Quelle allocation stratégique d`actifs en réponse
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Quelle allocation stratégique d`actifs en réponse
ASSET ET ALLOCATIONS LA LETTRE DE LA FRANÇAISE – ALLOCATION GLOBALE D'ACTIFS Numéro 3 Achevée de rédiger le 29 |01 | 2016 Quelle allocation stratégique d’actifs en réponse aux risques et aux opportunités offerts par les nouveaux paradigmes économiques ? Le monde d’hier n’arrête pas de mourir et empêche le monde nouveau de naître L es performances 2015 des grandes classes d’actifs mondiales en perspective Démarrée dans l’euphorie de la dynamique quelque peu retrouvée de l’économie en zone euro, l’année 2015 a fini dans l’inquiétude sur le ralentissement de la croissance en Chine, l’effondrement du prix du pétrole et la fin de la politique de taux d’intérêt zéro menée depuis 2008 par la Federal Reserve. Derrière ces inquiétudes, se profile la perception, justifiée par suffisamment de recul, qu’un certain nombre de tendances lourdes qui avaient servi de grille de lecture dans l’allocation d’actifs au cours des derniers vingt-cinq ans sont arrivées à leur terme. On peut notamment citer l’effet d’entraînement du commerce international sur l’activité mondiale initiée après la fin de la guerre froide, le long effort d’investissement en infrastructure de la Chine et la baisse structurelle des taux d’intérêt initiée au début des années 1980 et amplifiée par les politiques monétaires ultra-accommodantes des Banques centrales. Les réflexes des marchés se sont progressivement conditionnés à ces tendances lourdes et en particulier à la présence de ce qu’il est convenu d’appeler « l’option de vente » sur le prix des actifs vendue gratuitement par les Banques centrales qui a poussé de nombreux acteurs à prendre plus de risques qu’il n’était naturel. Le sevrage en cours produit naturellement des accès de fébrilités. -1ASSET ET ALLOCATIONS - JANVIER 2016 A l’heure des comptes (cf. graphique 1), l’immobilier sous toutes ces formes, cotée ou non cotée, en Europe et aux USA, est l’actif gagnant de l’année 2015, suivi des actions en Europe et du Private Equity. Les grands perdants sont les matières premières ainsi que les actions et obligations des pays émergents. Les performances de tous les autres instruments à taux, emprunts d’état ou obligations d’entreprise, ont enregistré des évolutions quasi étales sur l’année. Graphique 1 : Performances globales de grandes classes d’actifs en 2015 en euros Performances totales 2015 en euros avec couverture de change Bureaux Prime Paris QCA - CBRE Bureaux Prime Europe - CBRE Immobilier coté Europe - EPRA Immobilier coté France - IEIF Actions France - CAC All Tradable Bureaux Prime US - NCREIF Actions Europe - DJ STOXX 600 SCPI - EDHEC IEIF Private Debt Europe - S&P Private Equity US - Cambridge Associates Private Equity Europe - Cambridge Associates Immobilier coté US - EPRA Obligations Entreprise High Yield Euro - BOFA Treasuries 10 ans USA - Fed Actions US - S&P 500 Bons du Trésor 3 mois France - BDF Private Debt US - Crédit Suisse Leveraged Loan OAT 10 ans - AFT Obligations Entreprise IG US - Barclays Hedge Fund Global - HFRI Obligations Entreprise IG Euro - BOFA Obligations Entreprise High Yield US - Barclays Or - LME Actions Pays Emergents - MSCI Obligations Etat Emergents - JPM EMBI Matières Premières Global - S&P GSCI Obligations et cash Hedge Funds Private Debt Actions Private Equity Or et Matières premières Immobilier -40 % -30 % -20 % -10 % 0% 10 % 20 % 30 % Le profil des performances en 2015 diverge peu des évolutions enregistrées sur les cinq dernières années (cf. graphique 2). L’immobilier est en tête, les matières premières et les actifs des pays émergents en queue. Restent les instruments de taux dont les performances médiocres en 2015 sont contrastées par rapport à une période faste. Graphique 2 : Performances globales de grandes classes d’actifs en 2015 et sur 5 ans en euros 30 % En euros avec couverture de change Performances totales 2015 20 % 10 % 0% -20 % -15 % -10 % -5 % 0% 5% 10 % 15 % 20 % Performances totales 2010 - 2015 -10 % -20 % Obligations et cash Hedge Funds Private Debt Actions Private Equity Or et Matières premières Immobilier -30 % -40 % -2ASSET ET ALLOCATIONS - JANVIER 2016 L e poids des tendances lourdes La plus lourde et la plus longue des tendances qui a structuré le comportement des marchés sur une génération est la désinflation (cf. graphique 3). En décembre 1981, l’inflation en France était au plus haut de l’après-guerre à 14 % en rythme annuel, en avril 2009 elle passait la barre des 0 %, pour osciller depuis autour de ce niveau. Dans le sillage de sa décroissance, les taux d’intérêt long terme ont suivi une pente baissière avec l’effet d’hystérésis lié à la disparition lente des anticipations inflationnistes. Graphique 3 : Taux d’intérêt long terme et taux d’inflation en France 18 % 16 % 14 % 12 % 10 % 8% 6% Taux des emprunts d'état à 10 ans 4% 2% Inflation 0% Source : INSEE, AFT 2015 2013 2011 2009 2007 2005 2003 2001 1999 1997 1995 1993 1991 1989 1987 1985 1983 1981 -2 % Au fur et à mesure que les actifs de rendement voyaient leur taux de capitalisation baisser, les actifs de rareté, au premier chef les matières premières, rentraient dans un long cycle de hausse, entrecoupé d’accès de faiblesses, et culminant dans les années 2000 avec la frénésie d’investissements en Chine (cf. graphique 4). La rupture en 2008 est violente. Les prix de toutes les matières premières, énergie, agriculture, métaux, sont orientés à la baisse. Le mouvement ne fait que s’amplifier : le prix du pétrole s’est effondré des trois-quarts de sa valeur depuis l’été 2014, entraînant un transfert massif de pouvoir d’achat des pays exportateurs vers les pays consommateurs. Graphique 4 : Prix des matières mondiales en USD 1 100 1 000 900 800 700 600 500 400 300 200 Source : S&P GSCI -3ASSET ET ALLOCATIONS - JANVIER 2016 2015 2012 2009 2006 2003 2000 1997 1994 1991 1988 1985 1982 1979 1976 1973 1970 100 Naturellement ce changement majeur de régime se retrouve dans les chiffres du commerce international qui ne croît plus deux fois plus vite que le PIB mondial mais au même rythme voire moindre (cf. graphique 5). Le temps où la globalisation des échanges portait la croissance économique mondiale est passé. L’économie chinoise mise sur le secteur des services, non consommateur de matières premières, et l’investissement productif dans les pays avancés connaît la dynamique la plus faible enregistrée au cours d’une reprise depuis les années 1970. Graphique 5 : Commerce international / Production industrielle mondiale 1,1 1,0 0,9 0,8 0,7 0,6 Source : CPB 2015 2013 2014 2011 2012 2010 2009 2008 2007 2006 2005 2003 2004 2001 2002 2000 1999 1997 1998 1996 1995 1994 1992 1993 1991 1990 0,5 Le cycle économique traditionnel est perturbé, l’activité économique dans les pays avancés tourne toujours au ralenti sept ans après la pire récession qu’ait connu le monde depuis la Grande Dépression, malgré des politiques monétaires ultra-accommodantes qui maintiennent la croissance en lévitation plutôt que de la stimuler. En conséquence l’impulsion sur les marchés d’actifs n’est plus portée par la croissance mais par l’abondance des liquidités. L’essoufflement de la dynamique de performance des actifs est perceptible avec des cycles à moyen terme de plus en plus courts et d’amplitude de moins en moins forte (cf. graphique 6). Graphique 6 : Taux de variation annuel moyen sur 5 ans des performances globales 50 % 40 % CAC All Tradable Bureaux Prime Paris QCA OAT 10 ans 30 % 20 % 10 % 0% Source : INSEE, Euronext, AFT, CBRE -4ASSET ET ALLOCATIONS - JANVIER 2016 2015 2012 2009 2006 2003 2000 1997 1994 1991 1988 1985 1982 1979 -10 % En termes de diversification, une fois l’illusion inflationniste dissipée, les taux d’intérêt sont devenus des estimateurs de la croissance future et les corrélations entre obligations et actifs indexés sur l’inflation comme l’immobilier ou la croissance nominale comme les actions sont devenues négatives (cf. graphique 7). La diversification entre actifs a donc été plutôt efficace et facile à mettre en œuvre. Graphique 7 : Corrélation sur 10 ans des performances globales annuelles avec les OAT 10 ans 100 % 80 % CAC All Tradable 60 % Bureaux Prime Paris QCA 40 % 20 % 0% -20 % -40 % -60 % -80 % Source : INSEE, Euronext, AFT, CBRE 2015 2013 2011 2009 2007 2005 2003 2001 1999 1997 1995 1993 1991 1989 1987 1985 1983 -100 % En conclusion, sur les vingt-cinq dernières années, l’allocation stratégique d’actif présentant le ratio de Sharpe maximum privilégiait nettement les obligations. En considérant un univers d’investissement simplifié constitué d’actions, d’emprunts d’état à 10 ans et d’immobilier de bureaux Prime en France, en fait les actifs institutionnels domestiques disponibles sur l’ensemble de la période, et en mettant une contrainte de 15 % maximum sur l’immobilier considéré comme relativement illiquide, le portefeuille est constitué de 80 % d’emprunts d’état, 5 % d’actions et 15 % d’immobilier (cf. graphique 8). Sa performance moyenne annuelle est de 10,8 % pour une volatilité de 8,4 %, très proche de celle des obligations. Ce portefeuille est en moyenne celui des fonds d’assurance-vie en euros, si ce n’est que la proportion des actions et de l’immobilier est inversée. Graphique 8 : Indices de performance globale des actifs financiers et immobiliers français Echelle logarithmique 10 000 5 000 CAC All Tradable Bureaux Prime Paris QCA Portefeuille de Sharpe max 2 000 Emprunts d'état à 10 ans 1 000 500 Source : AFT, Euronext, CBRE -5ASSET ET ALLOCATIONS - JANVIER 2016 2015 2013 2011 2009 2007 2005 2003 2001 1999 1997 1995 1993 1991 1989 1987 1985 1983 1981 100 Q uelle allocation d’actifs pour demain ? L’état des lieux de la valorisation de nombreux actifs montre que les primes de risque sont actuellement déréglées. Un exemple parmi d’autres est celui de l’immobilier de bureaux Prime Paris QCA (cf. graphique 9). Sur longue période, l’évolution des primes de risque est restée cohérente avec l’évolution des prix : une prime de risque élevée allait de pair avec un niveau de prix bas, une prime de risque faible était un signal de vente. Depuis 2008, c’est-à-dire depuis que les taux des emprunts d’état sont contraints à rester quasi nuls et qu’il n’y a plus de rémunération ni pour le temps, ni pour le risque, la prime de risque sur les bureaux a paradoxalement progressé alors que le prix des bureaux montait. Le taux de capitalisation des bureaux n’a de fait pas subi pleinement la contagion des taux d’intérêt artificiellement bas, il a atteint un plancher relativement incompressible afin de maintenir une prime pour obsolescence liée au caractère d’actif réel des bureaux et une prime d’illiquidité. Graphique 9 : Bureaux Prime Paris QCA 25 000 Prix en euros par m2 Prime de risque : Taux de capitalisation + Inflation - Taux des Emprunts d'état 10 ans 2,3 % 0,7 % 20 000 15 000 -0,9 % 3,7 % 1,4 % 10 000 4,1 % 5 000 2016 2013 2010 2004 2001 1998 1995 1992 1989 1986 1983 1980 1977 2007 Source : CBRE, INSEE, AFT 11,5 % 1974 0 2,6 % Heureusement, l’univers d’investissement institutionnel s’est progressivement internationalisé au cours des vingt-cinq dernières années et s’est considérablement élargi à de nouvelles classes d’actifs, permettant d’intégrer dans les portefeuilles des facteurs de risque nouveaux, spécifiques et très diversifiés. La désintermédiation bancaire y a beaucoup contribué. Ces nouvelles classes d’actifs, tels que les diverses variantes de Private Equity et de Private Debt, mais aussi d’immobilier et d’infrastructure présentent des niveaux de liquidité variés, parfois avec des organisations de marché ad hoc. En même temps, la crise financière globale de 2008 a dissipé l’illusion du concept de liquidité totale, lorsque pratiquement tous les actifs ont été soumis au stress d’une quasi-fermeture des marchés. Il devient donc important de cartographier les risques et les opportunités offerts à l’allocation d’actifs par les nouveaux paradigmes économiques. Le graphique 10 tente de lister un certain nombre de ces paradigmes en fonction de l’amplitude que peut avoir leur effet sur le cycle des actifs et de la longueur d’onde associée, qui est une mesure de l’horizon de temps sur lequel l’effet est escompté. Par analogie avec la théorie physique des ondes, on peut imaginer que l’impact énergétique dégagé par chacun de ces paradigmes sur les marchés d’actifs est lié au produit de l’amplitude par la longueur d’onde. -6ASSET ET ALLOCATIONS - JANVIER 2016 Graphique 10 : Cartographie des nouveaux paradigmes économiques Amplitude Réfugiés, naufrage de Schengen, Brexit : nouvelle épreuve de vérité pour la zone euro Risque climatique « stranded assets » Economie numérique: ubérisation, Internet des objets, 2e âge des machines Métropolisation et innovation Changement de régime de l’économie chinoise, chute des matières premières Démographie : vieillissement et immigration Fin de cycle de l’économie US et du ZIRP Longueur d’onde Si les paradigmes à courte longueur d’onde sont largement documentés, intégrés dans des scénarios de marché, voire déjà escomptés par les marchés, l’impact de ceux à longue longueur d’onde n’est pas aussi analysé, ni caractérisé. L ’économie numérique Avec la diffusion irrésistible de l’Internet mobile, l’économie numérique s’est déjà infiltrée dans beaucoup de secteurs économiques : commerce, industrie, finance, transports, immobilier. Elle pénètre les domaines de la santé, de l’énergie, de l’éducation. Son fondement est la mise en réseau à une échelle inédite d’individus, d’entreprises, de services, d’objets, de bases de données au travers de plateformes dotées de moteurs de recherche. Les obstacles transactionnels sont fortement réduits, voire éliminés, ce qui permet de développer les échanges. Du point de vue des comportements économiques, les conséquences en sont déjà largement visibles : optimisation des ressources privées, préférence pour l’usage par rapport à la propriété, érosion de multiples rentes historiques, création de nouvelles rentes digitales. L’économie numérique révolutionne également le monde industriel, avec ce qu’il est commun d’appeler le 2e âge des machines, plus intelligentes, plus autonomes, considérablement plus productives. Les exemples sont multiples : Uber et ses compétiteurs heurte de front la corporation des taxis, la capacité de logement offerte par Airbnb à Paris dépasse déjà la capacité hôtelière, l’impact de BlaBlaCar et des sites de covoiturage et de partage sur l’industrie automobile pourrait être de diminuer de 15 à 20 % le parc de voitures en France, etc. Mais d’autres évolutions, plus discrètes, sur les comportements de consommation et d’épargne sont à l’œuvre, il est par exemple observé que l’espérance de gain tirée de la location éphémère rentre maintenant dans le calcul d’achat de logements dans les endroits les plus prisés. De façon générale l’économie numérique est un puissant catalyseur de concurrence dans tous les domaines car elle bouscule les rentes traditionnelles, ce qui a pour effet d’augmenter le pouvoir d’achat global et de modifier le marché du travail avec la montée irrésistible du travail indépendant. Simultanément elle crée de nouvelles rentes numériques. Et pourtant la trace de cette évolution disruptive est encore à peine perceptible dans les statistiques macro-économiques, PIB et productivité en tête, pourquoi ?… -7ASSET ET ALLOCATIONS - JANVIER 2016 …La raison est à chercher dans la logique même de construction des outils de mesure de la macro-économie qui sont par essence plutôt des indicateurs reculés qu’avancés. Les méthodes traditionnelles deviennent peu fiables dans des périodes de changements technologiques rapides pendant lesquelles une proportion croissante de la consommation et de l’emploi est générée par de nouvelles activités de services ou selon des modèles différents. De façon générale beaucoup d’activités « on line » non seulement génèrent beaucoup moins de chiffre d’affaires que les activités traditionnelles qu’elles remplacent tandis que plus l’argent n’est pas collecté au niveau des clients finaux mais au travers de consommations intermédiaires, telles que la publicité. Ceci a pour conséquence de faire décroître de façon apparente le PIB et la productivité. Or, si l’on prend l’exemple des services postaux, leur productivité réelle a explosé avec le remplacement des lettres timbrées transportées par des facteurs par les services gratuits d’e-mails n’apparaissant pas dans les statistiques macro-économiques. uel impact l’économie numérique peut-elle avoir sur l’allocation d’actifs ? Q Comme pour tous les paradigmes sous revue, il y en a principalement deux : l’opportunité d’investir dans les gagnants de la digitalisation et surtout le risque de garder des positions dans des « actifs échoués », les « stranded assets », qui ont perdu irrémédiablement de leur valeur, voire sont devenus des passifs, pour non adaptation à la nouvelle donne. Ce risque de perte extrême est en gestation dans tous les domaines de la mutation économique. Le Private Equity est particulièrement bien adapté à l’investissement dans les sociétés en croissance de l’économie numérique mais les marchés d’actions et d’obligations offrent aussi des possibilités d’investissement dans les sociétés plus matures ou des sociétés de l’économie traditionnelle en transition. L a métropolisation et l’innovation Les métropoles sont les lieux privilégiés de l’éclosion de l’innovation. La concentration d’individus à haut niveau d’éducation, les interconnections multiples au sein de milieux différents, de cultures différentes, sont génératrices d’idées créatives et innovatrices. Le dynamisme de certaines grandes cités, leur productivité, la valeur ajoutée qui y est dégagée par emploi, est largement supérieure aux caractéristiques équivalentes des pays auxquelles elles appartiennent (cf. graphique 11). Graphique 11 : Taux de croissance annuel moyen 2000 - 2010 des métropoles par rapport aux pays respectifs France Royaume-Uni Allemagne Italie Espagne Pays-Bas Belgique 1,0 PIB par habitant Paris Seville 0,5 Marseille Rome Lille Berlin Hanover Newcastle -1,0 Toulouse Suttgart -0,5 Bremen Madrid Hamburg Bordeaux Antwerp Naples Mannheim Lyon 0,0 0,0 Brussels Frankfurt Turin Productivité London 0,5 1,0 1,5 Barcelona Rotterdam Amsterdam Valencia -0,5 Düsseldorf Nuremberg La surface des bulles est proportionnelle à la taille de la population, Source: OCDE Munich -1,0 -8ASSET ET ALLOCATIONS - JANVIER 2016 La domination des métropoles ne va que s’accentuer. La proportion d’êtres humains urbanisés a dépassé 50 % de la population mondiale en 2006 contre 33 % cinquante ans plus tôt, ce qui fait dire à Michel Serre que l’humanité a quitté l’ère du Néolithique. Cette proportion devrait atteindre 85 % à la fin du siècle. Déjà les 100 premières métropoles mondiales rassemblent 10 % de la population totale mais génèrent 30 % du PIB mondial et enregistrent 75 % de l’activité immobilière mondiale. Ici aussi les indicateurs macro-économiques sont de peu de recours. Leur conception à partir de moyennes nationales cache les multiples effets de seuil qui conditionnent le développement de l’innovation. Toutes les métropoles ne seront pas gagnantes. Il ne suffit pas d’avoir des forces d’agglutination, les facteurs d’attractivité, qualité de vie, mécanisme de réduction des inégalités, sont clés pour la réussite. L’angle d’attaque pour profiter des opportunités offertes par les métropoles dans l’allocation d’actifs est bien sûr l’immobilier, mais aussi le Private Equity investi en infrastructure, ainsi que tous les actifs ciblant plus particulièrement ces sources géographiques de richesse. L e vieillissement et l’immigration A l’exception de l’Afrique et d’un petit nombre de pays en dehors, la population mondiale vieillit. Le processus est très avancé au Japon, mais est aussi notable en Chine, en Allemagne, en Russie, pour ne citer que quelques exemples. Qui dit diminution du nombre d’actifs, dit ralentissement de la demande potentielle et contrainte sur les dépenses publiques devant assurer l’équilibre primaire du budget, plus aucune traite ne pouvant être tirée sur l’avenir. Mais cela implique aussi l’accélération de l’investissement productif de capacité ou de productivité en machines afin de se substituer à la main d’œuvre déclinante. La population âgée a des préférences financières qui influent sur le comportement des marchés. L’objectif premier est la préservation du capital, ce qui tend à privilégier la déflation par rapport à l’inflation. L’objectif second est la recherche de cash-flow élevé pour assurer la retraite, ce qui induit une pression à la baisse sur les prix des actifs. Mais la démographie est aussi faite d’immigration, et en général ce sont les jeunes qui bougent pour des raisons économiques ou politiques. L’immigration apporte un soutien à la demande et à la capacité de production, son impact net fiscal est d’autre part en général positif (0,5 % du PIB en moyenne dans les pays de l’OCDE). Reste la question parfois épineuse de l’intégration sans laquelle les retombées positives restent lettre morte. Il est relativement facile de trouver des actifs exposés au facteur démographique : l’immobilier résidentiel et ses variantes spécifiques (résidences seniors, cliniques, résidences étudiantes), ainsi que des thèmes sectoriels tels que la santé sur les marchés d’actions en sont des exemples. L e risque climatique C’est le domaine où le risque de perte extrême au travers de « stranded assets » est peut-être le plus élevé car il touche aussi bien des entreprises dont les activités ne sont soudainement plus créatrices de valeur mais aussi des actifs immobiliers physiques. La pression publique mais aussi de plus en plus réglementaire pousse à la décarbonation des portefeuilles institutionnels car l’action des investisseurs joue un rôle central dans l’évolution des économies vers des modèles de -9ASSET ET ALLOCATIONS - JANVIER 2016 développement plus durables et donc plus compétitifs et moins risqués. Les opportunités d’investissement dans l’économie décarbonée sont également un puissant vecteur de performance, beaucoup de jeunes sociétés, cotées ou non, de cette économie seront les grandes capitalisations de demain. L’empreinte carbone des portefeuilles est le plus couramment mesurée en tonnes de CO2 équivalent par millions d’euros investis. Les empreintes des grands indices d’actions sont de l’ordre de 200 tonnes(1), les empreintes des dettes publiques des pays avancés de l’ordre de 150 tonnes(2), et les empreintes de l’immobilier d’entreprise sont beaucoup plus faibles à moins de 10 tonnes(3). La décarbonation consiste donc à faire baisser ces valeurs par une allocation ad hoc. Au niveau du portefeuille actions, cette allocation dévie naturellement beaucoup de celle des indices traditionnels pondérés par la capitalisation boursière. Des indices décarbonés ont été développés pour pallier à cet inconvénient(4), mais la gestion passive n’est pas la panacée, des stratégies d’investissement actives, telle que celle développée à La Française sous le nom de « Strategically Aware Investing », sont plus porteuses de performance financière. Il convient aussi de mettre en œuvre des outils spécifiques de gestion du risque climatique tels que la rentabilité ajustée par tonne de CO2 par analogie avec la rentabilité ajustée du risque de volatilité. Il est intéressant de comparer l’empreinte carbone des différents actifs avec les chocs en termes de capital de solvabilité de la réglementation Solvabilité II : 39 % pour les actions, 25 % pour l’immobilier et quelques % pour les emprunts d’état. Il est clair que l’optimisation conjointe de décarbonation maximum et de capital de solvabilité minimum dans les portefeuilles n’est pas un exercice simple. L ’allocation d’actifs Dans cet environnement économique nouveau plein de risques et d’opportunités, quelle attitude adopter dans l’allocation d’actifs ? La première idée est d’être relativement agnostique vis-à-vis des tendances du passé, mesures de risque ou de rentabilité, ou en tout cas de ne pas les considérer comme unique outil. La deuxième idée est de profiter pleinement de l’univers d’investissement multipolaire qui s’est développé avec de multiples vecteurs de placement à côté des actions et des obligations, en particulier pour capter des primes d’illiquidité sur les actifs réels. Le danger est ici de trop faire confiance aux données de performance des actifs issues du « mark-to-model » qui introduisent des volatilités et des corrélations fallacieuses par rapport aux actifs pour lesquels les performances « mark-to-market » existent, sans parler du glissement insidieux vers le « mark-to-management », lorsque les outils de valorisations ne sont pas audités par des tiers. Il convient d’ajuster statistiquement ces données « mark-to-model » afin de pouvoir les utiliser(5). (1) 205 tonnes de CO2 équivalent par millions d’euros pour l’indice MSCI ACWI, 222 tonnes pour l’indice MSCI Europe (scores 1 et 2 correspondant aux émissions dégagées dans le processus d’exploitation). (2) 155 tonnes de CO2 équivalent pour la dette publique française, calculé en rapportant les émissions de CO2 pour la France entière au PIB de la France, on obtient 210 tonnes en rapportant à l’encours de la dette publique négociable française. (3) 7 tonnes de CO2 équivalent pour l’immobilier de bureaux en France, calculé à partir des paramètres d’exploitation d’un échantillon de 13 millions de m2 d’immeubles de bureaux (source OID) et du prix moyen par m2 des bureaux. (4) Parmi les plus connus : MSCI Low Carbon Leaders, S&P Carbon Efficient, STOXX ESG Environmental Leaders, FTSE All World ex Fossil Fuels, NXS Climate Optimum Prospective (5) En particulier en corrigeant leur forte autocorrélation. - 10 ASSET ET ALLOCATIONS - JANVIER 2016 La troisième idée est de privilégier les performances asymétriques. Chercher à maximiser la rentabilité tout en minimisant la volatilité a son pendant en cherchant à maximiser l’asymétrie des performances tout en minimisant la kurtosis. Sur un univers relativement large d’actifs institutionnels, en considérant toujours une contrainte de 15 % maximum sur les actifs illiquides (immobilier, Private Equity, Private Debt, Hedge Funds), la répartition à fin 2015 du portefeuille optimal moyen sur un spectre de stratégies d’allocation tenant compte de différents niveaux d’information(6) est présentée en graphique 12. Ce portefeuille a une rentabilité attendue de 3,6 % et une volatilité de 5,6 %, du niveau de celle des emprunts d’état en euros à 10 ans qui n’offrent qu’un rendement actuariel de 1,0 %. Il est assez différent du portefeuille type des fonds d’assurance-vie en euros. La présence d’emprunts d’état s’explique par leur fort pouvoir de décorrélation par rapport aux autres actifs, ils sont en quelque sorte des stabilisateurs de performance. On remarque en particulier la présence de plusieurs classes d’actifs illiquides, ce qui en fait un portefeuille relativement sous-optimisé selon les exigences de capital de solvabilité de la réglementation Solvabilité II. La relaxe de la contrainte à 15 % maximum d’actifs illiquides conduit à une exposition encore plus importante à ces classes d’actifs illiquides. Graphique 12 : Allocation stratégique d’actifs à fin 2015, devise de base euro Private Equity Europe 6% Actions Marchés Emergents 3% Bureaux Prime Europe 5% Emprunts Etat euro 10 ans 27 % Actions US 4% Actions Europe 10 % Hedge Funds Global 3% Private Debt Europe 2% Obligations Entreprise euro HY 5% Obligations Entreprise euro IG Obligations Marchés 5% Emergents 5% Emprunts Etat US 10 ans 25 % Les nouveaux paradigmes économiques conduisent à adopter des allocations d’actifs en rupture par rapport à ce qui était communément admis. La recherche d’un maximum de rentabilité attendue ajustée du risque passe par une granulation plus poussée de l’univers d’investissement et une répartition plus équilibrée entre actifs que ce que l’expérience des vingt-cinq dernières années dicterait. (6) Stratégies plus ou moins agnostiques : de la stratégie d’équipondération (information retenue minimale) à la stratégie du maximum de rentabilité ajustée du risque (information retenue maximale) en passant par les stratégies de parité de risque, de maximum de décorrélation et de minimum de variance. Les mesures de risque sont calculées sur une période de 10 ans. - 11 ASSET ET ALLOCATIONS - JANVIER 2016 Conseil en allocation stratégique d’actifs, un service de La Française L’allocation stratégique d’actifs est responsable de près des trois quart de la variance de la performance d’un portefeuille diversifié(1), le complément étant apporté par l’allocation tactique et la sélection active sur chaque classe d’actifs. Afin d’assister ses clients institutionnels dans leur analyse de portefeuille, La Française leur propose un service de conseil en allocation stratégique d’actifs reposant sur deux piliers : un diagnostic sur la composition du portefeuille avec détermination des paramètres financiers implicites de rentabilité attendue, risque, rendement courant et horizon d’investissement, et une optimisation de portefeuille assortie de recommandations éventuelles sur les arbitrages souhaitables. Ces travaux sont éventuellement réactualisés tous les trimestres en fonction des nouvelles données de marché. L’optimisation de portefeuille utilise un ensemble de techniques faisant appel ou non à des hypothèses sur les rentabilités attendues, les volatilités des performances et les corrélations des actifs entre eux. Des scénarios économiques propres à chaque investisseur peuvent être pris en compte. Pour les compagnies d’assurance, l’optimisation peut également être réalisée en prenant pour mesure de risque les exigences en capital de Solvency II. L’univers de l’allocation d’actifs couvre près de 70 actifs mondiaux couvrant l’ensemble du spectre des actifs d’investissement : actions et emprunts d’état de pays développés et émergents, obligations d’entreprise de diverses catégories, immobilier de bureaux et résidentiel, Hedge Funds, matières premières, Private Equity et Private Debt. Une originalité du service est l’intégration de classes d’actifs relativement illiquides tels que l’immobilier ou le Private Equity en utilisant des indices de valeurs d’expertise délissés. En fondement de l’analyse, les performances totales (variations en capital et revenus réinvestis) en plusieurs devises de base avec ou sans couverture de change sont calculées en historique mensuel sur au moins 10 ans pour l’ensemble des actifs et depuis 1974 pour un grand nombre d’actifs. (1) Voir en particulier : J.T.Hoermann, D.A.Junkans and C.M. Zarate, « Strategic Asset Allocation and Other Determinants of Portfolio Returns », Journal of Wealth Management, Winter 2005, Vol. 8, No. 3, p. 26-38 G.P. Brinson, B.D. Singer and G.L. Beebower,”Determinants of Performance”, Financial Analysts Journal, May/June 1991, Vol. 47, No. 3, p. 40-48 R.G. Ibbotson, P.D. Kaplan,”Does Asset Allocation Policy explain 40, 90 or 100 percent of Performance?”, January/February 2000, Vol. 56, No. 1, p. 26-34 Publications éditées par La Française, Société anonyme à directoire et conseil de surveillance au capital de 76 606 140 € - RCS : 480 871 490. Rédaction : Pierre Schoeffler XX2443 - Janvier 2016 Les informations contenues dans ce document ne sauraient constituer un conseil en investissement, une proposition d’investissement ou une incitation quelconque à opérer sur les marchés financiers. 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