Flaine L`architecture élevée au rang d`art La Clusaz Une montée en

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Flaine L`architecture élevée au rang d`art La Clusaz Une montée en
▲ L’immobilier aux sports d’hiver
Grand-Bornand L’immobilier de luxe connaît une période de grand beau
sabelle Pochat-Cottillon est
une Bornandine pur jus. Une
femme née au Grand-Bornand, qui y a grandi et qui y travaille aujourd’hui puisqu’elle dirige l’office du tourisme.
Sa station, qui compte 2.300
habitants à l’année, elle la connaît sur le bout des doigts. « Ce
n’est pas une station de luxe
mais il est indéniable qu’elle a
monté en gamme ces dernières
années, commence-t-elle par
dire. Avec La Clusaz, le “GrandBo” fait partie des deux dernières
entrées au TOTFA, le “Top of the
French Alps”. C’est un classement
qui reprend les meilleures stations des Alpes françaises. Chez
nous, les gens viennent rechercher l’ambiance d’un village de
montagne, les vieux chalets, les
produits du terroir, les traces
d’une agriculture encore fort présente puisque nous sommes la
première commune agricole de
Haute-Savoie, sans oublier la
tradition liée au Reblochon fermier, un produit fabriqué par
une cinquantaine de fermes en
activité sur tout le territoire. Autant de valeurs fortes toujours
plus prisées par les touristes de
nos jours. »
Des valeurs qui font, on s’en
doute, monter les prix de l’immobilier. Que ce soit à GrandBornand Village ou au Chinaillon, la deuxième entité de la
station distante de six kilomètres
par la route où l’on peut apercevoir plusieurs grosses construc-
I
La loi de juillet 2009 a
incité plusieurs propriétaires à rénover leur établissement
De jour comme de nuit, le Grand-Bornand est un village d’une grande beauté. © GILLES LANSARD.
tions en cours, la musique est la
même : ça grimpe à grande vitesse. « Il n’est plus rare de voir
un vieux chalet où tout est à refaire se vendre pour 800.000 euros, confirme Isabelle Pochat. Et
des biens de ce genre, il y en a encore beaucoup dans la commune.
En matière de construction, ce
sont des chalets dont la réputation n’est plus à faire car ici, les
construire est un peu une seconde nature pour tous les gens
du coin. »
Comme dans beaucoup d’autres stations de ski françaises, la
loi de modernisation et de développement des services touristiques qui date de juillet 2009 a
incité plusieurs propriétaires à
rénover leur établissement.
Hôtels, résidences de tourisme, chambres d’hôtes, établissements collectifs et chalets indépendants : tout est passé au crible par les nouvelles normes de
classement. « Beaucoup d’hôtels
ont ainsi redynamisé leur offre
Flaine L’architecture élevée au rang d’art
vec un nom comme ça, il ne faut pas chercher bien loin pour trouver les origines de
notre hôte. Pierre Claessen a du sang belge
qui lui coule dans les veines. Ancien moniteur de
ski, il dirige depuis sept ans l’office du tourisme de
Flaine, station du Grand Massif perchée à 1.600
mètres d’altitude pour ce qui est du cœur de la station né il y a 45 ans. « Ici, notre clientèle est constituée à 90 % de skieurs, révèle-t-il en guise d’introduction. Notre cible principale ? Les 15-50 ans,
sportifs et dynamiques. Et les Belges représentent
notre troisième clientèle étrangère après les Anglais et les Hollandais. »
Flaine présente la particularité de se situer sur
quatre niveaux reliés par des ascenseurs. Autre
particularité qui pourrait en faire fuir plus d’un : la
grande majorité des établissements ont été
construits en béton, ce qui en fait une station complètement à part dans le paysage alpin français
(voire mondial).
Sa création, on la doit à deux architectes. Le premier est Suisse et se nomme Gérard Chervaz. C’est
lui qui a découvert le site par hasard, lors d’une
randonnée entre amis. C’est lui aussi qui fera part
de son projet à Eric et Sylvie Boissonnas, lesquels
financeront la construction de Flaine sur leurs deniers propres. Il faut dire à ce stade du récit que
Sylvie appartenant à la famille Schlumberger, une
multinationale active dans le pétrole, la pilule passera plus facilement…
Le second s’appelle Marcel Breuer, un Hongrois
qui suivra les cours de la nouvelle école supérieure
d’art du Bauhaus, en Allemagne. Possédant une
maison dans le Connecticut dans le même village
qu’Eric et Sylvie Boissonnas, c’est lui qui finira par
obtenir le feu vert des mécènes…
Les pans entiers de béton sont construits dans la
vallée, plus précisément dans le village de Magland davantage connu aujourd’hui pour ses…
saucissons. Pour les acheminer dans la station en
devenir, un téléphérique est même créé de toutes
pièces. « Flaine possède aujourd’hui deux bâtiments, le Flaine et le Betelgeuse, dont la façade est
inscrite à l’inventaire des Bâtiments et Monu-
Cette station piétonne où tous les hébergements sont ski aux pieds a vu apparaître les premières résidences de tourisme en 2007
ments historiques de France, assure, non sans une
pointe de fierté, Alexandra Savary, le bras droit de
Pierre Claessen. L’idée de départ était de laisser le
béton à l’état brut et de munir les façades de panneaux creusés pour suivre la lumière du soleil. On
peut ne pas aimer le béton, mais force est de constater que les bâtiments de Flaine n’ont pas pris une
ride… »
Cette station piétonne où tous les hébergements
sont ski aux pieds a vu apparaître les premières résidences de tourisme en 2007. Aujourd’hui, elle en
compte six, dont une cinq étoiles (le Pierre & Vacances Premium qui propose 715 lits). Sur le haut
de la station, à 1.800 m, on notera un hameau aux
allures scandinaves constitué de 80 chalets en bois
en créant par exemple des centres
de bien-être équipés de spas et de
jacuzzis, poursuit la directrice de
l’Office. Cet hiver, deux établissements ont ainsi passé leur quatrième étoile : Les Cimes et Les
Saytels. Pour les chalets individuels, l’office du tourisme s’occupe de la promotion d’environ
400 d’entre eux mais à la seule
condition qu’ils soient classés.
C’est une manière de responsabiliser les propriétaires pour qu’ils
entretiennent leur bien. »
naillon), ils profitent l’un et l’autre de chutes de neige fréquentes
grâce aux Aravis, cette chaîne de
montagnes bien connue des
Belges (la première clientèle
étrangère) qui partent à sa découverte l’hiver comme l’été.
« On travaille également la neige
de culture pour conforter les débuts et les fins de saison hivernale grâce à deux réserves d’eau
totalisant 355.000 m3, conclut
Isabelle Pochat. Quant à l’été,
notre proximité avec le lac d’Annecy (20 km) nous permet
d’avoir un village qui vit également pendant les grandes vacances. »
Au total, le Grand-Bo récolte
un million de nuitées par an,
60 % l’hiver et 40 % l’été.
ÉPINGLÉ
Le chaînon manquant
Situé à 50 km à peine de
l’aéroport de Genève, le
Grand-Bornand comptabilise
90 km de pistes de ski alpin,
42 pistes et 29 remontées
mécaniques. Ce n’est donc
pas une grande station à
proprement parler. Le forfait
Aravis permet toutefois aux
fanas de la glisse d’aller
skier également sur les domaines de La Clusaz, Manigod et Saint-Jean-de-Sixt.
Total : 220 km de pistes,
mais les liaisons se font par
navettes.
Finalement, ce qu’il manque
le plus au Grand-Bornand,
c’est une liaison à ski avec
les 120 km de pistes de La
Clusaz (reliée quant à elle à
Manigod et à Saint-Jean-deSixt), l’autre grande station
du coin distante à peine de
quelques kilomètres. Deux
nouveaux télésièges suffiraient pour enjamber les
cimes du Danay et relier
ainsi tous les domaines mais
c’est un projet dont les gens
du coin entendent parler
depuis… les années 80. Sans
jamais le voir venir. (PAL)
PAOLO LEONARDI
La Clusaz Une montée en gamme qui s’affirme
A
Jeudi 13 février 2014 / page 8*
Moyennant une cotisation de
110 euros par an (auxquels il faut
toutefois ajouter un montant lié
au nombre de lits), ils voient leur
chalet valorisé sur le site internet
du Grand-Bornand ainsi que
dans les brochures disponibles
dans le village, ce qui leur permet d’acquérir une meilleure visibilité.
Même si les deux paliers du
Grand-Bornand ne sont pas très
élevés (1.000 m d’altitude pour
le Village et 1.300 m pour Chi-
n les appelle les
« Cluses »,
ou
les
« Chaves » en argot. Ce
sont les habitants de La Clusaz,
station appartenant elle aussi au
massif des Aravis, comme sa
cousine du Grand-Bornand avec
laquelle elle présente quelques
similitudes. Mais pas trop tout
de même sinon on risquerait de
froisser quelques susceptibilités.
Lorsqu’on skie ici, il faut garder à l’esprit deux choses : primo, La Clusaz a produit, et
continue de le faire, des champions à la pelle dans toutes les
disciplines de la glisse ; secundo,
les Chaves aiment faire la fête,
entendez par là que la station
porte une attention toute particulière à l’après-ski.
Tout profit pour une clientèle
qui s’est internationalisée depuis
quelques années. L’hiver, mais
aussi l’été, les visiteurs étrangers
constituent 20 pour cent de la
fréquentation et ils affluent du
Benelux, du Royaume-Uni, de
Suisse, de Scandinavie, et même,
tiens, tiens… de Russie et
d’Ukraine. « Mais ici, on laisse
son étiquette de côté. Nous ne privatiserons jamais une piste pour
un client russe…, jure Alexis
Bongard, directeur de l’Office du
Tourisme. La Clusaz a beau
avoir muté ces dix dernières années pour devenir une station
moyen de gamme supérieur,
voire haut de gamme, nous voulons avant tout rester un lieu
sportif et dynamique. »
Côté hébergement, le village
propose un hôtel cinq étoiles (le
« Cœur du village ») et six quatre
étoiles. Mais il offre également
O
L’architecture de Flaine s’inspire du Bauhaus. © D.R.
multicolores. Ils datent des années 80 et sont aujourd’hui gérés en copropriété. « De 2.700 lits en
2007, Flaine est passée à 11.200 lits mais ce n’est
pas assez, explique Alexandra Savary. L’objectif est
de monter à 13.500 d’ici à 2017. »
Pour ce faire, il faut construire. Encore et toujours. Ce qui augmentera les possibilités d’investir. « De nombreux projets existent !, se réjouit
Pierre Claessen. La nouvelle résidence MGM
(NDLR : différente des autres réalisations du
groupe, elle est une vraie réussite d’intégration
dans le paysage bétonné) et ses 60 résidences
viennent de sortir. Il y a aussi la deuxième tranche
du Pierre & Vacances Premium qui proposera 750
lits supplémentaires pour la fin de l’année. Une résidence haut de gamme Odalys est également prévue ainsi que le Panoramic dont il reste les deux
derniers étages à construire. »
Mais le projet qui peut réellement tout changer
pour Flaine (et qui risque de faire des jaloux) s’appelle le Funiflaine, un gros porteur de 36 cabines
capables de transporter chacune 24 personnes. Il
démarrerait dans la vallée à Magland (où il existe
une gare TGV) et ferait une halte au village Les
Carroz avant de s’arrêter à Flaine. « Et en plus, ça
mettrait Genève et Annecy à une heure de voiture,
jubile Pierre Claessen. Ce projet, on en parle depuis 30 ans mais il n’a jamais été aussi proche de
se réaliser. » Le feu vert est attendu pour juillet.
une brochette plutôt imposante
de chalets de prestige. « On en
recense plus d’une cinquantaine,
explique Alexis Bongard. Aujourd’hui, La Clusaz voit sortir
de terre chaque année une dizaine de chalets haut de gamme,
soit en construction neuve, soit
en rénovation. Et ici, tout est fait
dans les règles de l’art car tout est
réglementé jusque dans les moin-
Côté hébergement, la station dispose d’un hôtel
cinq étoiles et de six quatre
étoiles
dres détails. La qualité s’en trouve évidemment améliorée. »
Si le prix moyen du mètre carré pour les appartements anciens pour l’ensemble du massif
des Aravis (La Clusaz, GrandBornand, Manigod et SaintJean-de-Sixt) se situe entre
4.100 et 5.500 euros, en neuf, La
Clusaz flirte régulièrement avec
les 10.000 euros du mètre carré.
« Certains prix ne sont carrément plus raisonnables, intervient notre interlocuteur. C’est le
côté disons… moins sympathique de l’attrait international
de la station : ne pouvant plus se
permettre d’habiter dans leur
commune, beaucoup de Cluses
descendent dans la vallée pour
trouver des prix plus abordables.
Mais là aussi, la fièvre immobilière a gagné du terrain : à
Saint-Jean-de-Sixt, les prix ont
doublé en dix ans… »
Parmi les projets de construction d’envergure, un grand hôtel
combiné à des résidences hôtelières fait couler beaucoup de sa-
live, chez les gens de la rue mais
aussi dans les tribunaux, bien
contraints de suivre l’affaire de
très près.
Pas moins de onze promoteurs
sont sur la balle de ce nouveau
complexe qui prendra place au
Bossonet et qui proposera, entre
autres, un centre de thalassothérapie qui portera la griffe de
Serge Blanco, l’ancienne légende
du rugby mondial.
L’hôtel quatre étoiles comportera 50 chambres et les résidences 600. Le projet ne demande qu’à démarrer mais il fait
l’objet actuellement d’un recours. Et qui dit recours en France, dit parfois projet bloqué pendant plusieurs années…
PAL
ÉPINGLÉ
Une tuile qui tombe à
pic
A La Clusaz, la rénovation a
le vent en poupe et elle
profite de subventions offertes par la Mairie. Une
manière pour cette dernière
de garantir une meilleure
qualité des travaux. Ainsi,
celui qui doit changer le toit
de sa demeure peut le faire
en tavayons car celles-ci
coûteront un prix équivalent
à la tôle, privilégiée par
beaucoup car nettement
moins chère. Les tavayons
sont des tuiles en bois de
mélèze qui tiennent une
vingtaine d’années. Ce sont
les toits historiques de la
région. (PAL)
Le clocher de l’église, la carte postale de La Clusaz... © PASCAL LEBEAU.
PAL