Infections virales chez les patients transplantés
Transcription
Infections virales chez les patients transplantés
$0.1-*$"5*0/4*/'&$5*&64&4"13453"/41-"/5"5*0/ 5)."5*26&5"1&3 Infections virales chez les patients transplantés Michel Segondya,* RÉSUMÉ L iinfections Les f ti virales i l représentent é t t une complication li ti extrêmement tê t fréquente fé t et souvent sévère des transplantations d’organes solides ou de moelle osseuse. Certaines de ces infections virales peuvent être transmises au receveur par l’organe provenant d’un donneur infecté. Des mesures de prévention basées sur la détection et l’exclusion des donneurs infectés limitent toutefois considérablement ce risque pour les virus des hépatites B et C, le VIH et le HTLV-1. Les traitements immunosuppresseurs destinés à prévenir les rejets de greffe créent des conditions favorables au développement d’infections opportunistes, au premier rang desquelles se placent les virus de la famille des Herpesviridae : CMV, HSV-1 et 2, VZV, EBV, HHV-6. Les infections à virus BK ou à adénovirus peuvent avoir également des répercussions sévères chez ces patients. Les infections à HSV-1 et 2 ou à CMV peuvent être prévenues par l’administration d’antiviraux en traitement prophylactique. Le traitement des infections repose sur l’utilisation d’antiviraux (HSV-1 et 2, VZV, CMV, virus BK, adénovirus), d’un anticorps monoclonal anti-lymphocytes B (EBV), ou encore sur la diminution de l’immunosuppression (virus BK). Transplantation – immunodépression – virus. 1. Introduction Les sujets transplantés sont des sujets à haut risque pour la survenue d’infections virales potentiellement graves. La transplantation par elle-même est susceptible de transmettre une infection virale par l’intermédiaire du greffon ; ce risque est toutefois limité par les mesures actuelles de prévention. Les sujets transplantés sont sévèrement immunodéprimés par les thérapeutiques destinées à prévenir ou à combattre le rejet de greffe. Cette immunosuppression concernant l’immunité à médiation cellulaire induit une sensibilité particulière à certains virus dits opportunistes. a Pôle d’infectiologie – Laboratoire de virologie Centre hospitalier universitaire de Montpellier 80, av. Augustin-Fliche 34295 Montpellier cedex 5 * Correspondance [email protected] article reçu le 11 février, accepté le 16 avril 2008. © 2008 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés. SUMMARY Viral infections among transplant recipients Viral infections represent a very frequent source of morbidity and mortality in solid organ or bone marrow transplant recipients. Some of these infections may be transmitted by the transplant from an infected donor. Measures of prevention based on donor testing reduce considerably the risk of transmission of hepatitis B and C viruses, HIV-1 and HTLV-1. Immunosuppressive treatments, administered to prevent graft rejection, predispose the transplant recipients to the development of opportunistic infections mainly represented by viruses belonging to the Herpesviridae family such as CMV, HSV-1 and 2, VZV, EBV and HHV-6. Infections with BK virus or adenoviruses may be also associated with severe consequences. HSV-1 and 2 as well as CMV infections may be prevented by prophylactic administration of antiviral drugs. Treatment of opportunistic viral infections in transplant recipients is based on the administration of antiviral drugs against HSV-1 and 2, VZV, CMV, BK virus or adenoviruses. Lymphoproliferative disorders associated with EBV are treated with an anti-B lymphocyte monoclonal antibody, whereas immunosuppression reduction represents a successful strategy for BK virus infection. Transplantation – immunodeficiency – virus. Cette sensibilité peut s’exprimer lors d’une primoinfection par des tableaux cliniques beaucoup plus marqués que chez les sujets immunocompétents, mais elle peut aussi s’exprimer par des infections secondaires dues à la réactivation de virus latents ou à une réinfection. Alors que ces infections secondaires restent généralement asymptomatiques chez les sujets immunocompétents, elles sont souvent symptomatiques et parfois sévères chez le transplanté. Le type de transplantation et le protocole d’immunosuppression mis en œuvre ont une influence majeure sur le risque viral. De ce fait, le risque pour les différents virus ne sera pas identique pour les transplantés de rein, de foie, de cœur ou cœur/poumon, ou de moelle osseuse. REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JUIN 2008 - N°403 // 31 2. Les infections virales chez les transplantés 2.1. Infections virales communautaires Les patients transplantés n’ont pas un risque accru de contracter une infection virale communautaire, infections respiratoires en particulier (grippe, virus respiratoire syncytial, adénovirus, rhinovirus, etc.). Toutefois le risque de forme sévère est majoré. Les patients les plus à risque d’infection respiratoire sévère sont les transplantés pulmonaires et les receveurs de moelle osseuse allogénique [15, 25, 27]. Les infections à parvovirus B19, transmises essentiellement par voie respiratoire, peuvent être la cause d’une anémie intense et persistante chez les transplantés [12, 48]. 2.2. Infections virales transmissibles par la transplantation Les organes solides ou la moelle osseuse prélevés chez le donneur peuvent héberger des virus qui sont en fait les mêmes que ceux pouvant être transmis par transfusion sanguine. Le risque est particulièrement élevé avec les virus pouvant donner des infections persistantes tels que les virus des hépatites B (HBV), C (HCV) et delta, le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), le human T-cell lymphotropic virus type 1 (HTLV-I), le cytomégalovirus (CMV) ou le virus d’Epstein-Barr (EBV). Il existe aussi un risque minime pour des virus pouvant donner une virémie transitoire, la probabilité que le donneur soit infecté au moment du don étant extrêmement faible. Il s’agit en particulier des virus des hépatites A (HAV) et E (HEV), du parvovirus B19, du virus West Nile, ou autres arbovirus (dengue, chikungunya…) ou de virus de fièvres hémorragiques (Ebola, fièvre de Lassa, etc.) (tableau I). Ce risque est bien sûr majoré dans un contexte épidémique où le risque d’infection chez le donneur est augmenté. Ceci est illustré par la transmission de virus West Nile par transplantation d’organes aux États-Unis lors de l’apparition et de la propagation de ce virus sur le continent américain. La survenue de formes graves d’infection sous forme de méningoencéphalites souvent mortelles chez les transplantés contaminés mérite d’être soulignée [7, 10]. Tableau I – Infections virales transmissibles par transplantation d’organe ou de moelle osseuse. Virus responsables d’infections persistantes (risque élevé de transmission) Herpesviridae - Cytomégalovirus (CMV)* - Virus d'Epstein-Barr (EBV)*/** - Herpesvirus humains 6 et 7 (HHV-6, HHV-7)** - Herpesvirus humain 8 (HHV-8)*** Virus de l'immunodéficience humaine (HIV-1, HIV-2)* Human T cell leukemia/lymphoma virus type 1(HTLV-1)* Virus de l'hépatite B (HBV)* Virus de l'hépatite C (HCV)* Polyomaviridae - Virus BK** - Virus JC** Virus responsables d’infections transitoires (risque très faible de transmission) Parvovirus B19 Virus de l'hépatite A (HAV) Virus West Nile Autres arboviroses (fièvre jaune, dengue, chikungunya, etc.) Fièvres hémorragiques (Marburg, Ebola, etc.) * Prévention par les tests sérologiques chez les donneurs. ** Risque faible de primo-infection après transplantation car la très grande majorité des sujets sont infectés par ces virus avant transplantation. *** Risque faible en raison de la faible prévalence de ce virus chez les donneurs. Tableau II – Infections virales opportunistes chez les transplantés. Virus Herpesviridae - Virus Herpes simplex types 1 et 2 (HSV-1, HSV-2) - Virus de la varicelle et du zona (VZV) - Cytomégalovirus (CMV) - Virus d'Epstein-Barr (EBV) - Herpesvirus humain 6 (HHV-6) - Herpesvirus humain 8 (HHV-8) Polyomaviridae - Virus BK - Virus JC Adénovirus Papillomavirus Fréquence * +++ +++ +++ ++ ++ + ++ + + ++ * En l’absence de traitement préventif. 2.3. Infections virales opportunistes chez les transplantés Le terrain immunodéficient va favoriser le développement d’infections virales opportunistes. Au premier plan se trouvent les virus de la famille des Herpesviridae, en particulier le CMV. Mais bien d’autres virus, parfois à l’état latent dans l’organisme, trouvent chez le transplanté un terrain favorable à leur développement (tableau II). 2.3.1. Herpesviridae Les herpesvirus humains sont au nombre de huit (tableau II). Ces virus à ADN ont tous la propriété de persister à l’état latent dans l’organisme après la primo-infection. Le système immunitaire, essentiellement l’immunité à médiation cellulaire, joue un rôle majeur dans le maintien du virus à l’état latent. Les réactivations virales seront donc particulièrement fréquentes chez les immunodéprimés. 32 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JUIN 2008 - N°403 2.3.1.1. Cytomégalovirus (CMV) L’infection a CMV est particulièrement fréquente chez les transplantés. C’est aussi l’infection virale qui, la première, a fait l’objet d’une surveillance systématique chez les transplantés. L’efficacité de cette surveillance alliée à celle des traitements prophylactiques et curatifs font que cette infection, malgré sa fréquence, est généralement bien contrôlée et pose beaucoup moins de problèmes que par le passé. Environ la moitié des individus adultes sont porteurs d’anticorps. Les sujets séronégatifs avant transplantation sont donc à risque de développer une primo-infection potentiellement très sévère. Ce risque de primoinfection est maximum en cas de greffon provenant d’un donneur séropositif pour le CMV (D+/R-) et des mesures prophylactiques doivent donc être mises en œuvre dans ce $0.1-*$"5*0/4*/'&$5*&64&4"13453"/41-"/5"5*0/ Tableau III – Principaux signes et symptômes de la maladie à CMV chez les transplantés. Infection généralisée Fièvre Algies (arthralgies, myalgies…) Neutropénie ± thrombopénie Présence de lymphocytes atypiques Elévation modérée des transaminases Localisations viscérales Pneumonie interstitielle (greffe de moelle +++) Lésions digestives (œsophagite, colite…) Encéphalite Choriorétinite Dans la population française, la séroprévalence de HSV-1 est de l’ordre de 60-70 % et celle de HSV-2 est de l’ordre de 15-20 % [32]. Ces virus sont responsables d’éruptions vésiculeuses localisées observées au cours de la primoinfection, mais aussi au cours d’infections récurrentes. Des infections récurrentes survenant à intervalle régulier sont observées chez une proportion notable des sujets infectés. Chez les sujets immunodéprimés, les primo-infections et les récurrences se caractérisent par une sévérité accrue : lésions extensives, persistantes, ulcérées. Il existe également une possibilité d’atteintes viscérales : lésions digestives (œsophage, côlon…), hépatites (parfois fulminantes), pneumopathies interstitielles, méningo-encéphalites. Ces complications viscérales peuvent avoir une issue fatale et peuvent survenir en l’absence de lésions cutanées, ce qui complique leur diagnostic [34]. Une caractéristique des atteintes à HSV après transplantation d’organe est leur survenue précoce par rapport aux autres infections virales, les manifestations cliniques survenant le plus souvent dans le premier mois suivant la transplantation. type de greffe. Chez les sujets séropositifs avant la greffe, les réactivations ou les surinfections sont fréquentes et souvent symptomatiques. Chez les transplantés, on distingue habituellement l’infection à CMV détectée par les analyses virologiques en l’absence de manifestations cliniques de la maladie à CMV cliniquement 2.3.1.3. VZV patente. La maladie à CMV se manifeste par un syndrome La varicelle est une maladie infantile quasi obligatoire et la caractéristique associant généralement fièvre, neutropénie, quasi-totalité des adultes ont des anticorps. La varicelle algies, augmentation des transaminases. Ce syndrome peut pouvant survenir chez un enfant (et exceptionnellement évoluer vers des complications impliquant divers organes un adulte) immunodéprimé présente une sévérité beau(tableau III). Ces atteintes à CMV surviennent de manière coup plus marquée que chez l’immunocompétent : lésions relativement précoce, classiquement 1 à 4 mois après la nécrotiques, hémorragiques et possibilité d’atteintes vistransplantation. À côté de ces effets directs, l’infection à CMV cérales (poumon, foie, encéphale, myocarde…) pouvant a des effets indirects liés au pouvoir immunosuppresseur mettre en jeu le pronostic vital. L’infection récurrente à VZV, du virus et à ses interactions avec le système immunitaire. sous forme de zona, est beaucoup plus fréquente chez Ainsi, il existe des interactions complexes entre le CMV et le l’immunodéprimé que chez l’immunocompétent, avec une rejet de greffe. D’une part, l’infection à CMV paraît favoriser incidence 10 à 100 fois plus élevée [17]. Comme dans le la survenue d’un rejet aigu mais, par ailleurs, la survenue cas de la varicelle, les lésions seront volontiers plus sévèd’un rejet paraît favoriser la réactivation du CMV. Le CMV est en outre impliqué dans les atteintes à long terme du res. On peut observer dans certains cas des formes de greffon (rejet chronique) telles que l’athérosclérose du greffon, la bronchiolite oblitérante dans Figure 1 – Effets directs et indirects de l’infection à CMV chez les transplantés. les transplantations pulmonaires ou le syndrome de disparition Infection des canaux biliaires (vanishing CMV latente C bile duct syndrome) dans les transplantations hépatiques [40]. Primoinfection Par ailleurs, l’infection à CMV Activation immune, inflammation favorise la survenue d’infections Immunodépression opportunistes bactériennes ou Rejet aigu fongiques et elle paraît favoriser la survenue de lymphoproliféraEffets indirects : tions liées au virus Epstein-Barr Immunomodulation, Infection CMV active (figure 1). Syndrome CMV expression antigènes antigènes, (infection généralisée) 2.3.1.2. Virus herpes simplex types 1 et 2 (HSV-1, HSV-2) Le virus herpes simplex de type 1 (HSV-1), responsable essentiellement de l’herpès oral, et herpes simplex de type 2 (HSV2), responsable essentiellement de l’herpès génital, infectent de manière latente une forte proportion de la population adulte. Localisations viscérales Rejet Aigu Chronique production de cytokines Effet immunosuppresseur SLPT lié à EBV Infections opportunistes REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JUIN 2008 - N°403 // 33 zona généralisé et il existe un risque d’atteintes viscérales pouvant mettre en jeu le pronostic vital. La fréquence des formes disséminées de zona chez les transplantés est maintenant bien plus faible que par le passé, en raison des traitements antiviraux. La survenue des réactivations du VZV chez les transplantés est souvent tardive, plusieurs mois, voire plus de 2 ans après transplantation [17, 20, 34]. La prévention de la primo-infection chez les enfants non immuns repose sur la vaccination. 2.3.1.4. EBV L’EBV infecte la quasi-totalité des individus, la primoinfection survenant habituellement dans l’enfance. La primo-infection est donc exceptionnelle chez les transplantés adultes. Elle représente un risque plus élevé en transplantation pédiatrique. Les primo-infections EBV survenant sur un terrain immunodéprimé présentent une gravité particulière. Le risque majeur lié à l’EBV chez les transplantés est le développement d’un syndrome lymphoprolifératif posttransplantation (SLPT ou PTLD : Posttransplantation lymphoproliferative disorder). Ce terme de SLPT regroupe différents types de proliférations lymphocytaires allant des hyperplasies polyclonales bénignes aux lymphomes non hodgkiniens et, plus rarement, à la maladie Hodgkin et aux myélomes. L’incidence des syndromes lymphoprolifératifs chez les transplantés est multipliée par un facteur 25 à 100 par rapport à la population générale [8]. La grande majorité des SLPT est liée à l’EBV. La survenue d’une primo-infection EBV post-transplantation est un facteur de risque majeur pour la survenue d’un SLPT, avec un risque multiplié par 10 à 76, selon les études, par rapport aux individus séropositifs pour EBV avant la transplantation [8]. Le risque est donc majoré chez les enfants, les enfants « à haut risque » étant représentés par les enfants séronégatifs pour EBV transplantés avec un greffon provenant d’un individu séropositif [19]. Il a par ailleurs été observé chez les enfants transplantés rénaux à haut risque que les adolescents présentaient un risque plus élevé de SLPT que les enfants plus jeunes [45]. 2.3.1.5. Herpesvirus humains 6 et 7 Les herpesvirus humains 6 et 7 (HHV-6, HHV-7) sont deux virus très proches qui infectent la quasi-totalité des individus, la primo-infection survenant très tôt au cours de la vie. La manifestation classique de l’infection à HHV-6 est l’exanthème subit du nourrisson, alors que le virus HHV-7 donne lieu essentiellement à des infections asymptomatiques ou des syndromes fébriles indifférenciés. Les réactivations virales sont favorisées par l’immunosuppression. Les infections à HHV-6 peuvent s’observer chez près de 50 % des transplantés d’organes solides ou de moelle osseuse et cette réactivation est précoce, dans les 2 à 4 semaines suivant la transplantation [28]. Les manifestations cliniques de l’infection HHV-6 sont la fièvre, des leucopénies et thrombopénies, des rashs cutanés, des hépatites, des encéphalites. Les encéphalites à HHV-6 qui représentent la complication la plus grave sont surtout observées chez les greffés de moelle. La mortalité rapportée de cette complication est de 40 % [28]. Le rôle de HHV-6 dans les pneumonies interstitielles chez les transplantés reste controversé. 34 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JUIN 2008 - N°403 Les données concernant HHV-7 sont beaucoup plus limitées. Certaines études indiquent que ce virus pourrait être un cofacteur des maladies à CMV chez les transplantés [50]. 2.3.1.6. HHV-8 L’herpesvirus humain 8 (HHV-8) ou KSHV (Kaposi’s sarcoma-associated herpesvirus) a été reconnu responsable du sarcome de Kaposi. Dans les pays occidentaux, la rareté de cette maladie chez les sujets immunocompétents reflète la faible prévalence (environ 2 %) de l’infection par ce virus. L’immunosuppression est un facteur de risque majeur pour les individus infectés par ce virus. Chez les transplantés, l’incidence du sarcome de Kaposi est 500 à 1 000 fois plus élevée que dans la population générale, et le développement de la maladie peut résulter de la réactivation du virus chez les sujets infectés avant la transplantation mais également de l’acquisition de l’infection HHV-8 à partir du greffon [33]. Il n’y a pas actuellement de recommandations pour rechercher une infection HHV-8 chez les donneurs ou receveurs d’organe ; cette recherche qui permettrait d’identifier les transplantés à risque de développer la maladie permettrait probablement une meilleure prise en charge des patients [33]. 2.3.2. Polyomaviridae Les virus BK et JC sont deux virus de la famille des Polyomaviridae qui infectent l’homme de manière totalement asymptomatique. Toutefois, ces deux virus peuvent être réactivés au cours des états d’immunodépression sévère et peuvent être la cause de graves infections. Le virus BK est surtout responsable de néphropathies chez les transplantés rénaux. Il peut être également responsable de cystites hémorragiques qui surviennent essentiellement chez les greffés de moelle osseuse. Le virus JC quant à lui est essentiellement responsable d’une forme rare d’encéphalite, la leucoencéphalite multifocale progressive (LEMP). La LEMP est une complication infectieuse de l’immunodépression observée essentiellement chez les sujets atteints de sida, elle reste très rare chez les transplantés [43]. 2.3.3. Hépatites B et C Les hépatites chronique B et C sont fréquentes chez les transplantés. Chez les transplantés rénaux, les prévalences du VHB et du VHC sont élevées en raison des risques de contamination liées à l’hémodialyse. Toutefois, l’incidence des infections à VHB et VHC dans les unités de dialyse a chuté considérablement grâce aux programmes de vaccination contre le VHB, à la réduction des risques transfusionnels et aux précautions d’hygiène universelle. On estime que la prévalence du VHB chez les transplantés rénaux est de l’ordre de 5 à 20 %, celle du VHC de l’ordre de 30 % [35]. En ce qui concerne la transplantation hépatique, les hépatites virales B et C représentent environ 20 % des indications de transplantation en France pour cirrhose, hépatite fulminante ou carcinome hépatocellulaire [18]. Le problème majeur est celui de la récidive sur le greffon. En l’absence de mesures préventives, la récidive sur greffon est de l’ordre de 80 % pour le VHB, elle est quasi obligatoire dans le cas de l’hépatite C si le virus n’a pas été éradiqué avant la transplantation. $0.1-*$"5*0/4*/'&$5*&64&4"13453"/41-"/5"5*0/ 2.3.4. Adénovirus (ADV) Il existe plus de 40 types d’ADV humains. Ces virus sont surtout responsables d’infections respiratoires (types 1 à 7), de gastroentérites (types 40 et 41) ou de kératoconjonctivites (types 8), les infections par les autres types d’ADV sont asymptomatiques dans la grande majorité des cas. Chez les transplantés adultes, la survenue d’une virémie à ADV est relativement fréquente, elle reste le plus souvent transitoire avec des conséquences limitées [24]. Chez les sujets immunodéprimés, les infections à ADV peuvent résulter d’une primo-infection, essentiellement chez l’enfant, ou de la réactivation d’un virus latent dans le tissu lymphoïde (amygdales, plaques de Peyer) ou le rein (types 11, 34, 35). Chez les transplantés, les infections à ADV sont dues principalement aux types 1, 2, 4, 5, 6, 7, 11, 31, 34 et 35 [6, 21]. Chez l’immunodéprimé, les infections à ADV peuvent être sévères, avec des localisations viscérales, notamment pneumopathies et hépatites. Une des complications les plus fréquentes des infections à ADV chez les transplantés est représentée par la cystite hémorragique due principalement aux types 11, 34 et 35. La maladie disséminée à ADV, d’une extrême gravité, est responsable d’une mortalité élevée. Elle survient surtout chez les enfants et est observée avec une plus grande fréquence après greffe de moelle allogénique dont elle constitue une complication redoutable [14, 49]. 2.3.5. Papillomavirus Il existe plus de 100 types de papillomavirus humains (HPV). Certains types ont un tropisme cutané et sont responsables de lésions cutanées bénignes (verrues) beaucoup plus rarement malignes, alors que d’autres types ont un tropisme muqueux et se localisent essentiellement au niveau des muqueuses ano-génitales. Les HPV à tropisme muqueux se subdivisent en HPV à bas risque et à haut risque. Les HPV à bas risque, en particulier les types 6 et 11, ne sont responsables que de lésions bénignes de type condylomes acuminés. Les HPV à haut risque, en particulier les types 16 et 18, sont responsables de lésions pouvant évoluer vers un cancer invasif. La persistance de l’infection à HPV, indispensable au développement des lésions précancéreuses puis cancéreuses est favorisée par l’immunodépression. Les lésions bénignes (verrues, condylomes acuminés) ou malignes (cancer du col, de l’anus…) liées aux HPV ont une incidence nettement augmentées chez les sujets immunodéprimés [37, 44]. On observe aussi chez les transplantés une fréquence accrue des carcinomes cutanés dans lesquels les HPV de type 5 et 8 paraissent jouer un rôle [46]. 3. Les risques liés aux différents types de transplantation 3.1. Risques communs Les infections dues aux différents herpesvirus, résultant le plus souvent d’une réactivation virale, sont extrêmement fréquentes après transplantation d’organe solide ou de moelle osseuse. Une infection à CMV survient chez la majorité des transplantés avec une sévérité très variable allant de l’infection infra-clinique jusqu’aux atteinte viscérales pouvant mettre en jeu le pronostic vital. Cette sévérité dépend en particulier du type d’infection (primo-infection ou réactivation/ réinfection) et à l’intensité de l’immunodépression. Le développement de lésions herpétiques dues à la réactivation de HSV-1 ou HSV-2 ou la survenue d’un zona due à la réactivation du VZV sont également des complications fréquentes des transplantations d’organe ou de moelle osseuse allogénique. Les réactivations à EBV, HHV-6 ou HHV-7 sont fréquentes et restent souvent infra-cliniques. Les atteintes à virus BK (néphropathies, cystites hémorragiques), les leucoencéphalites multifocales progressives à virus JC, ou les infections disséminées à adénovirus, témoignent d’une immunodépression intense et peuvent survenir après transplantation d’organe solide ou de moelle osseuse. 3.2. Risques particuliers 3.2.1. Transplantation rénale La néphropathie à virus BK est une complication bien plus fréquente chez le transplanté rénal que chez les autres transplantés. Le risque de survenue d’une virémie à virus BK post-transplantation est cinq fois plus élevé après transplantation rénale qu’après transplantation hépatique ou cardiaque [39]. Chez le transplanté rénal, la survenue d’une virurie à virus BK est fréquente, de l’ordre de 50 % des cas ; une virémie peut être observée dans 10 à 15 % des cas et la néphropathie à virus BK s’observe chez environ 5 % des patients [3, 23]. La majorité des néphropathies à virus BK s’observent au cours de la première année post-transplantation, mais peuvent survenir jusqu’à 5 ans post-transplantation. Le risque est corrélé à l’intensité de l’immunodépression. En l’absence d’une prise en charge rapide, la perte du greffon est une complication fréquente de la néphropathie à virus BK. 3.2.2. Transplantation hépatique Les virus posant un problème particulier après une transplantation hépatique sont les virus des hépatites B et C, en raison du risque de récidive sur le greffon lorsque le patient était porteur de ces virus en pré-transplantation. Les traitements antiviraux et l’administration d’immunoglobulines anti-HBs permettent de limiter le risque de récidive du virus de l’hépatite B ou d’en limiter les conséquences. Les risques liés au virus de l’hépatite C sont plus difficilement contrôlables. En cas de récidive du virus de l’hépatite C, la progression des lésions est souvent plus rapide et plus intense que chez les sujets non transplantés. 3.2.3. Transplantation cardiaque et cardio-pulmonaire L’artériosclérose du greffon, ou vasculopathie coronarienne, est une complication de la transplantation cardiaque et le rôle des virus, en particulier du CMV, est bien établi [47]. En transplantation cardiaque pédiatrique, la présence de génome viral dans le myocarde, ADV en particulier, est associée à la survenue d’une vasculopathie et à la perte du greffon [42]. En transplantation pulmonaire, les infections à virus à tropisme respiratoire tels que virus respiratoire syncytial (VRS), virus parainfluenza ou ADV sont fréquentes et peuvent être très sévères avec une issue fatale [11, 31]. REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JUIN 2008 - N°403 // 35 R. 1211-14, R. 1211-15, R. 1211-16 et R. 1211-21 du Code de la Santé publique). La positivité des marqueurs d’infection pour Existence de le VIH-1 et 2, le HTLV-1, le VHB et le HCV Contre-indication dérogations à la Virus Marqueurs à la greffe en cas sont une contre-indication à l’utilisation des contre-indication de positivité organes et cellules du donneur. Toutefois il de greffe existe des dérogations permettant d’utiliser Anticorps anti-VIH 1 et 2 dans des circonstances particulières des HIV-1 et 2 Antigénémie p24 Oui Non ou ARN VIH-1 organes ou cellules de donneurs positifs pour les marqueurs d’infection par le VHB ou le HTLV-1 Anticorps anti-HTLV-1 Oui Non VHC (tableau IV) [1]. En ce qui concerne le HBS CMV et l’EBV, la positivité des marqueurs HBV Anticorps anti-HBc Oui Oui n’est pas une contre-indication à l’utilisaAnticorps anti-HBs tion des organes ou cellules du donneur. HCV Anticorps anti-HCV Oui Oui La connaissance du statut immunitaire du CMV Anticorps anti-CMV IgG Non* – donneur vis-à-vis de ces virus permet d’apEBV Anticorps anti-VCA Non* – parier si possible les donneurs séronégatifs avec les receveurs séronégatifs ou d’iden* La positivité des marqueurs ne contre-indique pas la greffe, mais permet en fonction des possibilités d’apparier un receveur séronégatif avec un donneur séronégatif et d’identifier les receveurs non appariés tifier les patients séronégatifs qui, recevant à risque de primo-infection sévère post-transplantation. un organe ou des cellules provenant d’un donneur séropositif, seront particulièrement à risque de développer une primo-infection post3.2.4. Greffe de moelle osseuse transplantation. Le CMV peut occasionner des complications particulièrement redoutables chez les greffés de moelle osseuse, la 4.2. Vaccinations plus fréquente étant la pneumonie interstitielle. C’est une D’une manière générale, les patients seront à jour de leur complication tardive, survenant dans la majorité des cas vaccination avant la transplantation. Les vaccins vivants plus de 3 mois après la greffe. En l’absence de traitement atténués sont contre-indiqués après transplantation en préventif, cette complication survient chez environ 15 % raison de l’immunodépression. des greffés de moelle et la mortalité spontanée est de Un vaccin anti-varicelleux (Varivax®, Varilrix®) sera admil’ordre de 80 %. Les modalités actuelles de prévention nistré chez les enfants (et les adultes non immunisés) ont permis de réduire l’incidence de cette complication candidats à une greffe d’organe solide avant la phase chez le greffé de moelle. En cas de survenue, le risque d’immunosuppression et en tenant compte de l’intervalle de mortalité subsiste malgré les conditions actuelles de de temps pour que la protection maximale soit obtenue. prise en charge [30, 36]. La survenue d’une pneumopaCe vaccin est contre-indiqué chez les sujets présentant thie à CMV chez les greffés de moelle est favorisée par le une hémopathie maligne. Les sujets vaccinés doivent évidéveloppement d’une réaction greffon contre hôte sévère. ter le contact avec des sujets immunodéprimés à risque La pneumopathie résulte bien plus d’un mécanisme immupendant 6 semaines suivant la vaccination. nopathologique que de la réplication virale. En l’absence d’immunité préalable, les candidats à une Les syndromes lymphoprolifératifs liés à l’EBV, les infectransplantation seront vaccinés contre l’hépatite B. La tions graves à ADV et les cystites hémorragiques à virus vaccination contre l’hépatite A est fortement recommandée BK sont des complications survenant plus fréquemment dans le cadre de la transplantation hépatique. chez les greffés de moelle que chez les receveurs d’orLa vaccination annuelle contre la grippe est recommandée ganes solides. chez transplantés. Tableau IV – Marqueurs virologiques utilisés pour la sélection des donneurs d’organe. 4. Mesures de prévention 4.1. Prévention de la transmission La prévention de la transmission des infections virales par la transplantation repose sur la sélection des donneurs. Ainsi, tous les donneurs d’organe potentiels sont obligatoirement testés pour les marqueurs des virus HIV-1 et 2, HTLV-I, HBV, HCV, CMV et EBV. Ces analyses doivent être effectuées avant le prélèvement et le plus en amont possible dans la prise en charge du donneur, afin de faciliter l’organisation du prélèvement multi-organes. Toutefois, si le fait de différer ce prélèvement nuit à la qualité des éléments prélevés, ces analyses peuvent être exécutées postérieurement au prélèvement mais, dans ce cas, le résultat des analyses doit être transmis au médecin greffeur avant la réalisation de la greffe (arrêté du 21 décembre 2005 pris en application des articles 36 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JUIN 2008 - N°403 4.3. Traitement préventif Un traitement préventif (ou prophylactique), basé sur l’administration d’antiviraux, permet la prévention des infections à HSV. Un traitement préventif des infections à CMV est réservé aux transplantés présentant un risque accru d’infection sévère. Il s’agit des receveurs séronégatifs recevant un greffon provenant d’un donneur séropositif pour le CMV (D+/R-). Des traitements préventifs permettent également de limiter le risque de récidive des hépatites B ou C après transplantation hépatique. 4.3.1. Infections à HSV La prévention des infections à HSV est basée sur l’administration d’aciclovir (Zovirax®) par voie orale à la dose de 800 mg/j en 4 prises tout au long de la phase d’immunodépression pendant laquelle une prophylaxie antiherpétique est souhaitable. $0.1-*$"5*0/4*/'&$5*&64&4"13453"/41-"/5"5*0/ 4.3.2. Infections à CMV En ce qui concerne la prévention de l’infection à CMV, les molécules indiquées sont soit le valaciclovir (Zelitrex®) soit le valganciclovir (Rovalcyte®) ou le ganciclovir (Cymévan®). Le valaciclovir, prodrogue de l’aciclovir, n’a pas d’action curative sur les infections à CMV mais il s’est révélé efficace dans la prévention de la maladie à CMV chez les sujets à risque [29] et il est indiqué après greffe d’organe, tout particulièrement après transplantation rénale, à l’exclusion des transplantations pulmonaires. Le valganciclovir est la prodrogue du ganciclovir, molécule active sur le CMV. L’utilisation de la prodrogue permet l’utilisation par voie orale. Le valganciclovir est indiqué en traitement prophylactique des infections à CMV chez les patients CMV-négatifs ayant bénéficié d’une transplantation d’organe solide à partir d’un donneur CMVpositif. Le valganciclovir présente une meilleure efficacité que le valaciclovir pour prévenir les infections à CMV, mais il présente l’inconvénient d’une toxicité hématologique, alors que le valaciclovir présente le grand avantage d’une l’absence de toxicité [13]. Le ganciclovir, utilisé en perfusion, est indiqué en traitement prophylactique lorsqu’il existe un risque accru d’infection symptomatique en raison d’un traitement immunosuppresseur lourd, si le receveur est pré-immunisé vis-à-vis du CMV, particulièrement en transplantation cardiaque (tableau V). 4.3.3. Hépatite B Dans la transplantation hépatique pour l’hépatite B, la prévention de la récidive sur greffon est d’une importance majeure. En l’absence de mesures préventives, le risque de récidive est de l’ordre de 80 % [18] et ce risque est proportionnel à la charge virale. Tableau V – Traitement des infections à CMV chez les transplantés. Traitement préventif Avant la transplantation, il faut réduire au maximum la charge virale, au moins au dessous de 105 copies/ml. Un traitement par lamivudine (Zeffix®), adéfovir (Hepsera®) ou entécavir (Baraclude®) est recommandé chez tous les malades ayant une virémie détectable. Pendant et après la transplantation, l’administration systématique de fortes doses d’immunoglobulines anti-HBs diminue le risque de récidive. Il est recommandé d’associer un traitement antiviral à l’utilisation des immunoglobulines. La thérapeutique par immunogloblines anti-HBs et antiviraux ne doit pas être interrompue tout au long de la vie, sauf lorsqu’une séroconversion spontanée anti-HBs peut être suspectée [18]. 4.3.4. Hépatite C L’éradication du VHC doit être recherchée avant transplantation. L’association d’interféron pégylée avec la ribavirine est le traitement de référence. L’éradication est toutefois difficile à obtenir chez ces patients. La période optimale du traitement de la récidive de l’hépatite C paraît se situer après 1 an, lorsqu’apparaissent des lésions au moins égales à A1F1, prédictives d’un risque élevé d’évolution vers la cirrhose. Avec l’association interféron pégylée/ribavirine, une réponse virologique (négativation de la virémie) durable est observée chez environ 1/3 des patients [18]. 5. Diagnostic et surveillance virologique des transplantés En dehors du bilan pré-transplantaion, les sérodiagnostics ont une utilité très limitée. Le diagnostic et la surveillance des infections virales chez les transplantés repose actuellement sur la détection et bien souvent la quantification des virus dans le sang, ou éventuellement dans d’autres prélèvements (liquide de lavage broncho-alvéolaire, liquide céphalorachidien, biopsie, etc.), en fonction de la pathologie observée. Ces recherches sont réalisées essentiellement par des techniques de PCR en temps réel. Valaciclovir : 4 x 500 mg par jour pendant 90 jours Ou Valganciclovir (D+R-) : 900 mg par jour en une prise, débuté dans les 10 jours suivant la greffe et jusqu'au 100e jour après celle-ci. Ou Ganciclovir (receveur pré-immunisé, particulièrement en transplantation cardiaque) : - 5 mg/kg en perfusion 1 heure toutes les 12H (10 mg/kg/j) pendant 14 jours, - puis 6 mg/kg, 5 jours sur 7 pendant 14 jours. Traitement préemptif Greffe de moelle allogénique : - Ganciclovir: 5 mg/kg en perfusion 1 heure toutes les 12 h (10 mg/kg/j) pendant 7 jours, - puis 5 mg/kg/j en une perfusion 5 à 7 jours par semaine jusqu'à J100 ou J120 post-greffe Traitement curatif Infection généralisée ou localisation viscérale : Gancliclovir : 5 mg/kg en perfusion 1 heure toutes les 12 h (10 mg/kg/j) pendant 14 à 21 jours chez les malades ayant une fonction rénale normale. 5.1. Surveillance de l’infection à CMV Chez tout transplanté d’organe solide ou de moelle osseuse, il est réalisé une surveillance rapprochée de l’infection à CMV. Cette surveillance est basée sur la détection du virus dans le sang, par antigénémie ou PCR. La surveillance est rapprochée, avec un rythme hebdomadaire, voire bihebdomadaire, au cours des 3 mois suivant la transplantation, période pendant laquelle le risque est maximal. La surveillance peut ensuite devenir plus espacée, mensuelle, puis trimestrielle ou semestrielle [2]. En cas de maladie à CMV, le virus peut être recherché en fonction des signes cliniques dans le liquide de lavage broncho-alvéolaire, des biopsies (digestives, hépatiques…), le liquide céphalorachidien, etc. Les techniques basées sur l’amplification génomique ont actuellement totalement supplanté les techniques basées sur la culture virale ou la détection d’antigène pour rechercher le virus dans ces prélèvements. La réalisation répétée de sérodiagnostics est totalement inutile, surtout si le patient était séropositif en pré-transplantation. Chez un patient antérieurement séronégatif, un REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JUIN 2008 - N°403 // 37 sérodiagnostic mettant en évidence une séroconversion permet de documenter une primo-infection. Cet examen peut toutefois être rendu ininterprétable si le patient a été transfusé ou a reçu des immunoglobulines et sa répétition est inutile une fois le diagnostic établi. 5.2. Surveillance de l’infection à EBV Le développement des SLPT liés à EBV s’accompagnent d’une augmentation de la charge virale (ADN viral) dans le sang. La charge virale EBV est donc actuellement un marqueur de développement d’un SLPT et d’efficacité du traitement. La charge virale EBV est réalisée par PCR en temps réel sur la fraction mononucléée du sang périphérique ou sur sang total. La valeur absolue de la charge virale reste difficile à interpréter [9] car il existe un chevauchement des valeurs entre les sujets normaux et ceux présentant un SLPT, c’est donc plutôt la cinétique de la charge virale qu’il est intéressant d’observer [4]. Bien qu’il n’y ait pas de consensus, un suivi hebdomadaire paraît souhaitable chez les sujets à risque majeur de SLPT : primo-infection EBV post-transplantation, greffe de moelle, immunodépression majeure, etc. gène du BK virus, les decoy cells, qui sont des cellules refermant des inclusions virales (figure 2). 5.4. Surveillance des infections à HBV et HCV La recherche régulière des marqueurs de réplication virale pour HBV (HBs, ADN) ou HCV (ARN) permet de diagnostiquer une rechute sur greffon chez les transplantés hépatiques infectés par ces virus avant la transplantation. 5.5. Autres virus Une surveillance régulière peut être instituée pour rechercher les infections à virus HHV-6 et à adénovirus, en particulier chez les greffés de moelle. Il n’y a pas de consensus sur les modalités de cette surveillance mais une surveillance hebdomadaire peut être proposée. Chez les transplantés d’organes solides, ces virus ne sont souvent recherchés que sur la présence de manifestations cliniques. Les autres virus pouvant être responsables d’infections sévères chez les transplantés tels que HSV-1 et HSV-2, VZV, les virus respiratoires (VRS, parainfluenzae, grippe…) ou le parvovirus B19 sont recherchés s’il existe des signes cliniques d’appel. 5.3. Surveillance de l’infection à BKV Chez le greffé rénal, il est recommandé de réaliser un dépistage basé sur la détection de l’ADN du BKV dans les urines par PCR chaque 3 mois durant les 2 années posttransplantation. Cette recherche est à pratiquer également lorsqu’il existe une dysfonction du greffon, ou lorsqu’une biopsie du greffon est réalisée. Le dépistage est confirmé par des tests quantitatifs dans les urines et le plasma. Le diagnostic définitif de la néphropathie repose sur la biospie du greffon [22]. Il est également possible de rechercher dans les urines les cellules présentant l’effet cytopathoFigure 2 – « Decoy cells » dans les urines. 6. Traitements 6.1. Infections à CMV 6.1.1. Traitement anticipé Le traitement anticipé, ou traitement préemptif, consiste à traiter l’infection à CMV dès l’apparition des signes de réplication virale, avant l’apparition des signes cliniques, en vue de prévenir l’apparition d’une maladie sévère. Ce traitement préemptif est très important en greffe de moelle allogénique pour éviter l’apparition d’une pneumonie interstitielle de mauvais pronostic [52]. Ce traitement préemptif est basé sur l’administration de ganciclovir par voie IV dès la positivité de la recherche du CMV dans le sang ou le liquide de lavage bronchoalvéolaire et jusqu’au centième ou cent-vingtième jour post-greffe (tableau V). En raison de la toxicité hématologique du ganciclovir, le taux de polynucléires doit être supérieur à 500/mm3. L’utilisation du ganciclovir en traitement préemptif dans les transplantations d’organes solides ne fait pas partie des indications AMM de la molécule. Cette utilisation est néanmoins de pratique courante, mais il n’existe pas de consensus sur le seuil d’antigénémie ou ADNémie à considérer pour débuter un traitement. En l’absence de standardisation, il est difficile de comparer les résultats des études réalisées dans ce domaine. 6.1.2. Traitement curatif Les inclusions virales intranucléaires sont ici mises en évidence par coloration de Papanicolaou. 38 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JUIN 2008 - N°403 Le traitement curatif des maladies à CMV chez le transplanté fait appel au ganciclovir administré par voie IV (tableau V). En cas d’inefficacité du traitement lié à des problèmes de résistance, l’utilisation d’autres molécules telles que le foscarnet (Foscavir®) ou le cidofovir (Vistide®) peut être envisagée. L’intérêt de ces molécules en transplantation est limité par leur néphrotoxicité et la maladie à CMV chez les transplantés ne fait pas partie des indications AMM de ces molécules. $0.1-*$"5*0/4*/'&$5*&64&4"13453"/41-"/5"5*0/ 6.2. Syndromes lymphoprolifératifs liés à EBV Le développement des lymphomes liés à EBV n’est pas lié à la réplication virale, de ce fait des molécules à visée antivirale n’ont pas d’efficacité. Le traitement de ces lymphomes repose essentiellement sur l’utilisation d’un anticorps monoclonal, le rituximab (MabThera®) dirigé contre la molécule CD20 présente sur la majorité des lymphocytes B [38]. 6.3. Infections à BKV La sur-immunosuppression est le facteur de risque majeur de développement d’une néphropathie à virus BK chez le transplanté rénal. La réduction du traitement immunosuppresseur chez les patients ayant une infection à virus BK permet de limiter le risque de développement de la néphropathie [5]. Lorsque la charge virale plasmatique est réfractaire à la réduction de l’immunosuppression, un traitement par cidofovir à faible dose (0,25-0,33 mg/kg en IV toutes les 2 à 3 semaines) peut permettre la stabilisation ou l’amélioration de la fonction rénale [26]. Le traitement des cystites hémorragiques à virus BK, particulièrement chez les greffés de moelle, paraît pouvoir bénéficier également d’un traitement par cidofovir à faibles doses [41]. 6.4. Infections à adénovirus Le traitement anticipé par cidofovir, sur la base de la détection d’adénovirus au cours d’un dépistage systématique régulier, a montré une réelle efficacité chez les greffés de Références [1] Afssaps, Dérogations pour l’utilisation d’organes ou de cellules de donneurs porteurs de marqueurs du virus de l’hépatite B ou C : recommandations pour la mise en œuvre des protocoles dérogatoire de greffe (Décembre 2004). http://agmed.sante.gouv.fr/htm/10/greffe/ rapport/pdf. [2] Alain S., Rogez S., Diagnostic de l’infection à cytomégalovirus, in : Mazeron M.C. (Ed.), Cytomégalovirus, Elsevier, Paris, 2002, pp 69-89. [3] Almeras C., Foulongne V., Gariggue V., Swarc I., Vetromile F., Segondy M., Mourad G., Does reduction in immunosuppression in viremic patients prevent BK virus nephropathy in de novo renal transplant recipients ? A prospective study, Transplantation 85 (2008) 1099-1104. [4] Brengel-Pesce K., Morand P., Schmumck A., Bourgeat M.J., Buisson M., Barguès G., Bouzid M., Seigneurin J.M., Routine use of real-time quantitative PCR for laboratory diagnosis of Epstein-Barr virus infections, J. Med. Virol. 66 (2002) 360-369. [5] Brennan D.C., Agha I., Bohl D.L., Schnitzler M.A., Hardinger K.L., Lockwood M., Torrence S., Schuessler R., Roby T., Gaudreault-Keener M., Storch G.A., Incidence of BK with tacrolimus versus ciclosporine and impact of preemptive immunosuppression reduction, Am. J. Transplant. 5 (2005) 582-594. [6] Carrigan D.R., Adenovirus infections in immunocompromised patients, Am. J. Med. 102 (1997) 71-74. [7] Centers for Disease Control and Prevention (CDC), West Nile virus infections in organ transplant recipients - New York and Pennsylvania, AugustSeptember, 2005, MMWR Morb. Mortal. Wkly Rep. 54 (2005) 1021-1023. [8] Cockfield S.M., Identifying the patient at risk of post-transplant lymphoproliferative disorder, Transplant. Infect. Dis. 3 (2001) 70-78. [9] Dehée A., Signification clinique de la charge virale du virus d’Epstein-Barr, Ann. Biol. Clin. 59 (2001) 28-33. moelle, en particulier chez les enfants qui représentent la population la plus à risque pour cette infection [51]. Cette molécule a montré également une efficacité potentielle dans le traitement de la pneumonie à adénovirus chez les enfants transplantés pulmonaires [11]. 6.5. Infections virales respiratoires Les infections respiratoires sévères, dues surtout au VRS ou aux virus parainfluenzae, peuvent bénéficier d’un traitement par ribavirine administrée en aérosols [15, 31] ou par voie IV [16], généralement associé à une corticothérapie. L’adjonction d’immunoglobulines hyperimmunes anti-VRS a été également proposée [15]. Le traitement doit être entrepris le plus précocement possible. La ribavirine n’a pas d’action sur les virus à ADN responsables de pneumopathies chez les immunodéprimés tels que le CMV ou les adénovirus. 7. Conclusion Les infections virales représentent toujours un problème fréquent chez les patients transplantés. Toutefois, les mesures basées sur la prévention de la transmission, sur la surveillance de ces infections par des techniques moléculaire sensibles et sur leur prise en charge précoce par des traitements antiviraux ou une immunomodulation, ont considérablement atténué au cours des dernières années la morbidité et la mortalité liées aux infections virales chez ces patients. [10] DeSalvo D., Roy-Chaudhury P., Peddi R., Merchen T., Konijetti K., Gupta M., Boardman R., Rogers C., Buell J., Hanaway M., Broderick J., Smith R., Woodle E.S., West Nile virus encephalitis in organ transplant recipients: another high-risk group for meningoencephalitis and death, Transplantation 77 (2004) 466-469. [11] Doan M.L., Mallory G.B., Kaplan S.L., Dishop M.K., Schecter M.G., McKenzie E.D., Heinle J.S., Elidemir O., Treatment of adenovirus pneumonia with cidofovir in pediatric lung transplant recipients, J. Heart Lung Transplant. 26 (2007) 883-889. [12] Eid A.J., Brown R.A., Razonable R.R., Parvovirus B19 infection after transplantation: a review of 98 cases, Clin. Infect. Dis. 43 (2006) 40-48. [13] Falagas M.E., Vardakas K.Z., Anti-cytomegalovirus prophylaxis in solid-organ transplant recipients, Clin. Microbiol. Infect. 12 (2006) 603-605. [14] Feuchtinger T., Lang P., Handgretinger R., Adenovirus infection after allogenic stem cell transplantation, Leuk. Lymphoma 48 (2007) 244-255. [15] Flynn J.D., Akers W.S., Jones M., Stevkovic N., Waid T., Mullet T., Jahania S., Treatment of respiratory syncytial virus pneumonia in a lung transplant recipient: case report and review of the littérature, Pharmacotherapy 24 (2004) 932-938. [16] Glanville A.R., Scott A.I., Morton J.M., Aboyoun C.L., Plit M.L., Carter I.W., Malouf M.A., Intravenous ribavirin is a safe and cost-effective treatment for respiratory syncytial virus infection after lung transplantation, J. Heart Lung Transplant. 24 (2005) 2114-2119. [17] Gourishankar S., McDermid J.C., Jhangri G.S., Preiksaitis J.K., Herpes zoster infection following solid organ transplantation. Incidence, risk factors and outcome in the current immunosuppressive era, Am. J. Transplant. 4 (2004) 108-115. [18] Haute Autorité de Santé (HAS), Conférence de Consensus : Indications de la tranplantation hépatique, Lyon, 19-20 janvier 2005 (http://www.has-santé.fr). REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JUIN 2008 - N°403 // 39 [19] Heo J.S., Park J.W., Lee K.W., Lee S.K., Joh J.W., Kim S.J., Lee H.H., Lee D.S., Choi S.H., Seo J.M., Choe Y.H., Posttransplantation lymphoproliferative disorder in pediatric liver transplantation, Transplant Proc. 36 (2004) 2307-2308. [20] Herrero J.I., Quiroga J., Sangro B., Pardo F., Rotellar F., AlvarezCienfuegos J., Prieto J., Herpes zoster after liver transplantation : incidence, risk factors, and complications, Liver Transplant. 10 (2004) 1140-1143. [21] Hierholzer J.C., Adenoviruses in the immunocompromised host, Clin. Microbiol. Rev. 5 (1992) 262-274. [22] Hirsch H.H., Brennan D.D., Drachenberg C.B., Genevri F., Gordon J., Limaye A.P., Mihatsch M.J., Nickeleit V., Ramos E., Randhawa P., Shapiro R., Steiger J., Suthanthiran M., Trofe J., Polyomavirus-associated nephropathy in renal transplantation: interdisciplinary analyses and recommendations, Transplantation 79 (2005) 1277-1286. [23] Hirsch H.H., Knowles W., Dickenmann M., Passweg J., Klimkait T., Milhatsch M.J., Steiger J., Prospective study of polyomavirus type BK replication and nephropathy in renal-transplant recipients, N. Engl. J. Med. 347 (2002) 488-496. [24] Humar A., Kumar D., Mazzulli T., Razonable R.R., Mousssa G., Paya V.C., Covington E., Alecock E., Pescovitz M.D., A surveillance study of adenovirus infection in adult solid organ transplant recipients, Am. J. Transplant. 5 (2005) 2555-2559. [25] Ison M.G., Respiratory viral infections in transplant recipients, Antivir. Ther. 12 (2007) 627-638. [26] Kadambi P.V. Josephson M.A., Williams J., Corey L., Jerome K.R., Meehan S.M., Limaye A.P., Treatment of refractoryBK virus-associated nephropathy with cidofovir, Am. J. Transplant. 3 (2003) 186-191. [27] Lopez-Medrano F., Aguado J.M., Lizasoain M., Folgueira D., Juan R.S., Diaz-Pedroche C., Lumbreras C., Morales J.M., Delgado J.F., Moreno-Gonzalez E., Clinical implications of respiratory virus infections in solid organ transplant recipients: a prospective study, Transplantation 84 (2007) 851-856. [28] Ljungman P., Singh N., Human herpesvirus-6 infection in solid organ and stem cell transplant recipients, J. Clin. Virol. 37 Suppl.1 (2006) S87-S91. [29] Lowance D., Neumayer H.H., Legendre C.M., Squifflet J.P., Kovarik J., Brennan P.J., Norman D., Mendez R., Keating M.R., Coggon G.L., Crisp A., Lee I.C., Valacyclovir for the prevention of cytomegalovirus disease after renal transplantation, N. Engl. J. Med. 340 (1999) 1462-1470. 40 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JUIN 2008 - N°403 [30] Machado C.M., Dulley F.L., Boas L.S., Castelli J.B., Macedo M.C., Silva R.L., Pallota R., Saboya R.S., Pannuti C.S., CMV pneumonia in allogenic BMT recipients undergoing early treatment of pre-emptive ganciclovir therapy, Bone Marrow Transplant. 26 (2000) 413-417. [31] McCurdy L.H., Milstone A., Dummer S., Clinical features and outcomes of paramyxoviral infection in lung transplant recipients treated with ribavirine, J. Heart Lung Transplant. 22 (2003) 745-753. [32] Malkin J.E., Morand P., Malvy D., Ly T.D., Chanzy B., de Labareyre C., El Hasnaoui A., Hercberg S., Seroprevalence of HSV-1 and HSV2 infection in the general French population, Sex. Transm. Infect. 78 (2002) 201-203. [33] Marcelin A.G., Calvez V., Dussaix E., KSHV after an organ transplant: should we screen?, Curr. Top. Microbiol. Immunol. 312 (2007) 245-262. [34] Miller G.G., Dummer J.S., Herpes simplex and varicella zoster viruses: forgotten but not gone, Am. J. Transplant. 7 (2007) 741-747. [35] Mourad G., Garrigue V., Delmas S., Szwarc I., Deleuze S., Bismuth J., Bismuth M., Segondy M., Complications infectieuses et néoplasiques après transplantation rénale, EMC, Elsevier, Paris, Néphrologie, 18-065-D-15, 2005. [36] Nguyen Q., Champlin R., Giralt S., Rolston K., Raad I., Jacobson K., Ippoliti C., Hecht D., Tarrand J., Luna M., Whimbey E., Late cytomegalovirus pneumonia in adult allogenic blood and marrow transplant recipients, Clin. Infect. Dis. 28 (1999) 618-623. [37] Ozsaran A.A., Ates T., Dikmen Y., Zeytinoglu A., Terek C., Erhan Y., Ozacar T., Bilgic A., Evaluation of the risk of cervical intraepithelial neoplasia and human papillomavirus infection in renal transplant patients receiving immunosuppressive therapy, Eur. J. Gynaecol. Oncol. 20 (1999) 127-130. [38] Preiksaitis J.K., New developments in the diagnosis and management of posttransplantation lymphoproliferative disorders in solid organ transplant recipients, Clin. Infect. Dis. 39 (2004) 1016-1023. [39] Razonable R.R., Brown R.A., Humar A., Covington E., Alecock E., Paya C.V., A longitudinal molecular surveillance study of human polyomavirus viremia in heart, kidney, liver, and pancreas transplant patients, J. Infect. Dis. 192 (2005) 1349-1354 [40] Rubin R.H., The indirect effects of cytomegalovirus infection on the outcome of organ transplantation, JAMA 261 (1989) 3607-3609.