la France au Liban à travers le regard du reporter - Archives

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la France au Liban à travers le regard du reporter - Archives
1982 : la France au Liban
à travers le regard
du reporter François-Xavier Roch
Référence : F 82-368 L54
Deux légionnaires du 2 régiment étranger de parachutistes sur le pont de la "Dives"
avant le débarquement sur le sol libanais. 21 août 1982
Photographe : François-Xavier Roch, Copyright ECPAD
e
1
Sommaire
I) La FMI ou l’opération « Epaulard »
a)
b)
c)
d)
Préparatifs et départ
Actions de sécurité dans Beyrouth
Évacuation des Palestiniens
Retour en France : la fin de l’opération « Epaulard »
II) La FMSB, le premier mandat « Diodon »
a)
b)
c)
d)
Retour à Beyrouth
Retour à Sabra et Chatila
Déminage pour une ville réunie
Installation des troupes françaises, comme appui à l’armée libanaise, pour une durée
indéterminée
2
En mai 1982, l’armée israélienne pénètre au Liban et se dirige droit vers la capitale,
Beyrouth, bastion palestinien (depuis l’exode massif de Palestiniens après la guerre israéloarabe de 1967). Depuis les années soixante-dix, le Liban est le théâtre d’une guerre civile, qui
oppose d’abord phalanges chrétiennes et Palestiniens puis milices chrétiennes et milices
islamo-progressistes alliées aux Palestiniens. Beyrouth abrite les nombreuses milices armées,
ethniques et religieuses. C’est dans cette ville que réside Yasser Arafat, chef de l’OLP
(Organisation de la libération de la Palestine), et ses 15 000 hommes armés.
En 1978, suite à l’invasion du Sud du Liban par Israël, l’armée française intervient
sous pavillon de l’ONU (Organisation des Nations unies). Mais sa présence étant jugée non
nécessaire, les casques bleus français repartent en mars 1979, évacués par la Marine nationale
lors de l’opération « Hippocampe ».
Trois ans plus tard, bien qu’un contingent onusien soit établi au Sud-Liban avec un
détachement français, l’ombre de l’armée israélienne menace Beyrouth et le reste du pays : à
nouveau, le Conseil de sécurité de l’ONU intervient en créant la FMI (Force multinationale
d’interposition) en accord avec le ministère des Affaires étrangères libanais. La FMI, d’un
mandat maximum d’un mois, doit assurer la protection de la population et l’évacuation des
soldats palestiniens et de leur chef Yasser Arafat et, participer à la restauration de l’autorité de
l’armée et du gouvernement libanais. Au bout d’un mois, les objectifs sont atteints,
l’opération « Epaulard » est un succès, les contingents des trois armées concernées (France,
États-Unis et Italie) quittent le Liban plus tôt que prévu.
Mais le chaudron libanais n’est pas apaisé et alors que les forces françaises traversent
la Méditerranée en direction de la France, le chef des phalanges chrétiennes, Bachir Gemayel,
symbole d’une unité retrouvée, est assassiné lors d’un attentat à la bombe dans son quartier
général le 14 septembre, et des massacres de Palestiniens ont lieu dans les camps de réfugiés
de Sabra et Chatila le 16 septembre 1982. Le président de la République française, Francois
Mitterrand, répond sans attendre à ces drames et décide de renvoyer les troupes
immédiatement. Deux jours après leur retour, les soldats français repartent au Liban au sein
de la FMSB (Force multinationale de sécurité à Beyrouth).
François-Xavier Roch est un ancien photographe de l’ECPA (Établissement
cinématographique et photographique des armées). Engagé dans l’infanterie de Marine, il
arrive à l’établissement en 1969 et obtient grâce à sa motivation et à son grand intérêt pour la
photographie, un poste au service photo en 1973. Après des années de reportages dans les
armées en temps de paix, sa première opération extérieure (OPEX) l’emmène à Dakar
(Sénégal) et en Mauritanie en 1977, suivre l’opération « Lamentin ». Dès l’année suivante
commence pour lui une longue série de missions au Liban, de 1978 à 1984, d’où il ramène
plus de 6 000 photographies parmi les 26 000 que compte la collection « Liban » de
l’ECPAD. Récemment invité au fort d’Ivry-sur-Seine pour raconter son parcours, FrançoisXavier Roch nous fait l’honneur de participer à ce dossier thématique, illustré uniquement par
une sélection de ses clichés et ponctué par son témoignage (recueilli oralement et retranscrit
en partie ici). Grâce à ses reportages, François-Xavier Roch nous permet de mieux
appréhender l’histoire de l’intervention des troupes françaises au Liban, et à davantage
comprendre la situation libanaise. Trente après, il nous permet de nous replonger dans les
souvenirs de l’armée française au sein d’une mission où de nombreux parachutistes ont trouvé
la mort.
3
I) LA FMI ou l’opération « Epaulard »
La mission de la FMI est exposée dans la lettre officielle du ministre libanais des
Affaires étrangères aux ambassadeurs des trois pays participants (France, États-Unis et Italie)
le 18 août 1982. Cette mission comprend trois objectifs : 1) « assurer la sécurité physique des
combattants palestiniens en instance de départ de Beyrouth et la dignité de leur départ ». 2)
« Assurer la sécurité physique des autres habitants de la région de Beyrouth ». 3) « Favoriser
la restauration de la souveraineté du gouvernement libanais sur ladite région ».
Un examen des forces présentes dans Beyrouth est réalisé : ville de 800 000 habitants dont
des musulmans (chiites, sunnites et druzes), chrétiens (maronites, orthodoxes, catholiques). La
ville est encerclée et occupée par des divisions mécanisées et une brigade blindée de l’armée
israélienne. Sur la ligne verte qui sépare Beyrouth en deux, du nord au sud, 10 000
combattants chrétiens font face à 15 000 miliciens musulmans dont 2 400 hommes de l’armée
syrienne. L’armée libanaise compte 32 000 hommes. Telles sont les conditions de Beyrouth
avant l’arrivée des troupes de la FMI.
Les accords entre l’ONU et le Liban ont fixé à 2 000 le nombre d’hommes engagés dans la
FMI : 800 pour la France, commandés par le général Granger, chef du GAP (Groupement
aéroporté), 800 marines américains sous les ordres du colonel James Mead et 530 soldats
italiens commandés par le général Angioni.
Le débarquement de la FMI est prévu en trois temps : les forces françaises arrivent et
sécurisent le port (21 août), puis les marines américains prennent la relève (25 août) et enfin,
le contingent italien et le second soutien français débarquent à Beyrouth le 26 août.
a) Préparatifs et départ
Témoignage de F.-X. Roch : "J’ai rejoint le
2e REP à Calvi avec Michel Gau, un
caméraman. Parmi le 2e REP, il y avait des
officiers comme le capitaine Puga, 5 étoiles
maintenant. Pour m’intégrer, je disais aux
légionnaires, « c’est moi qui était avec
Salvan en 1978 »" [le général Salvan est
engagé en mission de maintien de la paix au
Liban à la tête du 3e régiment de
parachutistes d’infanterie de marine]
N°1/ Référence : F82-356 LC18
Un légionnaire du 2e REP (Régiment étranger de parachutistes) discute avec le photographe François-Xavier Roch (à droite) de l'ECPA
(Établissement cinématographique et photographique des armées) sur l'aéroport de Bastia le jour du départ du 2e REP pour Beyrouth dans
le cadre de la FMI (Force multinationale d'interposition). Le photographe militaire part avec le contingent français.
19/08/1982, Photographe Dufeutrelle, copyright ECPAD.
Le reporter François-Xavier Roch, de l’ECPA a rejoint le 2e REP (Régiment étranger de
parachutistes) de Calvi, en alerte depuis le 4 août. Le régiment reçoit l’ordre de partir pour
Beyrouth le 18 août à minuit. Le lieutenant-colonel Janvier a pris le commandement du
régiment quinze jours auparavant seulement. Les légionnaires français sont les premiers à
atteindre le sol libanais, leur rôle est majeur pour la suite des opérations.
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N°2 / Référence : F 82-419 L17
La 3e Cie du 2e REP (Régiment étranger de parachutistes) se prépare à partir pour le
Liban dans le cadre de la FMI (Force multinationale d'interposition).
18/08/1982, photographe François-Xavier Roch, copyright ECPAD
N°3 / Référence : F 82-419 L29
Le général Schmitt, commandant la 11e DP (Division
parachutiste), salue le général Granger, chef du premier
élément
français de la FMI (Force multinationale
d'interposition) à Calvi, sous le regard des journalistes et de
Charles Hernu, ministre de la Défense.
19/20/08/1982,
photographe
François-Xavier
Roch,
copyright ECPAD.
À Calvi, le ministre de la Défense est venu saluer et encourager le contingent français
et ses officiers qui partent représenter la France sous pavillon de l’ONU.
La mise en place des troupes mobilise les grands moyens de la Marine nationale car
l’aéroport de Beyrouth est contrôlé par l’armée israélienne. La FMI doit débarquer dans le
port de commerce de la ville. C’est pourquoi les légionnaires quittent Calvi en avion jusqu’à
Larnaca, à Chypre, où ils embarquent ensuite à bord des navires de la Marine. Ces bâtiments
sont appuyés par la Task Force 452 commandée par le contre-amiral Klotz et composée du
porte-avions « Foch », de la frégate « Suffren » et du pétrolier-ravitailleur « Meuse ». Les
hommes et le matériel débarquent sur l’aéroport de Larnaca puis se dirigent vers le port pour
embarquer à bord de BDC (Bâtiment de débarquement de chars) tels que la « Dives » (photo
n° 4).
5
N°4 / : Référence : F 82-369 LC8
À Larnaca (Chypre), les véhicules de soutien du 2eREP (Régiment étranger de parachutistes) sont embarqués à bord de la "Dives" sous le
regard des personnels de la Marine nationale. Après l'embarquement, le bâtiment se dirigera vers Beyrouth.
21/08/1982, Photographe François-Xavier Roch, copyright ECPAD.
Le 21 août 1982 à l’aube, la « Dives » arrive en rade de Beyrouth. L’absence
d’informations sur la situation des forces dans le port de Beyrouth oblige le colonel Janvier à
faire appel au bâtiment « Orage » comprenant deux EDIC (Engin de débarquement
d’infanterie et de char), permettant un débarquement léger par une unité de reconnaissance.
N°5 / Référence : F 82-368 L54
Légionnaires du 2e REP à bord de la "Dives" avant le débarquement sur le sol libanais, le matin du
21 août 1982, photographe François-Xavier Roch, copyright ECPAD.
Témoignage de F.-X. Roch : "Mon rêve se réalise, 4 h du matin sur le bateau, on met des navires à
l’eau […]. Je me dis « c’est moi Robert Capa, je vais faire le débarquement de Beyrouth » ! Donc je
règle mes appareils, 1 600 asa sans flash pour faire des photos au petit jour […] et à ce moment-là le
capitaine Puga me dit « je ne vais pas enlever un fusil pour mettre un Nikon, tu arriveras dans le port
avec les autres » […]. Je n’ai rien regretté […]. On s’attendait à ce que les Israéliens nous embêtent
[…], au lieu de voir des canons, on n’avait que la presse internationale qui nous attendait".
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b) Actions de sécurité dans Beyrouth
Aussitôt débarqués et à la demande de l’ambassadeur de France au Liban, Paul-Marc
Henri, les légionnaires prennent le contrôle de la Résidence des Pins, résidence de
l’ambassadeur de France, située dans la partie sud du centre de la ville, près de l’hippodrome
et qui a subi de lourds dégâts suite aux bombardements israéliens. Les légionnaires entrent en
action et prennent en charge la construction et la logistique du quartier général du général
Granger.
N°6 / Référence : F 82-419 L77
Une fois la Résidence des Pins (ambassade de France) déminée, les légionnaires du 2e REP (Régiment étranger de parachutistes)
construisent des douches de campagne dans ses jardins.
24-25/08/1982, photographe François-Xavier Roch, copyright ECPAD.
Alors que le 25 août le contingent américain débarque dans Beyrouth pour assurer la
relève des légionnaires français, le 26, c’est au tour de l’armée italienne et du second
contingent français, REGFRANCE 2, de débarquer. Les légionnaires quittent le port et
s’installent sur la ligne de démarcation entre Israéliens et Palestiniens et sur la ligne verte,
séparant Beyrouth-ouest de Beyrouth-est. Le REGFRANCE 2 appuie les légionnaires dans
cette mission. Débarqué le 26 août, il est commandé par le lieutenant-colonel Roudeillac, chef
de corps du 3e RPIMa (Régiment de parachutistes d’infanterie de Marine), et composé de 195
hommes du 3e RPIMa, d’un escadron du 20 AML (automitrailleuses) du RICM (Régiment
d’infanterie de chars de Marine), d’une section du 17e RGP (Régiment de génie parachutiste)
et d’un détachement de soutien du 9e RCS (Régiment de commandement et de soutien).
Témoignage de F.-X. Roch : " On est allé s’installer à la Résidence des Pins. Je suis allé voir Janvier
« Je veux une jeep, je ne peux pas travailler sans jeep ». […] Ca a été difficile mais j’ai pu en avoir
une de temps en temps. […] On avait une certaine liberté.
Beyrouth portait les vestiges des guerres civiles, quartiers détruits, le centre détruit […]. On se
promenait là-dedans en faisant attention car on savait que tout était miné déjà en 1978."
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N°7 / Référence : F 82-420 LC25
Le 26 août 1982, le deuxième contingent français débarque de la "Dives" dans le port de Beyrouth. Il est composé du 3e RPIMa (Régiment
de parachutistes d'infanterie de Marine), d'éléments du RICM (Régiment d'infanterie de chars de Marine) et du 17e RGP (Régiment de génie
parachutiste).
26/08/1982, photographe François-Xavier Roch, copyright ECPAD.
Le contingent français assure le quadrillage de la partie nord de la ville, les Italiens et
les Américains la partie sud. Le dispositif est centralisé par le quartier général de la Résidence
des Pins et des postes sont installés tous les 500 mètres dans les artères principales, les ruelles
et les immeubles offrant un point de vue d’ensemble sur la ville. Cependant la mise en place
de ces postes nécessite de monter de véritables opérations pour définir chaque itinéraire en
évitant les obstacles du terrain et la provocation des combattants armés.
Les équipes de sapeurs du 17e RGP assurent la reconnaissance des terrains et dégagent les
pièges, les immeubles et les merlons des routes, permettant à la ville transformée en citadelle
de retrouver un début d’unité.
N°8 / Référence : F 82-420 LC9
Mise en place des automitrailleuses du RICM (Régiment d'infanterie de chars de Marine) dans l'avenue Abdallah Yafi. Le RICM prend la
relève de factions Mourabitoun.
Fin août 1982, photographe François-Xavier Roch, copyright ECPAD.
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N°9 / Référence : F 82-368 L122
Un duo de tireurs d’élite du 2e REP (Régiment étranger de parachutistes) surveille la zone portuaire de Beyrouth au sommet du silo.
Un des soldats est équipé d'un fusil de précision FR-F1.
Fin août 1982, photographe François-Xavier Roch, copyright ECPAD.
Pour les légionnaires du 2e REP, dès le 21 août, il s’agit d’assurer la sécurité du port de
Beyrouth en coopération avec l’armée libanaise afin de garantir la sécurité des convois
palestiniens pendant leur évacuation. Mais à leur arrivée, les légionnaires sont accueillis non
pas par des Libanais mais par des forces de l’armée israélienne parées d’une attitude
provocante. Malgré cela, l’évacuation des Palestiniens commence dès le premier jour.
c) Évacuation des Palestiniens
N°10 / Référence : F 82-369 LC29
Les légionnaires du 2e REP (Régiment étranger de
parachutistes) et des soldats de l'armée libanaise
assurent la sécurité et la protection des combattants
palestiniens qui arrivent par convoi de camions au
port de Beyrouth. Sur le point d'être évacués de la
capitale libanaise après trois mois d'encerclement, ils
manifestent leur joie par des tirs.
Vers 28/08/1982, photographe François-Xavier
Roch, copyright ECPAD.
Sous le regard d’observateurs israéliens, le contingent français doit montrer sa force et
sa crédibilité dans le soutien de l’évacuation des Palestiniens. Les légionnaires assurent
l’arrivée des convois dans l’enceinte du port où les forces libanaises effectuent le contrôle
administratif des départs.
Témoignage de F.-X. Roch : "La première FMI, le summum c’était le départ d’Arafat, tout le monde
tirait en l’air. On est pris dans une sacrée ambiance. L’impression de vivre un moment d’histoire.
Aucun incident majeur bien que les légionnaires aient le doigt constamment sur la détente, ils étaient
très attentifs".
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N°11 / Référence : F 82-368 L191
Des combattants palestiniens dont un enfant, arrivent à l'entrée du port de Beyrouth, gardé par des légionnaires français et des soldats
libanais, pour être évacués du Liban. Munis du drapeau du Liban, les combattants effectuent le V de la victoire.
Vers le 28/08/1982, photographe François-Xavier Roch, copyright ECPAD.
L’évacuation des Palestiniens se fait dans une grande excitation. Les combattants
palestiniens n’hésitent pas à tirer des coups de fusils en l’air, à faire le « V » de la victoire et à
embrasser le drapeau de la Palestine. Yasser Arafat, leur chef, est salué comme un héros par
ses hommes le jour de son départ, le 31 août. Les Palestiniens tiennent à montrer leur fierté et
leur dignité pendant leur départ sous haute protection.
Au total, entre le 21 août et le 1er septembre 1982, ce sont 15 000 combattants qui
évacuent Beyrouth, 11 000 par bateau et 4 000 par voie de terre. Ils sont accueillis par
plusieurs pays dont l’Algérie, la Tunisie, le Soudan ou encore l’Irak.
N°12 / Référence : F 82-420 LC17
Yasser Arafat, leader de l'OLP (Organisation de libération de la Palestine), arrive au point de contrôle ouest du port de Beyrouth. Les
automitrailleuses du RICM (Régiment d'infanterie de chars de Marine) surveillent l'évènement pendant que les journalistes prennent
d'assaut l'automobile de Yasser Arafat.
30/08/1982, photographe François-Xavier Roch, copyright ECPAD.
Une fois Yasser Arafat évacué, Beyrouth retrouve le calme, pour un court moment.
Les Français envisagent leur retour peu sereinement car ils doutent de la capacité de l’armée
libanaise à prendre vraiment le contrôle dans la ville.
10
d) Retour en France : la fin de l’opération « Epaulard »
La preuve en est faite le 12 septembre, un jour avant le départ des troupes françaises. Un
convoi du 3e RPIMa et du 17e RGP est pris sous le feu d’un combat entre deux milices
islamo-progressistes, les chevaliers de la Révolution (Ansar-el-Saoura) et les miliciens du
parti national social qui continuent à contrôler Beyrouth-ouest après l’évacuation des
combattants de l’OLP.
N°13 / Référence : F 82-419 L492
Le dimanche 12 septembre, en pleine journée, un convoi du 17e RGP (Régiment de
génie parachutiste en route pour le port est pris, avenue Béchara El Khoury, sous le
feu d'un combat entre deux milices islamo-progressistes : les Chevaliers de la
révolution (Ansar El-Saoura) et des miliciens du parti national social ou Force
intérieure de sécurité qui continuent à contrôler Beyrouth-ouest après l'évacuation des
forces de l'OLP (fin août). L'armée libanaise intervient entre les deux partis. Cet
incident se solde par trois blessés chez les parachutistes.
Un camion chargé de deux tonnes d'explosifs est atteint alors que les sapeurs
accourent vers la Résidence des Pins via la rue Mohamed el Hout pour prévenir le PC
(poste de commandement).
12/09/1982, photographe François-Xavier Roch, copyright ECPAD.
N°14 / Référence : F 82-420 LC112
Le 12 septembre 1982, le convoi de la section du lieutenant
Dominguez du 17e RGP (Régiment de génie parachutiste) se
rend au port pour l'embarquement mais est immobilisé sur
l'avenue Béchara el Khoury par des tirs échangés entre
différents factions. Ici, les véhicules du convoi incendiés par des
tirs ennemis de RPG (lance-roquettes).
12/09/1982, photographe François-Xavier Roch, copyright
ECPAD.
Le 10 septembre 1982, les marines américains qui gardent le port, avancent leur
départ. Le 12, c’est au tour des Italiens puis le 13, celui des forces françaises. Les hommes
apprennent leur départ seulement 30 heures avant le réembarquement. La FMI est basée sur
un accord international et si l’une des forces décide de partir, les autres doivent suivre cette
décision.
Juste avant le départ de la force française, le secrétaire d’état à la Défense, Georges Lemoine,
se rend le 13 septembre au matin à Beyrouth pour présider une cérémonie militaire à la
11
Résidence des Pins en présence du gouvernement libanais. Devant 170 parachutistes,
marsouins et légionnaires, Georges Lemoine transmet les remerciements du gouvernement
aux troupes françaises de la FMI puis décore l’ambassadeur de France Paul-Marc Henry de
l’insigne d’officier de la Légion d’honneur. Enfin, il passe en revue la 2e section du 3e RPIMa,
la 2e section du 2e REP et un peloton du RICM.
L’opération « Epaulard » est considérée militairement parlant comme une réussite.
L’évacuation des Palestiniens dans la dignité et l’honneur, principal objectif de la FMI, a été
assurée. Mais aucun des militaires français n’oubliera la mort du colonel Bizeul, tué par un
tireur embusqué le 3 septembre 1982 alors qu’il était en mission d’observation dans un
immeuble entre les lignes palestiniennes et les lignes chrétiennes.
N°15 / Référence : F 82-419 L618
Deux soldats, équipés de FAMAS et de fusil de précision
FR-F1, dorment sur un quai du port de Beyrouth en
attendant leur embarquement, le jour du départ des
troupes françaises de la capitale libanaise.
13/09/1982, photographe François-Xavier Roch,
copyright ECPAD.
Dans le port de Beyrouth, le 13 septembre, les soldats se reposent, épuisés par leur
mission, devant le ballet des hélicoptères Super-Frelon qui embarquent hommes et matériels
jusqu’au porte-avions « Foch » qui mouille au large de la ville.
N°16 / Référence : F 82-420 LC135
Le 13 septembre 1982, les troupes françaises de la
FMI (Force multinationale d'interposition) quittent
Beyrouth, marquant ainsi la fin de l'opération
"Epaulard". Ici, les dernières troupes françaises
embarquent à bord d'un hélicoptère Super-Frelon en
direction du porte-avions "Foch" qui croise au large
13/09/1982, photographe François-Xavier Roch,
copyright ECPAD.
12
Les légionnaires du 2e REP sont débarqués à Calvi depuis le « Foch » tandis que les
hommes du 3e RPIMa rentrent à Carcassonne via Toulon par le « Duquesne ». Comme
l’explique François-Xavier Roch : « ces quelques jours à bord des bâtiments de la Marine
permettent aux hommes de se détendre après leur mission. »
Une grande cérémonie en présence du ministre de la Défense Charles Hernu a lieu le 17
septembre sur le « Foch » amarré dans le port de Calvi. Sur la photographie n° 17, le ministre
salue le général Granger, chef de l’opération « Epaulard ». Lors de cette cérémonie, il décore
également de nombreux parachutistes, légionnaires, marsouins et sapeurs pour leur courage et
leur travail dans Beyrouth.
N°17 / Référence : F 82-420 LC175
Charles Hernu, ministre de la Défense, remettant une médaille au général Granger lors d'une cérémonie sur le "Foch » au retour de
l’opération « Epaulard ».
17/09/82, photographe François-Xavier Roch, copyright ECPAD
Mais bien que l’opération « Epaulard » ait été un succès, politiquement, Beyrouth
reste une bombe à retardement car de nombreux hommes sont encore armés dans la ville. Et
alors que les troupes françaises traversent la Méditerranée vers la France, une succession de
drames ont lieu dans la capitale libanaise.
Le 14 septembre 1982, une bombe explose dans un bureau du quartier chrétien d’Achrafieh,
tuant ainsi le nouveau président de la République (bien qu’il n’ait pas encore prêté serment),
Bachir Gemayel, 34 ans, symbole d’une unité quasi retrouvée. Lorsqu’elle apprend la
nouvelle, l’armée israélienne, sur le chemin du retour suite à des négociations avec le camp
politique de Gemayel, fait demi-tour. Les unités ont pour ordre d’investir la ville le 15
septembre au matin afin de réduire les dernières poches de terroristes restants. Mais les
partisans de Gemayel sont également dangereux et certains veulent leur vengeance : la nuit du
16 au 17 septembre, des hommes armés pénètrent dans les camps de réfugiés palestiniens de
Sabra et Chatila et massacrent des familles. Au total, 300 à 1 500 morts selon les différentes
versions, et des centaines de disparus. La nouvelle de ce massacre le lendemain dans le monde
occidental est un véritable choc. Cette succession d’évènements inquiètent les gouvernements.
Le 19 septembre, Français, Américains et Italiens s’accordent pour le retour immédiat de leurs
forces armées suite à la résolution 521 du Conseil de sécurité de Nations unies.
Témoignage de F.-X. Roch : " On était sur le bateau, sur le porte-avions « Foch », quand un attentat a
tué Bachir Gemayel. Tout de suite après il ya eu Sabra et Chatila […]. Je suis rentré à Paris le 18
septembre, le temps de changer de chaussettes, le 22 septembre je suis reparti."
13
II) La FMSB – le premier mandat « Diodon »
La mission de la Force multinationale de sécurité de Beyrouth (FSMB) est fixée par la
résolution 521 du Conseil de sécurité et consiste en l’interposition des forces onusiennes entre
les différentes factions et en « l’apport de son appui au gouvernement libanais et à ses forces
armées dans leurs efforts pour restaurer sa souveraineté et son autorité dans Beyrouth et ses
alentours, pour assurer ainsi la sécurité des personnes dans la région et pour mettre fin à la
violence ».
À l’instar de la FMI, un comité de liaison et de coordination est créé : il est d’une part
politique et composé des ambassadeurs des pays impliqués et d’autre part militaire, dirigé par
les commandants des contingents qui répartissent les missions militaires et techniques.
La mission peut sembler identique à celle de la FMI, toutefois, la FMSB demeure dans
le flou, car ces missions n’ont ni début ni fin. Les soldats français sont engagés pour une
durée indéterminée à Beyrouth.
a) Retour à Beyrouth
N°18 / Référence : F 82-471 L6
Embarquement de la première vague des soldats français à bord d’un avion DC 8
du COTAM (Commandement du transport aérien militaire) en partance pour le
Liban dans le cadre de la FMSB (Force multinationale de sécurité à Beyrouth).
22/09/1982, photographe François-Xavier Roch, copyright ECPAD.
N°19 / Référence : F 82-472 LC3
Depuis Larnaca, les soldats français de la FMSB (Force
multinationale de sécurité à Beyrouth) traversent la
Méditerranée à bord de l''Argens". Ici, des munitions et du
matériel leur sont distribués.
23/09/1982, photographe François-Xavier Roch, copyright
ECPAD.
14
Deux nouveaux contingents français sont constitués à partir de la 11e DP (Division
parachutiste). Le premier détachement compte 485 parachutistes du 8e RPIMa (Régiment de
parachutistes d’infanterie de Marine) du lieutenant-colonel Zeisser, installé au Sud-Liban au
sein de la FINUL ; ces parachutistes sont envoyés comme renfort à Beyrouth le 29 septembre.
Le second détachement est formé par le 3e RPIMa du lieutenant-colonel Roudeillac. Ces
contingents sont appuyés par deux compagnies du 2e RIMa (Régiment d’infanterie de
Marine), d’un escadron du 1er RHP (Régiment de hussards parachutistes) et d’une compagnie
du 17e RGP.
Le contingent français effectue le trajet jusqu’au Liban, d’abord par voie aérienne de Toulon à
Larnaca (Chypre), puis par voie maritime depuis Chypre à bord du porte-avions « Foch », du
cargo civil « Charles Schiaffino » et du BDC « Argens » (Bâtiment de débarquement de
chars) (photo n° 19). Les détachements français débarquent dans le port de Beyrouth entre le
23 et le 25 septembre. Le soutien du 8e RPIMa arrive par la route le 29 septembre 1982.
N°20 / Référence : F 82-471 L47
Les soldats français de la FMSB (Force multinationale de sécurité à Beyrouth)
embarquent par un filet à bord d'un bâtiment LCVP (Landing craft vehicle
personal) depuis le bâtiment "Argens".
25/09/1982, photographe François-Xavier Roch, copyright ECPAD.
N°21/ Référence : F 82-471 L58
Les soldats de la FMSB (Force multinationale
de sécurité à Beyrouth) débarquent du
bâtiment "Argens" dans le port de Beyrouth le
24 septembre 1982. Ils sont équipés de FAMAS
(Fusil d'assaut de la manufacture d'armes de
Saint-Etienne) et de leur paquetage.
24/09/1982, photographe François-Xavier
Roch, copyright ECPAD.
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b) Retour à Sabra et Chatila
Au matin du 26 septembre, une unité d’environ 40 personnels du 17e RGP se rend sur les
camps de réfugiés de Sabra et Chatila où se sont déroulés des massacres de population civile
quelques jours auparavant. En coopération avec la Protection civile libanaise, une unité du 17e
RGP entreprend une mission de déminage des pièges laissés sur place.
Lorsque les soldats français arrivent dans les camps, les corps ont déjà été retirés par les
Libanais mais le port du masque est nécessaire pour des raisons d’hygiène.
François-Xavier Roch a suivi les sapeurs du génie.
Témoignage de F.-X. Roch :"Les deux premiers jours, on était consigné à la Résidence des Pins. Je
suis allé voir le commandement, Roudeillac et Granger. Roudeillac m’a prêté sa jeep et avec le 17e
RGP, on s’est rendu à Chatila, il n’y avait plus rien, à part des tas de gravats et de cailloux et on ne
savait pas ce qu’il y avait en dessous. Je n’avais pas le sentiment de risquer quoique ce soit avec l’œil
dans le viseur du Nikon. […] La photo avant tout donc pas d’appréhension […]. Mais il y avait quand
même une odeur de mort qui flottait […]".
Dix jours après les massacres, le bilan fait état selon les sources de 300 à 1 500 victimes,
morts ou disparus.
N°22 / Référence : F 82-471 L121
Le 17e RGP (Régiment de génie parachutiste) procède au déminage du camp de Chatila qui a été le théâtre de massacres le 15 septembre
1982. Les soldats, portant des masques, cherchent les pièges et les mines afin de permettre aux organisations humanitaires de rechercher les
corps dans les décombres. À gauche, un personnel du 11e DIPF (Détachement d'intervention parachutiste féminin).
26/09/1982, photographe François-Xavier Roch, copyright ECPAD.
N°23 / Référence : F 82-472 LC19
Dans le camp de réfugiés palestiniens de Chatila, situé près
de la cité sportive, le 17e RGP (Régiment de génie
parachutiste) rencontre l'UNICEF et la Protection civile. Ces
deux organisations humanitaires demandent aux sapeurs
français de procéder au déminage et désobusage du camp,
afin de retrouver les corps des victimes de la nuit du 16 au 17
septembre.
La FMSB (Force multinationale de sécurité à Beyrouth),
notamment les contingents italiens et américains, n'est alors
pas complètement déployée.
26/09/1982, photographe François-Xavier Roch, copyright
ECPAD.
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c) Déminage pour une ville réunie
Encore et toujours, le 17e RGP continue sa mission de dépollution de la ville. Après le
secteur du port puis le quartier du musée national, c’est au tour du dernier grand axe d’être
déminé. Sur la photo n° 24, les sapeurs ont entrepris le déminage fastidieux du « Ring »,
l’avenue Fouad Chehab. Il s’agit de l’un des axes principaux de Beyrouth, une sorte de voie
express reliant Beyrouth-est à Beyrouth-ouest située dans la partie nord de la ville. Le travail
acharné du génie permet aux habitants de Beyrouth d’utiliser, dès le début du mois d’octobre,
le « Ring », considéré comme une « vieille cicatrice dans la ville ».
Sur cette même photographie, on aperçoit sur la gauche, un jeune homme en skateboard,
premier Libanais à emprunter symboliquement le « Ring ».
N°24/ Référence : F 82-472 LC 76
Le 17e RGP (Régiment de génie parachutiste) démine l'extrémité
est du Ring (avenue du général Fouad Chehab), artère bloquée
depuis plusieurs années à Beyrouth.
29/09/1982, photographe François-Xavier Roch, copyright
ECPAD.
Plus au sud, les sapeurs continuent leur mission sur les grandes avenues telles que l’avenue
Camille Chamoun qui longe du nord au sud la cité sportive de Beyrouth, non loin de la
Résidence des Pins. Comme le montre la photographie n° 25, l’ampleur du chantier est
considérable. Des tonnes de mines et de pièges sont découvertes et demandent parfois à être
détruits sur place.
N°25 / Référence : F 82-471 L546
Une unité du 17e RGP (Régiment de génie parachutiste) démine
l'avenue Camille Chamoun, située dans le quartier de la cité
sportive de Beyrouth. Le Ring.
02/10/1982, photographe François-Xavier Roch, copyright
ECPAD.
Témoignage de F.-X. Roch : "À partir du 29 septembre, le déminage des grands axes a commencé
[…]. On voyait quand même que les Libanais mettaient du cœur à l’ouvrage pour déblayer les rues et
les ruines, les restes de merlons. Ils balayaient et re-goudronnaient à une vitesse folle."
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Le jeudi 30 septembre 1982, le nouveau président de la République du Liban, Amine
Gemayel, frère de Bachir, annonce lors d’une cérémonie internationale, la réunification de la
ville : « Beyrouth est redevenue la capitale de tout le Liban, une même capitale, une même
ville, une seule ville ». De plus, il passe en revue les troupes françaises, américaines et
italiennes de la FMSB. La cérémonie se déroule devant les restes du musée national libanais.
Fraîchement déminé puis goudronné, au-delà de toutes les valeurs incarnées par le musée, le
site est symbolique car il fait la jonction entre le quartier chrétien au nord (Achrafieh) et le
quartier chiite au sud (Tayouneh). Le président libanais décide également de traverser
symboliquement le « Ring », situé plus au nord.
N°26 / Référence : F 82-471 L403
Une prise d'armes multinationale présidée par Amine Gemayel, président de la République du Liban, a lieu le 30 septembre 1982 au matin,
pour marquer la réunification des "deux Beyrouth".
Ici, le président Amine Gemayel passe en revue la 3e Cie du 8e RPIMa (Régiment de parachutistes d'infanterie de Marine).
30/09/1982, photographe François-Xavier Roch, copyright ECPAD.
Après les drames du mois de septembre, la cérémonie en présence d’Amine Gemayel
tient à marquer un point final à la situation désastreuse de la ville. Beyrouth veut passer dans
l’après-guerre.
Témoignage de F.-X. Roch :"Lors de la cérémonie du 30 septembre, avec Amine Gemayel et son étatmajor, on avait l’impression que c’était gagné, que Beyrouth était pacifiée."
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d) Installation des troupes françaises, comme appui à l’armée libanaise, pour une
durée indéterminée
Toutefois, des problèmes continuent à se poser dans les quartiers sensibles de la ville.
Les trois pays participants de la FMSB se sont répartis les quartiers de Beyrouth en fonction
de leurs missions et des risques qu’ils sont prêts à prendre. En effet, les trois nations ne se
sont pas engagées au même niveau et la France reste le pays le plus impliqué dans le pays.
Les forces françaises se sont établies au cœur de la ville, dans la zone la plus sensible
située au nord-ouest. Mais l’installation des Français demeure difficile à l’arrivée de la FMSB
car les forces libanaises y sont opposées. Les Français se concentrent sur les quartiers ouest de
la ville et quadrillent leur territoire en installant environ 40 postes de surveillance et en
assurant une relève continue de patrouilles, de jour comme de nuit.
N°27 / Référence : F 82-471 L500
Soldats italiens tenant un poste de contrôle sur
la route reliant Beyrouth à l'aéroport. Ils se
déplacent à bord d'un char M-113.
01/10/1982, photographe François-Xavier
Roch, copyright ECPAD.
Les Américains se sont établis à l’aéroport, dans la zone sud de la ville, afin de mettre
en place le plus facilement possible leur matériel lourd, mortiers de 81 mm, canons de 155
mm, chars M-60, hélicoptères, etc. Matériels difficilement praticables au cœur de la ville
encore occupée par de nombreuses bandes armées. Les Américains participent principalement
à l’instruction des soldats de l’armée libanaise et à leur formation en matière d’engins
militaires modernes. Des conseillers militaires sont détachés auprès de l’état-major libanais
afin d’élaborer conseils et stratégies.
Les Italiens quant à eux occupent la zone tampon entre Français et Américains. Leur
mission principale est de surveiller la face nord des camps de Sabra et de Chatila.
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N°28 / Référence : F 82-471 L619
Dans la rue de Trieste, des soldats des milices chrétiennes du FNL (Front national libanais) tiennent un poste près du port de Beyrouth,
quartier délabré par les affrontements.
03/10/1982, photographe François-Xavier Roch, copyright ECPAD.
Au total, la FMSB compte 3 500 hommes lors du premier mandat de 1982 : 1 200
Américains, 1 160 Italiens et 1 130 Français. Les effectifs vont augmenter durant les mandats
pour atteindre un maximum en novembre 1983 (Diodon IV) : 6 000 hommes dont 2 000
Français. Ces chiffres sont sans compter les forces de la Marine nationale, en constant soutien
au large de Beyrouth à partir de l’été 1982.
Témoignage de F.-X. Roch : "Je m’efforçais de faire le tour de Beyrouth, des postes français mais
aussi des postes américains et italiens. Il y avait une espèce d’accalmie grâce à la présence de la
force multinationale, il y avait de l’espoir".
N° 29/ Référence : F 82-471 L654
Une unité du 3e RPIMa (Régiment de parachutistes
d'infanterie de Marine) patrouille dans le camp de
réfugiés palestiniens de Chatila. Le camp a été le
théâtre de massacres de Palestiniens la nuit du 17
septembre 1982.
04/10/1982, photographe François-Xavier Roch,
copyright ECPAD.
Dans le centre de Beyrouth, les Français continuent leur mission de protection de la
population civile, notamment dans les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila où la
vie a repris son cours. Les soldats patrouillent régulièrement dans ces quartiers, de jour
comme de nuit, et tentent d’installer un climat de confiance avec les Palestiniens mais
également avec les représentants de toutes les factions présentes dans la ville.
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N°30/ Référence : F 82-472 LC156
Deux automitrailleuses (AML-90 et AML-60) du 1er RHP
(Régiment de hussards parachutistes) tiennent un poste au
carrefour des rues Sabra et Chatila.
02-04/10/1982, photographe François-Xavier Roch,
copyright ECPAD.
Avec la FMI et l’opération « Epaulard », la France a pu démontrer les capacités
d’intervention de son armée en déployant une force de plus de 1 000 hommes au MoyenOrient en quelques jours. Le retour d’une force française à partir de septembre 1982 au sein
de la FMSB pour protéger la population libanaise et permettre à Beyrouth de retrouver son
unité démontre à nouveau l’implication de l’état français au Liban. Cependant, l’opération
« Diodon » reste floue et l’armée française est envoyée cette fois-ci pour une durée
indéterminée. Cinq mandats « Diodon » s’enchaînent, de nouveaux contingents venant
prendre la relève tous les six mois environ et ce jusqu’en 1984. Diodon I est relevé le 16
janvier 1983 par des unités de la 9e DIMa (Division d’infanterie de Marine), Diodon III prend
la relève de mai à octobre 1983, puis Diodon IV d’octobre 1983 à février 1984 et enfin
Diodon V de février à fin mars 1984.
À partir de janvier 1983, des tensions émergent à nouveau dans la capitale libanaise devenue
une sorte de no man’s land entre l’orient et l’occident. Les forces de la FMSB vont payer un
lourd tribut du fait de leur interposition. De nombreux parachutistes français vont périr dans la
capitale libanaise, par des tirs de tireurs embusqués ou par des pièges explosifs. Mais c’est en
novembre 1983 qu’a lieu le plus grand drame vécu par l’armée française au Liban. Un attentat
au camion piégé est perpétré contre le poste « Drakkar » établi dans un immeuble, tuant 58
parachutistes des 1er et 9e RCP (Régiment de chasseurs parachutistes). Quelques minutes plus
tard, le quartier général américain établi à l’aéroport de Beyrouth est également attaqué
faisant 250 victimes américaines. Après une seconde tentative d’attentat contre la force
française le 21 décembre 1983, le gouvernement français change la nature de la mission «
Diodon » afin d’assurer la protection de son armée au maximum : l’ordre est donné de se
replier progressivement. Les troupes françaises de la FMSB se retirent en mars 1984.
Beyrouth s’est embrasée et ne retrouvera le calme qu’en 1989. La France garde un goût
d’échec de cette mission d’aide à un pays, le Liban, avec qui elle partage une forte histoire
depuis plus d’un siècle.
Les photographies du reporter François-Xavier Roch nous permettent de nous plonger
au cœur de Beyrouth et de ses ruines. Suivre l’action des forces françaises en n’omettant
jamais de garder un témoignage des autres parties impliquées, des militaires alliés aux
habitants de Beyrouth en passant par les miliciens armés, telle a été sa mission, brillamment
remplie.
Constance Lemans,
Documentaliste fonds contemporain 1946-1991
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