Introduction - Presses Universitaires de Rennes

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Introduction - Presses Universitaires de Rennes
Introduction
La totalité de mes possessions réfléchit la totalité de mon être. Je suis ce que j’ai.
« Les Guise et leur paraître », Marjorie Meiss-Even
ISBN 978-2-7535-3258-8 Presses universitaires de Rennes-Presses universitaires François-Rabelais, 2014, www.pur-editions.fr
Jean-Paul Sartre, L’Être et le néant, Paris, Gallimard, 1943, p. 637.
L
e 13 septembre 1549, Charles de Lorraine, cardinal de Guise et fils cadet du
premier duc de Guise, eut la grande joie de recevoir du duc de Ferrare de
somptueux cadeaux destinés à le remercier pour son rôle dans la négociation du
mariage entre son frère François, héritier de la maison de Guise, et Anne d’Este,
fille aînée du prince italien1. Les deux pièces majeures de ce très riche don étaient
un précieux lit de velours que le duc de Ferrare avait un temps fait tendre dans
sa propre garde-robe et un beau coche tiré à cinq chevaux. Le plaisir du cardinal
à la réception de ces présents fut immense. Il passa un long moment à admirer
le coche – qui faisait alors figure de nouveauté et frappait de stupeur les badauds
massés autour de lui – avant de rejoindre l’hôtel de Nevers où il fit monter à
bord Monsieur de Vendôme et Mesdames de Nevers et de Saint-Pol pour une
promenade improvisée dans la grande cour de l’hôtel. Il ordonna également de
faire dresser le lit de velours dans l’une des chambres de son palais parisien et
resta longtemps dans la pièce à louer la beauté du tissu, le caressant sans fin pour
en apprécier la qualité. Pour reprendre les termes de Roland Barthes dans ses
Mythologies, c’était là « la grande phase tactile de la découverte, le moment où le
merveilleux visuel [subissait] l’assaut raisonnant du toucher […]. L’objet [était]
ici totalement prostitué, approprié…2 ».
S’ils existaient encore, ce coche italien et ce lit de velours auraient certainement
une place de choix dans les musées consacrés aux arts décoratifs de la Renaissance,
à Écouen, Londres ou ailleurs. La jubilation du cardinal de Guise, la curiosité et
l’étonnement des spectateurs, la décision d’aller montrer ces nouveautés aux nobles
occupants de l’hôtel de Nevers rappellent pourtant que ces objets ne furent pas
créés pour procurer un plaisir esthétique aux visiteurs d’une institution culturelle
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du xxie siècle. Au moment où ils entraient en possession de Charles de Lorraine, ils étaient tout
à la fois dépositaires d’une valeur d’usage, témoins de rapports sociaux, expressions d’une culture
et supports d’émotions3. Tout objet possède en effet de multiples dimensions qui transcendent
sa simple fonctionnalité : il peut être matérialité investie par l’homme d’une intention signifiante
et donc partie prenante d’un langage social non-verbal (l’objet comme signe4), mise en forme et
stabilisation des catégories de la culture (les pratiques de consommation comme entreprise de réification de la culture5), moyen de différenciation sociale et de distinction6, accessoire indispensable à
la présentation de soi7, ou bien encore outil de création de culture et d’identité en vertu de l’appropriation – voire de l’incorporation – de l’objet par l’individu8. Son étude est alors celle d’une culture
matérielle définie comme « l’ensemble des phénomènes de co-construction des sujets, du social
et de la culture dans le rapport aux objets matériels9 ». Variable dans le temps, comme tout phénomène social et culturel, la culture matérielle demande à être examinée d’un point de vue historique.
« Les Guise et leur paraître », Marjorie Meiss-Even
ISBN 978-2-7535-3258-8 Presses universitaires de Rennes-Presses universitaires François-Rabelais, 2014, www.pur-editions.fr
PETITE HISTOIRE DE L’HISTOIRE DES OBJETS
Emboîtant le pas aux sociologues et aux anthropologues, les historiens se sont penchés sur la question du rapport que les sociétés humaines des temps passés entretenaient avec les objets10. Certes,
les artefacts et les menus faits de la vie quotidienne des sociétés anciennes avaient depuis longtemps
éveillé la curiosité des érudits, friands d’anecdotes sur les mœurs de leurs ancêtres, mais un peu
honteux d’accorder du temps à un sujet jugé trivial. La légitimation de ce champ de recherche ne
vint qu’avec l’École des Annales et Fernand Braudel. Profitant de sa position à la tête de la revue et
de la VIe section de l’École pratique des hautes études, ce dernier lança une série d’enquêtes sur la
vie matérielle puis publia la première synthèse sur la question avec les trois volumes de Civilisation
matérielle, économie et capitalisme du xve au xviiie siècle (197911). Conscient que l’ancien préjugé de
la communauté scientifique à l’égard des « choses banales » n’était pas entièrement dissipé, il prit
soin dans l’avant-propos au premier volume de justifier « l’introduction de la vie quotidienne dans
le domaine de l’histoire » :
À la poursuite de petits incidents, de notes de voyages, une société se révèle. La façon dont,
à ses divers étages, on mange, on s’habille, on se loge n’est jamais indifférente. Et ces instantanés affirment aussi, d’une société à une autre, des contrastes, des disparités qui ne sont pas
toutes superficielles. C’est un jeu divertissant, et je ne le crois pas futile, que de recomposer
ces imageries.12
L’existence d’un article « Histoire de la culture matérielle » dans le dictionnaire La Nouvelle Histoire
(1978), œuvre-manifeste des Annales dirigée par Jacques Le Goff, Roger Chartier et Jacques Revel,
résume à elle seule la part que prirent les tenants de la « longue durée » dans la reconnaissance
progressive de ce nouveau champ historiographique13.
L’entreprise de légitimation de l’étude de la culture matérielle fut assurément un succès. Depuis
une trentaine d’années, il n’est plus guère d’ouvrages d’histoire sociale consacrés à une zone
géographique ou à un groupe social qui ne contiennent des pages ou des chapitres sur la culture
matérielle. Outre l’héritage de Marc Bloch, Lucien Febvre, Fernand Braudel et leurs épigones, ces
derniers travaux sont pour la plupart redevables de quelques ouvrages majeurs pour l’histoire de
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la culture matérielle. Une autre génération d’historiens a en effet posé les bases d’une méthode et
exploré les possibilités d’un type de sources : les inventaires après-décès. Ces listes de biens prisés réalisées par un notaire à la mort d’un individu pour faciliter le règlement d’une succession,
concernant toutes les catégories sociales et présentant un aspect assez régulier, se prêtent bien
à la mise en série et autorisent ainsi des comparaisons entre milieux sociaux et entre périodes.
Daniel Roche, dans son livre Le Peuple de Paris (1981), a le premier mis au point et appliqué
la méthode d’analyse sérielle des inventaires après-décès, reprise huit ans plus tard pour tenter une histoire du vêtement dans La Culture des apparences14. Parallèlement, Annik PardailhéGalabrun a proposé la synthèse d’une abondante « littérature grise » (quarante mémoires de
maîtrise et une thèse) sur près de trois mille inventaires après-décès parisiens dans son ouvrage
La Naissance de l’intime. 3 000 foyers parisiens. xviie-xviiie siècles, paru en 1988, tandis que nombre
d’historiens ont ajouté une pierre à l’édifice par la publication d’articles et l’organisation de colloques15. L’Histoire des choses banales, parue en 1997, est venue couronner près de vingt années
de recherche en proposant une synthèse sur la naissance de la consommation dans la France
d’Ancien Régime16. En s’attachant à examiner de près le « rapport des hommes aux choses et aux
objets », rapport vu comme « l’argument principal de l’histoire de la civilisation matérielle »,
l’Histoire des choses banales dépasse cependant le côté somme toute répétitif et limité d’une collection d’études ayant surtout réussi (mais ce n’est pas rien !) à mettre en évidence la progressive multiplication des objets dans les intérieurs français de la fin du xviie et du xviiie siècle17.
Par-delà les enquêtes plus ou moins quantitatives, l’ouvrage propose une approche de la culture
par sa matérialité, mais non réductible à cette seule matérialité : les relations entre l’homme et
l’objet, en tant que faits sociaux, exigent d’être replacées « dans des réseaux d’abstraction et de
sensibilité18 ». L’étude de la culture matérielle nécessite dès lors d’entrecroiser histoire économique, histoire sociale, histoire intellectuelle, histoire culturelle et histoire des techniques.
À LA RECHERCHE DE LA « RÉVOLUTION DE LA CONSOMMATION »
Attentive à replacer l’objet dans son contexte d’achat, de jouissance et de dépossession, soit
dans un processus dynamique de consommation, l’histoire pratiquée par Daniel Roche et ses
élèves relève en partie de ce que Dominique Poulot a baptisé une « ethnographie du minuscule19 ». Elle diffère notablement de l’approche anglo-saxonne de la culture matérielle, plus
tournée vers l’étude de la marchandise et de la culture de masse20. Cette historiographie,
née dans les années 1980 – rien de surprenant dans cette datation : comme le fait remarquer
Cissie Fairchilds avec humour, c’était « après tout, la décennie du yuppie, de la BMW et de
Nancy Reagan21 » – a pour ouvrage fondateur The Birth of a Consumer Society (1982), de Neil
McKendrick, John H. Plumb et John Brewer22. Les trois auteurs, respectivement spécialistes
d’histoire de la production et du commerce, de socio-histoire et d’histoire politique et culturelle, s’y intéressent aux stratégies des entrepreneurs pour susciter et modeler la demande, aux
attentes des consommateurs ainsi qu’aux conséquences de cette commercialisation dans la
sphère politique. Ils discernent une transition soudaine dans l’Angleterre des années 1750-1775,
moment d’une véritable « révolution de la consommation » définie comme « le résultat de la
création consciente d’une propension à consommer23 ».
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Cette analyse a été partiellement retouchée par divers historiens. Lorna Weatherill, en étudiant
plus de deux mille inventaires, a pu confirmer un accroissement réel de la possession de biens, y
compris chez les plus pauvres, mais a contredit la périodisation proposée par McKendrick, Brewer
et Plumb : au lieu d’une transition soudaine vers 1750-1775, elle pense discerner un changement
graduel remontant au xvie siècle et connaissant son apogée vers 1680-172024. Carole Shammas, de
son côté, a souligné l’importance des denrées exotiques (thé, café, tabac, sucre) et des biens semidurables (tissus légers, faïence, papier, verre) dans la transformation des consommations anglaises
et américaines entre 1650 et 1750 environ25. Bien qu’il s’inscrive dans une perspective historiographique très différente (celle de l’histoire des mentalités), Simon Schama a pour sa part mis en
évidence la spécificité de la culture hollandaise du xviie siècle, marquée selon lui par l’« embarras
de richesses ». Sommée de concilier la surabondance de biens matériels qui était la conséquence
de la prospérité et de la puissance de la République (et qu’il ne fallait donc pas limiter sous peine
de miner les fondements du pays) avec la peur du luxe et du péché tenaillant tout bon calviniste,
la nation hollandaise trouva dans l’idéal humaniste de tempérance une solution acceptable. Elle
prit l’habitude de faire avec les ambiguïtés morales du matérialisme, définissant ainsi une sorte de
« génie hollandais » qui serait encore une clé de compréhension de ce peuple à l’heure actuelle26.
Dans cette remontée vers les sources de la société de consommation, certains historiens se sont
arrêtés sur les rives de l’Europe renaissante, et plus particulièrement sur celles de l’Italie du
xve siècle. Richard Goldthwaite et Lisa Jardine à sa suite ont ainsi affirmé voir dans l’extraordinaire floraison artistique de la Renaissance une modalité d’un bouleversement dans l’art de
consommer27. Pour Richard Goldthwaite, le dynamisme économique sans précédent de l’Italie
du Quattrocento aurait été à l’origine de l’effervescence artistique de la Renaissance, celle-ci
étant vue comme la période où se serait imposée l’idée que l’objet d’art était un type de bien
qu’il convenait d’acquérir. L’accroissement de la fortune des plus riches, mais aussi et surtout la
distribution de la richesse parmi un grand nombre de consommateurs, majoritairement concentrés en zone urbaine, auraient encouragé la production artistique. La forte mobilité sociale, en
amenant toujours de nouvelles personnes à être capables d’investir dans le domaine artistique,
aurait soutenu le renouvellement de la demande. Cette configuration socio-économique expliquerait le développement de nouvelles formes artistiques et, plus généralement, l’augmentation
de la demande pour des produits de luxe, demande qui aurait elle-même permis aux artisans
d’accéder à ce qu’il appelle une société de consommation. Là résiderait l’originalité profonde
de l’Italie renaissante au sein de l’Europe de ce temps.
RÉINTERROGER LA CULTURE MATÉRIELLE
DES ÉLITES FRANÇAISES DE LA RENAISSANCE
Quoi que l’on pense du parti-pris idéologique sensible derrière une telle prise de position, l’approche de Richard Goldthwaite ne manque pas d’intérêt28. En faisant de l’œuvre d’art un bien de
luxe comme un autre, elle invite à reprendre dans sa globalité le dossier de la consommation des
élites à l’époque de la Renaissance. Au moment où palais et châteaux d’Europe se transformaient
en résidence d’agrément et s’emplissaient d’objets précieux rendant familiers les motifs et les
idées classiques revus et corrigés par les artistes du temps, quel sens donnait-on à la possession
de biens ? Quel était le contexte ordinaire de production et de consommation des biens de luxe ?
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Le souci de répondre à ces interrogations est très vivace depuis une dizaine d’années, comme en
témoignent les réalisations du groupe de recherche The Material Renaissance, animé entre 2000
et 2004 par Michelle O’Malley et Evelyn Welch, et celles du Centre for the Study of the Domestic
Interior29. Toutefois, pour Richard Goldthwaite comme pour les chercheurs ayant investi ce
domaine académique après lui, l’Italie constitue l’unique champ d’observation. Ne risque-t-on
pas ainsi, alors que la plume de Peter Burke a définitivement condamné le schéma traditionnel d’une Renaissance diffusée en Europe à partir du « centre » italien et passivement adoptée
par les autres pays du Vieux Continent, d’isoler un peu artificiellement l’Italie des Quattrocento
et Cinquecento30 ? N’y a-t-il rien à dire sur la consommation des biens de luxe en-dehors de la
Péninsule ? Au Nord, rien de nouveau ? Devant ces pistes ouvertes, de ces questions soulevées,
est née une envie : celle d’étudier la culture matérielle de la Renaissance française.
L’histoire de la culture matérielle et de la consommation dans la France du xvie siècle n’est certes
pas un champ entièrement vierge. Les historiens spécialistes de la période n’ont pas manqué d’exploiter les inventaires après-décès disponibles, notamment les inventaires parisiens, pour mettre
en évidence les contrastes sociaux dans la possession de biens de consommation et conforter l’idée
d’une relative rareté de l’objet dans les intérieurs français avant la fin du xviie siècle31. La période
n’a par ailleurs pas été délaissée par les spécialistes de tel ou tel aspect de la culture matérielle : les
travaux de Mary et Philip Hyman sur l’alimentation, ceux d’Isabelle Paresys sur le vêtement ou
ceux de Michèle Bimbenet-Privat sur l’orfèvrerie, entre autres exemples, se concentrent essentiellement sur cette France renaissante32. En outre, les historiens de l’art spécialistes de la Renaissance
ont développé des approches tournées vers les usages des bâtiments et des objets, comme en
témoignent les recherches de Monique Chatenet sur l’utilisation sociale de l’espace dans les résidences royales ou les belles expositions du Musée national de la Renaissance, à Écouen, sur la
vaisselle d’apparat ou les objets liés aux pratiques d’hygiène et de beauté33.
La qualité de ces travaux ne parvient toutefois pas à faire oublier l’aspect très éclaté de ce champ
de recherches et un défaut de perspective générale sur le sens de la consommation, prise dans sa
totalité, pour un groupe social ou un individu. La réunion des domaines les plus variés dans le
même champ d’observation est pourtant au cœur de l’économie des biens culturels voulue par
Pierre Bourdieu :
La science du goût et de la consommation culturelle commence par une transgression qui
n’a rien d’esthétique : elle doit en effet abolir la frontière sacrée qui fait de la culture légitime
un univers séparé pour découvrir les relations intelligibles qui unissent des « choix » en
apparence incommensurables, comme les préférences en matière de musique et de cuisine,
en matière de peinture et de sport, en matière de littérature et de coiffure.34
Dans la discipline historique, les approches globales existent, mais elles sont le plus souvent le
fait d’historiens examinant le devenir d’une grande maison à travers les péripéties d’un long
xvie siècle : la consommation y est alors traitée dans un volet consacré aux aspects économiques
de la vie de la maison, l’analyse du phénomène se limitant trop souvent à souligner un « goût » de
la noblesse pour les riches demeures, les objets précieux, les tables bien garnies et les vêtements
brodés d’or et à pointer du doigt cette fantaisie comme principale responsable des difficultés
financières de la noblesse de cour. Seule l’historienne américaine Amanda Eurich a tenté dans
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sa thèse de mettre plus clairement en regard la gestion de leur fortune par les Albret et le sens
de leurs dépenses de prestige35. Toutefois, ce travail très solide ne répond pas entièrement aux
interrogations sur la consommation de luxe, car sa perspective est clairement celle du versant
économique de la « crise de l’aristocratie » et non celle de l’histoire de la culture matérielle36.
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Ce constat étant posé, on comprendra que la présente étude entende proposer une approche
englobante de la consommation d’une famille de la Renaissance française, non pas pour remonter aux sources des difficultés financières d’un groupe social, mais dans l’espoir de dégager les
logiques économiques, sociales, politiques, culturelles, religieuses et morales de la consommation de biens de luxe dans la France de la Renaissance. Ce travail s’inscrit par conséquent aussi
dans la lignée d’une histoire économique renouvelée et soucieuse de replacer les phénomènes
économiques dans leur contexte socio-culturel37. Enrichie par les approches théoriques de
l’économie néo-institutionnelle et de la sociologie économique, se réappropriant le concept
d’embeddedness (« encastrement ») formulé par Karl Polanyi, l’histoire économique a en effet
revisité le rapport des sociétés d’Ancien Régime au marché comme le fonctionnement du crédit
et les mécanismes de l’échange38. L’étude de la culture matérielle, située par la nature même de
son objet à la croisée des chemins, apparaît dès lors comme un lieu d’observation privilégié de
l’articulation entre ces différents niveaux de l’expérience humaine.
CULTURE MATÉRIELLE, NOBLESSE ET SOCIÉTÉ DE COUR
La volonté d’étudier un type de consommation par définition réservée à une petite élite et la
conservation problématique des sources contraignent de fait le choix du groupe social considéré :
pour le xvie siècle, il n’y a guère que pour les grandes maisons nobles que l’on dispose d’archives
mêlant des documents riches en éléments précis et dénombrables (comptabilités, marchés de
fourniture) et d’autres plus révélateurs des intentions des consommateurs (correspondance,
chroniques, etc.). C’est tout naturellement la noblesse de cour qui étale sous les yeux de l’observateur ses parures chamarrées. Par conséquent, écrire une histoire de la consommation de luxe à
la Renaissance, c’est aussi renouer avec les travaux pionniers de Norbert Elias sur la « société de
cour39 ». Le sociologue allemand écrivait en effet à propos des hôtels aristocratiques :
L’importance des constructions de la société de cour, l’importance de la décoration de ses
habitations ne peuvent être saisies que grâce à une connaissance approfondie du réseau spécifique d’interdépendances où se trouvent leurs propriétaires et les cercles où ils évoluent.40
Fort de cette conviction, il était parvenu à mettre en évidence le caractère obligatoire du luxe
pour les élites curiales dans une société où les dépenses étaient indexées sur le rang. À l’opposé
de la bourgeoisie accordant toujours les dépenses aux recettes dans le but de constituer un capital
nécessaire à l’ascension future de la famille, la noblesse de cour ne devait le maintien, voire l’amélioration, de son statut social qu’à sa capacité à mettre sa consommation (et donc ses dépenses)
en conformité avec le prestige détenu ou convoité.
Les analyses de Norbert Elias sur le « système des dépenses » de la société curiale, bien que
fondées sur une historiographie aujourd’hui très datée, n’ont presque rien perdu de leur acuité. Il
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convient toujours de raisonner sur la consommation au sein de la société de cour en termes d’exigence de représentation, d’obligation de paraître, c’est-à-dire d’analyser les façons dont les aristocrates modelaient leur apparence corporelle et leur environnement matériel pour dessiner un
moi social conforme à leur rang41. Le modèle éliasien demande toutefois à être amendé et affiné,
en tenant compte des travaux historiques récents. Ceux-ci insistent désormais sur le processus de
construction des rangs et des hiérarchies, les querelles de préséances ayant par exemple permis à
Fanny Cosandey de démontrer la force des luttes de classement au sein de la société de cour42.
Non limitée à l’univers curial, cette nouvelle histoire sociale de la noblesse a centré sa réflexion sur
l’instabilité des positions et sur la conservation problématique d’une situation de domination43.
Elle a ainsi révélé toute l’importance des structures de la parenté nobiliaire et du problème afférent
de la transmission (du patrimoine, des biens meubles, des valeurs, etc.), si bien que la « maison »
noble a pu être analysée selon la définition de Claude Lévi-Strauss comme une
personne morale détentrice d’un domaine, de biens matériels et immatériels, […] qui se
perpétue en transmettant son nom, sa fortune et ses titres en ligne directe ou fictive, tenue
pour légitime à la seule condition que cette continuité puisse s’exprimer dans le langage de
la parenté et de l’alliance.44
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L’obligation de paraître pesant sur la noblesse, et plus encore sur la noblesse de cour, ne peut donc
plus être dissociée d’une dynamique des hiérarchies et des positionnements sociaux.
UN CAS D’ÉTUDE : LA MAISON DE GUISE
Travailler dans le cadre d’un exercice universitaire limité dans le temps imposait à l’évidence le
choix de la monographie : l’ampleur des sources à manier interdit en effet de mener l’enquête
sur le front de plusieurs familles à la fois. La famille de Guise s’est rapidement imposée comme
un observatoire de choix, non en raison d’une supposée représentativité, mais au contraire en
raison de ses spécificités45. Branche cadette de la maison souveraine de Lorraine (mais française
par naturalisation en 1506), fondée par Claude (1496-1550), fils du duc de Lorraine René II,
comte puis duc de Guise, la maison de Guise connut au xvie siècle une ascension fulgurante46.
La conquête de la faveur royale, entreprise par Claude de Lorraine sous le règne de François Ier,
permit à la famille de mener un rôle politique de première importance pendant des décennies,
en particulier lors du court règne de François II (1559-1560), jeune roi entièrement dominé par
ses oncles par alliance, François (1519-1563), deuxième duc de Guise, et Charles (1524-1574),
cardinal de Lorraine, puis lorsqu’Henri (1549-1588), troisième duc de Guise, prit la tête de
l’opposition ligueuse (1585-1588). La richesse de la famille, largement appuyée sur les bénéfices ecclésiastiques des cadets devenus cardinaux, sa revendication d’une ascendance carolingienne, ses exploits sur les champs de bataille européens et sa conviction d’avoir été élue par
Dieu pour combattre les hérétiques se combinèrent pour porter les ambitions du lignage47. Si la
consommation d’une grande maison était bien une « économie de la puissance » (A. Eurich),
quel meilleur laboratoire pour l’analyser qu’une famille ayant monté à grandes enjambées les
marches du pouvoir ? Par ailleurs, les liens étroits qu’entretenaient les Guise avec l’Italie par
l’intermédiaire des cardinaux fréquemment appelés à Rome et, plus encore, par le mariage de
François de Lorraine avec Anne d’Este (1548), fille du duc de Ferrare, en font un sujet d’étude
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privilégié des transferts culturels entre l’Italie et la France. À une époque où la Péninsule donnait le ton en matière d’art de vivre et de consommer, le fait n’était pas anodin. Soif de pouvoir
et contacts italiens : ces deux éléments incitent à penser que la maison de Guise fut en pointe
dans les évolutions de la culture consommatrice de la Renaissance française.
Le choix d’un objet d’étude est aussi affaire de sources. En la matière, la maison de Guise ne
déçoit pas les attentes. Les archives de la maison, conservées essentiellement au département
des Manuscrits français de la Bibliothèque nationale de France et aux archives du château de
Chantilly (et, pour les actes notariés surtout, aux Archives nationales), recèlent en effet des
pièces nombreuses et variées susceptibles d’éclairer la consommation et la fortune ducales :
innombrables volumes de correspondance, pièces de comptabilité (quatre comptes annuels
des dépenses et recettes, douze comptes de la dépense ordinaire, trois comptes de la dépense
extraordinaire, trois comptes de la grande écurie, une dizaine de comptes spécifiques ou de
fragments, sans oublier les comptes des receveurs domaniaux et les comptes des travaux effectués dans diverses résidences), marchés de fourniture (pourvoirie, boulangerie, charroi, habillement des pages, travaux à l’hôtel de Guise ou au château d’Eu), inventaires de meubles et
joyaux (pas d’inventaire après-décès, mais quelques inventaires partiels de mobilier, de vaisselle et de pierreries), plans de châteaux, rôles des gages et pensions pour quatorze années,
inventaires des papiers et titres, actes d’achat et de vente des terres, baux et documents de gestion, constitutions et transferts de rentes, contrats de mariage, testaments, etc. Quelques objets
et portraits ayant appartenu à la famille ducale ornent en outre les collections de plusieurs
musées français et étrangers, comme les célèbres tapisseries des Chasses de Maximilien (Musée
du Louvre), le dressoir de Joinville (Musée national de la Renaissance) ou une armure d’Henri
de Guise (Musée de l’Armée). Les témoignages des contemporains – chroniqueurs, polémistes
ou ambassadeurs étrangers, tous observateurs attentifs des faits et gestes des membres de la
puissante famille ducale – viennent compléter cet éventail des sources disponibles et animer
le rapport des Guise à leurs possessions matérielles.
La richesse du matériau disponible pour les ducs en titre explique le choix (ou plutôt l’obligation)
d’exclure de l’analyse les cadets de la maison de Guise. Ceux-ci, et au premier rang d’entre eux
les cardinaux de Lorraine et de Guise, participèrent pourtant à l’élaboration du paraître ducal.
Les Lorrains étaient en effet unis par une grande solidarité familiale, sensible par exemple dans
leur pratique d’un mécénat de groupe48. Les cardinaux, plus riches que leurs frères en raison d’un
incroyable cumul de bénéfices ecclésiastiques, versaient des pensions à leurs aînés et les firent
héritiers de leurs belles collections de meubles et d’œuvres d’art49. Toutefois, les prendre comme
objets d’étude au même titre que les ducs aurait risqué d’infléchir le travail vers des problématiques propres à l’histoire des grands princes d’Église et aurait demandé de brasser une documentation supplémentaire considérable. Ils n’apparaissent par conséquent dans la présente étude que
de façon indirecte, pour autant que leur action ait eu un impact significatif sur la consommation
ducale. Les pages qui suivent mettent donc à l’honneur les couples ducaux (Claude de Lorraine
et Antoinette de Bourbon, François de Lorraine et Anne d’Este, Henri de Lorraine et Catherine
de Clèves) à l’époque de l’ascension puis de la plus grande puissance de la maison de Guise,
soit de la naturalisation de Claude de Lorraine (1506) à l’assassinat d’Henri de Lorraine à Blois
(1588). Un certain déséquilibre dans la répartition chronologique des sources disponibles place
plus spécialement au centre de l’analyse le couple formé par François de Lorraine et Anne d’Este,
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soutenu depuis sa retraite champenoise par la duchesse douairière Antoinette de Bourbon, de la
fin des années 1540 à la mort de François en 1563.
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La première partie de cette étude s’attache à reconstituer l’univers matériel de ces trois couples
ducaux, en examinant successivement le corps noble et sa parure, l’alimentation et les objets du
repas, les aspects matériels des déplacements de la suite ducale, les châteaux et palais des Guise
puis leur ameublement. Il ne s’agit pas, au fil des pages, de céder au plaisir du dépaysement historique, de se laisser aller à une forme d’exotisme du passé qui conduirait immanquablement à
écrire une « histoire sans questionnement » se contentant d’inventorier tous les objets mentionnés dans les archives sans jamais interroger le sens de leur possession50. Il s’agit au contraire de
faire émerger les logiques à l’œuvre derrière le choix de tel ou tel objet, de saisir derrière la manifestation d’un goût non l’affirmation souveraine d’un individu – même si cette dimension n’est
pas nécessairement absente d’une décision – mais l’indication d’un choix socialement réfléchi
dans un contexte culturel donné. Cette démarche est nécessaire pour éviter de considérer les
dépenses de la noblesse de cour renaissante comme un gaspillage moralement condamnable et
économiquement absurde, tentation à laquelle les historiens cèdent parfois malgré eux.
La seconde partie invite ensuite le lecteur à passer en coulisses afin de découvrir la fabrique du
paraître ducal. Il convient d’abord de réinstruire le procès des dépenses de prestige : quelle part
prirent-elles dans la déroute financière de la maison de Guise, dans la seconde moitié du siècle ?
Répondre à cette question nécessite de faire le point sur la fortune des Lorrains et de tenter
d’éclaircir les origines de leur endettement. Le passage en coulisses révèle toutefois que les Guise
disposaient de bien des moyens pour réduire le coût de leur paraître, voire pour contourner le marché et consommer sans bourse délier. Quoi qu’il en soit, déployer un brillant apparat ne dépendait pas uniquement des capacités financières de la maison, ni même des stratégies d’évitement
permettant de paraître à peu de frais. Encore fallait-il savoir où et comment se procurer les objets
et produits les plus à même de manifester l’excellence familiale. L’analyse des aires d’approvisionnement de la maison de Guise révèle ainsi une sélection très réfléchie des centres de production en
fonction du produit désiré et dessine une carte mélangeant espace du pouvoir ducal et géographie
du luxe européen. Le mécanisme de la consommation ducale se dévoile enfin dans l’étude des
acteurs impliqués dans les prises de décision, fournisseurs, intermédiaires et experts apportant aux
Guise leur expérience et leur savoir-faire au moment stratégique de l’achat, mais engageant aussi
leurs propres intérêts et leur vision de la hiérarchie sociale dans les conseils délivrés à leurs maîtres.
Restait alors aux ducs et duchesses de Guise à mettre la touche finale en instillant un peu de leur
sensibilité individuelle dans une vaste entreprise sociale de définition de leur paraître.
NOTES
1 > Lettre de l’ambassadeur Giulio Alvarotti au duc de Ferrare, Paris, 13 septembre 1549 [Carteggio d’arte degli ambasciatori
estensi in Francia (1536-1553), édité par C. Occhipinti, Pisa, Scuola Normale Superiore, 2001, p. 234-235].
2 > Barthes R., Mythologies, Paris, Le Seuil, 1957, chapitre « La nouvelle Citroën », p. 140.
3 > Sur l’attention à accorder au contexte dans lequel s’insère un objet – et à l’évolution de sa signification du contexte
domestique au contexte muséal, en particulier – voir Kopytoff I., « The Cultural Biography of Things: Commoditization
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as Process », in A. Appadurai (éd.), The Social Life of Things: Commodities in Cultural Perspective, Cambridge, Cambridge
University Press, 1986, p. 64-91.
4 > Rappelons que l’approche sémiologique, dont Roland Barthes fut le héraut, fait de l’objet un signe en ce qu’il articule un
signifiant (l’objet lui-même) et un signifié (les catégories culturelles).
5 > Douglas M. et Isherwood B., The World of Goods. Towards an Anthropology of Consumption, New York, Basic Books, 1979.
6 > Les théoriciens de la différenciation sociale par la consommation ont été nombreux à reprendre, développer ou affiner
les analyses pionnières de Veblen T., Théorie de la classe de loisir, Paris, Gallimard, 1978 (1re éd. 1899). Parmi eux, citons
Simmel G., La Philosophie de l’argent, Paris, Presses universitaires de France, 2007 (1re éd. 1900) ; Halbwachs M., La Classe
ouvrière et les niveaux de vie. Recherches sur la hiérarchie des besoins dans les sociétés industrielles contemporaines, Paris, Alcan,
1912 ; Elias N., La Société de cour, Paris, Flammarion, 1985 (1re éd. 1969) et Bourdieu P., La Distinction. Critique sociale du
jugement, Paris, Éditions de Minuit, 1979.
7 > Goffman E., La Mise en scène de la vie quotidienne, t. 1 : La Présentation de soi, Paris, Éditions de Minuit, 1973 (1re éd. 1959).
8 > De Certeau M., L’Invention du quotidien, t. 1 : Arts de faire, Paris, UGE, 1980 ; Warnier J.-P., Construire la culture matérielle. L’homme qui pensait avec ses doigts, Paris, Presses universitaires de France, 1999 ; Julien M.-P. et Warnier J.-P. (dir.),
Approches de la culture matérielle. Corps à corps avec l’objet, Paris, L’Harmattan, 1999.
9 > Roustan M., Sous l’emprise des objets ? Culture matérielle et autonomie, Paris, L’Harmattan, 2007, p. 29.
« Les Guise et leur paraître », Marjorie Meiss-Even
ISBN 978-2-7535-3258-8 Presses universitaires de Rennes-Presses universitaires François-Rabelais, 2014, www.pur-editions.fr
10 > Voir l’article fondateur de Pesez J.-M., « Histoire de la culture matérielle », in J. Le Goff, R. Chartier et J. Revel (dir.),
La Nouvelle Histoire, Paris, CEPL, 1978, p. 98-130. Pour une mise au point plus récente intégrant les développements de
l’historiographie anglo-saxonne sur la consommation, voir Poulot D., « Une nouvelle histoire de la culture matérielle ? »,
Revue d’histoire moderne et contemporaine, vol. 44, no 2, 1997, p. 344-357 et Minard P., « Les recherches récentes en histoire
économique de la France : l’époque moderne. xvie-xviiie siècle », Historiens et géographes, no 378, 2002, p. 149-162. Voir
aussi l’introduction du livre désormais classique de Roche D., Histoire des choses banales. Naissance de la consommation.
xviie-xixe siècle, Paris, Fayard, 1997.
11 > Braudel F., Civilisation matérielle, économie et capitalisme. xve-xviiie siècle, t. 1 : Les Structures du quotidien. Le possible et
l’impossible, t. 2 : Les Jeux de l’échange, t. 3 : Le Temps du monde, Paris, Armand Colin, 1979.
12 > Ibid., p. 16-17.
13 > Pesez J.-M., « Histoire de la culture matérielle », art. cit.
14 > Roche D., Le Peuple de Paris. Essai sur la culture populaire au xviiie siècle, Paris, Aubier, 1981 ; Id., La Culture des apparences.
Une histoire du vêtement. xviie-xviiie siècle, Paris, Fayard, 1989.
15 > Pardailhé-Galabrun A., La Naissance de l’intime. 3 000 foyers parisiens. xvie-xviiie siècles, Paris, Presses universitaires de
France, 1988 ; Baulant M., Schuurman A. et Servais P., Inventaires après-décès et ventes de meubles. Apports à une histoire de la
vie économique et quotidienne (xive-xixe siècle), Louvain, Academia, 1988.
16 > Roche D., Histoire des choses banales…, op. cit.
17 > Ibid., p. 14.
18 > Ibid., p. 10-11.
19 > Poulot D., « Une nouvelle histoire… », art. cit., p. 346.
20 > Cette distinction, destinée à clarifier l’exposition, pourrait toutefois être nuancée. Des convergences sont avérées,
comme en témoigne par exemple l’évolution des travaux de Natacha Coquery puisque celle-ci, sans renoncer à l’héritage intellectuel de Daniel Roche qui avait dirigé son travail de thèse (L’Hôtel aristocratique. Le marché du luxe à Paris au
xviiie siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, 1998), aborde désormais l’étude de la consommation plutôt à partir des
modes de commercialisation (Tenir boutique à Paris au xviiie siècle. Luxe et demi-luxe, Paris, CTHS, 2011). À l’inverse, John
Brewer, l’un des pionniers de l’approche anglo-saxonne, a exhorté ses collègues, en 2000, à se faire anthropologues culturalistes plus qu’économistes et à lire ou relire Pierre Bourdieu [O’Malley M. et Welch E. (éd.), The Material Renaissance,
Manchester/New York, Manchester University Press, 2007, p. 28].
21 > Fairchilds C., « Consumption in Early Modern Europe. A Review Article », Comparative Studies in Society and History,
vol. 35, no 4, 1993, p. 850.
22 > McKendrick N., Brewer J., Plumb J., The Birth of a Consumer Society. The Commercialization of Eighteenth-Century
England, Bloomington, Indiana University Press, 1982.
23 > Poulot D., « Une nouvelle histoire… », art. cit., p. 347.
24 > Weatherill L., Consumer Behaviour and Material Culture in Britain. 1660-1760, Londres/New York, Routledge, 1988.
25 > Shammas C., The Pre-Industrial Consumer in England and America, Oxford, Clarendon Press, 1990.
26 > Schama S., L’Embarras de richesses. La culture hollandaise au Siècle d’Or, Paris, Gallimard, 1991 (1re éd. 1987).
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27 > Voir en particulier Goldthwaite R., « The Empire of Things: Consumer Demand in Renaissance Italy », in F. Kent et
P. Simons (éd.), Patronage, Art and Society in Renaissance Italy, Canberra/Oxford, Humanities Research Centre/Clarendon
Press, 1987, p. 154 ; Jardine L., Worldly Goods. A New History of the Renaissance, Londres, Papermac, 1996, p. 436. Voir plus
généralement l’ouvrage fondamental de Goldthwaite R., Wealth and the Demand for Art in Italy (1300-1600), Baltimore/
Londres, The Johns Hopkins University Press, 1993.
28 > Parmi les critiques suscitées par les thèses de Richard Goldthwaite et Lisa Jardine, voir Martines L., « The Renaissance and
the Birth of Consumer Society », Renaissance Quarterly, vol. 51, no 1, 1998, p. 193-203 et Alazard F., « Les tempos de l’histoire :
à propos des arts dans l’Italie de la Renaissance », Revue d’histoire moderne et contemporaine, vol. 49, no 4bis, 2002, p. 17-37.
29 > O’Malley M. et Welch E. (éd.), The Material Renaissance, op. cit., p. XV-XIX ; Ajmar-Wollheim M. et Dennis F. (éd.),
At Home in Renaissance Italy, Londres, V&A Publications, 2006 ; Renaissance Studies, vol. 20, no 5, numéro spécial :
« Approaching the Italian Renaissance Interior: Sources, Methodologies, Debates », 2006.
30 > Burke P., La Renaissance européenne, Paris, Le Seuil, 2000.
31 > Voir par exemple Bourquin L., « Les objets de la vie quotidienne à Paris au xvie siècle », Revue d’histoire moderne et
contemporaine, vol. 36, no 3, 1989, p. 464-475.
32 > Voir par exemple Hyman P. et Hyman M., « Les associations de saveurs dans les livres de cuisine français du xvie siècle »,
in O. Redon, L. Sallmann, S. Steinberg (dir.), Le Désir et le goût. Une autre histoire (xiiie-xviiie siècles), Actes du colloque
international à la mémoire de Jean-Louis Flandrin, Saint-Denis, septembre 2003, Saint-Denis, Presses universitaires de
Vincennes, 2005, p. 135-150 ; Paresys I., « Le corps espagnolé », in E. Belmas et M.-J. Michel (dir.), Corps, santé, société,
Paris, Nolin, 2005, p. 245-258 ; Bimbenet-Privat M., Les Orfèvres parisiens de la Renaissance (1506-1620), Paris, Commission
des travaux historiques de la Ville de Paris, 1992.
33 > Chatenet M., La Cour de France au xvie siècle. Vie sociale et architecture, Paris, Picard, 2002 ; Crépin-Leblond T. et
Ennès P. (dir.), Le Dressoir du prince. Services d’apparat à la Renaissance, Paris, RMN, 1995 ; Bardiès-Fronty I., BimbenetPrivat M. et Walter P. (dir.), Le Bain et le miroir. Soins du corps et cosmétiques de l’Antiquité à la Renaissance, Paris,
Gallimard, 2009.
« Les Guise et leur paraître », Marjorie Meiss-Even
ISBN 978-2-7535-3258-8 Presses universitaires de Rennes-Presses universitaires François-Rabelais, 2014, www.pur-editions.fr
34 > Bourdieu P., La Distinction…, op. cit., p. VII.
35 > Eurich A., The Economics of Power: The Private Finances of the House of Foix-Navarre-Albret During the Religious Wars,
Kirksville, The Sixteenth Century Journal, 1994 (voir notamment les pages XIV-XV).
36 > Le débat historiographique autour de la « crise de l’aristocratie » a été lancé dans les années 1960 avec la publication de
l’ouvrage de Stone L., The Crisis of the Aristocracy. 1558-1641, Oxford, Clarendon Press, 1965. Pour l’historien britannique, l’aristocratie anglaise aurait connu, entre le milieu du xvie siècle et le milieu du siècle suivant, une crise multi-factorielle touchant
aussi bien ses fonctions sociales que ses revenus ou son mode de vie. À sa suite, nombre d’historiens européens ont tenté
d’évaluer la pertinence de cette thèse pour les autres pays du continent (voir la synthèse de Billacois F., « La crise de la noblesse
européenne (1550-1650) : une mise au point », Revue d’histoire moderne et contemporaine, vol. 23, no 2, 1976, p. 258-277).
37 > Pour une vue globale de ce renouveau de l’histoire économique, voir Daumas J.-C. (dir.), L’Histoire économique en
mouvement, entre héritages et renouvellements, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2012.
38 > Entre autres références, voir Grenier J.-Y., L’Économie d’Ancien Régime. Un monde de l’échange et de l’incertitude, Paris,
Albin Michel, 1996 ; Hoffman P., Postel-Vinay G. et Rosenthal J.-L., Des Marchés sans prix. Une économie politique du crédit
à Paris. 1660-1870, Paris, Éditions EHESS, 2001 ; Fontaine L., L’Économie morale. Pauvreté, crédit et confiance dans l’Europe
préindustrielle, Paris, Gallimard, 2008.
39 > Elias N., La Société de cour, op. cit.
40 > Ibid., p. 54.
41 > Voir les analyses de Paresys I., « Paraître et apparences : une introduction », in I. Paresys (dir.), Paraître et apparences en
Europe occidentale du Moyen Âge à nos jours, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2008, p. 8-9.
42 > Cosandey F., « Classement ou ordonnancement ? Les querelles de préséances en France sous l’Ancien Régime », in
G. Chabaud (dir.), Classement, déclassement, reclassement, Limoges, Presses universitaires de Limoges, 2011, p. 95-103.
43 > Voir en particulier Descimon R., « Chercher des voies nouvelles pour interpréter les phénomènes nobiliaires dans la
France moderne. La noblesse, “essence” ou rapport social ? », Revue d’histoire moderne et contemporaine, vol. 46, no 1, 1999,
p. 5-21 ; Nassiet M., Parenté, noblesse et États dynastiques. xve-xvie siècles, Paris, Éditions EHESS, 2000 ; Cosandey F. (dir.),
Dire et vivre l’ordre social en France sous l’Ancien Régime, Paris, Éditions EHESS, 2005 ; Descimon R. et Haddad E. (éd.),
Épreuves de noblesse. Les expériences nobiliaires de la haute robe parisienne (xvie-xviiie siècle), Paris, Les Belles Lettres, 2010.
44 > Lévi-Strauss C., « Histoire et ethnologie », Annales ESC, vol. 38, no 6, 1983, p. 1 224 (cité par Descimon R., « Chercher
des voies nouvelles… », art. cit., p. 14).
45 > Trois sommes du xixe siècle constituent de précieuses mines d’informations sur la famille de Guise : de Bouillé R.,
Histoire des ducs de Guise, Paris, Amyot, 1849 ; de Croze J., Les Guise, les Valois et Philippe II, Paris, Amyot, 1866 ; Forneron H.,
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Les Ducs de Guise et leur époque, Paris, Plon, 1877. Des synthèses bien plus récentes ont donné un tour plus problématique à
ces biographies familiales : Constant J.-M., Les Guise, Paris, Hachette, 1984 ; Pernot M., « Les Guise. Une mise au point »,
Annales de l’Est, no 2, 1990, p. 83-114. Depuis les années 1990 sont parus plusieurs ouvrages traitant de la famille de Guise
sous un angle spécifique, artistique ou politique : Bellenger Y. (dir.), Le Mécénat et l’influence des Guise, Actes du colloque
tenu à Joinville, 31 mai-4 juin 1994, Paris, Honoré Champion, 1997 ; Carroll S., Noble Power During the French Wars of
Religion: The Guise Affinity and the Catholic Cause in Normandy, Cambridge, Cambridge University Press, 1998 ; Id., Martyrs
and Murderers: The Guise Family and the Making of Europe, Oxford, Oxford University Press, 2009 ; Spangler J., The Society
of Princes: The Lorraine-Guise and the Conservation of Power and Wealth in Seventeenth-Century France, Farnham, Ashgate,
2009. Enfin, vient de paraître une biographie de François de Lorraine : Durot E., François de Lorraine, duc de Guise entre
Dieu et le roi, Paris, Classiques Garnier, 2012.
46 > Cf. l’arbre généalogique de la maison de Guise, annexe 1.
47 > Sur ces points, en complément des ouvrages précédemment cités, voir Bergin J., « The Decline and Fall of the House
of Guise as an Ecclesiastical Dynasty », Historical Journal, vol. 25, no 4, 1982, p. 781-803 ; Crouzet D., « Capital identitaire et
engagement religieux : aux origines de l’engagement militant de la maison de Guise ou le tournant des années 1524-1525 »,
in J. Fouilleron, G. Le Thiec et H. Michel (dir.), Sociétés et idéologies des Temps modernes. Hommage à Arlette Jouanna, t. 2,
Montpellier, Université de Montpellier 3, 1996, p. 573-589.
48 > Wardropper I., « Le mécénat des Guise : art, religion et politique au milieu du xvie siècle », Revue de l’art, no 94, 1991,
p. 27-44.
49 > Sur les cardinaux de la famille [Jean (1498-1550), cardinal de Lorraine, Charles (1524-1574), cardinal de Guise puis de
Lorraine, Louis (1527-1578), cardinal de Guise, et Louis (1555-1588), cardinal de Guise], outre les biographies familiales,
voir Bergin J., « The Decline and Fall of the House of Guise… », art. cit. ; Collignon A., « Le mécénat du cardinal Jean
de Lorraine (1498-1550) », Annales de l’Est, vol. 24, no 2, 1910, p. 37-170 ; Michon C., « Les richesses de la faveur : Jean de
Lorraine (1498-1550) et François Ier », Revue d’histoire moderne et contemporaine, vol. 50, no 3, 2003, p. 34-61 ; Cuisiat D.
« Introduction », in Lettres du cardinal Charles de Lorraine (1525-1574), éditées par D. Cuisiat, Genève, Droz, 1998, p. 11-74.
« Les Guise et leur paraître », Marjorie Meiss-Even
ISBN 978-2-7535-3258-8 Presses universitaires de Rennes-Presses universitaires François-Rabelais, 2014, www.pur-editions.fr
50 > Roche D., Histoire des choses banales…, op. cit., p. 12.