Ados alcool dangers

Transcription

Ados alcool dangers
Tiré à part no 489
nov. / dec. 2011
Le magazine de l’Apel
PETIT-DÉJEUNERDÉBAT DE L’APEL
NATIONALE
Le 29 novembre 2011
Ados
+
alcool
=
dangers !
FAMILLE & ÉDUCATION EN IMAGES
Retrouvez sur www.apel.fr une
vidéo sur l’alcool et les jeunes,
réalisée lors du petit-déjeuner-débat
organisé par l’Apel, ainsi que le
sondage exclusif Apel-OpinionWay
“Les jeunes et l’alcool”.
• Les jeunes et l’alcool, un flirt dangereux
• Les parents : entre inquiétude et indulgence un sondage
exclusif Apel-OpinionWay
• “Les jeunes boivent surtout chez eux” interview
de Marie Choquet, épidémiologiste
• Questions de parents, réponses d’experts
Xavier Pommereau, psychiatre,
et Philippe Batel, addictologue
Famille
mille & éducation
3
Édito
88%
Des parents informés
pour prévenir
des jeunes de 16 ans
ont déjà bu de l’alcool
dans leur vie.
e
15
c’est le rang qu’occupe
la France parmi les
pays européens pour la
consommation d’alcool
des jeunes.
9%
des jeunes de 17 ans
connaissent des
ivresses répétées.
7500e
d’amende, c’est
ce qu’encourt un
commerçant ou un
débit de boisson
qui ne respecte
pas l’interdiction de
vente d’alcool aux
mineurs. En cas de
récidive, c’est un an
d’emprisonnement et
15 000 e d’amende.
© Frédéric Desmesure
2
Souvent liée aux événements heureux de
la vie, la consommation d’alcool semble
normale et habituelle. Elle est banalisée.
Mais les modes de consommation d’alcool
chez les jeunes ont changé. Les ivresses, qui
étaient rares, se multiplient. En effet, 26 % des
jeunes entre 15 et 19 ans et 35 % des 20-25 ans
avouent avoir été ivres au moins une fois dans
l’année écoulée ! Les jeunes ne
boivent pas régulièrement, mais
consomment, à l’occasion, des
LES JEUNES NE BOIVENT
alcools forts en grande quantité
PAS RÉGULIÈREMENT, MAIS
et en un minimum de temps.
CONSOMMENT, À L’OCCASION,
Par jeu, pour relever un défi,
DES ALCOOLS FORTS EN
pour “flasher”, ces binge drinking
GRANDE QUANTITÉ ET EN UN
sont lourds de conséquences
MINIMUM DE TEMPS.
dramatiques. Les journaux
relatent régulièrement des
drames résultants des consommations excessives : accidents de
la route, violences, comas éthyliques.... De jeunes vies sont ainsi
brisées et des familles endeuillées. Il est urgent que, nous parents,
soyons informés de ces nouvelles pratiques de consommation
d’alcool par les jeunes, mais aussi les très jeunes, afin de mettre en
place une prévention indispensable. Nous sommes les premiers
modèles pour nos enfants, il pourra être nécessaire aussi que nous
nous interrogions sur nos propres pratiques.
BÉATRICE BARRAUD,
PRÉSIDENTE NATIONALE DE L’APEL
RETROUVEZ TOUS LES RÉSULTATS
DU SONDAGE SUR NOTRE SITE
www.apel.fr
Famille & éducation no 489 • Tiré à part • novembre - décembre 2011
Les jeunes et l’alcool,
un flirt dangereux
Des mairies qui interdisent aux
mineurs de boire dans la rue,
un ministère qui commande un
rapport sur l’alcool et les jeunes,
des faits divers relayés par la
presse qui dressent le portrait
d’une jeunesse s’enivrant sans
limites : les ados d’aujourd’hui
boiraient-ils plus et plus
dangereusement qu’avant ?
◗
Paris, Lyon, Toulouse, Nantes… les
unes après les autres les mairies ont
interdit cet été les apéros géants Facebook et de boire de l’alcool dans la rue en
soirée. Le ministère de la Santé a également
commandé un rapport en début d’année sur
l’état de la consommation d’alcool chez les
jeunes. Verdict ? « Le fait de boire régulièrement a plutôt baissé chez les jeunes, mais
les ivresses ponctuelles ont augmenté »,
analyse Yaëlle Amsellem-Mainguy, chargée
d’études et de recherche sur la santé des
jeunes à l’INJEP (Institut national de la jeunesse et de l’éducation).
Les jeunes boivent moins, mais plus fort
et plus vite. « Au lieu d’étaler les verres sur
une soirée, les jeunes vont les boire dans
l’heure. » Une tendance à la hausse depuis
2003. C’est le fameux binge drinking à
l’anglo-saxonne qui semble gagner l’Hexagone. Et les filles ne sont pas en reste. Elles
étaient 42 % en 2010, contre 30 % en 2005 à
consommer de l’alcool à outrance.
Quand boire est un jeu
Les saouleries démarrent souvent à partir d’un jeu dont le principe est simple : le
challenge. Des soirées où on doit écluser un
maximum de verres avant de pouvoir rentrer. Des joutes sur le thème : “t’es pas cap”.
« Aujourd’hui, les ados cherchent l’alcool
qui les anesthésie et leur fera oublier toute la
Famille & éducation no 489 • Tiré à part • novembre - décembre 2011
➜
4
Famille & éducation
pression qui pèse sur leurs épaules », note
Emmanuelle Peyret, addictologue.
Pour Yaëlle Amsellem-Mainguy, rien de
nouveau pourtant dans ce phénomène.
« La consommation d’alcool reste liée à la
jeunesse, au goût pour les nouvelles expériences et la perte de soi. C’est une pratique
de génération, une manière de se revendiquer. Et cette consommation reste festive. »
L’alcool en open bar
Sauf que s’enivrer aujourd’hui est devenu
beaucoup plus facile. L’arsenal législatif se
veut pourtant plus strict. Adopté en juillet
2009, la loi Hôpital patients santé territoire
a renforcé le pouvoir des maires pour interdire toute vente d’alcool à emporter aux
À savoir
◗ LE COMA ÉTHYLIQUE
Au-delà d’une certaine quantité
d’alcool (2gl/sang), la personne
s’endort et risque un coma éthylique
(état d’inconscience). Dans cet état, les
dangers sont le froid qui peut entraîner
une hypothermie ; l’immobilité qui
provoque des lésions musculaires (les
muscles sont écrasés par le poids de
la personne elle-même) ; l’étouffement
dû à des vomissements ou, en position
allongée sur le dos, à la langue qui
chute au fond de la gorge. Dans les
cas graves de coma éthyliques, les
fonctions rénales, respiratoires ou
circulatoires peuvent être atteintes. Le
coma éthylique peut entraîner la mort.
mineurs la nuit, moyennant des amendes
revues à la hausse. Proscrits également les
open bars tandis que les happy hours doivent proposer la même baisse de prix pour
les boissons non alcoolisées. Mais cette loi
est peu appliquée. Les petites épiceries qui
ouvrent tard font leur chiffre avec l’alcool et
rechignent à rogner sur leur marge. « C’est
la nouveauté : on peut boire ce qu’on veut
où on veut, déplore Emmanuelle Peyret. Et
les mélanges possibles sont pléthores pour
booster l’effet de l’alcool. Observez le marché des premix (voir encadré ci-contre). Et
prenez le Red Bull, en vente partout, associé
à de l’alcool fort, c’est détonnant. »
Comment prévenir ?
La prévention s’est organisée depuis longtemps. L’ ANPAA (Association nationale de
prévention en alcoologie et addictologie) (1)
intervient dans les écoles, même dès le
primaire. « Nous leur apprenons comment
résister à la pression du groupe, savoir dire
non, développer un esprit critique, précise
Élodie Crochet, chargée de mission à l’association. Il s’agit de développer des comportements adaptés. L’information sur les
dangers de l’alcool ne suffit pas. » L’ANPAA
intervient aussi auprès des parents. « Ils se
sentent souvent désarmés », constate Isabelle de Nanteuil de l’école Paul Claudel, à
Paris, qui a fait intervenir l’ANPAA auprès
des parents d’élèves à la suite d’un incident
dans l’établissement : deux collégiennes
étaient rentrées de la pause de midi passablement éméchées. L’Apel de l’école a décidé de renouveler l’expérience. « Un anima-
DE L’ALCOOL CONÇU POUR ÊTRE SÉDUISANT
Les premix sont des boissons qui associent
un soda à un alcool fort. Ils titrent en général
à 5 ou 6 degrés. Le risque provient surtout du
sucre qu’ils contiennent et qui accentue l’effet
hypoglycémant de l’alcool. On les appelle aussi
alcopops ou PAB (prêts à boire), ou encore RTD
(ready to drink). Sur ce marché très prisé des
jeunes, on trouve aussi les “malternatives” : des
boissons à base de malt associées à des extraits
de fruits, aromatisées avec des spiritueux ou
additionnées à de l’alcool fort. Autre variante : les
vinipops. Des vins aromatisés comme les coktails
Dimitroff, Voodoo, Spirit ou Masaï. Leur marketing
est ciblé pour plaire aux plus jeunes et aux filles.
Conditionnés en canette ou en petites bouteilles,
avec des couleurs flashantes qui rappellent
l’univers du soda, ces mélanges très sucrés sont
destinés à gommer le côté fort de l’alcool et à
faire oublier finalement qu’on en consomme.
C’est le cas de Smirnoff Ice (5,6 degrés), le plus
vendu, un mélange de vodka, de bière et de
citron très sucré. La Desperado Mas (3 degrés)
mélange de la tequila à la bière pour en masquer
le goût amer. Gloss de Suze cerise & gingembre
(15 degrés) est très clairement ciblé filles avec
ses couleurs rouge et rose qui évoquent le rouge
à lèvres. Le Boomerang Red Hot (4,3 degrés),
lui, mélange bière aromatisée et goût citron.
Les marchands d’alcool n’ont jamais été aussi
créatifs.
LISE DAVID
Famille & éducation no 489 • Tiré à part • novembre - décembre 2011
5
Nous leur
apprenons comment
résister à la pression du
groupe, savoir dire non,
développer un esprit
critique.
Élodie Crochet, chargée de mission à
l’ANPAA (Association nationale de prévention
en alcoologie et addictologie).
teur prévention du Centre Emergence(2) est
venu parler aux parents en octobre, précise
Christiane Dupont, présidente de l’Apel. Les
samedis soirs sont souvent très arrosés. Ma
propre fille a plusieurs copines qui ont déjà
fait des comas éthyliques. Les parents s’inquiètent beaucoup. II faut les tenir informés
pour qu’ils puissent continuer à dialoguer
avec leurs enfants. »
À lire
Alcool, les jeunes
trinquent
Marina Carrère
d’Encausse,
Anne Carrière, 2011,
18 €
L’auteur, médecin et codirectrice du Magazine
de la santé, sur France 5, tire une fois
encore la sonnette d’alarme : le nombre
de cas d’états d’ivresse augmente chez
les jeunes, allant parfois jusqu’au coma, à
l’agression sexuelle ou à des atteintes au
cerveau irréversibles. Marina Carrère
d’Encausse le répète, les parents ont un
rôle essentiel à jouer dans la vigilance et
l’interdit. Avec les précieux conseils de
Philippe Batel, addictologue à l’hôpital
Beaujon, à Clichy (92).
Quand réagir ?
Une baisse sensible et durable des résultats scolaires, un isolement, un mutisme
inexplicable doivent donner l’alerte. « N’oublions pas, non plus que la consommation
des parents a une grande influence sur celle
des enfants, insiste Emmanuelle Peyret. Si
les jeunes banalisent le fait de boire, c’est
parce que nous le banalisons nous-mêmes
ainsi que la société toute entière. » Mais
entre laisser jeunesse se passer et jouer les
parents fouettards, comment trouver la juste
mesure ? « Il faut rester connecté au monde
des ados, discuter l’air de rien, s’intéresser à
ce qui se passe dans leur vie, conseille Emmanuelle Peyret. C’est le plus sûr moyen de
rester averti, même si ce n’est pas facile. »
« Il faut continuer d’alerter les jeunes, ajoute
Yaëlle Amsellem-Mainguy. Ils savent qu’ils
peuvent faire un coma éthylique, mais ils se
disent : moi, je gère. Attention, toutefois, à
ne pas trop les stigmatiser car ils pourraient
se braquer contre le message. Nous vivons
aujourd’hui dans une société très paternaliste et moralisatrice qui supporte de moins
en moins les conduites à risque, même si
elles restent occasionnelles. » ◗
LISE DAVID
(1). ANPAA Association nationale de prévention en
alcoologie et addictologie : www.anpaa.asso.fr/
(2). Centre Emergence, centre de prévention et de
traitement :
Tél. : 01 53 82 81 70
Alcool, drogues chez
les jeunes : agissons
Daniel Bailly,
Odile Jacob, 2009,
22,50 €.
Pédopsychiatre à
l’hôpital Ste-Marguerite,
à Marseille, Daniel Bailly
analyse, au-delà des risques de
consommation, ce que révèlent ces
comportements chez des adolescents
qui recherchent des sensations
extrêmes : des difficultés relationnelles
et affectives… Pour les parents, quand
s’inquiéter, que faire et quand consulter ?
Alcool et adolescence. Jeunes en
quête d’ivresse
Patrice Huerre, François
Marty et Nicole
Czechowski,
Albin Michel, 2007,
21,50 €.
À la recherche de sensations fortes les
ados boivent de plus en plus, de plus en
plus jeunes et souvent en bande,
associant parfois la boisson à d’autres
produits toxiques. Ces médecins tirent la
sonnette d’alarme et veulent qu’on lève
ce tabou dont on ne parle souvent que
lors d’un accident de la route. Les
ravages, du collège aux grandes écoles,
sont profonds et il faut étudier les
racines de ce mal-être chez les jeunes.
Brigitte Canuel
Famille & éducation no 489 • Tiré à part • novembre - décembre 2011
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DOSSIER
Les parents : entre
inquiétude et indulgence
Selon vous, qu’est-ce qui est le plus inquiétant
dans la consommation d’alcool chez les jeunes ?
Inquiets de l’augmentation de la consommation d’alcool chez les jeunes, les parents font confiance à
leurs propres enfants pour résister aux sirènes de l’hyper consommation. À la maison, le sujet n’est pas
tabou et le dialogue est possible, cependant, les parents avouent leur impuissance et leur très relative
indulgence si jamais leur enfant consommait de l’alcool de façon excessive.
L’alcool chez les jeunes,
un sujet d’inquiétude pour
les parents
83 % des parents d’enfants scolarisés
reconnaissent que la consommation d’alcool par
les jeunes est pour eux un sujet de préoccupation,
et cela, quels que soient leur catégorie socioprofessionnelle et l’âge de leurs enfants (même
pourcentage de 6 à 16 ans).
La consommation d’alcool est-elle
une source d’inquiétude pour vous ?
oui, tout à fait
38 %
oui, plutôt
45 %
non, plutôt pas
15 %
non, pas du tout
2%
NSP
0%
OUI
83%
NON
17%
Un phénomène qui prend une tournure
inquiétante dans l’esprit des Français qui
considèrent que la consommation d’alcool
augmente chez les jeunes, plus encore chez les filles
(74 %) que chez les garçons (59 %).
Selon vous, les jeunes aujourd’hui
consomment plus d’alcool, moins
d’alcool ou ni plus ni moins qu’à
votre époque ?
Pour les filles
Pour les
garçons
plus d’alcool
74 %
59 %
moins d’alcool
3%
4%
ni + ni -d’alcool 22%
36%
NSP
1%
Ce qui inquiète le plus les parents
Ce qui inquiète les parents, c’est avant tout l’augmentation de la
quantité d’alcool consommée (40 % des parents le disent, dont 41 %
des parents d’enfants de 0 à 6 ans), plus que l’augmentation de la
régularité de la consommation (12 % seulement des parents l’évoquent).
Quelle est la cause de cette évolution ? Pour 56 % des parents, c’est l’état
d’esprit général qui explique cette augmentation de la consommation.
Ils sont beaucoup moins nombreux (35 %) à évoquer le manque de
contrôle des sorties ou les fréquentations des enfants.
Les parents considèrent donc que la grande responsable de
ces dérives, c’est la société elle-même, lorsqu’elle valorise, par
médias interposés, des comportements excessifs, qui cassent leurs
modèles éducatifs. C’est le cas, par exemple, du binge drinking (ou
consommation d’un maximum d’alcool dans un minimum de temps),
devenu en peu de temps un véritable phénomène de mode, qui
influence, au-delà des injonctions parentales, des adolescents soucieux
d’adopter pour le meilleur ou pour le pire les attitudes de leurs pairs.
1%
Selon vous, qu’est-ce qui favorise la
consommation d’alcool chez les jeunes ?
L’état d’esprit général qui valorise la
consommation d’alcool
56 %
Le manque de contrôle des sorties et
fréquentations des jeunes par leurs parents
35 %
L’absence de contrôle dans les bars, cafés et
discothèques
27 %
L’insuffisance de contrôle lors de la vente en
supermarché
25 %
Le fait que les parents les autorisent à boire
de l’alcool en famille
23 %
Le manque de prévention en général
20 %
NSP
Famille & éducation no 489 • Tiré à part • novembre - décembre 2011
4%
7
E
DAG PELN
O
A
S SIF
LU
WAY
EXCPINION
O
À la maison, tout va bien…
Et concernant votre ou vos enfant(s),
vous diriez qu’il(s) consomme(nt) plus
d’alcool, moins d’alcool ou ni plus
ni moins d’alcool que vous à votre
époque ?
Plus d’alcool
14 %
Moins d’alcool
27 %
Ni plus ni moins d’alcool
58 %
NSP
1%
Les problèmes d’alcool, c’est pour les autres, et les
parents affichent une grande confiance vis-à-vis de
leur(s) propre(s) enfant(s). Seulement 14 % des parents
ayant un enfant de 12 ans ou plus estiment que sa
consommation a augmenté par rapport à la leur au même
âge. 58 % estiment qu’elle a stagné et 27 % considèrent
même qu’elle a diminué. Le foyer apparaît donc comme
un rempart face à une situation que les parents décrivent
par ailleurs comme inquiétante. Dans ce contexte, le
dialogue sur ce sujet semble possible, puisque 90 % des
parents déclarent qu’il est facile d’aborder les dangers de
l’alcool avec leurs enfants. On peut cependant s’interroger
sur la nature de ce dialogue : n’est-il pas un peu
superficiel ou trop formel, s’il consiste à dire que le risque,
c’est seulement les autres ?
Le fait qu’ils consomment de plus en plus de
l’alcool de façon excessive, jusqu’à l’ivresse
40 %
Le fait qu’ils consomment de l’alcool
de plus en plus jeune
28 %
Le fait qu’ils ne puissent plus envisager une soirée
entre amis sans qu’il y ait de l’alcool
20 %
Le fait qu’ils consomment de l’alcool
de plus en plus régulièrement
12 %
NSP
0%
Mais finalement, les parents se
sentent bien seuls pour réagir
Le sujet de l’alcool n’est donc pas un tabou familial et
67 % des parents déclarent qu’ils se sentiraient à l’aise et
bien informés face à un enfant qui a consommé de l’alcool
de façon excessive. Ce résultat ne doit pas cacher qu’ils
sont à l’inverse 31 % à s’inquiéter de la bonne manière de
réagir. 45 % avouent qu’ils ne se sentiraient pas soutenus,
ne sachant pas à qui s’adresser. 43 % reconnaissent qu’ils
se sentiraient coupables devant une telle situation. Ils
ne seraient que 37 % à réagir de manière compréhensive
et indulgente. Finalement, ce qui n’est pas négligeable,
c’est que plus d’un parent sur trois a le sentiment qu’il se
retrouverait seul et démuni. ◗
SYLVIE BOCQUET
Diriez-vous qu’aborder le sujet des dangers
de l’alcool avec vos enfants est… ?
Très facile
46 %
Assez facile
44 %
Assez difficile
8%
Très difficile
1%
NSP
Facile
90%
Difficile
9%
1%
MÉTHODOLOGIE
Étude réalisée auprès de 597 parents d’enfants scolarisés issus de deux échantillons représentatifs (de 988 et 1000 personnes)
de la population française âgée de 18 ans et plus, interrogés du 19 au 21 octobre 2011 et les 27 et 28 octobre 2011.
Famille & éducation no 489 • Tiré à part • novembre - décembre 2011
8
DOSSIER
9
Interview de Marie Choquet, épidémiologiste
« Les jeunes boivent
surtout chez eux »
Marie Choquet, épidémiologiste, directeur de recherche honoraire
à l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale)
a conduit en tant que spécialiste de l’adolescence de nombreuses
études sur les comportements à risque des jeunes. Elle répond
aux questions de Famille & éducation sur l’alcool et les
jeunes.
ivre, ou encore piéton avec des réflexes et
une vigilance diminués. Le risque de mortalité lié aux accidents, mais aussi celui de
séquelles avec des handicaps reste largement sous-estimé.
Quel doit être le rôle des parents ?
M. C. : Plus que dans les bars ou dans les
Famille & éducation : La
consommation d’alcool chez les
jeunes est-elle en hausse ?
Ils ne sont plus
des consommateurs
réguliers de vin, comme
leurs parents. Ils
boivent des alcools fort
et recherchent l’ivresse.
Marie Choquet : D’après les enquêtes
internationales menées auprès des
13-15 ans et des jeunes de 16 ans et plus,
la consommation d’alcool, qu’elle soit
régulière ou ponctuelle, tend à augmenter
chez les jeunes, alors que celle des
adultes diminue. On note aussi que les
jeunes de 16 ans et plus ne sont plus des
consommateurs réguliers de vin, comme
la génération de leurs parents. Ils boivent
des alcools forts et recherchent l’ivresse.
Est-ce le phénomène de binge drinking
à l’anglo-saxonne ?
M. C. : Pas tout à fait. Les jeunes Français
peuvent consommer beaucoup d’alcool,
mais ils veulent profiter de la fête et rester
au même niveau d’ébriété toute la soirée,
alors que dans les pays d’Europe du Nord,
les jeunes recherchent avec le binge drinking une ivresse très rapide qui les mène à
la perte de conscience. Mais dans un sens,
le comportement des jeunes Français est
presque plus dangereux. Ils ne sont pas assez ivres pour tomber sous la table, mais ils
prennent leur scooter à la fin de la soirée. Le
risque majeur de l’alcool n’est pas le coma
éthylique, qui reste heureusement assez
peu fréquent, mais le risque routier. Et cela
que l’on soit conducteur d’un deux-roues,
passager d’un véhicule conduit par un camarade un peu plus âgé, mais tout aussi
Famille & éducation no 489 • Tiré à part • novembre - décembre 2011
boîtes de nuit, c’est au domicile des parents,
au cours de fêtes chez les uns et les autres
que les jeunes boivent de l’alcool. Dans les
pays du Nord, les parents s’organisent collectivement. Ils veillent à ne pas laisser à
disposition un bar trop bien garni, un adulte
responsable au moins doit être sur place, et
les jeunes sont hébergés ou raccompagnés.
Contrôler et encadrer leur consommation
d’alcool ne signifie pas les autoriser à boire,
c’est faire preuve de pragmatisme. Parmi les
risques liés à l’alcool, il ne faut pas négliger
le risque de violence physique et sexuelle,
et pas seulement pour les jeunes filles. Statistiquement, un garçon qui a bu court le
même risque d’être victime d’abus sexuels
de la part d’autres garçons.
Les adolescents qui consomment de
l’alcool deviennent-ils des adultes
dépendants ?
M. C. : Le plus souvent cela reste une
consommation festive et transgressive,
qui prendra fin au moment des études et
surtout de l’insertion professionnelle.
Les jeunes qui étudient dans les grandes
écoles vivent parfois une adolescence tardive, avec des fêtes très alcoolisées, qu’ils
n’ont pas connues plus jeunes car très
investis dans le travail scolaire. Mais un
adolescent qui n’a pas de difficultés particulières au niveau affectif, psychologique,
scolaire, deviendra progressivement plus
raisonnable. ◗
PROPOS RECUEILLIS PAR
MARIE-NADINE ELTCHANINOFF
Le comportement des adolescents
a changé ces dernières années.
J’ai trop laissé filé
les choses.
Isabelle, infirmière scolaire à Paris.
Véronique, maman de Léo, 16 ans, Jeanne,
12 ans, et Anaïs, 9 ans.
e
« Dès la 3 , les soirées deviennent pour certains l’occasion de se
saoûler. Nous avons connu un cas de coma éthylique l’an dernier.
Il s’agissait d’un jeune préoccupé par une situation familiale
compliquée, par ailleurs suivi en psychothérapie, et qui venait
souvent me voir. Il est arrivé un jour au collège dans un état d’ébriété
plus qu’avancé, il a été hospitalisé. Mais de façon générale, la
consommation d’alcool reste occasionnelle. Elle est plus rarement
révélatrice d’un mal-être profond qu’une consommation quotidienne
de cannabis. »
Il y a toujours de l’alcool
dans les soirées.
Léo, 16 ans.
« Les soirées, c’est l’occasion de retrouver mes copains,
d’écouter de la musique, de danser. Il y a toujours de l’alcool et
parfois du cannabis. Je bois un peu, tout au long de la soirée,
pour être dans l’ambiance. On mélange de l’alcool avec des
jus de fruits ou du coca, c’est meilleur. Je connais mes limites,
je n’aime pas me rendre malade. J’ai un copain qui a fait un
coma éthylique l’an dernier. Il ne buvait pas trop d’habitude,
mais cette fois-là il n’a pas su s’arrêter. »
« L’an dernier, le passage en seconde s’est
accompagné pour Léo de plus de liberté. Il était
invité à des soirées, dormait parfois chez ses
copains avec ma permission, comme quand il était
au collège. Je lui faisais confiance. Jusqu’au jour
où j’ai compris que ces soirées se tenaient au
domicile de parents qui, en général, n’étaient pas
présents, et la plupart du temps même pas au
courant, et que Léo et ses copains buvaient et à
l’occasion fumaient du cannabis. Il fallait que cela
cesse. J’ai posé mes conditions : retour obligatoire
au plus tard à 1 heure du matin et je tenais à avoir
les parents au téléphone avant pour être sûre de
leur accord. Évidemment il a protesté, m’a dit qu’il
n’était plus en maternelle, mais j’ai tenu bon. La
période de recadrage a été très dure. Un jour, Léo
est sorti sans mon autorisation. Avec son père,
nous l’avons mis en face de ses responsabilités :
soit il s’engageait à respecter les règles, soit il
poursuivait sa scolarité en internat. Depuis, tout est
rentré dans l’ordre. Il ne dépasse jamais l’horaire
autorisé. Quant aux abus d’alcool ou d’autres
substances, je ne peux que lui faire confiance.
C’est un garçon qui va bien, il a de bons résultats
scolaires et beaucoup d’amis. »
Famille & éducation no 489 • Tiré à part • novembre - décembre 2011
10
DOSSIER
11
Questions de parents,
réponses d’experts
Pas une fête sans alcool ! Soit, mais les parents doivent rester vigilants, fixer des limites, et
accompagner au mieux leurs enfants. Comment aborder cette question avec son enfant ? Quels sont
les dangers véritables qu’ils doivent connaître ? Les réponses de Xavier Pommereau, psychiatre,
directeur du Pôle aquitain de l’adolescent au centre Abadie, au CHU de Bordeaux, et de Philippe
Batel, psychiatre, addictologue, chef du service d’addictologie de l’hôpital Beaujon, à Clichy (92).
PROPOS RECUEILLIS PAR CLAIRE ALMÉRAS
Les parents
ne doivent pas
être complices de
beuveries qui se
passeraient chez
eux.
Xavier Pommereau
Mon enfant commence à sortir. Que
dois-je dire ? Dois-je lui interdire de
boire ?
XAVIER POMMEREAU : Les choses ne doivent pas se passer ainsi. Ce n’est pas au dernier moment, quand il sort que les questions
doivent être abordées. D’abord, les ados aujourd’hui, ne supportent pas qu’on leur interdise quelque chose. À la moindre injonction,
ils ruent dans les brancards. Donc interdire,
c’est paradoxalement provoquer l’attitude
redoutée. Et puis sur le pas de la porte, il
peut promettre tout et n’importe quoi pour
vous faire plaisir… La question de l’alcool
peut être abordée avant, en rebondissant
sur une émission de télévision, sur l’attitude
d’un voisin… cela extériorise le propos. Il ne
s’agit pas directement de lui.
Il vaut mieux dire à son enfant : « Je ne suis
pas plus inquiet que les autres parents. Mais
ton père et moi voyons dans les médias, les
dégâts causés par l’alcool, nous t’aimons et
nous ne voulons pas qu’il t’arrive malheur. »
Mon enfant veut organiser une soirée à
la maison, comment faisons-nous pour
que cela se passe bien ?
X. P. : Les parents ne doivent pas être les
complices de beuveries qui se passeraient
chez eux. Il ne part pas non plus à une soirée
avec une bouteille sous le bras. La fête a lieu
chez vous : il n’y aura pas d’alcool. Que cela
se fasse ailleurs et à votre insu, c’est autre
chose, mais à la maison les parents doivent
rester très fermes.
Mon enfant, 15 ans, ne veut pas que
nous restions à la maison pour sa
soirée d’anniversaire.
X. P. : Jusqu’à 16 ans, les parents ne laissent
pas leurs enfants faire une fête seuls. Ils sont
là. Et après, je conseille aux parents de rester dans les parages. Combien de parents me
racontent l’état dans lequel ils ont retrouvé
Famille & éducation no 489 • Tiré à part • novembre - décembre 2011
leur maison après une fête. Certaines soirées se terminent en orgie et les parents, là
encore, ne doivent pas être complices. Tous
les adolescents font des écarts de conduite,
mais les parents ne doivent pas les laisser se
débrouiller seuls, car ils ne savent pas faire
seuls.
Que répondre à mon enfant qui me dit
que tous ses copains boivent ?
X. P. : Il faut discuter de la différence entre
boire en quantité raisonnable, pour être gai,
et boire trop jusqu’à finir ses soirées le nez
dans son vomi. Il faut expliquer que l’écart
de conduite est réversible et pas trop grave,
mais que le grand écart peut entraîner le
jeune jusqu’à un point de rupture. Comme
en danse, le grand écart peut provoquer une
déchirure.
Il y a une différence entre être ivre et ivre
mort, un état qui de fait peut conduire à la
mort. Mais les jeunes ne sont pas dupes, ils
savent bien que celui qui boit tous les weekends jusqu’à s’en rendre malade a un problème, est malheureux.
Que répondre à mon enfant qui me
dit que, nous aussi les adultes, nous
buvons.
X. P. : Là encore, leur expliquer que tout
est dans la mesure et que boire un ou deux
verres d’alcool, cela ne constitue pas un danger. Mais les parents ont un devoir d’exemplarité, comme, celui de ne pas prendre le
volant lorsqu’ils ont bu. ◗
qu’il ne doit pas dépasser. C’est cette méconnaissance qui pose problème. Ensuite,
l’effet d’attente (le cerveau s’attend à…) est
très important sur les conséquences de la
prise d’alcool. Or, l’effet d’attente de convivialité, voire de “défonce”, est très fort chez
les jeunes et augmente les effets de l’alcool
sur l’organisme.
Un ado n’a
aucune idée de la
quantité d’alcool
qu’il ne doit pas
dépasser.
Philippe Batel
Quels sont les effets de l’alcool sur les
jeunes ? Sont-ils plus sensibles que les
adultes ?
PHILIPPE BATEL : Que ce soit chez le jeune
ou chez l’adulte, à poids et âge égal, la tolérance physiologique à l’alcool est très
différente d’un individu à l’autre. Mais entre
10 et 15 ans, un individu n’a pas le capital
enzymatique suffisant pour métaboliser
l’alcool. Cela se met en place progressivement avec les premières alcoolisations. Un
ado, n’a par ailleurs, aucune idée de la quantité suffisante d’alcool pour être bien et ce
Que puis-je expliquer à mon enfant
pour qu’il ne boive pas jusqu’à
l’ivresse ?
P. B. : Vous pouvez lui expliquer qu’il est à
un âge où il sensibilise et détermine son
cerveau pour le reste de sa vie. Le centre de
l’hypothalamus, cette zone du cerveau où
se codent les émotions et le sentiment de
satiété, est extrêmement sensibilisée par la
prise d’alcool, surtout avant 20 ans et s’il est
pris en trop grande quantité. Après 35 ans,
confronté à des facteurs de stress (et ils sont
nombreux et inévitables) la sensibilité de
l’hypothalamus est réveillée. Alors la seule
réponse satisfaisante au stress est celle qui
a été trouvée entre 15 et 25 ans. Devenue
adulte, la personne ne sait réagir qu’avec la
prise de substances psychoactives.
L’ivresse entraîne aussi des comportements
à risque, pouvant aller de l’accident de la
route jusqu’au suicide. C’est rare, mais l’accomplissement d’un suicide est favorisé par
la prise d’alcool. Enfin un argument qui peut
fonctionner avec les ados, c’est de leur faire
prendre conscience qu’ils sont manipulés
par les alcooliers qui sont en train de faire
d’eux leurs futurs clients de demain !
Est-ce que je peux conseiller un
nombre de verres maximum d’alcool à
mon enfant qui sort avec ses copains ?
P. B. : Ce genre de discours est vain. Les ados
font de toute façon l’expérience de l’ivresse.
Mais il faut accompagner son enfant pour limiter les risques. Lui dire : « Si tu bois, surtout
ne reste jamais isolé, reste toujours avec le
groupe ». On sait qu’en cas de coma éthylique, par exemple, l’isolement et le froid sont
des facteurs aggravants. Ensuite, on peut lui
conseiller de se fixer une quantité d’alcool à
boire dans un délai raisonnable et lui recommander de penser à manger.
Comment savoir si mon enfant boit
trop ?
P. B. : Tout simplement en lui posant la question. On fait de l’alcool un sujet tabou. Mais
il faut ouvrir le dialogue avec ses enfants.
On aborde le sujet de la contraception avec
sa fille à 14 ans, la question des substances
psychoactives doit faire partie des sujets
que l’on aborde systématiquement. Et il ne
faut pas hésiter à leur poser régulièrement
la question.
Peut-on proposer de l’alcool (une
coupe de champagne) à un jeune lors
d’une réunion de famille ?
P. B. : Il faut attendre que la demande vienne
de lui. Il ne faut pas le proposer d’office. Je
ne crois pas à l’éducation culturelle et gastronomique de l’alcool. Aucune étude n’a
montré que cela peut avoir un effet bénéfique sur le comportement de l’adolescent
face à l’alcool.
Que puis-je faire pour éviter le
phénomène du binge drinking ou
l’ivresse pour mon enfant ?
P. B. : Les messages préventifs ne sont pas
suffisants. Demandez à votre ado de vous
raconter sa première ivresse, de vous dire
ce qui était bien là dedans… et de voir avec
lui que tout n’était pas si rose. L’adolescence est la période de la bravade et tous
auront des anecdotes “formidables” à raconter, mais si l’un d’entre eux avoue l’envers du décor (se réveiller avec la gueule
de bois ou dans un lit avec quelqu’un que
l’on ne connaît pas, sans se souvenir de ce
qui s’est passé, par exemple…), cela peut
entraîner le changement de leur comportement. ◗
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