La fascination du Caravage dans la création

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La fascination du Caravage dans la création
ICART – L’école des métiers de la culture et du commerce de l’art
La fascination du Caravage
dans la création contemporaine
Claire Reigneau Desproges
Mémoire réalisé sous la direction de Monsieur Guillaume Glorieux, professeur
des universités, enseignant-chercheur en histoire de l'art moderne.
Promotion 2013
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« La passion, par essence, est toujours insatisfaite ;
elle ne peut s’empêcher de demander toujours plus. »
Dominique Fernandez, La course à l’abîme.
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AVANT-PROPOS
Cette passion qui nous anime pour Michelangelo Merisi da Caravaggio dit Caravage n’est pas
sans retour.
Travailler sur un autre thème que Caravage ne nous était pas envisageable. Dans un
premier temps, la tâche nous a parut passionnante mais déroutante suite à tous les travaux sur
l’artiste.
L’expertise étant le domaine où nous souhaitons travailler, notre sujet prenait forme. La
possibilité de redécouvrir des tableaux de Caravage nous animait. Serait-il possible qu’il
existe encore des tableaux de l’artiste pas encore découvert ou sous nos yeux que nous ne
verrions toujours pas ? Oui probablement. Notre propre curiosité et la problématique des
attributions des œuvres de Caravage sont des éléments qui dans un premier temps nous ont
conduit vers un sujet qui n’était pas cohérent avec notre troisième année et notre stage à
effectuer. Il n’est cependant pas exclu que nous y revenions un jour.
Cet homme de l’Histoire de l’art n’est ni plus ni moins un modèle d’excellence et une
source incontournable pour toutes formes artistiques. Il y a des hommes qui font avancer
l’Histoire en un seul et grand pas.
La réputation de Caravage est connue depuis ses premières œuvres en Italie et ne cesse de
s’étendre. En première année de licence, les cours de Monsieur Glorieux, sur Caravage et le
caravagisme n’ont fait que confirmer notre engouement pour l’artiste. Notre choix s’est donc
tout naturellement porté vers lui en tant que maître de recherche.
La réflexion s’est donc construite pour un sujet à la fois nouveau et qui ne s’éloigne pas de
notre choix initial.
Nous avons pu le remarquer au cours de plusieurs expériences. Lors de nos voyages en Italie,
notamment, la présence de Caravage est constante.
Les nombreuses citations de Caravage que nous découvrons de jour en jour dans la création
contemporaine nous font réfléchir alors : le pourquoi de cette influence ?
Comment expliquer qu’un artiste du baroque puisse encore passionner la création
contemporaine si éloignée de cette production picturale et de pensée passée ?
Notre sujet était donc là, devant nous, dans notre époque, à travers la création contemporaine. !
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Nous sommes conscients que notre sujet ne traite pas de Michelangelo Merisi da Caravaggio
dit Le Caravage en tant qu’artiste de son temps, nous n’avons pas pris le parti dans notre
développement d’étudier précisément son œuvre. Il était pourtant évident pour nous qu’une
présentation concise de son travail dans notre introduction était essentielle pour que notre
étude semble plus évidente dans la comparaison avec nos artistes contemporains.
Dans ce mémoire, nous n’avons pas la prétention d’être exhaustive. Notre étude se portera
donc sur un ensemble d’artistes qui illustreront parfaitement nos propos.
Nous tenons à adresser nos sincères remerciements et notre profonde reconnaissance à :
-
Monsieur Glorieux, notre directeur de mémoire, pour ses précieux conseils et son
orientation ficelée tout au long de notre recherche.
-
Claudia Vialaret, Cesare Capitani, Christian Guémy dit C215 et Kevin Bonhoure dit
Léopold Geb, artistes, pour leurs précieuses paroles et confiance.
-
Monsieur Urbain Souriau, sans qui l’étude de l’exposition Caravaggio-Bacon n’aurait
pas été possible.
-
L’équipe d’Art Paris Art Fair et notamment mademoiselle Valentine Lecêtre, notre
directrice de stage, pour leur appui.
-
Notre famille et nos amis pour leur aide et leur soutien sans faille.
Note pour le lecteur : toutes les illustrations sont numérotées dans l’ordre croissant et
débutent en annexes page 73.
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SOMMAIRE
Avant-propos
page 3
Introduction
page 6
1. Une reprise directe de l’œuvre de Caravage
1.1.
La redécouverte du monde de l’art pour le grand peintre Lombard
page 16
1.2.
Une reprise picturale du détail
page 25
1.3.
Fascination et mythe autour de la figure du peintre
page 31
2. Une inspiration indirecte dans la création contemporaine
2.1.
Reprise picturale réinterprétée
page 39
2.2.
Réinterprétation de la lumière
page 44
2.3.
Prise de position de la mise en scène
page 46
2.4.
Illustration d’un message
page 49
3. L’appropriation du monde de l’art
3.1.
Les expositions
page 53
3.2.
Les colloques et les publications
page 56
3.3.
La problématique de l’attribution
page 58
Conclusion
page 62
Annexes
page 64
Interviews
page 64
Illustrations
page 74
Bibliographie
page 157
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Introduction
« Appelez-moi désormais Caravaggio mais que ce nom invisible retentisse comme la voix
d’un dieu qui doit rester caché. »
Dominique Fernandez, la course à l’abîme.
Caravage, dernier peintre de la Renaissance ? Premier artiste baroque ? Certainement,
l’initiateur de la peinture moderne.
Le grand maître Lombard est une icône de l’Histoire de l’art. Dans ce domaine, il est
incontournable de l’aborder que ce soit pour son réalisme, ses figures, sa lumière ou ses
personnages.
Dans la ville lui étant attribuée, Rome, où il connaît la gloire, sa présence est constante. C’est
là même que nous avons remarqué sa notoriété. Dans une ruelle perdue de la cité éternelle,
nous avons rencontré derrière des barreaux, une fenêtre brisée, dévoilée une figure de l’œuvre
de Caravage, la figure du jeune garçon mordu par un lézard (ill.40). Caravage est ancré dans
les murs, dans l’Histoire et dans l’art.
C215, Jeune garçon mordu par un lézard, 2011 – Via Anicia, Rome – Pochoir
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Il revient d’ailleurs à la une du monde de l’art. A l’occasion de l’exposition qui s’est tenue à
Montpellier et à Toulouse, Corps et ombres : Caravage et le caravagisme européen, Le
Monde publie un article. Philippe Dagen déclare : « Il y a ceux qui saisissent, plus ou moins
clairement, les enjeux moraux de la révolution du Caravage : l’individualité, la singularité, la
complexité des sentiments, l’alternance du plaisir et de l’angoisse, l’humanité telle quelle. 1»
C’est ce que nous allons étudier, l’humanité. Comment Caravage réussit-il cette maîtrise
humaniste qui permet à chacun d’appréhender son œuvre et aux artistes contemporains de
s’en inspirer ?
Michelangelo Merisi da Caravaggio dit Caravage (1571 Milan – 1610 Porto Ercole)
est un mythe de l’Histoire de l’art. Il a révolutionné la peinture de son temps par son
naturalisme et ses inventions picturales. A son époque, d’autres pensaient qu’il avait détruit la
peinture. Mais aucun autre artiste n’a fait l’objet d’interprétations aussi discutées et
contradictoires.
Caravage débute sa carrière en Lombardie. Né à Milan, il va également vivre et travailler à
Caravaggio non loin de sa ville natale.
« C’était l’endroit où un groupe de peintres lombards, ou vivant en Lombardie, tenaient
ouvert depuis longtemps le sanctuaire de l’art « simple »… 2»
Michelangelo Merisi est né de l’union de Fermo Merisi et de Lucia Aratori, il est l’ainé d’une
fratrie de trois. Le père, maçon et chef de chantier, aurait été architecte et maître d’œuvre pour
le marquis de Caravaggio. Après leur mariage, Fermo Merisi et Lucia Aratori emménagèrent
dans une maison de la paroisse de Santa Maria alla Passarella à Milan. Lors de l’épidémie de
peste de 1576-1577 à Milan, la famille se réfugie à Caravaggio. Le père et le grand-père de
Michelangelo n’y survirent pas. Lucia Aratori décida d’aller vivre chez ses parents à la Porta
Folcera, au sud-est de la ville.
En 1584, Michelangelo et son frère, Giovan Battista furent orientés vers leur carrière
professionnelle. Tandis que son frère entama une carrière ecclésiastique, Michelangelo rentra
dans l’atelier de Simone Peterzano à Milan. Nous ne savons pas exactement le temps que
Michelangelo a passé auprès de Simone Peterzano, plusieurs années. Quel rôle y a t-il tenu ?
A t-il fréquenté d’autres ateliers ?
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1
Philippe Dagen, La peinture déclamait… Et advint le Caravage, Le Monde, mardi 12 août
2012.
2
Roberto Longhi, 1968. Sébastien Schütze, Caravage l’œuvre complet, éditions Taschen,
2009.
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De cette période en Lombardie, Michelangelo Merisi gardera de très bonnes relations avec la
marquise Costanza Sforza Colonna, veuve de Francesco Sforza. Cette protection a
certainement aidé Michelangelo Merisi au cours de sa carrière de peintre et plus
personnellement, notamment lorsqu’il dû fuir Rome après la mort de Ranuccio Tomassoni en
mai 1606. Nous ne connaissons presque aucune production de cette période lombarde. Qu’a til appris ? L’art du portrait, le paysage, le réalisme ? Ce grand homme qu’est le Caravage a
forcément été influencé d’une manière ou d’une autre. L’influence directe ou indirecte touche
chaque individu.
« C’est qu’on invente rien, voyez-vous, tout ou presque est toujours déjà là 3».
Roberto Longhi est le premier à avoir nommé les protagonistes lombards établis à cette
époque et à citer quelques œuvres que Michelangelo Merisi a pu admirer et étudier.
Parmi eux, nous pouvons citer : Alessandro Bonvicino dit Il Moretto, Ambrogio Figino, saint
Matthieu et l’ange (ill.1), Vincenzo Campi, le Christ cloué à la croix (ill.2), Lorenzo Lotto…
De tout cela, Michelangelo Merisi a retenu un intérêt pour la représentation du quotidien, une
observation de la nature.
Michelangelo Merisi a sûrement eu un enseignement classique, en dessinant les peintures des
grands maîtres puis en essayant de creuser la lumière avec le clair-obscur et de modeler les
figures. Bien qu’aucun dessin du peintre ne soit connu, pour l’instant, cette hypothèse est fort
probable. C’est bien à Rome que tout son génie s’est révélé, c’est peut être pour cela
qu’aucune de ses œuvres lombardes n’a pu être attribuée pour le moment, il est réellement
devenu un artiste indépendant ; ayant son propre caractère, à Rome. Il devient alors
Michelangelo Merisi da Caravaggio dit Caravage.
Caravage arrive dans la ville éternelle en 1592. Il a vingt ans et personne ne le connaît, il n’a
pas non plus de mécène ou de soutien. Les premières années vont être difficiles, comme pour
tout jeune artiste dans l’attente de la gloire.
Il va ensuite rentrer dans l’atelier du Cavalier D’Arpin, un des peintres les plus célèbres sous
le pontificat de Clément VIII (1592-1605).
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3
Matthieu Riboulet, les œuvres de miséricorde, éditions Verdier, 2012, p.53.
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Caravage va également effectuer des copies de tableaux de dévotions. Il a cependant
commencé à faire de petits tableaux de sa propre production. Les tableaux peuvent être
comparés à une même série, le portrait d’un jeune garçon dans différentes situations : le
garçon mordu par un lézard (ill.3), garçon pelant un fruit (ill.4), Bacchus (ill.5), garçon avec
un panier de fruits (ill.6)…
Dans ces premières représentations, Caravage analyse les qualités mimétiques de la peinture
et son caractère de reflet.
Nous remarquons que Caravage utilise le mélange des genres en intégrant dans ses portraits
des natures mortes. Une très belle nature de Caravage est connue, la corbeille de fruits (ill.7).
Le souci du réalisme du peintre se révèle à nouveau dans cette pomme véreuse.
Par la suite, le peintre travaille sur des scènes de genre, il travaille sur des formats de plus
grandes tailles, en intégrant plusieurs personnages : les musiciens (ill.8), les tricheurs dit aussi
les joueurs de cartes (ill.9), etc.
Tous ces tableaux participent au début de son ascension vers la gloire à Rome.
Un de ses premiers tableaux religieux, le repos pendant la fuite en Egypte (ill.10) montre
l’influence que Caravage avait pour la culture musicale.
Les questions de la représentation picturale et le défi de la peinture mimétique se révèlent
dans ses futures commandes, que ce soit la méduse (ill.11), commandée par Del Monte pour
offrir à Ferdinand Ier de Médicis ou le Narcisse (ill.12).
Dans son tableau sur le mythe de la méduse, Caravage introduit un « manifeste de la peinture
mimétique qui insuffle la vie à ses personnages, tout en les fixant sur la toile. 4»
Caravage atteint enfin le but recherché et devient un des peintres les plus importants de Rome.
A l’époque, de telles commandes annoncent la consécration de l’œuvre de l’artiste et attisent
la critique. Cette visibilité publique engendre l’envie de ses homologues et développent un
besoin de rivaliser. Il se voit commander plus de tableaux et surtout des commandes
officielles, religieuses. Entre 1599 et 1606, il va notamment être appelé pour la chapelle
Contarelli dans l’église de Saint-Louis-des-Français. Il va exécuter trois grandes toiles, à la
peinture à l’huile, sur la vie de saint Mattieu : saint Matthieu et l’ange (ill.13), la vocation de
saint Matthieu (ill.14) et le martyre de saint Matthieu (ill.15).
La première version du saint Matthieu et l’ange (ill.16) avait été refusé car la position très
rapprochée des personnages dérangeait.
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4
Sebastien Schütze, Caravage l’œuvre complet, éditions Taschen, 2009, p.72.
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Certaines de ses commandes publiques se verront refusées, jugées profanes. Nous pouvons
citer la mort de la Vierge (ill.17), Caravage avait pris pour modèle une prostituée, enceinte,
qui c’était noyée dans le Tibre. La Vierge est représentée comme une simple mortelle et sans
l’auréole au dessus de sa tête, aucun signe religieux n’est désignable.
A la fin de cette période romaine, Caravage retourne à des œuvres, toujours d’un ordre
religieux mais en y insérant à nouveau des personnages de son entourage proche et qui
tendent vers une certaine érotisation. Nous pensons notamment à l’amour vainqueur (ill.18) et
aux différentes versions du saint Jean-Baptiste (ill.19).
Le peintre masque son désir de peindre avec vérisme, ses modèles qu’il affectionne, en
prétextant un contexte d’ordre religieux.
Que ce soit pour la mort de la Vierge ou ses autres tableaux, Caravage va au bout de ses idées
et de son œuvre et ne s’empêche rien malgré la directive artistique menée par la papauté.
Malgré tout, Caravage multiplie les commandes et effectue de nombreux tableaux religieux
pour de grands mécènes.
Caravage quitte précipitamment Rome en mai 1606 suite à une bagarre qui éclate le 28 mai. Il
blesse mortellement Ranuccio Tomassoni lors d’un combat à l’épée. Caravage est lui-même
grièvement blessé.
Ces relations étendues et les grandes familles apprêtaient à le soutenir, Caravage pris la
direction de Naples et arriva à la fin de l’été 1606. Les Colonna et d’autres protecteurs
romains avaient préparé le terrain et le peintre se voit confier à nouveau des commandes
publiques. La plus importante étant les sept actes de la miséricorde (ill.20), mais nous
pouvons également citer, la flagellation du Christ (ill.21) ou le Christ à la colonne (ill.22).
Caravage se fait alors une réputation à Naples, il enchaîne les commandes religieuses et les
commandes privées prestigieuses.
Après quelques temps, une manière détournée de retourner à Rome se met en place et
commence par une possibilité de rentrer dans l’ordre de Malte. Ces correspondants, à Rome
comme à Naples, avaient des contacts étroits avec Alof de Wignacourt (1547-1622), grandmaître de l’ordre de Malte.
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Caravage embarque ainsi pour Malte en 1607. Il effectue sur l’île le portrait de son protecteur,
portrait d’Alof de Wignacourt (ill.23), peint dans la grande tradition des portraits en pied de
chefs de guerre en armure. C’est sans doute le commanditaire qui a choisi ce type de
représentation traditionnelle afin de conserver le prestige et le statut social.
Caravage exécute également la décapitation de saint Jean Baptiste (ill.24) et signe sa toile
avec le sang du saint : « f MichelAn ». Cette toile très sombre est d’une dimension très
importante.
Le peintre reste peu de temps à Malte, il passe par Syracuse puis Messine quelques mois et
rejoint Palerme. Tous ces voyages ne sont guère propices à la création. Caravage effectue à
Syracuse, l’enterrement de sainte Lucie (ill.25).
En 1609, Caravage se rend finalement à Palerme et peint le dernier tableau d’autel sicilien, la
nativité avec saint François et saint Laurent (ill.26).
Caravage ne s’est surement pas rendu à Palerme uniquement pour cette commande mais
comme un passage avant de rentrer à Naples, puis à Rome.
Un avis du 24 octobre 1609 atteste que Caravage était à Naples et a été grièvement blessé, en
hypothèse une vengeance de la famille de Ranuccio Tomassoni.
Caravage produit pendant ce second séjour napolitain de nombreuses commandes privées et
quelques commandes officielles, notamment le dernier tableau religieux, le martyre de saint
Ursule (ill.27).
Le pape Paul V accorde enfin sa grâce à l’artiste en 1610. Caravage embarque alors pour
Rome, il emporte avec lui quelques toiles. Pour des raisons mystérieuses, il est arrêté à son
arrivée à Palo. Enfin sorti de prison, il souhaite retrouver ses œuvres embarquées avec le
navire à Porto Ercole. Il tombe alors grièvement malade et meurt en quelques jours le 18
juillet 1610 sans jamais atteindre la ville éternelle. La nouvelle se répand vite mais le grand
peintre n’aura pas le droit à des funérailles publiques. Seuls ses amis proches lui rendront
hommage. Les traces de Caravage s’estompent très rapidement comme si on avait envie
d’oublier ce peintre aussi scandaleux que controversé.
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De nombreuses hypothèses planent autour de la mort de Caravage.
Nous avons relevé cinq hypothèses sur sa mort : la fièvre, le peintre aurait été terrassé par une
nouvelle attaque de malaria. Il aurait pu être tué sous l’ordre du Grand Maître de l’ordre de
Malte, un meurtre sur ordre. Ou bien un meurtre déguisé, lors de son emprisonnement à Palo,
les maltais auraient pu s’introduire dans sa cellule. Serait-il la victime d’une vengeance
ecclésiastique suite à la rivalité du parti Français et Espagnol qui régnait dans la ville
éternelle. Une autre bagarre avec un jeune homme sur l’embarcation qui le ramenait près des
côtes Romaines pourrait également être une possibilité.
Nous savons aujourd’hui que l’hypothèse la plus probable, celle reconnue par les plus grands
spécialistes de Caravage, est sa maladie soudaine et mortelle.
Autant de possibilités montrent, comme toute grande figure historique, que les hypothèses
alimentent la passion et la curiosité des contemporains.
Caravage se place alors comme un personnage mythique et rempli d’interrogations.
Une fin pleine de mystères, grandiose et sublime. Comment un peintre aussi scandaleux dans
son œuvre pouvait-il mourir de façon explicite ?
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« Sa force visionnaire et sa virtuosité étonnante qui fascinaient déjà ses contemporains font de
Caravage aujourd’hui peut-être le plus moderne des maîtres anciens.5 »
Nos réflexions et recherches nous ont amené à poser cette vérité à l’heure
d’aujourd’hui. Dans la création contemporaine, bien qu’éloignée de la création picturale des
siècles derniers les artistes s’inspirent des maîtres anciens. La création n’est plus similaire.
L’esthétique est toujours recherchée mais n’est pas dictée. La création contemporaine
s’exprime dans une volonté de transmission d’un message. Le champ de transmission est
élargi. Durant les siècles passés, la création répondait à une demande publique dictée par un
style national. Le message devait être clair et lisible. Il s’agissait d’une esthétique et d’un
message du dirigeant (papes, roi, etc.).
Caravage a eu une influence certaine sur ses contemporains, bien qu’il n’ait eu que très peu
d’élèves, nombreux sont les peintres qui se sont inspirés de lui. Dans toute l’Histoire de l’art,
les peintres influents ont certes toujours laissé une trace mais on parle surtout d’école. Que ce
soit pour les Carrache ou Ingres par exemple, nous parlons de « l’école des Carrache » ou des
« ingresques ». Les peintres qui ont révolutionné la peinture au XIXème et XXème siècles, ont
eux laissé leur trace à travers un mouvement : Delacroix et le romantisme, Monet et
l’impressionnisme, Picasso et le cubisme. Dans tout art, le public a besoin d’une référence.
Ces mouvements classent les peintres dans un ordre esthétique mais sans rapport direct avec
un nom.
Le XXème siècle aime donner des noms en –isme et les dernières années ont été marqué par le
caravagisme, inconnu avant la première guerre mondiale.
Après les bouleversements historiques du XXème siècle, il était bien évident que l’art, qui n’est
dans le fond qu’un reflet, une expression de la société, allait être également réformé. L’art ne
pouvait alors plus se référer à un idéal de la Renaissance mais souhaitait, comme dans un
miroir, refléter la réalité. Caravage incarnait alors le personnage de référence, un reflet d’une
certaine exactitude de son environnement.
La seconde moitié du XXème siècle va être placée sous le signe de Caravage. La redécouverte
de l’artiste et de cette influence qu’il a engendré vont être la source de nombreuses
recherches.
Caravage a su déclencher une révolution picturale.
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5
Sebastien Schütze, Caravage l’œuvre complet, éditions Taschen, 2009, p.241.
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Notre questionnement est alors comment expliquer et comprendre la fascination de
Caravage dans la création contemporaine ?
Les artistes contemporains, éloignés ou non de son esthétique picturale, s’inspirent du grand
maître italien. Tous les domaines sont concernés : les arts plastiques, la littérature, le théâtre,
le cinéma…
Depuis la redécouverte de Caravage dans les années 1960, et à l’occasion de la célébration du
400ème anniversaire de sa mort en 2010, le monde de l’art se réapproprie l’artiste.
La production artistique du Caravage n’est pas grande comparée à d’autres peintres.
Comment les artistes contemporains s’approprient son travail et le réinterprètent-ils ?
Notre étude se fera de manière à analyser et à concentrer cette fascination. L’échange
avec les artistes contemporains est essentielle pour éclaircir le mécanisme d’inspiration et
comprendre l’interprétation. Nous pouvons souvent voir dans la création contemporaine des
références qui nous semblent évidentes, mais du point de vue de l’artiste ? Nous avons
également une histoire personnelle et donc subjective qui nous fait voir ce que l’on a envie de
voir. En plus de l’étude artistique, l’attention sur les artistes est essentielle pour se positionner
dans l’objectivité de la création.
En se replaçant dans ce contexte, nous avons trouvé sur le chemin de nos recherches des
artistes s’inspirant de Caravage. L’étude sur cette fascination caravagesque est encore rare.
Elle se manifeste dans un large éventail.
Nous étudierons, dans un premier temps, quelles sont les citations de Caravage utilisées
aujourd’hui. Nous nous sommes aperçus d’une influence directe et évidente.
Un impact certain sur le public, une reprise directe des œuvres de l’artiste et une fascination
du mythe autour de cette forte personnalité.
Certains artistes utilisent Caravage comme une référence. Un maître de pensée, comme
directive dans le message qu’ils souhaitent transmettre.
C’est ce que nous aborderons par la suite, l’interprétation indirecte. Elle peut se manifester de
plusieurs manières, dans une approche picturale, de la lumière ou encore de la mise en scène
si caractéristique du peintre ou de l’illustration d’un message.
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Pour enfin analyser le monde de l’art ne se privant pas de nous faire découvrir et redécouvrir
Caravage et le caravagisme. Plusieurs études comparatives ont été faites entre l’artiste et des
artistes contemporains, ce qui a donné lieu à des expositions inédites. Les publications sur
l’artiste ne cessent de foisonner et Caravage trouve toujours sa place dans les bibliothèques et
les librairies. Un problème d’envergure se pose alors dans le marché de l’art, sur l’artiste,
l’attribution.
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Première partie : Une reprise directe de l’œuvre de Caravage
Au lendemain de la Renaissance, un nouveau tournant se met en place avec la peinture
de Caravage, la Peinture Moderne.
« Il se mit à peindre selon son propre génie, ne regardant pas et même dépréciant, les
merveilleux marbres de l’Antiquité, et les peintures si célèbres de Raphaël. 6 »
1.1. La redécouverte du monde de l’art pour le grand peintre Lombard
De nombreux historiens de l’art vont s’intéresser au travail du peintre. Les deux plus
anciens sont Giovanni Baglione, (1566–1643), dont la publication (Le Vite de’Pittori,
scultori, architetti ed intagliatori, dal Pontificato di Gregorio XIII del 1572 fino a’ tempi di
Papa Urbano VIII nel 1641) remonte à 1642. Baglione, contemporain de Caravage, peintre
comme lui, l’a bien connu et a été témoin de sa gloire. Il rapporte des ragots fidèles qui
avaient cours chez les ennemis de Caravage.
Gionvan Pietro Bellori (1613-1696) dont le livre (Le Vite de’ Pittori, scultori et architetti
moderni) parut en 1672. Ces deux historiens consacrèrent des biographies influentes sur
l’artiste au cours du XVIIème siècle. Bellori mêle un récit biographique, des renseignements
sur les œuvres et des appréciations esthétiques.
Caravage fut rapidement oublié et cette conception confuse resta ancrée jusqu’à nos jours.
C’est au milieu du XIXème siècle, que les signes de la résurrection de Caravage réapparaissent.
En 1845, Thoré en dénigrant le réalisme bourgeois et plat d’un certain Monsieur Pingret dit :
« Nous sommes tombés dans le naturalisme du laid, non pas dans ce naturalisme ardent et
capricieux du Caravage.7 »
Une dizaine d’années plus tard, Burckhardt, dans son Cicerone, loin de les opposer, rapproche
Caravage et les modernes : « Le naturalisme moderne, dans le sens strict du mot, commence
dans toute sa crudité avec Michel Angelo Amorighi Da Caravaggio (1569-1609).8 »
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6
André Berne-Joffroy, Le dossier Caravage, psychologie des attributions et psychologie de
l’art, Chapitre 1 « la résurrection de Caravage », éditions Champs arts, 1999, p.37.
7
André Berne-Joffroy, Le dossier Caravage, psychologie des attributions et psychologie de
l’art, Chapitre 1 « la résurrection de Caravage », éditions Champs arts, 1999, p.39.
8
André Berne-Joffroy, Le dossier Caravage, psychologie des attributions et psychologie de
l’art, Chapitre 1 « la réssurection de Caravage », éditions Champs arts, 1999, p.39.
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Ce rapprochement restera dans les esprits. Au final si la révolution de Caravage est liée à ses
naturalistes, tels que Manet ou Courbet, dans toute l’Histoire de l’art il en fut ainsi.
Grâce aux succès des contemporains, on découvre les artistes méconnus. C’est une loi
générale qui lit l’évolution de l’Histoire de l’art à l’évolution de l’art elle-même.
Dans les commentaires de Roger Fry, Discourses, (Londres 1905), on y trouve les premières
paroles compréhensives sur l’influence de Caravage dans le monde de l’art :
« C’est extraordinaire qu’ayant étudié autant qu’il l’a fait l’art italien du XVIIème siècle,
Reynolds ne mentionne Caravage, ni pour le louer, ni pour le blâmer, si ce n’est
occasionnellement dans ses notes sur un voyage en Flandre. Il n’y a pourtant presque aucun
artiste à cette époque dont l’œuvre ait autant contribué au développement de l’art moderne.
En peinture, par exemple, nous avons là tout le matériel pour l’Ecole espagnole du XVIIème
siècle. Sans lui, Ribera, Zurbaran, Vélasquez et Murillo n’auraient pas été ce qu’ils furent ;
cependant que, pour revenir à des temps plus récents, l’art du XIXème siècle est
continuellement marqué par un retour inconscient à son point de vue. Manet, par exemple,
retourne plutôt à lui qu’à Vélasquez. Il fut en vérité, et dans tous les sens, le premier artiste
moderne, le premier qui se soit fié entièrement à son tempérament, et qui se soit défié de la
tradition et de l’autorité. Quoique de maintes façons son art soit hautement conventionnel
(l’éclairage particulier, encore que possible dans certaines conditions, nous donnant en son
effet total une impression antinaturelle d’étrangeté), il fut aussi le premier réaliste {…}. Son
éclairage particulier {…} fut une grande invention, et parfaitement propre à exprimer sa
conception de l’inexorable et pourtant sublime prose de la vie. »
Nous pouvons donc affirmer ici que Caravage a eu une vraie influence sur ses contemporains
et dans l’histoire de l’art en général. L’influence peut être très éloigné et même imperceptible.
Caravage bouleverse les codes de l’art et va changer le cours de l’Histoire de l’art.
C’est en 1906-1907 que devait être publiée la plus grande étude sur Caravage, œuvre non
achevée de Wolfgang Kallab, elle surgira peu de temps après sa mort. Kallab est le premier à
se révolter contre la méconnaissance du peintre dont l’importance historique est unanimement
reconnue.
Certains autres historiens de l’art suivirent ce chemin et s’attaquèrent à Caravage. Roberto
Longhi (1890-1970) est un historien de l’art italien célèbre notamment pour ses recherches
sur Caravage après la seconde guerre mondiale.
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« Tant et si bien que les peintres vivant alors à Rome furent pris par la nouveauté et
que les jeunes, en particulier, le suivirent, célébrèrent en lui le seul imitateur de la nature et
que c’était à celui qui l’imiterait le mieux… 9»
Caravage a produit un effet, rare, sur ses contemporains dans l’Histoire de l’art.
Le fait est que son œuvre picturale s’est propagée dans toute l’Europe : France, Espagne,
Pays-Bas… et en un laps de temps très court. D’autant plus surprenant, qu’il n’a jamais réuni
autour de lui de jeunes peintres.
La plupart de ses suiveurs n’ont jamais connu le peintre et l’influence se fait quelques
décennies après sa mort. Les peintres du début du XVIIème siècle ne sont pas influencés par
lui. Il faudra attendre la seconde et troisième décennie de ce siècle.
Nous notons tout de même quelques traces caravagesques dans l’œuvre de Pierre-Paul
Rubens (1577-1640), Guido Reni (1575-1642), Diego Vélasquez (1599-1660)…
Ce que nous nommons aujourd’hui, le caravagisme ou école caravagesque est ce courant
artistique apparut au milieu du XVIIème siècle suite à la production artistique de Caravage de
la fin du XVIème siècle.
Plusieurs éléments prouvent cette influence qu’a exercée l’artiste, volontairement ou plus
certainement involontairement, auprès de ses suiveurs.
Leur production se concentre sur des tableaux de genre et d’histoire en demi-figure ou en
trois-quarts de figure. Les caravagistes ne s’imposeront pas vraiment comme des peintres de
commandes publiques, ils resteront dans la commande privée.
Tout comme Caravage, la peinture à fresque n’était pas la spécialité de ses suiveurs. Ceci a
contribué à leur production pour l’ordre publique et non pour les édifices religieux.
La première génération des caravagistes connaissait les œuvres du maître : lors de leur séjour
à Rome puis très rapidement certaines œuvres du grand Lombard se retrouvèrent à Florence,
Gênes, en France, en Espagne et même au Pays-Bas.
Caravage a touché au plus profond la création de ses contemporains avec ses œuvres
picturales. Il a devancé l’esprit de son temps et ouvert de nombreuses possibilités qui ne vont
cesser de s’épanouir. Nous pensons notamment au genre indépendant de la nature morte et de
la scène de genre, l’actualisation des scènes religieuses, du naturalisme de sa peinture, de la
mise en scène de ses tableaux et du jeu de lumière, le clair-obscur venant de l’italien
chiaruscuro.
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9
Giovan Pietro Bellori, 1672. Sebastien Schütze, Caravage l’œuvre complet, éditions
Taschen, 2009.
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Le marché de l’art s’intéresse d’ailleurs, aujourd’hui, au mouvement caravagesque. La galerie
G. Sarti ouvre une exposition, le 11 avril 2013, consacrée aux peintres suiveurs du Caravage.
Caravage va être la source d’une révolution picturale.
Après la redécouverte de Caravage au cours du XXème siècle et à l’occasion de son
400ème anniversaire, en 2010, le monde de l’art nous révèle ses recherches et l’ampleur de
l’artiste. Effectivement, nous avons remarqué des événements notables autour de Caravage
dernièrement. L’exposition Artemisia, pouvoir, gloire et passions d’une femme peintre s’est
tenue du 14 mars au 15 juillet 2012 au Musée Maillol à Paris. Cette exposition novatrice et de
grande envergure prouve l’intérêt de cette période de l’Histoire de l’art.
C’est la première rétrospective française sur cette artiste et d’autant plus que beaucoup de ses
tableaux appartiennent à des collections privées.
Artemisa Gentileschi, (1593-1654) n’est autre que la fille d’Orazio Gentileschi, (1563-1639).
Orazio Gentileschi est un peintre caravagesque, notamment de grands tableaux religieux.
Orazio Gentileschi est l’un des rares à avoir été un disciple direct de Caravage. Dans sa
peinture, nous retrouvons une nette influence pour ce qui est de la force du réalisme.
Dès son plus jeune âge, Artemisia était au côté de son père, dans son atelier de peinture. Elle
apprend vite le dessin et la peinture et son père ne tarde pas à remarquer son talent. Très vite,
elle devient peintre. Un événement marquant va bouleverser sa vie et se retranscrire dans son
œuvre. Elle va cependant trouver de grands protecteurs, de grandes familles italiennes,
comme les Medicis. Elle se place alors comme une figure baroque indéniable et surtout une
des rares femmes peintres reconnues.
L’exposition est faite de telle manière que tout en découvrant l’œuvre de l’artiste, nous
découvrons également sa vie. Ce qui nous marque c’est cette ressemblance qu’il peut y avoir
avec Caravage, que ce soit d’un point de vue artistique ou biographique.
Picturalement, le père d’Artemisia avait déjà été influencé par l’œuvre de Caravage.
Artemisia, dans une volonté de continuité d’évolution, reprend alors ces codes picturaux que
sont le réalisme, les contrastes de luminosité et la mise en scène des personnages.
Dans l’œuvre d’Artemisia, nous trouvons une recherche de vérité. Dans Yaël et Sisera (ill.
28), Artemisia représente le moment où Yaël tue Sisera. A l’époque les illustrations de
légende dans le genre étaient souvent peintes avant ou après l’acte. Artemisia prend ici le parti
de nous montrer l’acte, le geste de Yaël. Ceci nous prouve la volonté de réalisme de l’artiste.
Caravage, dans son œuvre, était un fervent représentant de l’acte même. Nous pensons
notamment à la décapitation de saint Jean Baptiste (ill.24).
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Le bourreau est en train de couper la tête de saint Jean Baptiste. Plus évident, Judith et
Holopherne (ill. 29), Caravage nous montre le moment où Judith tranche la tête
d’Holopherne, le réalisme étant accentué par le sang qui gicle de sa tête. Artemisia a
également peint une version de Judith et Holopherne (ill. 30).
La composition ressemble beaucoup à la version de Caravage. Le moment choisi est le
même : Artemisia a l’épée dans les mains et est en train de trancher la gorge d’Holopherne. Il
est couché, la tête tournée vers nous, les deux peintres ont souhaité nous montrer l’expression
de la douleur sur son visage. La scène d’Artemisia est pourtant, d’une certaine manière plus
violente que celle de Caravage. Effectivement dans la version d’Artemisia, Holopherne
cherche à se débattre. La servante, venue pour aider Judith dans sa tâche, retient Holopherne
et l’on sent le réel combat des deux personnages et notamment d’Holopherne contre la mort.
Nous trouvons également frappant que chez Caravage, Judith à l’air tout de même écœurée
par ce qu’elle est en train de faire. Artemisia nous peint, au contraire, une Judith qui n’est pas
repoussée par la violence de son acte, qui en est presque satisfaite.
Artemisia Gentileschi est effectivement, dans la continuité de Caravage, un peintre du
réalisme mais la force qui se trouve dans son œuvre est également une transcription de sa vie
personnelle. Nous pouvons remarquer cela notamment dans le choix des scènes légendaires
qu’elle peint. Comme dans les deux exemples précédents, il s’agit de scène violente, de
meurtre, venant de femmes sur des hommes. Artemisia peint ici sa propre vengeance. En
1611, à peine âgé de 18 ans, Artemisia est violée à plusieurs reprises par son précepteur privé,
Agostino Tassi, peintre et ami de son père. De cela va s’en suivre un long procès de plusieurs
mois, Artemisia souffrira beaucoup du rendu public de l’affaire et des nombreuses questions
auxquelles elle devra répondre. Ce qui peut expliquer la satisfaction de Judith à tuer
Holopherne. Artemisia s’est certainement mise dans la peau du personnage biblique. Tout
comme Caravage, Artemisia se place elle-même dans ses tableaux ou du moins retranscrit son
histoire.
Caravage s’est souvent peint dans ses tableaux. Artemisia Gentileschi va elle aussi se
représenter dans des autoportraits. Nous pensons notamment à l’autoportrait en joueur de luth
(ill. 31). La position du personnage est très ressemblante au joueur de luth (ill. 32) de
Caravage. Le joueur est représenté en buste et l’inclinaison de la tête est similaire. Dans une
position moins symbolique, Artemisia a supprimé tous les éléments symboliques posés devant
la table (partition de musique, instruments, etc.) Caravage s’était pourtant lui aussi représenté
en musicien dans le concert de jeunes gens (ill. 32).
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Tous ces rapprochements entre Artemisia et Caravage sont indéniables. Cette grande
rétrospective était donc l’occasion de faire découvrir au public une grande artiste baroque
mais également l’influence que Caravage avait eu à son époque.
Lors de cette exposition, nous avons également redécouvert un film datant de 1997 sur la vie
de l’artiste, Artemisia d’Agnès Merlet. Cinéaste passionnée par l’artiste et par la toile de
Judith et Holopherne, elle décide de faire des recherches sur Artemisia et découvre un
personnage et une histoire romanesque. Ce genre d’histoire qui plaît au cinéma. Elle décide
alors d’en faire un parallèle avec la vie de l’artiste et fait un film de 35 minutes. « Je montrais
comment ce tableau contenait de manière symbolique le viol qu’elle avait subi et comment
toutes ses autres toiles reflétaient l’histoire de sa vie, de sa révolte, de son rapport au père et à
la sexualité. » Agnès Merlet. Quinze ans plus tard, Agnès Merlet décide de faire un long
métrage sur la vie de l’artiste. Dans ce film, fictif, Artemisia nous est présentée comme une
femme défendant son art. Sur ce fond artistique, nous trouvons l’histoire d’une femme
combattant les mœurs de son époque. Jeune fille autant passionnée que son père pour la
peinture, elle va le convaincre qu’Agostino sera son précepteur. Agnès Merlet nous propose
ici sa version romanesque d’Artemisia. L’art cinématographique a besoin de trouver des
histoires fabuleuses pour captiver le public, le faire rêver et l’emmener dans un autre univers.
Dans tout art, nous avons besoin d’histoire romanesque. Artemisia, artiste féminine non
comprise se place alors comme le parfait sujet.
Nous pensons que les peintres ayant eu une vie trouble et mystérieuse attisent la curiosité du
public.
Caravage en est la preuve. Malgré la beauté de son œuvre et de sa révolution picturale, son
histoire intrigue et fascine.
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En avril 1951, une grande exposition s’ouvrait à Milan sur Caravage et les
caravagesques. A l’époque, les historiens de l’art passionnés par Caravage pouvaient se
compter sur les doigts de la main. Petit à petit, les recherches et les découvertes furent de plus
en plus nombreuses et le monde de l’art a commencé à se réapproprier l’artiste.
Roberto Longhi invitait le public à appréhender l’exposition de manière à comprendre le
peintre comme un naturiste souhaitant devenir populaire10. Ceci est d’autant plus intéressant
qu’à cette époque, les questionnements sur la production artistique sont nombreux et une
révolution est déjà en cours.
Du 23 juin au 14 octobre 2012, une grande exposition sur Caravage et le caravagisme
a eu lieu en France. Corps et ombres, Caravage et le caravagisme européen, la plus grande
rétrospective sur le sujet en France, a pris place dans deux grands musées : le musée Fabre à
Montpellier et le musée des Augustins à Toulouse. Ces deux grandes expositions ont réunis
une dizaine de tableaux du maître, provenant de grandes collections publiques. L’envergure
de ces expositions, dans les deux capitales du Languedoc, réunit un demi-siècle de l’histoire
de l’art, de Caravage à Georges de La Tour en passant par Rembrandt, Vélasquez et Zurbaran.
Le volet Toulousain est consacré au caravagisme du Nord. Nous avons pu admirer, au musée
Fabre, les nombreux suiveurs du Caravage (bien qu’il n’ait jamais voulu d’élèves) mais
également les peintres plus tardivement inspirés par son œuvre. Il est bien sûr impossible de
parler de l’influence sans regrouper ses peintures depuis ses premiers essais romains jusqu’à
ses œuvres les plus visionnaires à la fin de sa vie. Nous avons pu admirer une dizaine
d’œuvres de l’artiste au début de l’exposition. La force de Caravage créa une véritable onde
de choc chez ses contemporains italiens. Nous avons analysé cette exposition sous trois
grands axes.
Giovanni Baglione a bien connu Caravage, ils ont d’ailleurs eu tous les deux des différents.
Baglione, peintre également, a exploré les procédés de composition, la luminosité et le rendu
explicite des textures hérités de Caravage. Dans l’extase de saint François (ill. 33), nous
retrouvons ces éléments qui ont fait l’unanimité de la reprise picturale de Caravage. Un de ses
proches amis a également travaillé dans cette démarche, il s’agit d’Orazio Gentileschi. Nous
illustrons cela avec le saint François et l’ange (ill.34). Le peintre propose ici sa version du
réalisme de Caravage que ce dernier avait notamment engagé à la chapelle Contarelli.
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10
« Le public doit chercher à lire naturellement un peintre qui a cherché à être naturel et
compréhensible, humain plutôt qu’humaniste, et, en un mot, populaire » Roberto Longhi dans
l’introduction du catalogue de l’exposition Caravage à Milan en 1951.
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Au début Orazio Gentileschi se concentre sur le rendu réaliste de ces toiles avec une lumière
rude, comme ici, mais au fur et à mesure de la décennie, il apprend à moduler la lumière et à
jouer de plus en plus avec les contrastes. Ces deux peintres ont vécu et connu Caravage.
L’exposition continue sur une étude des peintres italiens ayant travaillé dans les années
suivant la mort de l’artiste.
Nous pensons notamment à Pensionante del Saraceni (actif à Rome vers 1615-1625). Dans le
reniement de saint Pierre (ill.35), on note de nombreuses références à l’œuvre picturale de
Caravage : le plan resserré, le fort contraste lumineux, le réalisme et l’expression sur le visage
des personnages. La lumière et le rendu naturaliste sont ciblés mais l’exécution reste soignée
et délicate. Dans cette continuité, Bartolomeo Manfredi, (Ostiano 1582-Rome 1622) diffuse
dans son œuvre plus de finesse et de sensibilité. Le triomphe de David (ill. 36) montre cette
grâce dans le mouvement des personnages.
Cette ascendance va également s’étendre dans toute l’Europe. Nous avons noté trois
caractéristiques picturales de l’héritage de Caravage. La luminosité, si caractéristique de
l’artiste, a été une réelle révolution dans l’Histoire de la peinture. Nicolas Régnier (Maubeuge
1588 – Venise 1667), a travaillé cette lumière. Dans le David avec la tête de Goliath (ill. 37),
le travail de la lumière enveloppe les figures des personnages et donne à la scène une
dimension plus dramatique. Nous pouvons également remarquer ce travail dans le rendu et le
mouvement des tissus, notamment le tissu rouge autour de la taille de David. Le réalisme des
scènes induit par Caravage a été repris notamment par Guido Reni (Bologne 1575 – Bologne
1642), dans le David vainqueur de Goliath (ill. 38), le naturalisme du tableau est la preuve du
ralliement de Reni à l’œuvre de son confrère Lombard. Nous le remarquons notamment par
l’accent porté sur l’épée au premier plan qui vient juste de servir à David et par le sang qui
coule encore de la tête de Goliath. La lumière portée et modulant le corps de David reflète
l’étude du travail de Caravage.
Comment parler de l’empreinte que le peintre a laissée sans parler de la désacralisation de ces
scènes et de la banalisation des sujets profanes ?
Nous venons d’avoir deux exemples nous montrant que les sujets utilisés par Caravage ont été
repris à de nombreuses reprises. Simon Vouet (Paris 1590 – Paris 1649) a également utilisé
des sujets, dits profanes, dans la continuité de l’artiste Lombard. Dans sa Diseuse de bonne
aventure (ill. 39), Vouet utilise un sujet utilisé à deux reprises par Caravage. Il réutilise
également une lumière enveloppe et très contrastée. Le naturalisme de la scène est marqué par
la peau noircie des personnages populaires comme l’indique le thème de la scène.
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Caravage a séduit de nombreux artistes et induit un mouvement malgré lui, le caravagisme.
La grandeur et la taille de cette exposition n’est autre que la traduction de cette fascination
que le monde de l’art éprouve pour l’artiste et son influence. Le succès de l’événement n’en
est qu’une confirmation supplémentaire. Le public est venu nombreux à la découverte de ces
artistes européens. Dans la continuité de l’œuvre de Caravage, les caravagesques ont remis le
drame humain au cœur de leurs préoccupations, et perpétuer une technique picturale.
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1.2. Une reprise picturale du détail
Suite à la redécouverte de Caravage dans la seconde moitié du XXème siècle, le peintre
est devenu un artiste incontournable, à étudier, dans l’Histoire de l’art. Lors d’un de nos
voyages dans la ville éternelle, lieu conservant de nombreux Caravage, nous avons pu
confirmer cette référence indéniable. En découvrant Rome, nous avons reconnu par surprise,
dans une petite ruelle isolée, Via Anicia, un visage familier que nous avions croisé peu de
temps avant à la Villa Borghèse. Derrière les barreaux d’une fenêtre brisée, la figure du
garçon mordu par un lézard réinterprété au pochoir (ill. 40). Au premier abord, nous nous
sommes dit que les artistes de Street Art de Rome avaient du être inspiré par un des artistes
majeurs de la ville. Cela nous prouvait déjà que l’influence dans la création contemporaine
était indéniable.
Après certaines recherches, nous avons pu attribuer l’œuvre à l’artiste C215.
C215, né en 1973, de son vrai nom Christian Guémy, est un artiste contemporain français de
Street Art. Il a grandi en banlieue parisienne et a été élevé par ses grands-parents après le
décès de sa mère lorsqu’il était petit. Dans ce milieu populaire, comme il le décrit lui-même,
il traîne dans la rue et s’essaie au graffiti, la mode était alors aux grosses lettres mais il change
vite de direction et choisit de travailler les portraits. Néanmoins, il est influencé par ce qui l’a
entouré et cela se ressent dans son art. Ces portraits sont la plupart du temps, le visage de
mendiants, de réfugiés, d’enfants ou de personnes âgées. Après des études d’Histoire, une
maîtrise d’Histoire de l’architecture et un autre d’Histoire de l’art, en 2006, à l’âge de 32 ans,
l’art a rattrapé l’homme et en a fait un artiste de renom. Toutes ces études lui valident un
bagage culturel et c’est ce qui lui permet d’avoir des références, soient elles passées ou
récentes dans l’Histoire de l’art. C215 est passionné par la Renaissance et souhaitait dans un
premier temps avoir une formation humaniste. L’artiste réalise le plus souvent des portraits,
dans une démarche de lecture simple, un message clair. Les portraits sont aussi un vecteur
d’émotion ou chacun peut s’identifier et c’est une manière de respecter l’individualité des
modèles. C215 dessine directement avec sa lame d’après des photographies. Il fait également
des peintures abstraites, organiques et tribales mais le graffiti est une manière réaliste de
proposer son art. «La ville préexiste à mon travail. Il ne fait que s’ajouter, il la complète.
C’est un art de l’altération, en perpétuelle évolution11 ».
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11
C215, article : Derrière les visages, Andréas Petit, Libération.fr, le 26 février 2013.
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Il place son œuvre en plein cœur du tissu urbain. Le graffiti permet de laisser une trace
derrière lui. Il choisit essentiellement des supports qui ont vécu et qui proposent donc une
contextualité.
C215 a choisit de travailler sur l’œuvre de Caravage, sans surprise étant donné qu’il le
qualifie comme son peintre préféré. « J’admire infiniment sa lumière, sa subversion 12».
L’artiste a choisit comme lieu de son expression, trois villes qui ont marqué la vie de
Caravage, Rome, Naples et Milan. Nous pourrions parler d’une exposition dans la ville pour
tous ces travaux sur Caravage. Cette série s’inspire directement des tableaux du peintre
Lombard.
Le premier dont nous avons l’exemple est celui que nous avons découvert à Rome, jeune
garçon mordu par un lézard. C215 a reproduit de façon identique le tableau de Caravage en
ne gardant que le buste et la figure du garçon. C215 reprend dans toute cette série, les visages
des tableaux du peintre en y enlevant tout contexte. La figure du saint Jean-Baptiste (ill.41),
la figure masculine dans la diseuse de bonne aventure (ill.42), jeune garçon à la corbeille de
fruits (ill.43) ou encore la méduse (ill.44).
Tout en gardant les figures exactes de Caravage, C215 se permet quelques interprétations en
mélangeant certains de ses tableaux comme par exemple un des musiciens du concert de
jeunes gens et un ange de Caravage (ill. 45).
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12
C215 propos recueillis par Sophie Pujas pour Artistik Rezo.fr, le 18 décembre 2012.
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« J’ai tenté de collecter les savoirs pour devenir moi-même un humaniste moderne 13».
Caravage est ici repris de la même manière dans un autre courant artistique. La
reconnaissance de l’œuvre artistique est immédiate.
C215, Narcisse, 2011 – Milan – Pochoir.
Lors de notre conversation avec l’artiste, nous avons essayé de comprendre cette attirance
pour Caravage. L’inspiration est née des études que Christian Guémy a faites. Il voit le maître
baroque comme un artiste itinérant, peignant un art contextuel, en fonction d’une lumière et
d’une mise en architecture. C215 a appréhendé le travail de Caravage de cette manière.
D’un point de vue plus personnel, C215 nous dit : « Il peignait des anonymes et en faisait des
idoles, comme ce que je fais. 14» L’anonymat des figures caravagesques marque un intérêt de
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
13
C215 propos recueillis par Sophie Pujas pour Artistik Rezo.fr, le 18 décembre 2012.
14
C215, interview réalisée par Claire Reigneau Desproges, le 12 mars 2013, cf. annexes p.72.
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la part des contemporains, comme une recherche d’identité, support de l’art contemporain. Ce
point de vue s’élargit aux habitants des villes où C215 a travaillé.
C215 explique que Caravage touche, encore aujourd’hui, dans son art car à son époque
puritaine il a été le peintre de l’humanité. Et dans notre époque, nous avons également besoin
de cela. Cette démarche « résonne dans le présent 15».
L’œuvre de C215 s’inspire de la peinture humaniste de Caravage et de son extrême
modernité. Le fait est que personne ne s’offusque de retrouver ses figures caravagesques dans
la rue.
Cindy Sherman, née en 1954, photographe américaine s’est également inspirée
directement du travail de Caravage. Dans sa série, History Portraits, elle joue sur le registre
de l’art noble des portraits appartenant à l’Histoire de l’art. Elle reformule la question de
l’identité et confronte le spectateur à la notion d’artifice. Elle se représente elle-même dans
toutes ces photographies.
Toutes les œuvres de sa série ont un caractère théâtral marqué par la présence des rideaux.
Cindy Sherman s’inspire clairement de tableaux de maîtres anciens. Mais on ne reconnaît
directement que trois tableaux célèbres, dont celui de Caravage, Bacchus malade (ill.46) ; le
tableau que nous allons étudier : Untitled #224 de la série History Portraits (ill.47). Ici, Cindy
Sherman s’est travestie en jeune garçon, Bacchus, malade. Elle a repris exactement la position
et la mise en scène du tableau de Caravage.
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15
C215, interview réalisée par Claire Reigneau Desproges, le 12 mars 2013, cf. annexes p.72.
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Cindy Sherman, Untitled #224, Série History Portraits, 1990 - photographie.
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C’est une des rares fois où Cindy Sherman se représente en garçon, elle qui remet pourtant
toujours la question, dans son œuvre, de la place de la femme dans la société. Elle travaille ici
sur un artiste homosexuel de la période Baroque et qui utilise d’ailleurs une figure antique
homosexuelle. Dans cette dernière décennie du XXème siècle, Cindy Sherman a exprimé, une
fois de plus, les problèmes de mœurs de la société.
Cindy Sherman vivait à Rome à ce moment de sa vie, il était donc plus facile pour elle de
travailler sur un sujet qui correspondait à son contexte géographique et culturel. Mais elle a
choisi cette version de 1593 de Rome plutôt que la version ultérieure de Rome, Bacchus
(ill.5), conservée à Florence. Ceci n’est pas anodin. Dans le contexte de l’œuvre de Sherman,
les questionnements sur l’homosexualité étaient au cœur de la société. Ici, Cindy Sherman a
supprimé les deux pêches qui se trouvaient sur la table où est accoudé Bacchus. Les pêches
sont le symbole de la véracité ou de la vérité, ce que Cindy Sherman a volontairement omis de
représenter.
Cindy Sherman aurait-elle choisit de travailler sur Caravage, comme symbole de l’artiste
homosexuel. D’une certaine manière ces deux pêches sont-elles la révélation de
l’homosexualité du peintre ? D’autant plus que ce tableau est très certainement un
autoportrait.
Claudia Vialaret dans sa conférence : la part d’ombre, autoportraits d’hier et d’aujourd’hui :
Caravage, Nan Goldin, Cindy Sherman, évoque ce tableau et en propose une interprétation :
« pour se représenter comme il a été après une soirée bien arrosée, il détruit en même temps le
mythe de Bacchus, le tourne en dérision et se moque de lui-même par la même occasion. 16».
Cindy Sherman se place ici alors dans la peau de Caravage. Une femme dans la peau d’un
homme homosexuel.
« Cindy Sherman montre l’artifice, met en avant le faux et le trucage, elle créait un deuxième
degré de lecture dans sa propre image. 17»
Cindy Sherman en choisissant cette peinture de Caravage a su comprendre et interpréter son
œuvre, tout en reprenant avec exactitude le tableau de l’artiste. D’une certaine manière elle se
situe dans une place difficile, tout comme Caravage à la fin de sa vie, la difficulté qu’il avait
pour s’exprimer librement, artistiquement et humainement.
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16
Claudia Vialaret, interview réalisée par Claire Reigneau Desproges le 22 février 2013, cf.
annexes p.66.
17
Claudia Vialaret, interview réalisée par Claire Reigneau Desproges le 22 février 2013, cf.
annexes p.66.
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#+!
Caravage avait joué avec son image et celle de Bacchus. « Les parodies se superposent dans
cette photographie qui résume et symbolise le rapport entre la peinture et la photographie. 18»
Dans une démarche artistique contemporaine, Cindy Sherman a réussi à reprendre le langage
artistique de Caravage.
1.3. Fascination et mythe autour de la figure du peintre
Que ce soit dans les arts plastiques, comme nous venons de le voir, ou dans les autres
domaines de créations artistiques, nous nous sommes aperçus que Caravage intriguait. Nous
avons noté que l’influence était plastique, ses peintures ayant fascinées par leur technique et
leur beauté.
Caravage est aussi un homme, un personnage, une personnalité que nous connaissons peu. Un
mythe existe autour de la figure de l’artiste. C’était un « vigoureux jeune homme, 20-25 ans,
trapu avec une barbe, des sourcils épais qui va vêtu d’un habit noir débraillé et porte des
chaussures noires un peu déchirées. 19»
Il avait de plus la réputation sulfureuse d’un homme bagarreur, violent. Son homosexualité
ajoute un mystère autour de sa figure.
Nous aimons imaginer des aventures romanesques autour des figures que nous apprécions.
Pour Caravage c’est le cas, il a touché la création contemporaine au-delà de la production
plastique.
Dominique Fernandez, écrivain romancier français, né en 1929, est un ancien élève de
l’Ecole normale supérieure et agrégé d’Italien. Il devient en 1957, professeur à l’Institut
Français de Naples. Depuis 1958, il mène une carrière d’écrivain et de critique littéraire,
d’abord à la Quinzaine Littéraire, et à L’Express, puis au Nouvel Observateur. Dominique
Fernandez a inventé ce qu’on appelle la « psychobiographie ». Il le fait pour la première fois
dans L’échec de Pavese. Il est élu à l’Académie Française le 8 mars 2007 au fauteuil n°25.
« Arrivé sur le faîte il aspire à descendre. » Ce vers de Corneille a longtemps été le fil des
romans de Dominique Fernandez. Il était passionné par les hommes voués à l’autodestruction.
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
18
Claudia Vialaret, interview réalisée par Claire Reigneau Desproges le 22 février 2013, cf.
annexes p.66.
19
Description de Michelangelo Merisi dit Caravage, Claudia Vialaret, interview réalisée par
Claire Reigneau Desproges le 22 février 2013, cf. annexes p.66.
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Le fait que son père, critique littéraire de grand renom, se soit suicidé happé par le gouffre de
la Collaboration n’en est surement pas sans explication.
Stendhal disait de Caravage qu’il était « un grand peintre et un scélérat ». Dominique
Fernandez ne s’est pas contenté de cette description. Après plusieurs années, une fois que
Roberto Longhi eut sorti de l’ombre le peintre Lombard, Dominique Fernandez décide
d’étudier lui-même l’œuvre de l’artiste et notamment ses œuvres in situ. Il comprend alors
cette conscience qui court vers la mort. Caravage était effectivement dans le chemin de la
gloire mais la tentation de provoquer était comme plus forte et l’a finalement entrainé vers le
fond. « Sur le point d’atteindre le but convoité, on hésite, on cale, on se dit : c’est trop beau,
ce n’est pas pour moi. 20» Cette hésitation est là pour Caravage au moment de franchir les
portes de la ville éternelle ou sa carrière et sa gloire existe. Ces paroles sont comme une
prémonition de son destin tragique.
Dominique Fernandez consacre alors un ouvrage à la figure et à la psychologie de Caravage,
la course à l’abîme, 2003. En se basant sur des faits historiques réels, Dominique Fernandez
présente Michelangelo Merisi dit Caravaggio de façon romanesque. Dominique Fernandez
place son roman sous le regard d’un cantique spirituel : « Découvre ta présence, que ton
aspect et ta beauté me tuent. » Jean de La Croix. L’écrivain met l’accent sur la personnalité
homosexuelle de l’artiste, en nous contant ses deux principales histoires d’amour et
notamment celle avec Mario. La vision de l’artiste est bouleversée dans les codes historiques
que nous connaissons. Le fait de s’imaginer toute cette vie autour de Caravage nous fait
regarder ses tableaux de manière différente.
Dominique Fernandez dépeint la manière de travailler de Caravage. D’une certaine manière,
cela nous permet de comprendre les tableaux du peintre et de les replacer dans un contexte.
« Je ne puis traiter n’importe quel sujet. –Tu as besoin d’avoir une expérience directe des
sujets que tu peins ? –Sinon je devrais me résoudre à n’être qu’un de ces peintres qui siègent à
l’académie de Saint-Luc. 21». Dans ces quelques phrases, nous comprenons que Caravage a
besoin d’avoir un lien avec ses sujets et que c’est une part de la révolution qu’il a entrainé.
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
20
Dominique Fernandez, la course à l’abîme, éditions Grasset & Fasquelle, Le livre de
poche, 2002, Livre II, p.165.
21
Dominique Fernandez, la course à l’abîme, éditions Grasset & Fasquelle, Le livre de
poche, 2002, Livre II, p.276.
!
#"!
Dominique Fernandez parle également de la lumière de l’artiste : « Personne avant moi
n’avait utilisé la lumière comme personnage central d’une scène peinte. Je venais d’inventer
le clair-obscur. 22» Ces éléments de description sont caractéristiques d’une biographie. Mais
Dominique Fernandez pousse plus loin sa recherche du personnage. Il étudie alors sa
psychologie et son mécanisme. Cela permet de trouver des réponses aux interrogations
mythiques.
« Appelez-moi désormais Caravaggio, mais que ce nom invisible retentisse comme la voix
d’un dieu qui doit rester caché. 23» Dominique Fernandez place son personnage principal,
Caravage, comme un héros. Mais un héros qui doit rester dans l’ombre comme une
malédiction, un personnage d’une tragédie grecque.
Caravage, héros tragique, personnalité complexe, se place alors comme une âme à étudier, à
comprendre. Dominique Fernandez réussit à introduire dans cette biographie, une part de
psychologie et de philosophie. Il fait porter à Caravage des réflexions importantes sur son
être : « Ne pas représenter le visage est la meilleure façon de rendre le parfait effacement du
moi. 24» Toutes ces pensées alimentent le mythe qui règne autour du peintre, il le place dans
un mode de raisonnement autour de sa peinture et de son œuvre.
« En écrivant la course à l’abîme, roman qui tente de ressusciter par l’écriture la figure du
peintre Caravage, je ne pensais pas voir jamais ressurgir celui-ci, sous mes yeux, en chair et
en os, cheveux noirs et mine torturée, tel que je me l’étais imaginé, brûlé de désirs, violent,
insoumis, possédé par l’ivresse du sacrifice et de la mort. Eh bien, c’est fait : Cesare Capitani
réussit le tour de force, d’incarner sur scène cet homme dévoré de passions. Il est Caravage,
Moi, Caravage, c’est lui. Il prend à bras le corps le destin du peintre pour le conduire, dans la
fièvre et l’impatience, jusqu’au désastre final. 25»
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
22
Dominique Fernandez, la course à l’abîme, Grasset & Fasquelle, Le livre de poche, 2002,
Livre III, p.459.
23
Dominique Fernandez, la course à l’abîme, éditions Grasset & Fasquelle, Le livre de
poche, 2002, Livre III, p.387.
24
Dominique Fernandez, La Course à l’abîme, éditions Grasset & Fasquelle, Le livre de
poche, 2002, Livre III, p.387.
25
Dominique Fernandez, Avril 2010, propos recueillis dans le dossier de presse de la pièce de
théâtre, Moi, Caravage.
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##!
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De ce fabuleux roman, Cesare Capitani, acteur franco-italien a écrit une pièce de
théâtre : Moi, Caravage. Une pièce de théâtre crée au festival d’Avignon off le 18 juillet 2010
soit 400 ans jour pour jour après la disparition de l’artiste. La pièce est interprétée par deux
acteurs : Cesare Capitani lui-même ainsi que Laetitia Favart et mise en scène par Sébastien
Grassian.
Cesare Capitani est diplômé de l’Ecole du Piccolo Teatro de Milan et travaille entre la France
et l’Italie. L’acteur est également auteur et metteur en scène. Il a joué plusieurs pièces en
France et en Italie et également tourné quelques longs métrages. Il écrit aussi des nouvelles.
Laetitia Favart est elle comédienne et mezzo soprano, elle a suivi sa formation au théâtre
classique avec Antoine Campo et suit deux ans de formation à l’Ecole Internationale Jacques
Lecoq. Elle a suivi en parallèle des cours de chant lyrique.
Stanislas Grassian quant à lui, metteur en scène, a suivi sa formation à l’école internationale
de mimodrame Marcel Marceau. Il a mis en scène de nombreuses pièces contemporaines. Il
est par la suite accueilli par Jean-Louis Barrault au Théâtre d’Orsay puis au Théâtre du RondPoint.
Dans ce spectacle, Caravage se confit et revit sous nos yeux. De son enfance, à l’approche de
la peinture, ses premiers ennuis avec la justice, sa fuite à Rome où il va connaître la gloire.
Son caractère rebelle, violent et asocial est mis en avant. Il refuse toute facilité, son mode de
vie est une provocation et ses œuvres un affront à la morale de l’époque. La pièce se finit avec
ses déboires judiciaires, sa fuite et sa mystérieuse mort.
Nous sommes allés voir deux fois cette pièce de grande qualité que ce soit d’un point de vue
de l’adaptation, du jeu des acteurs ou de la mise en scène avec ce jeu de lumière hypnotisant.
Notre rencontre avec Cesare Capitani nous a aidé à mieux décrypter la pièce et surtout à
comprendre cette fascination qui anime l’auteur.
Cesare Capitani songeait depuis un certain temps à raconter sur scène l’histoire de Caravage.
De cette idée, il a commencé à se renseigner sur le peintre. Après avoir lu des essais critiques
sur son art, des manuels explorant sa technique et de nombreuses études, il se rendit compte
qu’aucun ne parlait de sa vie.
« Pour ma part, plus j’avançais dans la connaissance de l’artiste, plus je ressentais le besoin
de découvrir l’homme dont les tableaux d’une puissance et d’un érotisme jamais vus, ont
révolutionné la peinture. 26»
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26
Cesare Capitani, propos recueillis dans le dossier de presse de la pièce de théâtre, Moi,
Caravage.
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#$!
Cesare Capitani a alors lu le roman de Dominique Fernandez. Est ce que cette biographie
correspondait à la réalité ? Le public va t-il se demander si c’est crédible ? « Je ne me suis
même pas posé la question ! 27» L’essentiel était que Cesare Capitani ait trouvé ce qu’il
recherchait, le caractère rebelle du peintre, son mode de vie, ses provocations et un affront de
la moralité. Tous ces éléments allaient être la matière première de sa création.
« Un rebelle promis à l’autodestruction, un éternel insatisfait affamé de scandales, un artiste
perpétuellement à la recherche de l’absolu mais aussi un être fragile, séduisant, troublant,
comme les personnages qu’il a représentés dans ses toiles.28 »
Moi, Caravage est une pièce lumineuse et puissante, un portrait de Caravage en clair-obscur.
Sur scène, Cesare Capitani interprète le peintre et est accompagnée de Laetitia Favart lui
donnant la réplique en interprétant des personnages que le peintre a fréquenté que ce soit des
hommes ou des femmes et en particulier ses deux amants, Mario et Gregorio, elle rythme
également la pièce de chants, des airs de Monteverdi, Caccini et Grancini. Stanilas Grassian a
été emballé par le projet. Pour cette pièce, tout en clair-obscur, il fallait particulièrement
soigner les lumières, le metteur en scène a donc confié cela à Bernard Martinelli. Les
personnages travaillent cette lumière en direct, notamment à l’aide de bougie, en composant
leur espace. Le souhait de Bernard Martinelli était de donner aux spectateurs : « une image à
la mesure du peintre, grâce à une lumière mouvante, simple et pure, qui conduit le regard. 29»
L’utilisation des bougies permet d’avoir une lumière chaude et enveloppante qui convient
parfaitement à l’œuvre de Caravage.
Ce que nous avons trouvé d’autant plus intéressant, c’est que bien qu’en se focalisant sur la
personnalité de l’artiste, Cesare Capitani n’a pas oublié les peintures de l’artiste. A chaque
évocation d’une œuvre, les deux acteurs prennent la pose, devant nous, comme une
photographie en s’aidant des bougies pour recréer cette lumière tout en clair-obscur.
Nous avons le sentiment d’avoir face à nous la réincarnation de Caravage, une véritable
apparition dépourvue de tout artifice. L’absence de décor, la simplicité des vêtements
permettent de ne pas nous distraire de la force verbale de l’acteur.
Les deux acteurs recréent à eux seul tout un monde, Caravage se confesse sans jamais tomber
dans le stéréotype de l’artiste maudit.
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27
Cesare Capitani, propos recueillis dans le dossier de presse de la pièce de théâtre, Moi,
Caravage.
28
Cesare Capitani, propos recueillis dans le dossier de presse de la pièce de théâtre, Moi,
Caravage
29
Bernard Martinelli, propos recueillis dans le dossier de presse de la pièce de théâtre, Moi,
Caravage.
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La pièce réussit le tour de force de faire le lien entre le peintre connu des historiens de l’art et
sa personnalité vibrante décrite chez Dominique Fernandez : humain plutôt qu’humaniste. La
pièce a connu un grand succès, elle s’est jouée plusieurs saisons au théâtre du Lucernaire à
Paris. Si bien accueillie elle reprend, dans une autre salle parisienne, à la Gaieté
Montparnasse.
La question qui nous brulait les lèvres lors de notre rencontre avec Cesare Capitani était de
comprendre cette fascination pour Caravage, comment l’expliquer ?
Une passion ne s’explique d’ailleurs surement pas, la réponse fut donc claire et courte : « Le
côté rebelle et sulfureux de son existence, la sensualité et la violence de ses toiles, tout ça
suscite forcément la fascination. 30»
Le fait est que Cesare Capitani a ressenti le besoin d’extérioriser cette fascination pour
Caravage qui l’animait. Dans la création contemporaine, Caravage a toute sa place, et
l’expression de son œuvre se traduit de différentes manières et ici au théâtre.
Mais alors pourquoi Caravage attire encore les contemporains dans leur art ?
Cesare Capitani nous a donné son point de vue sur la question.
« Son parcours, ses tableaux sont d'une extrême modernité, et encore aujourd'hui ils parlent au
public. On se reconnait davantage dans ses toiles que dans celles d'autres peintres, il y a aussi
un grand sens de la photographie dans ses tableaux, un aspect quasi cinématographique. 31»
Ce que nous dit là Cesare Capitani est intéressant dans le principe de reconnaissance
d’identité dans l’œuvre de l’artiste. Le spectateur se reconnaît dans les toiles du maître. Mais
pourquoi cette identification ? Caravage peint ses toiles de manière très photographique, le
rapprochement avec les personnages est fort. Surtout quand il représente de jeunes garçons.
Même s’il le fait toujours dans un contexte iconographique, le réalisme des figures permet
une identification immédiate. On retrouve ce caractère chez Cesare Capitani qui a matérialisé
d’une certaine manière les personnages des toiles de Caravage, nous pensons surtout à ces
deux amants, Mario et Gregorio. Les personnages de ces toiles sont comme vivants et mis
bout à bout, l’histoire se forme, comme au cinéma.
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30
Cesare Capitani, propos recueillis par Claire Reigneau Desproges, le 24 février 2013, cf.
annexes p.70.
31
Cesare Capitani, propos recueillis par Claire Reigneau Desproges le 24 février 2013, cf.
annexes p.70.
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L’art cinématographique s’est lui aussi intéressé à la personnalité de l’artiste. Il n’est
pas rare de rencontrer des films documentaires sur la vie des artistes. Nous avons ici
cependant trouvé un film sur Caravage qui le place dans son contexte artistique mais
également dans une étude de caractère poussé et une identification de la part du réalisateur. Il
s’agit de Caravaggio, 1986, réalisé par Derek Jarman (1942-1994).
Le film recevra un Ours d’argent pour sa conception visuelle lors de la Berlinale et le prix
spécial du jury au festival international du film d’Istanbul.
Derek Jarman a lutté sept ans avant de faire ce film sur l’artiste italien. Le résultat valait
l’attente, et a été accueilli avec une bonne critique. Derek Jarman nous présente un portrait
librement dramatisé de l’artiste controversé et une puissante médiation sur la sexualité, la
criminalité et l’art : une nouvelle façon de voir le biopic.
Le film est centré sur un triangle amoureux, inventé par Derek Jarman, entre Caravage, son
ami et modèle, Ranuccio et la partenaire de ce dernier Lena. Le réalisateur concentre une des
peintures les plus complexes mais réussi le tour de force de la photographier à la manière de
tableaux vivants. Toutes ces œuvres ne sont que le fond de toile de l’histoire, elles offrent un
point de départ pour la narration et ses personnages.
Caravage est interprété par Nigel Terry, Ranuccio par Sean Bean et Lena par Tilda Swinton.
Cette dernière deviendra par la suite l’égérie de Derek Jarman et sa collaboratrice.
Après avoir analysé ce film, nous avons trouvé une manière intrigante d’interpréter l’œuvre et
la personnalité de Caravage. La narration est bien romanesque et nous nous sommes vite
aperçus que Caravage servait ici comme support d’une personnalité sulfureuse. Le contexte
artistique de l’artiste est cependant conservé. Nous avons pu remarquer certains plans qui
nous ont fait penser à des tableaux. Dès les premières minutes du film (7minutes 53secondes),
un jeune homme monte sur un tabouret pour regarder par la fenêtre. Les murs sont blancs,
l’encadrement de la fenêtre (sans carreau) est bleu et nous voyons simplement la façade de la
maison d’en face : un rectangle orange. Dans un minimalisme parfait, la composition se place
alors comme une œuvre. Ce qui pourrait paraître contradictoire face à l’œuvre de Caravage.
Par la suite, Derek Jarman nous fait voir les toiles de l’artiste comme véridiques. Des
éléments symboliques prennent place dans le film et font référence aux tableaux du maître.
Comme par exemple, la scène à la 6ème minute du film. Caravage est assit près de la fenêtre
avec dans ses bras un jeune garçon, un serpent est à côté d’eux et comme à se rapprocher du
jeune garçon. Cette situation rappelle le tableau de Caravage, la madone des Palefreniers (ill.
48). La lumière du film permet également de retrouver celle du grand maître Lombard.
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Photographie extraite du film Caravaggio de Derek Jarman, 1986.
D’un point de vue psychologique, nous retrouvons Caravage comme un homme sulfureux et
violent.
Derek Jarman commence à travailler pour le cinéma au début des années 1970. Il se place
alors comme un revendicateur des droits des homosexuels. Il commence à se faire une
réputation « underground » en 1976 avec son film Sebastiane. L’année où il réalise
Caravaggio, il apprend qu’il est séropositif et parle alors librement de cette maladie.
Le fait que Derek Jarman s’identifie à Caravage est indéniable, que ce soit pour son côté
sulfureux ou par son homosexualité. Tout comme Caravage, Derek Jarman se positionne
comme un artiste rejeté par une partie de la société.
La force de Caravage frappe une nouvelle fois, par son œuvre, certes mais également par sa
personnalité. Le peintre regroupe les deux éléments dont Derek Jarman avait besoin pour
s’exprimer : le caractère photographique de ses tableaux et sa personnalité mythique.
La reprise directe de l’œuvre de Caravage est manifeste pour les artistes contemporains d’une
part par une inspiration picturale, une démarche in situ ou par une étude psychologique.
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Deuxième partie : Une inspiration indirecte dans la création contemporaine
Certains artistes contemporains, sensibles à tous ces éléments, ont repris l’œuvre
picturale de l’artiste en y intégrant leur interprétation, indirecte cette fois-ci.
2.1. Reprise picturale réinterprétée
Ernest Pignon-Ernest, artiste contemporain majeur, vit et travaille à Paris. Depuis plus de
trente ans il appose des images sur les murs des cités.
" ...au début il y a un lieu, un lieu de vie sur lequel je souhaite travailler. J'essaie d'en
comprendre, d'en saisir à la fois tout ce qui s'y voit : l'espace, la lumière, les couleurs... et,
dans le même mouvement ce qui ne se voit pas, ne se voit plus : l'histoire, les souvenirs
enfouis, la charge symbolique... Dans ce lieu réel saisi ainsi dans sa complexité, je viens
inscrire un élément de fiction, une image (le plus souvent d'un corps à l'échelle 1).
Cette insertion vise à la fois à faire du lieu un espace plastique et à en travailler la mémoire,
en révéler, perturber, exacerber la symbolique...32"
La démarche d’Ernest Pignon-Ernest est d’autant plus intéressante qu’il reprend les éléments
dans l’inspiration directe de l’œuvre de Caravage : la lumière, les couleurs et le travail in situ.
Se rajoute à cela, une volonté de garder un lien mémorial avec le passé.
Ernest Pignon-Ernest a fait une série, Naples datant de 1990. Il rend ici hommage à un des
artistes qui a marqué la ville, Caravage, dans trois œuvres : David et Goliath (ill.50), la mort
de la Vierge (ill.51) et les âmes du purgatoire (ill.52).
Le travail d’Ernest Pignon-Ernest sur ce sujet a été admirablement reçu. La démarche de
l’artiste est avant tout de coller des images sur les murs des villes, son vrai matériel. Il
cherche à créer une interaction entre son image et l’espace-temps où il l’insère.
Caravage a eu la même démarche pour ce qui est de créer un espace-temps durable et lisible.
Ernest Pignon-Ernest travaille sur du papier journal qui épouse les murs et les couleurs. Après
collage, l’œuvre et le mur ne font qu’un. L’étude se fait d’abord par le lieu et non le dessin.
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32
Ernest Pignon-Ernest, propos recueillis sur le site officiel : www.pignon-ernest.com.
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Il glisse une image comme si elle avait toujours été là. Ernest Pignon-Ernest fait cette
démarche la nuit, c’est un pouvoir symbolique.
La symbolique est plus que présente dans l’œuvre d’Ernest Pignon-Ernest. La première œuvre
qu’il fait à Naples est le David et Goliath. La reprise picturale de Caravage est sans retour
mais Ernest Pignon-Ernest y rajoute, en symétrie à la tête de David, celle de Pasolini, artiste
qu’il admire. Naples, ville pleine d’histoire, renferme dans ses sous-sols, l’œuvre de Virgile
avec l’Eneide. La présence des mythes grecs et chrétiens se ressent. Ernest Pignon-Ernest a
réactivé tout cela en travaillant sur le corps et en faisant renaître Caravage et Pasolini. C’est le
lieu qui devient l’œuvre. Caravage peignait directement sur ses toiles, les choses se décident
dans le faire. Quand Ernest Pignon-Ernest parle de l’œuvre du grand maître, trois
caractéristiques en ressortent : la puissance des images, le lien avec la réalité et la technique
singulière chargé de sens. Caravage matérialise sa peinture, il élimine les éléments
anecdotiques. La présence physique des figures caravagesques n’est pas anecdotique. « Les
choses ne sont pas représentées mais présentes. 33» Caravage nous lie à sa peinture, en
supprimant la distance. Le spectateur se trouve devant une œuvre grandeur nature.
Illustration 50
Ernest Pignon-Ernest, David et Goliath, d’après Caravage, 1988 - dessin à la pierre noire,
collé - Naples.
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33
Ernest Pignon-Ernest, podcast France Culture, ,--./00111234567879:-9482340.84;<668=
8468;-=.>?6<6=8468;-!
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$+!
D’une étude humaine, Ernest Pignon-Ernest décrit Caravage comme tragique, d’où s’explique
son clair-obscur. Caravage a toujours anticipé une relation humaine.
Quand Ernest Pignon-Ernest parle de son travail sur Caravage, il est catégorique : « L’image
n’existe plus pour elle-même le Caravage ne m’intéresse pas, il ne compte par et pour
Naples.34 » Ernest Pignon-Ernest s’intéresse à la lecture de son œuvre dans le lieu.
Dans la mort de la Vierge, Ernest Pignon-Ernest a repris directement l’œuvre de Caravage
mais en la portant dans un contexte bien distinct. Caravage avait déjà effacé les traces de
sacralisation, Ernest Pignon-Ernest ne se contente plus de les supprimer mais choisit de les
accentuer.
L’artiste contemporain replace ici Caravage dans son contexte, en réinterprétant son œuvre
par son ressenti de la situation.
Caravage prend une place historique, comme un mémorial, dans l’œuvre d’Ernest
Pignon-Ernest.
Les artistes contemporains reprennent indirectement l’œuvre de Caravage. Claudia
Vialaret fait partie de ceux là.
Claudia Vialaret se forme à l’université d’Aix-en-Provence ainsi qu’à Paris Sorbonne.
Spécialiste en photographie argentique, elle est d’ailleurs titulaire d’une maîtrise dans le
domaine. Claudia Vialaret se dirige tout d’abord vers la photographie mais travaille
également la peinture à l’huile et le dessin. Elle est professeur agrégé d’Arts Plastiques et
enseigne actuellement au lycée Lakanal à Sceaux.
A l’heure d’aujourd’hui, son moyen d’expression est la photographie numérique.
Claudia Vialaret a effectué une série d’œuvres s’inspirant des tableaux de Caravage,
Caravagesque, 2011.
Elle aborde son travail de deux manières distinctes. Son vocabulaire artistique est le
froissement de l’image photographique. En reprenant certains tableaux de Caravage, elle les
imprime en grand format, sent la matière et se réapproprie son travail en froissant l’image.
Elle prend à nouveau une photographie de ce qui est devenu son œuvre et retravaille le tout
sur l’ordinateur. C’est à la fois une création et une destruction.
C’est une interprétation partielle. Dans cette première série, elle reprend le repos pendant la
fuite en Egypte : Morceau caravagesque 1 (ill.53), la mise au tombeau : Morceau
caravagesque 2 (ill.54) ou encore Judith et Holopherne : Abstraction caravagesque 2 (ill.55).
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34
Ernest Pignon-Ernest, propos recueilli dans Ernest Pignon-Ernest, d’Elisabeth Couturier,
dans la préface de Paul Veyne, éditions Herscher, 1991.
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L’œuvre est bouleversée dans sa composition comme on peut le voir pour la mise au
tombeau, Marie-Madeleine se retrouve à l’horizontale, parallèle au Christ. Comme si les deux
personnages, bien que l’un sans vie, vivaient la même situation, la même douleur. Cette
méthode lui permet de porter l’accent sur sa vision du tableau et du moins d’en faire ressortir
l’essentiel selon son point de vue. Dans le repos pendant la fuite en Egypte, tout est tourné
autour du visage de la Vierge. Elle remet en question la représentation.
L’œuvre de Caravage est bouleversée, mais cette appropriation permet une autre vision de son
œuvre. Les compositions et la lumière sont intégralement conservées.
Illustration 55
Claudia Vialaret, Judith et Holopherne : Abstraction caravagesque 2, 2011 - photographie.
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Une autre démarche qu’a effectuée Claudia Vialaret, accentue encore plus la réinterprétation
de l’artiste baroque. Elle se réapproprie alors totalement l’œuvre. Elle conserve la mise en
scène des tableaux mais en insérant des personnages et des éléments nouveaux. Son Narcisse
(ill. 56) reprend exactement la position de celui de Caravage. Le travail de Claudia Vialaret
est ici une recherche comparative de l’image froissée ou non. Dans la mort de la Vierge
(ill.57), l’accent est porté uniquement sur les deux choses importantes selon l’artiste, la
Vierge (Caravage avait choisi comme modèle une prostituée morte noyée) et la cruche (au
premier plan chez Caravage).
Claudia Vialaret note bien que Caravage s’est représenté dans certains de ses tableaux.
Laisser une trace ? Besoin de reconnaissance, d’identité ? L’artiste contemporaine choisit de
retravailler cette recherche de singularité, en se représentant elle-même dans la méduse (ill.58)
ou encore dans Moi, David (ill.59).
Ces deux manières de réinterprétation que ce soit la reprise de l’œuvre pour en créer une
modifiée ou la reprise des mises en scène, rendent hommage à Caravage.
« {Claudia Vialaret} intensifie par ailleurs les puissantes ruptures, entre ombre et lumière,
entre plein et vide, entre vie et mort, que véhicule le baroquisme du Caravage.35 »
Caravage a su, par son extrême modernité, trouver un langage intemporel et c’est une raison
pour laquelle les artistes contemporains ont plaisir et passion à réinterpréter son œuvre.
Claudia Vialaret a su exprimer son admiration pour Caravage et travaille actuellement sur une
autre série d’œuvre qui vise à comparer, fusionner les visages de ses modèles et de Caravage.
L’engouement pour Caravage est ici étudié plus ou moins directement mais de nombreux
artistes ont certainement été influencé, consciemment ou non, par son œuvre.
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35
Galerie Taïss, présentation de Claudia Vialaret, www.artparis.fr
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2.2. Réinterprétation de la lumière
La lumière, position essentielle dans l’art de Caravage, est une source d’influence
précise pour certains artistes contemporains.
La découverte de Léopold Geb a été très enrichissante. Jeune artiste Toulousain,
Léopold Geb, de son vrai nom Kévin Bonhoure, a réellement découvert le dessin au début des
années 2000 grâce aux graffitis. Suite à la découverte de certains artistes de ce milieu,
Léopold Geb trouve son moyen d’expression et le sujet de son travail : le personnage. Il suit
alors une formation en alternance en sérigraphie et graphisme. Il s’oriente alors radicalement
vers le dessin. Son influence évolue et il se tourne vers des artistes qui n’étaient pas à
l’origine dans son champ. La découverte du monde du tatouage va également jouer sur son
travail.
Après une première exposition à Singapour, la source de son inspiration est claire : la peinture
qui le fascine tant. Il va notamment se diriger vers les peintures « académiques » issues de la
Renaissance.
La lumière prend alors une place importante dans l’œuvre de Léopold Geb. En travaillant
cette lumière, il apporte plusieurs sens de lecture et un côté très intimiste.
« Il est intéressant de voir la perplexité du spectateur face à la scène qui lui devient plus
accessible grâce aux différents points de lumière.36 »
La possibilité, par le biais de cette intimité, est de se créer sa propre histoire. La narration ne
se raconte plus par un texte mais par l’image.
En parlant de cela, il est évident de faire le rapprochement avec Caravage. Dans ses peintures,
la lumière est comme un personnage supplémentaire. Elle permet aux spectateurs de
s’intégrer à la narration et de se sentir proche des personnages.
Le travail de Léopold Geb se traduit par une grande maîtrise du dessin, un monde fantastique
et un travail de grande précision des ombres et des lumières.
Ceci est très bien illustré dans le dessin, groupe de personnages (ill.61) du 11 décembre ou
encore dans la tête sur un plateau (ill.62) du 19 février. Son univers onirique et éclectique fait
penser dans la technique picturale aussi à Jérôme Bosch. Son travail est d’autant plus
impressionnant qu’il travaille, ici, en noir et blanc. Tout est vivant, et la lumière enveloppante
tout de même présente.
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36
Léopold Geb, propos recueillis par Claire Reigneau Desproges le 12 décembre 2013, cf.
annexes p.63.
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Illustration 61
Léopold Geb, groupe de personnages, 11 décembre 2012 – dessin sur bois.
Léopold Geb parle de Caravage et de ses suiveurs, le caravagisme. Il caractérise son influence
dans l’importance de la lumière. Caravage a apporté à ses yeux, un souffle nouveau dans
l’Histoire de l’art. Léopold Geb prend, tout autant, en compte la mise en scène et la
symbolique de la peinture. Cette maîtrise de la Renaissance et du Baroque lui permettent de
mettre en forme sa propre symbolique.
Une des œuvres, de ce courant, illustrant l’admiration de Léopold Geb est le reniement de
saint-Pierre de Gérard Seghers. Il s’en est d’ailleurs inspiré pour un de ces travaux datés du
13 décembre (ill. 63). Le travail sur bois permet de conserver une certaine chaleur. Le travail
spectaculaire de la lumière (ici blanche) montre l’influence que Léopold Geb a eu pour le
travail du mouvement caravagisme.
Dans une de ces œuvres, mise au tombeau (ill.65) du 15 novembre, l’influence de
l’iconographie et la symbolique prend forme. Effectivement le rapprochement avec la mise au
tombeau (ill.66) de Caravage est concret. La position des personnages prend une autre forme
mais l’expression de la figure morte est proche.
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Dans un autre registre de représentation, Léopold Geb réinterprète le travail de Caravage et
surtout de ses suiveurs.
Lépold Geb décrit son influence pour ce mouvement : « Je pense que cela a de sens pour tout
un chacun. Cela a une réelle force qui pourrait s’expliquer par le fait qu’un travail soit moins
basé sur le symbole religieux pur mais sur une représentation d’avantage photographique. 37»
Une fois de plus, par sa modernité, Caravage a su créer un dialogue pictural qui encore
aujourd’hui ouvre le champ des possibilités graphiques.
2.3. Prise de position de la mise en scène
Edouard Levé (1965-2007), est un écrivain ayant mené à la fois une carrière
photographique. Il conçoit ses tableaux selon son imagination. Sa démarche est totalement
onirique. Edouard Levé dit lui-même qu’il n’a pas été influencé par la photographie ni le
cinéma mais par la peinture du XVI, XVII et XVIIIème siècles. Il trouve alors ce qu’il cherche
à retranscrire dans son travail, la perception d’une continuité, d’une narration. C’est un jeu
avec les codes. Ce que nous pensions être des énigmes à l’époque n’en était pas forcément et
inversement. Tout cela s’exprime dans le travail d’Edouard Levé. Il conçoit des tableaux
photographiques d’après son imagination et notamment à partir de ses rêves. Nous
remarquons dans toutes ses séries, Amérique, Rugby, Fictions, Transferts, Rêves reconstitués,
etc. le trouble d’une disparition, une atmosphère surréaliste. Elle pose le questionnement
d’absences énigmatiques. Edouard Levé nous emmène dans un monde de fantasmes, qui
pourraient être les nôtres ?
Ses œuvres ne nous donnent pas de fins, il n’y a pas de chutes. C’est le pouvoir de l’artiste qui
ne nous montre pas ce qui a disparu. Il n’y a plus de repères spatio-temporels.
Edouard Levé met en scènes ses rêves. Il écrit puis dessine la description de ses rêves au
réveil. Cela lui permet alors de se souvenir de la description des personnages et de la position
des objets et le lien avec l’emplacement. Il y a deux niveaux de travail dans le cas des rêves.
Soit il demande à des personnes de jouer le rôle des personnages de ses propres rêves. Ou
comme un analyste, il demande à des personnes de leur raconter leurs rêves et il met ensuite
en scène le rêve de l’autre en le plaçant, bien évidemment comme personnage principal.
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
37
Léopold Geb, propos recueillis par Claire Reigneau Desproges le 12 mars 2013, cf. annexes
p.63.
!
$&!
Edouard Levé a été influencé par deux grands peintres de l’Histoire de l’art : Caravage et
Georges de la Tour (Vic-sur-Seille, 1593 – Lunéville 1652). De l’œuvre de Caravage, il a
repris la mise en scène et le dit lui-même : « Dans les tableaux de Caravage, comme dans mes
photographies mises en scènes, il y a des personnages dont le nombre est quasiment identique
(entre un et six) ; ils sont de plus cadrés de la même façon. 38» Dans la série, Fictions, toute en
noir et blanc, la mise en scène fait étonnamment penser à celle de Caravage. Dans cette
œuvre, sans titre (ill. 67), les personnages prennent positions en pyramide, comme une
ascension. Cela fait penser à la mise au tombeau ou encore au martyre de saint Mathieu. Dans
cette autre photographie, sans titre (ill. 68), Edouard Levé fait poser un groupe de
personnages qui se place comme des figures allégoriques qu’on pensait reléguer aux
figurations antiques.
L’absence de fond est une autre manière de représentation qu’Edouard Levé a tiré de l’œuvre
de Caravage. Tout comme lui, l’artiste photographe choisit de placer ses personnages sans
contexte ni place géographique. Cela ajoute une proximité du spectateur vis-à-vis des
personnages mais chez Edouard Levé cela renforce également le caractère onirique de ses
photographies. Le fond de toutes les photographies de cette série, Transferts, est noir. Mais
contrairement à Caravage, où la lumière est clairement directionnelle, chez Edouard Levé,
elle est diffuse.
Il ressort dans les photographies d’Edouard Levé, de l’influence inconsciente de ces deux
grands peintres que sont Caravage et Georges de la Tour, ce qu’il nomme des « objets
transactionnels ». Ces objets qui apparaissent, notamment dans sa série Rêves reconstitués,
font le lien entre les personnages. Ceci se retrouve dans les tricheurs (ill.9) de Caravage, les
personnages sont liés par les cartes. Dans le cinquième Rêve reconstitué (ill.69), le lien est fait
par l’œuvre d’art contemporain accrochée sur le mur. Tout comme chez Caravage, Edouard
Levé met en évidence l’objet qui devient alors sujet principal de l’œuvre. Dans le tricheur à
l’as de carreau (ill.70) de Georges de la Tour, ce sont les mains qui deviennent sujet principal
du tableau tout comme dans la série, Rugby 2003, sans titre (ill.71), les personnages sont liés
par les mains.
De ce patrimoine culturel ancré en nous, Edouard Levé a repris de l’œuvre de Caravage son
fonctionnement de mise en scène et de symbolique. Dans une autre série, Transferts 2004, La
Blessure (ill.72) est une photographique faisant référence à l’œuvre de Caravage : la position
du corps, l’expression du personnage, le travail de la lumière sur le corps.
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
38
Edouard Levé, propos recueilli par Mathilde Villeneuve, juin 2013, paris-art.com
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L’influence, qu’elle soit inconsciente ou non, est évidente. Cela fait référence, pour exemple,
à la flagellation du Christ (ill.21).
Edouard Levé est un poète dans son œuvre photographique. Il utilise d’ailleurs l’Ut pictura
poesis de la peinture classique qui se devait de donner aux tableaux des œuvres des grands
poètes et de la Bible. Etant lui-même poète, cela va de sens.
L’influence de Caravage dans l’œuvre d’Edouard Levé, s’est donc placée de différentes
manières : la mise en scène, la place des objets du quotidien et la poésie retranscrite dans les
personnages.
Illustration 72
Edouard Levé, la blessure, série transferts, 2004 - photographie
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2.4. Illustration d’un message
En continuant dans l’art photographique, Nan Goldin, née en 1953, s’est elle aussi,
d’une autre manière, inspirée de Caravage. La démarche de Nan Goldin, de son vrai prénom
Nancy, est de prendre en photographie ses amis et ses proches dans le milieu dans lequel ils
évoluent. Lorsqu’elle était âgée de onze ans, sa sœur ainée Barbara se suicide. Traumatisée
par cet événement tragique, dès ses quinze ans, Nan Goldin commence à prendre en
photographie ses amis pour garder un souvenir impérissable. Par la suite, elle va prendre en
photographie les jeunes drags queens de Boston avec qui elle se lie.
Sa première exposition aura lieu en 1973 dans une galerie de Cambridge. Elle présente les
milieux gays et travestis. Elle va ensuite prendre des clichés des membres de la culture punk
où la drogue dure est un vrai fléau. Nan Goldin présente alors son travail comme une
performance. Sa relation amoureuse avec Brian va être la source d’une série de photographies
qui prendront une place majeure dans son œuvre. Elle montre au public sa relation, de
l’agonie du couple jusqu'à des autoportraits où on la voit meurtrie par les coups de son amant.
A la fin des années 1980, le Sida fait des ravages et nombreux sont les amis de Nan Goldin
qui vont être touchés. Elle les suivra tout au long de leur maladie jusqu’à leur lit de mort,
toujours en prenant des clichés. Nan Goldin a toujours considéré la photographie comme
médium idéal pour garder une trace de vie et une deuxième mémoire.
La violence de certaines photographies reste marquante, surtout qu’il n’y a aucune trace de
fiction. Dans One month after being battered (ill. 73), 1984, elle se prend en photographie
face caméra, le visage tuméfié. Ses blessures font mal à regarder et le fond bleu accentue
encore la froideur de la représentation. Dans cet autoportrait, elle attire un regard
compassionnel. Le registre du pathos est inévitable.
Claudia Vialaret, dans sa conférence : la part d’ombre, autoportraits d’hier et d’aujourd’hui :
Caravage, Nan Goldin, Cindy Sherman décrit cette œuvre de Nan Goldin comme un
autoportrait en situation, elle est droguée et battue.
Chez Caravage, il y a également cette notion d’autoportrait en situation comme le Bacchus
malade ou dans le matyre de saint Matthieu où il se place comme spectateur de la violence,
tout comme Nan Goldin finalement. L’idée de l’autoportrait est une nouveauté à l’époque de
Caravage, Nan Goldin reprend ici ce moyen d’expression. Malgré une grande violence dans
l’œuvre de Caravage, il y a pourtant une grande humanité. Caravage peignait également les
gens de son entourage et du peuple. C’est exactement le cas de Nan Goldin, elle nous montre
le quotidien de ses amis qu’ils soient drogués, battus, malades mais dans une grande humanité
!
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malgré une violence parfois inacceptable pour la plupart des gens. Une vision que nous ne
voudrions pas voir. Caravage peignait ses tableaux avec une passion souvent violente, mais en
gardant un côté humain essentiel. Il y a beaucoup de cris dans l’œuvre de Caravage comme le
jeune bourreau dans le martyre de saint Matthieu. Plus encore, la violence de l’acte de Judith
dans Judith et Holopherne.
La démarche de Nan Goldin est claire. Ses photographies sont dénuées de toute superficialité
pour retranscrire un message pur et brut. Il n’y a aucune pudeur et aucune volonté de
« beauté ».
La passion qu’exprime Mathieu Riboulet dans, les œuvres de Miséricorde nous a une
fois de plus démontré que Caravage touche à tous les niveaux artistiques. Le thème du livre
n’étant pas la peinture, Mathieu Riboulet fait tout de même de très nombreuses références à
l’œuvre du peintre italien et montre son admiration pour lui.
« J’ai lors de ce récent séjour, visité les grands Caravage, qui résident à Rome (on aura depuis
longtemps compris, je l’espère, le caractère obsessionnel de quelques-unes de mes
préoccupations), où œuvrent face à face le travail de la grâce et de la mise à mort {…} 39»
Mathieu Riboulet, né en 1960, a suivi des études de cinéma et de lettres modernes. Il
commence sa carrière en réalisant pendant une dizaine d’années des films de fictions et des
documentaires puis se consacre à l’écriture.
Dans ce livre, Mathieu Riboulet parle des œuvres de miséricorde dite « corporelle ». Connues
de chaque individu d’éducation chrétienne, ces œuvres de miséricorde sont à accomplir afin
de racheter ses péchés, se montrer charitable et de faire le poids lors du Jugement Dernier,
essence de la religion chrétienne.
Elles sont énoncées dans l’Evangile selon saint Matthieu (XXV 25 et 34-36).
Il s’agit de : « donner à manger à ceux qui ont faim, donner à boire à ceux qui ont soif, vêtir
ceux qui sont nus, loger les pèlerins, visiter les malades, visiter les prisonniers, ensevelir les
morts 40».
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
39
Mathieu Riboulet, les œuvres de miséricorde, fictions et réalités, éditions Verdier, 2012,
chapitre 8 « peindre ceux qui sont nus », p.64.
$+!Mathieu Riboulet, les œuvres de miséricorde, fictions et réalités, éditions Verdier, 2012,
Préambule, p.10.
!
!
%+!
Le dernier impératif aurait été ajouté plus tard. A cela s’additionnent sept œuvres de
miséricorde spirituelle qui ne sont pas énoncées dans l’étude de Matthieu Riboulet.
Caravage a illustré ces sept œuvres de miséricorde dans un tableau monumental de 3 mètres
90 centimètres sur 2 mètres 60 centimètres, conservé à l’église Pio Monte della Misericordia à
Naples.
Matthieu Riboulet aborde ces sept œuvres de miséricorde en les testant, par le réel ou
l’imaginaire. Il fait part de plusieurs aspects de la peinture de Caravage et aborde donc une
expérience imaginaire face à ces sept œuvres de miséricorde. Mathieu Riboulet réinterprète
ici ces sept œuvres de miséricorde en faisant un parcours personnel et en voulant découvrir ce
pays qu’est l’Allemagne.
Dans le chapitre 3 « Toucher ceux qui sont nus », le narrateur dépeint sa rencontre avec un bel
homme allemand, prénommé Andreas, et nous raconte son expérience sexuelle. En décrivant
le corps d’Andréas, le narrateur le compare à un fantasme, une passion pour ce corps qu’il n’a
pu admirer que dans la peinture et notamment dans les œuvres de Caravage. La beauté des
corps des modèles du grand peintre italien peut effectivement produire une certaine attirance.
Le réalisme ajoute à tout cela une possibilité de réalité.
« Ce n’est pas un corps d’aujourd’hui mais un corps de peinture, c’est-à-dire un corps de
toujours, venu des très vieux temps. L’époque où nous sommes ne consent à les voir que dans
les musées, les détaille chez Caravage, les discute chez Greco, sans songer qu’ils venaient de
la rue où ils se tiennent toujours, d’autant plus émouvants de revenir à nous dans de telles
lumières…41 »
La manière dont Mathieu Riboulet décrit ce corps fait penser au corps sensuel de saint JeanBaptiste (ill.19).
Mathieu Riboulet décrit les corps des hommes avec qui il a une aventure comme sortis des
tableaux des grands peintres de l’Histoire de l’art et notamment de la Renaissance.
« dont {Andréas} j’ai infiniment aimé les gestes et l’attention, portés par un de ces corps
ramassés, denses que Caravage a donnés au bourreau de saint Jean-Baptiste - à quelques
autres aussi. 42»
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
$*!Mathieu Riboulet, les œuvres de miséricorde, fictions et réalités, éditions Verdier, 2012,
chapitre 6 « Toucher ceux qui sont nus », p.31.!
42
Mathieu Riboulet, les œuvres de miséricorde, fictions et réalités, éditions Verdier, 2012,
chapitre 6 « Toucher ceux qui sont morts », p.48.
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%*!
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Mathieu Riboulet insiste sur le réalisme de la peinture de Caravage et place alors son ouvrage
dans une réalité différente de ces œuvres de miséricorde qui sont pour lui plus de l’ordre de
l’imaginaire. Caravage intervient ici à la fois comme un fantasme de la chair et une réalité
formelle.
Dans le chapitre « Visiter les prisonniers », Mathieu Riboulet décrit le tableau de Caravage, la
décollation de saint Jean-Baptiste. Matthieu Riboulet compare donc la mort et la sexualité
qu’il a partagée avec Andreas.
« J’étais sûr du plaisir que nous nous donnerions, et sûr aussi qu’il aurait eu la même
délicatesse pour me trancher la gorge que pour me pénétrer, qu’à cela une vibration eût suffi à
nous précipiter. 43»
C’est cette comparaison qui prouve que la peinture de Caravage est toujours d’actualité et
contemporaine. Elle inspire les artistes, dans leur étude qu’elle soit plastique, philosophique
ou personnelle. Caravage se place comme un mentor, une sorte de référence à qui chacun
pourrait faire appel.
Les mains, caractéristique essentielle dans l’œuvre de Caravage, Mathieu Riboulet insiste sur
cet élément.
« Toujours les mains : le geste qu’il faut pour peindre, le geste qu’il faut pour aimer, celui
qu’il faut pour frapper. Le rapprochement n’est pas fortuit, il a sa pertinence religieuse,
humaine et politique, la pertinence de l’art face à l’horreur humaine et à l’indifférence
divine. 44»
Effectivement, ces mains sont figures principales des tableaux de Caravage. Mathieu Riboulet
les intègre lui aussi comme sujet principal de son livre. Tout comme le peintre, l’écrivain
travaille avec ses mains. Les deux artistes ont le même outil d’expression.
En décrivant le travail du peintre, Mathieu Riboulet parle du prosaïsme sacré de Caravage.
L’aspect sacré de l’ouvrage est accentué par les références à la peinture de l’artiste. Le
pinceau de Caravage trouve alors un sens philosophique à travers la plume de Mathieu
Riboulet.
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43
Mathieu Riboulet, les œuvres de miséricorde, fictions et réalités, éditions Verdier, 2012,
chapitre 4 « Visiter les prisonniers », p.35-36.
44
Mathieu Riboulet, les œuvres de miséricorde, fictions et réalités, éditions Verdier, 2012,
chapitre 12 « Battre les prisonniers », p.93.
!
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« De quelle liberté inouïe s’est-il nourri que je la sente encore à l’œuvre sur la toile où les
horizons s’ouvrent ? 45»
Caravage a une fois de plus parlé au temps moderne. La liberté de son expression permet un
dialogue entre le passé et le présent.
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45
Mathieu Riboulet, les œuvres de miséricorde, fictions et réalités, éditions Verdier, 2012,
chapitre 12 « Battre les prisonniers », p.65.
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Troisième partie : L’appropriation du monde de l’art
Tous ces exemples nous permettent d’appréhender l’œuvre de Caravage dans la création
contemporaine et d’étudier son influence. Cette fascination a pu s’étendre après les recherches
et la redécouverte de l’artiste à la fin de la seconde guerre mondiale.
3.1. Les expositions
L’exposition Corps et ombres : Caravage et le caravagisme européen est un exemple de cette
vaste effervescence autour de l’artiste dans le monde de l’art. Cette étude vise à regrouper
d’un point de vue historique les peintres de cette période.
L’année 2010, 400ème anniversaire de la mort de Caravage, a été l’occasion de nombreuses
études. Dans une autre démarche, une exposition inédite a eu lieu à Rome sur Caravage et le
rapprochement de l’œuvre de Bacon. Ce travail inédit a été très bien accueilli à la Villa
Borghèse, là où sont conservé nombreux Caravage.
Ce n’est pas une exposition historique mais la proposition d’une expérience esthétique.
L’exposition ne vise pas à montrer que Caravage aurait influencé Bacon. La comparaison est
pourtant inévitable. Cette initiative ne visant aucun but rétrospectif, historique ou comparatif
prouve que Caravage a une portée symbolique dans l’Histoire de l’art au delà des études
techniques. L’exposition pose des questions spontanées mais complexes. Cette mise en
parallèle permet de décrire les deux artistes de génie.
L’influence de Bacon a forcément été inconsciente. Il connaissait très bien l’œuvre de
Caravage et son caractère torturé mais d’un point de vue stylistique formel ce n’est pas une
comparaison objective.
Francis Bacon, 1909-1992, anglais d’origine connaît une enfance difficile dans une famille
tourmentée. Il est chassé du domicile familial à 17 ans lorsque son père découvre son
homosexualité. Francis Bacon commence à travailler en tant que décorateur contemporain à
Londres. Il commence à peindre ses premières peintures à l’huile et est influencé par Picasso,
Rembrandt, Vélasquez. Il est intéressant d’apprendre cela étant donné que Rembrandt et
Vélasquez ont eux aussi été influencés par Caravage.
!
%$!
Après la seconde guerre mondiale, Bacon se consacre uniquement à la peinture. Son œuvre se
caractérise par une déformation du corps humain, une certaine violence et une esthétique de
l’angoisse. Ceci est notamment visible dans trois études de figures au pied d’une crucifixion
(ill. 74). En 1956, il réalise son premier autoportrait (ill.75).
Francis Bacon connaîtra un grand succès et est considéré comme un des plus grands artistes
du XXème siècle. Son œuvre est déchirante, surtout pour le corps et la figure humaine, mais
sans jamais chercher l’abstraction. Ses peintures sont devenues incontournables.
Dans l’œuvre de ces deux grands peintres nous découvrons certaines similitudes.
Dans les toiles de Caravage, la violence est parfois très présente et nous ne pouvons pas en
dire moins de Bacon. On remarque notamment le cri présent chez le peintre italien dans la
méduse ou encore dans le sacrifice d’Isaac (ill. 76). Les peintures de Bacon sont bruyantes
également : Head VI (ill.77). Cette violence qui est exprimé par les deux peintres est
l’illustration des tourmentes de leur personnalité individuelle. Bien qu’elles soient plus
présentes chez Bacon, du moins qu’elle se retranscrit plus lisiblement dans son œuvre.
Francis Bacon a peint plusieurs autoportraits, comme une quête d’identité. Tout comme Nan
Goldin, une mise en situation de son œuvre et de lui-même. Nous pouvons donc rapprocher ce
travail de celui de Caravage.
Le désir de dépeindre l’humanité est fort chez Caravage, il l’est autant chez Francis Bacon.
Ce dernier ne cherche pas à représenter une population ou à prouver certaines choses. Mais
dans son époque et à sa manière, Bacon a montré la violence qui l’avait marqué notamment
pendant la seconde guerre mondiale. L’étude des corps et des figures est primordiale dans son
travail. Painting (ill.78), est une recherche d’identité peint par le dédoublement du
personnage. Cela se rapproche de l’étude du moi, du surmoi et de çà dans la philosophie de
Freud.
La juxtaposition de l’œuvre de Caravage et de Bacon compare directement la représentation
traumatique de la grande énigme de l’existence humaine et de la vraie chair.
Dans l’art contemporain, les thématiques autour de Caravage sont également
présentes. Ce lien permet de faire écho pour le grand public à un art qu’il connaît déjà et
facilite la compréhension de l’œuvre contemporaine.
A Bordeaux, en 2007, s’est tenue une exposition d’art contemporain intitulée : turbulences et
perspectives caravagesque. Cette exposition a présenté un dispositif impressionnant de
vidéoprojecteurs dans un espace de 70m2. Les images projetées formaient comme un vaste
champ de lignes et de couleurs.
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3.2. Les colloques et les publications
Les publications et les colloques à propos de Caravage sont nombreux depuis quelques
années.
A l’occasion du forum d’Avignon en 2011, Hector Obalk, critique et historien de l’art,
propose de nous faire redécouvrir l’œuvre de Caravage grâce aux nouvelles technologies. Le
numérique peut-il changer la façon dont on voit un tableau ? Il répond à la question par
l’affirmative. Une expérience qui permet de vivre ses tableaux dans les moindres détails, ses
couleurs et ses techniques.
Il nous explique comment il faut regarder un tableau avec le numérique. Selon lui, c’est peutêtre même mieux que dans les musées qui sont eux fait pour conserver les œuvres. S’il y a du
monde, que l’œuvre est protégée par une vitre ou s’il y a le reflet vert de l’issue de secours sur
le tableau est ce vraiment une manière d’apprécier le tableau ? Grâce au numérique, les
couleurs sont souvent mieux rendues, la lumière également.
Dans son travail d’archiviste, il s’est intéressé à l’œuvre de Caravage. Il y a 85 tableaux de
Caravage, 13 brûlés ou perdus, il en reste donc 72. Un tableau n’est pas totalement une unité
pour ce qui est des œuvres d’art. En vérité les tableaux du XVIème siècle sont plutôt identiques
mais ce sont dans les détails qu’ils sont différents. Dans les détails, on découvre alors des
milliers de tableaux différents.
Hector Obalk propose une explication de son œuvre à travers les détails de ces tableaux. Les
nouvelles techniques numériques lui ont permis d’appréhender le travail du grand peintre
Lombard d’une autre manière que celle qui avait déjà été proposée. Il a regroupé tous les
visages de Caravage, tous les détails des mains dans ses tableaux, ce qui nous permet ainsi
une vision d’ensemble, de comparaison et d’étude inédite.
« C’est à dire que tout d’un coup, vous avez mis l’humanité caravagesque dans le creux de
votre main46 ».
On voit alors que Caravage affectionne tout particulièrement les visages de ces jeunes
hommes, que les femmes sont belles mais sont des saintes intouchables et que les hommes
sont des monstres, méchants. Pour ce qui est des personnes âgées, Caravage en avait horreur
et leur peau est calcinée. C’est toute l’humanité de Caravage qui est reflétée.
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46
Hector Obalk, forum d’avignon, 2011.
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Grâce à cette technique, nous pouvons remarquer que Caravage a utilisé les mêmes acteurs
pour certains de ces tableaux. On reconnaît, quand ils sont mis côte à côte le même visage
dans le saint Jérôme écrivant (ill.79) et Abraham et Isaac (ill.76).
Suite à tous ces travaux concernant l’inventeur du clair-obscur et à nos rencontres,
nous avons une révélation importante à propos de l’œuvre de Caravage et notamment de sa
technique de travail.
Tous les artistes contemporains qui se sont inspirés de Caravage nous font savoir que sa
manière photographique de peindre a permis une lecture intemporelle de son œuvre. Avec des
méthodes et des domaines de travaux distincts que ce soit C215, Cesare Capitani, Léopold
Geb ou encore Claudia Vialaret à la même question : comment expliquer que le Caravage
fascine encore aujourd’hui dans la création contemporaine ? La réponse est unanime :
Caravage peignait de manière photographique.
Caravage aurait-il alors eu accès à des techniques spécialisées, déjà à l’époque, qui lui aurait
permis de rendre une autre dimension à sa peinture ?
Claudia Vialaret parle du rapport entre la photographie et Caravage par plusieurs aspects : le
cadrage : « il cadre son image dans une distance très intime, il enferme ses personnages et
cadre serré47 ». L’espace est réduit, il n’y a pas de profondeur de champ, pas de lieu précis,
pas de lointain, on peut alors presque toucher les personnages. Il utilise également un
éclairage de manière savante, « cette lumière guide notre regard comme la photographie
aujourd’hui.48 »
Claudia Vialaret révèle dans sa conférence la part d'ombre, autoportraits d'hier et
d'aujourd'hui : Caravage, Nan Goldin, Cindy Sherman le rapprochement qu’il peut y avoir
avec l’art contemporain, à propos de la photographie. « Il a inventé une façon de peindre des
figures dans la pénombre brune d’une pièce fermée sous une lampe haut placé.49 »
Ces hypothèses correspondent aux avancées de l’optique de l’époque. Lorsque Caravage était
sous la protection de Del Monte, Galilée a offert à son protecteur un des tous premiers
télescopes, l’invention datant de 1590.
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47
Claudia Vialaret, propos recueillis par Claire Reigneau Desproges le 22 février 2013,
cf.annexes p.66.
48
Claudia Vialaret, propos recueillis par Claire Reigneau Desproges le 22 février 2013, cf.
annexes p.66.
49
Claudia Vialaret, propos recueillis par Claire Reigneau Desproges le 22 février 2013, cf.
annexes p.66.
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Nous souhaitons faire part des découvertes de deux figures artistiques, création et
recherche, qui ont cherché à comprendre cette manière presque photographique de
représentation chez Caravage.
David Hockney (1937-), artiste plasticien pop art, émet l’hypothèse que Caravage aurait
utilisé des instruments optiques, un miroir ou une chambre noire, pour transposer ses
personnages sur la toile. Baglione, plusieurs siècles avant, décrit quelques figures en buste de
l’artiste qui auraient été représentées à l’aide d’un miroir. Il est difficile de déterminer si c’est
pour une simple étude physionomique ou une transposition sur la toile. Dans la continuité de
cette hypothèse, Roberta Lapucci a envisagé, très récemment, l’utilisation d’un procédé quasi
photographique. Caravage aurait utilisé une préparation à base d’éléments chimiques
photosensibles pour fixer l’image projetée sur la toile.
Caravage « était certes à de nombreux points de vue le premier artiste moderne ; le premier
artiste à avancer non en suivant le principe de l’évolution mais de la révolution…50»
3.3 La problématique de l’attribution.
Toutes ces nouvelles recherches sur l’artiste prouvent l’engouement du monde de l’art
pour son œuvre. Justement, un artiste pour lequel les discussions fusent est sujet à divergence
et questionnement.
Une des grandes problématiques autour de Caravage est le problème des attributions.
Pour un si grand artiste, créant une révolution dans l’Histoire de l’art, son œuvre peinte n’est
pas très vatse comparée à d’autres grands artistes. Moins d’une centaine sont reconnus. Si on
ajoute cela à la personnalité fascinante de Caravage, il est évident que la curiosité est attisée
pour les spécialistes.
Dans la course à l’abîme, Dominique Fernandez aborde ce problème en faisant parler le
grand père de l’artiste.
« Chaque connaisseur se prétend infaillible et met un point d’honneur à prouver que son
confrère a tort. Si, comme je l’espère, tu te fais un nom dans la peinture, tu verras une nuée de
prétendus spécialistes fondre sur tes tableaux {…} 51» D’une manière, certes romanesque,
Dominique Fernandez aborde le problème d’attribution qui concerne Caravage.
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50
Roger Fry, 1905, Caravage, l’œuvre complet, de Sébastien Schütze éditions Taschen, 2009.
51
Dominique Fernandez, la course à l’abîme, éditions Grasset & Fasquelle, Le Livre de
Poche, 2002, Livre I, p.80.!
!
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Nous avons pu remarquer que depuis quelques années, les spécialistes de Caravage attribuent
et dépossèdent des œuvres au peintre italien.
En 2010, une découverte surprenante envahit le monde de l’art. Un tableau de Caravage aurait
été découvert chez les Jésuites de Rome, le martyre de saint Laurent (ill.80). Certes, la mise
en scène du tableau est une prise de risque qui pourrait appartenir à l’œuvre de Caravage mais
pouvons nous juger de la touche de l’artiste sur ce seul critère ? Les historiens de l’art ont vite
tranché sur le fait que bien que la lumière contrastante fait penser sans aucun doute à une
œuvre caravagesque, il ne s’agit pas d’une œuvre de la main de l’artiste. Le tableau est
composé de quatre personnages, saint Laurent au premier plan entouré de ses deux bourreaux
ainsi qu’une quatrième figure se cachant le visage. Le geste de saint Laurent aurait été chez
Caravage surement plus gracieux.
Mina Gregori, professeur à l’université de Florence, dit que le XVIIème siècle avait été mis de
côté pendant une longue période et que c’est une des raisons pour laquelle on retrouve de
nombreux tableaux de cette période.
Cette découverte n’a pas été non plus révélée n’importe quand, l’année des quatre cent ans de
la mort de l’artiste. De plus, une grande exposition, lui étant consacré avait ouvert ses portes à
Rome et avait attiré beaucoup de visiteurs.
Il y a des noms de l’Histoire de l’art, comme Léonard de Vinci, qui ressortent souvent car soi
disant une nouvelle œuvre aurait été découverte. Caravage a le privilège de faire maintenant
parti de ce petit groupe de peintres célèbres qui fascinent le monde de l’art.
Cette même année, 2010, les chercheurs ont également redécouverts les ossements de
Caravage à Porto Ecole. Mais nous savons aujourd’hui qu’il ne s’agit pas de ceux du peintre.
Caravage devient alors un objet de dévotion si l’on retrouve ces reliques.
Le 5 juillet 2012 est annoncé, dans le Figaro.fr, la découverte de deux à trois cent dessins et
tableaux de la main de Caravage. Il y aurait même une lettre écrite de sa main. Ces œuvres
auraient été retrouvées dans le château de la famille Sforza à Milan. D’une valeur estimée à
sept cent millions d’euros, les dessins et peintures appartenaient au « fonds Peterzano », du
peintre Simone Peterzano chez qui Caravage avait commencé son apprentissage.
Une découverte d’un fond aussi important, à la vue de tous, paraît surréaliste.
Le 10 juillet 2012, La page « culturebox » de francetv.fr publie un article démentant
l’annonce faite quelques jours plus tôt.
Les deux experts Maurizio Bernardelli Curuz et Adriana Conconi Fedrigolli auraient dirigé
pendant plus de deux ans de recherches sur ce « fonds Peterzano ».
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Afin de prouver leur théorie, les deux experts comparent certains dessins à des œuvres du
peintre. Le dessin du visage d’une vieille femme qui pourrait se rapprocher de celui de Judith
et Holopherne.
A l’annonce de la découverte, la municipalité de Milan, propriétaire du château des Sforza et
du fonds Peterzano avait appelé à la prudence en attendant une confirmation. D’autant plus
étrange qu’elle n’avait été prévenue de rien, et qu’elle a appris la nouvelle en même temps
que le grand public et que les deux experts ne seraient pas venus les deux dernières années.
Dans « Il Fatto Quotidiano », Tomaso Montanari, historien de l’art affirme que les deux
experts sont des inconnus du monde historico artistique et des études caravagesques.
Sur leur site officiel, les deux experts parlent d’une des plus grandes découvertes de l’Histoire
de l’art et en profitent pour vendre les ouvrages concernant l’étude : Giovane Caravaggio - Le
cento opere ritrovate (le jeune Caravage, les cent œuvres retrouvées), volume I et II.
Sur un site non reconnu par le monde de l’art et en publiant deux livres aussi rapidement
comment les doutes ne peuvent-ils pas grandir ?
Les plus grands spécialistes, comme Claudio Salsi, conservateur au Metropolitan museum of
art de New York, démentent alors cette découverte.
Ceci n’est ni plus ni moins un exemple précis et indéniable de l’effervescence qui plane sur
Caravage. L’engouement est tellement grand pour l’artiste que la demande en est donc
d’autant plus forte. Cela prend alors des proportions surdimensionnées.
Encore plus récent, début février 2013, le petit village de Lucelle, Jura alsacien, détiendrait un
chef d’œuvre de Caravage. Le tableau découvert est le portrait de Gregorius XIV (ill.81), pape
contemporain du peintre, et est signé « Michelangelo dette il Caravaggio ». Le tableau aurait
été offert par la famille Sierentz à la Maison Saint-Bernard de Lucelle. André-Paul Weber,
écrivain et historien a fait cette découverte. Le tableau reste cependant à authentifier. Le style
clair-obscur du tableau et la signature font tout de même penser à Caravage.
André-Paul Weber va devoir répondre à de nombreuses questions. Et en premier lieu
comment ce tableau est-il arrivé en Alsace ? Affaire à suivre…
Toutes ces découvertes démontrent que le mythe de Caravage est plus que présent et que le
peintre fascine le monde de l’art. L’engouement actuel est lié à la redécouverte de l’artiste
depuis ces dernières décennies et prouvent la reconnaissance de son génie et de sa grande
influence dans l’Histoire de l’art.
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Pourtant ces attributions rapides et qui s’avérèrent finalement fausses amènent une autre
problématique autour de la figure de Caravage : l’attribution.
Effectivement, l’œuvre de l’artiste compte moins d’une centaine de tableaux, ce qui est pour
un artiste de ce renom, peu.
Mais rajoute une part de mystère à cette figure déjà si problématique.
Le mythe de Caravage n’est pas près de s’éteindre.
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Conclusion
Caravage est devenu un des peintres de référence de l’Histoire de l’art. Il a su créer un
dialogue pictural qui permet aux artistes contemporains de se référer à lui dans leurs
créations.
Les artistes contemporains s’approprient son œuvre de manière différente mais nous avons
remarqué un point commun : leur admiration pour cette grande figure.
Que ce soit dans une interprétation directe de ses tableaux, où ils ont su le mettre en valeur ou
dans une approche indirecte où ils ont su capter le génie du peintre, le dialogue entre l’art
classique et contemporain est plus que passionnant.
Face à cela, le monde de l’art a saisi l’opportunité de nous présenter Caravage après de
longues années d’études et de recherches.
Tout ceci prouve que Caravage fascine la création contemporaine ainsi que les Historiens de
l’art et le grand public.
Cette problématique nous a permis de concentrer et de découvrir des artistes de la
création contemporaine influencés par Caravage.
La prise de position face au peintre étant différente chez chacun d’entre eux, nous a permis
une étude précise de l’œuvre picturale propre à chacun.
Nous avons pu démontrer que tous les domaines : arts plastiques, littéraire, théâtrale ou
encore cinématographique ont été touchés par ce que nous appellerions le syndrome
caravagesque.
La découverte d’une grande part d’humanisme chez Caravage permet de comprendre alors
cette fascination à l’heure d’aujourd’hui et de voir que l’échange n’est pas rompu entre l’art
classique et l’art contemporain.
Après avoir compris que les artistes contemporains rencontrés trouvaient chez Caravage une
prise de vue photographique voire cinématographique permet d’appréhender l’œuvre de
Caravage de manière différente mais également de comprendre en quoi les artistes
contemporains ont pu s’inspirer de son œuvre picturale.
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Le monde de l’art a pu alors nous faire redécouvrir le grand peintre Lombard grâce aux
nombreuses recherches effectuées depuis le milieu du XXème siècle. Caravage est alors
devenu un artiste majeur de l’Histoire de l’art et sera donc à jamais une source d’influence.
Il est bien évident que quand on est aussi célèbre, les convoitises sont nombreuses. Le
problème d’attribution de l’œuvre de Caravage est un problème complexe et qui mérite une
étude précise. Mais n’est ce pas fascinant de se dire qu’il reste encore des œuvres de
l’inventeur du clair-obscur à découvrir ?
Tout ceci nous prouve que Caravage est ancré en nous, que ce soit d’une manière directe,
indirecte, consciente ou inconsciente.
Il est comme un dieu qui doit rester caché pour reprendre les propos de Dominique
Fernandez.
Caravage ne cessera de nous communiquer son génie par la transmission de son œuvre à
travers l’Histoire.
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Annexes
Interviews
• Interview de Kévin Bonhoure, dit Lépold Geb, le 10 décembre 2012.
Propos recueillis par Claire Reigneau Desproges.
Pouvez-vous nous présenter votre parcours et votre travail ?
J’ai toujours plus ou moins dessiné, mais la vraie découverte du dessin s'est fait avec les
graffiti en 2001 et suite à la découverte du travail de quelques artistes issus de ce milieu. Cela
m’a paru comme une évidence, je voulais travailler autour du personnage et non de la
typographie.
Depuis, les années ont passé. Après des études en alternance en sérigraphie et graphisme j’ai
donc décidé de faire des études orientées vers le dessin. J’ai donc passé quatre ans dans une
école d'art sur Toulouse. Mon travail, petit à petit, a évolué et s’est éloigné de plus en plus des
influences des artistes qui furent à l’origine de ce que je voulais faire. En 2008, après mes
études, j’ai pu découvrir le monde du tatouage. J’ai ainsi passé un an dans un salon en tant
qu’apprenti de ''Guy Letattooer'' (en 2010).
Par la suite, j’ai pu mettre en place ma première exposition sur Singapore. De là, j’ai réalisé
que mon travail devait s’orienter vers la peinture car ce monde me fascinait. Mon travail, petit
à petit, a évolué vers une peinture influencée par les peintures dites « académiques » et
essentiellement par les peintures issues de la Renaissance.
Je travaille actuellement beaucoup sur la lumière dans mes peintures. Il est intéressant de voir
la perplexité du spectateur face à la scène qui lui devient plus accessible grâce aux différents
points de lumière. Cette lumière amène plusieurs sens de lecture et apporte un côté très
intimiste.
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Ce que j’aime dans ce côté intimiste est le fait que l’on peut facilement se créer sa propre
histoire.
Je n’apprécie pas livrer les clés de chacun de mes tableaux et de répondre aux questions sur le
pourquoi du comment. Je pense que les personnes qui sont spectateurs doivent se faire leur
propre histoire. C'est comme lorsqu’on lit un livre : on visualise les scènes au fil de la lecture,
c’est le même procédé pour mon travail sauf que moi je donne l’image et pas le texte.
Quelle vision avez-vous sur Caravage, qu’a-t-il apporté à l’Histoire de l’art ?
J’ai découvert le Caravage il y a peu de temps donc ma connaissance de ce peintre est encore
vague. Cependant, je pense, de ce que j’ai pu découvrir, que la personne à l’origine de ce
courant a clairement révolutionné les peintures dites « classiques religieuses ». Il a apporté ce
que personne n’avait encore jamais apporté auparavant : l’importance de la lumière. De plus,
je pense qu’il a amené un nouveau souffle dans l’Histoire de l’art « le caravagisme ».
Comment expliquez-vous cet engouement pour l’artiste dans la création contemporaine ?
Je pense que cela a de sens pour tout un chacun. Cela a une réelle force qui pourrait
s’expliquer par le fait qu’un travail soit moins basé sur le symbole religieux pur mais sur une
représentation davantage photographique.
Comment l’œuvre de Caravage vous inspire dans votre travail ?
Je ne m’inspire pas uniquement de Caravage mais du caravagisme en général et de peinture
religieuse de la Renaissance. Ce que j'aime dans ces peintures est l’importance de la mise en
scène, la symbolique qu’elle peut avoir. Cela m’inspire beaucoup dans mon travail et dans les
compositions que je suis amené à faire.
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Caravage, inventeur de la lumière et du clair-obscur. Est-ce une part importante dans votre
travail ?
A l’heure actuelle cette notion de lumière et du clair-obscur prend une place importante dans
mon travail. En effet, j’ai dans l’optique de dédier à ce courant ma prochaine exposition,
parisienne, mettre en avant l’importance de la lumière et l’histoire qu’elle peut nous raconter.
Quelle serait les œuvres dans votre travail qui illustreraient le plus cette influence ?
La dernière peinture que je suis en train de réaliser est directement inspirée d’une œuvre des
caravagesques flamands : reniement de Saint Pierre de Gérard Seghers (ill.60). Je trouve que
cette scène est intéressante au niveau du travail de la lumière. Elle dépeint ce que j’aime et me
fascine dans ce courant.
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• Interview de Claudia Vialaret, le 22 février 2013.
Propos recueillis par Claire Reigneau Desproges.
Pouvez-vous me parler de votre conférence : « La part d’ombre, autoportraits d’hier et
d’aujourd’hui : Caravage, Nan Goldin, Cindy Sherman » ?
Ma conférence était à propos du Caravage, ce qui m’intéresse c’est faire des liens entre des
artistes classiques et des artistes contemporains, cela nous relie au passé, cela montre une
espèce de continuité de choix artistique.
J’ai eu une passion qui m’a un peu passée pour Caravage, elle s’est exprimée dans mon
travail. Dans cette conférence, je me suis focalisée sur les autoportraits de Caravage, liés à sa
vie d’une manière très forte. Il est aidé par Del Monte, il est heureux de vivre et il chante,
dans le concert, premier autoportrait. Il se peint dans le petit Bacchus malade peut être pour se
représenter comme il a été après une soirée bien arrosée, il détruit en même temps le mythe de
Bacchus, le tourne en dérision et se moque de lui-même par la même occasion. Ensuite il se
peint dans le tableau le martyre de saint Matthieu, parmi les passants, visage horrifié. Il fait
partie du peuple de Rome.
Il y a un document qui le décrit : « vigoureux jeune homme, vingt – vingt-cinq ans, trapu avec
une barbe, des sourcils épais qui va vêtu d’un habit noir débraillé et porte des chaussures
noires un peu déchirées. »
J’ai fait des recherches qui expliquent ce rapprochement qu’il peut y avoir avec l’art
contemporain, à propos de la photographie. Il a inventé une façon de peindre des figures dans
la pénombre brune d’une pièce fermé sous une lampe au placée. Formule de Roberta Lapucci
qui propose l’idée qu’il utilisait une espèce de chambre noire et il passait ses modèles, l’image
était projetée sur une toile à travers une lentille ou un miroir, il utilisait une toile enduite
composée d’éléments sensibles à la lumière dans l’obscurité, il brossait l’image ainsi projetée.
Cela correspond aux avancées de l’époque sur l’optique : Del Monte a offert à Galilée un des
tous premiers télescopes, invention de 1590.
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Il tue Ranuccio Tomassioni, il s’enfuit, il apparait encore dans plusieurs autoportraits : le
martyre de sainte Ursule. Il se représente derrière Ursule, c’est complètement irréel étant
donné que celui qui lance la flèche est tout près d’Ursule et lui est derrière Ursule. Il a un air
ahuri comme si c’est lui-même qui recevait la flèche. Le temps et l’espace se réduisent
comme dans sa vie. Le David et Goliath, tête arrachée de Goliath, où il se reconnait en ce
géant abattu, lui aussi provocateur. Il y a un parallèle entre les deux. : la faute et la peur.
Il y a un rapport entre la photographie et Caravage. D’après ce que je pense, sa peinture
rejoint plusieurs aspects de la photographie, le cadrage évidemment, il cadre son image dans
une distance très intime, il enferme ses personnages et dans un cadre serré. Il place les corps
dans un espace serré, sur le tableau de la mort de la Vierge par exemple, corps très proche. La
profondeur de champ, l’espace est réduit, sans arrière-plan, du coup les personnages donnent
l’impression d’être très près, on peut les toucher, voir leurs vêtements de très près, les pieds
sales qu’on lui a souvent reproché. Il accentue le réalisme par l’absence de profondeur de
champ. Il n’y a pas de lieu précis, ni de lointain, il utilise l’éclairage, donné ses impressions et
les retranscrire dans la peinture mais ce qu’il fait aussi, c’est qu’il éclaire d’une manière d’une
savante des éléments de la scène qui ne sont pas importants : un tissu déchiré, une bassine…
Cette façon d’éclairer quelques éléments sans importance déhiérarchise l’interprétation, met
l’accent sur tout et rend les choses très réelles. Ce qui met sur le plan des objets triviaux et des
figures emblématiques, ils montrent une volonté d’annuler la hiérarchie des choses. Choix net
de l’éclairage qui guide notre regard comme la photographie aujourd’hui.
Il créait l’art baroque, il créait des scènes de paroxysme, par exemple Judith et Holopherne.
C’est juste au moment où la tête est coupée et donc c’est paroxysme, moment clé où la tête se
détache, il choisit le moment précis du basculement, ce n’était pas courant à l’époque, il
cherche le paroxysme de la violence. En cherchant ça il fascine, dans cette recherche de
violence, comme l’art contemporain se meut avec beaucoup de plaisir. Beaucoup de violence
dans son œuvre, il y a beaucoup de cris, beaucoup de force.
Je compare ensuite avec Nan Goldin, l’idée de l’autoportrait en situation. Elle-même s’est
photographiée droguée, battue. C’est aussi à la fois la violence, le caractère de l’autoportrait
en situation et un regard compassionnel. Pour Caravage c’est peindre une grande humanité.
Pour Cindy Sherman, j’analyse surtout, sa série sans titre sur les images des femmes
stéréotypées. Ce sont des fictions de femme comme si elle exprimait que les femmes
n’avaient qu’un rôle donné par la société, où sont les femmes ? C’est une dénonciation de
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l’emprisonnement psychologique de la femme, la condition féminine, notre difficulté d’être
comme à la fin de sa vie, la difficulté qu’il avait de se montrer, dans ses autoportraits tout ça
chargé de pathos. A la fin, je montre cet autoportrait où elle se montre en Bacchus malade, le
parallèle, Cindy Sherman est en Bacchus donc en Caravage, la composition est la même, son
visage outrageusement enduit de blanc, Cindy Sherman montre l’artifice et met en avant le
faux et le trucage, elle créait un deuxième degré de lecture dans sa propre image. Caravage
aussi avait joué avec son image et celle de Bacchus, les parodies se superposent dans cette
photographie qui résume et symbolise le rapport entre la peinture et la photographie.
Comment avez-vous abordez le travail de Caravage et comment vous l’êtes-vous approprié
?
J’ai fait deux choses différentes sur Caravage.
Jusqu’à maintenant, mon vocabulaire artistique que j’ai développé, c’est le froissement de
l’image photographique et donc là ce froissement j’en fais le reflet (Narcisse) même chose
pour Madeleine repentante, la mort de la Vierge et même chose pour David et Goliath, où je
me représente en autoportrait tout comme pour la Méduse. Reprise de la composition, de la
lumière tout en utilisant ma manière à moi de froisser les images et de me les approprier. Puis
il y a des représentations du Caravage que j’imprime, que je froisse directement et que je
m’approprie complètement, le repos pendant la fuite en Egypte, tout est tourné autour du
visage de la Vierge. Ce sont deux manières de me les approprier soit je reprends les mises en
scène, soit je reprends matériellement l’image et j’en créais une.
Je pense aussi qu’il y a une influence qui peut être plus sous adjacent que ces artistes dont je
fais partie qui se sont inspirés directement de Caravage. Des artistes mettent les choses à
distance et jouent avec les espaces, comme Francis Bacon en construisant l’espace.
Je travaille en ce moment sur une comparaison de portraits, entre les visages du Caravage et
les visages de mes modèles.
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Comment expliquez-vous ce mythe autour de l’artiste, cette fascination pour son œuvre et
sa personnalité ?
Selon vous, pourquoi Caravage attire à nouveau les contemporains ?
J’adore sa peinture pour ce qu’elle est, la concentration de ses images, je crois que c’est ça qui
plaît beaucoup, la théâtralisation des scènes, la rencontre en l’espace et le temps, une image
très brillante, pertinente au niveau construction de l’image. Et plus dramatique puisque c’est
en diagonale.
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• Interview de Cesare Capitani, le 24 février 2013.
Propos recueillis par Claire Reigneau Desproges.
Pouvez-vous me raconter la naissance de cette pièce ?
Moi, Caravage est née de la lecture du roman de Dominique Fernandez « la course à
l'abîme ». Depuis un moment j'avais envie de créer un spectacle autour du célèbre peintre,
j'avais donc commencé à me renseigner et à lire divers ouvrages.
Qu'est-ce qui vous a donné envie d'adapter le roman de Dominique Fernandez au théâtre ?
Le parti pris très fort de la narration à la première personne, l'idée du voyage, de la course qui
caractérise tout le roman où vérité historique et licence poétique se mêlent.
Quelle vision aviez-vous de Caravage avant de lire « la course à l'abîme » ?
Je connaissais bien entendu ses œuvres principales, mais pas grand choses sur sa vie, sur ses
procès...
Comment vous êtes-vous imprégnés de la peau du Caravage ?
C'est le travail de l'acteur de lire, se documenter, voir les tableaux, et se fondre ainsi au
maximum dans l'histoire du personnage. J'ai essayé de trouver en moi les traits de caractère
du personnage, les points en commun, les différences.
Comment expliquez-vous ce mythe autour de l'artiste, cette fascination pour son œuvre et
sa personnalité ?
Le côté rebelle et sulfureux de son existence, la sensualité et la violence de ses toiles, tout ça
suscite forcément la fascination.
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Selon vous, pourquoi Caravage attire à nouveau les contemporains ?
Son parcours, ses tableaux sont d'une extrême modernité, et encore aujourd'hui ils parlent au
public. On se reconnait davantage dans ses toiles que dans celles d'autres peintres, il y a aussi
un grand sens de la photographie dans ses tableaux, un aspect quasi cinématographique.
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• Interview de Christian Guémy, dit C215, le 12 mars 2013.
Propos recueillis par Claire Reigneau Desproges.
Quelle approche avez-vous de Caravage ?
Pourquoi avoir choisi de faire une série sur l'artiste ?
C’est une approche personnelle, je suis très attiré par le clair-obscur et j’ai étudié l’histoire de
l’art du XVIIème, ce grand siècle. Caravage est un artiste itinérant, il a réalisé un art
contextuel, pour des lieux précis, avec un système d’éclairage, de lumière particulier et de
mise en architecture. Il peignait des anonymes et en faisait des idoles, comme ce que je fais.
Je suis aussi un grand admirateur d’Ernest Pignon-Ernest qui lui a fait le travail avant moi à
Naples et c’était aussi un hommage à lui.
Avez-vous eu des retours de la part des habitants des villes où vous avez travaillé sur
Caravage ?
Retour très positif de la part des habitants qui retrouvent Caravage d’une autre manière dans
les rues de leur ville. Je suis allé de Caravaggio à Milan, Rome puis Naples. Mon prochain
travail va se faire à Palerme et à Malte.
Comment expliqueriez-vous le mythe autour de l'artiste, de sa personnalité ?
Selon vous, pourquoi Caravage est-il un artiste qui inspire encore beaucoup dans la
création contemporaine ?
Le fait qu’il a une expérience qui nous touche aujourd’hui. Il a vécu à une époque puritaine
dans laquelle on retourne maintenant. C’est une vision du péché, modernité de son travail, ce
qu’il a fait dans le passé résonne dans le présent.
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Illustration 1
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Ambrogio Figino, (Milan, 1553 – 1608)
Saint Matthieu et l’ange
Vers 1586-1588
Huile sur bois - 220 x 130 cm
Milan, Eglise San Raffaele Arcangelo
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Illustration 2
Vincenzo Campi, (Crémone, 1536 – 1591)
Le Christ cloué à la croix
1575
Huile sur toile -196,5 cm x 136,5 cm
Pavie, Museo della Certosa
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Illustration 3
Michelangelo Merisi dit Le Caravage, (Milan 1595 – 1610)
Garçon mordu par un lézard
1593-1594
Huile sur toile - 65,8 x 52,3 cm
Londres, National Gallery
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Illustration 4
Michelangelo Merisi dit Le Caravage, (Milan 1595 – 1610)
Garçon pelant un fruit
1592-1593
Huile sur toile - 64,2 x 51,4 cm
Londres, Dickinson Fine Art
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Illustration 5
Michelangelo Merisi dit Le Caravage, (Milan 1595 – 1610)
Bacchus
1596-1597
Huile sur toile - 95 x 85 cm
Florence, Galerie des Uffizi
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Illustration 6
Michelangelo Merisi dit Le Caravage, (Milan 1595 – 1610)
Garçon avec un panier de fruits
1593-1594
Huile sur toile - 70 x 65 cm
Rome, Galerie Borghèse
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Illustration 7
Michelangelo Merisi dit Le Caravage, (Milan 1595 – 1610)
Corbeille de fruits
1597-1598
Huile sur toile - 46 x 64,5 cm
Milan, Pinacothèque Ambrosienne
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Illustration 8
Michelangelo Merisi dit Le Caravage, (Milan 1595 – 1610)
Les musiciens ou le concert
1594-1595
Huile sur toile - 92,1 x 118,4 cm
New York, The Metropolitan museum of art
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Illustration 9
Michelangelo Merisi dit Le Caravage, (Milan 1595 – 1610)
Les tricheurs ou joueurs de cartes
1595-1596
Huile sur toile - 91,5 x 128,2 cm
For Worth, Kimbell Art Museum
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Illustration 10
Michelangelo Merisi dit Le Caravage, (Milan 1595 – 1610)
Le repos pendant la fuite en Egypte
1595-1596
Huile sur toile -135,5 x 166,5 cm
Rome, Galerie Doria Pamphilj
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Illustration 11
Michelangelo Merisi dit Le Caravage, (Milan 1595 – 1610)
Tête de Méduse
1597-1598
Huile sur cuir marouflé - 60 x 55 cm
Florence, Galerie des Offices
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Illustration 12
Michelangelo Merisi dit Le Caravage, (Milan 1595 – 1610)
Narcisse
1599
Huile sur toile -110 cm x 92 cm
Rome, Galerie nationale d’art ancien
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Illustration 13
Michelangelo Merisi dit Le Caravage, (Milan 1595 – 1610)
Saint Matthieu et l’ange
1602
Huile sur toile - 295 cm x195 cm
Rome, chapelle Contarelli, Eglise Saint-Louis-des-Français
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Illustration 14
Michelangelo Merisi dit Le Caravage, (Milan 1595 – 1610)
Vocation de saint Matthieu
1599-1600
Huile sur toile - 322 cm x 340 cm
Rome, chapelle Contarelli, Eglise Saint-Louis-des-Français
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Illustration 15
Michelangelo Merisi dit Le Caravage, (Milan 1595 – 1610)
Le martyre de saint Matthieu
1599-1600
Huile sur toile - 323 cm x 343 cm
Rome, chapelle Contarelli, Eglise Saint-Louis-des-Français
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Illustration 16
Michelangelo Merisi dit Le Caravage, (Milan 1595 – 1610)
Saint Matthieu et l’ange (1ère version refusée)
1602
Huile sur toile - 223 cm x 183 cm
Berlin, Gemäldgalerie
Détruit en 1945
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Illustration 17
Michelangelo Merisi dit Le Caravage, (Milan 1595 – 1610)
La mort de la Vierge
1605-1606
Huile sur toile - 369 cm x 245 cm
Paris, musée du Louvre
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Illustration 18
Michelangelo Merisi dit Le Caravage, (Milan 1595 – 1610)
L’amour vainqueur
1601-1602
Huile sur toile - 191 cm x 148 cm
Berlin, Gemäldegalerie
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Illustrations 19.1
Michelangelo Merisi dit Le Caravage, (Milan 1595 – 1610)
Saint Jean Baptiste
1603-1604
Huile sur toile - 94 cm x 131 cm
Rome, Galerie Corsini
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Illustration 19.2
Michelangelo Merisi dit Le Caravage, (Milan 1595 – 1610)
Saint Jean Baptiste
1609-1610
Huile sur toile - 159 cm x 124 cm
Rome, Galerie Borghèse
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Illustration 19.3
Michelangelo Merisi dit Le Caravage, (Milan 1595 – 1610)
Saint Jean Baptiste
1602-1603
Huile sur toile - 173 cm x 133 cm
Kansas City, Nelson - Aktins museum
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Illustration 20
Michelangelo Merisi dit Le Caravage, (Milan 1595 – 1610)
Les sept œuvres de miséricorde
1606-1607
Huile sur toile - 390 cm x 260 cm
Naples, Pinacothèque de l’église del Pio Monte della Misericordia
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Illustration 21
Michelangelo Merisi dit Le Caravage, (Milan 1595 – 1610)
La flagellation du Christ
1607
Huile sur toile - 286 cm x 213 cm
Naples, Museo di Capodimonte
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Illustration 22
Michelangelo Merisi dit Le Caravage, (Milan 1595 – 1610)
Christ à la colonne
Vers 1606
Huile sur toile - 134 cm x 175,5 cm
Rouen, musée des Beaux-Arts
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Illustration 23
Michelangelo Merisi dit Le Caravage, (Milan 1595 – 1610)
Portrait d’Alof de Wignacourt
Vers 1607
Huile sur toile - 195 cm x 134 cm
Paris, musée du Louvre
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Illustration 24
Michelangelo Merisi dit Le Caravage, (Milan 1595 – 1610)
La décollation de saint Jean Baptiste
Vers 1608
Huile sur toile - 361 cm x 520 cm
Malte, La Valette, Cathédrale de Saint-Jean de La Valette
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Illustration 25
Michelangelo Merisi dit Le Caravage, (Milan 1595 – 1610)
L’enterrement de sainte Lucie
Vers 1608-1609
Huile sur toile - 408 cm x 300 cm
Syracuse, église Sainte-Lucie
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Illustration 26
Michelangelo Merisi dit Le Caravage, (Milan 1595 – 1610)
Nativité avec saint François et saint Laurent
1609
Huile sur toile - 298 cm x 197 cm
Palerme, Oratoire Saint-Laurent
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Illustration 27
Michelangelo Merisi dit Le Caravage, (Milan 1595 – 1610)
Martyre de sainte Urusule
1610
Huile sur toile - 143 cm x 180 cm
Naples, collection Intesa
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Illustration 28
Artemisia Gentileschi, (1593 – 1656)
Yael et Sisera
1620
Huile sur toile - 86 cm x 125 cm
Budapest, musée des Beaux-Arts
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Illustration 29
Michelangelo Merisi dit Le Caravage, (Milan 1595 – 1610)
Judith et Holopherne
Vers 1599
Huile sur toile - 145 cm x 195 cm
Rome, Galerie nationale d’art antique
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Illustration 30
Artemisia Gentileschi, (1593 – 1656)
Judith décapitant Holopherne
1611-1612
Huile sur toile – 158,8 cm x 125,5 cm
Florence, Galerie des Offices
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Illustration 31
Artemisia Gentileschi, (1593 – 1656)
Autoportrait au luth
Vers 1615-1619
Huile sur toile – 65,5 cm x 50,2 cm
Mineapolis Curtis galleries
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Illustration 32!!
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Michelangelo Merisi dit Le Caravage, (Milan 1595 – 1610)
Joueur de luth
1595-1596
Huile sur toile – 94 cm x 119 cm
Saint Petersburg, musée de l’Ermitage
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Illustration 33
Giovanni Baglione, (1566–1643)
Extase de saint François
1601
Huile sur toile – 199,4 cm x 161,3 cm
Los Angeles, County Museum of Art
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Illustration 34
Orazio Gentileschi, (1563–1639)
Saint François et l’ange
1603
Huile sur toile – 126 cm x 98 cm
Madrid, musée du Prado
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Illustration 35
Pensionante del Saraceni, (actif à Rome vers 1615-1625)
Le reniement de saint Pierre
Vers 1615-1625
Huile sur toile – 98 cm x 128 cm
Douai, musée de la Chartreuse
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Illustration 36
Bartolomeo Manfredi, (Ostiano 1582 – Rome 1622)
Le triomphe de David
Vers 1616-1618
Huile sur toile – 128 cm x 97 cm
Paris, musée du Louvre
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Illustration 37
Nicolas Régnier, (Maubeuge vers 1588 – Venise 1667)
David avec la tête de Goliath
Vers 1626-1630
Huile sur toile – 132 cm x 104 cm
Dijon, musée des Beaux-Arts
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Illustration 38
Guido Réni, (Bologne 1575 – Bologne 1642)
David vainqueur de Goliath
Vers 1605
Huile sur toile – 237 cm x 137 cm
Paris, musée du Louvre
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Illustration 39
Simon Vouet, (Paris 1590 – Paris 1649)
La Diseuse de bonne aventure
Vers 1620
Huile sur toile – 120 cm x 170 cm
Ottawa, The National Gallery of Canada
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Illustration 40
Christian Guémy dit C215, (1973-)
Jeune garçon mordu par un lézard d’après Caravage
2011
Pochoir
Rome, Via Anicia
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Illustration 41
Christian Guémy dit C215, (1973-)
Saint Jean Baptiste d’après Caravage
2011
Pochoir
Rome
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Illustration 42
Christian Guémy dit C215, (1973-)
Figure masculine d’après la diseuse de bonne aventure de Caravage
2011
Pochoir
Rome
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Illustration 43
Christian Guémy dit C215, (1973-)
Jeune garçon à la corbeille de fruits d’après Caravage
2011 - 2012
Pochoir
Naples
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Illustration 44
Christian Guémy dit C215, (1973-)
Meduse
2011 - 2012
Pochoir
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Illustration 45
Christian Guémy dit C215, (1973-)
Figures inspirés des tableaux de Caravage
2011 - 2012
Pochoir
Rome
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Illustration 46!!
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Michelangelo Merisi dit Le Caravage, (Milan 1595 – 1610)
Bacchus malade
1593-1594
Huile sur toile – 67 cm x 53 cm
Rome, Galerie Borghèse
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Illustration 47
Cindy Sherman, (1954-)
Untitled #224, Série History Portraits,
1990
Photographie
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Illustration 48
Michelangelo Merisi dit Le Caravage, (Milan 1595 – 1610)
La madone des Palefreniers
1606-1606
Huile sur toile – 292 cm x 211 cm
Rome, Galerie Borghèse
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Illustration 49
Photographie extraite du film Caravaggio de Derek Jarman, 1986.
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Illustration 50
Ernest Pignon-Ernest, (1942-)
David et Goliath d’après Caravage
1988
Dessin à la pierre noire, collé
Naples, vico seminario de nobili
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Illustration 51
Ernest Pignon-Ernest, (1942-)
La mort de la Vierge d’après Caravage
1990
Dessin à la pierre noire, collé
Naples, Spacca
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Illustration 52
Ernest Pignon-Ernest, (1942-)
Les âmes du Purgatoire
1990
Dessin à la pierre noire, collé
Naples, Zecca
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Illustration 53
Claudia Vialaret
Morceau Caravesque 1
2011
Photographie
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Illustration 54
Claudia Vialaret
Morceau Caravesque 2
2011
Photographie
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Illustration 55
Claudia Vialaret
Abstraction Caravagesque 2
2011
Photographie
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Illustration 56
Claudia Vialaret
Narcisse
2011
Photographie
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Illustration 57
Claudia Vialaret
Mort de la Vierge
2011
Photographie
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Illustration 58
Claudia Vialaret
Méduse
2011
Photographie
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Illustration 59
Claudia Vialaret
Moi, David
2011
Photographie
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Illustration 60
Gérard Seghers, (Anvers 1591- Anvers 1651)
Le reniement de saint Pierre
Vers 1620-1625
Huile sur toile – 157 x 227 cm
Raleigh, North California Museum of Art
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Illustration 61
Kevin Bonhoure dit Léopold Geb
Groupe de personnages
11 décembre 2012
Dessin sur bois
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Illustration 62
Kevin Bonhoure dit Léopold Geb
Tête sur un plateau
Dessin
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Illustration 63
Kevin Bonhoure dit Léopold Geb
Inspiration caravagisme
Dessin
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Illustration 64
Kevin Bonhoure dit Léopold Geb
Dernier travail d’inspiration caravagesque
Dessin et acrylique sur bois
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Illustration 65
Kevin Bonhoure dit Léopold Geb
Mise au tombeau
Acrylique sur bois
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Illustration 66
Michelangelo Merisi dit Le Caravage, (Milan 1595 – 1610)
Mise au tombeau
1602-1604
Huile sur toile – 300 cm x 203 cm
Cité du Vatican, Musée du Vatican
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Illustration 67
Edouard Levé, (1965-2007)
Séries Fictions, sans titre
2006
Photographie noir et blanc – 125 cm x 125 cm
Paris, Galerie Loevenbruck
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Illustration 68
Edouard Levé, (1965-2007)
Séries Fictions, sans titre
2006
Photographie noir et blanc – 102 x 125 cm ou 82 x 100 cm ou 65 x 71 cm
Edition de cinq exemplaires
Paris, Galerie Loevenbruck
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Illustration 69
Edouard Levé, (1965-2007)
Séries Rêves reconstitués, sans titre
2000
Photographie couleur – 70 x 100 cm
Edition de cinq exemplaires
Paris, Galerie Loevenbruck
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Illustration 70
Georges de la Tour, (1593-1652)
Le tricheur à l’as de carreau
Vers 1635
Huile sur toile – 106 x 146 cm
Paris, musée du Louvre
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Illustration 71
Edouard Levé, (1965-2007)
Séries Rugby, sans titre
2003
Photographie couleur – 70 x 70 cm ou 100 x 100 cm
Edition de cinq exemplaires
Paris, Galerie Loevenbruck
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Illustration 72
Edouard Levé, (1965-2007)
Séries Transferts, la Blessure
2004
Photographie couleur – 80 x 93 cm
Edition de cinq exemplaires
Production Musée des Beaux-Arts de Tours, France
Paris, Galerie Loevenbruck
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Illustration 73
Nan Goldin, (1953-)
One month after being battered
1984
Photographie couleur
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Illustration 74
Francis Bacon, (1909-1992)
Trois études de figure au pied d’une crucifixion
1944
Triptyque, huile et pastel sur isorel – chaque panneau 94 x 74 cm
Londres, Tate Gallery
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Illustration 75
Francis Bacon, (1909-1992)
Autoportrait
1969
Huile sur toile – 35 x 30 cm
Collection particulière
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Illustration 76
Michelangelo Merisi dit Le Caravage, (Milan 1595 – 1610)
Le sacrifice d’Isaac
Vers 1603
Huile sur toile – 104 cm x 135 cm
Florence, Galerie des Uffizi
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Illustration 77
Francis Bacon, (1909-1992)
Head VI
1949
Arts Council of England
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Illustration 78
Francis Bacon, (1909-1992)
Painting
1950
Huile sur toile
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Illustration 79
Michelangelo Merisi dit Le Caravage, (Milan 1595 – 1610)
Saint Jérôme écrivant
1605-1606
Huile sur toile –112 cm x 157 cm
Rome, Galerie Borghèse
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Illustration 80
Non attribué
Le martyre de saint Laurent
Huile sur toile
Rome
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Illustration 81
Non attribué
Portrait de Gregorius XIV
Huile sur toile
Lucelle, Maison Saint-Bernard
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•
Philippe Dagen, La peinture déclamait… Et advint le Caravage, Le Monde, mardi 12 août
2012.!
•
Andréas Petit, Derrière les visages, Libération.fr, le 26 février 2013.!
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•
C215 propos recueillis par Sophie Pujas pour Artistik Rezo.fr, le 18 décembre 2012.!
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