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2015
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Cette compilation de textes a été réalisée par l’équipe
documentation de LA MAISON DE L’IMAGE à Aubenas
à l’occasion des RENCONTRES DES CINEMAS D’EUROPE 2015
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CinémAction n° 86
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Corlet—Télérama
Qu'est-ce qu'un western spaghetti?
Le western spaghetti est né dans la première moitié des années 60 et s’est éteint dans la
seconde moitié des années 70. Le genre doit son nom au fait que la majorité des films était
réalisé et produits par des Italiens, souvent en collaboration avec d'autres pays européens,
particulièrement l'Espagne et l'Allemagne. Le nom 'western spaghetti' était, à l'origine, un
terme dépréciatif donné par les critiques étrangères à ces films qu'ils considéraient inférieurs
aux westerns américains. La majorité de ces films a été réalisé avec de petits budgets, mais
plusieurs d'entre eux ont tout de même réussi à être novateurs et artistiques, quoiqu'on ne le
reconnaissait pas à l'époque, même en Europe. Dans les années 80, la réputation du genre s'est
amélioré et aujourd'hui le terme 'western spaghetti' n'est plus utilisé de façon désobligeante.
Cela dit, certains Italiens préfèrent l'appellation western all’italiana (western style Italien). Au
Japon, ils sont appelés des westerns Macaroni, en Allemagne des Italowesterns.
Qu'est-ce qui les rend uniques?
Il est généralement accepté que le genre vit le jour en réponse au succès énorme de Pour une
poignée de dollars (1964) de Sergio Leone, une adaptation du film de samouraï japonais
Yojimbo (Akira Kurosawa, 1961). Toutefois, une petite quantité de westerns virent le jour en
Italie avant que Leone redéfinisse le genre. De plus, les Italiens n'étaient pas les premiers à
réaliser des westerns en Europe pendant les années 60. En Allemagne, une série de westerns
basé sur l'oeuvre de l'écrivain Karl May ont connu un succès fou, et le premier western
européen qui possédait au moins quelques éléments 'spaghetti', fut produit sans aucune
participation italienne, c'était une coproduction Britannique-Espagnole : La chevauchée des
outlaws (Michael Carreras, 1962).
Mais une chose est sure, c'est Sergio Leone qui définit l’apparence et l’attitude du genre avec
son premier western et les deux autres qui devaient le suivre assez vite : Pour quelques dollars
de plus (1965) et Le Bon, La Brute et le Truand (1966). Ensemble, ces films constituent la
célèbre ‘La Trilogie du Dollar’. Le Far West de Leone était un monde poussiéreux, peuplé
par des maisons blanchies à la chaux, des vents hurlants, des chiens décharnés et des héros
cyniques aussi mal rasés que les méchants.
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Les trois films partagent Ennio Morricone en tant que compositeur, et sa musique était aussi
inhabituelle que les visuels de Leone : non seulement utilisait-il des instruments comme la
trompette, la harpe et la guitare électrique, il a également ajouté des sifflements, des sons de
fouets claquants et de tir de fusils à l'ensemble. Les critiques contemporaines comparaient sa
musique à un « serpent à sonnettes dans une batterie ». Morricone devait composer plus d'une
trentaine de bandes sonores de western spaghetti, et fut un élément clé dans le succès du
genre.
En général, les westerns spaghetti sont davantage orientés vers l'action que leurs homologues
américains. Les dialogues sont clairsemés et certaines critiques iront même jusqu'à dire que
ces films sont construits à la manière d'opéras, utilisant la musique comme ingrédient
illustratif de la narrative. Les westerns furent longtemps appelés 'horse opera', mais comme le
professeur d'étude culturelle Christopher Frayling l'avait remarqué, il fallut attendre les
Italiens pour que le terme prenne tout son sens. À leur époque, plusieurs westerns spaghetti
sont considérés comme très violents, c'est pourquoi certains d'entre eux eurent des problèmes
avec la censure ; des films sont amputés de leurs scènes plus hardies et parfois ils sont
carrément bannis dans certains marchés. De nombreux westerns spaghetti se déroulent à la
frontière États-Unis – Mexique et figure des bandits mexicains bruyants et sadiques. La
Guerre civile américaine et ses séquelles sont aussi un thème récurrent. Au lieu de noms
ordinaires comme Will Kane ou Ethan Edwards, les héros du genre ont des noms étranges
comme Ringo, Sartana, Sabata, Johnny Oro, Arizona Colt et Django. Le genre est sans aucun
doute catholique (quelques-uns des autres noms utilisés sont Hallelujah, Cemetery, Trinity ou
même Holy Water Joe!), avec un style visuel fortement influencé de l'iconographie
catholique ; la crucifixion, la Cène ou l'Ecce Homo. La fantaisie surréaliste Tire encore si tu
peux (Se sei vivo, spara, 1967), de Giulio Questi, un ancien assistant de Fellini (!) a un
protagoniste ressuscité qui est témoin d'un reflet du Jugement dernier.
Les scènes extérieures de plusieurs westerns spaghetti, surtout dans ceux avec un budget
relativement plus haut, étaient filmées en Espagne, en particulier dans le désert Tabernas
d'Almeria (Andalousie) et celui de Colmenar Viejo et de Hoyo de Manzanares (proche de
Madrid). En Italie, c'est la province de Lazio (les alentours de Rome) qui était la location
favorite. Certaines productions furent filmées dans les Alpes, en Afrique du Nord ou en Israël.
Les scènes intérieures étaient habituellement filmées dans les villes western des studios
romains comme Cinecittà ou Elios. Le studio Elios avait aussi une ville mexicaine à côté de la
ville western.
Une brève histoire
# Les premières années
Les westerns avaient toujours été populaires en Italie. Quelques westerns italiens furent même
produits pendant la Seconde Guerre mondiale, quand le gouvernement fasciste interdit les
westerns américains dans les cinémas italiens, par exemple Il Fanciullo del West (1942) de
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Giorgio Ferroni (qui réaliserait plusieurs westerns spaghetti pendant les grands jours du
genre). Dans les années soixante, l'absence de westerns américains dans les salles de cinéma
européennes avait une autre raison : certains des réalisateurs les plus importants du genre,
comme John Ford et Anthony Mann, étaient devenus dépassés et le genre avait été transféré à
la télévision. Les Karl May avaient créé un contexte culturel et financier propice pour la
production à grande échelle de westerns en Europe. Les premiers exemples de westerns
italiens produits dans les années soixante ressemblaient plus ou moins à de westerns de série
B américains, avec les acteurs et l'équipe technique se cachant derrière des pseudonymes à
connotation américaine. Pour une poignée de dollars de Leone était produit simultanément
avec Mon Colt fait la loi de Mario Caiano. Pendant que Leone redéfinissait le genre, Caiano
racontait une histoire classique à propos du shérif Pat Garret, et où Caiano engagea un acteur
américain vieillissant (Rod Cameron), Leone choisit un jeune acteur de télévision, un
dénommé Clint Eastwood. Même si le genre était encore dans son enfance, la plupart des
films produits pendant l'année transitionnelle de 1965 mélangeaient influences américaines et
italiennes, comme les deux Ringo de Duccio Tessari, Un pistolet pour Ringo et Le retour de
Ringo, avec Giuliano Gemma, la première super vedette du genre. Leone avait toutefois signé
la version internationale de son film sous le pseudonyme américanisé de Bob Robertson. Le
premier italien à signer un western spaghetti avec son propre nom fut Sergio Corbucci avec
L'homme du Minnesota (1965).
# L'apogée 1966 - 1968
C'est pendant cette période relativement brève que la plupart des classiques du genre furent
produits. En 1966, Leone réalise Le Bon, la Brute et le Truand, couramment regardé comme
le western spaghetti par excellence et aussi considéré comme le meilleur western de tous les
temps par plusieurs. Un autre film d'importance fut le révolutionnaire Django de Sergio
Corbucci (souvent appelé 'l'autre Sergio'), film qui devint le prototype des histoires de
vengeance et qui engendra de nombreux films comprenant le nom 'Django' dans leur titre. En
1968, les deux hommes réalisèrent deux autres chefs-d'œuvre incontestés du genre : pour
Leone c'est le légendaire Il était une fois dans l'ouest, le premier western spaghetti a attiré
l'attention des soi-disant critiques 'sérieuses' et pour Corbucci c'est le dévastateur Le grand
silence, film se déroulant entièrement dans la neige et qui a su subvertir virtuellement toutes
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les conventions du genre, parmi celles-ci le cliché souvent entendu que dans les westerns les
gentils gagnent toujours.
Un autre réalisateur d'importance de cette période glorieuse est Sergio Sollima ('le troisième
Sergio'), probablement le plus intellectuel et politiquement engagé de tout les réalisateurs de
western spaghetti. Son Colorado (La Resa dei Conti, 1966) avec Lee Van Cleef, qui
apparaissait dans deux des trois films de 'La Trilogie du Dollar', est une histoire à propos de la
lutte des classes, mais aussi une déconstruction du mythe du « gunslinger » qui respecte la loi.
Le dernier face à face (1967) est l'histoire d'un professeur de collège de la NouvelleAngleterre qui voyage dans le sud et qui découvre ses instincts violents quand il est fait
l'otage d'un bandit. Le professeur est joué par Gian Maria Volonté, un autre vétéran de Leone,
et le bandit est joué par l'acteur Cubain-Américain Tomas Milian.
Volonté est aussi apparu dans El Chuncho de Damiano Damiani (Quién Sabe? 1966), un film
qui mis en place le ton pour une série de western politique se déroulant au Mexique pendant
plusieurs de ses révolutions, les soi-disant ‘westerns Zapata’ (occasionnellement appelé
'western Tortilla'). Tomas Milian joua dans plusieurs de ces westerns Zapata, toujours comme
péon, un fermier mexicain devenu révolutionnaire. Comme il l'a dit lui-même, il est devenu
un 'symbole de la pauvreté et de la révolution'. Se déroulant au Mexique, filmés dans un style
western baroque, les westerns Zapata étaient néanmoins plus concernés avec les politiques
européennes que les politiques américaines (du nord ou Latine). Dans les années soixante, les
idées marxistes étaient très répandues chez les intellectuels européens, spécialement dans les
pays méditerranéens, et les westerns Zapata semblaient refléter les idées révolutionnaires qui
vivaient parmi eux. Étant plus sophistiqués et intellectuels que beaucoup de westerns
spaghetti 'ordinaires', les westerns Zapata étaient très populaires auprès des étudiants. Mais ils
étaient aussi populaires dans le tiers monde. Parmi les meilleurs Zapatas, on retrouve Trois
pour un massacre de Giulio Petroni et El Mercenario de Sergio Corbucci (tous deux datant de
1968).
En 1969, on retrouve un déclin dans le nombre de westerns spaghetti produit, et une tendance
à parodier le genre, chose qui avait déjà été annoncée dans le passé, mais qui devient plus
apparente, surtout avec la série Sartana, souvent appelé la réponse des westerns spaghetti aux
films de James Bond.
# La période comique
En 1970, Enzo Barboni, qui avait déjà été le directeur photo de Corbucci pour Django, réalisa
On l'appelle Trinita. Ce qui était parodie était devenu humour slapstick et le film fut un succès
monstre partout dans le monde. Le film marqua aussi le début d'un nouvel âge d'or, moins
pour le genre que pour l'industrie du film italienne. Un grand nombre de westerns comiques
furent produits et les acteurs Terence Hill et Bud Spencer devinrent des vedettes
internationales. En général les admirateurs de westerns spaghetti ne sont pas très fringant de
ces comédies, mais les films de Trinita sont de bons divertissements et le deuxième, ...On
continue a l'appeler Trinita fut le western italien qui remporta le plus de succès à sa sortie
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initiale. Mon nom est personne, réalisé par Tonino Valerii (et supervisé par Leone), est une
rêverie sérieuse comique à propos de la fin de l'Ouest. Certains films furent des mélanges
d'éléments de westerns spaghetti et des films d'arts martiaux de Hong Kong, avec un style de
combat oriental transporté au Far West, mais aucun de ces films ne devinrent de vrais
classiques. Bien que dominés par la comédie, une poignée de westerns sérieux furent aussi
produits dans la première moitié des années soixante-dix. Corbucci réalisa Companeros, une
espèce de suite à El Mercenario, pendant que Leone réalisa Il était une fois... la révolution, qui
était une interprétation différente des westerns spaghetti politique.
# Le crépuscule
Quand tout semblait fini, le genre eut son dernier redressement avec les spaghettis
crépusculaires, des films très sérieux, stylisés et mélancoliques qui glorifiaient (et qui faisait
le deuil de) la fin du genre et aussi la décadence de l'industrie du film de genre italienne. Les
films étaient en partit filmés dans les villes westerns délabrées des studios romains qui avaient
produit des douzaines de westerns chaque année dans la décennie précédente. Deux des
meilleurs spaghettis crépusculaires sont Adios California de Michele Lupo, avec Giuliano
Gemma, une des premières et plus grandes vedettes italiennes du genre, et Keoma, réalisé par
le prolifique Enzo G. Castellari, et avec Franco Nero dans le rôle principal, celui même qui
avait joué Django une décennie plus tôt.
Aujourd'hui
De nos jours, une nouvelle génération de cinéastes, représentée par les Quentin Tarantino et
les Robert Rodriguez de ce monde, a redécouvert et adopté le genre, introduisant des éléments
d'histoire de westerns spaghetti dans leurs propres scriptes et développant un style visuel
influencé par les maestros italiens des années soixante. Au même moment, des cinéastes
vétérans comme Martin Scorsese, Steven Spielberg et bien sûr Clint Eastwood ont confirmé
leur grande admiration pour Sergio Leone, qui est maintenant universellement reconnu
comme un des plus grands réalisateurs qui ait jamais vécu. En 2007, Ennio Morricone a reçu
un Oscar d'honneur pour sa 'contribution magnifique et à multiples facettes à l'art de la
musique de film'. Clint Eastwood était à ses côtés pendant la cérémonie. Les deux hommes
s'étaient rencontrés, deux jours auparavant, pour la première fois en 40 ans, à la réception.
L'arrivée du marché DVD fut aussi un événement très important pour le genre. Pour la
première fois, de nouvelles générations pouvaient voir ces films dans leur beauté
panoramique, et même si certaines choses restent à désirer, les films les plus importants sont
disponibles en DVD.
http://www.spaghetti-western.net/index.php/Introduction_en_Fran%C3%A7ais
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“Dans le western italien, les visages deviennent des paysages”,
Jean-François Giré
Cynisme des héros, soif de vengeance, culte du dollar, musique… le western italien a
bousculé les codes et les valeurs du western classique. Invité du festival Lumière, le
spécialiste Jean-François Giré nous en parle.
1964. Un obscur transfuge du péplum dynamite le genre phare du cinéma américain avec un
western à la sauce italienne : Pour une poignée de dollars. Miroir déformant d’une société en
pleine dérive individualiste, ce film inaugure l’âge d’or du « western spaghetti » en plaçant
sur orbite les carrières de Bob Robertson, alias Sergio Leone, et de son acteur au cigarillo, le
hiératique Clint Eastwood.
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Pendant une décennie, les trois « Sergio », Leone (Et pour quelques dollars de plus, Le Bon,
la Brute et le Truand, Il était une fois dans l’Ouest…), Sollima (Colorado) et Corbucci
(Django, Le Grand Silence) s’imposent comme les chefs de file d’une production pléthorique,
véritable manne pour l’industrie de l’époque.
Anti-héros cyniques, ironie macabre, violence hyperbolique, cadrages baroques, musique
opératique… Filmé dans les studios de Cinecittà ou dans le désert de Tabernas, en
Andalousie, le pistolero italien dézingue le mythe du justicier yankee toujours prêt à défendre
la veuve et l’orphelin. Quant aux vieilles valeurs du western américain – le triomphe de
l’ordre et de la loi, la fondation d’une nation – elles sont supplantées par l’obsession de la
survie, la soif de vengeance et le culte du dollar.
Fan de la première heure, auteur d’un livre (Il était une fois… le western européen) et de
Django, Trinita et les autres, un bon documentaire projeté au festival Lumière de Lyon, JeanFrançois Giré nous passe en revue quelques constantes d’un genre anarchiste qui a fini
kamikaze. Torpillé par l’autoparodie.
Un pistolero sans foi ni loi
Le premier choc, ça a été l’apparition de l’homme sans nom joué par Clint Eastwood.
Personnage taiseux, véritable bloc de mystère, sans passé, sans avenir, misogyne et
opportuniste, rétif à toute psychologie. A l’époque, ce nouveau héros nous parlait : c’était
juste avant 68, on sentait souffler un vent de contestation qui commençait à écorner l’image
d’une Amérique en pleine guerre du Vietnam… Avec l’homme sans nom, les personnages
positifs incarnés par John Wayne et James Stewart prenaient un sacré coup de vieux. Les
films d’Anthony Mann avaient certes déjà posé les bases d’un western crépusculaire mais là,
c’était la déflagration.
Jean-Louis Trintigant dans Le Grand Silence, de Sergio Corbucci.
DR
Pour une poignée de dollars s’ouvre par une séquence hallucinante où Clint Eastwood assiste,
sans bouger le petit doigt, au calvaire d’un enfant maltraité par une grosse brute. Deux ans
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plus tard, déboulait un autre personnage mythique : Django, traînant le poids de son drame
personnel et de son immense désir de vengeance. Avec Silence, le protagoniste du Grand
Silence, de Sergio Corbucci, on atteint le summum du romantisme noir. Joué par Jean-Louis
Trintignant, ce tueur muet a eu les cordes vocales tranchées quand il était petit… Quant à
Trinita, dans On l’appelle Trinita, de Enzo Barboni, il débarque en 1970, après la grande
première période du western italien, et annonce sa dérive vers l’autoparodie. Par son
espièglerie et sa désinvolture, il renvoie tous ses prédécesseurs ténébreux à leur mélancolie.
Une esthétique de l’excès
Le western italien réinvente l’iconographie du genre. Les réalisateurs américains usaient du
grand angle pour célébrer les paysages de l’Ouest. Dans ces plans larges, les personnages
semblaient toujours un peu perdus. Leone renverse la vapeur en faisant surgir l’humain dans
l’espace. Souvenez-vous du premier plan du Bon, la brute et le truand : après un fondu à
l’ouverture sur une plaine désertique, le spectateur se retrouve brutalement nez à nez avec un
visage suant en très gros plan. Et comment oublier, dans Il était une fois dans l’Ouest, ce
zoom avant interminable sur le visage de Charles Bronson.
Charles Bronson dans Il était une fois dans l'Ouest.
DR
Dans le western italien, les visages deviennent des paysages, et les rides des héros
ressemblent à des canyons. Une paire d’yeux, une goutte de sueur sur une joue, un éperon de
botte… Tout le film est resserré sur les personnages, ces individus solitaires qui sont le
moteur de l’action. Car dans ces nouveaux westerns, le territoire n’est plus ce qu’il était : il
n’est plus question de fonder une nation mais de sauver sa peau dans un monde impitoyable.
On tue beaucoup, on meurt beaucoup. La violence débridée est une autre marque de fabrique.
Mais il y a souvent une distance ironique. Dans les films de Corbucci, Django, Ringo, la
représentation de la violence vire carrément au sadisme.
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Une B.O. lyrique
Certains critiques ont surnommé le western italien « l’opéra du pauvre »… La collaboration
ultra-inventive de Sergio Leone et Ennio Morricone a donné à ce cinéma-là une dimension
lyrique. Leone considérait d’ailleurs la musique comme « l’âme de ses personnages ». En tant
que fan du cinéma muet, il y tenait plus qu’aux dialogues. Elle est progressivement devenue
un élément essentiel de la fabrication de ses films : sur le plateau d’Il était une fois dans
l’Ouest, les morceaux que Morricone avait composés en avance étaient diffusés pour mettre
les acteurs dans l’ambiance. Henry Fonda raconte qu’à partir de ce moment là, il a
systématiquement demandé au cinéaste de jouer ses scènes en musique.
Henry Fonda sur le tournage d'Il était une fois dans l'Ouest.
DR
De la même manière que Leone subvertit les codes du western traditionnel, Morricone est
d’emblée dans une démarche anti-hollywoodienne : il préfère les petites formations aux
orchestres symphoniques, s’inspire de la musique sicilienne. Il était très fort dans le choix des
instruments : la petite flûte qui donne la tonalité d’un personnage, le hurlement du coyote
dans Le Bon, la brute et le truand. Il a même pioché dans le bestiaire du Far west : dans
Colorado, il utilise une voix qui ressemble au cri d’un vautour. Nous sommes dans les années
60, il introduit la guitare électrique… Morricone n’est pas le seul grand compositeur du
western spaghetti : les mélodies de Nora Orlandi (Le Temps des vautours) sont absolument
sublimes.
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Un sous-texte politique
L’un des réalisateurs de la grande époque explique le succès des westerns italiens en disant
qu’ils stimulaient l’imagination des jeunes travailleurs : ceux-ci rêvaient tous de renverser
l’ordre établi aussi facilement que les pistoleros de leurs films favoris. C’est le fantasme des
opprimés. Prenez la vague des westerns révolutionnaires qu’on a appelés « western zapata »,
on peut très bien y voir la métaphore des secousses politiques de l’Amérique latine d’alors.
D’autres héros ressemblent aux mafieux de l’Italie de ces années-là.
Tomas Milian dans Colorado, de Sergio Sollima.
DR
Pour la première fois, ces films font la part belle à des acteurs mexicains qui deviennent de
véritables protagonistes. Quand Sollima tourne Colorado avec Lee Van Cleef, celui-ci croit
interpréter le rôle principal alors que la vedette est le personnage du bandit mexicain. C’est le
triomphe du métèque sur le yankee. La revanche des Indiens. Dans les pays du tiers-monde,
ces westerns marchaient d’ailleurs très fort : les déshérités y voyaient un symbole de leurs
revendications. Mais tout cela n’était pas forcément conscient, et surtout pas théorisé.
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Propos recueillis par Mathilde Blottière
Publié le 17/10/2014
http://www.telerama.fr/______________________________________________________________
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ZOOM SUR UN GENRE : le western
Au début des années 60, alors que le western classique américain va connaître
une perte de vitesse, les Européens vont se réapproprier le genre et tout
particulièrement les Italiens, qui imposeront les nouveaux codes. Dénigré par la
critique américaine, le western italien sera dès lors associé au nom de «
western spaghetti », sobriquet censé le rabaisser mais qui le rendra finalement
bien plus populaire que jamais. L’ironie de la situation ne s’arrête pas à un
simple nom, mais à une révolution du genre, orchestrée par une poignée
d’hommes, dont un duo qui marquera l’Histoire du cinéma. Car si John Ford et
John « Le Duke » Wayne auront marqué un genre, avec une centaine de films
au compteur, il n’en faudra que trois à Sergio Leone et Clint Eastwood, deux
hommes sur qui personne n’aurait misé, pour marquer toute une génération et
créer une légende.
Détaché de toute légitimité historique, le western spaghetti peut ainsi créer de
nouveaux codes et évoluer librement sans aucune contrainte de mémoire. Le
western spaghetti va se détacher de son modèle, de son ancêtre, en deux points
: de nouveaux codes scénaristiques et une nouvelle esthétique.
LE WESTERN SPAGHETTI
Le cliché du « cowboy-scout » et du « méchant Indien » est abandonné.
Ici, tout le monde n’est pas net, à quelque chose à se reprocher, est mal
rasé, puant… L’individualisme est prépondérant et même doté d’honneur,
les « bons » n’hésitant pas à se transformer en « brutes » si la situation
leur échappe. Le western spaghetti propose tout simplement des
personnages et des situations proches de la réalité. Les séquences de
violence sont bien plus présentes que dans le cinéma américain et
peuvent même verser vers un fantastique avoué (comme dans « Tire
encore si tu peux » de Giulio Questi en 1967, dont le héros revient
presque d’entre les morts). Ici, ont saigne sous les impacts de balles, on
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peut perdre un membre, être défiguré… La violence est omniprésente.
Tous ces changements laissent l’opportunité de créer des personnages et
des histoires beaucoup plus complexes. Même un salaud peut avoir des
sentiments (voir les retrouvailles entre Tuco et son frère dans « Le bon, la
brute et le truand »).
Visuellement, les trois « Sergio » auront une influence totale sur le genre
: Corbucci, Sollima mais surtout Leone, qui ouvre le bal en 1964 avec «
Pour une poignée de dollars ». Cadrages exposant la nature dans toute sa
splendeur (les paysages d’Almeria en Espagne) et sa cruauté, (très) gros
plans, dilatation temporelle exagérée, plans fantaisistes, scènes de duels…
sont autant d’éléments devenus clichés pour certains, mais surtout
audacieux et novateurs. Le western spaghetti est pluriculturel, à l’image
de ses tournages ou personne ne parle la même langue, et s’inspire donc
d’autres genres majeurs de l’époque, principalement du chambara (film de
sabre japonais). Les grandes figures de cinéma se nomment Sergio Leone,
Sergio Corbucci, Sergio Sollima, Duccio Tessari, Damiano Damiani pour la
réalisation et Tomas Milian, Giuliano Gemma, Clint Eastwood, Gian Maria
Volonte, Klaus Kinski, Lee Van Cleef, mais aussi Orson Wells et Ringo
Starr devant la caméra. Par ailleurs, impossible de ne pas citer l’immense
Ennio Morricone pour la somptueuse musique qui sera à jamais associée
au western spaghetti, dont voici 10 films clés.
1 – LE BON, LA BRUTE ET LE TRUAND (Il buono, Il brutto, il cattivo) de Sergio
Leone avec Clint Eastwood, Lee Van Cleef et Eli Wallach (1966)
Alors que la guerre de sécession fait des ravages, trois hommes cherchent
à s’emparer d’un trésor.
A la fois conclusion et possible 1er épisode de la « trilogie du dollar », «
GBU » (pour « The Good, The Bad and The Ugly ») est la collaboration
ultime entre Leone et Eastwood dans son personnage de l’homme sans
nom. Leone qui, en plus d’ajouter un personnage principal de plus à
chaque film afin de rendre son histoire plus consistante, y impose un
contexte historique. Mais ce dernier élément n’est pas là pour donner un
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cours. Non, il sert uniquement à montrer que même dans un pays qui
s’entre-déchire, l’or est le plus important.
2 – IL ETAIT UNE FOIS DANS L’OUEST (C’era una volta il west) de Sergio Leone
avec Charles Bronson, Henry Fonda, Jason Robards et Claudia Cardinale (1968)
Alors qu’une lutte autour du contrôle du passage du chemin de fer
s’instaure à Flagstone, un mystérieux pistolero doté d’un harmonica arrive
en ville.
1er volet de la seconde et ultime trilogie américaine de Sergio Leone, « Il
était une fois dans l’ouest » est sans doute l’un des films qui nouent le
plus de liens avec l’univers du western américain. Il annonce la fin d’une
époque réelle, avec l’arrivée du train dans l’ouest, et filmique, deux des
trois desperados étant joués par les acteurs « classiques » Jack Elam et
Woody Strode (« L’homme qui tua Liberty Valence » et « Spartacus » de
Kubrick). Pour l’anecdote, ces trois hommes devaient être joués à l’origine
par Eastwood, Van Cleef et Wallach, afin de mettre fin au 1er cycle de
Leone.
3 – ET POUR QUELQUES DOLLARS DE PLUS (Per qualche dollaro in piu) de
Sergio Leone avec Clint Eastwood, Lee Van Cleef et Gian Maria Volonte (1965)
Le Colonel Mortimer (Van Cleef), devenu chasseur de prime, est à la
recherche du bandit dénommé « l’indien » (Volonte). Il s’associe avec un
autre chasseur de prime, « le manchot » (Eastwood).
Deuxième film de la « trilogie du dollar », « Et pour quelques dollars de
plus » marque essentiellement pour la progression que Leone a fait entre
les deux films et les ambitions que celui-ci affiche. La construction du
flashback sur les motivations du Colonel place une fois de plus le film de
Leone au dessus du lot.
4 – POUR UNE POIGNEE DE DOLLARS (Per un pugno di dollari) de Sergio Leone
avec Clint Eastwood, Gian Maria Volonte (1964)
Un pistolero, « l’homme sans nom », arrive dans un village où deux clans
se livrent une guerre destructrice. Afin de rétablir l’ordre dans la ville,
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l’étranger va se faire embaucher par les deux familles, semant une zizanie
encore plus importante et destructrice.
Remake ouvertement assumé du film « Yojimbo » (« Le garde du corps »)
d’Akira Kurosawa, « Pour une poignée » de dollars lance l’Histoire du
western italien et les légendes de Leone et Eastwood. Le western
spaghetti est né ! Et comme le dira Biff Tanne, bien plus tard dans un
1985 alternatif : « Quel putain de bon film, ah quel putain de bon film » !
5 – MON NOM EST PERSONNE (Il mio nome e nessuno) de Tonino Valerii (et
Sergio Leone) avec Terence Hill, Henry Fonda, Geoffrey Lewis (1973)
Jack Beauregard (Fonda) est une légende de l’Ouest aspirant à la retraite
et voulant vivre en paix. La rencontre avec Personne, jeune pistolero
vouant un culte à son héros, lui fera peut être changer d’avis sur la
manière d’en terminer avec son histoire.
Véritable métaphore sur les rapports entre le western classique,
représenté par Fonda, et italien, représenté par Hill, « Mon nom est
personne » traite à la fois de la mort d’une époque aussi bien réelle que
cinématographique… tout comme « Il était une fois dans l’ouest ». Mais
les destins des deux personnages interprétés par Fonda sont bien
différents. Ici, on peut également y voir une métaphore du passage de
flambeau vers l’Europe. Moins radical qu’un Peckinpah, dont le film y fait
référence avec la fameuse horde sauvage, cette fin de l’Ouest et cette
transformation des « légendes » en illustres anonymes (des « nobody »)
est teintée d’une certaine nostalgie et d’une volonté de « dire au revoir »
en beauté.
6 – IL ETAIT UNE FOIS LA REVOLUTION (Giu la testa) de Sergio Leone avec
James Coburn et Rod Steiger (1971)
Au Mexique, John Mallory (Coburn), un spécialiste en explosifs au passé
mystérieux, croise le chemin de Juan Miranda (Steiger), un bandit de
grands chemins, pillant les diligences avec l’aide de toute sa famille.
Décidant de s’allier afin de braquer les réserves d’or de la banque d’Etat,
les deux complices vont se retrouver, malgré eux, impliqués dans la
révolution mexicaine.
Western spaghetti lorgnant vers le western zapatiste (le western
mexicain), « Il était une fois la révolution » sera le dernier film du genre
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de Sergio Leone. Bien plus impliqué dans une réalité historique et
politique que les autres westerns italiens (les révolutions mexicaines et
irlandaises), le film de Leone offre de grandes scènes de spectacle tout en
gardant ces moments d’humour typique du réalisateur italiens et des
scènes d’émotions intenses. Le duo Coburn/Steiger n’est pas sans
rappeler celui formé par Eastwood et Wallach dans « Le bon, la brute et le
truand ».
7 – DJANGO de Sergio Corbucci avec Franco Nero (1966)
Deux bandes rivales sèment la panique dans un village. Django, pistoléro
mystérieux, débarque en possession d’un cercueil.
« Django » est un peu une réponse à « L’homme sans nom » par la
concurrence, mais la comparaison s’arrête au niveau du pitch tant le
traitement est différent. Corbucci réalise une œuvre violente, sans
concession, et emprunt d’une aura mystique. Tournée sans vraiment de
scénario, le film tire sa force d’un travail visuel important et du charisme
de Franco Nero. Le nom de Django sera utilisé à toutes les sauces par la
suite, afin d’attirer le spectateur plus facilement, alors que le vrai
personnage ne réapparaîtra qu’en 1987, toujours avec Franco Nero.
8 – UN PISTOLET POUR RINGO (Una pistola per Ringo) de Duccio Tessari avec
Giuliano Gemma (1965)
Un shérif voit sa fille se faire kidnapper par des bandits. Impuissant face à
ces hommes, il décide d’engager Ringo, pistoléro aussi rapide que précis.
Présenté de façon moins grandiose qu’un « Homme sans nom » ou qu’un
Django, Ringo n’a rien à envier à ses concurrents. Représentant le spectre
un peu plus léger du western spaghetti, Ringo tient plus du cowboy au
grand cœur éliminant les méchants et sauvant les jeunes filles en détresse
que du pistolero calculateur et intéressé. Magnifique musique et chanson
d’Ennio Morricone (une fois de plus).
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9 – LE RETOUR DE RINGO (Il ritorno di Ringo) de Duccio Tessari avec Giuliano
Gemma (1966)
Alors qu’il revient de la guerre de sécession, Ringo découvre que sa ville
natale est dirigée par des bandits mexicains, que sa femme l’a abandonné
et que ses funérailles ont été célébrées. Décidé à rétablir l’ordre, Ringo le
fera par les armes.
Réalisé sur un ton beaucoup moins léger que l’épisode précédent, « Le
retour de Ringo » affiche de toutes autres ambitions. Gemma,
métamorphosé, y camp un Ringo bien plus impitoyable qui ne laissera
personne l’empêcher de rétablir l’ordre et la justice. La collaboration avec
Duccio Tessari fonctionne bien, mais ce film sera le dernier de la série.
Tout comme avec Django, le nom de Ringo sera utilisé, alors que le
personnage n’est même pas dans le film, par des producteurs sans
scrupules afin d’attirer plus facilement le spectateur.
10 – ON L’APPELLE TRINITA (Lo chiamavano Trinita) de Enzo Barboni avec
Terence Hill et Bud Spencer (1970)
Trinita, surnommé « la main droite du diable » pour sa rapidité au tir, est
un cowboy au grand cœur mais roublard et fainéant. En voulant aider un
pauvre Mexicain, il se retrouve dans une petite ville dont le shérif n’est
autre que son frère Plata, « la main gauche du diable ». Ensemble, ils
devront aider une communauté de mormons harcelés par des Mexicains et
un puissant propriétaire terrien.
La série des « Trinita » créera un genre à part entière à l’intérieur du
western spaghetti : le western slapstick. Marque de fabrique du duo
Terence Hill et Bud Spencer, qu’ils utiliseront dans presque tous leurs
films en commun, l’humour est omniprésent et les règlements de comptes
se soldent le plus souvent par de grandes claques plutôt que par le
pistolet. Sergio Leone qualifiera ce genre de film de dégradant pour le
western italien, malgré un succès sympathique, et proposera le rôle titre
de « Mon nom est personne » à Hill, figure désormais emblématique du
western spaghetti.
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Le western spaghetti, bien qu’ayant renouvelé le genre, s’essouffle vite et se
termine à la fin des années 70, la faute à une qualité visant vers le bas. Cela
prouve que si Sergio Leone a lancé un style (mais pas un genre), tout le monde
ne peut l’égaler. La multitude d’essais loupés, comme l’introduction de
personnages asiatiques dans les films, à la manière de « Mon nom est Shanghai
joe » (1972) -le cinéma de karaté est en plein boom-, ne fera que l’enterrer de
plus en plus. Mais de l’autre côté de l’Atlantique, Eastwood est revenu avec de
nouvelles idées, et toute une poignée de réalisateurs, jeunes ou anciens, est
déjà en train de produire un nouveau style, puisant ce qu’il y a de mieux dans
tous les genres, et plus en accord avec son temps : c’est le western
contestataire américain, le western moderne.
http://www.abusdecine.com/
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- Le western spaghetti
Il était une fois en Italie... petit retour sur le western spaghetti.
"... tout ce qu'il nous faut c'est des allumettes et deux couilles. Et je t'assure
que j'ai ça dans mon pantalon..."
Au début des années 60, alors que le cinéma italien se trouve gentiment tiraillé entre de
solides péplums et les débuts d'un fantastique gothique prometteur, quelques réalisateurs
s'essayent au western sans grand succès. Peu de renommée, peu de budget, un public qui ne
suit pas... Le western, genre typiquement américain, car ancré dans une Conquête de l'Ouest
souvent bien farfelue, s'accommode assez mal de la transposition transalpine. Sergio
Corbucci, frais émoulu du péplum, en fait la douloureuse expérience. On ne sait pas trop ce
qui manquait à ces productions d'alors. Une demande peut être, une personnalité propre sans
doute. Là où le péplum tout comme le gothique se sont en effet imposés comme des genres
italiens à part entière, en s'étant affranchis des productions antérieures pour développer leurs
propres clichés, le western vivote encore dans l'ombre de son modèle yankee. Pour autant,
l'Europe se montre loin d'être incapable de faire du western à sa sauce.
Ainsi en Allemagne, une série de romans provoque la saga des Winnetou, des westerns
pacifistes et pro-indiens, auxquels le public local accroche assez rapidement. Qu'ont les
Winnetou de plus que leurs confrères du Nouveau Monde ? Un message et un cadre
verdoyant, qui diffèrent tout simplement, dans un genre où prédominent les plaines arides et
où les Comanches, Sioux et autres Apaches restent les ennemis par défaut. Mais rapidement,
ce que l'on appelait déjà le "western-choucroute" s'enlise. Le public a d'autres attentes. C'est
ici que l'Italie entre en jeu. Loin de délivrer des oeuvres à messages, ou toutefois dans ses
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premiers temps, les réalisateurs italiens vont développer une approche du western sombre,
violente, mais néanmoins très ludique. Le Far West y est fantasmé à l'extrême, les duels
toujours plus improbables, les personnages outranciers... Plus que dans tous les autres genres
que le pays a exploré bon-an mal-an, le western-spaghetti nous montre une industrie du
cinéma pleine de naïveté, où des grands gamins s'amusent comme des fous avec leurs
pistolets en plastique.
Un pistolet pour Sergio
Celui qui mettra les pieds dans le plat sera Sergio Leone. A une heure où son nom est mis à
toutes les sauces, où il suffit de mettre un bonhomme armé dans le désert pour parler de clin
d'oeil à ses films, il est temps de rappeler qui était ce cinéaste et ce qu'était son cinéma. Leone
n'était pas spécialement érudit. Beaucoup l'ont longtemps cru totalement illettré. Leone n'était
pas spécialement un génie qui s'ignore. Sympathique ou caractérielle, la personnalité de
l'homme était étrange, presque lunatique, parfois blessante. Peut être que son admiration pour
John Ford, autre emmerdeur à la réplique cinglante, l'avait poussé par mimétisme à adopter
quelques éléments de son caractère de cochon. Il entre pour de bon dans le cinéma par le biais
d'un péplum, les Derniers Jours de Pompéi, où il partage la réalisation avec Mario Bonnard.
Souvent crédité du seul Leone pour des raisons commerciales, les Derniers Jours de Pompéi
est pourtant, avant tout, un film de Bonnard. Mettant en scène la star Steve Reeves, en prise
avec une guerre de religion, des gladiateurs, diverses bêtes et un volcan qui gronde, les
Derniers Jours de Pompéi reste étonnement peu spectaculaire, malgré une succession de
beaux tableaux et son générique hallucinant où se bousculent Sergio Corbucci, Duccio
Tessari, Enzo Barboni ou encore Lucio Fulci (!). Il y a néanmoins une scène qui porte une
patte léonienne, ou tout du moins qui semble source d'influence pour la future carrière du
réalisateur : un chant nocturne, entonné par les prisonniers d'un cachot. Ce court passage,
lyrique et envoûtant, résume assez bien le cinéma de Leone : un cinéma où la musique se
substitue peu à peu aux mots, où la gestuelle et la mise en scène vaut n'importe quel dialogue.
Il était une fois en Amérique apparaît ainsi quasiment muet, hanté par la performance de
Robert De Niro et les accords de Morricone. Et que dire d'un chef-d'oeuvre de la trempe d'Il
était une fois la Révolution, où un simple plan fixe sur James Coburn sur fond musical
parvient à créer les enjeux de plus de deux heures de film.
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L'oeuvre de Leone se divise en deux catégories : la trilogie de l'Homme sans Nom, soit les
trois évangiles du western-spaghetti, et la trilogie des "Il Etait une Fois", où Leone pousse son
propre style dans ses retranchements, avec tout ce que cela comporte de violence, de lenteur,
d'errances visuelles et de constructions audacieuses mêlant le passé et le présent (un beau
sabotage de conventions d'ailleurs, une histoire débutant par "Il Etait une Fois" appelant
généralement à un déroulement linéaire). Antihéros peu loquace, duels filmés comme des
opéras, fusion artistique totale avec son compositeur fétiche, Ennio Morricone, tout a été dit
sur les westerns de Leone, nombreux sont ceux qui se sont extasiés sur leurs aspects baroques,
macabres voire parodiques. Il y a d'excellents livres sur le sujet qui sont sortis ou ne
manqueront pas de sortir, une analyse complémentaire en ces lignes n'a donc pas beaucoup
d'utilité. Toujours est-il qu'au delà de ses propres obsessions, Leone a révolutionné tout un
genre, dans le but avoué de tuer le western américain. La chose n'était pourtant pas gagnée
d'avance. Dans la gestation de Pour une Poignée de dollars, Leone et ses scénaristes se
heurtent à l'incompréhension quasi-générale, y compris au sein de l'équipe de tournage. Entre
les techniciens qui quittent le navires et ceux qui croient tourner une parodie, la conception du
film a tout du capharnaüm. Au milieu de ce chaos évolue un acteur américain en quête de
reconnaissance, un certain Clint Eastwood, qui ne semble pas plus qu'un autre croire en ce
qu'il fait. Co-scénariste au moment des faits, Fernando Di Leo se souvient : "sur le plateau,
Eastwood semblait détaché. Quand on devait tourner, on allait le chercher, il tournait et puis
il repartait dans son coin. Je crois qu'il nous prenait pour des fous et il y avait de quoi." (*).
Ajoutons à cela un financement aussi anarchique que l'ambiance générale et une sortie-salle
relevant du suicide commercial, et voici un naufrage total. Et pourtant, Pour une Poignée de
Dollars fait un carton. L'homme sans nom devient une figure populaire à part entière,
permettant l'adoption de ce western d'un nouveau type, violent, immoral et poussiéreux. Le
western-spaghetti, comme l'appellera dédaigneusement un journaliste, est né.
On l'appelle Corbucci
Dans le western-spaghetti, il est fréquent, pour des raisons de simplicité, de centrer les
historiques autour de ses trois personnalités les plus marquantes, les "trois Sergio" : Leone,
bien sur, Sergio Sollima, spécialiste des westerns politisés, et Sergio Corbucci. Leone et
Corbucci, deux anciens collaborateurs qui devinrent frères ennemis, nourrissant une rivalité
de bonne guerre, qui était sans doute plus folklorique que légitime. Car à bien y regarder, les
westerns de Leone et Corbucci n'ont pas grand chose à voir. Là où Leone apparaît comme un
metteur en scène exigeant, méticuleux, s'interrogeant sur chaque attitude ou dialogue, Sergio
Corbucci ressemble davantage à l'un de ces mercenaires qui pullulaient dans le cinéma
transalpin d'alors. Si Leone est l'artiste, Corbucci est un artisan, dont la filmographie
imposante compose avec des genres diversifiés. D'honnêtes factures, ses films n'ont pas la
majesté de ceux de Leone, mais s'en différencient néanmoins par leur dureté, leur violence
graphique et leurs idées jusque-boutistes. Les films les plus sombres de Leone n'ont jamais
atteint le niveau de noirceur de certains Corbucci.
20
Après avoir tâté le genre de-ci de-là, notamment avec le très mauvais Ringo au Pistolet d'Or,
Corbucci trouvera son envol en 1966, grâce à Django, un film explosif lorgnant vers Pour
Une Poignée de Dollars. Pour le rôle principal, il embauche, dit-on sur les conseils de son
assistant, un certain Ruggero Deodato, Francesco Montenero, un comédien italien qui tente de
se faire une place sous le nom de Franco Nero. Dans une ville purgatoire envahie par la boue,
où ne semble que subsister un saloon-bordel, Django nous fait suivre les agissements d'un
déserteur nordiste aux méthodes expéditives. Le film commence à peine qu'il y a déjà une
dizaine de morts. D'un point de vue purement formel, Django n'est pas une franche réussite et
son aspect patchwork, tenant plus de l'empilement de scènes que des constructions
minutieuses de Leone, laisse volontiers croire que Corbucci tournait sans scénario. Ce qui
tient Django, ce qui l'a fait entrer au rang de culte au point qu'une copie soit conservée au
Musée d'Art Moderne de New York, c'est son outrance, la folie qui l'habite, permettant des
scènes aussi incroyables que celle d'un Franco Nero, mitrailleuse au poing, dégommant une
horde de fachos aux visages cagoulés. Trois ans après Leone, Corbucci étire à son tour les
codes et les thématiques à l'extrême, synthétisant déjà tout ce que le genre peut avoir de
jouissif, de violent et d'anarchiste. Spectacle décadent, presque vulgaire, Django marque
l'avènement d'un western-spaghetti qui se complait dans la crasse, le sang et les personnages
plus pourris les uns que les autres. Avec Corbucci, le genre est à peine né qu'il trouve déjà sa
quintessence.
L'influence de Django est phénoménale, au point de réhabiliter l'usage de la
mitrailleuse. En 1967, Corbucci persiste dans sa voie vindicative et sort Navajo Joe, western
bourrin mettant en scène Burt Reynolds en indien revanchard. Avec Navajo Joe, qui connaîtra
une lointaine descendance avec les Collines de la Terreur de Michael Winner, Corbucci
montre un autre visage du western-spaghetti, qui s'intéresse aux minorités. En haut de l'affiche
trônent désormais des Indiens, de Mexicains, des bandits, des chasseurs de primes... Il ne faut
pas oublier que le but même des western-spaghetti est de s'adresser à une population italienne
de classe modeste. Inutile de faire de longs et beaux films sur les tribulations d'un banquier et
de sa famille dans l'Ouest sauvage. La rébellion contre l'autorité, l'individualisme gentiment
primaire, le combat pour ses droits deviennent des thématiques récurrentes et appréciées par
un public avide d'évasion et d'identification. En 1969, en marge du sympathique Le
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Spécialiste (avec Johnny Hallyday !), Corbucci livre enfin l'un des films les plus importants
de sa carrière et un magnifique fleuron du genre : le Grand Silence. D'une noirceur abyssale,
Le Grand Silence met en scène Jean-Louis Trintignant et Klaus Kinski dans le cadre
inhabituel d'un Colorado enneigé. Le film brosse le portrait d'un pays sans lois, écumé par des
chasseurs de primes poursuivant sans relâches des fuyards affamés et hagards. Avec son
atmosphère irréelle où le sang contraste violemment avec la pureté de la neige, Le Grand
Silence s'enfonce dans une histoire désespérée où Kinski tire sur tout ce qui bouge pour
s'enrichir, pendant que Trintignant, mystérieux tireur muet surnommé Silence, combat ces
mercenaires mandatés par l'état. Pas de manichéisme, pas d'espoir pour ce film pourtant
capable d'une beauté peu commune, à l'image de cette scène intime où Silence redécouvre
l'amour dans les bras de Vonetta McGee.
Si Corbucci est toujours resté dans l'ombre de Leone, son oeuvre n'en est pas moins
importante. Là où Leone construisait le western à l'italienne, Corbucci, quelque part,
s'acharnait inconsciemment à le détruire, le ramenant film après film vers le point de nonretour. D'ailleurs, ce qui frappe le plus dans les films de Leone et de Corbucci, c'est l'approche
de la mort respective des deux réalisateurs. Chez Leone, la mort des personnages principaux a
toujours une certaine classe notamment dans la série des Il était une fois. Un exemple des
belles morts concoctées par Leone est celle du Cheyenne dans Il était une fois dans l'Ouest,
où la mise en scène, la musique de Morricone, le jeu d'acteur, les dialogues et le travail sonore
contribuent tous ensemble à sublimer cet instant, certes triste -le Cheyenne est un personnage
attachant- mais d'une valeur iconique à toute épreuve. Dans Il était une fois la Révolution,
Leone va plus loin et utilise la mort même pour... caractériser ses personnages. Ainsi se trouve
dans le film un médecin, chef d'un îlot de résistance qui virera collabo au fil de l'aventure.
Dans un dernier sursaut de loyauté, il choisira néanmoins de se sacrifier en l'honneur de la
révolution. Plutôt que de le condamner à une mort sans artifices ni gloire, Leone choisit
d'ériger ce médecin en martyr, traduisant là son appartenance au camp des "bons" -le salaud
de service écopant pour sa part d'une mort bien moins digne, roulant dans la poussière-.
L'approche de Corbucci est bien plus radicale. Les corps tombent dans la boue et les
personnages meurent comme des chiens, de préférence dans le sang et la douleur causée par
une balle mal placée. Sous la caméra de Corbucci, ce sont les premiers pas du western dit
crépusculaire qui se dessine, tel qu'il sera développé plus tard par Sam Peckinpah.
Coup de feu sur Almeria
L'après Leone est une période schizophrène où les cinéastes s'inspirent du précurseur pour
mieux s'en éloigner. Il y a ceux qui restent prudemment dans une approche italo-yankee,
livrant des films aussi inintéressants que Duel au Texas. Western sans surprise ni intérêt, Duel
au Texas a tout de même pour lui un personnage, Gringo, qui fera son petit bonhomme de
chemin dans le genre. Bandit sans réelle personnalité incarné ici par le culturiste Richard
Harrisson, autre recyclé du Péplum, Gringo dégaine ici le premier dans une histoire de
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vengeance déjà banale. De l'autre côté du prisme, il y a ceux suivant plus volontiers le sillage
de Leone, permettant pléthore d'étrangers belliqueux et/ou de titres à "dollars", comme le
Dollar Troué de Giorgio Ferroni. Enfin, en marge de tout ceci, il y a ceux qui voient en Leone
un moyen plutôt qu'une finalité. L'enfant terrible qui va en naître se nomme Ringo, avec
l'Homme sans Nom, le premier personnage clé du genre. Il a un nom, il a un style et surtout, il
est 100% italien. Campé par Guillamo Gemma, Ringo, tel qu'il apparaît dans Un Pistolet pour
Ringo, est une sorte d'aventurier débonnaire et sympathique qui, affranchi des poncifs
leoniens, n'oublie pas de sortir un mot d'esprit avant de faire le coup de feu. Avec cette
approche décomplexée, amusante sans être totalement parodique -on touche plus volontiers à
l'absurde-, l'excellent Duccio Tessari annonce une autre veine du western-spaghetti, qui
finalement ne demandait qu'à rire de lui-même. Le personnage de Ringo fait mouche dans le
coeur du public italien qui trouve enfin un héros qui lui ressemble. Car tout emblématique soit
Clint, il n'était jamais qu'Américain... Une autre branche du western-spaghetti se met à
pousser, celle d'un western propre, presque gentillet, très divertissant. Les westerns de Leone
sont lourds : l'ambiance n'y est pas au beau fixe, la guerre fait des ravages, les valeurs
n'existent pas. Tessari et Ringo renouent avec un aspect ludique, qui en filigrane nous dit que
tout ceci n'est pas sérieux. Côté production, le filon s'exploite et déjà la contrefaçon pointe son
nez. Si Tessari pond un de ses meilleurs films avec Le Retour de Ringo, dont la tonalité
sérieuse et sombre en déconcertera plus d'un, nous retrouvons Sergio Corbucci à la barre
d'une belle pantalonnade, Ringo au Pistolet D'Or (alias Johnny Oro). Dans le rôle titre, Mark
Damon compose un cow-boy d'opérette, souriant et relax, qui comble de tout passe la plupart
du film enfermé en prison. Sans être totalement honteux, le résultat fait peine à voir.
Si Leone et Corbucci sont les deux piliers de cette période, il ne serait pas juste d'oublier
d'autres films restés dans l'ombre de ces deux maîtres, mais qui chacun ont apporté leur pierre
à l'édifice. Ainsi, Pas de Pitié pour les Salopards en 1968, western au ton léger s'achevant sur
une étonnante rupture de ton. Avec Lee Van Cleef en bandit sympathique et Bud Spencer sans
sa barbe, ce film insolite de Giorgio Stegani témoigne, de par sa forme même, de la dualité de
l'époque, tiraillée entre le désir de s'amuser et celui de faire dans le sérieux. Ouvertement
parodique, Enzo Castellari livre avec Je Vais Je Tire et Je Reviens une épopée picaresque
autour d'une cargaison d'or, débutant sur une scène folle où l'Homme sans Nom, Django et un
clone de Lee Van Cleef sont abattus par un George Hilton souriant. Très sérieux est en
revanche Tire Encore si Tu Peux, film violent à l'ambiance lourde, habilement emballé par
Guilio Questi. Scalp en gros plan, viol homosexuel, les excès de ce western sordide et lent
surprennent, lorsque son atmosphère ne flirte pas avec le gothique et le surnaturel. Peu
guilleret est également La Mort était au rendez-vous, histoire de vengeance peuplée de
gueules signée Guilio Petroni, dont l'introduction magnifique et le final furieux restent des
moments d'anthologie. L'alcool, lorsqu'il ne coule pas à flots au saloon, est également au
centre des débats. En témoignent Pistolet pour un Massacre, petit western vite emballé par
Umberto Lenzi, et El Puro, d'Edoardo Mulargia. Le premier, sempiternelle histoire de
revanche sauvée par quelques idées folles, met en scène un héros, buveur d'eau pour des
questions religieuses. Des considérations théologiques qui ne l'empêchent pas d'user de la Loi
du Talion, allant jusqu'à sauver un malfrat de la pendaison pour pouvoir le plomber lui-même.
Plus surprenant est El Puro, où un pistolero alcoolique passe son temps à éviter le combat.
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Alors qu'approchent les années 70, les concepts fusent et les castings se diversifient. En 1968
et 69, un scénariste du nom de Dario Argento enquille sans trop se fouler deux histoires quasisimilaires. L'une deviendra Cinq Gâchettes d'Or, tourné par Tonino Cervi, film sans grand
intérêt où un groupe de mercenaires s'en va flinguer une fripouille japonaise (Tatsuya
Nakadai, qui cabotine atrocement). L'autre servira à un film de Don Taylor, le bien plus réussi
Cinq Hommes Armés, où Peter Graves recrute une troupe de bandits -dont le Japonais
(décidément) Tetsuro Tamba - pour attaquer un train d'or. Déjà enfermé dans son éternel rôle
"je mange, je tape", nous croisons au passage le bon vieux Bud Spencer venu cachetonner
dans les deux productions. Il est heureux de voir que ce flagrant délit de poil dans la main
n'aura pas profité qu'à Argento... Enfin, si 1966 était l'année Django, 1969 sera celle de
Sabata, un héros autrement plus excentrique créé par Gianfranco Parolini. Toujours en
costume noir, le même depuis le Bon la Brute et le Truand, Lee Van Cleef interprète ici avec
bonne humeur une sorte de chasseur de prime rusé, quasi invincible grâce à ses gadgets
farfelus. La légèreté et l'action sont ici de mises pour ce personnage haut en couleurs et sa
petite bande, évoluant dans un Far West de carnaval. Pour ne pas s'arrêter en si bon chemin,
Parolini met sur pied dans la foulée un autre cow-boy tout de noir vêtu : Sartana, campé par
Gianni Garko. Très rapidement construite, la franchise Sartana tombera aussi rapidement
dans le n'importe quoi, à l'image de ce merveilleux titre de Demofilo Fidani : Sartana, si ton
bras gauche te gêne, coupe-le. On s'incline.
Comme souvent, avec les années 70, l'audace franchit un palier. Le premier à en faire des
frais sera Sabata, à qui Gianfranco Parolini offre une vraie-fausse trilogie. Si Le Retour de
Sabata, gentillet et spectaculaire, s'inscrit dans la lignée du premier épisode, Adios Sabata,
son prédécesseur, change radicalement la donne. Yul Brynner remplace Lee Van Cleef, Bruno
Nicolai vient assurer la musique et l'humour disparaît au profit d'une tonalité sombre et
mélancolique. A l'arrivée, ce volet un peu à part est un excellent western, hanté par la
présence d'un mercenaire enfantin passé maître dans le lancement de billes de métal. De son
côté, Sartana rencontre Django dans le bien nommé Sartana défie Django, sous la tutelle plus
ou moins compétente de Demofilo Fidani. Le résultat sans être ébouriffant échappe au pire et
permet un duel final honnête où les deux légendes s'offrent un numéro de frime avant de partir
chacun de son côté. L'Asie titille toujours les producteurs et en 1973, Antonio Marghereti
tourne un joyeux western-kung fu, La Brute, le Colt et le Karaté. Après un improbable
prologue en Chine, le film retourne sur les terres desséchées d'Almeria, où Lee Van Cleef et
Lo Lieh (la Main de Fer) partent à la recherche d'une carte au trésor, dont les fragments sont
tatoués sur les fesses de jeunes femmes ! Plus habitué aux ambiances gothiques qu'au cinéma
d'arts martiaux, en témoigne la présence d'un inquiétant personnage de prêtre fou, Margheriti
s'en sort avec les honneurs et offre un film rythmé et bien pourvu en scènes d'action. La
moindre n'est pas le final où Lo Lieh tatane à tout va pendant que Lee Van Cleef règle ses
comptes torse nu. Une belle réussite qui enfantera le terrible Mon Nom est Shangai Joe, où
Chen Lee partage l'affiche avec Klaus Kinski.
L'arme à gauche
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Le western-spaghetti était avant tout un
divertissement populaire, plébiscité, par exemple, par
les ouvriers. Un fait qui a rejaillit sur l'aspect
idéologique du genre. Anarchiste, gauchisant,
vindicatif, le western-spaghetti est un peu le western
de la rébellion et de la revanche contre l'ordre établi.
Une tendance qui déteindra plus tard sur le polar
italien, plus ancré dans la rue que dans les hautes
sphères. Parfois par simple allusion, à l'image de
Django exterminant le Klu-Klux-Klan local dans le
film éponyme, la politisation du western italien donna
lieu à de véritables brûlots qui, si l'on excepte
quelques incontournables du genre comme Le Dernier
Face à Face, trouvèrent un cadre idéal dans la
révolution mexicaine. Le schéma type étant celui du
brave péon illettré abusé par un gringo sans-scrupules,
venu rejoindre les révolutionnaires pour faire capoter
l'entreprise en sous-main. Le Mercenaire, de Sergio
Corbucci (1968), oppose ainsi Kowalski, un visage
pâle profitant des troubles ambiants pour s'enrichir, à
Paco, Mexicain qui prend les armes pour l'amour de
son pays. Ce beau pas de deux entre Franco Nero et
Tony Musante terminera néanmoins sur une note
d'amitié et d'optimisme, qui sied parfaitement à ce western au ton parfois léger. Tout le
contraire d'El Chuncho (1967), de Damiano Damiani, voyant le truculent Chuncho, campé par
Gian Maria Volonte, se faire avoir en beauté par un agent du gouvernement américain venu
assassiner le principal chef de la révolution. Tour à tour picaresque et sinistre, le tout
s'achèvera dans un final jouissif, où Volonte plombe son adversaire à bout portant, avant
d'haranguer le peuple, l'encourageant à "ne plus acheter du pain, mais de la dynamite".
Imparable.
El ChunchoMais la référence en la matière est bien sûr Il Etait une Fois la Révolution, de
Leone. Un temps prévu pour Sam Peckinpah -à qui le sujet aurait convenu comme un gant-, Il
Etait Une Fois la Révolution réunit Rod Steiger et James Coburn, deux personnages que tout
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oppose, participant malgré eux au soulèvement par un effet boule de neige. Souvent dénigré,
Il Etait Une Fois la Révolution est peut-être le film le plus beau mais aussi le plus nihiliste fait
par Leone. Débutant comme un pur western fantaisiste, avec un braquage de diligence à la
chorégraphie folle, les tribulations du brave Juan, bandit braillard et sans éducation, basculent
dans un monde de moins en moins insouciant alors que sa route croise celle de John Mallory,
un ancien artificier de l'IRA obsédé par la dynamite. Un personnage qui symbolise la fin d'une
époque, où les motos et les armes automatiques remplacent les chevaux et les six-coups. Il
était une fois la Révolution se construit sur cette opposition constante, John paraissant de plus
en plus séduit à l'idée de changer le monde alors que Juan ne semble prendre son nouveau rôle
de guérilleros que comme un travail de plus, au point de refuser de se considérer comme un
révolutionnaire. Il était une fois la Révolution prend alors une allure de réflexion
désenchantée, ramenant les idéaux du sujet à un niveau tristement terre à terre, celui d'un
pauvre type cherchant tant bien que mal à s'adapter à un nouvel environnement, devenant un
héros par accident. A l'inverse, John Mallory apparaît comme un homme brisé, qui n'a que
trop conscience de l'univers dans lequel il vit. Hanté par un passé trouble, il cherchera dans la
révolution une raison de vivre, voire la rédemption et deviendra le guide d'un Juan désorienté
par sa nouvelle réalité. Chef d'oeuvre tragique sur la perte des illusions et la fin d'un monde, Il
était une fois la Révolution restera le dernier western de Leone, ainsi que son film le plus
politique, truffé qu'il est de références au nazisme.
Le western-fayot
Nous l'avons vu, le western-spaghetti a compris très tôt qu'un peu d'humour ne faisait pas de
mal, à travers des titres comme Je Vais Je Tire et je Reviens, Un Pistolet pour Ringo, Pas de
Pitié pour les Salopards. Pourtant, à partir de la fin des années 60, la tendance va
complètement dégénérer en un festival gras et parodique n'ayant plus rien à voir avec les
débuts solennels du genre. Les codes sont devenus tellement étirés, tellement rouillés, qu'ils
ne peuvent plus qu'amener le rire, une plongée qui amènera le genre les tréfonds de la grosse
comédie, entre batailles de baffes, cow-boys hirsutes et feignants et duels meurtriers presque
inexistants. Cette vague parodique, qui débuta plus ou moins avec Les Quatre de l'Ave Maria
de Ferdinando Baldi, trouvera sa réelle amorce avec le diptyque Trinita (1970 et 71), signé
Enzo Barboni, vieux routier du cinéma italien qui officia notamment comme cameraman. On
l'Appelle Trinita introduit pour de bon le couple Terence Hill et Bud Spencer, respectivement
Trinita et Bambino, deux frères brouillés qui trouvent un terrain d'entente sur le terrain de la
baston. Le duo, parfaitement invraisemblable et donc parfaitement comique, fonctionnera si
bien qu'il perdurera jusque dans les années 80 -avec un petit come-back en 94, Petit Papa
Baston- et les deux acteurs deviendront les Astérix et Obelix du cinéma transalpin. Pour
autant, On l'Appelle Trinita garde quelques stigmates du western traditionnel : Trinita et
Bambino ont beau engloutir d'énormes plats de haricots -d'où le terme "western fayot"-, ils
défouraillent plutôt vite et n'hésitent pas à descendre quelques sbires, dont l'un finira châtré
dans une scène singeant Django. On Continue à l'Appeler Trinita évolue pour sa part dans la
grosse comédie. Trinita et Bambino mangent comme des gorets dans un restaurant huppé,
Trinita et Bambino confrontés à un bébé pris de flatulence, Trinita et Bambino sauvent la
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veuve et l'orphelin, autant de gags et de bonne humeur où les fusillades n'ont plus leur place.
Curieusement après ces deux coups d'éclats, Terence Hill et Bud Spencer commenceront par
évoluer chacun de leurs côtés. Terence Hill obtient ainsi le rôle d'un pied tendre dans Et
Maintenant, On l'Appelle El magnifico du même Barboni, production gentillette contenant
quelques bagarres mémorables, pendant que Bud Spencer continue d'assommer les vilains
dans un western au titre plein de saveur, Amigo, mon colt a deux mots à te dire, où vient
également grimacer Jack Palance. Divertissant et amusant, Amigo, mon colt a deux mots à te
dire n'est pas vraiment un film renversant, mais la relation touchante entre Bud Spencer,
sympathique voleur de chevaux, et un enfant orphelin permet à l'acteur de se dévoiler dans un
registre inattendu. Le tout n'en reste pas moins une foire d'empoigne rigolarde où le colosse
bougon n'en fini plus de tomber sur des malandrins et de cabosser leurs sommets de crâne.
Les rejetons de Trinita ne se font pas attendre et l'on assiste à quelques contrefaçons. Exemple
parmi d'autres, Django Prépare ton Cercueil (1968), western tout ce qu'il y a de plus sérieux
avec Terence Hill (qui entretenait alors une certaine ressemblance avec Franco Nero), se voit
tout bonnement retitré Trinita Prépare ton Cercueil et exploité en vidéo sous l'angle comique.
Plus fins ou presque sont des films comme Sabata, le Retour de Sabata, On M'Appelle
Alléluia (1971), On M'Appelle Providence (1973) qui évoluent davantage dans la légèreté ou
le burlesque avec un certain bonheur et font office de survivants face à tous ces fayots. Le
personnage d'Alléluia, campé originellement par George Hilton, sera d'ailleurs décliné et
rencontrera Sartana dans Alléluia et Sartana, fils de...A l'inverse, d'autres films comme
Cippola Colt (1975), dont Enzo Castellari a toujours très honte, rappellent que le westerncomique a plus qu'à son compte viré vers le n'importe quoi et l'insupportable. En 1973, ahuri
par tant de médiocrité, Sergio Leone tente de clore le chapitre avec Mon Nom est Personne,
rencontre au sommet entre Henry Fonda et Terence Hill faisant office de passage de témoin.
Magnifiquement réalisé par Tonino Valerii, à qui l'on doit quelques titres solides comme Le
Dernier Jour de la Colère ou encore l'excellent Une Raison pour Vivre, Une Raison pour
Mourir (une version western des 12 Salopards, où Bud Spencer, James Coburn et quelques
autres participent à l'assaut-suicide d'un fortin sudiste), Mon Nom est Personne n'est rien de
moins qu'un chant du cygne, où la mélancolie s'entremêle de gags goguenards -dont on
devrait la présence, comble de tout, à Sergio Leone-. Henry Fonda sort de la scène, Sam
Peckinpah est littéralement enterré et Terence Hill reste maître de la place où s'agitent
(vainement ?) ses propres successeurs. Avec ce film, Leone veut mettre le point final à son
propre chapitre. Après lui, le déluge...
Keoma, prépare ton cercueil !
Si les tentatives de marier le western italien avec les saveurs de l'Asie montrent une volonté
de renouvellement, les années 70, à mesure qu'elles avancent, seront marquées par la fin et le
désintérêt progressif du genre. Malgré sa suite sympathique, Un Génie, Deux Associés Une
Cloche, Mon Nom est Personne indique clairement qu'il est temps de tourner la page.
Paradoxalement, la fin du western-spaghetti sera marquée par des titres très crépusculaires
n'ayant aucun rapport avec l'ambiance joyeuse du western-fayot. Lucio Fulci livrera ici un
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film très pessimiste, et l'un de ses meilleurs, Les Quatre de l'Apocalypse. Sergio Martino
accouchera pour sa part de Mannaja l'Homme à la Hache, oeuvre violente à l'ambiance
onirique. L'un des derniers grands western-spaghetti reste Keoma. Oeuvre envoûtante -et un
peu hippie, avouons le- signée Enzo Castellari, Keoma reprend grosso-modo la base de
Django -à qui divers hommages seront rendus-, avec toutefois un traitement complètement
différent. Film en totale apesanteur, Keoma joue avec une ambiance à la lisière du fantastique,
au symbolisme christique ou mortuaire. Porté par une bande originale hypnotique et la
réalisation toute en ralentis de Castellari, Keoma décrit un monde à l'agonie, traversé par la
silhouette inquiétante d'une mystérieuse vieille femme. Pessimiste de par son sujet -un métis
indien combat seul contre tous pour la liberté de son coin de terre- le film prend des allures
tragiques, alors que la quête du personnage principal le mène dans une guerre fratricide à la
conclusion sombre et déconcertante.
Chassé tout à la fois par le cinéma policier, le giallo et le cinéma d'horreur, le western italien
fini par disparaître des carnets des producteurs. Les cinéastes, souvent habitués à zapper d'un
genre à l'autre, tourneront donc le dos au genre pour chercher le travail où il se trouve. Leone
met en place le projet titanesque qui deviendra Il Etait une Fois en Amérique. Corbucci pond
un ultime western en 76, Le Blanc, Le Jaune et Le Noir, avant de tourner casaque à son tour.
Il donnera par la suite au duo Terence Hill et Bud Spencer quelques un de ses meilleurs films.
La même année que Keoma, Enzo Castellari sortira Racket, tonitruant polar dont le tableau
alarmiste et la démesure annoncent pour beaucoup le Hard Boiled de John Woo. Quand à
Lucio Fulci, il persévérera dans la voix du sang, qui le mènera à la notoriété qu'on lui connaît
aujourd'hui. Un constat qui met finalement en lumière une autre particularité du western
italien. Leone mis à part, il n'y avait pas vraiment de réalisateurs réellement attachés au genre,
comme pouvait l'être un Ford ou un Walsh. De ce côté de l'Atlantique et des Alpes, tout cela
n'était qu'une question de mode et de goût, même si certains cinéastes -il est vrai, récurrentscomme Corbucci ou Valerii ont donné le meilleur d'eux même pour accoucher de réels chef
d'oeuvres. Le western italien n'aura duré grosso-modo qu'une dizaine d'année. Le western
américain est né avec le cinéma américain et mourra probablement avec celui-ci. Là bas, de
Clint Eastwood à Kevin Costner (Open Range) en passant par Lawrence Kasdan (Wyatt Earp)
ou Ron Howard, la légende du Far West n'en finit plus de perdurer. Quand à son cousin
spaghetti à l'histoire si brève, il aura eu le mérite de construire une imagerie vivace : de grands
manteaux, des gros plans sur les yeux, des gueules mal rasées, des déserts brûlants, autant de
clichés qui lui succèdent désormais et alimentent toujours le cinéma actuel. Avant, un
réalisateur comme Leone était conspué par la critique bien pensante. A présent, il est du
dernier chic de se réclamer de ce cinéma. Belle revanche pour les pistoleros de Cinecitta...
Hollywood/Cinecitta, le Grand Duel
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Lee Van Cleef"John Wayne est un gros nul, je préfère Clint Eastwood". Voila une assertion
qui nourrie bien des débats sur le western, où ne manque pas de se créer un schisme entre les
pro-américains et les pro-spaghettis. Il est vrai que John Wayne, puisqu'on parle de lui,
modèle de droiture, fait pâle figure face aux enfoirés tout sales des productions transalpines.
Quand en plus le Duke s'affiche dans des films qui sont parfois d'un classicisme désespérant,
il est tout à fait compréhensible de préférer l'école des gros zooms, de la violence et des
personnages cyniques. Mais si John Wayne -qui par ailleurs a fait d'excellent films, comme
Alamo- est devenu le symbole du western US, celui-ci ne se limite à cet acteur emblématique
et l'on peut trouver des films plus déviants ou originaux, prouvant qu'il y a bien une passerelle
entre les deux rives de l'Atlantique. Ainsi, dans le style ou la caractérisation des personnages,
un western comme L'Homme aux Colts d'Or annonce déjà ce que sera la déviation du genre
selon Leone. D'ailleurs ce film n'était-il pas un des préférés du réalisateur ? Dans le même
ordre d'idée, des réalisations vraiment subversives à leurs époques, comme la Flèche Brisée,
ont sans doute montré la voie aux Winnetou et autres Navajo Joe. Un autre grand film qui
aurait pu être italien est Les 7 Mercenaires. Avec sa trame inspirée de Kurosawa -rappelons
ici que Pour une Poignée de Dollars n'est jamais qu'une adaptation de Yojimbo-, ses
flingueurs troubles, son casting de gueules et ses Mexicains à défendre, le classique de John
Sturges a sans doute fait son petit effet en Europe, ne serais-ce que par son sujet (difficile de
ne pas faire le parallélisme avec un film comme Cinq Gâchettes d'Or, aussi médiocre soit-il).
Une fois le western-spaghetti bien en place, il est possible de constater quelques fascinants cas
de transfusions à double-sens. L'exemple le plus marquant reste sans doute La Horde
Sauvage, en 69. Un film culte, sevré à la violence transalpine et au cinéma de Leone, qui
trouve son point d'orgue dans un final épique et traumatisant, où Peckinpah joue de la
mitrailleuse comme Corbucci en son temps. Peckinpah qui influencera ensuite des cinéastes
comme Enzo Castellari ou Leone lui-même, les deux réalisateurs ayant développé une
thématique dédiée à la mort de l'Ouest. La boucle est bouclée.
"Tu aimes la musique, Tuco ?"
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Que serait le western italien sans ses accords lancinants ? Lorsque l'on évoque le genre, c'est
bien sur la musique d'Ennio Morricone qui vient à l'esprit, lui qui fut en harmonie totale avec
son réalisateur fétiche, Sergio Leone. Pour Leone, Morricone créera un de ses plus beau
thème, The Ecstasy of Gold, soulignant dans Le Bon la Brute et le Truand la course folle de
Tuco dans le cimetière de Sad Hill, à la recherche de son trésor. Il aura aussi la lourde charge
d'envelopper certains personnages d'une mélodie récurrentes qui leurs seront propres, comme
dans Il Etait Une Fois dans l'Ouest -le fameux thème à l'harmonica- ou Il Etait une Fois la
Révolution -le "Sean Sean... Sean Sean", rattaché à James Coburn-. D'un Sergio à l'autre,
Morricone composera également le magnifique score du Grand Silence, musique subtile et
mélancolique parfaitement en phase avec les paysages enneigés du film. Le Mercenaire,
Teppepa, Mon Nom est Personne -où l'artiste s'essaye agréablement à la parodie-, On
M'Appelle Providence, Mais Qu'est ce que Je Viens Foutre au Milieu de cette Révolution ?,
autant de titres parsemant le western italien où Morricone apporte sa patte inimitable, trouvant
toute sa grâce dans l'utilisation des choeurs. Mais Morricone, loin de se limiter au western, se
distingue dans le cinéma transalpin tout entier, travaillant pour Argento, Pasolini, Sergio
Sollima, ou en surélevant simplement des réalisations plus modestes.
Issu de l'écurie Morricone, Bruno Nicolai est également un compositeur marquant du western
italien. Ses mélodies, emplies de ruptures de ton soudaines, ont apporté une aura
supplémentaire à des films comme Adios Sabata, pour qui il livre un score superbe, Mon Nom
est Shangai Joe ou encore quelques épisodes de Sartana.
Plutôt connu chez Ruggero Deodato, Riz Ortolani est un spécialiste des thèmes décalés, dont
la beauté tranche avec la crudité des images. Il n'y avait que lui pour illustrer Cannibal
Holocaust ou encore La Maison au fond du Parc. Dans le western, on le retrouve sur le douxamer Pas de Pitié pour les Salopards, ainsi que dans l'entourage de Tonino Valerii, avec Le
Dernier Jour de la Colère et Une Raison pour Vivre, Une Raison pour Mourir. Dans sa
filmographie, on notera une curiosité, l'Homme Aux Nerfs d'Acier, bon petit polar où Lee Van
Cleef donne la réplique à Jean Rochefort !
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"Toum toum toudoudoum... Djaaangoooo...." Derrière cette imparable rengaine, l'Argentin
Luis Bacalov. Si la chanson générique de Django, un chouia ringarde, peut faire sourire, son
thème tout en cuivres, lourd et belliqueux, complète à merveille les exactions de Franco Nero.
Artiste très prolifique, nous le retrouvons ici derrière le score d'El Chuncho, du Grand Duel musique qui fut d'ailleurs reprise par Tarantino dans Kill Bill- ou encore Amigo, Mon Colt a
Deux Mots à te Dire. Evoluant également dans le polar italien, Bacalov était en outre un
habitué des films de Fernando Di Leo. Dans un tout autre registre, le film Le Facteur lui
permettra de gagner l'oscar de la meilleure musique en 1995.
Immortel compositeur d'Anthropophagous, du Journal érotique d'une Thaïlandaise ou des
ahurissantes croûtes spatiales d'Alfonso Brescia, Marcello Giombini restera ici pour ses
thèmes joyeux dédiés au premier et dernier Sabata. Moins connues sont ses autres prestations
pour La Mort pour un Dollar ou Ringo Le Hors la Loi.
Présents aux génériques de tout un tas de séries B voire Z italiennes -La Guerre du Fer, 2019
après la Chute de New York, l'irregardable Banana Joe, La Mort au Large, La Montagne du
Dieu Cannibale...- Maurizio et Guido de Angelis sont les principaux responsables de la bande
originale de Keoma, entreprise qui a manqué de tourner au désastre. Alors qu'on leur fourni
des notes sur l'état d'esprit du personnage principal, afin qu'ils puissent s'en inspirer, les deux
larrons en font les paroles littérales des chants. Le résultat, forcément d'une écriture un peu
pauvre, sauve heureusement les meubles et reste en parfaite osmose avec ce western fascinant.
Maurizio et Guido de Angelis ont par ailleurs travaillé avec Castellari sur Cippola Colt, ainsi
que sur plusieurs de ses polars (Racket, Un Citoyen se Rebelle, etc.). Parmi la collaboration
des deux compositeurs avec Sergio Martino, mettons également en avant la très belle musique
accompagnant Rue de la Violence, sombre polar où un commissaire aux méthodes radicales
s'en va venger un ami, sur fond d'Italie en perdition.

Par Lestat
05 Jan 2007
Remerciements aux éditions Wild Side
(*)HS Mad Movies : L'âge d'or du cinéma de genre italien
http://cinema.krinein.fr/
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