Minus... sept fois le c Minus... sept fois le ciel

François Chaffin
Minus... sept fois le ciel
contact : François Chaffin — 6, rue d’Orsay — 91140 Villejust — 06 07 49 74 43
francois.chaffi[email protected]
A Joséphine et Pénélope
... grandissantes
aux enfances et à nos jeux
d’amours en amours...
© François Chaffin, toute reproduction interdite sans autorisation écrite préalable.
Quoi qu’il en soit (et n’importe comment), l’enfant est assis seul au milieu de sa maison, face à la tévé toute
allumée sur l’heure des informations.
Garçon ou fille, l’enfant : une façon bien à lui d’avoir 7 ans, de l’envie et la joie jusqu’aux yeux ; vêtements pour
la nuit, dans la lumière bleue et mobile des images, l’air en fatigue, comme après tant de jeux...
Il tient contre lui un «doudou» (ou bien ours, animal peluche, toute bête cent pour cent affective), et ce qu’il
entend sortir de l’écran n’est pas de son tempérament.
Une télécommande est à proximité du geste.
L’enfant s’appelle Minus, Minus de Minuscule (c’est comme ça).
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LA TEVE
...Grave accident sur l’aréo... l’arépo... l’apéro... l’aéroport de Siliski-les-Bruyères. D’après nos informations,
un aréo... arépo... arélopane... Un avion avec des gens qui volaient dedans s’est complètement écrasé sur la
tête des gens dehors ; puis il a pris feu, puis il a explosé, puis il s’est coupé en mille morceaux. Et tout ça parce
qu’il n’arrivait pas à sortir ses petites roues de dessous, et qu’il s’est posé sur son ventre d’avion et sur le dos
d’un tas de victimes mortellement tuées sur le coup. D’après nos informations et le témoignage de l’unique
survivant de tout ce bazar, ça fait très-très-très-très mal mais les avions volent quand même et tombent
quelquefois-comme-cette-fois comme des mouches de cent cinquante tonnes sur la figure des gens qui ne
s’attendaient pas à celle-là et qui meurent pourtant sur le coup. Dans notre prochaine édition, nous vous
montrerons des images filmées de tout près dès que l’incendie sera moins chaud et qu’il sera possible de nous
approcher sans nous salir partout... (sonal)
Dans l’entre-temps, Minus, qui a laissé choir son «doudou», s’est penché pour le ramasser et il semble qu’il
provoque de ce fait un regain en volume et agitation du commentateur de la tévé. Minus renonce pour le
moment et ce jeu reprendra un peu plus loin...
Au Pibidiban, une bombe a explosé en plein dans le mille des gens, tuant quatorze jambes, seize bras, trois
yeux et demi, cinq oreilles, onze mains et huit personnes en entier. On est à la recherche d’un suspect qui se
déplacerait très vite dans une voiture qui n’est sûrement pas à lui... (sonal)
Le roi du Balachouk vient de dire à tout le monde que c’est lui le roi et que personne n’a le droit de raconter
que ce n’est pas vrai que c’est bien lui le vrai roi... (sonal)
Même jeu que précédemment.
Encore un paysage du pays de Bigoud-les-Bains qui disparaît dans les feux de forêt avec tous ses animaux
dedans. Il semblerait que le coupable soit une boite d’allumettes qui a des ennuis avec la justice et qui joue
avec le feu pour le compte des promoteurs constructeurs de golfs et d’usines en attendant qu’il y ait du travail
pour tout le monde. (sonal)
Même jeu.
© François Chaffin, toute reproduction interdite sans autorisation écrite préalable.
Au Quilidjan tous les pauvres ont très faim tellement qu’ils en meurent. A vrai dire c’est ce qu’on dit mais il
est raisonnable de penser qu’une partie de ces gens-là meurent aussi de soif, et d’avoir attrapé des chauds et
des froids et des microbes aussi. Comme quoi on naît du hasard mais on meurt d’un peu n’importe quoi...
(sonal)
Encore une marée noire sur les plages du Zoubou, une marron foncée sur les rives de la Bécasse, une grise
sur le mont Picnic et...
L’enfant a voulu couper la tévé au moyen de la télécommande ; sans résultat. À un moment qu’il s’enrage,
celle-ci lui échappe des mains et tout semble se figer pendant son vol (qui dure une éternité de théâtre). À
l’impact de l’appareil sur le sol, il y a du bruit et des lumières vives, le mouvement chaotique de morceaux
épars et Minus pétrifié dans sa grosse-bêtise-qui-va-faire-hurler-les-parents...
Synchronisée à cet événement, la tévé zappe son programme d’actualité pour montrer maintenant une chaîne
inconnue, où l’on voit, dans un décor de nuage-olympe-jardin d’enfant, deux Grands Dieux (masculin et
féminin) à l’air très en colère.
CYPRIEN
Céluikidikiè ! Rien ne va plus ! Toufoul’ camp, en quenouille et de travers, le monde se calotte et se coltine,
en-veux-tu-en- voilà, des coups de poing des coups de feu, du sang et des bleus, le monde s’en donne de
toutes les couleurs ! Dékou ! Dékou ! Dékou !!!
MARGUERITE
Jamais les pouces ! Par devant-derrière, en dessous comme en pleine poire, grosses-caisses et castagnettes ;
ékeje te coupe les oreilles et la queue, que je te pique et brûle, que je te mitraille et te gaze et t’empoisonne et
t’atomise! C’est tripailles et chair à pattée à tous les étages !!!
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CYPRIEN
Pour un morceau de terre, un bout de pain, pour être le premier sur la ligne de départ, le premier arrivé, le
chef, le chef des chefs, le roi des rois ou le Pape des Rabbins de l’Ayatollah...
MARGUERITE
Pour ce kibrille comme une grosse voiture, une grosse gourmette ; pour de l’argent-des-sous-du-pognondu-flouze-de-l’artiche-de-l’oseille-du-blé-du-fric : toujours ils en veulent plus de l’argent de poche, tellement
kilsefon faire des poches partout sur l’habit, des poches en fer au fond des banques...
CYPRIEN
Tellement quelques-uns en ont toujours plus kilne pourront jamais tout compter dans une vie...
MARGUERITE
Tellement que les autres n’ont plus rien ékessa repart en castagne pour en avoir un bout du gros gâteau des
gros bonshommes au fond des banques !
CYPRIEN
Miam miam miam miam miam...
MARGUERITE
Et miam miam miam miam miam ! Gros bidon passke tu bouffes trop !
CYPRIEN
Gros bidon passke t’as rien à manger !
© François Chaffin, toute reproduction interdite sans autorisation écrite préalable.
MARGUERITE
Tu manges tous les animaux kikour moins vite que ton fusil, tu manges toutes les forêts comme des
salades...
CYPRIEN
Tu manges les poissons, l’océan avec tes saletés ton pétrole tes usines ta chimie...
MARGUERITE
Tu changes la terre en goudron...
CYPRIEN
L’air en béton...
MINUS... SEPT FOIS LE CIEL
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MARGUERITE ET CYPRIEN
Tufé de la fumée partout, des trous dans la montagne, des trous dans l’oxygène, dans les gens et par terre
pour y mettre les gens ; éssarkomence à coups de gueule et de poings, des avalanches de gnons, des tempêtes
de feu et de la pluie de sang !!!
MARGUERITE
Cèssuikidikiè ! Rien ne va plus et toi d’abord !
CYPRIEN
Boul’dégomme sur la figure de ta race !
MARGUERITE
L’an nouveau c’est fini !
CYPRIEN
C’est demain kilè trop tard !
MARGUERITE
Fallait y penser avant !
CYPRIEN
Et pas la peine de faire tes valises...
MARGUERITE
© François Chaffin, toute reproduction interdite sans autorisation écrite préalable.
Ah ça non ! Mankrè plus que de les voir tous rappliquer au ciel ceux-là...
CYPRIEN
Ça va faire boum !
MARGUERITE
Et badaboum !
CYPRIEN
Et re-boum !
MARGUERITE
Re-badaboum ! Bing bang boum !
MINUS... SEPT FOIS LE CIEL
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CYPRIEN
Le grand feu d’artifice...
MARGUERITE
Le grand feu de joie !
CYPRIEN
Cavavouzen donner, du bruit-de-la-fumée-de-la-fureur !
MARGUERITE
Et pas de pouce kikonte ! Pas de bleu-blanc-rouge-j’ai-une-seconde-vie...
CYPRIEN
Boum badaboum boum boum !
MARGUERITE
Bienfè pour vous, ça va être votre fête...
CYPRIEN
La fin du monde pour l’an toud’suite...
MARGUERITE
La fin de tout le monde ; c’est demain...
© François Chaffin, toute reproduction interdite sans autorisation écrite préalable.
CYPRIEN
Bonnes fêtes de fin du monde...
MARGUERITE
Éclatez vous bien... En mille morceaux !
CYPRIEN
Foi de Cyprien et Marguerite...
MARGUERITE ET CYPRIEN
Ça va faire boum !
La tévé s’interrompt d’elle même, laissant Minus en plein silence, et croissante la panique de ses pensées...
MINUS... SEPT FOIS LE CIEL
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© François Chaffin, toute reproduction interdite sans autorisation écrite préalable.
MINUS
Qu’est ce que c’est que ce bazar... C’était quoi ces deux rigolos-plein-de-plumes... «Cyprien et Marguerite»,
jamais vu, jamais lu, jamais raconté ! (il saisit un dictionnaire, le compulse en vitesse) «Cyclo... Cyclope...
Cyclotron... Cynocéphale... Cyprès... Cyprien et Marguerite !!! Grand-Dieu-Du-Tout et Toute-PuissanteDéesse-Du-Rien : apparus il y a des millions d’années, on pense qu’ils auraient activement collaboré à la
création du monde, avant de se retirer sur un nuage, en compagnie de l’équipe des collaborateurs du grand
bricolage universel. Colériques, imprévisibles, joueurs, il n’est pas impossible qu’ils aient conservé tous leurs
pouvoirs». (Minus abandonne le dictionnaire... Silence... Se fâche) La fin du monde, mais de quoi je me
mêle ! Et puis quoi encore : une pluie de grenouilles, des nuages de mouches, un coup de pied dans le soleil,
des bulles dans l’océan, la terre en chewing-gum et la nuit découpée en morceaux, recollée sur le jour... Et
puis quoi d’autre encore... (la petite bête des nerfs monte, elle monte...) Cyprien et Marguerite, sac à chien et
sac à mites !... La fin du monde pour demain, le jour du réveillon, avant même la fin des vacances !... Tristes
crétins des nuages, ça tourne pas rond dans vos têtes d’oiseaux ! Faudrait peut-être arrêter de dormir à la
pleine lune, fumer les anges et courir dans le vide ; ça rend fou, bête et méchant !!! D’abord, ça ne se pourra
jamais !... Après-demain et deux dodos je vais au cirque et ça fait longtemps que j’attends, que j’en ai envie du
trapèze et des clowns, du bataclan des tigres et du boucan de la fanfare ! Et puis après c’est mon anniversaire...
Il y aura des copains et des copines, de la musique et de la citronnade, une pêche à la ligne et des slows... Ma
première boom... B.O.O.M, pas boum ni badaboum, ni la fin du monde ni des haricots !... La fin du monde à
sept ans, de tout ce que je dois faire encore, tout ce qui est à venir, du monde comme s’il m’attendait, y courir
dedans et tout voir, toucher à tout se grossir de ça du temps qu’il me reste à me faire du bien avec tous les
copains comme moi !... (la petite bête des nerfs est montée tout en haut) Triste chien et grosse mite ! Abrutis
du ciel ! Sinistres gobeurs d’éclipses !!! Ne faites rien, Cyprien-Marguerite et toute la clique à bon Dieu,
prophètes de malheur, j’ai sept ans après-demain et pas envie que ça s’arrête... (Minus sanglote, un temps)
Tout Minus que je sois, je m’en vais leur dire deux ou trois mots à ces agités du bocal cosmique, et gare à
vos plumes, gare à vos miches de Dieux ! Ça va faire des étincelles, un orage avec des éclairs et du barouf
partout dans le ciel et sur vos têtes... J’arrive ! Le temps de me rhabiller, lacer mes souliers, faire mon sac...
Préparez vous à la grande secousse, je vous envoie du pétard et tout le tremblement, du rififi dans le cosmos
! Attention à vos oreilles de piaf, vous allez voir ce que j’en fais, moi, de votre fin du monde : du bouilli pour
les poules, de l’eau de gadoue, du pourri à boire, des crottes d’étoile et du vomi de planète !!! Attention j’arrive
; Cyprien-poil-de-chien et Marguerite-la-vielle-mite, j’arrive et m’en vais vous parler du pays, et de comme
on a drôlement envie que ça continue, nous, les enfants du monde que vous voulez finir !... Là, je suis prêt ;
en route pour les nuages, tatata !... (un long silence dépité, qui retombe en morceaux) Tatata... En route pour
les nuages... Rien que ça... En route pour les nuages... Quelle route ?... Quels nuages ?... Bon, réfléchissons
dans ma tête... Je pense bien qu’il faut grimper, grimper, grimper jusqu’à plus de force, toujours vers en haut,
au-dessus des maisons, des arbres, des clochers, des cités, des collines et des montagnes, toujours grimper,
toujours vers en haut ; et après je trouverai bien tout seul ou je demanderai mon chemin à l’oiseau qui passe
ou le cosmonaute... Mais d’abord il faut que je sache comment je grimpe là-haut et monter-monter-monter
comme la petite bête de Minus... Réfléchissons dans ma tête... Je ne sais pas conduire les fusées, donc, pas
la peine d’en voler une... Je pourrais me tirer par les cheveux fort-fort-fort et tant qu’à la fin mes pieds ne
touchent plus le sol et je me soulève et plus haut encore-encore et... J’ai pas envie de me tirer les cheveux... Et
si je m’accroche à ces ballons qui volent dans le ciel... Mais ils vont où le vent les emporte et c’est pas sûr que
c’est par là que j’y vais... Pareil si je m’attrape aux pattes d’un oiseau ; il va là où il veut, où ça s’envole bien...
Me mettre dans un canon et tirer en l’air !... Je suis trop jeune pour en avoir un vrai et puis c’est les grands
qui ont les clefs des canons... (le temps d’un silence) J’ai trouvé ! Je sais grimper presque partout !... (il fait
ce qu’il dit) Ici sur la table, en haut de la tévé, j’attrape un bidule, monte sur des trucs, encore des trucs, le
long du machin, encore un petit peu ; je monte, je m’accroche ici, me hisse là, bien tenir cette chose... Et déjà
le monde est un tas de petites fourmis, le monde est minuscule et fragile comme un bébé qui ne se doute
pas des géants de là-haut à tout foutre en l’air et dans le désordre... Je grimpe au rideau du ciel, toujours je
grimpe de moi-même... Encore une marche, ici mes mains, là un pied, l’autre comme je peux ; je grimpe sur
ce bidule et haaaaaaaa...
Minus dérape d’en haut dans le fracas de sa machine-à-grimper qui s’écroule... Dans le silence et l’effroi qui
nous restent, on le voit suspendu par un fil au-dessous de la nuit et à hauteur d’un nuage, d’où rien n’émerge
encore...
Le corps en suspension, dans le désordre, Minus parle...
Minus, pas de panique !... Je contrôle tout, là... J’assure un... Petit maximum... On dirait que tout va bien... (la
rumeur du ciel se laisse entendre) Il y a quelqu’un ?... Non ?... Il n’y a personne alors ?... Bon, tant mieux tant
mieux tant mieux... J’ai toujours adoré le trapèze ; si je serais grand un de ces quatre jours, je ferais tout un
cirque pour être le trapéziste... (rumeurs et craquements, en plus du vent tout le temps) Je m’appelle Minus
MINUS... SEPT FOIS LE CIEL
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! Je suis dans la classe de madame Moineau et là je me suis un peu perdu mais je n’ai pas peur du tout !... Du
tout du tout... Enfin si quelqu’un est là pour me décrocher, c’est juste que je ne suis pas sûr d’avoir pieds ! ... Et
puis je n’ai pas envie de toucher le fond... (le filin qui retenait l’enfant à une faiblesse et jette Minus un mètre
plus bas) Même pas mal ! Je contrôle tout comme une bête... Enfin une toute petite bête, une bestiole... Une
bestiole minuscule de rien du tout... (Minus pleure) J’aimerai bien qu’on me détache par les pieds, même si
je tombe jusqu’au fond si je n’ai pas pieds, même un monstre d’ici-là-haut avec des ailes de feu une figure de
crapaud sa langue comme un grand couteau, s’il est bien assez gentil pour me détacher... Il faut que je rentre
à la maison et tant pis pour la raclée de ma fugue, j’aime autant ça la maison même à pied je trouverai bien
mon chemin vers la maison en bas et tant pis pour sauver le monde si je peux dormir encore une nuit dans
le lit de la maison de mes parents d’amour...
CYPRIEN
Ça gaze petit ?
MINUS
Ha !
MARGUERITE
Ça va comme tu veux le petit ?
MINUS
Ha !!! Vous êtes les clowns ?
CYPRIEN
Tut tut tut ! ... C’est pas poli ceketu nous dis là petit homme...
MARGUERITE
© François Chaffin, toute reproduction interdite sans autorisation écrite préalable.
C’est même drôlement malpoli de nous appeler les clowns...
MINUS
Mais non !... C’est-à-dire... Vos figures de travers, les costumes d’oiseaux, et puis moi au bout du fil de
trapèze... Tout ce cirque en vérité... Alors en fin de compte, on se balance, on se balance, et puis vous savez
ce qui arrive : ça monte, tant que ça monte et puis forcement on va trop loin et... Enfin je passais par là, je me
suis accroché, et... Et vous ? Vous êtes du coin ?... Vous êtes quelqu’un ?...
CYPRIEN
Non. Moi je suis les restes d’un vieil éléphant à plumes ; j’habite dans un trou d’air et je suis à la recherche
d’un morceau de ma trompe kisètenvolé dans la nuit des temps ; ça ne se voit pas ?
MINUS
Ah si, un peu... Et elle-qui-dit rien ?
MINUS... SEPT FOIS LE CIEL
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MARGUERITE
Oh moi je suis une autruche en patins à roulettes ékifé tourner les nuages sur son nez...
MINUS
Le cirque ! je le savais... Moi c’est Minus, Minus de Minuscule ; j’adore les blagues mais là je ne peux pas rire
parce que j’y arrive moins la tête en bas...
CYPRIEN
Tu ne peux ba-rrir (jeu de mots) : mais c’est moi l’éléphant !... Ah ah ah !... Marguerite, je ne peux ba-rrir...
L’éléphant... Ba-rrir... (bide) Avec ma trompe... C’est bon, laisse tomber...
(Ce faisant, Marguerite coupe
l’ombilicale ficelle à ne plus retenir Minus qui s’écroule sur le nuage) Mais non, pas le petit !
MARGUERITE
Laisse tomber : cèlèstombé ; j’ai laissé tomber.
CYPRIEN
Hé Minus, ça va ?
MINUS
Ça baigne, et j’ai les pieds... Je contrôle tout... Merci quand même.
MARGUERITE
Padekoi... Moi, c’est Marguerite : je suis la Déesse Tout-En-Haut, la fille du soleil et du vent ; et lui, c’est
Cyprien, le Très-Très-Puissant-Dieu du temps et de la matière.
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CYPRIEN
On est des «Archi Dieux» ; le genre grand format, toutes les options, des pouvoirs plein les poches, élevés
aux miracles... La grande classe quoi !
MARGUERITE
Tiens : il y a cinq mille ans, les Sumériens qui vivaient en Mésopotamie nous confondaient avec le soleil.
Chaque matin, des hommes-scorpion nous ouvraient les portes de la caverne de l’Est. Nous, on sortait, on
grimpait au sommet de la montagne et on partait sur un grand char tout brillant de lumière. Après une
journée de cavalcade, la nuit nous stoppait sur le bord du ciel en gueulant de sa pleine lune : « arrête ton char
!»... Aloron disparaissait dans la montagne par la porte de la caverne de l’Ouest, que les hommes-scorpion
venaient refermer derrière nous.
CYPRIEN
Cétèlbontem, comme disait papa, le dieu Aton...
MARGUERITE
MINUS... SEPT FOIS LE CIEL
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Ah pardon ma Petite-Nouille-Sacrée, mais papa c’était plutôt Khépri kilsapelè ...
CYPRIEN
Enfin Marguerite-Ma-Fusée, tusèbien que non ; tu dois le confondre avec son frère, tonton Râ-le-Dieu.
MARGUERITE
Mais pas du tout, je te parle bien de papa, qu’on appelait aussi Horus, et qui, la nuit venue, parcourait le
monde dans une barque...
CYPRIEN
Ça d’accord !... Et quand il n’en pouvait plus de ramer, c’est maman qui s’occupait du soleil...
MARGUERITE
...Maman-la-Grande-Oie, qui pondait un œuf chaque matin, jaune et brûlant... Bref, nous sommes nés il y
a des milliards d’années-lumière.... Papa bricolait dans sa boutique de comètes ékantou a pété ça a fait un
énorme Bang !
CYPRIEN
Et voila ; la terre et tout cekibouge avec, ce fatras d’étoiles et de planètes, tout le méli-mélo des galaxies, ont
commencé à tourner, se passer devant-derrière, à la queue-leu-leu et la va-comme-je-te-pousse...
MARGUERITE
L’univers sèmiza danser, à se tordre et s’enrouler sur lui-même, s’entortiller en jetant bien haut ses naines
blanches et ses trous noirs, ses gaz, ses étincelles !
© François Chaffin, toute reproduction interdite sans autorisation écrite préalable.
CYPRIEN
«La belle bleue ! « disait la nuit ; «le bel orange !» répondait le soleil... La voie lactée s’est mise à chanter en
crachant des noyaux multicolores et des peaux d’astéroïdes, et jouant de la guitare sur d’immenses arc-enciel !
MARGUERITE
Cèkomon te le dit, petit, une sacrée fête de plusieurs milliards d’années !
CYPRIEN
Ecépa fini...
MARGUERITE
Il nous reste plein de pétards à balancer par-dessus bord, assédekoi s’envoyer en l’air un bon paquet de
planètes !...
MINUS... SEPT FOIS LE CIEL
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Une méduse semble flotter sur la figure de Minus...
CYPRIEN
Au fait petit, kèski t’amène ?
MARGUERITE
En vérité, on sait tout passke les Dieux savent tout, mais on aime bien faire comme-si-semblant-qu’ondirait-qu’on-sait-pas et demander un peu pour voir...
CYPRIEN
Mais c’est pour de la fausse ; du mou, du chiqué ! C’est juste pour savoir cekonsè déjà...
MINUS
Je ne veux pas que ce soit la fin de monde...
CYPRIEN
Ebinpourkoi ?
MINUS
Je ne veux pas mourir petit.
MARGUERITE
C’est quoi mourir déjà ?
MINUS
© François Chaffin, toute reproduction interdite sans autorisation écrite préalable.
Je vous ai entendu à la tévé tout à l’heure et...
CYPRIEN
«C’est quoi mourir ?»... Tadecé questions, Marguerite : «c’est quoi mourir ?»... C’est une question d’enfer, non
?...
La méduse ne bouge plus du tout sur la figure de Minus...
MARGUERITE
Et bien le Minus ; tèlatou bizarre comme un sparadrap collé la lune... Cavapa ?
MINUS
C’est où le petit coin ?
CYPRIEN
MINUS... SEPT FOIS LE CIEL
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Mais tu fais où tu veux Minus ; tu t’accroches un peu au ciel, tu fais gaffe que le vent te vienne dans le dos, et
pour une fois, cètoikifè pipi sur les oiseaux !
MINUS
Je n’ai plus envie...
MARGUERITE
Bon, kèskon fait ?
MINUS
Je ne veux pas mourir !
MARGUERITE
Mais c’est une obsession chez lui.
CYPRIEN
Yal temps...
MARGUERITE
Onadé gros pétards pour l’an nouveau...
CYPRIEN
... Et l’an nouveau, cékan le soleil rentre dans la caverne...
© François Chaffin, toute reproduction interdite sans autorisation écrite préalable.
MARGUERITE
À minuit comme vous dites... Après la dinde et les marrons, la bûche et le vin qui pétille.
MINUS
Quelle heure est-il ?
MARGUERITE
Mais l’heure n’existe pas ici ; yaourt temps qui va bien par chez nous, des tonnes d’infini, des pluies d’éternité...
CYPRIEN
... Du temps tankonenveu... Et dans toutes les positions... Dukipasse, dukèpassé, dukipassera, du temps
comme s’il en pleuvait !
MINUS... SEPT FOIS LE CIEL
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MINUS
Et pour notre minuit à nous, alors...
MARGUERITE
Facile ! Bon, je t’explique : nos pétards, on les allume sur les premiers rayons du soleil et on les balance un
peu plus loin, là où il fait encore noir, du côté de minuit ; onsdébrouille pour les faire péter dans les océans,
et plouf, voila une montagne d’eau qui s’avance pour tout engloutir... Alors ?.... Mon-Gras-Doudou-d’EnHaut ?
CYPRIEN
... Bof... Le coup de l’eau qui submerge tout, c’est déjà de la vieille histoire...
MARGUERITE
Enfin Cyprien, tous ces gens, les choses et les bêtes, tout ce petit monde noyé comme du papier quand on
tire la chasse ; c’était amusant, non ?
CYPRIEN
Jessèpa ... Marguerite-Ma-Pépite, je me sens la grosse forme ! J’ai envie de re-nouveau, d’une création originale, une fin inattendue, spectaculaire, miraculeuse !...
MARGUERITE
Tu as une idée, mon Minou-Divin ?
CYPRIEN
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Marguerite, jesèketu aimes bien les vaches ; tu avais longtemps réfléchi dans ta tête pour trouver la forme et
les couleurs... Et la bouse !... La bouse finale était une idée de génie !
MARGUERITE
... Un cadeau du ciel...
CYPRIEN
Justement ! Voilà l’idée : on s’en re-fabrique quelques dizaines de millions, là, vite fait sur le gaz, le petit peut
même nous aider en collant les queues ; onselé pose sur les nuages, tout autour du monde et à minuit, on
fait pleuvoir !...
MARGUERITE
Une pluie de vaches ! Tout les gens écrasés sous une pluie de vaches qui tombent du ciel ! Kitomb, kitomb !...
Non ! j’aime trop les vaches, et mieux cèlkibrout que cèlkitomb ...
MINUS
MINUS... SEPT FOIS LE CIEL
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Et puis c’est doux, une vache, ça a de beaux yeux et ça se transforme comme ça veut en gourde, en tapis ou
en bifteck ; mon père dit toujours qu’il ne faut pas jouer avec la nourriture...
CYPRIEN
Ainsi soit-il !... Qui a une meilleure idée ?...
MARGUERITE
On peut décrocher les étoiles et les laisser filer vers la terre ; boum, badaboum !
CYPRIEN
Non, elles fileraient en zigzag ; cèpa assez précis... Nous sommes des professionnels, nous devons être irréprochables !
MARGUERITE
Et si on arrache un bout de soleil, ékonl’ jette dans la mer : l’eau va bouillir et les carottes seront cuites pour
tout le monde !
CYPRIEN
Merci bien et bonjour les odeurs de merlans frits et vieilles morues ; yfodra faire du vent pendant des mille
ans pour aérer tout ça...
MINUS
Quelle odeur que c’est, la mort ?
CYPRIEN
© François Chaffin, toute reproduction interdite sans autorisation écrite préalable.
Ça pue ! Comme une grenouille oubliée dans un cartable pendant des semaines.
MARGUERITE
Tu n’as jamais rien senti ?... Pourtant ici-bas, dans vos trafics, avec vos chaos, vos combines, vous n’en êtes
jamais très loin de la morkipue ...
MINUS
Il y a des courants d’air, dans ma cour de récréation... (Silence... Comme un vent calme sur le jeu à rebondir)
Et si on faisait une partie de boules avec les galaxies et que la terre serait le cochonnet !...
MARGUERITE
Tu tires la lune ou tu pointes Saturne, Minus ?
MINUS... SEPT FOIS LE CIEL
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CYPRIEN
Le petit ne peut pas jouer pour de la vraie ! Il se brûlerait les mains en tenant les planètes et il n’y a que les
dieux kissontassé forts pour avoir le droit de les lancer loin...
MARGUERITE
J’ai une idée ! On habite dans la tête des gens ; chaque fois qu’ils ont une mauvaise pensée, on se transforme
en gros rat vorace et on leur mange la cervelle par en dedans... Ça fait mourir les gens kantil n’ont plus rien
dans la tête...
CYPRIEN
Berk ! jèpatrè envie d’habiter encore la tête des gens...
MINUS
C’est comment, dans la tête des gens ?
CYPRIEN
C’est plein de boire et de manger, plein d’espoir et de souvenirs... Aux premiers temps du tout début de la vie,
Marguerite et Moi et tous les Copains, on habitait dans la tête des gens... Un Dieu pour un crâne ! On faisait
tous les branchements de la tête et du corps, de la raison et du cœur, des sens et de la joie... Ça a duré un petit
temps d’éternité ; et kantonafini, quand tout pouvait commencer, on est parti habiter au ciel en laissant au
creux de chaque vie un morceau de nous-mêmes…
MARGUERITE
ceke vous appelez l’âme...
CYPRIEN
© François Chaffin, toute reproduction interdite sans autorisation écrite préalable.
Ça non !!! Je ne veux plus y revenir !...
Silence, comme une météorite tombée dans une flaque de lait.
MARGUERITE
On va bien trouver kèlkechoz, une petite fin éclatante, multicolore, inévitable !...
CYPRIEN
Onaka «radioniser» leurs postes de tévé : chaque fois qu’ils la regardent, ils se transforment en os de boudin
et tous les chiens de la terre mangent tous les tévéspectateurs ratatinés en boudin !
MARGUERITE
Yenakonpa la tévé.
MINUS
MINUS... SEPT FOIS LE CIEL
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Oh, les nuls...
MARGUERITE
Peut-être avec ces trous noirs dontonessè jamais quoi faire...
MINUS
C’est quoi un trou noir ?
CYPRIEN
C’est un concept génial ! Un trou peint en noir avec du rien dedans et tout le monde se pose la question
d’akoissassèr et le monde devient fou à se demander keskessaféla.
MINUS
Je ne vois pas le rapport avec la fin du monde...
MARGUERITE
J’explique, Minus : on attrape un de ces satanés trous noirs avec un lasso de lumière et une éclipse pour appât.
Quand le trou est bien attaché on attend la nuit et on le pose juste au-dessus de la terre. Alors le jour se lève
sauf qu’il fait toujours noir akauzkil y a le trou juste au-dessus des gens et tout le monde se demande ce que
bon Dieu tout ce trou fait là et ilzy vont voir mais c’est tout noir ils n’y voient rien et avancent à tâtons et
hop, se font aspirer et recracher de l’autre côté du trou, dans le cosmos... Comme il n’y a que du vide alors
ils meurent.
MINUS
Je ne veux pas mourir.
© François Chaffin, toute reproduction interdite sans autorisation écrite préalable.
CYPRIEN
Mais on ne parle pas de toi ; tu es là, toi : tu regardes et tu apprends !
MINUS
Je ne veux pas que le monde meure !
CYPRIEN
Marguerite, le grand gaillard des nuages à des patiences d’éternité mais je suis obligé de reconnaître que ton
Minus commence à me les briser menu !
MARGUERITE
«Mon» Minus, «mon» Minus, cèpamoi qui l’est vu le premier !... Et puis crénom de Dieu, calme toi Cyprien
; le gosse ne comprend pas tout, il faut être pédagogue.
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MINUS
La vérité c’est que vous n’avez rien de mieux à faire que de nous pondre des trous noirs sur la tête !
CYPRIEN
Mais c’est qu’il est en colère le minus !
MARGUERITE
Il nous fait son gros orage...
CYPRIEN
Écoute-moi bien, petit bonhomme de terre...
MINUS
Non ! Toi tu écoutes, Cyprien-vieux-chien-sac-à-rien-peau-de-vaurien !!!
CYPRIEN
Il me traite, Marguerite... (on dirait qu’il va exploser)
MARGUERITE
... De la pédagogie...
MINUS
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Triste Mite !
MARGUERITE
Ah pardon !...
MINUS
Tu sens la vielle frite, Marguerite !
MARGUERITE
Feux du ciel !...
MINUS
Vous êtes deux sinistres croûtons vautrés sur les nuages, du yaourt plein la tête et du noir dans le cœur !
Parce que vous êtes Dieux vous vous croyez tout permis ! Vous vous croyez au-dessus des hommes ! Crétins
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suprêmes, bouffons cosmiques ; vous n’êtes que deux pantins fainéants suspendus en plein ciel, deux vieux
torchons agités au gré des vents, grelottant de grands fracas inutiles, gaspillant les étoiles, deux pigeons
minables auxquels personnes ne croient plus !...
MARGUERITE
Aïe aïe aïe !... Je crois que je vais avoir mes éclairs !...
CYPRIEN
La foudre me monte au nez...
MARGUERITE et CYPRIEN
Tempêtes ! Néant ! Boul’dégomme ! Pluie de feu ! Par Marguerite-la-Foudre ! Par Cyprien-le-Tonerre !
Alléluia ! Alléluia !!!...
Des myriades d’éclairs et de bruits d’orage éclatent en tous sens, dans toutes les couleurs apprises ou ignorées... Un temps et l’ordinaire se retrouvent.
CYPRIEN
Ah çafè du bien !...
MARGUERITE
Une bonne décharge, étoutè comme avant...
MINUS
Votre numéro est terminé ?
MARGUERITE
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(menaçante) Minus !...
CYPRIEN
(s’interposant)... De la pédagogie !...
MARGUERITE
Yfokon t’explique.
CYPRIEN
Il y a deux ou trois choses que tu dois savoir : la première, c’est que cénoukon a inventé le monde, et tout ce
qui va dedans : les hommes, les bêtes et les choses...
MINUS
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Bravo, vous n’avez pas perdu votre temps !
MARGUERITE
Une semaine de boulot, sept jours et sept nuits ; nous avons peint et repeint deux fois la terre, trois fois la
mer, sept fois le ciel, pourkeça tienne des éternités, et que ce soit beau à regarder.
CYPRIEN
Bon, c’est vrai aussi qu’on ne s’en occupe plus beaucoup ; mais jusque-là, le monde tournait un peu tout seul...
Kansétè trop le bazar, on se contentait d’une petite colère...
MARGUERITE
Une foudre ici et là un déluge ; même un volcan pour faire joli...
CYPRIEN
Des sauterelles ou une maladie qui s’attrape de partout mais...
MARGUERITE
... Surtout on attendait devoirki de l’obscur ou de la lumière allait régler la vie des gens.
CYPRIEN
L’âme servait à ça : vous laisser choisir entre le bien et le mal !... Pas besoin des patrons !
MARGUERITE
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Entouka pas sur place, ni tout le temps...
CYPRIEN
Une deuxième chose cékonè les chefs...
MARGUERITE
... Ekidi chef...
CYPRIEN
... Dikil faut une bande...
MINUS
Une bande de quoi ?
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CYPRIEN
Une bande qu’on commande !... Des Copains et des Copines, tous ceux qui nous ont aidé pour le grand
bricolage de la création !
MINUS
Des rigolos-à-plumes, comme vous ?
MARGUERITE
Non ! Pakome nous... Nous on est les chefs !
CYPRIEN
C’est pas du tout pareil ; eux, ils ne sortent que pour tout casser ou tout construire, à part ça ils se reposent
sur le lit du temps...
MINUS
Je peux les voir !
CYPRIEN
Marguerite, présente nos collègues à Monsieur Minus !
MARGUERITE
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Raoul, Dieu des bombecs ; cèluiki a tout inventé : les bonbons qui fondent, piquent et craquent et giclent,
le chocolat, tousski sucre la bouche, vous fait la langue de toutes les couleurs et les dents de toutes les
douleurs... Berthe, Déesse du dessin et du câlin : un gros boulot pour fabriquer la première maman et son
petit ; c’est elle ossiki a inventé le crayon à plusieurs couleurs, l’arbre blanc et plat qui se découpe en feuilles
de papier, la bête pleine de poils qui fait des pinceaux...
MINUS
Bravo madame Berthe, bravo...
CYPRIEN
Rachid, Dieu des flaques d’eau et des animaux; les chaussures toujours crottées de boue, fâché avec beaucoup
de parents passkil donne souvent aux enfants qui rentrent chez eux un petit chat...
MINUS
C’est mignon !
CYPRIEN
Un petit rat...
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MINUS
C’est mignon !
CYPRIEN
Un petit loup...
MINUS
S’il est petit !
MARGUERITE
Un bébé-crocodile ou mygale, un hippopotame ou un dragon !...
MINUS
Quel farceur !... Et puis, avec un grand jardin...
MARGUERITE
Simone, officiellement Déesse de la crotte de nez, s’occupe également du secteur récré ; travaille en étroite
collaboration avec…
CYPRIEN
Emile, dit : «Mimile-le-mille-pattes» : plus spécialement chargé des croûtes sur les genoux édetou les vélos
à petites roues...
MINUS
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Salut !
MARGUERITE
Fatima, Déesse du pourquoi et des sabres de bois ; toujours une question, toujours un coudebâton, et jamais
dans le même ordre !... Ne t’approche pas trop...
CYPRIEN
Samuel, notre Dieu de la grosse colère; une vraie boule d’étincelles et de cris, le meilleur de sa catégorie dans
la trépigne et le roulé-par-terre...
MINUS
Il a l’air tout rouge...
MARGUERITE
Et enfin Lucienne et Lucien, nos jumeaux Dieu et déesse, nédan le même œuf, responsables de la chatouille
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et des chambres en bazar, des poésies et petites chansons en mi. Salut les jumeaux !
MINUS
Salut les jumeaux !
MARGUERITE
Voila ; maintenant tu connais toulmonde entier, toute l’équipe !
MINUS
Ils ne sont pas bien nombreux, pas bien costauds...
CYPRIEN
Mais ils sont immenses, leur imagination est sans limites ! Ils ont inventé touceki a commencé un jour : l’eau
et les cailloux, l’air, le feu, les fleurs, les arbres, les animaux, les bébés...
MINUS
La vie ?
MARGUERITE
Le hasard ! L’infini possible des rencontres ; touceki fait qu’un jour, par une extraordinaire combinaison,
mille choses se retrouvent et forment un bébé...
MINUS
Ils ont inventé les gens ?
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CYPRIEN
Non ! Les bébés ; seulement le commencement de la vie...
MINUS
Et l’homme a continué tout seul ?
MARGUERITE
Les enfants grandissent et les petites taches obscures grossissent dans leurs têtes et coeurs d’adultes …
CYPRIEN
Les enfants deviennent trop grands, ils vont au bouduroulo , se vident, se lessivent, cassent trop de choses...
MARGUERITE
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Trop de haine et pas assez d’amour ; personne ne fait plus de passe !
MINUS
C’est pas vrai ! Je connais du monde en bas !... C’est la belle équipe quelquefois, ça joue bien, collectif !
MARGUERITE
Tu parles ! Ça finit toujours en peau de boudin ; l’équipe ne joue plus le jeu : cèlagagne à tous les étages !
CYPRIEN
Et la castagne ! Bourre-pifs et coups de boule ! Les plus gros bouffent les plus petits, les plus petits bouffent
les minuscules, et ceux la bouffent du microbe...
MINUS
Mais c’est pas la faute aux petits, et même les grands, c’est vous qui les avez laissés tomber !
MARGUERITE
Mais notre boulot, cétèjuste de s’occuper des hasards, et d’inventer le début de la vie.
MINUS
Il y avait des taches, des saletés qu’il fallait nettoyer ; vous n’avez jamais fini le travail !
MARGUERITE
En créant la vie nous avons inventé les contraires…
© François Chaffin, toute reproduction interdite sans autorisation écrite préalable.
CYPRIEN
S’il y a le bien, il y a le mal. S’il y a l’amour, il y a la haine. S’il y a la vie, il y a la mort.
MINUS
Et quand on est pauvre, qu’on a pas de maison, qu’on crève de froid, de chaud, de faim ou de soif, qu’est ce
qu’on peut bien choisir ?... Quand on est un enfant dans un monde où les grands se tirent dessus à coups
de bourre, quand les adultes repeignent le monde en gris, qu’est ce qu’on y peut, nous, les enfants ; qu’est ce
qu’on peut faire que de s’en tirer comme on peut, apprendre un métier qu’on peut, chercher sa place et faire
son trou, suivre la queue leu leu de vivre !... Avec mes copains et mes copines, on est comme un clan, une
tribu. On s’aime, on s’invite à des goûters, on se fait la course à pieds, en sac, en vélo, et qu’importe au bout
la place tant que tu en ris fort. On s’écrit des poèmes et on chante dans la même chorale... Avec les copains
et les copines, il y en a de toutes les couleurs ; et bien sûr qu’on se dispute, et même de temps en temps un
bourre-pif en pleine figure, mais rien de grave : on partage les mouchoirs, le mercurochrome et les bonbons,
et on se dit que pour nous c’est tout bon, ça le fait bien et ça va durer, même qu’on peut grossir la bande, et
faire de comme on vit une vraie foule, peut-être un monde... Avec les copains et les copines, on sait qu’on
est encore petit mais on croit que c’est la bonne vie, la seule en vérité, qu’il faut nous la laisser faire, qu’on
trouvera d’autres chemins, et qu’on se fera pas la guerre, qu’il n’y aura plus de pauvre, et de la saleté moins
que de la lumière, et du malheur moins que de l’espoir...
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Minus craque, coule des yeux, et tous les Dieux tintent de compréhension...
CYPRIEN
Tu as bien parlé, le petit ; tu nous montres ka un moment, en des temps plus innocents, notre idée de vous
inventer était la bonne !...
MARGUERITE
Mais ce que Dieu pense, il te le dit, éfècekil dit... Le monde est foutu ici-bas, sans foi ni loi ; pas assez de
Minus.
Ce qui est dit commence d’être fait, jusqu’en bout de spectacle.
MINUS
... C’est vous qui n’avez plus foi en nous. Abandon pour abandon ; on fait avec ce qui reste...
MARGUERITE
Tu devrais dormir, le Minus, on va te garder ici-haut ; quand tu te réveilleras, tu seras des nôtres.
Minus semble se résigner : dormir et laisser faire... Trop de fatigue pour l’enfant, trop d’adversité... La nuit
tinte doucement de ses Dieux.
MINUS
Marguerite...
MARGUERITE
Hmm...
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MINUS
Marguerite, j’ai faim.
MARGUERITE
C’est la dernière fois ketu as faim.
MINUS
J’ai envie d’avoir faim ; et j’ai froid...
CYPRIEN
Bientôt tunora plus jamais fr...
MINUS
MINUS... SEPT FOIS LE CIEL
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Vous n’avez jamais faim, ni froid, ni chaud ni soif : comment pouvez-vous nous comprendre...
MARGUERITE
Passke nous vous avons créés...
MINUS
C’était un monde d’enfants alors, et vous habitiez avec nous, sur terre, dans nos corps... Je mangerais bien
quelque chose !
CYPRIEN
Un peu d’air frais ?...
MINUS
J’ai mieux que ça ! Vous allez voir... (Minus sort une popote de son sac, et le ciel semble plus incongru alors)
Cyprien, attrape-moi un morceau de soleil.
CYPRIEN
Cèkejè à faire, moi ; la fin du monde est programmée dans cinq minutes, et mon trou noir n’est pas encore
prêt...
MINUS
Cyprien... Ne soit pas chien !...(Cyprien s’exécute et tend à Minus un morceau du soleil) C’est le jaune ; la vie
est dedans, c’est ce que je préfère dans l’œuf... Marguerite !
MARGUERITE
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Hmm...
MINUS
Un morceau de nuage, s’il te plaît.
MARGUERITE
Voilà. Laisse nous finir maintenant...
MINUS
J’attache le jaune au milieu du blanc... Je réchauffe tout ça dans une poêle... Du sel de rosée, une noix de
lumière... Qui veut goûter ?...
CYPRIEN et MARGUERITE
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Patan , Minus, plus que trois minutes...
MINUS
Les premiers hommes que vous avez inventés, vous leur avez donné la faim et la soif, le froid et le chaud...
CYPRIEN
Bintien, c’est pas gratuit, la vie...
MARGUERITE
Casmérite !
MINUS
Alors ils se sont mis à chasser pour survivre. Il y avait ceux qui étaient doués, et les autres, toujours faim
parce qu’ils ne savaient pas viser... Tant que vous étiez là, le partage était la règle : lesforts donnaient de la
viande aux autres... Et puis vous êtes partis... Les bons chasseurs n’ont plus voulu partager ; plus pour eux,
moins pour les autres... Ils ont inventé l’argent, les commandants, les commandantes, les pauvres… Parce
que vous êtes partis, parce qu’on ne peut pas toujours croire aux absents !... Nous sommes ce que vous êtes,
nous vous imitons, nous voulons tous être les chefs ; avec la faim, la soif, le chaud et froid, l’argent et nos
canons pour aller plus vite et frapper plus fort !!!
CYPRIEN
Comme tu y vas, le petit, c’est quand même panoukon vous tire dessus !
MINUS
Revenez vivre avec nous ! Soyez des hommes !...
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MARGUERITE
Ben... Notre grand trou noir est tout prêt, maintenant, et cekièdièdi !
MINUS
Donnez-nous 1000 ans de plus... Je parlerai de vous aux copains et aux copines ; on fera attention de ne pas
grandir de travers, on s’aimera plus longtemps, plus nombreux, on vous racontera de sacrées histoires : on
s’amusera le plus vieux possible, en se faisant le moins mal qu’on peut...
CYPRIEN
Trente secondes, il est minuit moins trente secondes !
Tout l’univers tinte de ce temps à rebours...
MINUS
Vous les entendez, vos copains ; ils sont d’accord avec moi !
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MARGUERITE
Oui mècènou qu’on comman... Enfin, faut voir, on peut peut-être en discuter... Cyprien, kèske t’en dis, mon
Minou-de-l’Espace...
CYPRIEN
Jesèplu !... Le petit m’a mis la tête à l’envers ; je suis tourneboulé de partout et je retrouve plus mon esprit
saint...
MINUS
Encore une chose...
MARGUERITE et CYPRIEN
Quoi encore !...
MINUS
Chaque fois qu’un homme meurt, s’il n’est pas remplacé par un bébé, c’est un peu de vous qui disparaît...
Votre fin du monde, ça veut dire anéantir tous les hommes : les bons comme les mauvais, les femmes et les
enfants, les bêtes et les choses, l’eau, la terre et le feu. Tant que tout cela existe, vous existerez... Après la fin
du monde, quand tout sera fini, il n’y aura plus rien ni personne pour croire en vous : vous serez mort, pour
l’éternité...
MARGUERITE
Cyprien !... Mais kèskidi le Minus...
CYPRIEN
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Marguerite, du calme ! Il nous reste 10 grosses secondes pour décider...
MARGUERITE
Mais kèskon décide ?!!!
CYPRIEN
... Iaka...Iaka...Iaka... ...
MINUS
5... 4... 3... 2... 1...
MARGUERITE et CYPRIEN
C’est bon ! Cèdakor !!!...
MINUS... SEPT FOIS LE CIEL
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CYPRIEN
Va pour 1000 ans de mieux, pour voir comment ça tournéroule...
MINUS
Et vous redescendez sur terre ?...
MARGUERITE
Caossi, c’est d’accord !... Le temps de me faire une petite beauté...
CYPRIEN
On emmène les collègues ?
MINUS
Sûr !
CYPRIEN
Je prends mon harpon à foudre...
MINUS
Tut tut tut...
CYPRIEN
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Non ?... Un bonne giclée pour ceux kiserè méchants... Bon... Un petit sac d’étoiles filantes alors...
MINUS
Oui, pour la route, pour dire qu’on arrive...
MARGUERITE
Dis-moi, Minus...
MINUS
Marguerite... Tu es belle !...
MARGUERITE
Tucroik’ils vont bien vouloir de nous ?
MINUS... SEPT FOIS LE CIEL
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MINUS
Qui ça ?
MARGUERITE
Les hommes, pardi...
MINUS
Ils vous espèrent...
MARGUERITE
Tant mieux ! J’ai un de ces tracs... Tu es prêt mon Gros-Bout-de-Ciel ?
CYPRIEN
Oui, ma Boule-de-Gaz !
MINUS
On y va, on rentre à la maison...
CYPRIEN
On y retourne !...
MARGUERITE
Komo bon vieux temps !...
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Ce qui suit est le commentaire d’une longue désescalade, de ciel en terre, avec les mouvements des corps et
celui d’une lumière en changement...
CYPRIEN
Ofèt, Minus : j’ai entendu dire... C’est vrai que vous mangez les vaches ?...
MARGUERITE
Tutoucha la vache et je te transforme en ver de terre !
CYPRIEN
Ténèrv pas Marguerite ; je demandais ça juste pour savoir... Minus, ça mange quoi les vers de terre ?...
MINUS
C’est difficile, comme question... Peut-être des asticots ?...
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MARGUERITE
Hébé... Ilétemkon revienne...
MINUS
Et en plus de sauver le monde, qu’est ce que vous allez faire, comme métier...
Ils passent du plateau en tévé, dans le decrescendo général...
MARGUERITE
Moi peut-être coiffeuse…
CYPRIEN
Pompier… Ou maîtresse...
MARGUERITE
Quand èskon arrive ?...
CYPRIEN
Cèenkor loin ?...
MINUS
Ne vous en faites pas, c’est au bout du monde, mais on y arrivera avant 1000 ans, foi de Minus...
MARGUERITE
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Si on chantait ?
CYPRIEN
Ça irait drôlement plus vite...
MINUS, MARGUERITE, CYPRIEN
Napoléon
Est mort à Sainte Hélène
Son fils Léon
Lui a crevé l’bidon
On l’a r’trouvé
Assis sur une baleine
En train d’sucer
Les fils de son caleçon
Napoléon, Napoléon, Napoléon...
FIN
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