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PARtie 1 : PReVeniR notRe PRoduCtion de deCHets en iLe de
Partie 1 :
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notre
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production
PARTIE 1 : PREVENIR NOTRE PRODUCTION DE
DECHETS EN ILE DE FRANCE
 La stratégie européenne en matière de prévention de déchets  La stratégie française en matière de prévention des déchets
 La prévention des déchets en Ile de France : un axe de travail à développer
 La planification régionale en matière de prévention des déchets
LA STRATEGIE EUROPEENNE EN MATIERE DE PREVENTION DES
DECHETS
En 2002, le Parlement Européen a adopté 7 plans d’actions en matière d’environnement (6th Environmental
Action Plan) qui seront effectifs jusqu’en 2012. L’un de ces plans est consacré à la prévention et au recyclage des
déchets (« Prévention and recycling »)1. La Directive cadre de 1975 est également en révision. La prévention
des déchets devrait être considérée comme la priorité pour une gestion durable des déchets en Europe.
Constat de la Commission européenne2
[…] Malgré l’augmentation du recyclage, les déchets posent des problèmes. Le volume des déchets continuent
d’augmenter. La législation, dans certains cas, est pauvrement représentée et il y a des importantes différences
selon les Etats membres. Le potentiel de la prévention de déchets n’est pas encore totalement exploité. Les
connaissances émergeantes, en matière d’impact environnemental lié à l’utilisation des ressources, ne sont pas
reflétées par les politiques de déchets […]
Des enjeux environnementaux et économiques
La prévention de la génération des déchets permettra, en complémentarité des politiques de recyclage,
d’augmenter l’efficacité des ressources économiques européennes et de contribuer au maintien d’une croissance
économique soutenable.
L’Union Européenne définit un cadre
Pour redéfinir le cadre européen, l’UE souhaiterait notamment, à travers la révision de la loi cadre de 1975,
que chaque état-membre élabore un plan national de prévention de déchets. La France a anticipé cette future
directive en créant le sien en 2004.
La stratégie européenne ne prescrit pas d’objectif de prévention de déchets. En effet, la politique de
prévention devrait prendre en compte la production nationale et les modes de consommation de chaque état, ses
perspectives de marché et sa vision de la croissance économique.
L’Union Européenne souhaite modifier l’approche liée au déchet et à sa gestion. Même si le principe de
subsidiarité n’est pas évoqué, on peut sentir une volonté européenne de laisser une liberté à chaque étatmembre de définir ses propres objectifs et d’entreprendre des actions de prévention, en prenant en compte son
contexte de territoire et les modes de consommation de ses habitants.
L’Europe réfléchit au concept. Les états-membres fixent des objectifs et rédigent des plans d’actions. Les
acteurs locaux agissent auprès de leurs habitants.
1
Ce programme peut être lu sur le lien suivant : http://europa.eu.int/comm/environment/waste/strategy.htm
2
Ces constats sont extraits de l’acte de communication de la commission européenne sur le thème
« Stratégie sur la prévention et le recyclage des déchets » (21/12/2005).
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LA STRATEGIE FRANCAISE EN MATIERE DE Prévention deS Déchets
Bien représentatif de l’échelon européen, l’évolution des modes de vie français et des habitudes alimentaires,
conjuguées à la croissance démographique, ont une incidence sur la production d’ordures ménagères. La
production annuelle d’ordures ménagères de chaque français a doublé sur l’espace de quarante ans. Dans ce
cadre les autorités ont fixé un certain nombre d’enjeux et d’objectifs à l’attention de l’ensemble des acteurs.
Les enjeux du plan national1
Les dispositions de l’article premier de la loi n° 92-646 du 13 juillet 1992, relative à l’élimination des déchets ainsi
qu’aux installations classées pour la protection de l’environnement avaient notamment pour objet :
-
de prévenir ou réduire la production et la nocivité des déchets, notamment en agissant sur la fabrication
et sur la distribution des produits ;
Un plan national de prévention de la production de déchets a été présenté le 11 février 2004 à l’occasion des
premières rencontres nationales organisées conjointement par le MEDAD et l’ADEME. Il fixe les objectifs
suivants :
Les cibles
Les collectivités et des
administrations
Les objectifs
Diminution de 5% par an pendant 5 ans
Les déchets ménagers
Stabiliser la production en 2010 Entreprises
Stabiliser la production en 2010 Par ailleurs, dans sa communication en Conseil des Ministres sur les déchets, le 21 septembre 2005, Nelly OLIN
a fixé des objectifs pour les prochaines années en matière de gestion des déchets. L’objectif est que dans 5 ans
(2010), la quantité de déchets ménagers à enfouir ou à incinérer soit réduite à 250 kg et dans 10 ans (2015) à 200
kg. 2Cet objectif ne sera pas entièrement atteint par le surdéveloppement du recyclage.
La campagne : « Réduisons vite nos déchets, ça déborde », qui agit dans la durée, s’insère dans ce cadre.
1
Une présentation plus détaillée du plan (les axes du plan, les actions considérées comme appartenant au concept défini par le plan)
est disponible en annexe 1.
2
Chaque français produit 360 kg de déchets ménagers par habitant et par an dont 290 kg
(342 kg/hab/an en Ile de France) sont éliminés en décharge ou en incinérateur.
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La campagne nationale intègre la prévention quantitative et la prévention qualitative
Le comité de suivi du plan national de prévention de déchets a défini deux types de mesures préventives.
- des mesures de prévention quantitatives : •
sur le produit avec l’allègement, la miniaturisation, l’amélioration de la durabilité ou de la réparabilité,
l’amélioration du coefficient volumique de l’emballage ou sa réutilisation ; •
par la modification des comportements d’achat des acteurs : des particuliers, des collectivités ou des
entreprises ;
•
par le développement de la pratique de gestion domestique des déchets (notamment du compostage
individuel) ; •
par le développement du réemploi.
- des mesures de prévention qualitatives :
•
•
la réduction de la nocivité des déchets ;
l’amélioration du caractère valorisable des déchets.
L’impact de la campagne nationale sur la sensibilité des Français
L’ADEME a mis en place un dispositif d’enquête (méthode des quotas, par téléphone ou en face à face)
permettant de suivre tous les deux ans l’évolution des connaissances et des comportements de la population
française en matière de prévention de la production des déchets ménagers.
L’enquête de sensibilité, réalisée auprès de 1 000 Français de plus de 15 ans, permet un suivi détaillé des
comportements et de mesurer la mise en œuvre de 11 gestes (choisir le bon conditionnement lors des achats,
consommation de l’eau du robinet, réutilisation d’objets, le compostage domestique…) et de 10 achats écoresponsables (produits en vrac, éco-labels ou encore les grands formats) en matière de prévention de déchets.
L’association de l’indice de comportement et de l’indice d’achat permet de calculer l’indice global de sensibilité.
Les enquêtes réalisées en 2005 et en 2007 montrent une très forte progression de la sensibilité des français
à la prévention en deux ans, notamment grâce à quelques comportements-clés : l’utilisation de cabas et sacs
réutilisables et dans une moindre mesure, l’achat de grands conditionnements et d’écorecharges.
2005
2007
Indice des gestes éco-responsables (en %)
46,2
57,8
Indice d’achats éco-responsables (en %)
56,8
69,9
50,0
58,9
Indice global de sensibilité à la prévention (en %)
Source : Etudes LH2 (Octobre 2005) et IFOP (Avril 2007) pour l’ADEME
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Autre progression sensible en 2005, 61 % des français intégraient le geste de tri dans la prévention, ils ne
sont plus que 12 % en 2007 à confondre les deux gestes complémentaires d’une bonne gestion de déchets.
L’axe d’amélioration pourrait porter sur la prévention qualitative, qui permet de diminuer la nocivité des
déchets, encore peu connue et peu pratiquée par les Français.
Si 54 % des personnes interrogées ont déjà entendu parler de gestes ou d’actions permettant de réduire le
caractère dangereux des déchets ménagers, seulement 20% d’entre eux citent un geste ayant une réelle
efficacité.
Ceci est compréhensible du fait de l’accent plus important mis sur la communication liée à la prévention
quantitative, pour la phase initiale de la campagne « Grand Public » lancée par le comité de suivi plan national
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LA PREVENTION DES DECHETS EN ILE DE France : Un AXE DE TRAVAIL A
DEVELOPPER
Structuration de la filière « Déchets » depuis 1988
La gestion des déchets en Ile de France a suivi une réelle amélioration depuis le premier rapport de l’ORDIF
en 1990, aussi bien pour répondre aux exigences réglementaires que pour élargir les services rendus à la
population.
 Développement de l’intercommunalité
En 1990, 295 communes, soit 23% des 1281 communes franciliennes, étaient non-regroupées et exerçaient
seules les compétences « Collecte » et « traitement ». En 2005, ce chiffre s’élevait à 0,5%. Les structures
intercommunales représentaient 57 % de la population pour la compétence collecte et 99 % pour la compétence
Traitement.
 Modernisation des unités de traitement
Engagée avec les maîtres d’ouvrage sous forme
contractuelle (contrats « Terres Vives d’Ile de France »),
la politique mise en place visait à doter durablement l’Ile
de France des équipements nécessaires pour traiter
les déchets en conformité avec les principes de la Loi du
13 Juillet 1992. La fermeture progressive des
décharges non réglementaires (zéro centres répertoriés
en 2007) découle notamment de ces moyens mis en œuvre.
 Généralisation des collectes sélectives multi-matériaux
L’enquête de l’ORDIF en 1990 a révélé qu’environ la moitié des communes assurait la collecte sélective (4,3 kg/
hab/an pour le papier et 9,1 kg/hab/an pour le verre, soit un total de 13,4 kg/hab/an).
Elle s’est progressivement généralisée et concerne la quasi-totalité des collectivités franciliennes : plus de 99%
de la population a accès à un dispositif de collecte sélective des emballages et journaux magazines.
En 2005, plus de 597 000 tonnes d’emballages et journaux magazines ont été collectées sélectivement grâce à
un réseau de centres de tri de plus en plus efficace sur le territoire francilien, soit 52 kg/hab/an.
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Vers une diminution de la quantité et de la nocivité des déchets
 Le gisement global était toujours élevé en 2005
En 2005, près de 5 573 000 tonnes de déchets ménagers et assimilés ont été collectées dans le cadre du
service public d’élimination des déchets, soit 489 kg/hab/an.
La population francilienne (un peu moins de 8 Millions d’habitants en 1988) était de 11,4 millions en 2005,
d’après le dernier recensement de l’INSEE en 2007.
Les nouveaux services publics de collecte, proposés par les collectivités franciliennes, ont drainé des nouveaux
flux non pris en charge auparavant (apports des professionnels en déchèterie, collecte en porte à porte des
déchets verts).
Même si ces services ont eu un impact positif sur l’environnement (suppression des dépôts sauvages notamment),
le gisement de déchets ménagers et assimilés a augmenté de 18,5 % entre 1988 et 2005.
On observe une stagnation du gisement global depuis 2002, la fraction résiduelle diminue au profit des déchets
collectés sélectivement.
Figure 1 : Evolution des Tonnages collectés
Globaliser le gisement n’aurait pas de cohérence, car les opérations à mener en termes de prévention
de déchets seront différentes selon le type de déchets.
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 Les emballages se multiplient
En France, la population a augmenté de 21% depuis trente ans, le nombre de foyers a progressé de 50 % et
le nombre de personnes seules a plus que doublé. Ces évolutions démographiques, affiliées à la réduction du
temps de préparation des repas et à l’explosion du marché des plats préparés, ont contribué à l’augmentation du
nombre d’emballages dans notre société.
D’après le département « prévention, recyclage et organisation de filières » de l’ADEME, nous consommons
chaque année en France près de 100 milliards de produits emballés.
En 2005, 4,8 millions de tonnes d’emballages ont contribué pour un total de 402 millions d’euros aux sociétés
En 2005, 4,8 millions de tonnes d’emballages ont contribué, pour un total de 402 millions d’euros, aux siciétés
agréées Eco-emballages et Adelphe.
Même si les efforts des industriels en matière d’éco-conception1 sont remarquables, cela représente un gisement
conséquent à traiter pour la collectivité.
Une partie de ce gisement est recyclable et est collectée séparément en France, comme en Ile de France.
⇒ Les quantités de déchets récupérés dans le cadre de la collecte sélective des emballages et journaux
magazines semblent atteindre un pallier aux alentours de 600 000 tonnes en 2005, soit 52 kg/an/hab (avec un
taux de refus de 25%).
Le tri des déchets, acte quotidien et que chacun peut réaliser, est le premier geste de développement durable, le
premier maillon d’une chaine qui se prolonge par la non-production de déchets, voire le ramassage, d’un déchet
sur la voie publique, la réduction de la consommation d’eau, l’utilisation de transports en commun, le vélo ou la
marche à pied.
Certaines collectivités européennes, françaises et franciliennes réfléchissent à des alternatives de consommation.
Elles ont ainsi décidé d’informer leurs habitants les conséquences de leurs actes de consommation sur la
production des déchets, de plus en plus couteuse sur les plans environnemental et économique.
De quels leviers la collectivité dispose-t-elle pour modifier les habitudes de consommation de ses
administrés?
 Elargissement du réseau de déchèteries
⇒ Au total, ce sont 543 900 tonnes de déchets qui ont été apportées en déchèteries en 2005, près de 200 000
tonnes étant des encombrants en mélange.
Les déchèteries, qui représentent un moyen de lutte efficace contre les dépôts sauvages, sont passées du
nombre de 20 en 1990 à près de 150 en 2005.
94% des franciliens ont accès à ces installations pour y déposer leurs déchets. Ce type d’installation, qui
permet également une meilleure valorisation des encombrants, est encore en cours de développement, car de
nombreux projets sont en cours sur l’ensemble du territoire d’Ile de France.
1
diminué de 9 %.
Entre 1994 et 2003, le poids moyen d’une bouteille d’eau a diminué de 22 % et une conserve alimentaire en acier a
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 Les encombrants affluent dans les déchèteries et en porte à porte
⇒ Près de 341 600 tonnes d’encombrants en porte à porte ont été récupérées en 2005.
Près de 83 % de ces encombrants en mélange sont enfouis en centre de stockage de déchets ultimes de classe
2;
aujourd’hui le consommateur préfère acheter neuf, plutôt que de faire réparer, car le coût du neuf est souvent
moins élevé que celui de la réparation. Trouver une offre de réparation devient compliqué.
Rédiger un guide de la réparation pourrait être une solution. Et développer l’offre de réparation pourrait en être
une autre.
Quels leviers techniques et économiques une collectivité peut-elle constituer pour proposer des
alternatives à la mise au rebus ou limiter l’achat d’un produit ?
 Les déchets verts et les bio déchets sont également en augmentation
⇒ 81 585 tonnes de déchets verts ont été déposés en déchèteries en 2005.
⇒ Près de 187 000 tonnes de déchets verts et de bio déchets (19 100 tonnes1) ont été collectées en porte à
porte en 2005.
Les services de collecte de bio-déchets présentent l’intérêt de détourner des déchets organiques vers des filières
adaptés (compostage ou méthanisation). Cela représente-t-il un risque pour une collectivité de voir augmenter
ses quantités de déchets à gérer ?
Des déchets traités de manière autonome par les habitants (compostage individuel) peuvent être détournés en
amont et devenir une charge en moins pour les collectivités.
La prévention de cette production de déchets n’est pas à mener au détriment de la collecte séparative des
matériaux, mais une réflexion collective pourrait être une opportunité pour envisager les alternatives qui limiteraient
la prise en charge, par la collectivité, de ce type de déchets.
 La collecte des déchets dangereux des ménages (DDM) progresse, mais reste insuffisante
Outre la réduction de la quantité de déchets, la prévention de déchets intègre également le concept de la réduction
de la toxicité.
75 % des déchèteries du territoire francilien acceptaient en 2005 les DDM et ont permis la collecte de 4 360
tonnes de déchets dangereux.
Afin de prévenir l’incorporation de déchets dangereux dans les ordures ménagères, de plus en plus de collectivités
mettent en place des collectes en apport volontaire de DDM. Ces dispositifs interviennent soit pour pallier une
absence de déchèteries à proximité de la collectivité, soit en complément de ces déchèteries.
Les services proposés sont généralement de deux types : accès des habitants à
une armoire DDM au sein des centres techniques municipaux ou collecte en apport
volontaire à date et heure fixe auprès de camions spécialement équipés pour
accueillir ces déchets. La Ville de Paris propose par ailleurs une collecte au porte à
porte des déchets dangereux des ménages sur rendez-vous.
1
Sur plus de 600 communes où un service de collecte des déchets verts en porte à porte est proposé, plus de
100 présentent des ratios supérieurs à 100 kg/hab/an.
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LA PLANIFICATION REGIONALE EN MATIERE DE PREVENTION DES
DECHETS
La loi relative aux libertés et responsabilités locales n°2004-809 du 13 Août 2004 a confié aux conseils généraux
et par mesure spécifique pour l’Ile de France à la Région, l’exercice de la compétence de la planification en
matière de politique « Déchet ». La Région Ile de France est donc en charge de l’élaboration du Plan Régional
d’Elimination des Déchets Ménagers et Assimilés (PREDMA).
La mise en place de la première commission consultative a eu lieu en Juin 2006, ce qui a été la première étape
de la planification. La délibération du Plan est prévue d’Avril 2009 à Juin 2009.
Le PREDMA est fort de 7 groupes-thématiques, dont un groupe traite la prévention des déchets. Ce dernier
portera sa réflexion et ses propositions sur l’identification et la caractérisation de manière générale des différentes
possibilités d’actions en termes de prévention. Il s’agira en particulier de cerner la contribution de la prévention
des déchets à la gestion des déchets pour chacune des cibles visées : consommateurs (individu et entreprise/
administration), fabricants-metteurs sur le marché, acteurs de la réparation, collectivités.
En matière de prévention de déchets, ce groupe-thématique propose notamment d’élaborer
des objectifs de réduction à 5 ans et à 10 ans différenciés selon la typologie de déchets
ménagers et déchets d’activité.
Guide régional de la prévention des déchets en Ile de France
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Guide régional de la prévention des déchets en Ile de France
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Partie 1 :
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production
 Prévention des déchets / prévention du CO2 : Une stratégie gagnant
/ gagnant
⇒par Rémi GUILLET, président du comité de suivi du plan national de
prévention de déchets
 « L’aspect sociétal et les communautés Emmaüs d’Ile de France »
⇒par Jacques DESPROGES, membre de l’association Emmaüs défi
 La compétence des différents échelons territoriaux pour la prévention
de déchets
⇒par Francis Chalot, rédacteur du livre blanc de la prévention de déchets
 L’analyse critique des plans locaux de prévention
⇒par Bruno Genty, consultant et formateur en prévention de déchets
Partie 2 :
analyses
conceptuelles
PARTIE 2 : ANALYSES CONCEPTUELLES ET
TECHNIQUES
INTRODUCTION
La prévention des déchets a été définie au niveau national et sa déclinaison a été envisagée au niveau local, par
la nomination d’actions opérationnelles (une consommation plus responsable, les approches territoriales et la
gestion domestique des biens, le réemploi…).
Certains organismes, ou certaines personnes, sont au cœur des réflexions, autour de ce concept, au quotidien.
Ils ont acquis une sereine expérience des pratiques de prévention des déchets, de ses bénéfices et de ses limites.
Ils ciblent intelligemment ses caractéristiques, qui permettront certainement de mieux aborder une politique locale
de prévention de déchets
Leurs réflexions vont parfois au-delà du secteur des déchets en ciblant des thématiques indissociables de la
prévention des déchets (réchauffement climatique et problèmes sociaux par exemple).
Deux témoignages conceptuels nous éclairciront sur la notion de prévention de déchets et sur les différentes
thématiques avec lesquelles elle est liée.
Et deux témoignages plus techniques donneront des pistes de réflexion aux collectivités qui souhaitent entamer,
ou développer, une politique locale de prévention de déchets.
Guide régional de la prévention des déchets en Ile de France
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Prévention des déchets / prévention du CO2 :
Une stratégie gagnant/gagnant
Par Rémi Guillet, président du comité de suivi du plan national de
prévention des déchets
Le plan national de prévention des déchets a été lancé en France en février 2004, et constituait la première
matérialisation d’une implication forte des pouvoirs publics au plus haut niveau en faveur de ce principe de
prévention des déchets, certes inscrit dans la loi depuis plus d’une décennie mais resté en pratique lettre morte.
Il comporte des actions de connaissance des déchets, d’incitation notamment pour les PME-PMI, mais également
un axe important pour la communication vers le grand public. Celle-ci a pris notamment la forme d’une publicité
à la télévision, pilotée par l’ADEME, dont les spots ont eu un impact pour faire comprendre au public cette notion
de réduire les déchets, en particulier par des gestes simples proposés.
La campagne de communication a aussi comporté la rédaction d’un guide de la consommation éco-responsable
que prévoyait le plan de février 2004, et qui a été élaboré au sein du comité de pilotage du plan prévention. Ce
guide a pris la forme de fiches, axées sur des situations (je déménage ; je reçois des amis ; bébé arrive) ou sur
des produits (les surgelés, les produits cosmétiques,).
La préparation a été riche, mettant en évidence des réactions qui dépassaient les appartenances des membres :
représentant d’une association de consommateur, ou de protection de l’environnement, industriel, éco-organisme,
fonctionnaire réagissaient «dans le désordre», sans parti pris et avec une grande écoute.
A de nombreuses reprises, les conseils proposés par les fiches sont apparus à certains comme des évidences,
des conseils de bon sens, de mère ou père de famille, et à leurs yeux inutiles. Faut-il dire de n’acheter que ce
dont on a usage et d’éviter les pots de peinture trop gros ? Ou de jeter un coup d’œil au placard à conserves avant
d’aller faire les courses et d’en profiter pour faire repasser «devant» celles dont la date limite se rapproche ? Nous
avons considéré que oui, la prévention des déchets passait par cela. Il s’agit là d’un évitement complet du déchet,
de «non-déchet», ce qui va déjà plus loin que la réduction de la masse des déchets.
Mais le groupe de travail a aussi très vite constaté l’existence d’autres atouts incontestables en faveur de ce mode
de prévention des déchets : l’économie financière pour les familles, avec un transfert de pouvoir d’achat vers des
produits plus utiles ; et l’économie globale pour la planète (ce qui n’est pas jeté ne sera pas acheté, et donc ni
fabriqué ni transporté).
Sur le plan environnemental, la réduction des gaz à effets de serre liée à une « non-consommation » est une
retombée notable. La réduction des déchets devenant un enjeu quasi secondaire ! Un produit évité et donc non
Guide régional de la prévention des déchets en Ile de France
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jeté (que ce soit un appareil réparé, un meuble devenu inutile et donné, ou un produit alimentaire consommé à
temps, etc.) a en effet un contenu en CO2, qui ne sera donc pas rejeté grâce au geste de prévention. La liste des
émissions évitées est longue. Il s’agit des émissions de CO2 qu’auraient provoquées l’extraction, la production,
le transport des minerais, puis des matériaux nécessaires à leur fabrication,...
Ceci explique que les actions proposées dans le plan de prévention des déchets d’une collectivité se retrouvent
aussi dans le Plan Climat1. Par delà le cas de Paris, c’est vrai aussi pour les communes ou groupements. La
Région Ile de France doit tirer profit à ce titre de l’existence d’initiatives fortes en matière de prévention.
A l’échelle de la capitale et du SYCTOM de l’agglomération parisienne, mais aussi à l’échelle de syndicats plus
modestes ou d’une commune comme Janville sur Juine ont donnés des exemples pour cette région très dense,
et au delà, pour la France entière. Et quel effet de levier ! On pense aux actions d’Eau de Paris et du SEDIF en
faveur de l’eau du robinet également …
1
Ce plan, rédigé par le MEDAD en 2004, a été élaboré pour lutter contre le changement climatique. Il est
téléchargeable sur le lien suivant : http://www.ecologie.gouv.fr/IMG/pdf/plan_climat.pdf
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L’aspect sociétal et les Communautés Emmaüs d’Ile de France
Par Jacques Desproges, Bureau d’études TERRA1 et membre de l’association
Emmaüs Défi
Nous centrerons ici notre approche de ce vaste thème sur le déterminant que représentent au sein d’une société,
les écarts de richesses entre des groupes sociaux, entraînant pour un objet donné des perceptions différentes
de sa valeur d’utilisation.
Autrement formulé, nous partirons du cas de figure très schématique – sinon caricatural – dans lequel un même
objet jugé obsolète par un détenteur « riche », à ce titre promis à l’élimination, peut être un objet utile, voire de
première nécessité, pour un ménage pauvre.
Ce point d’entrée nous conduira à rappeler en quoi le modèle communautaire Emmaüs apporte une réponse
directe à cette question ; pour conclure sur la description du relais d’action dont les Communautés Emmaüs de
l’Ile de France viennent de se doter pour démultiplier simultanément leurs capacités de lutte contre l’exclusion
sociale et de prévention de l’élimination des déchets.
La coexistence de l’abondance et de la pauvreté dans une même société est source d’initiatives de récupérations
extérieures aux préoccupations environnementales. Il n’est plus besoin aujourd’hui de se rendre au Caire ou à
Calcutta pour croiser à Paris, nos « pauvres à nous » faisant les poubelles, à la recherche d’un vêtement, d’un
objet ; parfois d’un aliment.
A ces initiatives de survie de personnes isolées, s’ajoutent de longue date, celles d’intervenants informels mais
experts de la valeur des choses. Les gens du voyage auraient en la matière beaucoup à nous apprendre.
Confrontés à une canalisation contrôlée croissante des flux d’encombrants, ils ont démontré leur forte capacité
d’adaptation au rythme de développement national des réseaux de déchèteries, … Pour eux, les recycleries sont
un ennemi direct : récupérateurs protégés contre récupérateurs sauvages.
S’inscrivent aussi parmi « les experts récup », les Compagnons d’Emmaüs. Grands acteurs nationaux de la
prévention de l’élimination des déchets, leur modèle économique et social n’est ni celui des recycleries, ni celui
des gens du voyage.
Première caractéristique, une Communauté Emmaüs collecte explicitement des dons et non pas des déchets ;
elle n’est pas non plus entreprise de débarras. En l’état ou après restauration par les compagnons, les objets
donnés sont revendus ou à leur tour donnés à des personnes démunies : c’est un acte évident de prévention de
l’élimination par le levier de l’extension de la durée de vie et par l’équipement de ménages à partir de biens préexistants. C’est parallèlement une action contre la pauvreté.
L’activité des Communautés génère des déchets : tous les dons ne s’avèrent pas réemployables. Dans ce cas, les
déchets regroupés et triés par les Communautés déchargent les collectivités des frais de collectes directs auprès
des ménages.Enfin et non des moindres caractéristiques, les Communautés sont financièrement autonomes et
1
TERRA SA
[email protected] Guide régional de la prévention des déchets en Ile de France
82, boulevard de Picpus
75012 PARIS
01 40 02 98 90 / 06 24 63 89 13
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les emplois des Compagnons ne sont pas aidés par un dispositif public. Une Communauté vit de ses ventes ;
elle s’attache à en tirer un bénéfice financier qui est alors redistribué ainsi que des dons matériels à des plus
démunis1
L’historique de la présence des Communautés Emmaüs dans les petites et moyennes agglomérations en France,
a permis en régions de tisser des liens avec les collectivités locales ; liens qui s’expriment notamment dans
le partage des charges d’élimination de la partie non réemployable des collectes de dons. Liens également
qui préviennent dans la conjoncture récente pour les Communautés le risque majeur pour leur survie que
représenterait l’implantation d’une recyclerie si elle n’était pas concertée.
En Ile de France, les 8 communautés implantées dans la petite et la grande couronne, sont confrontées à une
sous-capacité de réponse à la multiplicité des demandes d’enlèvements d’objets exprimées par les franciliens et
en particulier à Paris.
A leurs torts défendant, elles se voient contraintes par exemple de fixer des délais d’enlèvement souvent
incompatibles avec les attentes des donateurs,… provoquant, pour ce qui nous concerne ici, de l’élimination au
lieu de la prévention.
Ce problème est aujourd’hui en passe d’être résolu par la création d’Emmaüs Défi.
En coordination étroite avec les Communautés franciliennes (les premières étant celles de Neuilly-Plaisance,
Neuilly-sur-Marne et Plessis Trévise), l’association Emmaüs Défi, créée en mars et opérationnelle depuis mai
2007, collecte les demandes d’enlèvements émanant de parisiens, auxquelles ces communautés ne peuvent
faire face en temps utile. Emmaüs Défi regroupe et trie en entrepôt ces collectes et organise ses premières
ventes. D’ici la fin de l’année, Emmaüs Défi, avec l’appui de la ville de Paris, ouvrira une salle de vente à Paris
(une première !). Dotée aujourd’hui de trois camions, d’un entrepôt provisoire, Emmaüs défi a déjà créé 12
emplois ; ces capacités en véhicules et en emplois seront démultipliées par 4 d’ici fin 2008.
L’hiver dernier, la mise en exergue de la situation des SDF du canal Saint-Martin a été l’élément déclencheur de
la création d’Emmaüs Défi.
Cette association, qui ne fonctionne pas sur le modèle communautaire mais de type « chantier d’insertion »,
se fixe pour objectif social de fournir une activité salariée à des personnes abritées en centres d’hébergement
d’urgence (dont ex SDF du canal Saint-martin). Dans un contexte de personnes longtemps éloignées de l’emploi,
leur parcours articule des contrats de travail permettant de passer progressivement de quelques heures à 24
heures puis 35 heures hebdomadaires, visant à terme l’autonomie matérielle de chacun.
Pour beaucoup de ménages franciliens, le don est préférable à l’élimination. Encore fallait-il qu’ils disposent
pour cela d’une logistique de récupération appropriée : c’est la réponse qu’apportent avec Emmaüs Défi les
Communautés d’Ile de France.
1
Quelques chiffres (2005) : 120 Communautés en France. 3880 compagnons, 971 salariés, 2,6 millions de m3 de « marchandises »
collectées (413 000 ramassages et 711 000 apports volontaires), 47 000 t de déchets éliminés, 55 000 t de matières recyclables, 86,6 millions
d’euros de chiffre d’affaires, 8,5 millions d’euros redistribués en actions de solidarités.
Guide régional de la prévention des déchets en Ile de France
31
La compétence des différents échelons territoriaux
pour la prévention de déchets.
Par Francis Chalot, rédacteur du livre blanc de la prévention de déchets
La répartition des compétences en matière de déchets a suscité bien des débats juridico-politiques, ces dernières
années, avec la mise en œuvre de la Loi Chevènement. L’irruption de cette priorité nouvelle, qu’est la prévention,
peut alors laisser d’autant plus perplexe qu’elle n’épouse pas le moule de ces compétences : planification,
collecte, traitement.
Cela ne doit pas constituer un frein, ni une source de conflit. Parmi les spécificités de la prévention, qui sont autant
ses atouts que ses faiblesses, rappelons qu’elle :
-
est, par nature, diffuse et multiforme dans ses déclinaisons opérationnelles,
-
repose sur la coresponsabilité et l’interaction complémentaire de tous les acteurs, depuis le
concepteur jusqu’au jeteur.
Ainsi, la prévention est un peu partout…et même « ailleurs » que dans le champ habituel du déchet, puisqu’elle
interroge, en amont, conception, production, distribution, achat et utilisation de produits, dont on voudrait qu’ils
occasionnent le moins possible ou de moins problématiques déchets.
Il est donc préférable que s’en emparent tous les échelons institutionnels (ou non ; les associations étant, ici, tout
aussi légitimes et indispensables), plutôt que d’en faire la chasse gardée d’un seul d’entre eux.
Cela n’empêche pas, au contraire, de préciser le rôle des uns et des autres, dans une logique de complémentarité
en « poupées russes », qui part du plan de gestion des déchets ménagers et assimilés, pour aller vers autant de
déclinaisons en programmes locaux de prévention.
La planification est l’apanage d’une collectivité territoriale désignée par la loi : la Région, en Ile de France. Elle
aura donc le souci d’y inscrire un véritable volet préventif, évitant, comme c’est encore trop souvent le cas, un
simple catalogue de préconisations stéréotypées.
Mais l’intérêt de confier à cette collectivité de rang supérieur la compétence planificatrice, autrefois dévolue
au préfet, réside dans le fait qu’elle a les moyens financiers, politiques et relationnels pour en accompagner la
réalisation effective. A ce titre, elle pourra choisir de :
-
soutenir prioritairement actions et infrastructures (ex : recycleries) se rattachant à la
prévention, voire conditionner ses autres aides pour la filière déchets (usines de traitement…) à la mise
en œuvre de mesures préventives par les collectivités compétentes ou les entreprises.
-assumer un rôle identificateur du projet global de prévention à l’échelle de son territoire, en y menant
les campagnes de sensibilisation et d’information nécessaires (notamment
Guide régional de la prévention des déchets en Ile de France
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- en matière de consommation raisonnée), en concevant les outils qui s’y rapportent (guides,
expo…) et en favorisant les rapprochements et synergies utiles avec de nouveaux acteurs (chambres
consulaires, grande distribution…).
Dans ce cadre, se développeront d’autant plus aisément des programmes locaux, à l’initiative et
à l’échelle des collectivités compétentes pour la gestion opérationnelle des déchets. Des gros EPCI
chargés du traitement jusqu’à la commune, en passant par les communautés ou syndicats de collecte,
le foisonnement des compétences exclu un schéma type. Quelques lignes forces peuvent néanmoins
être avancées :
- chaque niveau a sa propre pertinence pour mobiliser les acteurs : si la commune bénéficie
d’une forte proximité vis-à-vis des citoyens, du tissu associatif ou du commerce, des EPCI importants
peuvent engager un partenariat avec les industriels.
- c’est l’échelon collecte qui peut développer les services réalisant un détournement de flux
(collectes de textiles, de déchets dangereux…), instaurer les outils financiers comme la redevance
incitative et optimiser l’ensemble pour éviter les dérives de dispositifs « aspirateurs de déchets »
(ramassage des encombrants, déchets végétaux etc).
- par contre, une commune ou un syndicat de collecte modestes peuvent buter sur l’élaboration
d’une vraie stratégie de prévention, et les EPCI de traitement joueront un rôle essentiel, en relais de la
Région, pour initier, coordonner, co-financer des programmes conséquents.
- l’arrivée des nouvelles intercommunalités (communautés de communes ou d’agglomération)
est une formidable opportunité pour dynamiser la prévention : elles souffrent moins de l’héritage d’une
gestion des déchets toute tournée vers l’élimination et seront intéressées par une approche nouvelle à
laquelle associer leur image (…en espérant qu’elles aillent au-delà des seules apparences).
- enfin, tous les échelons, sans exception, sont concernés par l’exemplarité à adopter : si les
collectivités donnent l’exemple par leur propre fonctionnement (services, écoles…), il sera plus facile de
convaincre les administrés.
Attention, les difficultés juridico-administratives peuvent surgir, comme de savoir de qui relève la
fourniture de composteurs individuels, la réalisation ou l’exploitation de recycleries. On a déjà connu
cela pour les centres de tri et les déchèteries. Une bonne coordination entre collectivités et le dialogue
avec le représentant de l’Etat permettront de dépasser ces blocages.
Il faut considérer la prévention comme une approche innovante, qui doit et peut faire sa propre place
grâce aux initiatives de ses acteurs…
Guide régional de la prévention des déchets en Ile de France
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Analyse critique des programmes locaux de prévention
deS déchets
Par Bruno Genty, consultant et formateur en prévention de déchets1
Plusieurs points sont généralement encore insuffisamment pris en compte par les collectivités maîtresses
d’ouvrage de programmes de prévention :
1) La sensibilisation/formation, qu’il s’agisse de celle menée en direction des habitants ou de celle
menée en direction des partenaires potentiels voire des élus et agents de la collectivité elle-même.
Pour beaucoup, « la prévention, c’est simple » ! Il convient de sensibiliser efficacement les citoyens
résidant dans les territoires concernés pour leur faire entrevoir :
- de quoi l’on parle (nous sommes encore trop nombreux à confondre tri de déchets et prévention) ;
- les intérêts individuels et collectifs que l’on peut escompter de la mise en œuvre de comportements
de consommation générant moins de déchets et des déchets moins dangereux ;
- les potentialités des démarches préventives pour crédibiliser la démarche (nous sommes encore
nombreux à reporter le problème sur les autres : c’est l’affaire de l’Etat, c’est l’affaire des fabricants, etc.).
2) Des objectifs réalistes et adaptés aux moyens mobilisés.
Je me livre parfois à l’exercice suivant : demander à un responsable de collectivité quel est son objectif en matière
de prévention des déchets. Bien souvent, la réponse s’exprime de manière quantitative en réduction du poids
total des déchets ménagers et assimilés sur un territoire donné. Régulièrement, il existe une corrélation entre
le niveau de réduction affirmé et le niveau de moyens mobilisés : plus l’on affirme vouloir réduire de manière
importante et rapide les tonnages, plus les moyens sont faibles !
Il est peu raisonnable de penser que la mise en œuvre d’une série limitée d’actions permettra de réduire
arithmétiquement les tonnages totaux de déchets. En effet, ces alternatives ne vont concerner qu’une partie des
produits (parfois seulement une partie des usagers du service « déchets ») que l’on retrouve en fin de vie à l’état
de déchet.
Ainsi, si je développe des actions volontaires pour réduire la consommation de papier, je peux escompter une
réduction de x% du poids total de déchets de papier. En revanche, il m’est difficile de savoir si les autres produits
qui composent les déchets demeureront stables. Le croire reviendrait à penser que les modes de consommation
sont constants, ce qui est évidemment faux. Sur un territoire, on peut réduire de 10 kg/hab/an les déchets
1
Bruno Genty
Consultant -Formateur en prévention des déchets Courriel : [email protected]
14, rue du verger (91510 - Lardy)
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de produits papetiers mais si, dans le même temps, la consommation de lingettes ou de capsules de café se
développe, il est prévisible que le poids total des déchets ne diminuera pas de 10 kg/hab/an. Sans parler de
l’évolution du niveau d’activité des entreprises pourvoyeuses de déchets assimilés, ni de l’impact de la mise en
place d’une redevance spéciale qui peut avoir pour effet de réduire les tonnages collectés par la collectivité sans
réduire pour autant les tonnages à traiter…
Donc, si l’on peut se fixer des objectifs quantifiés en termes de déchets évités, il est plus difficile de s’en
fixer en termes d’évolution des tonnages totaux. En tout cas, il faudra admettre que ces derniers demeureront
approximatifs.
3) La mise en œuvre de partenariats
L’objectif de tout programme de prévention des déchets est d’obtenir des modifications des habitudes de
production et/ou de consommation. La collectivité maîtresse d’ouvrage ne pourra l’atteindre seule (même en
cherchant à fixer de manière très volontariste des normes de consommation). Dans ce contexte, la collectivité
n’a alors que deux solutions : soit tenter de parler plus fort que les autres ; soit parler avec d’autres. Dans ce cas,
on entre dans le champ des partenariats (entrée en relation, appréciation commune des apports et des gains de
chacun des partenaires, …)
De plus, l’objectif de modifier les comportements de consommation se heurte au fait que, pour beaucoup d’entre
nous (même parfois chez ceux qui vilipendent l’économie de marché), le fait de pouvoir acheter ce que l’on veut
demeure une valeur forte. Les nombreuses actions à mettre en place et à animer ne peuvent raisonnablement
être assumées entièrement par les collectivités maîtresses d’ouvrages. Quand bien même certaines d’entre elles
seraient tentées de tout assumer, les budgets à mobiliser les ramèneraient vite à la raison.
L’efficacité même des actions mises en place est conditionnée par une implication de tous les acteurs concernés
par leur mise en œuvre. Ainsi, la participation des commerçants dans les actions permettant aux consommateurs
d’identifier les produits pauvres en déchets aide à amplifier les impacts de toute l’opération. De la même manière,
l’implication des médecins généralistes dans la promotion de l’eau du robinet comme boisson est un atout.
Pour conclure, il nous faut vraiment développer aujourd’hui une véritable ingénierie partenariale. Pour
nous français, c’est une révolution culturelle à réussir. Elle est indispensable si l’on veut que les programmes
de prévention des déchets gagnent en cohérence globale, en efficacité et s’ancrent dans la durée.
4) La création de leviers techniques et financiers incitatifs.
Penser que la facturation incitative constituerait la solution pour réduire les tonnages de déchets me semble erroné
mais persister à facturer le service sans levier incitatif constitue une erreur encore plus importante. Toutefois, il
apparaît que la réglementation française sur ce sujet doit être réformée pour rendre la REOM incitative
plus attractive aux yeux des élus locaux.
L’optimisation des collectes observée ces dernières années en France va aussi dans le bon sens en diminuant
la taille des « aspirateurs à déchets ». Dans certains territoires, il reste encore des ajustements à faire, par
exemple :
-
dans les collectivités qui conjuguent collecte en porte à porte des déchets verts et promotion du
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compostage domestique
dans les collectivités qui ont mis en place des dispositifs de réemploi (ressourcerie/recyclerie ou
système proche) et qui poursuivent des collectes en porte à porte des déchets encombrants.
La crainte exprimée par certains élus est que les citoyens se plaignent d’une réduction du service (« on paye déjà
assez cher, donc on en veut pour notre argent ! »). Relevons que la mise en place d’une facturation incitative
réduit sérieusement cette propension à en vouloir pour son argent !
-
5) La démarche d’exemplarité du maître d’ouvrage
Il convient de ne pas se limiter à des achats de produits générant moins de déchets mais aussi de former les
personnels pour aller vers une éco-utilisation. Faute de quoi, l’on risque de se cantonner à un effet d’affichage
qui pourrait bien être éphémère.
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