Chapitre 4 : 1939-1959 Guerre et Paix
Transcription
Chapitre 4 : 1939-1959 Guerre et Paix
1940 « BLITZ » BOMBARDEMENT DE LIVERPOOL DEBUTS DE BILLY LIDDELL DURANT LA GUERRE 1945 FIN DE LA DEUXIEME GUERRE MONDIALE 1946 TOURNEE D’AVANT SAISON EN AMERIQUE 1947 CHAMPION DE PREMIERE DIVISION QUATRIEME CHAPITRE 1939-1959 Guerre et Paix 1950 FINALISTE DE LA COUPE D’ANGLETERRE 1951 DON WELSH NOMME MANAGER 1952 RECORD DE SPECTATEURS A ANFIELD LA REINE ELISABETH II COURONNEE 1954 RELEGATION EN DEUXIEME DIVISION 1956 PHIL TAYLOR DEVIENT MANAGER 1957 INSTALLATIONS LUMINEUSES A ANFIELD 1959 DEFAITE CONTRE WORCHESTER CITY EN COUPE D’ANGLETERRE DEBUTS DE ROGER HUNT BILL SHANKLY NOMME MANAGER « JE N’AURAIS PAS AIME JOUER CONTRE PAISLEY. IL EST DE PETITE TAILLE, A DEUX JAMBES VIGOUREUSES, UN CŒUR D’OR ET UN TACLE DEVASTATEUR. SA TENACITE SE LIT SUR TOUTES LES PARTIES DE SON VISAGE. » THE SPORTS SPECTATOR, 1947 QUATRIEME CHAPITRE 1939-1959 GUERRE ET PAIX 40 Malgré le fait que le programme de la Ligue de Football fut interrompu en 1939, le Gouvernement désira que le football continue en tant que moyen de maintenir le moral de toute la nation. En quelques semaines seulement, les autorités du jeu mirent sur pied une nouvelle compétition régionale destinée à survivre durant toute la période de guerre. Les problèmes organisationnels étaient nombreux. Les stades furent initialement limités à 8'000 personnes au maximum avec un billet délivré pour chaque spectateur entrant. Les équipes n’étaient pas autorisées à voyager plus de 50 milles pour disputer un match. Les joueurs devaient souvent déclarer forfait à la dernière minute pour cause d’appel au front. Parfois, ils étaient remplacés au pied levé par des volontaires parmi les spectateurs et beaucoup de gens pleins d’espoir se mirent à prendre leurs chaussures de football juste au cas où ils seraient appelés à jouer. Comme la guerre continuait, les accessoires de football devinrent rares et des coupons de rationnement apparurent, comme pour les habits. Les matches étaient parfois annulés pour cause de risque de raides aériens. Comme en 1914, Liverpool fournit un grand soutien à l’effort de guerre. En juillet 1939, les joueurs d’Anfield furent parmi les premiers à répondre à l’appel de la Fédération afin que les professionnels de football rejoignent l’armée territoriale. Tous ceux qui étaient assez âgés s’inscrivirent. Matt Busby et Phil Taylor furent volontaires au sein du 9ème Bataillon du Roi à Liverpool ; Jim Harley signa à la Royal Navy ; Berry Niewenhuys choisit de rejoindre la RAF. Bob Paisley, qui venait d’arriver au club en mai de cette année-là, devint fusiller de l’Artillerie Royale. Il était destiné à devenir un héros de guerre Britannique, aidant les Rats du Désert à vaincre à El Alamein et pilotant un char d’assaut durant la bataille de la libération de Rome en 1944. Avec autant de joueurs professionnels en service actif hors des frontières, la Ligue de Football introduisit un système d’ « invitations » où les joueurs pouvaient évoluer pour n’importe quel club. Habituellement, ils jouaient avec le club qui se trouvait à proximité immédiate de leurs baraquements, ils se retrouvaient ainsi parfois en train d’évoluer pour le club qu’ils aimaient le moins. Cela signifia également que des clubs comme Blackpool et Aldershot – qui avaient beaucoup de bases militaires autour d’eux – se retrouvèrent subitement au bénéfice de la crème des footballeurs anglais à leur porte. Mais le manque de talents à Liverpool ne se fit pas trop sentir et, durant toute la guerre, une succession d’internationaux de grande classe évoluèrent avec l’équipe. Parmi ceux-ci, le gardien de Charlton Sam Bartram, l’international Gallois d’Arsenal Horace Cumner, Stan Cullis de Wolverhampton et Cliff Britton d’Everton. Don Welsh, également de Charlton, et qui deviendra par la suite manager de Liverpool, fut une autre recrue temporaire. Lors d’un 12-1 exceptionnel contre Stockport, il figura à six reprises sur la liste des buteurs. Certains invités se firent même encore mieux remarquer. En février 1942, le grand milieu de terrain Irlandais Peter Doherty se rendit à Bloomfield Road pour voir Liverpool prendre le meilleur contre Blackpool. Il fut rapidement convaincu par George Kay de porter un maillot rouge. En mai de la même année, quand Liverpool battit Everton 4-1 à Anfield, Bill Shankly de Preston porta le maillot numéro quatre. Un joueur qui tira un profit maximum de l’absence de ses collègues fut Billy Liddell (voir page 50). Il était encore trop jeune pour le service actif quand les hostilités commencèrent. Cet ailier de 17 ans fit ses débuts le Jour du Nouvel An 1940, inscrivant un but lors d’une lors d’une victoire 7-1 contre Crewe à Anfield. Une semaine plus tard, il se rendit à Maine Road et y inscrivit un coup du chapeau lors d’une autre victoire 7-1 contre Manchester City. QUATRIEME CHAPITRE 1939-1959 GUERRE ET PAIX 41 Quand il sortit du terrain, le gardien de City Frank Swift lui donna une tape dans le dos accompagnée d’un mot de félicitations : « Bien joué mon gars, mais ne recommence pas trop souvent. » Mais Swift, qui perdra la vie par la suite dans l’accident d’avion de Munich, savait qu’il avait assisté à l’émergence d’un garçon au talent phénoménal. Moins de 18 mois plus tard, cet adolescent fit partie d’une équipe représentant la Ligue de Football contre le XI Anglais. Il fut aussi sélectionné avec l’Ecosse mais il dut décliner l’invitation pour cause de blessure. Pour les gens de Liverpool, le football constituait une échappatoire bienvenue aux bombardements que la ville devait supporter de la part des bombardiers d’Hitler durant la « Blitzkrieg ». Cyril Done se rappellera plus tard : « Nous étions engagés à part entière dans le business de divertissement et le peuple Britannique avait besoin de se divertir le plus possible. L’esprit en Grande-Bretagne n’avait jamais été meilleur en matière d’amitié, de fraternité et d’aide à son prochain. Je pense que la force de cet état d’esprit était bénéfique pour le peuple de la Mersey qui devait continuer de jouer son jeu favori pendant que les vendeurs de divertissements professionnels faisaient fructifier leurs affaires. » Les résultats étaient de peu d’importance mais il y eut malgré tout une ambiance de fête quand Liverpool fut couronné champion de la Région du Nord en 1943. La même année eut lieu un incroyable derby à Anfield qui vit Liverpool marquer à cinq reprises durant les huit dernières minutes pour battre Everton 5-2. Plus de 13'000 spectateurs suivirent la rencontre permettant ainsi au Lord-Maire de Liverpool d’encaisser £ 946 pour son fond de guerre. En 1944, l’équipe battit Bolton et enleva la Coupe du Lancashire après une finale aller-retour. Le Gouvernement réhaussa par la suite la limite de spectateurs et 44'820 personnes assistèrent à la victoire de Liverpool 3-2 contre son voisin à Goodison Park. Quand la guerre toucha à sa fin, les règles de la Ligue furent modifiées, le nombre de matches augmenté et la Coupe d’Angleterre rétablie. Liverpool se qualifia pour le quatrième tour et finit en 11ème position du classement de la Ligue du Nord de 1945-46. Au même moment, les héros rentrèrent petit à petit au pays. Un des premiers à être démobilisé fut Matt Busby mais ses jours d’activité en tant que joueur étaient derrière lui. Liverpool désirait qu’il fasse partie de l’équipe d’entraîneurs mais son potentiel de leader hors du commun avait déjà été remarqué ailleurs. Reading l’approcha pour lui proposer un poste d’assistant manager et Ayr United essaya de le ramener en Ecosse mais l’offre qu’il ne put refuser vint en octobre 1945 quand Manchester United lui demanda d’occuper le siège de patron à Old Trafford. En ce qui concerne les autres joueurs, Liddell, qui était engagé à la RAF en tant que navigateur, rentra sein et sauf au bercail suite à des missions de service en Europe et au Canada. Il en fut de même pour le défenseur central Eddie Spicer, honoré et décoré pour bravoure ; Jim Harley relevé de missions ; le défenseur Bill Jones, décoré de la médaille militaire pour aide et sauvetage de camarades au combat ; Jack Balmer qui fut présent au débarquement à Dunkerke ; et Bob Paisley, presque devenu aveugle à la suite d’une blessure par balle survenue dans le désert Nord Africain. Malheureusement, le capitaine du club Tom Cooper figurait parmi les 75 professionnels de football qui ne revinrent jamais. Il fut même le premier à se porter volontaire au 9ème Régiment du Roi, servant en tant que sergent dans l’Unité d’Infanterie, il rejoint plus tard la Police Militaire. En avril 1940, le défenseur natif de Stoke joua pour Liverpool à Anfield contre l’équipe de sa ville. A peine deux mois plus tard, il décéda dans un accident de moto lors d’une mission. QUATRIEME CHAPITRE 1939-1959 GUERRE ET PAIX 42 A la Manière Américaine Il se passa une année entre la fin de la guerre et le retour au calendrier normal de la Ligue. Le Président de Liverpool, William McConnell, utilisa ce temps-là à bon escient. Billy Mc était un traiteur dont la compagnie contribua à approvisionner en nourriture les dockers des bords de la Mersey durant la sombre période du Blitz. A part le fait qu’il entretenait un commerce florissant, il portait un grand intérêt à la nutrition et agissait en tant que consultant averti du Gouvernement pour le traitement des aliments durant les années de guerre. Résultat logique de ses compétences, il devint responsable du rationnement d’après-guerre auprès des joueurs au sein des clubs. En 1946, la nourriture contenant beaucoup de protéines comme la viande, le fromage et les œufs était strictement limitée. Les légumes du pays étaient rares en hiver et l’importation de fruits comme les oranges et les bananes était considérée comme un grand luxe toute l’année durant. McConnell eut une grande et brillante idée. Suite à des entretiens avec Kay, il organisa une tournée gigantesque d’avant saison en Amérique : six semaines à bord du Queen Mary, avec des matches dans dix villes majeures, partant des états du Sud des Etats-Unis pour se terminer au Canada. Loin de leur foyer, les joueurs auraient ainsi le temps de tisser les liens de l’équipe et, également, de retrouver leurs forces en ingurgitant une quantité illimitée de T-bones, filets et steaks. Le voyage fut un succès impressionnant avec, au programme, un premier match devant une foule de 20'000 fans au Stade Municipal de Triboro contre les New York All Stars. Il fut suivi de rencontres à Baltimore, Philadelphie et St Louis, battant le record d’affluence en matière de football dans les trois villes. La presse appela l’équipe les « Stars Anglaises des coups de pieds ». Les journalistes sportifs les suivaient partout où ils allaient, avides de connaître leur point de vue de la guerre et curieux de la situation qui serait la leur à leur retour en Angleterre. Quand ils apprirent combien ils étaient payés, les journalistes furent incrédules. Dans ce pays, où la star de baseball Hank Greenberg venait de signer un contrat de $ 60'000 par année, ils recevaient maintenant « la fameuse équipe de football mondialement connue de Liverpool », capable d’attirer plus de 50'000 spectateurs par match en Angleterre, dont les joueurs ne gagnent que £ 10 par semaine durant la saison régulière et £ 7.50 durant la pause d’été. Quand un reporter demanda à Kay où le reste de l’argent des entrées passait, il fut embarrassé mais expliqua que les meilleurs joueurs pouvaient toucher des extras grâce à des bonus. « On peut ainsi gagner un surplus d’environ £ 15 par semaine ce qui est toujours mieux que le travail dans les mines. » Au moment de traverser les chutes du Niagara, l’équipe avait déjà joué devant un total de 150'000 personnes. Puis, à Toronto, ils rencontrèrent l’équipe phare de la cité, Ulster United, devant 14'000 autres spectateurs, ce qui représenta à l’époque la plus grande affluence pour un match de football au Canada. Commentant la victoire de Liverpool 11-1, le Toronto Globe & Mail reporta « qu’ils s’agissait probablement de la meilleures performance jamais réalisée dans l’art de pratiquer le football. Une telle prestation comme celle que nous avons vue hier soir au Stade Maple Leaf ne sera probablement jamais plus égalée dans ce pays ». A côté de cette performance, les joueurs eurent une autre raison de se rappeler de leur visite au Canada, ayant eu vent d’une pénurie passagère de nylon en Grande-Bretagne, une compagnie locale leur offrit des douzaines de paires de collants à ramener à leurs épouses. Après une nouvelle victoire lors de leur retour à New York, ils embarquèrent pour Southampton. Ils disputèrent dix matches pour autant de victoires, marquant 70 buts pour n’en concéder que dix. QUATRIEME CHAPITRE 1939-1959 GUERRE ET PAIX 43 Ils se firent également beaucoup d’amis et connaissances ce qui leur permit de conserver des liens afin de préparer leurs futures visites de 1948 et 1953. Et plus important, ils atteignirent les buts que McConnell avait planifiés. Si l’on en croit le reportage du New York Times : « Liverpool est venu aux Etats-Unis pour battre nos équipes et refaire le plein de vitamines. Les Anglais ont remporté leurs 10 matches et, comme le fit Jack Spratt et sa femme, nettoyèrent les plats. Loin du programme d’austérité Anglais, ils engloutirent leurs steaks, œufs, lait et autres victuailles. Ce ne fut pas seulement visible sur le terrain mais toute l’équipe enregistra une augmentation moyenne de poids de 10 livres par homme. » Albert et la Bande de Fous La nouvelle équipe pleine de muscle de Kay fit une entrée raisonnable dans la nouvelle saison : deux victoires et une défaite. Mais, après un 5-0 désolant à Old Trafford, il prit la décision instantanée de renforcer l’équipe. Des rumeurs persistantes dans le monde du football laissaient supposer que l’avant-centre prolifique de Newcastle, Albert Stubbins, cherchait un autre club. Aussitôt que Kay apprit qu’Everton tentait de le faire signer, il sauta dans une voiture avec McConnell en direction du Nord-Est. Le même soir, Stubbins se trouvait dans un cinéma de Newcastle, sans savoir que deux clubs de la Mersey étaient en chasse pour obtenir sa signature. Dans une interview réalisée pour le livre de 1993 intitulé les trois côtés de la Mersey, il expliqua ce qui s’était passé ensuite : « …une note apparut sur l’écran : « M. Albert Stubbins veut-il bien se rendre immédiatement à St James Park. » Il était environ six heures et je m’y rendis. M. Kay, représentant Liverpool et M. Theo Kelly d’Everton étaient là. Stan Seymour, le directeur de Newcastle me demanda, « Quel porte-parole désires-tu rencontrer en premier ? » Je dis, « Bon, jette une pièce en l’air. Face Liverpool. Pile Everton. » Ce fut face, donc Liverpool. Bill McConnell, le président de Liverpool, George Kay et moi-même avons beaucoup discuté. Je fus très impressionné par eux et par les possibilités qui m’étaient proposées par Liverpool. Alors j’ai dit que je choisissais Liverpool. J’ai rencontré M. Kelly qui fut très aimable. Je lui ai dit que je m’étais décidé pour Liverpool et il m’a souhaité bonne chance, ce que j’ai trouvé très sportif de sa part. » Ce transfert de £ 12'500 fut très inspiré. Stubbins joua 36 matches de Ligue cette saison-là et, avec Billy Liddell distribuant les centres, il inscrivit 24 goals. Ce fut également une grande saison pour le buteur Jack Balmer. Il finit avec le même nombre de buts inscrits tout en atteignant le total de dix en trois matches contre Portsmouth, Derby et Arsenal, devenant du même coup le premier joueur de Liverpool à réaliser trois coups du chapeau consécutifs. Mais il se produisit beaucoup de hauts et de bas durant la saison où de superbes victoires furent suivies de ridicules défaites. Les succès 6-1 étaient immédiatement annulés par les revers 5-1. Ce n’est qu’après un désastreux mois de janvier où ils perdirent tous leurs matches de championnat que l’équipe commença de gagner régulièrement. Ils enregistrèrent cinq victoires d’affilées et, à fin mars, étaient proches de Wolverhampton alors en tête du classement de Première Division. Ils progressaient également en Coupe, éliminant Walsall, Grimsby et Derby avant d’affronter Birmingham en quarts de finales à Anfield. Cette victoire 4-1, conquise sur terrain gelé lors d’un hiver parmi les plus rigoureux de l’histoire en Angleterre, est toujours profondément ancrée dans la mémoire des supporters de Liverpool d’un certain âge. La raison ? Un coup de tête incroyable de Stubbins qui sembla défier les lois de la gravité. D’après le Liverpool Daily Post, ce fut « le plus beau but jamais vu à Anfield ». QUATRIEME CHAPITRE 1939-1959 GUERRE ET PAIX 44 « Liddell exécuta un coup franc d’une distance d’environ 18 yards. La balle pénétra à grande vitesse dans la surface de réparation. Deux joueurs essayèrent de l’intercepter mais elle allait trop vite. La foule cria « Oh », sentant que la balle allait passer au travers quand Stubbins, hors de position, plongea de tout son long en avant pour propulser de la tête la balle qui se trouvait à moins d’un pied ou deux du sol. Celle-ci fut ramenée en direction des filets adverses. » Les espoirs d’une participation à la finale disparurent un mois plus tard, quand Burnley l’emporta lors d’une demi-finale à rejouer. Mais, la possibilité de gagner le championnat demeurait. Le titre se jouait entre quatre équipes. Avant la dernière journée de la saison, United et Wolverhampton comptaient 56 points, contre 55 à Liverpool et Stoke. Les Rouges se rendaient à Molineux (voir page 52). La course au titre de champion la plus captivante depuis des années allait se terminer et, pour la première fois depuis un quart de siècle, Liverpool finit premier. La Famille d’Anfield Mais, sous la houlette de Kay, l’équipe ne retrouvera jamais la forme et l‘euphorie en matière de spectacle de cette saison-là. Les trois années qui suivirent les installèrent en milieu de classement alors que United les dépassait, Arsenal retrouvait sa confiance et Portsmouth gagnait en puissance pour remporter deux titres de champion successifs. Il s’en suivit quelques changements sur le terrain. « Nivvy » se retira à la fin de la saison 1946-47 et Harley en fit de même une année plus tard. A l’attaque, Done et Balmer commençaient à craindre pour leur place alors que Kevin Barron émergeait peu à peu, provenant de l’équipe réserve. Et, alors que l’ailier Sud-Africain du nom de Bob Priday se fit oublier, un garçon de la région nommé Jimmy Payne aligna une série de matches de grande cuvée à tel point que les journaux le comparèrent à Tom Finney et Stanley Matthews. Seule la colonne vertébrale de l’équipe d’après-guerre demeura presque intacte jusqu’à la fin des années 40. Cyril Sidlow demeura au but, avec Ray Lambert et Eddie Spicer à l’arrière, Paisley, Phil Taylor et Bill Jones au milieu du terrain, alors que Liddell, Stubbins et Fagan se positionnaient en attaque. Durant cette période, le football était plus populaire que jamais. Privés de football de première classe durant la guerre, les fans affluèrent en quantité jamais vue jusqu’alors dans les stades. En 1947-48, un record de 41 millions de personnes payèrent pour assister aux matches de la Ligue Anglaise. Sur les bords de la Mersey, les grands clubs profitèrent de cet engouement. Les entrées au stade qui avoisinaient les 50'000 durant la saison où Liverpool remporta le titre permirent au club de réaliser un bénéfice de £ 17'208. L’année suivante, plus de 74'000 spectateurs prirent place à Goodison Park lors d’un match de Coupe d’Angleterre contre Manchester United. Une année plus tard, un record de 78'299 fans fut enregistré dans le même stade pour le derby du Championnat entre Everton et Liverpool. Malgré cet état de fait, il n’y avait pas beaucoup d’argent redistribué au jeu et les joueurs avaient un train de vie modeste. Huit membres de l’équipe vivaient dans la même rue de Bowring Park, louant leur maison au club pour 25 Shillings (£ 1,25) la semaine. Les nouvelles jeunes recrues s’incrustaient parfois dans les propriétés des veuves d’anciens joueurs du club. Comme la Ligue de Football avait augmenté le salaire maximum à £ 12 par semaine – en réponse à une menace de grève des footballeurs – le gain des joueurs dépassait de peu ce que gagnait un professionnel en col blanc. Bien des années plus tard, Albert Stubbins se souvient que personne de l’équipe de Liverpool ne pouvait se targuer de posséder une voiture et chacun arrivait en bus pour les séances journalières d’entraînement. QUATRIEME CHAPITRE 1939-1959 GUERRE ET PAIX 45 Wembley à Nouveau Liverpool entra dans le livre des records lors de la saison 1949-50 pour avoir été invaincu pendant la période la plus longue de l’histoire de la Première Division. Ils remportèrent dix de leurs 18 premières rencontres pour 10 matches nuls, ce qui fit d’eux des candidats sérieux pour remporter une nouvelle fois le Championnat. Mais, après avoir perdu à Huddersfield, leur forme diminua jusqu’à perdre petit à petit l’espoir d’un nouveau titre. Au printemps, il fut clairement établi que les meilleures chances de succès se trouvaient maintenant en Coupe d’Angleterre. Ils avaient en effet progressé dans la compétition de manière impressionnante, éliminant Blackburn, Exeter et Stockport lors des premiers tours, avant de battre Blackpool 2-1 devant 54'000 spectateurs à Anfield. Grâce à Everton qui se comportait tout aussi bien, il y avait un réel espoir d’avoir une finale entièrement composée de clubs de la Mersey. Mais le tirage au sort en décida autrement et les deux équipes durent se rencontrer au stade des demi-finales. La partie fut programmée à Maine Road le 25 mars, jour du Grand National. Alors que des milliers de parieurs se rendaient à Liverpool le matin de la grande course, la route de l’Est du Lancashire se peuplait de supporters de Liverpool et d’Everton qui s’exilaient en masse dans le sens opposé, en direction de Manchester. Au final, il s’avéra que ce fut bien le jour de Liverpool. Les Bleus prirent le dessus en début de partie mais oublièrent de convertir leur domination en but. Au milieu de la première mitemps, Paisley intercepta un dégagement à l’orée des seize mètres avant de voir son lob astucieux franchir la ligne de but. En seconde mi-temps, Liverpool mit d’avantage Everton sous pression avant que Liddell n’intercepte une mauvaise passe en retrait pour inscrire le deuxième but. Quand le coup de sifflet final retentit, les supporters rouges qui se trouvaient parmi les 72'000 spectateurs se déchaînèrent et des centaines d’entre eux envahirent le terrain pour congratuler toute l’équipe et les buteurs en particulier. Pour Paisley, ce fut un des meilleurs moments de sa carrière de joueur. Malheureusement, il était également en route vers l’une de ses plus grandes déceptions. Lors de la préparation du match contre Arsenal, Kay et ses amis directeurs furent mis en face d’un dilemme majeur au niveau de la sélection de l’équipe. Laurie Hugues, leur premier choix en tant que défenseur central, revenait de blessure après une longue absence. Cela eut pour conséquence que Bill Jones, qui avait parlementé avec succès, pouvait à nouveau jouer au côté du capitaine Phil Taylor au milieu du terrain. Kay, qui en était alors aux premiers jours d’une grave maladie, voulut maintenir Paisley mais il fut contredit par le comité. Le demidéfensif originaire de la Région de la Tyne fut, selon ses propres mots, atterré par cette décision. Les jours qui suivirent, il se sentit même dans l’impossibilité de regarder son manager en face. Dans la région de la Mersey, l’excitation et les attentes étaient grandes. Liverpool avait battu Arsenal deux fois en Championnat cette saison et était considéré comme le favori pour remporter la Coupe et la ramener à Anfield pour la première fois en 58 ans d’histoire. La location des billets fut liquidée en une journée et les milliers de personnes qui ne purent en bénéficier durent se rabattre sur les magasins d’appareils électriques de la ville qui étaient en possession d’une télévision. La succursale d’Islington de Rushworth and Dreaper demanda 1 Shilling à chaque client désireux de voir le match « live » sur un de leurs appareils et des centaines de personnes firent la queue hors du magasin depuis les premières heures du jour. La vieille plaisanterie à propos du Liverpoolien qui économise pour le jour ou son équipe gagnera la coupe (et mourra millionnaire) demeurait intact. Arsenal domina le match dès le début et inscrivit le 1-0 à la dix-septième minute déjà. QUATRIEME CHAPITRE 1939-1959 GUERRE ET PAIX 46 Au milieu du terrain, le mordant de Paisley manquait cruellement à Liverpool et devant, Liddell était sujet aux tacles dévastateurs de la part du demi-défensif Alec Forbes afin de l’empêcher de passer. Après la pause, ils mirent les Gunners sous une certaine pression avec des actions de Stubbins qui visa le petit filet et Jones, dont le coup de tête heurta la barre transversale. Quand Reg Lewis inscrivit son deuxième but après 62 minutes, le match était joué. Le footballeur de l’année du côté d’Arsenal, Joe Mercer, brandit la coupe et Liverpool revint une nouvelle fois de Wembley les mains vides. Qui aurait alors pensé que des dizaines de milliers de fans seraient présents le lundi soir à Lime Street pour les accueillir lors de leur retour en train, envahissant les artères du centreville et longeant les rues jusqu’à Town Hall. Après s’être présentée à la foule depuis le balcon, l’équipe fut conduite à Anfield où les attendaient des milliers d’autres personnes qui suivaient alors une rencontre de juniors. Les joueurs reçurent une véritable ovation quand ils arrivèrent le long de la ligne de touche et plusieurs d’entre eux en eurent les larmes aux yeux. Après coup, Liddell avoua qu’il avait été submergé par l’émotion. « C’est une nuit que je ne suis pas prêt d’oublier. Je n’ose même pas imaginer quel genre de réception l’équipe de Liverpool qui remportera la Coupe pour la première fois recevra des gens d’Anfield. Tout ce que j’espère c’est que je serai là pour le vivre. Son vœu sera exaucé, mais il devra attendre 15 autres années. Une Décennie de Déclin La nouvelle saison n’était vieille que de cinq mois quand un George Kay toujours plus fragile se retira sur conseil médical. La veste de patron passa sur les épaules de Don Welsh, un Mancunien excentrique qui avait été un formidable joueur avec l’équipe de Charlton. Malheureusement, il figura parmi les nombreux footballeurs qui furent incapables de réussir une carrière de manager. Pour la défense de Welsh, nous signalerons qu’il hérita d’une équipe vieillissante dont certains membres étaient déjà présents avant la guerre. Alors que des joueurs comme Fagan et Paisley étaient sur le déclin, il ne réussit pas à trouver les remplaçants adéquats, misant trop souvent sur Liddell pour sauver l’équipe. Welsh était terriblement enthousiaste bien que quelque peu imprévisible. Quand l’équipe gagnait, il célébrait la victoire en faisant la roue dans les vestiaires. Le défenseur issu du club Ray Lambert se rappelle à quel point il causa l’incrédulité au milieu des hôtes d’un hôtel de Leeds. « Nous arrivions pour notre lunch de midi, avant le début du match, et il y avait des gens assis dans l’hôtel. Il arriva en courant et il se mit subitement sur les mains, jambes en l’air, toute la monnaie de ses poches tombant sur le sol. Il commença à avancer dans cette position. Nous n’avions jamais vu quelque chose comme ça. C’était Don. » L’ex-instructeur de l’armée toujours en forme introduisit de nouvelles méthodes rigoureuses d’entraînement à Anfield, mettant en place de dures séances de résistance. Il causa même, d’après les dire de Stubbins, une mini révolution de vestiaire en insistant sur un système de marquage homme à homme : « Don avait cette théorie défensive. Je me rappelle un discours qu’il nous tint. Il dit : De nos jours, au football, si l’adversaire ne marque pas, tu ne peux pas perdre … en d’autres termes, nous devions jouer de manière négative. » Et cela ne fonctionna pas. Après quatre défaites d’affilée – et un protêt déposé par les joueurs – Welsh abandonna le système. Lors d’un match à domicile historique, il opta toutefois pour le bon choix tactique. Le 2 février 1952, Liverpool rencontrait Wolverhampton lors du quatrième tour de la Coupe. Au moment d’établir la formation de l’équipe pour le match, Liddell fut placé à l’aile gauche et Cyril Done au poste de centre-avant. Juste quelques secondes avant le coup d’envoi, les deux joueurs permutèrent leurs positions. QUATRIEME CHAPITRE 1939-1959 GUERRE ET PAIX 47 Done se retrouva donc à l’aile. Wolverhampton, qui avait travaillé durement pour élaborer un plan afin de contrer Liddell, fut jeté en pleine confusion et, durant le temps qu’ils mirent à réorganiser leur défense, Liverpool avait déjà marqué deux fois. Les Rouges l’emportèrent finalement 2-1 devant 61'905 fans, la plus grande affluence enregistrée jusqu’alors à Anfield. Mis à part cette victoire, le début des années 50 fut marqué par une série de défaites humiliantes. En 1951, Liverpool fut sorti de la Coupe par l’équipe de troisième division de Norwich ; une année plus tard, ils furent éliminés par Gateshead. La saison suivante, ils furent battus 5-1 à Old Trafford et Portsmouth ; 6-0 à Charlton et 5-2 à Chelsea. En avril 1954, l’équipe se rendit à Londres pour perdre 3-0 contre Arsenal. Ce ne fut peut-être pas la pire défaite de la campagne mais ce fut celle qui les précipta en deuxième division. La Deuxième Division Cette année-là est à cataloguer parmi les pires pour les fans de Liverpool. Ils virent leur équipe être reléguée pendant qu’Everton célébrait sa promotion. Leurs espoirs d’un retour immédiat en Première Division chancela alors que l’équipe ne remporta qu’un seul de leurs sept premiers matches. Le 11 décembre, ils durent même faire face à la terrible perspective d’une deuxième relégation d’affilée quand ils furent massacrés 9-1 à Birmingham. Leurs grandes peurs s’estompèrent grâce à une succession de victoires lors de l’année qui commençait, ce qui contribua à aider l’équipe à finir au 11ème rang. Cela ne suffit pas à masquer le fait que Liverpool était devenu maintenant une médiocre équipe de Deuxième Division, pas assez talentueuse pour rivaliser avec les meilleures formations du pays. Welsh rempila pour deux saisons de plus. Durant cette période il dépensa pour le club plus de £ 50'000, achetant des joueurs comme l’ex-buteur de Wolverhampton Sammy Smith, le demioffensif John Evans et le milieu de terrain de Carlisle Geoff Twentyman. Il donna aussi leur chance aux joueurs locaux comme Ronnie Moran, le futur capitaine et entraîneur, Alan A’Court, qui jouera plus tard pour l’Angleterre et le jeune Jimmy Melia, qui fut sélectionné en équipe écoliers, puis jeunes avant d’obtenir une quantité de sélections internationales. Mais, malgré le nombre considérable de nouveaux venus, les différentes compositions d’équipe et les tactiques que Welsh essaya, l’équipe ne put jamais prétendre à une ascension. Et, quand Liverpool se profila à la troisième place à la fin de la saison 1955-56, le comité décida que Welsh avait utilisé assez de possibilités. L’homme qu’ils nommèrent à sa succession fut le capitaine formé au club Phil Taylor (voir page 54) qui venait de suivre Paisley dans l’équipe des entraîneurs. Il était le choix le plus populaire en fonction de l’avis des joueurs et – pendant un court laps de temps durant sa première année – il semblait être le seul à pouvoir faire remonter le club. Mais, comme pour Welsh, ses qualités ne furent jamais suffisantes. Lors de sa première saison complète en charge de Liverpool, ils terminèrent de nouveau troisième et, lors des deux années suivantes, quatrième. En 1959, le nombre de spectateurs à Anfield était descendu à environ 30'000 de moyenne et les fans restaient sur leur faim. Ils bombardèrent les journaux de lettres de protestation quand Liddell perdit sa place de titulaire, adressèrent aux joueurs des applaudissements polis après un match nul à domicile contre Portsmouth et regardèrent avec dédain leur équipe favorite d’autrefois se faire éjecter de la Coupe d’Angleterre par Worcester City, petite équipe n’évoluant même pas dans la Ligue. Une lumière dans l’obscurité fut l’émergence de Roger Hunt, buteur de 21 ans qui marqua lors de ses débuts contre Scunthorpe. Une autre étincelle arriva en novembre d’Everton en la personne de Dave Hickson, qui traversa Stanley Park pour £ 12'000 et inscrivit deux buts lors de son premier match. Mais, lors du match suivant, Liverpool fut battu 4-2 à Lincoln et la promotion parut soudain aussi éloignée qu’elle l’avait toujours été. QUATRIEME CHAPITRE 1939-1959 GUERRE ET PAIX 48 Deux jours plus tard, Taylor jeta l’éponge, fatigué par le fait d’avoir essayé en vain de redonner à son club le statut de membre de la Première Division. Lors de la quinzaine qui suivit, l’équipe fut sans barreur pendant que les directeurs cherchaient un remplaçant. C’est alors qu’au début du mois de décembre, le président Tom Williams annonça que le poste avait été repourvu : « Du petit nombre de ceux qui le désiraient, le comité décida de porter son choix sur M. W. Shankly, actuellement en place à Huddersfield Town, et de lui offrir le poste de manager. Celui-ci annonça sa décision devant son comité et, après avoir exprimé ses regrets à propos de son départ, fut autorisé à rejoindre le FC Liverpool. » Le nouveau manager signa son contrat durant les jours qui suivirent. La vie à Anfield allait changer pour toujours. TOP 10 1939-1959 BUTEURS COUPS DU CHAPEAU NOMBRE DE MATCHES EN LIGUE 1. Billy Liddell 211 2. Albert Stubbins 82 3. Jackie Balmer 64 4. John Evans 49 5. Louis Bimpson 39 6. Jimmy Melia 38 7. Antonio Rowley 38 8. Jimmy Payne 37 9. Alan A’Court 36 10. Alan Arnell 33 (Sans prise en compte des saisons de 1939-40 à 1945-46 où le système de la Ligue fut suspendu) 1. Billy Liddell 4 2. Jackie Balmer 3 3. Albert Stubbins 3 4. Louis Bimpson 2 5. Cyril Done 2 6. John Evans 2 7. Antonio Rowley 2 8. Johnny Wheeler 1 9. --10. --(Sans prise en compte des saisons de 1939-40 à 1945-46 où le système de la Ligue fut suspendu) 1. Billy Liddell 476 2. Ray Lambert 308 3. Laurie Hugues 303 4. William (“Bill) Jones 257 5. Bob Paisley 252 6. Jimmy Payne 224 7. Phil Taylor 223 8. Alan A’Court 215 9. Ronnie Moran 192 10. Jackie Balmer 167 (Sans prise en compte des saisons de 1939-40 à 1945-46, où le système de la Ligue fut suspendu) QUATRIEME CHAPITRE 1939-1959 GUERRE ET PAIX 49 JOUEUR BILLY LIDDELL Comparer des joueurs de différentes époques est source de problèmes, mais si quelqu’un peut être autorisé à essayer de le faire, c’est bien Ian Callaghan. L’homme qui détient le record de titularisations de tous les temps à Liverpool admirait en ce temps-là Billy Liddell depuis les tribunes. Il vit des centaines de joueurs aller et venir depuis lors mais il a toujours réservé la meilleure note à l’idole de son enfance : « D’après moi, Liddell, Keegan et Dalglish furent les meilleurs joueurs de tous les temps du club. Mais j’aurais choisi Billy au détriment des deux autres comme étant le plus grand. Beaucoup de monde de la génération de Callaghan ne contesteront pas. A leur crédit, il faut admettre que Liddell était un concentré de ce qui se faisait de mieux. La force de Tommy Smith, l’allure et la puissance d’Emile Heskey, la faculté du dribble de Peter Thompson, le shoot ravageur de Jimmy Case. Du temps où les ailiers Britanniques étaient les meilleurs au monde, Liddell avait un talent hors du commun. Quand les sélectionneurs choisirent les représentants des équipes de Grande-Bretagne de 1947 et 1955, il fut un des deux seuls joueurs a être choisi lors de ces deux années. L’autre ? Sir Stanley Matthews. Ce fut Matt Busby, alors qu’il était encore à Liverpool, qui entendit pour la première fois parler d’un jeune de 16 ans surdoué qui évoluait avec l’équipe Ecossaise de Lochgelly Violet au cours de l’année 1938. Sur sa recommandation, le boss d’Anfield George Kay alla le voir jouer et, en l’espace de quelques jours, persuada les parents du jeune adolescent de le laisser migrer vers le sud. A l’âge de 17 ans, il signa un contrat professionnel de £ 3 par semaine et fut immédiatement invité à faire son chemin au sein de la première équipe. Seule la guerre le priva d’évoluer dans cette formation de Première Division. Liddell joua dans une quantité de clubs de la Ligue Régionale durant le début des années 40, faisant du poste d’ailier gauche le sien et obtenant au passage sa première de ses 28 sélections en équipe d’Ecosse. Il rejoint plus tard la RAF, servant en Europe et au Canada et jouant pour son équipe des Bomber Command durant la guerre. Il fut démobilisé alors que quelques semaines de la saison 1946-47 avaient déjà été jouées et fit ses 35 matches de Ligue Anglaise pour Liverpool qui remporta cette année-là le trophée de champion d’Angleterre. Il multiplia les centres pour Albert Stubbins et Jack Balmer qui les concrétisaient ou coupait à l’intérieur pour adresser des tirs d’une redoutable précision. Il terrorisait les défenses de Première Division par ses courses insaisissables pour lesquelles il devint célèbre. « Billy était si fort que cela semblait surréaliste, » dit Bob Paisley. « Il se battait tout le temps, provoquait des challenges et montrait de la ténacité ». L’équipe d’après-guerre alla en déclinant lors des années 50 et malgré les plus grands efforts de l’Ecossais volant, le club continua de couler. Il eut maintes opportunités de changer d’air y compris une offre lucrative de l’équipe Colombienne de Bogota peu après la finale de la Coupe d’Angleterre de 1950. Mais, dans un élan de loyauté qui serait presque impensable de nos jours, il décida de rester à Liverpool malgré le fait qu’ils furent relégués. Ce fut essentiellement grâce à lui que le nombre d’entrées demeura relativement élevé durant les années de Deuxième Division. Les spectateurs du Kop aimaient ce mélange de force pure et d’habileté, payant volontiers leur place pour le voir courir au milieu de défenseurs rageurs. Ils rebaptisèrent l’équipe en son honneur au nom de « Liddellpool ». Il changeait de poste avec facilité, bougeant de l’aile gauche à l’aile droite, dirigeant la ligne d’attaque comme un avant-centre prolifique, consolidant même la défense lors d’une titularisation en tant que défenseur central. QUATRIEME CHAPITRE 1939-1959 GUERRE ET PAIX 50 Dans le monde des footballeurs professionnels, Liddell était un homme à part. Durant le temps passé à Anfield, il continua d’exercer un travail de comptable avec horaire journalier de 9 à 17 heures. Une carrière que ses parents imposèrent comme condition à son départ du côté de la Mersey. Il était non-fumeur, buveur de thé et Méthodiste laïque. Il soutenait aussi certaines œuvres de charité, donnant gratuitement de son temps à officier en tant que DJ à la radio de l’hôpital et offrant ses services de magistrat. L’honnêteté et l’intégrité qu’il démontrait dans la vie se voyait également sur le terrain. Sa réputation de sportivité provoquait souvent des ovations de la part des supporters adverses. Et, en novembre 1957, quand il établit le record de la Ligue avec 430 matches disputés, toute l’équipe de Notts County s’aligna au centre du terrain pour lui serrer la main. Il joua son dernier match de Ligue pour le club en août 1960, quatre mois avant son 40ème anniversaire. Peu après, une foule de 39'000 spectateurs – soit près de 10'000 de plus que la moyenne des entrées de la saison à domicile – vinrent assister à son match d’adieu contre une sélection Internationale. En tout, Liddell disputa 537 matches pour les Rouges, inscrivant 229 buts. Quand il se retira, ses fans étaient convaincus de ne plus jamais revoir un joueur de ce calibre. Le FC Liverpool lui-même savait qu’il ne retrouverait jamais un meilleur serviteur. Billy Liddell décéda en 2001 des suites d’une longue maladie. Il demeura un spectateur régulier à Anfield jusqu’aux derniers mois de sa vie. Il restera toujours dans les mémoires comme l’un des meilleurs joueurs ayant évolué sur cette pelouse. QUATRIEME CHAPITRE 1939-1959 GUERRE ET PAIX 51 MATCH 1947 LA PARADE DES CHAMPIONS C’était le milieu de l’été. Nous avions eu un mauvais hiver et une quantité de matches reportés. Ils étaient environ 50'000, ça et là. Des hommes aux foulards noués autour du de la tête prenaient soin de quelques filles installées sous les avants-toits à cause de la chaleur. Quand j’enlevai mon maillot, après le match, on aurait pu penser que je le sortais de la baignoire. Quand Liverpool se rendit à Molineux pour le dernier match du Championnat 1946-47, il semblait que la moitié de la ville allait les suivre. Des milliers de supporters se rendirent dans les Midlands pour un match qu’ils devaient impérativement remporter pour pouvoir brandir le premier trophée du Championnat d’après-guerre. Wolverhampton, équipe la plus prolifique de Première Division avec 97 réussites, était à un point du titre. Liverpool aligna Liddell, Fagan et le duo d’enfer Balmer et Stubbins. Mais, lors d’une après-midi où la température atteignit les 91 degrés Fahrenheit à l’ombre, le véritable héros se trouvait entre les poteaux. « Il était ironique de penser que l’homme qui avait fait son maximum dans les situations chaudes pour empêcher Wolverhampton d’obtenir le match nul nécessaire était notre gardien Sidlow, formé précisément à Wolverhampton, » écrivit Liddell. « Cyril réalisait parades sur parades alors qu’il semblait certain qu’il devrait capituler. » Wolves réussit finalement à marquer mais ce fut alors que Liverpool menait déjà 2-0. L’ouverture du score fut l’œuvre de Balmer à la suite d’une action collective impliquant six joueurs. D’après le Liverpool Echo, « ce fut un but d’anthologie qui fut probablement travaillé et bâti jusqu’aux moindres détails dans les vestiaires. » Le second, de Stubbins, arriva après « qu’il eut parcouru une moitié de terrain en un temps record, balle aux pieds ». Parmi ceux qui furent étendus dans son sillage se trouvait le légendaire capitaine de Wolverhampton Stan Cullis qui faisait pour l’occasion sa dernière apparition en tant que joueur. « A la fin du match, Stan et moi nous sommes serrés la main, » dit Stubbins. « Je pense qu’il y avait quelques larmes dans ses yeux parce qu’il avait laissé échapper sa dernière chance de remporter une médaille de champion d’Angleterre. Ce fut alors, bien entendu, du délire pour Liverpool. Nous avons chanté dans le bus durant tout le voyage du retour. » Mais, en dépit de leur fameuse victoire, Liverpool ne savait pas encore qu’ils étaient champions. Stoke était classé deux points derrière eux avec une meilleure différence de buts et leur dernier match encore à jouer. Le match se disputait à Sheffield United le 14 juin – pendant que Liverpool rencontrait Everton lors de la finale de la Senior Cup de Liverpool. Anfield était plein comme un œuf pour l’occasion. Balmer donna l’avantage à Liverpool, Everton égalisa, puis Bill Watkinson redonna l’avantage à l’équipe locale après la pause. Liverpool était sur le chemin de la victoire mais qui s’en souciait réellement ? Comme cela fut reporté dans l’édition du soir du Football Echo : « Tout l’intérêt de ce match se focalisa en direction de la côte Ouest du pays cinq minutes avant la fin de la partie quand Monsieur George Richards, le directeur de Liverpool, annonça au haut-parleur que Sheffield United avait battu Stoke et que Liverpool devenait ainsi le nouveau vainqueur du Championnat d’Angleterre après une attente de 24 années. » QUATRIEME CHAPITRE 1939-1959 GUERRE ET PAIX 52 « Le rugissement à l’unisson qui salua l’annonce de ce qui s’était passé à Hampden Park ressembla à un brouhaha d’enfants. Comme la foule leva les bras au ciel, certains en perdirent leur couvre-chef. Mais ils ne se préoccupèrent pas d’essayer de le retrouver avec tous ceux qui avaient été jetés en l’air dans un élan de joie et de célébration commune. » Quand l’arbitre mit un terme à la rencontre, les fans se précipitèrent sur le terrain, du Kop et de Kemlyn Road, pour porter sur leurs épaules les joueurs en pleine euphorie. Un jour plus tard, des milliers de personnes envahirent à perte de vue les rues alors que le capitaine Willie Fagan brandissait le trophée depuis un bus à ciel ouvert. Une campagne qui avait débuté en Amérique se terminait en triomphe à Liverpool. La bien nommée Bande de Fous était de retour au bercail. Ils étaient champions. QUATRIEME CHAPITRE 1939-1959 GUERRE ET PAIX 53 MANAGER PHIL TAYLOR En tant que joueur de Liverpool, Phil Taylor eut une illustre carrière, mais ses prestations en tant que manager sont volontiers oubliées des manuels de questionsréponses sur le football. Il fut le dernier patron avant l’aire Shankly et le seul manager du club a n’avoir jamais exercé en Première Division. Il n’en fut pas moins un dévoué serviteur du club. Il arriva pendant son adolescence, en droite ligne de l’équipe de sa ville, à savoir Bristol Rovers après avoir été capitaine de l’équipe Anglaise des écoliers. Il était cultivé, remarquable au poste de défenseur central droit où il ne tarda d’ailleurs pas à s’imposer aux côtés des stars des années 30 qu’étaient Matt Busby, Tom Cooper et Berry Nieuwenhuys. Sans la Deuxième Guerre Mondiale, il aurait probablement comptabilisé plus que ses trois sélections en équipe d’Angleterre – et fait encore plus d’apparitions que les 345 enregistrées avec son club. Taylor fut un des premiers à se porter volontaire quand les hostilités débutèrent en 1939. Il rejoignit le 9ème Régiment chargé de garder le viaduc de la ligne ferroviaire LiverpoolLondres. Toutefois, ce fut le football qui provoqua son unique blessure. Lors d’un derby de la Mersey disputé durant la guerre, il alla au contact du ballon en même temps que le joueur d’Everton Billy Cook. Il se retrouva étendu pour le compte et passa une semaine à l’hôpital. Quand la guerre fut terminée, Taylor, converti en milieu de terrain, trouva sa place au sein de la fameuse équipe championne d’Angleterre en 1947. Il sera nommé plus tard, le plus naturellement du monde, au poste de capitaine. « Phil était le prototype du parfait Anglais, » se rappelle son coéquipier de l’époque Albert Stubbins. « C’était un homme très calme et totalement imperturbable. » Quand il termina sa carrière de joueur à l’âge de 35 ans, le titre de champion d’Angleterre n’était plus qu’un lointain souvenir et Liverpool était retombé en Deuxième Division. Il accepta un boulot dans l’équipe des entraîneurs et fut nommé manager quand Don Welsh se retira en 1956. Durant toute sa période à la tête de Liverpool, il se battit pour une place de promotion en Première Division. Il engagea le gardien International Ecossais Tommy Younger, conclut un audacieux transfert avec Dave Hickson d’Everton et donna sa chance au jeune Roger Hunt. A cause du fait que la composition de ses équipes n’était pas assez talentueuse pour remonter dans la catégorie majeure, il se résigna, après plus de trois années de frustrations. Ce fut un Taylor stressé et usé qui expliqua les raisons de son retrait : « Il m’importe peu de savoir à quel point la déception des directeurs fut grande à l’idée de manquer notre retour en Première Division, elle ne fut de toute façon jamais aussi grande que la mienne. J’en avait fait mon objectif. J’y ai mis tout mon cœur et toute mon énergie. Mais tout ce dévouement ne fut pas suffisant et le temps est maintenant venu pour moi de passer la main à quelqu’un d’autre pour voir s’il pourra faire mieux. » « Je ne désire plus avoir de connexion officielle avec le club dans le future, mais j’aimerais pouvoir sentir que je suis toujours le bienvenu quand je viendrai assister aux matches. » Il pouvait être pour le moins certain de cela. QUATRIEME CHAPITRE 1939-1959 GUERRE ET PAIX 54
Documents pareils
Chapitre 2
les fans, ce devait être l’agonie pour Watson. Il n’eut pas de remède à ce problème.
Juste quelques semaines avant de décrocher leur titre, Liverpool reçut des nouvelles de la
Ligue de Football : A...