DOKTORI (PhD) ÉRTEKEZÉS Balogh József Veszprém 2011
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DOKTORI (PhD) ÉRTEKEZÉS Balogh József Veszprém 2011
DOKTORI (PhD) ÉRTEKEZÉS Balogh József Veszprém 2011 DOKTORI (PhD) ÉRTEKEZÉS Balogh József Jacques Chirac külpolitikai beszédeinek nyelvészeti elemzése Témavezető: Dr. Mihalovics Árpád Veszprém 2011 Pannon Egyetem (Veszprém) Nyelvtudományi Doktori Iskola Szaknyelvi kommunikáció: társadalom, politika, gazdaság, kultúra alprogram Jacques Chirac külpolitikai beszédeinek nyelvészeti elemzése Értekezés doktori (PhD) fokozat elnyerése érdekében Írta: Balogh József Készült a Pannon Egyetem Nyelvtudományi Doktori Iskolája, Szaknyelvi kommunikáció: társadalom, politika, gazdaság, kultúra alprogramja keretében Témavezető: Dr. Mihalovics Árpád Veszprém 2011 Az értekezést témavezetőként elfogadásra javaslom: (igen / nem) Témavezető neve: …........................….......... ……………………………………………… (aláírás) A jelölt a doktori szigorlaton …......... % -ot ért el. Az értekezést bírálóként elfogadásra javaslom: (igen / nem) Bíráló neve: …........................…........................ ……………………………………………….... (aláírás) Az értekezést bírálóként elfogadásra javaslom: (igen / nem) Bíráló neve: …........................…........................ ………………………………………………..... (aláírás) A jelölt az értekezés nyilvános vitáján…..........% - ot ért el. Veszprém, ……………………………………. ………………………………………………..... (aláírás) a Bíráló Bizottság elnöke A doktori (PhD) oklevél minősítése…................... ………………………………………………....... (aláírás) az EDT elnök THÈSE DE DOCTORAT (PhD) József Balogh Veszprém 2011 THÈSE DE DOCTORAT (PhD) József Balogh Analyse linguistique des discours de politique extérieure de Jacques Chirac Directeur de thèse: Dr. Árpád Mihalovics Veszprém 2011 Université de Pannonie (Veszprém) École Doctorale en Sciences du langage Langues de spécialité: société, politique, économie, culture Analyse linguistique des discours de politique extérieure de Jacques Chirac Thèse pour obtenir le grade de PhD Présentée et soutenue publiquement par József Balogh Rédigée au sein de l’École Doctorale en Sciences du langage, Langues de spécialité: société, politique, économie, culture Directeur de thèse: Dr. Árpád Mihalovics Veszprém 2011 TABLE DES MATIÈRES REMERCIEMENTS 14 RÉSUMÉ 15 ABSTRACT 16 KIVONAT 17 AVANT-PROPOS 18 INTRODUCTION 19 1. Le choix du sujet 19 2. Objectifs 20 3. Hypothèses 20 4. Structure 21 5. Méthodologie 23 6. Difficultés 26 7. Corpus 29 8. Remarques 33 PARTIE I. POSITION DE THÈSE 34 Chapitre 1. Jacques Chirac et sa politique extérieure 34 1.1.La Constitution et le Président de la République 34 1.2.Biographies et autobiographie politique 38 1.3.La politique étrangère ou extérieure et la diplomatie 40 1.4. Le français langue diplomatique ou langue de la diplomatie 46 1.5. La politique extérieure de Jacques Chirac 48 Chapitre 2. La communication verbale 50 2.1.La communication vue par les linguistes 50 2.2.Les composants de la communication verbale 51 2.3.Les registres de la communication verbale 52 Chapitre 3. La communication spécialisée, les langues de spécialité et la langue de spécialité politico-diplomatique – un statut mis en question 53 3.1. La structuration des langues 54 3.2. Langue commune – langue de spécialité 56 8 3.3. Définitions (possibles) des langues de spécialité 56 3.4. Les axes de caractérisation des langues de spécialité 57 3.5. Les documents ou les textes spécialisés 58 Chapitre 4. La communication politique, diplomatique et présidentielle - le discours politique, diplomatique et présidentiel – le langage politique et diplomatique 4.1. La communication politique et / ou le discours politique et le langage politique 61 61 4.1.1. Historique des recherches 61 4.1.2. La notion Communication politique et / ou discours politique 64 4.1.3. Ouvrages, revues, centres de recherche, enseignement 67 4.1.4. Division intérieure 68 4.1.5. Le langage politique 69 4.2. La communication diplomatique et / ou le discours diplomatique et le langage diplomatique 72 4.3. La communication présidentielle et / ou le discours présidentiel 75 Chapitre 5. Les analyses du discours, la linguistique textuelle, la sémiotique et la sémiotique politique 5.1. Les analyses du discours 75 75 5.1.1. Historique de l’analyse du discours 75 5.1.2. L’École française et les autres courants de l’AD 78 5.1.3. Les AD 79 5.1.4. Le jugement de la discipline de l’AD 82 5.2. La linguistique textuelle 83 5.3. La sémiotique et la sémiotique politico-diplomatique 84 Chapitre 6. Le discours et le texte 6.1. Le discours 85 85 6.1.1. Oppositions classiques et traits 85 6.1.2. Les lois du discours – quelques éléments de la psychologie sociale 86 6.1.3. Genres et types du discours 87 6.1.4. Le rôle du discours dans le champ de la politique (et de la diplomatie) 88 6.2. Le texte 89 9 Chapitre 7. Connaissances nécessaires aux analyses lexico-sémantiques et ou terminologiques 90 7.1. La lexicologie et ses notions fondamentales – les grandes oppositions (les macrostructures) de la sémantique lexicale et des notions connexes 7.1.1. Objet de la lexicologie et description du lexique / vocabulaire 90 90 7.1.1.1. Description morphologique 90 7.1.1.2. Description sémantique 91 7.1.1.3. Description syntagmatique 93 7.1.2. Les grandes oppositions (les macrostructures) de la sémantique lexicale 93 7.1.2.1. Grammaire vs lexique 93 7.1.2.2. Morphème vs lexème 93 7.1.2.3. Lexème vs mot 94 7.1.2.4. Lexique vs vocabulaire 94 7.1.2.5. Champ sémantique vs champ conceptuel / lexical 94 7.1.3. Les mots-clés 95 7.1.4. L’axiologie et les mots de valeur 95 7.2. La lexicométrie 97 7.2.1. Problèmes terminologiques 97 7.2.2. Notion, logiciels et étapes de travail 97 7.2.3. Intermédiarité des discours chiraquiens 98 7.2.4. Les spécificités chiraquiens 100 7.3. La ou les sémantiques et ses notions fondamentales 102 7.3.1. La ou les sémantiques 102 7.3.2. Les notions fondamentales de la sémantique 104 7.3.2.1. Sens et signification 104 7.3.2.2. Dénotation et connotation 107 7.4. La terminologie 108 10 Chapitre 8. Connaissances nécessaires aux analyses pragmatiques 110 8.1. La linguistique énonciative 110 8.2. La ou les pragmatiques et quelques notions fondamentales de la pragmatique 111 8.2.1. La ou les pragmatiques 111 8.2.2. Quelques notions fondamentales de la pragmatique 114 8.2.2.1. Les actes de langage et la classification des actes de langage 114 8.2.2.1.1. Les actes de langage 114 8.2.2.1.2. La classification des actes de langage 115 8.2.2.1.3. Les actes de langage indirects 117 8.2.2.2. La déixis et la déixis personnelle 118 8.2.2.2.1. La déxis 118 8.2.2.2.2. La déixis personnelle 119 8.2.2.3. La modalité 8.2.2.3.1. Quelques définitions possibles de la modalité 121 121 8.2.2.3.2. Portée de la modalité et distinction: modalité d’énonciation / modalité d’énoncé 123 8.2.2.3.3. Typologies de la modalité 123 CONCLUSION DE LA PARTIE I. 128 PARTIE II. LES MÉTHODES ET LES PROCÉDÉS DE L’ANALYSE DU DISCOURS EN PRATIQUE Chapitre 1. Analyses lexico-sémantiques et/ ou terminologiques 129 131 1.1. Mots-clés 132 1.2. Champs lexicaux 135 1.2.1. Le lexique de l’action volontariste 136 1.2.2. Des intensifs 137 1.2.3. La nominalisation 140 1.2.4. Le lexique de l’affect 143 1.3. Relations logico-sémantiques (synonymie, antonymie, le triangle hyperonymie-hyponymie-cohyponymie) 144 1.4. Connotations et mots de valeur 146 1.4.1.Connotation positive 146 1.4.2. Connotation négative 148 1.4.3. Mots de valeur 149 1.5. Termes techniques 153 11 Chapitre 2. Analyses pragmatiques 156 2.1. La déixis personnelle : représentation de soi et de l’autre – la présence et l’exclusion 156 2.1.1. La désignation pronominale et nominale du Je présidentiel 156 2.1.2. La désignation pronominale et nominale du Nous 158 2.1.3. La désignation pronominale et nominale du Vous 159 2.2. L’effacement du locuteur – généralisation, distanciation et indétérmination 160 2.2.1. Tournures impersonnelles 160 2.2.2. La voix passive 161 2.2.3. Le pronom ON 162 2.2.4. L’infinitif comme mode impersonnel 162 2.2.5. Ellipses 164 2.3. L’indétérmination par des articles indéfinis UN / UNE / DES 165 2.4. Les actes de langage 167 2.4.1. Les assertifs 169 2.4.2. Les directifs 170 2.4.4. Les promissifs 170 2.4.5. Les expressifs 170 2.4.6. Les déclaratifs 170 2.5. La modalité 170 2.5.1. Les modalités objectives 172 2.5.1.1. La modalité ontique 172 2.5.1.2. La modalité aléthique 172 2.5.2. Les modalités subjectives 2.5.2.1. La modalité épistémique 173 173 2.5.2.2. La modalité appréciative ou axiologique ou évaluative 173 2.5.3. Les modalités mixtes 174 2.5.3.1. La modalité déontique 174 2.5.3.2. La modalité volitive ou boulique 175 2.5.4. La modalité factitive 176 2.5.5. La modalité affective 179 2.5.6. La modalité temporelle – le présent 182 CONCLUSION DE LA PARTIE II. 183 12 AU LIEU D’UN ÉPILOGUE 185 CONCLUSION GÉNÉRALE 186 THÈSES 189 SOMMAIRE 192 PERSPECTIVES 193 APPORTS 195 BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE 196 WEBOGRAPHIE 208 13 REMERCIEMENTS La réalisation d’une thèse est un long cheminement finissant des études universitaires et doctorales et il est parsemé de doutes et de joies qui vous rend redevable pour longtemps. A la fin de ce long chemin, je tiens tout d’abord à exprimer ma gratitude à l’Université de Pannonie pour l’honneur que j’ai de dire c’est mon alma mater. Je tiens à remercier Monsieur Árpád MIHALOVICS aussi pour m’avoir dirigé tout au long de ce doctorat. Mes remerciements s’adressent également à mes collègues pour leur disponibilité et leur aide chaleureuse qui ont tous apporté, à un moment donné, à des degrés divers, leur pierre à ce travail par leurs lectures attentives, leurs critiques pertinentes ou leurs encouragements ou leurs aides techniques. Je souhaite enfin remercier mes grands-parents et parents sans qui rien n’aurait été possible et qui ont toujours su m’apporter confiance et encouragements. J’admirais et j’admire leur souci constant d’avoir respecté et de respecter mes choix. J’espère en être digne. Je leur dédie ce travail. 14 RÉSUMÉ Derrière tous les discours de l’ancien Président de la République entre 1995 et 2007, Jacques Chirac, se cachent des principes et des axes d’action. Le sens de ces discours, influencé par le contexte historique et sociopolitique, en général et celui des discours chiraquiens relatifs à la politique extérieure analysés par nous en particulier se réalise avant tout dans le code linguistique (phonie / graphie / mot – lexie / syntagme – phrase) ainsi que dans la pragmatique (énoncé – discours / texte – document). La compréhension et l’interprétation de ces discours en question est la tâche de l’auditeur / du lecteur. Dans la présente thèse, l’accent est mis sur les aspects linguistiques essentiels de cette compréhension et de cette interprétation pour essayer d’en présenter leurs principaux composants langagiers et leurs mécanismes particuliers. L’analyse des discours à différents niveaux linguistiques n’est pas identique à l’analyse du discours dite classique. Ce sont des analyses linguistiques. La compréhension et l’interprétation sont liées à de différents niveaux langagiers (dont lexico-sémantique et / ou terminologique, morpho-syntaxique, pragmatique et rhétorico-stylistique), c’est ainsi que les méthodes de nos recherches sont l’observation, l’identification, la classification et la description ainsi que la mise en pratique des méthodes et des processus de l’analyse du discours. Mots-clés: Jacques Chirac, Président de la République, Ve République, France, politique extérieure, langue de spécialité politique et diplomatique, discours, analyse du discours, niveaux d’analyse linguistique. 15 ABSTRACT Each speech of the former French President Jacques Chirac (1995−2007) hides guidelines and principles. The meanings of the messages mediated by the presidential speeches – which fit a certain historic and sociopolitical context – are realized primarily on different linguistic levels (phoneme / grapheme / word – lexeme / syntagm – sentence), as well as pragmatically (discourse / text – document). The listener and the reader are in charge of understanding and interpreting the presidential speeches in question. This dissertation lays emphasis on the essential linguistic aspects of this kind of understanding and interpretation and an attempt is made to demonstrate the main components and unique mechanisms of understanding and interpretation. It should be emphasized that the detailed discourse analysis in a non-classical sense are examinations from a linguistic aspect. Understanding and interpretation can be linked to different linguistic levels (lexico-semantic and / or terminological, morphosyntactic, pragmatic and rhetoric-stylistic), consequently, the research methods are observation, identification, classification, description as well as practical methods of discourse analysis. Key words: Jacques Chirac, president, the Fifth Republic, France, foreign politics, the specialised language of political diplomacy, discourse, discourse analysis, levels of linguistic analysis. 16 KIVONAT Jacques Chirac volt francia köztársasági elnök (1995-2007) minden egyes beszéde mögött elvek és irányvonalak fedezhetőek fel. Az elemzett elnöki beszédek üzenetének értelme – amely egy adott történelmi és szociopolitikai kontextusba illeszkedik – elsősorban különböző nyelvi szinteken (fonéma / graféma / szó – lexéma / szintagma – mondat), illetve pragmatikailag (diskurzus / szöveg – dokumentum) realizálódik. A szóban forgó elnöki beszédek megértése, értelmezése a hallgató / olvasó feladata. Disszertációnkban ezen megértés és értelmezés lényegi, nyelvészeti aspektusaira helyezzük a hangsúlyt és kìsérletet teszünk a megértés és az értelmezés főbb nyelvi komponenseinek és sajátos mechanizmusainak bemutatására. Az elemzések tehát nem klasszikus értelemben vett diskurzuselemzések, hanem adott politikai beszédek nyelvészeti aspektusú vizsgálatai. A megértés és az értelmezés különféle nyelvi szintekhez (lexikoszemantikai és / vagy terminológiai, morfoszintaktikai, pragmatikai és retoriko-stilisztikai) köthető, ìgy a kutatás módszerei a megfigyelés, az azonosìtás, az osztályozás és a leìrás, illetve a diskurzuselemzés módszereinek gyakorlati alkalmazása. Kulcsszavak: Jacques Chirac, köztársasági elnök, V. Köztársaság, Franciaország, külpolitika, politikai-diplomáciai szaknyelv, diskurzus, diskurzuselemzés, nyelvelemzési szintek. 17 AVANT-PROPOS Le présent travail se base sur une recherche interdisciplinaire dont l’objectif est d’analyser, de plusieurs points de vue linguistiques, les discours de politique extérieure de Jacques Chirac. L’analyse des discours à différents niveaux linguistiques n’est pas identique à l’analyse du discours dite classique et elle n’est pas identique avec la lecture politique. Ce sont donc des analyses linguistiques. Le domaine vaste et complexe de la politique extérieure française sous l’ère chiraquienne pouvait fournir un cadre convenable de recherche pour en préparer une thèse afin d’obtenir le grade de Philosophiae Doctor (Ph.D). Sur le plan professionnel, le présent travail signifie, d’une certaine manière, la synthèse des études, des recherches et des publications de l’auteur qui assurent des bases solides pour l’analyse du sujet en question. Avec le choix du sujet, l’auteur a essayé de réunir, d’une certaine façon, au sein d’un travail, plusieurs aspects des grands axes du programme Langues de spécialité: société, politique, économie, culture de l’École doctorale en Sciences du langage de la Faculté des Philologies modernes et des Sciences sociales de l’Université de Pannonie. Comme motif personnel de l’auteur peut être mentionné la forte croyance en le pouvoir des paroles, surtout dans la communication politico-diplomatique. Plusieurs facteurs ont donc contribué à la naissance de la présente thèse. D’une part, les études linguistiques, l’enseignement et la pratique traduisante et interprétante ont fait possible la connaissance du domaine nommé. D’autre part, le grand nombre des publications parues dans les domaines de la recherche de l’analyse du discours, des sciences politiques servaient de base pour de propres recherches. Il est nécessaire encore de mentionner l’aide partculière des bibliothèques et des centres de documentation qui ont fait possible l’accès à des matériaux précieux concernant le sujet en question. Entre les sources, il y a encore l’internet à nommer car via la toile, l’auteur pouvait accéder à des documents importants concernant la communication présidentielle aussi. 18 INTRODUCTION 1. Le choix du sujet Avant de commencer à lire la présente thèse, l’auteur peut, à juste titre, se poser les questions suivantes à propos du sujet: a) Pourquoi le langage politique-diplomatique? b) Pourquoi le discours présidentiel? c) Pourquoi Chirac? d) Méritent-ils, les textes de Chirac (d’un politicien) un examen attentif, voire qu’on s’intéresse à leur contenu et à leur philosophie? e) Pourquoi les textes relatifs à la politique extérieure? Dans ce qui suit, nous essayons de répondre brièvement aux questions posées. a) Dans les sociétés démocratiques, qui sont des sociétés d’opinion publique, faire de la politique consiste essentiellement à parler. Le pouvoir, c’est la parole. L’étude des textes des hommes politiques est une certaine contribution à la compréhension du fonctionnement de ces régimes. b) La présidence de la République est la plus haute fonction du pouvoir exécutif de la République française. Depuis l'élection du Président au suffrage universel direct en 1962, il s'agit de la fonction politique la plus prestigieuse et la plus respectée en France. Les autres fonctions, attributions et modes de nomination ont beaucoup évolué dans le temps selon les régimes, mais aussi en fonction des circonstances et des hommes appelés à remplir cette charge. Actuellement, sous la Constitution de la Ve République en place depuis 1958, son pouvoir n'a jamais été aussi important qu’aujourd’hui. c) La politique extérieure de Chirac était une politique extérieure que menaient, en grandes lignes, tous les Présidents précédents, mais à la fois, elle avait des sujets universels qui touchent actuellement toute l’humanité dont la mondialisation, les problèmes écologiques, le développement durable, la cohésion sociale, la culture de masse, le terrorisme, etc. d) Quel que soit le jugement final porté sur son action, chaque politicien pèse sur la vie politique nationale, européenne et internationale, indépendamment de la longévité de son mandat. Chez Chirac, c’est plus que vraisemblable parce qu’il a passé plus de quarante ans au 19 coeur de la vie politique, à la charnière des XXe et XXIe siècles et il est encore actif dans le cadre de sa Fondation. En outre, il faut souligner que notre tâche ne consistait absolument pas à juger le rôle et l’activité de Chirac dans la politique extérieure française entre 1995 et 2007. C’est le devoir des politologues et des historiens. e) C’est dans la conduite des relations internationales que la liberté d’action du Chef d’État est la plus étendue. Quasiment, c’est son propre terrain de jeu où il peut parler presque impunément. Il négocie et ratifie les traités. (Cependant certains traités ne peuvent être ratifiés qu’après autorisation du Parlement.) Il participe lui-même aux conférences internationales, aux rencontres interétatiques et aux sommets alors que les autres pays sont représentés par leur Premier ministre ou par leur Chancelier. 2. Objectifs A travers l’analyse du corpus, je cherche la réponse aux questions suivantes: a.) Quels sont les caractéristiques communs des discours de politique extérieure de Jacques Chirac? b.) Quels sont les éléments les plus pertinents appartenant aux domaines lexico-sémantiques et / ou terminologiques près des pragmatiques (linguistiques) qui peuvent contribuer à la compréhension ainsi qu’à l’interprétation adéquate, donc, à la réception des discours / textes politico-diplomatiques, plus particulièrement ceux des discours de politique extérieure de Jacques Chirac formant notre corpus. c.) Comment se construit «le style» chiraquien? 3. Hypothèses Par nos analyses, nous essayons de vérifier nos hypothèses suivantes, marquées par H: H 1) Les discours du corpus sont fortement thématisés. H 2) Les discours du corpus s’organisent autour de mots-clés. H 3) Dans le corpus, ce sont les termes politico-diplomatiques qui dominent. H 4) La plupart des mots utilisés dans les discours sont connotés. H 5) Conformément à la nature de la politique et de la diplomatie, ce sont les actes de langage directifs et promissifs qui dominent dans le corpus. H 6) Concernant les déictiques personnelles, c’est le «je» qui domine les discours du corpus. H 7) La modalité volitive tisse chaque discours du corpus. H 8) La modalité affective a un rôle important dans les discours du corpus. H 9) Le langage de Jacques Chirac a des traits individuels. 20 4. Structure Le titre de notre thèse pour obtenir le grade de PhD contient implicitement plusieurs éléments qui sont nécessaires à expliciter dont le sytème politique français et le rôle du Président de la République; la diplomatie et la politique extérieure française, plus particulièrement sous l’ère chiraquienne; la communication; la communication politique et / ou le discours politique; la communication et / ou le discours diplomatique; la communication présidentielle et / ou le discours présidentiel; la langue de spécialité, plus exactement le langage politique et diplomatique; l’analyse du discours; le discours et le texte; ainsi que des connaissances dans les domaines de la sémiotique, la linguistique textuelle, la lexicologie et la lexicométrie, la sémantique, la terminologie et la pragmatique (linguistique). L’explicitation de ces prémisses donneront d’une certaine façon un cadre pour positionner le sujet en question ainsi que pour comprendre l’arrière-plan des recherches nommées. La première partie a donc un caractère théorique, pendant que la deuxième est, à travers des exemples tirés du corpus, de nature pratique. Dans la deuxième partie, on s’occupera donc des discours du corpus sur deux niveaux de l’analyse linguistique dont le lexico-sémantique et / ou le terminologique et le pragmatique. Un énoncé ne se pose pas dans l’absolu, il doit être situé par rapport à quelque chose. L’un des points de repère pour nos analyses est le sujet parlant. C’est par rapport à lui qu’on analyse le dit et son positionnement au dit (réalisation de la subjectivité par l’intermédiaire de la modalité) tout en actualisant le code, l’ensemble de conventions permettant de produire des messages: «Que se soit avec les personnes, le temps ou la modalité, l’activité énonciative apparaît […] foncièrement réflexive: elle parle du monde en montrant en quelque sorte du doigt sa propre activité de parole.» (Maingueneau, D.: 2000, 87) Par le dit et par le positionnement du locuteur au dit se manifeste son intention, donc, les discours en question peuvent être traités comme les manifestation d’une certaine intentionnalité dont l’objectif principal est de produire de différents effets de sens concernant le public. Ainsi considéré, notre travail s’inscrit plutôt dans la lignée de la linguistique de la parole. Ce n’est pas le système ayant un caractère virtuel et au service d’une communauté linguistique donnée qui est décrit, c’est plutôt le côté parole, donc l’actualisation individuelle du code qui attire notre attention. Ici, il faut encore souligner que notre approche 21 est intégrative1 car il est quasiment impossible de séparer les niveaux d’analyse linguistique qui sont comme le recto et le verso d’une même feuille. Leur séparation est mécanique et ne peut servir qu’à la meilleure observation et, d’une certaine façon, à la modélisation de la compréhension 2 et l’interprétation (surtout des textes / discours politico-diplomatiques). En outre, au moins selon les observations psycho- et neurolinguistiques et celles de la psychologie cognitive aussi, le cerveau humain effectue ces niveaux d’analyse simultanément, mais liés à des sous-modules au sein des modules différents.3 L’autre jalon pour des analyses est la sémantique dont la micro-, la mézo- et la macrosémantique et leurs interactions dans le processus de compréhension et d’interprétation ainsi que la sémantique textuelle et la sémantique interprétative. (Cf 7.3.1.) Nous ne traiterons pas les éléments de la sémantique vériconditionnelle4 bien que nous sachons que même la vérité est modélisable. En plus, la vérité est relative, dépend des univers de croyance, des circonces et des individus également. Notre troisième aide est la pragmatique (linguistique). Notons que du point de vue pragmatique, chaque discours remplit trois fonctions : - une fonction propositionnelle (ce que disent les mots) ; - une fonction illocutoire (ce que l’on fait par les mots : ordonner, demander, permettre, interdire, promettre, etc.) ; - une fonction perlocutoire (le but visé), agir ou chercher à agir sur l’interlocuteur. Pour l’interprétation, on a à la disposition, en général, trois sources d’informations ou trois contextes, notamment 1 Pour les approches intégratives, cf. p.ex. l’article d’Ibrahim Amr Helmy: Dans la langue, par la langue mais tout entière.In: Langages, 35e année, n°142, 2001. pp. 3-9., http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_2001_num_35_142_879 et l’article de Paul Laurendau: Contre la trichotomie Syntaxe/ sémantique / pragmatique. In: Revue de Sémantique et de Pragmatique, nr. 1., 1997, pp.115-130. http://paullaurendeaulinguiste.wordpress.com/laurendeau-1997b/ 2 Pour la réception des discours politiques, cf. p.ex. l’article de Claude Chabrol et Odile Camus-Malavergne: Un discours politique en réception: mémorisation et compréhension. In: Mots, septembre 1994, N°40. pp. 7-24. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mots_0243-6450_1994_num_40_1_1904 3 «Le terme modularité ne relève, à strictement parler, ni de la linguistique, ni de la pragmatique, mais plutôt de la psychologie cognitive. Il a été introduit par Fodor en psychologie cognitive pour remettre au premier plan la théorie des facultés développée au XIXe siècle par Gall. Dans une théorie modulaire comme celle de Fodor, on suppose que le fonctionnement de l’esprit, en ce qui concerne notamment les perceptions, est dispersé, à un premier échelon relativement élémentaire, sur des modules spécialisés, l’un dans le traitement des perceptions visuelles, l’autre dans celui des perceptions olfactives, le troisième dans celui des perceptions linguistiques, etc.» (Reboul, A. / Moeschler, J.: 1994, 532) – Mis en gras par l’auteur (JB). 4 Pour l’interprétation vériconditionnelle des énoncés, en détail, cf. p.ex. (Reboul, A. / Moeschler, J.: 1994, 105128) 22 - l’environnement physique de l’énonciation, ou contexte situationnel (c’est en s’appuyant sur lui qu’on peut interpréter des unités comme les déictiques, le temps verbal, etc.) ; - les savoirs encyclopédiques et - le cotexte ou bien le contexte linguistique (la plupart des énoncés sont des fragments d’une totalité plus vaste, donc, se sont les séquences verbales qui précèdent ou suivent des unités à interpréter, autrement dit, le recours au cotexte sollicite la mémoire de l’interprète qui doit mettre une unité de sens en relation avec une autre du même texte). Pour une interprétation complète, il faut faire appel à des procédures pragmatiques qui traitent ces trois contextes5 à la fois. Pourtant, retenons que «sur ce point les avis sont partagés, les uns cherchant à intégrer autant que possible les procédures pragmatiques dans la langue, les autres s’efforçant au contraire de minimiser la part de la langue dans l’interprétation.» (Maingueneau, D. : 2000, 15) C’est dans ces optiques que seront effectuées nos analyses sur corpus. A la fin du présent travail, on résume les résultats de recherches pour en tirer des conséquences. 5. Méthodologie Les méthodes d’analyse sont multiples. Dans la première partie, on essaie d’évaluer et de synthétiser la littérature secondaire tout en exposant les connaissances pertinentes pour notre domaine d’intérêt au sein de ce travail. Dans la deuxième partie, sur la base de la littérature primaire qu’on peut aussi nommer corpus, on recourt à de différentes observations. Une exigence pour toutes les études en sciences humaines et naturelles est d’identifier et classer ses objets. Dans notre cas, nous classons les textes de notre corpus, c’est-à-dire, nous les regroupons en classes d’objets voisins pour avoir une vision ordonnée et synthétique et nous tentons de cerner les spécificités individuelles de ses composants pour en tirer des conséquences, surtout généralisantes. Nos méthodes étaient donc l’observation, l’identification, la classificitation et la description. (Eco, U.: 1996; Fóris, Á.: 2008; Hársing, L.: 2004; Paczolay, Gy.: 1970; Tomcsányi, P.) 5 Pour la pragmatique du contexte: désambiguïsation et attribution de référent ainsi que pour la pragmatique et référence, en détail, cf. p.ex (Reboul, A. / Moeschler, J.: 1994, 105-154) 23 Selon Jäger, les discours ont un passé, un présent et un avenir. (Jäger, S.: 1994, 5) Pour comprendre et pour pouvoir analyser des discours, il faut avoir une certaine connaissance du passé, mais il faut aussi avoir la possibilité de faire des prévisions sur l’avenir. De là, des discours sont compris comme «un fleuve de savoir à travers le temps» (Jäger 1993, 17) qui constituent et organisent des rapports sociaux. Des analyses de textes et des discours n’ont pas de fin en soi, mais ils servent à comprendre des textes comme produits d’occupation concrètement intellectuelle et linguistique avec la réalité. De plus, des analyses servent à faire transparentes les intentions d’effet (ainsi qu’à faire perceptibles les idéologies transportées avec celles-ci). Il ressort de l’approche de Jäger aussi qu’il est impossible d’analyser un texte ou un discours d’après une méthode qui est détachée du sujet et de la théorie. Chez différents auteurs comme Jäger aussi, il y a plusieurs démarches d’analyse concrets dont l’analyse du contexte non-langagier, l’analyse du contexte langagier, l’analyse de la structure langagière macro du texte, l’analyse de la structure langagière micro du texte et une interprétation de texte récapitulative ou bien une analyse de discours. En détails, ils sont les suivants: Analyse du contexte non-langagier : 1. Qui est l’auteur ? Quelle est sa biographie, son travail, etc. ? À quel organisme appartient-il ? Quels livres a-t-il publié ? Quellle est sa position idéologique ? Comment est-ce qu’il se caractérise ? 2. Caractérisation du parti; 3. Positionnement de la scène dans le contexte social et politique; 4. Rapport du texte à l’interdiscours ou bien à des discours similaires ; rapports à la situation sociale et ses problèmes, etc. Analyse du contexte langagier : 1. Quel est le contexte du discours ? Est-ce que l’importance du contexte est mentionnée et / ou soulignée d’une façon ou d’une autre ? 2. Qui sont les récepteurs ? Analyse de la structure macro du texte : 1. Préparer le texte, numéroter les lignes, dessiner un plan graphique; 2. Lire lentement et profondément le texte ; 3. Réaliser un résumé détaillé; 24 4. Structurer le texte en parties distinctes et leur attribuer un titre; 5. Déterminer le plan du texte et filtrer une certaine fonction si possible; 6. Déterminer la fonction des introductions, des transitions et des conclusions. Analyse de la structure micro du texte: 1. Collection de tous les substantifs, leur signification actuelle versus leur signification lexicale; des particularités ; 2. Est-ce que les substantifs font allusion à un certain insu ? Font-ils partie des métaphores, des dictions ? Est ce qu’ils font partie de la langue standard ou bien familière ? Quelles sont les personnes dont un certain insu peut être demandé? Qui est le groupe-cible ? Est ce qu’il y en a des différents ? 3. Mise en ordre des substantifs selon certains champs lexicaux – pour faciliter la caractérisation de la langue de l’auteur ; 4. Enumération des tous les verbes / adjectives / adverbes – si important; 5. On parle de qui? Qui est ‘nous’, ‘ils’, ‘vous’, etc. 6. Élaborer un schéma de temps. Déterminer tous les verbes selon leur personne, leur mode et leur temps et les attribuer aux parties thématiques. Quand et pourquoi l’auteur se réfère-t-il au passé, au présent ou à l’avenir ? Quand et pourquoi choisit-il le subjonctif ou l’impératif ? Est-ce qu’il y a des particularités ? Il y a-t-il un temps dominant ? Est-ce qu’il y a quelque chose de typique tout au long du texte ? 7. Des moyens pour structurer le texte comme ‘puis, ensuite, au début, etc. sont-ils utilisés ? Quelle est leur fonction? Est-ce qu’ils structurent le texte du contenu ou bien d’une façon temporelle ? 8. De quels moyens syntaxiques l’auteur se sert-il ? Longueur, subordination, coordination, complexité de la langue, des problèmes stilistiques, compréhensibilité et netteté. 9. D’autres particularités langagières, telles que les mises en relief, les exclamations, les questions, les discours directs ou indirects, une structure dialogique, etc. Interprétation de texte récapitulative ou bien analyse de discours : Tous les faits relevés, les particularités sociales et langagières doivent être interpretés dans le contexte. C’est pourquoi il faut répondre aux questions suivantes et les justifier en détail : 1. Quel message le discours essaie de transmettre? 2. Dans quel cadre idéologique et social s’inscrit-il? 3. A quel groupe-cible l’auteur essaie-t-il de s’addresser? 25 4. Quels sont les moyens linguistiques dont l’auteur se sert? Comment sont-ils estimés par rapport à leur efficacité ? 5. Quelle efficacité par rapport au changement des conceptions du monde et des horizons de savoir envisage le texte et l’idéologie / la conception du monde spécifique? Ces démarches sont très étendus et toutes ne sont pas nécessaires pour des aspects préalablement choisis. L’essentiel est que les méthodes choisies soient empiriques et qu’on s’efforce largement d’être le plus objectif possible. Retenons encore pour finir que, selon la théorie de Chilton et Schäffner (Chilton, P. / Schäffner, Ch.: 1997, 212), les textes ou les discours politiques (et diplomatiques aussi) ont au moins quatre fonctions stratégiques dont - la restriction et l’obligation, - la résistance, l’opposition et la protestation, - l’obliquité, - la légitimation et la délégitimation. Donc, au sein de la politique et de la diplomatie aussi, toutes les productions langagières gravitent autour de ces stratégies. 6. Difficultés Pendant le travail, l’auteur a dû faire face à plusieurs problèmes qui se sont posés à cause de - la différence entre les traditions françaises et hongroises dans la description de la langue; - la terminologie liée à beaucoup de concepts et d’approches différents dans les domaines de la linguistique de langue française et de langue hongroise; - la lecture parallèle de la littérature scientifique surtout de langue française et hongroise relative à notre sujet; - la quantité et la cohérence des discours chiraquiens dans le domaine de la politique extérieure; - l’intermédiarité des discours en question (cf. 7.2.) et - l’arrangement des résultats de recherche. Par rapport à la quantité des discours, on peut constater que leur nombre est astronomique. Concernant ce fait, Yves Michaud écrit comme suit: «Pour donner juste une idée approchée de cette quantité, le site Internet de la Présidence de la République comporte chaque mois entre une trentaine et une soixantaine de rubriques, certains bien longs, avec parfois des pointes autour de soixante-dix déclarations quand les événements mondiaux se précipitent. 26 C’est ainsi que Chirac, lors de ses innombrables voyages à l’étranger donne dans chaque pays trois discours au moins, plus une conférence de presse: un discours devant la représentation nationale ou ce qui en tient lieu, un autre lors de la réception par le chef d’État qui le reçoit, un troisième devant la communauté française locale. Cette compulsion à parler déclenche l’admiration pour la santé et l’énergie d’un personnage politique. Bien entendu, Chirac n’écrivait pas lui-même ses discours. Il avait des rédacteur comme chaque chef d’État et beaucoup de politiciens. Pourtant, chaque politicien attache – ainsi Chirac aussi attachait-il vraisemblablement – le plus grand soin à revoir les textes qu’on lui prépare, que rien n’est laissé au hasard dans ses interventions et que les rédacteurs qui les rédigent intègrent fort bien les demandes idéologiques (souvent cachées) et stylistiques du commanditaire, ce qui est encore rendu plus facile depuis que se sont répandus les traitements de texte et la pratique du copier-coller. Les auteurs des textes peuvent changer, pourtant, on ne constate ni diminution ni amélioration de la qualité des textes – preuve soit que les rédacteurs sont strictement interchangeables, soit qu’un lissage est réalisé par l’auteur final et le commanditaire.»6 (Michaud, Y.: 2004, 13-14) Quant à la cohérence des discours chiraquiens: vu l’océan des textes chiraquiens, on peut se poser la question s’ils sont cohérents ou incohérents, autrement dit, s’il y a des continuités ou des ruptures avec un changement chaotique ou des mutations progressives. Concernant toute la carrière politique de Chirac, Mayaffre (Mayaffre, D.: 2004, 192-193) cite Madelin (Madelin, Ph.: 2002, 800-801), mettant l’accent sur l’incohérence, donc, aux ruptures avec des changements chaotiques: «Il est difficile de tracer autrement que par touches impressionistes un portrait cohérent des projets politiques de Jacques Chirac. Parce que d’un portefeuille à l’autre, d’une fonction à l’autre, plus préoccupé par la gestion au jour le jour que par les grands desseins, il n’a jamais cessé de changer de cap. […] Il se contente de juger et de décider en fonction de la meilleure opportunité, selon sa propre optique, au mieux dans l’intérêt de ses mandats masqués et, accessoirement, des intérêts de son clan. Il vit dans l’immédiat, il ne se projette pas en avant. […] D’où ses changements de cap étonnants. Il est des moments où Jacques Chirac semble mener la politique à grands coups de gouvernail. […] Ce n’est pas à proprement parler de l’instabilité, contrairement à l’opinion de ses détracteurs. Il serait préférable de comparer le Président à un bon skipper qui sait prendre le vent d’où il vient … Mais il est vrai qu’il y a de quoi donner le tournois: dans le sac à idées, il prend et utilise ce qui lui convient sur le moment. Ensuite il s’en va à grands pas vers un autre destin sans trop s’interroger sur le sens de ce destin… Il préfère se laisser porter par le courant du fleuve, pagayant juste assez pour maintenir son embarcation dans le flux des idées ambiantes… Donc, sur les questions quotidiennes, il est versatile, il pense que ce sont des problèmes qui évoluent, qui doivent évoluer. Les positions d’un jour ne sont pas obligatoirement celles du lendemain […].» En ce qui concerne le septennat (1995-2002) et le quinquennat (2002-2007) de Chirac, ses textes (de politique intérieure ainsi que de politique extérieure) montrent une certaine cohérence ou des continuités, des ruptures avec des changements chaotiques et des mutations progressives à la fois. La cohérence est assuré par ses répétitions, ses principes, surtout par la volonté de vouloir toujours quelque chose. Un autre lien de cohérence est l’épuration de toute originalité politique et le vide de contenu, au moins selon Mayaffre (Mayaffre, D.: 2004, 229): 6 Mis en gras par l’auteur (JB). 27 «Dans une étude récente […], D. Labbé et D. Monière constatent le manque de caractères politiques et l’uniformisation idéologique du discours gouvernemental français au cours des 50 dernières années [Labbé, D. / Monière, D. : 2003]. De ce point de vue critique, le discours présidentiel doit être jugé comme largement plus problématique pour le débat politique. Non seulement il est épuré de toute originalité politique, mais il se montre vide de contenu. […] Le discours présidentiel apparaît seulement […] comme l’interface neutre et lénifiante entre le pouvoir et les Français.» Nous ne sommes pas d’accord avec cette constatation, ou bien, avec deux éléments de celle-ci qui sont le vide de contenu et la neutralité. Nous ne pouvons pas juger l’originalité politique parce que nous ne sommes ni politiciens ni politologues. Nous rejetons le vide de contenu car les discours de Chirac couvrent une large gamme de sujets (ils sont vides plutôt du point de vue idéologique) et ils ne sont pas du tout neutres: à travers ses discours, il veut influer sur les sentiments, les émotions et le bon sens de ses locuteurs, donc, ils ne peuvent pas rester de textes secs, ils ont toujours un charge émotionnel. Pour ce qui est des principes chiraquiens, on peut dire que pendant ses deux présidences (aussi), Chirac avait quelques principes. C’est Yves Michaud, un philosophe qui a essayé, dans son livre intitulé Chirac dans le texte. La parole et l’impuissance (Michaud, Y.: 2004), d’exploiter les principes7 des textes de Chirac, notamment sur la base des oeuvres du Président dont La Lueur de l’espérence, réflexion du soir pour le matin (Chirac, J.: 1978), Discours pour la France à l’heure du choix (Chirac, J.: 1978), Une nouvelle France (Chirac, J.: 1994), La France pour tous (Chirac, J.: 1995), des textes sur le site Internet de la Présidence de la République (http://www.elysee.fr), et des textes de journaux, de magazines et de revues dont Le Monde, Le Figaro, Libération, L’Express, Le Point, Revue des Deux Mondes, Le Débat, etc. Dans l’introduction de son livre, Michaud écrit sur l’ensemble de l’activité du Président, d’un ton assez critique, comme suit: «M. Chirac a un petit nombre de principes qui donnent le ton général de ses engagements et lui servent de référence aussi bien en politique extérieure qu’en politique nationale. Les uns relèvent de croyances personnelles concernant l’éthique, la culture, la volonté. Les autres sont des convictions politiques touchant à la Constitution, à la démocratie, à l’État, à la nation, etc. Ceux qui relèvent de la conviction personnelle sont assez banals et pas très contraignants. Ils font partie de ces croyances en matière d’honnêteté, de bienveillance, de valeur de l’homme […]. Les principes politiques ne sont guère plus originaux. Ils relèvent pour l’essentiel d’un radicalisme […] avec une très forte composant nationaliste. La théorie politique n’est pas le fort de M. Chirac, ce qu’on ne saurait lui reprocher […]. Tous les hommes politiques français depuis cinquante ans […] chantent en des termes quasiment identiques la rengaine du contrat, de la nation, de l’État – et finalement l’hymne à la France. Ce qui est le plus frappant dans la tonalité générale, c’est l’obsession de la volonté, de l’unité, de la communauté, le tout se rejoignant dans le culte de la nation. Ce qui est aussi frappant, c’est le caractère formel de ces principes, c’est-à-dire leur 8 absence quasi complète de contenu.» (Michaud, Y.: 2004, 23-24) 7 Les principes analysés sont la Constitution, la culture, la culture d’État, la démocratie, l’État, l’éthique, les valeurs, la France, le gaullisme, la nation, la souveraineté, les partis, la planification, le référendum et la volonté. (Michaud, Y.: 2004, 23-82) 8 Mis en gras par l’auteur (JB). 28 Il est vrai qu’il y a des changements d’orientations majeures aussi qui s’expriment par des prises de position opposées dans la politique extérieure comme dans la politique intérieure. La politique internationale est un domaine réservé du Président, mais ce n’est pas le cas avec la politique intérieure: là, il a des comptes à rendre et il n’y peut pas parler impunément. Pour illustrer ces contradictions, prenons deux exemples pour la politique internationale et deux pour la politique intérieure. Politique extérieure: (1) «Je ne veux pas que, pour des raisons économiques, et qui n’ont rien de culturel, la culture européenne 9 soit stérilisée ou effacée par la culture américaine.» (2) «Aujourd’hui comme hier, le monde a besoin de l’Amérique.»10 Politique intérieure: (1) «Il faut avoir des principes si l’on veut gouverner sainement une démocratie. La dissolution n’a jamais été faite dans notre constitution pour la convenance du Président de la République. Elle a été faite pour trancher une crise politique. Il n’y a pas aujourd’hui, il n’y avait pas au lendemain de mon élection une crise politique. Donc la dissolution aurait été – permettez-moi le terme – une sorte de „combine” tout à fait contraire à l’esprit de nos institutions. Je suis respectueux de nos institutions, je vous l’ai dit pour la 11 justice, et vous aurez souvent l’occasion de le constater. Je le dis aussi pour les institutions.» (2) «Mes Chers Compatriotes, après consultation du Premier ministre, du Président du Sénat et du 12 Président de l’Assemblée nationale, j’ai décidé de dissoudre l’Assemblée nationale.» Quant à la mutation progressive, on peut parler d’un certain «zapping thématique» qu’on peut tracer année par année, période par période: par exemple, le sujet essentiel des années 1995 et 1996 est le chômage et d’autres questions économiques et sociales dans la politique intérieure, les années 1997 et 1998 sont lexicalement inclassables, la période entre 1998 et 2000 est caractérisée par un désinvestissement en politique intérieure et par un report massif de l’attention du président sur la politique extérieure, pour les années 2001 et 2002, c’est le discours de la peur qui est caractéristique (attentats du 11 septembre), l’année 2003 est traitée comme un renouveau, etc. (Mayaffre, D.: 2004, 189-244) 7. Corpus Mounin donne la définition suivante pour le corpus: «Ensemble d’énoncés écrits ou enregistrés dont on se sert pour la description linguistique. La méthode du corpus s’impose dans le domaine descriptif car il est impossible de recueillir tous les énoncés d’une communauté linguistique à un moment donné, et dangereux de fabriquer ses exemples soi-même. Le linguiste limite la taille du corpus d’une manière plus ou moins arbitraire tout en essayant de le rendre représentatif […].» (Mounin, G.: 2000, 89) 9 Chirac, J., le 4 décembre 1995, interview à Time Magazine (http://www.elysee.fr) Chirac, J., le 18 décembre 2000, interview au Washington Post (http://www.elysee.fr) 11 Chirac, J., le 14 juillet 1996, entretien télévisé (http://www.elysee.fr) 12 Chirac, J., 21 avril 1997, allocution télévisée (http://www.elysee.fr) 10 29 Carine Duteil-Mougel, faisant des références à François Rastier (Rastier, F.: 2002), donne des propositions théoriques pour l’analyse de corpus dans son article Les mécanismes persuasifs des textes politiques. Citons-en les passages les plus importants relatifs aux corpus: «La notion de corpus reçoit en linguistique différentes acceptions. Le corpus peut être défini comme une collection de données langagières ou comme un échantillon de langage ; il peut également être conçu comme un ensemble de mots (ou « sac de mots » selon François Rastier, qui critique ce type de corpus issu de la tradition logico-grammaticale), ou comme un ensemble d’énoncés (ou « sac de phrases », toujours selon Rastier), ou encore, dans notre perspective, comme un ensemble de textes. Or tout ensemble de textes (critère de forme) n’est pas un corpus ; des critères de fond entrent en jeu. [...] [L]e corpus doit vérifier trois types de conditions : • Des conditions de signifiance : Un corpus est constitué en vue d’une étude déterminée (pertinence), portant sur un objet particulier, une réalité telle qu’elle est perçue sous un certain angle de vue (et non sur plusieurs thèmes ou facettes indépendants, simultanément) (cohérence). • Des conditions d’acceptabilité : Le corpus doit apporter une représentation fidèle (représentativité), sans être parasité par des contraintes externes (régularité). Il doit avoir une ampleur et un niveau de détail adaptés au degré de finesse et à la richesse attendue en résultat de l’analyse (complétude). • Des conditions d’exploitabilité : Les textes qui forment le corpus doivent être commensurables (homogénéité). Le corpus doit apporter suffisamment d’éléments pour pouvoir repérer des comportements significatifs (au sens statistique du terme) (volume). Nous suivons François Rastier, qui propose la définition suivante du corpus [...]) : Un corpus est un regroupement structuré de textes intégraux, documentés, éventuellement enrichis par des étiquetages, et rassemblés : (i) (ii) de manière théorique réflexive en tenant compte des discours et des genres, et de manière pratique en vue d’une gamme d’applications. Rastier adopte une conception praxéologique du texte selon laquelle tout texte relève d’un genre et tout genre, d’un discours, attaché à une pratique sociale. Selon Rastier, les recherches en sémantique des textes doivent porter sur des corpus aussi homogènes que possible pour ce qui concerne leur genre, ou du moins leur discours. Comme l’auteur le souligne, un texte peut « perdre » du sens, s’il est placé parmi des textes oiseux, car la comparaison avec eux ne permet pas de sélectionner d’oppositions pertinentes. D’autre part, le mélange des genres (corpus hétérogène) annule leurs spécificités et empêche leur caractérisation. Aussi, disposer de critères pour la classification des textes, des genres et des discours apparaît comme un enjeu pour la linguistique de corpus et la constitution de corpus pleinement utilisables pour des tâches de description linguistique.13» (http://corpus.revues.org/index357.html) Dans tout travail d’analyse du discours14, la constitution du corpus est intimement liée à la définition du sujet et de la problématique (Honoré, J.-P.: 2002). Nous devons expliciter nos choix. Notre sélection a été pragmatique et il nous semblait préférable de la contrôler par une explicitation de son processus de production: «Le sens en effet n’est jamais donné. Il est toujours construit lors de parcours interprétatifs complexes que le linguiste est en charge de contrôler et dans lesquels s’articulent écriture et réécriture, textes et contextes, 13 Mis en gras par l’auteur (JB). Pour la définition du corpus du point de vue de l’analyse du discours, cf. encore p.ex. le Dictionnaire d’analyse du discours de Patrick Charaudeau et de Dominique Maingueneau (Charaudeau, P./ Maingueneau, D.: 2002, pp. 148-154.) Sur les linguistiques de corpus en détail, cf., entre autres, Les linguistiques de corpus de Salem et de Nazarenko (Salem, A. / Nazarenko, A. et al: 1997) En Hongrie, c’est Mónika Szirmai qui a résumé en 2005 pour la première fois en hongrois les connaissances dans ce domaine dans son livre Bevezetés a korpusznyelvészetbe. A korpusznyelvészet alkalmazása az anyanyelv és az idegen nyelv tanulásában és tanításában. (Szirmai, M.: 2005) 14 30 conditions culturelles d’émission, de réception et d’analyse. Précisément, ce contrôle du parcours interprétatif s’effectue autant que possible dans et par le corpus, conçu comme la seule ou l’ultime entité possible d’objectivation du contexte pour la linguistique15.» (Mayaffre, D.: 2005) C’est dans cette optique que nous avons choisi et conçu notre corpus. Le matériau de nos recherches a déjà été donné sous format d’un livre contenant 75 discours et fort de plus de 500 pages, d’une part (le recueil Mon combat pour la paix de Jacques Chirac (Chirac, J.: 2007b), mais récolté électroniquement aussi à partir de sources diverses. Nous avons rassemblé la version électronique du corpus à l’aide des archives du site officiel de la République Française (accessible sur www.elysee.fr) aussi qui fournit, de manière quasi exhaustive, l’ensemble des discours des dirigeants nationaux. Les textes recueillis dans Mon combat pour la paix peuvent être traités comme un certain souscorpus au sein du vaste ensemble des discours relatifs à la politique extérieure, notamment près des voeux au corps diplomatique en chaque janvier, des interviews télévisés chaque 14 juillet, des conférences des ambassadeurs chaque août, des voeux aux Français chaque 31 décembre, des Sommets de la Francophonie16, des sommets franco-allemands, des sommets franco-italiens, des sommets franco-espagnols, des discours lors des CIG de l’UE, etc. Ici, il faut mentionner que dans le cas de l’ouvrage nommé, c’était Chirac lui-même qui a recueilli ses propres discours de politique extérieure dans Mon combat pour la paix. (Chirac, J.: 2007b) C’est lui-même qui les a considérés comme ses discours les plus importants dans ce domaine. 17 Ces textes, comme on l’a mentionné, sont aussi accessibles sur Internet – sauf son 15 Mis en gras par l’auteur (JB). Dans Mon combat pour la paix de Chirac, il ne figure qu’un discours relatif à la Francophonie, notamment, le discours prononcé le 18 octobre 2002 à Beyrouth, au Liban. (Chirac, J.: 2007b, 367-373). Entre 1995 et 2006, Chirac a prononcé 6 discours aux sommets francophones. Le Président de la République est aussi un acteur important au sein de la Francophonie. Pour le logo symbolysant les cinq continents où le français est parlé, la carte, les institutions, les pays membres et le tableau des Sommets ainsi que les six discours chiraquiens lors de ces sommets, cf. les annexes. Pour la Francophonie, cf. p.ex. A francia nyelv lexikona de Bárdosi et de Karakai (Bárdosi, V. / Karakai, I.: 1996, 178-184), pour les pays francophones en général, cf. p.ex. A francia nyelv lexikona de Bárdosi et de Karakai (Bárdosi, V. / Karakai, I.: 1996, 5, 8-12, 25, 34-35, 54-57, 74, 82, 88-89, 119, 124, 127, 128, 175, 185, 220, 224-226, 306-310, 326, 346-349, 351-353, 365, 451, 455, 461-462, 473-474, 481-482, 525, 535, 542, 559); pour des informations sur la géographie, l’histoire, l’art, la littérature, la musique, etc des pays francophones, etc. cf. p.ex. les Dossiers sur les États et les gouvernements appartenant à la Francophonie dans le Dictionnaire Universel Francophone (Guillou, M. / Moingeon, M.: 1997, 1365-1520) Pour connaître, en détail, la Francophonie, il existe plusieurs livres, sites Internet, des articles scientifiques, etc. Entre les livres, on peut nommer, p. ex. La Francophonie dans le monde 2006 – 2007 (Gothier, J. et al.: 2007) ou Demain la francophonie. (Wolton, D.: 2006). Pour le dossier sur la Francophonie, cf., entre autres http://ladocumentationfrancaise.fr ou http://www.francophonie.org Entre les articles scientifiques, on peut nommer p. ex. l’article de Vágási (Vágási, M.: 2009), etc. 17 C’est le même cas quant à ses textes relatifs à la politique intérieure: il les a fait publier sous le titre Mon combat pour la France. (Chirac, J.: 2007a) 16 31 Introduction inédite18 - sur le portail officiel de la Présidence de la République (http://www.elysee.fr)19. Pourtant, beacoup de fois, il y a des écarts entre les textes dans son recueil et ceux sur le site de la Présidence. Ces parties supprimées20 sont surtout des parties introductives, des parties finales et des séquences de dialogues où ce n’est pas lui qui parle ou bien, des passages qu’il a jugés superflues. En plus, il faut encore noter que dans le recueil nommé, chaque texte est précédé par la description du contexte. Ce n’est pas le cas avec le site de la Présidence. En outre, sur ce site, ses discours sont regroupés dans plusieurs grandes rubriques dont - Actualités (à l’Élysée; déplacements en France; déplacement à l’étranger), - Interventions (discours et déclarations; conférences et points de presse; interviews, articles de presse et interventions télévisées; lettres et messages; dialogues et débats), - Salle de presse (communiqués de la Présidence; communiqués du Conseil des ministres; comptes rendus) et - Les dossiers (l’Europe; l’environnement; antisémitisme, racisme, xénophobie – lutte contre les discriminations; la recherche et l’innovation; la francophonie; la culture; nouvelles contributions financières internationales; dossier Proche-Orient; propos sur l’Irak). Il y a un autre regroupement selon les années et les mois aussi. Ces trois sortes de regroupements facilitent d’ailleurs la recherche, mais quelquefois, il arrive qu’on ne trouve pas un discours recherché. Dans ce cas-là, il faut recourir à d’autres sources. Donc, on peut encore mentionner plusieurs bases de données où on peut trouver des discours de Chirac aussi et non seulement en relation avec la politique extérieure, mais aussi des discours par rapport à la politique intérieure, interviews, etc., sous format texte écrit, texte sonore, vidéos - dont p.ex. le site - de la Documentation française (http://www.ladocumentationfrancaise.fr), - de Radio France International (http://www.rfi.fr), - d’INA (http://www.ina.fr) - du Navigateur européen sur l’histoire de l’intégration européenne (http://www.ena.lu), etc. 18 L’introduction inédite de ce recueil se trouve sur le CD, dans le fichier portant le titre Couvertures_table-desmatieres_avant-propos_du_corpus.doc 19 En Hongrie, il existe un portail pareil, c’est le portail de l’Office du Président de la République: http://www.keh.hu. Des portails semblables existent dans beaucoup de pays. 20 Marquées dans le corpus complet et dans le sous-corpus analysé par rouge. 32 Le sous-corpus analysé est le chapitre V. Humaniser et maîtriser la mondialisation du corpus complet. Cette unité contient 19 discours et elle est forte d’une centaine de pages et elle est représentative pour la version électronique du corpus entier aussi. Le terme mondialisation désignant un monde globalisé est aujourd’hui à la mode, mais elle n’est pas du tout un phénomène récent. Elle est un phénomène essentiel du monde moderne, dans lequel aujourd’hui chacun a tendance à mettre ses espoirs et ses craintes. (cf. p.ex. Beck, U.: 2005; Defargues, P. M.: 2010, etc.) 8. Remarques 1) La version électronique du corpus complet et celle du sous-corpus analysé se trouvent sur le CD joint à la thèse pour ne pas exploser les cadres de ce travail. 2) D’autres documents (dont textes, schémas, tableaux, graphiques, etc.) importants relatifs au domaine analysé se trouvent dans les Annexes qui sont joints à la présente thèse également sur le CD nommé, du même motif. 3) Les notes en bas de page se réfèrent à des articles, des livres, des sites web et des sujets connexes. 33 PARTIE I. POSITION DE THÈSE «La théorie n’est que l’idée scientifique contrôlée par l’expérience.» Claude BERNARD (1954 : 45) Cette partie envisage à présenter, en grandes lignes, la politique étrangère ou extérieure particulièrement sous l’ère chiraquienne ainsi qu’à mettre en relief les bases et les notions essentielles de notre champ d’analyse. Il s’agit donc d’une évaluation critique et d’un essai de synthèse de la littérature secondaire surtout de langue française sous l’angle de notre centre d’intérêt. Les domaines abordés sont la communication, la communication spécialisée et la langue de spécialité, la communication et / ou le discours politique, diplomatique et présidentiel(le), le langage politique et diplomatique, l’analyse du discours et la linguistique textuelle, le discours et le texte, la sémiotique (politique), la lexicologie, la lexicométrie ou lexicostatistique, l’axiologie, la sémantique, la terminologie ainsi que la pragmatique (linguistique). Voyons dans ce qui suit ces unités de plus près. Chapitre 1. Jacques Chirac et sa politique extérieure 1.1. La Constitution et le Président de la République La France est un pays souverain, une république, un État unitaire, une démocratie directe et représentative, d’un régime parlementaire et présidentiel, un État libéral et un État de droit où tout découle de la Constitution. Née le 4 octobre 1958, la Constitution de la Ve République 21 a montré la stabilité des institutions qu’elles a fondées. Reconnue et acceptée par tous, elle fait la preuve de sa capacité à héberger les situations politiques les plus diverses. Très fortement liée aux idées politiques du général du Gaulle, elle met en place un système original qui assure la prépondérance du pouvoir exécutif tout en conservant un contrôle parlementaire. Oeuvre d’un groupe de juristes rassemblés autour de Michel Debré, elle est basée sur des principes et des valeurs proclamés dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 22 et dans le Préambule de la Constitution de 1946 23. Elle est adoptée par le peuple et ne peut être révisée que par lui ou par ses représentats élus 24. Loi fondamentale de la République, elle règle les rapports entre gouvernants et gouvernés et organise les différents pouvoirs. Selon le principe de la 21 Pour le texte, cf. les Annexes. D’ailleurs, la France a en moins de 200 ans connu près de 17 Constitutions différentes. Cf. p.ex. http://www.politique.com/dossiers/france/articles/institutions/comparatif-constitutions-francaises-depuis-1791.htm 22 Cf. les Annexes. Cf. les Annexes. 24 Pour la loi constitutionnelle de 1958 et les institutions de la Ve République, cf. les Annexes. 23 34 hiérarchie des normes, toutes les lois doivent être en conformité avec elle. La France est un État de droit. Aucun homme ne dispose de tous les pouvoirs, la souveraineté appartient au peuple qui l’exerce par l’intermédiaire de ses élus chargés de faire la loi. La séparation des pouvoirs, définie par Montesquieu au XVIIIe siècle, ne permet à aucun pouvoir d’empiéter sur un autre, même ceux-ci sont interdépendants. Un juge ne peut prendre une décision qu’en fonction d’une loi votée par le Parlement. Cependant, le judiciaire est une autorité et non un pouvoir. La souveraineté de la nation, qui s’exprime par le suffrage universel, est la véritable spécificité de la République. Chaque citoyen, âgé de 18 ans, sans distinction de sexe, de race ou d’origine sociale dispose d’une parcelle de la souveraineté nationale. Le suffrage n’est devenu véritablement universel que lorsque les femmes ont acquiert le droit de vote en 1944. La majorité passe de 21 ans à 18 ans en 1974. La remarquable longévité du régime mis en place par la Constitution de 1958 est due à sa souplesse mais aussi à l’adoption, par les responsables politiques, de styles de gouvernements différents, chacun ayant leur interprétation des textes. Le Préambule de la Constitution rapelle les valeurs fondamentales de la République. Dans le Titre I, l’Article premier expose tous les principes ou valeurs qui sont à la base du régime politique de la France et qui sont précisés dans les autres articles. L’Article 3 est relatif au régime représentatif et à la démocratie directe, l’Article 4 aux partis politiques. Dans le Titre II, les Articles 5 à 19 et 68 sont consacrés au président de la République. Les Articles 5 à 7 concernent le statut présidentiel, les Articles 8, 9, 11, 12 et 17 sont en relation avec les pouvoirs présidentiels et les Articles 5, 15, 16 et 18 s’occupent du président en tant que garant des institutions. Les institutions de la Ve République ont établi un pouvoir exécutif bicéphale qui comprend, outre le président de la République, chef de l’État, le gouvernement qui est constitué du Premier ministre et des ministres. Seulement quatre courts articles (Articles 20 à 23 et 68) sont consacrés, dans la Constitution, au gouvernement dans le Titre III et du Titre X. L’un s’intéresse au gouvernement dans son ensemble, deux au Premier ministre et un concerne les ministres. Le Parlement et ses rapports avec le gouvernement sont concernés par le titre IV et V de la Constitution qui comportent dix articles (Articles 24 à 51). Les Articles 52 à 55 du Titre VI visent les traités et les accords internationaux. Les Articles 56 à 63 du Titre VII concernent le Conseil constitutionnel. Les Articles 64 à 68 du Titre VIII et du Titre IX sont consacrés à la justice. Titre XI s’occuppe du Conseil économique et social (Articles 69 à 71), Titre XII des collectivités territoriales (Articles 72 à 75). Titre XII (Articles 76 et 77) contient des dispositions transitoires relatives à la Nouvelle-Calédonie. Le Titre XV (Article 88) concerne les Communautés européennes et l’Union européenne. Le Titre XVI (Article 89) parle de la révision de la Constitution. 35 La présidence de la République est la plus haute fonction du pouvoir exécutif de la République française. La République française ne s'est dotée d'un président 25 qu'à partir de 1848 (sous la IIe République). En réalisant un compromis entre le principe monarchique (le président est un, comme le monarque) et la culture démocratique (le président n’est qu’un monarque temporaire qui tient sa légitimité du peuple), on aboutit à ce qu’on appelle la monarchie républicaine. Sous les IIIe et IVe Républiques, le chef d’État a peu de pouvoir. On dirait que jusqu’à 1958, les présidents s’effaceront derrière leur fonction. Depuis1848, cette fonction a été assumée par vingt-trois présidents, qui ont constitué les chefs de l'État français de 1848 à 1852, de 1871 à 1940, de 1947 à 1958 et de 1958 à nos jours, sous les IIe, IIIe, IVe et Ve Républiques 26. Ils ont tous résidé au Palais de l'Élysée27 à Paris, à l'exception d'Adolphe Thiers. Depuis l'élection du président28 au suffrage universel direct en 1962, il s'agit de la fonction politique la plus prestigieuse et la plus respectée en France. Le président est le chef de l'État, le chef des armées et le garant de la Constitution. Les autres fonctions, attributions et modes de nomination ont beaucoup évolué dans le temps selon les régimes, mais aussi en fonction des circonstances et des hommes appelés à remplir cette charge. Actuellement, sous la Constitution de la Ve République en place depuis 1958, son pouvoir n'a jamais été aussi important. Cinq hommes, cinq personnalités, appartenant à des courants politiques différents ont assumé la fonction présidentiel depuis la naissance de la Ve République : Charles de Gaulle de 1958 à 1969, Georges Pompidou de 1969 à 1974, Valéry Giscard d’Estaing de 1974 à 1981, François Mitterrand de 1981 à 1995 (réélu en 1988) et Jacques Chirac, élu en 1995, réélu en 2002. La première investiture29 de Chirac avait lieu le 17 mai 1995 au palais de l’Élysée 30, la deuxième le 16 mai 2002. Jacques Chirac a prononcé son discours de fin de mandat31 le 11 mars 2007 à 20 heures. La présidence de Nicolas Sarkozy est en cours depuis 2007. L’Article 7 de la Constitution édicte précisément tous les principes de l’élection présidentielle. Tous les citoyens français (et les citoyennes aussi) 25 Pour les Présidents de la République, cf. les Annexes. Ire République: 1792-1804 27 Pour l’historique du Palais de l’Elysée, cf. le site internet de la Présidence (http://www.elysee.fr) , sous «L’Élysée et les résidences» 28 Pour des slogans, des affiches et des diagrammes concernant les élections présidentielles sous la Ve République, cf. http://www.france-politique.fr. Pour l’analyse linguistique des slogans des élections présidentielles de la Ve République, cf. l’article intitulé «Noyaux dures ou coquilles vides ?» de Natalia Cowderoy (Cowderoy, N.: 2009) 29 Cf. l’article de Péter Mihalovics (Mihalovics, P.: 2009) où il compare sur le plan linguistique le discours d’investiture de Mitterrand le 31 mai 1981 avec celui de Chirac le 17 mai 1995 et avec celui de Sarkozy le 16 mai 2007. Sur les différentes étapes de la cérémonie d’investiture, cf. les Annexes. Pour le discours d’investiture de Charles de Gaulle (1962), de Georges Pompidou (1969), de Valéry Giscard d’Estaing (1974), de François Mitterrand (1981 et 1988) et de Nicolas Sarkozy (2007), cf. les Annexes. 30 Le discours d’investiture du 17 mai 1995 et du 16 mai 2002 de Chirac se trouvent dans les Annexes. 31 Le discours de fin de mandat ou le discours d’adieux est un rite institutionnalisé dans beaucoup de pays démocratiques. L’exemple vient des États-Unis (farewell address) et la tradition nommée remonte au discours de George Washington en 1796. Avant le discours d’adieux de Chirac, Mitterrand n’a pas prononcé de discours pareil en raison de sa maladie, mais il a envoyé un message aux Français. Pareillement à Chirac, Valéry Giscard d’Estaing aussi a prononcé au revoir en 1981 dans la télé. Le discours de fin de mandat de Chirac se trouve dans les Annexes. 26 36 âgés d’au moins 23 ans peuvent se porter candidat aux élections présidentielles. Cependant, pour participer aux élections, il faut obtenir 500 signatures d’élus (venant d’au moins trente départements) et déposer sa candidature auprès du Conseil constitutionnel avant la date limite décidée par ce dernier. La campagne électorale commence après le dépôt des candidatures. Le mode d’élection du président de la République est le scrutin majoritaire à deux tours. Dans ce mode de scrutin, il faut, pour être élu, obtenir la moitié des voix (suffrages exprimés) plus une, c.-à-d., la majorité absolue, sinon on procède à un second tour de scrutin, dit scrutin de ballottage, pour lequel la majorité relative suffit. Aucun président n’a été élu dès le premier tour mais l’amendement de 1962 avait prévu cette éventualité, en instaurant un second tour sur la base des meilleurs candidats arrivés en tête à l’issue du premier tour. Dans le décompte des voix, on ne tient pas compte des abstentions, ni des suffrages blancs, ni des suffrages nuls. Lors des élections présidentielles en 2002, l’abstention a été particulièrement élevée au premier tour (28,4%), la plus importante jamais constatée sous l’histoire de la Ve République pour une élection présidentielle. Elle a reculé au second tour (20,29%), ce qui a marqué la fin de la passivité des électeurs. Les fonctions du président prennent fin par l’arrivé du terme de son mandat. Dans ce cas, l’élection du nouveau président a lieu vingt jours au moins et trente-cinq jours au plus avant l’expiration des pouvoirs du président en exercice, ce qui revient à dire que ce dernier va présider à l’élection de son successeur. Plus exceptionnellement, la cessation de fonctions peut aussi résulter d’une démission, d’un décès ou d’un empêchement définitif. L’empêchement est constaté par le Conseil constitutionnel qui en décide à la majorité absolue de ses membres. La période d’interim qui s’applique aux cas de vacance et d’ empêchement ne peut durer plus de trente-cinq jours. Elle est assurée par le président du Sénat ou, s’il est lui-même empêché, par le gouvernement collégialement. Cette situation s’est produite deux fois depuis 1958 lors de la démission de De Gaulle en avril 1969 et à la mort de Georges Pompidou, en avril 1974. Dans les deux cas, c’est Alain Poher, alors président du Sénat, qui a assuré l’intérim. En ce qui concerne son statut pénal, le président dispose, selon l’Article 68, d’une fonction protégée, puisque il n’est pas responsable des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions. Irresponsable civilement, pénalement et politiquement, le président peut cependant être mis en accusation pour haute trahison par le Parlement. Dans ce cas, comme l’indique l’Article 67, une Haute Cour composée de douze députés et de douze sénateurs est chargé de juger, destituer et condamner le président à différentes peines selon la gravité des faits qui lui sont reprochés. (Ajchenbaum, Y.-M. : 2002 ; Ádám, P. : 2007 ; Balmand, P. : 1992, 427 ; Becker, J.-J.: 1998; Bihari, M. / Pokol, B.: 2009, 545-553; Bojcsevné Kovács, T. : 2002, 62-67 ; Chaffel, A.: 2000; Delsol, Ch.: 2004; Duby, G.: 1999; Duhamel, O.: 2003; Johancsik, J.: 1998; Karacs, G. : 2006, 37 29-30, 97-108 ; Kovács, Zs. : 2000, 41-60 ; Labrune, G. : 1998, 131, Lancelot, A.: 1998; Martinetti, F. : 2003, 2-46, Offerlé, M.: 2002; Parodi, J.-L.: 1997; Sirinelli, J.-F.: 2003) 1.2. Biographies et autobiographie politique Jacques Chirac était le Président de la République française entre 1995 et 2007, mais il a commencé sa carrière politique beaucoup plus avant. La biographie officielle32 de cet homme d’État est en outre accessible sur le site officiel de la Présidence de la République. Il y a aussi d’autres biographies de Chirac, p.ex. de Bacqué (Bacqué, R.: 2001), de Desjardins (Desjardins, T.: 2001), de Giesbert (Giesbert, F.-O.: 1987, 1995), de Madelin (Madelin, Ph.: 2002) ou de Péan (Péan, P.: 2007), etc. Ces livres sur le Président rapportent ses actions et ses manoeuvres, décrivent les étapes de sa carrière politique, parlent de sa formation, de ses relations et réseaux, de ses fidélités et de ses trahisons, de son pragmatisme et de sa démagogie, essaient de décrire sa psychologie, effleurent une vie mieux protégée que celle de son prédecesseur François Mitterrand mais qui mériterait une attention probablement aussi détaillée pour comprendre ses actions. Les auteurs et commentateures s’intéressent aux événements, gestes et postures, rapportent les jugements des uns et des autres, amis, maîtresses, proches, adversaires ou ennemis, sans se soucier des idées telles qu’elles sont pourtant exprimés noir sur blanc dans des documents publics aisément accessibles, notamment, dans ses discours.33 Par rapport à Jacques Chirac, il est intéressant un autre livre de Franz-Olivier Giesbert34 aussi. Au sens strict, ce n’est pas une biographie, il montre plutôt les événements politiques les plus précaires de Chirac entre 1986 et 2006. (Giesbert, F.-O.: 2006) Quelques passages de son oeuvre La France pour tous35 peuvent quand même être considérés comme une certaine autobiographie (politique): «Parler de moi n’est pas mon exercice préféré. Cependant, je voudrais inscrire ma démarche dans le cadre politique qui a toujours été le mien. J’ai évolué, comme tout un chacun: un long parcours m’a permis d’affirmer mes convictions foncières à l’épreuve des faits. Les idéologies m’inspirent depuis toujours une défiance proche de l’aversion. Mon enfance a connu le traumatisme de la défaite et de l’occupation. Je ne puis m’empêcher d’imputer au moins partiellement ces désastres au fanatisme idéologique qui a sévi dans les années 20 et 30. […]Nazisme, stalinisme, intégrisme: ces „ismes” qui enflamment facilement es imaginations juvéniles finissent toujours par ériger des miradors, étendre des barbelés. En conséquence, j’ai toujours été résolu à défendre les principes républicaines dans un cadre démocratique. Cependant j’ai très vite mesuré les limites du capitalisme sauvage, donc la nécessité d’un État fort qui oriente la vie économique en protégeant les faibles contre les puissants sans étouffer l’esprit d’initiative. Seul l’État peut assurer l’unité et la cohésion nationales. […] Mon expérience du service public remonte à plus de trente années. Elle a débuté en Algérie où j’effectuais mon service militaire. […] Au milieu des années 60, j’ai pu observer les arcanes du pouvoir comme conseiller de Georges Pompidou, alors Premier ministre du général de Gaulle. Cette chance, ce privilège même auront orienté toute ma vie publique. En 1967 je suis devenu député d’un département rural, la Corrèze, pays de ma famille […]. J’ai été secrétaire d’État sous la présidence du général de Gaulle, ce qui m’a fait vivre Mai 68 différemment des „gauchistes”. […]. J’ai 32 La biographie officielle se trouve dans les Annexes. (cf. surtout http://www.elysee.fr). 34 Cf. les Annexes. 35 Pour la couverture du livre, voir les Annexes. En outre, c’était son slogan pendant les élections présidentielles en 1995. Pour d’autres slogans, des cartes, des affiches et des statistiques relatives aux élections présidentielles de 1995 et de 2002, cf. les Annexes. 33 38 été ministre sous la présidence de Georges Pompidou, Premier ministre sous celle de Valéry Giscard d’Estaing. Je suis revenu à Matignon en 1986, sous la présidence de François Mitterrand, pour inaugurer une figure institutionnelle nouvelle, la cohabitation. Entre-temps, je suis devenu maire de Paris en 1977. Ces expériences, ces responsabilités m’ont beaucoup appris sur la France, sur l’État, sur l’Europe, sur les hommes. En 1976, j’ai refondé le mouvement gaulliste, que j’ai eu l’honneur de présider pendant dix-huit ans. Gaulliste, je l’ai toujours été. […] ’Gaulliste’, pour moi, ne signifie pas l’adhésion à une dogmatique. J eme méfi beaucoup des dogmes. De Gaulle n’était ni de droite ni de gauche, ni libéral ni dirigiste;il choisissait empiriquement la voie qui paraissait la meuilleure. Le gaullisme est un pragmatisme, mais de haut étage; la décision politique doit répondre à l’intérêt général, pas à un réflexe technicien ou à un calcul politicien. De Gaulle n’était pas non plus un chef de parti. Il a gouverné, selon l’occurrence, avec des socialistes, des radicaux, des démocrates-chrétiens, des modérés, des conservateurs (qui n’étaient pas ses préférés). Le gaullisme est une attitude qui vise à ressembler les Français au-delà des frontières idéologiques et partisanes. Enfin, de Gaulle faisait ses choix en référence à l’Histoire. Il prenait les aléas en considération, mais ne les surévaluait pas et il raisonnait sur le long terme. […] Voilà ce que représente pour moi le gaullisme: un volontarisme enraciné dans l’amour de la patrie, l’esprit républicain, le sens du concret, le respect du peuple, de sa fierté, de sa mémoire. Bien entendu l’appel du 18 Juin, le refus de la capitulation, la récusation de Vichy, l’organisation de la résistance et les grandes lois sociales de la France libérée sont la source héroïque de l’épopée gaulliste. Je revendique cet héritage mais j’étais trop jeune pour y prendre part active. Par décret d’état civil, je suis un gaulliste de la deuxième génération, un gaulliste ’pompidolien’. […] A deux de mon parcours, j’ai eu le sentiment de passer un seuil. En juillet 1976, lorsque j’ai décidé de quitter Matignon, je suis devenu un responsable politique par rapport auquel d’autres se définissent, et qui doit faire seul des choix qui engagentl’histoire de son pays. J’ai choisi alors la pérennité du gaullisme populaire. En 1993, après avoir gagné les élections législatives, j’ai décidé de ne pas occuper les fonctions de Premier ministre. J’avais mesuré, entre 1986 et 1988, les limites qu’impose à l’action un cohabitation par ailleurs inévitable. Elles sont étroites. Si j’ai choisi, pendant ces deux dernières années, de m’éloigner des ors de la République, si j’ai pris le risque, parfois, d’une certaine solitude, c’est parce que je voulais me tourner vers les Français, pas vers le pouvoir. Car on ne s’improvise pas candidat, c’est une démarche grave, la rencontre mystérieuse d’un homme, d’un peuple et d’un moment de son Histoire. […] » (Chirac, J.: 1995, 19-42) A la fin du livre nommé, Chirac dit comme suit: « Libéré de toute contrainte, je suis confiant, déterminé et sincère. Le changement paisible que je propose est la meuilleure voie pour la France. Fort de cette certitude, je vais à la rencontre du peuple français avec le désir et l’espoir d’une belle aventure commune.» (Chirac, J.: 1995, 137) Cette «aventure» a duré pendant 12 ans, de 199536 à 2007. Après avoir quitté le pouvoir, Chirac est encore actif. Le 9 juin 2008, il a lancé la Fondation Chirac37. Avec cette fondation, Chirac veut continuer à servir indirectement les Françaises et les Français. Ses paroles prouvent de cette vocation: « Avec un enthousiasme intact et la même passion d’agir pour vous, je continuerai à mener les combats qui sont les nôtres, les combats de toute ma vie, pour la justice, pour le progrès, pour la paix, pour la grandeur de la France. » Les manifestations de ce service sont ses discours aussi qu’on peut lire sur le site officiel de la Fondation. 36 Dans son mémoire de maîtrise intitulé De la lutte des classes à l’effondrement des idéologies. Le vocabulaire politique dans le journal Le Monde de 1969 à 1995, Kaisa Tuomikoski s’occuppe du vocabulaire des élections présidentielles en 1969, 1981 et 1995 dans le langage journalistique. Le travail nommé est un travail intéressant de nature lexicologique-lexicométrique. (http://www.jyu.fi/library/tutkielmat/261). 37 Pour le discours du Président Jacques Chirac à l’occasion du lancement de la Fondation Chirac - le 9 juin 2008 au Musée du Quai Branly, cf. les Annexes. Le site Internet de la Fondation Chirac est accesible sur http://www.fondationchirac.eu et http//www.jacqueschirac.fr Pour les élections présidentielles depuis 1958, cf. p.ex. http://www.politique.com/dossiers/france/articles/institutions/synthese-elections-presidentielles-depuis1958.htm 39 1.3. La politique étrangère ou extérieure et la diplomatie Tout d’abord, jetons un coup d'œil sur les sphères de la politique (a.) , sur celles de la diplomatie (b.) et sur celles de la politique étrangère (c.) sans nous occuper des débats relatifs aux différentes approches de ces notions. a.) La politique : « 1. Au sens absolu: art de gouverner la cité en vue d'atteindre ce que l'on considère comme la fin suprême de la société. 2. Aux sens dérivés: définition et mise en œuvre de moyens pour réaliser certains objectifs déterminés dans des domaines précis (politique de l'emploi, politique des revenus…); méthode de gouvernement (politique libérale, autoritaire…); lutte pour la conquête et l'exercice du pouvoir dans les sociétés.» (Debbasch, Ch. / Daudet, Y. :1992, 338). La politique, peut-on dire, a le même âge que la société humaine et elle tisse et influence toute notre vie. b.) La diplomatie : La diplomatie «désigne l’art de la représentation d’un État dans les relations internationales, dans la défense de ses intérêts à l’étranger et dans les négociations avec les autres États. Assimilé parfois à la politique étrangère d’un État, la diplomatie se comprend comme les organes et moyens employés pour la conduite de relations internationales de l’État.» (Debbasch, Ch./ Daudet, Y. : 1992, 149) «Les terrains fondamentaux de la diplomatie sont: la politique extérieure proprement dite, la politique militaire, la politique économique (=commerce extérieur) et la politique culturelle (dans un contexte assez large).» (Mihalovics, Á. : 2006, 139.) c.) La politique étrangère : La diplomatie et la politique étrangère «[...] doivent être soigneusement distinguées l’une de l’autre. Elles ne se confondent pas et ne sont pas de la responsabilité des mêmes personnes. Mais dans le même temps, elles sont étroitement complémentaires car la politique étrangère ne pourrait pas exister sans l’action de la diplomatie en vue de lui donner effet et de la faire comprendre par les puissances étrangères. De la même façon, on ne peut pas concevoir une diplomatie qui ne serait pas guidée par une politique étrangère clairement lisible.» (Pancracio, J.- P. : 1998, 218) De ces définitions précédentes est visible que ces trois notions sont en étroite relation. Dans le cas de la langue française, c’est de l’activité langagière dans ces trois domaines que résulte le français politique et le français diplomatique. Parmi les fonctions étatiques, l’opération des tâches internationales occupe une place primordiale. L’État a besoin de posséder des appareils adéquats pour accomplir ses missions internationales. Les établissements étatiques ne s’acquittent pas seulement des tâches internationales à l’intérieur, mais ils demandent aussi une représentation extérieure. Alors ces activités internationales sont accomplies par des organisations intérieures et extérieures. C’est l’ordre du droit intérieur (la Constitution) qui détermine le rayon des établissements destinés à 40 gérer les relations internationales. Dans plusieurs États, ces compétences sont partagées parmi les pouvoirs publics : le chef d’État, le parlement et le gouvernement. À l’intérieur du gouvernement, c’est le chef de l’autorité étrangère (Ministère des Affaires étrangères – en France, c’est «le Quai d’Orsay») qui dirige directement les relations internationales. (Bokorné Szegő, H.: 2003) La politique étrangère ou extérieure est l’action orientée par un État avec l’intention d’établir des relations diverses avec d’autres États, telles que les coopérations économiques - commerciales, diplomatiques, culturelles, scientifiques et militaires, etc. On peut la définir comme un processus, une dynamique destinée, comme toute politique, à réaliser au mieux des objectifs de l’État au sein du système mondial devenu multipolaire.38 Il existe aussi une corrélation précise entre la politique extérieure et la politique intérieure d’un État. Au cours d’une analyse de la politique étrangère d’un État, l’observation des acteurs intérieurs est essentielle parce que ce sont des représentants de l’intérieur qui déterminent les priorités de la politique étrangère. Ces constatations sont appropriées aux systèmes démocratiques parce que dans les régimes dictatoriaux l’État a le monopole de la politique extérieure. Par contre dans les systèmes démocratiques, on constate la suprématie de la politique intérieure et la politique extérieure apparaît comme la continuation de la politique intérieure. La politique extérieure d’une nation vise à promouvoir les intérêts nationaux de l’État, autrement dit, la perception qu’en a le gouvernement en place. Ces intérêts nationaux peuvent varier ou rester stables à long terme. Un gouvernement peut redéfinir ces priorités selon une conception plutôt bornée ou concentrer ses énergies en matière de politique étrangère à une conception éclairée et à long terme des intérêts nationaux. Dans une société démocratique, les individus et les organismes sont invités à participer au processus de la définition des intérêts nationaux et de composition des priorités. La prise de décisions en matière de politique étrangère n’est pas réservée aux hommes politiques, mais fait l’objet d’un débat public. Alors, ces décisions portent la marque des divergences d’opinion entre les diverses tendances politiques du pays. Dès les années 1960, l’analyse de la politique extérieure (FPA : Foreign Policy Analysis) est devenue de plus en plus une discipline politique. Parmi les nombreuses théories (réaliste, libérale, constructiviste) nous voudrions attirer l’attention sur celle de James N. Rosenau, théoricien américain, fondateur de la théorie comparative de la politique étrangère. D’après Rosenau, la politique extérieure est un lien entre 38 Pour une cartographie du monde multipolaire, cf. les Annexes. Dans ce contexte, l’Ifri, l’Institut français des Relations internationales est aussi important.(cf. la Webographie). Il existe aussi des revues diplomatiques comme Le Monde diplomatique, Diplomatie, Diploweb, etc. (Cf. la webographie) Des rapports annuels sur l’activité de la diplomatie sont aussi accessibles sur internet. En Hongrie, c’est le Magyar Külpolitikai Évkönyv.(cf. la webographie). 41 les actions de la politique intérieure et les mesures internationales. (N. Rosenau, J.: 1971, 71) Selon la théorie de Rosenau, auprès de la politique intérieure et internationale il existe des variables indépendantes et dépendantes, qui influencent l’évolution de la politique étrangère d’un État donné. On peut mentionner comme variables indépendantes les caractéristiques géographiques, économiques et politiques ; comme variables dépendantes les actes, les conduites, les établissements, les conditions de la politique étrangère au cadre du système international, plus précisément tous les facteurs qui influencent directement la politique extérieure. (N. Rosenau, J.: 1971, 79-80) Par surcroît, il faut mentionner le rôle croissant des organisations non gouvernementales (les ONG) sur le terrain de la politique étrangère. Les ONG sont des organisations d’intérêt public qui ne s’attachent ni à l’État ni à un établissement international. On considère parfois le Comité international de la Croix-Rouge comme l’ancêtre des ONG. (Blahó, A. /Prandler, Á.: 2005) Une différenciation importante existe entre la diplomatie et la politique étrangère, même si elles sont étroitement liées, complémentaires et indispensables l’une à l’autre. La politique étrangère ou extérieure correspond aux choix stratégiques et politiques des plus hautes autorités de l’État. Selon la définition la plus acceptée, la diplomatie est la direction de négociations entre les individus, les groupes ou les États en gérant un problème sans violence. Mais il existe de différents niveaux d’interprétation de la notion. Elle peut comprendre donc: 1. La gestion des relations internationales via des négociations. 2. La méthode avec laquelle ces relations mentionnées sont transmises aux représentants (ambassadeurs, diplomates) afin qu’elles soient aménagées et administrées. 3. L’art et le rayon de l’action du diplomate. 4. L’application du sens et de la tactique pendant le maintien des relations officielles entre les gouvernements des États autonomes. 5. La plus magnifique invention de la civilisation humaine, avec laquelle on peut éviter que les relations internationales soient gérées non seulement d’une façon violante, mais encore pacifiquement. 6. Symbolise aussi l’établissement, avec lequel les États peuvent maintenir des relations paisibles. 7. La diplomatie est aussi la science de la constitution sociale et politique des États et l’art de concilier le droit et les intérêts.39 39 (Vándor, J.: http://www.bgf.hu/file.php?id=4050) 42 Villar résume ces acceptions comme suit: «Sur le plan concret, la diplomatie revêt une dimension pratique et institutionnelle liée à l’action de ses membres, même si elle dégage un type de comportement spécifique et universel. Dans les définitions courantes, le terme désigne ainsi l’appareil des Affaires étrangères, la ’carrière’, la ’fonction’, ou ’l’ensemble des diplomates’, l’administration centrale et son réseau. […]» (Villar, C.: 2006, 10) Le mot « diplomatie » vient d’ailleurs du mot diplôme, ‘acte juridique’, négociation aboutissant à des actes planifiant et régulant les relations entre les États. Le terme diplomatie a été utilisé pour la première fois par Linguet en 1791 dans ses Annales politiques, civiles et littéraires du XVIIe siècle, puis, par Robespierre en 1792. (Bély, L.: 1998, 11) La diplomatie vient de l’Antiquité, c’est donc une activité fort ancienne. (Kincses, L.: 2005; Villar, C.: 2006, 75-122) La diplomatie du Saint-Siège est l’un des plus anciens services diplomatiques au monde, opérant depuis la chute de l’Empire romain, alors le plus ancien en Europe. Jusqu’à la Renaissance, la diplomatie n’existait pas en tant que telle. Les souverains avaient envoyé leurs messagers, il n’y avait pas moyen de négocier. Selon H. Kissinger, c’était Richelieu, ministre de Louis XIII, qui était le premier diplomate moderne. La diplomatie moderne date de l’ère napoléonienne (Traité de Vienne, 1815). C’était le Congrès de Vienne (1815) qui avait disposé les postes de la diplomatie (postes diplomatiques : p. ex. nonce apostolique). Le droit international régularise la qualité des diplomates40. Ainsi, les quatre fonctions principales d’un diplomate sont les suivantes : 1. Représenter son pays. 2. Informer la double facette : – son gouvernement des circonstances et de la situation actuelle d’un État accueillant et – les citoyens du pays accueillant. 3. Défendre les droits à tout niveau et dans toutes les circonstances. 4. Négocier sous les directives : mener des négociations avec les personnes officielles du pays accueillant. De ces quatre terrains ou tâches découlent des activités langagières très raffinées. Les acteurs de la diplomatie sont les ambassadeurs plénipotentiaires, les ministres plénipotentiaires, les consuls, les attachés spécialisés et les nonces apostoliques du Saint Siège. Les attachés d’ambassades sont les agents diplomatiques temporels, spécialistes par les fonctions qu’ils exercent dans les corps d’un domaine particulier. Il existe une grande diversité 40 Constanze Villar, dans son livre Le discours diplomatique, traite aussi de la procédure d’envoi d’un ambassadeur qui étale, de façon exemplaire, les procédés et les agencements de l’interaction diplomatique. Pour le tableau synoptique de la procédure d’envoi de l’ambassadeur, cf. (Villar, C.: 2006, 213.) 43 parmi ces fonctions : il y a des attachés militaires dont des attachés de défense, d’armement, de forces terrestres, navales et de l’air, des attachés pour les fonctions culturelles, scientifiques, techniques (pour la science et la technique), linguistiques, etc. Autrement dit, le but d’un attaché est de promouvoir les coopérations militaires, scientifiques, culturelles, linguistiques, éducatives, humanitaires, régionales, financières, fiscales, commerciales, agricoles, douanières, audiovisuelles, etc. entre deux pays. Il faut constater qu’il existe une nouvelle conception de la diplomatie qu’on appelle la diplomatie culturelle. La diplomatie culturelle est un moyen important de la politique extérieure de deux points de vue : d’une part, elle permet de démontrer la créativité et de la mettre en relation avec la création dans le pays hôte. D’autre part, elle facilite par le lien de ses activités la compréhension fondamentale pour les autres civilisations. Le terme vise à tenir compte de la transformation qui consiste pour les individus non plus à passer par la médiation de chefs d’État, ministres ou ambassadeurs pour parlementer dans les milieux politiques, mais à se servir de la culture pour faciliter le champ diplomatique. La connaissance des autres cultures et une meilleure connaissance de soi sont à la base de la compréhension interculturelle et de la stabilité globale. Ce qui figure en fin de compte au premier plan de la diplomatie culturelle, c’est la sauvegarde et la promotion de la sécurité et de la paix. La politique étrangère de la France s’exprime aussi dans la diffusion de la culture française. Depuis plus d’un siècle, la France a commencé l’intronisation d’une nouvelle politique en créant dans le monde un réseau étendu d’instituts culturels, dits Institut Français. Ce réseau est composé des centres culturels français ainsi que des établissements gérés par l’Alliance française.41 Les trois acteurs principaux de la politique extérieure française sont les suivants : le Président de la République, le Ministre des Affaires étrangères et le Ministre de la Défense Nationale, mais ce dernier n’a pas de grande importance. Selon l’article 14 de la Constitution, « Le Président de la République accrédite les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires auprès des puissances étrangères ; les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires étrangers sont accrédités auprès de lui ». Le Président de la République incarne l’État français auprès des autres pays. Il nomme les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires, met en application les 41 Il faut noter que les relations culturelles, près des relations politiques, économiques et techniques sont millénaires entre la France et la Hongrie (cf. p.ex. Sőtér, I.: 1946; http://www.diplomatie.gouv.fr). Pour les tendances de la diplomatie culturelle française de nos jours, cf. p.ex. le mémoire de recherche présenté par Loïc Gerbault à l’IEP de Toulouse (2008), portant le titre La diplomatie culturelle française: la culture face à de nouveaux enjeux? – http://www.interarts.net/descargas/interarts700.pdf En outre, d’autres pays aussi ont un réseau de diplomatie culturelle comme Goethe Institut, British Council, Institut Cervantes, Institut Camões, Institut de Culture Italienne, Institut Confucius, Balassi Intézet, etc. 44 nouveaux traités.Ces pouvoirs sont traditionnels pour un chef d’État en France. L’événement nouveau est son apparition dans la négociation des traités. Il prononce aussi les décisions les plus graves. Le deuxième acteur important de la politique extérieure française est le ministère des Affaires étrangères et européennes ou ministère des Affaires étrangères, responsable de la politique étrangère et des relations au sein de l’Union européenne et au sein du gouvernement français. Il est parfois nommé par métonymie « le Quai d’Orsay », ou même « le Quai », ayant depuis 1853 son siège dans l’hôtel du ministre des Affaires étrangères au nº 37 du quai d’Orsay, dans le 7e arrondissement de Paris. Le nom officiel Ministère des Affaires étrangères et européennes date de la composition du premier gouvernement François Fillon du 18 mai 2007 (Décret du 18 mai 2007 relatif à la composition du gouvernement et portant création du ministère). Le ministère des Affaires étrangères est chargé des relations avec les autres États. Il prend la responsabilité de renseigner le Président de la République française sur des circonstances internationales et sur la situation politique, économique et culturelle des pays étrangères en tenant aux relations des ambassades et des consulats de France à l’extérieur. Au cas où le Président de la République monopolise le domaine de la diplomatie, le ministre des Affaires étrangères reste en théorie l’initiateur de la politique extérieure française et suggère les orientations de la politique internationale du pays. Les bureaux du Ministère incarnent la France auprès des gouvernements étrangers et des organisations internationales. Tous les ambassadeurs français personnifient le Président de la République auprès des autorités de leur pays de hôte ; ils ont la responsabilité pour négocier et signer des accords au nom de la France. Évidemment, le ministère des Affaires étrangères doit garder et représenter les intérêts français à l’étranger et apporter des soutiens juridiques aux citoyens français hors de la métropole, essentiellement par la médiation de ses consulats. Le réseau diplomatique français42 est la deuxième administration diplomatique au monde, il est présent sur les cinq continents comme la langue française aussi. La France est aussi représentée de façon permanente au sein des grandes organisations internationales. (Blahó, A. /Prandler, Á.: 2005) 42 Pour une carte, cf.p.ex. www.diplomatie.gouv.fr/ 45 1.4. Le français langue diplomatique ou langue de la diplomatie C’est le résultat d’une longue évolution par laquelle le français est devenu langue nationale. Cette question appartient à l’histoire de langue43 mais elle est en étroite relation avec la politique linguistique44 également, mais nous devons ici malheureusement renoncer à leurs présentations. Du point de vue de notre sujet, concentrons-nous, dans ce qui suit, sur le phénomène «français langue diplomatique ou langue de la diplomatie». Avant de commencer à examiner le statut du français langue de la diplomatie et de la communication internationale, il faut fixer une chose qui est très importante : dans le droit international, il n’existait jamais et n’existe aujourd’hui non plus une langue diplomatique prescrite. A ce propos, Mihalovics (Mihalovics, Á. : 2006, 156) cite l’article de Pitti Ferrandi: «En théorie, il n'y a jamais eu d'adoption en droit international d'une langue diplomatique. Dans le droit international public, il n'y a pas de déposition écrite à ce sujet. En pratique, la langue diplomatique est celle qui est employée au moment de conclure un traité international entre des États qui, au moment de traiter, sont théoriquement sur un pied d'égalité, que l'on veut souligner de plus en plus par la disposition en table ronde. De façon explicite donc aucune langue n'était spécialement reconnue comme langue internationale. En fait c'est un accord, une convention entre les parties, qui règle pratiquement l'adoption d'une langue plutôt que d'une autre. L'usage de la langue française n'a jamais été officiellement reconnu. Elle a toujours été adoptée en diplomatie par un simple accord. Et, chose curieuse à remarquer, l'adoption du français n'a jamais été liée à une suprématie politique ou militaire de la France. … On a très souvent cru qu'on parlait français dans les conférences internationales parce que la France a été pendant longtemps un des interlocuteurs les plus puissants dans ces traités. Or nous allons voir dans le détail, qu'il ne s'agit pas d'une importance diplomatique, mais d'un hasard.» (Pitti Ferrandi, F. : 1991, 3) Concernant l’histoire des deux hasards dans la carrière diplomatique de la langue française, Mihalovics (Mihalovics, Á. : 2006, 157-158) cite de nouveau un peu longuement l’article de François Pitti Ferrandi: «Nous l'avons déjà dit, l'adoption du français n'est pas du tout liée à une question de puissance de la France. Voyons, en effet, les grands traités du XVIIe siècle: en 1648, au traité de Westphalie, le Saint Empire est vaincu, la France est victorieuse, mais les négociations se font en latin pour le texte d'origine. En 1678, au traité de Nimègue, la France est au sommet de sa puissance, Louis XIV a eu des guerres victorieuses, mais ici encore les négociations se font presque toutes en latin. Le traité de Nimègue se compose de plusieurs parties: il y a un traité entre la Hollande et la France en français; il y a un traité France-Espagne: le traité est bilingue; enfin il y a un traité France-Empire, c'est-à-dire entre vainqueur et vaincu, et il se fait en latin, donc dans la langue du vaincu. Au contraire, au traité de Rastadt (1714), c'est la fin du règne de Louis XIV, et la France vient de subir de très lourds revers militaires; la France est battue. Eh bien, c'est justement la première fois que l'on traite en français, pas de texte latin. Le plénipotentiaire français était le Maréchal de Villars, qui ne savait pas le latin. Du côté impérial on avait le Prince Eugène de Savoie, grand général de l'Empire autrichien, qui connaissait très bien le français, comme Savoyard et alors le traité de Rastadt se conclut en français. L'adoption du français a tout de même des causes un peu plus profondes que cette circonstance particulière; la diplomatie européenne, l'ensemble des diplomates connaissaient maintenant le français, comme au Moyen Âge on connaissait le latin. En fait, si l'on a adopté le français à Rastadt, cela se fit en ajoutant une mention spéciale au traité, précisant qu'il s'agissait d'une exception et que cela ne serait aucunement un précédent pour des traités ultérieurs. Seulement, cette adoption du français faite par hasard, se répéta et, chaque fois, on ajoutait cette mention spéciale indiquant que le français n'était pas adopté officiellement; mais il était adopté tout de même. Ce n'est qu'à partir du traité de Paris 50 ans après, en 1763, que l'on ne mettra plus ce genre de réserves, au 43 Cf. p.ex. Bárdosi, V.: 2010, 10-18, Bárdosi, V./ Karakai, I. : 1996, 95, 115-116, 134-135, 152, 174, 175-184, 203-213, 239-245, 327-329, 396-411, 423, 429, 441-442, 460-461, 512-513 Bene, K. / Oszetzky, É.: 2007, 82-97, Herman, J.: 1967/1993, Ortutay, K.: 2002, 2011a, 2011b, Tamás, L.: 1978, etc. 44 Cf. p.ex. Ortutay, K.: 2002, 2011a, 2011b, 2011c 46 bas des traités, pour signaler la langue qui est employée, et qui reste le français. En 1763 la France est encore vaincue, et le traité de Paris lui fait perdre son empire colonial des Indes, mais cependant on discute en français. Cette convention, qui est donc une règle non écrite, va durer plus de deux siècles, jusqu'au traité de Versailles en 1919.» (Pitti Ferrandi, F. : 1991, 7-8) Grâce aussi aux qualités que la langue française revendique toujours: la clarté, la précision et la fixité que pendant plus de deux siècles, le français demeurera la seule langue diplomatique. Des institutions, comme l’Académie Française (fondé en 1635 par Richelieu) veillaient sur la langue, et leurs décisions étaient respectées. Lesdites qualités de la langue française présentaient une garantie sur le plan international car „on savait que les phrases formulées en français ne prendraient pas un sens différent quelques années plus tard.” (Pitti Ferrandi, F. : 1991, 8-9) Voyons, d’après Mihalovics (Mihalovics, Á. : 2006,158-160) dans le détail les circonstances du deuxième hasard de la carrière diplomatique de la langue française qui s’est produit en 19191920 à Versailles. Le traité de Versailles mettait fin à la Première Guerre mondiale. Il fut signé, le 28 juin 1919, dans la galerie des Glaces du château de Versailles, entre l’Allemagne, d’une part, et les Alliés, d’autre part. Le traité avait été préparé par la Conférence de la Paix (Paris: du 18 janvier 1919 au 10 août 1920) qui élaborait notamment les quatre traités secondaires de SaintGermain-en-Laye (avec l’Autriche), de Neuilly-sur-Seine (avec la Bulgarie), de Trianon (avec la Hongrie) et de Sèvres (l’Empire ottoman). Bien que cette conférence ait réuni 27 États (vaincus exclus), les travaux ont été dominés par une sorte de „directoire” de quatre membre: Georges Clémenceau (président du Conseil ou premier ministre) pour la France, David Lloyd George (premier ministre) pour la Grande-Bretagne, Vittorio Emanuele Orlando (ministre-président) pour l’Italie et Thomas Woodrow Wilson (président pour les États-Unis). Le traité de Versailles a été rédigé en français et en anglais, les deux versions faisant également autorité. Le texte portait le titre Conditions de paix – Condition of peace. C’était la première fois depuis le traité de Rastadt de 1714 que le français n’était plus la seule langue officielle de la diplomatie occidentale : «Il y eut une grande indignation en France lorsque l'on vit que la langue française était abandonnée. Il y a aussi beaucoup de raisons à cela, et des raisons pragmatiques. D'abord il y avait pour la première fois, des pays non-européens qui participaient au traité: le Japon et surtout les Etats-Unis, qui font leur entrée sur la scène internationale. Or, les diplomates américains ont toujours refusé, dès qu'ils sont entrés dans la politique européenne, de parler autrement qu'en anglais. Le protocole de Washington de 1783 avait fixé ce point. De plus, à la table de Versailles, voici la situation: le président américain, W. Wilson, ne parlait pas du tout français; l'Anglais Lloyd George parlait très mal français; tandis que le représentant de la France, Clémenceau, parlait bien anglais. Enfin le ministre italien, Sonnino, parlait également anglais et français. Ce fut donc pour des raisons pratiques, les mêmes raisons de commodité qui, des siècles avant, avaient fait prendre le français, que l'on choisit l'anglais, qui était la langue de Wilson et de Lloyd George. Il y eut des protestations du président de la République, de l'Académie Française et dans l'opinion, mais ces protestations n'eurent pas de succès, et cette nouveauté eut de lourdes conséquences.» (Pitti Ferrandi, F. : 1991, 7) 47 Une remarque importante: Paradoxalement, le Sénat des États-Unis refusera en novembre 1919 de ratifier le traité de Versailles, mais le statut de la langue anglaise venait néanmoins d’être reconnu au plan international. Par la suite, l’anglais supplantera progressivement le français dans la plupart des documents juridiques internationaux. On peut dire, selon Mihalovics (Mihalovics, Á. : 2006, 160) qu’à Versailles, l’époque du français langue unique diplomatique prend fin et, c’est là qu’une nouvelle époque commence, celle du bilinguisme (du français et de l’anglais) qui durera jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. A partir de 1945, on parle de la période du multilinguisme dans la communication internationale mais la prépondérance de l’anglais est de plus en plus menaçant pour le français langage diplomatique et langue de la diplomatie.45 1.5. La politique extérieure de Jacques Chirac Concernant la politique intérieure 46 et extérieure47 chiraquienne, Michaud écrit comme suit: «En fait, dans le domaine intérieur, M. Chirac est condamné à une dialectique de la parole et de l’impuissance. Il voudrait agir, changer les choses, travailler à la grandeur de la France, réformer ce qui 48 est en crise, mais il n’y arrive pas et doit se contenter de gouverner à coups d’incantations.» (Michaud, Y.: 2004, 324) «On pourrait dire que [dans les textes relatifs à la France et à la politique intérieure], parmi les thèmes abordés, il y a ceux qui empoisonnent l’existance de M. Chirac, ceux qui l’obsèdent et ceux dont il n’a pas grand-chose à faire mais dont il faut bien traiter quand on est un homme politique. Ce qui lui empoisonne l’existance, c’est bien sûr le chômage, depuis qu’il est entré en politique; c’est aussi tout ce qui met en cause l’intégrité de la nation, tout ce qui menace la communauté, la cohésion sociale, c’est-à-dire, outre le chômage, la pauvreté, l’insécurité, l’immigration, l’islam. L’impôt et les déficits lui empoisonnent aussi l’existence mais plutôt à la manière de circonstances extérieures ou de conditions climatiques: c’est un fait qu’il y a toujours des déficits et qu’il faut toujours des impôts pour combler les déficits. Ce qui tient la première place dans sa pensée, ce qui l’obsède, c’est l’État, la nation et sa cohésion – la France telle que cette nation fut construite par l’État laïc et telle qu’elle est maintenant unifiée autour de … la Sécurité sociale. Plus récemment, M. Chirac est devenu obsédé d’écologie et de développement durable. Pilier de la nation et opérant comme sa structure de base, il y a aussi la famille, dont l’éloge est constant depuis le début. Ces obsessions de M. Chirac en rencontrent une autre, celle de la loi comme mode de règlement des problèmes. Dès qu’un problème se présente, il faut faire une grande loi pour le résoudre. Et puis il y a tout pour quoi il n’a guère d’intérêt et dont il parle soit parce qu’il faut bien en parler, soit parce que des problèmes viennent à se poser dans ces domaines: l’entreprise, l’Éducation nationale, la recherche scientifique, la décentralisation, etc. […] Il est encore plus intéressant de noter l’absence criante de certains thèmes […]. Pour lui, justice rime tout uniment avec police et égalité avec laïcité. Au total, la pensée de M. Chirac en politique intérieure apparaît anormalement pauvre. […] Comme les idées de M. Chirac embraient de plus en plus difficilement sur la réalité, il est condamné à inventer à répétition des ’trucs’ […], à multiplier les promesses de solutions passant par de ’grandes lois’ dont il promet qu’elles 45 Cf. encore Swaan, A. de: A nyelvek társadalma. A globális nyelvrendszer. Budapest: Typotex, 2008., (Hortobágyi, I. : 2009, 101-103) 46 Les sujets analysés de la politique intérieure sont l’agriculture, le chômage, la cohésion sociale, la communauté nationale, la décentralisation, les déficits, l’écologie, l’économie, , l’éducation, l’entreprise, l’État, la famille, les femmes, la fiscalité, l’immigration, l’insécurité, l’islam, l’intégrisme, la laïcité, la loi, la recherche scientifique, la réforme, le sécurité sociale. (Michaud, Y.: 2004, 157-214, 216-225, 230-254) 47 Les sujets analysés de la politique extérieure sont l’Afrique, la défense, l’Europe, la Francophonie, l’Irak, l’islam et l’intégrisme, le monde international ou le monde multipolaire, la mondialisation et la gouvernance mondiale, l’ONU, le Proche-Orient, le terrorisme, l’USA, la vocation internationale de la France. (Michaud, Y.: 2004, 83-156, 214-216, 226-229) 48 Mis en gras par l’auteur (JB). 48 régleront miraculeusement le problème […], et, surtout, à s’évader vers le domaine international. Là, il n’a de comptes à rendre à personne; là; si ça ne marche pas, ce ne sera pas sa faute. Là, il peut parler, parler, parler impunément.» (Michaud, Y.: 2004, 157-159) «En politique internationale, la vision de M. Chirac est celle d’un monde composé de quelques grands ensembles ou pôles régionaux (l’Europe, la Chine, l’Amérique du Nord, le Sud-Est asiatique et, pour la symétrie, l’Amérique du Sud du Mercosur) qui réunissent force économique et puissance militaire, qui ont à faire face à des crises et à des conflits régionaux propres (comme la crise du Moyen-Orient ou les relations entre l’Inde et le Pakistan), en même temps qu’ils doivent affronter les problèmes d’un monde globalisé, qui vont de la prolifération nucléaire au réchauffement de la planète, du développement du tiersmonde à la protection de la diversité culturelle, des affrontements entre grands systèmes religieux au terrorisme, de l’épidémie de sida aux crises financières. C’est dans le cadre de cette vision multipolaire du globe que M. Chirac estime indispensable la construction d’une Europe forte économiquement, socialement, diplomatiquement et militairement, capable de peser sur la situation internationale. Comme les conflits sont dangereux et coûteux, que l’ingérence viole la souveraineté des nations et ouvre la porte aux interventions unilatérales, parce que, surtout la plupart des problèmes demandent des accords concernant la production et les échanges plutôt que des solutions militaires […], M. Chirac défend la nécessité d’un ordre international cosmopolitique sous l’égide et le contrôle de l’Organisation des Nations unies et, notamment, de son Conseil de sécurité, des institutions qui devraient être réformées, mises à jour et complétées pour tenir compte du nouvel ordre mondialisé. Corrélativement, M. Chirac critique sans relâche l’unilatéralisme et l’impérialisme américains, la prétentions des réunions de pays riches comme les sommets des G7 ou G8 à constituer des instances de gouvernement mondial. Il offre une oreille de plus en plus attentive aux organisations non gouvernementales (ONG), aux groupes opposés à la mondialisation et aux associations humanitaires et il fait sien un discours de plus en plus nettement altermondialiste à forte composant écologiste. […] Tout cela est sympathique et explique le soutien avoué, implicite ou discret que recueille M. Chirac auprès de l’opinion publique, et pas seulement française. Qui ne se reconnaîtrait dans une vision aussi généreuse?Tant qu’on ne l’examine pas de trop près, elle est effectivement séduisante: à travers M. Chirac, la parole de la France, une fois encore, est celle des Droits de l’homme, de la générosité et de l’humanité, et plus d’un Français, voire d’un Européen, partisan ou non du chef de l’État, se reconnaît avec fierté dans ces prises de position, qui d’ailleurs ne lui coûtent pas grand-chose.Elles posent pourtant deux problèmes qui ne sont pas minces. D’une part, on peut se demander […] si cette vision est vraiment étayée par les faits ou si elle ne constitue pas une de ces généralisations […] de politique étrangère: […] qu’en est-il au juste d’un monde multipolaire? Existe-t-il? Est-il pacifique ou pacifiable? Combien y a-t-il de pôles? Quels sont leurs problèmes régionaux? Que peuvent réellement les organisations internationales? Par exemple, que peut vraiment le Conseil de sécurité des Nations unies? Quel est réellement le bilan des interventions d’interposition ou de construction de paix des Nations unies? D’autre part, il faut aussi se demander si de telles idées ont débouché ou débouchent sur autre chose que des kilomètres de bonnes paroles et des flots de bons sentiments.» (Michaud, Y.: 2004, 83-85) «[…] M. Chirac rêve sa politique internationale à partir de ce qu’il faut bien appeler trois fantasmes, le fantasme humanitaire[49], le fantasme cosmopolitique[50], le fantasme enfin, d’un monde multipolaire pacifique[51].» (Michaud, Y.: 2004, 325-326) Hors Michaud, plusieurs historiens et politologues ont déjà fait le bilan sur les deux présidences de Chirac (cf. p.ex. Couduriere, H.: 1998; Lequesne, Ch.; Lombart, L. dans la webographie). Son propre bilan relatif à la politique intérieure se trouve dans l’introduction de son recueil Mon combat pour la France52 (Chirac, J.: 2007a, 9-25), celui en relation avec la politique extérieure dans Mon combat pour la paix53 (Chirac, J.: 2007b, 9-37). 49 En détail, cf. (Michaud, Y.: 2004, 326-328.) En détail, cf. (Michaud, Y.: 2004, 328-331.) 51 En détail, cf. (Michaud, Y.: 2004, 331-332.) 52 Cf. les Annexes. 53 Cf. les Annexes. 50 49 Chapitre 2. La communication verbale 2.1. La communication vue par les linguistes Étymologiquement, le mot communication vient du latin communicare, « mettre ou avoir en commun », mot formé de cum (« enseble, avec ») et munis ou munia (« charge, fonction ») (TLFi) et ce phénomène intéresse les psychologues (p.ex. Shannon et Weaver, 1949), les sociologues (p.ex. Durkheim, 1895), etc. De notre point de vue, c’est l’approche linguistique de la communication qui est primordiale. Selon Ducrot, l’énonciation est «le fait que constitue l’apparition d’un énoncé – apparition que la sémantique linguistique décrit généralement comme la réalisation d’une phrase». (Ducrot, O.: 1980, 33) Mais où la langue54 est-elle présente? Pour Peirce, elle est «partout et nulle part» (Benveniste, É.: 1974, 44), pour Jakobson, en revanche, toute énonciation est déterminée par les circonstances dont le lieu et le temps où la communication s’effectue. Ces deux facteurs sont primordiaux aussi dans le schéma de la communication 55 élaboré par Roman Jakobson (1963) qui présuppose un destinateur (émetteur ou énonciateur) donc la personne qui parle (fonction émotive) et un destinataire (récepteur ou énonciataire) celle qui fait attention à ce qui est dit (fonction conative). Le message même dispose de la fonction poétique, le canal c’est-à-dire le contact établit la fonction phatique tandis que le code représente la fonction métalinguistique. Généralement, entre les deux agents s’effectue une interversion continue de rôles (interlocuteurs, co-locuteurs, co-énonciateurs): bien sûr, dans notre cas, Chirac entre seul au rôle de l’orateur. Catherine Kerbrat-Orecchioni (1980 : 19) a conçu un schéma de la communication linguistique destiné à remplacer celui de Jakobson. Le schéma créé par Kerbrat-Orecchioni présente plusieurs avantages sur celui de Jakobson. Kerbrat-Orecchioni introduit deux sortes de compétences pour l’émetteur ainsi que pour le récepteur dont des compétences linguistiques et paralinguistiques ainsi que des compétences idéologiques et culturelles. Elle met en considération les déterminations psychologiques et les contraintes de l’univers de discours pour les deux participants de la communication. Les choses sont dédoublées, c’est-à-dire le schéma fait apparaître que les statuts de l’émetteur et du récepteur ne sont pas identiques et qu’il faut bien distinguer le modèle de production et le modèle d’interprétation. Tandis que dans le schéma jakobsonien la langue était située comme un facteur autonome en dehors des communiquants, dans celui proposé par Kerbrat-Orecchioni elle est intériorisée. (Kerbrat-Orecchioni, C. : 1980) 54 Pour la problématique, cf. encore p.ex. Banczerowski, J.: A nyelv és a nyelvi kommunikáció alapkérdései. (Banczerowski, J.: 2000) 55 cf. http://www.er.uquam.ca/nobel/m262744/jakobson.jpg 50 2.2. Les composants de la communication verbale Très sommairement, les composants de la communication verbale sont décrits par Charaudeau comme suit: Il faut «être prudent lorsque l’on veut décrire les phénomènes de discours et de communication. Mais en même temps on ne peut pas échapper à la nécessité de présenter des instruments de réflexion (et de description) qui permettent de mieux comprendre (et analyser) ces phénomènes. […] Il faut se représenter l’acte de communication [56] comme un dispositif au coeur duquel se trouve le sujet parlant (le locuteur, qu’il parle ou écrive), en relation avec un autre partenaire (l’interlocuteur). Les composants de ce dispositif sont: - la Situation de communication qui constitue le cadre à la fois physique et mental dans lequel se trouvent les partenaires de l’échange langagier, lesquels sont déterminés par une identité [psychologique et sociale], et reliés par un contrat de communication. - les Modes d’organisation du discours [57] qui constituent les principes d’organisation de la matière linguistique, principes qui dépendent de la finalité communicative que se donne le sujet parlant: énoncer, décrire, raconter, argumenter. - la Langue, qui constitue le matériau verbal structuré en catégories linguistiques [58] qui ont à la fois, et de façon consubstantielle, une forme et un sens. - le Texte qui représente le résultat matériel de l’acte de communication. Il témoigne des choix conscients (ou inconscients) que le sujet parlant a faits dans les catégories de langue et les Modes d’organisation du discours, en fonction des contraintes imposées par la Situation. […] Il convient donc de ne pas confondre entre elles les composants de ce dispositif: - la Situation de communication est d’ordre psychosocial, externe au langage tout en y participant. Elle est le lieu où se construit un contrat d’échange langagier, en fonction de l’identité des partenaires, et des intentions communicatives du sujet parlant (le Projet de parole). Cette composant ne se confonde pas avec le discours. - les Modes d’organisation du discours sont d’ordre langagier. Ils rassemblent les procédés de mise en scène de l’acte de communication qui correspondent à certaines finalités (décrire, raconter, argumenter). Cette composant faite de catégories de discours ne se confonde pas ni avec la précédente, plus externe au langage, ni avec les catégories de la langue. - les Catégories de la langue sont d’ordre strictement linguistique en ce qu’elles organisent les signes en systèmes formels signifiants. Cette composant ne peut pas être confondue avec la précédente. Elle constitue le matériau à partir duquel sera fabriqué un texte, à travers des mises en discours. - le Texte est le produit-résultat de l’acte de communication. Il est fabriqué avec de la langue et du discours, mais n’est pas de même nature que ces deux autres composants. Le Texte dépend directement du contrat de la situation de communication et du projet de parole du sujet parlant. Ainsi, les textes peuvent faire l’objet d’une catégorisation en types de textes […] que l’on ne confondra pas avec des types de discours, puisqu’un même type de texte peut résulter d’un ou plusieurs modes d’organisation de discours et de l’emploi de plusieurs catégories de langue.»59 (Charaudeau, P.: 1992, 634- 635) 56 Pour les définitions des composants de l’acte de communication dont l’acteur, l’action, l’action langagière, l’actualisation, le destinataire, l’émetteur, le locuteur et le sujet parlant du point de vue de l’analyse du discours, cf. le Dictionnaire d’analyse du discours de Patrick Charaudeau et de Dominique Maingueneau (Charaudeau, P. / Maingueneau, D.: 2002, 21-25, 27-28, 168-173, 213-214, 350-352, 555-557) 57 Pour les détails du mode d’organisation énonciatif, descriptif, narratif et argumentatif du discours, cf. p.ex. la Grammaire du sens et de l’expression de Patrick Charaudeau (Charaudeau, P.: 1992, 647-835) 58 Pour les catégories de la langue en détail, cf. p.ex. la Grammaire du sens et de l’expression de Patrick Charaudeau (Charaudeau, P.: 1992, 119-632) 59 Mis en gras par l’auteur (JB). 51 2.3. Les registres de la communication verbale De notre point de vue, ce sont les observations de Paul Breton qui sont très importantes. Selon Breton, exprimer, informer, convaincre sont trois registres de la communication qui ne se confondent pas. Tout cela démontre que les trois fonctions fondamentales de la communication sont la fonction expressive, la fonction informative et la fonction injonctive, autrement dit, tout gravite autour des sentiments, de la pensée et de la volonté. Breton met encore en relation avec convaincre les notions persuader, argumenter et manipuler qui obtiennent, elles aussi, un accent particulier dans le domaine de la communication politico-diplomatique. (Breton, P. : 2003) Voyons maintenant ces notions de plus près selon les défintions du Trésor de la langue française (informatisé) 60 : - Exprimer : «Rendre manifeste par toutes sortes de signes (langage écrit, oral, geste, attitude, réaction émotionnelle, etc.), de façon volontaire ou non, ce que l'on est, pense ou ressent.» - Informer : « Faire savoir quelque chose à quelqu'un, porter quelque chose à la connaissance de quelqu'un. Synonymes: apprendre, avertir, aviser, notifier, prévenir.» - Convaincre : «Amener quelqu'un, par des preuves ou par un raisonnement irréfutable, à admettre quelque chose comme vrai ou comme nécessaire.» - Persuader : «Amener (quelqu'un) à être convaincu (de quelque chose) par une argumentation logique ou faisant appel aux sentiments. Synonyme: convaincre.» - Argumenter : «Développer une suite d'arguments. Synonymes: raisonner, avoir des raisons, baser un plaidoyer, justifier, démontrer, contester.» - Manipuler : «Agir sur quelqu'un par des moyens détournés pour l'amener à ce qu'on souhaite.» 60 http://atilf.atilf.fr/tlf.htm 52 Chapitre 3. La communication spécialisée, les langues de spécialité et le langage politicodiplomatique – un statut mis en question L’analyse de chaque langue peut s’effectuer selon les perspectives61 suivantes: - chronologique (présentant l’évolution historique), - formelle (traitant la différence entre code écrit et oral), - quantitative (s’intéressant à la fréquence des catégories linguistiques), - qualitative (décrivant les registres), - diatopique (se focalisant sur les dialectes) et - diastratique (recherchant les langues de groupe dont les langues de spécialité 62). (Müller, B.: 1985, 50-51) En réalité, il est impossible de présenter toutes les variations qu’offrent les niveaux diastratiques d’une langue, car les langues de groupe sont extrêmement différentes et multiples, autrement dit, la répartition horizontale est énorme. (Kurtán, Zs.: 2003, 45) La problématique des études relatives aux langues de groupe provient du fait qu’un locuteur, faisant partie de plusieurs groupes, maîtrise, en général, à la fois plusieurs langues de groupe selon son sexe, son âge, sa profession et ses loisirs. Vu la coexistance de ces sous-langues ou styles fonctionnels ou variétés linguistiques ou registres63, les frontières qui les séparent restent imprécises, floues. Les ouvrages publiés sur les langues de spécialité ou sur les langues spécialisées ou langues spéciales64 sont très nombreux. En Hongrie aussi, le nombre des recherches visant l'examen de 61 Pour la structuration du français, cf. p.ex. Müller, B.: 1985, etc. Pour la structuration de la langue hongroise, cf. , entre autres, p.ex. Grétsy, L. (1988), Sebestyén, Á. (1988), Kiss, J. (1995), Wacha, I. (1992), cités par Kurtán (Kurtán, Zs: 2003, 39-40). 62 Le Département d’Études françaises de l’Université de Pannonie à Veszprém a organisé en partenariat avec l’Institut Français à Budapest et avec l’Istituto di Cultura Italiana et avec la participation de la Filiale de Veszprém de l’Académie hongroise des Sciences un colloque international en juin 2005 et en juin 2008. Ces rencontres ont permis de réunir un grand nombre d’intervenants qui ont pu présenter leurs communications autour du thème: langues de spécialité françaises, italiennes et espagnoles. Les actes des colloques sont parus sous les titres Écritures – Scritture (Tegyey,G./Désfalvi-Tóth,A./Ablonczyné Mihályka,L.:2006) et Langues de spécialité: Recherches et formations – Linguaggi specialistici: Ricerca e formazione – Lenguajes para propósitos específicos: investigación y formación (Mihalovics, Á./ Balogh, J.: 2009). En Hongrie, l’Association des Formateurs et des Chercheurs en Langues de spécialité (en hongrois: SZOKOE, Szaknyelvoktatók és –Kutatók Országos Egyesülete) existe depuis 2000. Chaque année, elle organise des colloques. Les actes de colloque aparaissent régulièrement dans le recueil Porta Lingua sous la direction de Dr. Magdolna Silye. Les actes sont accessibles sur Internet aussi: http://www.nyi.bme.hu/szokoe/porta_lingua.htm Au sein des conférences annuelles de MANYE, l’Association des Linguistes hongrois en Linguistique appliquée existant depuis 1990, il y a aussi des sections pour les langues de spécialité. Les actes du colloque apparaissent annuellement. Il y a aussi une revue de MANYE, c’est Modern Nyelvoktatás. 63 Pour l’interprétation multiple de la notion langue de spécialité, cf, entre autres, p.ex (Kurtán, Zs: 2003, 3945) (Crystal, D.: 2003, 470-490), (Kiefer, F.: 2006, 932-957). les articles de Fóris www.c3.hu/~magyarnyelv/104/foris_104.pdf et de Banczerowski, qui d’ailleurs parle dans ce contexte de «la technolinguistique» http://www.c3.hu/~nyelvor/period/1284/128406.pdf, http://www.c3.hu/~nyelvor/period/1273/127302.pdf 64 en anglais: LSP = Language for Specific Purposes / Language for Special Purposes; en allemand: Fachsprache / Sondersprache ; en espagnol: lengua para propósitos especìficos; en hongrois: szaknyelv; en italien: tecnoletti/ lingue speciali/ linguaggi settoriali/ linguaggi specialistici/ microlingue/ sottocodici. Dans la didactique du FLE, on nomme ce phénomène FOS, français pour objectifs spécifiques. Cf. p.ex Szladek, E.: 2003, Szladek, E.: 2004. En outre, le marché hongrois et international aussi abonde en manuels, glossaires et dictionnaires spécialisés, surtout 53 ce phénomène est considérable (cf. p.ex. Ablonczyné Mihályka, L. : 2006, 20-25 ; Kurtán, Zs. : 2003, 37-188, etc.). Dans la littérature scientifique relative à la problématique des langues de spécialité, il y a cinq éléments qui apparaissent partout: 1.) la structuration de la langue donnée , 2.) la différence entre la langue commune (ou générale) et les langues de spécialité, 3.) la problématique de la définition des langues de spécialité, 4.) les niveaux des langues de spécialité et 5.) les textes spécialisés. A cause de cette raison, nous nous approchons de ce phénomène de ces cinq points de repère. 3.1. La structuration des langues Par rapport à ce sujet, Charaudeau parle des «composants du marché linguistique» (Charaudeau, P.: 1992, 108-113) dont représentationnels et communicationnels. a) Les composants représentationnels comprennent le composant - géographique: langage de la capitale (parisianisme) / langage hors-capitale (provincialisme) ou langage de la ville / langage de la campagne; - diachronique: langage du passé (archaïsmes, mots vieillis, surannés, ringards) / langage du présent (à la mode, en vogue, branché) et langage standard (image de la norme, mots du dictionnaire) / langage d’avant-garde (néologismes, mots nouveaux); - sociologique se différenciant selon le sexe (langage d’homme / langage de femme), les générations (langage des jeunes / langage des adultes et / ou des vieux) et le milieu social (des classes sociales avec des positions dans la hiérarchie sociale, voire prestige, notabilité, employeur / employé, anonymat, monsieur-tout-le-monde ou avec des origines ethniques, c’est-à-dire des groupes sociaux en situation d’immigration, notamment situation variable quant au degré d’intégration-assimilation); - technique: «Elle met en jeu les dénominations propres aux différents domaines de spécialité des sciences et des technologies, donnant lieu à des inventaires terminologiques. La caractéristique principale des mots de ces inventaires est la monosémie: chaque terme a un sens et un seul et une valeur référentielle unique. Évidemment, ce phénomène a une réalité variable selon les domaines scientifiques et en tous cas ne se réalise qu’à l’intérieur de ceux-ci. Dès que ces mots sortent de leur inventaire, c’est-à-dire dès qu’ils sont utilisés dans un autre domaine, ou dans un discours de vulgarisation, ils perdent leur valeur monosémique, voire changent de sens. […] Ce composant technique peut se transformer, on le comprend aisément, en jargon professionnel.» Retournons un peu sur le composant technique. La définition donnée plus haut est bien problématique dans le cas du langage politique et diplomatique où la phrase la plus précaire dans les domaines du droit, de l’économie, de la politique, l’hôtellerie et de la restauration. des relations internationales et du tourisme, de 54 est la suivante: «La caractéristique principale des mots de ces inventaires est la monosémie: chaque terme a un sens et un seul et une valeur référentielle unique.» Dans le cas du langagedes politiciens et des diplomates, c’est justement le flou sémantique qui assure souvant son essence: là, l’ambiguïté, l’imprécision, l’opacité entrent en jeu. C’est une des raisons pourquoi on peut mettre en question le statut du discours politique et diplomatique des politiciens et des diplomates en tant que langue de spécialité. Les langues de la politique, de la politologie et celle de la diplomatie sont bien différentes. b) Les composants communicationnels (les situations d’emploi): - - «Les situations d’emploi sont multiples et diverses. Cependant, on peut les regrouper en quelques grands cas. Premièrement, il convient de distinguer une situation de communication monolocutive et une situation interlocutive. La monolocution se caractérise par l’absence d’intervention immédiate de l’interlocuteur et donc par l’utilisation du canal écrit (code graphique) qui permet le contrôle et la maîtrise de la construction du discours (et, particulièrement, de la construction des phrases) Cela peut aussi se produire à l’oral (conférence). L’interlocution se caractérise par la possibilité d’intervention immédiate de l’interlocuteur; dans ce cas est utilisé le canal oral (code phonique) qui entraîne une construction du discours (et particulièrement des phrases) différente du cas précédent. […] Deuxièmement, les situations d’emploi peuvent correspondre […] [à] trois grands types de situations de communication […]: la situation de spécialisation qui suppose que les sujets interlocuteurs se reconnaissent comme appartenant à un même domaine socio-professionnel ou technique. Cette situation engendre un langage spécialisé. la situation de vulgarisation qui suppose que certains sujets spécialistes s’adressent à d’autres non spécialistes. Cette situation engendre un langage parallèle au langage spécialisé. la situation de quotidienneté qui suppose que des sujets communiquent en dehors de leur domaine de spécialité. Ce qui engendre un langage du quotidien, très étendu (c’est-à-dire très partagé). Ces trois grands types de situations peuvent se croiser avec les types monolocutifs et interlocutifs.» Dans le cas du langage politique et diplomatique, la situation de spécialisation est plutôt un touche à tout, les contours des thématiques sont flous et les sujets multiples. Un autre minus pour le statut langue de spécialité du langage politique et diplomatique. En outre, dans le cas de la communication politique et diplomatique, la situation est essentielle: «Ce n’est donc pas le discours qui est politique mais la situation de communication qui le rend politique. Ce n’est pas le contenu du discours qui fait qu’un discours est politique, c’est la situation qui le 65 politise.» (Charaudeau, P.: 2005, 30) La phrase citée peut être transposée au domaine de la diplomatie également et par substitution, on obtient la phrase: Ce n’est donc pas le discours qui est diplomatique mais la situation de communication qui le rend diplomatique. Ce n’est pas le contenu du discours qui fait qu’un discours est diplomatique, c’est la situation qui le rend diplomatique. 65 Mis en gras par l’auteur (J.B.) 55 3.2. Langue commune – langue de spécialité Quant à la différence entre la langue commune (ou générale) et les langues de spécialité66, nous pouvons constater que beaucoup de chercheurs ont essayé de définir la langue de spécialité tout en la comparant avec la langue générale. (Ablonczyné Mihályka, L. : 2006, 21-23 ; Kurtán, Zs. : 2003, 37-39 ; Scarpa, F. : 2008, 18-20 ; Stolze, R. : 1999, 21-25) Pour cette problématique, citons le résumé de Cabré : «Une langue donnée est donc constituée par un ensemble diversifié de sous-codes que le locuteur emploie en fonction de ses modalités dialectales et qu’il sélectionne en fonction de ses besoins d’expression et selon les caractéristiques de chaque situation de communication. Cependant, au-delà de cette diversité foisonnante, toute langue possède un ensemble d’unités et de règles que tous ses locuteurs connaissent. Cet ensemble de règles, d’unités et de restrictions qui font partie des connaissances de la majorité des locuteurs d’une langue constitue ce qu’on appelle la langue commune ou générale, qui représente un sousensemble de la langue dans le sens le plus global. Les unités de la langue commune sont employées dans les situations que l’on peut qualifier de ‘non marquées’. En revanche, nous parlons de langues de spécialité (ou langues spécialisées) lorsque nous faisons référence à l’ensemble des sous-codes – qui coïncident partiellement avec le sous-code de la langue commune – caractérisés par un certain nombre de traits particuliers, c’est-à-dire propres et spécifiques à chacune d’entre elles, comme le sujet, le type d’interlocuteurs, la situation de communication, l’intention du locuteur, le mode de chaque échange communicatif, le type d’échange, etc. Les situations dans lesquelles on emploie les langues de spécialité peuvent être considérées, dans ce sens précis, comme ‘marquées’. La langue générale (la ‘langue entière’ selon Kocourek [Kocourek, R : 1991, 13]), qui comprend les variétés marquées comme les variétés non marquées, peut être considérée comme un ensemble d’ensembles, imbriquées et reliés entre eux selon de nombreux points de vue. Le lien entre tous ces ensembles peut être la langue de spécialité. C’est là en résumé la conception la plus linguistique des langues de spécialité.» (Cabré, M. T. : 1998, 115) Ici aussi, on peut se poser des questions concernant le statut langue de spécialité du langage politique et diplomatique. Par leur langage, les politiciens et les diplomates visent à influencer et à persuader les gens, donc, nécessairement, leur langage doit être proche des citoyens et ils doivent nécessairement utiliser beaucoup de mots compréhensibles pour la majorité. Ainsi, le langage politique et diplomatique utilisé par les politiciens et les diplomates est plus proche de la langue commune que d’autres langues de spécialité. 3.3. Définitions (possibles) des langues de spécialité Relativement à la problématique de la définition des langues de spécialité, nous avons déjà mentionné que beaucoup de chercheurs ont essayé de définir la langue de spécialité tout en la comparant avec la langue générale. Un autre ensemble des définitions concerne le contenu-même de la notion langue de spécialité. Nombre d’auteurs abordent ce concept de points de vue très différents. Cabré a fait une synthèse de quelques-unes des positions les plus représentatives sur le sujet (Cabré, M. T. : 1998). Pierre Lerat, un Français renommé dans la recherche des langues de spécialité, donne, lui aussi, une définition frappante sur ce sujet: 66 Pour un aperçu sur les recherches en Hongrie et à l’étranger dans le domaine des langues de spécialité, cf. p.ex. Gazdaság és nyelv de Lìvia-Ablonczy Mihályka (Ablonczyné Mihályka, L.: 2006, 26-35), Szakmai nyelvhasználat de Zsuzsa Kurtán (Kurtán, Zs, 2003, 53-74), etc. 56 « 1/ La langue spécialisée est d’abord une langue en situation d’emploi professionnel (une ’langue en spécialité’, comme dit l’école de Prague). C’est la langue elle-même (comme système autonome) mais au service d’une fonction majeure: la transmission de connaissances. 2/ La technicité de la formulation est variable selon les besoins de la communication. […] 67 3/ Les connaissances spécialisées sont dénommées linguistiquement par des termes […].» (Lerat, P.: 1995, 21-22) En outre, Lerat analyse dans son ouvrage (Lerat, P.: 1995) les relations suivantes: linguistique langue – terminologie - langue spécialisée, langue spécialisée et linguistique générale, langue spécialisée et systèmes de signes, langue spécialisée et écriture, langue spécialisée et morphologie, langue spécialisée et syntaxe, langue spécialisée et sémantique, langue spécialisée et traduction, langue spécialisée et documentation, langue spécialisée et normalisation, langue spécialisée et aménagement linguistique, langue spécialisée et rédaction technique, langue spécialisée et ingénieurie de la connaissance, langue spécialisée et lexicographie, langue spécialisée et terminographie et langue spécialisée et enseignement. Comme la multitude des rapports analysés montre, on peut caractériser l’étude pluridimensionnelle de Lerat comme une réflexion globale sur les langues de spécialité et un ouvrage de référence de langue française dans ce domaine. 3.4. Les axes de caractérisation des langues de spécialité «La position la plus courante établit deux axes de caractérisation des différentes langues de spécialité : l’un, vertical, représente le sujet ; l’autre, horizontal, le style et le degré d’abstraction. Le premier axe nous permet de distinguer les différentes langues de spécialité classées par blocs de sujets, de disciplines, de sous-disciplines, etc. [...] Par rapport au sujet, les différentes langues de spécialité [...] constituent un continuum à l’intérieur duquel on peut distinguer les différentes domaines, chacun desquels constitue une langue de spécialité donnée, et l’ensemble, la langue de spécialité en général ou discours spécialisé. [...] Le second axe de caractérisation nous permet, à l’intérieur de chaque langue de spécialité déterminée par le sujet, de distinguer différents degrés d’abstraction, qui conduisent à différents niveaux, ou ‘styles’ discoursifs. Chaque variété stylistique est déterminée par le degré d’abstraction qui caractérise le sujet, ou par le style que l’utilisateur d’une langue emploie selon le type de situation de communication auquel il 68 69 doit faire face. [...]» (Cabré, M. T. : 1998, 127-128) On peut distinguer plusieurs niveaux du langage politique et diplomatique aussi dont «/a/ le niveau des experts hautement qualifiés (les discours des hommes d’État et de certains députés, les documents rédigés par les fonctionnaires / diplomates, les exposés des politologues etc.); /b/ le niveau du „jargon spécial” (p. ex. un entretien collégial des participants d’un colloque pendant la récréation); /c/ le niveau d’usage à but didactique (p. ex. l’explication d’un professeur de lycée au cours) /d/ le niveau „populaire” (ou „populiste” : c’est celui des citoyens qui parlent politique). Les journalistes politiques et les spécialistes des média représentent un groupe intermédiaire entre les 70 niveaux /a/ et /b/.» (Mihalovics, Á. : 2006, 138) Cette différentiation verticale des niveaux remonte d’ailleurs à Hoffmann (Hoffmann, L. : 1984, 1987, 1998). 67 Mis en gras par l’auteur (JB). Mis en gras par l’auteur (JB). 69 Cf. encore p.ex. Kurtán (Kurtán, Zs.: 2003, 45-50) et Scarpa (Scarpa, F.: 2008, 3-7). 70 Mis en gras par l’auteur (JB). 68 57 3.5. Les documents ou les textes spécialisés Les produits de ce terrain d’emploi écrit sont les documents spécialisés (au sens plus large: les textes spécialisés). Par rapport à cela, citons trois passages de Cabré relatif au texte (a.), à la comparaison des textes généraux et spécialisés (b.) et finalement à la présentation des textes spécialisés (c.). a.) le texte : «En effet, un texte n’est pas un simple unité linguistique, plus ou moins complexe, qui résulte de la sélection et de la combinaison de diverses unités du système ; c’est surtout un moyen d’expression et de transmission culturelles, qui permet aux individus d’entrer en relation (de communiquer). Ainsi, pour bien caractériser un texte, il convient d’analyser, en plus de ses aspects linguistiques, bien d’autres aspects complémentaires. Par conséquent, l’analyse du texte devient assez complexe, toute comme la langue. Cette complexité se manifeste de différentes façons. Tout d’abord, un texte est un ensemble complexe de nature linguistique, car il se construit à partir du code de la langue, il emploie les unités qu’offre le système de chaque langue et il respecte ses propres règles de combinaison. En deuxième lieu, un texte est un ensemble complexe de nature pragmatique, car les possibilités d’utilisation qu’il offre sont multiples et variées. En troisième lieu, le texte est un ensemble complexe du point de vue sociolinguistique, car une langue est un système de communication sociale qui occupe une place donnée dans la société qui l’utilise, soit par la relation qu’elle entretient avec d’autres langues qui partagent le même espace, soit par la relation qu’elle établit avec des langues d’autres sociétés. Le texte est enfin un ensemble complexe du point de vue culturel et anthropologique, puisqu’il reflète et véhicule un système complexe de valeurs culturelles et idéologiques au moyen de discours qui ne sont pas linéaires, et par l’intermédiaire de sujets qui ne sont ni psychologiquement transparents ni idéologiquement neutres. Dans tout acte de communication, les éléments de ce réseau complexe interagissent. On peut considérer un texte comme un élément d’interaction entre la langue et la réalité, puisqu’il renvoie à une réalité multiple, pluridimensionnelle et changeante, dans laquelle il se fonde et dont il reflète une vision possible. Un texte est également une unité qui matérialise le réseau complexe de relations multilatérales entre tous les facteurs qui interviennent dans un acte de communication.» (Cabré, M. T. : 1998, 114) b.) la comparaison des textes généraux et spécialisés : «Si nous prenons comme point de référence les textes généraux, tout texte qui s’en éloigne, pour quelque raison que ce soit, sera considéré comme un texte spécifique, bien que cette option banalise, pour les besoins de la démonstration, la notion de spécialité. Les textes de caractère général et non marquées sont : - les textes oraux spontanés ; - les textes sur des sujets connus de tout locuteur d’une langue ; - les textes moyennement formels ; - les textes qui ont comme objectif essentiel de faciliter l’information ou de l’échanger. En revanche, est spécialisé (dans le sens large) tout type de discours qui s’éloigne des caractéristiques générales par un des éléments suivants : - le sujet ; - les caractéristiques spécifiques des interlocuteurs ; - les caractéristiques spécifiques de la situation de communication ; - la fonction de communication ; - le canal de transmission des données. Un texte dit spécialisé en raison de la présence de l’un de ces critères nécessite des règles linguistiques en partie différentes de celles de la communication dite générale. Dans ce cas, nous parlons de textes ou de documents spécialisés.» (Cabré, M. T. : 1998, 122) c.) les textes spécialisés71 : «Nous utilisons la dénomination ‘texte spécialisé’ pour désigner toute communication réalisée dans les langues de spécialité, et la dénomination ‘document spécialisé’ pour désigner les textes spécialisés qui 71 Pour les caractéristiques macro- et microlinguistiques des textes spécialisés, cf. p.ex. Kurtán (Kurtán, Zs.: 2003, 75-120) et Scarpa (Scarpa, F.: 2008, 31-74) 58 nécessitent une codification formelle très élaborée du point de vue de la description et de l’expression linguistique. Les documents spécialisés se caratérisent, entre autres, par les éléments suivants: - ils constituent généralement des listes fermés; - ils sont généralement représentatifs de divers actes de langage; - ils ne sont pas normalement spontanés; - ils sont exclusivement écrits. Ces documents hautement codifiés nécessitent, en plus des formules linguistiques fixes (établies selon la finalité du document), des règles de composition formelle. Dans ces cas, non seulement le sujet et les ressources linguistiques distinguent les textes généraux des textes spécialisés, mais la spécificité de ces derniers touche également l’aspect matériel du document et la présentation de l’information. Ce sont ces traits formels qui nous permettent de distinguer différents types de documents. En plus du format particulier, chaque type de document peut présenter aussi une terminologie, une syntaxe et une phraséologie plus ou moins éloignées de la langue commune.» (Cabré, M. T.: 1998, 145-146) En outre, Cabré analyse aussi les similitudes et les différences linguistiques entre les textes de langue commune et les textes de spécialité. Les textes de langue commune et ceux de langue de spécialité présentent un certain nombre de similitudes dont: a) [l’] emploi du même système graphique d’expression, du même alphabet b)[la] présentation du même système phonologique, de telle sorte que si nous lisons les deux textes à voix haute, les unités phonétiques qui se manifestent sont les mêmes dans les deux cas ; c) [l’] application des mêmes règles combinatoires dans les syntagmes et le discours ; d) [l’] emploi des mêmes types de phrases.» (Cabré, M. T. : 1998, 136) Cependant, les textes de langue commune et ceux de langue de spécialité présentent aussi une série de différences : «En premier lieu, en ce qui concerne le choix des unités lexicales, nous observons que les mots correspondant à la langue commune sont bien plus compréhensibles pour la majorité des locuteurs de la langue que ceux du texte spécialisé, certains mots du texte [de langue de spécialité] étant difficilement compréhensibles pour le profane. Cette constatation nous permet d’établir, à partir du vocabulaire [...], trois groupes de lexèmes : a) le vocabulaire commun aux deux types de textes [...] ; b) le vocabulaire spécifique de chaque texte, qui fait partie de la zone intermédiaire entre langue commune et langue de spécialité [...] ; c) le vocabulaire nettement spécifique du texte spécialisé, qui est particulier en vertu de sa spécialité et qu’on ne s’attend guère à trouver dans des textes de langue commune [...]. En deuxième lieu, pour ce qui est de la fréquence des structures, certaines sont représentées plus souvent dans les textes spécialisés que dans les textes généraux : a) structures morphologiques composées de formes savantes [...] ; b) synapsies et syntagmes [...] ; c) sigles, symboles et emprunts spécialisés [...] ; d) nominalisations [...] ; e) phrases généralement courtes et peu de subordination complexe. En troisième lieu, certaines unités et structures propres au système linguistique général ne sont pas présentes dans les textes spécialisés : certains affixes [...], certaines formes verbales [...], certaines formes pronominales [...], certains types de discours [...].Enfin, l’emploi d’autres codes dans les textes de spécialité qui proviennent des systèmes sémiotiques et qui complètent les systèmes linguistiques, est peu fréquent [...] dans les textes courants. Ces codes, en revanche, sont plus souvent présents dans certaines spécialités (mathématiques, chimie, etc.).» (Cabré, M. T. : 1998, 136-137) Cabré compare aussi des différents textes de langue de spécialité l’un à l’autre pour inventorier les ressemblances et les divergences : «Du point de vue fonctionnel [...], les différentes langues de spécialité possèdent aussi des caractéristiques communes : leur fonctionnement fondamentale est de transmettre de l’information, et leurs terminologies respectives servent à dénommer les concepts d’un domaine de spécialité. 59 Ainsi, les communications technico-scientifiques élaborées à partir des langues de spécialité possèdent une série de traits communs qui leur confèrent une unité. Cette unité s’appuie sur trois types d’éléments : L’aspect sémantique global : il s’agit de textes concis (qui tendent à être peu redondants), précis (qui tendent à éliminer l’ambiguïté) et impersonnels (donc, peu émotifs). Les éléments qui composent la phrase : le lexique est le niveau le plus important dans cette classe de textes, et, à l’intérieur du lexique, les nominalisations et les formes nominales (en plus des formes verbales et adjectivales) tiennent un rôle primordial, tant du point de vue quantitatif que qualitatif. L’aspect formel du discours : les langues de spécialité donnent la priorité à l’écrit par rapport à l’oral et se distinguent par l’intégration d’autres systèmes sémiotiques dans le texte. [...] Jusqu’ici l’examen a porté surtout sur les points communs des langues de spécialité, quelle que soit la langue naturelle dans laquelle elles se manifestent. Il serait abusif de tirer la conclusion que, d’une langue à l’autre, on relève exactement les mêmes phénomènes dès qu’il s’agit d’un texte de spécialité. [...] [Il] y a un consensus international sur les termes et leurs équivalents, mais [...] il existe encore, dans des textes spécialisés, des variétés nationales aux niveaux phraséologique, syntaxique, textuel, rhétorique, argumentatif [...], [des] différences typographiques, sémantiques [...] qui dépendent d’un type donné de texte par une communauté linguistique [...].» (Cabré, M. T. : 1998, 133-134) Tout en concluant, on pourrait résumer la problématique en ce qui précède par un tableau plus au moins simplifié et simplifiant : langue commune langue de spécialité indétermination précision ambiguïté univocité redondance économie linguistique multiplicité situationnelle invariance situationnelle multiplicité thématique objectivité, rapport à la matière quotidienneté niveau théorique texte / discours texte /discours langue de spécialité politique et diplomatique ? ? ? ? ? ? ? ? Pour répondre aux questions dans le tableau, il faut qu’on se réfère à Sobrero (Sobrero, A.A, 1993, cité par Mazzoleni, G. : 2002, 106). Sobrero fait la distinction entre la langue de la politique et le langage des politiciens. La langue de la politique (et la diplomatie) appartient, selon Sobrero, aux langues scientifiques-techniques tandis que le langage des politiciens (et des membres des corps diplomatiques) est une langue sectorielle pour laquelle les caractéristiques les plus importants sont la quasi-absence des termes techniques spécifiquement politiques (et diplomatiques), l’emprunt aux autres langues de spécialité, la grande fréquence des mots dits quotidiens, l’ambiguïté, le sens caché et la quasi-absence des règles conventionnelles spécifiques. Dans cette optique, on peut dire que le langage des politiciens et des diplomates est plus proche de la langue commune : Langue de la politique et de la diplomatie : langue commune < langue de spécialité. Langage des politiciens et des diplomates : langue commune > langue de spécialité. 60 Chapitre 4. La communication politique, diplomatique et présidentielle - le discours politique, diplomatique et présidentiel – le langage politique et diplomatique 4.1. La communication politique et / ou le discours politique et le langage politique 4.1.1. Historique des recherches Les réflexions sur la communication politique sont millénaires (cf. p.ex. Le Bart, Ch.: 1998, 12-26; Catells, 2005, Habermas, 2002, Mazzoleni, G.: 2002, 14-27, etc.), pourtant, ce champ interdisciplinaire au carrefour de la philosophie, de l’histoire, de la sociologie, de la psychologie, des sciences politiques, des sciences de la communication, des sciences du langage, du journalisme, du marketing, etc. est fort jeune si on considère son institutionnalisation. Les commencements de cette institutionnalisation72 remontent jusqu’en 1903, date de la création de l’APSA, de l’American Political Science Association. Le prochaine étape peut être lié à la date de 1949, date de la fondation de l’IPSA, de l’International Political Science Association. Cette organisation a été fondée par l’association des sciences politiques américaine, canadienne, indienne et française avec le soutien de l’UNESCO. La première conférence mondiale avait lieu en 1950. Les recherches dans le domaine de la communication politique étaient longtemps ethnocentriques, c’est-à-dire, elles ont visé la réalité politique américaine ou anglo-saxonne. L’émancipation européenne de ce domaine de recherche commence à partir de 1970, date de la fondation de l’ECPR, de l’ European Consortium for Political Research. Le centre de cette organisation se trouve en Grande-Bretagne, à Essex. Sa revue s’appelle The European Journal for Political Research. 72 Dans les années 90, les cadres de la recherche de la communication politique se sont développés en Hongrie aussi: - les sciences politiques apparaissent dans la structure scientifique de la MTA, l’Académie Hongroise des Sciences (Classe IX.), - il existe un centre de recherche indépendant au sein de la MTA, nommé Politikatudományi Intézet, - le forum professionnel des recherches dans les domaines des sciences politiques et de la communication politique s’appelle Politikatudományi Társaság, - l’annuaire relatif aux événements les plus importants en Hongrie, appelé Magyarország politikai évkönyve, apparaît depuis 1991, - la revue des sciences politiques et celle de la communication politique apparaît depuis 1992 sous le titre Politikatudományi Szemle - http://www.mtapti.hu/pol.tud.szemle - archives 1992-2002, http://www.poltudszemle.hu – articles de 2002 - il existe des formations en sciences politiques, p.ex. à ELTE ÁJK, à BKE, etc., - entre les maisons d’édition, c’est surtout Osiris, Aula, Nemzeti Tankönyvkiadó qui font paraître des ouvrages et des traductions en relation avec les sciences politiques et avec la communication politique. (Lánczi, A: 2001,158) 61 La reconnaissance officielle de la communication politique date de 1973, alors que des sections de communication politique naissent simultanément à l’intérieur de l’IAC, de l’International Association of Communication et de l’AAPS, de l’American Association of Political Science. En 1980 est né Political Communication and Persuasion: An International Journal (à Georgetown University, à New York). En 1992, cette revue a laissé sa place à Political Communication, gérée conjointement par l’IAC et l’AAPS; la politique éditoriale s’étende à tous les aspects de la vie politique, incluant la pensée politique et les idéologies, les parts et les groupes de pression, la rhétorique, la propagande, les relations des médias avec les gouvernements, etc. Au nombre des revues s’intéressant à la communication politique, on note: Critical Studies in Mass Communication, Media, Culture and Society, Politix, The European Journal of Communications, Communications, Langages, Mots, Hermès, Réseaux, Les cahiers du numérique, etc. Concernant le développement de la communication politique comme science, la littérature scientifique parle au moins de trois bilans. 1) Le premier aperçu de la science appelée communication politique entre 1950 et 1980 est un étude de Nimmo et Sanders (Nimmo, D. D. /Sanders, K. R. : 1981). Dans cette étude, les auteurs nommés ont inventorié les domaines dans lesquels on a fait des recherches relatives à la communication politique pendant la période marquée. Ce sont - des recherches dans la propagande73, - des recherches rhétoriques74, - des recherches béhavioristes en psychologie appliquée, - des recherches dans la communication de campagne / électorale, - des recherches fonctionnalistes et sociologiques, - des recherches examinant les relations entre le gouvernement et les médias, - les développements techniques dans les médias et dans le processus des élections, - les changements dans la méthodologie des recherches visant à examiner la communication politique. 73 Les études de propagande jouent un rôle fondamental dans les débuts de la recherche en communication politique, que l’on a tendance aujourd’hui à oublier. Aux États-Unis, Lasswell publie dès 1927 un ouvrage sur les techniques de la propagande pendant la première guerre mondiale. Dans les années trente a été créé aux États-Unis l’Institute for Propaganda Analysis. 74 L’ouvrage le plus important de la rhétorique moderne est paru en 1958 à Paris de Perelman, C. / Olbrechts Tyteca, L.: Traité de l’argumentation. La nouvelle rhétorique. Il n’a été traduit en anglais qu’en 1970. 62 Entre 1981 et 1990, plus de 600 travaux sont parus partout dans le monde dans le domaine de la communication politique. Ce nombre témoigne de l’intérêt multidimensionnel envers cette science. 2) En 1990, un nouvel inventaire a été dressé par Nimmo et Swanson sur l’évolution de la science de la communication politique (Nimmo, D.D / Swanson, D. L.: 1990). Les domaines analysés et inventarisés sont restés comme ceux dans l’étude précédente, mais avec une certaine restriction d’une part et avec une certaine ségmentation et spécialisation des domaines de recherche d’autre part. L’étude datant de 1990 distingue les domaines suivants: - la communication électorale, - la rhétorique politique, - des relations entre la politique et les médias75, - le rôle des médias dans la socialisation politique et la participation des citoyens dans la vie politique. A partir du milieu des années 1990, les recherches relatives à la communication politique se sont avérées plus complexes et globales que celles dans les décennies précédentes. La coopération entre les communautés scientifiques est devenue une réalité quotidienne: un grand nombre d’organisations internationales ont été créées qui rassemblent surtout des politologues, des sociologues, des chercheurs en communication et en sondage et des linguistes qui, au sein de leur propres organisations, font des groupes de travail pour s’occuper des sujets différents de la communication politique. Ces organisations internationales sont p. ex. ISA (International Sociological Association), ICA (International Communication Association), IAMCR (International Association of Mass Communication Research), WAPOR (World Association of Public Opinion Research), etc. (Ablonczyné, Mihályka L.: 2007, 7-15; Gerstlé, J.: 1992, 21-34; Gingras, A.-M.: 2003, 3-10; Lánczi, A.: 2001: 153-157; Mazzoleni,G.: 2002, 13-17, 30-37) 3) Le livre d’Anne-Marie Gingras au Département de science politique de l’Université Laval au Québec, au Canada intitulé La communication politique. État de savoirs, enjeux et perspectives (Gingras, A.-M., 2003) peut être caractérisé comme le bilan le plus actuel sur la communication politique, car ce livre tient compte de la littérature scientifique en français et en anglais et couvre les travaux de plusieurs disciplines depuis les années 1930. (Gingras, A.-M., 2003, 11-66) La 75 Pour les médias, cf. p.ex. Charaudeau, P.: La presse: produit, production, réception. Paris: Didier, 1984., Charaudeau, P.: Les médias et l’information. L’impossible transparence du discours. Bruxelles: DeBoeck, 2005., Charaudeau, P.: Le discours d’information médiatique. La construction du miroir social. Paris: Nathan, 1997. 63 communication politique y est d’ailleurs abordée sous divers angles, dont le langage politique, l’image politique, l’opinion publique, la communication électorale, les médias et les pratiques politiques et la réception des messages. Cette division interne est pareille à la structure de Politikai kommunikáció de Gianpietro Mazzoleni (Mazzoleni, G.: 2002). Cet oeuvre a été traduit de l’italien (Mazzoleni, G.: 1998) en hongrois par Kinga Szokács. En langue française, il y a encore au moins deux grands ouvrages ayant un caractère global concernant le domaine de la communication politique. Ce sont La communication politique de Jacques Gerstlé (Gerstlé, J.: 1992) et Le discours politique de Christian Le Bart (Le Bart, Ch.: 1998). Avant d’analyser de plus près le phénomène de la communication politique, il faut fixer une chose: «La notion de communication politique telle qu’on la trouve employée dans le discours politique, journalistique et scientifique d’aujourd’hui est extrêmement confuse. Plusieurs facteurs contribuent à créer cette situation. L’incertitude conceptuelle qui s’attache à la communication d’une part et à la politique d’autre part laisse une grande marge de manoeuvre sémantique dans leur combinaison. Ceci est patent lorsqu’on examine les différentes tentatives de définitions explicites proposées pour la communication politique et leur dépendance à l’égard des principaux cadres théoriques utilisés actuellement dans les sciences sociales.»76 (Gerstlé, J.: 1992, 9) Autrement dit, «[l]a communication politique est un objet d’étude difficile à saisir parce qu’elle prend appui sur des concepts eux-mêmes déjà surchargés de sens dont les relations ne peuvent être que problématiques et les manifestations multidimensionelles.»77 (Gerstlé, J.:1992, 9) 4.1.2. La notion Communication politique et / ou discours politique Chez la plupart des auteurs qui ont essayé de définir la communication politique, il y a trois éléments communs: la dimension pragmatique, la dimension symbolique et la dimension structurelle. Ces trois dimensions nommées apparaissent le plus explicitement chez Gerstlé, c’est pour cela que nous citons, dans ce qui suit, sa définition concernant la communication politique: «Trois dimensions peuvent être retenues comme fondamentales pour la communication politique dont l’importance varie selon les approches théoriques: la dimension pragmatique, la dimension symbolique et la dimension structurelle. La pragmatique désigne l’étude des pratiques de communictions effectives. […] Il est ici suggéré que la communication politique est utilisé pour interagir selon des modalités variables telles que, entre autres, persuader, convaincre, séduire, informer, commander, négocier, dominer. […] Pour produire le sens […], les hommes se servent de symboles. Symboliser c’est représenter le réel et établir un rapport de signification entre des choses. Pour ce faire l’être humain dispose du langage mais aussi des rites, des mythes. La communication politique comme les autres formes de communication humaine utilise les signes qui sont disponibles dans les codes. Un code est un stock de signe et un répertoire de règles pour les combiner de façon acceptable pour les membres d’une communauté linguistique. […] Les aspects structurels de la communication, enfin, concernent les voies par lesquelles elle est acheminée. Il s’agit donc des canaux, des réseaux et médias qui permettent le flux de communication. […] On distingue généralement pour la communication politique entre les canaux institutionnels tels le parlement ou l’administration, les canaux organisationnels tels les partis politiques et 76 77 Mis en gras par l’auteur (JB). Mis en gras par l’auteur (JB). 64 les autres forces organisées, les canaux médiatiques tels les organes d’information écrits et audiovisuels et les canaux interpersonnels que constituent les groupes sociaux et les relations interindividuelles.»78 (Gerstlé, J.: 1992, 14-19) L’essai de définition de Gerstlé contient donc les trois jalons les plus importants des approches de la communication politique. Ces approches considèrent la communication politique soit comme espace, soit comme processus, soit comme moyen. Nous partageons l’opinion de Gerstlé selon qui la communication politique est à la fois un espace, un processus et un moyen aussi. Elle est donc un espace car elle sert de lieu d’information ou de combat entre les citoyens et l’État, entre l’État et les forces politiques, entre les forces politiques, etc. C’est par son biais que les citoyens tentent de définir et de redéfinir la situation sociale et politique. Elle est un processus aussi parce que le but des discours est d’agir sur l’autre pour le faire agir, le faire penser, le faire croire, le convaincre, etc. Autrement dit, la communication politique peut être traitée comme un certain produit issu de l’interaction complexe et multidimensionnelle entre le système politique (institutions politiques, partis, politiciens), les médias (journaux, radio, télé, Internet) et le citoyen qui est plutôt la personne-cible. Troisièmement, elle est un moyen (langagier) dans la lutte pour l’accession au pouvoir et pour le maintien du pouvoir, dans la lutte politique contre d’autres individus et d’autres forces politiques, une parole publique sur la chose publique. Sans paroles, symboles et rites, la communication politique serait difficilement réalisable. (Mazzoleni, G.: 2002, 9-11, 28-30). Márton Szabó (cf. la webographie), un chercheur hongrois renommé dans le domaine, appelle la communication politique comme politologie discursive. Il mentionne aussi qu’auparavant, on a nommé la communication politique idéologie ou propagande ou rhétorique – dénominations tout à fait fausses pour le champ en question. Szabó montre aussi les sept jalons de sa théorie : ce sont l’interdiscoursivité, le sens, le dialogue, la possibilité, la détermination, la communauté et la participation qui entrent en jeu sur la scène politique. Les dimensions susmentionnées apparaissent à la fois dans d’autres définitions à visée intégrante aussi, p.ex. dans celle de Bonnafous et Temmar ou celle de Lakehal également: «Par la situation d’abord: un discours est politique parce qu’il est l’objet d’une lecture politique. Ce qui le définit comme politique, ce n’est pas un lexique déterminé, un certain type d’arguments ou de thèmes […]. C’est le fait que le sujet parlant qui le constitue désire que les auditeurs en fassent une lecture politique […] ou bien c’est le fait que les lecteurs-auditeurs font d’un texte une lecture politique. […] Par la structure interne ensuite: le discours politique est un discours spécifique parce qu’il est fait de l’interprétation de deux formes rhétoriques fondamentales: c’est d’abord un discours didactique qui vise à persuader, c’est-à-dire à ce que le lecteur-auditeur fasse siens les arguments présentés comme des assertions à valeur de vérités universelles […]. Le discours politique emprunte ensuite au discours polémique sa double articulation: d’une côté l’auteur réfute et combat les affirmations des adversaires 78 Mis en gras par l’auteur (JB). 65 […], de l’autre, il présente des assertions qui sont opposées aux premières.» (Bonnafous, S. / Temmar, M.: 2007, 75) «Le discours politique est une démonstration d’autorité, une manifestation d’une force idéologique, une indication d’un idéal collectif, une dénonciation d’ennemis et de rivaux, une congratulation d’amis et d’alliés, une réponse aux attentes des masses populaires, des élites, des partenaires et du reste du monde, une construction d’un ordre de priorités. Mais dans l’ensemble, beaucoup de discours sont élaborés dans une forme convenue, au contenu assez éloigné des réalités, conçu pour la seule fonction que lui assigne son auteur: contribuer à apaiser les inquiétudes afin de permettre au politicien de se maintenir dans les arcanes du pouvoir.» (Lakehal, M.: 2005, 139) A la fin de cette unité, il faut encore évoquer les acteurs de la politique encore une fois. De nos jours, la vie politique est marquée par une diversité d’acteurs et de formes de participation politique. La prise de décision intègre, en plus des acteurs traditionnels, comme les partis politiques ou l’électeur, différents groupes et associations. Parallèlement, les lieux de discussion et de décision se multiplient. Les principales composants de l’opinion publique sont : la société civile comprenant les leaders d’opinion et les simples citoyens, les hommes politiques, les hommes des médias, les professionnels des sondages et les spécialistes en marketing et communication politique. Chacune de ces composants a ses modes de pression et d’expression. Les hommes politiques et leurs appareils structurés (les partis politiques) constituent l’un des composants les plus importantes de l’opinion publique. Les partis politiques s’expriment à travers diverses manifestations : meetings, réunions, conférences de presse, interview, affichage, etc. La société civile regroupe l’ensemble des acteurs non engagés activement dans la conquête du pouvoir. Elle regroupe des organisations intervenant dans plusieurs domaines (développement, défense des droits de l’homme, défense des consommateurs), les citoyens apolitiques, les leaders d’opinion. Ces derniers sont constitués par les intellectuels, les responsables d’organisations associatives, les religieux, etc. Les instituts de sondage ont le rôle, entre autres, de mesurer l’opinion dans les domaines économique et politique. En dehors des sondages classiques, il existe aussi d’autres sondages qui se font essentiellement à travers les téléphones, via internet, etc. Les médias constituent un rôle stratégique dans le processus de constitution et / ou de la formation de l’opinion publique. Les citoyens sont au centre des enjeux liés à l’opinion publique. Paradoxalement, ils sont ceux qui accèdent le moins aux moyens d’expression et d’influence dans le domaine de l’espace public. En dehors des élections, qui sont des modes d’expression indirecte, les citoyens s’expriment principalement dans l’espace public à travers divers modes de manifestation ou de protestation, etc. (Cf. p.ex. Bihari, M. / Pokol, B. : 2009) 66 4.1.3. Ouvrages, revues, centres de recherche, enseignement Aux États-Unis, au Canada, dans les pays de l'Europe occidentale comme p.ex. la France, les ouvrages publiés sur la communication politique sont très nombreux. En Hongrie ainsi que dans les autres pays de l'Europe centrale et orientale, le nombre des recherches visant l'examen de ce terraine n'est pas du tout considérable car avant le changement des régimes totalitaires vers les années 1990, c’était un tabou. En France, plusieurs revues traitent particulièrement du discours politique (et diplomatique aussi), selon des orientations différentes et complémentaires, p.ex. Hermès, Langages et Mots, etc. Les centres de recherches de langue française les plus importants dans ce domaine sont : - CEVIPOF (Centre d’Études sur la Vie Politique Française de la Fondation Nationale des Sciences Politiques – Paris) ; - CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) ; - GRADIP (Groupe de Recherche en Analyse du Discours Politique, à l'Université du Québec, à Montréal, au Canada) ; - Sorbonne Paris IV : École doctorale Pouvoir, discours, sociétés sous la direction de Dominique Maingueneau ; - Sorbonne Paris XII : Centre d’analyse du discours (ou CAD) sous la direction de Patrick Charaudeau. (Mihalovics, Á. : 2006, 43, 113-114) En ce qui concerne l’enseignement de la communication politique (et diplomatique) en France, il faut mentionner, de toute façon, l’ENA, l’École Nationale de l’Administration et 9 IEP, instituts d’études politiques ou bien des «SciencePo» dans des établissements universitaires dont Aix-en-Provence, Bordeaux, Grenoble, Lille, Lyon, Paris, Rennes, Strasbourg et Toulouse. 79 79 Dans ces IEP, la formation dure pendant 5 ans. Lors de la première année, il y a des matières fondamentales dont le droit, l’économie, l’histoire, les sciences politiques, les techniques quantitatives des sciences sociales, des institutions internationales et administratives et des langues. Pendant la deuxième année, il y a des matières optionnelles dont l’histoire des relations internationales, l’histoire des idées politiques modernes, l’histoire de la Ve République, la sociologie politique, les libertés publiques et les droits de l’homme, le droit civil et administratif, les politiques économiques, l’économie internationale et le droit international public. La troisième année est une année obligatoire à l’étranger. La quatrième année est la pré-spécialisation. La cinquième année est la spécialisation ou le master. (http://www.iep-strasbourg.fr) 67 4.1.4. Division intérieure Concernant la communication politique, nous pouvons parler d’une division intérieure aussi car elle «[...] possède même des variations internes comme p. ex. le jargon utilisé par des militants d’un parti ou d’un mouvement (un de ses sous-types est „la langue de bois”, celle des bureaucrates de l’Est, ou un autre - „la langue de coton”, celle des onusiens et des eurobureaucrates – voir Huyghe 1991, 11). – Une autre branche bien élaborée et très raffinée du langage politique et la langue (ou le langage) diplomatique qui a une relation stricte avec la langue officielle (ou le style officiel).Le langage politique conserve, bien sûr, ses terrains dits d’emploi oral (différentes sortes de discours politiques, débats parlementaires, négociations internationales, discours de campagne électorale, entretiens avec les électeurs, discours-clips etc.) et ses terrains dits d’emploi écrit (communications présidentielles, gouvernementales, ministérielles, textes de lois, de décrets, textes de conventions, d’accords et de traités internationaux.)» 80 (Mihalovics, Á. : 2006, 138-139) On peut projeter les constatations de Huyghe relatives à la langue de coton au langage diplomatique aussi : «Et cette langue merveilleuse, c’est? La LDC! Langue de quoi? Langue de coton. Pourquoi de coton? Il sert à mille choses et évoque des images de confort. Le coton est doux, chaud, souple. Il est hygiénique ou thermogène. C’est matière utile et agréable aux propriétés surprenantes. Il remplit et il absorbe. On l’utilise pour anesthésier comme pour boucher les oreilles. C’est l’accessoire indispensable du maquillage. On le file à sa guise. Il protège et il apaise; il embellit ceux qu’il revêt. On s’en sert tous les jours. […] La langue de bois était celle de la rigueur idéologique; la langue de coton est celle des temps nouveaux. Elle a le triple mérite de penser pour vous, de paralyser toute contradiction et de garantir un pouvoir insoupçononné sur le lecteur ou l’auditeur. Ses mots sont séduisants, obscurs ou répétitifs. Flou ou redondante, banale ou ésotérique, elle a réponse à tout parce qu’elle n’énonce presque rien. Ou trop, ce qui revient au même. […] C’est une langue de pouvoir. Pouvoir de celui qui la possède sur celui qui l’ignore. Pouvoir de le séduire, parfois, de l’étaper, 81 souvent, de le faire taire, toujours.» (Huyghe, F.-B. : 1991 : 11-13) Dans ce qui suit, traitons de la typologie de la performance politique et de la taxinomie de la communication politique (proprement dite) : «On a déjà constaté que la première difficulté qui s'impose à celui qui prétend à systématiser la communication politique (en objet scientifique) réside dans son extrême plasticité. La deuxième difficulté vient des sphères d'application de ses styles multiples et variés, tant écrits qu'oraux. On sait bien que les styles (et les registres de langue) présentent des variétés selon les conditions concrètes de leur emploi. La communication politique dénote différents types d'activités portant sur la communication gouvernementale, le discours politique et électoral, la propagation des messages politiques, le rôle des médias dans les différents systèmes politiques, les relations entre journalistes et politiciens, la formation de l'opinion publique, l'influence des sondages, le marketing politique et électoral ainsi que la rhétorique politique. Mais il ne faut pas oublier non plus la simple "réaction" de l'homme de la rue p.ex. face à une 82 mesure gouvernementale.» (Mihalovics, Á. : 2006, 114-117) 80 Mis en gras par l’auteur (JB). Mis en gras par l’auteur (JB). 82 Mis en gras par l’auteur (JB). Cf. encore Langages, nr. 41 (mars 1976) – Typologie du discours politique. 81 68 Ici, il faut remarquer que dans la littérature scientifique, les frontières entre la communication et / ou le langage politique et diplomatique83 sont souvent imprécises. Cela provient partiellement du fait que la diplomatie est évoluée au cours du temps comme une certaine branche spécifique de la politique proprement dite. 4.1.5. Le langage politique «Les phénomènes observés dans le champ politique semblent dans une proportion écrasante relever des faits de langage.» (Frédéric Bon) On mettra, dans ce qui suit, en relief quelques approches importantes qu’on considère comme capables de couvrir grosso modo le vaste domaine du langage politique (et diplomatique également). 1) Selon Edelman84 (Edelman, M. : 1976), il y a quatre styles qui structurent les procédés politiques dont - le langage de l’encouragement (c’est le langage politique par excellence, le langage des politiciens, des partis, des élections, des débats parlementaires, de la publicité politique, etc.), - le langage du droit (qui est utilisé plutôt dans la communication des institutions politiques : c’est le langage de la Constitution, des lois, des traités, des accords, etc.), - le langage de l’administration (qui est en étroite relation avec le langage du droit) et - le langage du lobby ou du lobbying (qui est un langage back-stage, derrière les coulisses). 2) De son côté, Patrick Charaudeau envisage , lui aussi, à démasquer le discours politique. Le titre de son essai est Le discours politique. Les masques du pouvoir (Charaudeau, P. : 2005). Selon l’auteur aussi, le phénomène complexe de la politique résulte d’un ensemble de faits politiques, sociaux, juridiques et moraux, et ainsi, il se trouve au carrefour des systèmes de 83 Pour un aperçu de la littérature hongroise et allemande relative aux recherches dans le domaine du langage politique, cf. p.ex. les articles de Joó (Joó, E.: 2006, Joó, E.: 2009). Pour le langage politique en particulier cf. p.ex. Charaudeau, P.: 2005, 129-141; Gingras, A.-M.: 2003, 67-92; Mazzoleni, G.: 2002, 97-122, etc. 84 Pour Edelman, cf. p.ex.: Horváth Szilvia: Murray Edelman: Nyelv, szimbólum, politika. In: Politikatudományi szemle. 2006/4, pp. 199-207. L’ouvrage en question d’Edelman paru en 1976 n’a été traduit en hongrois qu’en 2004: Murray Edelman: A politika szimbolikus valósága. Budapest, L’Harmattan (traduit par Zoltán Hidas) 69 valeurs. (cf. 7.1.4.) Il est ainsi nécessairement l’objet d’étude de différentes disciplines. (cf. 5.1.3.) Autrement dit, cela rend évident d’une part qu’il n’y a pas de domaine réservé de l’étude du politique et d’autre part que son étude ne peut être qu’interdisciplinaire. On peut se poser la question aussi où le discours se situe au sein de l’entrecroisement mentionné. On peut dire que le discours traverse toutes ces dimensions, notamment à l’aide, par et à travers le langage. Les principes fondateurs de l’acte de langage dans le domaine de la politique sont l’altérité, l’influence et la régulation et le fondament de l’autorité est d’ordre transcendental ou personnel. En outre, le langage politique résulte de deux types d’activité sociale : l’activité du dire politique (dans le sens de Jürgen Habermas, c’est le pouvoir communicationnel qui rend possible la construction d’un espace politique (virtuel)) et de l ‘activité du faire politique (c’est le pouvoir administratif ou la réalisation concrète du pouvoir). Ces deux champs se légitiment réciproquement. Charaudeau distingue 4 types de paroles du politique ou stratégies discursives dont la parole de promesse, la parole de décision, la parole de justification et la parole de dissimulation. Pour la dissimulation, plusieurs stratégies se présentent dont la startégie du flou, celle du silence, celle de dénégation, celle de bluff et celle de la raison suprême. Charaudeau a également analysé les trois contraintes de la parole politique dont les contraintes de la simplification, celles de la crédibilité et celles de la daramatisation. Pour simplifier le raisonnement, il y a au moins trois types de raisonnement dont le principiel (il pose en principe d’action ce qui est la finalité), le pragmatique (il pose une prémisse et en donne la conséquence ou le but) et le raisonnement dit par analogie (des comparaisons, des mises en parallèle, des homologies). Les contraintes de crédibilité servent à fabriquer un ethos, une image de soi (il s’agit d’un ethos de lucidité ou d’engagement ou d’autorité ou de vertu). Les contraintes de dramatisation touchent l’émotion du public (menace, dilemme, mise en contradiction de l’adversaire ou disqualification de l’adversaire). 70 Charaudeau conclue que le langage politique oscille entre la raison et la passion, mélange le logos, l’ethos et le pathos, il est plein de subjectivations, il mixe l’espace public et l’espace privé, il confonde une vérité des apparences et une vérité des actions est il est l’art de mentir vrai. 3) Dans le même domaine a paru en 1999 l’ouvrage de Constantin Salavastru de l’Université de Iassy en Roumanie, notamment Le discours du pouvoir. Essai de rhétorique appliquée.85 Cet essai est partiellement pareil comme le livre de Charaudeau, mais les deux ouvrages se complètent parfaitement. Au début du livre, Salavastru a essayé de donner une définition approximative concernant le discours politique. Selon lui, le discours politique est une forme de la discursivité par l’intermédiaire de laquelle un certain locuteur (individu, groupe, parti, etc.) poursuit l’obtention du pouvoir. Ici, on pourrait ajouter qu’il n’est pas assez d’accéder au pouvoir, il faut aussi le gérer et le maintenir. Ensuite, c’est la problématique de la légitimité qui intéresse l’auteur. De notre point de vue, ce sont aussi certains traits caractéristiques du discours politique faisant l’identité de ce type de discours qui attirent notre attention. D’après Salavastru, ces traits sont les suivants : - l’ambiguïté intentionnelle, - la dissimulation (l’écart entre ce que le discours dit et ce qu’il fait et le vouloir-dire), - l’impérativité (le but principal est de faire le récepteur passer à une action concrète, grosso modo, la modalité volitive-factitive), - l’ouverture envers toutes les formes discursives (description, argumentation, explication, narration, démonstartion, etc.) dans les contextes favorables, en proportions profitables, - l’ouverture envers toutes les formes de raisonnement (déductives, inductives, par analogie, etc.), - la manipulation n’est pas traité comme un vive, mais un simple instrument pour influencer, 85 titre roumain: Discursul puterii. Încercare de retorică aplicată. 71 - tout discours politique est l’expression concrète d’une doctrine politique, - le discours politique doit être crédible (retenons que la vérité, les moeurs et la crédibilité sont des catégories à part), - le discours politique essaie toujours de balancer entre plusieurs intérêts (si les intérêts le demandent, certaines choses ne sont pas dites, ou on ne dit pas tout ce qu’on sait, etc.). L’auteur s’occuppe encore de la relation entre le porteur du pouvoir, le destinataire et le domaine de l’action tout en accentuant des propriétés dont l’irréfléxivité, l’asymmétrie, la transitivité et la non-connexion. D’autres domaines d’intérêt forment les types des argument utilisés dans le discours politique et les slogans politiques. 4.2. La communication diplomatique et / ou le discours diplomatique et le langage diplomatique La communication diplomatique et / ou le discours diplomatique étant un objet d’analyse légitime, comment l’aborder et comment la et / ou le définir? La question posée est donc celle de la spécificité de la communication et du discours diplomatique, c’est-à-dire le trait le plus discriminant par rapport à d’autres types communicatifs et discursif. Ce sujet a longtemps été étrangement délaissé par les politologues et les linguistes français. Un des ouvrages comblant cette lacune est La communication écrite en diplomatie d’Edmond Pascual (Pascual, E.: 2004) qui distingue cinque niveaux de la communication diplomatique dont la communication interne, bi- et multilatérale, permanente et occasionnelle. L’autre ouvrage important dans ce domaine est Le discours diplomatique de Constanze Villar (Villar, C.: 2006), maître de conférences de Science politique, membre du Centre d’Analyse Politique comparée, de Géostratégie et de Relations internationales (CAPCGRI) de l’Université Montesquieu de Bordeaux. Elle y enseigne la sémiotique du discours politique, la diplomatie et le système politique allemand. Son ouvrage sur Le discours politique est tiré de sa thèse d’État Éléments pour une théorie du discours diplomatique, soutenue en décembre 2003 à l’Université Bordeaux VI. L’auteur analyse, dans l’ouvrage nommé, la diplomatie dans sa complexité, de la sociologie des institutions, des comportements, de la décision, mais aussi des théories des relations internationales et des sciences du langage également. Elle y utilise la notion «diplomaticité» pour tout ce qui est en relation avec la diplomatie. S’il existait la notion diplomaticité pour la dénomination du tout diplomatique, on pourrait même proposer, à son analogie, d’introduire les notions politicité, juridicité, économicité, technicité, etc. pour tout ce qui est en relation avec le domaine de la politique, du droit, de l’économie, des techniques, etc., mais elles sont assez flous comme le reste la diplomaticité tout au long de son ouvrage: «Nous appelerons diplomaticité 72 l’ensemble de ces éléments pertinents des structures et des procédés caractérisant le discours diplomatique.» (Villar, C.: 2006, 74) L’examen langagier du discours diplomatique montre que la parole des diplomates (et souvent aussi celle des membres du corps diplomatique entier), exprimant des intentions et des transactions sur la scène mondiale, manifestant ou contournant des rapports du pouvoir, formant toujours sens, mérite d’être prise en considération. L’avantdernier et le dernier chapitre du livre de Villar (Discours et relations internationales, pp. 153186 et Sémiotique du discours diplomatique, pp. 187-230) sont de nature plutôt linguistique tandis que les autres traitent de l’histoire de la diplomatie (La longue durée de la diplomaticité, pp. 75-122) analysant des concepts comme frontière, immunité, permanence de la mission, réciprocité des échanges, la figure du diplomate près des manuels pratiques et des écrits relatifs à la diplomatie ainsi que des formes d’organisation des relations internationales (Fonctions et structures de la diplomaticité, pp. 75-122). Dans l’avant-dernier chapitre intitulé Discours et relations internationales, la notion-clé est celle d’image. Un État se doit de protéger l’image que les autres ont de lui, et pour avoir une marge de manoeuvre dans ses choix stratégiques, il peut cultiver un décalage entre cette image et son comportement. L’instrument qui permet ce décalage est «l’ambiguïté» ou bien la pluralité des possibilités d’interprétation. Celle-ci se manifeste à deux niveaux: avant tout, dans le code linguistique (phonie / graphie, mot, syntagme, phrase), mais aussi dans la pragmatique (texte vs. discours, document). Le dernier chapitre dont le titre est Sémiotique du discours diplomatique tente de formuler un modèle explicatif général et abstrait du discours diplomatique, à l’intérieur d’une approche sémantique et sémiotique se regroupant autour des notions de véracité, de fausseté, de secret, d’illusion, de véridiction, de tromperie, de dissimulation, de vanité et de ruse, des oppositions devoir / ne pas devoir, bien / mal et de l’emploi des mots et des figures rhétoriques dans les textes dont l’euphémisme, l’hyperbole, l’allusion, etc. Le statut juridique souvent ambigu des textes diplomatiques est mentionné aussi. Ce statut peut osciller du secret / «inexistant» à travers le discret – textes dits «non-papier, pétition non publiée, non-information, non-demande, non-réponse» - au public / «existant», selon la nécessité du moment. Cette oscillation peut être traitée comme une autre marge de manoeuvre des diplomates. Tout en résumant, on peut dire qu’en diplomatie, l’ambiguïté est centrale, elle est même son terrain fondateur. Elle permet d’explorer des alternatives et elle crée les conditions d’une manoeuvre discursive au profit de la puissance. Elle se manifeste donc au niveau sémantique 73 (sens littéral versus sous-entendu), pragmatique (information versus bruit86) et juridique (statut officiel - des documents uni- et multilatéraux - versus officieux - des documents non diffusés ou de différentes versions d’un projet). (Villar, C.: 2006, 228) Les principaux types de texte écrit en diplomatie sont, d’après Pascual (Pascual, E.: 2004): a) les textes pour l’utilisation interne dont - les rapports, - les actes juridiques parus dans le Journal Officiel d’un État, - les manuels, - les encyclopédies diplomatiques, - les dictionnaires diplomatiques; b) les textes de type général dont - le mémorandum (mémorandum proprement dit, aide-mémoire), - la note (diplomatique, collective et circulaire), - la lettre de créance, - l’agrément, - la démarche, - des actes juridiques dont traités, accords, conventions, recommandations, déclarations, etc.; c) les textes au carrefour de la diplomatie et du monde extérieur dont - la déclaration (déclaration de presse, déclaration de presse commun, déclaration politique, etc.), - le rapport annuel sur l’activité diplomatique, - des écrits des diplomates dont mémoires, articles, etc., - des interwievs, - des blogs, - des sites web des institutions politico-diplomatiques, etc. 86 Le bruit est une notion de la théorie de la communication et désigne tout ce qui cause une perturbation ou perte d’information. 74 4.3. La communication présidentielle et / ou le discours présidentiel La communication et / ou le discours présidentiel est un sous-type de la communication et / ou du discours politique et diplomatique. Dans sa dissertation intitulée Les voeux présidentiels sous la Cinquième République (1959-2001). Recherches lexicométriques à propos de l’ethos dans un genre discursif rituel, Leblanc écrit sur la communication et / ou le discours présidentiel comme suit: «Le discours présidentiel mais aussi plus largement le champ présidentiel intéressent toutes les tendances. Outre les analyses universitaires, la profusion de portraits, d’anecdotes, de biographies tend à montrer que le personnage du président de la République exerce une réelle fascination sur le public. On ne compte plus les ouvrages publiés sur les présidents de la République, journalistiques, biographiques, sociologiques, psychologiques, politiques, historiques, et qui ne s’intéressent pas nécessairement au 87 discours.» (Leblanc, J.-M.: 2005, 27) Du point de vue linguistique, il y a plusieurs ouvrages. De notre point de vue, c’est celui de Mayaffre avec le titre Paroles de président. Jacques Chirac (1995-2003) et le discours présidentiel sous la Ve République (Mayaffre, D.: 2004) qui est peut-être le plus important car il analyse le discours présidentiel de Chirac aussi, à l’aide de la lexicométrie. (Cf. 7.2.) Chapitre 5. Les analyses du discours, la linguistique textuelle, la sémiotique et la sémiotique politique 5.1. Les analyses du discours 5.1.1. Historique de l’analyse du discours Ce n’est pas seulement l’analyse du discours dont l’objet d’analyse principal forment des textes. Par rapport à cette problématique, il faut consulter un polycopié bien détaillé et couvrant une large gamme des sous-ensembles du champs de l’analyse du discours, notamment, le polycopié de Constanze Villar avec le titre Le discours diplomatique (Villar, C.: 2006), mais nous nous en occuperons encore plus tard. Le polycopié de l’Université Montesquieu – Bordeaux IV (Master I en sciences politiques) en question porte le titre Analyse du discours et sémiotique politique88. 87 pour de Gaulle, cf. p.ex. (De Gaulle, Ch.: 1970), (Duhamel, A.: 1993), pour Pompidou, cf. p.ex. (Pompidou, G.: 1974), (Pompidou, G.: 1975), (Rial, S.: 1977), pour Giscard d’Estaing cf. p.ex. (Giscard d'Estaing, V.: 1976), pour Mitterrand, cf. p.ex. (Duhamel, A.: 1993), (Lacouture, J.: 2000), (Mitterrand, F.:1964), (Mitterrand, F.: 1975), (Mitterrand, F.: 1978), (Mitterrand, F.: 1980), (Mitterrand, F.: 1995), (Mitterrand, F.: 1996 posthume), (Péan, P.: 1994), pour Chirac, cf. p.ex. (Michaud, Y.: 2004), pour Sarkozy, pour tous les présidents, cf. p.ex. (Bassi, M.: 2005), (Mayaffre, D.: 2004), (Miquel, P.: 2001), http://www.curiosphere.tv/ressource/15865-les-electionspresidentielles-histoire-anecdotes-et-enjeux/page_url=/rayon-livres.cfm. http://www.curiosphere.tv/ressource/15865-les-elections-presidentielles-histoire-anecdotes-etenjeux/page_url=/ressources-pedagogiques.cfm. 88 Dans le polycopié nommé, l’analyse du discours est abbrevé partout par AD, la sémiotique politique par SP. (Villar, C.: 2008) 75 Dans la partie introductive, l’auteur jette un regarde sur les disciplines connexes et également sources de l’AD dont l’historiographie classique et la diplomatique, l’étude des religions et des mythologies, la philosophie herméneutique (Heidegger, Nietzsche, Ricoeur), la critique littéraire (Barthes), la lecture archéologique (Foucault), la lecture naïve, l’analyse de contenu89 (Lasswell, Berelson, Lazarsfeld), la logique et la rhétorique (Aristote) et les travaux exégétiques du 17ème siècle (Spinoza) et du 19ème siècle (Bourdon). (Villar, C.: 2008, 2-4, 13-14, 22-27) Dans la première partie du polycopié, Villar traite de l’émergence progressive 90 et de l’évolution, des ruptures et des continuités du domaine de l’analyse du discours pendant que la deuxième partie est consacrée à la sémiotique politique (SP). Préliminairement, pour introduire la première partie, Villar évoque le fondament théorique 91 de l’AD, notamment, le concept de langue de Ferdinand de Saussure. 92 (Villar, C.: 2008, 10-11) Elle situe le véritable départ de l’AD bien plus tard, au XXème siècle. Ce départ est lié au développement de la communication de masse, de la presse et de la radio qui ont impliqué un besoin de compréhension et d’approche spécifique et une certaine rupture avec les méthodes traditionnelles de l’analyse du contenu ancien. La rupture ou bien la réponse aux changements, selon elle, a été représentée par de nouvelles méthodes dont la méthode du décompte fréquentiel (la quantophrénie ou la lexicométrie), l’analyse du contenu (les catégories thématiques) de Lasswell, de Berelson et de Lazarsfeld, le distributionnalisme de Harris et la grammaire générative transformationnelle de Chomsky (Villar, C.: 2008, 14-38). Après les origines américaines, l’auteur s’est tournée vers l’émancipation de l’AD en France, au début largement d’orientation sociolinguistique.93 Tout d’abord, elle a analysé des apports 89 Pour l’analyse du contenu – qui «est chronologiquement antérieure à l’analyse de discours qui s’est en partie construite en opposition à elle. Forte dans les années 70, l’antinomie entre les deux approches s’est aujourd’hui atténuée et il n’est pas rare que des études essaient de concilier les deux méthodes» (Charaudeau, P. / Maingueneau, D.: 2002, 39 – cf. le Dictionnaire d’analyse du discours de Patrick Charaudeau et de Dominique Maingueneau (Charaudeau, P. / Maingueneau, D.: 2002, 39-41). C’est le cas p.ex. dans L’analyse de conteu d’André D. Robert et d’Annick Bouillaguet (D. Robert, A. / Bouillaguet, A.: 2002) 90 Pour des textes fondateurs, des dictionnaires et des manuels essentiels et des articles importants dans le domaine de l’AD, cf. p.ex. la bibliographie du polycopié de Villar (Villar, C.: 2008, 102-104). 91 Pour l’histoire de la linguistique, cf. p.ex. Máté, J.: 1997, 1998, 2003, Robins, R.H.: 1999, etc. 92 Cf. en francais: Saussure, F. de (1915): Cours de linguistique générale. Publié par Charles Bally et Albert Sechehaye et al. Paris: Payot, 1981., en hongrois: Saussure, F. de: Bevezetés az általános nyelvészetbe. Budapest: Corvina, 1997. Le site de l’Institut Ferdinand de Saussure: http://www.institut-saussure.org. 93 Cf. p.ex. Wardaugh, R.: Szociolingvisztika. Budapest: Osiris, 1995, etc. 76 individuels de Barthes, Foucault, Dubois, Pêcheux, Greimas et Tournier (Villar, C.: 2008, 39-47). Puis, elle a évoqué quelques éléments collectifs (Villar, C. : 2008, 47-50) autour de quatre centres de recherche dont - le Centre de recherches linguistiques de Paris X – Nanterre (aussi appelé l’« École de Nanterre 1962-1972 ») et la revue LINX pour Dubois ; - le Laboratoire de lexicométrie politique (ENS St.-Cloud) et la revue MOTS pour Tournier; - le Laboratoire de psychologie sociale (Paris VII – CNRS) pour Pêcheux ; - l’École de hautes études en sciences sociales (EHESS), dite « École de Paris » et la revue Actes sémiotiques pour Greimas. Villar a constaté que trois sur quatre de ces centres fonctionnaient, seul le groupe de Paris VII se dissouait après le suicide de Pêcheux. Elle a même visualisé, d’après Sarfati (Sarfati, G.-E: 1997, 1997, 95) la généalogie de l’AD en France avec les racines, les personnalités, la localisation et les revues des différents courants (Villar, C.: 2008, 49). Dans l’avant-propos du Dictionnaire de l’analyse du discours, les auteurs traitent de l’historique de l’analyse du discours – pareillement aux constatations de Villar - comme suit : «Après une période, dans les années 60-70, durant laquelle la linguistique, sous l’impulsion du structuralisme et du générativisme, renouvelait les études philologiques et grammaticales avec de nouvelles hypothèses sur le fonctionnement du langage et des méthodes nouvelles d’analyse des systèmes linguistiques, cette discipline s’est trouvée remise en cause par des apports multiples: la psycholinguistique, la sociolinguistique, la pragmatique, l’ethnographie de la communication, l’ethnométhodologie, la psychosociologie du langage. […] La discipline […] s’intitule désormais ’sciences du langage’. A l’intérieur des sciences du langage, l’analyse du discours n’est pas née d’un acte fondateur, mais résulte de la convergence progressive de mouvements aux présupposés extrêmement différents, apparus dans les années 60 en Europe et aux États-Unis; ils tournent tous autour de l’étude de productions transphrastiques, orales ou écrites, dont on cherche à comprendre la signification sociale. Une grande part de ces recherches s’étant développée autour de domaines empiriques, il a fallu pour chacun élaborer une terminologie locale, dans l’ignorance souvent de ce qui se faisait dans des domaines voisins. A partir des années 80, et cela s’est considérablement accru dans les années 90, il s’est produit un décloisonnement généralisé entre les différents courants théoriques qui ont pris le ’discours’ pour objet. […] Aujourd’hui, l’analyse du discours est devenue internationale, mais la diffusion de plus en plus vaste des travaux, la mise en contact de plus en plus forte de courants qui auparavant s’ignoraient n’impliquent pas l’uniformité des problématiques et des terminologies.»94 (Charaudeau, P. / Maingueneau, D.: 2002,7-8) 94 Mis en gras par l’auteur (JB). 77 Donc, on peut constater que l’émergence de l’analyse du discours est liée à un certain tournant linguistique ou changement de paradigme ou révolution scientifique 95 D’autre part se pose la question si l’analyse du discours appartient aux sciences humaines ou bien aux sciences du langage96. Au lieu de décider cette querelle, on peut dire que c’est grâce à la double nature, notamment à l’ancrage verbal et social du discours qu’on peut les analyser. 5.1.2. L’École française et les autres courants de l’AD Depuis la fin des années 1960, de nombreux courants d'analyse du discours se sont développés dans le monde. Étant donné cette diversité, une vue d'ensemble n'est pas une tâche facile, pourtant, Johannes Angermüller, un chercheur allemand, a proposé, dans son article écrit en 2007 et intitulé «L’analyse du discours en Europe»97 de distinguer plusieurs tendances dont la tendance anglo-saxonne, allemande et française.98 Dans le domaine de l’analyse du discours, «l’École française» a donnée, selon Charaudeau et Maingueneau une image très forte aux recherches francophones: «L’étiquette ’École française’ permet de désigner le courant dominant d’analyse du discours en France dans les années 60-70. Cet ensemble de recherches qui a émergé dans le milieu des années 60 a été consacré en 1969 par la parution du n° 13 de la revue Langages intitulé ’L’analyse du discours’ et du livre Analyse automatique du discours de M. Pêcheux (1938-1983), l’auteur le plus représentatif de ce courant. Cette problématique n’est pas restée enfermée dans le cadre français, elle a essaimé à l’étranger, surtout dans les pays francophones et ceux de langue romane. Le noyau de ces recherches a été une étude du discours politique menée par des linguistes et des historiens avec une méthodologie qui associait la linguistique structurale et une ’théorie de l’idéologie’ inspirée à la fois de la relecture de l’oeuvre de K. Marx par le philosophe L. Althusser et de la psychanalyse de J. Lacan. Il s’agissait de penser la relation entre l’idéologique et le linguistique en évitant à la fois de réduire le discours à l’analyse de la langue et de dissoudre le discoursif dans l’idéologique. […] A partir des années 80, ce courant a été progressivement marginalisé. Mais si on ne peut plus parler d’École française, il existe indubitablement des tendances françaises […] en analyse du discours, que l’on peut caractériser par: (1) un intérêt pour des corpus relativement contraints (à la différence des études sur la conversation), voire pour des corpus présentant un intérêt historique; (2) le souci de ne pas s’intéresser seulement à la fonction discursive des unités, mais à leurs propriétés en tant qu’unités de la langue; (3) leur relation privilégiée avec les théories de l’énonciation linguistique; (4) l’importance qu’elles accordent à l’interdiscours; (5) leur réflexion sur les modes d’inscription du Sujet dans son discours.»99 (Charaudeau, P. / Maingueneau, D.: 2002, 201-202) 95 Pour le changement de paradigme, cf. p.ex. Carver, Terell: Diskurzuselemzés és nyelvi fordulat. In: Politikatudományi Szemle. 2004/4, pp.143-148.; Banczerowski, J.: A nyelvtudomány paradigmái: http://c3.hu/~nyelvor/period/1251/125101.htm. ou Kuhn, Th. S.: A tudományos forradalmak szerkezete. Budapest: Osiris, 2002. (D’ailleurs, Kuhn a été largement influencé par les idées de Gaston Bachelard.) A partir de 1994, on parle dans la littérature scientifique d’une «ikonische Wende» (Gottfried Boehm) ou «pictural turn» aussi. (W.J.T. Mitchell). 96 Cf. p.ex l’article de Régine Robin: Postface. L’Analyse du Discours entre la linguistique et les sciences humaines: l’éternel malentendu In: Langages, 21e année, n°81, 1986. pp. 121-128. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1986_num_21_81_2482 97 Des différences et des ressemblances de la notion discours en Hongrie, dans les pays anglo-, germano- et francophones s’occuppe aussi partiellement l’article intitulé «Filozófiai megjegyzések a modern diskurzuselméletekről és a kulturális kommunikáció problémájáról» de Tamás Tóth (Tóth, T.: 2006, 8-21) 98 (http://www.johannes-angermueller.de/pub/doc/Angermueller2007ADEurope.doc) 99 Mis en gras par l’auteur (JB). 78 Tenant compte de ces caractéristiques, le présent travail s’inscrit aussi aux «tendances françaises». La tendance « anglo-saxonne » est issue du pragmatisme américain et de la philosophie analytique anglaise, surtout de la théorie des actes de langage d’Austin. La tendance « allemande » de l’analyse du discours s’inspire de la théorie de l’agir communicationnel de Jürgen Habermas. 5.1.3. Les AD Le Dictionnaire d’analyse du discours100 aussi, paru sous la direction de Patrick Charaudeau101 et Dominique Maingueneau (Charaudeau, P. / Maingueneau, D.: 2002) est un instrument de travail et une référence pour tous ceux qui travaillent sur les productions verbales dans une perspective d’analyse du discours102. Mais, en le publiant, ils voulaient également signaler l’émergence d’une discipline carrefour et marquer quelque peu le territoire d’un champ de recherches qui est de plus en plus visible dans le paysage des sciences humaines et sociales. L’intention des auteurs était de faire de ce dictionnaire l’expression d’un champ de recherches appréhendé dans sa diversité. Ils ont pris acte des différents domaines existant dans le champ des études du discours et ils ont fait appel aux spécialistes comme, entre autres, - au CNRS: Jacques Guilhaumou 103, Maurice Tournier, - à l’Université Paris XII: Dominique Maingueneau, Simone Bonnafous, - à l’Université Paris XIII: Patrick Charaudeau, - à l’Université Lyon II: Catherine Kerbrat-Orecchioni, - à l’Université Toulouse III: Pascal Marchand, - en Suisse, à l’Université de Lausanne: Jean-Michel Adam, - à Israël, à l’Université de Tel-Aviv: Ruth Amossy, etc104. 100 Des dictionnaires pareils sont p.ex.: Détrie, C. / Siblot, P. / Verine, B. (éds.): Termes et concepts pour l’analyse du discours. Une approche praxématique. Paris: Champion, 2001; Keller, R. / Hirseland, A. / Schneider, W. / Viehöver, W. (Hrsg.): Handbuch Sozialwissenschaftliche Diskursanalyse. Opladen: Leske + Budrich, 2001-2003 (2 volumes); Van Dijk, T. A..: Handbook of Discourse Analysis. Amsterdam: Academic Press, 1985 (4 volumes), etc. 101 Sur le site http://www.patrick-charaudeau.com/-Analyse-de-discours-.html, on peut lire le texte intégral de 70 articles parus entre 1982 et 2010 de Patrick Charaudeau en relation avec les différents aspects de l’analyse du discours. 102 Sur le site http://www.analyse-du-discous.com, on peut trouver des articles en ligne (des chercheurs de ce domaine dont p.ex. Rastier, Kerbrat-Orecchioni, Guilhaumou, Sperber, Reboul, Moeschler, Maingueneau, Adam, etc.), des livres en ligne (une quarantaine de livres dans le domaine nommé), une liste des revues (une vingtaine de revues) et une liste des logiciels d’analyse (dont p.ex. Acetic, Emotaix, Alceste, Atlasti, Lexico, SATO, Semato et T-lab). 103 Pour une critique de ce dictionnaire, il est utile de lire l’article intitulé «Où va l’analyse de discours? Autour de la notion de formation discursive» de Jacques Guilhaumou sur le site http://www.revuetexto.net/Inedits/Guilhaumou_AD.html 79 Ce dictionnaire105 a au moins deux caractéristiques importantes positives. L’une est qu’il enregistre – sauf exceptions – la terminologie en usage dans les travaux francophones d’analyse du discours, même si un grand nombre de ces termes sont traduits ou adaptés d’autres langues, de l’anglais en particulier. L’autre est que les auteurs ont opté pour un exposé des différents emplois des termes tout en se référant aux différents chercheurs qui les ont définis. Donc, il existe pour un terme plusieurs acceptions car il est rare que dans le domaine du discours (aussi) les notions soient univoques. L’Analyse du discours106 est donc une discipline relativement récente et elle se voit attribuer des définitions les plus variées dont • l’analyse du discours comme étude du discours, • l’analyse du discours comme étude de la conversation et • l’analyse du discours comme point de vue spécifique sur le discours. (Charaudeau, P. / Maingueneau, D.: 2002,41-44) Vu ce foisonnement, Maingueneau propose, à juste titre dans l’introduction du numéro 117 / 1995 de la revue Langages107 de parler des Analyses du discours. Au sein de l’analyse du discours comme étude du discours, il existe donc plusieurs approches. 108 Les discours peuvent être étudiés sous divers points de vue. On a l’habitude de distinguer les approches suivantes : - l’approche conceptuelle (recherchant les idéologies) ; - l’approche philosophique (histoire des idées ou «Begriffsgeschichte»); - l’approche historique (le discours révolutionnaire, totalitaire, démocratique, le discours de la crise, la propagande, etc. - l’approche énonciative (les représentants : Benveniste, Ducrot, Culioli, KerbratOrecchioni) ; - l’approche communicationnelle (les représentants : Jakobson, Goffman, Hymes) ; 104 Pour les ouvrages les plus importants de ces auteurs dans le domaine de l’analyse du discours, cf. p.ex. la bibliographie de Charaudeau, P. / Maingueneau, D.: 2002 ou Mayaffre, D.: 2002, ou bien Tutescu, M.: 1998, etc. 105 Le dictionnaire a été traduit en portugais et en espagnol: Dicionário de Análise do Discurso trad., Comeus F. (coord.), Ed. Contexto, São Paulo, 2004, Diccionario de Análisis del Discurso trad. Irene Agoff. (coord.), Ed. Amorrortu, Buenos Aires, 2005 106 Pour une définition possible de l’analyse du discours en hongrois, cf. p.ex. Retorikai lexikon de Tamás Adamik et Anna A. Jászó (Adamik, T. / A. Jászó, A.: 2010, 262-269). En outre, en Hongrie, c’est surtout Márton Szabó qui s’occuppe plus profondément de l’analyse du discours politique. 107 ( http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1995_num_29_117_1702) 108 (http://analyse-du-discours.com; http://www.er.uquam.ca/nobel/ieim/IMG/pdf/metho-2002-01-barry.pdf http://www.inftube.com/economica/politica/IL-LINGUAGGIO-POLITICO_DEFINIZ15614.php) 80 - l’approche conversationnelle ou interactionnelle (les représentants : Roulet, Moeschler, Kerbrat-Orecchioni) ; - l’approche sociolinguistique (les représentants : Gumperz, Labov, Bourdieu et partiellement l’AAD, l’analyse automatique du discours ou la lexicométrie) ; - l’approche lexicale ou lexico-sémantique (les représentants : Pottier, Maingueneau) ; - l’approche syntaxique ou morpho-syntaxique (le représentant : Harris) ; - l’approche pragmatique (sous-domaines : la modalité verbale et la modalité nonverbal109 dont la modalité prosodique-intonative dont les suprasegmentaux comme le rythme, la pause, le ton, l’intensité, la durée, la modalité gestuelle ou les gestes, la modalité faciale ou la mimique, la modalité corporelle dont p.ex l’espace personnel ou la proxémique, etc.) (les représentants dans le domaine de l’analyse des modalités verbales: Austin, Searle, Récanati, Vanderveken, Moeschler, Kerbrat-Orecchioni) ; - l’approche sémiotique (les représentants : Barthes, Greimas, Courtès) et - l’approche textuelle (les représentants : Adam, Viprey). De ces approches, nous allons choisir deux, notamment, l’approche lexico-sémantique et l’approche pragmatique (ou plutôt pragmatico-énonciative et discursive). Franck Cobby, un chercheur dans le domaine de l’AD résume sommairement l’historique et l’essentiel de l’AD: «Le langage représente le moteur des relations humaines. Tout individu, de quelque condition qu’il soit, est pris dans un réseau d'interactions médiatisées par le langage. Mais, si les hommes interagissent par le langage, ils ne se comprennent ou ne se méprennent que par le fait du discours. A travers les médias, les relations interpersonnelles ou socioprofessionnelles, nous interagissons en laissant constamment des traces linguistiques qui échappent aux modèles traditionnels d’interprétation des faits de communication. Ces traces langagières insaisissables, a priori, constituent la preuve que ce qui est dit, du point de vue de la communication, n’est pas nécessairement ce qui est suggéré en regard du discours. Le discours est une pratique finalisée ancrée dans un contexte sociohistorique. Sa compréhension ou interprétation passe par la connaissance de ses modes d’articulation et de dérivation. On ne peut pas faire économie de ce 110 savoir sous peine d’avoir à chercher l’essentiel de la communication langagière là où il n’est pas.» «La littérature est on ne peut plus abondante et les épithètes ne manquent pas décrivant l'inadéquation du structuralisme vis-à-vis de la communication linguistique, phénomène spiralé dont on ne saurait préciser les contours. On est pourtant loin d'un rejet systématique des travaux issus de cette approche qui a influencé les recherches en sciences humaines pendant près d'un demi-siècle. L’Analyse Distributionnelle de Harris, la Grammaire Générative de Chomsky, l’Analyse Fonctionnelle de Martinet, l’Analyse Lexicométrique du Groupe Saint-Cloud, sont d'une contribution considérable à l'appréhension des structures de langue. Cependant le structuralisme linguistique, se révélant inapte à répondre à un certain nombre de questions fondamentales dans la production du sens, n'a pas d'autres choix que de fermer boutique. Par leur caractère réductionniste, les analyses structuro-linguistiques risquent, selon le mot de Jacobson, de réduire le langage à une fiction scolastique. La vision structuraliste ne permet pas d'opérer 109 Les modalités non-verbales peuvent soit renforcer le dit soit le mettre en question. Elles ont la même importance – surtout sur la scène politique et internationale, dans un espace fortement médiatisé - comme la modalité verbale, mais dans notre cas, nous devons renoncer à leur analyse. 110 Mis en gras par l’auteur (JB). (https://sites.google.com/a/analyse-du-discours.com/documentation/home) 81 sur la communication linguistique en tant que processus évolutif. Elle ne permet pas de rendre compte, par exemple, des modalités de la communication, des jeux de placement et de déplacement du sujet parlant, des actes accomplis par le langage, des stratégies d’autolégitimation et de construction de soi, des jeux d'implicitation. Bref l'usage de la langue, en tant que lieu de manifestation de la fonction de médiation du code linguistique, échappe à la démarche structuro-linguistique et exige d'autres modes d'approche du langage. Au-delà des analyses syntaxiques, morphologiques, phonologiques ou structuro-sémantiques, il y a donc lieu d'envisager une analyse dynamique où la fonction subjective est prise en compte, en tant que propriété fondamentale de la communication langagière. "Jamais les formes logiques du langage ne sont au premier plan; affectivité et expression, voilà ce qui domine" (Bally 1965 : 22). La fonction subjective est d'autant plus fondamentale que le langage n'est, ni plus ni moins, qu'un instrument de médiatisation de la pensée humaine. Il est nécessaire de dépasser l’opposition langue/parole pour être attentif à ce qu'il y a d'essentiel dans leur mode d'articulation en situation de communication. Voilà qui fonde la 111 raison d'être de l'analyse du discours.» 5.1.4. Le jugement de la discipline de l’AD Concernant le jugement de la discipline de l’analyse du discours, Maingueneau écrit comme suit: «Certains sont tentés de ne voir dans l’analyse du discours qu’un espace transitoire, un champ parasitaire de la linguistique, de la sociologie ou de la psychologie, qui seraient, elles, de véritables disciplines. D’autres, inspirés en particulier par l’École française, y voient une sorte d’espace critique, de lieu d’interrogation et d’expérimentation où peuvent se formuler en se déplaçant les problèmes que rencontrent les disciplines constituées; dans ce dernier cas, son statut se rapprocherait de celui de la philosophie. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit moins d’une véritable discipline que d’un espace de problématisation. Mais l’histoire de l’analyse du discours […] montre que le caractère disciplinaire de l’analyse du discours n’a fait que se renforcer. S’il est indéniable qu’au début elle a surtout eu une portée critique, elle a progressivement élargi son champ d’étude à l’ensemble des productions verbales, développé un appareil conceptuel spécifique, fait dialoguer de plus en plus ses multiples courants et défini des méthodes […]. L’existence même d’une discipline comme l’analyse du discours constitue un phénomène qui n’est pas anodin: pour la première fois dans l’histoire, la totalité des énoncés d’une société, appréhendée dans la multiplicité de leurs genres, est appelée à devenir objet d’étude. Mouvement qui implique lui-même qu’il existe un ’ordre du discours’ spécifique: ’Ce dont il s’agit ici, ce n’est pas de neutraliser le discours, d’en faire le signe d’autre chose et d’en traverser l’épaisseur pour rejoindre ce qui demeure silencieusement en deçà de lui, c’est au contraire de le maintenir dans sa consistance, de le faire 112 surgir dans la complexité qui lui est propre.’ (Foucault 1969b: 65)» (Charaudeau, P. / Maingueneau, D.: 2002, 44-45) Tout en résumant, on peut constater que le champ multidisciplinaire de l’analyse du discours est bien vaste et morcelé. On pourrait même parler d’éclatement tant les approches sont différentes. En effet, chaque école d’analyse du discours centre son intérêt sur un aspect particulier de l’activité discursive. Étant donné cette difficulté, l’analyse du discours a un défi de taille à relever: celui de constituer son unité, unité conceptuelle, méthodologique et terminologique. Toutefois, les problèmes de vues divergeantes n’empêchent pas que l’analyse du discours soit possible, en tant que technique, de questionner ce qu’on fait en parlant au-delà de ce qu’on dit. 111 112 Mis en gras par l’auteur (JB). (http://www.analyse-du-discours.com/avertissement) Mis en gras par l’auteur (JB). 82 5.2. La linguistique textuelle La linguistique textuelle113 peut être caractérisée comme une certaine discipline auxiliaire de l’analyse du discours. Ainsi, les deux domaines ne sont pas identiques. Citons, dans ce qui suit, quelques passages de l’entrée «Linguistique textuelle» du Dictionnaire d’analyse du discours. «La linguistique textuelle, qui émerge vers la fin des années 60, ne se revendique pas, à la différence des grammaires de texte, de l’épistémologie générativiste. Elle ne se présente pas comme une théorie de la phrase étendue au texte, mais comme une ’translinguistique’ […] qui, à côté de la linguistique de la langue, rend compte de la cohésion et de la cohérence des textes. H. Weinrich inscrit cette linguistique dans le cadre pragmatique d’une ’linguistique instructionnelle’ […]. Mettant en avant l’importance des représentations sémantiques, R. A. de Beaugrande et W. U. Dressler (1981) définissent le texte comme une ’occurrence communicationnelle’ et la linguistique textuelle comme une pragmatique textuelle. Non exclusivement centrée sur les règles transphrastiques de concaténation, cette linguistique n’est pas seulement micro-structurelle ascendante (des plus petites unités vers les plus grandes), mais, théorie également descendante, elle formule des hypothèses sur les macro-structures textuelles (superstructures, séquences et genres de discours). Discipline auxiliaire de l’analyse du discours, la linguistique textuelle présente un corps de concepts propres […], elle constitue un cadre au sein duquel peuvent être reliés les travaux sur la macro-syntaxe, les anaphores, les connecteurs, les temps verbaux, l’ellipse, les constructions détachées, etc. La segmentation des différentes unités de traitement sémantique (propositions, […] paragraphes, séquences, textes) est inséparable des opérations de liage de ces unités en unités de rang supérieur de complexité.»114 (Charaudeau, P. / Maingueneau, D.: 2002, 345-346) La linguistique textuelle a été considéré, à partir des années 1960115 comme une discipline à part entière dans les pays anglo- et germanophones116. Dans le domaine francophone, sous l’emprise des limites de la phrase ou de la proposition, aucune théorie d’ensemble n’avait été publiée jusqu’en 1990. Comblant cette lacune, le livre portant le titre Éléments de linguistique textuelle: théorie et pratique de l’analyse textuelle de Jean-Michel Adam (Adam, J.-M.: 1990) peut être traité comme une introduction à la textologie en français. Du point de vue de nos analyses, il y a encore deux ouvrages fondamentaux à nommer du professeur de linguistique française à l’Université de Lausanne en Suisse, notamment Linguistique textuelle. Des genres de discours aux textes (Adam, J.-M.: 1999) et La linguistique textuelle. Introduction à l’analyse textuelle des discours (Adam, J.-M. : 2005)117. Adam donne, partiellement pareillement comme Charaudeau et Maingueneau, la définition suivante du texte : « Les textes sont des objets concrets, matériels, empiriques. [...] Chaque texte se présente comme un énoncé complet, mais non isolé, et comme le résultat toujours singulier d’un acte d’énonciation. C’est, par excellence, l’unité de l’interaction humaine. Confrontée à un événement singulier de parole, l’analyse textuelle du discours ne peut pas faire l’économie de l’articulation textuelle (a) et du discursif (b) car ces deux points de vue complémentaires ne sont séparés que pour des raisons méthodologiques. »118 (Adam, J.-M. : 2005, 29) 113 Cf. encore p.ex. Beaugrande, R. / Dressler, W. U.: 1981, 2000; Balázs, G.: 2007, Brinker, K. et al: 2000; Petőfi S. J.: 2004; Szikszainé, N. I.: 1999; Tolcsvai, N. G.: 2001, etc. 114 Mis en gras par l’auteur (JB). 115 En Hongrie, le tournant dit textuel remonte aux années 1970. (Balázs, G.: 2007, 17) 116 Dans les pays germanophones: Textlinguistik. 117 Pour une analyse du livre, cf. le résumé de Lorenzo Devilla: http://alsic.revues.org/index300.html 118 Mis en gras par l’auteur (JB). 83 Comme beacoup de branches de la linguistique, la linguistique textuelle aussi a quelques notions fondamentales. Dans ce domaine, il faut nommer de toute façon la connexion, la cohésion et la cohérence ainsi que le triangle contexte – cotexte – situation. Ce dernier a déjà été traité dans l’introduction, sous l’unité 4., Structure. Reste encore le premier triangle: « La littérature consacrée à la linguistique textuelle et à l’analyse du discours (écrit ou oral) introduit fréquemment une distinction entre cohérence, cohésion et connexité. Les domaines recouverts par ces notions ne sont pas identiques, bien qu’ils concernent de manière globale les faits de cohérence. [...] Si la cohérence est une dimension interprétative du discours, sa cohésion en est la dimension linguistique et sémantique. [...] On appelle connexité les relations linguistiquement marquées entre énoncés. » (Reboul, A. / Moeschler, J. : 1994, 463-465) 5.3. La sémiotique et la sémiotique politico-diplomatique Dans le Cours de linguistique générale (1916) de Ferdinand de Saussure, on lit que l’objet de la sémiologie est l’étude de la vie des signes au sein de la vie sociale. Selon Saussure, la linguistique n’est qu’une branche de la sémiologie 119, mais une branche importante. La sémiotique moderne de Charles Morris (1938) se subdivise en trois domaines : la syntaxe, la sémantique et la pragmatique. D’après cette conception, la syntaxe étudie les rapports entre les signes, la sémantique vise à étudier les rapports entre les signes et les choses et la pragmatique décrit la relation entre les signes et leurs utilisateurs. Autrement dit, la pragmatique définit les lois selon lesquelles la syntaxe et la sémantique arrivent à être communiquées. Les approches sémiotiques anglo-saxonnes modernes (p.ex. Charles Sanders Peirce120) mettent l’accent plutôt sur l’identification des signes, sur la classification et la typologie, alors que l’École de Paris (autour de Algirdas Julien Greimas121 qui est son fondateur, Joseph Courtès qui est le disciple de Greimas et Jacques Fontanille122, etc.) insiste davantage sur les relations entre les signes et le sens ainsi produit. La sémiotique ne se limite pas à l’étude de productions verbales. Le terme langage recouvre certes d’abord les langues naturelles, mais plus largement tous les systèmes de représentation 119 Pour la sémiologie / sémiotique, cf. p.ex. le site internet Signo, le site de théories sémiotiques (de p.ex. Jacques Derrida, Umberto Eco, Jacques Fontanille, Gérard Genette, Algirdas Julien Greimas, Lois Hjelmslev, Roman Jakobson, Julia Kristeva, Charles Sanders Peirce, Tzvetan Todorov, Ludwig Wittgenstein, etc.): http://www.signosemo.com. De ce site, un dictionnaire sémiotique général est également accessible. 120 Les idées de Peirce (1839-1914) ont été introduites en France par Gérard Deledalle (1921-2003), philosophe et sémioticien français , professeur à Perpignan. 121 Pour l’apport de Greimas, cf. (Villar, C.: 2008, 45-47, 101) 122 Cf. son oeuvre Sémiotique du discours (Fontanille, J.: 1998) 84 possibles comme les représentations visuelles, spatiales, les pratiques culturelles et tout ce qui est porteur de sens: les symboles de la République, les logos des partis, les affiches lors des campagnes électorales, les slogans, les drapeaux des pays, etc. appartiennent tous, eux aussi, avec les productions verbales dont les textes / discours au domaine de la sémiotique politicodiplomatique. (Cf. le Corpus et les Annexes). Chapitre 6. Le discours et le texte 6.1. Le discours 6.1.1. Oppositions classiques et traits La grande extension du concept «discours» le rend difficile à appréhender. Le Dictionnaire d’analyse du discours nommé traite assez détaillément des oppositions classiques concernant le discours, comme p. ex. : - discours vs phrase, - discours vs langue, - discours vs texte et - discours vs énoncé. (Charaudeau, P. / Maingueneau, D.: 2002, 185-186) Dans ce dictionnaire, en détails aussi, on trouve les principaux traits caractéristiques du discours qui sont les suivants : Le discours suppose une organisation transphrastique. Le discours est orienté. Le discours est une forme d’action. Le discours est interactif. Le discours est contextualisé. Le discours est pris en charge. Le discours est régi par des normes. Le discours est pris dans un interdiscours. (Charaudeau, P. / Maingueneau, D.: 2002,187-190) Les différentes acceptions du discours diffèrent selon les écoles linguistiques, les linguistes et les méthodes d’analyse du langage. 85 Pour conclure la problématique générale du discours, nous nous référons encore à une linguiste roumaine, Mariana Tutescu qui a donné un très bon résumé sur le concept du discours dans son ouvrage intitulé L’argumentation. Introduction à l’étude du discours, dans l’avant-propos et dans le premier chapitre de la partie II (L’argumentation, noyau dur de la structure et du fonctionnement du discours). Nous en prêtons les idées essentielles: «L’étude du discours est le bouillon de culture des théories et hypothèses modernes sur le fonctionnement du langage. […] Le discours est le concept clé de la linguistique discursive et textuelle, dernière née des sciences du langage. Ce concept entraîne une perspective interdisciplinaire des faits de langue, où logique, sociologie, psychologie, philosophie du langage, théorie de la communication se rejoignent pour se compléter réciproquement. L'analyse du discours implique le dépassement du niveau phrastique et la prise en charge de nombreux facteurs pragmatiques, extralinguistiques et situationnels sans lesquels une étude complète de la signification ne saurait être possible. ’Née d'horizons divers, cette linguistique du discours cherche à aller au-delà des limites que s'est imposée une linguistique de la langue, enfermée dans l'étude du système. Dépassement des limites de la phrase, considérée comme le niveau ultime de l'analyse dans la combinatoire structuraliste; effort pour échapper à la double réduction du langage à la langue, objet idéologiquement neutre, et au code, à fonction purement informative; tentative pour réintroduire le sujet et la situation de communication, exclus en vertu du postulat de l'immanence, cette linguistique du discours est confrontée au problème de l'extralinguistique. ’ […]»123 (Tutescu, M.: 1998 : Argumentation/sommaire.htm) http://ebooks.unibuc.ro/lls/MarianaTutescu- 6.1.2. Les lois du discours – quelques éléments de la psychologie sociale Les discours sont en général régis par différentes lois dont l’étude appartient au domaine de la psychologie sociale124 aussi. Ce sont les principes de coopération, problématique introduite dans les années 1960 ou bien, les maximes conversationnelles125 de l’Américain Grice que dans le domaine francophone on préfè appeler les lois du discours126. Ces lois sont nécessaires pour l’interprétation des énoncés. Elles forment un ensemble de normes que les interlocuteurs doivent respecter dans la communication verbale. Dans ce contexte, Charaudeau voit au fondement de tout parole un «contrat de communication»127 qui implique l’existance de normes, une reconnaissance mutuelle des participants, de leurs rôles et du cadre de leur communication ainsi que l’appartenance de la parole à de multiples genres de discours. (Cf. 6.2.3.) 123 Mis en gras par l’auteur (JB). Cf. encore Nemesi, A. Z.: Benyomáskeltési stratégiák a társalgásban. In: Magyar Nyelv, 1996/4 http://www.c3.hu/~magyarnyelv/00-4/nemesi.htm 125 Grice, P.: Logique et conversation, traduction française in Communications, No 30, 1979. 126 Pour les lois du discours, en détail, cf. p.ex. (Reboul, A. / Moeschler, J.: 1994, 201-224) 127 Charaudeau, P.: Le dialogue dans un modèle de discours. In: Cahiers de linguistique française, No 17, 1995. 124 86 Les principales lois sont - la loi de pertinence (cf. la théorie de pertinence de Dan Sperber et Deirdre Wilson128), - la loi de sincérité, - la loi d’informativité, - la loi d’exhaustivité, - la clarté, - l’économie, - la politesse (cf. la théorie des faces de Brown et Levinson129, inspirés par le sociologue américain Goffman130). (Maingueneau, D. : 2000, 17-26) Dans le domaine de la politique et la diplomatie, ces lois sont souvent violées. 6.1.3. Genres et types du discours Tout texte relève d’une catégorie de discours, d’un genre de discours. Les locuteurs disposent d’une foule de termes pour catégoriser l’immense variété des textes qui sont produits dans une société. La dénomination des genres s’appuie sur des critères hétérogènes. Il existe plusieurs typologies par fonctions du langage, par fonctions sociales, par lieu institutionnel, par le statut des partenaires, par le positionnement idéologique, etc. Concernant les types de discours, sous l’angle du rapport entre le discours et le texte, Tutescu écrit comme suit: «Le discours est événement puisque produit par un certain sujet, dans un lieu et dans un moment et s'adressant toujours à un destinataire précis. Le discours est à envisager comme discours 'en situation'. […] Comme l'événement qui lui fournit la raison d'être, tout discours est marqué par une complexité et une densité textuelles. Le discours actualise, en même temps, plusieurs types textuels. Une modélisation textuelle devrait pouvoir rendre compte du caractère polytypologique des discours. Le mélange des genres est un fait incontestable de toute étude discursivo-textuelle. Nous rappelons que dans notre conception, le discours est l'événement, le processus, l'ensemble des actes qui génère le produit fini, l'au-delà de la phrase, le niveau transphrastique nommé texte. Cette distinction vaut pour des raisons épistémologiques et didactiques. Néanmoins, puisque le texte recèle les traces incontestables de son processus générateur discursif, par convention de langage (lisez de métalangage), on emploie les termes 'discours' et 'texte' d'une manière interchangeable. […]»131 (Tutescu, M.: 1998 : http://ebooks.unibuc.ro/lls/MarianaTutescu-Argumentation/sommaire.htm) 128 (Sperber, D. / Wilson, D. : La pertinence, 1989) «Très grossièrement, la pertinence se définit en termes d’effets à la fin du processus d’interprétation et en termes d’efforts de traitement pendant l’interprétation. Plus un énoncé, interprété par rapport à un contexte, produit d’effets, plus cet énoncé est pertinent; plus un énoncé, interprété par rapport à un contexte, coûte d’efforts de traitement, moins cet énoncé est pertinent. Dans cette optique, la pertinence d’un énoncé est largement une question de rendement.» (Reboul, A. / Moeschler, J.: 1994, 526, 533) 129 (Brown, P. / Levinson, S.: Politeness, 1987) 130 (Goffman, E.: Les rites d’interaction, 1974) 131 Mis en gras par l’auteur (JB). 87 La linguiste roumaine, prenant pour point de départ la typologie de plusieurs chercheurs tout en les synthétisant, distingue 9 types de discours dont le récit, la description, l’explication, l’argumentation, l’injonction, la prédiction, la conversation et le dialogue, le discours figuratif et le texte informatif qui n’existe pas à l’état pur car l’information est jointe à la fois aux types précédents. Ce dernier est un type mixte. (Tutescu, M.: 1998 : http://ebooks.unibuc.ro/lls/MarianaTutescu-Argumentation/sommaire.htm) Dans la Grammaire du sens et de l’expression de Patrick Charaudeau, ce sont trois types dans la typologie précédente qui sont examinés plus profondément : le mode d’organisation descriptif, narratif et argumentatif. (Charaudeau, P. : 1992, 633-832). Du point de vue de la communication politique et diplomatique, tous peuvent obtenir une importance. Maingueneau donne un très bon résumé concernant l’utilité des genres de discours : «Pour un locuteur, le fait de maîtriser des genres de discours est un facteur d’économie cognitive considérable». (Maingueneau, D. : 2000, 49) Brièvement, ils sécurisent la communication verbale. 6.1.4. Le rôle du discours dans le champ de la politique (et de la diplomatie) Il est important aussi d’examiner le rôle du discours dans le champ de la politique132 et de son dérivé, la diplomatie. Pour une image frappante sur cette problématique, citons la dissertation intitulée «Le discours antiterroriste. La gestion du 11 septembre en France» de Julien Fragnon: «Si la consubstantialité entre le langage et la politique a été avancée dès la période antique par Aristote, la nature discursive des faits politiques a été réaffirmée depuis. ’On comprend [que] […] l’action politique peut être définie comme une lutte pour l’appropriation de signes-pouvoirs […]. L’homme politique cherche aussi, insidieusement, à prendre langue. Cela signifie, une fois acquise la légitimation médiatique, légiférer avec et donc sur la langue, imposer son consensus de significations et de valeurs, imposer ses symboles et ses rites discursifs, bref “faire la loi” linguistique’.[…] (Bonnafous et Tournier, 1995, p. 68). Pour une part déterminante, la politique prend la forme d’une mise en mots (Bon, 1985, p. 537) conduisant à faire des pratiques discursives des pratiques sociales analysables en tant que telles. D’ailleurs, les faits observés (les discours) ne sont pas des faits bruts ou dépourvus de toute interaction sociale compte tenu des processus préalables de sélection et de publicisation, ils constituent une activité sociale qui cristallise dans l’énonciation une interprétation de la réalité sociale. Ce qui est important dans le champ politique, ce n’est pas la matérialité ou la réalité d’un fait mais la manière de le raconter, le fait qu’il peut être cru. Michel Foucault avançait ainsi que le contrôle du discours participait de l’exercice du pouvoir.’Le discours, en apparence, a beau être bien peu de chose, les interdits qui le frappent révèlent très tôt, très vite, son lien avec le désir et le pouvoir. […] Le discours n’est pas simplement ce qui traduit les luttes ou les systèmes de domination, mais ce pour quoi, ce par quoi on lutte, le pouvoir dont on cherche à s’emparer’ (Foucault, 1971, p. 12). Pierre Bourdieu avait prolongé ce constat en montrant que les échanges linguistiques sont des lieux de lutte symbolique où s’actualisent des rapports de forces entre locuteurs et groupes respectifs (Bourdieu, 1982). La lutte pour la diffusion d’une représentation du monde social est une action sur ce monde par la modification qu’elle engendre sur les 134 représentations communes des citoyens (Bourdieu, 1981) »133 (Fragnon, J.: 2009, 25-27) 132 Pour quelques catégories d’analyse du discours politique, cf.p.ex. http://revues.semen.org/document1970.html Mis en gras par l’auteur (JB). 134 Pour une image complète de la problématique en question, cf. p.ex. l’article «A quoi sert d’analyser le discours politique?» de Patrick Charaudeau: http://www.patrick-charaudeau.com/A-quoi-sert-d-analyse-le-discours.html 133 88 6.2. Le texte Si dans un passé récent, le terme de discours ne référait qu’à une production orale, de nos jours, celui-ci recouvre non seulement le discours oral mais aussi le texte écrit; c’est-à-dire qu’il s’applique aux énoncés oraux et écrits également. Citons, dans ce qui suit, du dictionnaire nommé, quelques passages importants de l’entrée «Texte». «Opposer texte écrit à discours oral réduit la distinction au support ou média et dissimule le fait qu’un texte est, la plupart du temps, plurisémiotique. […] D’autre part, il est préférable de distinguer texte et discours comme les deux faces complémentaires d’un objet commun pris en charge par la linguistique textuelle – qui privilégie l’organisation du cotexte et la cohésion comme cohérence linguistique, […] et par l’analyse de discours – plus attentive au contexte de l’interaction verbale […].»135 (Charaudeau, P. / Maingueneau, D.: 2002, 570-572)136 Pour conclure, Mariana Tutescu, dans son ouvrage nommé plus haut, attire notre attention aux faits suivants concernant la problématique du discours et du texte137: « Certains linguistes et théoriciens du langage ont la tendance à mettre le signe d'égalité entre discours et texte. La procédure ne va pas sans risques, bien qu'on soit d'accord que tout texte est le produit achevé, clos d'un mécanisme discursif. Tout texte s'appuie sur un discours qui l'autorise, l'inverse n'étant pourtant pas vraie. Nous croyons fermement à l'idée que le texte est le produit du discours, le discours étant alors le mécanisme, le processus de la production du texte. Le texte est achevé, fini, clos, alors que le discours est infini. D'autre part, il est impossible de comprendre un discours si l'on ne prend pas en charge son implicite. L'implicite est donc une caractéristique immanente du discours. Nous rejoignons ainsi l'hypothèse de R. MARTIN (1983)138, selon laquelle la langue est conçue comme un ensemble fini de signes et de règles et le discours comme l'ensemble infini des phrases possibles, les énoncés - seule réalité observable - s'opposeront à la fois, dans la cohérence du texte, à la langue et au discours. […] Pour des raisons de commodité, nous emploierons souvent le terme de 'discours' dans le sens de 'texte'. […]»139 (Tutescu, M.: 1998 : Argumentation/sommaire.htm) http://ebooks.unibuc.ro/lls/MarianaTutescu- 135 Mis en gras par l’auteur (JB). Sur le discours et le texte en hongrois, cf. p.ex. (Crystal, D.: 2003, 154-158), (Kiefer, F.: 2006, 149-174) 137 Cf. encore: Rastier, F.: Discours et texte In: Texto ! juin 2005 [en ligne]. Disponible sur :http://www.revuetexto.net/Reperes/Themes/Rastier_Discours.html 138 Martin, R.: Pour une logique du sens. Paris: PUF, 1983. 139 Mis en gras par l’auteur (JB). 136 89 Chapitre 7. Connaissances nécessaires aux analyses lexico-sémantiques et ou terminologiques 7.1. La lexicologie et ses notions fondamentales – les grandes oppositions (les macrostructures) de la sémantique lexicale et des notions connexes 7.1.1. Objet de la lexicologie et description du lexique / vocabulaire Branche de la linguistique synchronique, la lexicologie140 (grec « lexico+logos ») décrit d’une manière théorique141 le lexique et le vocabulaire d’une langue donnée. Son travail minutieux fournit une aide considérable à ses sciences-soeurs appliquées telles que la lexicographie142 (rédaction des dictionnaires) et la terminologie143 (registre des langues spécialisées). La description du lexique / du vocabulaire de chaque langue se laisse effectuer de différentes façons dont morphologique, sémantique et syntagmatique. 7.1.1.1. Description morphologique Il y a une description sous l’angle morphologique et c’est le cas des mots simples, donc non formés et des mots formés. Dans sa Grammaire du sens et de l’expression, Charaudeau fait la distinction, concernant la construction des formes / du sens (Charaudeau, P.: 1992, 65-97), entre «les procédés de construction des formes» (Charaudeau, P.: 1992, 67-84) et «les procédés de transfert de sens». Les procédés de construction des formes appartiennent soit à la sphère de la morphologie, soit à la lexicologie ou à la syntaxe 144, les procédés de transfert de sens plutôt à la rhétorique et à la stylistique. 140 Pour l’évolution, les caractéristiques et le changement du lexique français en hongrois, cf., entre autres, A francia nyelv lexikona de Bárdosi et Karakai (Bárdosi, V. / Karakai, I.: 1996, 29-33, 35-36, 38-40, 40-43, 118-119, 120-124, 141-145, 185-187, 189-199, 208-209, 226, 228, 264-266, 293, 305, 453-454, 484-502, 527). 141 Pour les principaux problèmes de la lexicologie, les rapports entre la grammaire et le lexique, la lexicologie et les niveaux de langue ainsi que pour une bibliographie d’orientation, cf. p.ex. (Bárdosi, V. / Pálfy, M.: 1988, 13-29) 142 Cf. p.ex. Langages, 5e année, n°19, 1970. La lexicographie et Pálfy, M.: Lexicographie informatisée et sémantique française (Pálfy, M.: 2000) et Oszetzky, É. / Pálfy, M. / Borbás, L.: Szótárszerkesztés, szótárkiadás (Oszetzky, É. / Pálfy, M. / Borbás, L.: 2004), etc. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/issue/lgge_0458-726x_1970_num_5_19 143 Pour les relations entre la lexicologie et la terminologie, cf. p.ex la dissertation de Natalia Mihalovics (Mihalovics, N.: 2006, 15-38). 144 Concernant le statut de la formation des mots, les opinions des chercheurs sont divergeantes: ils ne peuvent pas décider si la formation des mots appartient soit à la morphologie, soit à la lexicologie, soit à la syntaxe ou bien elle forme un domaine à part. 90 Par rapport à la construction des formes, l’auteur nommé a établi le système 145 suivant: I. La dérivation 1. La préfixation 2. La suffixation II. La composition 1. Les mots composés à forme simple 2. Les mots composés à forme composée 3. Les séquences figées (expressions lexicalisées) 146 III. L’abréviation 1. L’ellipse 2. La troncation 3. Les sigles IV. L’emprunt147 La formation des mots est un moyen nécessaire dans la langue. Pour former des mots, on a à la disposition un ou plusieurs éléments de la classe des morphèmes. Le processus de la formation des mots est motivé morpho-syntaxiquement (elle peut faciliter la transformation dans une autre partie du discours) et sémantiquement (elle fait possible la condensation du sens dans un seul mot et ainsi l’économie linguistique). Il est influencé par des analogies structurales (de langue maternelle ou de langue étrangère). Il est également réglé (les possibilités de combinaison / la compatibilité sémantique sont restreintes). (Cf. p.ex. Soignet, M.: 1988) 7.1.1.2. Description sémantique La description sémantique s’intéresse, au niveau paradigmatique, aux champs sémantiques et aux relations sémantiques du lexique / du vocabulaire dont des relations formelles (identité des formes: homonymie, quasi-identité des formes: paronymie) et des relations sémantiques (à l’intérieur du signe: polysémie, entre signes: synonymie, antonymie, hypéronymie et hyponymie). Pour ne pas nous perdre dans l’abondance des lexies, il semble utile de traiter leurs relations sémantiques. Quel que soit le degré de leur similitude ou divergeance, il convient de suivre une logique distinctive en fonction du caractère intentionnel de leur emploi. Concernant les relations sémantiques, Charaudeau parle, dans sa Grammaire du sens et de l’expression, des relations de 145 De ce système manque p.ex. le procédé de la conversion, c.-à-d., le changement des parties du discours sans transformation(s) formelle(s). 146 Ils appartiennent plutôt à la phraséologie. 147 L’emprunt appartient plutôt à l’enrichissement externe du vocabulaire. De nos jours, la première langue prêteuse du français est, comme partout, l’anglais. 91 sens dont l’équivalence (ou la synonymie), l’opposition (ou l’antonymie), l’appartenance (ou l’hyponymie, la cohyponymie et l’hyperonymie) , la relation narrative, la relation logique (à peu près les relations logiques exprimées surtout par les conjonctions) et la relation de combinaison (Charaudeau, P.: 1992, 49-64). Prenant en considération deux unités lexicales, nous les disons synonymes quand «la substitution de l’une à l’autre ne modifie en rien [...] le contenu du message» (Mounin, G.: 2000, 317). Comme la synonymie absolue est rare, nous croisons davantage, tantôt des synonymes partiels tantôt des variantes de style. En revanche, dans le cas où un mot « exprime le sens contraire d’une autre» (Mounin, G.: 2000, 31), ces deux constituent des antonymes: si une gradation est possible nous parlons des scalaires, sinon alors des polaires. Plus connu sous le nom de l’inclusion, l’hyponymie désigne le remplacement d’une notion spécifique (hyponyme, méronyme) par une générique. Ce phénomène en sens inverse où une lexie «superordonnée» (hyperonyme, holonyme) comprend d’autres sera l’hyperonymie. Il arrive de temps en temps qu’une lexie n’ait pas grande chose à voir avec une autre qui apparaît comme (presque) identique à celle-ci. Ici il nous faut énumérer trois possibilités. Deux «formes linguistiques ayant le même signifiant mais des signifiés radicalement différents» (Mounin, G.: 2000, 164) sans aucune parenté «étymologique» (L’Homme, M. C.: 2004, 56) sont dites homonymes: plus exactement homophones si c’est la sonorité qui coincide, et homographes si c’est la graphie. Pas loin, il y a des paronymes qui «ne représent[ent] qu’une ressemblance approximative de son ou d’ortographe» (L’Homme, M. C.: 2004, 249-250) dont des faux-amis imaginés à tort comme dérivés d’un radical commun. Quand «un même signifiant [a] plusieurs signifiés présentant des traits sématiques communs» (Mounin, G.: 2000, 264-265), donc une évolution historique de la notion est démontrable, nous sommes témoins de la polysémie. Dans cette lignée s’inscrivent, d’une manière particulière, le sens figuré148 et l’autonymie. On dit que les mots sont susceptibles de deux sortes de sens, le sens propre et le sens figuré. Le sens figuré est un second qui ne peut se déceler et se comprendre que dans un contexte particulier. Le passage du sens propre au sens figuré s’obtient par divers mécanismes qui donnent lieu à différents types de figures dont des métonymies, des synecdoques, des métaphores, etc. Traditionellement, l’étude du sens figuré appartient au domaine de la rhétorique et de la stylistique. L’autonymie149 est en margue parce qu’elle n’a pas de rélations avec d’autres signes. Il renvoie à lui-même, il est à lui-même son propre référent. Pour ce qui est des procédés de transfert de sens, Charaudeau parle de l’effet (rhétorique) de focalisation, de distanciation, de litote / hyperbole, d’ironie / dénégation et de métaphorisation. (Charaudeau, P.: 1992, 84-97). 148 Pour la problématique du sens littéral et du sens figuré, cf. p.ex. le Dictionnaire encyclopédique de pragmatique d’Anne Reboul et Jacques Moeschler (Reboul, A. / Moeschler, J.: 1994, 399-422) 149 L’autonymie n’est pas à confondre avec la sui-référence ou l’auto-référence qui est une notion de la pragmatique. (Reboul, A. / Moeschler, J.: 1994, 535) 92 7.1.1.3. Description syntagmatique La description au niveau syntagmatique envisage les relations que les mots entretiennent en contexte. Élément minimal de la communication portant un sens tout complet, la phrase dispose d’une certaine autonomie structurale. Ainsi, elle ne s’attache plus à d’autres ensembles que le contexte. Pour atteindre ce but au meilleur possible, il faudra qu’un énoncé quelconque suive l’organisation grammaticale de la langue dans laquelle il est formulé. Les «relations de dépendance» (Chomsky, N.: 1969, 15) lient les mophèmes en syntagmes et ceux-ci s’organisent en phrases dans les discours/ textes. Dans ce contexte aparaissent des notions comme mots grammaticaux et mots lexicaux. 7.1.2. Les grandes oppositions (les macrostructures) de la sémantique lexicale L’essentiel de la lexicologie se laisse résumer, au moins sur la base des idées de Miklós Pálfy (Pálfy, M. : 2000, 30-38) par les oppositions suivantes : grammaire vs lexique, morphème vs lexème, lexème vs mot, lexique vs vocabulaire, champ lexical vs champ sémantique. Voyons maintenant ces oppositions de plus près. 7.1.2.1. Grammaire vs lexique «Les rapports entre la grammaire et le lexique peuvent être caractérisés, grosso modo, par le genre et la répartition des règles : en grammaire, la plupart des règles sont d’ordre structural, voire qualitatif (rapports intérieurs entre les différentes valeurs) – tandis que les régularités qui caractérisent le stock lexical se voient attribuer plutôt des traits [...] quantitatifs, comme par exemple fréquence, productivité et peut-être aussi distribution. [...] Les règles grammaticales et les régularités lexicales montrent une certaine complémentarité, pourvu que l’étude ou la description du stock lexical soit conçue comme un procédé synchronique global impliquant la morphologie lexicale et la sémantique au même niveau, unies en tant que lexicologie du signifiant et du signifié. Sans cela, la lexicologie serait réduite à l’étymologie et à l’étude des différents vocabulaires spéciaux, disciplines historiques et socio-culturelles [...].» (Pálfy, M. : 2000, 30-31) 7.1.2.2. Morphème vs lexème «Deux acceptions différentes sont possibles selon les écoles : a) selon la première, le morphème est une unité de signifiant, que le signifiant soit grammatical ou lexical [...] ; b) selon la seconde, le morphème est une unité groupant le signifiant et le signifié (signe linguistique), mais uniquement dans l’ordre des signes grammaticaux [...]. Les linguistes qui donnent à morphème le sens a) apellent lexème le signifié, grammatical ou lexical. Ceux qui donnent à morphème le sens b) apellent lexème le signe linguistique lexical. [...] La deuxième acception est peut-être plus naturelle, parce qu’elle exprime l’unité du signe linguistique (morphème et lexème étant également des signes), et ceci indépendamment de la terminologie : dans la terminologie de A. MARTINET par exemple, c’est le monème qui est l’unité significative de première articulation ; morphèmes et lexèmes sont également des monèmes [...]. [...] Pour B. POTTIER, par contre, il n’y a que des morphèmes : les morphèmes lexicaux sont les lexèmes et les morhèmes grammaticaux sont les grammèmes.» (Pálfy, M. : 2000, 31-32) 93 7.1.2.3. Lexème vs mot «Bien que les acceptions soient différentes, les exemples montrent que la notion de lexème est plus abstraite que celle de mot. Le mot, c’est la forme réalisée [...], le lexème, c’est l’unité sémantique et conceptuelle simple [...]. De ce point de vue-là, lexème et mot apparaissent donc dans l’opposition de langue et parole. [...] Ajoutons à cela l’opinion de J. PICOCHE : ‘ on est en droit de se demander si l’objet de la lexicologie est le mot ou ce qu’il en reste, une fois dépouillé de ses affixes : le lexème. [...] Afin de faire la distinction entre les unités lexicales simples et les unités lexicales complexes, et pour accentuer l’indépendance sémantique de ces dernières, certaines linguistes proposent la terminologie suivante : synaapsie (BENVENISTE), synthème (MARTINET), unité syntagmatique (GUILBERT), unité phraséologique (DUBOIS), et bien que ce soit un peu différent, lexie (POTTIER). Le plus courant de ces termes est certainement le mot lexie. [...] L’unité de comportement lexical, l’unité fonctionnelle significative du discours, c’est la lexie, dans la terminologie de B. POTTIER. La lexie est opposée au morphème, plus petit signe linguistique (lexème ou grammème, c’est-à-dire morphème lexical ou morphème grammatical), et au mot, unité minimale construit» (Pálfy, M. : 2000, 32-33) 7.1.2.4. Lexique vs vocabulaire Mot et vocable ainsi que lexique et vocabulaire sont souvent employés parallèlement. Toutefois, l’opposition entre eux n’est pas toujours faite. «Le terme vocable désigne l’occurrence d’un lexème dans le discours, dans la terminologie de la statistique lexicale. Le terme de lexème étant réservé aux unités (virtuelles) qui composent le lexique et le terme de mot à n’importe quelle occurrence réalisée en parole, le vocable sera l’actualisation d’un lexème particulier dans le discours. […] Dans la terminologie linguistique, un vocabulaire est une liste exhaustive des occurences figurant dans un corpus.» (Pálfy, M.: 2000, 34-35) 7.1.2.5. Champ sémantique vs champ conceptuel / lexical Le champ lexical est un ensemble de mots qui, dans un texte / discours, permettent de développer un thème, de présenter et de qualifier un être ou une chose, donc, qui se réfèrent à la même réalité. Le champ lexical se compose donc de l’ensemble des termes qui possèdent en commun un même trait de sens, un élément isotope autour duquel les termes nommés forment une chaîne d’isotopie. Ainsi considéré, les réseaux lexicaux se basent sur la synonimie, sur l’isotopie morphologique, sur le même domaine et sur la même notion. Au niveau du texte / discours, la succession de réseaux lexicaux donne des information sur la progression thématique, l’association de réseaux lexicaux renseigne sur la vision personnelle de l’auteur / de l’orateur, l’opposition des réseaux lexicaux crée une tension.150 Le champ lexical n’est pas à confondre avec le champ sémantique correspondant à l’ensemble des significations que peut présenter un mot: la plupart des éléments de la langue sont polysèmes. (Pálfy, M.: 2000, 35-36) 150 Cf. http://www.espacefrancais.com/analyses/reseaux_lexicaux.html#a 94 7.1.3. Les mots-clés La problématique des mots-clés attire l’attion d’un grand nombre de chercheurs dont p.ex. Schank, Abelson, Sperber et Wilson, Wierzbicka, Williams, en Hongrie, Andor, etc. Sur la base des recherches psycho- et neurolinguistiques et des recherches en psychologie cognitive, on sait que les connaissances sont stockées dans la mémoire dans des réseaux cognitifs. Dans des réseaux lexicaux, n’importe quel élément est capable d’activer la totalité du réseau auquel il appartient. En outre, entre ces réseaux, il y a des interconnexions également. Lors la compréhension et l’interprétation des textes / discours, ce sont ces réseaux lexicaux bâtis autour des éléments centraux qui sont activés aussi. Dans des textes / discours, on peut chercher les éléments statistiquement les plus fréquents. Pourtant, beaucoup de chercheurs disent que l’identification des mots-clés doit être appréhendé plutôt du côté du sens. Autrement dit, le statut fonctionnel des mots-clés ne peut être déterminé que par leur rôle d’organisation textuelle (globale). Pour leur identification, on peut recourir aux relations logico-sémantiques, aux champs morphologiques, aux connaissances extra-linguistiques ou encyclopédiques, etc. Ce sont les éléments qui aident à identifier les sujets principaux et les sujets secondaires, ou bien, ce sont les éléments centraux autour desquels gravitent, thématiquement parlant, les discours / textes. (Cf. p.ex. Andor, J.: 2009, 23-28; Kovács, L.: 2011) 7.1.4. L’axiologie et les mots de valeur L’axiologie est la discipline (logos) ayant pour objet l’étude des valeurs (axis). L’axiologie doit être soigneusement distinguée de la morale. On peut dire aussi que la valeur est peut-être la catégorie la plus abstraite, pourtant peut-être la plus intéressante des sciences humaines dont la philosophie, l’éthique, le droit, la politologie, l’économie, etc. On peut dire aussi que la valeur est quelque chose qui est profondément ancrée dans la vie sociale bien complexe, elle la tisse, influence, relativise, modifie, guide, etc. Il est assez difficile à décrire la notion en question par quelques phrases. Pour les appréhender, les scientifiques en plusieurs domaines (dont p.ex. sociologie, psychologie, psychologie sociale, etc.) essaient de les saisir par leur évolution, leurs fonctions et leurs manifestations.151 Il y a aussi des recherches qui visent à identifier et à analyser des valeurs universelles.152 Ce qui est commun, ce que tout le monde reconnaît qu’on a des moyens langagiers aussi pour exprimer ces qualités: ce sont les mots de valeur. 151 152 Cf. p.ex. le site web http://www.axiologie.org/ Cf. p.ex. le site web http://valeurs.universelles.free.fr/valeurs.html 95 De notre point de vue, ce sont plutôt les valeurs politiques qui sont importantes. Selon Béla Pokol et Mihály Bihari, politologues hongrois renommés, les valeurs sont des qualités souhaitées ou non souhaitées, voulues ou refusées ou bien des contenus qu’on considère comme bons, justes et idéaux ou bien au contraire qu’on refuse. Ainsi, on peut parler des valeurs positives et négatives qui se laissent saisir le plus facilement par oppositions. Les chercheurs nommés attirent notre attention que n’importe quoi peut former l’objet d’une valeur et qu’elles sont des qualités subjectives et relatives: ce qui est une valeur pour une société, un groupe, un part, un individu cela n’implique pas que c’est quelque chose d’universel. D’ailleurs, Pokol et Bihari ont inventorié les types et les formes de manifestation des valeurs. Ils ont donc distingué deux grands groupes dont - les valeurs matérielles (objets concrets, les aliments, les bâtiments, notre environnement, etc.) et - les valeurs non matérielles qui se subdivisent en • valeurs normatives (p.ex. les règles juridiques, religieuses, les normes de groupe, etc.), • valeurs intellectuelles (les connaissances scientifiques, les points de vue, les idées et les opinions, les sciences mêmes, etc.), • valeurs esthétiques (beau vs laid, etc.) et • valeurs relatives à la qualité de vie (biens matériels, protection de l’environnement, égalité de chance, tolérance, sécurité, égalité devant la loi, etc.). Les valeurs forment un système et elles sont fortement liées aux subsystèmes de la société, ainsi, on peut faire la différence entre valeurs politiques, morales, religieuses, juridiques, scientifiques, économiques, etc. Ces valeurs s’organisent en hiérarchies. (Bihari, M. / Pokol, B.: 2009, 254-259). Les auteurs nommés ont brièvement résumé les caractéristiques des valeurs aussi: - elles s’expriment en paires de catégorie de valeur (+/-), - elles remplissent plusieurs fonctions: elles sont aptes à influencer les comportements, elles sont des étalons, elles peuvent intégrer et elles sont capables de déterminer la qualité de vie, - elles sont des objectivations sociales et historiques, - elles sont créées et elles se forment dans la vie des tous les jours, - elles ne sont pas des catégories à part car elles sont liées à la société, aux subsystèmes de la société, aux groupes, aux individus, etc. 96 le système de valeur de chaque société est nécessairement très hétérogène. (Bihari, M. / Pokol, B.: 2009, 260-262). Le paire de catégorie de valeur primaire des systèmes politiques est la démocratie vs dictature. (Bihari, M. / Pokol, B.: 2009, 264-266). Les valeurs politiques démocratiques primaires sont les libertés, l’égalité et la défense de la discrimination, la légitimation, l’humanisme et le respect de la dignité humaine, la paix, l’environnement humain naturel. (Bihari, M. / Pokol, B.: 2009, 267-275). Les valeurs politiques démocratiques dérivées sont p.ex. la participation dans la vie politique, la socialisation politique, la séparation des pouvoirs, la tolérance de la diversité, l’engagement envers la communauté, la stabilité politique, l’autonomie, etc. (Bihari, M. / Pokol, B.: 2009, 275-282) 7.2. La lexicométrie 7.2.1. Problèmes terminologiques Premièrement, il faut constater quelques problèmes terminologiques concernant la lexicométrie comme le fait Leblanc dans sa dissertation (Leblanc, J.-M.: 2005, 56-60). D’abord statistique linguistique (Guiraud, P.: 1960) puis statistique lexicale (Muller, C.: 1964, 1967, 1977), et parallèlement analyse statistique des données textuelles - ou linguistiques (Benzécri, J.-P. et Bellier, L.: 1973; Benzécri, J.-P.: 1980; 1982) la lexicométrie est apparue en France et sous ce terme dans les années 1970. Pour autant, quelques nuances sont à noter autour de ces dénominations de nos jours: textométrie, logométrie, analyse de discours assistée par ordinateur, traitement automatisé du discours153. 7.2.2. Notion, logiciels et étapes de travail Deuxièmement, il faut définir le contenu de la notion lexicométrie. Pour cela, citons le Dictionnaire de la linguistique générale de Mounin: la lexico-statistique est le «[d]omaine de la lexicologie dans lequel les procédures de la statistique sont utilisées pour l’étude quantitative du lexique. Ces études vont de simples comptages à des calculs plus élaborés suivant les formules générales de la statistique ou suivant des formules adaptées. La lexico-statistique ou statistique lexicale est utilisée dans la recherche de fréquence pour l’élaboration de vocabulaires fondamentaux, ou en stylistique pour caractériser les styles individuels ou collectifs, apporter des éléments pour apprécier l’évolution d’un auteur, voire contribuer à résoudre des problèmes de datation ou d’attribution d’une 153 La conception des ordinateurs datant des années 40 peut être lié à un Hongrois, János Neumann (1903-1957). Le pionnier du traitement automatique de la langue en Hongrie était, dans les années 60-70, Ferenc Papp. (Pour Papp, cf. Klaudy, K. (réd.): Papp Ferenc olvasókönyv. (Klaudy, K.: 2006). De nos jours, il faut mentionner, entre autres, Gábor Prószéky. Pour le traitement automatique des langues naturelles (TALN) et l’ingénieurie linguistique, une branche de l’IA, de l’intelligence artificielle, cf. encore p.ex. http://www.univ-orleans.fr/lifo/Members/Isabelle.Tellier/poly_info_ling/index.html Dans le TALN, le plus problématique est le niveau du texte / discours. 97 oeuvre; en outre, ces études peuvent déboucher sur des théories générales concernant la structure du langage ou la communication.»154 (Mounin, G.: 2000, 203) Pour les études des données textuelles, on utilise de différents logiciels155 qui sont de différentes approches quantitatives du traitement automatisé du discours (TAD) dont Alceste, Cordial, Hyperbase, Lexico, Leximappe, Prospéro, Spadt, Sphinx Lexica, Textopol, Tropes, Weblex, etc. On peut faire la différence entre logiciels de type lexicométrique, cooccurenceurs, analyseurs sémantiques et des logiciels purement commerciaux, surtout pour des universités. Ces logiciels ont plusieurs étapes de travail dont la conception du corpus, le traitement proprement dit se composant de la segmentation156, du repérage des liens entre les unités segmentés et finalement l’interprétation. (Villar, C.: 2008, 58-59) Donc, la lexicométrie157 propose plusieurs pistes d’étude158 dont la diversité du vocabulaire, la spécialisation, la richesse, la longueur et la structure des phrases, la densité des catégories grammaticales, etc. Retournons, dans ce qui suit, à l’ouvrage nommé de Mayaffre sous 4.3. La communication présidentielle et / ou le discours présidentiel et à l’intermédiarité des discours chiraquiens mentionnée dans l’introduction sous 6. Difficultés. 7.2.3. Intermédiarité des discours chiraquiens Mayaffre constate sur la base de ses recherches lexicométriques par rapport à l’intermédiarité idéologique, thématique, lexicale, grammaticale et rhétorique-stylistique des discours présidentiels de Chirac comme suit 159: «Le discours de Jacques Chirac apparaît comme un discours médian, de composition et de synthèse, aussi bien d’un point de vue lexical que grammatical. C’est ce qui constitue sa force consensuelle et justifie 160 l’attention redoublée que l’on se propose désormais de lui consacrer.» (Mayaffre, D.: 2004, 93) «Le discours de Jacques Chirac n’est pas facile à décrypter. Tant d’un point de vue grammatical que lexical, syntayique que thématique, il est un discours patchwork qui emprunte indifférement à tous ses devanciers et développe peu de caractères propres. L’absence de caractéristiques est ce qui le caractérise 154 Mis en gras par l’auteur (JB). Pour la description de ces logiciels, cf., p.ex. la dissertation de Leblanc (Leblanc, J.-M.: 2005, 61-78). 156 Les plus grands problèmes sont liés à la délimitation qui s’effectue à deux niveaux, syntagmatique et paradigmatique. Au niveau syntagmatique, il est question de définir où commence et où finit le mot. Sur le niveau paradigmatique le but est de définir si deux unités ayant un élément commun constituent deux mots différents ou deux formes d’un même mot. Pour cette problématique, cf. p.ex. (Tuomikoski, K.: 1997, 23-30, 113-118.) 157 La revue électronique Lexicometrica (http://www.cavi.univ-paris3.fr/lexicometrica) s’adresse aux chercheurs, aux étudiants et aux professionnels concernant les travaux théoriques et pratiques dans le domaine de la statistique textuelle aussi. 158 Pour un glossaire de la statistique textuelle, cf. le site http://tal.univparis3.fr/wakka/wakka.php?wiki=glossairef 159 Pour des tableaux, des graphiques et des figures de l’ouvrage nommé en relation avec les discours présidentiels sous la Ve République, cf. les Annexes sur le CD. 160 Mis en gras par l’auteur (JB). 155 98 avant tout. […] Cette absence s’explique de plusieurs manières. D’abord sans aucun doute, elle s’éclaire par le travail des conseillers variés et nombreux qui peaufinent les discours en fonction de leur tempérement et de chaque circonstances. Entre de Gaulle – qui écrivait seul ses discours – et Chirac, l’influence des conseillers en communication a pris une importance de plus en plus grande. Autour de Chirac, les plumitifs, les publicitaires, les mentors ne se compte plus. […] Ensuite le manque de trait saillant se comprend par l’évolution du discours qui mute considérablement jusqu’à brouiller son identité permanente. […] Enfin sans aucun doute, l’absence de caractéristique linguistique s’explique par la personnalité politique de Chirac. Si Chirac s’abandonne à ses conseillers en communication, s’il évolue sans cesse, c’est qu’il apparaît sans conviction profonde avouée. […] En maniant les contraintes, Chirac croit sans doute incarner le juste milieu, et son discours serait ainsi non pas protéiforme et contradictoire mais unitaire et synthétique. Ce qui est sûr c’est que ce discours buvard, touche-à-tout est ressenti – audelà des contradictions – à la fois comme irritant par sa superficialité et apaisant par sa consensualité voire son universalisme. Il apparaît susceptible de ne satisfaire profondément personne, mais est capable, le moment venu, de rassembler tout le monde […].Sans caractère profond donc, le discours [chiraquien] 161 ne se laisse que difficilement appréhender.» (Mayaffre, D.: 2004, 183-184) Les causes de ces phénomènes sont les suivantes: «En fait, Chirac semble influencé par tout le monde et se situe dans un entre-deux ou mieux encore un entre-tous. Cela peut se comprendre. […] On ne saurait trop insister sur le parcours personnel de l’homme qui fut en contact politique direct avec tous ses devanciers; à l’exception de de Gaulle dont il est linguistiquement le plus éloigné. Disciple de Pompidou, rival de Giscard, adversaire de Mitterrand; élève attentif puis imitateur de tous. On ne saurait non plus insister sur le travail de communication de ses 162 plumes et consultants. [ …]» (Mayaffre, D.: 2004, 103) Voyons maintenant les composants de cette intermédiarité. a) Intermédiarité thématique: 163 «La thématique principale du discours de Chirac est celle des discours de ses prédécesseurs […].» (Mayaffre, D.: 2004, 156) b) Intermédiarité idéologique: «Les présidents français prononcent tous des discours stéréotypés, politiquement policés, idéologiquement modérés. […] Le discours présidentiel bannit […] les idéologies, les idéaux, voire les idées. Sans doute n’est-ce pas son rôle de les véhiculer. […] Le discours présidentiel témoigne à sa manière de la mort du politique. En pères de la nation, les présidents s’adressent aux Français en termes courants, en leur cachant les réalités (et les mots) politiques qu’ils ne sauraient voir. […] [Les discours] finissent par être vidés de tout contenu politique pour ne heurter personne. […] Pour cette raison le discours se fait toujours politiquement mezza-voce […]. […] Le discours présidentiel sous la Ve République est un discours sans saveur politique qui s’abîme dans une phraséologie patriotique usée pour peupler son désert idéologique. […] Les mots sont choisis si possible sans dimension politique pour mieux toucher le coeur des Français méfiants devant les promesses électorales et une classe politique réputée corrompue. 164 Le message politique est édulcoré, distillé. Il est seulement suggéré pour miex s’imposer.» (Mayaffre, D.: 2004, 24, 30, 31, 33, 159) 161 Mis en gras par l’auteur (JB). Mis en gras par l’auteur (JB). 163 Mis en gras par l’auteur (JB). 164 Mis en gras par l’auteur (JB). 162 99 c) Intermédiarité lexicale: «Sur un demi siècle, les président français utilisent […] pratiquement les mêmes mots pour constituer le 165 squelette lexicale – solide mais sans originalité – de leurs discours.» (Mayaffre, D.: 2004, 25) d) Intermédiarité grammaticale: «Son discours est un juste dosage grammatical. Il sait manier les noms et les concepts qui siéent aux déclarations solennelles. Il sait user du pronom et des adverbes nécessaires pour les joutes verbales et les interviews.»166 (Mayaffre, D.: 2004, 103) e) Intermédiarité rhétorique-stylistique: «Après la période nominalo-didactique des trois premiers présidents de la Ve République, Mitterrand a poussé très loin, trop loin, la rhétorique polémique faite de pronoms (personnels) et de verbes (énonciatifs). Aussi Chirac fait-il une équitable moyenne, une habile synthèse de ces différentes éloquences.[…]Et sur la durée, le discours de Chirac réussit à être ni trop solennel, ni trop improvisé. Ni 167 impersonnel ni égotique. Ni didactique ni polémique. Parfait?» (Mayaffre, D.: 2004, 103) 7.2.4. Les spécificités chiraquiens Concernant les spécificités chiraquiennes, les résultats de recherche de Mayaffre sont très parlants. Selon les analyses, Chirac a un vocabulaire bien riche. Du point de vue lexical, il sur-utilise les noms action, avenir, chose, démocratie168, dialogue, France, environnement, essai, État, euro, Europe, monde, mondialisation169, moyen, pays, problème, progrès, réforme, respect, sécurité, société, solidarité, travail et union, tous marqueurs des préoccupations majeures. Il aime aussi quelques adjectifs qui caractérisent ces préoccupations dont économique, européen, français, grand, jeune170 et social. D’un point de vue verbal, on remarque un président marqué par l’action autant que par le devoir en tant qu’indicateurs d’un certain volontarisme consensuel, social et écologique dont p. ex. adapter, devoir, donner, faire, maîtriser, mobiliser, permettre, prendre, réformer, renforcer et vouloir. De ce volontarisme témoignent aussi les tournures impersonnelles comme p.ex. il faut (+ infinitif), il n’y a qu’à ( + infinitif). Chez Mayaffre, ils sont caractérisés comme des mots et tournures autosuffisants et virtuels, contre les actes effectifs et qui sont aptes à donner une allure dynamique à un homme qui ne peut l’être. Concernant les temps, les 165 Mis en gras par l’auteur (JB). Mis en gras par l’auteur (JB). 167 Mis en gras par l’auteur (JB). 168 Pour les commentaires, cf. Mayaffre, D.: 2004, 145-159. 169 Pour les commentaires, cf. Mayaffre, D.: 2004, 133-140. 170 Pour les commentaires, cf. Mayaffre, D.: 2004,140-145. 166 100 modes et les personnes, on peut voir une sur-utilisation du présent, de l’indicatif et du pronom nous. Le présent et l’indicatif «ancrent le mieux le discours à la situation d’énonciation du locuteur et développent ainsi la meilleure puissance pragmatique». (Mayaffre, D.: 2004, 115) Ils servent donc au rattachement du discours au moi-ici-maintenant du locuteur. Le nous «donne au discours une tonalité fédératrice»171 (Mayaffre, D.: 2004, 121) et atténue le je égotique. Ses adverbes les plus fréquemment utilisés sont aujourd’hui, bien entendu, cela va de soi, ensemble, naturellement et notamment. C’est peut-être la sur-utilisation des adverbes qui est la plus forte caractéristique des discours chiraquiens. Ils établissent la réflexivité du texte, ils reflètent la subjectivité de l’énonciateur dans son texte par l’intermédiaire de la modélisation: «Au final, ra rhétorique adverbiale de Chirac se traduit par des phrases saturées d’éléments pragmatiques modalisateurs. […] Non seulement la proposition se trouve modalisée dans son ensemble, mais chaque bout de phrase est circonstancié, pour mieux être rattaché au moi-ici-maintenant du locuteur. Le contenu thématique apparaît presque secondaire par rapport aux modalités prédicatives qu’impose Chirac à son énoncé. […] Nous touchons-là à la base rhétorique politique que Jacques Chirac sait systématiser dans ses discours: expliciter le secondaire pour mieux taire, c’est-à-dire imposer, 172 l’essentiel.» Le mot naturellement est devenu quasiment anécdotique. Plus importants sont ses fonctions: d’une part, ce mot peut concilier les contraires, ainsi, il fait possible les sophistiques et les mensonges, deuxièmement, il construit l’éthos sur un président incontournable, troisièmement, il permet affirmer quelque chose sans jamais l’expliciter. Les enchaînement syntaxiques typiquement chiraquiens contiennent des adverbes. Les combinaisons typiques sont de type: - verbe + verbe + adverbe (p.ex. nous devons faire réellement, etc.), - pronom + verbe + adverbe (p.ex. il faut vraiment, on devra sans doute, etc.), - adverbe + adverbe (p.ex. très violemment, beaucoup plus, extrêmement peu, etc.). Un autre chiraquisme est l’enchaînement coordination + coordination, p.ex. et donc, mais donc, et puis, mais néanmoins, etc. Ils sont les preuves que les discours sont de plus en plus oralisés et se rapprochent de la langue parlée et moins soutenue. (Mayaffre, D.: 2004, 25, 50, 110-112, 128-129, 168, 170, 171, 175) 171 172 Mis en gras par l’auteur (JB). Mis en gras par l’auteur (JB). 101 Les éléments précédemment nommés apparaissent avec une grande fréquence, bien sûr, dans notre corpus aussi. Dans l’ouvrage nommé, on peut lire d’autres constatations très importantes par rapport aux spécificités des discours des autres présidents également. Ici, nous devons y renoncer malheureusement. 7.3. La ou les sémantiques et ses notions fondamentales 7.3.1. La ou les sémantiques Faisant partie de la sémiologie173, la sémantique174 «étudie le sens ou le signifié des unités lexicales», ou, selon Lyons, c’est «l’étude du sens», ou, d’après Giraud, c’est l’étude «du sens des mots», ou bien, définie par Lerat, c’est l’étude «du sens des mots, des phrases et des énoncés». On pourrait aussi dire, d’après Jean Perrot que la sémantique est l’aspect cognitif de la linguistique ou bien, l’étude de la façon dont les moyens d’expression d’une langue organisent la saisie du monde. (Perrot, J.: 2010) De ces définitions, la plus large est celle de Lerat qu’on accepte. Au cours des décennies, la sémantique est devenue de plus en plus raffinée. Jusqu’à aujourd’hui, nous comptons trois périodes majeures dans son histoire moderne depuis Bréal: 1.) La première surnommée «évolutionniste» (1883-1931) qui est née du structuralisme apparu après la publication du Cours de linguistique générale (1916), n’était que la simple traduction des principes sur le signe saussurien et des lois dirigeant les changements de signification des mots. À ce courant historique-comparé appartenaient les linguistes Michel Bréal et Antoine Meillet. 2.) La deuxième grande époque était nommée «mixte» (1931- 1963): elle nous présente un mélange de la sémantique lexicale, historique et stucturale. La nouvelle exigence à systématiser le lexique a évidemment impliqué la relève de l’approche diachronique à la synchronique. Les linguistes se sont regroupés en ce temps-là autour de deux courants doctrinaux: d’une part, autour de la théorie des champs sémantiques (Pierre Guiraud, Georges Mounin, John Lyons, Bernard Quemada) et d’autre part, autour de l’analyse sémique (Louis Hjelmslev, Julien Greimas, Jean Dubois, Bernard Pottier). 173 « Science qui traite des systèmes et des ensembles non systématiques de signes servant à la communication » ou « qui étudie la vie des signes au sein de la vie sociale » (Saussure). (Mounin, G.: 2000, 296) 174 Il faut faire la distinction entre la sémantique lexicale et la sémantique grammaticale. (Mihalovics, Á.: 1998, 57) Concernant la sémantique lexicale, Charaudeau, dans sa Grammaire du sens et de l’expression, traite des caractéristiques sémantiques des êtres (des noms), des processus (des verbes) et des propriétés (des adjectifs et des adverbes) (Charaudeau, P.: 1992, 17-48). Sur les différents aspects de la sémantique, cf. p.ex. l’Initiation à la linguistique de Christian Baylon et Paul Fabre (Baylon, C. / Fabre, P.: 2001, 124-146), la Sémantique générale de Bernard Pottier (Pottier, B.: 1992), etc. 102 3.) La troisième période, alors contemporaine s’occupe particulièrement de la sémantique de la phrase, des théories pragmatico-énonciatives du sens ainsi que de la modélisation des langues (1963-): ses figures célèbres sont, entre autres, Lucien Tesnière, Émile Benveniste, Antoine Culioli et François Rastier, disciple de Greimas et de Pottier. De notre point de vue, c’est d’une part, la Sémantique interprétative de François Rastier (Rastier, F.: 1987/1996) qui est important. Sa théorie est présentée détaillément par Carine Duteil-Mougel dans l’Introduction à la sémantique interprétative Le premier chapitre de l’ouvrage accessible sur internet 175 aussi vise à positionner la sémantique textuelle au sein des sciences du langage ; sont introduites les problématiques du sens et du texte. On montre dans ce chapitre comment Rastier propose à la fois un démembrement de la triade sémiotique (à partir des propositions de la linguistique structurale et de la critique radicale de l’ontologie formulée par Saussure) et un remembrement de la tripartition sémiotique (Syntaxe / Sémantique / Pragmatique) au sein d’une sémantique descriptive unifiée.176 Le deuxième chapitre détaille la perspective herméneutique adoptée par Rastier. On s’intéresse dans ce chapitre à la problématique rhétorique/herméneutique, qui prend pour objet les textes dans leur production et leur interprétation ; et qui s’oppose à une problématique du signe de tradition logicogrammaticale. On s’attache également à décrire le programme d’une Poétique généralisée. Enfin, le dernier chapitre rend compte du projet d’une sémiotique des cultures auquel participe la sémantique interprétative. D’autre part, pour nos analyses, nous avons utilisé les connaissances dans le domaine de la sémantique textuelle177 également. Pour finir ce sous-chapitre, citons Catherine Kerbrat-Orecchioni qui a donné un sommaire concernant le statut de la sémantique: « Que n'a-t-on tenté pour éviter, ignorer ou expulser le sens ? On aura beau faire : cette tête de Méduse est toujours là, au centre de la langue, fascinant ceux qui la contemplent » (Benveniste). Le sens fascine aujourd'hui plus que jamais : il n'est pas exagéré de dire que ce qui caractérise principalement les développements de la science linguistique durant la seconde moitié de ce siècle, c'est une sémantisation croissante et spectaculaire des modèles qu'elle propose, et « un retour des origines d'une science (de ce dont elle a dû se séparer pour devenir ce qu'elle est) dans cette science elle-même » (Michel Pêcheux). Après le refoulement, l'expansion tous azimuts : nous voilà bien loin de Harris, déclarant en 1952 que « la linguistique descriptive ne se préoccupe pas du sens des morphèmes ». Le problème de la sémantique n'est plus aujourd'hui un problème de reconnaissance, mais d'identité : une telle diversification des tâches ne pouvait se faire sans mettre en péril l'unité de la sémantique, ni brouiller la ligne de démarcation qui traditionnellement séparait son territoire de celui des disciplines connexes, les contours de la sémantique 175 http://www.revue-texto.net/Reperes/Themes/Duteil/Duteil_Intro.html et http://signosemo.com 176 Cf. Laurendeau, P. : Contre la trichotomie Syntaxe/sémantique/pragmatique (1997) http://paullaurendeaulinguiste.wordpress.com/laurendeau-1997b/ 177 http://www.revue-texto.net/Reperes/Cours/Ballabriga1/index.html et http://www.revue-texto.net/Reperes/Cours/Ballabriga2/index.html 103 étant devenus plus indécis encore avec l'apparition d'un nouvel acteur sur la scène linguistique : la 178 pragmatique». Kerbrat-Orecchioni évoque donc une problématique qui n’est pas résolue: il s’agit de cela si tout est pragmatique (dit p.ex. Récanati) ou tout est sémantique (affirme p.ex. Levinson). Il y avait et il y a aussi des chercheurs qui accentuent leur complémentarité ou intégrité (p.ex. Carnap, Leech). 7.3.2. Les notions fondamentales de la sémantique Même si Michel Bréal, fondateur et dénominateur de cette science a publié son Essai de sémantique (1897) il y a plus d’un siècle, les domaines sont restés difficiles à délimiter jusqu’à nos jours: les théoriciens n’ont pas réussi à s’entedre sur la véritable distinction entre le sens d’une phrase et la signification 179 d’un énoncé. Définissons d’abord les notions de base de cette discipline180. Nous appelons sème «l’unité sémantique minimale résultant de l’analyse des signifiés» (Mounin, G.: 2000, 294). Pottier nous propose dans cette mesure de soumettre chaque signifiant à l’analyse componentielle, donc d’examiner son contenu sémantique (signifiés) pour pouvoir enfin éliminer les sèmes connotatifs de ceux dits dénotatifs (traits distinctifs du générique au spécifique). Par contre, une conception tombée en désuétude s’oppose aux unités grammaticales des sémantèmes (sorte de lexèmes) qui auraient été alors les seuls porteurs du sens. Quant au sémème, il peut parfois être un «équivalent [...] de signifié» (Mounin, G.: 2000, 293-294). 7.3.2.1. Sens et signification La différenciation de ces deux notions – sens et signification – est assez confuse dans la linguistique moderne. Dès que l’on aborde les études sémantiques, on se trouve confronté au problème du co(n)texte. Trois attitudes semblent se dessiner actuellement en linguistique. La première est de considérer que les études du sens d’une unité linguistique doivent être envisagées indépendamment du co(n)texte. Le représentant de ce concept est Bernard Pottier. Pottier, dans ses études sémiques (Pottier, B. : 1992) propose de découvrir le sens par le repérage 178 http://www.universalis.fr/encyclopedie/sémantique Mis en gras par l’auteur (JB). Sur le sens et la signification en hongrois, cf. p.ex. Retorikai lexikon d’Adamik et d’A. Jászó. (Adamik, T. / A. Jászó, A.: 2010, 582-586) 180 Sur la sémantique en hongrois, cf. p.ex. Retorikai lexikon d’Adamik et d’A. Jászó. (Adamik, T. / A. Jászó, A.: 2010, 586-588) ou Jelentéselmélet de Ferenc Kiefer (Kiefer, F.: 2000) 179 104 d’unités ultimes de signification contenues dans le mot : les sèmes. Le contexte est complètement ignoré. De ce fait, le sens apparaît comme un bloc homogène et indépendant. Cette approche est de plus en plus contestée. André Martinet p.ex. propose une analyse critique des idées de Pottier. La seconde position pose que le sens sémantique (« signification ») est premier et que le sens pragmatique (« sens ») est second. En d’autres mots, l’élément linguistique possède une signification première qui se modifie sous l’action du co(n)texte. Le représentant de ce concept est Oswald Ducrot. La troisième position montre qu’il existe des interactions entre la signification et le sens. Le représentant de ce concept est François Rastier qui, depuis plusieurs années, développant une théorie (sous le titre « sémantique interprétative » ou « sémantique textuelle ») place la situation de communication au centre des recherches. L’École de Genève dirigée par Jacques Moeschler développe un point de vue similaire issu de la théorie de la pertinence de Sperber et de Wilson. Les débats sont encore vifs entre les partisants des différentes positions. Concernant le sujet, nous sommes d’accord sur l’essentiel de la position de François Rastier et de Jacques Moeschler Au lieu de se noyer dans les détails, nous proposons donc au lecteur une approche dite «unifiée» de la problématique en question par François Rastier. Mêmes les titres de ces ouvrages (1) De la signification au sens – Pour une sémiotique sans ontologie (1999)181 et (2) De la signification lexicale au sens textuel : éléments pour une approche unifiée (2006)182 suggèrent la réponse sur les problématiques de la signification et du sens. Dans le miroir des citations ci-dessous nous verrons le phénomène beaucoup plus clairement. « Quoi qu’il en soit, la tradition occidentale retient deux façons principales de définir le contenu linguistique : 1. La signification est conçue comme relation entre les plans du signe (signifiant, signifié) ou les corrélats du signe (concept, référent) ... 2. Le sens est défini comme parcours entre les deux plans du texte (contenu et expression), et au sein de chaque plan. [...] Les modèles de la signification sont principalement fondés sur la relation de représentation et sur le palier du signe ; alors que les modèles du senss’appuient sur l’action d’interprétation, au palier du texte. Aussi, les modèles de la représentation ne conviennent sans doute pas au texte : un texte ne (re)présente pas des choses, ni le monde, mais des formations mimétiques, et au-delà, des conventions sociales et des formes de la doxa. Soit : 181 182 http://www.revue-texto.net/Inedits/Rastier/Rastier_Semiotique-ontologie.html http://www.revue-texto.net/Inedits/Rastier/Rastier_Signification-lexicale.html 105 Unité de base Signe Phrase *Énoncé Texte Relation fondamentale représentation représentation interprétation interprétation Discipline logique, grammaire sémantique vériconditionnelle pragmatique rhétorique/herméneutique » (Rastier, F. : 1999) Dans sa deuxième étude (2006), François Rastier présente les quatre principaux types d’approches sémantiques qui se sont développées depuis une quarantaine d’années. Ce sont les suivantes : (1) la sémantique logique (2) la sémantique psychologique (3) la sémantique cognitive et (4) la sémantique linguistique autonome. A la fin de son article, Rastier donne le résumé suivant : « 1. Trois problématiques de la signification, centrées sur le signe, dominent l’histoire des idées linguistiques occidentales : a) La problématique de la référence, de tradition aristotélicienne, définit la signification comme une représentation mentale, précisément un concept. Elle est reprise diversement aujourd’hui par la sémantique vériconditionnelle et la sémantique cognitive. b) La problématique de l’inférence, d’origine rhétorique et de tradition augustinienne, définit la signification comme une action intentionnelle de l’esprit, mettant en relation deux signes ou deux objets. Elle est développée aujourd’hui par pragmatique. c) La problématique de la différence, d’origine sophistique, développée par les synonymistes des Lumières, puis par la sémantique dite structurale, définit la signification comme le résultat d’une catégorisation contrastive. 2. Enfin, la problématique du sens prend pour objet le texte, plutôt que le signe, et définit le sens comme interprétation, passive ou active. Elle s’appuie sur les disciplines du texte. » (Rastier, F. : 2006) Dans la lignée de Rastier s’inscrit Charaudeau (Charaudeau, P. : 2005, 5-8) aussi qui parle de la sémantique de langue et de la sémantique de discours : « Le sens discursif d’un énoncé [...] dépend de la prise en compte de la situation dans laquelle il est produit (l’identité des locuteurs et interlocuteurs et la finalité de l’échange) et d’une interdiscursivité (ensemble de discours) que les sujets ont besoin de mobiliser. S’agissant du signe, on sera amené à distinguer, dans un rapport de complémentarité, un signe linguistique de langue et un signe linguistique de discours : le signe linguistique de langue, d’après une tradition maintenant bien établie, se définit selon une triple dimension : structurelle, car il s’informe et se sémantise de façon systématique au croisement des co-occurences et des oppositions possibles sur les deux axes syntagmatique et paradigmatique ; contextuelle, dans la mesure où il est investi de sens par un contexte linguistique qui doit assurer une certaine isotopie ; référentielle, dans la mesure où tout signe réfère à une réalité du monde dont il construit la signifiance. le signe linguistique de discours se définit selon une double dimension : situationnelle, car il dépend pour son sens de composants de la situation de communication, interdiscursive, car son sens dépend également des discours déjà produits qui constituent des domaines de savoir normés. [...] Si donc la sémantique de discours présuppose l’existence d’une sémantique de langue (la première ne peut exister sans la seconde), il faut accepter que la seule sémantique de langue ne peut prétendre à rendre compte du sens des actes de langage produits en situation de communication réelle : elle a besoin d’être complétée par une sémantique de discours. » 106 7.3.2.2. Dénotation et connotation Les mots possèdent un double pouvoir: un pouvoir de représentation et un pouvoir d'évocation. A ces deux notions de représentation et d'évocation correspondent les notions de dénotation et de connotation. Autrement dit, la dénotation est l’élément stable, non subjectif et analysable hors du discours, de la signification d’une unité lexicale, tandis que la connotation est constituée par ses éléments subjectifs et variables selon les contextes. La dénotation est la première définition que donne le dictionnaire ou une encyclopédie, celle sur laquelle tout locuteur de la langue donnée s’accordera. La dénotation constitue l’ensemble des significations immédiatement compréhensibles d’un mot. La connotation est une idée contenue dans l’emploi d’un mot précis. Sa connotation est un sens particulier, subjectif et déterminé par son contexte qui s’ajoutait à la signification propre de ce mot. (Il ne faut pas confondre les connotations et le sens figuré d’un mot. Les connotations sont reliées à un terme par une association.) En fait, les termes dénotation et connotation ont d’abord été utilisées en logique comme synonymes de compréhension et extension. Depuis La Rhétorique et La Poétique d’Aristote nous savons que chaque texte naît avec un but bien spécifique. En ce sens, les discours politiques et diplomatiques ont comme fonction primordiale de convaincre le public. Définie comme un ensemble de règles et de préceptes relatifs à l’art de bien parler, la rhétorique183 faisait partie dans l’Antiquité et au Moyen-Âge du trivium des sept art libéraux. (Mazzoleni, G.: 2002, 117) Pourtant, parmi ses trois divisions184, l’invention (inventio), la composition (dispositio) et le style (elocutio), c’est la dernière qui a entièrement substitué les domaines recouverts par le terme. Bien disticte de la stylistique littéraire, la stylistique linguistique «étudie les faits d’expression du langage organisé du point de vue de leur contenu affectif». (Mounin, G.: 2000, 309) Selon la définition de Mounin, dans le cas de la connotation, il s’agit de «l’ensemble des valeurs affectives d’un signe, de l’effet non dénotatif qu’il produit sur l’interlocuteur ou le lecteur, de tout ce qu’un terme peut évoquer, suggérer, exciter, impliquer de façon nette ou vague.» (Mounin, G.: 2000, 79). En France, ce sont les recherches du disciple saussurien, Charles Bally sur la langue parlée qui ont fait penser Jules Marouzeau et Marcel Cressot que la stylistique recouvre tous les niveaux de la langue. Dans notre cas, restons au niveau du mot, bien qu’on sache que « les connotations sont partout 183 Cf. p.ex. Duteil-Mougel, C.: Introduction à la rhétorique. http://www.revue-texto.net/Reperes/Themes/Duteil/Duteil_Rhetorique.html 184 Pour le plan de texte du point de vue de l’analyse du discours, cf. le Dictionnaire de l’analyse du discours de Patrick Charaudeau et de Dominique Maingueneau (Charaudeau, P. / Maingueneau, D.: 2002, 433-434). 107 dans le langage». (Kerbrat-Orecchioni, C. : 1977, 199)185. Sur le site de l’Espace France on trouve la classification suivante des connotations : Procédés utilisés Type Fonction Connotations thématiques Développer un thème : amour, mort, temps... de manière implicite. Évoquer implicitement un personnage en suggérant ses origines, son milieu social, sa profession. ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ Suggérer une appréciation : positive, élogieuse ou négative, critique. ◦ ◦ ◦ Faire allusion à d’autres textes, d’autres arts, d’autres cultures. ◦ Connotation de caractérisation Connotation appréciative Connotation culturelle ◦ Réseau lexical, images Sonorités, onomatopés Registre de langue Construction des noms propres Lexique affectif Sonorités (notamment des noms propres) Archaïsmes, termes étrangers, noms de lieu, comparaisons Suffixes : -ette, -asse, -âtre, etc. Réseaux lexicaux : haut/bas, jour/nuit, etc. Certaines figures de style (euphémismes, hyperboles, antiphrases, comparaisons, etc.) Emploi de mots, d’expressions, de noms propres... les évoquant Citations, comparaisons (Source : http://www.espacefrancais.com/analyses/denotation_connotation.html) 7.4. La terminologie La science ou plutôt la pratique de la terminologie186 a comme «objet [...] l’étude et la compilation des termes spécialisés» (Cabré, M. T.: 1998, 21), vu que ces derniers ont «par rapport aux autres unités lexicales d’une langue, [la particulité] d’avoir un sens [...] qui peut être mis en rapport avec un domaine de spécialité» (L’Homme, M. C.: 2004, 33). «Dans l’ensemble, les textes de la langue commune et ceux des langues de spécialité présentent aussi une série de différences qui leur confèrent des caractéristiques propres. En premier lieu, en ce qui concerne le choix des unités lexicales, nous observons que les mots correspondant à la langue commune sont bien plus compréhensibles pour la majorité des locuteurs de la langue que ceux du texte spécialisé, certains mots du texte [spécialisé] étant difficilement compréhensibles pour le profane. Cette constatation nous permet d’établir, […] trois groupes des lexèmes: a) le vocabulaire commun[…]; b) le vocabulaire spécifique de chaque texte […]; 187 c) le vocabulaire nettement spécifique du texte spécialisé […].» (Cabré, M. T.: 1998, 136-137) Bien que le travail terminographique (préparation de thésaurus) remonte même au XVIIIe siècle, les théories classiques de la terminologie n’apparaissent qu’avec l’évolution industrielle et 185 Parmi les linguistes, Louis Hjelmslev et Catherine Kerbrat-Orecchioni, parmi les sémiologues, Roland Barthes et Michel Arrivé ont particulièrement étudié la problématique de la connotation. 186 Sur la terminologie en français, cf. p.ex. Terminologie & terminotique. Outils, modèles, mèthodes de Daniel Gouadec (Goudaec, D.: 1992) ou La terminologie: théorie, méthodes et applications de Maria-Theresa Cabré. (Cabré, M.-T.: 1998) Sur la terminologie en hongrois, cf. p.ex. Hat terminológiai lecke d’Ágota Fóris (Fóris, Á.: 2005). Sur la terminologie en italien, cf. p.ex. Manuale di terminologia. Aspetti teorici, metodologici e applicativi, sous la direction de Marella Magris, Maria Teresa Musacchio, Lorenza Rega et Federica Scarpa (Magris, M. et al.: 2002). Pour la définition de la terminologie du point de vue de l’analyse du discours, cf. le Dictionnaire de l’analyse du discours de Patrick Charaudeau et de Dominique Maingueneau (Charaudeau, P. / Maingueneau, D.: 2002, 567-568). 187 Mis en gras par l’auteur (JB). 108 les changements sociaux survenus aux années 1930. Dans la terminologie moderne, quatre étapes peuvent être circonscrites: 1.) «les origines» (1930-1960) où les écoles de Vienne (Eugen Wüster), de Prague (Lubomir Drozd) et de Moscou (D. S. Lotte) ont fixé les méthodes de travail, 2.) «la structuration» (1960-1975) pendant laquelle ont été établies puis érigées au rang mondial les premières banques de données, 3.) «l’éclatement» (1975-1985) où les nouveaux projets d’aménagement linguistique se sont combinés avec la micro-informatique, et finalement 4.) «les larges horizons» (1985188-) où ont été intronisés des réseaux internationaux tant dans les échanges d’informations que dans la formation de terminologues (Cabré, M. T.: 1998, 22-28, 37-38, L’Homme, M. C.: 2004, 11, Mounin, G.: 2000, 323). Recourant à la segmentation verticale de la langue (littéraire / spécialisée), de même qu’aux dimensions linguistique et communicationnelle des langues de spécialité, Auger nous montre l’interdisciplinarité de la terminologie à travers sa triple approche : linguisticoterminologique, traductionnelle et normalisatrice (L’Homme, M. C.: 2004, 24). Contrairement au lexicographe qui définit une entrée de dictionnaire (sémasiologie), le terminographe cherche le terme concret à partir d’une notion ou d’un concept (onomasiologie). L’Homme parle de «sept travaux» de ce dernier: - la mise en forme d’un corpus (recherche des textes spécialisés), - le repérage des termes, - la collecte de données sur ces termes (contextes, dictionnaires, spécialistes), - l’analyse et - la synthèse des données recueillies, leur - encodage (un dictionnaire spécialisé / une banque de terminologie), - l’organisation (alphabétique / thématique) et - la gestion (correction). (L’Homme, M. C.: 2004, 21, 26, 46-47) 188 Créés à l’occasion du premier sommet des chefs d’État des pays et des gouvernements ayant en commun l’usage du français (Paris, 1985), le Rint (Réseau international de néologie et de terminologie) et le Riofil (Réseau international des observatoires francophones de l’inforoute et du traitement informatique des langues) viennent de s’unir pour créer un nouveau réseau, le Rifal (Réseau international francophone d’aménagement linguistique) dont la mission sera centrée sur le développement, la promotion et l’informatisation du français. La revue semestrielle Terminologies nouvelles (http://www.rint.org) publiée par le Rint est consacrée à l’aménagement terminologique, notamment aux questions touchant la terminologie, la néologie, la phraséologie, la sociolinguistique, etc. En Hongrie, on peut mentionner p.ex. la revue fondée en 2007 Magyar Terminológia de Nyugat-magyarországi Egyetem, Savaria Egyetemi Központ. Rédacteur en chef: Ágota Fóris. Depuis 2005, il existe aussi le MATT – A Magyar Nyelv Terminológiai Tanácsa ou, traduit en français, le Conseil terminologique de la langue hongroise 109 A propos de la communication professionnelle, la question se pose si les langues de spécialité et par conséquent la terminologie existent à un niveau autonome ou pas. Nous sommes d’opinion de Lerat qui dit implicitement que les termes techniques sont profondément ancrés dans la langue, mais ils ont une valeur différente que les mots dits quotidiens (Lerat, P.: 1995, 21-22): « 1/ La langue spécialisée est d’abord une langue en situation d’emploi professionnel (une ’langue en spécialité’, comme dit l’école de Prague). C’est la langue elle-même (comme système autonome) mais au service d’une fonction majeure: la transmission de connaissances. 2/ La technicité de la formulation est variable selon les besoins de la communication. […] 189 3/ Les connaissances spécialisées sont dénommées linguistiquement par des termes […].» En outre, il faut mentionner qu’il n’existe pas de langues de spécialité pures: c’est une évidence que chaque texte de spécialité peut contenir des termes190 appartenant à une ou plusieurs autres langues de spécialité aussi. La plupart des termes sont des substantifs, mais cela n’exclut pas que les glossaires terminologiques contiennent aussi d’autres parties du discours dont adjectif, verbe, adverbe, etc. et même des syntagmes ou expressions ou phrases complètes. Chapitre 8. Connaissances nécessaires aux analyses pragmatiques 8.1. La linguistique énonciative Les linguistiques énonciatives191 ont pour fondement commun une critique de la linguistique de la langue et une volonté d’étudier les faits de parole : la production des énoncés par les locuteurs dans la communication. Parmi les précurseurs de la linguistique dite énonciative, on doit mentionner Charles Bally et Mikhail Bakhtine. Bally a donné une analyse explicite des formes linguistiques du discours rapporté dans le français moderne. Bakhtine n’a pas distingué l’énoncé et son énonciation. Il s’agit pour lui d’une seule et même donnée . Selon la tradition, c’est Émile Benveniste qui est le père de la théorie de l’énonciation et il est donc le fondateur de la linguistique énonciative. Sa définition originelle de l’énonciation est 189 Mis en gras par l’auteur (JB). Pour la définition du terme du point de vue de l’analyse du discours, cf. le Dictionnaire de l’analyse du discours de Patrick Charaudeau et de Dominique Maingueneau (Charaudeau, P. / Maingueneau, D.: 2002, 566). 191 Pour la définition de l’énoncé ,de l’énonciation et du contexte du point de vue de l’analyse du discours, cf. le Dictionnaire de l’analyse du discours de Patrick Charaudeau et de Dominique Maingueneau (Charaudeau, P. / Maingueneau, D.: 2002, 221-223, 228-231). 190 110 devenue canonique : « L’énonciation est cette mise en fonctionnement de la langue par un acte individuel d’utilisation. » (Benveniste, É. : 1974, 80) Antoine Culioli ne s’intéresse pas tellement à la production langagière en elle-même, mais il s’intéresse plutôt à la signification de l’énoncé en tant qu’elle est le résultat des conditions de production. Les deux paramètres de la production et de la reconnaissance sont toujours mentionnés par Culioli dès qu’il s’agit de la situation d’énonciation. (Culioli, A. : 1990) Catherine Kerbrat-Orecchioni distingue l’énonciation « restreinte » et « étendue » : « Selon que la perspective adoptée admet ou non cette restriction du concept, on parlera de linguistique de l’énonciation "restreinte" ou "étendue" : a) Conçue extensivement, la linguistique de l’énonciation a pour but de décrire les relations qui se tissent entre l’énoncé et les différents éléments constitutifs du cadre énonciatif à savoir : – les protagonistes du discours (émetteur et destinataire(s)) ; – la situation de communication ; – circonstances spatio-temporelles ; – conditions générales de la production/réception du message : nature du canal, contexte sociohistorique, contraintes de l’univers du discours, etc. b) Conçue restrictivement, la linguistique de l’énonciation ne s’intéresse qu’à l’un des paramètres du CE : le locuteur-scripteur. » (Kerbrat-Orecchioni, C. : 1990, 34-35) 8.2. La ou les pragmatiques et quelques notions fondamentales de la pragmatique 8.2.1. La ou les pragmatiques La pragmatique prolonge la linguistique de l’énonciation inaugurée par Benveniste. La distinction ne passe plus entre langue et parole, mais entre l’énoncé, entendu comme ce qui est dit, et l’énonciation, l’acte de dire. Cette acte de dire est aussi un acte de présence du locuteur. La pragmatique concerne non pas l’effet de la situation sur la parole, mais celui de la parole sur la situation. La pragmatique est chronologiquement la dernière-née des trois disciplines sémiotiques, et est devenue la science de l’usage linguistique en contexte. De notre point de vue, les constatations 192 de Seleskovitch et de Lederer (Seleskovitch, D. / Lederer, M.: 2002, 233-235) sont très importantes concernant la pragmatique aussi: 192 Pour la définition de la pragmatique, les rapports entre la pragmatique, la linguistique et la cognition, ses enjeux et ses types de théories ainsi que son avenir, cf. le Dictionnaire encyclopédique de pragmatique d’Anne Reboul et Jacques Moeschler, l’ouvrage de référence en pragmatique dans le domaine francophone (Reboul, A. / Moeschler, J.: 1994, 17-42, 493-508). Pour la définition de la pragmatique du point de vue de l’analyse du discours, cf. le Dictionnaire de l’analyse du discours de Patrick Charaudeau et de Dominique Maingueneau (Charaudeau, P. / Maingueneau, D.: 2002, 454-457). Pour les rapports entre la pragmatique et l’analyse du discours, cf. les chapitres 17 et 18 du Dictionnaire encyclopédique de pragmatique d’Anne Reboul et Jacques Moeschler (Reboul, A. / Moeschler, J.: 1994, 447-492). Sur la pragmatique en hongrois, cf. p.ex. Elme, nyelv és társadalom de Searle (Searle, J. R.: 2000), Nyelv – kommunikáció – cselekvés de Csaba Pléh et al. (Pléh, Cs. et al: 2001), Retorikai lexikon de Tamás Adamik et d’Anna A. Jászó (Adamik, T. / A. Jászó, A.: 2010, 958-961), Tetten ért szavak 111 «Le problème du sens ne sera pas résolu par la linguistique […] car il ne se situe pas dans la langue mais dans le discours, c’est-à-dire dans l’interaction entre sujets pensants et agissants. […] Courant de la linguistique moderne, la pragmatique a délaissé l’étude de la langue ’système’ dans son abstraction pour prendre comme objet d’étude la parole et en tirer par le langage des conclusions que l’étude du sémantisme linguistique n’autorisait pas. […] La pragmatique rejoint la théorie de l’interprétation qui affirme depuis longtemps (Seleskovitch, 1968) l’existence d’une double source du sens de la parole: le sémantisme de la langue et les connaissances extra-linguistiques se conjuguant pour produire des sens. […] L’interprétation […] a pu démontrer bien avant les constats de la pragmatique que le sens naissait du sémantisme des paroles, du bagage cognitif de tout un chacun et aussi des myriades d’éléments cognitifs que produit la perception de la situation: ce que nous appelons le contexte cognitif.»193 Venant du grec «pragma» ‘acte, action’, la notion de la pragmatique a trois acceptions194: 1.) Depuis Charles Morris195 (1938) elle désigne le domaine de la linguistique qui «s’intéresse aux relations des signes avec leurs utilisateurs, à leur emploi et à leurs effets» (Mihalovics, Á.: 2006, 51) ou, comme le définissent Jacques Moeschler et Anne Reboul, c’est «l’étude de l’usage du langage, par opposition à l’étude du système linguistique». (Charaudeau, P. / Maingueneau, D.: 2002, 455) 2.) Certains linguistes considèrent la pragmatique dans une perspective cognitiviste donc comme un courant d’étude du discours qui se fonde sur l’idée des maximes conversationnels (Herbert Paul Grice, 1979) et la théorie de la pertinence (Dan Sperber et Deirdre Wilson, 1989). 3.) Dans l’approche la moins spécifiée, la pragmatique196 est imaginée comme une certaine conception du langage pour «caractériser un ensemble très diversifié de travaux (sur les interjections, les connecteurs, la détermination nominale, les proverbes, les rites de politesse, les interactions conversationnelles, etc.». (Charaudeau, P. / Maingueneau, D.: 2002, 456) En ce sens, toutes les sciences humaines sont empreintes de pragmatique. Autrement dit, on trouve des considérations pragmatiques chez deux types de penseurs de la deuxième moitié du XXe sciècle : 1.) au premier groupe appartiennent les logiciens philosophes comme Russel, Carnap, Wittgenstein, Bar-Hillel, etc. Ils abordent la dimension pragmatique, c’est-à-dire la prise en compte des locuteurs (je-tu) et du contexte ; d’Austin (Austin, J. L.:1990), Tetté vált szavak. A beszédaktusok elmélete és gyakorlata de Katalin Szili (Szili, K.: 2004), etc. 193 Mis en gras par l’auteur (JB). 194 Pour la généalogie de la pragmatique, cf. La pragmatique d’Armengaud (Armengaud, F.: 1985, 120-121). Pour des considérations pragmatiques chez les penseurs, les définitions, l’apparition du point de vue pragmatique, les concepts les plus importants de la pragmatique, les questions philosophiques abordées par la discipline nommée, des interprétations, des génèses, des domaines et des controverses internes multiples, cf. La pragmatique d’Armengaud (Armengaud, F.: 1985, 3-13) et La pragmatique de Blanchet (Blanchet, P.: 1995, 9-27) 195 Cf. Morris, Ch.: A jelentéselmélet megalapozása. In: Kárpáti, E.: 2004, 156-194. 196 Pour les principaux domaines des recherches pragmatiques, cf. Mihalovics, Á.: 2006, 55 et Pléh, Cs et al: 2001. Pour les techniques des sophistiques chiraquiennes / des mensonges, le dit et le caché de Chirac, cf. (Mayaffre, D.: 2004, 177-182); (Michaud, Y.: 2004, 253-308, 309-311, 313-314, 318-319. ) 112 2.) au deuxième groupe appartiennent ceux qui s’intéressent aux effets du discours sur les locuteurs-auditeurs : sociologues, psychothérapeutes, spécialistes de la rhétorique, praticiens de la communication, linguistes de l’analyse du discours comme Ducrot, Sperber, Wilson, Labov, Kerbrat-Orecchioni, Parret, Charaudeau, Maingueneau, Reboul et Moeschler, etc. « La pragmatique qui s’est développée sur le continent, et notamment en France, à la suite des travaux d’Austin et de Searle, a été surtout le fait de linguistes. C’est une pragmatique qui se veut intégrée à la linguistique, à savoir une discipline qui, loin de compléter la linguistique, en est une partie intégrante. » (Reboul, A. / Moeschler, J : 1994, 43) Hansson (1974) distingue trois niveaux dans la pragmatique. 1.) Il appelle pragmatique du premier degré l’étude des indexicaux, comme les pronoms personnels je, tu, les démonstratifs ici, maintenant, etc., expressions dont le sens varie avec les circonstances de leur usage, c’est-à-dire avec le contexte-situation. 2.) Hansson donne le nom de pragmatique du deuxième degré à « l’étude de la manière dont la proposition exprimée est reliée à la phrase prononcée, là, où, dans les cas intéressants, la proposition exprimée doit être distinguée de la signification littérale de la phrase. » (Hanson, B. : 1974, 167) 3.) Hansson donne enfin le nom de pragmatique du troisième degré à la théorie des actes de langage. Cette théorie fondée par Austin a reçu un traitement systématique chez Searle (1972), puis chez Récanati (1981) et Vanderveken (1988). Les concepts les plus importants de la pragmatique sont : 1.) Le concept d’acte : on s’avise que le langage ne sert pas seulement, ni d’abord, ni surtout, à représenter le monde, mais qu’il sert à accomplir des actions. 2.) Le concept de contexte : on entend par là la situation concrète où des pronoms sont émis, ou proférés, le lieu, le temps, l’identité des locuteurs, etc., tout ce que l’on a besoin de savoir pour comprendre et évaluer ce qui est dit. 3.) Le concept de performance : on entend par performance, conformément au sens original du mot, l’accomplissement de l’acte en contexte, soit que s’y actualise la compétence des locuteurs, c’est-à-dire leur savoir et leur maîtrise des règles, soit qu’il faille intégrer l’exercice linguistique à une notion plus compréhensive telle que la compétence communicative. (Armengaud, F. : 1999, 6-7) 113 Les sujets fondamentaux de la pragmatique linguistique sont les suivants : les actes de langage, les déictiques, les présuppositions et les implications, les lois du discours, les maximes conversationnelles, les interactions verbales, l’argumentation et la politesse. 8.2.2. Quelques notions fondamentales de la pragmatique 8.2.2.1. Les actes de langage et la classification des actes de langage 8.2.2.1.1. Les actes de langage «Quand dire, c’est faire [?] » (J.L. Austin) Même si c’est déjà Ferdinand de Saussure qui, dans son Cours de linguistique générale (1916) a nettement partagé le langage en deux parties, la langue et la parole, les linguistes ne commencent à faire attention à cette dernière qu’à partir des années 1960 – date dite de la «tournure pragmatique». La publication en 1962 des douze conférences prononcées par le philosophe anglais John L. Austin à l’Université Harvard (1955), sous le titre How to do Things with Words (Quand dire c’est faire) a lancé un nouveau projet en linguistique, notamment l’étude de la pragmatique197 non plus comme une «poubelle» (Bar-Hillel) mais comme une vraie science autonome. Austin a distingué des énoncés qui décrivent tout simplement la réalité de ceux qui font «quelque chose du seul fait de [les] dire». (Berrendonner, A.: 1981, 75-138) Les performatifs, comme il a baptisé ces derniers, sont devenus plus connus sous le nom d’actes de langage198. A condition que le verbe de ceux-ci est au temps présent et à la première personne du singulier, il a parlé des performatifs explicites ou des phrases désignant «explicitement l’acte qu’elles servent à accomplir» (Bracops, M.: 2006, 38) et ceux implicites (ou primaires) qui révèlent une réalité commune des interlocuteurs sans remplir ce critère. Si nous divisions les énoncés en des actes locutoires (actes de dire quelque chose à quelqu’un), illocutoires (actes effectués en disant quelque chose, p. ex. demander à quelqu’un de faire quelque chose) et perlocutoires (actes effectués par le fait de dire quelque chose, p. ex. la persuation de quelqu’un), les performatifs implicits disposeraient donc de la force illocutoire ou illocutionnaire. Peu après, le disciple austinien, John Rogers Searle s’est consacré à la systématisation de la pragmatique. Ainsi, dans ses ouvrages intitulés Speech Acts (1969, Les 197 Pour l’étude de la pragmatique en Hongrie, cf. Mihalovics, Á.: 2006, 55-56. Pour la théorie des actes de langage dans tous ses détails, cf. le Dictionnaire encyclopédique de pragmatique d’Anne Reboul et Jacques Moeschler (Reboul, A. / Moeschler, J.: 1994, 43-78). Pour la définition de l’acte de langage du point de vue de l’analyse du discours, cf. le Dictionnaire de l’analyse du discours de Patrick Charaudeau et de Dominique Maingueneau (Charaudeau, P. / Maingueneau, D.: 2002,16-19). 198 114 actes de langage) et Expression and Meaning (1979, Sens et expression), il circonscrit les limites de l’illocution. Il a appellé actes illocutoires ceux «qui correspondent aux différentes actions que l’on peut réaliser par des moyens langagiers: (p. ex. promettre)», forces ou valeurs illocutoires les «composants d’un énoncé qui lui permettent de fonctionner comme un acte particulier, en se combinant avec le contenu propositionnel propre à cet énoncé» et verbes illocutoires des «unités lexicales qui permettent dans une langue donnée de désigner les différentes actes». (Charaudeau, P. / Maingueneau, D.: 2002, 17) Searle a affirmé qu’étant donné que nous ne parlons jamais sans la volonté d’informer, d’avertir, de demander ou de menacer notre interlocuteur, tout énoncé (même celui qui ne comprend pas de verbe performatif) équivaut pratiquement à un acte de langage. Dans l’intensification de l’étude de ces derniers il faut retenir à côté d’Austin et de Searle aussi François Récanati (Les énoncés performatifs, 1981) et Daniel Vanderveken (Les actes de discours, 1988). Ces quatre linguistes ont reparti les actes illocutoires en cinq grands groupes sans oublier qu’un acte illocutoire peut être formulé tant de façon directe que d’une manière indirecte. 8.2.2.1.2. La classification des actes de langage Les assertifs Cette première catégorie des actes illocutoires existe chez Austin (verdictives), Searle (assertifs) et Vanderveken (but assertif), en revanche, elle manque encore chez Récanati. Les verbes les plus typiques de ce groupe sont les suivants : acquitter, condamner, prononcer, décréter, classer, évaluer, etc. Les directifs Les actes exercitifs (Austin), directifs 199 (Searle) ou prescriptifs (Récanati) agissent sur le pouvoir, les droits ou influencent une action. Une de ses sous-catégories sera, selon Searle, l’interrogation. Des verbes tels que désigner, ordonner, condamner, pardonner, nommer, démissionner, vouloir 200, etc. sont tous preuves d’un acte directif. 199 Pour un tableau synoptique des contenus illocutoires directifs, cf. p.ex. (Mihalovics, Á. 1998, 157), (Mihalovics, Á.: 2006, 73, 84). 200 Dans sa monographie intitulée «Az akarat (volitio) nyelvi kifejezése az interperszonális kapcsolatokban (szintaxis - szemantika - pragmatika) », Mihalovics (Mihalovics, Á.: 1998) donne un aperçu bien détaillé concernant la problématique de la volonté. Dans l’introduction, il traite de ce phénomène sous l’angle de la philosophie (pp. 13-21), la théologie (pp. 15, 21-23) et la psychologie (pp. 24-34). Quant à la philosophie de la volonté, on y peut faire la connaissance des idées de Platon, d’Aristote, de Cicéron, d’Augustin, de Saint Thomas d’Aquin, de Johannes Duns Scotus, de Rabelais, de Descartes, de Vanini, de Spinoza, de Leibniz, de Voltaire, de Hume, de Rousseau, de Kant, de Fichte, de Schelling, de Schopenhauer, de Kirkegaard, de Nietzsche, de Sartre, de Wittgenstein, d’Engels et même de Lénin. Par rapport à la théologie, l’auteur s’y réfère à la question de la prédestination chez Luther et Calvin, à l’Ancien et le Nouveau Testament de la Bible et à l’Islam, mais sans s’ossuper du sujet en questions dans d’autres grandes religions du monde. Relativement à la psychologie, ce sont, 115 Les promissifs Dans les discours politiques, nous touverons beaucoup d’actes de ce type-là201, car avec les verbes comme promettre, s’engager, renoncer, garantir, jurer, les politiciens essaient de convaincre leur public. (Sachons qu’il s’agisse des promesses politiques qui ne se réalisent que rarement.) Les expressifs Les actes de langage expressifs (Searle), appelés aussi behabitives (Austin) ou non-représentatifs (Récanati) expriment le comportement mental du locuteur par rapport à une action accomplie par le locutaire. Ils sont caractérisés par les verbes comme s’excuser, remercier, déplorer, critiquer, saluer, etc. Les déclaratifs Expositives (Austin) ou déclaratifs (Searle, Récanati, Vanderveken), cette sorte d’actes de langage sert à donner un avis ou une opinion sur les faits du monde ou sur un événement relatif au public. Des verbes comme affirmer, nier, remarquer, déclarer nous démontrent bien ce but. Comme chaque typologie, la précédente aussi peut être mise en critique, complétée et modifiée – rien n’est pour l’éternité.202 Dans ce qui suit, dans un tableau, nous essayerons de comparer les taxinomies des actes illocutionnaires d’Austin, de Searle, de Récanati et de Vanderveken : entre autres, les approches et les travaux de Bacon, de Lewin, de Piaget, de Rubinstein et de Kardos qui sont évoqués. La deuxième grande partie de la monographie nommée – qui, d’ailleurs, nous a servi aussi comme une source d’inspiration pour nos propres recherches – est divisée en trois sous-ensembles correspondant aux idées de Morris (Morris, Ch: 1938 / 1974) relatives à la sémiotique, chacun s’approchant du domaine vaste de la volonté (volitio) sous un aspect différent dont la syntaxe (pp. 35-52), la sémantique (pp. 53-102) et la pragmatique (pp. 103160). Ces trois unités sont suivies par des excours dans la psycho- et la sociolinguistique (pp. 161-164), des exemples extraits des corpus hongrois, français, russes et italiens (pp. 165-192) et des notices (pp. 193-206). A la fin de l’ouvrage, chaque lecteur peut trouver une bibliographie forte d’une trentaine de pages (pp. 207-239) qui aide à s’orienter et à s’approfondir dans les détails. 201 Pour un tableau synoptique des contenus illocutoires promissifs, cf. p.ex. (Mihalovics, Á.: 2006, 74) 202 Cf. p.ex. Zeno Vendler: Les performatifs en perspective In: Langages, 5e année, n°17, 1970. L'énonciation. p. 73-90 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726x_1970_num_5_17_2577 116 1. Austin (1962) Searle (1969) Récanati (1981) Vanderveken (1988) Verdictifs Assertifs 0 But assertif (Verbes : affirmer, nier, déclarer, penser, assurer, certifier, attester, critiquer, avouer, etc.) 2. Exercitifs Directifs Prescriptifs But directif (Verbes : demander, prier, presser, solliciter, inviter, supplier, suggérer, conseiller, recommander, exiger, ordonner, commander, prescrire, permettre, défendre, interdire, etc.) 3. Commissifs Commissifs Promissifs But engageant (Verbes : promettre, s’engager, certifier, garantir, contracter, faire vœu de, jurer, parier, etc.) 4. Comportatifs Expressifs [Non représentatifs] But expressif (Verbes : remercier, s’excuser, féliciter, complimenter, condoloir, se lamenter, louer, saluer, etc.) 5. Expositifs Déclaratifs Déclaratifs But déclaratif (Verbes : déclarer, démissionner, approuver, confirmer, annuler, nommer, postuler, remarquer, nier, etc.) (Mihalovics, Á. : 1998, 126) Remarques au tableau ci-dessus : 1. Concernant la dénomination des actes de langage, on peut constater certaines différences. La coïncidence est presque totale chez Searle et Vanderveken. 2. Récanati ne distingue que trois types : prescriptif, promissif et déclaratif. 3. A chaque type appartiennent entre 20 et 50 verbes. (cf. Vanderveken, D. : 1988, 165-203) 8.2.2.1.3. Les actes de langage indirects Dans le cas des actes indirects, on dit que c’est la politesse à cause de laquelle on formule les phrases moins frontalement: « La motivation principale – sinon la seule – qui conduit à employer ces formes indirectes est la politesse ». (Searle, :1982, 90) En plus, le sens littéral et le sens intentionnel ou le dit et le vouloir-dire entrent ici aussi en jeu. On peut dire que les actes de langage indirects expriment l’intention implicite du locuteur : « Dans un acte de langage indirect, le locuteur réalise un acte illocutionnaire primaire par l’intermédiaire d’un acte illocutionnaire secondaire, et a l’intention que son intention illocutionnaire (réaliser l’acte primaire) soit reconnue par son auditeur. L’exemple classique est donnée par (1) et analysé en (2) : (1) Pouvez-vous me passer le sel ? (2) Acte illocutionnaire primaire DEMANDE Acte illocutionnaire secondaire QUESTION. En d’autres termes, la demande (à l’interlocuteur de passer le sel) est réalisé par l’intermédiaire d’une question (portant sur la capacité de l’interlocuteur à passer le sel. » (Reboul, A. / Moeschler, J. : 1994, 209) Concernant le sujet, Catherine Kerbrat-Orecchioni fait l’avertissement suivant : « Un même énoncé peut être chargé de plusieurs valeurs illocutoires, relevant de catégories ou sous-catégories taxémiques différentes : question valant une requête ou un reproche ("tu n’as pas fait la vaisselle ?"), 117 assertion valant pour une question, suggestion valant pour un ordre, aveu d’incompréhension valant pour une critique, le problème étant alors celui de la hiérarchie des valeurs en question (en tout état de cause on le voit, l’identification de la valeur taxémique d’un énoncé présuppose une analyse correcte de ses différents niveaux illocutoires). » (Kerbrat-Orecchioni, C. : 1992, 96) 8.2.2.2. La déixis et la déixis personnelle 8.2.2.2.1. La déixis La déixis est une notion linguistique provenant du mot grec ‘deiktikos’ qui signifie ‘action de montrer’. « Tout énoncé se réalise dans une situation que définissent des coordonnées spatio-temporelles : le sujet réfère son énoncé au moment de l’énonciation, aux participants à la communication et au lieu où produit l’énoncé. Les références à cette situation forment la deixis, et les éléments linguistiques qui concourent à "situer" l’énoncé (à l’embrayer sur la situation) sont des déictiques. [...] On appelle déictique tout élément linguistique qui, dans un énoncé, fait référence à la situation dans laquelle cet énoncé est produit ; au moment de l’énoncé (temps et aspect du verbe) ; au sujet parlant (modalisation) et aux participants à la communication. Ainsi, les démonstratifs, les adverbes de lieu et de temps, les pronoms personnels, les articles ... sont des déictiques. » (Dubois, J. et al. : 2007, 132) Les déictiques sont appelés encore « embrayeurs », « indices » ou « symboles lexicaux »203. Il faut quand-même remarquer que ces trois termes ne se recouvrent pas totalement. Pour démontrer la complexité du phénomène en question, prenons quelques fragments (brefs) des ouvrages fondamentaux. Émile Benveniste, père de la linguistique énonciative a consacré , dans son ouvrage, plusieurs chapitres à ce sujet. Prenons maintenant une de ses constatations vraiment essentielles : « L’essentiel est donc la relation entre l’indicateur (de personne, de temps, de lieu, d’objet montré, etc.) et la présente instance de discours. Car, dès qu’on ne vise plus, par l’expression même, cette relation de l’indicateur à l’instance unique qui le manifeste, la langue recourt à une série de termes distincts qui correspondent un à un aux premiers et qui se réfèrent, non plus à l’instance de discours, mais aux objets "réels", aux temps et lieux "historiques". » (Benveniste, É. : 1966, 253-254) Catherine Kerbrat-Orecchioni offre la définition suivante : « Nous proposons donc des déictiques la définition suivante : ce sont les unités linguistiques dont le fonctionnement sémantico-référentiel (...) implique une prise en considération de certains des éléments constitutifs de la situation de communication, à savoir – le rôle que tiennent dans le procès d’énonciation les actants de l’énoncé, – la situation spatio-temporelle du locuteur, et éventuellement de l’allocutaire. » (Kerbrat-Orecchioni, C. : 1980, 36) 203 En anglais: shifter. 118 John Lyons donne une définition bien succincte mais profonde et instructive : « Par deixis il faut entendre la localisation et l’identification des personnes, objets, processus, événements et activités dont on parle et auxquels on fait référence par rapport au contexte spatio-temporel créé et maintenu par l’acte d’énonciation et la participation en règle générale d’un locuteur unique et d’au moins un interlocuteur. » (Lyons, J. : 1990 : 261) Pour un peu plus concrétiser des choses, abordons la sphère des indices de lieu et de temps ainsi que certains temps verbaux. L’acte d’énonciation se situe à un moment et dans un lieu repérables dans le texte, grâce aux indices temporels et spatiaux qui sont – comme c’était déjà dit – des marques d’énonciation. Les repères spatiaux situent un lieu par rapport à la position du locuteur dans l’espace. Les repères temporels définissent un moment par référence à celui où l’on parle. Concernant les temps verbaux (absolus), le présent proprement dit signifie l’événement coïncidant avec l’énonciation, le passé composé et l’imparfait renvoient à un événement antérieur au moment de l’énonciation tandis que le futur renvoie à un événement postérieur au moment de l’énonciation. Les autres temps situent les événements les uns par rapport aux autres et non par rapport au moment de l’énonciation. Ainsi, ils sont des temps relatifs. (Cf. p.ex. Kelemen, J. et al : 2001 et Charaudeau, P. : 1992) Nous considérons comme primordiale la remarque suivante des auteurs du Dictionnaire de l’analyse du discours: « Les linguistes oscillent entre trois conceptions de la déixis : (1) la déixis comme rapportant les objets et événements du monde à la place qu’occupe le locuteur dans l’espace et dans le temps, comme donnant un repère à une référence déjà constituée ; (2) la déixis comme type de construction référentielle qui ne sépare pas modalité et acte de référence ; (3) la déixis comme facteur de cohésion textuelle (thématisation, focalisation) permettant d’introduire dans le discours de nouveaux objets ». (Charaudeau, P. / Maingueneau, D. : 2002, 160) Il faut noter encore que certains linguistes parlent de « déixis textuelle », de « déixis mémorielle » et de « déixis émotive ou emphatique ». 8.2.2.2.1. La déixis personnelle «C’est dans et par le langage que l’homme se constitue comme sujet ; parce que le langage seul fonde en réalité, dans sa réalité qui est celle de l’être, le concept d’ego.» (É. Benveniste, 1966) On appelle donc « déictiques » ou « embrayeurs » les mots qui n’ont de sens que dans une situation d’énonciation. Ce sont des mots qui permettent d’apporter des précisions sur la situation d’énonciation. Ils nous apprennent qui parle ou qui écrit. A cette catégorie appartiennent les pronoms personnels de la première personne du singulieur et du pluriel je, nous, me, etc. et les déterminants ou pronoms possessifs mon, notre, nos, les nôtres, etc. qui 119 renvoient au locuteur. Les pronoms personnels de la deuxième personne du singulier et du pluriel tu, vous, etc. et les déterminants ou pronoms possessifs ton, vos, les vôtres, etc. montrent la ou les personne(s) à qui l’énoncé est destiné, donc ils font référence à un ou plusieurs allocutaires. Dans son ouvrage Problèmes de linguistique générale I (1966), Émile Benveniste consacre deux grands chapitres (XVIII Structure des relations de personne dans le verbe et XX La nature des pronoms) à la problématique des embrayeurs personnels. Il écrit comme suit: « Il y a donc lieu de constater une opposition de "personne je" à "personne non-je". Sur quelle base s’établit-elle ? Au couple je/tu appartient en propre une corrélation spéciale, que nous appellerons, faute de mieux, corrélation de subjectivité. Ce qui différencie "je" de "tu", c’est d’abord le fait d’être, dans le cas de "je" intérieur à l’énoncé et extérieur à "tu", [...]. » (Benveniste, É. :1966, 232) « Le "nous" annexe au "je" une globalité indistincte d’autres personnes. Dans le passage du "tu" à "vous", qu’il s’agisse du "vous" collectif ou du "vous" de politesse, on reconnaît une généralisation de "tu", soit métaphorique, soit réelle [...]. » (Benveniste, É. : 1966, 235) « Quelle est donc la "réalité", à laquelle se réfère je ou tu ? Uniquement une "réalité de discours", qui est chose très singulière. Je ne peut être défini qu’en termes de "locution", non en termes d’objets, comme l’est un signe nominal. Je signifie "la personne qui énonce la présente instance de discours contenant je". Instance unique par définition, et valable seulement dans son unicité. » (Benveniste, É. : 1966, 252) Patrick Charaudeau aussi s’occupe de la problématique de « La personne et les pronoms personnels » dans sa Grammaire du sens et de l’expression. (1992 : 119-162) Il distingue « les personnes de l’interlocution » (je, me, moi, nous représentant le locuteur et tu, te, vous représentant l’allocutaire ou l’interlocuteur) et « les personnes de la délocution » (il, elle, ils, elles, le, la, les, lui, leur, eux, elles, se, soi, on). D’après Charaudeau voyons les particularités sémantiques des ‘je’ et ‘nous’ : « • je - désigne explicitement un locuteur unique. Il est porteur de sa propre identification. [...] • nous - désigne explicitement un locuteur multiple aux mêmes conditions que je. - ce locuteur multiple peut être composé de : locuteur + interlocuteur(s) : « Je te propose que toi et moi, nous fassions cause commune. » locuteur + un (ou plusieurs) tiers : « Mon père et moi, nous avons eu des relations étranges. » locuteur + interlocuteur(s) + tiers : « Toi, moi et lui, nous partirons les premiers. » locuteur + autre(s) locuteur(s) : « Nous (membres de cette assemblée), (nous) déclarons que... » (Charaudeau, P. : 1992, 122-123) Dans son ouvrage nommé, Charaudeau explique en détail les particularités sémantiques de chaque pronom presonnel, mais du point de vue de notre analyse, ces explications ne sont pas primoridales. Pourtant, nous devons citer encore une constatation importante : « Particularités sémantiques Il (elle, ils, elles) Contrairement aux marques de l’interlocution (je et tu) qui désignent, il ne désigne pas ; il a un rôle anaphorique, c’est-à-dire qu’il reprend un tiers (animé ou non, humain ou non) qui est déjà identifié par le contexte ou la situation (antécédent) et donc supposé connu du locuteur et de l’interlocuteur. Cependant, il 120 ne faut pas confondre ce rôle anaphorique avec la fonction de substitution. » (Charaudeau, P. : 1992, 127) Concernant cette troisième personne, citons encore Maingueneau: «Quant aux éléments dits ’de troisième personne’, ils désignent tout référent (un être animé, une chose, une idée abstraite…) qui n’est ni l’énonciateur ni le co-énonciateur. A la suite d’Émile Benveniste [Benveniste, É.: 1966], on appelle souvent non-personne cette traditionnelle ’troisième personne’, de manière à souligner qu’elle se trouve dans une autre sphère que le couple JE-TU, les coénonciateurs.» (Maingueneau, D.: 2000, 86) Du point de vue, de l’effet, beaucoup de déictiques – et surtout les personnels – sont polyvalents, donc, ils peuvent être mis au service des stratégies énonciatives les plus diverses. Les déictiques personnels, selon le cas, peuvent servir p.ex. à - l’individualisation (je, moi, mon, le mien, etc.), - l’identification (je, nous, vous, ils, etc.), - la généralisation ou l’indétérmination ou l’effacement des personnes (on), - la collectivisation ou le pacte d’alliance (nous), - la distanciation (vous, ils), etc. - la présence et l’exclusion.204 Ces stratégies sont exploitées de multiples façons et efficacement dans les discours politicodiplomatiques, selon les objectifs du locuteur. (Charaudeau, P.: 1992, 134-137, 158-160; Leblanc, J.-M.: 2005, 273-393; Maingueneau, D.: 2000, 103-114; Mihalovics, Á.: 2006, 62-65; Mots. Les languages du politique: 1985, nr. 10.: Numéro spécial. Le nous politique, http://www.mots.revues.org/persee-290676 , Müller Gjesdal, A. : Étude sémantique du pronom ON dans une perspective textuelle et contextuelle. http://www.revue- texto.net/docannexe/file/2417/bis_gjesdal_these.pdf) 8.2.2.3. La modalité 8.2.2.3.1. Quelques définitions possibles de la modalité Dans ce sous-chapitre, nous aborderons la problématique bien complexe de la modalité, et puis nous essayerons de proposer une typologie. Le traitement des modalités est inévitablement lié à la conception que l’on se fait de la notion de modalité elle-même. Autant de définitions, autant d’analyses et autant de solutions. Ce sujet est difficile à aborder. Nous n’avons pas du tout l’intention de donner une présentation exhaustive du sujet, notre but est d’en esquisser un aperçu général. L’analyse de la modalité remonte jusqu’à Aristote qui en a donné une définition 204 Des sujets connexes sont le nationalisme, le racisme, la xénophobie, l’exlusion sociale, etc. 121 restreinte à la nécessité, à la possibilité et à l’impossibilité ainsi qu’à la contingence. Dès le Moyen Âge, la notion de modalité bascule dans un domaine de la subjectivité et se rapporte à l’expression d’une attitude ou d’un jugement du locuteur. De nos jours, les définitions de la modalité sont de plus en plus englobantes et visent à traiter toutes sortes de modification du contenu propositionnel du point de vue de la subjectivité du sujet parlant. Voyons maintenant quelques définitions possibles de la modalité. Nous acceptons la définition simple, claire et univoque de Querler aussi selon laquelle « La modalité, c’est l’expression de l’attitude du locuteur par rapport au contenu propositionnel de son énoncé. Par exemple : Il court. est une assertion simple (le locuteur pose une proposition sans marquer son attitude par rapport à cette proposition), alors que Il peut courir. Il doit courir. Il court sans doute. Heureusement qu’il court. Je veux qu’il coure. sont des assertions modalisées : le locuteur exprime son doute, son appréciation ou biensa volonté à propos d’un contenu propositionnel. L’expression de la modalité se fait au moyen de différents marqueurs : des verbes modaux (pouvoir, devoir, falloir...), des adverbes (peut-être, sans doute, heureusement...), des 205 tiroirs verbaux (subjoncif, impératif...), des subordonnées (conditionnelles, concessives...).» (Le Querler, N. : 1996, 14) Pareillement formule Maingueneau aussi: «Tout énoncé a des marques de modalité […] qui indique quelle attitude l’énonciateur adopte à l’égard de ce qu’il dit ou quelle relation il établit avec le co-énonciateur à travers son acte d’énonciation. Le fait que tout énoncé ait une valeur modale, qu’il soit modélisé par son énonciateur, montre que la parole ne peut représenter le monde que si l’énonciateur, directement ou non, marque sa présence à travers ce qu’il 206 dit.» (Maingueneau, D.: 2000, 87) On trouve une définition semblable chez Riegel également: « Dans l’étude de la langue, les modalités sont considérées comme des éléments qui expriment un certain type d’attitude du locuteur par rapport à son énoncé. Selon C. Bally [1932], toute phrase peut s’analyser en deux éléments : un « contenu représenté », le dictum (ou contenu propositionnel) et une modalité, le 207 modus, qui indique la position du locuteur par rapport à la réalité du contenu exprimé. » (Riegel,M.:, 1994 : 579-580) Nous pourrions continuer à citer des définitions possibles, mais nous y renoncons car c’est bien visible que l’élément commun n’est rien d’autre que l’attitude du locuteur concernant son dit, donc, on voit que la modalité est une catégorie de la subjectivité. 205 Mis en gras par l’auteur (JB). Mis en gras par l’auteur (JB). 207 Mis en gras par l’auteur (JB). 206 122 8.2.2.3.2. Portée de la modalité et distinction: modalité d’énonciation / modalité d’énoncé Selon Le Querler, , « la portée d’un élément quelconque de la phrase est constituée par sa zone d’influence dans cet énoncé » (Le Querler, N.: 1996, 56) « La portée de la modalité est un élément qui sous-tend, chez certains auteurs, le classement des modalités : les modalités d’énonciation, qui sont également appelées modalités de phrase, ou encore modalités fondamentales, correspondent aux différents types de phrase (déclaratif, interrogatif, etc.) » (Le Querler, N.: 1996, 57) « Les modalités d’énonciation renvoient au sujet de l’énonciation en marquant l’attitude énonciative de celui-ci dans sa relation à son allocutaire. Elles traduisent par différents types de phrases énonciatifs : déclaratif, injonctif ou interrogatif, qui expriment respectivement une affirmation, un ordre ou un questionnement, à l’intention de l’allocutaire. » (Riegel, M.:, 1994 : 580) « La « modalité d’énonciation » concerne les relations entre énonciateurs impliqués par les « grandes fonctions syntaxiques de la langue (Benveniste), comme l’assertion, l’interrogation, l’intimation. […] » (Herschberg-Pierrot,, A.: 1993, 17) « Les modalités d’énoncé renvoient au sujet de l’énonciation en marquant son attitude vis-à-vis du contenu de l’énoncé […] Elles expriment la manière dont l’énonciateur apprécie le contenu de l’énoncé. » (Riegel, M.:, 1994 : 580) « La « modalité d’énoncé » ne porte plus sur les relations entre énonciateurs, mais, selon A. Meunier, « se rapporte au sujet de l’énoncé, éventuellement confondu avec le sujet d’énonciation. […] Elle « caractérise la manière dont le sujet de l’énoncé situe la proposition de base par rapport à la vérité, le nécessaire (vrai, possible, certain, nécessaire et leurs contraires, etc.), par rapport aussi à des jugements d’ordre appréciatif (utile, agréable, idiot, regrettable…) » (Herschberg-Pierrot,, A.: 1993, 17) 8.2.2.3.3. Typologies de la modalité Comme nous avons déjà mentionné, dès l’Antiquité (d’Aristote jusqu’à nos jours), plusieurs philosophes, logiciens et linguistes avaient classé les sens modaux ainsi que leurs moyens d’expression langagiers. Dans ce qui suit, nous esquissons quelques typologies pertinentes des années 1960-2000. 1) La définition benvenistienne touche déjà l’essentiel de la modalité, mais son approche reste exploratoire: « Il faut d’abord légitimer la catégorie de la modalité. Nous entendons par modalité une assertion complémentaire portant sur l’énoncé d’une relation. En tant que catégorie logique, la modalité comprend 1o la possibilité, 2o l’impossibilité 3o la nécessité. Ces trois « modes » n’en font que deux au point de vue linguistique, du fait que l’impossibilité n’a pas d’expression distincte, et s’exprime par la négation de la possibilité. Ainsi possibilité et nécessité sont deux modalités primordiales, aussi nécessaires en linguistique qu’en logique et qu’il n’y a aucune raison de contester. On prendra seulement soin de la bien distinguer des « modes » admis traditionnellement en grammaire dans la morphologie du verbe (subjonctif, etc…). La catégorie linguistique de la modalité comprend d’abord les deux verbes pouvoir et devoir. En outre la langue a étendu la fonction modalisante à d’autres verbes dans une partie de leurs emplois et par la même structure d’auxiliation; principalement: aller, vouloir, falloir, désirer, espérer. Mais à la différence de la temporalité et de la diathèse, la modalité ne fait pas partie des catégories nécessaires et constitutives du paradigme verbal. Elle est compatible avec la temporalité comme avec la diathèse dans chacune des formes verbales. » (Benveniste, É.: 1965, 187-188.) 123 2) La typologie des modalités se présente comme suit chez Culioli: • Modalité 1: assertion, interrogation, injonction; • Modalité 2: probable, vraisemblable, possible, éventuel; • Modalité 3: appréciatif et • Modalité 4: intersubjectif, i.e. volitif, déontique, permissif. (Culioli, A.:, 1976, 69-73. Il faut noter qu’avec ce type de classification on a affaire à ce qu’on appelle en linguistique culiolienne une typologie faible: « Ces modalités 1, 2, 3, 4 ne sont en fait pas ordonnées. On ne peut pas les ordonner parce qu’il s’agit de relations trop complexes » (Culioli, A.: 1976, 73). On voit surtout, chez Culioli, poindre l’idée de la corrélation entre modalité et médiation. Elle se manifeste d’abord de façon latente dans l’idée de « modalité intersubjective » reprise par Nicole Le Querler (Le Querler, N.: 1996, 10). Mais aussi dans la configuration même de la typologie des modalités: «‘Il fait 12o‘ et ‘Il fait selon moi 12o‘ ou ‘Je crois qu’il fait 12o‘. Avec ‘il fait 12o‘, c’est l’assertion stricte, j’ai quelque part un étalon objectif que je me suis donné, on a une assurance qui est trans-individuelle. Dans les autres cas, c’est mon expérience qui me fait dire que… » (Culioli, A.: 1985,88) 3) Dans son excellent ouvrage Grammaire du sens et de l’expression, Patrick Charaudeau aborde de manière frontale les modalisations et les modalités. (Charaudeau, P. : 1992, 569-629) Il écrit : « La Modalisation ne constitue donc qu’une partie du phénomène de l’Énonciation, mais elle en constitue le pivot dans la mesure où c’est elle qui permet d’expliciter ce que sont les positions du sujet parlant par rapport à son interlocuteur (Loc. → Interloc.), à lui-même (Loc. → Loc.), et à son propos (Loc. → Propos.). » (Charaudeau, P. : 1992, 572) Il propose alors trois types de modalités : - Les modalités allocutives (Loc. → Interloc.) impliquent locuteur et interlocuteur et précisent la manière avec laquelle le locuteur impose un propos à l’interlocuteur. - les modalités élocutives n’impliquent pas l’interlocuteur dans l’acte locutif. Elles précisent la manière dont le locuteur révèle sa position vis-à-vis du propos qu’il énonce. - les modalités délocutives sont déliées du locuteur et de l’interlocuteur. Le propos émis existe en soi, et s’impose aux interlocuteurs dans son mode de dire : « assertion » ou « discours rapporté ». 124 Voyons, dans ce qui suit, un tableau récapitulatif proposé par Charaudeau concernant la modélisation et la modalité : LA MODALISATION ACTES ENONCIATIFS MODALITES L’INTERPELLATION VARIANTES Rapport de connaissance/ social/affectif L’interdiction L’INJONCTION L’AUTORISATION L’AVERTISSEMENT ALLOCUTIF Positif/négatif LE JUGEMENT LA SUGGESTION LA PROPOSITION L’INTERROGATION Demande d’information/ d’assentiment LA REQUETE LE CONSTAT LE SAVOIR/IGNORANCE L’OPINION Conviction/Supposition (+ / –) L’APPRECIATION Favorable/Défavorable dans l’Éthique, l’Esthétique, l’Hédonique, le Pragmatique ELOCUTIF L’OBLIGATION Interne/Externe LA POSSIBILITE Interne/Externe LE VOULOIR Désir/Souhait/Exigence LA PROMESSE L’ACCEPTATION/REFUS L’ACCORD/DESACCORD LA DECLARATION Aveu/Révélation/Affirmation LA PROCLAMATION DELOCUTIF L’ASSERTION Évidence/Probabilité/etc. LE DISCOURS RAPPORTE Cité/Intégré/narrativisé/ allusif (Charaudeau, P. : 1992, 629) 125 4) Nicole Le Querler présente sa proposition de classement de la manière suivante : « Dans la mesure où j’ai adopté pour définition de la modalité "expression de l’attitude du locuteur par rapport au contenu propositionnel de son énoncé", je proposerai un classement des modalités qui s’organise autour du sujet énonciateur (ou modalisateur) : - ou bien la modalité est l’expression seulement du rapport entre le sujet énonciateur et le contenu propositionnel : c’est une modalité subjective ; - ou bien il s’agit d’un rapport établi entre le sujet énonciateur et un autre sujet, à propos du contenu propositionnel : c’est une modalité intersubjective ; - ou bien encore le sujet énonciateur subordonne le contenu propositionnel à une autre proposition : il s’agit d’une modalité qui ne dépend ni de son jugement, ni de son appréciation, ni de sa volonté. C’est une modalité objective. » (Le Querler, N. : 1996, 63-64) « Parmi les modalités subjectives il faut distinguer : - celles par lesquelles le locuteur exprime son degré de certitude sur ce qu’il asserte : ce sont les modalités épistémiques. ... - celles par lesquelles le locuteur exprime son appréciation (par exemple son approbation, son blâme, son indignation) sur le contenu propositionnel : ce sont les modalités appréciatives. » (Le Querler, N. : 1996, 64) « Par la modalisation intersubjective, le locuteur marque le rapport qu’il entretient avec un autre sujet à propos du contenu propositionnel : il ordonne, conseille, demande, accorde la permission... à quelqu’un d’autre de faire quelque chose. Pouvoir, devoir, falloir dans certains de leurs emplois appartiennent à la modalité intersubjective. Les modalités déontiques (autorisation, permission...) sont des modalités intersubjectives. » (Le Querler, N. : 1996, 65) « Les modalités objectives ne dépendent ni de la volonté ni du jugement du locuteur. Le sujet énonciateur asserte que p implique q, et nous appellerons donc ce type de modalités modalités implicatives. Mais on ne se limitera pas à une définition logique et restrictive de la modalisation implicative : les rapports de condition, de conséquence, de but, d’opposition seront considérés comme des implications au sens large. » (Le Querler, N. : 1996, 66) Remarques par rapport à la typologie de Le Querler : a) Les modalités intersubjectives et les modalités implicatives correspondent à certaines modalités ontiques. b) Le locuteur peut exprimer son attitude par divers marqueurs intonatifs, morphologiques, lexicaux et syntaxiques. Ces marqueurs de modalités sont très divers et peuvent se combiner entre eux. (Cf. partie II., sous-chapitre 2.5.) c) Le Querler attire notre attention au fait que « certains auteurs assimilent la temporalité, ou une partie de la temporalité (par exemple ce qui est de l’ordre du toujours et du parfois), à la modalité. » (Le Querler, N.: 1996, 55) 126 5) Paul Laurendeau208, reprenant l’idée de fluctuation du réel des logiciens et les apports benvenistien et culiolien, offre une « typologie dialectique des modalités ». (Laurendau, P. : 2004, 83-95) (Voir le tableau ci-dessous) ASSERTION MODALISATION MODALITE OBJECTIVE MODALITE SUBJECTIVE MODALITE MIXTE ontique aléthique épistémique appréciative déontique volitive (stabilité) (fluctuations, (connaissance (bon/ (devoir (désir, à être) du sujet, mauvais être) volonté) – objectif + fluctuation sur le normal/ subjectif connaître) étrange) (morale, devoir) (Source : http://www.linguistes.com/mots/verbe.html) 6) Riegel (Riegel, M.: 1994) reprend les deux aspects de la subjectivité distingués par Catherine Kerbrat-Orecchioni dans L’énonciation. De la subjectivité dans le langage (1980) pour distinguer : - « L’affectif, qui concerne toute expression d’un sentiment du locuteur » « L’évaluatif, qui correspond à tout jugement ou évaluation du locuteur : appréciations en termes de bon / mauvais (axiologique) ou modalisations selon le vrai, le faux ou l’incertain (épistémique)» 7) De notre point de vue est encore important la catégorisation de Joseph Courtès (Courtès, J.: 2005) qui fait la distinction entre les modalités de faire et les modalités de l’être. Les types de la modalité de faire sont: - le vouloir-faire - le devoir-faire - le savoir-faire et - le pouvoir-faire. Les types de la modalité de l’être sont: - le vouloir-être, - le devoir-être, - le savoir-être et - le pouvoir-être. 208 Paul Laurendeau a été professeur de linguistique française à l’Université York (Toronto, Canada) de 1988 à 2008. Il a été influencé, entre autres, par les idées d’Antoine Culioli, d’Oswald Ducrot et Bernard Pottier. Ses travaux vont dans quatre directions: linguistique énonciative, sociolinguistique, histoire de la linguistique et philosophie du langage. 127 Remarque en relation avec la modalité: 1) Les actes de langage ne sont pas des modalités. Ils incorporent implicitent des modalités sans s’y réduire. Cette distinction importante est souvent perdue de vue. (Cf. p.ex. Roulet, E.: 1980) 2) Dans la vive voix, on peut modaliser avec l’intonation et avec les interjections aussi. CONCLUSION DE LA PARTIE I. Dans les différents chapitres de la Partie I., l’objectif était de positionner la thèse de multiple façons. Autrement dit, nous avons essayé, d’une part, de fixer le cadre théorique, sous l’égide de la linguistique: nous avons esquissé les contours de l’analyse du discours, des langues de spécialité, de la communication et / ou le discours politique, diplomatique et présidentiel. D’autre part, nous avons mis l’accent aussi sur l’arrière-plan historique, politique, diplomatique et juridique de l’activité présidentielle de Jacques Chirac. Tout en concluant, on pourrait dire que la compréhension et l’interprétation d’un discours nécessite non seulement la connaissance de plusieurs facteurs linguistiques mais aussi extralinguistiques qui ont également été explicités dans les chapitres précédents. Par le positionnement multiple, nous avons mis en contexte, d’une certaine façon, les discours chiraquiens à analyser de différents points de vue dans la partie II. de ce travail. La partie I. peut être ainsi considérée comme un certain préalable pour faire des propres recherches linguistiques dont les résultats sont donnés dans la partie II., la partie pratique. 128 PARTIE II. LES MÉTHODES ET LESPROCÉDÉS DE L’ANALYSE DU DISCOURS EN PRATIQUE Pour ce qui est de l’étude et la description de langue, citons Cabré : «Nous savons qu’une langue n’est pas un système homogène de possibilités d’expression, et la grammaire qui la décrit n’est pas un ensemble monolithique de règles et d’unités susceptibles de rendre compte de tous les énoncés que produisent ses locuteurs. Bien au contraire, la langue est un système complexe et hétérogène de sous-systèmes reliés entre eux, chacun pouvant faire l’objet d’une description à divers niveaux : phonologique, morphologique, lexical, syntaxique et discursif. Voici les principaux niveaux de description linguistique ainsi que les unités qui les représentent : niveau phonologique → phonème niveau morphologique → morphème niveau lexical → lexème niveau syntaxique → phrase niveau discursif → texte Postuler ces niveaux fondamentaux n’exclut cependant pas la possibilité de distinguer d’autres niveaux complémentaires et n’empêche pas de reconnaître d’autres unités. [...] Les syntagmes, les propositions et les fragments de discours, pour leur part, sont des exemples d’unités d’autres niveaux.»209 (Cabré, M. T. : 1998, 112) La littérature scientifique de langue française visant à l’étude et la description des différents niveaux du langage politique et diplomatique210 est vraiment riche. Quant à l’étude et la description du langage politique et diplomatique, on peut dire qu’ils peuvent être étudiés et décrits sur différents niveaux dont lexico-sémantique et / ou terminologique, morpho-syntaxique, stylistique, pragmatico-rhétorique, etc. (cf. p.ex. Mazzoleni, 2002: 107-112; Mihalovics, Á.: 1998; Mihalovics, Á. : 2000, 29-61 ; Mihalovics, Á. : 2006, 16-31, 61-66, 69-77, 79-90, 118-121, 125-134, 143-145, 197-199, 210-220). Les axes de la recherche linguistique sont • au niveau lexico-sémantique et / ou terminologique: - les mécanismes de la formation des mots, - des néologismes (de forme et de sens), - des emprunts (des langues étrangères et d’autres langues de spécialité), - des mots-clés, 209 Mis en gras par l’auteur (JB). Pour le niveau lexico-sémantique et / ou terminologique, cf., entre autres, p.ex. Bon, F. : 1991 ; Brunet, É. : 1981 ; Calvet, L.-J./Véronis, J. : 2008 ; Cotteret, J.-M. : 1969 ; Dubois, J. : 1962 ; Labbé, D. : 1990 ; Labbé, D. : 1998 ; Mayaffre, D. : 2000 ; Mihalovics, Á. : 1998, 2000, 2006 ; Prost, A. : 1974 ; Tournier, M. : 1975, etc. Pour le niveau morpho-syntaxique, cf., entre autres, p.ex. Gerstlé, J. : 1979 ; Mayaffre, D. : 2004 ; Mihalovics, Á. : 1998, 2000, 2006, etc. Pour le niveau rhétorico-stylistique, cf., entre autres, p.ex. Roche, J. : 1971 ; Mayaffre, D. : 2004 ; Mihalovics, Á. : 1998, 2000, 2006, etc. Pour le niveau pragmatique, cf., entre autres, p.ex. Mayaffre, D. : 2004 ; Mihalovics, Á. : 1998, 2000, 2006 ; Trognon, A. / Larrue, J. : 1994, etc. Nos recherches se basent partiellement sur les principes et les résultats des ouvrages énumérés aussi. 210 129 - le vocabulaire spécifiquement politique (et diplomatique) - des champs lexicaux et sémantiques, - les relations sémantiques dont la polysémie, la synonymie, l’antonymie, l’hyperonymie, l’hyponymie, etc. (Mazzoleni, 2002: 107-112; Mihalovics, 2006: 16-20, 125-134) • au niveau morpho-syntaxique: - des tournures / des expression spécifiques, - des constructions avec infinitif, - des constructions passives, - des constructions impersonnelles, - des constructions restrictives, - la mise en relief, - des connecteurs / des relations logiques, etc. (Mihalovics, 2006: 20-25, 143-145) • au niveau pragmatique: - la politesse, - les actes du langage, - les deixis, - l’expression de la volonté mono- et interpersonnelle, - la manipulation de l’opinion, - des présuppositions et des implicatures, etc. • au niveau rhétorico-stylistique: - le surcharge du contexte, - des tropes et des figures de style, - des phrases exclamatives, - des phrases interrogatives / les questions rhétoriques, - la connotation (positive ou négative) - des archaïsmes, - des néologismes, etc. (Mihalovics, 1998; Mihalovics, 2006: 26-31, 61-66, 69-90, 118-121, 145, 197-199, 210-220) Jusqu’ici, nous avons appréhendé les cadres. Nous allons désormais considérer les marques linguistiques à travers lesquelles se manifeste concrètement l’énonciation. Après avoir exposé la position de notre thèse dans la Partie I., nous allons aborder ici, dans la Partie II., les méthodes de l’analyse du discours en pratique, tout en nous efforçant de les illustrer par des exemples. Les discours du corpus sont lisibles sur le CD joint à ce travail. Pour 130 approcher l’essentiel, il faut rappeler l’objet de l’analyse du discours encore une fois: comprendre le fonctionnement du texte en contexte. Cette quête du sens repose sur un principe et s’étend à différents niveaux dont lexico-sémantique et / ou terminologique, morphosyntaxique, pragmatique et rhétorico-stylistique. Partant toujours du texte, le matériau de l’analyse, nous allons envisager deux niveaux de types d’analyse, notamment, le lexicosémantique et / ou terminologique ainsi que le pragmatique dans les chapitres et souschapitres suivants. Remarque: Pour les analyses de la parole, la connaissance des catégories de la langue est incontournable. Pourtant, nous devons renoncer à une description détaillée de ces catégories car cela exploserait les cadres de ce travail. Pour la description en question, on a à la disposition plusieurs grammaires descriptives dont p.ex. la Grammaire du français contemporain de Jolán Kelemen et al. (Kelemen, J.: 2001). Il existe aussi des grammaires ayant une approche parole dont p.ex. la Grammaire du sens et de l’expression de Patrick Charaudeau. (Charaudeau, P.: 1992). Les deux décrivent le même phénomène, mais de différents points de vue. Chapitre 1. Analyses lexico-sémantiques et/ ou terminologiques «Et quant à l’action politique, n’a-t-elle pas, elle aussi, le verbe comme instrument privilégié, et n’est-ce pas avec les mots que l’on entraîne les hommes?» (Georges Pompidou, le 28 avril 1969) Si l’on veut examiner un texte du point de vue linguistique, il faut, après l’avoir compris dans son ensemble, le décomposer en unités minimales de sens, c’est-à-dire, d’après Rastier 211, se consacrer à l’étude de la signification des signes linguistiques donnés. En revanche, quand il s’agit d’un thème spécifique (comme la politique et la diplomatie), l’essentiel demeure incompéhensible jusqu’à ce qu’on ne définisse pas les termes techniques. Par conséquent, cette étape doit obligatoirement précéder tout autre niveau d’analyse. Dans ce chapitre, nous jetons un coup d’oeil sur le vocabulaire des discours en question de Chirac. 211 http://www.revue-texto.net/Inedits/Rastier/Rastier_Semiotique-ontologie.html 131 1.1. Mots-clés L’avant-propos inédit (Chirac, J.: 2007b, 9-37, cf. le CD) jalonne les grands sujet du recueil Mon combat pour la paix. De la structure est visible que les discours sont fortement thématisés. L’unité nommée du recueil en question se subdivise en au moins 9 unités de pensée dont 1) la place singulière de la France dans le monde ( due à son passé, à sa langue, à sa culture, à ses valeurs, à son dynamisme, à sa démographie, à sa puissance économique, à son potentiel scientifique, technologique et militaire, à sa volonté d’indépendance et à sa vision humaniste) (op. cit. p. 9.); 2) le général de Gaulle et son rôle dans la politique extérieure (formulation des choix fondamentaux concernant la vie de la Ve République) (op.cit. p. 10); 3) les principes généraux de la politique extérieure française (le multilatéralisme, le dialogue, l’entente, la solidarité internationale, la diffusion universelle de la paix, de la démocratie, de la prospérité, de la sécurité, le respect des droits de l’homme, le respect de l’identité et des cultures) (op.cit. pp. 10-11); 4) des enjeux internationaux (la mondialisation, les déréglement mondiaux de l’environnement, le terrorisme, le trafic de drogue, le crime organisé, la pauvreté, la révolution des technologies de l’information, les rivalités ethniques, les conflits locaux, les pandémies et les crises sanitaires, le gaspillage des ressources naturelles, la guerre commerciale et le protectionnisme, etc. ) (op.cit. pp.12-14); 5) l’Europe (les partenaires traditionnels européens de la France, la monnaie unique, la libre circulation, l’élargissement, les réformes institutionnels au sein de l’UE, le déficit démocratique, la nouvelle constitution ou traité constitutionnel, les défis pour l’Europe comme la compétitivité, le multilinguisme, etc.) (op.cit. pp.15-21); 6) le rôle de la France et de l’ONU dans le réglement des conflits locaux (p.ex. en Europe l’Ex-Yougoslavie avec le Kosovo, en Afrique le Congo, le Tchad, la Centrafrique, Darfour, le Côte d’Ivoire, au Proche-Orient, le Liban, Irak, le conflit israélo-palestinien depuis au moins des années 1960, etc.) (op. cit. pp.21-25); 7) de nouvelles menaces à l’échelle mondiale (le terrorisme - les attentats du 11 septembre 2001 par excellence, les armes nucléaires – le cas de la Corée du Nord, du Pakistan et de l’Iran, etc.) (op.cit. pp.26-27); 8) la maîtrise ou l’humanisation de la mondialisation (l’ouverture des échanges mondiaux, l’élaboration des nouvelles normes, la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, l’accès au travail, à la vie saine, le renforcement des droits de l’homme, le combat pour la diversité culturelle, le combat pour l’environnement, l’édification des 132 règles éthiques universelles pour le bon usage du progrès scientifique,etc.) (op.cit. pp. 2833); 9) les autres axes de la diplomatie chiraquienne / les autres partenaires stratégiques dans le monde multipolaire (la Francophonie, le Maghreb, le monde arabe, la Russie, le Japon, la Chine, l’Inde, le Brésil, etc.) (op.cit. pp.34-37). De notre point de vue, se sont les discours du chapitre V du livre nommé, notamment Humaniser et maîtriser la mondialisation qui sont importants. Cette unité contient 19 discours dont 1. le discours devant l'Assemblée plénière du Sommet mondial du développement durable (d1), 2. le discours devant la Commission des droits de l'homme des Nations Unies (d2), 3. le discours devant la Cour internationale de justice (d3), 4. le discours devant la 32e Conférence générale de l'UNESCO (d4), 5. le discours devant la Conférence internationale du travail (d5), 6. le discours devant l’Assemblée plénière de la Conférence internationale sur le financement du développement (d6), 7. le discours devant le Forum économique mondial de Davos (d7), 8. le discours à l'occasion de la Conférence internationale de Paris sur les nouveaux financements du développement (d8), 9. le discours devant le congrès de l'union mondiale pour la nature (d9), 10. le discours devant la VIe Conférence des parties à la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (d10), 11. la tribune parue dans la revue hebdomadaire britannique "New Scientist" (d11), 12. l’allocution prononcée à l'occasion de l'ouverture de la Conférence pour une gouvernance écologique mondiale "Citoyens de la terre" (d12), 13. le discours lors de la cérémonie d'ouverture de la Xe conférence internationale sur les MST/SIDA en Afrique (d13), 133 14. le discours lors de la clôture de la deuxième conférence de la société internationale sur le sida et la conférence de soutien au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (d14), 15. le discours pour la création de l'UNITAID (d15), 16. le discours lors de la cérémonie d'ouverture de la conférence internationale sur les routes de la drogue (d16), 17. le discours à l'occasion de la Conférence du G8 sur la sécurité et la confiance dans le cyberespace (d17), 18. le discours prononcé devant les personnalités culturelles et universitaires portugaises réunies au théâtre Saint-Jean à Porto (d18) et 19. le discours devant les personnalités réunies à Paris pour les 2e Rencontres internationales de la culture (d19). Vu cette liste, il est incontestable que les discours concernent des sujets bien variés, même au sein d’un seul chapitre : ils couvrent une large gamme dont l’économie, le droit, la protection de l’environnement, le monde du travail, la culture, la santé, le cyberespace, etc. Prenons pour exemple le premier discours, le discours devant l'Assemblée plénière du Sommet mondial du développement durable. Les deux mots-clés sont la crise et la responsabilité. Tout le texte gravite autour de ces deux sujets ou bien, ces deux mots servent comme une certaine squelette pour la chair du texte, son vocabulaire (1032 mots). Le sujet principal se subdivise en sujets secondaires pour l’identification desquels nous aident plusieurs facteurs dont p.ex. 1. au niveau macrosémantique, l’énumération (à l’aide de différents articulateurs comme p.ex. d’abord, deuxième, etc.) 2. au niveau mézosémantique , le syntagme adjectival où l’adjectif (prioritaires) sert comme un intensif et 3. par association, au niveau microsémantique, la relation sémantique hyperonymie (crise) – hyponymie (les cinq chantiers nommés ou chacun est un cohyponyme). 134 «Nous avons devant nous, je crois, cinq chantiers prioritaires. Le changement climatique d'abord. Il est engagé du fait de l'activité humaine. Il nous menace d'une tragédie planétaire. Il n'est plus temps de jouer chacun pour soi. De Johannesburg, doit s'élever un appel solennel vers tous les pays du monde, et d'abord vers les grands pays industrialisés, pour qu'ils ratifient et appliquent le Protocole de Kyoto. Le réchauffement climatique est encore réversible. Lourde serait la responsabilité de ceux qui refuseraient de le combattre. Deuxième chantier : l'éradication de la pauvreté. A l'heure de la mondialisation, la persistance de la pauvreté de masse est un scandale et une aberration. Appliquons les décisions de Doha et de Monterrey. Augmentons l'aide au développement pour atteindre dans les dix ans au maximum les 0,7% du PIB. Trouvons de nouvelles sources de financement. Par exemple par un nécessaire prélèvement de solidarité sur les richesses considérables engendrées par la mondialisation. Troisième chantier : la diversité. La diversité biologique et la diversité culturelle, toutes deux patrimoine commun de l'humanité, toutes deux sont menacées. La réponse, c'est l'affirmation du droit à la diversité et l'adoption d'engagements juridiques sur l'éthique. Quatrième chantier : les modes de production et de consommation. Avec les entreprises, il faut mettre au point des systèmes économes en ressources naturelles, économes en déchets, économes en pollutions. L'invention du développement durable est un progrès fondamental au service duquel nous devons mettre les avancées des sciences et des technologies, dans le respect du principe de précaution. La France proposera à ses partenaires du G8 l'adoption, lors du Sommet d'Evian en juin prochain, d'une initiative pour stimuler la recherche scientifique et technologique au service du développement durable. Cinquième chantier : la gouvernance mondiale, pour humaniser et pour maîtriser la mondialisation. Il est temps de reconnaître qu'existent des biens publics mondiaux et que nous devons les gérer ensemble. Il est temps d'affirmer et de faire prévaloir un intérêt supérieur de l'humanité, qui dépasse à l'évidence l'intérêt de chacun des pays qui la compose.» Le plan des autres textes / discours du point de vue des mots-clés, du sujet principal ou des sujets principaux ou bien du sujet secondaire ou des sujets secondaires se laisse explorer de la même façon. 1.2. Champs lexicaux Jacques Chirac utilise un vocabulaire bien riche et extrêmement nuancé. De notre point de vue, ce sont le lexique de l’action et de l’affect qui sont importants. Cela ne veut pas dire que ce sont seulement ces deux champs lexicaux qui sont variés dans les discours. Bien au contraire. A cause de l’extrême richesse, nous nous sommes vus obligés de réduire nos analyses sur les deux aspects principaux nommés. D’autres champs lexicaux importants sont encore le lexique des valeurs, du collectif, du droit, de l’État, de l’humain, etc. 135 1.2.1. Le lexique de l’action volontariste Pour l’exploration du lexique de l’action volontariste, nous aurions pu choisir n’importe quel discours chiraquien. Prenons maintenant le discours 6, le discours de Chirac devant l’Assemblée plenière de la Conférence internationale sur le financement du développement. «Monsieur le Président des Etats-Unis Mexicains, Mesdames et Messieurs les Chefs d'Etat et de Gouvernement, Monsieur le Secrétaire Général des Nations Unies, Mesdames, Messieurs, Mes Chers Amis, Hier encore, l'ordre du monde était figé par l'affrontement des blocs, qui menaçait la paix et la liberté. Cette fracture aujourd'hui résorbée, le monde peut s'engager enfin dans l'accomplissement d'une destinée commune. [...] Vague de fond inéluctable, la mondialisation de l'économie exige la mondialisation de la solidarité. L'enjeu de Monterrey, ce n'est pas seulement le financement du développement. C'est le rassemblement des Etats autour de cette question lancinante de notre temps. Comment mettre un terme à une situation moralement inacceptable, politiquement dangereuse, économiquement absurde, celle d'un monde où l'accumulation croissante de richesses ne suffit pas à permettre aux plus pauvres de s'arracher à la pauvreté ? Je suis venu ici vous dire ma conviction : depuis tant d'années, nous avons laissé grandir entre les deux rives du monde, entre les pays riches et les pays pauvres, un mur de silence et d'indifférence. Nous devons avoir aujourd'hui la lucidité et le courage d'une véritable prise de conscience pour offrir au monde l'espoir d'une aventure commune, d'un seul et même destin. À Monterrey, je souhaite que souffle un vent nouveau, un vent de générosité, un vent d'espoir. Le texte arrêté par la conférence ne peut être à mes yeux qu'une toute première étape, une prise de conscience de l'ampleur du problème. Notre ambition doit être bien plus haute. Déjà, il y a la décision européenne de reprendre à un rythme soutenu la croissance de son aide au développement en vue d'atteindre l'objectif des 0,7%. Il y a la relance de l'aide américaine annoncée par le Président BUSH. Il y a l'engagement des pays en développement de favoriser la croissance économique par la bonne gouvernance et l'appel à l'initiative privée. Il y a l'établissement d'un partenariat mondial pour un développement solidaire où chacun fait sa part d'effort. Et, l'Afrique a montré la voie de façon exemplaire avec l'adoption du nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique. Mais il nous faudra aller plus loin encore. Pour réaliser les objectifs du Sommet du millénaire, la Banque mondiale, que je tiens à saluer, estime nécessaire de doubler les sommes consacrées à la lutte contre la pauvreté. Elle évalue les besoins à 100 milliards de dollars chaque année. Somme importante, sans aucun doute, mais qu'il faut mettre en regard du volume considérable des échanges internationaux. Somme modeste au regard des avantages humains, politiques, économiques que notre monde tirerait de l'éradication de la misère. Travaillons sur toutes les pistes pour atteindre cet objectif. Ces pistes existent. Cela commence par une aide publique accrue. Mais cela ne suffira pas. Il faut la prolonger. La prolonger par une allocation supplémentaire de droits de tirages spéciaux. Par l'application plus généreuse des décisions d'annulation de la dette des pays les plus pauvres et un traitement plus ambitieux du surendettement des pays à revenu intermédiaire. Et il est naturel d'envisager de financer l'humanisation et la maîtrise de la mondialisation par les richesses-mêmes qu'elle engendre. Nous devons donc approfondir la réflexion sur les possibilités de taxation internationale dont le produit viendrait s'ajouter à celui de l'aide publique au développement. Mais l'enjeu de ce nouveau partenariat est encore plus vaste encore. Nous voulons léguer à nos enfants une planète propre. Déjà, les prélèvements sur les ressources naturelles dépassent les capacités de reconstitution de la planète. C'est un fait qu'aucun expert ne conteste. Il serait irresponsable de ne pas mettre fin à cette dérive. Les émissions polluantes ont engagé un processus de réchauffement climatique qui menace nos conditions de vie et celle de nos enfants. Le protocole de Kyoto est la seule voie crédible pour les réduire et j'appelle tous les pays à le ratifier. Sa démarche préfigure le nouveau partage des ressources et des responsabilités sur lequel les nations doivent impérativement s'entendre. Car il nous faudra prolonger Monterrey. Le prolonger par un partenariat pour le développement durable. La révolution écologique qui commence est d'ampleur comparable à la révolution industrielle que nous avons connue. Voilà le défi que nous devrons relever ensemble à Johannesburg, par l'invention de nouveaux modes de production et de consommation, par la création, aussi, d'une Organisation mondiale de l'environnement. Mesdames et Messieurs les chefs d'État et de Gouvernement, Mesdames, Messieurs, 136 Voilà six mois, un crime odieux défigurait New York. L'Amérique, appuyée par la communauté internationale, a su frapper les terroristes qui la menaçaient. Et le monde a formé une coalition contre le terrorisme, bien décidé à agir avec toute la fermeté nécessaire, dans le respect du droit. Ce qui est possible contre le terrorisme doit l'être aussi contre la pauvreté, pour une mondialisation humanisée et maitrisée. Formons une coalition pour construire ensemble une civilisation universelle où chacun trouve sa place, où chacun soit respecté, où chacun ait sa chance. La France poursuit toujours le même rêve : faire vivre à l'échelle du monde l'ambitieuse devise qu'elle a choisie pour elle : liberté, égalité, fraternité. S'inspirant de cet idéal et des engagements du Sommet du Millénaire, la France propose que nous réalisions ensemble, au cours de la prochaine décennie, cinq projets. Cinq témoignages de notre volonté de mettre la mondialisation au service de tous les hommes : - L'affectation de 0,7% de la richesse des pays industrialisés au développement des pays pauvres. - Un accord sur de nouvelles ressources, pour leur développement. - La création d'un Conseil de sécurité économique et social pour assurer tous ensemble la gestion durable des biens publics mondiaux. - La réalisation des objectifs de Kyoto et l'établissement d'une Organisation mondiale de l'environnement. - La conclusion, enfin, d'une Convention sur la diversité culturelle qui exprime notre confiance dans la capacité de l'homme à vivre l'unité du monde dans toute sa diversité. Nous le devons aux générations futures. Je vous remercie.» Des exemples est visible que ce ne sont pas seulement les verbes auxquels on peut lier l’action bien que la proportion des verbes est bien importante. Substantifs, adjectifs, prépositions aussi peuvent être porteurs d’action. Ces constatations se laissent transférer aux autres discours également. 1.2.2. Des intensifs Voyons maintenant la manifestation concrète des intensifs dans le discours 4, le discours de Chirac devant la 32e Conférence générale de l'UNESCO. «Monsieur le Président de la République du Pérou, mon cher ami, Permettez-moi tout d'abord de vous dire que c'est un grand plaisir d'avoir entendu votre discours. Si j'en juge par les applaudissements qui l'ont suivi, vous avez su toucher le coeur et aussi, je l'espère, l'esprit, de toutes celles et tous ceux qui l'ont entendu. Monsieur le Président de la 32ème Conférence Générale de l'UNESCO, Monsieur le Directeur Général, Mesdames, Messieurs, En 1945, au terme d'une des pires tragédies de l'histoire, le nazisme enfin terrassé, les alliés conçurent un projet remarquable : affermir la paix et l'entente entre les peuples par le partage et la diffusion du savoir et de la culture. Telle est la mission de l'UNESCO. Parmi les organisations universelles, il lui revient d'être le creuset d'une conscience morale du monde, le lieu où les nations viennent chercher assistance et coopération pour vaincre l'analphabétisme et participer de plain-pied aux échanges scientifiques et culturels. Cette grande ambition doit tous nous rassembler, comme l'indiquait à l'instant le Président de la République du Pérou. C'est pourquoi la France se réjouit du retour des Etats-Unis à l'UNESCO. Il porte l'espoir de nouvelles avancées de l'éducation, du dialogue des cultures et du progrès des sciences. En ces temps marqués par la persistance de la misère de masse, par la pauvreté, par la menace des fanatismes et du terrorisme, cette réaffirmation du pacte de 1945 conforte toutes celles et tous ceux qui croient en un monde plus juste et plus pacifique. En un mot, en une mondialisation humanisée et maîtrisée. Je suis également heureux de saluer l'adhésion de Timor-Leste. Chaque culture exprime une facette de l'expérience humaine et lui apporte son histoire et son génie particulier. Nos différences ne doivent pas constituer un handicap 137 ou le prétexte à des confrontations, mais au contraire être une source d'inspiration et de confiance dans l'avenir de l'homme. Aujourd'hui, nous attendons de l'UNESCO qu'elle s'affirme comme une référence, qu'elle donne un sens et une finalité humaniste aux forces à l'oeuvre dans la mondialisation. Le progrès et la diffusion sans précédent des sciences, des techniques, du savoir et de l'information abolissent les frontières, rapprochent les hommes et transforment nos vies. Les conditions semblent réunies pour un monde plus uni. Pourtant, au même moment, et parfois en réaction, le voici traversé par des mouvements de repli sur soi, d'exclusion, d'intolérance, de rejet de la modernité. Ici, à l'UNESCO, il est urgent que les Etats conduisent une réflexion sur ces transformations afin de les maîtriser. Notre organisation doit être le lieu privilégié où se rencontrent l'universel et le particulier : l'universel de l'humanité, de ses valeurs fondamentales et de ses aspirations communes à la paix, au bien-être et au savoir ; le particulier de chaque nation, de chaque culture, de chaque peuple, tous égaux en dignité comme le sont les hommes. Tel est le sens de la convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel dont nous avons achevé l'élaboration. Elle élargit la défense du patrimoine aux cultures dont les modes d'expression privilégient l'oralité, la mémoire, les savoir-faire ancestraux. Elle rend hommage à des peuples trop souvent ignorés, des peuples qui disparaissent, année après année, dans l'indifférence de l'humanité, des peuples pourtant dépositaires d'expériences irremplaçables pour notre avenir, ces peuples premiers qu'il est urgent de protéger, de respecter et de rétablir dans leurs droits. Ici même, voici deux ans, convaincu que le combat contre le terrorisme passe par le dialogue des cultures, je vous avais présenté les propositions de la France. Elles ont fait écho à une aspiration commune dont témoignent l'adoption de la Déclaration universelle sur la diversité culturelle, le 2 novembre 2001, ainsi que l'engagement de tant d'Etats, notamment d'Etats francophones. Ces principes posés, il nous faut maintenant les ancrer dans le droit par une convention. Grâce à elle, les peuples et les Etats, inquiets pour leur identité, aborderont l'ouverture au monde avec plus de confiance. Nouveau prolongement de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme dont elle réaffirmera les acquis, cette convention reconnaîtra à chaque Etat le droit d'adopter ou de maintenir les politiques publiques nécessaires à la préservation et au développement de son patrimoine culturel et linguistique. Elle affirmera la spécificité des créations culturelles. Elle organisera la solidarité internationale, nécessaire pour que ce droit profite à tous. Elle constituera la réponse de la communauté internationale aux projets d'enfermement identitaire qui, dévoyant les traditions des peuples, cherchent à les opposer, les soulever les uns contre les autres, et ainsi mieux les asservir. A ceux qui craignent qu'un tel texte ne restreigne la liberté de circulation des oeuvres de l'esprit, la France répond qu'il n'en est rien. Dans toutes nos démocraties, même les plus libérales, une constitution et des lois assurent l'exercice des libertés, luttent contre les monopoles, protègent les minorités, stimulent la création artistique et le mécénat, favorisent la diversité. Car la liberté s'épanouit dans la loi et s'étouffe dans l'anarchie. Ce qui vaut pour nos Etats vaut pour le monde. Loin de tout protectionnisme, la convention sur la diversité culturelle nous donnera l'instrument d'une circulation des idées plus assurée, parce que respectueuse de l'autre. Mesdames, Messieurs, Etape après étape, une conscience universelle se fait jour. Après des siècles de lutte contre l'oppression, la communauté internationale en reconnaît les principes. Elle a affirmé les droits et les libertés fondamentales dont la Déclaration de 1948 constitue l'expression solennelle. Elle a proclamé ensuite les droits économiques et sociaux. Confrontée à l'appauvrissement et à la disparition dramatique de tant de langues et de cultures, elle veut défendre la diversité culturelle. Avertie, par l'expérience, que la science peut être mise au service de projets malfaisants, elle ressent aujourd'hui la nécessité d'une éthique des sciences et de règles qui préserveront l'intégrité et la dignité de l'homme. Les progrès des sciences de la vie, si nombreux et si importants depuis quelques années, nous ouvrent des perspectives dont nul n'aurait rêvé il y a seulement une ou deux générations. Il devient possible de prévenir ou de guérir des maladies héréditaires ou liées au vieillissement. Nous maîtrisons la technique des transplantations d'organes qui sauvent des vies naguère condamnées. Nous maîtrisons la fécondité et savons mieux lutter contre la stérilité. Ces avancées scientifiques n'améliorent pas seulement la santé. Elles modifient l'expérience de la vie et de la mort. Elles nous conduisent à de nouvelles interrogations éthiques sur ce qui donne à nos sociétés leur humanité: nos valeurs, nos droits et nos devoirs, nos finalités. Le siècle passé nous a livré l'abominable exemple des dérives de la science. Dès les débuts de la génétique, les travaux de Darwin et les découvertes de Mendel ont été abusivement utilisés par des politiciens, des idéologues et des scientifiques dévoyés pour justifier des théories racistes, le massacre de populations et la Shoah. 138 Déjà, nous constatons de nouveaux risques et de nouvelles dérives : eugénisme, discriminations fondées sur le patrimoine génétique, vente de gamètes sur Internet, offre de services de " mères porteuses ", trafics d'organes, cliniques spécialisées dans l'euthanasie, expérimentations médicales dans des conditions contraires à la dignité humaine. Tout cela, ce ne sont plus seulement des angoisses de prophètes de malheur. Ce sont des réalités d'aujourd'hui inspirées par l'absence de moralité, l'appât du gain, voire la folie. Déjà, on entend tel mouvement sectaire, tel scientifique irresponsable annoncer qu'il a aidé à provoquer des grossesses à partir d'embryons clonés. On évoque la situation de femmes que la misère conduit à se louer pour mettre au monde des enfants, ou celle de malheureux amenés à vendre un rein, un oeil, un enfant. Ces dérives sont inacceptables. Le droit à la sûreté, proclamé solennellement dans notre Déclaration de 1789, est un droit fondamental de la personne humaine. Il interdit que l'on asservisse ou que l'on aliène le corps humain. Toujours investi de la dignité de la personne, celui-ci ne saurait être ravalé au rang de matériau ou de marchandise. Contre ces menaces, la réflexion est aussi nécessaire et aussi urgente que l'action. La France mène l'une et l'autre depuis vingt ans. En 1983, elle a créé un Comité National Consultatif d'Ethique des sciences de la vie et de la santé qui a joué un rôle pionnier. Ses avis ont éclairé dans notre pays le débat public et le législateur. D'autres Etats ont mis en place des institutions comparables. Plusieurs organisations internationales, au premier rang desquelles l'UNESCO, mais aussi l'Union européenne, le Conseil de l'Europe, l'OMS, ont fait de même et ont élaboré des conventions, des déclarations de principe, des règles de déontologie. Pour être efficace, cet effort doit reposer sur une grande ambition, consacrée par un texte de portée universelle. Quelle que soit la qualité des législations nationales, ceux qui veulent les enfreindre peuvent jouer aisément de leurs lacunes ou de leurs incompatibilités. Il nous faut donc établir les principes de la bioéthique en droit public international. L'élaboration d'un cadre normatif universel, d'un code éthique reconnu par tous, sera, à l'évidence, une tâche exigeante. Il faudra concilier des conceptions politiques, philosophiques et religieuses différentes. Il faudra concilier la liberté d'expérimentation, condition du progrès, et la protection de la personne dans les protocoles d'investigation. Il faudra respecter les intérêts économiques et commerciaux légitimes dans la mesure notamment où ils soutiennent la recherche. Chacun mesure ainsi l'esprit de dialogue qu'exige le débat en cours à l'ONU sur l'interdiction universelle du clonage humain reproductif, débat engagé à l'initiative de l'Allemagne et de la France. Sur un tel sujet, l'urgence commande de trouver au plus vite un consensus. J'en appelle à la responsabilité de tous. L'élaboration de la convention d'Oviedo constitue un modèle. Ce texte est maintenant en vigueur et sert de référence tant pour définir les règles européennes que pour élaborer les normes bioéthiques nationales. La France, pour sa part, achèvera le processus de ratification de ce texte après avoir révisé ses lois bioéthiques, à la fin de cette année. Ce travail remarquable du Conseil de l'Europe est porteur d'espoir et doit nous inspirer. Dans notre esprit, il ne s'agit pas d'imposer un code moral unique à toutes les nations, énumérant toutes les valeurs et déclinant tous les devoirs. Il s'agit d'encadrer les progrès des sciences de la vie pour préserver en toute circonstance l'intégrité et la dignité humaine. Il s'agit de donner aux Etats, aux scientifiques, aux médecins, aux laboratoires, à tous ceux qui s'engagent dans une réflexion éthique et déontologique, les termes de référence communs à tous les hommes. Comment élaborer un tel instrument ? La France estime qu'une convention serait le moyen le plus abouti. Une première étape pourrait être franchie en adoptant une déclaration universelle qui consacrerait les principes fondateurs. C'est la recommandation des comités d'éthique de l'UNESCO et de son Directeur général. Cette déclaration pourrait ensuite constituer la base d'une convention-cadre et de protocoles thématiques élaborés au cas par cas en fonction des techniques médicales et de leur évolution. Beaucoup des principes fondamentaux de la bioéthique découlent de l'application à la recherche en biologie humaine des dispositions de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Encore faut-il les avoir identifiés et se mettre d'accord sur les termes de leur adaptation. D'autres seront repris de la Déclaration sur le Génôme Humain adoptée par votre Conférence générale et par l'ONU, déclaration dont chacun reconnaît l'exemplarité. Dans ce cadre, il faudra sans doute doter la communauté internationale d'un organe d'expertise indépendant et de haute valeur morale chargé d'expliciter ces principes et d'en dégager éventuellement de nouveaux, au vu du progrès scientifique. Une telle instance pourra ainsi aider les Etats qui le souhaitent dans l'élaboration et l'évaluation de leurs propres lois. Par son expérience et la qualité de ses travaux, le Comité international de bioéthique de l'UNESCO préfigure le type d'institution que nous envisageons. L'UNESCO est l'enceinte appropriée pour élaborer ce texte. Elle le doit à son mandat, qui inclut évidemment l'éthique des sciences. Elle le doit à ses travaux, ayant amplement prouvé qu'elle a la volonté et la capacité de 139 traiter ce sujet. Elle le doit à sa nature particulière, disposant à la fois d'une compétence technique, d'une capacité de réflexion philosophique et d'une légitimité politique. En menant à bien ce grand dessein, l'UNESCO sera fidèle à sa double vocation : la protection de la dignité humaine et l'encouragement au progrès scientifique. La science poursuivra ainsi sa quête de savoir d'un pas plus assuré, fondé sur une éthique claire et universellement reconnue, au service de l'homme et de la civilisation. » Observation : Des intensifs dont adjectifs, adverbes, verbes, expressions, etc. ajoutent tous au poids du dit. Ils peuvent être facilement identifiés dans les autres discours également. . 1.2.3. La nominalisation Pour explorer les nominalisations, prenons pour exemple le discours 7, le discours de Chirac devant le Forum économique mondial de Davos. «Monsieur le Président, Merci pour votre accueil et pour votre indulgence. J'y suis très sensible. En ce début d'année en effet, j'avais souhaité avec beaucoup de plaisir, vous rencontrer et dialoguer avec vous sur cet enjeu de solidarité dont dépend l'avenir même de la mondialisation. [...] Première catastrophe naturelle majeure du vingt-et-unième siècle, le raz-de-marée qui vient de ravager l'Océan Indien est un révélateur de l'état de notre monde. L'ampleur de la tragédie humaine, comparée à d'autres catastrophes récentes en Europe, en Amérique du Nord, au Japon, met en évidence le fossé qui sépare les riches et les pauvres face aux risques de notre planète. Car les pauvres n'ont pas les moyens de se protéger physiquement, et encore moins financièrement, contre les dangers de l'existence. L'ampleur des destructions nous rappelle la fragilité de l'humanité face à la nature. Elle engage notre civilisation urbaine et technicienne à davantage d'humilité, de respect, de responsabilité. L'organisation de l'aide aux régions dévastées souligne que, face à des défis d'une telle dimension, seule une réponse internationale coordonnée est efficace. L'immense élan de générosité qui s'exprime de toute part témoigne de l'affirmation d'une conscience planétaire, d'un sentiment de citoyenneté mondiale. A l'heure du monde ouvert, l'humanité, dans sa diversité, mesure combien elle partage une même destinée. Pour que cette solidarité s'exprime par des actions collectives efficaces, elle a besoin de nouveaux modes de coopération entre les Etats et la société civile, ONG et entreprises. Cette catastrophe doit provoquer un éveil des consciences. Car le monde souffre de façon chronique de ce que l'on a appelé, d'une formule saisissante, les " tsunamis silencieux ". Famines. Maladies infectieuses qui déciment les forces vives de continents entiers. Violences et révoltes. Régions livrées à l'anarchie. Mouvements migratoires non maîtrisés. Dérives extrémistes, terreau fertile au terrorisme. Ces drames, ces dérèglements exigent une réaction collective et solidaire. Ce n'est pas seulement un devoir d'humanité. C'est aussi l'intérêt bien compris des pays les plus favorisés. Car le monde ne s'arrête pas aux limites de leur prospérité. Il ne se borne pas aux certitudes de ceux que la fortune sert aujourd'hui. Le dynamisme de l'Occident, son modèle économique sans rival, suscitent légitimement la fierté. Ils s'appuient sur le travail, l'esprit d'innovation, la liberté d'entreprise et l'état de droit. Avec la libéralisation des échanges commerciaux et la diffusion du progrès scientifique, la mondialisation permet à des centaines de millions de femmes et d'hommes d'améliorer leur condition, en Chine, en Inde ou en Amérique Latine. Vous êtes ici, à Davos, à la pointe de ce mouvement. Dans les bilans de vos entreprises se lit la puissance de l'économie mondialisée. Le chiffre d'affaires des cent premières entreprises mondiales s'élève, en 2004, à plus de sept mille milliards de dollars. La somme des chiffres d'affaires des deux premières dépasse le Produit National Brut de l'Afrique tout entière. Cette économie mondialisée ne concerne pourtant qu'un tiers de la population du globe, minorité privilégiée dans un monde de précarité. En Afrique, dans les pays émergents, une immense majorité de la population, dans les campagnes ou dans les bidonvilles, attend encore, mais n'attendra pas indéfiniment la concrétisation des promesses du progrès. 140 Cette situation est lourde de menaces. Elle est moralement inacceptable. Elle est aussi une absurdité économique, quand on mesure les opportunités et les perspectives de croissance ouvertes par le décollage, par exemple d'un pays comme la Chine. Le développement constitue le premier défi et la première urgence de notre temps. C'est une question de morale. C'est, pour le système économique ouvert et la civilisation humaniste que nous avons en partage, la meilleure des garanties et le meilleur investissement pour l'avenir. Le fossé entre riches et pauvres s'est accru dans des proportions vertigineuses ! L'écart de revenu par habitant entre les pays les moins avancés et les pays de l'OCDE, qui était, en 1980, de un à trente, s'établit aujourd'hui de un à quatre-vingts ! La jeunesse d'Afrique, d'Asie, d'Amérique Latine revendique à juste titre son droit à l'avenir. Elle lui apportera son énergie et son talent, pourvu qu'il lui soit donné de le faire. Prenons garde à sa révolte si cette perspective lui était refusée. Vaincre la pauvreté par l'alliance du marché et de la solidarité. Telle doit être notre ambition partagée. Nous avons progressé ces dernières années. Nous avons levé bien des obstacles. Une nouvelle vision globale du développement s'impose. Une vision rompant avec les logiques archaïques ou les idées reçues, s'appuyant sur l'idée de partenariat qu'expriment les objectifs du Millénaire, les conclusions de Monterrey ou les ambitions du NEPAD. Laissées à elles-mêmes, les forces économiques sont aveugles et accentuent la marginalisation des plus faibles. Mais, accompagnées par des règles appropriées, la libéralisation du commerce et l'ouverture aux investissements stimulent puissamment le développement. Pour que l'ouverture économique porte ses fruits, il faut en ajuster le rythme aux capacités d'adaptation de chaque pays. C'est pourquoi nous devons replacer les préoccupations des pays les plus pauvres, notamment d'Afrique, au premier rang des objectifs du cycle de Doha, ce qui n'est pas assez le cas aujourd'hui. Car le développement est la première finalité, la première justification de ce cycle. La France travaille en ce sens pour assurer le succès de la conférence de l'OMC à Hongkong, en décembre, et la conclusion de la négociation en 2006 sur des bases larges et équilibrées. Le progrès démocratique, l'amélioration de la gouvernance, la lutte contre la corruption figurent au premier rang des conditions du décollage économique. Les hommes s'épanouissent dans la liberté. Les entreprises, grandes ou petites, nationales ou étrangères, ont besoin pour investir de sécurité juridique, de règles respectées, d'une concurrence loyale. Avec le NEPAD, l'Afrique a engagé sa mutation. Ces efforts doivent être poursuivis. Il faut y répondre par l'engagement massif de la communauté internationale. C'est l'un des objectifs du sommet du G8 de Gleneagles. La France sera au rendez-vous. Mais l'ouverture économique, la bonne gouvernance et la libération de l'esprit d'entreprise ne sont pas suffisantes. Il est d'autres entraves au développement. Tant de pays sont enclavés, subissent de façon récurrente des calamités naturelles, voient leur population en proie aux pandémies, à la sous-alimentation, à l'analphabétisme, à la tyrannie des besoins immédiats. Comment peuvent-ils envisager autre chose qu'une économie de survie ? Le moyen de briser cette fatalité, le moyen de permettre à des centaines de millions d'hommes, de femmes, d'enfants d'entrer dans la dynamique d'une mondialisation positive, c'est l'aide et la solidarité internationales. Ce sont elles qui permettront de financer les infrastructures de base, l'accès à la santé, l'accès à l'éducation, en un mot l'accumulation de ce capital physique, humain et financier nécessaire au décollage économique. Une fois encore, l'exigence morale, l'exigence de paix et de sécurité et l'intérêt économique se rejoignent. Tel est le sens des objectifs de développement du Millénaire que la communauté internationale s'était fixés. Réduire de moitié l'extrême pauvreté et la malnutrition d'ici à 2015. Assurer l'éducation primaire universelle des filles et des garçons. Diminuer des deux tiers la mortalité des enfants de moins de cinq ans. Enrayer le sida et maîtriser le paludisme. Réduire de moitié le pourcentage de la population mondiale n'ayant pas accès à l'eau potable et à l'assainissement. Des engagements pris solennellement en 2000 par la communauté internationale. Objectifs en réalité modestes par rapport aux besoins légitimes, des objectifs qui sont aujourd'hui hors d'atteinte si nous ne prenons pas les mesures qui s'imposent. [...] Ces montants peuvent sembler considérables. Ils sont en réalité minimes par rapport aux richesses créées par la mondialisation. Aux quarante mille milliards de dollars du Produit National Brut mondial. Aux huit mille milliards que représente chaque année le commerce international. Aux mille cinq cent milliards de dollars créés par la croissance en 2004. Trois pour cent de l'augmentation annuelle de la richesse du monde : voilà ce qu'il faut mobiliser pour vaincre la pauvreté. 141 Et contrairement aux craintes qui s'expriment parfois, cette aide supplémentaire, nous pouvons l'utiliser efficacement. Dès maintenant. Avec un effort dans la durée de deux milliards de dollars par an, on finance la recherche d'un vaccin contre le paludisme. Avec deux milliards de dollars par an, on garantit l'éducation primaire de tous les enfants d'Afrique subsaharienne. En engageant pendant quelques années de l'ordre de cent millions de dollars par an, on assure la réinsertion des trois cent mille enfants soldats aujourd'hui recensés dans le monde. [...] L'augmentation de l'aide publique est nécessaire. Tous les pays qui n'atteignent pas encore le chiffre de 0,7 pour cent de leur PIB devraient s'engager, comme le font le Royaume-Uni et la France, sur un calendrier pour y parvenir dans les meilleurs délais. Mais soyons réalistes. Cela ne suffira pas. Les pays en développement ont besoin de financements prévisibles et stables, c'est-à-dire fondés sur des mécanismes pérennes. La France propose d'avancer simultanément dans deux directions qui exigent les efforts conjoints des Etats et des entreprises. Première direction : la facilité financière internationale. La France a immédiatement soutenu cette proposition britannique qui permettrait de lever sans délai des sommes très importantes sur les marchés financiers. Nous appuyons le projet d'un mécanisme expérimental dans ce domaine consacré à la vaccination, qui permettra de sauver la vie de plusieurs millions d'enfants. Nous sommes également prêts à envisager, comme le propose le Royaume-Uni, un mécanisme similaire contre le sida. Mais comment rembourser ces emprunts sans diminuer l'assistance internationale ou grever les budgets ? En adossant ces emprunts à des ressources nouvelles, taxes ou prélèvements internationaux ou bien contributions volontaires. Des ressources qui pourraient aussi être utilisées directement pour financer le développement. [...] Il est normal que ces propositions fassent débat. Il ne saurait être question d'outrepasser la souveraineté et les compétences fiscales des Etats. Le consentement à l'impôt est l'un des fondements de la démocratie et il n'existe pas aujourd'hui de parlement mondial pour le voter. Mais rien n'interdit aux Etats de coopérer, de s'entendre sur de nouvelles ressources et sur leur affectation à une cause commune. Et je propose aujourd'hui d'aller de l'avant, par la création à titre expérimental d'un prélèvement pour financer la lutte contre le sida. [...]» Dans le cas de la nominalisation, «le processus se trouve transformé en un être processuel qui décrit le résultat d’une action (réellement ou potentiellement accomplie). Il est alors configuré par un nom suivi, ou non, des actants qui sont liés, à l’aide de prépositions dont les plus courantes sont de, à, par.»212 (Charaudeau, P. : 1992, 403). Dans le domaine de la politique et de la diplomatie, l’action est primordiale et cela n’est pas égal si elle est accomplie ou elle reste une éventualité, donc, quelque chose de virtuel. 212 Mis en gras par l’auteur (JB) 142 1.2.4. Le lexique de l’affect Des émotions, soit négatives et positives tissent tous les discours politico-diplomatiques. Dans les mêmes discours, il y a des sentiments positives et négatives à la fois, pour former des contrastes, comme dans le cas des connotations positives et négatives. Le but du jeu avec les sentiments est d’influencer le public non seulement par la raison, mais aussi par les effets nonrationnels. Le lexique de l’émotion est en étroite relation avec la modalité appréciative ou axiologique (Cf. 2.5.2.2. La moadalté appréciative ou axiologique). Substantifs, adjectifs, verbes et adverbes également sont tous porteurs d’émotions. Elles se laissent catégoriser plus raffinément selon les catégories du tableau suivant : (http://sites.univ-provence.fr/wpsycle/outils_recherche/EMOTAIX_FREE/emotaix.htm) 143 1.3. Relations logico-sémantiques (synonymie, antonymie, le triangle hyperonymiehyponymie-cohyponymie) Pour point de départ de l’analyse des relations logico-sémantiques, prenons le discours 9, le discours de Chirac devant le Congrès de l'union mondiale pour la nature. «Madame la Présidente, Merci pour votre action bien-sûr, mais merci aussi d'avoir choisi Fontainebleau pour ce 50e anniversaire. Nous y sommes très sensibles. Majesté, merci de tout coeur de votre présence. Je voudrais profiter de cette occasion pour vous demander également de transmettre à sa Majesté, le Roi de Jordanie, d'abord tous nos sentiments d'estime et de reconnaissance pour le rôle si important qui a été le sien dans la difficile négociation de Wye River. Grâce à lui les choses ont pu progresser et la paix retrouver ses chances. Et comme nous le savons, vous l'avez évoqué, le traitement que sa Majesté a subi est un succès, alors je vous demande au nom de cette UICN dont vous êtes l'une des marraines, de bien vouloir lui transmettre nos voeux de très rapide et très complet rétablissement. Messieurs les Chefs d'Etat, Mesdames, Messieurs, Pour célébrer le 50e anniversaire de l'Union Mondiale pour la Nature, vous avez voulu revenir aux sources, en cette ville de Fontainebleau où votre fédération naquit en 1948. Je suis heureux de me trouver parmi vous aujourd'hui pour célébrer cet événement. [synonymes] L'UICN peut se prévaloir à juste titre d'une place unique parmi les organisations internationales. Elle rassemble des Etats, des associations, des scientifiques. Elle s'est vue confier la responsabilité de la mise en oeuvre d'importants traités. Elle assume les missions [hyperonyme]exigeantes qui sont celles des ONG : action pédagogique, prise de conscience, alerte de l'opinion, impulsion et force de proposition. [hyponymes et cohyponymes] [...] La transition vers le développement durable sera l'une des grandes tâches du XXIe siècle. Nous le savons tous : les pressions que nous exerçons sur les ressources naturelles et l'environnement [hyperonymes] ont atteint un niveau excessif. Notre planète subit des agressions dont les conséquences sont déjà très inquiétantes. Selon la communauté scientifique, le quadruplement depuis 50 ans des émissions de gaz carbonique a vraisemblablement enclenché un phénomène de réchauffement qui menace nos conditions de vie. La dégradation des sols et la déforestation atteignent des proportions alarmantes. Le sixième des terres émergées est touché, au point que nous risquons d'en perdre définitivement l'usage. En 10 ans, 154 millions d'hectares de forêt tropicale ont été détruits, soit trois fois la superficie de la France. Le quart de la population du globe n'a pas accès à l'eau potable et la moitié ne dispose pas de réseaux d'assainissement. Les ressources en eau douce diminuent. En un demi-siècle, les réserves disponibles par habitant sont passées de 17 000 à 7 000 m3. Vingt pays déjà sont confrontés à une grave pénurie. Vingt-cinq autres le seront demain. Notre croissance anarchique a bien d'autres effets alarmants : baisse des ressources halieutiques, disparition de nombreuses espèces animales et végétales, destruction d'espaces naturels uniques. [hyponymes et cohyponymes ] C'est la diversité de la vie, richesse de notre planète, qui est menacée. [...] Pour l'atteindre, même si nous savons tous que c'est difficile, chacun doit s'adapter. Les pays industrialisés doivent réformer leurs modes de production et de consommation. Ils le peuvent au prix d'un effort supportable, qui ne sera en vérité qu'un investissement pour une croissance plus harmonieuse. Les pays émergents doivent inventer un nouveau mode de développement : le développement propre. Les solutions existent [antonymes] et il faut les appliquer avec le concours des nations les plus riches. Les pays les plus pauvres [antonymes] enfin, où vivent 850 millions de femmes et d'hommes qui ne mangent pas à leur faim, doivent recevoir l'aide publique internationale indispensable à leur décollage. [...] Il nous faut d'abord établir, au niveau mondial, un centre impartial et incontestable d'évaluation de notre environnement. Les premiers instruments existent déjà. Mais ils sont répartis entre plusieurs organisations 144 internationales. Il nous faut un seul [antonymes] lieu où s'incarne la conscience du monde pour l'environnement. [...] Organiser la gestion planétaire des risques globaux, c'est aussi relancer la dynamique des grandes négociations qui marquent le pas. Notre prochain rendez-vous [synonymes] est celui de Buenos Aires. La communauté internationale doit s'entendre sur les conditions de mise en oeuvre du protocole de Kyoto. Les pays industrialisés se sont engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Ils doivent le faire, avant tout, en consentant les efforts nationaux [antonymes] nécessaires. Les mécanismes de flexibilité ne pourront être qu'un complément. Ils devront être vérifiables et mesurables, équitables et contrôlés. A Dakar, dans quelques semaines, se tiendra la deuxième conférence de la convention contre la désertification. C'est un rendez-vous [synonymes] très important. Il doit marquer de nouveaux progrès. [...] Le second obstacle à une bonne gestion des risques globaux, c'est la confrontation Nord-Sud [antonymes], qui s'accentue depuis quelques années. Il faut sortir de cet affrontement stérile où chacun renvoie l'autre à sa responsabilité. Oui, les pays industrialisés portent la responsabilité principale des atteintes à l'environnement. Rassemblant le cinquième de la population du globe, les pays industrialisés consomment 60 % de l'énergie mondiale et 86 % de tout ce que produit la planète. [synonymes] En moyenne, chaque Américain émet vingt fois plus de gaz carbonique que chaque Indien. A lui seul, cet exemple démontre que les pays développés doivent être les premiers à consentir les efforts nécessaires pour maîtriser leurs modes de production et les effets de leurs pollutions. Mais il est vrai aussi que, demain, le reste du monde devra assumer une responsabilité croissante. Les pays [hyperonyme] en transition, les pays émergents, les pays pauvres [hyponymes – cohyponymes] le comprennent bien. Leur grand problème c'est le coût des savoir-faire et des transferts de technologie. Comment les aider à financer l'acquisition de ces savoir-faire et de ces technologies ? Voilà un sujet essentiel sur lequel nous devons travailler en priorité. La Conférence de Buenos Aires va rechercher des solutions dans un domaine important [synonymes] mais limité : les gaz à effet de serre. Eh bien, le moment est venu d'une approche plus large, qui amplifie les efforts engagés au sein de la Commission du développement durable. Dans cet esprit, je propose d'accueillir en France, l'année prochaine, une réunion internationale. Son mandat sera d'identifier des mécanismes crédibles pour faciliter les transferts de technologies et de savoir-faire dans tous les domaines où des menaces pèsent sur l'environnement. Nous devons nous mobiliser pour réduire à la source les dégradations qui résultent du développement [antonymes] économique. Mais il faut aussi multiplier les initiatives régionales, qu'elles concernent la gestion commune des fleuves transfrontières, la protection des espèces menacées, ou la lutte contre les grandes pollutions. Car c'est à l'échelle des continents ou des ensembles régionaux [antonymes] que se vivent les interdépendances, que s'établissent les courants d'échanges les plus denses, que peuvent le mieux jouer les solidarités [synonymes]. [...] Enfin, les découvertes de la science peuvent inspirer les nécessaires évolutions de nos sociétés. Les systèmes vivants, biologiques, écologiques, dans lesquels interagissent de nombreuses espèces, ont d'étonnantes propriétés [hyperonyme] : capacité d'organisation, gestion économe de l'énergie et des substances chimiques, organisation subtile des réseaux alimentaires. [hyponymes et cohyponymes] Ces propriétés nous aident à imaginer de nouveaux modes d'organisation et de gestion de nos systèmes complexes et interdépendants. A l'ère [hyperonyme] industrielle, les découvertes de la physique inspirèrent ceux qui pensaient la Cité. A l'ère de la société de l'information [hyponymes et cohyponymes], nous devons tirer parti de ces savoirs nouveaux. Nos concepts [hyperonyme] politiques et juridiques [hyponymes et cohyponymes] doivent aussi évoluer. Nous sommes encore loin d'une définition précise de la notion de développement durable. Il nous reste à [synonymes]déterminer le seuil de nos exigences, la référence que nous choisissons comme " état idéal de l'environnement ", la pondération des avantages et des inconvénients qui résultent de nos décisions. L'application rigoureuse du principe de précaution implique une analyse plus systématique des risques et la mise au point de procédures nouvelles. Confrontés à l'incertitude, le scientifique, le politique, le chef d'entreprise et le citoyen doivent, ensemble, débattre et déterminer les meilleurs choix. Des institutions[hyperonyme] comme le Comité National d'Ethique, les conférences citoyennes, les commissions du développement durable [hyponymes et cohyponymes] sont les premières ébauches de ces institutions nouvelles. Avec elles, nous enrichirons notre vie démocratique. 145 Ces débats contribueront à l'évolution nécessaire de nos législations sur l'environnement [hyperonyme], qu'il s'agisse des études d'impact, de l'application du principe pollueur-payeur, des régimes fiscaux ou de la responsabilité pour les dommages infligés à l'environnement. [hyponymes et cohyponymes] [...].» Dans les passages analysés, nous avons pu observer le jeu complexe des relations logicosémantiques surtout au niveau de la microsémantique, mais au sein d’un texte concret. Nous avons principalement analysé la synonymie, l’antonymie et le triangle hyperonymie-hyponymiecohyponymie. Naturellement, il existe d’autres relations aussi, mais nous avons mis en relief ces trois dernières car nous les traitons les plus pertinentes concernant la compréhension et l’interprétation des discours / textes. La réalisation concrète du jeu complexe en question se laisse observer sur les autres discours également. Il y a, bien entendu, des relations logicosémantiques ou logico-conceptuels aux niveaux mézo- et macrosémantique également. P. ex. Charaudeau (Charaudeau, P. : 1992, 497) énumère entre les catégories logico-linguistiques à ces deux derniers niveaux les types suivants : - la conjonction, - la disjonction, - la restriction, - l’opposition et la causalité. Les sous-catégories de la causalité sont - l’implication - l’explication et - l’hypothèse. (Charaudeau, P. : 1992, 497-550) A leurs analyses, nous avons dus renoncer. 1.4. Connotations et mots de valeur 1.4.1.Connotation positive Prenons pour exemple le discours 11, la Tribune parue dans la revue hebdomadaire britannique "New Scientist" et voyons les composants à connotation positive : «Depuis la conférence de Rio, en 1992, l'environnement a pris une place croissante dans les préoccupations du monde contemporain. Du réchauffement climatique à la pollution des réserves d'eau douce de notre planète, de la destruction accélérée des milieux naturels à la disparition de nombreuses espèces vivantes, nous réalisons aujourd'hui que le développement économique extraordinaire que nous avons connu depuis deux siècles, loin d'affranchir l'Homme de la nature, nous confère désormais une responsabilité sans précédent à son égard. Nous ne pouvons plus ignorer les preuves de l'érosion du vivant : la destruction des forêts primaires tropicales, qui abritent plus de la moitié des espèces terrestres ; le recul des espaces naturels au rythme de l'expansion démographique et urbaine ; la mort lente des récifs coralliens, dont près d'un tiers a déjà disparu ou est fortement dégradé ; l'effondrement des populations de grands mammifères sauvages. 146 Par l'effet des progrès fulgurants de la science et de l'industrie depuis deux siècles, le temps court de nos sociétés entre en collision avec le temps long de la diversité biologique, résultat de millions d'années d'évolution. Des espèces ont toujours disparu du fait du renouvellement naturel des écosystèmes. Mais le rythme actuel de ces disparitions serait jusqu'à mille fois supérieur. Nous savons aujourd'hui que près de seize mille des espèces connues sont directement menacées d'extinction, et certains scientifiques se demandent si les sociétés modernes ne seraient pas en train de provoquer la sixième grande vague d'extinction des espèces depuis l'apparition de la vie. Nous sommes sans doute les dernières générations à avoir encore la capacité d'arrêter la destruction du vivant, avant qu'un seuil irréversible n'ait été franchi. Depuis l'entrée en vigueur de la Convention sur la Diversité Biologique, en 1993, un travail considérable a été accompli par la communauté internationale. Des interrogations légitimes s'expriment toutefois sur l'efficacité de son action, car la biodiversité continue à reculer. L'objectif d'arrêter son érosion d'ici 2010, adopté en 2002 lors de la conférence internationale de La Haye, est hors d'atteinte si nous n'agissons pas maintenant. Nous en savons suffisamment pour commencer à agir. Mais nous ne mesurons pas encore toutes les conséquences et les répercussions. C'est pourquoi j'ai proposé, lors de la conférence internationale "Biodiversité, science et gouvernance", organisée à l'initiative de la France le 24 janvier dernier au siège de l'UNESCO, la mise en place officielle d'un réseau mondial d'expertise sur la biodiversité. Je suis heureux de voir que les meilleurs scientifiques du monde ont repris cette proposition. L'objectif d'un tel réseau est d'approfondir notre connaissance de la biodiversité et d'établir les bases scientifiques indiscutables permettant à la communauté internationale d'exercer ses responsabilités. Pour cela nous devons mobiliser toutes les disciplines scientifiques concernées et appeler à un vaste effort de coopération internationale, qui pourrait être entrepris sous l'égide de la Convention des Nations Unies sur la Diversité Biologique. Un effort qui ira dans le sens du renforcement nécessaire de la gouvernance mondiale de l'environnement. La France plaide inlassablement en ce sens, avec notamment la proposition de création d'une Organisation des Nations Unies pour l'Environnement, qui sera discutée à New York par les chefs de gouvernement du monde entier lors du sommet des Nations Unies, en septembre prochain. Ce réseau mondial d'expertise sur la biodiversité devra travailler dans plusieurs directions. Tout d'abord, compléter l'inventaire du vivant. A ce jour, en effet, à peine un million et demi d'espèces ont été répertoriées sur un total estimé entre cinq et trente millions, marge d'incertitude qui traduit l'ampleur de notre méconnaissance. La deuxième mission, c'est comprendre la dynamique des écosystèmes. Les scientifiques commencent tout juste à déchiffrer l'extrême complexité des relations qui unissent les espèces entre elles et avec leur milieu. Cette interdépendance est la clé de l'équilibre fragile de chaque écosystème comme de la biosphère tout entière. L'Homme ne peut s'en abstraire. C'est cette complexité, que les travaux remarquables du Professeur E.O. WILSON ont contribué à populariser, qui explique pour une part la lenteur des prises de conscience. Enfin, il faut clarifier l'impact du changement climatique sur la biodiversité. Il existe un précédent : le Groupe Intergouvernemental sur l'Évolution du Climat, dont les travaux, depuis 1988, ont permis de dégager un consensus scientifique sur la réalité et la portée du réchauffement climatique, que beaucoup, au départ, se refusaient à admettre. Car c'est bien d'un tel consensus dont les responsables politiques ont besoin pour fonder leur action. Avec la lutte contre le changement climatique, la préservation de la biodiversité nous impose une profonde évolution des mentalités et des modes de vie. En ayant inscrit cette année dans sa Constitution une Charte de l'environnement, la France se place résolument dans cette perspective. Cette charte consacre la biodiversité comme droit et comme patrimoine collectif. Elle définit le principe de précaution, qu'il est capital d'appliquer aux questions posées par l'érosion du vivant. Face à l'urgence de la situation, nous devons accélérer le mouvement. En prenant conscience de son appartenance à la biosphère et de sa dépendance à l'égard de l'ensemble du vivant, notre civilisation réalise aujourd'hui sa fragilité. Le moment est venu de s'engager sur la voie d'une écologie humanisée et d'intégrer dans notre quête du progrès économique et humain la conscience de nos devoirs envers la nature et de nos responsabilités à l'égard des générations futures. C'est en agissant tous ensemble que nous y parviendrons.» Substantifs, adjectifs et verbes aussi peuvent être donc porteurs de connotation positive. 147 1.4.2. Connotation négative Restons chez le discours 11 et voyons les composants à connotation négative : «Depuis la conférence de Rio, en 1992, l'environnement a pris une place croissante dans les préoccupations du monde contemporain. Du réchauffement climatique à la pollution des réserves d'eau douce de notre planète, de la destruction accélérée des milieux naturels à la disparition de nombreuses espèces vivantes, nous réalisons aujourd'hui que le développement économique extraordinaire que nous avons connu depuis deux siècles, loin d'affranchir l'Homme de la nature, nous confère désormais une responsabilité sans précédent à son égard. Nous ne pouvons plus ignorer les preuves de l'érosion du vivant : la destruction des forêts primaires tropicales, qui abritent plus de la moitié des espèces terrestres ; le recul des espaces naturels au rythme de l'expansion démographique et urbaine ; la mort lente des récifs coralliens, dont près d'un tiers a déjà disparu ou est fortement dégradé ; l'effondrement des populations de grands mammifères sauvages. Par l'effet des progrès fulgurants de la science et de l'industrie depuis deux siècles, le temps court de nos sociétés entre en collision avec le temps long de la diversité biologique, résultat de millions d'années d'évolution. Des espèces ont toujours disparu du fait du renouvellement naturel des écosystèmes. Mais le rythme actuel de ces disparitions serait jusqu'à mille fois supérieur. Nous savons aujourd'hui que près de seize mille des espèces connues sont directement menacées d'extinction, et certains scientifiques se demandent si les sociétés modernes ne seraient pas en train de provoquer la sixième grande vague d'extinction des espèces depuis l'apparition de la vie. Nous sommes sans doute les dernières générations à avoir encore la capacité d'arrêter la destruction du vivant, avant qu'un seuil irréversible n'ait été franchi. Depuis l'entrée en vigueur de la Convention sur la Diversité Biologique, en 1993, un travail considérable a été accompli par la communauté internationale. Des interrogations légitimes s'expriment toutefois sur l'efficacité de son action, car la biodiversité continue à reculer. L'objectif d'arrêter son érosion d'ici 2010, adopté en 2002 lors de la conférence internationale de La Haye, est hors d'atteinte si nous n'agissons pas maintenant. Nous en savons suffisamment pour commencer à agir. Mais nous ne mesurons pas encore toutes les conséquences et les répercussions. C'est pourquoi j'ai proposé, lors de la conférence internationale "Biodiversité, science et gouvernance", organisée à l'initiative de la France le 24 janvier dernier au siège de l'UNESCO, la mise en place officielle d'un réseau mondial d'expertise sur la biodiversité. Je suis heureux de voir que les meilleurs scientifiques du monde ont repris cette proposition. L'objectif d'un tel réseau est d'approfondir notre connaissance de la biodiversité et d'établir les bases scientifiques indiscutables permettant à la communauté internationale d'exercer ses responsabilités. Pour cela nous devons mobiliser toutes les disciplines scientifiques concernées et appeler à un vaste effort de coopération internationale, qui pourrait être entrepris sous l'égide de la Convention des Nations Unies sur la Diversité Biologique. Un effort qui ira dans le sens du renforcement nécessaire de la gouvernance mondiale de l'environnement. La France plaide inlassablement en ce sens, avec notamment la proposition de création d'une Organisation des Nations Unies pour l'Environnement, qui sera discutée à New York par les chefs de gouvernement du monde entier lors du sommet des Nations Unies, en septembre prochain. Ce réseau mondial d'expertise sur la biodiversité devra travailler dans plusieurs directions. Tout d'abord, compléter l'inventaire du vivant. A ce jour, en effet, à peine un million et demi d'espèces ont été répertoriées sur un total estimé entre cinq et trente millions, marge d'incertitude qui traduit l'ampleur de notre méconnaissance. La deuxième mission, c'est comprendre la dynamique des écosystèmes. Les scientifiques commencent tout juste à déchiffrer l'extrême complexité des relations qui unissent les espèces entre elles et avec leur milieu. Cette interdépendance est la clé de l'équilibre fragile de chaque écosystème comme de la biosphère tout entière. L'Homme ne peut s'en abstraire. C'est cette complexité, que les travaux remarquables du Professeur E.O. WILSON ont contribué à populariser, qui explique pour une part la lenteur des prises de conscience. Enfin, il faut clarifier l'impact du changement climatique sur la biodiversité. Il existe un précédent : le Groupe Intergouvernemental sur l'Évolution du Climat, dont les travaux, depuis 1988, ont permis de dégager un consensus scientifique sur la réalité et la portée du réchauffement climatique, que beaucoup, au départ, se refusaient à admettre. Car c'est bien d'un tel consensus dont les responsables politiques ont besoin pour fonder leur action. Avec la lutte contre le changement climatique, la préservation de la biodiversité nous impose une profonde évolution des mentalités et des modes de vie. En ayant inscrit cette année dans sa Constitution une Charte de l'environnement, la France se place résolument dans cette perspective. Cette charte consacre la biodiversité comme droit et comme patrimoine collectif. Elle définit le principe de précaution, qu'il est capital d'appliquer aux questions posées par l'érosion du vivant. Face à l'urgence de la situation, nous devons accélérer le mouvement. 148 En prenant conscience de son appartenance à la biosphère et de sa dépendance à l'égard de l'ensemble du vivant, notre civilisation réalise aujourd'hui sa fragilité. Le moment est venu de s'engager sur la voie d'une écologie humanisée et d'intégrer dans notre quête du progrès économique et humain la conscience de nos devoirs envers la nature et de nos responsabilités à l'égard des générations futures. C'est en agissant tous ensemble que nous y parviendrons. » Substantifs, adjectifs, verbes, constructions négatives aussi peuvent être porteurs de connotation négative. Bilan : l’utilisation des mots à connotation positive et négative dans les discours / textes est capable de créer de forts contrastes. Les autres discours se laissent explorer du point de vue de la connotation positive et négative pareillement. 1.4.3. Mots de valeur Prenons pour point de départ le discours 2, le discours de Chirac devant la Commission des droits de l'Homme des Nations Unies. Voyons les mots de valeur, positifs et négatifs, exprimant des valeurs démocratiques primaires et dérivés au sein d’un même texte. «Monsieur le Président de la Commission des droits de l'Homme, Monsieur le Président de la Confédération suisse, et permettez-moi de vous dire, cher Président, que j’ai écouté avec beaucoup d’intérêt votre propos, Messieurs les Présidents de la République fédérale de Yougoslavie et de la République démocratique du Congo, Monsieur le Secrétaire Général des Nations Unies et cher ami, Madame la Haut Commissaire, Mesdames et Messieurs les Délégués Merci, Monsieur le Président, d’avoir si gentiment rappelé que les droits de l'Homme, le souci de l’homme et de sa dignité sont, depuis bien longtemps, avec naturellement les accidents de l’histoire, mais depuis longtemps, une passion de la France. Le peuple français fut, c’est vrai, parmi les premiers à déclarer les droits de l'Homme universels et sacrés. La nation française s’est toujours voulue aux avant-postes du combat pour la liberté. Mais nous voici à un moment de notre histoire où aucun Etat, aucun peuple ne peut prétendre à des combats solitaires. A l’heure de la mondialisation et de la communication immédiate, tout doit être pensé, accompli, rêvé à l’échelle du monde. C’est pourquoi les Nations Unies, nées du rejet des guerres et de la barbarie, sont, et ont vocation à être toujours davantage, le fer de lance d’un humanisme renouvelé et moderne. Porté par cette conviction, je suis heureux de m’exprimer aujourd’hui, pour la première fois, devant la Commission des droits de l'Homme et d'en saluer le Président, qui est un ami de la France. Nous avons célébré voici peu le cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle. Adoptée au lendemain du pire cauchemar de l'Histoire, elle a gardé toute sa vérité, toute son exemplarité, toute sa force. Face à la monstrueuse et mystérieuse violence de l'homme à l'égard de l'homme, à la tentation de toute société d'opprimer autant que de protéger, elle affirme les droits de chacun, universels, indivisibles, inaliénables. Elle constitue la loi morale de l'humanité. Malgré les horreurs du siècle écoulé, siècle des totalitarismes, nazi, communistes, fondamentalistes ; des génocides et des crimes contre l'humanité, de la Shoah ; siècle marqué par la coexistence de la misère la plus profonde et d’une prospérité sans précédent et parfois insolente, nous avons vu germer les graines de l’espérance. Les Nations Unies ont adopté des traités qui enracinent les droits de l'Homme dans le droit international. En Europe, la chute du Mur de Berlin a rendu la liberté à près de 400 millions de femmes et d’hommes. Un nouvel espoir est né en République Fédérale de Yougoslavie après l'élection du Président KOSTUNICA que je suis heureux de saluer ici. En Amérique Latine, des bastions de l’autoritarisme sont tombés. En Afrique, l’apartheid a été vaincu, les processus démocratiques se sont engagés. Et quel exemple nous offre la démocratie indienne depuis l’Indépendance ! 149 Espérance réelle mais fragile. Espérance à faire vivre. Elle nous impose vigilance, exigence et volonté. Mieux protéger les femmes et les hommes. Aller plus loin dans l'élaboration de normes plus justes et dans le respect des droits économiques et sociaux de chacun. Prévenir des formes d'oppression nouvelles. Telles doivent être nos priorités et notre ambition. Par l'adoption des Pactes et la mise au point des conventions, les Nations Unies s’affirment chaque jour davantage comme la patrie virtuelle et l’instrument principal de la défense des droits de l'Homme. Mais beaucoup reste à faire. Une architecture complexe a été mise en place. Il faut en améliorer le fonctionnement, notamment pour mieux lutter contre le cumul des discriminations dont souffrent les femmes et les populations vulnérables. Nous progresserons ainsi, sans politisation, au service du mandat qui nous rassemble ici : le respect par les Etats du droit qu'ils se donnent à eux-mêmes. Notre objectif doit être la ratification universelle des pactes et traités. L’adhésion de la Chine, où vit le cinquième de l’humanité, au Pacte sur les droits économiques, sociaux et culturels constitue une avancée très importante. Le dialogue que l’ONU et l'Europe entretiennent avec elle sur ces sujets n'en est que plus justifié pour l’encourager à ratifier le Pacte sur les droits civils et politiques et à en assurer le respect. Il est urgent aussi qu’entre en vigueur le traité instituant la Cour Pénale Internationale. Même s’il appartient d’abord aux nations de faire oeuvre de justice, de mémoire, de réconciliation, la Cour doit être l’épée de Damoclès qui menace les criminels contre l’humanité. Si elle remplit son rôle, si elle prend toute son ampleur, les actes qui révoltent la conscience universelle ne risqueront plus de rester impunis. Bien sûr, les textes ne valent que s’ils sont appliqués. A l'issue du sommet de Vienne, nous avons créé, avec conviction et enthousiasme, le Haut Commissariat aux Droits de l'Homme, instance dont Madame ROBINSON assume avec tant d’éclat, d’efficacité et d’élégance la responsabilité. Je veux lui dire combien je lui sais gré de la foi qui l'anime et du courage avec lequel, en tous lieux et en toutes circonstances, elle rappelle à tous et à chacun nos valeurs communes. Je regretterais profondément son départ s’il était confirmé, même si je respecte sa décision. Je déplore, comme elle, les moyens trop limités qui lui sont alloués. A quoi bon, c’est vrai, l'assistance technique, si elle est insuffisante ? A quoi bon comités et représentants spéciaux, s'ils ne peuvent accomplir leur mission ? La France plaide avec force pour que le budget ordinaire des Nations Unies augmente la dotation du Haut Commissariat. Par l'accord de coopération qu’elle va conclure avec lui, elle consacrera plus de dix millions de francs supplémentaires à des programmes d’assistance technique parce que l’urgence est grande. Parce que les idéaux et les principes qui nous animent s’appliquent partout, notre Commission doit se saisir des problèmes qui soulèvent l’émotion légitime de la communauté internationale. Ainsi, quelle aurait été sa crédibilité si elle n’avait pas inscrit l’année dernière à son ordre du jour la question tchétchène ? De même, en raison de la dramatique dégradation de la situation dans les territoires palestiniens occupés, il est de son devoir d’y examiner l’état des droits de l'Homme, dans un esprit d’équité et en se fondant sur les seuls faits. Entre Etats, le dialogue, critique et vigilant, mais sans parti pris ni arrogance, doit être la règle. La France souhaite d'autant moins s'ériger en donneuse de leçons qu'elle-même peut parfaire son bilan. Les droits fondamentaux y sont pleinement respectés. Mais, malgré ses efforts et ses lois, la situation dans les prisons, l'état de la présomption d'innocence, la persistance de la pauvreté, des réflexes racistes parfois, demeurent des domaines où la France peut et doit progresser. Ouverte à ceux qui ont mission de veiller au respect des traités, elle ne se dérobe pas à l'examen de ses pairs. Pas de leçons, donc, mais une action déterminée pour élaborer et favoriser l’application d'un droit universel. Et dans les situations les plus graves, lorsque le dialogue échoue, pour que l’on n’hésite pas à recourir à la condamnation. Vous le savez, la France est réservée à l'égard des sanctions. Economiques, elles frappent d'abord les populations civiles, et parmi elles les plus pauvres et les plus faibles. Politiques, elles provoquent un raidissement des dirigeants concernés. Mais quand un pays bafoue massivement les valeurs universelles, la communauté internationale se doit de le condamner et d'exercer, dans le respect de la Charte, des pressions ciblées pour faire évoluer la situation. Comme Madame ROBINSON, je fonde de grands espoirs dans les initiatives des organisations régionales ou culturelles. C'est ce qui nous a conduit à proclamer, lors du Conseil de Nice, la Charte européenne des droits fondamentaux, et à créer un mécanisme d’alerte. Dans le même esprit, la France s'emploie au renforcement de la francophonie politique. A Bamako en novembre dernier, les francophones ont réaffirmé leur attachement à la démocratie et aux droits de l'Homme, et ils ont établi un dispositif d'alerte et de pressions. Lors du sommet de Beyrouth, les francophones adopteront un programme d'assistance technique dont la France assumera l'essentiel de la charge. Mais les libertés publiques sont d’abord nées de l'action des combattants de la liberté. Ce sont eux qui les font progresser là où elles sont menacées. Quand le Prix Nobel de la Paix honore Aung San Su Kyi pour son action 150 courageuse en Birmanie, ou Rigoberta Menchu Tum pour son combat pacifique pour les droits des peuples premiers, il leur exprime notre reconnaissance. Dans la société internationale naissante, les ONG, qui rassemblent les défenseurs des droits de l'Homme, sont nos vigies. Elles protègent les victimes du silence. Force d'alerte et de proposition, elles sont le fer de lance de notre combat. Notre Commission s'honore de leur faire une large place. Nous formons une assemblée d'Etats, représentant nos peuples et dépositaires de la souveraineté. Mais il convient de faciliter encore l'exercice de leur fonction tribunitienne. En outre, face à l'explosion de leur nombre, le Secrétaire général, les ONG et les Etats devraient ensemble étudier des critères d'accréditation qui garantissent mieux l’efficacité, l’authenticité et la transparence. Et pour permettre aux associations du sud de faire entendre leur voix, des aides généreuses sont nécessaires. Nous avons besoin aussi, dans notre monde où les entreprises s'internationalisent toujours plus, que soient mieux établies leurs responsabilités. Le Secrétaire Général a proposé ce "pacte mondial" novateur par lequel elles s'engagent à respecter les droits fondamentaux. La France appuie cette initiative et encourage ses propres entreprises à y adhérer. Elle lui apportera son soutien financier. De même, je me félicite des progrès de l'actionnariat éthique. Mais qui en établira les critères ? Une concertation avec l'ONU est nécessaire pour assurer leur conformité à la norme internationale. Quels progrès accomplir, dès cette année, dans l'élaboration de normes plus justes et le respect des droits économiques et sociaux ? Tous les observateurs confirment la persistance et l'étendue de la torture comme pratique légale ou de fait. Au-delà des souffrances infligées, rien n'est plus révoltant que cette volonté de dégrader et d'humilier l'homme ! Voilà pourquoi nous devons compléter la Convention contre la torture par un protocole international de visite. Autre motif de révolte : la pratique trop courante des disparitions forcées. A l'assassinat s'ajoute l'atrocité d'un deuil impossible. Je souhaite que la Commission se mobilise contre ce crime odieux et que les gouvernements des pays concernés qui, comme celui de Colombie, ont décidé de le combattre effectivement, l’appuient dans cet effort. Sur la peine de mort aussi, nous devons progresser. Plus de 100 pays l'ont abolie, rejoints chaque année par trois ou quatre nouveaux Etats, à mesure que s'enracine la conviction qu'en aucun cas la mort ne peut constituer un acte de justice. En outre nulle justice n'est infaillible et chaque exécution peut tuer un innocent. Et que dire des exécutions de mineurs ou de personnes souffrant de déficience mentale ? J'en appelle à l'abolition universelle de la peine de mort, dont la première étape serait un moratoire général. Dresser aujourd'hui le tableau de nos priorités c'est aussi reconnaître l'immense défi de la misère, déni de fait à l'indivisibilité des droits. L’éradication de la pauvreté est une priorité. Quelle liberté reste-t-il à celles et ceux qui meurent, faute de soins, ou qui meurent de faim ? Jamais le monde n'a été aussi riche et pourtant plus de deux milliards d'entre nous vivent avec moins de 2 euros par jour, comme le rappelait justement tout à l’heure le Président suisse. Même si elles ne guérissent pas, les trithérapies existent et pourtant, de part le monde, des centaines de milliers de personnes continuent à mourir du Sida, sans pouvoir en bénéficier. Nous devons réaffirmer avec force le droit au développement, le droit à la santé. A Bruxelles, en mai prochain, j'appuierai l'action internationale en faveur des pays les moins avancés. A Dakar, en novembre, avec l’ONU et à l'initiative du Sénégal et de la France, l'industrie, les ONG et les Etats devront s'entendre sur des mécanismes de prix et des projets par pays, ouvrant l'accès des malades aux soins contre le Sida. Dans quelques mois, l'Afrique du Sud accueillera la Conférence mondiale contre le racisme. Je salue la force symbolique de ce rassemblement à Durban dont nous parlions tout à l’heure avec Mme la Haut commissaire. Nul doute que sera rappelé le devoir de mémoire lié aux horreurs de la traite et aux souffrances inouïes endurées par des générations arrachées à leur terre et réduites en esclavage. Mais s’il convient d’éclairer le passé, nous avons d’abord la responsabilité du présent et de l'avenir, dans un esprit de solidarité. Comme le soulignait sagement le Président du Sénégal, la conférence fera oeuvre utile en s'attaquant aux problèmes d'aujourd'hui. Qu'il résulte des lois ou d'usages, le racisme se manifeste sur tous les continents. C'est la xénophobie et l’affrontement ethnique dont souffrent, parmi d’autres, l’Indonésie, la région des Grands Lacs africains ou la Sierra Leone, et qui a meurtri l’Europe des Balkans. C’est l’obscurantisme, qui mène à la persécution des minorités et au refus de l’égalité : la tragédie afghane nous en montre les ravages et les femmes, privées de droits, y sont honteusement asservies. Ceci n’est pas acceptable. A l'heure où tant de femmes sont encore opprimées, premières victimes de l'esprit de discrimination, du fanatisme ou de la pauvreté, comment mieux progresser que par l'éducation ? A New York, au Sommet de l'Enfant, je proposerai que nous insistions sur l'accès universel des filles à l'éducation, premier vecteur de développement et d'égalité. 151 Enfin, il nous faut progresser dans la rédaction de la Déclaration des droits des populations ou peuples autochtones. Victimes de l'Histoire, ils sont dépositaires d'une part inestimable du patrimoine commun de l’humanité. Ces peuples et leurs savoirs sont menacés. Sachons reconnaître ce que nous leur devons et ce qu'ils peuvent nous apporter. Ce qui est en jeu, c’est la définition et la mise en oeuvre d’une éthique planétaire capable de fonder l'avenir de l'homme en gardant en mémoire son origine et ses liens avec la nature. La Commission des droits de l'Homme ne remplirait pas sa mission si elle ne portait pas son regard sur l'avenir. La mondialisation est source de grands progrès, mais lourde de menaces nouvelles. Il s'agit de faire respecter les droits de l'Homme sur les nouveaux supports de son activité. Je suis conscient de l'extraordinaire potentiel de l'internet. Il rompt le silence et l'isolement des êtres et des communautés opprimés ; mieux informés de leurs droits, ils font aussi plus facilement connaître les violations dont ils sont victimes. Le projet français d'Encyclopédie des droits de l'Homme sur internet confortera cette dynamique. Mais en même temps, l'internet donne la possibilité d'entrer par effraction dans l'intimité de chacun, à son insu, et fournit les nouvelles armes du crime, qu'il s'agisse du terrorisme, des trafics de stupéfiants ou d'être humains, de la pédophilie ou de l'incitation à la haine raciale. Les mesures de protection et de contrôle seront efficaces à condition d’être universelles. Il faut y travailler. Je propose en outre que nous affirmions ici les droits et libertés que tout Etat doit absolument garantir sur les nouveaux réseaux de communication pour qu’y soient respectés la liberté d’expression, la liberté d’association, la liberté de la presse et le droit à la protection de la vie privée. La révolution des sciences du vivant est également porteuse d'immenses espoirs pour la santé et la qualité de la vie. Mais quand, bafouant le caractère sacré de la personne humaine, par esprit mercantile ou par dévoiement de la passion scientifique, certains expérimentent ou prônent ouvertement le clonage humain, comment affirmer une bioéthique universelle, comment protéger l'intégrité de la personne humaine ? Par la déclaration sur le génome humain et la création d’une Commission indépendante d’éthique, l’UNESCO a montré la voie. Tirant parti de ce modèle, le Secrétaire Général pourrait devenir le pivot de la réflexion des organisations internationales sur ces enjeux en s’entourant lui aussi des avis d’experts indépendants. Ils pourraient recevoir comme première mission de réfléchir à la forme et au contenu d'un texte universel consacré à la bioéthique. Enfin, à l'heure du réchauffement climatique, de l’inquiétante et inacceptable remise en cause du Protocole de Kyoto, des atteintes irrémédiables portées à la biodiversité, au moment où l'on voit s'étendre les déserts et poindre une crise majeure de l'eau douce, comment affirmer le droit à un environnement protégé et préservé, c’est-à-dire le droit des générations futures ? C’est dans cet esprit que j’appelle solennellement tous les Etats, et d’abord les pays industrialisés, à mettre en oeuvre intégralement et sans retard le Protocole de Kyoto sur le changement climatique. A quelques mois du 10ème anniversaire du sommet de Rio, qui affirma les principes du développement durable, la Commission des droits de l'Homme apporterait sa pierre à l'édifice en réfléchissant aux éléments d'un tel droit à l'environnement, crucial pour les pays en développement d’abord, puisqu’ils sont les plus vulnérables aux altérations du milieu naturel. Monsieur le Président, Nous nous flattons de vivre dans un monde sans frontière. Nous sommes fiers d'avoir vaincu quelques-unes des pires fatalités qui, depuis l'origine, pèsent sur le développement humain. Dès lors, l'humanisme du XXIème siècle se doit d'être l'affirmation d'une éthique universelle, fondée sur le caractère sacré de la personne humaine et l'exigence de solidarité. Représentant votre pays, il appartient à chacune et chacun d’entre vous de défendre ses valeurs et son identité. Mais exprimant une conscience universelle, instrument du droit international, il revient à la Commission d'incarner l'intérêt général. De ce dialogue entre l'universel et le particulier peut naître le progrès. Aussi longtemps qu'il restera des atteintes aux droits de l'Homme, demeurera un conflit entre l'ingérence et la souveraineté, la tentation de l'absolu et le compromis avec les réalités. Loin de nous réduire à l'impuissance, cette tension sera notre aiguillon dans la construction d'un ordre international plus juste et plus humain. Monsieur le Président, je vous remercie. » Remarque : les autres discours aussi contiennent quasiment les mêmes mots de valeurs, mais bien entendu, dans une proportion différente. Dans l’ensemble, ce discours était le plus prototypique concernant les mots de valeurs. 152 1.5. Termes techniques Prenons pour exemple le discours 16, le discours lors de la cérémonie d'ouverture de la conférence internationale sur les routes de la drogue. «Mesdames et Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, Mesdames et Messieurs les Délégués, Je voudrais tout d'abord, avant d'aborder le thème de cette conférence, exprimer la forte émotion de la France [géographie] et, je le sais, de chacune et de chacun d'entre nous devant le malheur qui vient de frapper l'Algérie [géographie], victime hier soir d'un terrible tremblement de terre [géographie] qui a fait, hélas, de très nombreuses victimes. Que les Algériennes et les Algériens soient assurés de la solidarité [politique] de la France[géographie], bien sûr, mais aussi de celle, j'en suis sûr, de tous les pays représentés ici ainsi que de notre volonté de nous tenir à leurs côtés fraternellement dans la cruelle épreuve qui les frappe. Les routes de la drogue croisent les malheurs de l'homme : la détresse, la maladie, la misère, le crime. Les explorer, comme vous allez le faire, c'est plonger au coeur des sociétés humaines, c'est en saisir les fantasmes, les vices et les faiblesses. Nous devons aborder ces chemins sans idéologie [politique], sans préjugé [politique/sociologie/psychologie], l’esprit ouvert. Parce qu'à chaque étape, nous rencontrons des problèmes complexes, difficiles, auxquels nous ne pourrons répondre qu'avec une fermeté sans faille, alliée à beaucoup de générosité, de volonté de dialogue [politique], à la lumière de l'expérience de chacun d'entre vous. Je vous remercie d'avoir répondu à l'invitation du Ministre des Affaires étrangères [politique] qui a souhaité renouveler la mobilisation [politique, militaire] contre ce fléau. Vous connaissez la position de la France : la drogue est une gangrène [santé] qui menace chaque pays touché par son trafic [économie/commerce], qu’il soit producteur, transitaire ou destinataire [économie/commerce]. Une gangrène [santé] répandue sur tous les continents et aggravée par la mondialisation. Une gangrène [santé] qu’il faut combattre dans toutes ses dimensions [physique], loin en amont des routes, par une combinaison d'approches répressive et judiciaire, sanitaire et sociale, économique et financière, et sur tous les fronts, national, régional, mondial. Aujourd'hui, l'Afghanistan[géographie], puisque c'est lui qui est en cause, nous inquiète. Il nous mobilise [politique/militaire], car ce qui s’y produit menace sa stabilité [politique/économie], celle de ses voisins et la sécurité internationale [politique / militaire]. Il y a un peu plus d'un an, l'Afghanistan[géographie] se libérait [politique/militaire] des Talibans [politique] qui faisaient régner [politique] la terreur [politique] sur ce grand peuple et qui offraient une base arrière aux réseaux terroristes [politique / militaire] à travers le monde. Nous nous sommes réjouis de voir ce pays recru d’épreuves pouvoir enfin s'engager sur la voie de la paix [politique] et de la reconstruction. Par son appui au processus de Bonn et de Tokyo, par la présence de ses forces armées [politique / militaire], du représentant spécial du Secrétaire général [politique/droit] de l’ONU [organisations internationales] et de ses équipes, la communauté internationale [politique] soutient activement l'Afghanistan[géographie]. Et je suis heureux de saluer parmi nous M. Abdullah Abdullah, Ministre des Affaires étrangères [politique] d'Afghanistan [géographie] . Je veux lui dire combien nous apprécions le courage et la sagesse du Président Hamid Karzaï et de son gouvernement [politique], son action résolue face à une tâche immense et nécessaire. Lui dire le soutien [politique /économie] et l’amitié de la France [géographie], notre soutien et notre amitié à tous. Par un engrenage terrible, l'Afghanistan [géographie] est devenu en quelques années l’un des principaux producteurs [économie] mondiaux d'opium [drogues]. Triste palmarès, conquis dans les conflits, l'absence d'Etat [politique/droit], les nécessités de la survie, et en réponse à une forte demande extérieure d'opium et d'héroïne [drogues]. En dépit de l'interdiction, confirmée par le gouvernement [politique] afghan en janvier 2002, l’opium [drogues] assurerait, selon les Nations Unies [organisations internationales], le cinquième du revenu national [économie] afghan. La réponse est policière et judiciaire. L'Afghanistan [géographie], qui a tout à rebâtir, doit aussi 153 construire son appareil de sécurité [politique / militaire]. Il est en train de le faire, avec l'aide de la communauté internationale [politique]. Mais nous savons aussi qu'il faut une alternative aux trois millions d'Afghans qui vivent désormais de la production [économie] de la drogue et que les stratégies de développement ne porteront leurs fruits que dans plusieurs années. Nous devons agir énergiquement sur l’ensemble du marché [économie], sur la demande extérieure [économie] , toujours plus forte, autant que sur l’offre [économie]. Tel est l'enjeu de votre conférence. Traiter la question des routes, c'est souligner l'interdépendance [politique ?] du monde contemporain. C’est proposer une approche nouvelle et exhaustive. C'est, à la fois, soutenir l’effort d’éradication de la production [économie] et mobiliser les pays "consommateurs" [économie] pour qu'ils réduisent fortement la demande [économie] chez eux, qu'ils combattent avec plus d'efficacité les effets de la drogue et de son trafic [économie] . Nous sommes en face d’une menace dont je crains que nous n’ayons pas encore pris toute la mesure. En attendant que les efforts des autorités [politique / droit] afghanes portent leurs fruits, allons-nous laisser prospérer [économie] les trafiquants [économie / drogues] ? Les laisser alimenter les marchés de consommation [économie]? Les élargir à de nouveaux usagers [économie / drogues] en leur offrant des substances [drogues / chimie, etc.] disponibles en abondance ? Laisser le crime organisé [politique/droit], souvent lié au terrorisme[ politique/droit], conforter son emprise sur les sociétés [politique/sociologie] et les Etats [politique/droit], s'assurer la puissance [politique/économie], en dégageant de scandaleux profits [économie], ? Nous devons rester maîtres du jeu. C'est un des grands défis de la mondialisation. L’Europe occidentale [géographie] était, récemment encore, la principale destination [économie/tourisme] de l’héroïne [drogue] d’Afghanistan [géographie]. Aujourd’hui, dans des espaces géopolitiques de plus en plus ouverts, comme l’Union européenne [organisations internationales] et les pays qui la rejoignent, mais aussi les pays de la Communauté des Etats indépendants, la Turquie, l’Iran, le Pakistan [géographie], la circulation des personnes, des biens et des capitaux [économie/droit] s’est fortement intensifiée. La liberté [politique/droit] gagne du terrain, mais les transitions [politique/économie ]ont des effets pervers, comme la montée de la toxicomanie [santé] dans des groupes sociaux fragilisés [sociologie] et la constitution de groupes criminels transnationaux [politique/droit] puissants. Alors que la consommation [économie] d’héroïne [drogues] baissait en Europe occidentale [géographie], remplacée par d’autres substances [drogues/chimie], un nouveau marché [économie] s’est créé sur le reste du continent eurasiatique, en Asie centrale et en Asie du sud-est [géographie]. La criminalité transnationale organisée [politique/droit] prospère [économie] sur ces trafics [économie]. Elle engendre une corruption [politique/droit/économie] terrible. Les mafias [politique/droit/économie] qui contrôlent les trafics de drogue [économie/drogues/droit] sont celles que l’on retrouve dans la traite des êtres humains [politique/droit], le trafic d'armes [politique/droit] et toutes sortes d’autres activités hautement criminelles [politique/droit]. Nous devons agir ensemble pour que ces groupes ne trouvent pas, dans l’ouverture des frontières, des zones "grises" où prospérer [économie] en toute impunité [droit]. Les groupes criminels [politique/droit] actuels maîtrisent les technologies les plus performantes, se jouent des frontières [politique/géographie] , jonglent avec les procédures, s'entourent de professionnels. Prenons-y garde ! Sous ces multiples visages, ils menacent les efforts d’enracinement et de démocratisation [politique] des nouveaux Etats [politique/droit]. Ils s'insinuent au coeur du système économique mondial [économie], vecteurs [mathématiques] de crime, de violence [politique/droit/psychologie] et d’anarchie [politique]. Il est de notre devoir de rassembler nos forces contre ces puissances déstabilisatrices. La route de la drogue est aussi un chemin de souffrance, celui de la désespérance, de la fragilité, de la maladie [santé]. Combien de vies brisées, combien de familles déchirées, de promesses gâchées parce qu'un jeune, un enfant souvent, a croisé un jour le chemin d'un marchand de mort ? En ébranlant la cohésion sociale [politique/sociologie], en marginalisant [politique/sociologie] les personnes touchées, en frappant si durement - et je pense aux ravages du sida, de l'hépatite, de la tuberculose -, la toxicomanie est un enjeu de santé publique mondiale [santé 5X]. La lutte contre la drogue doit mobiliser, au plan national et international, l’ensemble des acteurs [politique/économie] sanitaires et sociaux. La contamination du sida par voie intraveineuse [santé 3X] connaît une explosion effrayante dans certains pays. Et les Etats [politique/droit] les plus affectés sont ceux qui ne disposent ni des moyens ni des structures nécessaires pour y faire face. Là encore, le mot d’ordre est action et solidarité [politique]. Nul ne peut s'exonérer de son devoir d'agir contre la production et le trafic de drogue [économie/drogues] à partir de son territoire [politique/géographie]. Il n'existe plus, ni pays de transit, ni pays de consommation [économie/drogues], mais des pays victimes. Pays producteurs [économie/drogues], enfermés dans un cercle vicieux. Pays consommateurs [économie/drogues], atteints dans leurs forces vives. Je souhaite qu'à l'occasion de cette conférence, tous les responsables de la lutte contre le trafic [économie/drogues] et la toxicomanie [santé] apprennent à se connaître, à se faire confiance. Que l'on brise ici et aujourd'hui méfiances et préjugés [politique/sociologie/psychologie]. 154 Cette action équilibrée et solidaire, qui vise à réduire simultanément l’offre et la demande [économie], cherche à proposer aux pays pauvres où la drogue est produite des chemins de développement sains. C’est celle-là même que nous avons adoptée à l’ONU [organisations internationales] , voici cinq ans, lors de la session extraordinaire que son Assemblée générale[organisations internationales / politique] a consacrée à cette question. Celle-là même qui prouve son bien-fondé en Amérique latine. La coopération internationale portera ses fruits à condition de reposer sur des bases claires, juridiquement solides et acceptées par tous les Etats. L'ONU[organisations internationales] dispose de la légitimité indiscutable pour être le moteur de cette coopération. Je voudrais remercier M. Antonio COSTA, directeur exécutif de l'Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime[organisations internationales], co-organisateur de cette conférence. En plaçant nos travaux dans le cadre des conventions et sous l’égide de l’ONU[organisations internationales], nous leur donnons une autorité accrue. Nous relançons la coopération internationale [politique] à un moment où certains peuvent être tentés de baisser les bras. Qu’il s’agisse de l’héroïne, de la cocaïne, du cannabis ou des drogues de synthèse [drogues], les défis et les mesures sont les mêmes, les moyens à notre disposition sont comparables. Ayons à coeur de démontrer que nos Etats [politique/droit] sont décidés à protéger nos peuples contre le poison des paradis artificiels [drogues]. C’est cette volonté qui anime la France [géographie] dans la politique qu’elle conduit sur son territoire [géographie/politique]. Quand, il y a quinze ans, nous avons entrepris de réduire la transmission [santé/télécommunications] des virus [santé/biologie] par voie intraveineuse [santé], il a fallu nous avouer à nous-mêmes des vérités dérangeantes. En même temps, la France [géographie] a engagé un vaste programme de traitements de substitution [santé]. Elle a ainsi réussi à stabiliser la consommation d'héroïne et à enrayer les contaminations associées [santé]. Mais aujourd'hui elle est confrontée à d'inquiétantes tendances. D'autres produits progressent chez nous : le cannabis, la cocaïne, les drogues de synthèse comme l'ecstasy [drogues/santé]. Ils font d'autant plus de ravages qu'ils sont associés aux cocktails médicamenteux [drogues/santé] et à l'alcool [drogues/santé]. Les chercheurs ont commencé d'établir un lien entre la consommation de cannabis et le déclenchement de maladies psychiques [drogues/santé]. Les résultats très inquiétants de ces travaux scientifiques nous ont fait réagir. Le Gouvernement [politique] prépare un nouveau plan de lutte contre la toxicomanie [santé/drogues] en France [géographie], un plan guidé précisément par ce double objectif: réduire les consommations et prévenir la dépendance [santé/économie] d’une part ; lutter avec plus d'efficacité contre les trafics et les filières d'approvisionnement, d’autre part. [...]» Observations : C’est une évidence qu’il n’existe pas de langues de spécialité pures. Le discours ci-dessus dont le vocabulaire peut être lié à plusieurs domaines de spécialité comme p.ex. l’économie, le droit, la santé, les organisations internationales, etc. en est une preuve aussi. En plus, la fréquence des mots dits quotidiens est aussi élevée. Les autres discours aussi sont de ce point de vue de nature mixte où les proportions de ces composants varient en fonction des sujets abordés. Le vocabulaire politique est présent, mais il n’est pas prépondérant bien qu’il ait une proportion importante. D’ailleurs, il y a aussi des termes qui peuvent appartenir à plusieurs domaines à la fois. Il est important de noter aussi que la plupart des termes sont des substantifs, mais il y a aussi des verbes (p.ex. mobiliser, se libérer), des adjectifs (p.ex. transitaire, intraveineuse, etc.) et mêmes des expressions (p.ex revenu national, réseaux terroristes, etc.) qui fonctionnent en tant que des termes techniques. 155 Chapitre 2. Analyses pragmatiques «La pragmatique traite de processus mentaux non linguistiques dont certains sont déclenchés par des éléments linguistiques et ont pour but la saturation de ces éléments linguistiques, alors que d’autres leur sont totalement étrangers et traitent d’informations directement tirées des perceptions du monde extérieur.» (Reboul, A. / Moeschler, J. : 1994, 503) Dans ce chapitre, nous mettons l’accent sur trois aspects particuliers en relation avec le sujet parlant, notamment, sur la représentation de soi et de l’autre et au dit (actes de langage) ainsi que sur le positionnement du locuteur par rapport au dit, donc, sur la modalité. Pour nos analyses, la Grammaire du sens et de l’expression de Patrick Charaudeau (Charaudeau, P. : 1992) ainsi que la Grammaire du français. Approche énonciative213 de Mauryce Lévy (Lévy, M. : 2000) ont fourni une aide précieuse. 2.1. La déixis personnelle : représentation de soi et de l’autre – la présence et l’exclusion 2.1.1. La désignation pronominale et nominale du Je présidentiel Le Jeu présidentiel a plusieurs fonctions qu’on pouvait identifier dans les discours : [1] assurance de la fonction fatique, [2] l’ethos du guide qui explique, explicite et clarifie son action, [3] engagement/ promesse, [4] empathie, [5] politesse. D’ailleurs, le je se cache souvent derrière le nous aussi. [6] Concernant les formes pronominales, le je se trouve 169 fois, le j’ 40 fois, le moi 5 fois dans le corpus complet. Les formes nominales mon, ma, mes montrent un nombre pareil comme les formes pronominales nommés, tandis que la fréquence des formes le mien, la mienne, les miens, les miennes n’est pas significative. Pour les différentes fonctions réalisées, prenons comme exemple le discours 13, le discours lors de la cérémonie d'ouverture de la Xe conférence internationale sur les MST/SIDA en Afrique. «Je voudrais remercier [2] tout particulièrement mon ami le Président Henri Konan Bédié pour son invitation et pour la chaleur de son accueil. La France est fière d'entretenir avec la Côte d'Ivoire des relations étroites et constructives. Ces relations ont été instaurées par l'histoire et par la volonté de deux hommes : le Président Félix Houphouet Boigny et le Général de Gaulle. Aujourd'hui, quatrième anniversaire de la disparition du père fondateur de la Nation ivoirienne, saluons sa mémoire et ayons pour lui une pensée de gratitude et de respect ! Chef d'Etat mais aussi médecin, ancien ministre français de la santé publique et grand humaniste, nul doute que le Président 213 Lévy a été influencé par les enseignements de Culioli. Dans le livre nommé, les notions d’énoncé, d’énonciateur, de modalité et d’aspects, etc. sont longuement et clairement exposées. L’ouvrage nommé est accessible sous format électronique également sur Google Books : http://books.google.com/books/about/Grammaire_du_fran%C3%A7ais.html?id=SriNFXS1AeYC 156 Houphouet Boigny aurait guidé et encouragé le combat que vous livrez contre l'épidémie du sida, comme le fait à son tour le Président Konan Bédié, avec toute sa ténacité et sa clairvoyante autorité. Permettez-moi [5] aussi de féliciter le Pr. Auguste Kadio et toute son équipe pour l'organisation de cette Xème Conférence qui, je l'espère, marquera de nouvelles avancées dans la lutte contre la maladie. Maire de Paris, j'avais participé [2] à votre conférence de Marrakech, mais je n'avais pu [2] me rendre à Kampala deux ans plus tard. Je tenais [2] d'autant plus à être présent à l'ouverture de vos travaux cette année. Je ne suis pour ma part [2] ni médecin, ni chercheur et je ne détiens pas [2] les clés scientifiques d'une victoire sur le sida. Le fléau conserve d'ailleurs, pour les spécialistes eux-mêmes, une grande partie de son inconnu. C'est à vous qu'il revient de l'éclairer. Les échanges que vous aurez ici y contribueront certainement. [...] La parole dont je suis porteur [1] se veut celle d'une France qui ne peut rester silencieuse devant le cataclysme humain que l'épidémie du sida est en train de provoquer. C'est une parole d'affection pour vos malades et de compassion pour vos morts. Une parole de reconnaissance pour vous, hommes et femmes de ce continent, qui consacrez votre vie, vos forces, votre savoir et vos talents à combattre la maladie, de tout votre coeur et de tout votre esprit. Une parole d'engagement aussi, fraternelle, active et fidèle, solidaire de l'Afrique. Et une parole d'indignation et de révolte devant la souffrance, parce que l'humanité ne peut accepter l'aggravation d'un fléau qui n'épargne aucun peuple, nous le savons, mais qui s'abat par priorité sur les plus vulnérables. [...] Et il y a sans doute plus de 20 millions d'Africains parmi les 30 millions d'êtres humains porteurs du virus. Dans certaines régions, ONUSIDA, dont je tiens à saluer [2] la qualité du récent rapport annuel, dénombre 40 % de femmes enceintes séropositives. Dans les mêmes régions, une aggravation sans précédent de la mortalité infantile est annoncée, et l'on prévoit une chute de dix ans de l'espérance de vie. [...] La faiblesse de nos armes [6] ne doit servir d'argument ni au renoncement ni au fatalisme. C'est au contraire une raison supplémentaire d'attaquer le sida par tous les moyens disponibles, en même temps, partout dans le monde, et sans exclusive. Nous n'avons pas le droit [6] d'accepter qu'il y ait désormais deux façons de lutter contre le sida : en traitant les malades dans les pays développés, en prévenant seulement les contaminations au Sud. [...] Mais elle ne peut agir seule. Il est essentiel que les autres grands pays industrialisés accentuent avec elle leur mobilisation. A Abidjan, devant vous, je veux prendre solennellement l'engagement [3] d'y contribuer de tout le poids de mon pays. Et je tiens à ce que [3] le prochain sommet de ce qui est maintenant devenu le G8 marque une nouvelle étape pour répondre à l'attente de ceux qui placent une grande partie de leurs espoirs dans l'efficacité de notre action. La France invite ses partenaires, et notamment européens, à créer d'urgence un Fonds de Solidarité Thérapeutique. Il faut que nous déterminions ensemble [6] comment les ressources de l'aide au développement pourront être orientées au service de cette stratégie. Créée pour renforcer la coordination de toutes nos actions, améliorer leur efficacité et soutenir les associations qui jour après jour s'activent auprès des malades, ONUSIDA doit jouer un rôle moteur dans ce domaine. [...] Il faut multiplier les études et les expériences pour déterminer ce qui, en Afrique, est possible et efficace, mettre au point les meilleures associations de médicaments, inventer de nouvelles méthodes d'accompagnement des malades. Je sais [4] combien les volontaires regroupés sur le terrain par les organisations à but humanitaire se dévouent déjà à cette tâche, et je tiens à leur rendre un particulier hommage. [2/4] Par delà tous les préjugés, il n'y a aucune raison valable de croire que l'Afrique serait incapable d'assumer la généralisation des nouvelles thérapies. Voici, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, les voies qui me semblent devoir être suivies pour que le formidable espoir apparu au début de l'année 1996 à l'annonce des premiers bons résultats obtenus par la combinaison de plusieurs antirétroviraux soit partagé par tous ceux, hommes, femmes et enfants, qui sont agressés par le virus. Cet espoir, déjà si présent dans les pays développés, ne doit pas, au nom d'une protection illusoire, les conduire au repli sur soi. Il doit au contraire provoquer des réflexes de solidarité active envers les pays les plus atteints par la pandémie, afin qu'elle ne réduise pas à néant les progrès enregistrés en matière de développement. J'ai la conviction que [2] le combat contre le sida engage plus que jamais notre conception de l'homme et celle des sociétés dans lesquelles nous vivons. Il est urgent de riposter à l'extension de l'épidémie. Notre riposte [6] doit être vigoureuse. Elle doit être non seulement médicale et scientifique, mais aussi résolument politique. Puisse l'orientation que vous avez souhaité donner cette année à vos travaux contribuer à mobiliser les multiples énergies qu'il va falloir fédérer dans ce combat universel ! 157 Sachez qu'en ce qui me concerne [2] et fort du soutien du peuple français, fort aussi de toute ma conviction [2] et de mon affection [2] pour eux, je m'emploierai [3] à ce que l'espérance revienne au coeur des fils et des filles de votre terre d'Afrique. Je vous remercie. [5]» 2.1.2. La désignation pronominale et nominale du Nous Prenons pour l’exemple le discours 8, le discours de Chirac à l'occasion de la Conférence Internationale de Paris sur les nouveaux Financements du Développement «Avec la mondialisation, nous vivons une révolution de l'ordre international. [...] Cependant, nous savons tous que cet effort ne sera pas suffisant face à l'ampleur des besoins. Nous savons tous. Il est nécessaire, selon les Nations Unies, de porter l'aide publique au développement à près de 200 milliards de dollars par an d'ici 2015, contre 65 milliards aujourd'hui, si l'on veut atteindre les objectifs du Millénaire. Face à un tel défi, l'aide publique au développement traditionnelle est insuffisante. Elle est alimentée par les budgets des Etats, toujours à court d'argent, et de surcroît, à ce titre, elle est aléatoire. La solution, ce sont de nouveaux mécanismes de financement qui permettront de mobiliser une partie des fruits de la mondialisation. Les sommes nécessaires peuvent sembler importantes. Elles sont cependant infimes au regard des quarante mille milliards de dollars du PNB mondial ou des huit mille milliards de dollars que représente chaque année le commerce international. De nombreuses options sont possibles, contributions internationales de solidarité, IFF, loteries internationales, mobilisation de l'épargne des migrants, partenariats public privé. La France les aborde toutes dans un esprit constructif. C'est ainsi que nous prendrons notre part au lancement dans les prochaines semaines d'une facilité financière internationale pour la vaccination. Je me réjouis, à cet égard, de l'accord intervenu hier avec le Royaume-Uni. Cette démarche de solidarité porte en elle une nouvelle vision de la coopération internationale, une nouvelle conception des rapports entre le Nord et le Sud. Avec ces contributions, nous allons élargir la base de la solidarité en mobilisant une fraction des nouvelles richesses créées par la mondialisation, dont une large part échappe aujourd'hui à la fiscalité des Etats. Nous allons mobiliser les techniques les plus avancées de l'économie moderne au service des plus pauvres. Nous allons dépasser le clivage Nord-Sud au profit d'un esprit de solidarité et de responsabilité globales. Tel est le sens de l'engagement de la France et de la centaine de pays aujourd'hui présents à cette Conférence de Paris sur les nouveaux financements du développement. [...] Nous devons rendre ce mouvement irréversible. Le moment est venu de franchir une nouvelle étape, d'aller de l'avant dans la mise en œuvre de projets concrets. [...] Je rends hommage à tous les pays, du Sud pour la plupart je le note au passage, qui ont décidé de s'engager sur cette voie et d'étudier eux-mêmes la mise en place de tels mécanismes. J'appelle l'ensemble des nations représentées aujourd'hui à Paris, au premier rang desquelles les pays de l'OCDE et de l'Union Européenne, à les accompagner dans cette démarche d'avenir. Ainsi, nous réunirons rapidement les sommes indispensables à la réalisation des objectifs du Millénaire. Ensemble, nous devons également travailler à la bonne utilisation de ces ressources additionnelles. Pour changer le cours des choses, il nous faut unir nos efforts, gérer ces moyens en commun en les concentrant sur des objectifs bien définis. Dans cet esprit, je propose d'affecter le produit de la contribution de solidarité sur les billets d'avion à une "facilité internationale d'achat de médicaments" contre les pandémies du sida, de la tuberculose et du paludisme qui frappent les pays en développement. Ce choix s'impose parce que l'expérience démontre que nous savons désormais combattre efficacement ces maladies qui ruinent les efforts de développement des pays du sud. Ce choix s'impose parce que les difficultés rencontrées lors de la dernière reconstitution du Fonds mondial ont montré le besoin impérieux de ressources à la fois stables et prévisibles. Ce choix s'impose encore parce que l'accès universel aux médicaments et aux soins dans les pays pauvres est à portée de main aujourd'hui. 158 Le débat international sur la propriété intellectuelle, la concurrence des génériques, les politiques de prix différenciés des laboratoires détenteurs des brevets, ont permis de diviser par cent le coût de certains médicaments anti-rétroviraux. Nous pouvons consolider ces succès dans le cadre d'une coopération à long terme entre l'industrie et la communauté internationale fondée sur des financements stables. Cette approche nous permettra de résoudre simultanément deux grands problèmes : - d'une part, le coût des médicaments qui, même ramené à une fraction des prix pratiqués au Nord, demeure prohibitif pour des populations qui survivent avec un euro par jour et ne disposent d'aucune forme de sécurité sociale ; - d'autre part, l'absence d'un marché solvable pour les médicaments contre les pandémies qui frappent les pays les plus pauvres, absence qui se traduit aujourd'hui par une insuffisance criante des capacités de recherche et de production pharmaceutiques. [...] Nous avons parcouru un long chemin depuis deux ans. Nous ne sommes pourtant encore qu'au début de la route et le temps presse ! Les contributions de solidarité dont nous discutons aujourd'hui ont valeur d'exemple, d'expérience, mais elles ne sont que des premières expériences. Il nous faut aller beaucoup plus vite et beaucoup plus loin, car chaque année qui passe, ce sont des millions de vies perdues et chaque progrès que nous faisons, ce sont des vies rendues à leur dignité, des chances nouvelles pour la paix, pour la stabilité du monde, des victoires de l'espoir. Telle est, aujourd'hui, notre responsabilité. Je vous remercie d'avoir répondu à l'invitation de la France. Je vous remercie d'apporter à cette cause juste la force de votre engagement, de votre générosité et l'appui de vos nations. » Le nous est sémantiquement flou, il peut se référer à beaucoup de choses, p.ex. les Français, les politiciens, les participants d’une conférence, etc. – ce qui nous aide à l’identifier sur le plans sémantique, c’est le c(o)ntexte. La fonction essentielle du nous consiste à la création d’une unité, d’une solidarité, d’une appartenance, etc. Ces constatations se laissent transférer aux autres discours également. D’ailleurs, en ce qui concerne les fréquences dans le corpus complet, il y a 405 nous (toute sorte de nous en ce qui concerne la désignation pronominale dont nominatif, accusatif et datif), 107 notre et 149 nos (pour ce qui est de la désignation nominale). Les autres formes dont le / la nôtre – les nôtres ne sont pas significatives. 2.1.3. La désignation pronominale et nominale du Vous Prenons pour exemple le discours 19, le discours devant les personnalités réunies à Paris pour les 2e Rencontres internationales de la culture. «L'artiste donne à la vie comme au monde saveur, sens et beauté. Miroir des hommes, il déchiffre leur âme. Témoin de leur histoire, il incarne leur révolte contre les absurdités du temps, leur quête d'un monde meilleur. Défricheur, il exprime ce qu'un peuple peut offrir de plus singulier. Il éclaire notre route. Au coeur de toutes les interrogations, il est aussi doute et fragilité. Il a besoin de liberté et de respect. Une société vit, bouge, progresse d'autant plus qu'elle sait donner aux créateurs et aux artistes, à vous toutes et tous qui illuminez nos vies par vos inspirations, la place qui leur revient. Aussi, permettez-moi de vous souhaiter de tout coeur la bienvenue. Je me réjouis de voir réunies à Paris, à l'initiative du Comité pour la Diversité Culturelle, tant de personnalités venues de tant de pays et de tous les horizons de l'art et de la création. Au moment où se joue une part essentielle de l'avenir des langues et des cultures, c'est-à-dire de nos identités, votre présence témoigne d'une très forte mobilisation. Une mobilisation dont je vous remercie car la diversité culturelle doit être un engagement de chaque instant. [...] Cette vision fut, dès le Sommet de Maurice en 1993, celle de toute la Francophonie. Ce fut très vite celle de l'Union européenne qui a exigé et obtenu, lors des négociations du GATT, que la création, la culture, la pensée échappent 159 aux obligations de libéralisation. Puis ce fut, en 1997, la mobilisation contre l'Accord multilatéral sur l'investissement où votre action fut déterminante dans la prise de conscience des dangers d'une libéralisation sans frein. Ce n'était déjà plus le combat isolé de l'exception. C'était devenu la revendication partagée de la diversité. [...] Nous comptons sur vous, Monsieur le Directeur général de l'UNESCO, pour donner à cette entreprise une impulsion décisive et avec toute l'autorité de l'institution éminente que vous dirigez. Ce sera la consécration de la place particulière de l'UNESCO parmi les institutions régulatrices de la mondialisation. [...] Mesdames, Messieurs, en vous voyant tous réunis, je me réjouis que Paris, grâce à vous, soit une fois de plus, ce soir, la capitale de la diversité culturelle. Je me dis également que l'idée de diversité a parcouru bien du chemin depuis que la France, forte de sa vision humaniste et universaliste, forte de ses valeurs républicaines, a lancé, la première et, il faut le dire, dans une certaine solitude, son appel au dialogue et au respect de toutes les cultures du monde. Restaurer l'idée d'un progrès de l'humanité. Poursuivre une nouvelle utopie, un nouvel idéal. Réenchanter le monde, rendre son rêve à l'homme, et rendre un territoire à ses rêves. Tel est le sens de votre engagement. Tel est le sens de notre combat. Je vous remercie.» La fonction essentielle du vous consiste à la création d’une distanciation (le vous de politesse marquant une ou plusieurs personnes, selon le contexte) ou d’une exclusion par rapport au nous. Ces constatations se laissent transférer aux autres discours également. D’ailleurs, en ce qui concerne les fréquences dans le corpus complet, il y a 97 vous (pour la désignation pronominale, nominatif, accusatif et datif, au total), 59 votre et 33 vos (pour la désignation nominale). Les autres formes dont le / la vôtre – les vôtres ne sont pas significatives. 2.2. L’effacement du locuteur – généralisation, distanciation et indétérmination 2.2.1. Tournures impersonnelles L’impersonnalisation ou la dépersonnalisation «se caractérise par le fait qu’elle décrit une action, une qualification ou une modalisation comme si aucun sujet ou agent n’avait la responsabilité de cette action ou de cette modalisation.»214 (Charaudeau, P. : 1992, 314) Ce phénomène neutralise donc toute les formes de présence d’agent ou de sujet. (Pour les types d’impersonnalisation en détails, cf. Charaudeau, P. : 1992, 314-316). Son contraire est la focalisation (cf. Charaudeau, P. : 1992, 316-318). En ce qui concerne la fréquence : le corpus complet contient 35 structures il est + ... et 45 structures il faut + ... Voyons-en quelques exemples, mais sans prétendre à l’exhaustivité. •d1 «Il est temps, je crois, d'ouvrir les yeux. [...] Il est temps de reconnaître qu'existent des biens publics mondiaux et que nous devons les gérer ensemble. [...] Il est temps d'affirmer et de faire prévaloir un intérêt supérieur de l'humanité, qui dépasse à l'évidence l'intérêt de chacun des pays qui la compose. » (structure : il est + complément + de + infinitif) 214 Mis en gras par l’auteur (JB). 160 • d2 «Il est urgent aussi qu’entre en vigueur le traité instituant la Cour Pénale Internationale.» (structure : il est + complément + que + subjonctif) • d12 «Il faut que les entreprises prennent la mesure de leur responsabilité environnementale.» (structure : il faut + que + subjonctif) «Et il faut susciter des ruptures technologiques : développer les énergies sans gaz à effet de serre, avec le chauffage et l'électricité solaires, avec les bioénergies pour la chaleur avec les carburants.» (structure : il faut + infinitif) • d17 «Là comme ailleurs, il faut des lois pour assurer la liberté et la sécurité de tous. Il faut des institutions et des procédures pour les faire respecter, première oritentation.» (structure : il faut + nom) Les autres exemples dans les autres discours suivent les mêmes structures. 2.2.2. La voix passive La voix est une catégorie grammaticale qui «rend compte de la manière dont se combinent entre eux le sujet, le verbe et l’objet. Ce qui permet de distinguer : - la voix active, lorsque le sujet fait l’action [...] ; - la voix passive, lorsque le sujet subit l’action [...] ; - la voix pronominal, lorsque le sujet est en même temps objet, et inversement [...] ; - la voix impersonnelle, lorsque le sujet est indeterminé [...].»215 (Charaudeau, P. : 1992, 376) Dans le domaine de la politique et de la diplomatie aussi, il est / il serait important de savoir ce qui fait ou ce qui ne fait pas l’action en question. Dans les exemples suivants aussi, on peut découvrir le flou sémantique tout pour cacher l’acteur concret. • d12 «L'effort doit être équitablement réparti.» • d13 «De sérieux offensif contre le sida, ce n'est pas seulement prendre 10 à 25 médicaments par jour, c'est aussi comprendre son traitement, être aidé, conseillé, soutenu, et pouvoir se nourrir, boire et dormir dans des conditions décentes.» 215 Mis en gras par l’auteur (JB). 161 • d17 «Une corégulation devra s’établir, par laquelle entreprises et organismes publics s’épauleront au service de la loi. [...] La création d'un Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information a été annoncée. [...] Cette dimension nouvelle, extraterritoriale, qui naît de l’internet, doit être civilisée. » Bien entendu, les autres discours aussi contiennent des structures passives. Dans leurs cas aussi, on peut poser les questions suivantes : De qui / par qui l’action est envisagée ou faite? Pourquoi l’action est prévue ou accomplie? 2.2.3. Le pronom ON Un des éléments du point de vue du flou sémantique concernant la catégorie de la personne est le pronom ON. Il peut se référer à plusieurs choses. Voyons-en quelques exemples. •d7 «Avec un effort dans la durée de deux milliards de dollars par an, on finance la recherche d'un vaccin contre le paludisme. Avec deux milliards de dollars par an, on garantit l'éducation primaire de tous les enfants d'Afrique subsaharienne. En engageant pendant quelques années de l'ordre de cent millions de dollars par an, on assure la réinsertion des trois cent mille enfants soldats aujourd'hui recensés dans le monde.» •d14 «On entend encore dire que le sida serait la maladie de telle ou telle population.» •d18 «Vous savez combien l'on apprend et l'on gagne au contact des autres peuples.» Bien entendu, dans les autres discours aussi, le pronom on apparaît. 2.2.4. L’infinitif comme mode impersonnel Le mode Infinitif est par excellence le mode qui exprime la virtualité du processus. (Charaudeau, P. : 1992, 448) Ce phénomène rassemble un peu à la nominalisation, mais les deux ne sont pas identiques, juste leur but, notamment, la virtualisation éventuelle, si cela est nécessaire. D’ailleurs, il existe d’autres moyens aussi pour la réalisation virtuelle dont le subjonctif présent et passé, le conditionnel présent et passé, le futur (simple) modalisé et l’imparfait d’inachèvement. (Charaudeau, P. : 1992, 448) «En outre, on remarquera que le présent et l’imparfait « génériques » expriment en même temps une virtualité, dans la mesure où le processus ne se réalise pas au moment de l’acte d’énonciation, et une effectivité, dans la mesure où le processus se réalise effectivement à d’autres moments que celui de l’acte d’énonciation.» (Charaudeau, P. : 1992, 448) L’infinitif participe syntaxiquement à la fois au verbe et au nom et il est considéré comme un mode impersonnel. (Kelemen, J. : 2001) 162 Bon nombre de phrases débutent par un infinitif et sont a.) des manières de définitions ou b.) de reprises explicatives ou c.) des énumérations. Voyons quelques définitions avec infinitif. ► «Mieux protéger les femmes et les hommes. Aller plus loin dans l'élaboration de normes plus justes et dans le respect des droits économiques et sociaux de chacun. Prévenir des formes d'oppression nouvelles. Telles doivent être nos priorités et notre ambition.» (d2) ► «Les routes de la drogue croisent les malheurs de l'homme : la détresse, la maladie, la misère, le crime. Les explorer, comme vous allez le faire, c'est plonger au coeur des sociétés humaines, c'est en saisir les fantasmes, les vices et les faiblesses». (d16) ►«Restaurer l'idée d'un progrès de l'humanité. Poursuivre une nouvelle utopie, un nouvel idéal. Réenchanter le monde, rendre son rêve à l'homme, et rendre un territoire à ses rêves. Tel est le sens de votre engagement. Tel est le sens de notre combat. » (d19) Prenons pour exemples quelques reprises explicatives avec infinitif. ► «Dès que fut arrêté le principe de ma visite d’Etat aux Pays-Bas, j’ai souhaité participer à une séance solennelle de la Cour. Je tenais à rendre hommage à la place éminente qu’elle occupe au service de la paix et du règlement pacifique des conflits ou des différends internationaux. Rendre hommage aussi à La Haye, centre du droit international public et de la justice internationale [...] Cette visite est également pour moi l’occasion de vous rendre hommage, Monsieur le Président.». (d3) ► «Nous devons d'abord, me semble-t-il, abandonner trois convictions anciennes, encore ancrées dans nos esprits, mais rendues caduques par le XXe siècle. Il est faux de prétendre que la nature a la capacité de guérir toutes les blessures que l'homme lui inflige. Il est présomptueux de croire que l'intelligence de l'homme lui permettra toujours de réparer les erreurs commises au nom du progrès. Il est hasardeux d'imaginer que l'homme pourra continuer sans limite à puiser dans les ressources naturelles.» (d9) ► «Aujourd'hui, faire l'Europe de la culture, c'est faire l'union dans la diversité. C'est perpétuer un temps où l'esprit, les idées, les oeuvres ne connaissaient pas de frontière et s'enrichissaient mutuellement. C'est faire l'Europe de la curiosité, du dialogue. Faire l'Europe de la culture, c'est organiser la rencontre de nos jeunes et de nos universités. C'est favoriser la mobilité des étudiants et des professeurs. C'est faciliter les voyages, les séjours, l'accueil. C'est jeter de nouvelles passerelles entre nos établissements et nos filières. C'est harmoniser les cursus et les diplômes, condition sine qua non d'un enseignement supérieur aux dimensions de l'Europe. Tout ceci a été engagé à travers les programmes européens. Mais nous devons aller beaucoup plus vite et beaucoup plus loin. Nous devons faire de nos universités le creuset même de l'ambition européenne. Faire l'Europe de la culture, c'est aussi développer l'" université virtuelle ". Certaines des plus grandes universités françaises ont conclu des accords avec leurs homologues et sont d'ores et déjà présentes sur Internet. » (d18) Observons les énumérations suivantes avec infinitif. ►«Et il faut susciter des ruptures technologiques : développer les énergies sans gaz à effet de serre, avec le chauffage et l'électricité solaires, avec les bioénergies pour la chaleur avec les carburants. Renforcer les économies d'énergie avec des bâtiments non plus consommateurs, mais producteurs d'énergie, avec les voitures et les camions propres. Avancer vers la capture et le stockage du CO² pour la production d'électricité, de ciment ou d'acier.» (d12) 163 ►«Ce soir, alors que s'achèvent vos travaux, qui ont ouvert tant de pistes d'espoir, je souhaite vous dire comment la France entend poursuivre la lutte contre le sida. Pour accélérer la recherche de traitements efficaces et d'un vaccin ; Pour accentuer la prise de conscience, qui reste encore insuffisante ; Pour rendre universels la prévention et l'accès aux soins.» (d14) ►«Comment accroître la sécurité des transactions, condition indispensable au développement du commerce électronique ? Comment protéger les données personnelles et la vie privée des internautes de la curiosité envahissante d'autrui, que l'intrusion provienne d'un particulier, d'une entreprise, d'un organisme public ? Comment éviter l'identification et le fichage de ceux qui consultent un site sur internet ? Comment empêcher l'usage des réseaux par les mafias, les proxénètes, les pédophiles, qui profitent de l'anonymat, de l'universalité et de la fugacité d'internet pour se livrer à des pratiques illicites, trafics de personnes, de biens, de stupéfiants ? Comment préserver la sécurité nationale face à toutes les formes de terrorisme ? Face aussi aux agressions menées contre nos systèmes de défense et nos services publics ? Comment combattre ces piratages, ces sabotages qui menacent les entreprises et les particuliers ? Comment réagir à la propagation instantanée de virus informatiques, gangrène de nos systèmes d'information ? Pour prévenir et réprimer le crime, nos sociétés démocratiques ne connaissent qu'un seul acteur légitime, l'Etat, et une seule méthode, l'application de la loi. » (d17) 2.2.5. Ellipses «Bien que le type le plus ordinaire de la phrase française ait pour fondement la liason du sujet et du prédicat, il n’est pas rare que l’un de ces deux constituants, ou parfois les deux, soient absents de la phrase. Ce phénomène s’appelle ellipse (ellipse du sujet, ellipse du verbe, ellipse du sujet et du verbe) ; les phrases incomplètes en question sont dites phrases elliptiques. Même si le terme absent peut être réintroduit le plus souvent dans la phrase complète, il faut se garder de considérer l’ellipse comme un phénomène anormal. En effet, il s’agit là d’un procédé syntaxique qui a ses règles propres : les conditions de son emploi résident soit dans le contexte, soit dans la situation, soit encore dans une intention expressive spécifique. Il s’ensuit cependant que l’ellipse n’intéresse pas uniquement la grammaire de la phrase, mais aussi la grammaire du texte, ainsi que la stylistique.»216 (Kelemen, J. : 2001, 63-64) Quelques exemples pour les ellipses de nos discours : ►«Notre responsabilité collective est engagée. Responsabilité première des pays développés. Première par l'histoire, première par la puissance, première par le niveau de leurs consommations.» (d1) ►«J'arrive à La Haye, en effet, porté par un sentiment d'urgence. Les hypothèses d'hier se sont vérifiées. Les scientifiques sont maintenant formels : le réchauffement climatique a commencé, conséquence de la prodigieuse concentration, en un siècle, de gaz à effet de serre dans notre atmosphère. Il s'agit d'un phénomène anthropique, puisque l'homme l'a causé. D'un phénomène cumulatif, puisque l'homme l'aggrave. Mais aussi, heureusement, d'un phénomène encore maîtrisable, puisque l'homme peut y remédier, à condition d'agir fermement et dès maintenant. Il nous revient, à tous, de réagir vigoureusement avant que soit atteint le point de non-retour.» (d10) ►«Il revient aux institutions publiques de préserver et d'enrichir le patrimoine des nations, d'honorer le génie, les traditions et les savoirs des peuples. D'assurer leur expression libre et plurielle. De donner à chacun, par l'éducation, les clés du progrès et d'un avenir meilleur.» (d19) 216 Mis en gras par l’auteur (JB). 164 2.3. L’indétérmination par des articles indéfinis UN / UNE / DES Non plus du point de vue de la personne, mais un autre trait très caractéristique des discours chiraquiens est l’indétérmination réalisée par des articles indéfies UN / UNE / DES. C’est aussi une marque de l’imprécision ou du flou sémantique intentionnel. Dans le cas du «des», il faut faire la différence entre le «des» marquant l’indétermination et entre celui qui fait partie d’une relation possessive. Prenons pour exemple le discours 3, le discours de Chirac devant la Cour internationale de justice. «Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges de la Cour internationale de justice, Je vous remercie, je vous remercie pour votre hospitalité et pour les mots de bienvenue que vous m’avez adressés. Ils témoignent, c’est vrai, d’une relation ancienne et dense entre mon pays et l’institution que vous présidez. Ils reflètent l’accord entre votre mission et l’idée que la France se fait d’une société internationale civilisée. Une société internationale policée, régulée par le droit. Dès que fut arrêté le principe de ma visite d’Etat aux Pays-Bas, j’ai souhaité participer à une séance solennelle de la Cour. Je tenais à rendre hommage à la place éminente qu’elle occupe au service de la paix et du règlement pacifique des conflits ou des différends internationaux. Rendre hommage aussi à La Haye, centre du droit international public et de la justice internationale. Il y a trois siècles déjà, vous l’avez cité, Monsieur le Président, l'Abbé de Saint-Pierre proposait d'établir aux Pays-Bas le sénat et le tribunal chargés de contrôler la sécurité en Europe. "Voilà, disait-il, le plus paisible de tous les peuples, et le plus intéressé de tous à la conservation de la paix". Cette visite est également pour moi l’occasion de vous rendre hommage, Monsieur le Président. Vous appartenez à une lignée d’illustres juristes français : René Cassin, dont chacun connaît la contribution irremplaçable aux progrès de la conscience universelle ; Jules Basdevant, qui fut l’un des pères fondateurs de la Cour ; Guy Ladreit de Lacharrière, votre prédécesseur, trop tôt disparu. Votre élection par vos pairs témoigne de l’autorité qui est la vôtre comme de la confiance dont vous jouissez. Elle honore la France, qui reste, soyez-en assuré, un allié et un soutien pour la Cour, au service d’une vision des relations internationales : le monde, de plus en plus, a besoin d’un organe judiciaire suprême pour assurer le primat de la règle de droit. Monsieur le Président, La fin de la guerre froide a éloigné la menace nucléaire. Mais en même temps, dans un contexte nouveau, ont ressurgi des affrontements régionaux et internes, des conflits ethniques et de nationalités, des guerres de revendication territoriale. Ce mouvement se poursuit sous nos yeux, avec toutes ses atrocités. Les dernières années du siècle ont été marquées par des crimes contre l’humanité, par des génocides. Le cortège d’horreurs qui les accompagne choque profondément la conscience universelle. Nos concitoyens, toujours mieux informés, exigent que cessent massacres et destructions. Ils exigent que la communauté internationale réagisse. Que justice soit faite. Ils espèrent en la force dissuasive d'une sanction effective. Cette exigence a conduit à la création des tribunaux pénaux internationaux. Progrès impensable voici seulement dix ans. Qu’il s’agisse du Tribunal pour l’ex-Yougoslavie, dont je rencontrerai tout à l’heure les membres, de celui créé pour juger les responsables du génocide au Rwanda, ou de la prochaine Cour pénale internationale, l'esprit est le même. L’opinion publique mondiale n’accepte plus que les pires criminels s’abritent derrière la raison d’Etat ou la souveraineté nationale pour commettre impunément leurs exactions. Elle exige des enquêtes et des sanctions. Mais le recours à ces tribunaux n’est-il pas la preuve que l'irréparable a été commis, que la communauté internationale a échoué dans sa mission ? Et de même, lorsqu’une guerre éclate, n'est-ce pas le signe que la communauté internationale a failli à sa mission de préservation de la paix ? Plus que jamais, il faut développer les mécanismes de prévention des conflits et de règlement pacifique des différends. 165 Nous savons tous le rôle qui revient au Conseil de sécurité dans cette tâche. Mais nous savons aussi que la Charte confère à la Cour internationale de justice une mission essentielle. Elle est l’organe judiciaire principal des Nations Unies, un lieu privilégié du règlement des différends internationaux qu’il faut promouvoir avec détermination. Fondée sur la volonté des Etats qui y ont recours, l’approche juridictionnelle constitue un progrès de la civilisation. Il en va des Etats comme des individus. Le recours au juge offre l’avantage de la neutralité, de l'impartialité, de l'indépendance, de la soumission à une loi reconnue par tous. Lorsque les bonnes volontés sont là, la recherche d'un règlement négocié s'en trouve facilitée : parfois même, l’affaire ne va pas à son terme et les parties, encouragées, trouvent une solution avant que les juges aient tranché. Le recours au juge aide à " sauver la face ", cet élément si important dans la vie internationale : nul ne cède à la force, chacun s'incline devant le droit et la raison. Voilà pourquoi, depuis sa création en 1946, la Cour internationale de justice s’est pleinement imposée. Comme en témoigne le nombre croissant d’affaires portées à sa juridiction, notamment depuis la fin de l’affrontement EstOuest. Cette confiance des Etats, la Cour la doit avant tout à ses juges. Ils ont su, de décennie en décennie, transcender leurs différences nationales, politiques, culturelles, et développer des procédures d’instruction et de jugement unanimement reconnues et acceptées. Ils ont su, avant tout, faire adopter une lecture commune de la règle internationale. L’autorité des décisions, leur rapidité quand la situation l’exige, leur sage maturation lorque les données demeurent trop incertaines, ont fait de la Cour une enceinte vers laquelle se tournent de plus en plus naturellement les Etats. La France, pour sa part, s’est toujours présentée avec confiance devant la Cour, dans les affaires où elle devait faire entendre sa voix. A l'avenir, il conviendra sans doute de rendre plus systématique le recours à votre juridiction pour le règlement des différends entre Etats. La France souhaite que la Cour puisse assumer, dans toute leur plénitude, les responsabilités qui lui incombent, comme elle est déterminée à ce que les Nations Unies puissent, à l'aube du XXIe siècle, jouer tous leurs rôles. Les Etats embarrassés par des litiges anciens, qu'aucune négociation n'a permis de surmonter, doivent être fermement encouragés à faire appel à la Cour. Le règlement du douloureux contentieux entre la Libye et le Tchad s’est révélé exemplaire. Et je voudrais saluer la sagesse de nombreux autres Etats, notamment africains, qui ont récemment saisi la Cour de contentieux territoriaux délicats. Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, L’extraordinaire accélération des échanges humains a donné naissance à une nouvelle société internationale. Les acteurs se multiplient et dialoguent à l'échelle mondiale. Aux côtés des Etats, dont les relations s'intensifient, s'affirme l'influence des organisations internationales ou régionales, des entreprises, des ONG. Cette mondialisation, nous voulons tous aujourd'hui la maîtriser, l'humaniser. Mais qui en fixera les règles ? Cette tâche revient d'abord aux Etats. Il leur appartient d'élaborer les mécanismes nécessaires pour qu'une société de droit s'établisse à l'échelle planétaire, assurant la justice et la stabilité des relations entre ses membres. L’Etat, sur la scène mondiale, devient de plus en plus législateur, après avoir été longtemps diplomate et guerrier. La Cour permanente de justice internationale le notait dès 1923 : lorsqu'il conclut un traité, l'Etat n'abandonne pas sa souveraineté, il l'exerce. [...] Lorsqu’apparaissent des contradictions entre les droits internationaux de l'environnement, du commerce, des normes sociales, il faut disposer d’un lieu où s’élabore leur articulation. Pourquoi ne pas recourir pour cela aux avis consultatifs de votre Cour ? Réfléchissons à des moyens pour faciliter sa saisine à cette fin. Dans le même esprit, ne faut-il pas prévoir que les traités qui mettent au point des mécanismes de règlement des différends établissent explicitement une articulation avec la Cour ? Lorsque ces traités ou conventions créent une nouvelle juridiction, n'est-il pas souhaitable que celle-ci puisse poser à la Cour des questions préjudicielles en vue d'éclairer des points de droit d'intérêt général ? Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, Recours accru à votre juridiction pour le règlement des conflits entre Etats, pour la cohérence des activités des organisations internationales, pour la bonne articulation des conventions. Ce surcroît d'activité n’ira pas sans un 166 ajustement de vos ressources. Et si votre institution a toujours eu à coeur d'évaluer au plus juste les dotations qu’elle demande, elle doit pouvoir néanmoins assumer toutes ses tâches en disposant des moyens matériels et humains nécessaires, et ceci dans le plein respect du bilinguisme. La France vous y aidera. D’une certaine façon, avec le siècle qui s'achève, la Cour a tourné une page de son existence. Page brillante, qui a vu votre juridiction naître et s'imposer parmi les grandes institutions de la paix et du dialogue entre les nations. Aujourd'hui, dans un monde où se développe de plus en plus le droit international, un monde qui tolére, heureusement, de moins en moins le recours unilatéral à la force, la tâche de la Cour internationale de justice s’annonce immense. C'est une ère nouvelle qui commence pour elle. Sous votre impulsion, j’en suis convaincu, la Cour s'imposera toujours davantage par sa sagacité, la justice et l'équité de ses décisions. Toujours davantage, elle bénéficiera de la confiance des Etats, et je puis vous le dire, d'abord de la France. Je vous remercie. » 2.4. Les actes de langage Concernant le corpus complet, c’est-à-dire tous les 19 discours, voyons le tableau (lexicométrique) suivant montrant les verbes et les substantifs les plus fréquents ainsi que quelques autres éléments pertinents liés aux différents actes de langage. type d’acte verbe fréq. subst. fréq. adjectif fréq. de langage divers : fréq. adverbe/ conjonction/ préposition assertif affirmer 24 assurer 30 penser 14 directif appel 18 (avoir) 28 ensemble 40 afin de 9 besoin combattre 9 le combat217 24 demander 13 la demande 8 devoir 149 le devoir 20 l’enjeu 19 la 45 responsable 16 6 indispensable 10 responsabilité la nécessité 217 Cf. le titre des recueils de Chirac: Mon combat pour la France et Mon combat pour la paix. (Chirac, J.: 2007a, 2007b.) 167 majeur 11 afin que 2 nécessaire 41 contre 89 pour 343 *(conjontion et préposition) pour que promissif déclaratif 37 la tâche 10 l’exigence 20 exiger 35 faire (factitif) 22 falloir 50 proposer 30 la proposition 13 souhaiter 38 l’urgence 11 vouloir 37 l’ambition 17 l’intérêt 18 la priorité 10 la volonté 19 l’engagegment 28 l’objectif 37 le projet 18 le merci 24 engager / 53 s’engager expressif l’objectif remercier 32 saluer 14 connaître 26 dire 119 faire 60 pouvoir 61 reconnaître 16 savoir 37 important 13 urgent 10 23 168 Remarques : Le décompte fréquentiel – non exhaustif - a été effectué à l’aide de l’ordinateur. Dans le cas des verbes, nous avons dus séparer les différentes variantes morphologiques dont présent, passé composé, imparfait, gérondif, impératif, nombres et personnes, etc. mais nous les avons tous ordonnés au groupe des verbes. En ce qui concerne encore les formes : souvent, il était nécessaire de distinguer plusieurs parties du discours dans le cas d’une seule forme dont p.ex. fait (participe passé) – (le) fait (substantif) ou faire (verbe) – savoir-faire (substantif – mot composé), etc. Plusieurs verbes pouvaient être catégorisés de deux façons : selon la forme et selon la fonction, notamment, à l’aide de la sémantique interprétative – comme p.ex. le verbe faire – en tant que verbe déclaratif et comme directif / factitif également. Les verbes les plus polyvalents sont – qui n’est pas un fait surprenant – avoir et être. Retournons à nos hypothèses. Dans l’hypothèse 5, nous avons admis que se sont les actes de langage directifs et promissifs qui prédominent entre les actes de langage. Si on regarde les nombres dans le tableau précédent, nous povons dire que la constatation s’est avérée vraie. Pourtant, il faut dire que les autres types des actes de langage sont également importants, notamment, du point de vue de la persuasion la plus efficace possible. Voyons, dans ce qui suit, quelques exemples concrets pour les différents types d’actes de langage. Bien entendu, on pourrait augmenter le nombre des exemples dans le petit inventaire suivant car chaque phrase du corpus analysé complet peut être rattachée à un groupe d’actes de langage. Nous voulions donc de donner des exemples représentatifs sans citer une centaine de pages. 2.4.1. Les assertifs ►«Nous avons célébré voici peu le cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle. Adoptée au lendemain du pire cauchemar de l'Histoire, elle a gardé toute sa vérité, toute son exemplarité, toute sa force. Face à la monstrueuse et mystérieuse violence de l'homme à l'égard de l'homme, à la tentation de toute société d'opprimer autant que de protéger, elle affirme les droits de chacun, universels, indivisibles, inaliénables. Elle constitue la loi morale de l'humanité.» (d2) ►«Dans toutes nos démocraties, même les plus libérales, une constitution et des lois assurent l'exercice des libertés, luttent contre les monopoles, protègent les minorités, stimulent la création artistique et le mécénat, favorisent la diversité.» (d4) ►«Nous devrons au contraire utiliser les mécanismes existants, en les rationalisant et en les rendant toujours plus transparents, toujours plus efficaces. Je pense d'abord aux Nations Unies qui disposent d'une expérience irremplaçable et d'une capacité de coordination unique, encore démontrées en Asie.» (d7) 169 2.4.2. Les directifs ►«La conscience de notre défaillance doit nous conduire, ici, à Johannesburg, à conclure l'alliance mondiale pour le développement durable.» (d1) ►«Plus que jamais, il faut développer les mécanismes de prévention des conflits et de règlement pacifique des différends.» (d3) ►«Nous voulons léguer à nos enfants une planète propre.» (d6) 2.4.4. Les promissifs ►«Les autres s'engageaient à explorer de nouvelles stratégies de développement.» (d10) ►«Enfin, engageons dès maintenant la réflexion sur l'après-Kyoto.» (d10) ►«En s'engageant, à l'initiative de la France et du Royaume-Uni, avec l'encouragement total de la Commission, à diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050, l'Union européenne montre la voie.» (d12) 2.4.5. Les expressifs ►«Je vous remercie d'accepter mes respectueux hommages, et de bien vouloir transmettre au Président Mandela notre unanime et respectueuse affection [...].» (d8) ►«La France est fière d'entretenir avec la Côte d'Ivoire des relations étroites et constructives.» (d13) ►«Je salue à ce titre la mobilisation des instituts et des laboratoires publics et privés et l'esprit de collaboration dont témoigne votre conférence.» (d14) 2.4.6. Les déclaratifs ►«Vous connaissez la position de la France : la drogue est une gangrène qui menace chaque pays touché par son trafic, qu’il soit producteur, transitaire ou destinataire.» (d16) ►«L'Europe, traumatisée par la Shoah, se méfie des excès criminels auxquels elle peut conduire.» (d17) ►«La langue c'est l'incarnation même de nos identités.» (d18) 2.5. La modalité La complexité de la catégorie linguistique de la modélité consiste, d’une part, à son origine qui la relie à la logique de l’Antiquité, et d’autre part, à ses moyens d’expression qui tissent tous les niveaux linguistiques : la grammaire (morpho-syntaxe), la sémantique (signification lexicale), la pragmatique (sens contextuel) ainsi que la stylistique et la rhétorique. Concernant cette complexité, Nicole le Querler écrit comme suit : « Les marqueurs de la modalité sont très divers et peuvent se combiner entre eux. Ils peuvent être : intonatifs : Tu viens, par exemple, sera un ordre, une prière, une information, une permission, etc., selon l’intonation qui marquera l’énonciation ; morphologiques : principalement les modes et les temps verbaux ; certains temps de l’indicatif, en effet, ont une valeur modale, le subjonctif porte nettement la marque de la subjectivité du locuteur, le tiroir en – rais a différents emplois modaux ; 170 lexicaux : des verbes modaux comme savoir, vouloir, devoir, pouvoir ..., des adverbes modaux comme peut-être, sans doute, malheureusement, par exemple ; syntaxiques : la subordination marquant une modalité implicative, des circonstants modaux comme à mon avis, sur son ordre, par exemple. Le même type de modalité peut être véhiculé par des marqueurs très différents les uns des autres, et des séries de paraphrases discursives peuvent être produites à partir de marqueurs différents de la même modalité. » (Le Querler, N. : 1996, 62) Nous partageons aussi la constatation de Querler que «les grammaires sont en général assez peu prolixes sur l’étude des modalités, alors que [...] l’étude de l’influence des marqueurs modaux sur l’interprétation de la signification d’un énoncé ou sur la valeur stylistique d’un texte constitue souvent un élément essentiel de l’analyse linguistique du français écrit ou oral. [...] C’est en effet la signification des marqueurs modaux qui permet de les classer selon différents types de modélisation, alors que leur portée dans la phrase est souvent liée à leur relation syntaxique avec le reste de l’énoncé.» (Le Querler, N. : 1996) Riegel aussi donne un inventaire des marquers de modalité: «• Noms affectifs ou évaluatifs N connotés : baraque vs maison, bagnole vs voiture N dérivés en –ard ou –asse : chauffard, paperasse N dérivés de V ou d’ADJ subjectifs : Vous sonderez combien est profonde la corruption féminine, vous toiserez la largeur de la misérable vanité des hommes (Balzac) • Adjectifs ADJ affectifs : drôle, effrayant, pauvre (antéposé) ADJ évaluatifs : gradation (petit/grand), appréciation éthique ou esthétique • Verbes […] dont le sémantisme exprime un sentiment (aimer, détester, craindre), une perception (sembler, paraître), une opinion (penser, croire), un jugement de vérité (avouer, prétendre, prétexter)… • Adverbes ou locutions adverbiales Compléments de phrase ou compléments circonstanciels, ils expriment un commentaire du locuteur sur son énoncé (évidemment, certainement, peut-être, sans doute, probablement, heureusement, à mon avis, en toute franchise, à vrai dire…) • Temps du verbe Les temps du verbe peuvent exprimer l’attitude du locuteur vis-à-vis du procès. Le futur et le conditionnel, tournés vers l’avenir, évaluent les chances de réalisation du procès en termes de probabilité et de possibilité Il n’est d’ailleurs pas toujours facile de séparer les valeurs temporelles et modales de ces temps verbaux.» (Riegel, M.: 1994, 581-582) Voyons maintenant quelques exemples de notre corpus pour la réalisation concrète de la modalité, mais sans prétendre à l’exhaustivité. 171 2.5.1. Les modalités objectives «Il s’agit d’une prise de position sur un étant ou un possible/probable relevant d’une fluctuation effective de la réalité du monde. Cette modalité objective, ontique ou aléthique, reflète une stabilité ou une fluctuation qui est celle du monde, et la rapporte.» (Laurendeau, P.: 2004) 2.5.1.1. La modalité ontique La modalité ontique (comme l’acte de langage assertif) porte sur la valeur de vérité, relation validée ou non. Voyons, pour démontrer la modalité ontique, un passage du discours 14, le discours lors de la clôture de la deuxième conférence de la société internationale sur le sida et la conférence de soutien au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. «Le sida est un fléau puissant et sournois qui ébranle nos sociétés dans leurs profondeurs. Puissant, il se répand partout, et rien jusqu'à présent n'a pu l'arrêter. Sournois, il apparaît là où on ne l'attendait pas et montre une capacité de résistance inouïe. En moins d'une génération, l'humanité lui a payé un effroyable tribut. En France, ce furent des milliers de destins précocement interrompus. Je pense notamment aux homosexuels et aux hémophiles. Ce furent des femmes et des hommes arrachés, à la vie en plein essor. Dans le reste du monde, et d'abord en Afrique, c'est une tragédie décuplée, une lourde menace sur les efforts de développement. Avec l'expansion rapide de la pandémie, les forces vives des jeunes nations s'affaiblissent.» Même dans ce passage court, on peut voir l’essentiel de la modalité ontique : constatation des faits ou mise en compte de tout ce qui est ou était ou sera et de tout ce qui n’est pas ou n’était pas ou ne sera pas, sans marqueurs directs d’affects, de probabibilité, de vraisamblance, d’appréciation, d’obligation ou de permission, etc., éléments donc que le sujet parlant ne peut pas (ou plus) influencer. La relation non validée apparaît toujours à travers les différentes formes de la négation, partielle et complète ou au niveau des mots qui expriment la négation, le néant, l’inexistant, etc. (p.ex. inouïe). Ainsi considéré, on pourrait encore donner énormément d’exemples de nos discours. 2.5.1.2. La modalité aléthique La modalité aléthique porte sur les domaines du probable, du vraisemblable, du possible, de l’impossible et de l’éventuel. Quelques exemples p.ex. du discours 12 : «Le développement de l'humanité dans son berceau africain comme l'a justement démontré le Professeur Yves COPPENS a été rendu possible par des changements climatiques : aujourd'hui, animés d'une rapidité sans précédent, ces changements pourraient nous conduire tout simplement à notre perte. Les civilisations sont mortelles, mais ce n'est pas toujours aux guerres qu'elles succombent : la surexploitation des ressources naturelles a décimé les Mayas, les Vikings du Groenland, les Polynésiens des Îles Pitcairn, les Indiens Anasazi. Chacune de ces sociétés, qui furent des sociétés brillantes, a vécu dans l'inconscience et l'aveuglement jusqu'à la fin. Chacune symbolise la fragilité de l'Homme et ce qui pourrait être le destin de l'humanité. [...]La révolution des consciences rendra possible la révolution de l'économie. [...] Parce qu'elle rassemble les gouvernements, les travailleurs et les employeurs, l'OIT pourrait en être le lieu privilégié. Les pays émergents pourraient y définir les éléments de 172 législations sociales adaptées à leurs évolutions. Sous son égide, ils pourraient mettre en place progressivement les systèmes de garantie et de protection sociale auxquels aspirent désormais leurs salariés.» 2.5.2. Les modalités subjectives «Il s’agit d’une fluctuation du savoir ou de la prise de parti du sujet énonciateur. Le modulo de type épistémique/appréciatif porte sur des éléments du monde dont la stabilité (ou l’instabilité) ne sont pas en cause. C’est la relation du sujet à ceux-ci qui l’est.» (Laurendeau, P.: 2004) 2.5.2.1. La modalité épistémique « Ces modalités marquent la certitude ou l’incertitude du locuteur par rapport au contenu de son assertion : des verbes comme savoir, croire, des adverbes comme peut-être, sans doute, probablement, des tiroirs verbaux comme le tiroir en –rais dans certains de ses emplois sont des marqueurs de la modalité épistémique » (Le Querler, N.: 1996, 55) Voyons quelques exemples p.ex. des discours 13, 14 et 16. ►«Si j'ai voulu être à Abidjan en ce jour, c'est bien sûr parce que le thème de vos réflexions, "Sida et Développement", invite à renforcer le travail en commun des acteurs de la santé et des responsables politiques. [...] Je sais combien la mise au point d'un vaccin est difficile, mais c'est un objectif d'une telle importance que tout doit être mis en oeuvre pour l'atteindre.» (d13) ►«Face à des traitements de plus en plus efficaces, qui ont rendu la vie à des milliers de personnes, mais qui sont encore coûteux, lourds et incertains sur le long terme, gouvernements et autorités médicales doivent organiser le dialogue entre les chercheurs, les médecins et les malades. [...] Il reste encore bien des zones d'ombre. » (d14) ►«En dépit de l'interdiction, confirmée par le gouvernement afghan en janvier 2002, l’opium assurerait, selon les Nations Unies, le cinquième du revenu national afghan.» (d16) 2.5.2.2. La modalité appréciative ou axiologique ou évaluative Sans prétendre à l’exhaustivité, prenons quelques exemples de notre corpus. • d1 «Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. La nature, mutilée, surexploitée, ne parvient plus à se reconstituer et nous refusons de l'admettre. L'humanité souffre. Elle souffre de mal-développement, au nord comme au sud, et nous sommes indifférents. La terre et l'humanité sont en péril et nous en sommes tous responsables.» • d2 «Mais nous voici à un moment de notre histoire où aucun Etat, aucun peuple ne peut prétendre à des combats solitaires. A l’heure de la mondialisation et de la communication immédiate, tout doit être pensé, accompli, rêvé à l’échelle du monde. C’est pourquoi les Nations Unies, nées du rejet des guerres et de la barbarie, sont, et ont vocation à être toujours davantage, le fer de lance d’un humanisme renouvelé et moderne. Porté par cette conviction, je suis heureux de m’exprimer aujourd’hui, pour la première fois, devant la Commission des droits de l'Homme et d'en saluer le Président, qui est un ami de la France. » • d3 «Votre élection par vos pairs témoigne de l’autorité qui est la vôtre comme de la confiance dont vous jouissez. Elle honore la France, qui reste, soyez-en assuré, un allié et un soutien pour la Cour, au service d’une vision des relations internationales : le monde, de plus en plus, a besoin d’un organe judiciaire suprême pour assurer le primat de la règle de droit.» 173 • d4 «Etape après étape, une conscience universelle se fait jour. Après des siècles de lutte contre l'oppression, la communauté internationale en reconnaît les principes. Elle a affirmé les droits et les libertés fondamentales dont la Déclaration de 1948 constitue l'expression solennelle. Elle a proclamé ensuite les droits économiques et sociaux. Confrontée à l'appauvrissement et à la disparition dramatique de tant de langues et de cultures, elle veut défendre la diversité culturelle. Avertie, par l'expérience, que la science peut être mise au service de projets malfaisants, elle ressent aujourd'hui la nécessité d'une éthique des sciences et de règles qui préserveront l'intégrité et la dignité de l'homme.» •d5 «Phénomène majeur de notre temps, conjuguant les effets de la fin de la guerre froide, de l'unification du marché mondial des biens et des capitaux et de l'irruption de nouvelles technologies, notamment celles de l'information, la mondialisation est doublement globale : globale par son champ géographique qui ne cesse de s'étendre ; globale aussi parce qu'elle affecte tous les aspects de la vie économique et de la vie sociale.» Ce qui est visible même de ces quelques exemples, c’est que Chirac (aussi) évalue constamment les choses, les actions et les êtres, surtout à l’aide des adjectifs, mais il y a d’autres éléments également, souvents connotés, pour exprimer l’appréciation ou l’évaluation positives ou négatives dont substantifs, verbes, adverbes, etc. Bien entendu, on pourrait encore augmenter le nombre des exemples, mais cela risquerait d’exploser les cadres de ce travail. 2.5.3. Les modalités mixtes « Il s’agit du marquage d’un complexe entre la réalité objective à être et la prise de parti de l’énonciateur à son sujet. La modalité mixte déontique / volitive, est la plus susceptible d’engager des rapports avec le faire et / ou le faire faire. » (Laurendeau, P. : 2004, 5) 2.5.3.1. La modalité déontique La modalité déontique est de l’ordre de la permission et de l’obligation. Voyons quelques exemples pour la permission p. ex. du discours 5: «Mais peut-on admettre, dans ce grand marché mondial, de très graves entorses aux règles fondamentales de la démocratie sociale ? Peut-on y tolérer des formes plus ou moins déguisées d'esclavage des adultes ou, pire encore des enfants ?» Remarque: le verbe pouvoir est un moyen pour exprimer la modalité aléthique également. Pour différencier la valeur du verbe en question, nous avons recouru, de nouveau, à la sémantique interprétative. Voyons quelques exemples pour l’obligation p. ex. du discours 12.: «Et ce dialogue, n'est-ce pas d'abord dans cette enceinte qu'il devrait être conduit ? [...]Les pays émergents ont beaucoup d'atouts. Ils disposent d'un riche patrimoine naturel : ils doivent être incités à le protéger et à prendre la mesure de leurs responsabilités nouvelles. C'est l'autr e enjeu de l'après-Kyoto. [...] Quant aux pays pauvres, nous devons les aider à se développer dans le respect de l'environnement et à se prémunir contre les conséquences catastrophiques d'un réchauffement climatique pour lesquels ils ne sont pour rien. [...] Le succès de la contribution de solidarité sur les billets d'avion au bénéfice de la lutte contre les grandes pandémies nous montre l'exemple qui doit être suivi et nous donne une expérimentation de ce qui doit être fait. [...] Le Programme des Nations Unies 174 pour l'Environnement est un programme et une organisation remarquables à laquelle je tiens à rendre hommage. Mais il ne dispose pas d'un pouvoir et d'un poids institutionnel suffisants. Notre objectif, ce doit être de le transformer en une Organisation des Nations unies à part entière.» Bien entendu, dans le cas des autres discours aussi, nous pouvons observer le jeu complexe des permissions et des obligations. 2.5.3.2. La modalité volitive ou boulique L’énoncé modal de vouloir est constitutif de deux structures modales que l’on peut désigner comme le vouloir-faire et le vouloir-être. En ce qui concerne l’expression grammaticale de la volition, on distingue quatre types de représentation : (1) vouloir être (souhait), (2) vouloir faire (volonté d’action), (3) vouloir qc/qn (désir, demande), (4) vouloir que + subjonctif (volition de l’action d’une autre personne ou volition interpersonnelle). ►Vouloir être : «La nation française s’est toujours voulue aux avant-postes du combat pour la liberté.» (d2) «Si j'ai voulu être à Abidjan en ce jour, c'est bien sûr parce que le thème de vos réflexions, "Sida et Développement", invite à renforcer le travail en commun des acteurs de la santé et des responsables politiques.» (d13) ►Vouloir faire : «Cette mondialisation, nous voulons tous aujourd'hui la maîtriser, l'humaniser.» (d3) «Cependant, nous savons tous que cet effort ne sera pas suffisant face à l'ampleur des besoins. Nous savons tous. Il est nécessaire, selon les Nations Unies, de porter l'aide publique au développement à près de 200 milliards de dollars par an d'ici 2015, contre 65 milliards aujourd'hui, si l'on veut atteindre les objectifs du Millénaire.» (d8) «A Abidjan, devant vous, je veux prendre solennellement l'engagement d'y contribuer de tout le poids de mon pays.» (d13) ►Vouloir + complément (qc) : «La bataille de la langue, nous devons enfin la mener à l'échelle du monde. Le monde de demain, nous le voulons riche, foisonnant, multiple, créatif. Parce que c'est de la confrontation des idées, du dialogue des civilisations, et d'abord de l'échange des mots que naissent les progrès et que se conforte la paix.» (d18) «Nous voulons une Europe qui parle d'une seule et même voix mais dans toutes ses langues, de toutes ses âmes.» (d18) «Et l'Europe de la culture s'est dessinée, à la fois singulière et multiple. Elle explique ce que nous sommes. Elle exprime ce que nous voulons.» (d18) 175 ►Vouloir + que + subjonctif : «Nous voulons que l'économie mondialisée ait un avenir. Pour cela, nous devons lui donner sa dimension éthique, nous devons l'humaniser, la maîtriser, l'élargir aux vraies mesures du monde. [...] Nous voulons que les peuples et la jeunesse du monde y voient un projet d'espoir et de progrès. Pour cela, nous devons simultanément mettre en place, à l'échelle de la planète, de nouvelles formes de gouvernance politique et les règles d'un marché global, comme nos devanciers l'ont fait, au dix neuvième siècle et au vingtième siècle, à l'échelle nationale ou continentale.» (d7) «Et je remercie tous les organisateurs du Forum Economique Mondial qui ont bien voulu que je m'adresse à vous par télé-conférence.» (d7) «Le Fonds a besoin, dans un premier temps, de 3 milliards de dollars chaque année. L'Union européenne et ses Etats membres, qui apportent plus de la moitié de ses ressources, doivent montrer l'exemple c'est ce que nous a dit tout à l'heure Romano PRODI, c'est ce qu'a confirmé tout récemment Tony BLAIR, nous voulons que la contribution européenne soit d'un milliard de dollars par an.» (d14) 2.5.4. La modalité factitive « Traditionnellement [...] la modalité factitive se définit comme faire-faire, c’est-à-dire comme une structure modale, constituée de deux énoncés en relation hypotaxique, qui ont des prédicats identiques, mais des sujets différents (‘faire en sorte que l’autre fasse’).» (Greimas, A. J. / Courtès, J. : 1979, 143) La modalité factitive est en relation stricte avec le dernier type de la modalité volitive (vouloir + que + subjonctif), et on doit dire qu’au fond ce type de la volitive interpersonnelle est une sorte de factitive. D’autres types de réalisation sont l’impératif et les constructions faire+infinitif. ► L’impératif : •d1 : «Prenons garde que le XXIe siècle ne devienne pas, pour les générations futures, celui d'un crime de l'humanité contre la vie.» «Appliquons les décisions de Doha et de Monterrey.» «Augmentons l'aide au développement pour atteindre dans les dix ans au maximum les 0,7% du PIB.» «Trouvons de nouvelles sources de financement.» •d2 : «Ces peuples et leurs savoirs sont menacés. Sachons reconnaître ce que nous leur devons et ce qu'ils peuvent nous apporter.» •d3 : «Pourquoi ne pas recourir pour cela aux avis consultatifs de votre Cour ? Réfléchissons à des moyens pour faciliter sa saisine à cette fin.» •d5 : «Constatons cependant que la mondialisation ne se fait pas sans heurts ni sans graves difficultés.» «Cette mondialisation, nous devons aujourd'hui mieux la maîtriser. Mettons-la au service de l'Homme, de son travail, de sa qualité de vie.» 176 «Faisons en sorte qu'elle bénéficie au plus grand nombre, en réduisant dans nos pays les risques d'exclusion d'individus ou de groupes sociaux, en combattant à travers le monde les tendances à la marginalisation de certaines régions ou de certains pays.» «Etablissons, quand c'est nécessaire, des garde-fous.» «Adoptons des règles du jeu équitables, qui peu à peu s'étendront à de nouveaux acteurs.» •d6 : «Travaillons sur toutes les pistes pour atteindre cet objectif.» «Formons une coalition pour construire ensemble une civilisation universelle où chacun trouve sa place, où chacun soit respecté, où chacun ait sa chance.» •d7 : «La jeunesse d'Afrique, d'Asie, d'Amérique Latine revendique à juste titre son droit à l'avenir. Elle lui apportera son énergie et son talent, pourvu qu'il lui soit donné de le faire. Prenons garde à sa révolte si cette perspective lui était refusée.» •d9 : «Nos entrepreneurs, nos paysans, ont compris que des modes de production plus respectueux de l'environnement étaient préférables. Chaque fois que des technologies moins polluantes sont mises à leur disposition dans des conditions satisfaisantes, ils les adoptent. Aidons-les à mieux les connaître et à se les approprier !» •d10 : «Accélérons avec pragmatisme la mise en place du mécanisme de développement propre, en veillant aussi à ce que les pays les plus pauvres et de toutes les régions du monde puissent en bénéficier effectivement.» «Préparons la reconstitution du Fonds pour l'environnement mondial en le réformant pour qu'il soit plus efficace, en permettant une meilleure prise en compte de la lutte contre l'effet de serre.» «Faisons de la maîtrise du réchauffement une priorité des programmes d'aide publique au développement, qu'Ils soient bilatéraux, communautaires ou multilatéraux. En un mot, concluons à La Haye un partenariat nord-sud pour le développement durable. » «Enfin, engageons dès maintenant la réflexion sur l'après-Kyoto.» «Retrouvons l'esprit pionnier qui inspira la Déclaration de La Haye, adoptée en 1989.» •d12 : «Pour que nous devenions tous des "citoyens de la Terre", adoptons aux Nations Unies une Déclaration universelle des droits et des devoirs environnementaux : elle sera l'expression d'une éthique écologique commune, dont s'imprégneront aussi bien l'action publique que nos actes individuels.» «Sachons allier lutte contre la pauvreté et révolution écologique, en repensant la notion de patrimoine commun de l'humanité.» •d13 : «Aujourd'hui, quatrième anniversaire de la disparition du père fondateur de la Nation ivoirienne, saluons sa mémoire et ayons pour lui une pensée de gratitude et de respect !» «On nous dit que les nouveaux traitements coûtent si cher que leur généralisation serait financièrement hors de portée. Commençons par nous mobiliser davantage. L'épidémie est planétaire.» 177 •d16 : «Les groupes criminels actuels maîtrisent les technologies les plus performantes, se jouent des frontières, jonglent avec les procédures, s'entourent de professionnels. Prenons-y garde !» «Ayons à coeur de démontrer que nos Etats sont décidés à protéger nos peuples contre le poison des paradis artificiels.» •d17 : «N’oublions jamais en effet que, derrière le rêve d'une nouvelle économie sans frontière ni entrave, se profilent trois grands dangers qui doivent être pris en compte et maîtrisés : l'accroissement des inégalités entre les riches et les pauvres, la dégradation de l'écosystème planétaire et l'expansion de la criminalité internationale.» •d18 : «Menons également ensemble la bataille pour l'exception culturelle.» «Il faut que ce sommet débouche sur un véritable projet. Il faut, au moment où nous quitterons Rio, que les moyens d'un partenariat concret aient été définis : mettons en place un réseau d'échange d'étudiants et de professeurs entre universités et grandes écoles d'Europe et d'Amérique latine. Dotons-nous d'instruments adaptés pour inciter nos industries culturelles et audiovisuelles à mieux coopérer. Aidons à la découverte réciproque de nos patrimoines et de nos artistes ! » ►Constructions faire+infinitif: •d1 : «Il est temps d'affirmer et de faire prévaloir un intérêt supérieur de l'humanité, qui dépasse à l'évidence l'intérêt de chacun des pays qui la compose.» «Pour mieux gérer l'environnement, pour faire respecter les principes de Rio, nous avons besoin d'une Organisation mondiale de l'environnement.» •d2 : «Mais quand un pays bafoue massivement les valeurs universelles, la communauté internationale se doit de le condamner et d'exercer, dans le respect de la Charte, des pressions ciblées pour faire évoluer la situation. » «Et pour permettre aux associations du sud de faire entendre leur voix, des aides généreuses sont nécessaires.» «Il s'agit de faire respecter les droits de l'Homme sur les nouveaux supports de son activité.» •d3 : «Ils ont su, avant tout, faire adopter une lecture commune de la règle internationale.» «La France, pour sa part, s’est toujours présentée avec confiance devant la Cour, dans les affaires où elle devait faire entendre sa voix.» •d5 : «Il fallut le cataclysme de la Première Guerre mondiale et les révolutions qui l'accompagnèrent, pour faire accepter l'idée d'une législation internationale du travail.» •d6 : «La France poursuit toujours le même rêve : faire vivre à l'échelle du monde l'ambitieuse devise qu'elle a choisie pour elle : liberté, égalité, fraternité.» 178 •d10 : «Parce qu'ils sont aussi des consommateurs, des salariés, des actionnaires, ils ont tous les moyens de faire triompher de nouveaux modes de vie et de production qui soient moins polluants.» •d12 : «Elle [la France] se bat pour faire entendre l'urgence environnementale.» «Cette ambition, nécessaire jadis pour faire triompher l'idée de progrès, nous conduit aujourd'hui au bord du gouffre.» •d17 : «Il nous oblige à nous interroger sur le rôle de l'Etat, sur la conception que nous avons de l'Etat de droit et la manière de le faire vivre.» •d18 : «Il s'agit au contraire d'encourager la liberté de penser et de créer, de les faire s'épanouir, en accordant aux oeuvres, à leur diffusion et à leur exportation, un soutien raisonnable, national ou européen.» 2.5.5. La modalité affective Les modalités affectives expriment que l’énonciateur suggère une impression, exprime un engagement affectif, un sentiment, une passion, utilise des mots impliquant une réaction émotionnelle (cf. mots-clés, connotations positives et négatives, mots de valeur, intensifs, etc.). Prenons pour exemple le premier discours pour explorer ces moyens. «Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. La nature, mutilée, surexploitée, ne parvient plus à se reconstituer et nous refusons de l'admettre. L'humanité souffre. Elle souffre de mal-développement, au nord comme au sud, et nous sommes indifférents. La terre et l'humanité sont en péril et nous en sommes tous responsables. Il est temps, je crois, d'ouvrir les yeux. Sur tous les continents, les signaux d'alerte s'allument. L'Europe est frappée par des catastrophes naturelles et des crises sanitaires. L'économie américaine, souvent boulimique en ressources naturelles, paraît atteinte d'une crise de confiance dans ses modes de régulation. L'Amérique latine est à nouveau secouée par la crise financière et donc sociale. En Asie, la multiplication des pollutions, dont témoigne le nuage brun, s'étend et menace d'empoisonnement un continent tout entier. L'Afrique est accablée par les conflits, le SIDA, la désertification, la famine. Certains pays insulaires sont menacés de disparition par le réchauffement climatique. Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas ! Prenons garde que le XXIe siècle ne devienne pas, pour les générations futures, celui d'un crime de l'humanité contre la vie. Notre responsabilité collective est engagée. Responsabilité première des pays développés. Première par l'histoire, première par la puissance, première par le niveau de leurs consommations. Si l'humanité entière se comportait comme les pays du nord, il faudrait deux planètes supplémentaires pour faire face à nos besoins. Responsabilité des pays en développement aussi. Nier les contraintes à long terme au nom de l'urgence n'a pas de sens. Ces pays doivent admettre qu'il n'est d'autre solution pour eux que d'inventer un mode de croissance moins polluant. Dix ans après Rio, nous n'avons pas de quoi être fiers. La mise en œuvre de l'Agenda 21 est laborieuse. La conscience de notre défaillance doit nous conduire, ici, à Johannesburg, à conclure l'alliance mondiale pour le développement durable. 179 Une alliance par laquelle les pays développés engageront la révolution écologique, la révolution de leurs modes de production et de consommation. Une alliance par laquelle ils consentiront l'effort de solidarité nécessaire en direction des pays pauvres. Une alliance à laquelle la France et l'Union européenne sont prêtes. Une alliance par laquelle le monde en développement s'engagera sur la voie de la bonne gouvernance et du développement propre. Nous avons devant nous, je crois, cinq chantiers prioritaires. Le changement climatique d'abord. Il est engagé du fait de l'activité humaine. Il nous menace d'une tragédie planétaire. Il n'est plus temps de jouer chacun pour soi. De Johannesburg, doit s'élever un appel solennel vers tous les pays du monde, et d'abord vers les grands pays industrialisés, pour qu'ils ratifient et appliquent le Protocole de Kyoto. Le réchauffement climatique est encore réversible. Lourde serait la responsabilité de ceux qui refuseraient de le combattre. Deuxième chantier : l'éradication de la pauvreté. A l'heure de la mondialisation, la persistance de la pauvreté de masse est un scandale et une aberration. Appliquons les décisions de Doha et de Monterrey. Augmentons l'aide au développement pour atteindre dans les dix ans au maximum les 0,7% du PIB. Trouvons de nouvelles sources de financement. Par exemple par un nécessaire prélèvement de solidarité sur les richesses considérables engendrées par la mondialisation. Troisième chantier : la diversité. La diversité biologique et la diversité culturelle, toutes deux patrimoine commun de l'humanité, toutes deux sont menacées. La réponse, c'est l'affirmation du droit à la diversité et l'adoption d'engagements juridiques sur l'éthique. Quatrième chantier : les modes de production et de consommation. Avec les entreprises, il faut mettre au point des systèmes économes en ressources naturelles, économes en déchets, économes en pollutions. L'invention du développement durable est un progrès fondamental au service duquel nous devons mettre les avancées des sciences et des technologies, dans le respect du principe de précaution. La France proposera à ses partenaires du G8 l'adoption, lors du Sommet d'Evian en juin prochain, d'une initiative pour stimuler la recherche scientifique et technologique au service du développement durable. Cinquième chantier : la gouvernance mondiale, pour humaniser et pour maîtriser la mondialisation. Il est temps de reconnaître qu'existent des biens publics mondiaux et que nous devons les gérer ensemble. Il est temps d'affirmer et de faire prévaloir un intérêt supérieur de l'humanité, qui dépasse à l'évidence l'intérêt de chacun des pays qui la compose. Pour assurer la cohérence de l'action internationale, nous avons besoin, je l'ai dit à Monterrey, d'un Conseil de sécurité économique et social. Pour mieux gérer l'environnement, pour faire respecter les principes de Rio, nous avons besoin d'une Organisation mondiale de l'environnement.» A l’arsenal (efficace) de la modalité affective appartiennent les exclamations et les questions rhétoriques également. Pour les exlamations, observons encore les passages suivants p.ex. du discours 18, discours devant les personnalités culturelles et universitaires portugaises réunies au théâtre Saint-Jean à Porto. «C'est en accueillant des étudiants et des professeurs venus de Paris, de Salamanque, de Florence, que Coïmbra devint au XVIe siècle l'un des principaux foyers de l'humanisme. Alors, que renaisse l'Europe d'antan, l'Europe des universités, l'Europe des laboratoires, l'Europe de la culture et des sciences, cette " République immense d'esprits cultivés " dont parlait Voltaire ! Que continue le grand brassage des idées et des hommes ! [...] Menons également ensemble la bataille pour l'exception culturelle. Vous le savez, la France mène croisade dans les négociations sur la libéralisation des échanges pour que les oeuvres de l'esprit puissent continuer, dans l'avenir, de bénéficier de soutiens publics, nationaux ou européens. Non, les biens culturels ne sont pas n'importe quelle marchandise ! Rien n'est plus étranger aux lois du marché que l'inspiration créatrice. Petite étincelle vitale de l'âme, elle s'élance vers son public par la seule force de l'émotion et de la beauté. Elle doit parfois être soutenue. [...] 180 Je le redis devant vous : la France ne cédera pas ! Son récent retrait de la négociation de l'accord multilatéral sur l'investissement l'a confirmé. Et j'invite à nous rejoindre nos partenaires européens, attachés comme nous-mêmes à leur identité et à la liberté. [...] Vous, Portugais, le savez bien. Vous avez été les premiers à braver les éléments pour découvrir d'autres rivages et d'autres civilisations. Vous avez ouvert le monde aux mondes. Vous savez combien l'on apprend et l'on gagne au contact des autres peuples. Vous mesurez toutes les promesses de l'altérité et de la réciprocité. Portugais et Français, rassemblons tous ceux qui partagent cette vision ouverte et généreuse ! [...] Mobilisons notre grande famille latine ! Vous et nous partageons cette latinité qui marque nos caractères et nos cultures, et jette sur l'Atlantique, entre Amériques et Europe, des ponts fraternels. Cette latinité qui nous confère la même sensibilité aux grandes questions de l'humanité. Qui nous fait poursuivre les mêmes idéaux, qui nous fait adhérer aux mêmes valeurs. Il faut bâtir sur cette proximité, sur cette racine commune que tout visiteur français au Portugal ne peut que ressentir et qui nous offre cette chance de placer nos peuples au seuil de l'" intercompréhension ", de cette faculté d'entendre spontanément l'autre, de saisir chez lui les éléments de notre patrimoine commun, d'en reconnaître les mots et les idées. Mettons cette fraternité latine au service du monde divers que nous voulons bâtir ! Dans cet esprit, j'ai proposé que l'éducation et la formation, la culture et les langues soient à l'ordre du jour du Sommet de Rio, en juin prochain. C'est à l'initiative du Portugal, de l'Espagne et de la France que vont se réunir, pour la première fois dans l'Histoire, les Chefs d'Etat et de Gouvernement de l'Europe, de l'Amérique latine et de la Caraïbe. L'enjeu de ce rendez-vous est économique, il est politique, mais il est d'abord culturel. Soyons ambitieux ! Voyons loin ! Il faut que ce sommet débouche sur un véritable projet. Il faut, au moment où nous quitterons Rio, que les moyens d'un partenariat concret aient été définis : mettons en place un réseau d'échange d'étudiants et de professeurs entre universités et grandes écoles d'Europe et d'Amérique latine. Dotons-nous d'instruments adaptés pour inciter nos industries culturelles et audiovisuelles à mieux coopérer. Aidons à la découverte réciproque de nos patrimoines et de nos artistes ! [...]» On peut trouver des exclamations dans chaque discours de notre corpus. Pour illustrer les questions rhétoriques, prenons p.ex. le discours 17, le discours à l'occasion de la Conférence du G8 sur la sécurité et la confiance dans le cyberespace. «[...] L'internet, réseau planétaire de communication et d'échanges, se révèle l'un des principaux vecteurs de la globalisation. Il jouera un rôle croissant dans la vie quotidienne des hommes et des femmes de nos pays. Il est donc de notre responsabilité d'en assurer le fonctionnement harmonieux. [...] Comment construire une société de l'information qui soit une société de confiance ? [...] Les tentatives de fraude et d'escroquerie en ligne représentent, en France, je crois, la moitié des litiges relatifs à l'usage des cartes bancaires. Comment accroître la sécurité des transactions, condition indispensable au développement du commerce électronique ? Comment protéger les données personnelles et la vie privée des internautes de la curiosité envahissante d'autrui, que l'intrusion provienne d'un particulier, d'une entreprise, d'un organisme public ? Comment éviter l'identification et le fichage de ceux qui consultent un site sur internet ? Comment empêcher l'usage des réseaux par les mafias, les proxénètes, les pédophiles, qui profitent de l'anonymat, de l'universalité et de la fugacité d'internet pour se livrer à des pratiques illicites, trafics de personnes, de biens, de stupéfiants ? Comment préserver la sécurité nationale face à toutes les formes de terrorisme ? Face aussi aux agressions menées contre nos systèmes de défense et nos services publics ? Comment combattre ces piratages, ces sabotages qui menacent les entreprises et les particuliers ? Comment réagir à la propagation instantanée de virus informatiques, gangrène de nos systèmes d'information ? Pour prévenir et réprimer le crime, nos sociétés démocratiques ne connaissent qu'un seul acteur légitime, l'Etat, et une seule méthode, l'application de la loi. Exercé dans le respect des libertés publiques, ce rôle de l’Etat constitue l'un des grands progrès de la civilisation. Chacun renonce aux vengeances individuelles, à l'usage privé de la force, au profit d'une discipline collective. C'est ainsi que l'on s'émancipe de l'arbitraire, de l'oppression, des féodalités qui résultent nécessairement de l'absence d'Etat. Rien ne justifierait que nous y renoncions dans le cyber-espace. Mais les Etats sont-ils encore capables d'assumer cette mission ? Sauront-ils, pourront-ils ajouter la dimension du réseau à leurs modes traditionnels de fonctionnement et accroître les coopérations ? Certains craignent que l'internet, de par son développement spontané, décentralisé et foisonnant, se révèle une zone de non-droit ou en tout cas cet univers livré à des réglementations réduites, allégées, tronquées. 181 Comment en effet appliquer le droit, conçu pour régler des réalités tangibles et permanentes, au royaume de l'immatériel et de l'éphémère? Législateurs, policiers et juges ne sont-ils pas quelque peu désarmés face à l'extraterritorialité des réseaux ? Les concepts sur lesquels sont fondés nos ordres juridiques -l'identité, la preuve, l'authenticité- sont-ils encore valides, alors qu’ils sont confrontés à des technologies numériques qui permettent la reproduction parfaite et presque gratuite, la transmission instantanée, la manipulation des signes, la falsification ? [...] Mais le respect des libertés, de la vie privée, de la présomption d’innocence, impose des garde-fous, des protections contre l’action publique. Où est le bon équilibre ? Quels seront les recours des citoyens contre un appareil judiciaire et policier qui déploiera ses effets en dehors de son territoire ? Comment sera respectée la présomption d'innocence ? [...] Ensemble nous mettrons l’internet au service de l’homme, de tous les hommes. Je vous remercie.» On peut trouver des questions rhétoriques pareils dans les autres discours de notre corpus. 2.5.6. La modalité temporelle Nous avons déjà mentionné sur la base des analyses lexicométriques de Damon Mayaffre sous 7.2. de la première partie que Chirac surutilise, du point de vue temporel, le présent. Par ce temps, le dit est profondément ancré dans l’ici et dans le maintenant perpétuel et il suggère un Président bien actif, actif au moins par la parole. Pourtant, remarquons que l’action au niveau des mots, donc l’action virtuelle et l’action réelle sont des qualités bien distinctes. 182 CONCLUSION DE LA PARTIE II. Nous avons abordé dans la Partie II. les méthodes de l’analyse du discours en pratique, tout en nous efforçant de les illustrer par des exemples concrets dans le corpus chiraquien. Nous ne voulions pas isoler nos exemples. Nous voulions les mettre en relief dans leur environnement naturel, notamment la chair du discours / texte. Nous avons essayé de comprendre le fonctionnement du texte en contexte. Cette quête du sens repose sur un principe et elle s’est étendue à différents niveaux dont nous avons envisagé deux, notamment, le lexico-sémantique et / ou terminologique et le pragmatique. On pourrait dire que nous avons essayé d’observer l’interaction des différents composants dans le processus de la compréhension du sens d’un discours donné. Il faut y ajouter que l’observation des mécanismes de la perception langagière humaine (et ceux de la production aussi) appartiennent aux problématiques de la psycho- et de la neurolinguistique également. Soulignons encore que la séparation des niveaux d’analyse linguistique en question est quelque chose d’artificiel: contrairement aux ordinateurs, le cerveau humain les traite à la fois, parallèlement et selon des modules différnts. Ils sont ainsi quasiment inséparables l’un de l’autre comme le recto et le verso d’une feuille et ils sont interdépendants aussi. Leur séparation est quelque chose de mécanique et ne peut servir qu’à la simplification du mécanisme complexe de la compréhension et de l’interprétation adéquates tout en se concentrant sur l’identification et la description des divers phénomènes par «la pure observation» des faits langagiers, au moins dans le sens de Saussure et Martinet. (Saussure, F. de: 1916, 13; Martinet, A.: 1961, 9.) Il faut remarquer de toute façon que la plupart des aspects traités souvent à part se laissent observer sur un seul et même discours à la fois. Nous voulions éviter d’analyser un seul discours – cela aurait été une seule étude de cas. Les aspects traités peuvent être observés dans le cas des discours des autres chapitres du recueil Mon combat pour la paix aussi, mais tout en généralisant, ils peuvent être poursuivis dans la plupart des discours /textes politicodiplomatiques également. La plupart des catégories traitées sous 4.1.5. (le langage politique) et sous 4.2. (le langage diplomatique) de la première partie sont fortement présentes dans les discours politicodiplomatiques de Jacques Chirac (aussi) analysés dans notre travail. 183 Retenons encore, pour finir, qu’il y a, bien entendu, d’autres aspects pertinents à analyser sur les différents niveaux d’analyse linguistique que les nôtres, mais tout en respectant les buts visés décrits dans l’introduction, on a dû y renoncer pour ne pas exploser les cadres de ce travail. 184 AU LIEU D’UN ÉPILOGUE A la fin de son livre intitulé Chirac dans le texte. La parole et l’impuissance, le philosophe Yves Michaud conclue comme suit: «D’où vient la fortune politique de quelqu’un qui parle tellement et fait si peu? […] Beaucoup de Français, comme M. Chirac, veulent des choses contradictoires et simples. […] Ils savent bien qu’il leur fait des promesses qu’il ne pourra pas tenir, qu’il leur raconte des histoires, qu’il leur ment – mais c’est tellement agréable à entendre que ça endort comme une berceuse. Et puis il y a son rayonnement international ou ce qu’il leur en raconte, la France dont il parle toujours […]. M. Chirac donne à la France […] l’émotion de croire encore une fois qu’elle est au centre du monde […]. Le succès de M. Chirac tient ainsi fondamentalement à la relation en miroir qu’il entretient avec un électorat ambigu comme lui, hésitant comme lui, velléitaire comme lui et qu’il remobilise inlassablement en se présentant comme le seul secours. Se recconaît en lui une France présente à peu près dans tous les partis, qui contemple avec nostalgie les ’trente gloirieuses’ dont elle a bien profité, ne renonce pas aux rêves de 1968, qui se cramponne à l’État providence et à ses acquis sociaux tout en croyant et voulant être moderne, qui se gargarise de son exception culturelle et s’imagine être encore au centre du monde. Cet électorat, comme M. Chirac, est en train de vieillir, mais il n’a pas encore complètement fini de peser sur la vie politique française et de la paralyser. Comment rompre avec cette politique de l’impuissance et de la parole, comment rompre avec cette médiocrité compassionnelle et immobile? Les hommes politiques et les partis, à droite comme à gauche […] devront rompre catégoriquement avec ce mélo de l’ambiguïté. Il leur faudra proposer une politique fixant clairement des choix et les ordonnant sous le signe de la justice et non pas un bric-à-brac de mesures catégorielles, de bonnes intentions et de déclarations de banquet […].» (Michaud, Y.: 2004, 336-340) 185 CONCLUSION GÉNÉRALE La compréhension et l’interprétation d’un discours nécessite la connaissance de plusieurs facteurs linguistiques / théoriques et extralinguistiques / contextuels dont historiques, politiques, juridiques, etc. La quête du sens des textes en contexte repose sur un principe et s’étend à différents niveaux. Partant toujours du texte, le matériau de l’analyse, il sont toujours envisageables au moins quatre niveaux de types d’analyse : lexico-sémantique et / ou terminologique, morphosyntaxique, stylistico-rhétorique et pragmatique où les phénomènes appartiennent dans le cas des deux premiers niveaux plutôt à la linguistique du système / de la langue tandis que ceux aux deux derniers niveaux à celle de la parole.. Les hypothèses sur la base des résultats de recherche H 1) Les discours du corpus sont fortement thématisés. Résultat : L’hypothèse est vraie. Chaque discours s’organise autour de sujets différents dont sujet principal / sujets principaux et sujet secondaire / sujets secondaires. H 2) Les discours du corpus s’organisent autour de mots-clés. Résultat : L’hypothèse s’est avérée vraie. Sur la base du vocabulaire des discours, on peut observer de différents champs lexicaux dans le centre desquels on peut identifier des mots-clés. Entre les différents champs lexicaux, il y a des interconnexions. H 3) Dans le corpus, ce sont les termes politico-diplomatiques qui dominent. Résultat : L’hypothèse ne s’est pas avérée vraie. Bien que dans les discours analysés la proportion des termes politico-diplomatiques, économiques et juridiques est importante, dans le vocabulaire, on peut trouver aussi beaucoup de notions empruntées à d’autres langues de spécialité dont p.ex. culture, éducation, santé, technique, etc. C’est toujours le sujet même qui influence le choix des mots et on peut constater qu’il n’y a pas de domaines dans lequel la politique et la diplomatie ne s’inflitrerait pas. En outre, la proportion des mots dits quotidiens est grande qui est le fait de la compréhension facile et la persuasion la plus efficace possible. 186 H 4) La plupart des mots utilisés dans les discours sont connotés. Résultat : L’hypothèse est vraie. L’objectif est de faire des contrastes. H 5) Conformément à la nature de la politique et de la diplomatie, ce sont les actes de langage directifs et promissifs qui dominent dans le corpus. Résultat : L’hypothèse est vraie. La volonté mono- et interpersonnelle des discours politico-diplomatiques aussi est exprimée par des actes de langage directifs et dans le cas des promesses, il s’agit des commissifs. Le nombre des actes indirects est aussi élevé. Du point de vue de la persuasion la plus efficace possible et des stratégies discursives, les autres types des actes de langage sont aussi importants dont les déclaratifs (présentation des faits, des points de vue, etc.) et les assertifs et expressifs (sentiments, etc.). H 6) Concernant les déictiques personnelles, c’est le «je» qui domine les discours du corpus. Résultat : L’hypothèse est vraie. Vue que le Président de la République est la tête de la politique extérieure et de la diplomatie, c’est lui qui est dans le centre des discours, mais il parle au nom de tous les Français, donc, il n’apparaît souvent que d’une façon cachée, derrière le «nous» – déictique personnelle d’ailleurs très flou. Par rapport aux stratégies discursives, les déictiques personnels je, moi, me, mien, etc. sont les moyens de l’individualisation et de l’identification. Pourtant, pour l’identification, on peut recourir aussi aux déictiques nous, vous, lui / il, eux / ils, elles, etc. Ces derniers servent aussi à la généralisation, à la distanciation et à la collectivisation. H 7) La modalité volitive tisse chaque discours du corpus. Résultat : L’hypothèse est vraie. La politique et la diplomatie et ainsi le langage politique et diplomatique sont le terrain de jeu par excellence de l’expression et de la réalisation de la volonté mono- et interpersonnelle. H 8) La modalité affective a un rôle important dans les discours du corpus. Résultat : L’hypothèse est vraie. L’objectif est souvent d’influencer le lecteur / l’auditeur par les sentiments aussi, donc par l’irrationnel, non seulement par la raison. 187 H 9) Le langage de Jacques Chirac a des traits individuels. Résultat : L’hypothèse est vraie. Jacques Chirac a un vocabulaire bien riche, nuancé, il utilise des éléments connotés. Il y a aussi des chiraquismes. Ce qui saute encore aux yeux, c’est que dans ses discours, il y a beaucoup de constructions adjectivales et adverbiales (pour caractériser les êtres et les choses et pour modaliser les actions), des structures avec infinitif (pour virtualiser les actions), des énumérations (pour renforcer le dit), des ellipses, des exclamations et des questions rhétoriques (pour influencer par les sentiments). Les sentiments ainsi que la volonté sont des éléments centraux dans ses discours. Chirac est l’un des vrais maîtres de l’utilisation la plus efficace possible des moyens aristotéliciens de la persuasion : logos – pathos – ethos. Pourtant, il se laisse constater que le pathos et l’ethos reçoivent des rôles principaux tandis que le logos reste plus au moins quelque chose de secondaire. 188 THÈSES Tout en résumant les résultats de recherche, voyons les thèses. 1. Le discours – divergences terminologiques: La notion discours est interprétée de façon différente selon les aires linguistiques. • Dans la linguistique anglo-saxonne, on ne fait pas une forte différence terminologique entre le discours et le texte ou bien entre la «dicourse analysis» et la «text analysis». Contrairement à ce fait, les deux approches sont divergeantes en pratique: l’analyse du discours est appliquée dans le cas de la langue parlée tandis que l’analyse du texte vise plutôt l’examen de la langue écrite. • Dans les pays francophones, la notion discours est plus abstraite. Elle a été empruntée à la philosophie du langue, aux sciences politiques et à la philosophie. Elle désigne surtout la relation entre la pensée et la langue, la conception et le maintien du savoir et les expériences humaines et elle met en relief la dimension épistémologique. • Dans les pays germanophones, ce sont les notions «Diskurs» et «Dialog», empruntées à la sociologie et à la théorie de la communication, qui peuvent être mises en relation avec notre problématique en question. • Dans les sciences du langage hongroises, la notion discours est, en général, considérée pareillement comme celle dans la tradition anglo-saxonne et dans l’approche allemande. 2. L’analyse du discours – l’importance de l’analyse des discours politicodiplomatiques: A partir du milieu du siècle passé, on a commencé à faire des recherches interdisciplinaires pour répondre à la question comment un ensemble de phrases s’organise dans une unité supérieure et langagièrement cohérente. Selon les représentants de l’analyse du discours, le discours / texte est un phénomène social aussi. L’analyse des discours / textes écrits ou parlés n’est possible que grâce à leur double nature donc à leur ancrage social et langagier à la fois. Ce n’est pas seulement la production et la perception des discours / textes qui ont été mises dans le centre des analyses, mais aussi les stratégies et les techniques contribuant à l’organisation des discours / textes, à établir et à interpréter la vie sociale. Selon les chercheurs francophones, l’analyse des discours politico-diplomatiques est importante car ces discours rendent possible, maintiennent ou modifient les actions politico-diplomatiques, c’est ainsi qu’ils forment, en même temps, l’objectif et le moyen de la communication et / ou du discours politico-diplomatique. L’arrièreplan de l’analyse du discours est un changement de paradigme, une tournure langagière et narrative. Le domaine de l’analyse du discours n’est pas homogène car il existe plusieurs approches. L’une des approches est l’analyse linguistique des discours qui, elle aussi, est très hétérogène. L’analyse linguistique des discours, leurs lectures politique et historique ne sont pas 189 des catégories identiques. L’analyse linguistique des discours ne peut pas être simplement identifiée avec l’analyse du contenu traditionnel – des domaines d’analyse importants sont aussi la subjectivité (personne et modalité), ainsi que l’effet à produire par les moyens langagiers. 3. La politique extérieure: Chaque discours de politique extérieure cache en soi des repères. Dans chaque discours, on peut découvrir des principes et des objectifs de politique extérieure qui en fassent un enseble cohérent. On peut se poser la question si nous avons décidé d’analyser les discours de politique extérieure de Chirac sur la base de notre sympathie qui pourrait mettre en question la pertinence de la problématique. La réponse est négative car nous avons observé la vision de Chirac placée dans le contexte du système politico-diplomatique mondial. D’une manière indirecte, nous avons analysé la vision chiraquienne selon les objectifs et les impacts dans l’optique des questions occupant actuellement toute l’humanité dont p.ex. mondialisation, écologie, développement durable, cohésion sociale, diversité linguistique et culturelle, etc. Le traitement de la problématique donnée de telle façon donne une réponse à la question aussi pourquoi il est nécessaire que des chercheurs hongrois également s’occupent des discours d’un Président français. La politique extérieure chiraquienne est une politique extérieure typiquement française, mais elle a des impacts globaux, ainsi, elle concerne indirectement tous les États. D’autre part, la France est encore une puissance politique et diplomatique importante. La Hongrie aussi – étant un pays observateur de l’OIF – fait attention à sa voix. 4. Lexicologie et lexicométrie: Le vocabulaire spécifique peut être observé par des analyses lexicométriques. L’avantage de la lexicométrie est encore qu’elle est capable de fournir des informations relatives non seulement au vocabulaire spécifique déjà nommé, mais aussi aux spécificités morphologiques, syntaxiques et rhétorico-stylistiques également. 5. Sémantique: Par l’intermédiaire de l’identification des relations sémantiques, on peut bien séparer les sujets principaux des sujets secondaires et établir un certain plan logique du texte respectivement en question. 6. Terminologie: Il est un fait bien connu qu’il n’existe pas de langues de spécialité pures. C’est le même cas concernant la langue de spécialité politico-diplomatique car elle emprunte des termes aux 190 domaines tels que le droit, l’économie, l’éducation, la santé, la technique, etc. On peut encore constater que dans le vocabulaire des textes politico-diplomatiques la proportion des mots dits quotidiens est importante car l’objectif principal de ces types de texte est en général la compréhension relativement facile et la persuasion la plus efficace possible. 7. Pragmatique: Dans le cas des textes de langue de spécialité politico-diplomatique, les actes de langage directifs (expression de la volonté mono- et interpersonnelle) et comissifs (promesses) ont un rôle important, mais ce fait ne veut pas dire que le locuteur les utilise exclusivement. Les autres types des actes de langage sont aussi utilisés dont assertifs, expressifs ou déclaratifs pour exprimer des stratégies discursives différentes. Les déictiques personnels servent à exploiter l’individualisation, l’identification, la généralisation, la collectivisation ou bien la distanciation. 8. Les niveaux d’analyse linguistique en pratique: Dans le cas de l’analyse du discours, la séparation des niveaux d’analyse linguistique n’est que schématique et quelque chose d’artificiel et sert à la modélisation et à la simplification des mécanismes complexes de la compréhension et de l’interprétation adéquates des discours. Le cerveau humain traite ces niveaux en même temps, parallèlement. 9. Les modes d’utilisation des résultats de recherche: Les résultats de recherche peuvent être employés dans l’enseignement de la langue de spécialité politico-diplomatique française218, dans celui de la traduction et de l’interprétation de ces types de texte, dans la rédaction des polycopiés, des glossaires et des dictionnaires spécialisés dans ce domaine, mais ils peuvent attirer l’attention des laïcs, des politologues et même des politiciens. 218 En outre, quelques aspects traités dont p.ex. les les mots-clés, les relations sémantiques et la modalité peuvent être utiles, du point de vue méthodique et didactique du FLE, aux niveaux élémentaire (A1, A2, B1) et moyen (B2) aussi, notamment dans le développement de la capacité langagière réceptive - compréhension des textes / documents écrits, sonores ou audiovisuels. Cf. p.ex. Szladek, E.: 2003, le rapport de Pisa: http://www.pisa.oecd.org/document/24/0,3746,en_32252351_32235731_38378840_1_1_1_1,00.html, http://www.pisa.oecd.org/dataoecd/33/5/46624382.pdf, http://www.pisa.oecd.org/document/0/0,3746,en_32252351_32235731_38378880_1_1_1_1,00.html en hongrois: http://oecd-pisa.hu/ ou le CECR (Cadre européen commun de référence pour les langues): www.coe.int/t/dg4/linguistic/source/framework_FR.pdf. La version hongroise du CECR n’est pas disponible en ligne, seulement sous format papier: Pedagógustavábbképzési Módszertani és Információs Központ : Közös Európai Referenciakeret : Nyelvtanulás, Nyelvtanítás, Értékelés., 191 SOMMAIRE Les discours relatifs à la politique extérieure entre 1995 et 2007 du Président de la République, Jacques Chirac, sont des discours à objectifs multiples. Par l’intermédiaire de ces discours, le Président essaie, d’une part, de protéger l’image de la France que les Français et les autres États – avant tout francophones – ont d’elle. Parler, en général, du refus de l’unilatéralisme et ainsi du choix d’un monde multipolaire sous le sceau des Droits de l’homme, de la défense mondiale de l’environnement, de la poursuite du développement durable, de la recherche d’une gouvernance mondiale et d’une mondialisation solidaire dans le cadre des organisations internationales dont p.ex. l’ONU, de la construction d’une Europe forte et dotée d’un modèle social: tous ces objectifs – ou des fantasmes (?) humanitaires, cosmopolitiques et pacifiques – paraissent à tout le monde raisonnables et réalisables et ne semblent pas incompatibles entre eux. Parler, en particulier, aux Français sur le rayonnement international de la France, c’est pour leur donner l’émotion qu’elle est encore au centre du monde et que sa voix compte. D’autre part, dans la politique extérieure, il faut toujours laisser une marge de manoeuvre pour pouvoir balancer adroitement dans ce monde devenu multipolaire, complexe et incertain tout en se concentrant sur les intérêts nationaux. En outre, la politique extérieure peut être considérée comme une certaine voie d’évasion face aux problèmes intérieures ou bien comme un domaine où on peut parler quasiment impunément sans agir. Autrement dit, c’est dans la politique extérieure que le Président peut entièrement monopoliser le théâtre de la parole dont la fonction est de capter l’attention et en même temps de la détourner sur l’expression par des artifices oratoires plutôt que sur quoi elle porte et tout cela pour convaincre et plaire. Le sens de ces discours, influencé par le contexte historique et sociopolitique, en général et celui des discours chiraquiens relatifs à la politique extérieure analysés par nous en particulier se réalise avant tout dans le code linguistique (phonie / graphie / mot – lexie / syntagme – phrase) ainsi que dans la pragmatique (énoncé – discours / texte – document). La compréhension et l’interprétation de ces discours en question est la tâche de l’auditeur / du lecteur. Dans la présente thèse, l’accent a été mis sur les aspects linguistiques essentiels de cette compréhension pour essayer de présenter les composants principaux et les mécanismes particuliers. La compréhension et l’interprétation sont liées à différents niveaux langagiers (dont lexico-sémantique et / ou terminologique, morphosyntaxique, pragmatique et rhétorico-stylistique), c’est ainsi qu’une des méthodes de nos recherches était l’observation ou la mise en pratique des méthodes et des procédés de l’analyse du discours. Les résultats de recherche peuvent être appliqués dans l’enseignement de la langue de spécialité politico-diplomatique française et dans celui de la traduction et de l’interprétation spécialisée de ces types de textes ainsi que dans la rédaction des polycopiés, des glossaires et des 192 dictionnaires spécialisés, mais ils peuvent attirer l’attention des laïcs, des politologues et même des politiciens. PERSPECTIVES 1) Pendant la rédaction de la présente thèse, les contours de sa continuation, en tant que des perspectives et des défis, sont devenus de plus en plus forts. Pour actualiser et élargir les ressources hongroises existantes219 d’une part et pour combler des lacunes sur le marché hongrois dans le domaine du langage politico-diplomatique français, pourtant s’appuyant sur des bases solides220 , imprimées ou sur internet 221 ,de langue hongroise et étrangère d’autre part, il serait, à notre humble avis, non seulement intéressant mais utile aussi, de se plonger dans le domaine de la lexicographie et dans celui de l’écriture des manuels et / ou des polycopiés également. Donc, concrétement, on peut penser p.ex. à la rédaction des dictionnaires, des polycopiés ou des manuels dont - un dictionnaire politique français-hongrois, - un dictionnaire politique hongrois-français, - un dictionnaire diplomatique français-hongrois, - un dictionnaire diplomatique hongrois-français, - un polycopié ou un manuel de langage politique et diplomatique222 bilingue françaishongrois pour les étudiants en sciences politiques, en études internationales, en études européennes, en traduction et interprétation, etc. 219 p.ex. Francia-magyar és magyar-francia gazdasági és politikai szótár de Karakai (Karakai, I.: 1994), Hétnyelvű politikai és diplomáciai glosszárium (Magyar-angol, finn, francia, német, olasz, orosz) sous la direction de Mihalovics et Révay (Mihalovics, Á. / Révay, V.: 2002), etc. 220 p.ex. Az Európai Unió Hivatalos Kifejezéstára. Angol-magyar-francia-német (2004), Dictionnaire de la Diplomatie de Pancracio (Pancracio, J.-P. : 1998), Dictionnaire des relations internationales de Boniface (Boniface, P. 1995) Dictionnaire de science politique de Lakehal (Lakehal, M.: 2005), Francia-magyar kulturális szótár d’Ádám (Ádám, P.: 2005), Francia-magyar kéziszótár de Bárdosi et de Szabó (Bárdosi, V. / Szabó, D.: 2007) et de Pálfy (Pálfy, M.: 2003), Francia-magyar nagyszótár d’Eckhardt et d’Oláh (Eckhardt, S. / Oláh, T.: 1999), Lexique de géopolitique de Soppelsa (Soppelsa, J.: 1988), Lexique de politique de Debbasch et de Daudet (Debbasch, Ch. / Daudet, Y.: 1992), Lexique des relations internationales de Boniface (Boniface, P.: 1995), Magyar-francia kéziszótár de Perrot (Perrot, J.: 2003), Magyar-francia nagyszótár d’Eckhardt et de Konrád (Eckhardt, S. / Konrád, M.: 1999), Nemzetközi kapcsolatok alapszótára de Bokorné Szegő, H. et al (Bokorné Szegő, H. et al.: 2003), etc. 221 cf. la Webographie II. Liens utiles 222 En Hongrie, on ne peut passer l’examen de lange en langage diplomatique français qu’à la Ministère des Affaires étrangères. Cf. http://www.npk.hu/public/kiadvanyaink/2008/nyelv_mo.pdf, http://www.hungarolingua.hu/index.php?nyelvt=nyelvvizsgainfo, (Szebenyi, G.: 2007, 40-42), : http://www.193.224.76.4/download/konyvtar/digitgy/phd/.../szebenyi_gabriella.pdf. En outre, il existe des manuels (bilingues français-hongrois aussi) pour se préparer aux examens de langue en relations internationales, comme p.ex.: Csikós, A. / Joó, A.: Relations sans frontières. Budapest: Aula, 2010; Riehl, L. / Soignet, M. / Amiot, M.-H.: Objectif diplomatie 1 Le francais des relations internationales et européennes. Paris, Hachette, 2010; Soignet, M.: Objectif diplomatie 2, Paris: Hachette, 2010. 193 Pour la rédaction des dictionnaires mentionnés, les dictionnaires de la maison d’édition Grimm p.ex. pourraient servir d’exemples excellents concernant la structure et le layout. Bien entendu, pour réaliser ces objectifs, on a besoin des connaissances théoriques223 également. Pour atteindre ces objectifs, il serait indispensable - de mettre sous la loupe les autres types de texte de Jacques Chirac qui peuvent être mis en relation avec la politique extérieure comme p.ex. les discours de campagne, les discours d’investiture, les voeux et les messages le 31 décembre, les interviews à l’occasion du 14 juillet, les textes de la Fondation Chirac, etc., - de se focaliser sur les discours relatifs à la politique intérieure de Jacques Chirac, - d’examiner les discours de langue française relatifs à la politique extérieure et intérieure d’autres présidents et politiciens des pays francophones et ainsi de faire des recherches dans le domaine d’autres types de discours comme p.ex. dans celui des discours parlementaires, de la correspondance diplomatique, des interwievs télévisés des pays francophones, des journaux francophones en ligne, des blogs des politiciens, etc., - de s’occuper du système politique hongrois aussi, - d’analyser des discours politico-diplomatiques hongrois relatifs non seulement à la politique extérieure mais à la politique intérieure aussi, etc. 2) Pour enrichir la science hongroise, il faudrait traduire la présente thèse en hongrois. 3) Il serait très utile de rendre accessible le Dictionnaire de l’analyse du discours (Charaudeau, P. / Maingueneau, D.: 2002) en hongrois aussi. 4) Il serait souhaitable d’écrire une Grammaire du sens et de l’expression 224 en hongrois aussi, à l’exemple du livre de Patrick Charaudeau (Charaudeau, P.: 1992). Cette grammaire est moderne parce qu’elle propose une synthèse des diverses études sémantiques sur le langage, sans imposer aucune théorie en particulier, mais en suivant un principe de cohérence qui se résume dans la question suivante : quels sont les moyens dont dispose le sujet parlant pour s’exprimer ? Cette grammaire est différente parce que, tout en reprenant les catégories grammaticales traditionnelles, elle propose une description du sens de ces catégories, et des effets de discours qu’elles servent selon diverses situations de communication. D’ailleurs, on pourrait adapter la Grammaire du français. Approche énonciative de Maurice Lévy (Lévy, M.: 2000) également. 223 Cf. p.ex. Pálfy, M.: Lexicographie informatisée et sémantique française,Szeged: JatePress,2000; Oszetzky, É. / Pálfy, M. / Borbás, L.: Szótárszerkesztés, szótárkiadás. Szeged: Grimm, 2004. 224 Concernant l’enseignement d’une grammaire du sens, cf. Patrick Charaudeau, "De l’enseignement d’une grammaire du sens", Revue Le Français aujourd’hui, n°135, Paris, 2001, http://www.patrick-charaudeau.com/De-lenseignement-d-une-grammaire,118.html 194 APPORTS 1) D’une certaine manière, l’auteur voulait contribuer humblement aux recherches concernant la communication politico-diplomatique française. Ces recherches en Hongrie ne sont pas répandues, plus exactement, c’est un terrain quasiment intouché. 2) Concernant la littérature scientifique de lange française et hongroise relative au langage politique et diplomatique, l’objectif était, d’une certaine façon, de rassembler, d’évaluer critiquement et d’essayer de synthétiser les articles, les études, etc. souvent éparpillés ou difficilement accessibles. 3) L’approche du travail était pluridisciplinaire et intégrative dans la partie théorique ainsi que dans la pratique également. 4) La thèse s’inscrit dans la lignée de la linguistique de la parole. 5) Les résultats de recherches peuvent être appliqués dans beaucoup de domaines. (Cf. thèses, 9. Les modes d’utilisation des résultats de recherche) 195 BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE Ablonczyné Mihályka, L.: Gazdaság és nyelv. Pécs: Lexikográfia Kiadó, 2006. Ablonczyné Mihályka, L.: Political Communication in the Information Society. 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