance de
chaque brin d'ADN dans les hybrides, l'un des ADN est marqué par un isotope radioactif ou
par une enzyme. Pour éviter la réassociation des brins d’ADN marqués, on travaille avec des
concentrations d’ADN non marqué environ 1000-5000 fois plus importante.
Le degré d’homologie de 2 ADN est déterminé en évaluant la fraction des génomes
susceptibles de former des duplex hétérologues dans des conditions données de force ionique
et de température. La température optimale de réassociation de l’ADN est inférieur de 2530°C au Tm.
Deux souches appartiennent à la même espèce lorsque le pourcentage d’hybridation
ADN/ADN est >70%. Entre 0-65%, les souches n’appartiennent pas à la même espèce mais
peuvent appartenir au même genre.
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La solidité et donc la spécificité des hybrides est apprécié par la mesure de la stabilité
thermique. Ainsi, la comparaison entre la stabilité thermique d’un ADN double brin de
contrôle (dans lequel les 2 simples brins d’ADN proviennent de la même bactérie) et celui de
l’hétéroduplex reconstitué (brin d’ADN issu de 2 bactéries différentes) permet de mettre en
évidence les différences de séquences nucléotidiques entre les 2 ADN. Cette différence définit
le ∆Tm.
La stabilité thermique est directement corrélée avec le pourcentage de bases non appariées. La
correspondance est d’environ 1% de bases mésappariées pour un ∆Tm de 1°C.
Une valeur de 5°C a été fixée comme seuil d’appartenance à une même espèce.
Limites : les hybridations ADN-ADN sont des techniques lourdes et délicates à réaliser.
HYBRIDATION ADN/ARNr
Elles ont permis de dégager le concept de superfamille, terme proposé pour rassembler des
taxons à un niveau supragénérique.
L’ADN simple brin à étudier est fixé sur une membrane de nitrocellulose et est hybridé avec
une sonde radioactive d’ARNr (16S ou 23S) isolée d’une souche référence.
Cette technique demeure peu utilisée.
ETUDE DES ARNr
Les ARNr ont été choisis en taxonomie pour plusieurs raisons évidentes :
- molécule ubiquiste
- structure bien conservée car toute modification pourrait nuire à la synthèse protéique
- séquences d’ARNr identiques chez tous les êtres vivants
- abondants dans la cellule et donc facilement purifiables
La stabilité des ARNr est mise à profit pour analyser les relations des bactéries au niveau de
l'espèce et à des niveaux hiérarchiques plus élevés. L'ARNr 16S est le plus utilisé.
L’ARNr 16S est utile à la classification phylogénétique et à l’identification bactérienne
puisqu’il est présent dans toutes les bactéries. Il comporte des séquences conservées (stables)
communes à des unités de taxons élevés et des séquences variables spécifiques d’espèces. La
séquence nucléotidiques de l’ARNr 16S peut-être comparé via internet à celles de souches
déposées dans des banques de données internationales.
La tendance actuelle est de travailler sur le gène correspondant. La séquence
du gène codant l’ARNr 16S est connu pour environ 4000 souches et est accessible par
interrogation de bases de données (EMBL, GenBank). Les programmes FASTA et BLAST
permettent de comparer une séquence nucléotidique d’une souche inconnue avec les banques
de séquence et retiennent les séquences les plus proches.
L’amplification par PCR présente un intérêt pour le diagnostic de bactéries non cultivées.
Il est admis qu’en dessous de 97% d’homologie deux bactéries ne peuvent appartenir à la
même espèce. Ainsi, il n’est donc pas utile de faire des hybridations ADN/ADN en dessous de
ce seuil. Si le pourcentage d’homologie est > 97%, le placement de 2 souches dans une même
espèce ou pas repose sur les résultats de l’hybridation ADN/ADN.
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Limites : deux espèces peuvent avoir des séquences ARNr 16S très proches et être cependant
très différentes par hybridation ADN/ADN.
Ex : Aeromonas trota et A. caviae (99.9% de similitude pour ARNr 16S et 30% de similitude
pour l’hybridation ADN/ADN)
•
Définition d’une espèce : une espèce est définie phylogénétiquement
(genomospecies) comme le rassemblement de souches ayant un pourcentage
d’hybridation ADN/ADN >70% ainsi qu’un ∆Tm <5°C. Toute description d’une
nouvelle espèce devrait inclure le séquençage de l’ARN 16S de la souche type et
s’accompagner de l’analyse des caractères phénotypiques.
En conclusion l’approche devrait être polyphasique ;
La première étape consiste à regrouper les souches en fonction de leur caractères
phénotypiques. L’homogénéité des phénons ainsi obtenus est confirmée par les méthodes
génotypiques (GC% et hybridation des acides nucléiques). La dernière étape consiste à
vérifier que les groupes génotypiques possèdent des caractères biochimiques communs et
faciles à effectuer permettant de reconnaître et donc d’identifier ces groupes.
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II- IDENTIFICATION BACTERIENNE
L’identification d’une bactérie consiste habituellement à obtenir une culture pure de celle-ci
et de la comparer à l’aide de tests variés à un grand nombre d’autres espèces jusqu’à
retrouver celle correspondante. L’apport des techniques moléculaires permet parfois de
s’affranchir de la mise en culture et de proposer une alternative aux tests phénotypiques.
L’identification d’un microorganisme doit aider :
•
•
•
au diagnostic positif d’une infection microbienne
o Exclusion formelle de la présence d’un microorganisme
o présence d’un microorganisme potentiellement pathogène pour l’homme
au diagnostic de l’étiologie précise de l’infection (diagnostic étiologique,
identification de l’agent infectieux)
à la surveillance et à la prévention des risques infectieux à l’hôpital (portage de BMR,
portage de strepto B, hygiène : recherche d’une contamination d’un appareil utilisé,
par exemple fibroscope…)
1- Identifier : jusqu’à quel niveau ?
L’identification est plus ou moins poussée en fonction de l’intérêt clinique.
-
Identification du genre
L’identification au niveau du genre est parfois suffisante.
Ex : les lactobacilles et microcoques sont rarement pathogènes, leur identification au niveau
du genre est suffisante.
-
Exclusion d’une espèce
Ex 1 : identification d’un staphylocoque dans une hémoculture : Staphylococcus aureus est
souvent pathogène, mais les staphylococcus non aureus sont souvent des contaminants
Ex 2 : la mise en évidence d’une corynébactérie dans les urines : seule Corynebacterium
urealyticum a un intérêt clinique : l’identification peut se limiter à la reconnaissance du genre
et la mise en évidence d’une uréase pour répondre en Corynebacterium urealyticum et
Corynebacterium spp.
Ex 3 : dans le suivi d’une mucoviscidose, la mise en évidence d’un Pseudomonas aeruginosa
est plus péjorative que celle d’un autre Pseudomonas.
-
Identification de l’espèce
La plupart du temps, l’identification au niveau de l’espèce est nécessaire.
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Ex : hémocultures : la mise en évidence d’un streptocoque n’est pas suffisante pour la prise en
charge d’un patient : selon qu’il s’agit d’un Streptococcus bovis ou d’un Streptococcus
viridans par exemple, la démarche étiologique ne sera pas la même !
-
Identification infraspécifique
Elle n’est pas forcément nécessaire en clinique mais dans certaines circonstances elle garde
tout son intérêt.
Ex : recherche de l’antigène K1 d’E. coli dans les prélèvements de nouveau-né.
En épidémiologie, le sérotype ou le séquençage peut être d’une grande importance pour le
suivi d’épidémies et la mise en œuvre de mesures de santé publique.
Ex : sérotypage des méningocoques : sans intérêt clinique immédiat pour le patient (le
traitement reste identique) mais primordiale pour les mesures de prévention primaire et
secondaire des sujets contacts.
Ex : sérotypie et séquençage des Salmonella enterica dans le cadre d’une TIAC
Ex : PFGE des légionelles en Santé Publique
2- CHOIX D’UNE STRATEGIE DIAGNOSTIQUE
Différents critères sont à prendre en compte dans la démarche diagnostique.
Ce sont les notions de :
Spécificité et sensibilité
Ce sont les valeurs intrinsèques liées à chaque méthode. Attention, les valeurs brutes fournies
ne sont pas forcément celles que l’on retrouve quelle que soit l’utilisation …
Par exemple la sensibilité et la spécificité d’un test « importé » des USA peut être plus basse
en France car moins adapté aux caractéristiques du panel local.
Un même test utilisé dans des conditions différentes, par exemple pour la recherche sur un
prélèvement ou sur un appareillage n’aura pas les même sensibilité et spécificité.
D’une manière générale, les chiffres indiqués s’entendent pour des conditions d’utilisation
optimales, il s’agit des meilleures valeurs possibles de sensibilité et de spécificité.
Valeurs prédictives
C’est ici la notion de prévalence qui influe sur les VPP et VPN. Plus la prévalence est grande
et plus le taux de vrai positif (c’est à dire la valeur prédictive positive) augmente.
Si le test est destiné à un dépistage, par exemple le « Doctor Test » pour la recherche du
Streptocoque A dans les prélèvements pharyngés (dont la négativité est un argument pour
l’absence de prescription d’un antibiotique), il est important que la VPN soit grande.
Dans le cadre du diagnostic individuel, c’est la VPP qui doit être grande.
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Praticabilité / Simplicité
Quelle que soit les qualités d’une méthode, elle doit être applicable dans le laboratoire qui
l’utilise. Un non-respect de la méthodologie (par exemple nombre de pièces et leur
équipement pour la PCR) entraine de mauvais résultats.
Rapidité
A valeurs de sensibilité et de spécificité égales, il est parfois important de raccourcir le délai
de réponse. Il faut étudier le délai de rendu de résultat (si le raccourcissement du temps de
réponse de la méthode ne raccourcit pas le délai de rendu du résultat, ce n’est pas le critère à
privilégier !), et l’urgence du rendu du résultat.
Coût
Il s’agit du coût global qui comprend le coût de la méthode (matériel, réactifs, révélation,
stock….) et le coût lié au « temps technicien ». Une galerie API que l’on doit recommencer
plusieurs fois ne revient pas forcément moins cher qu’une autre méthode.
3- IDENTIFICATION BACTERIENNE EN BACTERIOLOGIE CLINIQUE
Les bactéries susceptibles d’être rencontrées en bactériologie clinique sont en nombre
restreint par rapport à la complexité du monde bactérien.
De plus, le diagnostic est déjà orienté par le type de prélèvement et la nature de l’infection (si
elle est stipulée). L’identification au niveau de l’espèce d’un germe pathogène est presque
toujours suffisante.
Les méthodes de diagnostic choisies doivent être rapides et informatives afin d’assurer une
identification la plus rapide possible et de pourvoir proposer un diagnostic présomptif
quelques heures après le prélèvement.
La démarche diagnostique se fait globalement en 3 étapes : diagnostic d’orientation,
diagnostic d’espèce et détermination de marqueurs épidémiologiques ou utiles au traitement
(sérotype, antibiotype…).
•
Le diagnostic d’orientation
Il commence par l’examen direct du prélèvement qui va guider le choix d’une méthode
d’isolement et permettre de donner les premiers résultats au clinicien pour la mise en route
d’un traitement. Pour certains germes, il sera préférable d’utiliser directement les méthodes
moléculaires (germes difficilement cultivables..)
Sur les milieux d’isolement, il est important de repérer les colonies dont l’identification
devra être poursuivie. Il est nécessaire au cours de cette étape de connaître les caractères
morphologiques des colonies bactériennes sur culture et de distinguer les germes
pathogènes des commensaux. En fonction du type de prélèvement, des milieux de culture
spécifique et sélectif doivent donc être ensemencés (ex : coproculture).
L’étape suivante consiste à classer dans un taxon la souche considérée comme pathogène
grâce à des marqueurs fiables et rapides.
Ces marqueurs reposent sur des caractères :
ð structuraux (Gram, mobilité),
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ð
ð
ð
ð
métaboliques (test unitaire : oxydase, catalase, coagulase),
culturaux (type d’hémolyse),
antigéniques (Slidex Staph plus®)
voire moléculaire (sonde nucléique, PCR).
•
Le diagnostic d’espèce
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Il est réalisé sur un plus grand nombre de marqueurs diagnostiques.
Ces marqueurs sont bien standardisés et des trousses diagnostiques performantes existent (ex :
Api system)
La nature des test d’identification à pratiquer dépend du groupe bactérien dans lequel le
diagnostic a été orienté. Ceci soulève le rôle primordial du diagnostic d’orientation et
suppose que celui-ci ait été bien conduit sinon l’utilisation d’une galerie peut aboutir à une
impasse ou à une erreur diagnostique.
4- LES MOYENS D’IDENTIFICATION
a- Identification phénotypique
Utilisation des méthodes d’identification phénotypiques
Ce sont celles encore le plus utilisées dans les laboratoires de biologie médicale. La stratégie
consiste à sélectionner au mieux les caractères les plus discriminants. Ces méthodes
nécessitent une incubation préalable, la culture doit être pure. La mise en évidence de certains
caractères peut nécessiter aussi une période d’incubation pour permettre la consommation de
substrats.
Les tests utilisés sont ceux précédemment évoqués dans la classification phénétique (tableau
I)
Examen direct
L’examen direct peut être à lui seul très informatif pour le clinicien, et même suffisant dans
un contexte d’urgence (mais restant à confirmer).
Morphologie : bacille, coque, spirille, incurvé, ramifié, mode de groupement
Mobilité
Coloration : Gram, bleu de méthylène, Ziehl, encre de Chine
Exemple : mise en évidence de coques à Gram négatif dans un LCR dans un contexte clinique
évocateur de méningite oriente vers un diagnostic de méningite à méningocoque.
Etude macroscopique des colonies
L’intérêt porte sur : le développement de la bactérie et son isolement (obtention d’une culture
pure pour les tests phénotypiques), ses caractéristiques culturales…
Cela nécessite de regrouper des conditions d’atmosphère (aérobie, anaérobie, enrichi en
CO2), de température et de culture favorable au développement microbien.
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Le type de gélose ensemencé repose sur l’origine du prélèvement et sur les informations de
l’examen direct ou sur demande spécifique du clinicien.
Géloses : ordinaires (trypticase-soja-caséine, gélose au sang)
sélectives (Columbia ANC)
spécifiques (Loweinstein-Jensen, Coccosel)
enrichissement (Chocolat + polyvitex)
chromogènes (Uriselect 4, Granada)
Aspect des colonies : forme, contour, relief, couleur, odeur des colonies bactériennes
Le choix se porte d’abord sur des géloses d’isolement permettant le développement de la
majorité des espèces bactériennes retrouvées (type gélose au sang ou gélose au sang cuit…)
auxquelles peuvent être associées des géloses sélectives (inhibant la flore commensale, ex :
ensemencement des crachats)
L’absence de développement de colonies sur gélose peut être en soi en faveur d’un diagnostic.
Exemples : pour une hémoculture positive avec des difficultés à réaliser des subcultures dans
un contexte clinique d’endocardite, l’absence de pousse sur gélose au sang peut –avec
l’apport du gram- orienter vers la recherche d’un streptocoque déficient.
De même, l’absence de développement sur gélose au sang avec un développement sur gélose
chocolat dans un prélèvement respiratoire oriente vers la mise en évidence de Haemophilus
influenza.
L’aspect des colonies apporte d’autres renseignements selon les géloses utilisées : hémolyse
sur GS, réduction de sucres….
D’autres géloses plus spécifiques peuvent être employées : par exemple les milieux
chromogènes. Pour l’ECBU, l’utilisation de milieux chromogènes permet d’identifier après
24 heures d’incubation la plupart des bactéries parmi les pathogènes les plus fréquents dans
les urines. Pour Escherischia coli, la mise en évidence d’une βglucuronidase ou d’une
βgalactosidase par le milieu chromogène (coloration rose des colonies) associé à un test à
l’indole positif suffisent à affirmer l’identification. Attention, cette identification est basée sur
la probabilité très faible de rencontrer dans un prélèvement urinaire un individu qui possède
ces deux caractéristiques sans appartenir à l’espèce E. coli.
Tests unitaires
Il sont réalisés sur la culture.
Il peuvent être mis en œuvre :
§ soit directement par utilisation de substrats sur la gélose d’ensemencement (gélose
sélective, gélose chromogène),
§ soit secondairement par prélèvement de colonies sur la culture.
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Associés aux renseignements obtenus par l’examen direct, et l’aspect des colonies sur les
différentes géloses utilisées, certains peuvent suffire à l’identification du genre voire de
l’espèce.
Exemple de tests unitaires
Réduction du tellurite par E.faecalis : noircissement de la gélose
Présence d’une coagulase : S.aureus
Sensibilité à l’optochine : S.pneumoniae sensible
Hydrolyse de l’esculine : Listeria monocytogenes
Hydrolyse de l’hippurate : Campylobacter jejuni
Méthodes automatisées – galeries d’identification
Système API
Elles utilisent le même principe que les techniques biochimiques conventionnelles
l’identification des bactéries. Elles se présentent sous forme de cupules prête à l’emploi
contenant le substrat lyophilisé nécessaire aux différents tests biochimiques. Version
miniaturisée et standardisée, elles ont l’avantage de standardiser les caractères biochimiques
recherchés pour améliorer la reproductibilité interlaboratoire en éliminant le choix subjectif
des tests « importants » pour la caractérisation, elles limitent la variabilité technique
(utilisation de système de distribution possible). Leur utilisation est simple.
Selon le type de galerie, l’inoculum et le milieu de suspension varie.
Galerie
Utilisation
API 20 E
Entérobacteries
RapiD 20 E Ident rapide des Enterobacteries en 4
heures
API 20 NE
API 20 EC Coliformes
API STAPH Pas d’identification exacte de toutes
les souches
API
20 Surtout S. viridans
STREP
API 20 A
Germes anaérobie
API 20 C
Candida
NH
Neisseria et Haemophilus
Le rendu des résultats repose sur le principe de l’identification numérique
Il repose sur le calcul pour le profil observé :
• De sa proximité relative aux différents taxons de la base de données (% id)
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• De sa proximité au profil le plus typique dans chaque taxon (indice T)
L’indice T ou fréquence modale est le rapport de la fréquence d’apparition du phénotype
dans l’espèce à la fréquence d’apparition du phénotype le plus typique. Cet index est
indépendant de la variabilité du taxon. Il reflète le nombre de tests atypiques par rapport à
l’espèce étudiée. Les seuils retenus sont :
Excellente identification si T>0,75
Très bonne identification T<0,5
Bonne identification T<0,25
Système VITEK
Le profil métabolique est obtenu par l’étude de la cinétique des mesures pendant l’incubation.
Cette méthode à l’avantage de réduire des délais d’identification à quelques heures.
Système PHOENIX
Ce système est conçu pour rapidement identifier et effectuer un test de sensibilité aux
antibiotiques sur les bactéries significatives d'un point de vue clinique.
Il existe des galeries d'identification seule (des germes Gram+ et Gram-) et des galeries
couplant identification et sensibilité aux antibiotiques (pour les entérobactéries, les
staphylocoques, les entérocoques, les bacilles non fermentants (Pseudomonas))
La partie identification de la galerie utilise une série de tests biochimiques conventionnels
basés sur la chromogénie et la fluorogénie pour déterminer l'identité de l'organisme.
Le système emploie un indicateur d'oxydoréduction pour la détection de la croissance
bactérienne en présence de concentrations croissantes d'antibiotiques. Les lectures des
galeries (dans le visible et en fluorescence) s'effectuent toutes les heures et toutes les 20
minutes et 40 min de l'heure.
La réalisation des galeries se fait à partir de cultures de 18 à 24h. Un inoculum de 2
McFarland est nécessaire.
Le système propose soit une identification unique (contrairement aux galeries Api) soit
aucune identification.
Notion de probabilité absolue et relative
Les méthodes traditionnelles reposent sur des schémas dichotomiques. Les caractères
biochimiques sont hiérarchisés par une attribution arbitraire de poids.
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Identification par clés dichotomiques
Attention : un tel raisonnement peut conduire à certaines erreurs de diagnostiques pour les
souches atypiques et dépend de la variabilité biochimique des espèces.
Ex : Schéma de la variabilité biochimique de 4 entérobactéries
La largeur du pic est significative de la variabilité biochimique de l’espèce. (E.coli est plus
variable que S.marcescens)
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Pour les tests miniaturisés, l’identification d’une souche inconnue est basée sur la mesure de
similitude entre son profil et celui des espèces identifiables à l’aide des données recueillies
(tables diagnostiques)
Dans les tables diagnostiques (ou matrices de données) sont contenus, pour chaque taxon, la
probabilité de positivité (f) aux différents tests. Si la réponse de la souche pour un test est
positive, on retient la valeur f, si elle est négative, on retient la valeur 1-f (probabilité de
négativité). Les valeurs 0 et 1 sont éliminées pour éviter les exclusions. Le produit des valeurs
(probabilité cumulée) donne la fréquence théorique de la souche dans l’espèce ou probabilité
absolue.
Cette fréquence théorique est ensuite divisée par la somme des fréquences théoriques pour
chaque taxons soumis à la comparaison. Le résultat (* par 100) donne la probabilité
d’appartenance à l’espèce ou probabilité relative.
On considère généralement les seuils suivants :
• >99,9% excellente identification
• >99% très bonne identification
• >90% bonne identification
• >80% identification acceptable
• <80% identification inacceptable.
Exemple :
Espèces
Caractères
A
B
C
D
Espèce 1
98%
2%
99%
62%
Espèce 2
1%
69%
99%
94%
Espèce 3
97%
95%
98%
95%
Espèce X
-
+
+
+
Probabilité absolue :
que X appartienne à l’espèce 1 : p=1/4065 (0.02*0.02*0.99*0.62)
que X appartienne à l’espèce 2 : p=0.636
que X appartienne à l’espèce 3 : p=2.6%
Probabilité relative :
que X appartienne à l’espèce 1 : 0.03%
que X appartienne à l’espèce 2 : 95.96% (0.636/(1/4065 + 0.636 + 0.026)
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que X appartienne à l’espèce 3 : 3.99%
Limites spécifiques à l’utilisation des galeries
Les méthodes phénotypiques, et notamment les systèmes automatisés sont éprouvées et
performantes pour l’identification d’un grand nombre d’espèces. Cependant ces performances
sont limitées pour l’identification de certaines souches.
Par exemple, les souches typiques de P. aeruginosa et de B. cepacia montrent un pourcentage
d’identification correcte de respectivement 90-100% et 70-90% (system VITEK, API,
Microscan). En revanche ces pourcentages pour des souches atypiques ne sont plus que de 080% et 25-80%.
D’une manière générale, le taux d’erreur des galeries varie entre 5 et 20% selon les galeries
considérées, comprenant les identifications incorrectes (1-15%) ou les identifications non
concluantes (3-5%).
Les systèmes d’identification commercialisés sont des systèmes fermés avec des bases de
donnée limitée, leur mise à jour, si elle est possible, ne peut se faire que par le fabricant de la
galerie. Les nouvelles espèces ne sont donc pas prise en compte. Une bactérie absente du
thésaurus des galeries d’identification ne sera pas reconnue mais un ou plusieurs noms seront
proposés. C’est la connaissance de la présomption d’espèce et des limites de la galerie qui
permet de rectifier l’identification.
Méthodes immunologiques
Elles sont basées sur la réaction d’un anticorps spécifique vis à vis d’un antigène du corps
bactérien, d’un antigène soluble ou d’une toxine.
Elles ont l’avantage d’être rapides et spécifiques. Elles peuvent manquer de sensibilité, on
peut alors les associer à une autre méthode pour augmenter la sensibilité. Ce sont globalement
des techniques coûteuses.
Applications : bactéries à croissance difficile, détection dans un mélange complexe, détection
d’antigènes solubles.
Immunofluorescence
Détection directe de Chlamydiae trachomatis.
Agglutination
Recherche d’antigène soluble dans le LCR : Pneumocoque, Haemophilus influenzae…
Détection de l’antigène polysaccharidique des Streptocoques.
Séroinhibition
Recherche de la nucléase de Staphylococcus aureus. La DNase thermostable ou
thermonucléase a une spécificité antigénique différente de celle des autres espèces
bactériennes, ce caractère est considéré comme spécifique de Staphylococcus aureus.
Application : très utilisée pour les hémocultures, elle permet de mettre en évidence ou
d’exclure Staphylococcus aureus.
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Ce moyen diagnostic rapide est maintenant supplanté par les méthodes moléculaires (PCR).
b- Identification génotypique
Comme nous l’avons vu, l’utilisation de marqueurs phénotypique pour l’identification d’un
germe présente des limites. L’avènement de la biologie moléculaire permet une approche
génotypique rapide et complémentaire pour l’identification bactérienne.
Ces méthodes reposent toutes sur la mise en évidence de séquences nucléotidiques
spécifiques.
Méthodes disponibles
(pour plus de détail voir l’exposé : Biologie moléculaire en routine au laboratoire de
bactériologie)
Ces techniques permettent de travailler à partir de prélèvements cliniques ou de colonies
isolées sur milieux de culture.
Elles rassemblent des méthodes sans amplification de la cible (utilisation des sondes
nucléiques marquées) ou au contraire avec amplification de la cible (PCR et variantes (nestedPCR, multiplex), LCR, NASBA). Des trousses commercialisées existent au côté des PCR
dites « maison ».
Dans l’idée d’une identification au plus vite d’un germe pathogène, ces méthodes apparaissent
comme l’instrument de choix dans différentes situations.
Applications dans une démarche d’identification bactérienne
F Germes pathogènes de croissance difficile
La recherche du génome par PCR est souvent systématique comme pour Bordetella pertussis ,
pour Chlamydiae trachomatis ou Mycoplasma pneumoniae.
La recherche du génome de bactéries difficilement cultivable n’est cependant pas
systématique et se fait pour certains pathogènes sur demande motivée du clinicien (clinique
évocatrice). C’est notamment le cas pour la recherche de Légionelles ou de Mycobactéries.
F Symptomatologie évocatrice de certains germes
Infections urogénitales : urétrites, cervicites
Détection sur le prélèvement
Détection simultanée par PCR multiplex (commercialisée par Roche) de Neisseria
gonorrheae et Chlamydia trachomatis.
Détection par hybridation à l’aide de sondes spécifiques (2 kits différents) des ARNr de
Neisseria gonorrheae et Chlamydia trachomatis (GenProbe PACE 2)
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F Identification rapide/certaine d’un germe isolé d’une culture
Des sondes d’hybridation commercialisée permettent une identification rapide de certains
pathogènes.
Exemples des sondes AccuProbe®
pour S. aureus : application en cas de discordance entre les résultats de la coagulase, du test
d’agglutination rapide spécifique de S. aureus (Slidex Staph plus®) et l’identification donnée
par la galerie Api staph.
pour le pneumocoque : présence de colonies α-hémolytiques à la limite du diamètre
d'inhibition du disque d’optochine. Pour distinguer Streptococcus pneumoniae et S.viridans
une sonde peut être utilisée.
Pour certaines colonies bactériennes rarement rencontrées en pathologie humaine, le
diagnostic s’avère être laborieux notamment parce que l’hypothèse d’un tel germe n’est pas
évoquée. Les tests d’identification sont alors effectués à tâtons et de manière répétée. Dans
ces circonstances, il est souvent préférable de réaliser une PCR universelle à partir de
colonies isolées sur milieux de culture pour identifier avec certitude le germe.
c- Les marqueurs épidémiologiques
Ces marqueurs peuvent être utiles dans un contexte où le laboratoire doit affiner le diagnostic
infectieux par l’identification bactérienne au delà de l’espèce.
Les marqueurs épidémiologiques sont des caractères discriminants permettant de distinguer
au sein d’une même espèce bactérienne les souches d’origine distincte ou les clones
bactériens.
Clone bactérien : ensemble d’entités dont l’information génétique est rigoureusement la
même car elles dérivent d’une même unité ancestrale. (www.infobiogen.fr voir glossaire)
Intérêts de disposer d’une méthode de marquage performante :
- pour déceler l’origine d’une contamination et le réservoir de micro-organisme,
- pour analyser la dissémination clonale d’une souche,
- pour vérifier l’identité de souches isolées de patients différents, ou d’un même patient
à deux sites différents ou à des temps différents.
La méthode de typage doit être discriminante c’est-à-dire permettre dans au minimum 95%
des cas identifier deux souches identiques. Elle doit également être spécifique et
reproductible.
L’avènement des techniques moléculaires a rendu obsolète la bactériocinotypie et la
lysotypie. La biotypie est une méthodologie longue et coûteuse. La sérotypie conserve son
intérêt pour certains germes (exemple du méningocoque) et le sérotypage complet des
souches est réservé au centre de référence (Salmonelle, Shigelle).
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L’antibiotypie est une méthode attractive car elle utilise des données déjà disponibles en
bactériologie médicale et pouvant s’appliquer à la vérification de l’identité de deux souches
isolées à deux sites ou temps différents chez un même patient (ex : identité de souches de
SCN dans une hémoculture prélevée en périphérie et au niveau de la voie centrale). Il faut
cependant garder en mémoire ses inconvénients qui sont l’acquisition possible de plasmide ou
les réarrangements moléculaires entraînant une modification de la sensibilité des souches.
Le polymorphisme électrophorétique des estérases bactériennes (MLEE) relève du domaine
des centres de référence.
Les méthodes les plus discriminantes reposent sur l’analyse de marqueurs moléculaires.
Plusieurs techniques existent :
• Analyse génotypique de l’ADN par RFLP ou ribotypage
• Analyse par macrorestriction génotypique de l’ADN par champ pulsé (PFGE)
• Amplification aléatoire :
- Amplified Fragment Lenght Polymorphism (AFLP) : amplification sélective
de fragment de restriction à l’aide d’adaptateur et d’amorces complémentaires
aux adaptateurs
- Random Amplified Polymorphism DNA (RAPD)
•
PCR ciblée sur des séquences répétitives (séquence intergénique pour les
entérobactéries) (ERIC-PCR)
•
MultiLocusSequenceTyping (MLST) : analyse de la variation allélique des gènes
codant des protéines essentielles dites de ménage.
Globalement, ces techniques sont de réalisation délicate et le pouvoir discriminant de chacune
est à évaluer lors de la mise en place du diagnostic épidémiologique pour un germe précis.
En ce qui concerne les légionelles, la méthode retenue est la PFGE. Dans ce contexte
épidémiologique, on recherche les éventuels cas de légionellose groupés ou éventuellement
une source commune de contamination. Chaque souche clinique isolée est donc analysée et
chaque pulsotype confronté à une base de données de souches cliniques. En fonction de
l’enquête clinique, des prélèvements environnementaux peuvent également être effectués. Les
pulsotypes des prélèvements d’eaux seront comparés avec ceux des souches cliniques
concernées. Un pulsotype présente environ 15-20 bandes, deux pulsotypes sont considérés
comme identique quand il présente les mêmes bandes. Entre 1 et 2 bandes de différence, les
souches sont considérées comme proche.
5- Stratégies d’utilisation
Il n’existe pas de démarche unique, mais plutôt une hiérarchisation des tests dont le choix
repose sur la présomption diagnostic à priori.
L’organigramme suivant présente une démarche diagnostique possible à adapter aux
différentes circonstances étiologiques.
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tests rapides :
ICT
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prélèvements
Ag urinaire
pneumocoque
PCR / sondes
systématique : Bordetella
pertussis
demandes motivées :
Legionella
examen direct / coloration
ensemencements
orientation
Milieux ordinaires
Milieux spécifiques
/sélectifs
Milieux
chromogènes
Marqueurs
chimiques
commensaux
pathogènes
COLONIES
morph
ologie
PCR
Sondes
nucléiques
-
Galeries
d’identification
Tests unitaires
-
suffisants
+
ESPECE BACTERIENNE IDENTIFIEE
Marqueurs infraspécifiques ?
Epidémi
ologie
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Le prélèvement qui arrive au laboratoire est observé pour un examen direct au microscope et
ensemencé sur milieux de culture selon le type de prélèvement et l’examen direct. Pour
certaines recherches spécifiques, il peut être directement traité par PCR lorsque ces
techniques sont utilisées par le laboratoire (ex : recherche de Chlamydia) ou on peut associer à
la mise en culture une autre méthode de détection pour augmenter la sensibilité (ex :
recherche de la toxine de Clostridium difficile).
Des tests unitaires peuvent être immédiatement mis en œuvre pour une première orientation
diagnostic en urgence avant le résultat des premières cultures. Dans ce cas, l’identification
n’est pas complète mais elle est suffisante pour apporter un premier diagnostic pour le
clinicien (ex : test à l’esculine pour caractérisation d’une Listeria devant une hémoculture
positive à bacilles à gram positifs sur l’examen direct, recherche de la DNase spécifique du
Staphylocoque doré sur un ED présentant des cocci à gram positifs).
Après incubation, les cultures apportent d’autres informations. Ces informations peuvent - à
elles seules ou associées à certains tests unitaires être suffisantes pour une identification. (ex :
reconnaissance directe de Enterococcus faecalis sur milieu chromogène dans un prélèvement
urinaire, reconnaissance d’Escherichia coli après test à l’indole ou d’un Streptococcus
agalactiae après agglutination sur l’aspect et la couleur des colonies sur milieu Uriselect sur
les prélèvements urinaires.
Ex 2 : identification du genre Haemophilus sur la croissance sur gélose chocolat et l’absence
de croissance sur gélose sang. Identification de l’espèce par le test à acide
aminodeltalévulinique.
Si l’identification ne peut être porté sur les renseignements apportés par les cultures et les
tests unitaires, ce sont les galeries d’identification qui sont utilisées.
Une identification infraspécifique peut être effectuée directement au laboratoire lorsqu’elle est
d’intérêt clinique.
Ces techniques ne sont pas immuables. Elles sont de plus en plus fréquemment utilisées en
association avec les techniques moléculaires.
CONCLUSION
Finalement, nous avons vu qu’il n’existe pas une ligne de conduite d’identification
bactérienne. De nombreuses méthodologies existent aujourd’hui basées aussi bien sur des
caractéristiques phénotypiques des germes et de plus en plus moléculaires.
La démarche diagnostique doit donc tenir compte des critères de chaque méthodologie
(rapidité, spécificité, sensibilité..) et s’organiser selon la forme de l’entonnoir en partant du
plus simple et informatif au plus compliqué et précis (notamment en épidémiologie).
Il n’y a donc pas de démarche universelle la finalité étant de diagnostiquer de manière la plus
fiable une souche bactérienne.
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Géraldine PINA
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BIBLIOGRAPHIE
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nationales de Biologie – Grenoble 20-21 janvier 1984.
Le marquage épidémiologique en pratique clinique. C.BOSI. Hygiènes n°14. juillet-aoûtseptembre 1996.
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Bactériologie générale et médicale. JL. FAUCHERE, JL AVRIL – Editions Ellipses
Classification and identification of bacteria : current approaches to an old problem. Averview
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http://www.bacterio.cict.fr/bacdico/systematique/nomenclature.html
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