Sommaire - mémoires des catastrophes
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Sommaire - mémoires des catastrophes
Sommaire 1. AVANT-PROPOS Page 2 2. LES INONDATIONS DE DÉCEMBRE 2003 SUR LES COMMUNES DU CANTON DE LA TERRE D’ARGENCE Page 4 3. UN PEU D’HISTOIRE Page 16 4. CHRONOLOGIE DE LA CATASTROPHE Page 30 5. BILAN ET INTERROGATIONS Page 92 6. DES SOLUTIONS POUR ÉVITER LE RETOUR D’UN TEL ÉVÉNEMENT Page 106 7. LES INONDATIONS VUES PAR LES MÉDIAS Page 120 8. UN NOUVEAU SYNDICAT EN ORDRE DE MARCHE Page 124 9. EPILOGUE Page 128 ANNEXES ANNEXE I: IDENTITÉ DU RHÔNE Page 133 ANNEXE II: LE RHÔNE ET SES DIGUES Page 140 ANNEXE III: RÉCITS Page 153 ANNEXE IV: ÉTUDE DES CRUES Page 168 ANNEXE V: LA CRUE DE DÉCEMBRE 2003 Page 180 ANNEXE VI: LA CRUE ET LA PRESSE Page 189 ANNEXE VII: DES SOLUTIONS Page 212 ANNEXE VIII: CARTOGRAPHIE D’ÉVOLUTION DES BRAS DU RHÔNE Page 219 ANNEXE IX: INSTITUTIONS ET PARTICULIERS SOLIDAIRES Page 130 ANNEXE X: CRÉDIT PHOTOS ET DOCUMENTS Page 132 1. Avant-propos L’inondation que nous avons vécue en décembre 2003 est une catastrophe. Bien entendu, le drame qui s’est déroulé en Asie du Sud, suite au tremblement de terre et au tsunami du 26 décembre 2004, nous a invités, avec beaucoup d’humilité, à relativiser les conséquences de nos inondations. Nous avons étés bouleversés et affectés par cet événement historique par le nombre de victimes, près de trois cents mille morts, par l’ampleur des dégâts, par le nombre de pays et de nationalités touchés. Il s’agit d’un grand malheur mondial. Cela dit, toutes les catastrophes sont difficiles à affronter par les populations qui les vivent. Leur souvenir est encore vécu par un grand nombre de sinistrés comme une souffrance, comme un drame qui laissera des traces psychologiques indélébiles. Pour beaucoup d’entre nous, l’absence de références récentes d’inondations du Rhône dans nos mémoires a rendu encore plus inattendu, voire inadmissible cet événement. Bellegarde, comme bien d’autres communes riveraines de la plaine Rhodanienne, a subi en décembre 2003 une inondation due au Rhône, qualifiée «d’historique» par les experts. Beaucoup de choses ont été dites et écrites sur ces inondations exceptionnelles tant par des journalistes que par des scientifiques. Je me suis exprimé dans les «Chroniques Bellegardaises», tout au long de l’année 2004, sur cet évènement. J’y ai annoncé la publication d’un «livre mémoire» de cette crue. Cette idée m’est notamment venue après la lecture d’un cahier d’écolier dans lequel était consigné un récit écrit par Jean Biesse père: «les malheurs arrivés par la suite des inondations de 1840-1841». J’ai retranscrit ce texte que j’ai publié dans les «Chroniques» de Juillet 2004. Il m’est alors apparu intéressant de rapporter, comme l’avait fait Jean Biesse cent soixante trois ans plus tôt, la chronique de l’événement douloureux et exceptionnel que nous venions de vivre, illustrée de documents et de photographies. J’ai associé Pascal Crapé à ce travail de mémoire qui servira peut-être, aux générations futures, de témoignage concernant cette inondation. Il ne faut pas que cet événement dramatique sombre dans l’oubli. Celles et ceux d’entre vous qui l’ont vécu voudront sans doute garder cet ouvrage en souvenir. En écrivant et en réalisant ce livre, notre intention n’a pas été de ressasser ce drame collectif vécu par les habitants de la Terre d’Argence et bien d’autres. Le but recherché a été seulement d’essayer de contribuer modestement à la conservation des traces de cet événement qui fait partie désormais de notre histoire. Ce document bien que non exhaustif et imparfait, rassemble des informations qui constituent, ainsi regroupées dans un livre unique, un fonds documentaire qui relate la submersion de nos plaines par les eaux du Rhône. Le conseil municipal de la commune a décidé d’offrir un exemplaire de cet ouvrage à toutes les familles bellegardaises qui ont été inondées ainsi qu’à toutes les personnes qui ont manifesté à notre égard de la générosité ou des gestes de solidarité. Je dédie cet ouvrage à tous ceux et à toutes celles qui nous ont témoigné de la compassion, aux nombreux bénévoles qui avec courage, générosité et abnégation nous ont aidés dans ces moments difficiles, de jour comme de nuit, à nettoyer les rues et les maisons, à accueillir, orienter, conseiller les sinistrés, à distribuer les aides et les dons, à laver le linge souillé, à préparer et servir des repas chauds, etc. Je le dédie à celles et ceux qui nous ont adressé ou fait parvenir des aides financières et matérielles, aux nombreux sapeurs pompiers du Gard et des Charentes Maritimes, aux militaires de la Légion Etrangère, de la Sécurité Civile et de la Gendarmerie Nationale, aux personnels de la Police Nationale, de la Croix-Rouge, de la Protection Civile, aux nombreux élus de Bellegarde, du département et de nombreuses villes amies. Il m’est impossible de citer tout le monde. Je dis merci à celles et ceux qui nous ont généreusement aidés, tant avec leurs mains, qu’avec leur cœur. Elie Bataille Maire de Bellegarde et conseiller général du Gard Président de la communauté de communes «Beaucaire Terre d’Argence» 2. Les inondations de décembre 2003 sur les communes du canton de la Terre d’Argence Les inondations des 3 et 4 décembre 2003 ont concerné ou touché toutes les communes de notre communauté en occasionnant parfois des dégâts d’une exceptionnelle gravité. Cette inondation est caractérisée, pour notre canton, par quatre facteurs majeurs. En premier lieu la quantité d’eau qui s’est déversée par les surverses et surtout par les brèches: plus de cent millions de mètres cubes d’eau. En deuxième, c’est l’étendue des surfaces submergées: plus de dix mille hectares. En troisième, c’est la hauteur atteinte par les eaux: la submersion du territoire a été, en moyenne, d’un mètre cinquante avec par endroit, des hauteurs dépassant trois mètres. C’est enfin l’exceptionnelle durée des submersions qui a été caractéristique de cet événement: l’eau a mis plus de dix jours pour se retirer des zones habitées et il a fallu plusieurs semaines pour achever le ressuyage et la vidange des terres agricoles les plus basses. Les conséquences d’un tel événement sont toujours douloureuses, mais les causes ont été différentes d’une commune à l’autre. Pour Beaucaire et Vallabrègues, c’est le phénomène de surverse qui est à l’origine de dégâts importants. Bien qu’abrité derrière les digues construites par la CNR (Compagnie Nationale du Rhône), réputées insubmersibles, le village de Vallabrègues est inondé à la fois par la surverse due au débit du fleuve, mais aussi en raison du rôle de déversoir joué par la plaine nord de Tarascon. Huit maisons sur dix du village ancien sont envahies par les eaux; les mas dans les écarts sont évacués avant d’être irrémédiablement cernés par les eaux qui se dirigent vers l’est, jusqu’à la Montagnette, inondant Boulbon. Les eaux se retireront rapidement, mais plusieurs maisons resteront inhabitables pendant plusieurs jours, plusieurs semaines, plusieurs mois. Des familles sont relogées dans les mobile homes du camping. Comme Vallabrègues, Beaucaire subit la montée du fleuve, avec des eaux qui affleurent le sommet de la banquette. La ville basse est évacuée préventivement. Il n’y aura heureusement pas de surverse. Le pré en revanche, est inondé ainsi que la plaine et la zone des abattoirs. La digue des Marguilliers de construction toute récente, située au nord de l’agglomération ne lâche pas mais elle est submergée et l’eau passe, en surverse, 72 cm au-dessus. Plusieurs maisons sont inondées, cent cinquante personnes doivent être évacuées. Pour les plaines de Beaucaire, de Bellegarde et de Fourques, c’est la rupture de la digue de la rive droite du Petit-Rhône qui est à l’origine d’une catastrophe que plus personne n’imaginait possible. Les digues de la rive gauche du Grand Rhône ne concernent que peu les gardois, à l’exception de Vallabrègues. Il faut se réjouir que la digue de la rive droite du Grand Rhône ait tenu bon. Si une brèche équivalente à celle qui s’est ouverte sur le Petit-Rhône s’était produite entre Beaucaire et Fourques, il est vraisemblable que la plaine dite de Beaucaire qui concerne également Fourques et Bellegarde aurait été submergée beaucoup plus rapidement et avec deux mètres d’eau supplémentaires par rapport au niveau des plus hautes eaux de l’inondation du 3 décembre. Commune de Saint-Gilles Extension de l’inondation 7 décembre 2003 Commune de Beaucaire Extension de l’inondation 7 décembre 2003 L’inondation en Terre d’Argence observée le 6 décembre L’inondation sur la commune de Bellegarde observée le 6 décembre 0 Sur le Petit-Rhône, les digues, montées en mélange de terre et d’argile, fragilisées par les inondations précédentes ou par des points singuliers, ne résistent pas à la poussée de l’eau. Face au domaine de Petit Argence la surverse de la digue érode le pied de la digue, un trou se forme, puis, sous l’emprise du phénomène dit «de renard», s’élargit et la brèche devient inéluctable. A Fourques, les crues du Rhône et du Petit-Rhône font craindre le pire. Les eaux affluent dans le canal Philippe Lamour de BRL, puis dans le canal de navigation du Rhône à Sète. Tous deux récupèrent le trop-plein et débordent. Le débit du canal du Rhône à Sète est si fort que l’eau ne peut plus s’écouler dans le goulet d’étranglement de SaintGilles. Après Petit Argence, une deuxième brèche se forme en aval de Saint-Gilles, à Clairefarine. Elle inonde la plaine et les mas en direction de Sylvéréal, Aigues-Mortes et le sud de la Petite Camargue. Cette arrivée d’eau supplémentaire va, bien entendu, bloquer l’écoulement vers la mer de l’eau qui a envahi la plaine de Beaucaire. Les brèches du Petit-Rhône comme celles du Grand Rhône dont les eaux s’engouffrent sous la voie de chemin de fer au nord d’Arles, dégonflent le Petit-Rhône et le village de Fourques est épargné dans sa partie urbaine. Hélas, la brèche de Petit Argence s’est produite au point le plus proche de Bellegarde. Elle s’étend bientôt sur 75m, puis atteint 135m et 225m au fil des heures. Elle constitue une sorte de siphon naturel qui déleste la crue fangeuse dans la plaine en direction de Bellegarde et de ses 6 000 habitants, à l’endroit où on l’attendait le moins. Outre les mas, 800 habitations sont inondées à des niveaux variables, 600 seront sinistrées. 2500 personnes doivent quitter leur habitation. Deux cents d’entre elles se réfugient dans le Centre culturel des Sources. Deux cents sont accueillies au camp des Garrigues, d’autres à la base aéronavale de Garons. Les autres sont recueillies par des proches. La commune déplore un mort. De toutes les communes de la Terre d’Argence, c’est certainement Bellegarde qui a payé le plus lourd tribut à cette terrible inondation. De très nombreuses personnes ne regagneront pas leur maison avant l’été voire encore plus tard. Plus de soixante familles se succéderont dans trente neuf mobile homes. Sur le plateau de Coste Canet, ce «Village Blanc» restera longtemps comme un témoin visible de cette catastrophe. Début 2005, soit plus d’un an après la catastrophe, il est toujours là. Quasi désert, le village fantôme n’est occupé, fin janvier 2005, que par une seule famille. La plaine de Beaucaire est également largement submergée par cette inondation. De nombreux mas de cette plaine fertile sont inondés, leurs habitants totalement isolés. Malgré la position privilégiée du village, même à Jonquières-Saint-Vincent, des exploitations agricoles subissent des dégâts dus aux fortes précipitations. La moindre gravité des événements amène la commune à épauler ses voisines infortunées comme Comps notamment, qui après les terribles inondations du Gardon de septembre 2002, est à nouveau submergée par la crue du Rhône qui passe au-dessus de la digue. C’est le centre ancien de Comps qui est inondé par plus de deux mètres d’eau pour la seconde fois en un an. On comprend l’exaspération de ses habitants qui ne pensaient pas revoir une telle submersion aussi rapidement. La furie du Rhône Des maisons inondées, des routes coupées et une crue record à 12 600 m3 par seconde ➩ Casino municipal Véritable institution, le casino municipal est, de tous les établissements publics de la cité, celui que les Beaucairois viennent surveiller pour prendre la mesure des caprices du fleuve. La progression de l’eau sur les marches du grand escalier est un moyen de mesure infaillible. Or, cette fois-ci, ces dernières avaient complètement disparu sous les eaux. Un fait rarissime puisqu’il faut remonter en 1951 ou encore en 1936 pour voir le Rhône dans un tel état. Hier, les flots arrivaient, en effet, jusqu’au guichet central ! Caserne A partir de 11 heures, hier, la forte montée des eaux a contraint les pompiers à évacuer la caserne. Tout le matériel et les véhicules ont été transférés à l’usine Mepex sur la route de Nîmes. Un déménagement impromptu qui est venu perturber l’organisation des hommes du capitaine Lhéritier fort occupés à venir en aide aux habitants de Montfrin, Comps, Fourques, Vallabrègues et du Faubourg-du-pont, tous en état d’alerte... ➩ ➩ ➩ Du Pré jusqu’au nouveau pont ➩ Si, cette fois-ci, la porte Beauregard est restée totalement étanche, de nombreuses infiltrations sont apparues dans les parois de la banquette. Une résurgence a même vu le jour au quartier de la Croix du sud au pied de la vierge. A l’ancien passage qui allait aux quais, les services municipaux n’ont pas pris la peine de mettre des bastaings, ils ont tout simplement colmaté avec du concassé, provoquant la colère des habitants du quartier. Puis le déluge passé, les Beaucairois se sont pressés sur la banquette pour venir constater cette crue exceptionnelle. D’autres, plus angoissés s’étaient donnés rendez-vous au pied du nouveau pont pour suivre au plus près l’évolution du «fleuve-roi», dont le débit record dépassait les 12 600 m3 / seconde et surtout une hauteur de 11 m. La Compagnie nationale du Rhône prévoyait même 13 000 m3 / seconde dans la soirée. Route de Comps Après s’être érodée sous la pression de l’eau du Rhône, la digue des Marguilliers a fini par lâcher, hier dans la matinée, inondant toutes les maisons y compris celles, toutes neuves, voire toujours en construction, de la partie basse du Sizen. En succombant à cette crue exceptionnelle, la digue des Marguilliers (1,1 M€), n’aura pas pu fêter son deuxième anniversaire. 2 Commune de Saint-Gilles: la br èche de Clair efarine observée le 3 décembr brèche Clairefarine décembree Commune de Four ques: br gence observée le 3 décembr Fourques: brèche Argence décembree 2003 èche de Petit Ar 4 Dans toutes les communes, les dégâts sont considérables: habitations, entreprises, bâtiments publics, routes, réseaux d’eau, de téléphone, d’électricité, d’assainissement. De nombreuses exploitations agricoles sont touchées, des serres sont submergées, des cultures maraîchères détruites, des manades, installées sur les terres les plus basses, sont englouties. Des bergers ne réussissent à rassembler qu’une partie seulement de leurs troupeaux sur les levées du canal du Bas Rhône; des milliers de têtes de bétail sont perdues. Nos voisins de Saint-Gilles n’ont pas été épargnés, ils ont été pris en tenaille par les eaux des brèches de Petit Argence et de Clairefarine. Sur la rive gauche du Rhône, Tarascon, Boulbon, la vallée des Baux sont également touchées. La situation est catastrophique en Arles avec 8000 sinistrés et sa zone industrielle nord dévastée. Pour cette commune, c’est par les ségonaux situés au sud de Tarascon que le Rhône s’est engouffré dans deux trémies S.N.C.F., trémies réalisées sous la voie de chemin de fer pour supprimer des passages à niveau dangereux. Le monticule de terre qui faisait office de digue n’a pas résisté à la crue du Rhône. Cela étant, sur ce secteur, c’est la voie ferrée et son ballast qui font office de digue proprement dite. Celle-ci a résisté, c’est en fait le talus de terre qui faisait barrage devant l’entrée du passage sous la voie qui a cédé sous la pression de l’eau. W3... ■ Vendredi 5 décembre 2003 NIMES METROPOLE INONDATIONS RUPTURE Midi Libre Saint-Gilles sous les eaux, évacuations à Bellegarde La colère du Petit Rhône se propage à la plaine La brèche de la digue à Fourques a provoqué d’autres débordements ■ Fourques et Arles ont beau être voisines, la ▼ ▼ ▼ ▼ première est gardoise quand la seconde appartient aux Bouches-du-Rhône. C’est aussi là, entre les deux, que se séparent le Grand Rhône et le Petit Rhône. Le premier partira se perdre dans son immense delta avant d’arriver à la mer, tandis que l’autre, le petit, partira vers l’ouest, traversant le marais de la fosse, avec force méandres, pour arriver à son tour dans la Méditerranée. Une digue ayant rompu sur ce Petit Rhône, au niveau du Mas de la Petite Argence sur la commune de Fourques, c’est le canal du Rhône à Sète, tout proche sur une bonne partie du parcours, qui, récupère le trop plein et déborde à son tour. Un phénomène qui a démarré dans la nuit de mercredi à jeudi et n’a fait que s’accentuer dans la journée d’hier. A Fourques, tout d’abord, où l’on avait pris la précaution d’évacuer La brèche: préventivement une partie du village, le maire Gilles au mas de la Petit Argence Dumas continuait à informer ses concitoyens A 4 kilomètres des risques.En pestant de Bellegarde parfois: « Une dizaine de A Saint-Gilles, personnes n’a pas voulu l’eau montait partir. Nous avons encore encore hier soir deux pompiers qui ont failli mourir pour aller chercher Stabilisation des gens qui avaient refusé attendue de partir plus tôt.» au milieu A Bellegarde, hier soir, la moitié de la population du de la nuit village, soit 2 600 personnes, avait quitté les lieux. “ Ça monte très lentement, mais ça monte.La brèche s’est faite au point le plus proche de Bellegarde, à peine 4 kilomètres à vol d’oiseau”, explique cet habitant. Habituellement Bellegarde est inondé par les eaux de ruissellement des plateaux de Garons et de Manduel. L’eau arrive alors brusquementet de l’autre côté du village. Heureusement, la commune a placé sa salle municipale des Sources sur une hauteur. Hier encore, 200 personnes s’y sont réfugiées. A Saint-Gilles, on a aussi l’habitude de recevoir l’eau du nord de la commune, avec la Garonette qui, de Garons, dévale comme un oued en crue. Mais elle n’y était pour rien hier, puisque ce sont les quartiers bas et toute la plaine du sud qui ont pris l’eau. “ Dès une heure du matin, on a eu un C’est au niveau du mas de la Petite Argence que la digue s’est rompue. Photo José MUNOZ coup de fil des pompiers et on est allé qui est une bonne chose, mais certaines « On n’a prévenir les gens ”, explique le maire personnes n’y croient plus. ” La crue jamais vu Roland Gronchi. Devant le port fluvial, décennale du Rhône est censée les saint-gillois s’amassent. “ On n’a ça à Saintcorrespondre à 8 400 m3 / seconde, la crue jamais vu une chose pareille ! ” disent Gilles » annuelle est à 4200 m3/s.Hier, le Rhône unanimes les anciens. Roland Gronchi est monté à 12 987, m3/s au barrage de sait par les archives que Saint-Gilles a Vallabrègues, à Beaucaire. déjà été inondé par le sud, mais au XIXe siècle. “ A Saint-Gilles, on s’attendait hier soir à ce que Une digue avait alors rompu à Beaucaire. Mais je l’eau continue de monter jusqu’au milieu de la nuit, ne crois pas qu’une telle chose se soit produite au avant de se stabiliser. « Ça va peut-être mettre un XXe. ” ou deux jours à redescendre, mais l’essentiel est que Un lotissement et des maisons proches du port le Petit Rhône rentre dans son lit. Qui sait, peut-être ont les pieds dans l’eau, mais le maire s’inquiète que dès demain, on pourra commencer à colmater plutôt pour les gens de la plaine. “ Environ 200 la brèche...», espérait hier soir le premier adjoint personnes ont été évacuées. Il doit en rester une saint-gillois, Yvon Rouquel, tandis que quelques quarantaine. Ils s’estiment à l’abri. La préfecture rescapés s’apprêtaient à passer la nuit à la halle alerte quand le Rhône est à 6 000 m3 / seconde, ce E.L. Chouleur. 6 3. Un peu d’histoire L’ancienneté des submersions de 1840 et de 1856 a effacé de nos mémoires ce risque. Nous nous pensions protégés par des digues et nous sommes devenus amnésiques. Nombreux sont celles et ceux qui n’ont pas cru que l’eau monterait à un tel niveau, notamment dans les parties urbaines de la ville. Pourtant un événement similaire, encore plus dramatique, puisque résultant d’une rupture de digue du Grand Rhône entre Beaucaire et Fourques, s’était produit en 1840 et en 1856. Cela dit, il faut rappeler que les digues n’existaient quasiment pas à cette époque, en tous cas pas au niveau que nous connaissons aujourd’hui. «Avec un débit mesuré à Beaucaire dépassant les 13 000m3/s, le 3 décembre 2003, le Rhône a dépassé sa crue centennale estimée à 11 500m3/s». Il faut noter, c’est important, qu’il aura fallu attendre la publication du rapport «Balland», fin octobre 2004, pour que cette valeur de débit annoncée par la Compagnie Nationale du Rhône: près de 13 200m3/s, soit contestée et ramenée à 11 500m3/s. Quoi qu’il en soit, ce sont les fortes précipitations tombées sur la région lyonnaise qui sont à l’origine de la brusque montée du Rhône et de certains de ses affluents. Le PetitRhône ne draine que le neuvième du débit total, soit 1 450m3/s environ. C’est depuis l’époque romaine que les hommes ont commencé à se protéger des crues en élevant des digues. Sous Louis XIV, les digues du Rhône sont rehaussées mais à un niveau nettement insuffisant. C’est en effet à partir de 1862, pendant le règne de Napoléon III que les digues sont élevées au niveau actuel. Il faut rappeler que l’impératrice Eugénie était venue en Terre d’Argence pour réconforter les sinistrés de l’inondation de 1856. Dès cette époque, l’Empereur Napoléon III déclare à son ministre de l’agriculture, du commerce et des travaux publics, le 19 juillet 1856: «Je voudrais que, comme cela existe déjà pour quelques-uns, le régime des grands fleuves fût confié à une seule personne, afin que la direction fût unique et prompte dans le moment du danger». Il faudra attendre février 2004 pour qu’un préfet de bassin désigné par le gouvernement soit chargé de cette mission souhaitée par Napoléon III. D’autres crues remarquables ont été enregistrées et consignées dans divers documents historiques. En novembre 1674 les eaux passent largement au-dessus des remparts d’Avignon. Auparavant les crues de novembre 1548, octobre 1636, novembre 1651 sont considérées comme catastrophiques. Puis, après 1674 et avant 1840, c’est la crue de décembre 1755 qui est considérée comme centennale. Historiquement, les références pour notre canton en matière de crues du Rhône sont celles de 1840 et 1841 qui ont donné naissance à un syndicat de propriétaires riverains du Rhône qui se crée pour se protéger du fleuve. 1856, alors que les travaux de construction des digues qui nous protégeaient, en principe jusqu’ici, ne sont pas encore achevés, le Rhône inonde de nouveau, dans une crue formidable, la plaine de Camargue. En 1986, le syndicat de propriétaires est remplacé par un syndicat constitué par les communes touchées par le sinistre de 1840. Napoléon III visitant les inondés de Tarascon - Juin 1856, par William-Adolphe Boughereau 8 Carte de la crue de 1840, d’après le Syndicat des digues du Rhône à la mer 0 C’est ce syndicat qui depuis 1986, jusqu’au 31 décembre 2004 a assuré à lui seul la gestion des 49km de digues gardoises qui vont de l’aval de Beaucaire, à partir du Fer à Cheval, jusqu’à Sylvéréal, puisqu’à partir de ce point, la rive droite du Petit-Rhône est à nouveau dans les Bouches-du-Rhône jusqu’à la mer. L’Etat, via la Direction Départementale de l’Agriculture et de la Forêt (DDAF), actuellement placée sous l’autorité de Monsieur Rolland Commandré, a assisté ce syndicat dans le domaine de l’ingénierie mais n’a jamais participé au financement de son fonctionnement. L’Europe n’est ni associée ni concernée financièrement par les travaux de confortement, elle le sera dans le cadre des réparations des brèches. Il faut rappeler que le Rhône prend sa source en Suisse, qu’il reçoit l’eau de nombreux affluents, qu’il alimente des barrages hydroélectriques, qu’il refroidit des centrales nucléaires, qu’il constitue une voie navigable commerciale et touristique, qu’il irrigue d’immenses espaces agricoles et que de nombreux riverains boivent son eau, etc. Il n’est donc pas a priori le simple fait de notre département, de nos régions, de nos communes. Bien que connaissant ses fougues et sa puissance, les hommes l’ont toujours cotoyé et reconnu plus comme une voie de richesse et de prospérité plutôt qu’un danger imminent. Suite aux crues de 1993 et 1994, un programme de travaux de consolidation a été engagé sur les digues centenaires qui nécessitaient d’être rénovées voire refaites, tant côté Bouches-du-Rhône, sur la rive gauche du Petit-Rhône, que côté Gard sur la digue du Grand Rhône. Il faut rappeler que la digue de la rive gauche du Grand Rhône est constituée, entre Avignon et Arles, en grande partie par le ballast de la ligne de chemin de fer de Réseau Ferré de France, R.F.F. (ex SNCF). Les digues du Petit-Rhône sont en fait plus des «levées de terre» de forme rudimentaire, que de véritables digues. Une opération de travaux sur la digue entre Fourques et Grand Cabane avait été définie et programmée mais n’avait pas été engagée par le syndicat gardois au moment du drame. Côté Gard, onze communes étaient associées au sein du Syndicat des digues du Rhône de Beaucaire à Sylvéréal, elles s’étaient substituées à la structure antérieure. Il s’agissait de: Beaucaire, Fourques, Bellegarde, Saint-Gilles, Beauvoisin, Vauvert, Aigues-Mortes, Le Grau du Roi, Le Cailar, Saint-Laurent d’Aigouze, Aimargues. Le niveau de protection des zones endiguées est très variable d’un secteur à l’autre. L’agglomération de Beaucaire est plutôt bien protégée par sa banquette et par la digue CNR qui au sud, va jusqu’au Fer à Cheval. Au-delà et vers Fourques, la digue du Grand Rhône confortée après 1994 présente des revanches qui ont été à peine suffisantes pour maintenir la crue de décembre, présentant en certains endroits des zones de faiblesse. Il est clair que les digues du Petit-Rhône côté Gard étaient les plus vulnérables. Elles sont bien entendu plus basses que celles du Grand Rhône mais surtout plus basses, que celles de la rive gauche et structurellement plus fragiles. Il faut dire que les épisodes pluvieux que nous redoutons sont toujours accompagnés de vents d’est ou du sud, générant des surcôtes marines pouvant atteindre plus d’un mètre, qui engendrent une rehausse des lignes d’eau, ce qui a pour effet d’aggraver les volumes de surverse par-dessus les digues. Côté Bouches-du-Rhône, le syndicat en charge des digues était, jusqu’au 31 décembre 2004 également, le SYMADREM (Syndicat mixte d’aménagement des digues du Rhône et de la mer), structure créée progressivement à partir des crues de 1993-1994 et qui n’est devenue vraiment opérationnelle qu’à partir de 1999. Il faut rappeler qu’en octobre 1993, quatorze brèches se sont formées dans les digues de Camargue. Cinq sur le Grand Rhône, neuf sur la rive gauche du Petit-Rhône. En janvier 1994, une nouvelle crue provoque à nouveau la rupture de deux brèches importantes sur le Petit-Rhône, à proximité de l’autoroute A54. Aucune brèche ne s’était produite côté Gard. Ce syndicat engage, avec l’aide de l’Etat d’importants travaux de consolidation des digues du Grand et du Petit-Rhône. Côté Gard, le Syndicat des digues de Beaucaire à la mer entreprend fort judicieusement des travaux de confortement de la digue de Beaucaire à Fourques. Le SYMADREM était compétent pour la gestion de 179km d’ouvrages ceinturant la Camargue, dont 29km de digues maritimes et 150km de digues du Rhône et du Petit-Rhône. Il associait, jusqu’au 31 décembre 2004, outre les communes riveraines d’Arles, des Saintes-Maries de la Mer et de Port Saint-Louis du Rhône, la région PACA et le département des Bouches-du-Rhône. Il suffit en outre de comparer l’état des digues gardoises à celui des digues des Bouches-du-Rhône. Les unes présentent en de nombreux endroits une voie de roulement en crête et en pied, ce qui permet des interventions rapides en cas de commencement de submersion. Les autres étaient, jusqu’en 2004 et le sont encore aujourd’hui, après Grand Cabane, plus basses dans le Gard de 60cm. Leur entretien était dépassé, elles n’avaient pas de voie de service, leur entretien courant était effectué par deux gardes digues qui fauchaient et débroussaillaient les talus. De nombreux manques d’entretien ont été constatés, tant aux Pradeaux, à proximité de la zone de rupture de Clairefarine où une végétation abondante avait envahi la digue, qu’au niveau de la maison du garde digue de Petit Argence où la digue était inaccessible aux gardes, car clôturée de part et d’autre de la maison qui sera le point de départ de la brèche. Cette situation n’était ni équitable ni acceptable. En attendant, lourd bilan pour Bellegarde: un mort, des centaines d’habitations, des exploitations agricoles, des entreprises, des réseaux et installations publiques sinistrés, l’environnement de la moitié de notre territoire dévasté. Le programme de travaux commencé au printemps 2004 avait dans un premier temps, pour but, de mettre les digues gardoises au niveau de celles des Bouches-du-Rhône, puis il a été décidé, ce qui est une excellente chose, de remonter les digues gardoises à une hauteur de cinquante centimètres au-dessus de la ligne des plus hautes eaux de décembre 2003. Par ailleurs, la digue est élargie, épaissie de façon significative, comme dans les Bouchesdu-Rhône, afin de réaliser en tête, une voie empierrée circulable par des engins qui pourraient, le cas échéant apporter des matériaux de consolidation. Cela étant, la face située côté fleuve n’est pas couverte par un grillage «anti-fouisseurs». Ce programme confié à une seule entreprise prend beaucoup trop de temps. En janvier 2005, la mise à niveau et l’élargissement des digues n’avait pas atteint la brèche d’Argence, les travaux de confortement, commencés depuis le village de Fourques, n’avaient pas atteint le mas d’Asport en février 2005. 2 2 22 Carte du territoire des onze communes membres du Syndicat des Digues du Rhône de Beaucaire à Sylvéréal Commune de Saint-Gilles: brèche de Clairefarine, des voies d’accès inexistantes 2 4 Il eut été à mon sens pertinent de confier ces travaux par tranches à plusieurs entreprises, menant ainsi en parallèle leur avancement, plutôt que de les réaliser en série. De tous temps les crues du Rhône ont été le résultat de la conjonction d’événements climatiques séparés ou combinés: a. fortes précipitations sur les Cévennes dues à la rencontre d’air froid venu du nord et d’air chaud porté par les vents venus de la Méditerranée, b. pluviométrie océanique abondante sur le Massif Central et au nord de Lyon, c. pluviométrie océanique, voire méditerranéenne sur les Alpes. Les précipitations les plus abondantes ont généralement lieu en octobre ou en novembre, cela étant, les inondations de 1856 se sont déroulées fin mai. Elles ont été terribles pour Arles et légèrement moins hautes à Bellegarde que celles de 1840. Les grandes crues de 1840, 1856 et 2003 sont bien la conjonction de trois de ces phénomènes heureusement légèrement décalés dans le temps, la Durance comme la Saône, n’étant pas à leur débit maximum. Fin 2003, le Rhône, drainant l’eau de son bassin versant et de ses nombreux affluents, nous a montré que ses crues représentent un débit d’eau de plus de 13.000m3/seconde, d’après la CNR, que doit contenir une unique ligne centenaire de digues d’argile en partie consolidée entre Beaucaire et Fourques alors que rien n’avait été entrepris jusqu’ici sur la digue du Petit-Rhône. Les onze communes qui constituaient le syndicat des digues du Rhône ne pouvaient être à la hauteur de la gestion d’une telle responsabilité qui relève d’une plus large solidarité, de financements partagés, d’une réglementation, d’une cohérence unique, celle de l’Etat. Entre la Costière et la Camargue, la commune de Bellegarde s’est essentiellement protégée contre la menace issue des costières: le Rieu et le ruissellement des eaux de pluie. Après plus de 160 ans, le danger venu de la Camargue s’est rappelé à nous. Plus pernicieux peut-être car c’est sous un soleil printanier que l’eau dans toute sa tranquillité mais de façon implacable, est venue nous envahir, nous submerger, nous noyer, centimètre après centimètre. Jusqu’ici, quand on parlait d’inondations à Bellegarde, on ne faisait allusion qu’aux «estrades», aux débordements du Rieu qui collecte les eaux de ruissellement des bassins versants de Garons, Bouillargues, Manduel et des plateaux de Bellegarde. Personne n’a cru possible une submersion de notre territoire par les eaux du Rhône alors que cet événement redouté est mentionné sur les documents du Plan Local d’Urbanisme, PLU, (ex POS) de la zone sud de la commune. Après la submersion de la moitié du territoire de la commune, il a fallu attendre la longue, la trop longue décrue. Les inondations du Rieu ne durent que quelques minutes. L’eau du Rhône est restée, en plusieurs endroits, plus de quinze jours à des niveaux compris entre 2,5m, 1,5m, 1m de hauteur. Ce sont des pompes géantes des pompiers venus bénévolement de Dresde en Allemagne qui ont accéléré l’épuisement de l’eau, associées à l’action des pompes des pompiers gardois et charentais. Ces pompages ont été favorisés par l’écoulement naturel des eaux vers la mer et par une météo qui cette fois-ci, nous a été plus favorable. Il suffit de regarder une carte pour observer que l’eau de notre plaine a du mal à regagner gravitairement la mer à cause du goulet d’étranglement de Saint-Gilles, renforcé par le barrage constitué par le talus de l’autoroute A54. Il parait nécessaire de rendre plus transparent aux crues le remblai de l’A54, afin de faciliter l’écoulement des eaux vers la mer. On a du mal à comprendre comment les concepteurs de l’autoroute A54 n’ont pas pris en compte le caractère submersible de cet ouvrage avec comme conséquences plus de risque et une agravation de l’inondation. Parmi les ouvrages qui ont participé à l’accélération de la vidange de la plaine, il faut citer le canal de BRL. Le canal Philippe Lamour a été, comme le canal du Rhône à Sète, submergé depuis sa prise d’eau jusqu’à la station de pompage de Piechegut. Quand le niveau du Rhône a été suffisamment bas, la direction de BRL a pu ouvrir la prise d’eau pour un fonctionnement inversé, accélérant ainsi la vidange, encore appelée dans le jargon des hydrauliciens le «ressuyage». L’ensemble des plaines de Beaucaire, Fourques et Bellegarde et de la Petite Camargue est drainé ou irrigué par des canaux appartenant aux ASA agricoles. Il me parait nécessaire de souligner l’importance du rôle joué par les diverses associations syndicales hydrauliques qui, grâce à leurs dispositifs de pompage et de drainage, ont accéléré la vidange et l’assèchement des zones inondées. Ces associations chargées d’assainir ou d’irriguer des terres agricoles, de maintenir la nappe d’eau douce ou de dessaler des terres, ont décidé de s’unir de façon officielle depuis le 5 juillet 2004. Les premières associations ont été fondées en 1855, époque de l’endiguement du Rhône. Vidanger, ressuyer une inondation en trois jours, c’est mieux qu’en trois semaines. Les ASA réunies ont maintenant une capacité de pompage de trois millions de mètres cubes d’eau par jour, capacité qui devrait être portée à cinq millions. Elles sont au nombre de seize: - AS du marais de la Souteyrane AS du marais de la Fosse AS du canal de Capette AS du canal de Sylvéréal et du Bourgidou AS des propriétaires du Môle AS du couloir de Saint-Gilles AS d’assainissement des plaines de Fourques-Bellegarde AS des roubines de la plaine de Beaucaire AS des marais du Cougourlier AS d’irrigation des Aurillasses AS d’irrigation de la plaine de Fourques AS d’irrigation de l’Espérance AS de la roubine de Canavères AS du canal du Nourriguier AS du canal de Beaucaire AS du ruisseau des Crottes. 2 6 2 8 Ces diverses associations sont désormais regroupées au sein d’une structure unique de cohérence qui disposera d’une vue globale de la gestion des eaux et qui pourra, avec les collectivités locales et le préfet, agir avec efficacité et pertinence. Cette union qui a pour objet la construction, l’entretien et l’exploitation des ouvrages relevant de l’hydraulique agricole, prend le nom de «Union Des Associations Syndicales De Petite Camargue». Une fois l’eau retirée, le constat du sinistre fut consternant. Les dégâts considérables sont dus à la persistance de la submersion qui a terriblement affecté les constructions. Il faudra plusieurs mois avant que de nombreuses habitations ou locaux d’entreprises soient à nouveau habitables ou fonctionnels. En attendant nous avons mis sur pieds un plan de relogement fondé sur la solidarité de nos concitoyens, sur les offres des militaires et de certaines communes voisines. Les propositions d’offres d’hébergements ont été nombreuses. La commune a en outre aménagé le fameux «village blanc» constitué de «mobile homes» fournis par la préfecture du Gard, ce qui a permis de reloger de façon temporaire et par roulement, plus de 60 familles sur des terrains prêtés à la commune par des particuliers sur le plateau de Coste Canet. Au cours de cette tragédie se sont révélés des comportements admirables de solidarité et de générosité. De nombreux élus ou bénévoles du monde associatif, de simples anonymes ont exprimé de façon variée des gestes de solidarité exemplaires. J’ai écrit de nombreuses lettres de remerciements à celles et ceux que j’ai pu identifier. Je redoute de n’avoir pas rendu hommage à tous. L’eau se retire, mais les marques de la crue atteignent ici près de deux mètres Le «village blanc», constitué de mobile homes sur le plateau de Coste Canet 2 0 4. Chronologie de la catastrophe Contexte général En 2003, nous avons à Bellegarde, partagé de grands moments, réceptionné d’importantes réalisations comme le bureau de la Poste et le plan d’eau des Moulins, réalisé des grands travaux de prévention contre les inondations du Rieu et exécuté une importante extension du réseau d’éclairage public. Cela dit nous avons aussi vécu des heures d’angoisse avec les inondations du 22 septembre dues au débordement du Rieu et enduré, dans la tristesse, les tragiques accidents des fêtes d’octobre qui ont notamment entraîné la mort d’une Bellegardaise. Le point d’orgue de la désolation, de la dévastation, de la tragédie fut et ce sera sans aucun doute historique, celui des inondations dues à la rupture de la digue du Petit-Rhône face au mas de Petit Argence. Cela dit, ces instants dramatiques ont mis en évidence des actes de dévouement, d’abnégation, de courage d’exception. Oui il y a des gens formidables ! Dommage qu’il soit nécessaire de vivre ce type d’événements pour qu’ils se révèlent. Je l’ai déjà dit, mais il faut rappeler que pour les Bellegardais de nos générations, y compris pour les plus anciens, parler inondations c’était jusqu’ici parler des débordements du Rieu. Au cours du XXe siècle, nos concitoyens ont vécu ou subi de nombreuses «estrades», en français: débordements. Certaines d’entre elles ont été plus importantes que d’autres: 1909, 1920, 1958, 1973, 1977, 21 octobre 1999. Le XXIe siècle commence fort. Après les 8 et 9 septembre 2002 et à un peu plus d’un an d’intervalle, le département du Gard est à nouveau durement touché le 22 septembre 2003. Bellegarde également est concernée mais cette fois-ci les anciennes gravières de Sautebraut, le plan d’eau des Moulins associés à des relèvements de certaines digues du canal de protection et à d’autres dispositifs plus modestes, ont permis de limiter les dégâts occasionnés par des pluies diluviennes. Fort heureusement cet épisode pluvieux a donné sur Bellegarde des précipitations légèrement inférieures à 200mm. A quelques centaines de mètres à vol d’oiseau plus à l’ouest, ce sont près de 400mm d’eau qui sont tombés. C’est la raison pour laquelle il nous faut poursuivre notre protection contre les crues venant des bassins versants de Garons en augmentant les capacités des bassins stockeurs et en optimisant leur remplissage. Suite à cet épisode pluvieux, comme en 2002, Bellegarde a, cette année encore, été déclarée et reconnue en «catastrophe naturelle». Nous avons, en septembre 2002 comme en septembre 2003, évalué les dégâts dus à ces sinistres et présenté dans ces deux cas un programme de «réparations» concernant nos réseaux et notre voirie. Un programme de réparations et de consolidation spécifique a été élaboré et exécuté depuis pour le plan d’eau des Moulins qui a bien joué son rôle de bassin écrêteur d’embâcles mais qui a beaucoup souffert ce 22 septembre 2003. Et puis arrive le mois de décembre, le 3 décembre 2003 et contre toute attente, c’est par le sud que notre commune sera inondée. Rue d’Arles 1973 : le Rieu en crue Rue de Beaucaire Rue de Beaucaire Route de Beaucaire 3 2 Balandran: canal collecteur des crues issues de Garons Les bassins de stockage: les plans d’eau de Sautebraut et de Balandran 2005: le système de lutte contre les crues du Rieu Bassin écrêteur d’embâcles: le plan d’eau des Moulins Canal de déviation des crues A part pour le vin, l’année 2003, n’aura pas été un bon millésime pour Bellegarde. Après la neige, la canicule, les pluies de septembre et les accidents du mois d’octobre, cette catastrophe de décembre aura été le point d’orgue du malheur et de la désolation à tel point que certains diront que la Madone, dont la statue est érigée au sommet de la tour et qui semblait jusqu’ici veiller sur notre commune, s’était détournée de son village, bref qu’elle nous avait abandonnés ! Chronologie des événements Vendredi 28 novembre: Pensant que les risques d’inondation du Rieu qui résultent généralement des pluies de septembre ou octobre étaient maintenant derrière nous, mon épouse et moi-même, accompagnés de Serge et Cathy Rouzaud, partons pour des vacances bien méritées à l’Ile Maurice où nous attendait en principe, un séjour paradisiaque. Malgré un décalage horaire de trois heures nous suivons, grâce à la télévision et au téléphone portable, les informations qui se déroulent en France, puis les événements qui concernent le Gard et Bellegarde. Lundi 1er décembre: Alerte météo annoncée pour le Gard, l’Hérault et la Lozère par Météo France, reprise par Midi-Libre et relayée par les autorités préfectorales. Depuis fin novembre, une «conjonction rare de phénomènes pluvieux orageux» pour employer les termes météorologiques, arrose violemment le Gard, l’Hérault, la Lozère, mais aussi la Provence et les Alpes de Haute Provence. De nombreux ruisseaux grossissent, ils alimentent les affluents importants du Rhône et le Rhône lui-même. Ajoutée à ce phénomène, une «dépression» s’installe sur les bords de la Méditerranée, pousse les eaux de la mer vers la côte et fait monter, comme une marée, le niveau du Rhône de plus d’un mètre à ses embouchures. Alimenté en amont en eau par tous ses affluents en crue, la Saône exceptée heureusement, le fleuve est ralenti en aval par la remontée de la mer. Conséquences: les lignes d’eau du delta du Rhône ne cessent de s’élever pour atteindre des côtes très inquiétantes. Mardi 2 décembre: Un déluge sans fin s’abat sur le midi et notamment sur Marseille, Orange et dans l’Ardèche. On compte plusieurs morts ou disparus. Dans le département du Gard, une centaine de routes coupées désorganise les déplacements. Bellegarde semble épargnée et c’est un soleil quasi-printanier qui semble accueillir, à leur lever, les habitants, ce mardi 2 décembre 2003. 3 4 Bellegarde, surplombée par son château et sa «madone» Chiffres de volume d’eau reçu sur la partie française du bassin du Rhône Période (de 6H UTC à 6 H UTC) 30/11/03 - 01/12/03 01/12/03 - 02/12/03 02/12/03 - 03/12/03 03/12/03 - 04/12/03 Volume de précipitation (millions de m3) 549 3078 2567 380 STATION DE BEAUCAIRE Débit de pointe (m3/s) Débit moyen journalier maxi (m3/s) Date Gradient de montée de crue Nombre d’heures où le débit a été supérieur à 8 000m3/s Nombres d’heures où le débit a été supérieur à 10 000m3/s Volume écoulé en milliard de m3 Crue méditerranéenne extensive Décembre 2003 12 000 - 13 000 12 000 03/12/2003 200m3/s/h 62h 46h 2 jours 6 jours 2,8 3,8 3 6 ...M1B ■ Mardi 2 décembre 2003 Midi Libre INTEMPÉRIES La pluie n’en finit toujours pas de tomber et pourrait durer Routes coupées et cote d’alerte Montée des eaux dans la région. Vaucluse et Marseille les plus touchées ■ Orages et fortes pluies vont se poursuivre aujourd’hui sur notre région, où le niveau des rivières est suivi de près par les autorités. En Lozère, l’attention était focalisée sur deux points : l’Allier à Langogne, qui continuait en début de soirée à monter à un rythme de 30 cm à l’heure et le Lot à Mende, qui était à 40 cm de sa cote d’alerte à 18h30. Même préoccupation dans le Gard autour du Vidourle, qui a, atteint en fin de journée sa cote d’alerte à Vic-le-Fesq et à Quissac, sans atteindre toutefois un niveau inquiétant à Sommières. Alors qu’une trentaine de routes, traditionnellement inondables, étaient coupées hier soir dans le département, autour du Vigan, d’Anduze et en périphérie nîmoise, la préfecture gardoise n’a toutefois pas jugé utile de prévoir des mesures de restriction du ramassage scolaire. Le Gard rhodanien a été très touché, notamment la plaine de Pujaut. A Roquemaure, le collège a fermé dès 16 h et une vingtaine de personnes ont été regroupées dans la salle du troisième âge, en attendant un retour à la normale. La Cèze devait atteindre sa cote d’alerte dans la nuit. Plusieurs routes étaient également coupées hier soir dans l’Hérault, dans le secteur de Lunel et de Villeneuve-les-Maguelone. Quant au fleuve, il avait atteint en début de soirée sa cote d’alerte à Gignac, mais commençait à baisser à Un millier Ganges. A de personnes Millau, la évacuées préalerte a été à Marseille déclenchée pour le Tarn. Le gros des orages se décalait hier soir, concentrant les inquiétudes sur le Gard et la région Paca. Les pompiers du Vaucluse ont effectué près de 150 interventions, notam-ment à Avignon où une maison s’est effondrée et où la circulation était très difficile. Dans les Bouches-du-Rhône, une mini-tornade a touché Sausset-lesPins et Cany-le-Rouet, à l’ouest de Marseille, où des toitures ont été arrachées. ...M3 B ■ Lundi 1 décembre 2003 Alerte orange sur le Sud-Est ■ Météo France a émis un bulletin d’alerte de niveau orange (troisième niveau sur quatre dans huit départements du Sud-Est, où de fortes pluies et de violents orages étaient attendus ce lundi matin à partir de 4 heures et jusquà cet après-midi. Ce type d’«épisode pluvioorageux intense, accompagné de vents très forts, se produit environ une fois par an», selon le centre météorologique interrégional de Toulouse. Il devrait concerner le Gard, l’Hérault, la Lozère, les Alpes de Haute-Provence, les Alpes- Plusieurs quartiers de Marseille se sont retrouvés sous les eaux. La cité de la Gardanne, menacée par la montée des eaux de l’Huveaune, a dû être évacuée. 220 habitations basses, soit environ un millier de personnes,ont été évacuées, la plupart étant relogées chez des parents. Plus de 400 interventions de pompiers ont eu lieu entre 19h et minuit dans toute la ville, alors que des renforts de pompiers des départements voisins du Var, du Gard et du Vaucluse et de l’Hérault (25 hommes et cinq véhicules) étaient attendus pour épauler les 600 marins pompiers de la ville. L’ A51 a été bloquée entre Marseille et Aix. L’alerte orange de niveau 3 lancée par Météo France est maintenue jusqu’à la mi-journée, mais pourrait être prolongée, la pluie étant prévue pour durer toute la semaine. • ...M3 B ■ Mardi 2 décembre 2003 COURS D’EAU MÉTÉO Des précipitations importantes annoncées jusqu’à demain Avignon sous des trombes d’eau. Et des automobilistes en difficulté. sont La cote d’aler te d’alerte dépassée Maritimes, les Bouches-duRhône, le Var et le Vaucluse. «Des inondations importantes sont possibles dans les zones habituellement inondables» et des crues inhabituelles de ruisseaux et fossés peuvent se produire», selon Météo France, qui prévient que «de violents orages sont susceptibles de provoquer localement des dégâts importants». Les pouvoirs publics conseillent aux automobilistes de se renseigner avant d’entreprendre un déplacement, d’être vigilants et d’éviter le réseau secondaire. ■ Alors que Météo France maintient son bulletin de vigilance au moins jusqu’à midi, de nombreuses rivières de la région ont dépassé la cote d’alerte. Photo ML Météo France maintient son bulletin de vigilance jusqu’à midi alors que la cote d’alerte de certains cours d’eau est dépassée. C’est le cas du Vidourle, de l’Hérault, de la Cèze et du Rhône à la hauteur de Pujaut et de Roquemaure. A Bellegarde, le temps est plutôt au beau fixe. Le risque d’une nouvelle crue tant redoutée du Rieu, après les événements de septembre, est à présent écarté. Pourtant, non loin de là, la commune de Fourques dont le territoire est bordé par le Rhône et par le Petit-Rhône, vit dans la crainte, comme Pont-Saint-Esprit, Villeneuvelès-Avignon, Aramon, Vallabrègues, Boulbon, Comps, Beaucaire et Tarascon. De nombreuses villes sont sur le pied de guerre. Les eaux du fleuve dont le débit croît d’heure en heure, affleurent le haut des digues. Tout le monde redoute un déversement, voire une rupture de digue. Avec des prévisions de débit du Rhône comprises entre 10 280 et 11 400m3/s (valeurs CNR), certains maires font évacuer une partie de leur ville. Gilles Dumas maire de Fourques et président du Syndicat des digues de Beaucaire à la mer, organise pour la nuit du 2 au 3 décembre des patrouilles de surveillance des digues et lance un appel aux communes voisines pour héberger temporairement les fourquésiens évacués sur son ordre, par mesure préventive. Gilles Dumas pense, (Cf. Midi-Libre du 3 décembre), «qu’il y a quand même quelques facteurs favorables, toutes les observations et notamment celles des agriculteurs riverains, indiquent que le Rhône entre Beaucaire et la mer va un peu plus vite. Par ailleurs l’Ardèche est légèrement en décrue, en revanche la Durance achève sa montée à 1000m3/s à peu près». Mercredi 3 décembre: Le Président Jacques Chirac se rend à Marseille pour exprimer la solidarité nationale avec les sinistrés. Les robinets nîmois sont à sec, car le champ de captage des sources situé à Comps et à Beaucaire a été inondé. Bellegarde qui ne semble absolument pas menacée, répond, comme la ville de Nîmes, à l’appel de solidarité lancé par la municipalité de Fourques et dès le matin à 9h ce sont 200 «fourcatins» qui sont accueillis salle des Sources. Elus, bénévoles de la Banque Alimentaire et de la Croix Rouge, agents communaux, font en sorte d’apporter du réconfort à nos voisins et amis, membres de la communauté de communes Beaucaire Terre d’Argence et du canton de Beaucaire. Non loin de là, le Rhône plein de force, poursuit sa course vers la mer. Le maire d’Aramon fait évacuer sa commune à titre préventif. Fourques est également évacuée, mais a priori plus par mesure de précaution que par réel danger. Et puis, telle est la pensée collective, «même si l’eau envahissait Fourques, Bellegarde est encore à plus de 10km !». L’histoire sert même de preuve dans ce raisonnement, pour faire taire les quelques rares rumeurs alarmistes, puisque depuis 1856 plus personne n’a vu le Rhône dans la plaine. 10H30: un habitant de la plaine de Fourques, Pierre Dumas, qui connaît bien le Rhône, signale en mairie qu’une brèche dans la digue du Petit-Rhône au niveau du mas de Petit Argence vient de se former. Jean-Pierre Bouchet habite en face de la brèche. 3 8 C’est lui qui détecte la première surverse. Il est 9H30. Peu après, la digue explose sous l’ancienne maison du garde digue. Située à quatre kilomètres des portes sud de Bellegarde, cette brèche, dans laquelle s’engouffre l’eau du fleuve chargée de sable, de limon et de boue, se dirige tout droit sur Bellegarde en inondant toute la plaine. Le spectacle «est impressionnant», diront certains témoins ou spectateurs venus de Bellegarde, sans penser aux conséquences de ce type de «spectacle». Même si en théorie, seuls les 1/9e des eaux du Grand Rhône empruntent le lit du PetitRhône, les eaux en furie ont trouvé un nouvel exutoire sous la maison du garde digue. L’occupant de cette habitation aurait semble-t-il mais cela n’a pu être vérifié, creusé la digue pour y aménager un garage ou une cave, sans penser aux possibles conséquences de son acte. Cette partie affaiblie de la digue au droit de l’ancienne maison du garde, dans un ouvrage de terre, est en outre située au début d’un important virage du cours d’eau. Cette berge concave reçoit, selon les lois de la physique, des sollicitations considérables. De plus, cette digue qui n’avait jamais été rehaussée au niveau de la rive gauche, a été le point de départ d’un renard hydraulique qui a entraîné le délitement des matériaux de la digue sur plusieurs dizaines de mètres. Il faut rappeler que suite aux crues de 1994, le SYMADREM, syndicat en charge des digues côté Bouches-du-Rhône, avait fait renforcer et rehausser la digue de la rive gauche du Petit-Rhône située en face. Des travaux similaires concernant «notre digue» allaient commencer… Chacun sait que le Rhône a eu dans le passé de grandes colères entraînant dans sa puissance la désolation et la mort mais depuis 1856, rien de grave n’était arrivé, nous nous pensions protégés par les digues. Cette amnésie collective, nous a fait oublier que l’histoire peut se renouveler. Dans cette brèche, les eaux boueuses s’engouffrent. Tel un scalpel, elles découpent sur toute sa hauteur la maison du garde digue, en entraînant une partie avec elles, laissant l’autre moitié intacte et en place, comme par dérision ou pour laisser une preuve de leur puissance. D’heure en heure, les flots se déversent et arrachent mètre cube après mètre cube les parois de la digue. De 35m de trouée, la brèche atteindra finalement 135m puis 225m. Le débit qui se dirige sur Bellegarde est compris entre 200 et 250m3/s. En 24 heures cela représente 20 millions de mètres cubes d’eau ! 11H00: plusieurs témoins affirment que l’eau est déjà à moins de 3km du village. Elle s’engouffre dans le canal d’irrigation du Bas Rhône. Là encore, de nombreux spectateurs assistent à ce spectacle historique, sans pour autant réaliser la menace qui se prépare. Le président du Syndicat des digues pense que «les casiers» de terres basses comme le canal Philippe Lamour vont se remplir et que la montée des eaux devrait se stabiliser. 12H00: Alertée, la Gendarmerie organise par sécurité les premières évacuations des habitations situées à la périphérie de la commune et notamment les mas isolés. 14H00: par mesure de sécurité, alors qu’aucune information officielle sur la situation ou les mesures à prendre n’est encore parvenue, une cellule de crise est mise en place en mairie à l’initiative des élus de la commune et de Jean-Pierre Dupas Directeur Général Partout, le Rhône en furie déborde Tout au long de son cours gardois, le fleuve envahit les habitations de ses riverains ■ Hier, en fin de journée, les eaux du Rhône en furie dévalaient à la vitesse de 10 000 m3/seconde les portes du barrage de Vallabrègues,en amont des communes de Beaucaire et Tarascon. La crue était également spectaculaire à l’étiage avec près de sept mètres à Pont-Saint-Esprit à la jauge du quai Bonnefoy-Cibour et à dix mètres à Beaucaire, au niveau du port de la zone industrielle. Avec de tels niveaux, le fleuve a envahi, comme à l’accoutumée, les quartiers bas des villes qui le bordent. A Pont-Saint-Esprit, la place du Fort et ses environs immédiats avaient les pieds dans l’eau. Les sapeurspompiers ont évacué deux riverains dont les appartements situés au rezde-chaussée étaient menacés par la montée des eaux. Le vieux pont a été fermé à la circulation et sur la rive droite, le fleuve léchait plusieurs constructions. A l’aval, à Villeneuve-lez-Avignon, la situation était plus préoccupante encore. Plusieurs habitants du quartier de la Meynargue ont dû quitter leur maison en toute hâte, sauvant précipitamment quelques effets personnels. Les rues du quartier du Moulin ont été submergées. Et plus rare, l’avenue Charles-de-Gaulle, a été coupée en contrebas du fort Saint-André. A Beaucaire, il était à peine 10 heures hier matin quand les sapeurspompiers durent fermer les portes de la digue du Rhône. Noyant la base nautique, le casino municipal, les installations du Champ de foire, les riverains de Saint-Félix (dont les élèves avaient été évacués) et les arènes, le fleuve grimpait contre le rempart. Dans le même temps, un kilomètre à l’aval, en limite sud de la commune de Tarascon, la direction de l’usine Tembec (exCellulose du Rhône) prenait la décision de faire évacuer son site industriel. Seul le personnel en charge de l’arrêt technique de cette unité qui produit, en continu, 800 tonnes de pâte à papier par vingtquatre heures, restait à pied œuvre, alors que l’eau montait jusqu’à cinquante centimètres, dans les ateliers, en milieu d’après-midi. Tout au long du cours tumultueux du Rhône et de son lit majeur gorgé d’eau, gendarmerie et sapeurspompiers ont installé des cellules de veille. Les muni-cipalités ont préparé et activé des centres d’hébergement d’ur-gence. Dans les terres, à Aramon où une cellule de crise était opérationnelle depuis la nuit précédente, une vingtaine de mas de la plaine agricole, hors de la protection de la digue nouvellement recon-struite, ont été préventivement alertés. Même vigilance à Comps,où la municipalité, prête à organiser l’évacuation de la population, activait en fin de journée la première phase du plan de protection : les véhicules quittaient les parties basses du village. A Montfrin et Fourques, les sapeurspompiers établissaient deux PC de secteur. Alors que la situation semblait se stabiliser à la tombée de la nuit, avec notamment la décrue de l’Àrdèche, l’inquiétude demeurait. Divers épisodes orageux étaient encore attendus. Le Rhône n’avait donc pas atteint son niveau maximum. Tarascon et Fourques (lire ci-contre) s’apprétaient à affronter, au cœur de la nuit, un pic annoncé à 11 500 m3/ seconde. Autant qu’en septembre 2002. • 3 0 des Services, coordonnés par le 1er adjoint Jean-Claude Chapuis. Informé par téléphone de minute en minute de l’évolution de la situation, je décide de rentrer en France dans les heures qui suivent mais rien n’est simple avec le transport aérien. 16H00: un fax arrive en mairie, il est adressé par les services de la Préfecture, il indique qu’il n’y aura pas de ramassage scolaire le jeudi 4 décembre à cause des fortes précipitations sur le Gard, il n’est absolument pas fait mention de la crue du Rhône. 17H30: l’eau commence à remplir le canal Philippe Lamour. 18H: la RN 113 est coupée entre Fourques et Bellegarde. Même éloigné, je prends, avec le 1er adjoint la décision de faire évacuer la maison de retraite du mas Neuf. Evacuation qui s’effectue dans le calme, les pensionnaires étant accueillis dans la salle communale des Sources, dans un premier temps, puis dirigés vers l’hôpital d’Alès par la suite. A Beaucaire, le Rhône passe par-dessus la digue des Marguilliers et vient lécher la digue insubmersible de la Banquette. Son débit atteindra 12 600m3/s à 18H, 12 777m3/s à 21H30. Une large partie de la population de Beaucaire est invitée à quitter certaines zones jugées à risques, Bellegarde ne semble toujours pas concernée. Pour donner un débit de référence, il faut savoir que le débit moyen annuel du Rhône est de 1 300m3/s. En été 2003, lors de la période dite de « canicule », le débit du fleuve était tombé à 260m3/s, débit à peine suffisant pour assurer la navigation des péniches. 20H00: le commandant de Gendarmerie Bernard Ribiolet rejoint la cellule de crise installée salle du conseil en mairie. Il participe, avec les élus et le DGS à enregistrer les informations et à coordonner les premières demandes de secours. Cela étant, personne ne croit encore que l’eau va arriver jusqu’en ville, la plupart des Bellegardais vont se coucher mais la nuit sera de courte durée. Une nuit durant laquelle, gardes municipaux, élus et agents surveillent à tour de rôle l’évolution des eaux. Jeudi 4 décembre: 1H00: mes enfants Pascal et Magali, m’appellent et m’indiquent que l’eau poursuit sa progression. Elle a franchi le canal du Bas Rhône et s’approche de notre maison. Tous les habitants du quartier de l’Oasis, du chemin de Barrau quittent leur habitation. Ceux du mas Mirage ou du mas de Rom devront attendre le lendemain matin pour être hélitreuillés par la Sécurité Civile. Le canal du Rhône à Sète va être rapidement submergé, les plaisanciers qui habitent leur bateau ou des péniches s’organisent pour entrelacer, par un «papillonnage» astucieux, leurs navires, afin qu’ils ne partent pas à la dérive et qu’ils demeurent à la Réunion de crise en mairie Commune de Fourques. Brèche de Petit Argence et la maison du garde digue découpée par les eaux 4 2 verticale du chenal de navigation dans le but de ne pas se retrouver posés sur les berges ou sur les quais quand l’eau redescendra. 1H55: les premières évacuations du sud-est de la commune interviennent et se poursuivront toute la nuit comme la journée qui va suivre, quartier par quartier, au fur et à mesure de la progression de l’eau qui suit les courbes de niveaux altimétriques du terrain. Heure après heure, l’eau glaciale poursuit sa lente mais inexorable avancée. A 2H00: le débit du Rhône est annoncé à 13 200m3/s. En mairie salle du conseil, le PC de crise installé depuis la veille à 14 heures, vient de passer sa première nuit. Il est constitué d’élus et d’agents communaux qui reçoivent les appels, tentent de répondre aux différentes demandes, informent directement les administrés des dangers qu’ils peuvent encourir avec la montée des eaux. L’information doit se transformer parfois en véritable travail de persuasion, les futurs sinistrés n’ayant pas toujours conscience du drame qui se déroule. Certains n’imaginent même pas que le refuge de l’étage supérieur de leur habitation, lorsqu’ils en possèdent un, ne représente qu’une solution provisoire pour attendre des secours. En effet dès que l’eau monte, les tableaux électriques disjonctent, les maisons sont dans le noir et sans chauffage. L’eau n’est pas arrivée à la même heure partout, elle suit insidieusement les courbes de niveau, elle remplit les cuvettes. 4H00: une lame d’eau arrive sur le quartier du chemin de Barrau. L’eau monte de cinquante centimètres en dix minutes, puis inonde la nationale 113. Une évacuation générale est écartée car la vitesse de l’eau, après ce pic d’élévation, monte maintenant lentement. Le dilemme est de gérer les mises en sécurité des personnes sans précipitation ni panique. La vitesse lente de la montée des eaux a permis de donner dans l’ensemble, un ordre d’évacuation six heures avant que l’eau n’arrive dans les maisons. Il faut en effet avertir à temps pour ne pas risquer des vies mais aussi pouvoir proposer des solutions d’hébergement ou de relogement même temporaires aux personnes évacuées, assurer si nécessaire leur suivi médical grâce à la mobilisation des professionnels de santé du village. Heure après heure, les différents quartiers sud et sud-est de la ville sont évacués. Des élus et des agents communaux patrouillent dans les rues. Ils font du porte à porte, préviennent les habitants au portevoix ou par téléphone, qu’il faut évacuer. Ainsi se déroule cette première nuit de détresse. Au matin, c’est toute la population qui s’éveille hébétée par la situation avec pour certains encore le doute en soi: «Il est impossible que le Rhône vienne à Bellegarde...». 7H00: un oiseau chante. La brise matinale fait frémir quelques branches d’amandiers, tout est calme et dans de belles couleurs feu, le soleil émerge de la chaîne des Alpilles. La clarté se fait plus forte et c’est alors une mer brune qui apparaît là où s’étendait hier encore, la verte plaine de Camargue. De l’eau, de l’eau à perte de vue, puis des habitations, des alignements d’arbres, un canal s’est noyé, c’est le canal de Beaucaire à Aigues-Mortes puis un autre est porté disparu, c’est celui de BRL, la section Philippe Lamour. Voila les images que les Bellegardais ont pu découvrir du haut de notre Tour. Il est difficile de distinguer la grande ligne de la RN 113 et l’autoroute A54 submergées, toutes deux étrangement silencieuses puisque sans aucun trafic, difficile de situer le port de plaisance, avec ses bateaux qui semblent «égarés» puisque sans quai 0H40, port de plaisance: le canal sature, l’eau dépasse les quais 4 décembre: le jour levé, les limites du port ont disparu. Seuls les arbres et les bâtiments restent un repère... 4 4 d’amarrage. Au loin on devine, par leur toiture qui émerge des eaux, une maison, un bâtiment allongé, un hangar, tous ces bâtiments semblent engloutis. Ce sont les installations des manadiers Didelot et Jacquot. Depuis la Madone nous apercevons, comme au bord d’un lac immense ou d’une nouvelle mer, à l’est: Beaucaire, à l’ouest: Saint-Gilles, nos voisines, qui semblent construites au pied de la costière et comme Bellegarde, avoir les pieds dans le PetitRhône. Ce spectacle est à la fois surréaliste et irréel. Les images de ces immenses étendues d’eau qui apportent le malheur et la désolation sont belles, elles coupent le souffle. Elles ont été reprises par toutes les télévisions et les journaux. Ce qui est surréaliste, c’est encore cette seconde journée où le printemps semble déjà là. Un temps qui n’a rien de commun avec le drame qui se déroule dans la plaine entre le lit du Rhône et quatre kilomètres plus au nord, le piedmont de la costière. Alors, on photographie, on commente avec le voisin venu lui aussi se rendre compte ou encore avec l’ami grâce au téléphone portable. Il faut parler, enregistrer comme pour exorciser ce qui arrive et se résigner à dire enfin, «oui le Rhône est bien là et je suis en train de vivre cette réalité et ce drame». En bas dans le village, le lever du jour est l’occasion de faire un premier bilan de la situation. Il n’est pas très positif. Le tiers de la population a du être évacué. Deux cents habitants sont hébergés au Camp des Garrigues, chez les militaires où ils seront particulièrement bien accueillis, comme les sinistrés hébergés à la base aéronavale de Garons. Certains habitants de mas isolés ont été hélitreuillés. 9H: l’eau continue à monter. Thierry Rouzaud téléphone à mon fils Pascal pour prendre de ses nouvelles. Ce dernier est dans notre maison, il essaye de sauver certains objets et notamment les quarante albums photos qui sont la mémoire de la famille. 9H30: une rumeur circule, un drame vient de se dérouler. C’est ma fille Magali puis le Docteur Didierjean, présents sur les lieux du drame qui m’informent de cette terrible nouvelle que je ne peux me résoudre à croire. Ce malheur touche de plein fouet Serge et Cathy Rouzaud propriétaires du restaurant routier l’Oasis. Ils sont avec nous, il faut leur annoncer que leur enfant vient de mourir. Partis pour la première fois en vacances à l’étranger, le paradis se transforme en enfer. Leur restaurant et leur maison sont sous l’eau. Thierry, leur fils unique âgé de trente huit ans vient de décéder. Suite à une nuit de fatigue et de stress, il fait un malaise et meurt dans cette eau glacée du Rhône qui inonde tout le quartier de l’Oasis. Sa jeune femme Armelle était tout à côté de lui. L’annonce du décès de Thierry terrasse les Bellegardais qui dès lors parlent de malédiction. L’eau continue sa montée, l’évacuation méthodique des quartiers se poursuit. C’est un flot incessant de véhicules, de piétons qui circulent dans la ville. Les femmes et les enfants sont déposés chez des amis, des parents ou dans les lieux d’accueil de la mairie. La salle des Sources devient le centre névralgique de l’accueil des familles. Les femmes et les enfants sont mis à l’abri, alors que les hommes repartent à leur domicile pour sauver ce qui peut encore l’être. La spécificité de cette inondation résulte de la durée du phénomène et de son ampleur, toutes choses qui n’ont rien de comparable avec les conséquences des crues du Rieu. Il devient incontestable qu’il faut désormais compter en jours voire en semaines dans le cas le plus favorable, pour voir l’eau quitter la commune et se retrouver à pieds secs. Des mois seront nécessaires pour parfaire l’assèchement, l’assainissement et la reconstruction des habitations, des ateliers et exploitations agricoles. Ce n’est plus un accueil de quelques heures qu’il faut prévoir, mais bel et bien l’hébergement d’une population avec ses besoins pour une durée minimum d’une semaine ! Toute la journée, ceux que l’eau n’avait pas encore atteints, ont calfeutré tant bien que mal leur habitation avec des matériaux improvisés: briques et plâtre pour les uns, ruban d’étanchéité ou batardeaux pour les autres. Chacun y va de son génie et de ses moyens, mais tous sont convaincus intérieurement que si l’eau vient, rien ne l’arrêtera. La nuit descend sur la ville à demi-submergée et par précaution, la partie sud du centre ville est en voie d’évacuation. L’eau atteint à 16H00, l’entrée de la rue Jean Moulin qui donne sur la rue d’Arles, la pointe de la rue de la Tuilerie et la Gendarmerie dans la rue des Amazones. Heure après heure, les habitants vont vérifier l’avancée des eaux qui montent toujours. Cela dit la montée des eaux se ralentit. L’espoir que cela va s’arrêter devient crédible. 19H15: le débit du Rhône chute il atteint désormais 9800m3/s mais paradoxalement l’eau progresse toujours. 20H45: le débit du Rhône passe à 9100m3/s. Il perd entre 300 et 400m3/s toutes les heures. 22H30: les eaux semblent stagner. La fin de la crue du Rhône est officielle, l’eau ne monte plus. Le Rhône s’est arrêté à 250 mètres au sud de la mairie. La brèche de Petit Argence s’est ouverte à 9H30 le 3 décembre, l’eau est arrivée au rond-point de l’Oasis vers une heure du matin le 4 décembre, soit 16 heures après le début de l’inondation. Le niveau d’eau a atteint son maximum quand il est arrivé à 250 mètres de la mairie. Cela a duré 37 heures d’une montée inexorable et incoercible. Jean-Pierre Dupas me redira souvent le sentiment d’impuissance qui a été partagé par tous ceux qui regardaient monter cette eau inexorablement, sans pouvoir agir. La force de la nature nous remet à notre place d’humain bien humble devant son pouvoir quelques fois destructeur. Au cours de la nuit, le débit du grand fleuve poursuivra sa décrue. 4 6 Rue d’Arles Un horizon d’eau Sous les eaux, le CD 38 au niveau de Bellegarde La rue Jean Monnet Le canal du Rhône à Sète 4 8 L’Oasis - (Thierry Rouzaud en médaillon) Les Cents Salmées (au premier plan) - Bellegarde dans le fond Lieudit des Prébosses avec en fond les quartiers de Barrau et de la Tamarissière 4 0 Vendredi 5 décembre: La décrue est confirmée, le débit du Rhône, mesuré à Beaucaire passe à 6 850 m3/s à 3 heures du matin puis à 6 250m3/sec à 5H00. Le débit d’eau qui se déverse dans la plaine passe à 100m3/s ce qui représente encore près de 10 millions de m3 en 24 heures. C’est une nouvelle journée qui se lève et aussi un nouveau défi à relever. Plus long, plus désespérant certainement. Il faut constater l’ampleur des dégâts et commencer à prendre en compte les réparations. A 9H40, on annonce une diminution de 10cm du niveau d’eau au quartier dit de la Prairie qui néanmoins se trouve encore recouvert par 1,40m d’eau. C’est ce vendredi 5 décembre vers 14H30 que le maire que je suis, mon épouse et les parents de Thierry Rouzaud arrivent enfin à rejoindre Bellegarde après un voyage d’angoisse et de chagrin qui avait trop duré. Damien Alary, président du conseil général m’attend au pied d’un hélicoptère qu’il met immédiatement à ma disposition. Il sera le premier avec Mireille Cellier, maire de Beaucaire, à me réconforter, je ne l’oublierai jamais. Je survole notre commune et une large partie de notre canton. Je mesure alors l’ampleur du désastre et la gravité de la situation. C’est un maire profondément triste mais également fier qui prend immédiatement en mains la conduite de la situation de crise jusqu’ici assurée par son premier adjoint Jean-Claude Chapuis secondé par Gérard Monto, tous deux exténués de fatigue. D’autres élus comme Jacky Menouret, Denis Ceysson n’ont pas ménagé leur peine sur le terrain avec Raymond Pétrier, chef de la Police Municipale et la Gendarmerie. Au PC de la mairie géré par Jean-Pierre Dupas, le secrétariat du maire, assuré par Sylvie Carboni, épaulée par Françoise Llinarès et Isabelle Lanthelme assume ses missions d’information avec dévouement. J’étais immensément triste, pour la terrible tragédie qui venait de frapper Bellegarde et une large partie du canton et de la Terre d’Argence mais fier de l’exceptionnelle mobilisation des élus, des personnels communaux, des bénévoles rassemblés dans un formidable élan de solidarité. Toute ma vie je conserverai le souvenir de cette situation tragique, de cette situation de «guerre». J’ai, à plusieurs reprises, survolé en hélicoptère, grâce au concours des sapeurs pompiers, le territoire de la commune mais aussi du canton, de la ville d’Arles, de Saint-Gilles, de la Petite Camargue. J’ai parcouru en barque, en camion, en 4X4 des zones submergées. J’ai vu des chevaux, des taureaux, des brebis et toutes sortes d’animaux noyés, des maisons anéanties, des biens souillés et dispersés, des photos de famille et des souvenirs flotter dans l’eau boueuse. J’ai vu des exploitations agricoles, des ateliers, des restaurants, des commerces totalement sinistrés. J’ai écouté des populations meurtries, inquiètes que les pillards ne viennent ravir ce qui avait été épargné. Dès les premières heures de cette catastrophe, puis pendant de nombreuses semaines, la mairie a été au cœur du dispositif de coordination des secours, des aides de toute «Toute ma vie je conserverai le souvenir de cette situation tragique...» nature, des premiers travaux de réparation, de nettoyage, des aides psychologiques, de conseils auprès des impôts, des assureurs, des entreprises. Ma première décision concerne le bouclage des quartiers inondés que j’obtiens dans l’heure de Pierre-Alexandre Teulié, directeur de cabinet du préfet, grâce au concours ô combien efficace de la Légion Étrangère associée à la Gendarmerie. Les habitants sinistrés de Fourques accueillis depuis le 3 décembre ont pour la plupart la chance de regagner leur domicile. Le Rhône qui s’est trouvé délesté en s’engouffrant sous les trémies de la voie de chemin de fer au nord d’Arles et par l’ouverture inopinée de la brèche de Petit Argence, semble en effet avoir épargné leur commune. Une «ouverture» qui laissera chez certains Bellegardais quelques sombres doutes. La rumeur incitant à dire que le maire de Fourques, également président du Syndicat des digues gardoises du Rhône, aurait sacrifié Bellegarde pour sauver sa ville. Je n’accorde personnellement aucun crédit à ces rumeurs totalement infondées. Il n’est pas juste que les hommes qui se dévouent à la chose publique soient mis en cause de façon irrationnelle et qu’ils soient soupçonnés de mauvaises intentions. Il faut noter que ce sont les légionnaires du 1er Régiment étranger du Génie qui ont procédé au sauvetage des chevaux du centre équestre du mas de Rom. D’autres légionnaires, de façon énergique ont sauvé plusieurs taureaux Camargue perdus sur des «levadons». 5 2 Les lotissements de la Prairie et de Carrière Torte Ci-dessus: le mas Barrau 5 4 Jour après jour, la situation et les besoins se maîtrisent. La priorité est donnée à l’évacuation des eaux afin qu’un maximum de personnes puissent regagner dans les plus brefs délais leur habitation et engager au plus tôt le nettoyage, les premiers travaux de réparation puis un peu plus tard ceux de rénovation, quand l’humidité des locaux aura considérablement été résorbée. Les pompiers de Saint-Gilles, placés sous le commandement du capitaine Saltet, sont rapidement renforcés par ceux des Charentes Maritimes. La salle du conseil de la mairie conforte de jour en jour son rôle de véritable centre opérationnel chargé de coordonner les interventions et les décisions. Nous dépasserons tous très largement 12 à 16 heures de travail par jour. Les locaux des services techniques ayant été inondés, notre parc matériel stationne un peu partout et notamment sur la place de la mairie. Outre la forte présence et la contribution de Jean-Claude Chapuis, Odile Gibelin et de Gérard Monto à mes côtés, d’autres élus, comme Gérard Bonhomme, Thierry Gourdoux, ont tous joué un rôle important pour écouter, relayer, faire avancer nos actions de soutien et de solidarité. De nombreux volontaires de la Sécurité Civile ont également œuvré à nos côtés. Cela dit, je dois signaler une mention spéciale à William Villard, entrepreneur de travaux publics, qui tous les jours venait au PC prendre «des ordres d’intervention» pour canaliser les eaux, faciliter leur écoulement, évacuer des encombrants. La salle des Sources devient pour sa part le lieu d’accueil des sinistrés où repas, hébergement, informations et réconfort sont dispensés grâce à une équipe d’élus et de bénévoles qui se relaient pour assurer une permanence 24 heures sur 24 et dont l’action est coordonnée par Cathy Navatel. Au risque de ne pas les citer tous il faut rendre hommage aux couples Pago, Paris, Perez, Gascuel, Llinarès, Balséra, Borie, Manini, Mialon, à Jean Vidal, Martine Bastide, Michelle Clément, etc. La salle des sports est transformée en blanchisserie où une équipe de véritables «mères Denis» animée par Nathalie Brun, Virginie Ballaguer et Mme Mama Djamaa et bien entendu Françoise Denis, s’active à longueur de journées pour que chacun puisse repartir avec des vêtements propres et secs. Midi-Libre publie un article spécifique concernant ces bénévoles qui gèrent la laverie mais également la distribution de vêtements, de meubles, de produits d’entretien, etc. L’ensemble de ces tâches est considérable. Enfin d’autres lieux comme le hall d’entrée de la mairie dont l’accueil du public est assuré par Christine Laplanche et ses collègues des services du rez-de-chaussée ou le Point Information Jeunesse sont les sièges temporaires d’organismes d’assistance, de conseils ou de secours. Soutien psychologique, aide aux déclarations de sinistre, architectes de l’urgence, etc, sont les plus répandus. L’aide au logement et les secours financiers sont gérés en mairie par Line Lorca et Odile Gibelin. Elles ne chôment pas. Avec les membres du CCAS, mobilisés dès la première heure, nous décidons d’octroyer une aide financière de 300€ par mois, limitée à 3 mois, aux familles qui décident de louer une caravane ou un mobile home installé à proximité de leur habitation sinistrée. 5 6 W2... W2...■ Vendredi 12 décembre 2003 NIMES METROPOLE Midi Libre INONDATIONS TÉMOIGNAGE Une dizaine de bénévoles et de légionnaires ont réussi l’impossible Le miraculeux sauvetage des pensionnaires du Mas de Rom Soixante-dix chevaux et poneys échappent à la noyade. Récit d’une folle épopée ■“ Si j’avais su ! Je n’aurais pas eu à ▼ ▼ ▼ ▼ ▼ faire le crawl de ma vie ! ” Sylvie Binello, championne d’équitation, sapeur-pompier volontaire à ses heures, fait partie de ces sauveteurs qui ont ramené, à la nage, sur la terre ferme, les soixante-dix chevaux et poneys du club équestre du Mas de Rom à Bellegarde. In extremis. Cette nuit du 4 au 5 décembre, les membres du club équestre et une unité de légionnaires venus de Laudun ne sont pas prêts de l’oublier ! L’obscurité est d’encre. Partout l’eau monte. Chaque minute compte. Les bêtes sentent le danger. Elles sont complètement affolées et pour la plupart, déjà, en hypothermie. Pour assurer ce sauvetage, les hommes n’ont alors que deux barques à fond plat. Les poneys peuvent à peine embarquer, mais il est impossible , de faire monter les chevaux à bord. Le salut n’est pourtant qu’à un kilomètre. Vent de panique “On part à la nage. Il faut se sur les boxes jeter à l’eau. ” Dix heures de La manœuvre lutte pour la vie s ’ o r g a n i s e . Les chevaux Les poneys nageront deux embarquent par deux, accroLes chevaux chés de part et plongent d’autre des barLes légionnaires ques.On peut en faire traverser murmurent cinq à chaque aux oreilles voyage.Les des chevaux bêtes renâclent. Elles refusent de mettre un sabot dans cette eau noire que trouble le bruit des moteurs. Les hommes tirent à «dio», eux à «dia». Un vent de panique souffle sur les boxes. “Il ne faut surtout pas s’énerver. Calmons le jeu. Renouons la confiance”, conseille le directeur Grégory Cantarutti. Rompus à d’autres stratégies, plus musclées, les légionnaires, maintenant, murmurent à l’oreille des chevaux. “ Ne t’inquiète pas mon bébé.N’aie pas peur. Tu vas t’en sortir.Viens. Viens avec moi.” Valdour et Geisha viendront. A contre cœur. Tout tremblants. C’est le premier voyage. Le test. Gregory a peur. Solidaire, la société des courses héberge les pensionnaires du Mas de Rom sur l’hippodrome de Nîmes. déterminé, au premier étage Un échec signifierait le du mas. Avec son chat. Ses sacrifice de tout le cheptel... « On part Les hommes tirent, les à la nage. Il chiens. Minou,toutes griffes dehors, planté sur le haut de chevaux nagent “Ça passe ! ” faut se jeter l’armoire souffle “je pars Pour ceux-là au moins.Avec à l’eau » pas !” Les chiens montrent d’autres, l’aventure est les dents. périlleuse. Un cheval épuisé ne Plus facile à convainpeut pas aller plus loin. Un légionnaire plonge. Les sabots cre,l’homme cède et accepte finalement cinglent les flots. Après d’inter- de vider les lieux, Le chat, ivre de rage, minables, minutes d’effort, la bête oreilles plaquées, se ramasse dans sa caisse. On n’a plus le temps,ni vraiment repart. Ainsi de suite. Voyage après voyage. l’envie de refaire dans la dentelle.“ Vite! Tous plus périlleux les uns que les On balance les chiens dans l’eau. On autres. La nuit s’allonge. La fatigue et les repêche et on les hisse dans la le froid gagnent les sauveteurs. Les barque. ” Jeudi, en fin de journée, la chevaux sont de plus en plus messe est dite. Tous ces passagers, nerveux.Le plus vieux, âgé de 27 ans, malgré eux, de cette drôle d’arche de cardiaque, arrache la corde. “ Il se Noé sont sains et saufs. Solidaire,Jean-François Granier du calte”.Un plongeur de l’année nage centre équestre des Costières est venu vers lui... La folle épopée dure Jusqu’au bout à la rescousse. La société des courses de la nuit. Dix heures de folie. En milieu de l’hippodrome de Nîmes a ouvert ses de matinée, complètement épuisés, boxes aux rescapés du Mas de Rom. cavaliers et militaires n’ont pas encore Peu à peu, les chevaux se refont une terminé. Il reste à convaincre un santé. Les hommes, eux, refont irréductible. Lui ne veut à aucun prix l’histoire. Comment a-t-on pu en arriver “Nous n’avons abandonner ses animaux. Il campe, là ? Photo Michel PIEYRE pas imaginé une seule minute que nous allions être en si grand péril. C’était fou!” Dans la journée du mercredi 3 décembre, les informations sont plutôt rassurantes.On annonce le retrait des eaux. On se félicite de la décrue du Rhône. “Pour nous, l’alerte était passée. On pensait légitimement, ne plus rien risquer.Il n’y avait plus d’eau sur les terres et les écuries sont surélevées.” Sylvie Binello, cavalière émérite, veille sur son partenaire de cheval, (un Anglo-arabe, issu des haras nationaux), comme sur la prunelle de ses yeux. “ Jamais je ne mettrais Fétiche en danger. Plutôt mourir ! Nous nous sommes retrouvés immergés dans un drame inattendu. Figurez-vous que je me serais bien passée d’améliorer ma natation synchronisée ! ” Il est temps d’en sourire. Fétiche frissonne. Hier aprèsmidi, Gregory Cantarutti, un rien angoissé, remontait dans une barque. Direction le Mas de Rom “ Je n’ai pas encore pu retourner au centre. Je ne sais pas ce que je vais trouver!” Le souvenir d’une nuit froide. • Françoise CONDOTTA 5 8 Samedi 6 décembre: A 8H30, la cellule de crise installée dans la salle du conseil accueille Jean-Pierre Hugues préfet du Gard. J’ai invité Gilles Dumas à nous rejoindre qui annonce au préfet son intention de démissionner de ses fonctions de président des digues. Nous l’en dissuadons, car nous obtenons la garantie que le coût de la réparation sera pris en charge par l’Etat, en totalité. Pour éviter que Bellegarde devienne un parc d’attraction touristique pour voyeurs, nous obtenons des renforts de Gendarmerie et de la Légion Étrangère, ainsi que l’autorisation de boucler l’agglomération. Avec l’accord du préfet, une étude de faisabilité pour l’installation de mobile homes sur le plateau du Coste Canet est lancée avec la D.D.E. de Beaucaire et tout particulièrement MM. Renaud Durand et Michel Lescure, que je remercie pour leur soutien et conseils précieux. Trente neuf de ces habitations seront finalement fournies par la préfecture et permettront ainsi de reloger les familles qui en ont eu le plus besoin. D’autres seront hébergées par des amis ou les membres de leur famille. Etienne Mourrut, député-maire du Grau du Roi offre des hébergements dans des bungalows du camping de l’Espiguette. Ce même jour, la compagnie BRL confirme la remise en service des pompes de Grand Cabane (1,5m3/sec) situées à 2,5km en aval de la brèche d’Argence. Cette nouvelle apporte un léger mieux dans la situation, mais les performances des capacités de pompage restent insuffisantes pour évacuer rapidement les millions de mètres cubes d’eau qui occupent toute la plaine. A 16H00, il a fallu enterrer Thierry, décédé le 4 au matin dans cette eau glacée de décembre, endurer l’immense chagrin de ses parents et de sa jeune épouse. Dans ce type de situation, le plus insoutenable, ce sont les victimes et bien entendu la douleur des familles. Je me suis, à l’église Saint-Jean-Baptiste de Bellegarde, trop petite pour accueillir tout le monde, exprimé pour dire notre profonde émotion, notre immense chagrin et présenter à toute la famille nos condoléances et nos sentiments de réconfort. Ce drame humain, il faut le reconnaître, a engendré une conséquence positive, à savoir, une certaine réserve de la part de certains sinistrés qui ont relativisé leurs pertes matérielles. D’autres, de façon indécente ont réclamé leur part d’argent récolté lors de la quête offerte par le père Bellegarde, curé de la paroisse. Cela étant, je n’oublie pas le visage de certaines personnes traumatisées, choquées, désemparées devant l’ampleur du désastre. Ce sinistre qui a engendré d’énormes dégâts au plan économique et social a généré également des chocs, voire des désordres psychologiques indéniables. Dimanche 7 décembre: La liaison Bellegarde-Arles par la RN113 est rétablie. Peut-être que certaines des puissantes pompes qui évacuent les eaux en Arles, aussi sinistrée, pourront être détachées sur Bellegarde. 5 0 BC1... ■ Jeudi 25 décembre 2003 Midi Libre SOLIDARITÉ Depuis le 8 décembre à la halle des sports de Bellegarde Les mains dans le linge, la mère Denis joue les Vedette Pour venir en aide aux sinistrés, cette mère de famille s’est mise à disposition de la mairie ■ Ça ne s’invente pas. A l’instar de la ▼ ▼ ▼ ▼ ▼ célèbre mère Denis, star du petit écran dans les années 1980 pour la marque de machine à laver Vedette, Françoise Denis - bien plus jeune et bien plus jolie que sa devancière en la matière - n’a pas hésité à mettre les mains dans la lessive durant les inondations. Comme dirait l’autre, avé l’accent : “ Ça, c’est vrai ça ! ”. En effet, depuis le lundi 8 décembre, elle a pris en charge la gesSept jours tion du linge des sinistrés à la sur sept, halle des sports de 9 heures de Bellegarde. à 20h30 Sept jours sur Cent machines sept de 9 heures à 20 h 30, elle par jour finit plus Un bon système n’en de laver et de d’étiquettage sécher les affaires des Le sourire inondés de la aux lèvres commune. Au « C’est notre total, elle vide Mère Noël » sept barils de lessive et cinq bouteilles d’assouplissant par jour. Grâce aux cinq machines à laver, aux quatre sèches linges mis à disposition par le Secours populaire et épaulée par «Mama» et sa fille Mounia, elle réalise entre quatre-vingts et cent machines quotidiennement. Et cela, bien évidemment, sans compter les sacs de vêtements qu’elle emmène chez elle pour ne pas perdre une seconde. Une course A partir de demain soir, Françoise Denis prendra des vacances bien méritées. contre la montre, dans le but plupart avait besoin de parler, de venir en aide aux sinistrés, de se confier et d’être rassurée. « Tout le qui ne lui laisse le temps que Ici, elles ont trouvé des monde de grignoter entre midi et deux. personnes à leur écoute. Le y a mis “ Généralement, je mange sur personnel de la mairie s’est mis du coeur » le pouce un sandwich, des en quatre pour les réconforter croissants ou un fruit et je et trouver des solutions au cas repars au boulot. Pour moi, par cas. Travailler dans une c’est normal d’aider les personnes qui ambiance comme celle-là où tout le monde ont été inondées. Ça leur permet d’aller y met du cœur, au service de l’autre, c’est mettre de l’ordre chez elles, de nettoyer quelque chose de grand. C’est une belle et de sécher leur habitation, d’avoir le preuve de solidarité, tout simplement. ” temps d’aller racheter des meubles, etc. Une chose est sûre, cet ancien caporalAu total, plus d’une cinquantaine de chef qui a passé dix-sept ans sous les familles sont venues nous voir. La drapeaux n’a rien perdu de son sens de l’organisation. Pour ne pas s’emmêler les pinceaux entre les différents propriétaires, elle a instauré un système d’étiquetage qui suit le cheminement du linge. “ Il y a eu quelques ratés en raison du mistral qui a fait envoler les affaires étendues mais au final tout est rentré dans l’ordre. Et dans l’ensemble, tout s’est très bien passé. Les sacs étaient classés par ordre d’arrivée et surtout par priorité.Cela dépendait des familles, si elles avaient des enfants en bas âge ou pas,etc. Certaines personnes nous ont amené trente sacs d’un coup. C’était ingérable car il fallait contenter tout le monde. Le principe était de rendre deux sacs par famille et par jour. Il fallait parer au plus pressé ”, confie cette mère de famille de quatre enfants, qui a offert à chaque sinistré un sourire rayonnant. Sur son tee-shirt, on pouvait lire :“ Finis, boulot et stress, bonjours les vacances. Je peux enfin me la couler douce. Faites comme moi soyez une retraitée heureuse. ” A d’autres ! Marc-Ilian, Luc-Ewen, Emilie et Pierre-Loïc peuvent être fiers de leur maman. “Pour ma part, je dois remercier leur mamie qui les a gardés le midi et leur papa qui s’est occupé de les doucher et de leur donner à manger tous les soirs”, renchérit, en toute modestie, Françoise qui malgré sa discrétion n’a pas hésité à jouer les... Vedette. “ C’est notre Mère Noël ”, lâchait une sinistrée. On peut le voir aussi comme ça. • Laurent VERMOREL BEAUCAIRE Dimanche 7 décembre 2003 ■ BC1.. Midi Libre INONDATION Cellule de crise hier matin en mairie Bellegarde : le préfet offre les moyens pour s’en sortir Qu’il soit matériel, humain ou financier, Jean-Pierre Hugues a affirmé son soutien ▼ ▼ ▼ ▼ ■ Une cellule de crise s’est tenue hier à 8 h 30, dans l’hôtel de ville de Bellegarde, à l’initiative conjointe d’Élie Bataille, maire de la commune et de Gilles Dumas, maire de Fourques, en présence de JeanPierre Hugues, préfet du Gard. Après avoir paré au plus pressé, il faut, en effet, désormais s’organiser pour faire face à cette crise qui est partie pour durer. “ Je n’ai pas la certitude que les autorités étatiques aient bien pris conscience de la tragédie qui s’est abattue sur notre région, a déclaré Elie Bataille en préambule des débats.Avant de poursuivre : “ On ne peut pas désertifier et déshumaniser ces zones car ce serait catastrophique pour l’économie locale. Toutefois, on ne peut plus imaginer à notre époque que ce soit encore un syndicat et des communes qui gèrent ces digues. Ce devrait être à la charge de l’Etat.” La gestion Et le préfet de des digues à la répondre : “ Je vous rejoins charge de l’Etat tout à fait Gilles Dumas concernant la mise en place sur le départ d’une autorité du syndicat générale à la Emergence de charge de petites milices l ’ E t a t , t o u t , comme je ne communales veux pas ruiTrente mobiles ner l’écohomes mis nomie locale de ces difà disposition férentes zones. Par contre, je peux vous affirmer qu’on ne pourra plus délivrer de permis de construire dans ces endroits à risque.” Gilles Dumas prenait ensuite la parole en tant que président du syndicat des digues du Gard. “ Que devons nous faire en ce qui concerne la digue et qui paiera les travaux ? Car pour colmater la brèche, la somme estimée avoisine les 2 M€. ” Et Jean-Pierre Hugues de rétorquer: “ Dans tous les cas de figure, il faut, au plus vite, colmater cette brèche. Que le syndicat soit maître d’ouvrage et qu’il organise les réparations tout autant que les travaux de consolidation de l’endiguement jusqu’à Saint-Gilles (Ndlr le coût s’élève ici à 1 M€). Sur le plan financier, on trouvera une solution.Vous aurez un engagement, écrit de ma part, Jean-Pierre Hugues, le préfet, est venu au chevet des Bellegardais. lundi. On ne va pas faire les choses à et des personnes des habitants des moitié. Je n’ai pas envie de revenir communes de Bellegarde et Saintl’année prochaine pour d’autres Gilles, Elie Bataille a ensuite demandé à inondations. ” Jean-Pierre Hugues de bien vouloir Avant que Gilles Dumas ne reprenne la mettre en place une ceinture de sécurité parole: “ Je prends note mais ce qui est sur les grands axes routiers aux désolant en France, c’est abords des zones inondées, qu’on agit toujours quand assurée par la gendarmerie, pour tout est cassé au lieu de faire Feu vert éviter que les deux communes ne du préventif. Avec les 2 M€ pour réparer se transforment en un qui vont nous servir à et consolider “Eurodisney grandeur nature” colmater la brèche, on aurait comme ça avait été le cas l’an les digues pu conso-lider l’ensemble de dernier à Collias l’ouvrage sur le Petit Rhône, notamment,devenu subitement de Four-ques à Saint-Gilles. un véritable objet touristique. A On aurait ainsi sans doute pu éviter une noter d’ailleurs à ce sujet telle catastrophe. Car toutes les digues que des petites milices comqui ont été consolidées ces dernières munales en relation téléphoniannées ont tenu. ” que avec la gendarmerie ont vu le jour Fatigué de sonner toutes les sonnettes pour éviter tout risque de pillage dans d’alarme depuis quinze ans sans être les quartiers évacués. Certaines perentendu “ comme il se doit par les sonnes au fort accent roumain pouvoirs publics ” , Gilles Dumas a auraient d’ailleurs été priées d’aller voir d’ailleurs annoncé qu’il souhaitait se ailleurs sur les communes de Fourretirer de la présidence du syndicat des ques et Bellegarde. digues du Gard. Autre point évoqué : les mobile homes. En ce qui concerne la sécurité des biens L’an passé, pour des milliers de sinistrés, le département avait bénéficié de cent quatre-vingts bungalows au total. Cette année, il n’en disposera que de quatrevingt-dix. Bellegarde faisant partie des communes les plus touchées avec Laudun-L’Ardoise et Comps, une trentaine de ces logements de substitution devrait être mis à disposition sur les hauteurs de Coste Canet cette semaine. Ces derniers, en provenance d’Alès, nécessiteront deux jours d’installation. La priorité étant donnée, bien évidemment, aux propriétaires les plus touchés. JeanPierre Hugues a également annoncé que l’Allocation logement temporaire serait reactivée pour remercier, en quelque sorte, les familles d’accueil et faciliter le relogement des sinistrés. “ Le contingent que l’on nous attribue au niveau des mobile homes nous rassure car de nombreuses familles vont pouvoir retrouver un toit pour l’hiver. Il ne faut pas se leurrer, les habitants les plus touchés ne vont pas réintégrer de sitôt leurs habitations. Surtout, en cette période de l’année, confiait le premier magistrat de la commune. Le soutien financier matériel et humain de la part du représentant de l’Etat est très encourageant. D’autant qu’on ne s’attendait pas à ce qu’il nous donne son feu vert sur le projet de consolidation de l’endiguement reliant Bellegarde à Saint-Gilles. ” Outre les mobile homes, la municipalité, à la recherche de familles d’accueil (04 66 01 11 16), a eu le soutien de Daniel Legrand, maire de JonquieresSaint-Vincent et d’Étienne Mourrut, député-maire du Grau-du-Roi, qui ont proposé respectivement vingt et trente logements aux sans-abri bellegardais. A noter que la station d’épuration étant noyée, la municipalité va, dans les plus brefs délais, pour des raisons de salubrité, réquisitionner des sociétés d’assainissement. “ C’est une mission qui incombe à la commune, a souligné le préfet, car n’ayant pas eu de tragédie humaine, le plan Orsec n’a pas été déclaré sur le département, comme dans les autres départements sinistrés d’ailleurs. ” Jean-Pierre Hugues s’est enfin engagé à mettre tous les moyens en place pour que la station de pompage du mas de la Grande Cabane, à proximité de la brèche, soit reactivée au plus vite. • Laurent VERMOREL 6 2 Une inquiétude se dessine en fin d’après midi : les prévisions météo annoncent des pluies pour la nuit. Le drame serait alors que ces pluies grossissent le Rieu, dont l’exutoire naturel est le canal du Rhône à Sète désormais saturé par les eaux du Rhône. Les habitations qui ont échappé à la crue du Rhône seraient alors touchées par la crue du Rieu. Le ciel restera finalement clément envers les Bellegardais, une fois n’est pas coutume. Lundi 8 décembre: 9H: les puissantes pompes d’épuisement tant espérées arrivent et entrent en action. Le canal du Rhône à Sète ne peut évacuer que 15m3/s. Une dizaine de volontaires venus de la région de Dresde en Allemagne a installé sur le port de plaisance un campement qui vit en quasi autarcie. Ailleurs et notamment à Saint-Gilles, Franquevaux et Sylvéréal, le préfet a choisi de faire venir et mettre en action, depuis le 6 décembre, sept pompes d’une capacité de 1000 à 4000m3/h venues de Hollande. Le montant de cette intervention sera réglé par l’Etat. Beaucoup s’interrogent et se demande pourquoi il n’existe pas en France de sociétés spécialisées en unités de pompage mobiles de fortes capacités ? Cela dit, l’eau poursuit sa retraite. Dans les terres des Corrèges, elle est passée de 2,50m son plus haut niveau à 1,70m. En fin d’après midi, la Compagnie BRL annonce que les stations de pompage de Grand Cabane et de Piechegut sont de nouveau en service. Elles éliminent 35m3/s ce qui ne peut que favoriser d’autant le retrait des eaux. Le niveau des eaux a baissé de 80cm ce qui a permis à certains habitants de pouvoir entreprendre les travaux de nettoyage. Pour les autres il faudra attendre encore, attendre que les agents EDF, sur le pied de guerre, rétablissent, secteur après secteur, la fée électricité. La réparation de la brèche a commencé depuis quelques jours. Les principes de réparation sont définis par la D.D.A.F., M. Romain Fater, ingénieur et directeur du syndicat intercommunal du Gard. C’est un ouvrage de titan, un travail pharaonique. Pour reconstruire 225m de digue, il faut tout d’abord combler une excavation de plus de 8m de profondeur avant de construire la digue proprement dite d’une hauteur de 5m. Ce sont des milliers de tonnes de matériaux qu’il faut acheminer depuis l’autoroute A54. Les travaux de comblement de la brèche se poursuivent. Sur les 225m linéaires initiaux, seuls 30m restent à terminer. Côté aides financières, la procédure d’extrême urgence est mise en place. Les réparations des digues au droit des brèches de Petit Argence et Clairefarine coûteront au total 4,8M€, alors que le programme de confortement de 10km de digues «ne coûte que 2,2M€». C’est l’Etat qui prend en charge la totalité des réparations. En fait, un peu plus tard, nous apprendrons que l’Europe participera financièrement, par le biais du Fonds de Solidarité Européen (FSUE), à ces réparations comme à d’autres, comme par exemple la réparation de nos voiries endommagées. Les pompes en action : ci-dessus en Arles, ci-dessous à Bellegarde 6 4 6 6 Le montant des secours accordés à tous les sinistrés par l’Etat et le conseil général est de 150€ par adulte et de 65€ par enfant à charge, leur distribution commence aujourd’hui. Côté gymnase Pierre de Coubertin, les sinistrés viennent chercher des vêtements, de la vaisselle, des produits d’entretien et continuent à faire laver leur linge. La mairie distribue des tickets téléphone offerts par France Télécom valant 10€ de communications et commence à attribuer aux plus démunis des dons collectés par la Croix Rouge ou par la commune. Ce lundi, 22 personnels de la 1ère compagnie de l’Unité d’Instruction et d’Intervention de la Sécurité Civile N°7 (UIISC7), placés sous le commandement du Capitaine Vincent Tissier, entrent en action. Ils livrent du fourrage aux manadiers, commencent le nettoyage des maisons des habitants de notre ville. Une autre section de 22 autres personnels est affectée à l’enlèvement des encombrants et nettoie les chaussées. Mardi 9 décembre: Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur se rend en Arles pour annoncer que le gouvernement allait débloquer 24M€ destinés aux réparations et au confortement des digues du grand delta du Rhône. Damien Alary, président du conseil général du Gard demande au président Jacques Chirac la mise en œuvre d’un plan «Marshall» pour le Rhône financé par l’Etat et l’Europe. A Bellegarde, les pompes installées sur le port de plaisance refoulent l’eau dans le canal du Rhône à Sète, l’eau poursuit son retrait. Plus au sud, les travaux de la réparation de la digue s’exécutent. A 15H30 la brèche est enfin comblée à un niveau très bas qui pourrait être submergé en cas de nouvelle crue même de faible ampleur. Il faudra attendre plusieurs semaines encore pour que cette réparation soit amenée au niveau définitif de la digue. Les 44 personnels de l’UIISC7 poursuivent leur tâche «taxi Camargue», livraison de nourriture pour animaux et nettoyage de la ville. Les grands travaux réalisés avec des engins, des pelles mécaniques, des laveuses, des hydro cureuses, etc., sont spectaculaires. Les petits travaux qualifiés quelques fois de «travaux de fourmis», souvent anonymes, ne sont pourtant pas à négliger. Ainsi, une fois l’eau évacuée, la digue consolidée provisoirement, il reste néanmoins la boue, la moisissure qui se développe déjà. Chacun organise le tri et le lavage de ce qui peut être sauvé et notamment la sauvegarde ou la réhabilitation des souvenirs auxquels nous sommes attachés. Qu’ils soient pompiers du Gard ou des Charentes Maritimes, volontaires de la Protection Civile, militaires de la légion, bénévoles de communes voisines ou venus de communes amies comme Venelles près d’Aix en Provence, élèves de certains lycées de Nîmes ou de l’école de Police de Nîmes, salariés d’entreprises mis gracieusement à notre service, employés communaux de Bellegarde, ils ont été des centaines à prêter main forte, allant de maison en maison, pelle, balai, raclette à la main. Anonymement, ils ont aidé à redonner vie à la commune. Le résultat sera remarquable, la quasi-totalité de la boue aura été éliminée avant le 24 décembre. Mercredi 10 décembre: L’autoroute A54 est toujours fermée à la circulation, elle le restera encore une semaine. L’eau baisse de 15 à 20cm par jour. Une semaine après le début de la crise, les quartiers de Bellegarde, un à un deviennent accessibles aux équipes de nettoyage, aux équipes municipales, aux habitants, aux experts d’assurances qui viennent constater l’ampleur des dégâts. Les agents des impôts, en application des mesures fiscales prises au bénéfice des sinistrés, décidées par le gouvernement, sont venus sur place, en mairie puis au Point Information Jeunesse, procéder au remboursement de tout ou partie des impôts locaux. Ils reviendront encore. Nous sommes confrontés à des demandes de foin pour nourrir les nombreux animaux des éleveurs de la commune mais nous parviendrons à faire face aux premières nécessités. Jeudi 11 décembre: Les journaux de la presse locale et nationale, comme les radios et les télévisions annoncent qu’un rapport d’étude sur les crues du Rhône contenant un diagnostic complet sur les dangers du fleuve est resté lettre morte, aucune recommandation n’a été mise en œuvre. Ce rapport a été réalisé par la société Hydratec de 1998 à novembre 2002. Cette étude, financée par l’Etat mais «portée» par Territoire Rhône, a pour finalité de proposer une stratégie globale de réduction des risques dus aux crues du Rhône. Ce rapport est aujourd’hui disponible sur internet. L’annonce de cette information, mais ce n’est pas le seul fait générateur, pousse les sinistrés de Bellegarde comme d’ailleurs à se regrouper en association de défense, de vigilance. Le sentiment généralement partagé est qu’il semble anormal de ne pas avoir publié plus tôt ce rapport et mis en œuvre certaines de ses préconisations, ce qui aurait pu réduire les conséquences de cette crue. En fait, la mise en œuvre effective de certaines solutions demande des structures porteuses de projets, des financements et du temps. Rien de bien concret, en terme de protection, n’aurait pu être mis en chantier entre décembre 2002 et décembre 2003. Le Rhône qui prend sa source au Mont Saint Gothard, arrive en Camargue chargé des eaux de ses nombreux affluents. Il aurait pu se jeter à la mer dans la même commune ou dans le même département voire dans la même région. Et bien non, le delta du Rhône concerne plus de 14 communes, deux départements, celui des Bouches-duRhône et du Gard, deux régions, Provence Alpes Côte d’Azur et Languedoc Roussillon. Cette diversité administrative n’a pas, jusqu’ici, facilité la vision globale de la problématique des crues, ni la cohérence d’actions sur l’ensemble du delta, ni le processus de décisions. 6 8 6 0 2 évènement INONDATIONS LIBERATION JEUDI 11 DÉCEMBRE 2003 CRUES DU RHONE : L’ÉTUDE Un rapport fournissait, dès novembre 2002, un diagnostic complet sur les dangers Marseille de notre correspondant : e bous.» Benoît Cortier a coordonné, pour le bureau d’assistance technique lyonnais Hydratéc, une importante étude sur les crues du Rhône, la première approche globale de la question. «Le scénario qu’on voit aujourd’hui autour d’Arles avait été identifié, son impact chiffré, des solutions exposées», explique-t-il. L’étude (1), rendue en novembre 2002, indiquait notamment que «les digues du palier d’Arles, entre Beaucaire et Fourques, ne peuvent résister à une crue supérieure à la crue centennale. Les surverses au-dessus de la digue gardoise et de la voie ferrée Tarascon-Arles, et les brèches qui en résulteraient, provoqueraient l’inondation généralisée du delta sous plus de 1 mètre d’eau». Cette prédiction s’est malheureusement vérifiée, au moins en partie, la semaine dernière. Mais, depuis la publication de l’étude, aucune action concrète n’a été réalisée. Certes, en si peu de temps, on n’aurait pu éviter le pire. Mais, au moins, «enclencher une dynamique, un débat», estime Benoît Cortier. Qui ajoute: «L’Etat ne peut pas dire: «On va engager une étude». L’étude, on l’a. L’Etat l’a financée, cautionnée, validée, mais s’assoit dessus.» Cette étude a mis beaucoup de temps à être effectuée, elle en prend aussi trop à être connue. Bien que disponible en partie sur Intemet(2), elle n’est pas vraiment publique. «Etude à diffusion restreinte», statut étrange pour un document qui offre, de l’avis général, un diagnostic complet, qui a mobilisé beaucoup d’énergies et a coûté 3,5 millions d’euros. Mais si elle gêne les pouvoirs publics, c’est parce qu’elle décrit dans le détail une réalité que nul ne peut désormais ignorer: le système de protection des crues du Rhône ne fonctionne plus. Tous ceux qui l’ont lue avant la semaine passée ont, depuis, un goût amer en bouche: ils savaient que, au dessus d’un certain débit du Rhône, ça allait péter. Ils savaient même où cela pouvait péter. Cette chronique d’une catastrophe annoncée fait mal. Pour en sortir, l’étude suggère des mesures drastiques, qui peuvent enrayer les populations et coûteraient des sommes faramineuses. Mais c’est la mesure à prendre si on veut affronter leproblème. «J Les constats | En cas de crue centennale - comme la semaine dernière-, l’inondation est inévitable. Il faut l’accepter. La vallée fluviale du Rhône La semaine dernière, le sud de la France était de nouveau la proie d’intempéries et l’alerte orange était lancée dans douze départements. Le bilan provisoire de cette crue centennale fait état de sept morts. Dès novembre 2002, un rapport pointait les risques potentiels dus aux crues du fleuve et notamment les conséquences sur la population et l’économie de la vallée. Champs d’expansion actuels Plaines soustraites aux inondations Principales digues syndicales et communales D’ailleurs, rendre le delta et la Camargue étanches provoquerait des problèmes plus haut, sur Avignon et Lyon. Donc, pour protéger certains centres urbains, on doit sacrifier d’autres territoires, moins peuplés, qu’on inonde au besoin. C’est ce que l’on fait déjà. Mais il faut trouver de nouvelles plaines inondables, car on a trop rétréci le Rhône, et il a besoin de prendre ses aises. En fait, les risques de crues «ont peu évolué depuis plusieurs siècles», note le rapport. Simplement, les aménagements le long du fleuve (hydroélectricité, digues, etc.) «ont réduit les espaces inondables». Conséquence: le Rhône manque d’espaces de liberté pour s’étendre quand il entre en crue. Surtout que son lit a été progressivement chenalisé, notamment pour la navigation. Les anciens bras d’écoulement ont été comblés. Résultat: la ligne d’eau s’est élevée, parfois de plus d’un mètre. l000km de digues enserrent le Rhône. 570 sont l’oeuvre de la Compagnie nationale du Rhône (CNR), elles sont solides. Les 430 kilomètres restants, gérés par des syndicats ou des communes, ne sont, en certains secteurs, plus adaptés. Notamment dans le delta du Rhône, exutoire naturel dufleuve. Là, on s’en est aperçu, elles ne peuvent contenir une crue centennale. C’est surtout le Petit Rhône,au sud d’Arles, qui menace. Il y a là un énorme travail de rehaussement et de renforcement des digues à effectuer. Les suggestions Si les crues ne s’évitent pas, elles peuvent se maîtriser, notamment en freinant l’arrivée de l’eau. Pour cela, l’étude propose de construire des ouvrages dits de surverse, notamment sur la plaine de Trébon -précisément l’endroit d’Arles inondé. Un autre ouvrage de surverse en rive droite (plaine du Gard, également inondée la semaine demière)est suggéré, ainsi qu’un déversoir en aval de l’é- Population concernée 556 000 habitants répartis sur 310 communes 155 communes rurales (10% de la population de la vallée). 155 communes situées dans des pôles urbains (90% de la population de la vallée). Sinistrés potentiels 28000 personnes en crue décennale, 62 000 personnes en crue centennale et 158000 personnes en crue millénaire. Risques économiques Plus de 13 000 entreprises représentant 100 000 emplois sont situées en zone inondable. 103 000 hectares de terres agricoles sont exposés au risque d’inondation, dont 68 000 hectares dans le seul delta du Rhône cluse de Saint-Gilles, en Camargue. Des grands travaux, très coûteux, mais apparemment indispensables. L’étude propose également de rouvrir d’anciens bras du fleuve, de dévégétaliser certaines îles, de supprimer les dépôts de sédiments, ce qui permettrait d’abaisser la ligne d’eau. Cette remise à un état naturel serait notamment à la charge de la CNR. Enfin, il faut aussi curer le Petit Rhône et rescinder ses méandres, dans le même but. Par ailleurs, les «champs d’expansion», ces plaines qu’on inonde volontairement, via des ouvrages, afin de diminuer le débit des crues, manquent. L’étude propose de «remettre en eau» des plaines, aujourd’hui soustraites des crues, notamment les 27 km2 de Piolenc-Orange (Vaucluse). Leur inondation, via un ouvrage à construire, permettrait de mieux protéger Avignon. La CNR doit mettre également ses barrages au service du contrôle des crues. Enfin, l’étude recommande de mettre toutes les dispositions surla place publique, car elles ne pourront se concrétiser qu’après débat Ce travail de diffusion n’a pas commencé. MICHEL HENRY (l) Etude globale pour une stratégie de réduction des risques dus aux crues du Rhône. Lancée à la suite des inondations en Camargue de 1993-1994, effectuée de 1999 à 2002, cette étude a été chapeautée par Territoire Rhône, établissement public territorial de bassin. (2) www.eptb-rhone.fr/pdf/orienta.pdf Des mesures fiscales pour les sinistrés Des mots, des promesses et un constat. Hier, au Conseil des ministres, Jacques Chirac a demandé que les mesures de prévention et de protection contre les crues aboutissent «rapidement». «Certains des dispositifs de protection datent de plus de deux sièdes. Une évaluation et une remise à niveau des dispositions sont nécessaires», a-t-il souligné. Ajoutant que «les responsabilités en matière de prévention et de protection contre les crues doîvent être clarifiées, car trop d’intervenants sont aujourd’hui en cause». Le ministère des Finances a par ailleurs annoncé, hier des mesures fiscales en faveur des sinistrés. Les contribuables concernés pourront ainsi «faire l’objet, après un examen au cas par cas», d’un allégement des impositions restant dues et se voir accorder des «délais de paiement». Aux dires de Gérard de La Martinière, président de la Fédération française des sociétés d’assurances, les inondations dans le Sud devraient coûter aux assureurs entre 800 millions et 1 milliard d’euros. «Il s’agirait donc, de ce point de vue du plus important événement relevant du régime des catastrophes naturelles depuis qu’il a été institué. Ces inondations ayant fait environ 100000 sinistrés, particuliers ou entreprises. E.F. LIBERATION 3 JEUDI 11 DÉCEMBRE 2003 RESTÉE LETTRE MORTE du fleuve, aucune de ses recommandations n’a été mise en oeuvre. éditorial PAR PATRICK SABATIER ERIC FRANCHESCHI. VU Digues Entre Arles et Saint-Gilles, le 9 décembre. Un camion dépose des cailloux pour réparer la digue du Petit-Rhône, partiellement détruite par la violence de la crue Et au milieu de trois régions coule un fleuve L’urgence serait de mettre en place une gestion commune du budget et des compétences: Arles, Fourques, envoyé spécial out le monde en est conscient: ça ne peut plus durer. Comment admettre l’absurde? Dans le delta du Rhône, la rive gauche du fleuve dépend des Bouches-du-Rhône et de la région Paca. La rive droite, du Gard et de la région Languedoc-Roussillon. Pourtant, c’est le même fleuve qui coule au milieu. Mais il est géré par des syndicats différents. Si bien que les inondations frappent alternativement. En 1993-1994, c’était plutôt la rive gauche. On renforce alors cette rive. Qui abien tenu, la semaine dernière (à part la voie SNCF Arles-Tarascon, qui a inondé Arles-Nord). Cette fois, c’est la rive droite qui a craqué. «Coût exorbitant». Stupide. Incohérent. Les élus locaux réclament une autorité de gestion unique afin de gérer plus globalement: «On ne peut plus ignorer que le fleuve a deux rives», ironise Michel Vauzelle, président (PS) de la région Paca. Mais le problème ne s’arrête pas là. Il faut remonter plus au nord sur toute la longueur du fleuve pour une gestion globale des crues. Car les gens du Sud en ont marre de payer la facture pour tout le monde: on sacrifie le Gard, le Vaucluse et la Camargue par des inondations répétées, alors que le problème vient aussi de l’aval. «Entre l’électrification du Rhône et l’urbanisation autour, on a pratiquement canalisé le fleuve de Lyon à Arles. Ce qui autrefois faisait baisser la pression n’existe T plus, et tout va directement à Arles, constate Michel Vauzelle.Or, on ne peut plus accepter queleBas-Rhône reçoive toute l’eau des Haut et Moyen-Rhône.» L’étude de Territoire Rhône (lire ci-contre) tombe donc à pic. Elle doit permettre de lancer un grand débat autour de ces questions. Mais le débat ne vient pas, et certains élus s’impatientent. «Un an que ce rapport est fini, mais il reste sous le coude des préfets, parce qu’il révèle le coût exorbitant des travaux à la CNR (Compagnie nationale du Rhône) «dont l’objet unique est de faire du profit», à modïfié sa politique. Pascal Terrasse affirme également qu’il faudrait lancer, à la suite de l’étude, un plan de travaux sur dix ans, de 500 millions d’euros «au minimum». Où trouver l’argent? Le président PS du conseil général du Gard, Damien Alary, suggère «un pIanMarshal» avec un emprunt national et européen. Car les organes locaux de gestion des digues dans le delta n’ont ni les budget nécessaires, ni les compétences. «Il faut «Il faut revoir les niveaux de protection. C’est une question repenser tous les niveaux de protection,indique Romain Fater, d’aménagement du territoire. Seul l’Etat peut le faire.» directeur du Syndicat intercommunal Romain Fater, directeur du syndicat intercommunal du Gard du Gard. C’est une question faire, et on ne veut effrayer ni les pouvoirs publics, d’aménament du territoire. Seul l’Etat peut le faire.» ni les communes, explique Gilles Dumas, maire de Immense tâche. Les élus concernés sont tous d’accord : la protection contre les crues du Rhône doit Fourques (Gard). Avec cette étude, on a tous les devenir une grande cause nationale, un grand chantier instruments, il faut maintenant des décisions poliporté au moins par les trois régions concernées (Paca, tiques». Pascal Terrasse, député PS de la Drôme et président de l’établissement public qui a chapeauLanguedoc-Roussillon, Rhône-Alpes) et sans doute par l’Etat. La tâche est immense, mais tout le monde se té l’étude, s’impatiente lui aussi : «Elle a été validée méfie, à commencer par les riverains, comme Sylvaine en mars 2003 par le ministère de l’Environnement. Lacan et René Pialla (Confédération des riverains du Depuis, plus rien, calme plat. On attendait des mesures concrètes. Rien. Il faut au moins des états géRhône et de ses affluents) : «Des promesses, on en a néraux dans les trois-quatre mois. On n’arrive même eu. Des promesses tenues, beaucoup moins.» M.H. pas à parler ensemble! Ce qui a été possible pour la Loire doit l’être ici». Le député estime que, si l’Etat n’agit pas, c’est notamment parce que cela obligerait Depuis la plus haute antiquité, des rives du fleuve Jaune à œlles duNil ou du Rhône, l’Etat a joué sa légitimité sur sa capacité à organiser le combat des hommes pour se protéger de là colère des divinités fluviales et à gérer les fluctuations d’un ciel qui, tantôt ferme trop les vannes et dessèche la terre, tantôt les ouvre sans retenue, jusqu’à l’inonder. Des empires ont été ensevelis sous les sables ou la forêt pour n’avoir pas su garder la maîtrise des eaux. En nos temps moins héroïques, ronds-de-cuir et politiciens réagissent aux catastrophes en commandant des études. Après la crue du Rhône de 1994, ils en ordonnèrent une. Le cours majestueux de la bureaucratie étant infiniment plus lent que celui des fleuves, elle ne fut lancée qu’en 1999 et achevée fin 2002, huit ans et plusieurs inondations après. Depuis, elle a connu le sort d’autres études, et a pris la poussière dans un ministère. Elle eût été mieux employée à prévenir, d’Arles en Aramon, des malheurs que ses pages et cartes prévoyaient, analysaient, expliquaient en détail Elle aurait pu contribuer à éclairer les populations riveraines sur la réalité d’inondations inéluctables et les initier à «une véritable culture du risque». Elle aurait aidé chacun, de Paris aux Saintes-Maries, à se convaincre que rien ne peut se faire en ce domaine sans intervention du pouvoir central, qui seul rassemble l’expertise et les moyens considérables nécessaires à la gestion d’un grand fleuve. Mais nous sommes tellement inondés d’études et rapports en tout genre que nous en ignorons ceux qui pourraient être utiles. Quant aux tomes inutiles de tous les autres, on pourrait peut-être les empiler pour renforcer ces digues dont l’étude rhodanienne constatait «la fragilité structurelle»?... 7 2 C’est l’établissement public « Territoire Rhône », jusqu’ici porté par les Conseils Généraux des Départements de France traversés par le Rhône, qui est l’initiateur du fameux rapport qui fournissait, dès novembre 2002, un diagnostic complet sur les dangers du fleuve et donnait également une liste de recommandations qui n’ont pas été mises en œuvre, faute de structure porteuse, de décisions politiques et de financements. Le statut de cet établissement public vient de changer début 2005, les régions PACA, LanguedocRoussillon et Rhône-Alpes en font maintenant partie. Je suis, en qualité de conseiller général du Gard, administrateur de cet établissement dont la vocation est d’assurer des missions de maîtrise d’œuvre et de coordination d’actions sur l’ensemble du fleuve et de ses affluents, tant en matière de crues que de tourisme fluvial. Vendredi 12 décembre: L’eau continue à se retirer lentement mais il y a encore un mètre d’eau dans la plaine de Beaucaire, de Bellegarde et de Fourques. La RN 113 est rouverte à la circulation, pas la D38 qui nous relie à Saint-Gilles et Beaucaire. Jusqu’ici la commune était isolée et du même coup facilement contrôlable. A ma demande un renforcement de la surveillance nocturne des maisons sinistrées et non occupées est assuré par la Gendarmerie et la Légion. 600 pompiers et 450 gendarmes sont toujours mobilisés sur les zones sinistrées du Gard. Six pompes sont en fonction nuit et jour près du port. De plus, nous apprenons que les pompes des très nombreux syndicats d’assainissement sont à nouveau opérationnelles. La brèche d’Argence est maintenant consolidée, reste son étanchéité à parfaire ; celle de Clairefarine devrait être restaurée dans quelques jours. Roselyne Bachelot, ministre de l’écologie et de l’environnement est venue à Nîmes. Elle reçoit les maires des communes sinistrées en préfecture pour une réunion de travail. Elle approuve le principe d’une gestion globale du Rhône mais nous met en garde de ne pas mettre sur pied une structure trop lourde qui pourrait mettre 30 ans avant d’être efficace. Nous nous rendons sur la brèche de Petit Argence en hélicoptère. La noria de camions continue d’apporter des matériaux pour reconstruire la digue à la bonne altimétrie. Samedi 13 décembre: Dans les moindres recoins de notre ville, devant chaque maison devenue accessible, des tas d’objets, de meubles disloqués, d’électroménager hors d’usage, de vêtements salis ou souillés par la boue s’accumulent. Les services municipaux collectent ainsi des tonnes et des tonnes d’encombrants qui seront stockés sur la plate forme dite de SaintJean, avenue de Provence avant d’être acheminés vers le centre d’enfouissement de Piechegut. Ce qui peut être sauvé, lavé, récupéré est mis de côté. Des bénévoles, des anonymes unissent leurs efforts pour tenter d’effacer au plus vite les traces de ce sinistre. Il faut laver, laver encore, se débarrasser de cette fine boue grise qui souille tout ce qu’elle a touché. Poème d’Adieu à Bellegarde Monsieur Le Maire, Cher Camarades Sapeurs Pompiers Alors que chacun voulait oublier Ce qui s’était auparavant passé Les éléments se sont déchaînés un soir Oubliant les hommes vivant dans le Gard Tout le monde catastrophé, hébété, se regardait Comment continuer de lutter, encore lutter Mais personne ne les avait oubliés Surtout pas les Pompiers Charentais Dans la nuit noire, plein de désespoir Personne ne voulait encore y croire Les appels au secours commenceront Sauver, aider, ne laisser personne en arrière Mais ils étaient là les Sapeurs Pompiers Maritimes Face à l’ampleur des dégâts, ressource ultime Gyrophare tournant et klaxon hurlant Dans leurs camions rouges pétaradants Au lever du jour on ne vit qu’une mer Boueuse, violente qui laisse un goût amer Les Charentais ont cru ne s’être pas déplacés En Charentes Maritimes, être restés Même la Madone, du haut de sa splendeur Jetait un regard plein de terreur A cette mer devenue un océan déchaîné Mais il ne fallait pas s’attarder Chacun frissonnait, le cœur plein d’amertume Les visages burinés emprunts de lassitude Attendant une vaine accalmie Leur redonnant goût a la vie Ce fut de courte durée, l’eau toujours tombait Au sol, le niveau continuait d’augmenter Et présents sur tous les fronts, nos Sapeurs-Pompiers N’avaient pas l’intention de s’en laisser conter Les jours étaient bien longs et empreints de tristesse Nos Pompiers avaient le cœur plein de détresse Mais heureusement, l’amitié et la solidarité Leur évitaient de trop penser Les moments de détente, courts mais chaleureux Autour de Pierre, Estelle, Josiane, les bienheureux Jean-Marc, Véronique, Lucie et Chocolat les sublimes, Rendaient le travail moins pénible Retrouver nos lits douillets et nos âmes esseulées Dans cette école de Police à plusieurs visages Que l’on se demandait être Nationale ou Internationale ? Et le lendemain, tous ensemble, on repartait Vers la mairie que l’on assiégeait en toute amitié’ Sans regarder ni le temps ni les heures Nous sommes devenus des envahisseurs Au fil de l’eau, plus de couleuvre Oui mais remplacée par des grenouilles Oui mais palmées et rouges Un beau matin un labrador se fit apercevoir Un Pompier sergent/chef, il faut le dire Courut le secourir Hélas plus de labrador La Madone l’avait secouru du haut de sa splendeur Devant le courage de ce Pompier La Madone lui laissa un lapin Soit, mais de belle taille Un jour arrivera Le cœur rempli d’émotions, de souvenirs Ces Charentais Maritimes, ces Cagouillards, Vous feront leurs révérences Sapeurs-Pompiers, personnels et élus, tous mélangés Quelle leçon de solidarité nous en avons tirée Gageons que lorsque nous serons rentrés D’un autre oeil, la mer sera regardée. Bellegarde, le 16 décembre 2003 Colonne CHARENTES MARITIMES Major William WEBER ( WW.FR) Le soir venu il fallait aller vers Morphée 7 4 Ce samedi, réunis dans la salle à manger de la cantine de l’école Batisto Bonnet, c’est avec une certaine émotion que nous retrouvons les sapeurs-pompiers des Charentes Maritimes. Ils sont sur le départ. Une première colonne de 52 hommes, conduite par le capitaine Yann Cévaer s’était engagée à nos côtés dès les premiers jours puis relevée par une autre colonne de 53 hommes conduite par le capitaine Auloy. Ces sapeurs pompiers venus de loin n’ont pas hésité à quitter leur famille pour venir nous aider. Audelà de leur mission de service public accomplie à notre profit, ces hommes ont tissé des liens amicaux avec beaucoup de Bellegardais. Au cours de cette soirée leur amicale a remis un don de 1500€ aux pompiers bellegardais sinistrés. Ce geste a été très apprécié. Pour ce qui me concerne, c’est le poème d’adieu à Bellegarde, écrit par le major William Weber qui m’a le plus touché. Dimanche 14 décembre: Les besoins à satisfaire sont toujours aussi nombreux. Logement, hébergement, repas, conseil, soutien psychologique, lavage de linge, nettoyage, foin pour les animaux, etc., même le week-end la mairie est ouverte, la salle des Sources aussi, le gymnase Pierre de Coubertin également. La collecte de vêtements, de produits d’entretien, de linge de maison, de petit mobilier se poursuit grâce à la Croix Rouge, au Secours Populaire et à de nombreux anonymes. Des jouets sont à la disposition des enfants, des draps, des couvertures, des chaussures aussi. Au nord du canton, les habitants de la commune de Comps que nous avions aidés lors des inondations de septembre 2002, sont désespérés. Ils viennent une fois encore de subir une inondation de 3,5 à 4m dans le centre ancien et réclament à cor et à cri que leur digue de protection soit «remontée» au même niveau que celle de la CNR. Plus au sud du territoire de la Camargue gardoise, la brèche de Clairefarine est toujours ouverte et le niveau de l’eau ne baisse que très lentement, notamment au niveau de Montcalm. Lundi 15 décembre: Les «Architectes de l’Urgence» sont très actifs à Bellegarde. Ils sont cinq, venus conseiller les sinistrés sur l’état de leur habitation, les aider à l’évaluation des dégâts. Ils resteront à Bellegarde une semaine supplémentaire, ils assurent leur permanence en mairie. Ces architectes travaillent bénévolement, ils préconisent d’excellents conseils en matière de restauration, de démarches à accomplir auprès des assurances et des administrations. Certains habitants sont fragilisés psychologiquement par ce drame. Une équipe de psychologues, de médecins psychiatres et d’infirmiers en psychiatrie est sur place pour écouter et soutenir en priorité ceux qui étaient déjà malades ou fragiles et puis tous les autres qui sont abattus ou en colère et qui ressentent cette situation comme injuste. Stress, insomnies, cauchemars, perte d’énergie, abattement, sont les symptômes les plus fréquents. Les camions de pompiers, les véhicules et les équipes de la Protection Civile sont toujours dans les rues. Toutes ces équipes d’architectes, de psychologues, de pompiers, de bénévoles feront un travail remarquable. Mardi 16 décembre: Midi Libre publie la liste d’une première série de vingt sept communes du Gard reconnues en état de catastrophe naturelle par arrêté interministériel du 12 décembre publié au journal officiel du 13 décembre. La liste concerne : Aigues-Mortes, Aramon, Beaucaire, Bellegarde, Chusclan, Codolet, Comps, Fourques, Laudun-L’Ardoise, Le Cailar, Les Angles, Montfrin, Pont-Saint-Esprit, Pujaut, Rochefort-du-Gard, Roquemaure, Saint-Alexandre, Saint-Etienne-des-Sorts, Saint-Geniès-de-Comolas, Saint-Gilles, SaintLaurent d’Aigouze, Sauveterre, Théziers, Vallabrègues, Vauvert, Villeneuve-lès-Avignon. L’état de catastrophe naturelle ne concerne pas que le département du Gard. Ce sont seize départements qui sont concernés. L’étendue de surface faisant l’objet du constat de «cat-nat», selon le jargon préfectoral, montre que l’ampleur du phénomène vécu dans le Gard ou chez nos voisins Arlésiens résulte bien de précipitations exceptionnelles concentrées par le relief dont l’exutoire majeur est principalement le Rhône. Il est en effet extrêmement rare qu’un bassin de cette importance soit aussi abondamment arrosé simultanément. L’arrêté publié au JO (Journal Officiel), concerne les inondations et coulées de boues entre le 1er et le 5 décembre 2003 en Alpes-de-Haute-Provence, Hautes-Alpes, Ardèche, Loire, Haute-Loire, Drôme, Rhône, Vaucluse, Saône-et-Loire et bien entendu le Gard et les Bouches-du-Rhône. Les précipitations tombées sur ces départements se sont retrouvées, en grande partie, drainées par les affluents du Rhône, puis par le Rhône luimême avant de retrouver la Méditerranée ou envahir la plaine de la Terre d’Argence. D’autres départements figurent sur la liste mais leurs inondations ne se retrouvent pas collectées sur le bassin versant du Rhône, il s’agit du Lot, du Tarn-et-Garonne et de la Lozère. A Bellegarde, ce qui nous préoccupe, c’est de faire en sorte que les habitations soient alimentées le plus rapidement possible en électricité, en gaz afin que les familles puissent chauffer, sécher, déshumidifier, retourner chez elles au plus tôt. En fin de soirée nous faisons le point avec les agents EDF et GDF qui sillonnent les quartiers sinistrés. Un à un les quartiers recouvrent gaz et électricité, l’éclairage public est rétabli, puis c’est la presque totalité des habitations qui retrouve la «lumière» grâce à une mobilisation exemplaire des agents EDF. Qu’il me soit permis de remercier Serge Delaunay alors directeur d’EDF-GDF du Gard pour la qualité de son écoute et l’efficacité de ses équipes d’intervention. Mercredi 17 décembre Le coût des inondations dans le sud de la France est estimé à un milliard d’euros. Le premier bilan provisoire des inondations chiffré par la Chambre de Commerce et d’Industrie de Nîmes indique que ce sont plus de 250 entreprises qui ont été sinistrées 7 6 dans le Gard pour un montant supérieur à 140M€. En Arles, ce bilan serait supérieur à 200M€. A Bellegarde nous pensons que le montant total des dégâts concernant les entreprises, l’agriculture, les biens publics, les habitations et le mobilier des particuliers, sera compris entre 30 et 40 M€. Dans l’ensemble, les assurances rembourseront les dégâts, pas toujours les pertes d’exploitation. Le conseil général aidera les entreprises mal ou pas assurées pour certains risques. A un niveau plus modeste, la commune fera de même. Cela dit le chômage total ou partiel, les pertes de parts de marché ont mis à mal l’économie locale. Ajoutons à cela que certains terrains de la zone d’activité des Connangles perdront leur caractère constructible. C’est un coup dur supplémentaire pour certains particuliers comme pour la commune, propriétaire de nombreux terrains dans cette zone. Les travaux sur la brèche d’Argence se poursuivent, pas assez vite à notre goût, ceux de Clairefarine ne sont pas commencés. Il est en effet difficile d’approcher les lieux. Il est envisagé d’intervenir par barge et par le fleuve mais la profondeur du trou creusé par les flots, plus de dix mètres à certains endroits, rend irréaliste la solution consistant à battre des palplanches. C’est finalement l’entreprise Trivella qui intervient avec de gros engins, elle nous annonce qu’il faudra au moins deux semaines au minimum pour combler de façon « provisoire » les 150 mètres de brèche, sauf intempéries et nouvelle remontée du niveau du Rhône. Nous avons appris que Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre allait recevoir une importante délégation d’élus concernés par les inondations. Le soir, l’ensemble des maires du Syndicat des digues du Rhône se retrouve au siège de la communauté de communes Beaucaire Terre d’Argence, avenue de Farciennes à Beaucaire, afin de préparer et coordonner les interventions à la réunion de Matignon programmée pour le 19 décembre. L’enjeu de cette rencontre nous semble colossal. Nous attendons des mesures et des aides immédiates et à court terme mais aussi des engagements que seul l’Etat est en mesure de prendre pour assurer une gestion globale des crues du Rhône. Jeudi 18 décembre: Nous poursuivons l’objectif d’installer une quarantaine de mobile homes sur un terrain du Coste Canet. Les services fiscaux nous annoncent qu’ils vont tenir à nouveau dès le lundi 22 à Bellegarde des permanences de proximité, les particuliers touchés par les inondations pourront faire l’objet d’allègement ou de remboursement d’impôts locaux : taxe foncière et taxe d’habitation. Les 44 personnels de l’UIISC7, commandés par le Capitaine Vincent Tissier quittent la commune pour regagner Brignoles dans le Var. Ils ont accompli, depuis le 8 décembre, M3... ■ Jeudi 18 décembre 2003 REGION Midi Libre INONDATIONS 250 entreprises sinistrées et une facture plus lourde en 2002 Gard : 140 millions d’euros de dégâts La chambre de commerce et d’industrie de Nîmes a dressé un premier bilan et lancé une réflexion sur un développement plus harmonieux du territoire ■ Le premier bilan chiffré des dernières inondations, établi sur le terrain par la chambre de commerce et d’industrie de Nîmes, révèle une situation différente de celle qui avait suivi le sinistre de septembre 2002 (1). Ainsi cette année deux cent cinquante entreprises ressortissantes de la CCI ont été sinistrées - contre mille l’année précédente-, dont deux cents employant moins de dix salariés, et cinquante entreprises industrielles. En revanche, les dégâts sont largement plus importants. Une première évaluation les chiffre à 140 M€, a minima - contre 80 M€ en 2002. En parallèle, une estimation a également été établie concernant les entreprises de la ville d’Arles : elle s’élève à 200 M€. Une économie en souffrance, qui aura des répercussions dans le Gard, comme l’a rappelé hier le président de la CCI de Nîmes, Denis Volpilière. L’organisme consulaire estime que les plus grosses entreprises, pour leur part bien assurées, vont pouvoir réinvestir et relancer leur production. Elles demandent cependant des garanties de protection contre d’éventuels sinistres.Les inondations de 2002 avaient d’ailleurs provoqué des velléités de départ. Qu’en sera-t-il cette année ? La CCI n’a pour l’heure relevé aucun cas. Ce qui ne l’empêche pas d’engager une réflexion pour un développement harmonieux du territoire.Quant aux plus petites entreprises, leur plus grand souci est que leur soient accordées des aides financières, des réductions de charges sociales et fiscales. La chambre de commerce a déjà enregistré cent dix demandes, et s’engage à examiner la situation de chacun, au La société SPE à l’Ardoise a été ravagée. cas par cas. Côté chômage partiel, la CCI a remis en place le dispositif, déjà expérimenté l’an dernier. Cependant, bonne nouvelle pour les salariés, peu d’entreprises y ont eu recours.“ Elles utilisent plutôt leur personnel pour remettre en route l’outil de Photo Mikael ANISSET production et répondre à la clientèle ”, constate Denis Volpilière. • CI.B. (1) A noter que les entreprises des communes de Codolet et Comps ont été sinistrées et en 2002 et cette année. Bellegarde: la ZAC de Giberte en pleine expansion sous les eaux 7 8 un travail considérable au profit des populations, des éleveurs et de la commune. C’est avec un petit pincement au cœur que nous les laissons repartir en les remerciant. Le bilan de leurs interventions est remarquable. Ils ont nettoyé des dizaines de maisons, des kilomètres de voiries et transporté des tonnes d’encombrants. Vendredi 19 décembre: Une importante délégation d’élus des deux régions, dont Mireille Cellier, Gilles Dumas, Jean Denat et moi-même, a été invitée à Matignon pour rencontrer le Premier Ministre. Nous avons pu exprimer très librement nos craintes, nos doutes et nos souhaits. D’autres élus comme Etienne Mourrut Député-maire du Grau-du-Roi, Jean-Paul Fournier, Maire de Nîmes, côté Gard mais également Hervé Schiavetti Maire d’Arles et Michel Vauzelle président de la région PACA sont également intervenus dans les débats. Au cours de cette réunion, il a été décidé qu’une structure unique serait mise en place avant la fin avril 2004, pour rationaliser les actions à effectuer sur le Rhône dans toute sa longueur. Cette structure sera pilotée par un préfet coordonnateur de bassin installé à Lyon, en région Rhône-Alpes (Le préfet Lacroix prendra ses fonctions officielles le lundi 9 février). Il annonce que la maîtrise d’ouvrage des travaux et la gestion des digues du grand delta devront être confiées à un syndicat unique. Les autres maîtres d’ouvrages concernés par le Rhône depuis le Léman jusqu’à la Méditerranée devront coordonner leur action. Le risque maximum sera pris en compte, jusqu’à 16 000 m3/s. L’Etat s’engage à accompagner la structure dans le domaine de l’ingénierie et à apporter son soutien financier au syndicat interrégional du grand delta à hauteur de 20 à 40%. Toutes les solutions permettant de se protéger efficacement contre les crues seront recensées. Un cahier des charges sera élaboré et les financements pourront alors être recherchés. Puis les travaux seront hiérarchisés par ordre d’urgence. Le fonds de solidarité européen a été sollicité et accordé par Bruxelles. Jean-Pierre Raffarin annonce la mise en place de 250 millions d’euros pour le Midi sinistré. En fait il s’agit d’une première enveloppe destinée aux aides de première urgence concernant les digues, les habitations, les entreprises et les communes car plus globalement les dégâts sont évalués par Roselyne Bachelot, ministre de l’écologie, à plus d’un milliard d’euros. Il est clair que les programmes de consolidation des digues prendront plusieurs années et que les crédits à mobiliser seront importants. Certaines entreprises situées à Comps ou à Codolet seront délocalisées. Ce soir du 19 décembre, tous les foyers qui ont un poste de télévision ont pu voir et entendre leurs élus s’exprimer sur les marches de Matignon. J’ai eu la chance que mon intervention ait été reprise sur les chaînes nationales et locales, c’est grâce à cette interview que certains dons ont été adressés à notre commune sinistrée. Cela dit, il faudra attendre le 1er janvier 2005 pour que la fusion des deux syndicats en charge des digues du Rhône autour du delta soit effective. Les négociations et pourparlers ont duré plus d’un an. Samedi 20 décembre: Tous les journaux relatent largement la teneur de la rencontre de Matignon, avec le titre en gros caractère qui annonce, dans Midi-Libre : «250 millions débloqués, les élus plutôt satisfaits». Schéma de réparation de la brèche de Petit Argence établi par R. Fater 7 0 Les rues de notre ville sont maintenant sèches. L’eau s’est retirée des zones urbaines. Par contre, il reste encore 80cm à plus d’un mètre d’eau dans les terres basses de la plaine entre Bellegarde et Fourques. Il faut impérativement accélérer le ressuyage des terres à l’aide de tous les dispositifs de pompage réunis. C’est ce samedi matin qu’un autobus bondé de bénévoles arrive de Venelles, près d’Aix en Provence. Ce «commando» en combinaison de «combat» chaussé de bottes en caoutchouc, armé de raclettes de seaux et de serpillières se déploie dans la ville et cède le car à une quarantaine d’enfants de Bellegarde. Le chauffeur du bus retourne à Venelles où nos chères têtes blondes sont invitées à participer à un goûter de Noël spécialement préparé à leur intention dans une salle communale. Le car, affrété par le Maire de cette ville, mon ami Jean-Pierre Saez, nous ramène nos petits le soir même. Ils ont les bras chargés de cadeaux et crient en descendant du car et en retrouvant leurs parents: «C’était super ! Génial ! Formidable !». Ils avaient le sentiment d’avoir fait un lointain voyage et nous étions contents pour eux et leurs familles de les avoir un instant éloignés de notre sinistre. Le commando, un peu fatigué par sa dure journée de labeur a repris la route pour Venelles. Le car s’est éloigné de plus en plus ; par les vitres embuées, nous avons aperçu des mains qui nous ont salués longtemps, avec émotion. Nous, nous avons eu les yeux humides. Lundi 22 décembre: Les agents des services fiscaux ouvrent une permanence en mairie et à l’espace 2000. Les jours suivants, ceux qui n’étaient pas informés ou qui ne croyaient pas possible «ce cadeau» se sont rendus au centre des impôts de Nîmes. Eh ! bien oui, pour une fois, le percepteur a endossé le costume du Père Noël. C’est vrai les impôts locaux, taxe foncière et taxe d’habitation seront remboursés en totalité ou en grande proportion, à tous les sinistrés ayant été inondés et qui n’occupaient pas leur logement au 1er janvier 2004. Ces remboursements ont été consentis tant pour l’année 2003 que pour l’année 2004. Cette mesure a été très appréciée ! Mardi 23 décembre: Malgré les désolations et les difficultés, nous avons maintenu toutes les animations de Noël en faveur des enfants. C’est Cathy Navatel, avec tous les élus et membres de sa commission, associés aux bénévoles de la Banque Alimentaire et de la Croix Rouge, qui se décarcassent pour offrir aux enfants des goûters-spectacles, des jeux et des colis à toutes les familles sinistrées. M. Josef Nosek, maire du 8e arrondissement de Prague, capitale de la République Tchèque, vient de mettre à disposition de douze communes gardoises, deux cent cinquante déshumidificateurs. Cinquante cinq d’entre eux nous sont attribués. C’est l’entreprise de transport Laroche qui nous livre ces machines gratuitement. Mercredi 24 décembre: Dans les pages locales, Midi Libre relate une pleine page d’interview du maire de Bellegarde et rapporte, dans les pages régionales, que la région Languedoc-Roussillon, Solidarité venue de Gersfeld Nos enfants à Venelles Séjour au ski offert par la Croix Rouge aux enfants sinistrés de Bellegarde 8 2 Des élus à Matignon (de gauche à droite: Élie Bataille, Gilles Dumas, Étienne Mourrut, Jean Denat, Mireille Cellier) BEAUCAIRE BC1.. ■ Mercredi 17 décembre 2003 CONSEIL MUNICIPAL Midi Libre Un débat autour de l’actualité dramatique de ces derniers jours Qui doit gérer les digues du Rhône : l’Etat ou les régions? Une délégation d’élus se rendra vendredi à Matignon.L’enjeu est énorme.Et vital... ▼ ▼ ▼ ■ Ce dernier conseil de l’année devait être tranquille sans gros dossiers ni gros débats. A l’ordre du jour des virements de crédits, des décisions de gestions, des demandes de subventions auprès de la DRAC (Direction régionale des affaires culturelles) pour des actions dans le cadre du label Ville d’art et d’Histoire, des demandes de subvention auprès du conseil régional et du conseil général pour des programmations culturelles, des appels d’offres pour les assurances de la Le temps où mairie (attrichacun gérait buées à Groupason bout ma Sud), un de digue dans appel d’offre son coin est fini pour l’achat d’une benne à La fréquence ordures... Bref des délibérades crues tions relevant de devient la gestion du inquiétante quotidien. Les débits L’essentiel des débats a, en fait, aussi sont en augmentation porté sur la question des inondations puisque les élus ont rajouté au programme un vœu sur l’élaboration d’un schéma régional de prévention des risques naturels. Rappelons que la commune de Beaucaire fait partie des vingt-cinq communes du Gard pour lesquelles les inondations du 1er au 4 décembre ont été reconnues comme relevant de l’état de catastrophe naturelle. “ L’épisode pourrait être considéré comme classique, mais les inondations ont été d’une ampleur exceptionnelle, notamment en raison d’une rupture d’une digue du Petit-Rhône, au sud de la commune. L’eau remontant par le sud avec une rapidité notable a surpris tout le monde montrant si besoin est, l’importance primordiale des ouvrages de protection. Or, les inondations récentes du Rhône, témoignent d’une récurrence inquiétante (1993, 1994, 2002, 2003) et d’un niveau qui dépasse maintenant les références centennales (11 000 m 3 /s) approchant même dangereusement (13 000 m3/s) la barre des débits d’une crue millénale. Aussi face à la force dévastatrice Relever du Rhône, les le défi inégal ouvrages telles que les digues ne lancé par pourront résister le fleuve ici ou là aux coups de boutoir imprévisibles du fleuve, que si des structures tout aussi fortes, disposent de moyens appropriés pour les consolider, les surveiller et les entretenir dans un cadre global et cohérent. La protection des populations en dépend. Si le syndicat intercommunal des digues du Rhône de Beaucaire à la mer a déployé des efforts relativement importants pour la rive gardoise du Rhône, il n’apparaît plus à même, comme il le concède, de relever le défi inégal et disproportionné lancé par le fleuve. En effet, les travaux nécessaires de, restructuration des digues sont colossaux au regard des moyens structurels et Pour une gestion cohérente des digues. financiers limités du syndicat gestionnaire actuel, dont Beaucaire fait d’ailleurs partie. ” Le conseil municipal propose donc soit de confier à l’Etat la gestion de l’ensemble des digues du Rhône, soit de confier la compétence et les moyens financiers des digues du Rhône à un syndicat interrégional. “ Aujourd’hui il est bien évident qu’il faut une réflexion commune : chacun ne peut pas veiller tout seul sur son bout de digue ”, estime Mireille Cellier. Le maire a, par ailleurs, souligné que la ministre de l’Environnement, Roselyne Bachelot n’avait pas été emballée par une gestion de l’Etat, estimant qu’il “ faudrait au moins trente ans pour que ça se mette en place ”. Pourtant, pour l’opposition de gauche, “c’est à l’Etat de prendre ses responsabilités. L’Etat doit prendre une décision forte. Si la gestion est assurée par plusieurs régions, il risque encore d’y avoir des discussions à n’en plus finir ” ont notamment argumenté André Michelozzi et Georges Cornillon. De son côté, le premier adjoint JeanMarie André,craint qu’avec “une gestion de l’Etat, les élus de terrains, communaux, conseillers généraux, régionaux ne soient plus écoutés... ” “A l’heure de la décentralisation, je ne me fais pas beaucoup d’illusion sur l’engagement de l’Etat, a poursuivit André Michelozzi, mais j’insiste pour que l’Etat prenne ses responsabilités car il risque d’y avoir des inégalités entre les régions. ” L’ensemble des maires des communes du syndicat des digues du Rhône se retrouveront de toute façon pour aborder ce sujet ce soir à 20 h 30 à Beaucaire. Une réunion de travail - qui suivra la réunion de communauté de communes - pour préparer le déplacement vendredi à Matignon des élus, avec notamment le spécialiste en la matière, Gilles Dumas le maire de Fourques. Face au premier ministre, les communes riveraines du Rhône espèrent se faire entendre. Et surtout que les paroles soient suivies d’action. • Catherine MILLE Des aides financières annoncées, hier à Matignon, pour les sinistrés 250 millions débloqués, les élus plutôt satisfaits Mais le maire PC d’Arles émet de sérieuses réserves sur le calendrier ▼ ▼ ▼ ▼ ■ Le gouvernement va débloquer quelque 250 millions d’euros en faveur des régions frappées par les inondations dans le Sud-Est, dont 36 millions ont déjà été provisionnés. Jean-Pierre Raffarin l’a annoncé hier à Matignon, en recevant les élus des régions sinistrées. Roselyne Bachelot, ministre de l’Ecologie a rappelé qu’il s’agit là “d’une première approximation” : une somme qui correspond aux premiers dégâts concernant les habitations, les digues, les aides de première urgence aux personnes et aux entreprises. Car plus globalement, “les dégâts sont évalués à un milliard d’euros sur l’ensemble des zones sinistrées”. La ministre a estimé que les Le dispositif assurances couvriront un «logement» tiers de cette somme. Et que, reconduit sur ce qui restera à financer, Mobiliser des l’Etat interviendra à hauteur crédits de 50%.L’aide aux collecpour les digues tivités locales sinistrées sera modulée de 20 à 40% en «Un syndicat fonction de la taille de la mixte unique commune et de l’ampleur pour le grand des dégâts. Le dispositif delta du Rhône» logement, mis en place lors des inondations du Gard en Bruxelles septembre 2002, sera sollicitée reconduit. L’Etat et les opérateurs feront un effort financier de 60 M€ pour remettre en état les routes nationales, le réseau ferré, les voies navigables, les ports et le littoral. La procédure des calamités agricoles sera lancée dès la fin du chiffrage et une aide au redémarrage des exploitations sera instituée : une contribution de l’Etat estimée à 20 millions d’euros. Pour reconstruire les digues et mieux gérer les eaux du Rhône, Mme Bachelot a indiqué que le chiffrage prendrait du temps : il faudra mobiliser des crédits “sur une période beaucoup plus longue qu’une année ”. A la suite de la polémique sur la gestion des digues, le Premier ministre a donné son feu vert à la demande de rationalisation appuyée par les élus: il souhaite que les sept maîtres d’ouvrage s’associent en “ un syndicat mixte unique, interrégional pour le grand delta”, avec un soutien financier de l’Etat de 20 à 40 % et une aide à l’ingénierie de 40 %. Le préfet de RhôneAlpes, coordonnateur de bassin, sera chargé d’une mission interrégionale sur le modèle de celle mise en place sur la Loire. Jean-Pierre Raffarin a rappelé la nécessité des plans de préventions des risques naturels. En cas de risques pour les vies humaines, le Fonds de «Des dégâts évalués à un milliard d’euros» prévention des risques interviendra à hauteur de 100% pour délocaliser les entreprises concernées. Comps et Codolet sont déjà identifiés.Les travaux d’urgence sur le canal deVigueirat seront financés à hauteur de 10 %. Enfin, à Bruxelles, le fonds de solidarité sera sollicité. Hervé Schiavetti, maire d’Arles et vice-président du conseil géneral des Bouches-du-Rhône, semblait très dubitatif à la sortie : “ Il reste à résoudre des problèmes urgents de maîtrise d’ouvrage et des décisions à prendre, dès aujourd’hui, pour protéger les populations. Il faut des décisions urgentes pour faire des travaux rapidement avec des moyens et des clés de financement claires ”. • Z.C et G.R. 8 4 lors d’une réunion exceptionnelle présidée par Jacques Blanc, a décidé d’attribuer une première enveloppe de 7,5M€ en faveur des entreprises sinistrées. La CCI de Nîmes recevra 1,8M€, 3,1M€ iront à la chambre régionale d’agriculture. La gestion des dossiers d’indemnisation des entreprises sinistrée prendra beaucoup de temps. A Bellegarde comme partout ailleurs, c’est la veille de Noël. Nous nous battons pour trouver des solutions et redonner le sourire à nos concitoyens. L’entreprise Daumas a terminé la plateforme destinée aux 39 mobile homes, Denis Ceysson et une équipe municipale installent les premiers logements qui sont assez coquets, totalement meublés. Ce qui nous inquiète, c’est le niveau d’isolation qui ne nous semble pas adapté pour affronter l’hiver. Nous sommes assaillis par plus de cent demandes que nous ne pouvons pas toutes satisfaire. Nous donnerons la priorité aux familles ayant des enfants handicapés ou scolarisés dans les écoles de la commune. Grâce au travail efficace d’Odile Gibelin et de Line Lorca, nous réussissons à donner ce jour même, les clés aux occupants des premiers mobile homes disponibles. Ils auront un toit convenable pour passer la nuit de Noël, mais la solidarité et les valeurs familiales aidant, beaucoup seront invités, au chaud, autour de la crèche et du sapin à attendre la venue de «Papa Noël». Jeudi 25 décembre: C’est Noël. Fête de famille par excellence, nous pensons en particulier à la famille Rouzaud qui a perdu un fils, un mari, un papa. Nous pensons aussi à toutes les familles qui ne pourront pas fêter Noël chez elles. La solidarité joue à plein. Cette date symbolique ne peut laisser indifférents celles et ceux qui sont bien au chaud dans leur maison épargnée. Nous avons pu vérifier que personne n’a été abandonné. Je dirais même que cette solidarité ne s’est pas manifestée avec autant de ferveur en d’autres circonstances. Lundi 29 décembre: Vingt-cinq jours après, il reste, notamment en Petite Camargue, encore 15 000 hectares de terres submergées sur les 25 000 qui ont été concernés dans le Gard. L’ampleur des dégâts constatés dans le monde agricole décourage les agriculteurs qui se sentent bien seuls car les aides matérielles et financières tardent à se concrétiser. Mercredi 31 décembre: A 17H00, je participe à la réunion du Syndicat des digues de Beaucaire à la mer qui se réunit à Saint-Gilles. Nous faisons le point sur l’avancement des travaux de réparation des digues. Nous sommes inquiets, considérant que les travaux n’avancent pas assez vite. Depuis le 31 décembre 1999, dans le but de fêter l’avènement de l’an 2000, nous avons instauré à vingt heures un rendez-vous rituel, rue de la République, avant que chacun aille réveillonner. Nous buvons ensemble une «potion magique» et assistons, le nez en l’air à l’embrasement de la Tour et à un superbe feu d’artifice. Puis nous nous séparons après nous avoir promis de nous revoir «a l’an qué ven», à l’année prochaine. BEAUCAIRE BC1...■ Mercredi 24 décembre 2003 INTERVIEW Midi Libre Elie Bataille, maire de Bellegarde «Quatre-vingt-dix familles sont toujours délogées» Le premier magistrat, qui s’est rendu à Matignon, se dit satisfait des mesures adoptées par l’Etat. Sa ville ayant subi de plein fouet la colère du Rhône, Elie Bataille se bat sur tous les fronts pour endiguer ce phénomène. Il se dit d’ailleurs prêt à être associé à la gestion du syndicat mixte unique mis en place par le Gouvernement. Au niveau de sa commune,toutes les plaies ne sont pas cicatrisées, loin s’en faut. Alors il se démène, le téléphone greffé à l’oreille, pour trouver des solutions et redonner le sourire à ses concitoyens. Libre : Comment s’est • Midi passée votre entrevue avec Jean-Pierre Raffarin, vendredi dernier à Matignon ? ▼Elie Bataille : On ne peut mieux. On redoutait que le Premier ministre ne fasse un monologue et finalement il nous a écoutés avec une oreille attentive. C’est simple, nous étions une soixantaine d’élus sinistrés à assister à cette réunion et tous ont eu droit à la parole. l’heure de la décentralisation, on ne va pas supplier l’Etat de redevenir jacobin. Il suffît qu’il soit partenaire de l’opération et qu’il nous soutienne par le biais d’apports réglementaires, financiers mais également techniques. Pour l’heure, la mise en place d’un syndicat mixte unique, interrégional pour le grand delta dans lequel l’Etat a annoncé un ▼Entre fait que l’Etat ne prenne pas • Leen charge à 100 % la gestion des digues vous pose-t-il problème ? ▼Absolument pas. La mise en place d’une structure unique par la fusion du Symadrem et du Syndicat des digues du Rhône de Beaucaire à la mer me satisfait pleinement. A II ne faut surtout pas être abattu. Et ne pas croire toutes les rumeurs qu’on entend ça et là. Comme par exemple,que tous les quartiers au sud de Bellegarde vont être rasés parce qu’ils sont en zone inondable. Je m’insurge contre ça. Regardez Arles, toute l’économie reposait sur la zone d’activité qui se situe au nord de la ville. Ils ne vont pas tout rayer de la carte parce qu’ils ont été inondés. La vie continue. Il faut avoir confiance. Sur Bellegarde, en l’état actuel des choses, on ne développera plus au sud, c’est une certitude, mais on va repartir de l’avant. • En ce qui concerne votre “Notre ville a trop été ville,vous pansez encore de meurtrie, je peux vous ▼nombreuses plaies ? certifier que je serai La commune a déploré huit d’une extrême vigilance” cents maisons ravagées pour deux mesures prises par le Premier • Les ministre vous satisfont-elles? les 350 millions des assurances et les 250 millions débloqués par l’Etat, l’acompte me paraît significatif.Il nous permettra en tout cas de faire face à nos premières dépenses bien que l’on estime les dégâts de ces inondations à 1 milliard d’euros. En ce qui me concerne, le point le plus important était la mise en place d’un calendrier. Je suis satisfait car tout est prévu pour avril 2004. Certes, quand on est sinistré, on trouve toujours que les choses ne vont pas assez vite mais en ce cas précis c’est un point positif. vous que les Bellegardais vont ▼l’avant. soutien financier à hauteur de 20 à 40 % et une aide à l’ingénierie de 40 % répond totalement à nos attentes. • On vous sent prêt à vous impliquer dans cette nouvelle ▼structure ? Tout à fait. En tant qu’élu, je souhaite être associé à la gestion de ce syndicat mixte unique. Notre ville a été trop meurtrie et je peux vous certifier que je serai d’une extrême vigilance à ce sujet. Vous savez, si le projet est crédible, il suffit d’avoir un commandant pour mener à bien la mission, l’argent on le trouvera toujours. On vous sent désireux d’aller de • mille cinq cents personnes sinistrées. Une véritable catastrophe. Nous ne sommes pas encore sortis du tunnel car il reste, à l’heure d’aujourd’hui, quatre-vingt-dix familles toujours délogées. Mais on se bat pour que tout rentre dans l’ordre le plus rapidement possible. •▼C’est-à-dire? Un exemple parmi tant d’autres, la mairie offre trois mois de location de caravane ou de mobile home à celles et à ceux qui souhaitent rester sur Bellegarde et qui ne peuvent toujours pas réintégrer leur maison. Chaque problème doit avoir une solution et on s’efforce d’en trouver au cas par cas. • Les fêtes de Noël sont là, pensez- ▼pouvoir retrouver le sourire ? Les plus sinistrés vont devoir prendre leur mal en patience mais il ne faut pas qu’ils baissent les bras. D’ailleurs,j’ai quatre bonnes nouvelles qui, je l’espère, leur donnera un peu de baume au cœur. Tout d’abord, la météo est avec nous. C’est déjà une bonne chose. Deuxièmement, les quarante-deux mobiles homes sont arrivés lundi et nous remettons les clefs aux familles les plus sinistrées de la commune aujourd’hui (mercredi). Je tiens à noter d’ailleurs que nous avons obtenu un mobile home adapté aux personnes handicapées. Pour moi, c’était une priorité que les Bellegardais puissent avoir un toit le 24 décembre. Troisièmement, la mairie du 8e arrondissement de Prague (République tchèque) vient de mettre à disposition de douze communes gardoises deux cent cinquante déshumidificateurs. A Bellegarde, cinquante-cinq de ces canons à chaleur nous ont été attribués. Je tiens à ce sujet à tirer un grand coup de chapeau à Josef Nosek,le maire en question, pour son geste ainsi qu’à l’entreprise Laroche, sur Garons, qui nous a livré toutes les machines gracieusement. Enfin, pour redonner le sourire aux Bellegardais, nous avons décidé de maintenir toutes les animations de Noël pour les enfants. En outre, la mairie va revêtir son habit de Père Noël pour distribuer à toutes les familles sinistrées un colis de Noël. La vie doit reprendre son cours. • Propos recueillis par Laurent VERMOREL 8 6 Cette année nous avons annulé ce rendez-vous auquel participent généralement plus de quatre cents personnes. Le rendez-vous du 31 décembre 2004 a rassemblé un public nombreux, cordial et chaleureux; le feu d’artifice, bénéficiant de conditions climatiques exceptionnelles a été particulièrement réussi et apprécié. Mercredi 7 janvier 2004: Une association de défense contre le risque inondation est en cours de constitution à Bellegarde. Une première réunion se déroule au centre culturel des Sources à 21heures. Je participe à cette réunion devant une salle comble et essaye d’apporter des réponses aux nombreuses questions posées par le public à la fois révolté et résigné. La qualité des échanges et des discussions est tout de même d’excellent niveau. Je me réjouis qu’un bureau se soit constitué, cela facilitera le dialogue et la représentativité des sinistrés. Cette association, présidée par Luc Soulié, rejoindra plus tard la Confédération des riverains de Rhône. Vendredi 9 janvier: Toutes les cérémonies dites des «vœux du maire» organisées pour les personnels et les élus, les acteurs économiques et le monde associatif ou les nouveaux bellegardais sont très chaleureuses. Nous avons tous envie d’échanger des vœux de reconstruction, envie de solidarité, envie d’être rassurés, envie d’espoir. C’est l’occasion de donner des explications sur ce qui s’est passé et de mettre en perspective les dispositions administratives et techniques qui devraient être mises en œuvre pour réduire nos risques et notre vulnérabilité. Vendredi 16 janvier: Je me rends au «Village noir» situé dans la plaine de Beaucaire. Mme Petit et MM. Ordas et Bancel essayent de refaire « surface » et malgré un anéantissement total, onze familles souhaitent redonner vie à ce village atypique construit en toute illégalité dans les années 1940, un peu à la manière des cabanes de Beauduc. Cette détermination montre que certaines populations sont finalement très attachées à leur environnement, même si celui-ci présente des risques de survie évidents. Mme le Maire de Beaucaire souhaite que ces familles acceptent des solutions de relogement plus conforme à la légalité. Mercredi 21 janvier: Le préfet Jean-Pierre Lacroix, nommé par arrêté du Premier ministre «préfet coordonnateur de bassin» pour superviser la réparation des digues, élaborer et mettre en œuvre une stratégie globale de prévention des inondations du Rhône et de ses affluents est opérationnel. Il travaillera en étroite collaboration avec Henri Torre, président du Comité de Bassin Rhône-Méditerranée. C’est pour nous une nouvelle très attendue. Lundi 2 février: Je reçois en mairie le président national de la FNACA qui vient remettre un chèque aux anciens combattants sinistrés de la commune. La générosité à notre égard s’est manifestée de diverses manières. Au plan financier c’est finalement plus de 90 000€ de dons que nous avons reçus, avec des sommes qui vont de quelques euros à des chèques allant jusqu’à 15 400€ , de la part d’une association d’Alès, 15 245€ de la part de Languedoc Terrains, 10 000€ du Commissariat à l’Energie Atomique, 10 000€ de la Ville d’Aulnay-sous-Bois, 4 600€ de la commune de Fourques, 3 000€ d’Agro-développement, 2 200€ de la paroisse de Bellegarde, 2 000€ de la société OTV, 1 800€ du Parcours de chasse Bellegardais, 1 000€ de l’association cultuelle et culturelle musulmane, 1 000€ de la mairie de la Calmette. Bellegarde en Forez, commune de Haute-Loire, notre ville jumelle Gersfeld, en Allemagne, comme beaucoup d’autres encore, nous adresseront des dons significatifs. Deux pages en annexes présentent plus en détail les gestes de «solidarité de ces institutions et particuliers». Par avance, je présente des excuses à celles et ceux que je n’ai pas cités. Samedi 7 février: Corine Sauvage remplit le Centre Culturel des Sources avec son spectacle spécial «Dalida» offert gratuitement à toutes les familles sinistrées. Ce moment de détente et de qualité est très apprécié. Lundi 16 février De nombreux élus dont je fais partie, sont réunis en Avignon au palais des Papes par le préfet Lacroix. Les premières enveloppes financières destinées aux réparations des dégâts sont mises en place instantanément: 20M€ par l’Etat, 5M€ par les régions, 4M€ par l’Agence de l’eau. Les autres financements seront mobilisés et mis en place au cours des mois suivants. A plus long terme, c’est un programme pluriannuel qui sera élaboré. Mardi 20 juillet: Une importante réunion du comité de pilotage de la mission sur les inondations se déroule en Arles. Les principales mesures qui ont été prises concernent: la protection: surveillance et entretien des ouvrages, réduction de l’aléa en débit, vitesse et hauteur d’eau, - la prévention: réduire la vulnérabilité des lieux habités et des activités humaines, - la prévision: alerter et se préparer à gérer une crise. Pour appliquer des principes simples en apparence, il faut hiérarchiser les secteurs à protéger: lesquels et dans quel ordre calendaire, définir ce qui est ou non un risque acceptable et surtout qui doit payer. Il faut dire qui fait quoi, dédier à chaque partenaire un rôle et des missions, qu’il soit l’Etat, les collectivités locales, les syndicats, sachant qu’il faut toujours choisir un maître d’ouvrage capable de porter des projets. - 8 8 Il faut dire comment se traduit le principe de la « cohérence globale » qui a tant de fois été réclamée, dire comment se traduit la solidarité sur l’ensemble du bassin. Comme je l’ai déjà dit, il est probable qu’une vision trop locale des choix de protection: rehaussement de digues ou creusement du lit, peuvent ne pas être efficaces, voire aggraver la situation des riverains amont, aval ou « d’en face ». Il faut enfin faire des choix techniques, en évaluer leurs coûts, établir un calendrier réaliste et engager les maîtres d’ouvrages. Tout ce travail est à approfondir. Les dates que j’ai retenues dans cette chronologie des évènement auraient pu être beaucoup plus nombreuses car j’ai consacré des jours entiers ou a minima une partie de chaque jour à la problématique inondation. Ce récit est donc par essence incomplet, imparfait, peut être partial car j’y exprime quelques fois, au-delà des faits, des commentaires ou des sentiments personnels. C’est ainsi, celles et ceux qui veulent être des témoins de l’histoire avec un petit «h», expriment toujours des faits avec des mots et des phrases qui traduisent de façon subjective leurs sentiments. Nous sommes effectivement et quelques fois dans l’irrationnel, loin des analyses scientifiques froides et précautionneuses, en tous cas mes propos sont toujours sincères. Cet avertissement vous permettra peut être de ne pas juger trop sévèrement cette chronique qui n’a pas été vécue ou vue de la même manière par tous. 8 0 9 2 5. Bilan et interrogations Aux premières estimations avec une hauteur d’eau comprise entre quelques centimètres à plus de 2m, voire 3m dans les locaux des manades Didelot et Jacquot, ce sont plus de 800 foyers qui ont été touchés par le sinistre, plus de 2000 ha de terre, plus de 40 entreprises locales. Certains ont tout perdu jusqu’à leur enfant, d’autres s’en sont mieux sortis. La décrue constatée, la priorité des préoccupations a été d’apporter notre soutien aux plus sinistrés. Priorité au relogement, à l’aide matérielle, aux conseils, au soutien psychologique. On est fier à Bellegarde d’avoir été les premiers et de loin, à offrir, avec l’aide de la préfecture, une plateforme équipée d’une quarantaine de mobile homes. Notre deuxième priorité a été de redonner vie à notre ville. Tout d’abord par le nettoyage des habitations et des voiries, tout comme la remise en service de nos réseaux et de nos équipements de l’usine d’assainissement. Il était impératif de remettre en fonction la station d’épuration pour des raisons sanitaires et de santé publique. La brèche de la digue de Petit Argence étant située au sud de la commune, les eaux du Rhône se sont trouvées canalisées entre la RN113 et l’autoroute A54 avec comme exutoire prioritaire la commune de Bellegarde. En fait l’autoroute a elle-même été submergée ce qui signifie que le niveau atteint par les eaux n’aurait pas été beaucoup plus bas mais il est clair que l’écoulement de l’eau vers le sud-ouest, donc vers la mer a été étranglé donc retardé. Il est en outre inconcevable de construire un ouvrage aussi important en zone inondable. Outre le problème de l’évacuation rapide des eaux qui nécessite l’intervention de puissantes pompes, celui de la gestion et de l’accueil de plus de 2000 sinistrés, celui de la prévention des risques sanitaires (bétail mort, réseau d’assainissement saturé et perturbé), du suivi de l’alimentation en eau potable, gaz et électricité, de la gestion et de l’accueil des secours de tous genres, la commune a pris des mesures pour lutter efficacement contre les risques de pillages. Les maisons évacuées deviennent rapidement la proie de quelques sombres personnages. Il a fallu filtrer l’accès de la commune sans pour autant limiter l’arrivée des aides bénévoles qui, balais, pelles, à la main viennent de toutes parts, par solidarité, prêter main forte aux Bellegardais. D’autre part des patrouilles ont surveillé les secteurs isolés la nuit. La Légion et la Gendarmerie se chargeront avec efficacité de cette tâche. J’ai écrit à Madame Alliot-Marie, ministre de la défense pour lui dire combien notre commune était reconnaissante des services rendus par des militaires qui, fort heureusement, n’interviennent pas qu’en temps de guerre et sur des théâtres opérationnels extérieurs mais aussi au profit de communes de France en difficulté. J’ai salué dans ce courrier le général Bruno Dary, le colonel Margail, le capitaine Roussel, les lieutenants Coutansais et Vancina des 2e REG et REI de Nîmes. Je n’ai pas oublié de rappeler le précieux concours de la Gendarmerie Nationale et de l’implication particulière du chef d’escadron Ribiolet et du lieutenant Baggio. 9 4 Jusqu’à la fin janvier, ce sont plus de 2000 tonnes d’encombrants qui ont été apportées sur la plate-forme de Saint-Jean puis transférées vers le centre d’enfouissement de SITA FD à Piechegut. Comme les travaux de démolition et de reconstruction ne se seront pas achevés avant l’automne 2004, ce tonnage va s’accroître d’environ 1000 tonnes supplémentaires. Par solidarité avec les Bellegardais, SITA FD a décidé de recevoir tous ces déchets gratuitement. Les 2000 tonnes d’encombrants qui seront traitées gratuitement en faveur de la commune représentent un «geste» de plus de 160 000€. Un grand merci à la direction de Sita et en particulier à nos interlocuteurs, MM Denis Llacer et Patrice Imberti. Le nombre exact de foyers sinistrés s’élève à 619. Notre commune accueille un peu plus de 2 200 familles. La population bellegardaise a donc été sinistrée à hauteur de 30% environ. Le montant total de ce sinistre supporté par les assurance s’élève à environ 20 M€. Fin août 2004, dix-huit mobile homes étaient encore occupés, quatre l’étaient encore le 13 novembre. Un coup de vent exceptionnel dû à la conjugaison du Mistral et de la Tramontane a même renversé sur le toit un mobile home fort heureusement inoccupé. Les derniers habitants de ce «village blanc» ont quitté officiellement les lieux pour regagner leurs domiciles en février 2005. La réhabilitation de la majorité des maisons a nécessité de nombreux mois. Dans le temps, les traces matérielles du sinistre s’effaceront sur notre commune, mais pas dans les mémoires ni dans les cœurs. Une question qui se pose est de savoir si le sinistre des 3 et 4 décembre 2003 va modifier nos projets pour notre ville. A cette question, il faut sans aucun doute répondre « oui ». Sa première conséquence concerne nos prévisions budgétaires et le chamboulement de la hiérarchisation de nos projets. Même si notre commune est classée «en catastrophe naturelle» le coût des réparations que nous avons assumées n’a pas été totalement couvert par les aides financières que nous avons reçues. La reconstruction de nos bureaux des services techniques, comme celle de la station d’épuration n’ont pas été totalement couvertes par les indemnités versées par nos assurances. Cela étant, nous avons par contre bénéficié d’un financement plutôt avantageux, 90% des dépenses, relatif à la «reconstruction» de nos voiries endommagées qui, reconnaissons-le, avaient de toutes façons bien besoin d’être rénovées. En second lieu, la crue du Rhône 2003 aura certainement une incidence sur la réglementation du Plan Local d’Urbanisme en cours de révision et notamment pour les zones concernées par les risques de submersion du Rhône. Les élus que nous sommes, sont déterminés à ne pas baisser les bras. Début 2004 l’heure était celle de la désolation pour la Terre d’Argence, mais aussi celle de la reconstruction. La question qui se pose crûment aujourd’hui est celle-ci: ■ soit on considère que les zones inondables sont irrémédiablement condamnées: dans ce cas, 80 % de la superficie de Beaucaire, 50 % de celle de Bellegarde et la totalité des villages de Fourques et Vallabrègues sont à abandonner. ■ soit on apporte des solutions. Il en existe d’efficaces et on permet aux populations de continuer à vivre au pays, sans craindre une nouvelle dévastation. Nous sommes persuadés qu’il faut réduire la vulnérabilité des zones inondables de notre canton car les enjeux humains, économiques, agricoles et écologiques sont ici considérables. Ils concernent l’emploi et un environnement à forte valeur. Il faut rendre compatible le développement de notre territoire avec ce risque en ayant recours à une politique d’aménagement avec des règlements d’urbanisme adaptés. On peut admettre d’avoir les pieds dans l’eau et refuser par contre d’avoir le Rhône au-dessus de nos têtes. Il faut redire que personne ne croyait possible une inondation de ce type. Pourtant, une fois constatée, de nombreuses questions m’ont été posées. Nous connaissons tous à Bellegarde le niveau atteint par les eaux au cours de l’inondation de 1840. Une marque figure sur l’immeuble situé à l’angle de la rue d’Arles et de la rue de Beaucaire. En 2003 l’eau s’est arrêtée de monter au niveau de la rue Jean Moulin, la différence altimétrique entre ces deux niveaux est de deux mètres environ. L’eau a mis treize heures pour atteindre l’Oasis, plus de trente heures pour atteindre son niveau le plus haut, à l’angle de la rue Jean Moulin. Alors certains m’ont posé la question de savoir pourquoi n’a-t-on pas dit que l’eau arriverait à ce niveau ? Rue de Beaucaire : un témoin de la crue de 1840 9 6 Il faut rappeler que l’alerte a bien été donnée par les services municipaux, par les élus et par les gendarmes, mais elle a laissé incrédule. La crue du Rhône a été relativement lente, laissant le temps d’évacuer les personnes, y compris les résidents de la maison de retraite. Cela dit, personne n’a pu donner avec précision le niveau qu’atteindraient les plus hautes eaux. Si la crue du Rhône avait duré encore plusieurs heures, le niveau d’eau aurait continué à monter car il était impossible de fermer la brèche de Petit Argence. Le système de télé-alerte mis en place par la communauté de communes Beaucaire Terre d’Argence est actuellement opérationnel mais il ne permet pas d’indiquer à quelle hauteur l’eau peut arriver. Il faut effectuer un calcul de débit entrant se répartissant sur une certaine surface. Il est facile de donner la vitesse de montée des eaux, beaucoup plus difficile de prévoir l’arrêt de la crue. Le système d’alarmes et d’alertes téléphoniques est capable de prévenir dans des délais extrêmement courts des secteurs géographiques au fur et à mesure des nécessités. Les messages communiqués aux populations sont libellés sous l’autorité de chaque maire qui conserve en la matière son pouvoir de police. On voit bien que la gestion de la crue, l’amélioration des prévisions, la fiabilité des informations, l’efficacité des systèmes d’alerte constituent des moyens permettant de minimiser les conséquences catastrophiques de ce phénomène naturel difficilement évitable en zone inondable. Le Rhône appartient à l’Etat mais ce dernier a concédé au début des années 1930 son exploitation à la CNR. Nombreux sont ceux qui ont mis en cause les travaux de la CNR, (Compagnie Nationale du Rhône) mais aussi sa capacité à réguler ou non les crues du fleuve. En fait la CNR dispose de moyens très limités pour procéder à des écrêtages de crues. Il lui est impossible de réguler quand tous les biefs sont remplis par d’énormes quantités d’eau. La CNR, après avoir aménagé le Rhône, l’avoir «chenalisé», après lui avoir retiré plus de 12 000ha de zone d’expansion, est aujourd’hui un opérateur du monde de l’énergie hydroélectrique notamment. La CNR peut sans doute «piloter» voire optimiser la gestion des masses d’eau de façon marginale en situation nominale mais ne peut en aucun cas asservir les débits de crues du Rhône et encore moins de ses affluents. La question du dragage et de l’entretien des berges est sujet à controverses, voire à polémiques. Il faut tout d’abord rappeler que les apports solides charriés par le Rhône et ses affluents ont été notablement réduits par les aménagements hydrauliques construits sur le Rhône jusqu’aux années soixante dix et par extractions massives de granulats et de sable effectuées des années soixante à 1994. Le transport des matières en suspension, sables fins et limons, est estimé à dix millions de tonnes par an. Ces matériaux sans valeur économique enlisent notamment le lit du Petit-Rhône qui n’est pas dragué après l’écluse de Saint-Gilles, de plus ils colmatent ses ségonaux. Il est clair que la libre section de passage du débit est amputée, ce qui aggrave la situation et fait remonter le niveau du fil d’eau en cas de crue. La CNR entretien, en principe, le chenal de navigation du Rhône, en déplaçant des quantités de limon sans les soustraire du lit du fleuve. L’entretien courant des berges encombrées de sédiments et de 9 8 végétation se pratique, sur le Grand Rhône, par charruage afin d’éliminer les atterrissements et les remettre en mouvement par le courant de l’eau. Il n’est pas acceptable que le lit du Petit-Rhône à partir de Saint-Gilles notamment, ne soit pas dragué jusqu’à la mer à un niveau compatible avec les entrées d’eau de mer tolérables. Même les experts ont des avis divergents à propos du dragage du fleuve. Certains, à mon avis à juste titre posent la question de savoir s’il faut abroger la loi interdisant le dragage du Petit-Rhône. Ne pas draguer les fleuves et rivières et notamment le PetitRhône à son embouchure me paraît être une ineptie. On nous explique que ces matériaux n’ont pas tous une grande valeur. Il faut rappeler que les matériaux qui ensablent les cours d’eau viennent des montagnes, ils sont transportés par l’eau et se déposent quand la vitesse de l’eau se ralentit. Notre monde a besoin de matériaux de construction: sable fin, graviers, etc. Ils ont toujours été historiquement exploités. Il est préférable d’autoriser les carriers à extraire les granulats des fleuves, ils le font gratuitement pour la collectivité puisqu’ils commercialisent les matériaux en draguant le lit des cours d’eau au lieu de prélever des matériaux dans les collines. Dans ce cas les extractions de matériaux résultant du dragage relèvent de la réglementation des installations classées «carrières», elles sont très difficiles à obtenir, tant en délais qu’en démarches administratives. Cela dit, il est vrai que c’est la mer qui fixe le niveau du fleuve à son embouchure. Par vent d’est ou de sud, le niveau de la mer s’élève d’un mètre au moins. Il est donc nécessaire d’élargir le fleuve à son embouchure, voire de créer de nouveaux chenaux exutoires. Une autre question non négligeable m’a été souvent posée. Elle concerne le rôle de l’autoroute A54 qui a certainement aggravé la situation en empêchant l’écoulement de l’eau vers l’ouest. Il ne me paraît pas normal qu’un ouvrage de cette importance stratégique en matière de voie de liaison entre l’Espagne et l’Italie, construit il y a peu de temps, en 1993, ait été fermé à la circulation pendant plus de dix jours à cause des inondations. Comme je l’ai déjà dit, il est nécessaire de rendre le remblai plus transparent aux crues. Il eût été par exemple pertinent de réhausser le tablier de la voie dans cette zone. C’est vrai que si on observe la carte, l’eau s’écoule vers Saint-Gilles en longeant le Petit-Rhône et le canal du Rhône à Sète et on peu a priori considérer que l’autoroute A54 constitue une digue qui empêche l’eau de s’écouler. Je pense que le remblai de l’autoroute a aggravé la situation mais en partie seulement. Il me parait néanmoins important, sur la rive gauche du Petit-Rhône, au droit du pont de l’A54, côté Camargue, d’élargir le ségonal afin d’augmenter la section de passage du débit du fleuve. En fait il n’y avait pas d’autoroute en 1840 et la situation a été encore plus catastrophique. La preuve que l’eau n’a pas été bloquée, mais seulement ralentie, est que l’autoroute a été submergée sur une grande longueur et que Saint-Gilles n’a pas été épargnée. Dans le plan général de gestion globale des crues il a été annoncé qu’il faudra décider que certaines plaines basses longeant le fleuve, faiblement habitées, devront être dédiées à l’expansion des eaux passant au-dessus des déversoirs. Cette question a été posée au lendemain des inondations du 3 décembre par certains qui ont cru que les «Saint-Gilles n’a pas été épargnée non plus...» 9 00 «... Tout comme Arles». 10 02 BEAUCAIRE BC1... Vendredi 3 décembre 2004 ■BC1... Midi Libre INTERCOMMUNALITÉ Un an après les inondations de décembre 2003 Téléalerte : le deuxième test a été concluant Seul, Elie Bataille a réalisé mercredi soir une simulation sur Bellegarde ■ A l’instar des villes du Gard comme Nîmes, Alès, Bagnols et Aramon, qui ont mis en place un dispositif d’alerte pour leur population, les communes de Beaucaire, Bellegarde, Fourques, Jonquières-SaintVincent et Vallabrègues touchées par les inondations de décembre 2003, avaient, dès cet été, évoqué leur intérêt pour ce système de téléalerte. La communauté de communes de Beaucaire Terre d’Argence (CCBTA) a ainsi décidé de mettre en place un dispositif permettant à chacune d’entre elles d’alerter leurs administrés par téléphone en cas de risque majeur. C’est l’entreprise Cedralis qui était chargée de mettre en place un tel système avant la fin de l’année. Le 6 octobre dernier un premier test avait été réalisé sur les populations du territoire de la CCBTA. Chaque maire avait enregistré un 5 657 message envoyé à un échantillon de la popunuméros lation afin de tester le collectés système. à Beaucaire L’essai avait été jugé concluant. A Beaucaire, par exemple, 4 227 appels avaient été effectués en 17 minutes. Depuis, une campagne a été menée dans les cinq communes de la CCBTA pour qu’un maximum de personnes désireuses d’être alertées s’inscrivent en fournissant notamment leur numéro sur liste rouge ou de téléphones portables. Ainsi, 3 116 numéros ont été collectés sur Bellegarde, 1 914 sur Fourques et 5 657 sur Beaucaire. A ce jour, les effectifs sur Vallabrègues et Jonquières n’ont pas été encore comptabilisés. Elie Bataille, avec le responsable de Cedralis, a enregistré le message de simulation d’alerte. Mercredi soir, les maires des communes concernées étaient invités à procéder à une nouvelle simulation. Seul Elie Bataille, maire de Bellegarde et président de la CCTBA, s’acquitta de cette tâche. Les autres élus arguant, comme Mireille Cellier, “que la population n’est pas au courant de la simulation, ça va provoquer une panique”. A laquelle Jean-Marie André répondait en écho qu’il “faudrait encore deux ou trois inondations pour que les gens s’y fassent!” Elie Bataille enregistra donc son message aux Bellegardais en insistant que c’était bien là “une simulation d’alerte”. Instantanément, le téléphone portable des élus bellegardais présents dans la salle se mit à sonner et... la voix d’Elie Bataille expliqua qu’il s’agissait d’un “ message de simulation d’alerte ” ! Le test a donc été jugé concluant. • Arnaud FAULI plaines de Beaucaire, Bellegarde, Fourques et Saint-Gilles avaient été sacrifiées et considérées comme zone d’expansion des crues au profit d’Arles ou d’Avignon. La réponse à cette suspicion est catégoriquement non. Si cela avait été le cas la ville d’Arles n’aurait pas été inondée. Il ne faut pas oublier que ce sont plus de 8 000 personnes qui ont été sinistrées dans la zone nord d’Arles sans compter la zone industrielle submergée, ce qui a durement affecté l’économie de cette ville. Par contre il est vrai que l’étang du Vaccarès aurait pu servir de zone d’expansion; avec ses milliers d’hectares, il aurait pu absorber des quantités d’eau considérables ce qui aurait dégonflé le Rhône, atténué l’inondation en Arles mais aussi à Bellegarde et à SaintGilles. Cette inondation a eu des conséquences sur l’environnement, notamment parce que de nombreuses cuves de fioul ont été vidées par l’eau plus dense que les produits pétroliers. Il suffisait d’observer les nombreuses traces d’hydrocarbure sur les murs de clôture pour évaluer l’importance de ces pollutions. Les inondations ont également dissout et dilué d’importantes quantités de produits agricoles comme des engrais, des sulfates, du soufre, voire des pesticides. Les habitants des quartiers est de la commune étaient inquiets des pollutions potentielles de la plateforme traitant les boues de stations d’épuration et de déchets verts. Nous avons interrogé la société SAUR, en charge de l’exploitation de la plateforme qui nous a remis un rapport selon lequel la dispersion des matières organiques et des déchets verts a été minime puisque les «tunnels» en plastique ont maintenu les andins confinés. De très faibles quantités de compost élaboré ont été en contact avec l’eau, la clôture a également fait fonction de barrage. Cette plateforme n’a pas généré plus de conséquences que les autres submersions agricoles ou que la dispersion des matières organiques de notre station d’épuration ou des systèmes d’assainissement particuliers. J’ai déjà dit, bien avant que cet événement ne se produise que nous n’ouvririons plus à la construction d’habitations, de nouvelles parties du territoire situées en zone submersible, hors cas des marinas. Pour les quelques rares terrains constructibles résiduels de la zone sud, nous exigerons que le rez-de-chaussée ne soit pas habitable. En matière d’urbanisme, mis à part le projet de cité lacustre qui était prévu au sud du port de plaisance et qui est pour l’instant suspendu, les conséquences de ces inondations sur la constructibilité des terrains et sur la révision du PLU en cours sont minimes puisque nous avions de toutes façons décidé, ceci bien avant décembre 2003, de développer l’urbanisme de la commune sur le plateau ou sur le penchant. A long terme, je ne vois pas de raison particulière pour que le projet de cité de marinas soit abandonné. Une cité lacustre c’est forcément près de l’eau. Il faut donc adapter les conditions de construction et de viabilisation aux circonstances. Ce serait la facilité que de renoncer et de se réfugier sous le parapluie du principe de précaution. Cela étant je conçois que nous puissions encore un peu réfléchir et faire mûrir ce projet. C’est la raison pour laquelle dans un premier temps, nous maintenons 10 04 nos intentions de création d’une darse et d’un port de plaisance sur cette zone et nous allons remettre à plat la question de l’urbanisation eu égard aux inondations que nous avons subies. Je rappelle en outre qu’un projet tout à fait similaire vient d’être autorisé à Aigues-Mortes dans une zone submersible du Rhône comme chez nous. Concernant les conséquences financières des inondations sur le budget communal, je confirme, comme je l’ai déjà dit, qu’il n’y aura pas d’impôt «inondation». Il n’y en a pas eu en 2004, il n’y en a pas eu en 2005 également. Nous disposons maintenant du décompte complet des dépenses induites par cet événement. Disons qu’elles se répartissent en quatre catégories. 1. Les dépenses d’urgence qui ont été remboursées par l’Etat via la préfecture du Gard à hauteur de 0,420M€: réquisition des entreprises qui ont évacué près de 2000 tonnes d’encombrants, réquisition des entreprises d’assainissement qui ont évacué les eaux sales pendant l’arrêt de la station d’épuration, construction de la plateforme sur laquelle nous avons installé les mobile homes, préparation des repas (jusqu’à 700 midi et soir au plus fort des opérations de secours), etc. 94% de ces dépenses nous ont été remboursés, notre commune n’a donc supporté que 25 000€. 2. Les dépenses liées aux dégâts subis par nos bâtiments ou nos matériels, soit une somme de150 000€, ont été couvertes par notre contrat d’assurance à hauteur de 75%. La commune a donc assumé 37 500€ de dépenses. 3. Les dépenses non assurables résultant des dégâts de réseaux et de voiries dont le montant s’élève à 1,330 M€ TTC. Nous avons lancé et réalisé un très important programme de reconstruction fin 2004, début 2005. Le montant des dépenses a été pris en compte à hauteur de 90% dont 40% à la charge de l’Etat, 40% à la charge du Fonds de Solidarité Européen, 10% financés par le département, les 10% restants financés par la commune, ce qui représente une charge nette de 115 000€, après récupération du FCTVA. 4. Les dépenses effectuées en faveur des sinistrés ont dépassé 90 000€. Elles ont concerné les locations de mobile homes, des participations pour moitié au règlement de leur facture d’électricité, des dons et secours aux particuliers, à certains artisans, etc. On peut dire que le montant de ces dépenses a été quasiment couvert par les dons d’entreprises, de collectivités ou de particuliers dont le montant total s’est élevé à environ 90 000€. Nous avons reçu 120 chèques ou virements dont le montant moyen s’élève à 750€ allant de quelques euros à plus de 15 000€. Cela dit, outre les dons, il est difficile de quantifier la valeur des fournitures, produits divers, produits alimentaires, vêtements, linge, électroménagers, etc, qui ont été redistribués aux sinistrés. Tous ces dons pécuniaires ou matériels sont bien entendu très appréciables mais ils ne pourraient en aucun cas et de loin, couvrir le montant des réparations. Il ne faut pas perdre de vue que ces contributions demeurent néanmoins modestes devant le montant total des indemnisations concernant les particuliers, les entreprises et le monde agricole, montant estimé entre 30 et 40 M€. En conclusion, la facture à la charge de la commune s’est élevée à environ 200 000€, ce qui est beaucoup, mais compte tenu des circonstances dramatiques que nous venons de vivre, reste «tolérable» pour notre collectivité. Cela dit, il faut reconnaître que nous avons reconstruit une large partie des voiries inondées alors que certaines d’entre elles étaient de toutes façons à rénover. Le bilan financier est finalement positif car en d’autres circonstances il nous aurait été impossible de nous faire subventionner des travaux de réfection de voiries à hauteur de 90%. Je tiens à saluer M. Jean-Pierre Hugues, préfet du Gard, qui, par sa détermination, a obtenu de l’État et de l’Europe des fonds en volume significatifs qui nous ont permis toutes ces «réparations». 10 06 6. Des solutions pour éviter le retour d’un tel évènement Le rapport établi en octobre 2004 par Pierre Balland, Ingénieur Général du Génie Rural et des Eaux et Forêts fait froid dans le dos, notamment à la page 40 du tome 1. Je cite: «La mission a relevé le caractère très vulnérable de l’ouvrage côté Grand Rhône qui va de Beaucaire à Fourques: tracé excessivement sinueux, attaque en pied par un canal d’irrigation, route de franchissement, …illustré par une menace de rupture lors de l’évènement de décembre 2003 qui n’a été jugulé que de justesse. Son tracé et sa conception (possible reconstitution d’un ségonal) sont à revoir entièremen ». Il faut savoir en outre que les animaux fouisseurs comme les blaireaux peuvent creuser des cavités de plus d’un mètre cube de volume dans le corps des digues. Côté Bouchesdu-Rhône, le confortement des digues repose sur quatre principes: maintenir la côte d’arase, c’est-à-dire la hauteur maximale, assurer l’étanchéité, installer un dispositif «anti-fouisseurs», permettre la circulation en tête par des engins de travaux publics. C’est également dans le rapport Balland que figure le profil type des digues confortées dans les Bouches-du-Rhône. Il comporte un masque argileux côté fleuve qui remplace la terre végétale, un géotextile anti-contaminant au contact de l’ancien corps de digue, un géotextile drainant sur le talus et un grillage de protection contre les animaux fouisseurs. Les talus dont les pentes sont de 2 sur 1, sont recouverts de terre végétale, la piste en tête fait 4,5m de largeur. A certains endroits, afin d’éviter les renards hydrauliques, un rideau de palplanches est mis en place côté fleuve. Cette description ne concerne pas les digues gardoises construites en terre prélevée sur les levées du canal de BRL, sans géotextile ni grillage anti-fouisseurs. Par contre, le principe de la voie de circulation en crête a été adopté, je m’en réjouis. On peut concevoir, construire, gérer et entretenir des systèmes de protection fiables. Les digues ne sont qu’une solution parmi beaucoup d’autres. La problématique est interrégionale. En effet, à part Vallabrègues, le Gard est surtout concentré sur la rive droite du Rhône et du Petit-Rhône et a trois fois moins de kilomètres de berges que ses voisins des Bouches-du-Rhône. C’est pourquoi les solutions ne peuvent s’envisager que dans un effort de mobilisation de l’ensemble des interlocuteurs des régions Languedoc Roussillon et Provence Alpes Côte d’Azur. Le «Rapport Territoire Rhône» remis en décembre 2002 au préfet du Rhône, en mars 2003 à la ministre de l’environnement, commandé par l’Etat après les inondations de Camargue de 1993 et 94, indique en résumé que l’on a modifié l’espace laissé au fleuve. On a rétréci son environnement par des digues trop proches de son lit, par des aménagements au profit de la navigation ou de l’énergie hydroélectrique. On a fait beaucoup de «génie civil» en oubliant la dose de «génie écologique», au bon sens du terme dénué de connotation politicienne, qu’il aurait fallu prendre en compte. Quand le fleuve grossit il ne trouve pas assez d’espace pour se répandre, sa section de passage est en outre réduite par l’ensablement de son lit qui n’est pas ou insuffisamment dragué, par le développement de la végétation, composée des arbres qui constituent des forêts de bois dur et réduisent dès lors la capacité hydraulique du lit. Ses abords ont été urbanisés, voire canalisés, plus de 12 000ha de zones d’expansion ont été « perdues » en amont d’Avignon. Le Rhône est un fleuve puissant. Ce qu’il ne pourra gagner en largeur, il le prendra en hauteur. Le choix du risque nous appartient. Le rapport préconise le renforcement des digues mais surtout la mise en place de déversoirs permettant de limiter la hauteur de la ligne d’eau afin de ne pas faire périr l’intégrité du corps des digues, évitant leur déversement aléatoire. Les déversoirs doivent être construits en matériaux résistant à l’érosion et aux renards hydrauliques. Le choix du positionnement des déversoirs est un acte politique qui nécessite beaucoup de concertation et de courage. Avant de créer de nouvelles zones de déversoir, y compris chez nous en compartimentant et en répartissant certains «casiers» destinés au remplissage, il convient d’optimiser certaines plaines d’expansion comme celles de Cruas, Montélimar, Donzère, Piolenc, Caderousse, Barbentane, etc. Il est envisagé de supprimer ou de court-circuiter certains méandres du Petit-Rhône, de créer des canaux secondaires pour amener plus vite et directement, l’eau à la mer. Bien entendu tous ces travaux nécessiteront du temps et des moyens financiers, autant de raisons pour commencer le plus vite possible. En résumé de ce que je viens d’énumérer, pour se prémunir contre ce type d’événement « redouté », il faut retenir l’eau en amont le plus longtemps possible et accélérer son déboucher naturel vers la mer en draguant le lit, en supprimant les arbres des rives qui freinent l’écoulement, en supprimant certains méandres qui retardent l’écoulement de l’eau vers l’exutoire. On peut également, pour accélérer l’évacuation de l’eau vers la mer, créer de nouveaux canaux parallèles au lit majeur qui entreraient en fonction à partir d’un certain débit d’eau. On peut également rehausser ou doubler les digues en certains endroits et «organiser» de façon volontaire et maîtrisée l’inondation de plaines dédiées à l’expansion de la crue y compris en Camargue. Les étangs du Vaccarès et du Scamandre pourraient avoir une vocation forte de bassin de réception à condition d’effectuer certains aménagements: canaux, rehausses de berges, etc. Les riziculteurs, certains céréaliers sont prêts à accepter cette solution, y compris sur des terres en culture, dès lors qu’ils sont justement dédommagés. En fait, on se rend compte qu’il est nécessaire de mettre un projet global pour le Rhône, ses affluents et son bassin versant. Il faut surtout et a minima, qu’une structure porteuse de projets et de financement assure une maîtrise d’ouvrage unique pour des sections pertinentes du Rhône, l’ensemble de la cohérence et de la réglementation devant être assurée par le préfet de bassin assisté par l’Agence de l’Eau. Le manque de cohérence et de coordination sont tels que, je re-cite en exemple le fait que face à nous, la digue «Bouches-du-Rhône» est plus haute que la nôtre de 60cm. Il n’est pas nécessaire d’être diplômé d’une grande école d’hydraulique pour deviner de quel côté l’eau versera en cas de crue. On ne peut pas non plus tout miser sur les digues sans créer par «coefficient d’influence» un risque ailleurs. Vous l’avez bien compris, 10 08 Zone de «chasse gardée» : la rénovation des digues s’arrête ici ! (photo prise en février 2005) 10 on ne peut pas monter des digues «jusqu’au ciel» comme cela a été évoqué dans la presse, c’est un ensemble de solutions qui est à mettre en œuvre pour nous protéger d’une crue «millennale» estimée à 16.000m3/s. Je rappelle qu’un évènement qualifié de millénnal , centennal ou décénnal n’est pas celui qui se produit tous les mille ans, tous les cent ans ou tous les dix ans, c’est un évènement qui a une chance sur mille, sur cent ou sur dix, de se produire. De nombreuses réflexions ont eu lieu en 2004. Les associations de sinistrés ont fait de nombreuses propositions positives, dommage que certaines d’entre elles soient un peu polémiques. Beaucoup de travail a été accompli par les autorités scientifiques et politiques compétentes coordonnées par M. Jean-Pierre Lacroix, préfet de la région Rhône-Alpes également chargé de la stratégie globale de prévention des inondations du Rhône et de ses affluents. Pour faciliter le travail des équipes sur le terrain il a été proposé de définir trois zones d’études et d’intervention : - Le Rhône amont qui va de la Suisse jusqu’au sud de Lyon, incluant le bassin de la Saône, - Le Rhône moyen situé entre le sud de Lyon et le sud de Montélimar, - Le Rhône aval qui comprend toute la zone du delta et les champs d’inondation identifiés au sud de Montélimar. Le comité de pilotage qui est chargé des orientations stratégiques, de porter la réflexion globale, d’assurer la concertation et la communication et de décider des choix et solutions, est co-présidé par le préfet coordonnateur de bassin et le président du comité de bassin. Il comprend : - les présidents des trois conseils régionaux concernés, - les présidents des conseils généraux riverains du Rhône, - le président de Territoire Rhône, - le président de la CNR, - les maires et présidents des grandes agglomérations, - les présidents des chambres consulaires régionales: commerce, industrie, agriculture, - les préfets et les services de l’Etat et ses établissements publics concernés, l’Agence de l’Eau et la DIREN de bassin. Le principe de la création de comités territoriaux de concertation est également retenu. Les membres de ces comités sont : - les élus du territoire concerné, - les maîtres d’ouvrages de digues, - les représentants des socio-professionnels - les associations de riverains. Un comité scientifique est également créé, il est composé d’experts ayant les compétences couvrant l’ensemble des disciplines de la problématique des crues. Un important colloque s’est déroulé en Arles le 26 novembre 2004. Il avait pour titre «La crue du Rhône : quels enseignements ?» 0 J’ai participé à ce colloque comme beaucoup d’élus et de personnes concernées par cette importante question : DIREN, Agence de l’Eau, service de la Navigation, régions PACA et Languedoc-Roussillon, départements des Bouches-du-Rhône et du Gard, Territoire Rhône, CNR, les élus municipaux, des chercheurs, le monde associatif, etc. En résumé, plusieurs messages sont à retenir: - La crue de 2003 était forte mais pas exceptionnelle, une crue plus forte peut se produire et il faut s’y préparer. Cette crue fait partie des trois plus fortes des deux siècles derniers mais vient derrière celles, dans l’ordre, de 1840 et 1856. Il y a eu ces dix dernières années cinq crues fortes: 1992, 93, 94, 2002, 2003. Cela signifie que les périodes de retour se rapprochent. Les experts de l’Inspection Générale de l’Environnement affirment même que le débit maximum de la crue mesuré à Beaucaire n’était pas de 13.200m3/s comme cela a été annoncé mais de «seulement» 11.000m3/s. - La CNR n’a pas aggravé la crue par la gestion de ses ouvrages. - La crue 2003 fut de courte durée mais à gros débit, les zones inondées sont inférieures à celles de 1856. - Une crue plus forte aurait pu être possible, le Gardon, la Durance et la Saône n’ont pas donné, à ce moment là, leur débit maximum. - Il est impossible de se protéger à 100% contre ces crues, le risque zéro n’existe pas, il faut donc se préparer à un éventuel événement similaire tout en agissant pour diminuer notre vulnérabilité et augmenter notre protection. On ne peut plus invoquer le caractère imprévisible d’un tel événement. - Partant du principe que les digues ne pourront pas nous protéger contre toutes les crues, il faut anticiper et choisir à l’avance des lieux de déversement. La position et le nombre de déversoirs doivent être choisis pour créer le moins de dégâts possibles, en concertation avec le monde agricole. Les digues doivent en priorité protéger les zones habitées. - Le risque le plus grand en cas d’inondation est la rupture de digues qui cause des déversements brutaux et incontrôlés. Les habitations placées immédiatement derrière les digues sont les plus menacées à cause du court délai de réaction possible. - On ne peut monter les digues à des hauteurs infinies, leurs causes de ruptures résultent du manque d’entretien et de surverse non maîtrisée. Il faut donc que les digues soient plus solides, entretenues et surveillées. - Il faut pouvoir en certains points déplacer les digues, recréer des ségonaux afin de laisser de la place à l’eau. 1 RN 113 à hauteur de la cave coopérative 2 Rue d’Arles 1 - Dans la gestion des débordements, il faut impérativement ressuyer les terrains inondés pour limiter la durée de la submersion, durée qui aggrave les dommages aux bâtis comme aux cultures. - Il est impératif de stocker l’eau à l’amont et accélérer l’évacuation vers l’aval. Je considère que l’on ne prend pas encore assez en compte les dispositions de stockage sur les affluents du Rhône. - Il est nécessaire de développer la conscience et «la culture du risque», chacun doit assumer ses responsabilités: Etat, régions, départements, communes, citoyens. Il faut admettre la solidarité «amont-aval» du fleuve et faire payer tous ceux qui vivent du Rhône et de ses affluents pour construire aux endroits opportuns les ouvrages de protection qui s’imposent. Un autre rendez-vous, organisé celui-ci sur le site du Pont du Gard, le 2 février 2005 dans le cadre des états généraux du Rhône, a permis aux nombreux protagonistes présents de s’exprimer sur les problématiques de: 4 - La réduction de la vulnérabilité et de la façon de protéger les zones à enjeux importants, en réfléchissant sur la manière de faire évoluer le développement de nos territoires, compte tenu de l’exposition des biens et des personnes au risque inondation, admettre ce risque, le rendre acceptable et adapter le développement urbain, les règles d’urbanisme en conséquence. - La réduction de l’aléa à l’échelle du bassin versant du Rhône en essayant notamment de retrouver des territoires sur lesquels il serait possible et accepté d’aménager des champs d’expansion de crues. J’ai rappelé à cette occasion que le Rhône ne concerne pas seulement les régions PACA, Languedoc-Roussillon et Rhône-Alpes ainsi que les douze départements limitrophes, mais trente départements qui, via leurs affluents, viennent alimenter le «Fleuve-roi» et le faire grossir jusqu’à ce qu’il vomisse son eau par-dessus ses digues. Ce sont bien les précipitations du quart du territoire français, notamment réparti sur des zones montagneuses comme les Alpes et le Massif Central, délimité par une ligne de partage des eaux qui préfèrent la Méditerranée à l’Atlantique ou à la mer du Nord. Je pense que la gestion globale du Rhône n’inclut pas assez, à mon goût la gestion de ses nombreux affluents. - La gestion de la crue, la façon d’améliorer les prévisions, la qualité et la fiabilité des informations et d’alerte, puis la gestion de la crise et de la post-crise. Beaucoup reste faire dans ce domaine notamment sur la fiabilité des valeurs de débits mesurés à Beaucaire. Je rappelle que nous avons vécu avec les données CNR pendant des mois avec la référence «13.000m3/secondes», puis nous avons découvert dans le rapport Balland que le débit à prendre en compte était plutôt de 11.000m3/s. Cette valeur positionne la crue de décembre 2003 parmi les événements les plus importants des deux derniers siècles et non pas comme le plus important connu. Un centre d’information d’hydrométéorologie centralisé à Nîmes devrait voir le jour courant 2005. - La mémoire des crues et la culture du risque doivent concerner tous les habitants des zones inondables. Je l’ai dit plusieurs fois dans cet ouvrage, nous sommes devenus collectivement amnésiques et nous nous pensions à l’abri derrière nos digues. Il nous faut donc admettre que le «risque zéro» n’existe pas et qu’il nous faut entretenir nos mémoires collectives. Les mouvements de populations sont nombreux, les riverains du Rhône d’aujourd’hui ne le resteront pas éternellement. Il nous faut donc mettre en place des dispositions qui devront développer la culture du risque des habitants de nos territoires, de façon pérenne. Cet ouvrage constitue une modeste contribution à la recherche de cet objectif. Notre commune se trouve aujourd’hui, concernée par les risques d’inondations dues au Rieu et au Rhône. C’est désormais une situation qu’il faudra prendre réellement en compte pour nous-mêmes et pour les générations qui nous succèderont. Cela dit, on doit pouvoir concevoir, construire, gérer et entretenir des systèmes de protection contre les inondations. Les digues ne sont qu’une solution. Il faut aborder une vision globale du Rhône depuis l’amont où il faut stocker l’eau, à l’aval où il faut accélérer l’évacuation de l’eau vers la mer. Une digue cela peut se doubler. Cela peut se sécuriser, il est également possible de reprendre le dragage du fleuve sur des sections pertinentes. On peut vivre en sécurité derrière des digues, les Chinois le font depuis plus de 23 siècles, les Hollandais le font également depuis des siècles. La moitié du territoire des Pays-Bas se trouve au-dessous du niveau de la mer. Les premiers syndicats de polders ont été fondés au 11e siècle. Les Hollandais estiment aujourd’hui qu’il est nécessaire d’abaisser les lignes d’eau des fleuves et canaux en donnant plus d’espace aux cours d’eau, en déplaçant les digues, en construisant des bâtiments flottants. Des solutions existent ailleurs, mais même chez nous on peut construire des digues renforcées indestructibles, la CNR l’a fait, il n’est pas question de transformer le sud de notre territoire en désert. Les digues doivent répondre à cinq critères et être: - Stables, c’est-à-dire résister à la poussée statique et dynamique de l’eau. Ce sont en effet des tonnes au mètre carré qui poussent sur la paroi intérieure de la digue. Il arrive qu’une brèche se produise sur une mauvaise tenue des matériaux alors que le niveau de l’eau n’est pas encore arrivé en crête de digue. - Etanches, elles doivent être imperméables à l’eau le plus longtemps possible. Si l’eau traverse, même sur une faible section, un « renard hydraulique » se forme, il emporte la terre, le trou s’agrandit de seconde en seconde de façon quasi exponentielle et c’est la brèche. - Inaccessibles aux animaux fouisseurs qui creusent des cavernes et des galeries qui fragilisent la structure. L’eau s’engouffre dans la cavité qui est une zone affaiblie de corps de digue et crée rapidement une brèche. - Submersibles sans se déliter, c’est-à-dire que la face extérieure et notamment le pied de digue, doit par ses matériaux présenter une paroi qui résiste à l’érosion due à l’énergie résultant du potentiel altimétrique de la lame d’eau qui chute depuis la crête. 1 6 Côté Gard 1 - Circulables en tête par des engins de chantier pour faciliter les interventions en cas de nécessité. Sur la digue de Beaucaire à Fourques je préconise le battage de palplanches au cœur de la digue ou la mise en place d’enrochements maçonnés sur la face extérieure afin que même en situation de surverse, la digue ne s’érode pas, ne se délite pas, n’explose pas sous la pression du fleuve en créant un brèche béante par laquelle s’engouffrera non pas deux cents mètres cubes d’eau par seconde comme sur le Petit-Rhône, mais deux mille, voire plus. Il est en outre impératif de déplacer le canal d’irrigation qui longe le pied de talus de la digue sur une très grande longueur. Cette « saignée » affaiblit la résistance de la digue. Les travaux de réparation de la brèche de Petit Argence sur le Petit-Rhône sont achevés. Ceux concernant la consolidation de la digue gardoise de Petit Argence à Grand Cabanne sont lancés, ils seront réalisés à partir de l’été 2005. J’ai lourdement insisté pour que le tronçon de digue situé juste en amont de la «réparation», dans une courbe, soit notablement renforcé. Je me réjouis, c’est en outre essentiel, qu’une voie de service ait été aménagée en crête de digue pour apporter d’éventuels matériaux complémentaires, en cas de besoin. Concernant l’amélioration du système d’alerte, c’est la communauté de communes Beaucaire Terre d’Argence qui prend en main la maîtrise d’ouvrage et le financement du dispositif qui permettrait à chaque maire de prévenir par téléphone, quartier par quartier, les habitants de notre canton, d’un risque éventuel. Le dispositif est opérationnel, il a été testé à Bellegarde et à Beaucaire auprès de toute la population. Concernant les divers plans de prévention dont on parle ici où là, il faut indiquer que la commune ne dispose pas de plan de prévention des risques inondation (PPRI), car il faut rappeler que c’est l’Etat qui décide de son élaboration. Cela dit, je tiens à vous rassurer ce n’est pas le « PPRI » qui nous aurait mieux protégés ou mieux prévenus en cas d’inondation. Ce plan permet surtout aux communes à forts risques de légiférer sur les zones exposées du territoire communal. Ces plans définissent les zones inconstructibles et d’autres qui le sont sous conditions. Dans cet esprit, notre Plan Local d’Urbanisme, ex-POS, prend en compte depuis longtemps les servitudes d’un PPRI équivalent. Par contre, nous communiquerons à tous les habitants de la Terre d’Argence un plan communal de sauvegarde élaboré sur le principe retenu par les élus de Fourques et publié dans le magazine de janvier 2005 de la communauté de communes. Ce plan ne concerne pas que le risque inondation dû au Rhône, il concerne d’autres risques majeurs comme les inondations collinaires, les risques liés au transport de matières dangereuses, le risque nucléaire. Il définit les procédures à mettre en œuvre en toutes circonstances, procédures qui seraient relayées par la télé-alerte. La commune a par ailleurs élaboré avec les directeurs d’écoles des plans de mise en sécurité des enfants et nous disposons depuis longtemps de consignes et de procédures d’urgence qui ont été mises en œuvre en décembre dernier. Et puis l’expérience montre 8 que le bon sens, le courage et le travail collectif de tous les acteurs associés aux secours ont fonctionné sans difficultés. Les procédures c’est bien, le réalisme adapté aux situations qui ne sont pas toujours reproductibles, ce n’est pas mal non plus. Cela dit et de mon point de vue, la priorité des priorités de nos réflexions, de nos actions et de nos investissements doit porter sur le tronçon de digue de Beaucaire à Fourques, comme je l’ai dit maintes fois. 1 20 7. Les inondations vues par les médias. Le rapport Balland contient une analyse du vocabulaire utilisé par les médias concernant cette catastrophe naturelle. En résumé on peut dire qu’il a beaucoup évolué. Au 19e siècle on utilisait encore des expressions comme «malheureux», «désastre», «fléau», «calamité», voire «punition divine». Les connotations émotionnelles ou divines du vocabulaire ont laissé la place à des expressions plus techniques comme « sinistrés », «inondations», «catastrophe», «victimes d’un sinistre». Au 19e siècle les journalistes s’apitoyaient sur le malheur des victimes, aujourd’hui ils parlent de leur colère, d’évaluation et de gestion du risque, de sécurité, de protection, de maîtrise scientifique des aléas. On parle plus volontiers aujourd’hui du rôle des ingénieurs et des calculs de probabilité que de volonté ou d’intervention divine. Le mot «environnement» n’était pas utilisé en 1856. Les hommes politiques se déplacent aujourd’hui rapidement sur les lieux des catastrophes. Nous avons, dans le Midi accueilli le président de la République, le ministre de l’Intérieur, la ministre de l’écologie. Leur visite est chaque fois l’objet de reportages radio et télévisés, ils sont commentés par les journaux. En 1856, Napoléon III accomplit un acte novateur et mémorable en venant en Arles, à Tarascon et en Camargue à peine 4 jours après l’inondation. Les reportages télévisés relatifs aux inondations en général, en Terre d’Argence et à Bellegarde en particulier, ont été nombreux. On peut dire que grâce aux médias, à la télévision notamment, tout notre pays, voire ceux qui reçoivent par satellite les informations de type LCI, TV5 et autres, ont été informés de ce qui nous arrivait. Sans image, pas de prise de conscience. Cette prise de conscience quasi universelle a entraîné d’importants mouvements de solidarité. L’intérêt que suscite chez les spectateurs ce type d’événement est à double lecture. Etant optimiste par nature j’y vois de l’empathie, de la compassion et apprécie les réactions positives d’hommes et de femmes, d’élus, d’associations. C’est vrai que ce sont les images de la télévision qui ont permis d’alerter des personnes qui sans cette information n’auraient pu se manifester et se mobiliser en notre faveur. Je salue en particulier les journalistes de la chaîne FR3 de la région Languedoc-Roussillon et du Pays Gardois pour la qualité des reportages qu’ils ont réalisés et diffusés concernant les inondations du Rhône. Cela étant dit, il faut bien reconnaître que j’ai eu quelquefois le sentiment de ressentir et de subir un certain voyeurisme dont se délectent les médias en recherchant à montrer le côté dramatique des situations pour «faire pleurer dans les chaumières». Il faut également ajouter que la compassion que suscite cette inondation résulte du constat que cet événement climatique ne dépend pas de nous, que les victimes sont «innocentes», que nous sommes tous dans le même bateau soumis aux aléas des phénomènes physiques que nous ne maîtrisons pas. En tous cas la solidarité locale, régionale et nationale a bien fonctionné et nous la devons en très grande partie aux médias. Des pluies d’une durée t d’une étendue xceptionnelles De Beaucaire à Lattes rès de 15 000 personnes vacuées hier ■Une crue historique du Rhône à 12 777 m3/sec ■200 000 foyers privés d’eau potable dans le Gard ■Routes coupées et trains bloqués ■Le dispositif d’alerte a bien fonctionné ■Des vagues de 6 à 10 m et des rafales à 110 km/h sur le littoral L’Ardoise, près de Laudun, réveillé hier matin, traum Le Rhône, chargé par les f précipitations de ces der jours, s’est engouffré sur la mune. Laissant derrière lu vaste étendue d’eau. San Avec des quartiers et des lo ments entiers inondés. 12 Photo Mikaël ANISSE 22 De façon concrète, les journaux ont couvert cet événement quasiment chaque jour, pendant plus d’un mois. J’ai répondu à de nombreuses interviews de journaux écrits, radiophoniques, télévisés. De nombreux magazines se sont fait l’écho de nos problèmes. Les médias ont été les porte-parole des élus, des populations mais également du monde associatif qui s’est naturellement mobilisé avec beaucoup d’énergie depuis décembre 2003, ceci tout au long de l’année 2004. Il est vrai que cet événement a conduit un grand nombre de personnes à adresser certaines critiques à l’encontre de la puissance publique, d’EDF, de la CNR, de VNF ou de certains acteurs exposés de par leurs fonctions d’élus ou d’ingénieurs. La mauvaise gestion, le manque d’entretien des digues ont souvent été mis en avant. On a entendu quelques «yavéka», «yfallaikon», etc. Certains habitants comme ceux de Vallabrègues ou Boulbon notamment, compte tenu de la digue déversante située au nord des zones urbaines de leur village, ont eu le sentiment d’être les sacrifiés d’office pour épargner Arles et Tarascon. Une Confédération des Riverains du Rhône et de ses Affluents a vu le jour courant 2003. Elle regroupe de nombreuses associations locales récentes, comme celle constituée à Bellegarde, présidée par M. Soulié ou des associations beaucoup plus anciennes, créées pour la plupart à l’époque des inondations du Rhône de 1993 et 1994. Aujourd’hui cette confédération des «sinistrés du Rhône», concerne cinq départements: Bouchesdu-Rhône, Gard, Vaucluse, Ardèche et Drôme, et regroupe une cinquantaine d’associations qui jusqu’ici avançaient en ordre dispersé, tenant des discours pas toujours cohérents. On peut dire que l’organisation des Etats Généraux du Rhône qui se déroule en 2005 sur plusieurs sites est une plateforme d’échanges assez fructueux. J’ai participé à quelques unes des réunions d’associations de sinistrés, à Saint-Gilles, Boulbon ou au Pont du Gard. Même si j’ai le sentiment que certaines revendications sont un peu utopiques, je considère que les réflexions et le travail accompli par les bénévoles est globalement positif. Le discours gagnerait en crédibilité s’il économisait certaines remarques acides à l’encontre des autorités en charge à tous niveaux d’agir de façon concrète et réaliste. INTEMPÉRIES Météo alarmiste, fleuves en crue, villages évacués Le Sud-Est noyé Trois morts et deux disparus. Pas d’amélioration prévue avant jeudi matin ▼ ▼ ▼ ■ Trois personnes ont péri et deux étaient portées disparues hier après les pluies diluviennes qui ont provoqué de multiples inondations depuis lundi soir dans le sud-est et le centre-est, alors que les autorités étaient sur le “ pied de guerre” pour y faire face. Météo-France, qui a placé vingt départements (des Pyrénées-Orientales aux Alpes-Maritimes au sud, jusqu’à la Saône-etLoire et l’Allier au nord) en vigilance «orange», a qualifié ces précipitations de “ particulièrement préoccupantes ” en raison de leur étendue et de leur durée, prévue jusqu’à jeudi matin (1). En certains endroits, comme dans la vallée du Rhône ou entre Marseille et Cassis, jusqu’à 200 mm de pluie sont tombés depuis lundi. De nombreux cours d’eau étaient en crue, notamment le Rhône, dont la cote à 6,14 m à Vaucluse, déjà Avignon dès 14 heures a plus de 3000 nécessité le renforcement de l’état d’alerte. personnes La cote d’alerte était déplacées notamment atteinte sur ou relogées l’Ouvèze, en Vaucluse, 15 000 abonnés sur le Vidourle et sont privés de l’Ardèche, dans le Gard. téléphone Et hier à 20 heures en Jusqu’à 200 mm Arles, le débit du d’eau tombés Rhône dépassait les 10 000 m3/s. Le corps localement d’un homme de 45 ans a depuis lundi été retrouvé hier matin par les marins-pompiers dans un souterrain envahi par 2,50m d’eau à Marseille, où le préfet Christian Frémont, s’est déclaré en état d’alerte maximum pour faire face à une “ longue crise ”. A Orange, encerclée par les inondations, un homme de 80 ans est mort noyé hier après être tombé dans la rivière Meyne. En Ardèche, un automobiliste de 50 ans porté disparu près d’une rivière en crue entre Boucieu et Arlebosc a été retrouvé mort dans l’après-midi. A Marseille, un homme de 64 ans n’a pas donné signe de vie depuis lundi soir, tandis qu’une femme de 53 ans était également portée disparue dans une rivière en crue de Virigneux (Loire). En Isère, le conducteur d’un véhicule tout terrain qui traversait un passage à gué d’une Un enfant sauvé sur l’ile de la Barthelasse envahie par les eaux du Rhône, à Avignon. rivière en crue, la Sanne, près de Vienne, a été hélitreuillé Vingt pour éviter qu’il ne soit département emporté. en vigilance A Marseille, dès la nuit de «orange» lundi à mardi, une centaine de personnes avaient déjà été évacuées, notamment dans la cité de la Gardanne et à la Barasse, un quartier à flanc de colline. Le nord du Vaucluse, notamment Bollène, Piolenc et Orange, a été très touché, plus de 3 000 personnes étant hier relogées ou déplacées sur l’ensemble du département. Ainsi à Bollène, le centre ville a été préventivement évacué, plusieurs centaines de personnes étant prises en charge par leur famille et les services municipaux. Les intempéries ont également provoqué des centaines d’évacuations et la fermeture d’écoles hier alors que dans les Bouches-du-Rhône, les parents ont été invités à garder leurs enfants chez eux ce mercredi. A Marseille, 86 écoles ont fermé dès hier. Dans la Drôme, l’Ardèche et le Vaucluse, ainsi que dans le Gard (lire ci-dessous) les écoles primaires et secondaires resteront fermées ce mercredi. Enfin, entre autres dommages,15 000 abonnés étaient privés de téléphone hier en début de soirée, selon France Télécom (essentiellement en Vaucluse, mais aussi dans la Drôme, à Montélimar, et en Ardèche, à Privas), ce qui a entraîné la mobilisation d’environ 200 techniciens sur le terrain. • ➨(1) L’alerte orange concerne notamment les cinq départements du Languedoc-Roussillon (Aude, Gard, Hérault, Lozère et PyrénéesOrientales), ainsi que l’Aveyron. 12 24 8 . Un nouveau syndicat en ordre de marche Il aura fallu toute l’année 2004, beaucoup de travail et un grand nombre de réunions pour que la fusion du SYMADREM et du Syndicat gardois se réalise. Ce nouvel organisme, dont le siège est situé en Arles aura des compétences qui dépasseront les digues puisque j’ai déjà dit que les digues n’étaient qu’une solution parmi d’autres pour nous protéger. Il sera nécessairement compétent pour la problématique «crues du Rhône», notamment pour la gestion du grand delta dans son ensemble. La dissolution du syndicat intercommunal des digues du Rhône a été prononcée par Jean-Pierre Hugues, préfet du Gard le 16 décembre 2004, le 27 décembre, Christian Frémont, préfet de la région Provence Alpes Côte d’Azur, également préfet des Bouches-du-Rhône a pris un arrêté autorisant l’extension de périmètre et la modification des statuts du SYMADREM, donnant ainsi naissance, au 1er janvier 2005, à un nouveau syndicat qui regroupe désormais: - Les régions PACA et Languedoc-Roussillon, Les départements du Gard et des Bouches-du-Rhône, Les communes d’Arles, de Tarascon, des Saintes-Maries-de-la-Mer, de PortSaint-Louis-du-Rhône Les communes d’Aimargues, Beaucaire, Beauvoisin, Bellegarde, Le Cailar, Fourques, Saint-Gilles, Vauvert, La communauté de communes de Terre de Camargue, constituée des communes du d’Aigues-Mortes, du Grau-du-Roi et de Saint-Laurentd’Aigouze. Ce syndicat qui ne change pas de dénomination abrégée, prend la dénomination de « Syndicat mixte interrégional d’aménagement des digues du delta du Rhône et de la mer», en abrégé : SYMADREM. C’est pour nous tous, un événement historique. Pour une première fois des hommes et des institutions ont regardé plus loin que leur nombril, mis de côté leurs intérêts de clochers pour voir loin et prendre en compte l’intérêt général des hommes et des femmes qui vivent autour et dans le delta du Rhône. Ce syndicat sera en charge de la gestion, de l’entretien et de la surveillance des digues, de toutes les digues. Il réalisera les études et les travaux nécessaires à la protection des personnes et des biens contre les risques d’inondation du Rhône et de la mer. Ce syndicat pourra acheter autant d’espaces fonciers dont il aura besoin pour assumer ses responsabilités. Le syndicat est chargé de représenter ses membres et les territoires protégés auprès des autres instances et organismes en charge ou concernés par la gestion globale du fleuve. Le syndicat est administré par un conseil syndical constitué de 29 membres et par un bureau de 12 membres. Ces membres sont des élus des régions, départements et communes membres du syndicat. Les dépenses de fonctionnement du syndicat sont réparties de la façon suivante: - un tiers pour les régions, un tiers pour les départements, un tiers pour les communes. Les dépenses d’investissement seront supportées par les régions à hauteur de 30%, des départements à hauteur de 25%, les communes supporteront 5% des dépenses. Les 40% restants seront à solliciter, en fonction de leur nature, auprès de l’Etat ou de l’Europe ou à répartir entre les collectivités membres du syndicat. Le SYMADREM travaillera en concertation avec deux niveaux d’organismes: ■ En premier lieu un organisme de type «Conseil Supérieur du Rhône» qui sera piloté par l’Etat et notamment par le préfet de région Rhône-Alpes qui est actuellement le préfet Lacroix. Ce préfet aura pour «bras armé» le directeur de l’eau et s’appuiera sur le comité de bassin, l’agence de basin, Territoire Rhône, les élus et les collectivités concernées. C’est cet organisme qui «légifèrera», qui autorisera les travaux et qui distribuera les moyens financiers à trois maîtres d’ouvrages chargés des réalisations de terrain, de gestion, de prévention. Il est vraisemblable que le Rhône et ses affluents seront répartis en trois zones. Celle qui nous intéresse sera en interface avec la zone «CNR» qui commence à Vallabrègues-Beaucaire-Tarascon. Vous vous en doutiez sans aucun doute, je serai un membre très actif de ce syndicat, prêt à m’investir et m’impliquer pour y défendre l’intérêt de toutes celles et ceux qui vivent à proximité du delta du Rhône, dont font partie les Bellegardais et les Gardois de la Terre d’Argence et de Petite Camargue. ■ En second lieu, l’Etablissement public Territoire Rhône dont le siège est à Valence. Comme je vous l’ai déjà dit, je suis également, en qualité de conseiller général du Gard, élu et administrateur de cette entité. Cette double appartenance à des organismes qui sont, chacun pour ce qui le concerne, en charge de la protection des biens et des personnes contre les crues, est un atout qui permet de participer de façon cohérente, coordonnée et complémentaire à cette mission. Jeudi 21 avril 2005, 9H00: C’est un jour historique pour la gestion du Rhône et de ses digues. La première réunion du SYMADREM se déroule en Arles avec pour ordre du jour la constitution du conseil syndical et de son bureau. Au cours de cette rencontre, le sous-préfet d’Arles annonce que la mise en oeuvre du Plan Rhône sera effective fin 2005. Ce grand projet déclinera toutes les mesures, actions et travaux qui s’appliqueront au Rhône et à ses affluents, tout comme au delta de Camargue. 12 26 12 28 9. Epilogue Vendredi 22 avril 2005: Il n’est pas facile de conclure un tel document. Chaque jour il se passe quelque chose concernant la problématique «protection contre les crues» mais il faut bien arrêter de relater les événements, poser la plume ou plutôt éteindre l’ordinateur. Au cours des inondations de décembre 2003 nous avons vécu d’immenses émotions, des instants de convivialité, apprécié de grands élans de solidarité, partagé un travail considérable qui rapproche, qui soude des hommes et des femmes de bonne volonté. Certains raconteront certaines scènes cocasses vécues en bateau. Des hélitreuillages de personnes, des sauvetages de chevaux ou de taureaux par les légionnaires resteront dans nos mémoires comme des événements héroïques. Cela dit je n’oublie pas qu’un jeune homme que nous étions nombreux à aimer a perdu la vie dans cette eau glacée du Rhône. Aussi, pour terminer je souhaite redire: oui, je considère que cette inondation du Rhône est une catastrophe. Me voulant optimiste j’ai envie de dire, voire de crier «plus jamais ça». Une fois qu’on a dit cette phrase aujourd’hui reprise dans de nombreux cortèges de manifestants qui ne voudraient plus vivre certains événements quelques fois intolérables, il faut apporter des solutions concrètes. Les incantations n’y suffiront pas. Il est donc normal de se tourner vers les sciences et les techniques et les organisations humaines qui devraient nous protéger contre des catastrophes naturelles. Nous savons aujourd’hui infiniment plus de choses sur le climat, les prévisions météorologiques, les modélisations hydrauliques fondées sur de puissants calculs informatiques. Nous sommes capables, grâce à de puissants engins, de modeler les terrains, de déplacer des tonnes et des tonnes de terre, d’argile, de blocs de rochers. Nous pouvons repousser ainsi des digues, les construire en ayant recours à des techniques qui les rendent indestructibles même si l’on admet qu’elles soient submergées. Je me suis plusieurs fois exprimé sur cette question, en public, devant le préfet du Gard, le préfet de bassin, etc. Oui il faut rendre indestructibles les digues et notamment celle du Grand Rhône entre le Fer à Cheval et Arles tout en acceptant qu’elles puissent être submergées mais sans se déliter. Renforcer 8 à 9 km de digues afin d’empêcher qu’elles soient ravagées et emportées par les eaux me semble techniquement possible, financièrement admissible et supportable. Dans ce cas se pose le délicat problème des déversoirs et des zones destinées à recevoir les eaux de surverse. Il faut avoir le courage politique de décider en accord avec le monde agricole qui sera d’autant plus d’accord que l’on limitera les quantités d’eau de surverse pendant le temps limité du pic de crue, dès lors que les digues tiendront bon. Ajoutons à cela que la plupart de nos communes sont maintenant dotées d’un système de télé-alerte dont l’objectif est de prévenir au plus vite les populations concernées par un risque. Nous sommes certains qu’avec un tel dispositif les populations sont mieux protégées et que les dégâts matériels seraient plus facilement réduits. Dans tous les cas notre rôle d’élu consiste à lutter contre l’inaction. Il nous faut sans cesse relancer, interroger, pousser les feux pour que les choses avancent au rythme que nécessite l’ampleur de la tâche immense qui reste à accomplir pour nous protéger contre ce type d’inondations. Il est tout de même légitime de se poser la question concernant le distinguo que l’on accepte et que je refuse intellectuellement, entre les digues de la CNR et les autres. Les digues CNR ont une fonction industrielle. Destinées à la navigation sur le Rhône et à son exploitation hydroélectrique, on a bien trouvé des solutions techniques et financières pour les concevoir et les construire afin qu’elles résistent à une crue «millennale». Elles font aujourd’hui et c’est tant mieux, l’objet de programmes d’entretien de surveillance très sérieux. Elles sont efficaces contre les crues, même si elles sont submergées, elles résistent à la destruction complète. Il faut donc et c’est impératif, s’inspirer de ce qui est fait pour elles et généraliser, surtout entre Beaucaire et Fourques leur profil, pente des talus, matériaux, etc. On voit bien que les enjeux sont considérables. Au-delà des importants moyens financiers qu’il faudra mobiliser, ce qui me parait prioritaire c’est que l’autorité supérieure de l’Etat s’exerce sans faiblesse, sans cafouillage et sans retard. Le préfet de bassin qui a été désigné par le gouvernement, doit être l’arbitre de la cohérence «amont-aval», « rive droite-rive gauche », devant des propositions qui pourraient ne pas tenir compte de la vision globale de la problématique du «Rhône et de ses affluents». Il faut retarder la descente des eaux en amont le plus longtemps possible, augmenter la «débitance» du lit majeur du fleuve dans ses ségonaux, neutraliser ses méandres, lui donner de l’aisance, de l’espace afin que l’expansion des crues soit possible tout au long de son parcours vers la mer, accroître la section des «Bouches-du-Rhône» qui conduisent l’eau qui se déverse en Méditerranée. Il faut définir clairement les stratégies de protection des lieux à forte densité d’habitants et de richesse économique et ne pas désertifier et sacrifier les zones dites inondables. Cela étant, comme je l’ai écrit en avant-propos, il faut relativiser l’ampleur de la catastrophe que nous avons subie. Il est clair que le raz de marée du 26 décembre 2004, au lendemain même du jour de Noël, n’a bénéficié d’aucun système d’alerte; il a ravagé neuf pays pauvres de l’Asie du Sud, entraîné la mort de centaines de milliers d’enfants, d’hommes et de femmes et occasionné des milliards d’euros de dégâts. Cette tragédie qui ressemble à un désastre biblique, apocalyptique et qui résulte des «colères de la terre», nous invite à beaucoup d’humilité. La lente montée des eaux du Rhône qui s’engouffre dans une brèche de 220 mètres ne peut en aucun cas être comparée à une vague de dix mètres de hauteur déferlant à cinq cents kilomètres à l’heure sur des milliers de kilomètres de côtes. Alors faut-il être fataliste et se dire que la terre toute entière doit composer avec un réchauffement climatique inéluctable, des inondations majeures, des éruptions volcaniques, des tremblements de terre, des tsunamis dévastateurs, voire des chutes de météorites géants ou d’astéroïdes ? Je vous ai dit que j’étais résolument optimiste. Notre vieux continent est sans doute moins exposé que d’autres zones de notre belle planète bleue, les aléas et les risques sont peut être moins élevés ici qu’ailleurs. Ils existent, nous le savons; alors battons nous pour maîtriser et minimiser ceux que nous connaissons, ceux qui sont à notre portée. Nous aurons alors accompli, en notre âme et conscience, ce qu’il est possible d’entreprendre à notre échelle, à la mesure des capacités humaines qui sont les nôtres. Nous ne sommes en effet que des hommes au sein d’une nature qui ignore sa force, qui donne la vie et qui la reprend parfois, mais sans haine et sans discernement, contrairement aux hommes. *** 12 30 Le comité syndical du Symadrem: membres titulaires élus le 21/04/05 Coté Provence Alpes Côtes d’Azur Conseil régional Provence Alpes Côtes d’Azur: Christophe Castaner Michel Vauzelles Stéphanie Van Muysen Catherine Levraud Côté Languedoc Roussillon Conseil régional Languedoc Roussillon: Damien Alary Jean-Paul Bore Fabrice Verdier Yves Pietrasanta Conseil général des Bouches-du-Rhône: Hervé Schiavetti Jacky Gérard Claude Vulpian Daniel Conte Conseil général du Gard: Christian Valette Jean Denat Patrick Bonton Olivier Lapierre Communes des Bouches-du-Rhône: Jean-Luc Masson (Arles) Philippe Caizergues (Port Saint-Louis du Rhône) Roland Chassain (commune des Saintes Marie de la Mer) Jean Reynaud (commune de Tarascon) Communes du Gard: Elie Bataille (Bellegarde) Franck Paul (Aimargues) Mireille Cellier (Beaucaire) Jean-Louis Becat (Beauvoisin) Gilles Dumas (Fourques) Christiane Sabatier (Le Cailar) Rolland Gronchi (Saint-Gilles) René Jeannot (communauté de communes «Terre de Camargue») Gérard Gayaud (Vauvert)