comptes rendus - Revue militaire canadienne
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COMPTES RENDUS CANADA IN NORAD, 1957-2007: A HISTORY par Joseph T. Jockel Montréal et Kingston : McGill-Queen’s University Press, 2007 230 pages et 10 pages non chiffrées, 75 $ (livre relié) ISBN 978-1-553-39135-7 Compte rendu de Richard Goette epuis 1957, le Commandement de la défense aérienne de l’Amérique du Nord (NORAD) est un élément essentiel des rapports Canada–États-Unis en matière de défense. Il a pourtant fallu attendre la publication de Canada in NORAD, 1957-2007: A History, de Joseph Jockel, pour que l’histoire de cette importante organisation de commandement bilatéral reçoive l’attention qu’elle mérite. Mais l’attente en valait la peine. L’auteur, qui est professeur de sciences politiques et directeur des études canadiennes à l’Université St. Lawrence de Canton, dans l’État de New York, a réalisé ici une étude intéressante du NORAD (rebaptisé Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord en 1981) et de son évolution au cours des 50 dernières années. Joseph Jockel est l’un des plus grands spécialistes des relations de défense Canada–États-Unis, et cet ouvrage vient compléter ses publications précédentes, dont son œuvre pionnière intitulée No Boundaries Upstairs: Canada, the United States and the Origins of North American Air Defence, 1945-1958, qui a été publiée en 1987 et portait sur les origines du NORAD. D au long de l’ouvrage. Jockel fait remarquer que les fonctionnaires canadiens et états-uniens oublient souvent que le NORAD était entièrement fonctionnel dès septembre 1957, lors de la création de l’organisation de commandement, et qu’ils situent plutôt sa fondation en mai 1958, alors qu’un échange de notes diplomatiques consacrait la ratification de l’Accord. Cet écart met donc en évidence la ligne de partage qui divisait le personnel militaire (perspective opérationnelle de 1957) et les responsables politiques (perspective diplomatique de 1958) dans leur perception respective du NORAD. Selon leur définition « purement fonctionnelle », les premiers y voyaient une organisation canado-américaine de commandement responsable de gérer les opérations de défense aérienne des deux pays. Au sein de l’United States Air Force et de l’Aviation royale du Canada, on considérait donc que le NORAD était « simplement un quartier général pratique et utile pour la défense aérienne continentale, guère plus, [...] sans grande importance politique ». Les autres, par contre, encouragés par les fonctionnaires du ministère des Affaires extérieures du Canada, décrivaient le NORAD en des termes plus politiques. Pour eux, le NORAD n’était pas qu’une organisation de commandement militaire ou un arrangement de gouvernement à gouvernement; il était « la cheville ouvrière de ce que les diplomates espéraient voir devenir une entente consultative entre les États-Unis et le Canada dans l’éventualité d’une grave crise internationale ». Cependant, comme le montre Joseph Jockel dans son deuxième chapitre, l’absence de consultation de la part des États-Unis durant la crise des missiles à Cuba a rapidement anéanti ces espoirs. Ce dernier livre de Jockel s’articule autour de trois axes principaux. Le premier traite de l’évolution de la participation canadienne aux missions de défense continentale, dominées par les États-Unis, qui incarnent alors le NORAD. Plus précisément, l’auteur analyse les changements que le NORAD a subis au fil des ans, depuis son rôle dans la défense aérienne active contre les bombardiers ennemis jusqu’à ses missions d’évaluation tactique intégrée d’alertes et d’attaques nucléaires; cette analyse est suivie d’un examen des nouvelles responsabilités du NORAD dans le cadre de la guerre contre le terrorisme. Le deuxième volet du livre s’attache à la dimension canado-américaine du NORAD et à l’autorité (ou à l’absence d’autorité) que celui-ci exerce sur les forces de défense aérienne des deux pays. L’auteur accorde une attention particulière aux rapports qu’entretiennent le commandant en chef américain et le commandant en chef adjoint canadien du NORAD ainsi qu’au « contrôle opérationnel » exercé sur les forces affectées. Enfin, le livre s’intéresse à l’évolution de l’Accord du NORAD depuis sa naissance, en 1958, jusqu’à l’accord le plus récent, conclu en 2006, et il explique comment le rôle de défense aérienne a évolué avec le temps. Quoi qu’il en soit, ce point de vue amorce le thème suivant : le NORAD est la pierre angulaire, ou le symbole, de la coopération Canada-États-Unis en matière de défense. Même si certains fonctionnaires canadiens ont peut-être accordé trop d’importance à cette interprétation par le passé, celle-ci a bien servi le NORAD, assurant sa longévité au fur et à mesure qu’évoluaient ses rôles et sa mission. Comme le souligne l’auteur à propos du renouvellement de l’Accord, en 1973, « quelle que fût la valeur fonctionnelle du NORAD, celui-ci était devenu un élément immuable des relations Canada–États-Unis et semblait donc un symbole qu’il ne fallait pas traiter à la légère ». Il importe aussi de noter que la qualité des effectifs des Forces canadiennes affectés au service du NORAD a valu aux Canadiens le respect de leurs homologues états-uniens et a été profitable au pays tout entier. Comme le disait un fonctionnaire de la défense canadienne cité par Jockel, les Américains avaient simplement « pris l’habitude de faire participer le Canada à la défense de l’Amérique du Nord ». Chaque chapitre se concentre essentiellement sur une période déterminante séparant deux renouvellements successifs de l’Accord du NORAD, et plusieurs thèmes reviennent tout Ce qui nous amène à un autre thème important de l’ouvrage : la participation du Canada aux missions du NORAD et ses efforts pour s’assurer d’« être dans le coup ». Par 100 Revue militaire canadienne • Vol. 9, N o 3, 2009 COMPTES RENDUS exemple, quand on s’est intéressé aux enjeux liés à l’espace dans les années 1970 et 1980, les Forces canadiennes et, dans une moindre mesure, le gouvernement du Canada ont voulu se servir de leurs relations au sein du NORAD pour permettre à la jeune industrie spatiale canadienne d’avoir accès aux techniques de pointe et aux travaux de recherche et de développement mis en œuvre par les États-Unis dans le domaine spatial. C’est ainsi que le NORAD est devenu une voie de transmission vers le Canada, non seulement pour les consultations mais aussi pour les technologies d’avant-garde. Le Canada devait toutefois faire sa part. S’il n’était pas prêt à fournir une contribution conséquente, il aurait sans doute à en payer le prix. Et c’est ce qui est arrivé à la fin des années 1980, lorsque le Canada a décidé de ne pas participer au système de défense anti-missiles dans le cadre de l’Initiative de défense stratégique (un autre des thèmes récurrents du livre). Cette décision fit en sorte que les planificateurs de l’aviation canadienne – ce qui est fort regrettable – se virent exclus du processus américain de planification de la défense stratégique. De fait, et c’est bien malheureux pour le Canada, quand il était question de stratégie, malgré la « filière NORAD » canadienne, c’étaient les États-Unis qui « continuaient à faire la pluie et le beau temps en matière de défense aérospatiale nord-américaine », le Canada n’ayant plus qu’à réagir aux politiques des États-Unis.. Cet ouvrage de Joseph Jockel se lit bien et est abondamment documenté. L’auteur réussit à combler les lacunes d’accès aux archives – nombre d’entre elles sont encore secrètes – en faisant bon usage d’autres sources directes. Il puise notamment dans la Collection Raymond de la Direction de l’histoire et du patrimoine du ministère de la Défense nationale (surtout pour les premiers chapitres du livre) ainsi que dans l’inestimable série de récits historiques de l’USAF/NORAD et dans les documents accessibles au CHURCHILL’S CRUSADE: THE BRITISH INVASION OF RUSSIA 1918-1920 par Clifford Kinvig London et New York : Hambledon Continuum, 2006 373 pages, 17,48 $ (livre de poche) ISBN 978-1-852-85477-5 Compte rendu du capitaine de frégate Ian C.D. Moffat l est souvent difficile d’écrire l’histoire d’un événement qui n’est plus de notoriété publique mais qui n’en demeure pas moins complexe et multidimensionnel. L’intervention des Alliés en Russie à la fin de la Première Guerre mondiale et durant les négociations de paix de 1919 est un de ces événements méconnus qui méritent qu’on s’y attarde. Le major général Clifford Kinvig, maître de conférences à l’Académie royale militaire de Sandhurst et directeur de l’éducation de l’armée, s’est efforcé de porter cet événement à l’attention de ceux qui étudient aujourd’hui la conduite de la guerre. Dans cet ouvrage, il se concentre sur les efforts des Britanniques dans quatre régions où d’importants contingents I Vol. 9, N o 3, 2009 • Revue militaire canadienne NORAD/NORTHCOM History Office à Colorado Springs, au Colorado. L’ouvrage comprend également d’excellentes cartes, mais aucune photo à part celle sur la couverture. Ceux qui s’intéressent tout particulièrement à l’histoire des forces aériennes trouveront peut-être que ce livre s’attache trop aux dimensions politiques de l’Accord du NORAD, surtout lorsqu’il est question de la défense contre les missiles balistiques. En particulier, le livre reste évasif sur la contribution qu’ont apportée l’United States Air Force et de l’Aviation royale du Canada (plus tard le Commandement aérien des Forces canadiennes) à la défense aérienne du NORAD tout au long de son histoire. L’auteur néglige aussi certaines questions importantes, comme l’unification des Forces canadiennes en 1968 et ses effets sur le NORAD. De plus, une liste des commandants américains et des commandants adjoints canadiens du NORAD aurait certes été utile. L’omission la plus visible, cependant, est l’absence de bibliographie. Ces inconvénients restent toutefois minimes. Joseph Jockel fait une importante contribution à l’historiographie générale des relations Canada-États-Unis en matière de défense et, plus particulièrement, à la connaissance du NORAD. Son ouvrage constitue une excellente étude de ces deux sujets, et sa lecture est donc recommandée aux politicologues, aux historiens et aux officiers militaires professionnels. Richard Goette est un historien de l’aviation militaire qui se spécialise dans le commandement et le contrôle, le leadership, la puissance aérienne en mer et les questions de défense aérienne. Il est actuellement un attaché d’enseignement et aspirant au doctorat au Département d’histoire de l’Université Queen’s à Kingston. de l’armée blanche russe tentaient de réduire à merci les bolcheviks. Son exposé présente essentiellement cette intervention britannique comme étant le fruit de la folie d’un homme, Sir Winston Churchill. Articulant son récit autour de ce thème, Kinvig raconte les événements dans chaque secteur, et ses descriptions de la situation stratégique sont émaillées de capsules tactiques illustrant les problèmes auxquels les hommes étaient confrontés sur le terrain lorsqu’ils essayaient d’obéir aux ordres de leurs maîtres politiques et des quartiers généraux situés à des lieues du vrai champ de bataille. Grâce à des sources de première main – comprenant des lettres de personnes engagées dans les événements, des dépêches officielles et des livres écrits par des participants à l’intervention –, Kinvig trace le portrait d’un jeune politicien ambitieux qui avait résolu de détruire le bolchevisme dès sa naissance par le biais d’une intervention militaire. L’auteur souligne la détermination qui animait Churchill malgré l’opposition du premier ministre Lloyd George et d’autres ministres plus expérimentés du cabinet britannique. Autour de ce thème central, Kinvig décrit d’âpres combats sur divers fronts russes et peint des intrigues politiques mesquines au sein du cabinet britannique, du British War Office et du 101
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