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dimanche 22 juin 2008 - 10:06 001 2008 06 04 Doct distribué - Expo Kelley.doc - Page 1 sur 5 Mike Kelley « Etre artiste, c'est comme être un clochard » 1. Biographie Mike Kelley est né à Détroit en 1954 et a grandi dans un milieu ouvrier. Passionné par l’art et la contre-culture, il part étudier à l’école d’art d’Ann Arbor dans le Michigan. Il y reçoit une éducation artistique classique fortement influencée par l’abstraction formaliste de Hans Hofmann. Ses intérêts personnels portent sur l’actionnisme viennois, le mouvement politique des Whtite Panthers et des musiciens comme Sun Ra et Iggy Pop. En 1974, il forme, avec Jim Shaw, Cary Loren et Niagara, le groupe rock radical Destroy All Monsters. C’est en compagnie de Jim Shaw qu’il rejoint Los Angeles où il s’inscrit à CalArts (California Institute of the Arts). Il y est attiré par la présence des professeurs tels que Alan Kaprow et le musicien expérimental Morton Subotnick, mais y connaîtra essentiellement l’enseignement d’artistes conceptuels tels que Douglas Huebler, John Baldessari ou David Askevold. Parallèlement, il rencontre les artistes Paul McCarthy et Tony Oursler, avec lesquels il poursuit des collaborations jusque dans les années 90. A la fin des années 70, sa pratique artistique passe de la peinture aux performances. Celles-ci intègrent peinture, sculpture et musique dans un style à la fois analytique et poétique, populaire et expérimental. Progressivement, Kelley développe des installations autonomes. Monkey Island (Rosamund Felsen Gallery, Los Angeles, 1983), Plato’s Cave, Rothko’s Chapel et Lincoln’s Profile (Metro Pictures, New York, 1986) font partie de ses premières expositions monographiques. L’exposition Half a Man (Rosamund Felsen Gallery et Metro Pictures, 1987) présente pour la première fois les œuvres réalisées à partir de peluches trouvées qui participeront à faire la renommée de Mike Kelley (notamment lorsqu’il les utilise pour la couverture d’un album Dirty de Sonic Youth) ; Il fait partie des Biennales du Whitney (NY) de 1985, 89, 91, 93, 95 et participe aux Documenta IX (1992) et X (1997). dimanche 22 juin 2008 - 10:06 001 2008 06 04 Doct distribué - Expo Kelley.doc - Page 2 sur 5 En 1993, le Whitney Museum de New-York lui consacre une première rétrospective. Une deuxième, européenne cette fois, voyagera dès 1997 du MACBA de Barcelone au Van Abbe Museum d’Eindhoven en passant par le Rooseum de Malmö. Mile Kelley deviendra lui-même commissaire d’exposition avec deux versions de The Uncanny (Sonsbeek 93, Arnhem, 1993 ; puis Tate Liverpool, 2004). Depuis la fin des années 80, Mile Kelley présente régulièrement son travail dans des galeries (Metro Pictures puis Gagosian, NY ; Jablonka, Cologne et Berlin ; Ghislaine Hussenot, Paris et Emi Fontana, Milan) et des institutions (ARC et Centre Pompidou, Paris, Wiener Secession, MOCA, Los Angeles…). A partir d’éléments issus tant de son vécu personnel que d’une histoire culturelle plus large, il poursuit une déconstruction poétique de ce qui nous structure. Son œuvre se caractérise par la manière dont elle intègre la culture populaire à une pratique artistique nourrie de philosophie, de littérature et d’histoire de l’art, ainsi que par l’exubérance de son style visuel qui s’oppose aux surfaces lisses du minimalisme comme à la neutralité du pop art et de l’abstraction. 2. Résumé de l’exposition (1) L'exposition de Mike Kelley (USA, 1954), rétrospective de ses dix dernières années, investit les trois étages du Wiels par des installations, maquettes architecturales, peintures, photographies, projections, etc. Le titre de l'exposition est tiré d'une maquette reproduisant l'ensemble des bâtiments où il a suivi sa scolarité, Educational Complex (1995, Whitney Museum of American Art). Comme point de départ d'une vaste réflexion personnelle sur la mémoire et les traumatismes subis lors de sa scolarisation. Cette maquette est représentative de sa mémoire de ces lieux. Selon la théorie du « syndrome du souvenir refoulé », les espaces indéterminés, fragmentés matérialisent les hésitations de ses souvenirs, les oublis. Le traumatisme subi en ces lieux précis qu'il considère comme une forme de maltraitance psychologique institutionnelle entraîne une perte de mémoire, concrétisée par les blocs blancs de la maquette. Celle-ci est donc construite par projection, selon ses souvenirs. Mike Kelley s'est néanmoins documenté. Et tous ces supports constituent à leur tour des œuvres en soi, venant la renforcer (Architectural Site Drawings from Memory, 1995). Les mobiles suspendus dans les airs, Repressed Spatial Relationships Rendered as Fluid series (2002), renvoient à de vagues souvenirs de ces lieux indéterminés dans l'espace de sa mémoire. « Le problème des articulations manquantes entre les bâtiments a été résolu en disposant les fragments librement dans l'espace de manière à ce qu'il n'existe plus aucune relation déterminée entre eux ». Tous ces éléments, par le traitement et l'intention dont Mike Kelley les charge, révèlent un caractère autobiographique évident. (1) Jennifer Beauloye - Bibi Zavieh, Bruxelles, avril 2008. dimanche 22 juin 2008 - 10:06 001 2008 06 04 Doct distribué - Expo Kelley.doc - Page 3 sur 5 Presque intimiste, il joue d'ailleurs sur la notion de voyeurisme. Par une structure au sol, dans laquelle le spectateur doit se glisser et ramper jusqu'à un petit trou tout au fond, il transforme notre curiosité en voyeurisme. D'autant plus qu'il faut, pour bien voir, presque se contorsionner afin de regarder de biais. Cette mise à l'épreuve physique du spectateur agit comme une forme d'activation de la pensée, l'impliquant directement dans celle, « Complex », de Mike Kelley. La maquette, comme point de départ de son travail depuis 1995, est déclinée à mesure des salles et approfondie au gré des étages. Multipliant les expériences en l'associant à d'autres éléments, parfois fort extérieurs, à priori, des questions artistiques ou esthétiques. « Pour Kelley, cette œuvre marque le début d'une nouvelle période où l'autobiographie et la mémoire deviennent les instruments privilégiés de la déconstruction des structures et des systèmes qu'il avait initiée dès la fin des années 70 ». La scénographie en trois niveaux, directement imposée par l'architecture du bâtiment-même, se prête particulièrement bien à cette décomposition du travail de Mike Kelley. La maquette comme commencement, le « sublevel » au deuxième, et, enfin, le troisième étage « The Day is Done » qui élargit la thématique à d'autres préoccupations / activités extrascolaires, principalement théâtrales et théâtralement présentées. Selon Kelley, ces déclinaisons parascolaires apparaissent comme des écrans masquant les traumatismes refoulés qui y sont liés (Extracurricular Activity Projective Reconstruction [A domestic Scene], 2002). Partant d'un vécu personnel tant que d'une histoire culturelle plus large, Kelley déconstruit poétiquement les structures qui nous entourent, nous encadrent. A sa pratique artistique, nourrie de différentes références philosophiques, littéraires ou autres, il intègre la culture populaire américaine sous des formes ressenties comme douloureuses, presque violentes. Son style, caractérisé d'exubérant, semble réagir - l'un des premiers de sa génération - aux surfaces lisses du minimalisme et au détachement du pop art et de l'abstraction, courants artistiques qui prédéterminèrent son éducation artistique. La critique qu'il formule à cet égard à l'encontre de l'enseignement reçu par Hans Hofmann (Bavière, 1880 – New York, 1966) s'avère virulente, le comparant à une sorte de viol mental (Voir œuvre "déclaration abus sexuel sur enfant"). Cette rétrospective au Wiels, sous une forme certes moins spectaculaire, poursuit toutefois l'initiation à un art américain peu exposé en Belgique jusqu'à présent. Véritable immersion dans une culture et ses perversions (pas) si étrangère de la nôtre. Mike Kelley semble vouloir dresser un portrait sarcastique voire cynique d'une société américaine. Mais si le point de vue qu'il adopte peut-être perçu comme étant trop intimiste, ne pourrions-nous pas alors aussi évoquer l'oscillation entre parcours personnel (éléments autobiographiques) et fiction ? dimanche 22 juin 2008 - 10:06 001 2008 06 04 Doct distribué - Expo Kelley.doc - Page 4 sur 5 Wiels présente pour la première fois en Belgique une exposition rétrospective de Mike Kelley, un des artistes les plus importants de ces 30 dernières années. Educational Complex Onwards, 1995 – 2008 est composée d’un large ensemble d’œuvres récentes — installations, vidéos, photographies, sculptures et peintures — issues de collections internationales renommées. L’exposition est pensée comme une histoire, dont chaque œuvre serait un chapitre. Son déroulement permet de comprendre comment et pourquoi Mike Kelley a, depuis 1995, utilisé la notion d’autobiographie pour explorer poétiquement les formes du pouvoir et le pouvoir des formes. 3. Intervieuw de Mike Kelley (2) Mike Kelley explique comment il veut « déstabiliser, déconstruire », dans la tradition de l'avant-garde. Nous avons rencontré Mike Kelley à la veille du vernissage pour décrypter son parcours. Pourquoi travailler sur ce passé « scolaire » ? Dans les années 80, je travaillais beaucoup avec des jouets et des peluches usagées, et des critiques ont cru y voir des indices de traumatismes dans mon enfance. J'ai donc recherché dans ma biographie ce que j'avais comme souvenirs. Je suis parti en particulier, de ma formation artistique fort marquée à cette époque par Hans Hofmann, un artiste et professeur qui a influencé toute une génération avec ses théories du « push and pull » (permettant de créer la profondeur et l'illusion de l'espace par des couleurs et des formes abstraites). J'ai décidé de travailler ce matériau comme si j'avais eu à cette époque un traumatisme, mais artistique, un lavage de cerveau. Je me réapproprie les peintures d'alors, mais sous une forme devenue mythique. Et j'ai réalisé cette maquette d'une ville avec toutes les écoles où j'étais (sauf les blancs représentant ce dont je ne me souviens plus). Et j'ai fait de ces espaces blancs (80 pc dans ma mémoire) des mobiles métalliques qu'on peut voir à l'expo et qui sont des espaces libres qui bougent de manière aléatoire. Tout cela n'est pas direct d'accès. Jusqu'où faut-il expliquer votre travail pour que le public le comprenne ? Non, pas forcément, car mon travail à de multiples couches. Certains peuvent en rester à la couche superficielle et apprécier des formes, des couleurs, des objets. D'autres peuvent aller plus loin. C'est comme pour une auto. On peut apprécier une auto sans savoir comment elle fonctionne. Vous venez d'un milieu populaire et vous avez toujours prôné la rencontre entre la « high » et la « low » culture ? Je n'ai jamais dit cela, ce sont les critiques qui ont commenté ainsi mon travail. Moi, je ne pense pas qu'il y ait une distinction. Le modernisme est d'ailleurs parti de la « low » culture (le primitivisme) et est devenu ensuite de la « high » culture. La musique folk est partie de la "low" pour venir vers la "high". Qu'est-ce alors que l'art ? Les artistes sont des experts de la culture visuelle, c'est leur science, mais ils font ensuite de cela quelque chose qui s'apparente avec ce que les poètes font du langage. En poésie, il y a la musicalité des mots, leur signification, la forme. En arts visuels aussi, il existe une musicalité dans la composition, il y a de résonances nouvelles. (2) Mike Kelley : « Etre artiste, c'est comme être un clochard ». Mis en ligne le 10/04/2008 (La libre en ligne). dimanche 22 juin 2008 - 10:06 001 2008 06 04 Doct distribué - Expo Kelley.doc - Page 5 sur 5 Votre art est poétique mais aussi politique. Certainement. Même si je ne suis pas un artiste politique, je ne fais pas de l'agitprop, car le langage des artistes qui font de l'agit- prop est fait de clichés. Moi aussi j'en utilise, mais autrement, je les détourne. Je préfère déstabiliser, déconstruire. Je me situe en ce sens dans la grande tradition de l'avant-garde. J'ai été frappé par Roland Barthes et son livre sur les « Mythologies ». Ce n'est pas parce qu'il parle de choses banales dans son livre qu'il est banal. Il en étudie le fonctionnement. « Déstabiliser » : c'est dangereux chez Bush ? Bush est un grand imbécile. L'art est évidemment dangereux, car il déstabilise, mais je ne suis pas un terroriste. Mon travail est noir. Vous utilisez toutes sortes de médias très différents. Comment faites-vous votre choix ? Je travaille dans le « cross-média ». Cela vient de mon passé dans l'art conceptuel où l'on faisait un film sur une sculpture ou une musique sur un film. On aimait toucher les limites d'un média. Voir les limites d'un genre. Pourquoi a-t-il fallu quinze ans avant une nouvelle rétrospective ? Parce que quand on en a eu une comme moi au Withney, les gens croient qu'on est mort ! Je ne voulais pas d'une nouvelle rétrospective, je ne voulais pas revenir sur 15 ans de travail, faire un catalogue, etc. J'aime mieux aller de l'avant. J'ai de nombreux projets dont un travail sur l'espace public à Detroit, ma ville natale, mais je me suis laissé convaincre par Anne Pontégnie, la commissaire de l'expo. Votre enfance a-t-elle été heureuse ? Oui, mais pas l'adolescence. Etre artiste alors aux Etats-Unis n'était pas très populaire. Mes parents, d'un milieu très simple, étaient résolument contre ce choix, et ne l'ont jamais admis. Etre artiste, c'est comme être un clochard, rater sa vie. J'en ai fait de l'art.
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