Mémomento N°5 Mémomento N°5 Sept
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Mémomento N°5 Mémomento N°5 Sept
Mémomento N°5 Sept-Oct 2006 Et de 5… Le numéro 5 de notre petit canard est sous votre nez. Il a mis un peu de temps à arriver la c’est vrai. Mais bon, face à la tempête, un homme sensé, s’assoit et attend. Alors je me suis assis et j’ai attendu… Maintenant j’entends la foule en délire qui hurle, « Mémomento, Mémomento... » Heu... Non ça c’est dans mes rêves peut-être ? Enfin… Bonne lecture et restons éveillé… Edito Bonjour à toute et tous, L’actualité de Movimento a été « riche » ces derniers mois. La perte du contrat de la gare et toutes les conséquences que cela a entraîné, ont été un choc aussi bien affectif qu’économique pour l’ensemble de l’équipe, surtout que Movimento n’avait pas connu d’échec jusqu’alors. Mais les réalités de l’économie de marché et des « combinazione » politico-financières, nous ont rattrapées, nous pouvons aussi perdre et c’est une bonne leçon pour la suite. Les perspectives sont plus motivantes, différents appels d’offre sont en cours dont celui de Toulouse pour lequel nous avons une réelle chance de gagner, en tout cas je constate que tout le monde s’y emploi et je vous en remercie. Malgré les incertitudes commerciales et les tensions financières que nous connaissons, deux nouvelles embauches ont été faites (Marion et Tristan) et les salaires ont connu une augmentation. Je ne vais pas dire que tout roule dans le meilleur ou le moins pire des mondes (quoi que !), il reste encore à faire, en terme social, de professionnalisation de l’équipe, mais aussi pour construire un projet coopératif compris et accepté par le plus grand nombre et qui permette aux salariés d’avoir envie de s’investir (ou de continuer à s’investir) dans l’aventure Movimento. William Perucca 1 Bruits de couloir : Pas facile de régler ses freins quand on n’a pas d’outils dans les poches… Courte durée : La gare est devenue une succursale de la « world compagnie », il reste à Movimento la gestion de la vélo station du Capitole. On a quelques retards de livraisons qui bloquent un peu des vélos, mais il est loué tout de même entre 60 et 80 vélos journellement ce qui n’est pas si mal. La longue durée : Les chiffres des locations longues durées restent au beau fixe avec 365 locataires qui « roulent pour nous ». Ce qui est rassurant c’est que seul les V-Break les freines, pas les nouveaux tarifs… 2 Xavier le fromager : Le plus que célèbre fromager Toulousain roule depuis peu en Movimento. Bon c’est vrai que ce sont des models un peu particulier puisque il s’agit de superbes vélos blancs aux gardeboue inox du plus bel effet. Ces vélos sont destinés aux déplacements du personnel de la fromagerie ainsi qu’aux livraisons. Ce parc de vélos fait partit de ce que l’on nomme une mise à disposition d’un parc de vélos dédiés. Appel à projet : Movimento a répondu en Mai à un Appel à projet lancé par la Région Haute Normandie (HN) « Eco Région Solidaire ». L’objet de cette appel à projet étant de « soutenir le développement de L’économie sociale et solidaire en HN ». Description du projet : Le projet a pour objectif de créer une structure de l’E.S.S. ayant pour vocation L’exploitation de services vélo pour le compte de collectivités ou D’entreprises. Le projet se déroulera en deux phases : - une phase d’élaboration (dite de maturation) du projet dans toutes ses dimensions (commercial, technique et juridique), - une phase d’expérimentation afin de mettre en pratique l’activité d’opérateur de service vélos sur une ou plusieurs des agglomérations pressenties (Rouen, Le Havre, Evreux, Dieppe). En Juillet Movimento a remporté cet appel à projet, à savoir : 1 : 30 k€ pour réaliser la phase de maturation (réalisation de 4 études de marché sur le potentiel de développement de services vélo sur les agglo de Rouen, Le Havre, Dieppe et Evreux, 2 : 70 k€ que l’on pourrait toucher dans un second temps pour la phase d’expérimentation (1 VS expérimentale sur une durée de 8 mois environs). On ne touchera cette deuxième tranche de subvention que si l’on trouve le financement complémentaire nécessaire à la réalisation de l’expérimentation (environs 100 000 € supplémentaire à trouver. On va chercher auprès de l’Europe, de l’ADEME et des collectivités locales concernés (ville et agglo) pour la mise à dispo de locaux 3 : pendant la phase d’expérimentation, les collectivités locales préparent et lancent un AO pour pérenniser un service similaire. Movimento y répondra et essayera de la gagner. 3 Voila, actuellement on est en train de réaliser les études de marché et de prendre contact avec : Les collectivités locales, Les associations locales, Les acteurs de l’insertion, Les institutions type ADEME et europe. Les études de marché ainsi que l’engagement des collectivités locales permettront de définir dans quelle agglomération se mettra en place l’expérimentation. (Merci à Sylvain pour ces infos) Un premier bilan de l’année : Pour l’année 2006 en ce qui concerne l’accompagnement modal, Movimento a réalisé : 14 prestations « atelier vélo » en entreprise. 1 prestation « Gravage ». 1 prestation « Conférence sur la mobilité ». Autour de la machine à cafter Il y a dans ce journal des pigistes assidus, Yannick en est un, fidèle du premier jour, créatif et original, du grand Yaya quoi… Pasd'idée....nantoujourspas...hooobença:letempsdeme creuserlacervelleetv'lat'ypasquemonéconomiseurd'écran s'active. économiseurd'écran:letrucdébilequis'agitesurl'écrande votreordinateurquandvousoubliezpendantquelquetempsde toucherleclavieroulasourie;saufquesurmonécranc'estpas untrucdébile. c'estuntrucfortdivertissant:ilfaitdéfilerdesphrasesde personnesplusoumoinscélèbre(pourleswindowsiensilsuffitde chercherunpeuceprogrammesurl'ordinateur,...là,allezencore unpeu,siregardebien!ha!pasdechanceçan'existepas,c'est sadiquehein!).(propagandepourl'informatiquelibre) jesuissympaquelquesexemplessélectionnésrienquepourvous: Quandvousdoublezuncycliste,laissez-luitoujourslaplacede tomber. -+-LeRépublicainLorrain,14/08/1954-+- Lanatureestprévoyante:elleafaitpousserlapommeen Normandie 4 sachantquec'estdanscetterégionqu'onboitleplusdecidre. -+-HenriMonnier(1799-1877)-+- Siçafaitmalc'estqueçafaitdubien!! -+-DeviseShadok-+- Q:C'esttoilenouveau? R:Jenesaispas,jeviensd'arriver. GNU,y'amoinsbienmaisc'estpluscher Écrivezdansl'ivresse,maisrelisez-vousàjeun. -+-AndréGide(1869-1951)-+- Toutesociétédanslaquellelagarantiedesdroitsn'estpas assurée nilaséparationdespouvoirsdéterminée,n'apointdeConstitution. -+-Déclarationdesdroitsdel'hommeetducitoyen (26août1789)-ArticleXVI-+- >Pourquoipaspasserunpermisdevoteraussi:)? Pourquelesfrançaisvotentaussibienqu'ilsconduisent? J'aiundoutelà... -+-GDinGuideduFmblienAssassin:Bienseconduire.-+- C'estlafoiredesveauxetdesporcs:veneznombreux! -+-LaVieCorrézienne,09/05/1954-+- Ilyaquelqu'unsansquitoutcequej'aifait jusqu'àprésentn'auraitpasétépossible:MOI. -+-PhilippeGeluck,Lechat-+- Laconférencesurlaconstipationserasuivied'unpotamical. -+-Ouest-France,12/08/1995-+- Jedisdeschosestellementintelligentes, queleplussouventjenecomprendspascequejedis. -+-DeviseShadok-+- Pourmarcheraupasd'unemusiquemilitaire,iln'yapasbesoinde cerveau,unemoelleépinièresuffit. -+-AlbertEinstein-+- Lerespectdeladémocratieveutquej'ailederniermot. -+-GeorgesMarchais,1973-+- Pourqu'ilyaitlemoinsdemécontentspossibleilfaut toujourstapersurlesmêmes. -+-DeviseShadok-+- //extraitd'untexte,etbonnedéfinitionde"pinailler": fairesentirauxmouchesladouceurdesdolomites. Ilfaudraitessayerd'êtreheureux,neserait-cequepourmontrer l'exemple. -+-JacquesPrévert-+- Unhommequin'apourmoteurquesonambition vatrèsloinmaisn'yapporterien. 5 -+-GilbertCesbron(1913-1979),depetiteschoses.-+- Oh!l'éternelféminin,commedisaitlemonsieurdont lafemmen'enfinissaitpasdemourir. -+-AlphonseAllais-+- Sitoutceuxquicroientavoirraisonn'avaitpastort,lavériténe seraitpasloin. -+-PierreDac-+- 20:03monDieupardonnezmoi,jesuisentraindepecher... 20:0520:03çamord? 20:1220:05j'esperebienquenon!sinonellevamefairemal... Mafemmeestsansdéfense:heureusementpourelle,onla confondait avecunéléphant. -+-PierreDoris-+- Silesimbécilesvolaient,ilferaitnuit. -+-FrédericDard-+- Ilyauneespècedehonted'êtreheureuxàlavuedecertaines misères. -+-JeandelaBruyere,LesCaractères-+- Deuxconducteursétaientinterpellésparlesgendarmesenétat d'ivresse. -+-VarMatin,13/07/1994-+- //etpourfinirspécialdédiasseaumovimentistes Jepompedoncjesuis. -+-DeviseShadok-+- Une vérité crue : Hier je croise Bob (pas l’éponge hein, le Bob qui bosse à la gare), le salut, lui demande poliment quelques nouvelles. Il me dit que tout va bien, même si… Même si cela fait deux ans aujourd’hui qu’il ne parle plus à Nadia… Comment cela tu ne parles plus a Nadia, fais-je étonné !!! Il me répond, ben oui je n’aime pas couper la parole aux autres… Une petite nouvelle : Au grand jeu des sept familles de la comptabilité nous avons une petite nouvelle parmi nous, Marion. Elle remplace Estelle qui nous quitte. Elle rejoint donc la célèbre équipe composée d’Alain et d’Aurélie. Bienvenu Mamazelle Marion. 6 Une date à ne pas manquer : Avis à la population. Pour vous rafraîchir les esgourdes avec du son original il y a un événement sur la ville rose à ne pas manquer. Les « Raoul Petite » sont au Mange-disque le 25 novembre. Un concert où l’on peut aller en famille pour savourer ce rock très convivial. Une autre tête nouvelle : Un autre petit nouveau est arrivé dans la bande des graisseux (heu pardon, des mécaniciens spécialisé qu’on dit quand on cause la France) Tristan. Il est actuellement enfermé au fond de la grotte où il découvre les effets cumulés de la caféine et de la clef de 15... Souhaitons lui une bonne accoutumance. Un nouveau jeu chez Movimento : Vous avez pu découvrir avec vos dernières fiches de paye un tout nouveau jeu. L’Organigramme Movimento... En effet il vous faut découvrir qui se cache derrière les codes ésotériques en question. Attention ce n’est pas toujours très facile et il existe plusieurs niveaux de difficulté... Remercions WP pour ce moment de détente. Pensée du jour : Quand on est parachutiste on peut dire : J’ai sauté 4 fois vendredi. Mais pas quand on s’appelle Robinson. Pensée du mois : Mieux vaut un vélo pliant 7 Qu’un vélo plié… Tempête de cerveaux (Brainstorming) Je veux du Nucléaire. Enfant d'une génération ratée Qui pensait qu'à rêver De drapeaux blancs Moi j’ veux du nucléaire J' veux du sexe et du sang Des bombes dans le RER Même si je ne suis qu'un enfant Enfant d'une génération ratée Vautré devant la TV On se branle devant les bombardements Mon dieu que c'est excitant Moi j' veux du nucléaire J' veux du sexe et du sang Des bombes dans le RER Même si je ne suis qu'un enfant Sous les ruines d'un monde On se souvient Masoud Et les rêves qu'on a fait D'amour et de paix 8 God bless america God blesse america Sous les ruines d'un dieu On se souvient Masoud Et les rêves de liberté D'amour et de paix God bless america God blesse america Ouvrir les yeux sous le capitalisme Le bonheur idéal et le sang versé! Des milliards de pauvres Des milliards d'humains Mais des milliards d'humains Ca vaut pas un dollars Ouvrir les yeux Sur ce pauvre bon dieu Qui a rien demandé Et qui ne sait plus son nom Tellement qu'il est perdu Au milieu des horreurs Que commettent ces fils Au nom de l'ignorance Ouvrir les yeux sur l'univers entier Ouvrir les yeux pour les fermer enfin Ouvrir les yeux et puis quitter ce monde Pour un meilleur demain Moi j' veux du nucléaire Du sexe et du sang Des bombes dans le RER Même si je ne suis qu'un enfant God bless america God blesse america. Damien Saez (Si vous voulez l’écouter c’est ici) 9 Dit Camion, Poète, Poète… Alibi La grande dune de Carcans-Plage est âpre à l'escalade. Les pieds s'enfoncent dans le sable et l'effort est double. Mais l'iode puissant venant du large emplit les poumons, les décape et électrise le cerveau. Alors la grimpette est agréable. La sueur coule dans le dos, mais la poitrine reste fraîche. L'air devient si pur que l'on voit à des dizaines de kilomètres, et quand on arrive en haut de la dune, c'est comme si on était en haut du Monde, les quatre éléments sont là, l'air, l'eau, le sable, et, bien sûr, le feu au-dessus de la tête. Zoj vient ici presque tous les dimanches. Il se force à faire, depuis Bordeaux, les ennuyeux kilomètres sur la Honda en espérant qu'elle ne serre pas sur les longues lignes droites entre les usines, les hangars et peu à peu les hautes herbes, et quand il arrive vers Maubuisson, quand il voit le lac scintillant sur sa droite, il se libère, respire ce qu'il peut, tant mieux, il est près de la mer. Dès qu'il voit les pins, tout va bien, la moto peut exploser, il s'en fout, les cinq ou six kilomètres le séparant de l'immense plage, celle qui joint le nord au sud, il pourra toujours les faire à pied. Au cas où. Sous les arbres, il fait frais. Et la lumière est blonde, tamisée. Une douceur incroyable baigne le monde et tous ceux qui s'y meuvent. Ce matin, dès qu'il était arrivé dans la pinède, il avait roulé au ralenti, prenant, avec la moto presque silencieuse à bas régime, les pistes cyclables. Il n'en avait pas le droit, car c'était réservé aux hommes sans moteur, aux cyclistes, mais le Droit, il s'en fichait un peu, il avait l'habitude de le côtoyer, le Droit, qu'il soit de droite, de gauche ou du Milieu, il franchissait souvent la ligne blanche, il était gitan, pauvre et livré à lui-même, il habitait sous le pont de l'autoroute, à Bacalan, pas très loin de la base sous-marine, dans la banlieue Nord de Bordeaux, un de ces quartiers où l'on sait que les gens et la loi ne s'embrassent pas sur la bouche. Et ces durs moments de la vie de semaine, à gagner sur l'adversité, à faire face incessamment, à jouer avec le monde, à convaincre l'autre, à déjouer les pièges de la rumeur, à rendre toutes ces poules qu'il n'a pas volées, eh bien, il fallait qu'au moins quelques heures il puisse les oublier en s'allongeant sur le sable, quand il commençait à faire beau, en dormant, du sommeil léger des gens sur le qui vive, à quelques enjambées de la mer, en se laissant vivre, en sentant, sous lui, le poids de la Terre. Et quand il écartait les bras, quand il mettait ses paumes sur le sable, quand il regardait le ciel, il avait toujours l'impression extraordinaire de soutenir le Globe, de le porter comme un dérisoire Atlas, de l'empêcher de continuer sa course folle, et ça valait bien une réinsertion, ces moments dominicaux, et de plus il était seul, seul enfin, loin des cris de la famille, de la meute, des engueulades et des insultes, et il n'entendait plus les possibilités fumeuses de petits arrangements avec les vivants qui encombraient le reste des jours. Alors Zoj, ce matin-là, grimpait la dune de Carcans-Plage, et il avait quitté le chemin balisé par des rondins de bois servant de marches aux plus faibles ou aux plus fatigués, le soleil tapait, il n'y avait presque personne. Les touristes et les vacanciers, ceux qui ont le droit de travailler à heures fixes et de se reposer à d'autres heures, tout aussi fixes, n'étaient pas encore arrivés. Il escaladait la dune, écrasant quelques pousses d'oyats et d'herbes des sables, marmonnant entre ses 10 lèvres une ancienne rengaine de La Mano Negra. Arrivé en haut, c'était comme s'il parvenait au-dessus d'un volcan, le fracas de la mer le saisit presque d'un seul coup . et il écarta les bras, sortit de son sac de toile une canette de bière et s'assit sur le sable brûlant. Et tout disparut dans le temps tout à coup ralenti à l'extrême. Il n'y avait plus que le bruit des vagues, le vent, et le grondement lointain d'un avion à réaction. Quelques personnes, en bas, sur la plage, petits points agités et tremblants. La marée était presque basse, pas tout à fait, Zoj connaissait les limites de son recul et il restait encore deux ou trois heures avant que les vagues reviennent vers le haut des sables, poussant quelques bouteilles plastiques et déchets venus du sud, d'Espagne, ou de la côte basque. Zoj s'allongea un instant pour se chauffer comme un lézard, avant de descendre vers les embruns. Et c'est alors qu'il entendit les rires, perlés, joyeux, pas loin. Les mêmes que poussait sa petite sœur quand, le soir, dans la caravane, il imitait Laurel et Hardy. Zoj se dressa sur un coude, regardant autour de lui, et ne vit que du sable, des herbes vert pâle et, entre deux courbures de dune, un point rouge. Un vêtement, un foulard, quelque chose d’enlever, quelque chose de posé plus loin. Alors Zoj imagina tout de suite des corps, nus sans doute, allongés comme lui, plus loin, sous le ciel, des corps qui étaient dans le rire et le plaisir. Et Zoj se fit son cinéma, il n'y avait pas beaucoup de possibilités. Des gens s'amusaient, se frottaient le lard, et impunis, se donnaient sans risque au monde. Zoj se vit coincé dans un rôle qu'il n'aimait point. D'abord, il aurait voulu être seul, ne rien entendre, et ne pas bouger c'était subir, de longs moments, les gloussements de personnes qui ne les tairaient pas, se croyant seules. Et d'un autre côté, ces personnes rieuses, joueuses, risquaient bien évidemment de s'apercevoir de sa présence et alors il passerait pour le mateur de base, et avec ses cheveux longs, sa peau plus bronzée que la moyenne, sa maigreur de démuni, il aurait droit, encore et encore, à ces regards, ces mots, peut-être ces coups qu'il savait depuis toujours encaisser ou éviter. Il réfléchit à toute vitesse, fut sûr de ce qu'il pensait quand il vit s'envoler dans le ciel une autre pièce de vêtement, rouge aussi, il n'y avait plus de doute. Alors il se dit que la seule solution, c'était de se lever, de marcher sur eux et de s'excuser à l'instant de la rencontre, comme si c'était un hasard, et puis de partir, plus loin, vers le bas de la plage, sans se retourner, comme le promeneur de base, pour éloigner toute mauvaise pensée. Et alors sentir, derrière soi, des regards rassurés, des ondes qui disaient que c'était effectivement un hasard et basta. Et c'est ce qu'il fit, il marcha dans le sable et dit oh pardon, excusez-moi et il bifurqua vers le bas de la plage, ses pieds s'enfonçant dans le sable, glissant plus qu'il ne marchait, et dans la tête, ces images qui resteraient sans doute longtemps, l'image de ces deux filles, très jeunes, d'une incroyable beauté avec leur peau un peu cuivrée déjà, et toutes les parties nécessaires aux corps de jeunes filles et ce qui était beau c'était tout ce qu'il avait vu sans voir, tout ce qu'il avait perçu sans détailler, ce coup d'oeil embrassant une totalité sans pouvoir, enfin... bon. Et puis de légers détails, incongrus, le tatouage sur le haut d'une fesse blonde, un petit aigle bleu et rouge, ça il l'avait vu, et magnifiquement vu, comme si ce petit oiseau contenait le Tout, toute cette beauté, cette nudité, et bizarrement, il en avait été extrêmement ému, mais pas comme on croit, plutôt comme une évidence, comme si toute cette beauté était en soi, ne devait pas être dérangée, et il pensa qu'elles avaient de la chance, ces jeunes filles, de jouer et d'aimer, et en aucune manière, il n'avait eu de mauvaise pensée, non, il avait descendu la falaise de sable, heureux, satisfait d'avoir vu quelque chose de beau et de calme dans le monde, quelque chose qui allait bien avec ce jour ensoleillé, qui allait avec la vague, avec le sable sec, avec les oyats qui se balançaient mollement dans le vent, avec ces deux petits nuages isolés dans le ciel bleu métallisé, et il se mit à courir vers l'eau, content, soulagé de savoir qu'à cet instant tout allait bien partout, lui, les deux jeunes filles là-haut, et l'océan, et l'ordre et le désordre. 11 Il se jeta dans la première vague tout habillé. Le retour fut plus difficile. Il avait pris un coup de soleil, en attendant que le soleil sèche ses vêtements, il le sentait sur ses épaules en conduisant la moto, et au fur et à mesure que la campagne, la nature, laissaient place aux maisons, aux ateliers, aux usines, à la ville, il fut de plus en plus mal à l'aise, de plus en plus triste, la Cité revenait en lui, et lui revenait dans l'urbain, et la vie allait reprendre ses droits, pour une semaine, et même quand il tentait de remettre dans sa tête ces images de la dune, le corps de ces jeunes filles, le soleil, le petit aigle rouge et bleu, il n'y arrivait pas, tout s'estompait, dans le bruit, et puis, après, dans le vision de Bacalan qui se rapprochait, et cette foutue baraque de Le Corbusier, au loin, et le pont de l'autoroute où les voitures couraient comme des fourmis sur une matraque de gendarme. Autour des caravanes, de part et d'autre des baraques du campement, il vit les Bleus, une dizaine de cars de CRS et des voitures de police. Encore une fois, une descente, une rafle, où des copains allaient morfler, avec les parents qui hurlent et les petits enfants qui se cachent, encore des emmerdes qui allaient durer des jours et des jours, jusqu'au retour des embarqués, qui reviendraient du commissariat ou de la prison avec les yeux, brillants, initiés qu'ils étaient, et à jamais différents des autres. Et très vite, aussi, il comprit que c'était chez lui, enfin chez lui, dans le périmètre où sa famille, sa meute, régnait en propriétaire, que ça s'agitait le plus. Un instant il eut peur qu'un de ses frères ait fait la bêtise du siècle, celui-là quand il faisait le con, il était vraiment très con, ou une des sœurs, va savoir, et donc il entra dans la danse avec la ferme intention de s'en mêler, comme d'habitude, l'invective au bord des lèvres, les poings serrés, pour faire corps, pour faire de son corps un barrage, on savait comment faire dans ces caslà, et généralement ça se terminait en nouba générale, en baston et puis en nuit au poste. Mais il vit le monde s'arrêter, les cris se taire, les visages blanchir quand il déboula au milieu du groupe où il y avait sa famille et beaucoup de policiers. Il comprit que c'était pour lui, Zoj, que tout ce raffut était organisé. Et, sonné, il ne broncha pas quand de puissantes mains l'enfournèrent dans un fourgon qui démarra aussitôt. Il n'entendit presque pas les cailloux et autres projectiles s'abattre sur le fourgon. Plus tard, devant le bureau d'un inspecteur exténué, un peu suant, l'œil mauvais, il sut qu'il avait été dénoncé, par qui? va savoir, un ami, un copain, quelqu'un qui pouvait dire son nom, quelqu'un qui l'aimait suffisamment pour le mettre dans cette situation. L'après-midi, Zoj apprit qu'il avait donc participé à un cambriolage monstre dans un Cuir Center de Pessac. J'étais au bord de la mer, à Carcans, répondit Zoj. Je peux le prouver. J'étais pas tout seul. Y'avait deux... Et il se tut. Tout à coup. Dans sa tête, la beauté était revenue. Des détails, des bouts de corps, le petit aigle, et puis des yeux, un sourire, et aussi un regard inquiet, un peu paniqué, mais pas de honte, non, pas de honte, une petite peur, mais pas de honte, et des yeux verts qui s'étaient baissés quand il avait dit oh pardon. Zoj ne se voit pas, là, maintenant, ne se sent pas de dire à ces flics tout ce qui pourrait le sauver de son mauvais pas, car il se persuade qu'il préfère laisser la beauté là où elle est, et se démerder avec sa laideur présente, qui est aussi celle du monde et celle des temps, et qui aura du mal à changer. Et quand, dans un 12 sursaut ultime, il leur dit qu'il a attrapé des coups de soleil, et que le laboratoire de la Police peut faire son enquête, que ses vêtements sont imprégnés de sel et que ça ne doit pas leur être trop difficile de prouver que ça date de l'après-midi même, les flics se marrent, mais se marrent ! Mais Zoj s'en fout. Jean-Bernard Pouy La chasse au tatou dans la pampa argentine. Edition la baleine. En roue libre… Douce France... Ce matin, comme tous les matins depuis que je vis dans ce pays de vertes vallées, je reste là à observer le vol des oiseaux qui jouent avec le vent, les branches des noisetiers qui font un concerto de Maracas, les lapins effrayés qui zigzaguent de terriers en terriers, les taupes qui tels des constructeurs infatigables érigent leurs mottes vers le ciel, tour de Babel de terre filant vers un hypothétique paradis céleste. Parfois un voile de fine pluie vient brouiller le calme relatif de ces douces pâtures, mais toujours après le soleil réussit à percer et ramène la douce odeur de ma campagne. Aujourd’hui les nuages dessinent des formes fantomatiques qui ne sont pas sans me titiller le coin du cerveau où je range mes souvenirs. L’écho de la voix de ceux qui ont partagé si souvent avec moi cet espace de liberté ou j’attend tranquillement que vienne cet homme qui si tendrement chaque soir vient me toucher. Pose amoureusement le bout de ses doigts sur la pointe de mes tétines pour en extraire la délicieuse substance... Que le temps parfois me semble long à s’écouler maintenant que tous mes amis sont partis je ne sais où. Je les ai vu monter les uns après les autres dans ce sombre 13 camion, j’ai entendu leurs longues plaintes pendant que s’éloignait sur le chemin le vieux véhicule branlant vers une destination qui m’était inconnue. Pourquoi ne sont ils jamais revenus ? Quel pays est si merveilleux que jamais aucun n’a voulu en revenir ? La vielle Margueritte, Lolotte, le beau Léon, et toutes ces générations de jeune à peine sortis de l’enfance... Evaporées dans la nature... Et moi qui reste là, à attendre les caresses, les mots doux de cet homme, mon homme, qui depuis bien des années pose sur moi son regard plein de tendresse. Bien sûr parfois il hausse la voix, il semble en colère. Prend son joug pour me tapoter délicieusement le derrière... Moi je joue alors, me fais rebelle, sautillante, ruant par principe. Mais toujours je finis soumise pour son plus grand plaisir et entre sans bruit dans la grande maison ou m’attend mon repas du soir. C’est alors qu’il vient s’asseoir à mes coté, pose sa tête contre mon flanc, ses mains douces sur mon corps. Un train passe au loin m’arrachant à mes songeries en poussant un long soupir mécanique. Le soleil au zénith me rappelle les plaintes de mon estomac, il est grand temps que je le soulage. D’un rapide regard je cherche un endroit où m’installer pour assouvir mon appétit. Sous le noyer l’herbe à l’air bien verte c’est parfait. Repas composé de luzerne fraîche accompagné de jeunes champignons. Drôle de champignons d’ailleurs, une variété que je ne connais pas, frêle tête posé sur un pied qui l’est bien plus encore. Peu importe, si il est là c’est que mon homme pense que c’est bon pour moi, lui qui semble si attentionné à la préparation de mes mets. Succulente en effet cette salade aux champignons que je mâche avec application. Le soleil continue sa course dans le ciel... Le temps semble curieusement modifier sa façon de faire en même temps qu’augmentent les crampes de mon ventre. Les nuages prennent des formes aussi surprenantes que peu rassurantes, certaines ressemblent à ces gueules de chiens errants qui jouent si facilement des crocs, d’autres à des créatures hideuses. Et pourquoi maintenant les animaux qui m’entourent ne semblent s’intéresser qu’à moi. Ce lapin me regarde d’un drôle d’air. Cette taupe est bien étrange aussi. 14 Et voila que maintenant c’est le ciel qui se remplit de mauve comme si une bulle d’encre venait d’exploser juste au dessus de moi et s’écoulait doucement sur le reste du monde. J’ai peur... Mon ventre me fait mal. Ma tête explose. Je voudrais pouvoir rentrer dans ce trou de souris, ne plus être là. Ne plus être même... Les branches hurlent autour de moi... Je préfère fermer les yeux, ne plus savoir... Une voix familière est derrière moi. L’homme. Mon homme. Il est la avec un ami à lui, il m’appelle. Sa voix me calme, m’apaise. J’aime entendre mon nom dans sa bouche. J’aime sa main posée sur mes hanches. Il connaît les mots qui me rassurent. Je jette un œil timide au dessus de moi, le ciel est de nouveau bleu. Le soleil a presque fini sa course pour aujourd’hui. Tout semble rentrer dans l’ordre. Plus de lapin accusateur, plus de taupe. Plus de crampes dans mon estomac. Puis mon homme qui sourit, qui blague avec son ami, qui lui tape dans la main. Qui me caresse doucement le front. Puis son ami qui redescend le chemin et revient avec son gros camion !!! Enfin, ça y est c’est mon tour de partir en voyage. Je vais retrouver tous mes amis, partir avec mon homme vers ce pays tellement merveilleux que l’on ne veut pas en revenir. J’ai enfin moi aussi droit à connaître ce bonheur. Je monte sans précipitation dans le camion, mon homme à mes cotés. Il prend ma tête dans ses bras, semble un peu triste. « En revoir la Noiraude » me dit il simplement... Pourquoi ne viens tu pas avec moi ? 15 Mon homme... La porte arrière se referme dans le dos de mon homme. Mon hommeuh... Mon hommeuh... Mon hommeuheuh... Maurice avance dans le chemin qui le ramène chez lui, il préfère ne pas attendre le départ du camion du boucher, les meuglements de la Noiraude lui brise le cœur. C’était la dernière vache de sa petite exploitation et aussi la plus vielle. Maintenant il peut vendre la ferme. Ce soir Maurice pleurera en avalant la soupe qu’il s’est fait avec ces drôles de petits champignons qu’il a trouvé sous le noyer... Par : Lavache Thierry Contact Si vous avez une idée, une remarque, une critique, un article, une proposition, une petite sœur célibataire, des photos, des billets en petites coupures usagées dont les numéro ne se suivent pas, une solution, un coup de gueule, un coup de rouge, un coup du lapin, une nouvelle, un roman, une gourmette, des liens, des biens, des chiens, ou même rien… Le contact c’est : [email protected] Et encore un grand merci à tout ceux qui ont participé volontairement ou involontairement à ce numéro. Et aussi à vous tous qui en le lisant lui donnez sa seule et unique raison d’exister. 16