Les fanfictions de Wakfu : littérarité ou innovation

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Les fanfictions de Wakfu : littérarité ou innovation
Les fanfictions de Wakfu : littérarité ou innovation ?
Mémoire de Master 2 Lettres Modernes (ENEAD) d’Alexis Hassler
1 Introduction
Le 23 août 2004, Ankama, société française de création numérique située à Roubaix,
proposait sur le marché du jeu vidéo un MMORPG1 (jeu de rôle en ligne massivement
multijoueur) du nom de Dofus2. Rapidement, le jeu connut un grand succès3, une
communauté importante de fans ne tarda pas à se former autour de ce jeu en ligne. Lors
de la convention Ankama de 2010, la société annonçaitun total de 3,5 millions
d’abonnements payants. Le 29 février 2012, Ankama mettait en ligne dans sa version
définitive un nouveau MMORPG du nom de Wakfu. Il s’agit du même monde que dans
Dofus mais vu mille ans plus tard4.
A partir de l’univers de ces jeux, Ankama s’appuya sur d’autres médias (au sens de
« support ») pour étoffer ce monde imaginaire. C’est ainsi que se développèrent des
créations transmédia. Par cette expression, on entend un univers imaginaire qui est
raconté par des œuvres issues de divers médias. Le monde imaginé par Ankama se
nourrit donc de bandes dessinées, d’un dessin animé, de romans ou encore de cartes à
jouer5.
Tout cela constitue l’univers officiel de Wakfu6. Seulement, à côté de ces productions
signées Ankama, on découvre également une production officieuse. Ces œuvres sont le
fait des joueurs qui eux-mêmes alimentent ce monde parallèle en créant, par exemple,
ce que l’on nomme des fanfictions.
1 Wikipédia, « Jeu de rôle en ligne massivement multijoueur », Wikipédia, l’encyclopédie libre [en ligne], 2013, [21/05/2013], URL : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jeu_de_r%C3%B4le_en_ligne_massivement_multijoueur 2 Jeuxvideo.com, « Dofus », jeuxvideo.com [en ligne], 2013, [21/05/2013], URL: http://www.jeuxvideo.com/jeux/pc/00013232-­‐dofus.htm 3Cognet, Jérôme, « Dofus : un succès français dans les MMO », otakia.com [en ligne], 2010, [21/05/2013], URL: http://www.otakia.com/10361/actualites/dofus-­‐un-­‐succes-­‐francais-­‐dans-­‐les-­‐
mmo/ 4 Miniblob, « Wakfu, aperçu », jeuxvideo.com [en ligne], 2008, [21/05/2013], URL: http://www.jeuxvideo.com/articles/0001/00010075-­‐wakfu-­‐preview.htm 5 Au début de l’article, un schéma résume parfaitement la logique d’une création transmédia comme l’entend le chercheur Henry Jenkins. Un monde fictif alimenté par différentes créations de différents médias. RV, « Islands of Wakfu », interlignage.fr [en ligne], 2011, [21/05/2013], URL: http://interlignage.fr/2011/04/islands-­‐of-­‐wakfu/ 6 On pourra voir plusieurs clichés du jeu dans Annexes 1 2 « Fanfiction » est un terme anglophone. Il s’agit de la juxtaposition7 des mots « fan »
et « fiction ». Par ce terme, on définit les productions textuelles que les fans rédigent en
s’inspirant d’un univers aimé.
Cette étude portera sur les fanfictions et autres écrits fictionnels dans la production
des fans de l’univers de Wakfu. C’est en pratiquant assidument le jeu Wakfu que je
découvris la variété des fictions textuelles des fans. Certains écrits s’apparentent à des
fanfictions, et sont classés sous cette appellation, mais d’autres échappent à une telle
catégorisation. Il peut s’agir aussi bien de background8de roleplay9sur le forum officiel
de Wakfu que d’improvisations théâtrales au sein du jeu. Afin de ne pas négliger ces
créations textuelles, il semblait donc important de ne pas se restreindre aux fanfictions,
même si ces dernières constituent la majeure partie du corpus étudié.
Les fanfictions sont des productions textuelles très populaires, depuis les années
soixante jusqu’à aujourd’hui. Néanmoins, ce champ d’étude est encore peu fréquenté en
France dans le domaine des Lettres. Les fanfictions s’approprient tous les univers, tous
les médias. On trouve des fanfictions liées à des films, des romans, voire à des jeux
vidéo. C’est ce dernier aspect qui attira mon attention car il me permettait d’approfondir
la réflexion sur les créations transmédia, à partir d’un angle littéraire, que j’avais
commencé à mener l’année dernière avec le mémoire Un cas de transmédialité :
l’œuvre de Jules Verne en jeux vidéo10. Il ne s’agissait plus d’étuder le passage du
roman au jeu vidéo mais la place du roman et du jeu vidéo dans un ensemble
transmédia.
7 On trouve la définition suivante dans l’article Wikipédia dédié à la fanfiction : « Une fanfiction, ou fanfic, est une fiction écrite par un fan dans laquelle il reprend les éléments (univers et/ou personnages) d'une œuvre qu'il a appréciée. L'œuvre exploitée peut être une série télévisée, un film, un dessin animé, un jeu vidéo, un livre, une bande dessinée, un manga (ou anime). Une fanfiction peut aussi mettre en scène des célébrités existantes. », Wikipédia, « fanfiction », Wikipédia, l’encyclopédie libre [en ligne], 2013, [21/05/2013], URL : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fanfiction 8 Background : "arrière-­‐plan", anglicisme désignant la toile de fond, l'univers du jeu ; dans le cas particulier d'un personnage, cela désigne son passé, ce qu'il a vécu avant le temps de la partie, Wikipédia, « Lexique du jeu de rôle », Wikipédia, l’encyclopédie libre [en ligne], 2013, [21/05/2013], URL : http://fr.wikipedia.org/wiki/Lexique_du_jeu_de_r%C3%B4le 9 Wikipédia, « Interprétation du rôle », Wikipédia, l’encyclopédie libre [en ligne], 2013, [21/05/2013], URL : http://fr.wikipedia.org/wiki/Interpr%C3%A9tation_du_r%C3%B4le 10 Hassler, Alexis, Un cas de transmédialité : l’œuvre de Jules Verne en jeux vidéo [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.cavi.univ-­‐paris3.fr/phalese/documents/Memoire_Hassler.pdf 3 L’idée d’un tel sujet d’étude me vint après la lecture du mémoire d’Elodie Oger sur
les fanfictions, Littérature et Internet : la fanfiction. Enjeux littéraires et éditoriaux11.
L’étude se voulait générale et, mis à part un exemple de fanfictions portant sur le jeu
vidéo, n’abordait pas le domaine qui nous intéresse ici. Des recherches approfondies sur
diverses bases de données (Sudoc, theses.fr, catalogue de la BNF, Google Scholar) me
confirmèrent la nécessité à mener une telle étude. En effet, aucune réflexion abordant
cette thématique sous cet angle ne fut trouvée.
Le choix de Wakfu pour une étude sur les fanfictions n’est pas anodin. Il s’agit tout
d’abord d’une production française, autant le MMORPG, qui demeure le point de
convergence de cette création transmédia, que les produits dérivés mentionnés plus
haut. Les fanfictions affiliées à cet univers sont elles aussi, majoritairement, en langue
française. Il me fut alors possible d’étudier toutes les productions textuelles pertinentes
en me basant directement sur le texte d’origine et non sur une traduction.
La popularité du jeu Wakfu est également un des critères qui motiva ce choix. En
effet, avec des millions de joueurs, le jeu d’Ankama est une création populaire. Du fait
de cette popularité, le corpus d’œuvres à étudier fut important, ce qui est bénéfique pour
l’étude d’un phénomène textuel de masse. Etudier les fanfictions de Wakfu revient à
observer une création transmédia française mais également un phénomène culturel,
voire générationnel, hexagonal.
Enfin, la question de l’accessibilité rentra également en compte pour cette question
du sujet d’étude. Wakfu est un jeu vidéo jouable sur PC et Mac avec des configurations
relativement basses par rapport aux dernières productions vidéoludiques sortant sur
ordinateur. Je n’eus donc aucun problème pour jouer au jeu ou même pour accéder aux
différentes fanfictions puisqu’une connexion Internet suffit pour lire ces textes.
Comme Wakfu est une création vaste, il ne suffit pas de choisir cet univers comme
objet d’étude, il faut encore le restreindre pour ne pas se perdre dans un flot
d’informations. Le corpus des œuvres étudiées viendra majoritairement du forum
officiel de Wakfu. Ce site regorge de publications et d’échanges. Il est le principal lieu
de vie, en dehors du jeu, de la communauté. Néanmoins, via plusieurs recherches
11 Oger, Elodie, Littérature et Internet : la fanfiction. Enjeux littéraires et éditoriaux, 2012 [en ligne], http://www.cavi.univ-­‐
paris3.fr/phalese/documents/MEMOIRE%20E.%20Oger%20version%20publique.pdf, page consultée le 18/06/2013 4 ciblées sur Internet, l’étude portera par moments sur des écrits fictionnels de fans
provenant de blogs personnels ou de forums de sites spécialisés dans les jeux vidéo.
Ne seront étudiés que les textes assimilés à des fictions. Il existe des billets se
rapportant à Wakfu qui concernent essentiellement l’expérience des joueurs. Ce qui nous
importe d’étudier pour ce mémoire, ce ne sont pas les commentaires des joueurs en tant
que joueurs mais des joueurs s’assimilant à leurs avatars. Le jeu du « faire-semblant »,
qui amène à la production de fictions, sera un critère essentiel pour trier les résultats de
nos recherches. On pourra alors plus facilement effectuer un travail d’analyse
comparative avec la littérature, le domaine par excellence des fictions textuelles.
La question centrale que soulève une telle étude est : « les productions textuelles
autour de Wakfurelèvent-elles de la littérature ? ». Avec les nouveaux médias
numériques, Internet et ses supports variés (blogs, forums, etc.), on a constaté
l’émergence de productions écrites nombreuses et populaires. Un phénomène proche, a
priori, de la littérature mais qui doit être interrogé.
Pour répondre à cette interrogation, notre étude s’articulera en trois parties. Dans un
premier temps, on étudiera de manière générique les fanfictions par rapport à la
littérature. Il sera question de formes, de genres littéraires mais également des
résurgences de pratiques littéraires anciennes dans Wakfu. Puis, on s’attardera sur la
spécificité des fanfictions, la transfictionnalité, toujours par rapport à la littérature. Ce
sera également l’occasion d’étudier le statut de l’auteur ou encore le processus
d’écriture. Enfin, on terminera cette étude en analysant la finalité des écrits, pour les
fanfictions et la littérature, en s’attardant plus spécifiquement sur les processus de
légitimation des écrits ou encore, comme une ouverture du sujet, sur le constat d’une
dilatation du champ littéraire.
Seulement, avant de se lancer dans cette étude, on présentera rapidement en guise de
développement préalable le monde de Wakfu ainsi que l’histoire des fanfictions. Ces
deux domaines sont à connaître un minimum pour faciliter la compréhension de la
réflexion qui va suivre.
5 Développement préalable – Présentation de Wakfu
Il est compliqué de parler de Wakfu sans parler de Dofus. Dofus est la
précédente création transmédia d'Ankama. Le terme « dofus » désigne des œufs
de dragons aux pouvoirs magiques. Ils sont au nombre de six, dispersés à travers
un monde imaginaire que l’on peut nommer par extension le monde Dofus. Cet
univers est composé de deux continents, sept îles, quinze villes et d’un bestiaire
varié12. Le joueur évoluant au sein de Dofus, via un avatar, choisit une classe à
incarner (autrement dit, une race).
Chaque classe a ses spécificités. Certaines classes sont plus orientées vers la
magie, d’autres vers le combat au corps à corps, etc. En incarnant un
personnage, le joueur pourra se battre avec des monstres mais également mener
à bien des quêtes, gagner de l’expérience ou s’acheter de nouveaux équipements.
Il s’agit de mener une vie parallèle dans un monde imaginaire qui existe vingtquatre heures sur vingt-quatre. Il suffit de s’y connecter pour le visiter. Cette
seconde vie que peuvent se modeler les joueurs trouve néanmoins ses limites
dans les possibilités fixées par les développeurs.
Presque un an après la mise en ligne de Dofus, le premier octobre 2005,
Ankama commençait la construction de son univers transmédia autour du jeu en
ligne avec la publication du premier tome du manga Dofus13. Les joueurs,
devenus lecteurs, retrouvaient au scénario (selon le générique) un des scénaristes
du jeu. Ce manga offrait la possibilité à Ankama d’explorer d’une autre manière
son univers imaginaire. Poursuivant cette expérience transmédia, Dofus
deviendra un film courant 201314.
12 Dofus.com. Page d’accueil [en ligne]. Disponible sur http://www.dofus.com/fr/mmorpg-­‐
gratuit/caracteristiques [21/05/2013] 13 Ankama-­‐editions.com, « Wakfu – Les larmes de sang », ankama-­editions.com [en ligne], [21/05/2013], URL : http://www.ankama-­‐editions.com/fr/catalog/destinations/31-­‐
wakfu-­‐larmes-­‐sang.html 14 Dofus.com, « Dofus, le film », dofus.com [en ligne], 2010, [21/05/2013], URL : http://www.dofus.com/fr/mmorpg/news/275873-­‐dofus-­‐film 6 Après quelques années sur Dofus, Ankama proposa à ses fans une suite :
Wakfu15. Après plusieurs phases de bêta-test (jeu disponible mais non finalisé),
le jeu fut entièrement disponible le 29 février 201216.
Du point de vue scénaristique, cette suite se déroule mille ans après
l’époque de Dofus. Le monde imaginaire a changé à cause des pleurs d’un ogre
dénommé Ogreste qui provoqua de terribles inondations17. Le joueur continue de
choisir une classe pour son personnage, de se battre, de choisir un métier, etc.
Avec Wakfu, Ankama a cherché à pousser plus loin la logique de la création
transmédia. Tout d’abord, un dessin animé fut diffusé sur France 3, le
premierépisode, L'Enfant des brumes, vit le jour le 31 octobre 200818. Après le
dessin animé, de nombreuses bandes dessinées (Wakfu Heroes, etc.), comics
(Les Larmes de sang, etc.) et mangas (Wakfu) participèrent à l'édification de
l’univers transmédia Wakfu, chaque œuvre ayant pour rôle de se focaliser sur un
élément du monde imaginaire.
15 Jeuxvideo.com, « E3 : Line-­‐up Ankama », jeuxvideo.com [en ligne], 2006, [21/05/2013], URL : http://www.jeuxvideo.com/news/2006/00016407.htm 16 Wakfu.com, « 29/02/2012 : Sortie officielle de Wakfu », wakfu.com [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/mmorpg/communaute/news/284232-­‐
29-­‐02-­‐2012-­‐sortie-­‐officielle-­‐wakfu 17 Wakfu.com, « Jeu : L'Histoire de Wakfu », wakfu.com [en ligne], [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/mmorpg/jeu/histoire-­‐wakfu 18 Wakfu.com, « Liste des épisodes », wakfu.com [en ligne], [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/serie/episodes 7 Développement préalable – Les fanfictions
On a pu le voir dans l’introduction, la définition de « fanfiction » est assez
large. Il convient donc, pour tenter de mieux cerner ce type de création, de
regarder du côté de l’histoire des fanfictions.
On a tendance à considérer qu’Henry Jenkins fut le premier chercheur à
s'intéresser aux phénomènes des fanfictions. Son livre, deuxième essai publié,
Textual Poachers : Television Fans and Participatory Culture19 parut en 1992.
Jenkins s’intéresse aux pratiques culturelles des fans, les fanfictions font
naturellement parties de son sujet d’étude. Ils les regroupe d’ailleurs sous un
terme plus générique, « fandom »20.
Les fanfictions, ou « fanfic » pour les initiés, naissent dans les années 60
aux États-Unis. Ce sont des séries télévisées, comme Star Trek, qui amènent une
foule de fans à se passionner pour un univers imaginaire mais également à tisser
des histoires à partir de ce canevas. Les publications de fanfictions se font
d'abord via des fanzines21 comme le précise Joan Marie Verba à propos de Star
Trek.
Comme les technologies évoluent, la publication des fanfictions évolue
également. Joan Marie Verba évoque cette évolution du papier vers Internet à la
fin de son ouvrage Boldy Writing : A Trekker fan and zine history22.
19 Jenkins, Henry, Textual Poachers : Television Fans and Participatory Culture, Routledge, 1992, 352 p. 20 Joan Marie Verba donne la définition suivante dans son livre Boldly Writing : A Trekker fan and zine history : "Fandom (sf) -­‐ collectively, fans and their fan activities fanfic (sf)", que l’on peut traduire par "les fans et leurs activités de fans", p.100 21"In September 1967, as fanzine called title page Star Trek, which Gene Roddenberry had brought to the convention, to put out a fanzine devoted to Star TrekSpockanalia began its second season, a appeared in New York City. They called it "a one shot published by Devra Langsam and Sherna Comerford"" / « En septembre 1967, Gene Roddenberry avait ramené un fanzine à la convention, consacré à Star Trek. La seconde saison commençait à paraître à New York City. Ils l’appelèrent « un one shot publié par Devra Langsam et Sherna Comerford » », Verba, Joan Marie, Boldy Writing : A Trekker fan and zine history, 1967-­1987, FTL Publications, 1996, 101 p. 22 "A large amount of fan fiction regularly appears on newsgroups, e-­‐mail groups (listservs), or web sites. A growing number of fans have never read a paper fanzine, and express no desire to, preferring the instant accessa and instant feedback of online publishing. Fanzines printed on paper have become rare." / "Une grande partie des fanfictions apparait régulièrement sur des groupes dédiés à l'actualité, des groupes de 8 Malgré ces changements de mode de publication, les fanfictions continuent
d'exister, encore aujourd'hui. Le principe reste le même, il s'agit toujours d'une
fiction écrite par un fan à partir d'un univers qu'il apprécie. Il ne faudrait pas non
plus oublier l’aspect communautaire, très important pour ce mode d’écriture.
Elodie Oger le précise dans son mémoire en expliquant que « fanfiction »
comprenant le mot « fan », on trouvera forcément l’idée d’un rassemblement
(même virtuel) entre différentes personnes partageant une même passion23.
Les fanfictions prennent différentes formes. Elles peuvent emprunter des
formes éprouvées de la littérature, comme la nouvelle ou le roman, ou inventer
leurs propres modèles comme la « song-fic » qui est une histoire courte intégrant
« les paroles d’une chanson dans le texte »24. On s’attardera plus en détail sur
cette question des formes dans la première partie de ce mémoire.
Le grand vainqueur, actuellement, d’un point de vue quantitatif et en se
restreignant au très populaire site fanfiction.net, reste la saga Harry Potter de
J.K. Rowling, avec 65 563 fanfictions25.
Le site etude.fanfiction.free.fr a réalisé un relevé statistique, en décembre
2011, qui montre que c’est surtout à partir de livres ou de séries télévisées que
les fans écrivent. L’étude s’est basée sur le site fanfiction.net, le site de
fanfictions le plus populaire. Les instigateurs de cette enquête ont compté le
nombre total des fanfictions de chaque catégorie (Books : livre; Anime :
animation, etc.) pour ensuite calculer un pourcentage par rapport au nombre total
discussion, de courriels, des sites internet. Un nombre grandissant de fans n'a jamais lu un fanzine papier et ne le souhaite pas, préférant l'immédiateté d'accès de la publication internet. Les fanzines papiers ou imprimés devenus rares", p.7. Verba, Joan Marie, Boldy Writing : A Trekker fan and zine history, 1967-­1987, FTL Publications, 1996, 101 p. 23 Oger, Elodie, Littérature et Internet : la fanfiction. Enjeux littéraires et éditoriaux [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.cavi.univ-­‐
paris3.fr/phalese/documents/MEMOIRE%20E.%20Oger%20version%20publique.pdf 24 Op. cit., p.35 25 Chiffre relevé le 15/05/2013, fanfiction.net, Search : Harry Potter [en ligne], http://www.fanfiction.net/search.php?keywords=harry+potter&ready=1, page consultée le 15/05/2013 9 des fanfictions publiées sur le site. Avec de tels pourcentages, on constate que
les jeux vidéo n’arrivent qu’en quatrième position26.
26 Etude.fanfiction.free.fr, « Répartition des histoires par catégorie et fandom », etude.fanfiction.free.fr [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://etude.fanfiction.free.fr/stats_ffnet_gen.php 10 Partie 1 : La question de la forme et du fond
Pour savoir si les fanfictions de Wakfu relèvent de la littérature, il s’agit comme
on l’a vu plus haut de fictions textuelles conçues sur ordinateur et
majoritairement lisibles sur Internet, il convient de regarder dans un premier
temps ce qui fonde ce que l’on va nommer la « littérature propriétaire ». En
effet, on ne peut se contenter de parler de « littérature » ou de « littérature
traditionnelle » puisque l’ensemble de la littérature ne fonctionne pas sur le
modèle que l’on connaît aujourd’hui. La littérature antique et médiévale ne
connaissent pas réellement la notion d’auteur ou de propriété intellectuelle.
Comme cette étude sera une étude comparative entre les fanfictions et la
littérature telle qu’on l’a connaît, on parlera donc pour cette dernière de
« littérature propriétaire ». Pour une première approche, on s’attardera sur la
question de la forme et du fond, premiers éléments constatables, afin de voir si
les productions des fans se rapprochent ou non, à ces niveaux-là, des écrits de la
littérature propriétaire.
I) Les formes des fanfictions
A) Les fanfictions des univers textuels
En se référant aux ouvrages retraçant l’histoire des fanfictions, comme
Bold Writing : A Trekker fan and zine history de Joan Marie Verba, on se rend
compte que les premières fanfictions furent exclusivement textuelles. Rien que
du texte, publié dans divers fanzines consacrés à des séries comme Star Trek. On
peut expliquer cette exclusivité d’un média par l’aspect économique. En effet,
les fanzines sont majoritairement des réalisations amateures, sans vrais moyens
financiers. La fiction textuelle s’impose facilement lorsqu’il s’agit d’éditer et de
publier une revue bon marché.
Seulement, malgré des prémices exclusivement textuelles, peut-on
affirmer qu’une fanfiction doit être exclusivement textuelle ? N’existe-t-il pas
une relation d’influence (au niveau de la forme) entre l’univers aimé et la fiction
qui célèbre cet univers ? Pour ce qui est des fanfictions de Wakfu, le fait que cet
univers soit pluri-médiatique (jeux vidéo, dessin animé, bandes dessinées, etc.)
11 pousse-t-il les fanfiqueurs (créateurs de fanfictions) vers des créations
incorporant divers médias ? En d’autres termes, un univers transmédia
provoque-t-il des fanfictions multimédia ou cette forme de création, la
fanfiction, garde-t-elle son exclusivité du texte, résultat d’une tradition plus que
d’une codification théorique ou d’une définition rigoureuse ?
Pour tenter de répondre à ces interrogations, il semble pertinent de se
pencher sur les formes observables dans des fanfictions se basant sur des œuvres
issues de médias variés. On se penchera tout d’abord sur les fanfictions de deux
univers populaires qui ont comme point commun d’être originellement textuels :
Twilight et Harry Potter.
Même si ces univers ont bénéficié d’adaptations au cinéma, par exemple, il
ne s’agit que de déclinaisons ou plutôt d’adaptations. L’idée n’est pas pour J.K.
Rowling, la créatrice du jeune sorcier, de créer un univers transmédia où chaque
média développe une partie du monde imaginaire de Poudlard, de même pour
Stephenie Meyer et ses vampires. La base reste les romans qui furent, du fait
d’un succès d’édition colossal, déclinés sur divers médias. Les produits dérivés
viennent après le succès du livre, alors que pour Wakfu les produits dérivés
interviennent en parallèle du jeu en ligne pour exploiter les possibilités du
monde créé.
Pour observer la forme des fanfictions émanant de créations originellement
textuelles, on se bornera au site le plus populaire en matière de fanfictions :
http://www.fanfiction.net. Twilight27 et Harry Potter28 ont leur propre page.
Comme il serait fastidieux de consulter tous les résultats, on se contentera de
regarder les cinq premières pages afin de dégager des tendances formelles.
Le résultat est identique pour les deux univers. On ne trouve aucune image
dans tous ces résultats. La tendance originelle décrite plus haut se confirme.
Mais cette tendance lourde est-elle le fait du site fanfiction.net ? Sur d’autres
27 Fan-­‐Fiction.net, Books – Twilight [en ligne], http://www.fanfiction.net/book/Twilight/, page consultée le 16/05/2013 28 Fan-­‐Fiction.net, Books – Harry Potter [en ligne], http://www.fanfiction.net/book/Harry-­‐
Potter/ page consultée le 25/03/2013 12 sites, comme des blogs dédiés aux univers étudiés, constate-t-on une même
domination du texte ?
Prenons le cas d’Harry Potter29 pour commencer. Sur un site populaire
dédié aux fanfictions d’Harry Potter, hpfanfiction.org, on ne trouve quasiment
que du texte pour les fanfictions des cinq premières pages. Pourtant, une
différence par rapport à fanfiction.net se dessine. Quelques montages
photographiques sont utilisés pour certains écrits. Ces images sont rares, une par
fanfiction en moyenne, et n’apparaissent la plupart du temps qu’au début du
récit. Elles n’apportent rien à la narration, rien au récit et se contentent d’agir
comme des publicités. Le but est d’attirer le regard, d’amener le visiteur à
cliquer sur le lien permettant de lire la suite du texte. D’ailleurs, dès que le
lecteur clique sur une fanfiction de hpfanfiction.org, il ne voit plus que le texte.
Il y a donc une séparation nette entre l’image (publicitaire) et le texte (la
création).
On retrouve la même segmentation, donc le même statut conféré aux
différents médias (texte et image) pour la série Twilight. En parcourant d’autres
sites Internet consacrés aux fanfictions de la série30, on retrouve ce principe du
montage photographique positionné avant le texte.
B) Les fanfictions des univers graphiques
Après de telles recherches, on peut dégager deux fonctions concernant
l’utilisation d’images dans les fanfictions : attirer le lecteur pour qu’il lise la
suite du texte (l’image est souvent accompagnée d’un extrait de la fanfiction,
une amorce) et signer son œuvre. En effet, ces montages sont parfois l’occasion
pour le fanfiqueur de signer de son nom d’auteur. Néanmoins, l’image (donc
l’incursion d’un autre média dans le texte) n’apporte rien à la démarche créative
de la fanfiction. En est-il de même pour des fanfictions dont l’univers cadre n’est
pas originellement lié au texte mais à l’image, comme une bande dessinée ou un
manga ?
29 Hpfanfiction.org, Harry Potter Fanfiction. Page d’accueil [en ligne]. Disponible sur http://www.hpfanfiction.org/fr/browse.php?type=categories&catid=69 [21/05/2013] 30 The Lemon Repertoire. Page d’accueil [en ligne]. Disponible sur, http://thelemonrepertoire.skyrock.com/[21/05/2013] 13 L’exemple de Naruto semble idéal pour cette étude. Naruto est un manga à
l’origine, qui a donné lieu à divers produits dérivés (dessin animé, jeux vidéo,
etc.) et reste très populaire au niveau de la production de fanfictions.
Reproduisons pour commencer le même processus que précédemment,
autrement dit une recherche préalable sur fanfiction.net31. En parcourant les cinq
premières pages des fanfictions tirées de l’univers Naruto, on ne retrouve,
comme auparavant, que du texte. Pas l’ombre d’une image ou d’un dessin. Ce
qui est étonnant pour une œuvre originellement visuelle.
Si on consulte d’autres sites, génériques (des fanfictions issues de tous les
univers avec fanf-fic.net32, version francophone de fanfiction.net) et spécifiques
(wonaruto.com33), on constate que les résultats sont strictement identiques. On
retrouve du texte mais jamais d’images. Ainsi, en dépit d’un univers usant
massivement de l’image, la fanfiction semble tracer sa propre route, celle d’une
création exclusivement textuelle n’admettant que de manière sporadique et
arbitraire d’autres médias. Même si la définition de la fanfiction laisse place,
comme on l’a vu lors du développement préalable, à une création sans réelle
contrainte formelle, dans les faits on observe cette tendance lourde d’un usage
exclusif du texte. Qu’en est-il de Wakfu, œuvre transmédia ? Il ne s’agit plus,
comme précédemment, d’une œuvre originelle affiliée à un média précis mais un
monde imaginaire alimenté par divers médias.
C) Les fanfictions d’un univers transmédia (le cas Wakfu)
Pour cette recherche, on se contentera de regarder les résultats des
fanfictions publiées sur le site officiel Wakfu, plus précisément le forum et sa
partie dédiée aux fanfictions34. Ce choix est motivé par le fait que ce lieu de
publication comporte le plus grand nombre de fanfictions liées à l’univers de
Wakfu et nourrit bien des échanges au quotidien.
31 Fanfiction.net, Naruto [en ligne], http://www.fanfiction.net/anime/Naruto/, page consultée le 19/05/2013 32 Fanfic-­‐fr.net, Naruto [en ligne], http://www.fanfic-­‐fr.net/fanfics/animes-­‐
mangas/n/naruto.html, page consultée le 19/05/2013 33 Wonaruto.com. Page d’accueil [en ligne]. Disponible sur http://www.wonaruto.com/fanfictions/[21/05/2013] 34 Wakfu.com, fan-­fictions [en ligne], http://www.wakfu.com/fr/forum/81-­‐fan-­‐fictions, page consultée le 19/05/2013 14 On se basera encore une fois sur les résultats des cinq premières pages des
fanfictions publiées. On découvre plusieurs cas où se conjuguent les médias. On
note par exemple des échanges entre l’auteur et les lecteurs, après publication
d’une partie du récit, conduisant à la création d’images (des dessins de différents
styles). Par exemple, dans la fanfiction Menestrels en actions35, on relève un
recensement de poèmes en acrostiche, exercices exclusivement textuels à
l’origine, à partir du nom de joueurs faisant du rôle-play dans Wakfu. On
abordera plus en détail le rôle-play plus tard dans cette première partie.
Dans les différentes réponses, on trouve le joueur AlbynnB qui a rédigé
des poèmes dont un sur la joueuse Deora. Cette dernière le remercie, « un poème
en mon nom ? Je te le revaudrai avec ma plume l’ami, en m’inspirant de tes
songes, pour créer une nouvelle lune ! », quelques réponses plus loin Deora
poste un dessin à l’aquarelle en annonçant « comme promis, une création au
clair de lune »36. Ce cas d’échanges amenant à une création visuelle reste
néanmoins exceptionnel dans cette partie du forum dédiée aux fanfictions. De
plus, il ne s’agit que d’une création arrivant après le texte, dans le but de
l’illustrer. En aucun cas, il n’y a là une fanfiction qui se rapprocherait d’un art
total, conjuguant le texte et l’image.
Au fil de ces échanges, certains lecteurs, aimant la fanfiction, peuvent se
proposer pour dessiner des personnages. C’est le cas de Tatii-Mimii pour la
fanfiction Wakfu : l’histoire parallèle37. Cette dernière écrit à l’auteur, « Si tu es
d’accord, je pourrais te faire un fan-art [autrement dit un dessin de fan] de ta
fanfiction mais il faudrait que tu me fasses un descriptif des personnages
principaux ». Parfois, ce sont les auteurs eux-mêmes qui décident de proposer un
dessin lié à leur création. C’est le cas avec la fanfiction Histoire d’un homme
(presque) ordinaire38 où l’auteur, Muledecogere, propose une illustration de son
35 AlbynnB, Menestrel en actions [poesie], wakfu.com [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/81-­‐fan-­‐fictions/245162-­‐menestrel-­‐actions 36 Afin de faciliter la lecture, j’ai décidé de corriger les fautes de chacune des citations 37 Laetia, Wakfu : l’histoire parallèle, wakfu.com [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/81-­‐fan-­‐fictions/283784-­‐wakfu-­‐histoire-­‐parallele 38 Muledecogere, L’histoire d’un homme (presque) ordinaire, wakfu.com [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/81-­‐fan-­‐fictions/285322-­‐histoire-­‐
homme-­‐presque-­‐ordinaire 15 personnage. Là encore, l’intervention d’un autre média se fait après la
publication du texte et n’a pour fonction que d’illustrer le texte.
Autre cas de figure, se rapprochant de ce que l’on a pu voir avec les
fanfictions Harry Potter ou Twilight : certains fanfiqueurs s’amusent à dessiner,
ou à créer des montages photographiques par ordinateur, pour annoncer leur
fanfiction. L’usage est là encore publicitaire. C’est le cas de Wakfu : une histoire
parallèle39. D’ailleurs, cette fanfiction est une vraie exception. Alors que, dans
les cas de figure décrits plus haut, il ne s’agissait que d’illustrer du texte, de
manière sporadique, ici il s’agit d’utiliser le dessin avec une grande régularité.
Un peu comme les romans illustrés de Jules Verne, où les illustrations sont
nombreuses et apparaissent à cadence régulière. Pour cette fanfiction, on
dénombre un dessin pour chaque chapitre (environ une ou deux pages). Pourtant,
malgré cet exemple, on est bien forcé de constater que la tendance lourde pour la
création d’une fanfiction demeure l’utilisation exclusive du texte. Le fait que
Wakfu soit une création transmédia ne semble pas changer grand-chose.
Il semble clair que les fanfiqueurs s’en tiennent à la forme originelle de la
fanfiction, par tradition plus que par respect d’une codification rigoureuse. Les
fans-créateurs (expression pour distinguer les dessinateurs des auteurs de fictions
textuelles : les fanfiqueurs) cloisonnent leurs créations. Le forum de Wakfu
démontre parfaitement cela par son architecture. La partie du forum dédiée à la
communauté, et plus précisément au « fan-media » (donc aux créations de fans),
comporte plusieurs rubriques comme « fan-fictions », « fan-videos », « fanarts », « fan-classes ». Cette segmentation empêche, en tous les cas pour le site
officiel de Wakfu, une réelle hybridation des médias pour les fanfictions. Si
quelques cas existent, ces exemples restent anecdotiques et l’utilisation d’un
autre média que le texte est le plus souvent gratuite.
Une question demeure par rapport à la forme des fanfictions : pourquoi
n’utiliser que le texte alors que l’univers d’inspiration est hybride ? Pourquoi
l’exclusivité d’un média alors que l’on constate une démocratisation des divers
39 Laetia, Wakfu : l’histoire parallèle, wakfu.com [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/81-­‐fan-­‐fictions/283784-­‐wakfu-­‐histoire-­‐parallele 16 arts (logiciels gratuits permettant d’effectuer des montages vidéos, du dessin sur
ordinateur, etc.) ? Une hypothèse peut être avancée.
L’argument économique, selon lequel les logiciels de création ou de
retouche photographique seraient trop onéreux, ne tient pas longtemps. Il existe
en effet des logiciels gratuits comme Gimp pouvant pallier l’absence de
Photoshop (la référence en la matière). Le critère qui semble le plus pertinent, et
qui conduit les fans à choisir de préférence l’écrit, c’est probablement le temps
et la nécessité d’une formation. Ecrire une fiction textuelle prend certes du temps
mais beaucoup moins que la réalisation d’un dessin ou d’une vidéo. Il est
possible de fragmenter un texte de fiction pour le publier en plusieurs parties, ce
que font beaucoup de fanfiqueurs, il est plus délicat de faire de même avec les
autres créations évoquées plus haut. Sans compter le temps qu’il faut pour
maîtriser l’outil graphique, en suivant des dizaines de tutoriels pour acquérir des
techniques. D’une certaine manière, il est plus facile d’écrire que de dessiner.
Seulement, même si les fanfictions restent majoritairement textuelles, il ne
faudrait pas conclure trop vite à l’impossibilité d’une hybridation des médias
dans les créations des fans. Il convient alors d’étudier les fictions de fans, avec
une base textuelle, qui ne se définissent pas strictement comme des fanfictions.
Une rubrique, sur le forum officiel de Wakfu, attire particulièrement notre
attention. Il s’agit des fan-classes.
Les fan-classes40 sont publiées dans la partie « fan-media » du forum
officiel de Wakfu mais ont leur propre sous-rubrique, à côté de celle consacrée
aux fanfictions. De plus, ces écrits ne sont pas nommés « fanfictions » par les
auteurs. On parle de « fan-classe » lorsqu’il s’agit d’inventer une classe de
personnage (un type de personnage qu’on retrouvera dans le jeu, une « race »
pour reprendre un terme utilisé par les joueurs eux-mêmes) avec un arrière-plan
(une histoire que l’on appelle background), des caractéristiques (physiques,
magiques, etc.).
40 Wakfu.com, forum – fan-­classes [en ligne], http://www.wakfu.com/fr/forum/80-­‐fan-­‐
classes, page consultée le 16/05/2013 17 Les fan-classes ne sont pas de fanfictions mais ont encore une base
textuelle importante. Les classes décrites par les joueurs n’existent pas dans le
jeu, elles sont le produit de leur imagination. On pourrait d’ailleurs, mais cela
serait l’objet d’un autre mémoire, s’interroger sur ce besoin des fans de créer
leurs propres histoires dans un univers qui possède ses propres mythes
fondateurs. Est-ce le plaisir du dire, la gloire recherchée ? De telles
interrogations mériteraient une étude à part entière si tant est que ces études ne
soient pas trop denses, à la limite de l’insondable.
En analysant une fois encore les résultats des cinq premières pages, on
observe que ce type de fiction semble aller plus loin dans l’hybridation des
médias que les fanfictions. En effet, il est courant de constater un mélange de
texte, évoquant tour à tour l’histoire du peuple imaginé puis l’histoire
personnelle de quelques personnages, et quelques images représentant le peuple
précédemment évoqué par l’écrit.
Alors que l’incursion d’images est rare dans les fanfictions, comme on a
pu le constater précédemment, on relève un usage soutenu de cette hybridation
pour les fan-classes. D’ailleurs, les échanges ne manquent pas, comme on peut le
voir avec L’Alchimie de Rixilia41, où un lecteur, KuraKira, propose sa propre
vision de la classe évoquée. Pourquoi un usage plus soutenu de l’image et donc
d’une hybridation des médias pour ce type de création ? Probablement parce que
la fan-classe sous-tend une utilisation de l’image. Il s’agit d’imaginer une classe,
un peuple, il faut donc faciliter la projection d’un tel imaginaire s’intégrant à
Wakfu. Les fanfictions inventent aussi mais le plus souvent en reprenant des
éléments connus (classes de personnages jouables dans le jeu, personnages du
dessin animé, etc.)
En parcourant les cinq premières pages de résultat des fan-classes, on
constate une grande variété dans l’hybridation des médias. Tout d’abord, les
auteurs, et les commentateurs, usent de différentes techniques picturales
41 Florianseptantee, [Fan-­Classe] L'Alchimie de Rixilia, wakfu.com [en ligne], 2009, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/80-­‐fan-­‐classes/41183-­‐fan-­‐classe-­‐
alchimie-­‐rixilia 18 (feutre42, crayon à papier43, crayons de couleur44, ordinateur45)pour représenter
les peuples inventés.
A côté de ces techniques, c’est également une variété de styles graphiques
que l’on découvre. Certaines œuvres sont réalistes, d’autres enfantines, etc. Il ne
s’agit ici que de dessins mais d’autres créations picturales existent, on trouve
aussi bien des dessins fixes qu’animés (au format .gif). Dans certaines
communautés, ce qui n’est pas le cas pour Wakfu, les fans imaginent des
machinimas (des films créés à partir des moteurs de jeux vidéo).
Le plus important à propos de cette question demeure la nature de cette
hybridation. Trouve-t-on dans cette hybridation un art total où l’image et le texte
ont une place égale et développent entre eux des échanges riches ? En se
rapportant aux exemples rencontrés, on peut répondre que cette hybridation est
plus courante que pour une fanfiction mais demeure assez pauvre au niveau des
relations entre les médias utilisés.
En effet, il s’agit le plus souvent d’illustrer une classe, un héros. Point de
narration conjointe, à la manière d’un roman graphique ou d’une bande dessinée.
On observe comme une segmentation entre le texte et l’image qui arrive, après le
plus souvent, pour illustrer le texte. Une chose est certaine, on ne peut plus
parler dans de tels cas de « fanfiqueur » ou de « fanfiction ». C’est un fan qui
devient créateur, sa création est hybride (textuelle et visuelle) et conduit à des
échanges créatifs entre lui et ses lecteurs.
Les fan-classes ont une place à part dans la production fictionnelle, avec
une base textuelle, des fans. Pour reprendre les sous-rubriques de la partie « fanmedia » du forum officiel de Wakfu, il ne s’agit ni de fan-fictions
(majoritairement textuelles), ni de fan-vidéos (essentiellement visuelles puisqu’il
s’agit de vidéos), ni de fan-arts (des dessins donc essentiellement visuels) mais
42 LaSecteDesBonbons, La Cuisine de Baklawa, wakfu.com [en ligne], 2009, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/80-­‐fan-­‐classes/56024-­‐cuisine-­‐baklawa 43 Razlaf, Le Silence d'Emim, wakfu.com [en ligne], 2011, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/80-­‐fan-­‐classes/157452-­‐silence-­‐emim 44 Lycotycold, La Gadgetologie d'Etil, wakfu.com [en ligne], 2009, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/80-­‐fan-­‐classes/269762-­‐gadgetologie-­‐etil 45 Dyalon-­‐alias-­‐D, Kopy, la Khraméléonne [en ligne], 2009, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/80-­‐fan-­‐classes/56882-­‐kopy-­‐khrameleonne 19 de créations hybrides où le texte tient une part plus ou moins importante par
rapport aux autres médias convoqués. Doit-on en conclure que l’hybridation des
médias pour le cas des fictions de fans, avec une base textuelle, de fans reste rare
et cantonnée aux fan-classes ? Ce serait être un peu rapide.
En effet, le forum officiel de Wakfu regorge de productions fictionnelles de
fans qui ne se rangent pas sous l’étiquette « fan-fiction » voire, plus largement,
dans la partie dédiée aux créations de fans : l'espace « fan-media ». Cela peut
sembler étonnant mais au fond la marge de manœuvre des fans pour la création
de fictions est presque infinie.
Il est possible, pour quasiment chaque sujet et donc chaque type de
discussion, de créer une fiction. Qu’est-ce qui pourrait empêcher un auteur de
créer une fiction pour fixer un événement de rôle-play à venir (à la place d’un
classique « Rendez-vous à telle heure pour… ») ? Ou d'imaginer une fiction à
partir d'un sujet traitant de la politique dans Wakfu ? Le joueur-auteur peut
choisir de traiter des sujets a priori strictement informationnels comme des
fictions.
Il serait vain de vouloir lister toutes ces formes de fiction puisque
potentiellement tout message peut être fictionnel. En recherchant dans diverses
catégories du forum officiel de Wakfu, comme les messages politiques, et en
utilisant des mots clés prédéfinis (« hybridation », « art total », « texte »,
« image », « bande dessinée, « roman graphique », etc.), on ne trouve que de
rares cas d’hybridations poussées.
Même si l’univers de Wakfu est un univers transmédia, on relève le plus souvent
dans les fictions de fans une grande segmentation au niveau de l’utilisation des
médias et donc de la forme des productions. Les fans touchent à de nombreux
domaines artistiques pour nourrir l’univers aimé mais ne pensent, ne veulent ou
ne peuvent pas concevoir de créations se rapprochant de l’art total. Ainsi, du
point de vue formel, les fanfictions sont très proches de la littérature propriétaire,
un média exclusivement textuel. Mais qu’en est-il du contenu de ces fictions ?
Les fanfictions se rattachent-elles à des genres littéraires éprouvés ou innovent-
20 elles sur ce plan-là ? Pour répondre à cette question, on étudiera en détail les
genres littéraires auxquels se rattachent les fanfictions.
II)
Les fanfictions et les genres littéraires
Les fanfictions de Wakfu usent quasi uniquement du texte, comme les récits
rattachés à la littérature propriétaire. Mais qu’en est-il du contenu ? Les
fanfictions s’insèrent-elles dans des genres littéraires connus ou imaginent-elles
de nouvelles poétiques ?
Même si la question du genre en littérature conduit à bien des débats, il
n’en demeure pas moins qu’affirmer ces normes permet de regrouper des œuvres
qui présentent des points communs. Les genres facilitent ainsi le travail de
classification et de création. On peut délibérément écrire une fiction se rattachant
à un genre précis, ou partir de genres existants pour les transcender. Les genres
permettent également l’élaboration de premières remarques sur le contenu de
fictions.
Pour mener à bien cette étude des contenus des fanfictions, on se basera
pour une grande partie sur des recherches effectuées sur le forum officiel de
Wakfu. Les questions qui découlent d’une telle approche sont les suivantes :
quels genres sont utilisés par les fanfiqueurs ? Ces utilisations sont-elles
conscientes ? Constate-t-on une utilisation de genres existants ou une volonté de
transcender ces schémas et d’en inventer de nouveaux ?
A) Le genre littéraire de l’univers Wakfu
Avant de scruter les fanfictions relevées par nos recherches, il semble
important de s’interroger en premier sur le genre auquel se rapporte l’univers de
Wakfu. Comme les fanfiqueurs écrivent sur leur univers favori, le genre de
l’univers aimé peut avoir, a priori, une influence sur le choix d’un genre pour
l’écriture d’une fanfiction.
Tout d’abord, l’éditeur lui-même, Ankama, rattache sa série, mais pas de
manière rigoureuse (l’expresion « autour de » a son importance), à l’heroic
21 fantasy46, donc un dérivé de la famille fantasy qui serait un genre littéraire à part
entière. En effet, on retrouve dans la fantasy les trois présupposés nécessaires à
la constitution d’un genre qu’avance Yves Stalloni dans Les Genres littéraires47.
Autrement dit, l’idée de norme (« la catégorie générique prédétermine le
contenu des productions qui en relèvent »), l’idée de nombre (« Pour avoir un
genre, il faut la réunion, sur des critères de ressemblance, d’éléments individuels
pris en nombre indéfini mais nombreux ») et de hiérarchie. Justement par rapport
à cette idée de hiérarchie, on trouve au 1er niveau l’espèce puis des divisions
comme les familles, les classes, etc. La fantasy serait ainsi l’espèce et l’heroic
fantasy une famille possible.
Approfondissons un peu plus cette question de la fantasy. En se référant à
La Fantasy de Jacques Badou, dans la collection Que sais-je ?48 de l’éditeur
PUF, on peut commencer par donner une première définition de la fantasy.
Michal Moorcock, répondant à la question « Qu’est-ce que la fantasy ? » affirme
: « C’est bien sûr, un large territoire, mais il est, d’autre part, assez facile à
définir. La fantasy est formée de fictions qui ont relation au fantastique, qui
dépassent le cadre de l’expérience humaine ordinaire »49.
L’univers de Wakfu correspond à cette première définition, très générale,
puisqu’on trouve dans le jeu, et ses à-côtés (bandes dessinées, dessin animé,
etc.), des races différentes de la race humaine, des pouvoirs, un bestiaire qui
n’est pas celui de notre planète. Bref, des caractéristiques qui « dépassent le
cadre de l’expérience humaine ordinaire » pour reprendre les termes de
Morrcock.
Pour affiner encore un peu plus ce domaine de la fantasy, on peut rapporter
qu’il existe en son sein deux grands courants. D’abord la low fantasy où des
événements surnaturels « s’y produisent de façon brusque, sans causalité, sans
46 Dans le texte de présentation d’une bande dessinée Wakfu, Les Larmes de sang, on peut lire : « Découvrez une série magnifiquement sombre autour d’un univers heroic fantasy
exceptionnel. », Ankama-­‐editions.com, « Wafku – Les larmes de sang », ankama-­
editions.com [en ligne], [21/05/2013], URL : http://www.ankama-­‐
editions.com/fr/catalog/destinations/31-­‐wakfu-­‐larmes-­‐sang.html 47 Stalloni, Yves, Les Genres littéraires, Paris, Armand Colin, 2008, 125 p. 48 Baudou, Jacques, La Fantasy, Paris, « Que sais-­‐je ? », PUF, 2005, 128 p. 49 Op. cit., p.3 22 explications »50. A la manière du roman d’Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian
Gray. Wakfu ne rentre dans ce cadre où le surnaturel n’est qu’épisodique. Le
surnaturel, comme les pouvoirs de certaines classes, est permanent.
Ainsi, Wakfu semble se ranger plus du côté de la High fantasy, autre
versant de la fantasy. Il s’agit d’un « monde secondaire », ce qui correspond à la
théorie littéraire des mondes possibles, que l’on étudiera plus en profondeur dans
la seconde partie de ce mémoire, un monde « possédant ses propres lois
naturelles qui diffèrent généralement de celles de notre monde ». Wakfu, avec sa
magie, et ses créatures étranges, rentre pleinement dans une telle définition. Pour
résumer, on peut dire que Wakfu est une œuvre de fantasy qui rejoint le courant,
à la manière de Tolkien, de la High fantasy.
Thym Zahorski et Boyer vont plus loin et affinent à leur tour la High
fantasy. Ils proposent une nouvelle segmentation avec d’un côté la Myth fantasy,
qui prend ses racines « dans la mythologie – ou plutôt, les mythologies »51 ; et la
fairy-tale fantasy qui « prend source dans les contes populaires »52. Il est
difficile, avec une telle précision, de raccorder Wakfu à l’un ou à l’autre. Les
éléments d’inspiration semblent tellement composites qu’on peut trouver des
emprunts autant à la mythologie qu’au conte. Cette tentative de précision trouve
à ce stade ses limites.
Seulement, cet arrêt ne veut pas dire qu’il n’est pas possible de préciser la
fantasy qui caractérise Wakfu. Focalisons-nous sur l’heroic fantasy, le sousgenre qui semble le plus proche de la création d’Ankama. Comme Jacques
Baudou le dit53, c’est Robert E. Howard qui est considéré comme le père de la
sword and sorcery, autre nom pour l’heroic fantasy. S’il fallait donner une
définition à ce type de fantasy, il faudrait se tourner vers Lyon Sprague de Camp
et son ouvrage, un classique sur la question, Litterary Swordsmen and
Sorcerers : The Makers of Heroic Fantasy. Dans ce livre, Sprague de Camp
donne la définition suivante : « C’est le terme par lequel les aficionados
qualifient affectueusement cette école de la fiction fantastique dans laquelle les
50 Op.cit., p.4-­‐5 51 Op.cit., p. 6 52 Op.cit., p. 6 53 Op.cit., p. 39 23 héros sont plus héroïques, les vilains tout à fait infâmes et où l’action prend
totalement
le
pas
sur
le
commentaire
social
ou
l’introspection
psychologique. »54.
On peut déjà remarquer un décalage entre cette définition et l’univers de
Wakfu. Même si Ankama rapproche son univers transmédia de cette appellation,
force est de constater qu’il n’y a pas une totale adéquation entre la création et la
définition. En effet, l’action n’est pas le seul fait de Wakfu, la politique et
l’écologie sont des éléments sur lesquels les développeurs insistent, pour s’en
tenir au jeu en ligne (on peut déjà rappeler que la définition donnée par Ankama
à son jeu, et lisible via une simple recherche Google, est « Wakfu, le MMORPG
stratégique, politique et écologique »55).
Lorsque l’on dégage les caractéristiques de l’heroic fantasy, on est encore
plus surpris de l’inadéquation entre la définition et la création d’Ankama. Voici
les quatre critères que dégage Jacques Baudou56, toujours par rapport au livre de
De Camp :
•
Le héros est un guerrier barbare charismatique ;
•
L’emphase est mise sur l’action ;
•
Le style est simple, prosaïque, familier ;
•
La violence y est gratuite et sensationnelle
Néanmoins, il serait un peu hâtif de s’arrêter à une telle formalisation. Les
romans du cycle de Conan comprennent d’autres personnages que celui du
guerrier. D’ailleurs, le nom même de « swordsmen and sorcerers » nous rappelle
qu’on trouvera au moins des magiciens dans les récits.
Ainsi, du fait de ses classes, variées, Wakfu se retrouve dans la réalité des
romans de Robert E. Howard. La classe du Iop correspond parfaitement à
l’image du barbare ivre d’action, tout comme un Xélor est à rattacher au
54 Op.cit., p. 39 55 Google.fr, Résultat : Wakfu [en ligne], https://www.google.fr/#hl=fr&gs_rn=1&gs_ri=hp&tok=RrELR9Cm_I01eX9_-­‐
XxTng&cp=3&gs_id=a&xhr=t&q=wakfu&es_nrs=true&pf=p&tbo=d&output=search&sclient
=psy-­‐
ab&oq=wak&gs_l=&pbx=1&bav=on.2,or.r_gc.r_pw.r_cp.r_qf.&bvm=bv.41018144,d.d2k&fp=
e27fbdbe953c16a&biw=1280&bih=685, page consultée le 16/05/2013 56 Op.cit., p.40 24 magicien. Seulement, à côté de tels types, on trouve également des Roublards ou
des Sacrieurs qui sont loin d’être des guerriers barbares ou des magiciens. De
même, la violence peut être gratuite mais peut également être justifiée, tout
dépend des agissements des joueurs, respectueux ou non des règles posées par
les développeurs.
Ainsi, on doit admettre que Wakfu se rapporte au genre littéraire de la
fantasy mais est en même temps difficilement rattachable, dans son intégralité, à
ce type de fiction. Même en allant du côté de certaines familles de la fantasy,
autres que l’heroic fantasy, on ne trouve jamais pleinement satisfaction.
Wakfu n’est pas complètement une fantasy humoristique comme la série
du Disque-Monde de Terry Pratchett (qui joue perpétuellement sur la parodie des
codes de la fantasy), ni une fantasy urbaine puisque Wakfu ne se déroule pas
dans une « ville contemporaine dans laquelle se manifeste d’une manière ou
d’une autre la magie »57, ni une fantasy exotique ou une oriental fantasy qui
imagine des cadres exotiques comme « une Chine revisitée » pour le cas de
Barry Hughart58, ni une fantasy arthurienne puisqu’aucune référence aux
légendes du roi Arthur n’est repérable dans Wakfu, ni une science fantasy, « un
type de fictions dans lesquelles les moyens de la fantasy sont déployés dans un
contexte de science-fiction »59, ni une fantasy épique même si Wakfu a des
similitudes avec cette continuation de l’œuvre de Tolkien.
On ne peut donc rattacher de manière nette et précise Wakfu a une famille
de la fantasy. Pourtant, l’univers d’Ankama entretient des liens forts avec ce
genre littéraire. On constate tout d’abord un bestiaire propre à la fantasy. Il y a
des dragons (comme le Dragon cochon dans la saison 2 du dessin animé60 ou
Grougaloragran, aperçu dès le premier épisode de la saison 161), des ogres
57 Op.cit., p. 55 58 Op.cit., p. 56 59 Op.cit., p. 58 60 Wakfu.com, « Le Dragon cochon », wakfu.com [en ligne], [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/serie/personnages/ennemis/dragon-­‐cochon 61 Wakfu.com, « Grougaloragran », wakfu.com [en ligne], [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/serie/personnages/amis/grougaloragran 25 (l’ogre Ogrest visible au début du jeu sur le mont Zinit62 et dans un dessin animé
spécial, Ogrest, la légende63), etc.
On recense également quelques aptitudes des personnages propres à
l’univers fantasy comme la magie (par exemple les Eniripsa, classe que le joueur
peut incarner dans le jeu, ont des pouvoirs de guérison64). Des éléments que l’on
retrouvera facilement chez des auteurs de référence dans le monde de la fantasy
comme Tolkien et sa trilogie du Seigneur des anneaux avec le personnage de
Gandalf.
Wakfu n’est donc pas pleinement de la fantasy. Il semble compliqué
d’affilier l’univers transmédia d’Ankama à un genre littéraire précis. Au
contraire, les scénaristes semblent s’amuser à mélanger les genres pour créer une
fiction hybride. Par exemple, le jeu Wakfu tend parfois vers la science-fiction.
La classe du Steamer représente cette hybridation. Le Steamer65 est un
robot, aux technologies avancées mais à l’esthétique surannée. De telles
caractéristiques, des technologies très avancées dans un monde ancien souvent
issu du XIXème siècle et d’une période d’industrialisation forte, renvoient
fortement à cette famille de la science-fiction que l’on nomme le steampunk. Ce
que confirme Jacques Baudou dans la définition qu’il en donne dans l’ouvrage
Science-Fiction66.
Après avoir constaté le caractère hybride, au niveau des genres, de l’univers de
Wakfu, on peut se demander si ce mélange aura une incidence sur l’écriture des
62 Wakfu.com, « Ogrest déclenche son chaos dans Wakfu ! », wakfu.com [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/mmorpg/communaute/news/286073-­‐
ogrest-­‐declenche-­‐chaos-­‐wakfu 63 Otakia.com, « Ogrest, la Légende (épisode HS – Résumé) », wakfu.com [en ligne], 2011, [21/05/2013], URL : http://www.otakia.com/28853/produit/serie-­‐tv/serie-­‐tv-­‐
danimation/ogrest-­‐la-­‐legende-­‐episode-­‐hs-­‐resume/ 64 Wakfu.com, « Les mains d’Eniripsa », wakfu.com [en ligne], [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/mmorpg/jeu/classes-­‐personnage/7-­‐mains-­‐eniripsa 65 Wakfu.com, « La vapeur du Steamer » [en ligne], [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/mmorpg/jeu/classes-­‐personnage/15-­‐vapeur-­‐steamer 66 « Parallèlement, s’esquisse un « courant » -­‐ on ne peut guère l’appeler autrement – qui, en raison de son apparition concomitante au mouvement cyberpunk, est qualifié de steampunk (de steam : vapeur). Il est initié par trois écrivains californiens amis qui vouent une même passion à l’Angleterre victorienne et imaginent des intrigues s déroulant dans un Londres du XIXe siècle qui doit beaucoup à Dickens et utilisent des éléments de science-­‐
fiction archaïque et fantastiques », Baudou, Jacques, Science-­Fiction, Paris, « Que sais-­‐je ? », PUF, 2003, p.40 26 fanfictions. Vers quel genre vont s’orienter les fanfiqueurs du fait d’une telle
hybridation ?
B) Les genres littéraires des fanfictions de Wakfu
Pour mener à bien l’analyse des fanfictions de Wakfu, on partira d’un
corpus fondé sur des recherches par mots-clés se référant à des genres littéraires
(« dramatique », « tragédie », « comédie », « épopée », « roman »,« nouvelle »,
« conte », etc.) à partir de moteurs de recherche mais également, plus
spécifiquement, d’une consultation exhaustive des fanfictions postées sur le
forum officiel de Wakfu.
Afin de débuter cette analyse, tentons une première formalisation des
genres rencontrés. On partira pour cette formalisation de la triade d’Aristote
issue de la Poétique.La triade d’Aristote répartit les œuvres de fiction en trois
modes d’énonciation : l’art d’imitation (théâtre), l’art du récit (dithyrambe) et
l’art mixte (épopée). Seulement, comme les genres littéraires ont évolué au fil
des siècles, on précisera ces catégories génériques. C’est ainsi qu’on trouvera
dans le théâtre, en se référant à la classification de Gérard Genette67, la tragédie
et la comédie pour le mode dramatique et l’épopée ou la parodie pour le mode
narratif. La première formalisation que l’on effectuera se basera donc sur la
triade d’Aristote, et plus précisément cette triade revue par Gérard Genette. Une
telle classification, générale, offre un bon point de départ à l’étude des genres
littéraires.
•
Genre dramatique
1. Comédie (Couples Wakfusien68).
On retrouve différentes caractéristiques propre aux genres dramatiques
comme une double écriture (écriture dramatique à base de dialogues et des
indications scéniques via les didascalies) ou une segmentation en actes et
scènes. Pour ce qui est de la comédie, la fanfiction Couples Wakfusien se
rapproche du vaudeville par sa thématique (un couple et une maîtresse) ou
67 Genette, Gérard, Figures II, Paris, « Points Essais », Seuil, 1979, 193 p. 68 Nicolitcho, Couples Wakfusien, wakfu.com [en ligne], [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/81-­‐fan-­‐fictions/72159-­‐couples-­‐wakfusien 27 encore l’accent sur l’expressivité des personnages (multiplication des phrases
exclamatives, interrogatives).
•
Genre narratif
1. Parodie (Final Wakfu69)
La fanfiction Satires diverses et variées sur la société Eliatrope se rattache
aux genres narratifs par le recours à un narrateur (qui parle ici en son nom et
incarne le personnage principal de l’extrait) et à un récit décalé (donc imitation
indirecte du réel, contrairement à l’imitation directe, par l’action d’acteurs, pour
les genres dramatiques). On peut rattacher cet écrit à la parodie puisqu’il s’agit
tout d’abord d’une lettre parodiant le Micromégas de Voltaire (référence
explicite) mais accentuant également, ce qui est le fait de la parodie, les
caractéristiques thématiques de Wakfu. Par exemple, la mentalité des Eliatropes.
2. Epopée (L’épopée des races perdues70)
On retrouve là encore les caractéristiques propres aux genres narratifs,
évoqués ci-dessus. Plus spécifiquement, la fanfiction L’épopée des races
perdues nous narre comme dans une épopée un récit comprenant des éléments
surnaturels (l’ogre Ogrest noyant les terres d’Ankama), un destin collectif
(Yugo, Amalia, Ruel, etc.), l’accent sur le voyage (la traversée en bateau à la
recherche de l’île de Moon).
Avant de poursuivre cette étude, il convient de nuancer cette première
formalisation. En effet, même si l’on peut trouver des épopées dans les
fanfictions de Wakfu,on ne peut pas vraiment qualifier ces récits d’épopées au
sens strict. Si l’on se réfère à la définition qu’en donne Aristote dans le chapitre
V de La Poétique, il est clair qu’il manque beaucoup d’éléments dans les
fanfictions trouvées. Sans s’étaler sur le sujet, l’expression est en prose et non
versifiée et la longueur n’est pas toujours suffisante (format non étendu). De ce
fait, il serait plus pertinent de parler de récits d’aventure ayant un souffle épique
que d’épopées classiques comme Homère pouvait en écrire.
69 SeigneurDenger, [Fan-­fiction] Satires diverses et variées sur la société Eliatrope, wakfu.com [en ligne], 2010, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/94-­
generalites-­emrub/62987-­fan-­fiction-­satires-­diverses-­variees-­societe-­eliatrope 70 Fanosa, L’épopée des races perdues, wakfu.com [en ligne], 2009, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/81-­‐fan-­‐fictions/44162-­‐epopee-­‐races-­‐perdus 28 Après une telle remarque, poursuivons notre travail de formalisation en
étudiant plus précisément les sous-genres des genres dramatiques et narratifs en
se basant sur l’ouvrage de synthèse d’Yves Stalloni, Les Genres littéraires.
•
Genre narratif
1. Roman (Wakfu Saison 3, The Last Fight of the World?71)
Wakfu Saison 3 se rapproche pleinement du roman par sa longueur tout
d’abord. Il s’agit d’un roman fleuve s’étalant, au moment de l’écriture de cette
partie (le 17 mai 2013), à 8 pages de résultats. Un récit long séquencé en
chapitres, avec la présence d’un narrateur omniscient.
2. Nouvelle (Partenaires72)
Partenaires est similaire sur bien des points à Wakfu Saison 3, narrateur
omniscient, récit et non échanges de dialogues, mais est plus proche d’une
nouvelle du fait de sa longueur. Il s’agit en effet d’un écrit en une page.
3. Conte (Les contes du monde des 1273)
Il s’agit là encore de récits courts mais qui développent une morale propre
au conte (qui possède en lui une portée philosophique sous des aspects
divertissants) comme le coût de la désobéissance pour le conte « La petite
Eniripsa rouge » qui se veut également une parodie du Petit chaperon rouge. A
noter également l’usage du traditionnel « Il était une fois » pour ouvrir le récit.
4. Fable (La Fable d’un Noke : l’héros Luka74)
Même si la fanfiction se qualifie de « fable », il ne s’agit pas vraiment
d’une fable car on ne retrouve pas d’animaux en tant que protagonistes ou de
leçons de vie à la fin du récit, à la manière des maximes de La Fontaine dans ses
Fables. C’est là un premier problème rencontré. Les fanfiqueurs qualifient eux 71 Tatii-­‐Mimii, Wakfu Saison 3, The Last Fight of the World, wakfu.com [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/81-­‐fan-­‐fictions/281206-­‐wakfu-­‐
saison-­‐3-­‐last-­‐fight-­‐world 72 Motokolas, Partenaires ?, fanfiction.net [en ligne], 2011, [21/05/2013], URL : http://www.fanfiction.net/s/7596172/1/Partenaires 73 Lasconix, Les contes du monde des 12, wakfu.com [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/81-­‐fan-­‐fictions/255906-­‐contes-­‐monde-­‐12 74 Ravagouille, La fable d’un Noke : l’héros Luka, wakfu.com [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/137-­‐histoires-­‐jeu-­‐role/278122-­‐fable-­‐noke-­‐heros-­‐
luka 29 mêmes leurs fanfictions mais ces qualifications ne sont pas toujours exactes. En
dehors de ce résultat, aucun récit ne se rapproche ou ne se qualifie de « fable ».
•
Genre lyrique
1. Poésie (Un exemple de poésie versifiée dans les fanfictions de
Wakfu, Au Temps du Wakfu75)
Cet exemple n’est pas le seul mais illustre bien la tendance lourde visible
sur le forum officiel de Wakfu. Plusieurs fanfiqueurs écrivent des poèmes mais
ces poèmes ne respectent pas une métrique rigoureuse. On trouve dans une
même strophe des vers de 4, 5, 7 et 10 syllabes (on pourrait parler de « vers
libres »). Malgré cette absence de rigueur dans la composition, ces écrits relèvent
de la poésie par un usage de la rime (rimes plates, embrassées) ou un retour à la
ligne pour chaque vers.
Au niveau du fond, on constate donc que les fanfictions relèvent de la
littérature puisqu’elles s’apparentent, de manière plus ou moins rigoureuse, à des
genres littéraires éprouvés. Seulement, les formalisations précédentes le
montrent, l’usage des genres littéraires est rarement rigoureux. On retrouve des
caractéristiques propres à tel ou tel genre dans telle ou telle fanfiction mais
jamais une utilisation méthodique de ces caractéristiques.
Le plus souvent, les fanfiqueurs mélangent les genres. On passe ainsi dans
une grande partie des récits d’un roman ou d’une nouvelle avec un récit mené
par un narrateur omniscient à de longues séances de dialogues reprenant les
caractéristiques formelles de la pièce de théâtre. Les fanfiqueurs ne se contentent
pas d’un genre littéraire, ils en synthétisent plusieurs à l’intérieur de leurs écrits,
de manière consciente ou non.
Même si l’on peut considérer le mélange comme une invention, il faut
constater que les fanfiqueurs de Wakfu n’inventent pas de nouveaux genres alors
que c’est parfois le cas pour d’autres fanfictions d’autres univers. On peut citer à
nouveau, exemple déjà évoqué dans le développement préalable, la song-fic.
Malgré tout, une véritable diversité des genres dans les usages est constatable.
75 Gui-­‐Pac, Au temps du Wakfu, wakfu.com [en ligne], 2009, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/81-­‐fan-­‐fictions/44453-­‐temps-­‐wakfu-­‐poesie 30 Après avoir étudié ces genres connus et reconnus, il semble intéressant de
se pencher du côté de la paralittérature. En effet, si la recherche de sous-genres
poétiques, du côté de ses formes les plus classiques, ne donne rien (pas de sonnet
revendiqué par exemple), en est-il de même pour le genre narratif, et plus
précisément les genres paralittéraires? Autrement dit, le fantastique, le roman
policier, la science-fiction ?
Le point de départ de cette nouvelle formalisation sera le livre La
Paralittérature d’Alain-Michel Boyer76. Grâce à des recherches par mots-clés
sur des moteurs de recherche (« fantastique », « policier », « science-fiction »,
etc.), et plus précisément un dépouillement des fanfictions du forum officiel de
Wakfu, voici une première formalisation :
•
Fantastique (Une Nouvelle histoire. Le manoir du cauchemar77)
Le manoir du cauchemar utilise plusieurs caractéristiques du récit
fantastique. Tout d’abord, l’irruption d’éléments surnaturels (des fantômes) dans
un monde réaliste ou encore une esthétique singulière (un manoir, des bougies
qui éclairent faiblement, etc.).
•
Science-fiction (La trame de l’espace78)
La Trame de l’espace se rapproche grandement des space opera, sous-
genre de la science-fiction. On retrouve un cadre spatial qui est l’espace, avec
son lot de batailles, et plusieurs lieux communs de la science-fiction comme les
trous noirs ou les failles temporelles.
•
Roman policier (Enquêteurs, à vos enquêtes !79)
Il s’agit surtout d’un jeu participatif reposant sur la résolution d’énigmes.
La résolution prend la forme d’une enquête policière, à la manière des romans
76 Boyer, Alain-­‐Michel, La Paralittérature, « 128 », Armand Colin, 2008, 123 p. 77 Celui-­‐qui-­‐aimait-­‐miner, Une nouvelle histoire. Le manoir du cauchemar, wakfu.com [en ligne], [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/81-­‐fan-­‐fictions/45298-­‐
nouvelle-­‐histoire-­‐manoir-­‐cauchemar 78 Ughlkzhsfiouy, La trame de l’espace, wakfu.com [en ligne], 2010, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/81-­‐fan-­‐fictions/65179-­‐trame-­‐espace 79 oOXxBossxXoO, [Fan-­Enigmes] enquêteurs, à vos enquêtes !, wakfu.com [en ligne], [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/94-­‐generalites-­‐emrub/69462-­‐fan-­‐
enigmes-­‐enqueteurs-­‐vos-­‐enquetes 31 d’Agatha Christie. Seulement, il ne s’agit pas forcément ici de meurtres à
élucider.
•
Roman érotique, pornographique (Nocturne80)
Nocturne se veut un récit érotique puisque l’auteure évoque une scène de
nudité du personnage Evangélyne face à son amoureux, Tristepin. On ne peut
pas qualifier cette courte nouvelle de pornograhique puisqu’il n’y a aucune scène
de sexe explicite.
Cette formalisation s’est strictement tenue aux catégories proposées dans
le livre La Paralittérature. Néanmoins, il faut tout de même évoquer des
résultats qui demeurent des fictions mais sortent d’un tel cadre. Les fanfiqueurs
ont par exemple imaginé de fausses interviews, de faux articles de journaux ou
encore des histoires drôles par rapport à Wakfu.
On constate là encore, comme pour les genres littéraires éprouvés analysés
plus haut, un problème de rigueur. Les écrits de fans se rapprochent des genres
de la paralittérature mais jamais pleinement.
Autre problème rencontré lors de cette analyse, l’inachèvement des textes.
Très souvent, les fanfiqueurs ne terminent pas leurs œuvres. Soit, faute d’idées,
soit par manque de temps ou par manque de réactions des lecteurs. Ainsi, on se
retrouve avec des écrits incomplets qui rendent toute analyse comparative
délicate. Par exemple, comment être certain qu’un texte en cours est une grande
nouvelle, un court roman ou un roman classique dans ses proportions
quantitatives ?
Même si certains le font, sans que cela soit toujours pertinent comme on a
pu le voir plus haut, peu de fanfiqueurs qualifient leurs œuvres par une référence
générique. On ne lira quasiment pas « une nouvelle » ou « un roman ». Le plus
souvent, le fanfiqueur parle de « fanfiction », ou de « fanfic », comme s’il
s’agissait d’un fourre-tout dont le caractère commun de tous les écrits qui s’y
retrouvent serait la fiction. Il s’agit toujours d’imaginer une histoire, à l’intérieur
de l’Histoire imaginée par les équipes d’Ankama.
80 Princessed, Nocturne, fanfiction.net [en ligne], 2011, [21/05/2013], URL : http://m.fanfiction.net/s/7125973/1/ 32 En résumé, au niveau du contenu, les fanfictions usent de manière non
rigoureuse des genres littéraires. Elles démontrent également une tendance à
l’hybridation et une domination de la fantasy, une fantasy plus ou moins
malmenée. Cette domination s’explique par la référence à lafantasy que met en
avant Ankama sur ses créations. Les fanfiqueurs ne font que suivre les
caractéristiques du monde aimé pour imaginer leurs propres histoires. Cet usage
de la fantasy est également lié aux lectures des fanfiqueurs. On pourra consulter
en annexes81 les résultats d’un questionnaire adressé aux fanfiqueurs du forum
officiel de Wakfu.
Majoritairement, ces derniers affirment lire de la fantasy, et de la
littérature plus classique (résultat des programmes scolaires), ce qui semble
symboliser une extension de Wakfu. Les joueurs appréciant le monde d’Ankama
se dirigent par la suite vers des romans appartenant pleinement à la fantasy.
Comme la fantasy constitue une grande partie de leurs goûts, Wakfu et lectures,
il semble logique que ces fans devenant écrivains reproduisent des schémas,
réutilisent des caractéristiques propres à cet univers littéraire.
Les fanfictions, postées sur les forums dédiés à Wakfu, se rapprochent donc, plus
ou moins, de la littérature propriétaire au niveau des formes et des contenus.
Mais qu’en est-il pour les fictions textuelles à l’intérieur du jeu Wakfu ? En effet,
les écrits fictionnels de fans ne se limitent pas aux récits postés sur les forums : à
l’intérieur même du jeu de rôle en ligne, on peut découvrir une utilisation
littéraire du texte. Ce que l’on nomme le « rôle-play ». Cette utilisation renvoiet-elle à des pratiques littéraires éprouvées ou imaginent-elles de nouveaux types
d’écrits ?
III) Réactivation de pratiques littéraires anciennes dans le jeu
Wakfu
Même si les fanfictionsconstituent une grande partie des productions de fans avec
une base textuelle, il ne faut pas non plus oublier d’interroger la pratique du
roleplay. Cette pratique consiste à utiliser encore une fois du texte pour créer des
81 Annexes 2 33 fictions. Des fictions qui peuvent être diffusées sur les forums mais également
prendre vie dans un jeu de rôle en ligne. Si les fanfictions, comme on a pu le voir,
sont proches sur la forme et le fond de la littérature propriétaire, cette pratique
textuelle en direct l’est-elle tout autant ?
A) Le texte comme moyen de communication dans Wakfu
Il faut tout d’abord s’avoir qu’au sein du monde imaginaire de Wakfu, les
joueurs communiquent entre eux via des bulles de texte. Ces bulles font penser
aux phylactères des bandes dessinées, qui expriment la parole, ou la pensée, d’un
personnage précis. Ainsi, un joueur peut dialoguer avec d’autres personnages en
écrivant du texte sur son clavier et lire la réponse de son interlocuteur en regardant
la bulle qui lui répond. Sans entrer dans trop de détails, on remarque qu’il existe
plusieurs manières de dialoguer. Il s’agit toujours d’utiliser le texte mais ce texte
peut-être partagé avec tous ou restreint à un groupe préalablement défini.
En jouant à Wakfu, j’ai pu découvrir que les fans qui écrivaient des
fanfictions pouvaient également pratiquer ce que l’on nomme le « roleplay ». Il
s’agit de faire vivre son personnage en s’assimilant complètement à ce dernier le
temps d’une partie. Le joueur prend la peine de construire un passé à son
personnage, des traits de caractère et peut se lancer ainsi dans des événements
qu’il scénarise lui-même, impliquant souvent plusieurs joueurs faisant également
du roleplay.
J’ai pu acquérir des connaissances sur le roleplay grâce à des discussions
avec des rôlistes, joueurs pratiquant le roleplay, dans Wakfu mais également grâce
à la lecture d’ouvrages en anglais ou de blogs spécialisés dans le roleplay dans
Wakfu82. Il existe plusieurs essais sur cette pratique d’un rôle dans un univers
donné. On peut citer The Functions of role-playing game de Sarah Lynne
Bowman83 ouThe Fantasy role-playing game de Daniel Mackay84.
82 Van Merwan, « Role-­‐Play – L’Encyclopédie », wakfu-­world.com [en ligne], [21/05/2013], URL : http://www.wakfu-­‐world.com/guides/guide-­‐1231 83 Bowman, Sarah Lynne, The Functions of role-­playing game, McFarland and Co Inc, 2010, 208 p. 84 Mackay, Daniel, The Fantasy Role-­Playing Game : A New Performing Art, McFarland and Co Inc, 2001, 201 p. 34 B) Synthèse du roleplay
Tout d'abord, le roleplay est une pratique possible du jeu. En effet, tous les
joueurs au sein de Wakfu ne font pas de "rp" (abréviation utilisée entre initiés),
certains préfèrent le "xp" (autrement dit, faire gagner à son personnage de
l’expérience en menant des combats, donc augmenter son niveau d’évolution, ses
statistiques, etc.)Ces deux pratiques étant différentes, la réussite recherchée par le
joueur n’est pas la même. Alors que le joueur qui veut augmenter son niveau
combattra sans cesse pour atteindre un niveau symbolique (comme le niveau 100),
le joueur pratiquant le roleplay sera plus soucieux de construire son personnage en
lui inventant et en lui faisant vivre des histoires. Il est donc possible qu’un rôliste
possède un personnage faible au niveau des statistiques mais ce n’est pas un
problème pour lui car cette accumulation de points n’est pas ce qu’il recherche. Il
veut au contraire que son personnage possède un background important
(autrement dit un passé, une personnalité, etc.) ; cette recherche ne passe pas,
contrairement à l’adepte du « xp », forcément par le combat. Les deux peuvent
acquérir une certaine notoriété mais pas forcément auprès des mêmes personnes
car les rôlistes forment tout de même une communauté très spécialisée.
Même si la pratique du roleplay consiste à s’imaginer des histoires et à les
faire vivre à ses avatars, cette manière de jouer n’est pas pour autant pleinement
libre. Il existe une codification importante qui structure les échanges entre rôlistes
au sein du jeu (via les phylactères évoqués plus haut) ou sur les forums (on utilise
une balise [/RP/] pour expliquer que l’on parle comme si l’on était son avatar, et
[/HRP/] pour signifier qu’on ne pratique plus le roleplay mais que l’on parle en
son nom).
La classe du personnage que le joueur choisit, avant de se lancer dans
l’aventure, est déjà une détermination importante. En effet, chaque classe a sa
psychologie et il serait incongru d'aller à l'encontre de cette base (sauf s’il s’agit
de pratiquer le détournement volontaire). Par exemple, un personnage peut-être un
Iop. Un Iop est un guerrier, il est réputé pour sa force, sa bravoure (son souhait le
plus profond est de « mourir en héros », d'« entrer dans la légende » pour
reprendre quelques expressions de Tristepin, personnage Iop du dessin animé
Wakfu), mais pas pour son intelligence. Une des moqueries récurrentes dans le
35 dessin animé, à l'égard de Tristepin, mais que l'on retrouve également dans le
jeuWakfu (entre joueurs), est "cervelle de Iop".
Pratiquer le roleplay, c’est se plier à des déterminations, c’est donc faire
abstraction de notre monde, accepter la logique du monde imaginaire de Wakfu.
En effet, si l’on pratique le roleplay, on ne peut pas parler de bus ou de
philosophie rousseauiste. Ces éléments de vie appartiennent à notre monde. Il
convient donc d'être cohérent par rapport à la psychologie de notre classe,
l'essence du personnage, mais également cohérent vis-à-vis de l'univers fictionnel
dans lequel on évolue, cohérent dans ses productions textuelles, sur les forums
(lorsque l’on rédige la fiche technique de son personnage ou lorsque l’on raconte
sous forme de récit une aventure vécue par son avatar) mais également lors de
discussions en direct dans le jeu Wakfu85.
L'univers fictionnel du rôliste dans Wakfu, c'est le background (l’arrière-plan,
ici au sens d’histoire). Dans le cas de Wakfu, il s'agit du monde des douze. Cette
contrainte veut donc dire que pour le rôliste, il faut respecter un cadre
géographique (pour Wakfu, un monde partiellement englouti après le chaos de
l’ogre Ogrest, ses pleurs noyèrent partiellement les terres), un cadre temporel
(actuellement nous sommes en 970 dans Wakfu) et des particularités techniques et
technologiques (pas de voitures, de bus mais des portails Zaap, des montures
et...vos pieds).
Après ces quelques éléments génériques, il convient d’entrer un peu plus
dans le détail. J'évoquais plus haut la psychologie générale de la classe. La classe
définit également des caractéristiques physiques. Par exemple, un Iop n'a pas
d'iris. Il serait donc absurde, si je converse dans le jeu en roleplay avec un Iop,de
lui dire « Regarde-moi dans les yeux ».
La pratique du roleplay a également ses degrés d’assiduité. Il est possible de
ne faire que du roleplay, certains joueurs croisés m'affirmèrent que ce personnage
(ils en avaient plusieurs) était dédié à une telle pratique. D'autres par contre
préfèrent pratiquer le roleplay de temps en temps. Pour baliser cet exercice
85 Annexes 3, dans cette annexe on pourra voir précisément, grâce à plusieurs captures d’écran, ce qu’est le roleplay dans Wakfu. 36 singulier, les joueurs parlent de "séances RP". Sur Wakfu, le joueur Nalon
m'avoua qu'il ne faisait pas d'xp le soir mais qu'il pratiquait le roleplay. Il
partageait ainsi son temps de jeu sur Wakfu de manière très distincte. Un temps
pour se battre et un temps pour tenir un rôle et donc créer des histoires via ses
actions (se rendre à tel lieu, agir de telle manière avec quelqu’un) et ses dialogues
avec les autres joueurs.
On peut commencer à pratiquer le roleplay en s’introduisant, de manière
arbitraire, dans un échange. Ce fut plusieurs fois mon cas. J'observais par exemple
Xremington, un joueur dont la classe est « brigand », à la taverne
d’Astrubracontant des histoires sanglantes. J'ai écouté et suis intervenu à plusieurs
reprises en faisant le Iop, donc la brute ("Ouais, du sang !!", "Encore de la
baston").
Il est aussi possible de débuter grâce à des phrases vides de sens, qui ne
servent qu'à établir une connexion, à montrer à son interlocuteur que l’on dialogue
en tant que personnage et non en tant que joueur. En disant, par exemple à la
taverne d’Astrub, « Bonjour, vous me servez à boire ? », l'autre joueur comprend
qu'il ne s'agit pas d'un joueur ordinaire mais d'un rôliste. En tous les cas, les
indices sont nombreux (vouvoiement, évocation d'une pratique virtuelle comme
s'il s'agissait d'une pratique réelle, etc.)
Dans Wakfu, le roleplay se pratique dans des lieux particuliers même si, au
quotidien, il est possible de l’exercer où l'on veut. Le plus souvent, c'est dans la
taverne d'Astrub que les échangent naissent (carrefour des joueurs abonnés ou
non, juste après l’initiation sur le mont Zinit,qui sert de tutoriel). Le fait qu'il
s'agisse d'une taverne offre aux rôlistes des possibilités de mise en scène. S'asseoir
sur un tabouret ou sur la table montre aux autres, sans rien dire, le caractère du
personnage. Du respectueux au frondeur. Encore une fois, il s'agit d'indices pour
une interprétation. Il existe plusieurs tavernes dans Wakfu.
Les caractéristiques de notre personnage, imposées en partie par le jeu (et
donc le choix d’une classe) et par soi-même (l'histoire qu'on lui invente), guident
les échanges. Par exemple, les sens physiques du personnage. Si j’incarnais un
37 Ecaflip, un guerrier86, j'aurais un odorat très fin. Je pourrais donc, dans certaines
situations, inventer des dialogues en me basant sur cette donnée propre à ma
classe et le cadre (à côté d'un Iop, je peux faire la grimace et me plaindre d'odeurs
nauséabondes puisque le Iop reste un personnage rustre donc potentiellement sale
car ne se lavant pas ou peu). Les sens psychiques correspondent eux
principalement à l'histoire que j'imagine pour mon personnage. Son enfance, son
passé. Si j'imagine une enfance difficile, je pourrais facilement jouer sur une
émotivité forte.
Il faut préciser que toutes ces contraintes ne sont pas surveillées par une
instance en charge du bon respect du roleplay. Les rôlistes jouent le jeu et forment
une communauté qui accepte de « faire semblant ». C’est donc à chaque rôliste de
veiller à respecter ces règles. Il est possible que les plus assidus rappellent à
l’ordre certains égarements. Néanmoins, les pratiques du roleplay sont multiples
et il est tout à fait possible de détourner les codes évoqués plus haut pour
justement pratiquer un roleplay parodique. Même si les règles sont nombreuses,
on constate des degrés de souplesse dans le respect de ces règles. Il ne faudrait pas
oublier que derrière ces fondements théoriques il s’agit avant tout d’un plaisir.
Un plaisir qui doit être partagé. Je vis un soir une scène illustrant une rupture
de ce contrat tacite au cœur du roleplay. Le joueur Xremington était à la taverne
d'Astrub, toujours provoquant, il posa son personnage sur une estrade, devant un
autre joueur(Pisio)dont le personnage était une femme. La surplombant,
Xremington commença à tenir un propos volontairement outrancier en demandant
à Pisio s'il voulait vendre son corps contre quelques Kamas (monnaie du jeu).
Pisio, au lieu d’entrer dans le jeu, en s'offusquant ou non, rompit toute volonté de
roleplay en affirmant qu'il était « un gars ». Xremington jouait un rôle, Pisio
refusa d’entrer dans l'échange. Il parla en tant que joueur et non en tant que
personnage.
Si le roleplay reste majoritairement une pratique textuelle, on note que dans
Wakfu, il peut utiliser différents canaux. A côté des dialogues écrits, et visibles via
des bulles, il existe en effet des émoticônes. Ils sont nombreux et permettent, si
86 Wakfu.com, « La pièce d’Ecaflip », wakfu.com [en ligne], [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/mmorpg/encyclopedie/classes-­‐personnage/6-­‐piece-­‐ecaflip 38 l'on clique sur l'un d'entre eux, de faire agir notre personnage. On y trouve une
matérialisation de la colère, le fait de pointer du doigt, voire de lâcher une
flatulence.
Voici un exemple d’une utilisation pour le roleplay de ces émoticônes. Un
soir, je découvris un joueur, Kills Heal, à la taverne d'Astrub. Ce dernier ne parlait
pas mais son comportement relevait du roleplay. En effet, son personnage lisait la
gazette de Wakfu. Seulement, au lieu de laisser son personnage seul, sans mise en
scène, il l'avait laissé à une table, assis sur un tabouret, un journal à la main.
L'avatar reproduisait la pratique réelle du joueur, ce qui n’était pas obligatoire si
Kills Heal voulait lire la gazette en tant que joueur sur son ordinateur.
D’autres outils sont proposés par les développeurs pour aider les rôlistes à
vivre leurs histoires. Par exemple, en utilisant « ** » au début de son message,
notre texte prendra la forme d'une bulle de songe. A côté de ces facilités pensées
par les développeurs, on note également l'émergence de conventions d'écriture
inventées par les rôlistes. La pratique du rôle-play a entériné certains codes. Par
exemple, en entourant son texte de « * », le joueur signale une action comme :
*frappe le Iop*. On ne verra rien à l’écran, on exprime simplement le désir de
l’action. L’autre joueur peut faire « comme si » l’action s’était véritablement
déroulée. Ainsi, le rôliste pallie l’absence de possibilités physiques offertes par les
développeurs en rédigeant du texte, un texte qui fait sens pour ceux qui pratiquent
le roleplay. Certaines actions ne peuvent se faire via les émoticônes alors les
rôlistes rusent en usant de conventions d’écriture.
C) Le roleplay et les concours littéraires
Après cette présentation, interrogeons-nous plus spécifiquement sur la
littérarité de cette pratique. En assistant à plusieurs sessions de roleplay, on se
rend compte tout d’abord qu’il s’agit d’une pratique de groupe, puis d’une
pratique orale, improvisée ou non, retranscrite par du texte dans le jeu. Par la
volonté de créer des fictions à plusieurs en racontant des histoires ou en incarnant
des histoires (personnage avec un passif imaginé), on se rend compte que le
39 roleplay est une pratique qui s’éloigne du simple chat (IRC : Internet Relay
Chat)87.
En regardant cette pratique dans une perspective littéraire, on perçoit
plusieurs analogies avec des pratiques littéraires anciennes marquées par l’oralité.
En effet, la littérature n’a pas toujours été le fait de l’écrit, pas exclusivement.
Même si l’écrit de fiction a connu une expansion forte grâce à la popularisation de
supports (des écrits égyptiens sur papyrus aux imprimés sortant des imprimeries à
caractères mobiles type Gutenberg, voire aujourd’hui la dématérialisation avec la
popularisation des formats .pdf ou .epub), il y a toujours eu en parallèle
l’existence d’une littérature orale ou du moins d’une oralisation de la littérature
(sous-entendu oralisation d’un texte transposé sur support physique).
Au temps de la Grèce antique, les grandes cités organisaient de nombreux
concours artistiques, comme le rappelle Jean-Charles Moretti dans son livre
Théâtre et société dans la Grèce antique88.Les rhapsodes, par exemple, étaient des
spécialistes de la déclamation de poèmes sans accompagnement musical89. Artisan
de la déclamation, le rhapsode choisissait un poème qu’il psalmodiait en public et
participait parfois à des concours artistiques90.
Les adeptes du roleplay dans Wakfu aiment à créer des événements
(« events »). Ces évènements consistent bien souvent en une réunion de plusieurs
personnes afin de créer une histoire, élaborer un concours, etc.
87 C’est l’informaticien Jarko Oikarinen qui décrira en premier le principe même du chat en 1993. Oikarinen, Jarko, « Internet, échanges textuels », tools.ietf.org [en ligne], [21/05/2013], URL : http://tools.ietf.org/html/rfc1459 88 « Les Grecs distinguaient deux types de concours. Les uns, qualifiés de sacrés offraient comme principale récompense aux vainqueurs des couronnes de feuillage, d’où leur nom de « stéphanites », stéphanos désignant, en grec ancien, la couronne. Les autres mettaient en jeu des objets de valeur ou des espèces numéraires ; ils étaient dits « chrèmatiques », « chrèmatiques », « thématiques » ou « thématites », adjectifs dérivés de deux termes désignant des sommes d’argent. », p.41, Moretti, Jean-­‐Charles, Théâtre et société dans la Grèce antique, Paris, Livre de poche, LGF, 2001, 321 p. 89 « Les rhapsodes étaient spécialisés dans la déclamation de poèmes sans accompagnement musical. Ion d’Ephèse, l’un des plus illustres représentants de la profession à l’époque classique, limitait son répertoire aux poèmes homériques. », op.cit. p.31 90 « Dans les concours chaque rhapsode devait choisir dans un poème, un passage de quelques centaines de vers ayant une unité thématique. Tout son art consistait à l’apprendre par cœur et à le psalmodier devant un publier qui en connaissait souvent le texte. », op.cit. p.31 40 Pour étudier ces filiations, on se focalisera sur le forum officiel de Wakfu. Ce
dernier possède une rubrique nommée « Évènements entre joueurs »91. En
consultant plusieurs pages de cette rubrique, via diverses recherches par mots-clés
(« poésie », « concours », « poèmes », « théâtre », etc.), on tient la preuve que les
rôlistes de Wakfu réactivent plusieurs pratiques antiques de la littérature.
Cette section dans le forum ne sert, le plus souvent, qu’à annoncer un
événement et préciser les conditions de participation, voire les récompenses.
Comme, par exemple, Le Festival du Theatrotron,initié par po91, qui propose aux
participants de « faire une pièce (de théâtre) qui dure maximum 10 minutes »92.
On ne peut quasiment pas lire de retranscription de l’événement terminé. Il ne
demeure que des échanges entre l’organisateur et les joueurs intéressés à propos
de détails du concours (les récompenses, etc.). Evoquons maintenant la nature de
ces concours et leurs analogies avec des pratiques littéraires anciennes.
Jean-Charles Moretti parlait de concours artistiques pour la Grèce antique.
On retrouve des concours du même type sur Wakfu. Un phénomène récurrent reste
le concours de poésie. Certains rôlistes emploient des termes très techniques,
comme « barde »93, ou encore des références littéraires (comme Cyrano de
Bergerac94) ce qui semble signaler une certaine culture littéraire. On verra dans
l’annexe 3 que les fanfiqueurs avaient eux aussi une culture littéraire classique à
côté d’une culture plus spécialisée dans la fantasy.
La notion de réussite est toujours présente dans ces concours. Elle se
matérialise par des cadeaux comme des sommes d’argent (pas d’argent réel mais
la monnaie du jeu, les kamas), des habits, des objets que notre avatar pourra
porter. Il ne s’agit plus de réussir en combattant des monstres et en augmentant les
statistiques de son personnage mais d’être le meilleur conteur, dialoguiste, poète,
etc. Donc d’être élu par un jury, d’être applaudi par une assistance.
91 Wakfu.com, Evénements entre joueurs [en ligne], http://www.wakfu.com/fr/forum/64-­‐
evenements-­‐joueurs, page consultée le 17/05/2013 92 Po91, Le festival du Theatrotron, wakfu.com [en ligne], 2013, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/64-­‐evenements-­‐joueurs/314682-­‐rp-­‐festival-­‐
theatrotron 93 Bananeblonde, [Sufokia] Concours de poèmes, wakfu.com [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/64-­‐evenements-­‐joueurs/220878-­‐sufokia-­‐
concour-­‐poemes 94 Dark-­‐Glix, [HRP] Le duel rimé, wakfu.com [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/64-­‐evenements-­‐joueurs/227224-­‐hrp-­‐duel-­‐rime-­‐rixme 41 Grâce à l’existence de ce monde imaginaire qu’est Wakfu, et grâce à la
marge de manœuvre allouée par les développeurs, il est tout à fait possible de
créer des réunions artistiques au sein du jeu. Il suffit aux joueurs de se
positionner autour d’une des estrades du monde de Wakfu (chaque état en
possède plusieurs), de laisser la place à un joueur sur l’estrade et de faire asseoir
les autres devant le participant. Il faut noter que les estrades dans Wakfu ne sont
pas similaires aux théâtres grecs. Il n’y a pas de gradins en arc de cercle ou
d’autel centré. L’estrade est souvent seule, en bois, et entourée d’herbe sur
laquelle vont s’asseoir les joueurs. Cette architecture a le mérite de mettre tous
les joueurs au même niveau. Il n’y a pas de décalage lié à la richesse (comme les
balcons donnant sur la scène dans les théâtres à l’italienne par exemple) ou
l’expérience des uns et des autres. Chacun est libre de s’asseoir où il veut. Le
mieux placé sera le premier arrivé.
Certains concours sont parfois le fait des développeurs. Un bon exemple
est le concours Une note de tendresse95, où le but était de déclamer son amour
aux membres de Clan. Afin de comparer pertinemment ces concours à ceux de
l’Antiquité, il serait intéressant de se demander comment se déroule précisément
ce type de réunion poétique.
Le concours poétique qui se déroula en mars 2012, rapporté par
Bananeblonde96, nous renseigne sur plusieurs éléments. Tout d’abord, le
concours se déroula sur une estrade à Sufokia (une des nations de Wakfu),
« J’arrive sur l’estrade de l’artère sans arrêtes accompagnée par certains
participants de ma réunion » écrit Bananeblonde. On constate ici une
appropriation par les joueurs d’un matériel imaginé par les développeurs mais
sans but fixe ou exclusif.Les rôlistes décident d’en faire un espace délimité pour
un concours artistique.
Le message, annonçant le concours, est véhiculé par des « tofus
voyageur » (créature de Wakfu ressemblant à des poussins qui ont la faculté de
95 Le texte d’introduction explique : « Sortez vos plus belles plumes, les plus émouvants, drôles ou charmeurs d’entre vous pourraient se voir récompensés de leur dévotion », wakfu.com, [Concours] Une note de tendresse [en ligne], 2010, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/mmorpg/communaute/news/272649-­‐concours-­‐note-­‐
tendresse 96 Op.cit. 42 voler), « portant des affiches ». On apprend également que le concours se solde
par une récompense en Kamas (la monnaie du jeu). Bananeblonde
explique :« Un lot de 30 Kamas sera donné au vainqueur, un Lot de 10 Kamas
au second et 5 kamas au troisième…Plus ! Une bourse de 5 Kamas pour un
prix…Spécial ! ».
Le déroulement du concours fut particulièrement simple. Les participants,
une dizaine, passèrent les uns à la suite des autres sur l’estrade pour déclamer
leur poème. Le jury, dont le gouverneur de l’Etat organisant ce concours,
décerna les prix. Les poèmes furent retranscrits dans le sujet dédié à ce concours
sur le forum officiel de Wakfu. On trouve également dans le sujet la liste des
participants.
Un bémol est à relever, celui de l’accord de tous les participants. En effet,
comme ce genre de concours est organisé par quelques-uns, qui attendent la
participation, et la bonne volonté, d’autres joueurs, rien n’empêche l’intrusion de
joueurs refusant de « faire semblant ». Bananeblonde rapporte ainsi « dommage
que certains ne cherchent pas à jouer le jeu ». Connaissant désormais
précisément ce type de concours, quelles analogies peut-on y déceler par rapport
aux pratiques artistiques grecques ?
Tout d’abord, l’organisation de l’événement est rattachée à un lieu précis.
Ici, une estrade. En parcourant plusieurs sujets portant sur des concours
poétiques du même type, j’ai pu constater que les joueurs privilégiaient souvent
le havresac. Il s’agit là d’un sac magique que possède chaque joueur. Il est
possible d’entrer dedans et d’aménager son espace comme une maison (qui
grandit avec l’expérience du personnage). Le fait que ce lieu soit privé, et
ressemble à une maison, est propice au calme et à la création d’un café-théâtre97.
En effet, il est tout à fait possible de faire entrer plusieurs personnages à
l’intérieur d’un havresac. Cet isolement permet de ne pas subir le parasitage de
certains joueurs, comme Bananeblonde le remarquait plus haut. Il est d’ailleurs
possible pour l’organisateur de la soirée de filtrer les entrées dans son havresac
97 L’Auberge du Moskito est un bon exemple d’un lieu créé spécifiquement pour le roleplay, ici axé sur le théâtre. Néanmoins, cette création tient plus du fourre-­‐tout que du théâtre antique avec ces codes et sa complexité. Krigorn, L’Auberge du Moskito, wakfu.com [en ligne], 2008, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/64-­‐evenements-­‐
joueurs/31676-­‐auberge-­‐moskito 43 en acceptant ou non les demandes de joueurs se trouvant à l’entrée. Un filtre qui
rappelle les videurs des boîtes de nuit. Je n’ai par contre pas relevé l’existence de
théâtres comme durant l’Antiquité, au mieux des havresacs aménagés comme
des tavernes98.
On trouve également, comme au temps de la Grèce antique, l’existence de
prix en or. Chaque concours trouvé sur le forum officiel de Wakfu proposait
comme récompenses des lots plus ou moins conséquents d’argent. Cet or
provient majoritairement de l’organisateur du concours, voire du responsable
politique de l’état où se déroule l’événement. La monnaie de Wakfu est une
monnaie que l’on doit frapper soi-même. Il faut collecter certains minerais et se
rendre à un endroit précis pour créer, à partir de cette matière première, des
pièces d’or. Les personnes organisant ces concours, des joueurs ordinaires,
distribuent ainsi une partie de leurs richesses pour récompenser des
performances artistiques (poétiques, théâtrales, etc.) Cette attitude ressemble à
celle du mécénat comme on pouvait le voir au temps de la Grèce antique. Les
prix en or peuvent également être distribués par la société Ankama lorsqu’elle
propose un tel événement.Néanmoins, malgré ces analogies, on ne retrouve pas
la richesse des concours artistiques de l’Antiquité dans ces initiatives au sein de
Wakfu.
Par exemple, on ne retrouve pas d’utilisation d’instruments comme la
cithare, de costumes (masques, vêtements), de mécènes type chorège ou
agonothète, etc. Il est possible que ces absences tiennent aux limitations
techniques. Les joueurs pratiquent le roleplay avec les outils fournis par les
développeurs. Même s’il est possible d’en détourner certains, de se les
approprier, comme les estrades, très rapidement les joueurs vont buter sur les
limites des matériaux disponibles. De ce fait, un concours artistique prendra le
plus souvent la forme d’une réunion entre personnages parlant chacun leur tour
dans un lieu précis (souvent isolé, pour le calme, tel un havresac aménagé). Mais
98 Ici un havre-­‐sac taverne sur Emelka, Wellsley, Havre-­Sac taverne sur Emelka, wakfu.com [en ligne], 2009, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/64-­‐evenements-­‐
joueurs/57353-­‐havre-­‐sac-­‐taverne-­‐emelka. Ou la taverne du Dragon Chantant, Stirio, La Taverne du Dragon Chantant, wakfu.com [en ligne], 2011, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/137-­‐histoires-­‐jeu-­‐role/87903-­‐taverne-­‐dragon-­‐chantant 44 les joueurs utilisent-ils forcément toutes les possibilités offertes par les
développeurs ?
Il semble difficile d’être tout à fait affirmatif, d’annoncer que les rôlistes
utilisent tous les moyens possibles et réclament toujours plus de facilités. Par
exemple, le jeu permet de faire agir de différentes manières son personnage, via
les émoticônes évoquées plus haut. Il est possible, si encore on possède ces
actions (donc si les statistiques de notre personnage sont suffisamment élevées),
de faire chanter pendant quelques secondes notre personnage, ou de lui faire
jouer de la guitare, de le faire siffler, etc.99A chaque fois, le personnage s’agite,
avec une guitare par exemple, et émet du bruit. Bien entendu, ces actions
prédéfinies sont limitées et il n’est pas possible de modifier les sons choisis par
les développeurs.Notre avatar effectuera toujours la même micro-action à partir
du moment où l’on appuiera sur le bouton approprié.
Pourtant, malgré ces opportunités, je n’ai pas assisté à l’utilisation de ces
actions prédéfinies dans le cadre d’un concours de poésie, ce qui contribue à
simplifier les concours poétiques par rapport aux concours ou pratiques
fictionnelles du passé, comme par exemple les troubadours du Moyen Age
utilisant des instruments. A noter tout de même, pour les émoticônes, que des
discussions peuvent naître sur le sujet, voire des demandes100, malheureusement
ce phénomène reste marginal.
En se référant au travail de Jean-Charles Moretti, on peut dire que les
concours poétiques organisés dans Wakfu sont surtout d’ordre chrèmatique (non
sacrées, avec récompenses numéraires) et les participants s’apparentent
essentiellement à des rhapsodes (déclamation d’un texte sans accompagnement
musical).
Comme ces concours se restreignent le plus souvent à la déclamation d’un
texte, il n’est pas rare de voir également naître ce genre d’initiatives sur le forum
de Wakfu. Certains sujets sont spécialement créés pour cela, il ne s’agit plus de
99 Wakfu-­‐world.com, « Emotes », wakfu-­world.com [en ligne], [21/05/2013], URL : http://www.wakfu-­‐world.com/objets/types/emotes-­‐1 100 Lagotar, « Un nouveau système pour les Emotes », wakfu.com [en ligne], [21/05/2013], URL : www.wakfu.com/fr/forum/69-­‐autres/35395-­‐nouveau-­‐systeme-­‐emotes 45 comptes-rendus d’un événement qui se serait déroulé dans le jeu mais d’un
événement imaginé spécialement pour le forum101.
A noter que l’identité des participants peut varier entre le forum et le jeu.
En effet, en créant son avatar, le joueur imagine un pseudonyme mais ce n’est
pas forcément ce pseudonyme qui apparaîtra sur un forum. Il est donc possible
pour le joueur de s’amuser avec une pluralité d’identités : l’identité réelle, celle
sur les forums et dans le jeu, ce qui confirme la spécificité même des jeux de
rôles : brouiller les pistes conduisant au réel.
Même si l’on ne retrouve pas la complexité des concours artistiques de
l’Antiquité, il n’empêche que les rôlistes de Wakfu tentent plusieurs projets
consistant à réactiver d’anciennes pratiques littéraires. A côté des poésies
mentionnées plus haut, on observe également des concours d’écriture de
contes102 qui se déroulent essentiellement sur le forum. Malgré une recherche
approfondie par mots-clés dans les événements entre joueurs sur le site de
Wakfu, je n’ai pas relevé de session de roleplay s’apparentant à une veillée de
contes dans le jeu. Pourtant, une telle initiative existe dans d’autres MMORPG
comme Warcraft103.
Dans Wakfu, ces concours de contes ressemblent surtout à des concours
d’écriture classique. Il s’agit de proposer son texte, souvent avec un nombre de
signes déterminé, sur un thème précis, et d’attendre le jugement du jury qui
décidera des vainqueurs et des récompenses.
Enfin, on relève également une autre pratique artistique ancienne dans ces
événements de roleplay dans le jeu : le théâtre de rue. Sur le forum, certains
101 Dark-­‐Glix, Aggro, poèmes et bêtises…, wakfu.com [en ligne], 2010, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/137-­‐auberge-­‐bouftou-­‐croustillant/219998-­‐aggro-­‐
poemes-­‐betises 102 Le texte introductif est particulièrement clair, il s’agit d’écrire des « conte(s) pour enfants ». Kazioopea, [Event-­Sufokia] Raconte nous une histoire, wakfu.com [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/64-­‐evenements-­‐joueurs/231526-­‐
event-­‐sufokia-­‐raconte-­‐histoire 103 Limenos, [Evenement role play] La veillée des contes, kirintor-­‐rp.forumsrpg.net [en ligne], 2009, [21/05/2013], URL : http://kirintor-­‐rp.forumsrpg.net/t1548-­‐evenement-­‐role-­‐play-­‐
la-­‐veillee-­‐des-­‐contes 46 rôlistes cherchent à engager des volontaires pour créer des pièces de théâtre104.
Ce théâtre peut-être improvisé et fait parfois l’objet de captations vidéos105.
Les rôlistes peuvent choisir de se cacher des autres pour créer leur propre
histoire, qui sera montée par la suite et postée sur Internet. Mais le roleplay
théâtral peut également prendre la forme d’une improvisation collective.
En se promenant dans les tavernes des différents lieux de Wakfu, il n’est
pas rare de rencontrer des personnes pratiquant du roleplay au regard de tous.
J’ai personnellement assisté, à plusieurs reprises, à des échanges, souvent
dramatiques (il était régulièrement question de troubles amoureux), entre
personnages à la taverne d’Astrub.
Bien souvent, les autres joueurs se posent à côté des rôlistes, les regardent,
voire interviennent à certains moments (de façon délicate ou non). C’est ainsi
que cette pratique fictionnelle peut émerger un peu partout dans le monde de
Wakfu. Il suffit que deux rôlistes qui se connaissent se rencontrent pour que
naisse un échange théâtral improvisé.
Ainsi, on observe une plus grande flexibilité dans cette reprise de pratiques
littéraires anciennes. Là où l’Antiquité gagnait en complexité, avec des
costumes, des décors, des concours de différents types (sacrés ou non), le monde
imaginaire de Wakfu gagne en spontanéité.
Il n’est plus question de mécénat, de lieux spécifiques (même s’ils peuvent
exister de manière temporaire), mais plus d’un état d’esprit qui peut éclore un
peu partout. Au fil des rencontres, les rôlistes, ces amoureux du verbe et de la
fiction, peuvent créer des histoires en échangeant entre eux. La part
d’improvisation est difficile à cerner tant ces personnes peuvent se retrouver
ailleurs (sur le forum, dans la vraie vie) et élaborer des embryons d’intrigue. On
104Nagataka, [Bonta] Inscriptions pour les pièces de théâte, wakfu.com [en ligne], 2011, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/64-­‐evenements-­‐joueurs/96598-­‐
bonta-­‐inscriptions-­‐pieces-­‐theatre 105Quelques exemples : Copaingato, « Le petit théâtre du Maimag (improvisation) », youtube.com [en ligne], 2010, [21/05/2013], URL : https://www.youtube.com/watch?v=q3_YzqOlMBI; Copaingato, « Une improvisation d’histoire sur Dofus », youtube.com [en ligne], 2010, [21/05/2013], URL : https://www.youtube.com/watch?v=hMEEDXuif74&feature=relmfu; Copaingato, « Etre bien avec un vampire – partie 3 », youtube.com [en ligne], [21/05/2013], URL : https://www.youtube.com/watch?v=2dQMK8imSYM&feature=relmfu 47 pourrait,
afin
de
poursuivre
cette
réflexion,
analyser
de
possibles
rapprochements avec l’écriture de scénario, de pièces de théâtre voire de bandesdessinées.
Il n’en demeure pas moins, que cette spontanéité est constatée et peut-être
éprouvée à tout moment, à toute échelle. J’ai moi-même joué le jeu à plusieurs
reprises. Me promenant dans la taverne d’Amkana ou d’Astrub, j’ai à plusieurs
moments joué un rôle, celui d’une brute épaisse, afin d’enrôler d’autres amateurs
de théâtre improvisé. Cette invitation fut le plus souvent bien reçue et entraina
quelques joutes verbales, voire quelques veillées (de contes, de poèmes). La
seule restriction à cette spontanéité reste l’accord des autres, l’acceptation de
jouer un rôle un temps donné.
Les fanfictions, et autres fictions textuelles, de Wakfu se rapprochent de la
littérature propriétaire sur plusieurs aspects. Il peut autant s’agir du choix d’un
média, le texte, que de l’usage de genres littéraires. Il ne s’agit jamais
pleinement d’œuvres rigoureuses qui seraient en tout point similaires aux
recueils publiés par des éditeurs littéraires classiques ou aux anciennes pratiques
issues de l’histoire de la littérature. Il s’agit surtout de rapprochements qui
démontrent une parenté forte entre ces écrits de fans et la littérature propriétaire.
On ne peut pourtant s’arrêter là. Si des rapprochements sont visibles dans le
cadre d’une étude comparée, de texte à texte, il convient désormais d’aller plus
loin et d’interroger la spécificité même des fanfictions par rapport à la littérature
propriétaire.
48 Partie 2 : La transfictionnalité
Les fanfictions, et autres fictions textuelles de fans, se rapportant à Wakfu
reposent toutes sur le même principe : utiliser un matériau créé par d’autres
(dans ce cas-ci les éléments de l’univers Wakfu imaginés par les équipes
d’Ankama) pour ensuite créer sa propre histoire. C’est ce que font
perpétuellement les fans de Wakfu lorsqu’ils imaginent des fictions liées à cet
univers. Ils vont réutiliser des personnages du dessin animé, comme Adamaï, ou
des classes de personnages du jeu, tels les Sacrieurs, pour les plonger dans de
nouvelles aventures. Cette spécificité des écrits fictionnels de fans semble se
rapprocher de ce que l’on nomme en littérature propriétaire la transfictionnalité.
I) La transfictionnalité dans les fictions textuelles de fans et en
littérature
A) La notion de transfictionnalité
Il existe un phénomène au sein de la littérature propriétaire que l’on
nomme la transfictionnalité. Le spécialiste francophone de cette question,
Richard Saint-Gelais, en donne une définition très précise106. Une œuvre
transfictionnelle ne se contente pas de citer des personnages d’une autre fiction,
comme Emma Bovary évoquant les personnages de Paul et Virginie de
Bernardin de Saint-Pierre, elle les fait vivre, agir en tant que personnages. En
cela, la transfictionnalité fait partie de l’intertextualité mais constitue un cas
106« (la transfictionnalité) doit être distinguée de l’intertextualité, dont elle constitue un cas particulier opérant selon des mécanismes et une économie propres. L’intertextualié repose sur des relations de texte à texte, que ce soit par citation, allusion, parodie ou pastiche. La transfictionnalité, elle, suppose la mise en relation de deux ou de plusieurs textes sur la base d’une communauté fictionnelle : constituent un ensemble transfictionnel, non pas les textes qui mentionnent un personnage comme Sherlock Holmes (par exemple celui que je suis en train d’écrire), mais bien les textes où Holmes figure et agit comme personnage. Il en va de même pour les univers fictifs considérés dans leur ensemble. Un auteur qui situerait une histoire dans MiddleEarth, le monde imaginé par Tolkien dans The Lord of the Rings, créérait du coup un ensemble fictionnel dans lequel le texte de Tolkien serait rétrospectivement inclus », p.2, Saint-­‐Gelais, Richard, « La Fiction à travers l’intertexte : pour une théorie de la transfictionnalité », actes du colloque « Frontières de la fiction », organisé par Alexandre Gefen et René Audet, 25 p., [en ligne], 2000, [21/05/2013], URL : http://www.fabula.org/forum/colloque99/PDF/Saint-­‐Gelais.pdf 49 précis d’intertextualité. Il n’est pas question d’opposer les deux phénomènes
mais de montrer que l’un découle de l’autre. En étudiant la transfictionnalité, on
étudie forcément un phénomène d’intertextualité. L’intertextualité est un
phénomène large qui peut prendre la forme d’une allusion, d’une citation, voire
dans le cadre de l’illégalité d’un plagiat. La transfictionnalité, elle, est un usage
très spécifique de l’intertexualité : prendre des éléments d’une fiction réalisée
par un tiers et leur faire vivre de nouvelles aventures dans un nouveau récit,
conçu par un autre.
Si l’on devait pousser plus loin cette réflexion sur la transfictionnalité en
littérature, on pourrait prendre comme exemple la bande dessinée Astérix et La
Guerre des Gaules de Jules César. Dans les deux œuvres, on retrouve le
personnage de César. Pourtant Astérix n’est pas une transfiction de La Guerre
des Gaules. Pour la simple raison que le César des deux œuvres n’est pas le
même, il faut une certaine constance pour que l’on puisse parler de
transfictionnalité. En effet, avec ces deux exemples on passe d’une caricature
(accentuation des traits de caractère, des traits physiques par le dessinateur
Uderzo),propre à la bande dessinée humoristique franco-belge, à un César plus
proche de la réalité bien que César lui-même, narrateur et auteur, héroïse ses
batailles. Si les deux César ne sont pas les mêmes, on peut tout de même dire
que le référent, pour utiliser un terme linguistique, de ces deux œuvres demeure
l’empereur romain Jules César, personnage historique.
Si l’on en reste à ce phénomène de la transfictionnalité décrit par Richard
Saint-Gelais pour approcher la spécificité des fanfictions et autres fictions
textuelles de fans de Wakfu, c’est tout simplement parce que cette description de
procédé est la plus juste pour décrire le phénomène que l’on étudie ici.
A une autre échelle, le débat pourrait être différent. En effet, toute œuvre
est intertextuelle car elle est soit l’hypertexte soit l’hypotexte d’une autre, pour
reprendre les termes de Gérard Genette. Seulement, ce débat sur les liens des
œuvres entre elle n’est plus précisément le cœur de notre étude. On s’en tiendra
donc au fait que les fictions textuelles des fans de Wakfu sont des écrits
intertextuels et plus spécifiquement transfictionnels, non pas sporadiquement
mais de manière constante (c’est l’essence même de ces écrits).
50 La seule différence qui opposerait une œuvre transfictionnelle de la
littérature propriétaire à une fiction textuelle de fan serait donc qualitative et
reposerait alors sur un jugement d’initié (une critique littéraire qui pourrait
prendre en compte des critères subjectifs comme le style) et sur la fréquence du
procédé. Alors que les fictions textuelles de fans sont par essence transtextuelles,
quelle place tient ce phénomène dans la littérature propriétaire?
On a tendance à penser en littérature propriétaire qu’une œuvre est le fait
d’un homme et que cette œuvre ne doit supporter aucune modification en dehors
de celles apportées par l’auteur d’origine. Il y a là un rapport d’exclusivité et
d’achèvement qui semble admis par tous. Le Rouge et le noir est un roman de
Stendhal, a un début et une fin, il semble difficile d’imaginer une suite sans
Stendhal.
Suite à une directive européenne du 29 octobre 1993, l’ensemble des pays
adhérant à l’Union Européenne a accepté d’établir la durée légale avant qu’une
œuvre tombe dans le domaine public à soixante-dix ans107. Pourtant, malgré
cette libération au niveau du droit, le rapport à une fiction du passé semble, a
priori, toujours plus patrimonial que vivant. On réédite les œuvres, on les
adapte, on les traduit. On mène, en somme, un travail de communication
pédagogique plus que de création littéraire. On ne tente pas de sortir du caractère
figé de l’œuvre, on se focalise sur la diffusion.
Pourtant, en regardant du côté des autres arts, on se rend compte à quel
point ce rapport d’exclusivité entre l’auteur et sa propriété intellectuelle, et
d’achèvement de l’œuvre une fois l’auteur d’origine mort, est une tendance
propre à la littérature. On peut évoquer par exemple le phénomène du sampling
avec des groupes comme Chinese Man reprenant des bribes de chansons
folkloriques d’Asie. Ou, pour le domaine de la chanson, des cas où le texte
d’une chanson est citée dans une autre chanson comme La Chanson de Prévert
de Gainsbourg qui se réfère explicitement aux Feuilles mortes écrites par
Jacques Prévert pour Yves Montand.
107
Journal officiel, « Directive 93/98, 29 octobre 1993, relative à l’harmonisation de la durée de protection du droit d’auteur et de certains droits voisins », eur-­lex.europea.eu [en ligne], [21/05/2013], URL : http://eur-­‐
lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:31993L0098:fr:HTML 51 Le problème de la littérature propriétaire est qu’il s’agit d’un média
exclusivement textuel. En ne se fondant que sur le texte, une œuvre utilisant le
phénomène de la transfictionnalité devra donc se contenter de produire un
nouveau récit, avec le même moyen d’expression, tout en maintenant un nombre
suffisant de liens avec l’œuvre originelle (ambiance, personnage, univers).
Ladifficulté revient donc à user d’un canal précis et unique, le texte, tout en
conservant (pour que l’œuvre relève bien de la transfictionnalité et qu’il ne
s’agisse pas d’une œuvre autre, coupée du récit inspirateur) et en innovant
suffisamment (pour ne pas être dans la copie). Si la littérature est un médium
exclusivement textuel, cela ne veut pas dire qu’il s’agit là d’un média restrictif.
Utiliser un seul canal d’expression ne rime pas avec pauvreté.
Ainsi, la frontière entre l’invention et la copie est ténue108. C’est cet
équilibre complexe du respect et de l’innovation qui semble donc délicat en
littérature propriétaire. Un équilibre qui peut mettre à mal les volontés créatrices
des écrivains.
Pourtant, certains arts avec une base textuelle, comme la bande dessinée,
proposent plusieurs cas de continuations d’une œuvre via différents auteurs. Des
séries comme Spirou et Fantasio reposent totalement sur le principe de la
transfictionnalité. A chaque fois, on utilise les mêmes personnages, Spirou et
Fantasio entres autres, pour leur faire vivre de nouvelles aventures. La série, née
en 1938, est passée par plusieurs mains. De Rob-Vel, le créateur, à Franquin
jusqu’à, récemment, Yoann et Vehlmann. Ce qui est intéressant à noter ici, c’est
que la dissociation entre la propriété intellectuelle et l’auteur originel est totale.
Il n’importe plus de garder cette filiation, comme le fait que Le Rouge et le noir
est un récit de Stendhal, mais de faire vivre un personnage comme si ce dernier
était un être plausible d’un monde possible. Seulement, la littérature propriétaire
n’est pas la bande dessinée et, une fois encore, repose sur un média restrictif : le
texte contre le texte et l’image.
108 La fiction de Jorge Luis Borges, Pierre Ménard, Auteur du Quichotte, joue justement sur cette ambiguïté. Borges, Jorge Luis, Fictions, Paris, Folio, Gallimad, 1974, 185 p. 52 B) La transfictionnalité et l’exemple de l’Antiquité
Pour mener à bien cette étude de la transfictionnalité dans la littérature
propriétaire, il semble logique de commencer par l’Antiquité, fondement de la
création littéraire.Les œuvres de l’Antiquité datent de plusieurs siècles et
comptent parmi les traces les plus anciennes de la littérature occidentale. Œuvres
fictionnelles, ou non, elles ne cessèrent d’influencer à travers le temps bien des
auteurs. Sophie Rabau explore justement à ce sujet la figure d’Homère dans son
livre Quinze (brèves) rencontres avec Homère109.
Pour ne pas se perdre dans ce champ d’étude si vaste, il convient de
restreindre notre observation. Il serait vain d’étudier la littérature antique dans sa
globalité, on se focalisera donc sur le théâtre. Plus particulièrement, sur les
tragédies de la Grèce antique (les récits et plus précisément les personnages
centraux mis en scène), des grands auteurs comme Eschyle, Sophocle ou
Euripide. On se contentera d’étudier les continuations de ces pièces dans le
domaine du théâtre. Pour le cadre spatio-temporel, on se limitera au théâtre
français, du XVIIème au XXème siècle.
Pourquoi ce choix du théâtre ? Tout d’abord parce que le théâtre est la
forme d’expression littéraire la plus populaire dans l’Antiquité en Grèce110. De
nombreux théâtres sont construits, dont on peut encore observer les vestiges
aujourd’hui. Le théâtre fait également l’objet d’une théorisation importante qui
traversera les siècles (Poétique d’Aristote), ce qui n’était pas le cas par exemple
pour l’épopée (donc par extension le genre narratif opposé au genre dramatique).
Ainsi, si l’on doit étudier une forme littéraire pour évoquer l’Antiquité, donc les
temps les plus éloignés de la littérature pour nous Européens, il semble pertinent
de s’attarder sur le théâtre, qui fut à la fois un art répandu, codifié et sacralisé
des siècles durant (il n’y a qu’à évoquer les batailles théoriques au XVIIème
siècle comme celle opposant d’Aubignac et Pierre Corneille. Les textes de
l’Antiquité ont une marge d’appréciation, d’interprétation qui nourrira bien des
querelles).
109 Rabau, Sophie, Quinze (brèves) rencontres avec Homère, Paris, L’Antiquité au présent, Belin, 2012, 336 p. 110 Moretti, Jean-­‐Charles, Théâtre et société dans la Grèce antique, Paris, LGF, 2001, 321 p. 53 Pourquoi la tragédie et pas la comédie ? Parce que la comédie n’est pas
spécifiquement identifiée dans ce que l’on peut lire de laPoétique d’Aristote. On
déduit le plus souvent les critères de la comédie par rapport à ceux de la tragédie.
Parce que la tragédie est une forme théâtrale plus facilement identifiable que la
comédie (si l’on exclut le mélange des genres qui s’opère au cours du XXème
chez des auteurs comme Ionesco ou Beckett) dont le nom même est
problématique car générique (« on joue la comédie », on parle de « comédien »
même si ce dernier joue une comédie ou une tragédie. Au contraire, un
« tragédien » sera plus spécialisé dans sa pratique du théâtre).
En analysant ce corpus, on constate que plusieurs des créations antiques
ont traversé les siècles. Ces créations s’insèrent parfaitement dans un processus
de transfictionnalité, et non de simple mimésis. Il est question à chaque fois de
réutiliser un personnage pour l’insérer dans une nouvelle aventure, imaginée par
un auteur différent de l’auteur originel. Voici une rapide liste :
•
Antigone (Henry Bauchau111, Jean Cocteau112, Jean Anouilh113)
•
Œdipe (Pierre Corneille114, Voltaire115, André Gide116, Jean Cocteau117)
•
Alceste (Marguerite Yourcenar118)
•
Médée (Pierre Corneille119, Anouilh120, Max Rouquette121)
•
Andromaque (Jean Racine122)
•
Orphée (Pierre Corneille123, Jean Cocteau124, Jean Anouilh125)
111 Bauchau, Genry, Antigone, Paris, J’ai lu, 2001, 1997 [1ère édition], 314p. 112 Cocteau, Jean, Antigone, Paris, Folio, Gallimard, 1977, 1922 [1ère édition], 111 p 113 Anouilh, Jean, Antigone, Paris, « La petite vermillon », La Table Ronde, 2008, 1946 [1ère édition], 128 p. 114 Corneille, Pierre, Théâtre III, Paris, Garnier Flammarion, 1999, 511 p. 115 Voltaire, Théâtre complet de M. de Voltaire V1, Kessinger Publishing, 422 p. 116 Gide, André, Romans et récits, Paris, « Bibliothèque de la Pléiade », Gallimard, 2009, 1584 p. 117 Cocteau, Jean, La Machine infernale, Paris, le Livre de Poche, 1992, 1934 [1ère édition], 154 p. 118 Yourcenar, Marguerite, « Le Mystère d’Alceste », Théâtre II, Paris, « Blanche », Gallimard, 1971, 240 p. 119 Corneille, Pierre, Théâtre : tome 2, Paris, « GF Lycée », Flammarion, 2006, 602 p. 120 Anouilh, Jean, Médée, Paris, « La petite vermillon », La Table Ronde, 1997, 1948 [1ère édition], 91 p. 121 Rouquette, Max, Médée, Paris, « Classiques et contemporains », Magnard, 2008, 158 p. 122 Racine, Jean, Andromaque, Paris, « Librio Théâtre », Editions 84, 2001, 1667 [1ère édition], 96 p. 54 •
Electre (Jean Giraudoux126, Marguerite Yourcenar127)
Comme on peut le voir, le théâtre du XXème siècle fut particulièrement
prolifique dans cette réutilisation des types. Des dramaturges comme Cocteau ou
Anouilh s’emparèrent de personnages de l’Antiquité pour proposer de nouvelles
versions. Mais comment fait-on pour créer sans copier ? Comment peut-on
insuffler une originalité créative sans dénaturer l’œuvre d’origine ?
Prenons le cas d’Antigone. La pièce de Sophocle a connu trois grandes
réécritures au cours du XXème siècle. Jean Anouilh écrit son Antigone pour
répondre à l’occupation allemande durant la Seconde guerre mondiale128.
Anouilh utilise ses propres mots (un vocabulaire, des constructions de phrases)
mais s’empare de ce type, cette figure du refus (dans la pièce de Sophocle,
Antigone s’oppose à l’ordre de Créon et va recouvrir le corps de son frère,
Polynice, banni et conspué, de terre), pour en faire une caisse de résonance par
rapport à l’actualité de l’époque. On pourrait évoquer la mise en scène : Anouilh
est auteur mais également metteur en scène de son Antigone. Seulement, nous
nous attardons ici sur la transfictionnalité des textes et la capacité des auteurs à
inventer dans la continuité tout en utilisant un seul canal, le texte, le même que
pour l’œuvre d’origine.
Dans ce cas-ci, c’est le contexte qui change et qui apporte donc un
éclairage nouveau au type Antigone. On peut noter également des différences de
fond comme le fait, pour Anouilh, de ne pas insister sur l’aspect religieux ou de
faire de Créon non un dictateur mais une victime de sa souveraineté. Par ces
détails, tout en gardant l’essentiel du déroulement et les types principaux, on
123 Corneille, Pierre, La Toison d’or [en ligne], 1660 [1ère édition], [21/05/2013], URL : http://www.theatre-­‐
classique.fr/pages/programmes/edition.php?t=../documents/CORNEILLEP_TOISON.xml 124 Cocteau, Jean, Orphée, Paris, » Librio Théâtre », J’ai lu, 2003, 1926 [1ère édition], 94 p. 125 Anouilh, Jean, Eurydice, Paris, « La petite vermillon », La Table Ronde, 2012, 1942 (1ère édition), 176 p. 126 Giraudoux, Jean, Electre, Paris, « Petits classiques », Larousse, 2008, 1937 [1ère édition], 286 p. 127 Yourcenar, Marguerite, « Electre ou la chute des masques», Théâtre II, Paris, « Blanche », Gallimard, 1971, 240 p. 128 « L'Antigone de Sophocle, lue et relue, et que je connaissais par cœur depuis toujours, a été un choc soudain pour moi pendant la guerre, le jour des petites affiches rouges. Je l'ai réécrite à ma façon, avec la résonance de la tragédie que nous étions alors en train de vivre », 4e de couverture, Anouilh, Jean, Antigone, Paris, « La petite vermillon », La Table Ronde, 2008, 1946 [1ère édition], 128p. 55 assiste à une réactualisation dans la continuité d’une œuvre ancienne. L’auteur
réutilise des éléments de l’œuvre passée, en la modifiant un peu, souvent pour
faire écho à un contexte historique ou pour coller à une théorie (par exemple, en
sortant un peu du cadre français, Antigone de Bertold Brecht lui servant à
appliquer son principe de la distanciation).
A côté de ces œuvres réécrites faisant écho à une théorie littéraire ou à un
contexte historique précis, on retrouve également avec ces types antiques des
actualisations pures. Le message diffusé par la pièce d’origine est jugé encore
valable, les pièces parlent d’amour, de relations humaines : seulement, le
contexte (Thèbes, les relations entre rois et reines) peut sembler lointain pour le
public
du
XXème
siècle.
C’est
ainsi
que
l’on
observe
plusieurs
recontextualisations de ces œuvres antiques. On peut citer par exemple Eurydice
d’Anouilh, où l’histoire se déroule à l’époque moderne (XXème) puisqu’on y
trouve des bus, des hôtels ou des gares.
C) La transfictionnalité et les romans des XIXème et XXème siècles
La
transfictionnalité
en
littérature
se
réduit-elle
à
cette
seule
modernisation? Un auteur réutilisant un type antique le fait-il forcément pour le
rendre moderne ou proche de ses aspirations ? Cette réutilisation de types
antiques montre clairement l’intemporalité des anciens écrits. Au fond, Antigone
sera toujours une figure du refus et de la protection de la famille face à la loi,
Polynice dans Electre sera toujours une figure de la vengeance. La force des ces
pièces de l’Antiquité est qu’elles incarnent des types et que ces types parlent de
l’humain, d’une telle manière que les vices et vertus décrits sont intemporels.
Comme ce sera également le cas pour les écrits moralistes du XVIIème siècle
(Tartuffe de Molière, Les Caractères de La Bruyère, Maximes de La
Rochefoucauld).
La réception critique de ces œuvres modernes fut globalement positive. Les
dramaturges du XXème siècle ne connurent pas de levers de boucliers pour leur
réutilisation de types antiques. Seulement, ce ne fut pas toujours le cas pour le
phénomène de la transfictionnalité. En particulier si l’on s’attarde sur le genre
narratif, une forme comme le roman, aux XIXème et XXème siècles. Pour ces
56 exemples-là, la réception critique ne fut pas toujours aussi bonne que pour les
pièces contemporaines citées plus haut.
Tout d’abord, l’aspect juridique constitue souvent un premier problème.
Même si l’œuvre d’un auteur est tombée dans le domaine public, il n’en
demeure pas moins que le romancier qui décide de s’emparer d’une œuvre
ancienne pour la poursuivre, la compléter, peut s’exposer aux poursuites des
descendants du romancier inspirateur. Le droit moral reste, lui, permanent et il
est possible pour tout descendant légal de porter en justice l’œuvre
transfictionnelle s’il juge que cette dernière n’est pas conforme à l’œuvre
originelle.
C’est probablement un des éléments expliquantla frilosité de certains
romanciers à poursuivre une œuvre ancienne par la voie de la transfictionnalité.
La peur du procès est plausible si le romancier inspirateur est mort plus ou
moins récemment et si des héritiers sont encore vivants et reconnus. Les héritiers
peuvent craindre un manque à gagner ainsi qu’une atteinte à l’œuvre originelle.
Ce fut le cas avec une suite des Misérables de Victor Hugo qui provoqua un long
procès en France129. On ne trouve pas ce même problème pour des ouvrages
antiques comme les pièces de Sophocle puisque les héritiers ne sont plus
identifiables.
De même, on peut imaginer la crainte d’un auteur de reprendre une œuvre
ancienne de peur de perdre sa personnalité, de se faire éreinter par une
communauté de fans ou de s’attaquer à plus grand que soi (la paralysie face au
géant littéraire).
Plus intéressant encore, on remarque que les suites ou préquelles (récit se
situant avant l’histoire inspiratrice), deux modes de la transfictionnalité, se
trouvent en grande partie dans la littérature anglophone (on trouve beaucoup
plus d’exemples anglophones que francophones en passant par une recherche par
mots-clés via des moteurs de recherche). On recense peu de cas dans la
littérature française, si l’on se focalise sur la production romanesque des dix
129 Sacd.fr, « Suite et fin de l’affaire des Misérables – Cour d’appel de Paris du 19 décembre 2008 », sacd.fr [en ligne], 2009, [21/05/2013], URL : http://www.sacd.fr/Suite-­‐et-­‐fin-­‐de-­‐l-­‐
affaire-­‐des-­‐Miserables-­‐Cour-­‐d-­‐appel-­‐de-­‐Paris-­‐du-­‐19-­‐decembre-­‐2008.1188.0.html 57 dernières années, alors que pour la littérature américaine et anglaise, ce jeu entre
l’ancien et le nouveau est plus courant et pose moins de problèmes judiciaires et
de réception critique. Evoquons quelques cas dans l’univers du roman, de 2000 à
aujourd’hui, relevant de la transfictionnalité.
Citons par exemple Pride and Prejudice and Zombies de Seth GrahameSmith ou La Mort s’invite à Pemberley de P.D. James (tous les deux se basant
sur Orgueil et préjugés de Jane Austen). Le premier est une variation de genre
du roman de Jane Austen (version horrifique et fantastique), le second est une
suite criminelle, un roman policier. The House of Silkde Anthony Horowitz, une
suite de Sherlock Holmes qui reçut la permission des descendants de Conan
Doyle (plus précisément de la Conan Doyle Estate, société gérant les droits
relatifs à la série Sherlock Holmes130), Peter and the Starcatchers de Dave Barry
et Ridley Pearson qui propose une préquelle au Peter Pan de J.M. Barrie,
Gertrude and Claudius de John Updie qui est une préquelle au Hamlet de
Shakespeare ou encore Wicked de Gregory Maguire, qui est là encore une
préquelle à The Wizard of Oz de Frank Baum.
Quelles premières conclusions peut-on énoncer ? On ne peut pas dire que
la littérature propriétaire n’est pas adepte de transfictionnalité. En dehors des
types antiques qui voyagent à travers les siècles, on observe également plusieurs
cas de préquelles ou suites, qui semblent néanmoins minoritaires par rapport au
total de la production littéraire (en lisant, par exemple, les archives des
magazines spécialisés comme Lire ou Le Magazine Littéraireon se rend compte
d’une telle disparité). De plus, la plupart de ces cas relevant de la
transfictionnalité semblent le fait d’auteurs anglais ou américains (la rareté
française tient probablement à la sacralisation de l’auteur et des œuvres qui
existe dans notre pays). On peut même ajouter que parmi ces auteurs, nombreux
sont ceux qui sont connus et reconnus par la critique littéraire moderne comme
John Updike ou P.D. James. Il ne s’agit pas d’auteurs de seconde main mais bien
130« Le roman d’Horowtiz est la première suite de Sherlock Holmes a avoir été écrit avec l’accord de la « Conan Doyle estate », « Horowitz's novel is the first Sherlock Holmes addition to have been written with the endorsement of the Conan Doyle estate », Sansom, Ian, « The House of Silk by Anthony Horowitz – review », guardian.co.uk [en ligne], 2011, [21/05/2013], URL : http://www.guardian.co.uk/books/2011/oct/27/house-­‐silk-­‐
anthony-­‐horowitz-­‐sherlock-­‐holmes 58 de romanciers réputés se prêtant un temps au jeu de la suite ou de la préquelle.
En effectuant plusieurs recherches par mots-clés (« préquelle », « suite »,
« littérature », « transfictionnalité », etc.), on constate cette domination
anglosaxone autant en littérature que pour le cinéma par exemple131.
En se penchant sur les œuvres romanesques récentes, on observe
unediversité des formes de transfictionnalité que l’on peut tenter de formaliser
ainsi :
•
La préquelle (imaginer un avant à l’œuvre originelle) (Ex : Peter and the
Starcatchers de Dave Barry et Ridley Pearson, préquelle de Peter Pan)
•
Une suite (Ex : La Mort s’invite à Pemberley de P.D. James, suite
d’Orgueil et préjugés de Jane Austen)
•
Une variation de genre (réécrire le roman inspirateur en le transposant
dans un autre genre ou sous-genre littéraire) (Ex : Pride and Prejudice
and Zombies de Seth Grahame-Smith, version horrifique de Orgueil et
préjugés de Jane Austen)
•
Imaginer un terme à ce qui n’en a pas (Ex : les tentatives pour finir The
Mystery of Edwin Drood, le roman inachevé de Dickens).
•
Réécriture de l’intrigue originelle (Ex : Emma, oh ! Emma ! de Cellard
où Emma Bovary ne se suicide pas à la fin).
Malgré la diversité des modes de transfictionnalité, on observe toujours un
jeu à proposd’une propriété intellectuelle. Un auteur décide qu’on ne peut laisser
en l’état telrécit car ce dernier est tellement riche qu’il ne peut se réduire à un
roman. Les caractères sont si fascinants qu’ils nécessitentdes prolongements
comme des préquelles ou des suites. Ce fil rouge qui semble traverser les types
de transfictionnalité fait écho à une vision éclatée de la fiction. La fiction n’est
pas seulement un récit cloisonné à un livre mais un monde imaginaire que l’on
explore un temps via un livre. Autrement dit, pour paraphraser une théorie
littéraire résumant cette manière de penser, il s’agit là d’un « monde possible ».
131 Vely, Yannick, « Hollywood. La grande mode des préquelles », parismatch.com [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.parismatch.com/Culture/Cinema/Hollywood-­‐La-­‐
grande-­‐mode-­‐des-­‐prequelles-­‐150712 59 La théorie littéraire des mondes possibles, que l’on appelle ainsi car il
existe en réalité des théories des mondes possibles, semble la théorie la plus
pertinente pour expliquer ce phénomène de la transfictionnalité. En effet, la
transfictionnalité semble s’inclure dans une dynamique théorique plus vaste.
Dans l’ouvrage collectif La Théorie littéraire des mondes possibles, dirigé par
Françoise Lavocat, Richard Saint-Gelais évoque ce principe des mondes
possibles dans son article « Le monde des théories possibles : observations sur
les théories autochtones de la fiction »132.
A l’origine, la théorie des mondes possibles provient du domaine
scientifique. C’est pour cela que l’on parle de « la théorie littéraire des mondes
possibles ». Dans la troisième partie de son livre La Théodicée, Leibniz évoque
le rêve de Théodore, prêtre de Delphes. Ce dernier affirme que les mondes
possibles sont les chambres-bibliothèques d’une pyramide infinie qui contient
les variantes de la vie de Sextus Tarquinus s’il avait choisi d’écouter le conseil
de Jupiter de renoncer au trône. A noter que des romanciers feront écho à cette
théorie de Leibniz, comme Jorge Luis Borges avec La Bibliothèque de Babel.
A travers cette histoire, l’auteur veut nous dire, comme on peut le lire dans
le chapitre I, « Les genres de la fiction – Etat des lieux et propositions » de
Françoise Lavocat, de l’ouvrage collectif La Théorie littéraire des mondes
possibles, « cette séduisante fiction corrobore l’intuition commune selon laquelle
le monde aurait pu être différent, à des degrés variables, de ce qu’il est, qu’un
petit événement aurait pu changer le cours des choses »133.
Les romans jouant la carte de la transfictionnalité, vus plus haut, rentrent
pleinement dans une telle définition. A ce stade, on ne note aucune réelle
différence entre les fictions de fans de Wakfu et la transfictionnalité d’œuvres
132 « Postuler que les textes de fiction renvoient à des mondes possibles, c’est en effet admettre que le principe d’une corrélation entre texte et hors-­‐texte, mais préciser aussitôt que ce hors-­‐texte, loin de se confondre avec la réalité empirique, est en fait une construction abstraite dont le fonctionnement interne est largement tributaire du texte », p. 102, Saint-­‐Gelais, Richard, « Le monde des théories possibles : observations sur les théories autochtones de la fiction », La Théorie littéraire des mondes possibles¸ Paris, CNRS Edition, 2010 133 Lavocat, Françoise, « Les genres de la fiction – Etat des lieux et propositions », La théorie littéraire des mondes possibles, Paris, CNRS éditions, 2010, p.15 60 littéraires. Les fictions de fans s’inscrivent dans un univers et, telles les variantes
de la vie de Sextus Tarquinus, proposent des variations.
La divergence entre ces deux ensembles d’écrits tient aux médias, au sens
de support, employés et inspirateurs. Wakfu est une création pluri-médiatique, ou
création transmédia si l’on devait regarder du côté d’Henry Jenkins (plus
précisément le transmedia storytelling134), là où les œuvres littéraires évoquées
précédemment sont, bien entendu, le simple fait de la littérature, donc du canal
textuel.
Sur cette question de la complexité de l’univers de Wakfu (bandes
dessinées, jeux vidéo, etc.), on est en droit de se demander si dans ce cas la
pluralité des médias coïncide avec une pluralité d’histoires ou si l’univers Wakfu
n’est que le déroulement d’une même histoire135. Par essence, une multiplicité de
supports ne signifie pas une multiplicité des récits.
Une œuvre littéraire qui se veut la suite d’un classique par un autre auteur
demeure dans le système clos de la littérature. Il s’agit d’un roman poursuivant
un autre roman. La source d’inspiration sera toujours littéraire et le résultat le
sera tout autant.
Cette cohérence et cette linéarité dans l’échange ne sont plus aussi évidentes
dans le cas des écrits de fans de Wakfu. En effet, les fictions textuelles de fans
peuvent prendre pour base autant le jeu vidéo que les bandes dessinées ou le
dessin animé d’Ankama. Les sources d’inspiration sont variées, plus variées que
pour la transfictionnalité littéraire. Ce déficit dans la variété n’est d’ailleurs pas
forcément un problème pour des mouvements littéraires comme le Parnasse ou
les Symbolistes pour qui le texte est l’objectif de l’œuvre.
Seulement, en dépit de cette divergence de supports entre la littérature et
les fictions textuelles de fans, il est toujours question de s’inscrire par une fiction
134 Gallarino, Aurore, « Henry Jenkins explique sa vision du transmedia et de l’engagement des publics », transmedialab.org [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.transmedialab.org/autre/henry-­‐jenkins-­‐explique-­‐sa-­‐vision-­‐du-­‐transmedia-­‐et-­‐
de-­‐lengagement-­‐des-­‐publics/ 135 Comme cet aspect sortirait du cadre de notre étude, on se reportera à l’annexe 4 détaillant le rapport entre la multiplicité des produits Wakfu et la cohérence de cet univers. 61 dans un univers imaginaire. L’exploration du monde possible sera différente à
chaque fois car d’une exploration sonore, graphique et interactive, on passe,
pour le cas de la littérature, à une exploration essentiellement textuelle.
Même si le canal est unique et exclusif pour la littérature, lire un roman,
par exemple, revient à vivre un temps dans un monde imaginaire. Seulement, et
c’est là une autre différence avec l’univers Wakfu, la littérature ne proposera
jamais un monde possible explorable en dehors de tout acte de lecture.Le monde
imaginaire de Wakfu est, lui, accessible vingt-quatre heures sur vingt-quatre
grâce à une simple connexion Internet. Ce véritable monde parallèle a une
existence tangible en dehors des fictions textuelles de fans.
Ainsi, pour le cas de créations transmédia, comme Wakfu, la question de la
littérarité se trouve diluée dans une série d’autres interrogations. Le texte n’est
plus clos sur lui-même, vu comme une finalité mais bien comme un moyen. Un
moyen d’expliquer, d’expliciter, un monde imaginaire. La fiction littéraire, qui
est autosuffisante d’une certaine manière, support unique dans un système centré
sur un type de création, change de statut pour le cas des fictions de fans d’une
création transmédia.
Si l’on ne se focalise que sur la question de la littérarité, on se rend compte
à quel point la fiction d’un fan et une œuvre de la littérature propriétaire, usant
du procédé de la transfictionnalité, sont proches. Dans les deux cas, on explore
un monde imaginaire, on s’inscrit dans un schéma de conservation et de
continuité, on réutilise un matériau d’origine qui n’est pas le nôtre (conçu par un
autre auteur).
Néanmoins, cette exploitation textuelle d’un monde possible reste le fait d’un
auteur en littérature. Il s’agit de P.D. James, de Dave Barry et d’autres. A chaque
fois, on relève un romancier professionnel, travaillant seul une propriété
intellectuelle qui ne vient pas de lui. Même si le procédé de la transfictionnalité
n’est pas le plus commun dans les pratiques littéraires, on retrouve toujours un
schéma très classique : un auteur – une propriété intellectuelle – une œuvre qui
en découle, ce qui ne semble plus être le cas pour les fictions textuelles de fans
de Wakfu. Seulement, derrière ce schéma classique pour la littérature
62 propriétaire, on constate tout de même un véritable bouleversement de la notion
d’auteur, et particulièrement du lien entre ce dernier et sa propriété intellectuelle.
II) Le statut de l’auteur et les processus d’écriture
Le phénomène de transfictionnalité, malgré des divergences entre la
littérature et les fictions textuelles de fans, met à mal la notion d’auteur dans les
deux cas. L’auteur n’est plus forcément celui qui invente ses personnages, ni
l’univers de ses fictions. De ce fait, c’est même le processus d’écriture qui
semble perturbé par cette dissociation entre l’auteur et l’invention.
A) Spécificité du fanfiqueur de Wakfu par rapport aux autres fanfiqueurs
Pour aborder la question de l’auteur, on peut déjà commencer en
constatant que l’auteur de fanfictions de Wakfu, qui s’inscrit donc dans une
création transmédia,est différent de l’auteur de fanfictions se rapportant à
d’autres univers (par exemple, Harry Potter, Twilight). Contrairement aux fans
de J.K. Rowling ou de Stephenie Meyer qui sont les auteurs uniques et identifiés
de romans, le fan de Wakfu n’a pas cette lisibilité du créateur de l’univers aimé.
Il s’en tient à la connaissance des exécutants des divers produits dérivés. En
effet, les scénaristes du jeu Wakfu forment un collectif anonyme ne
communiquant jamais directement. Ce collectif tient une « bible » qui constitue
non pas une histoire préécrite qui serait déclinée sur différents supports mais les
points fondamentaux à ne pas transgresser pour ne pas rompre la cohérence de
l’univers imaginé. Ce collectif travaille en collaboration avec tous les auteurs
créant pour Wakfu mais n’apparaît jamais au générique. On découvrira plus en
détail le fonctionnement de ce collectif dans les annexes.
Le fanfiqueur de Twilightou d’Harry Potter est en premier lieu un lecteur
qui devient fan d’une série de romans et qui, par la suite, écrit sur cette
série.Théoriquement, on retrouve ce même processus pour un fanfiqueur de
Wakfu. L’auteur peut être à la base un lecteur de mangas ou bandes dessinées se
rapportant à cet univers, devenir fan et écrire à son tour sur ce monde imaginaire.
Seulement, le fanfiqueur de Wakfu n’est pas qu’un lecteur devenu écrivain, et
63 accessoirement fan. Il peut également être un spectateur (regardant le dessin
animé d'Ankama) mais surtout un joueur. Le MMORPG Wakfu demeure le
centre convergent de cette œuvre transmédia.
Alors qu’un fanfiqueur d’Harry Potter, de Twilight ou même de Naruto est
surtout un lecteur qui devient écrivain, on observe une multiplicité de statuts
chez le fanfiqueur de Wakfu. Il a un usage de médias variés qui, tous, alimentent
un univers fictionnel, là où les autres fanfiqueurs se contentent le plus souvent,
s'il y a consommation de médias différents à propos de leur série favorite, de
transpositions
(le
premier
film
Harry
Pottertraduisant
en
langage
cinématographique le premier livre de la saga, etc.) Focalisons-nous plus
spécifiquement sur ce statut double qui fait la spécificité du fanfiqueur de
Wakfu : joueur et écrivain.
Il y a, dans ce double statut, une contradiction forte chez l’auteur de
fanfictions de Wakfu. La contradiction est que ces pratiques sont, par définition,
opposées pour ce qui est du rapport à autrui. Écrire est, a priori, une activité
solitaire. Prenant à contre-pied cette capacité à créer seul avec du texte, jouer à
Wakfu (donc à un jeu de rôle en ligne) est une activité éminemment collective.
Jouer, c’est construire son personnage, son destin, découvrir des mythes dont
regorge le monde de Wakfu. Il ne s’agit pas que d’un plaisir de l’esprit comme
les échecs, le récit demeure important et se déroule, pour chaque joueur, via une
narration qui lui est plus ou moins propre (une marge de manœuvre est autorisée
par les développeurs mais des balises existent, comme les quêtes confiées par
certains personnages qui ne sont en réalité que des robots).
Il est certes possible de jouer seul à Wakfu mais c’est occulter de
nombreuses possibilités et passer ainsi à côté de l’essentiel du jeu : le groupe. Il
faut être en groupe pour mener à bien des donjons et gagner de l’expérience,
pour participer à des événements, etc. Ainsi, la création de son personnage,
l’élaboration d’une mythologie passe par un contact étroit avec autrui.
Il y a donc, a priori, deux postures bien différentes entre celle de l’écrivain
(qui compose de manière solitaire) et celle du joueur de MMORPG (affilié à un
groupe ou du moins en contact, plus ou moins fort, avec une communauté qui
64 construit sa propre histoire au sein de la grande Histoire officielle, rédigée par
les scénaristes d’Ankama) On ne va pas créer pareillement une fiction en tant
que joueur et en tant que fanfiqueur (à noter d’ailleurs que le pseudonyme peut
différer entre le joueur et le fanfiqueur. Il n’est pas obligé de conserver le même
pseudonyme en exerçant ces deux pratiques). Pourtant, ces deux activités,
antagonistes à ce niveau-là, peuvent s’alimenter l’une et l’autre : le joueur vivant
des aventures qu’il relatera dans des fanfictions, ou le fanfiqueur se bâtissant une
identité à l’écrit, à laquelle il donnera vie dans le jeu.
B) Les processus d’écriture
Ce postulat est une base qu’il convient d’interroger plus en profondeur.
Pour ce faire, on effectuera plusieurs recherches sur Internet en se basant sur
différentes sources, comme le forum officiel de Wakfu136, des sites spécialisés
dans les jeux vidéo, dont une partie traite de Wakfu137, et des blogs personnels
sur Wakfu138. Avec un tel corpus, on cherchera à interroger lesprocessus
d’écriture des fanfictions. Cette enquête permettra de savoir si le processus
d’écriture du fanfiqueur est différent de celui d’un auteur de la littérature
propriétaire, mais également si le dualisme évoqué plus haut (écrivain et joueur)
a une incidence sur le processus d’écriture.
Deux tendances semblent en premier lieu se dégager, après l’étude de
plusieurs fanfictions émanant des sources évoquées plus haut. Tout d’abord, on
observe une écriture solitaire. Cette écriture demeure en tout point semblable à
l’écriture traditionnelle d’un romancier publié par une maison d'édition. En effet,
l’auteur imagine son texte seul, le rédige puis le publie (sur le forum officiel de
Wakfu, un blog personnel, etc.) Certes, il ne s’agit pas d’une publication
physique (roman, revues, etc.), que l’on trouvera en librairie, mais numérique,
visible sur Internet via un ordinateur, un smartphone ou une tablette. Sur ce
136 Wakfu.com, Forum [en ligne], http://www.wakfu.com/fr/forum, page consultée le 19/05/2013 137 Jeuxvideo.com, « Wakfu », jeuxvideo.com [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.jeuxvideo.com/jeux/pc/00016130-­‐wakfu.htm 138 Quelques blogs personnels : Blog de Wakfu les gardiens. Page d’accueil [en ligne]. Disponible sur http://wakfu-­‐les-­‐gardiens-­‐fic.skyrock.com/ [21/05/2013] ; Créations de Kagura. Page d’accueil [en ligne]. Disponible sur http://kagura-­‐no-­‐manga.over-­‐
blog.com/categorie-­‐12447974.html [21/05/2013] 65 point, les fanfictions de Wakfu se rapprochent grandement des romans autopubliés139 sous forme d’ebooks puisqu’elles ne passent quasiment jamais140 par
la case imprimerie. Il s’agit donc à chaque fois d’une écriture solitaire mais cette
solitude supposée est-elle totale ?
Il est difficile de répondre de manière définitive à cette question. En effet,
le processus d’écriture est parfois solitaire mais se double toujours d’une
réception critique. Aujourd’hui, Internet permet une réactivité forte des lecteurs
et leur offre la possibilité d’intervenir rapidement. Les commentaires sont
souvent nombreux pour commenter la fanfiction proposée, particulièrement pour
le forum officiel de Wakfu. Cette réception critique pose une question par
rapport à l’écriture solitaire, cette dernière est-elle influencée par les
commentaires ? Si oui, peut-on dégager des types d’écriture solitaire ?A côté de
cette ambiguité, on observe une autre tendance concernant le processus
d’écriture : l’écriture à plusieurs. Le récit prend forme sous l’impulsion de
plusieurs auteurs. On peut donc, à ce stade, dégager deux modes d’écriture pour
les fanfictions de Wakfu : l’écriture solitaire et l’écriture à plusieurs.
Avant d’aborder l’écriture collective, poursuivons notre analyse de
l’écriture solitaire. Après avoir étudié différentes fanfictions émanant du corpus,
on remarque que, pour cette première tendance, l’écriture d’une fanfiction peut
se faire avant toute publication (un poème ou une nouvelle est mis en ligne dans
son intégralité en une fois141) ou de manière progressive (par exemple, un roman
qui est publié, et rédigé, au fur et à mesure142). Il semble alors important de
distinguer dans l’écriture solitaire le récit closouprogressif ainsi que le
phénomène de l’écriture et de la publication de l’écrit.
139 On note une expansion de ce mode d'écriture/publication avec, par exemple, la version française du Kindle Direct Publishing d'Amazon. Page d’accueil [en ligne]. Disponible sur https://kdp.amazon.com/self-­‐publishing/signin?ie=UTF8&language=fr_FR [21/05/2013] 140 Comme exception, on peut mentionner la publication de fanfictions dans le magazine Wakfu Mag. Ankama-­‐shop.com, « Wakfu Mag, n°1 », ankama-­shop.com [en ligne], [21/05/2013], URL : http://www.ankama-­‐shop.com/fr/159-­‐magazine/4043-­‐wakfu-­‐mag 141 Forevercassie, Petite histoire, un peu de tout, poème et histoire, wakfu.com [en ligne], 2009, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/81-­‐fan-­‐fictions/42515-­‐
petite-­‐histoire 142 -­‐Semper-­‐Fidelis-­‐, Le Destin rouge sang de Sangria, wakfu.com [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/81-­‐fan-­‐fictions/291774-­‐destin-­‐
rouge-­‐sang 66 Des nuances interviennent lorsque l'on se penche sur ce sujet. Par exemple,
une publication progressive (en chapitres et non d'un bloc) peut renvoyer à un
écrit clos (déjà terminé avant publication mais publié en plusieurs chapitres) ou
progressif (que l'on rédige quasiment en même temps qu'on le publie).
Dans le cas d’un récit progressif, il est intéressant de se pencher sur la
solitude, et donc l’indépendance, de l’auteur. En effet, du fait même qu’il rédige
et publie petit à petit sa fiction, l’auteur d’un récit progressif est-il encore un
écrivain solitaire comme le romancier traditionnel ? En observant les fanfictions
de ce type, on remarque une grande perméabilité entre les fanfiqueurs et les
commentateurs.
Le fanfiqueur porte une grande attention aux commentaires. Il y a un
véritable regard de l’auteur sur les critiques de ses lecteurs, alors que le récit est
entrain de se construire au fur et à mesure. Afin de mieux cerner les rapports qui
se tissent, tentons de typologiser plusieurs aspects de cette relation. Voici tout
d'abord, après étude des cinq premières pages de fanfictions du forum officiel de
Wakfu (durant le mois de janvier 2013), les types de commentaires que l’on
retrouve le plus souvent :
•
Remarques sur l’orthographe, la conjugaison (les commentateurs reprennent
l’auteur sur des fautes d’accord ou d'orthographe)143
•
Louanges (les lecteurs félicitent l’auteur, les commentaires se résument à des
phrases du type « c’est bien », « Continue », etc.)144
•
Critiques sur l’écrit (des remarques sur la cohérence de l’intrigue, le style,
etc.)
Comme il s’agit d’observer les relations entre le fanfiqueur et ses lecteurs
pour un récit progressif, il est intéressant de s’attarder sur les critiques de
lecteurs portant sur l’écrit lui-même. En partant du même corpus, on remarque
143 Par exemple le premier commentaire de Snoopy196 qui reprend l'auteur, Moka62, sur quelques points d'orthographe comme "aucun est invariable, jamais de s" ; Moka62, Un jour de pluie, wakfu.com [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/81-­‐fan-­‐fictions/275766-­‐jour-­‐pluie 144 Redspanx qui répond au premier chapitre publié par "Le début est encourageant, j'attends de voir la suite" ; Sungmin02, Vengeance amère, wakfu.com [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/81-­‐fan-­‐fictions/256080-­‐
vengeance-­‐amere 67 une grande variété de remarques. Ce qui montre que l’intervention des lecteurs
n’est pas que d’ordre technique (l’orthographe ou la grammaire) ou affectif
(louange) mais peut contenir des remarques propres à une critique littéraire.
• Taille de l’écrit(certaines critiques se plaignent de la taille des chapitres.
Comme il s’agit d’un récit progressif, souvent, le fanfiqueur publie vite mais
publie peu.)145
•
Cohérence par rapport au monde de Wakfu (dans l’exemple suivant, un
lecteur fait remarquer qu’un animal de Wakfu, le Dragodinde, n’a pas de sabots
mais des pattes d’autruche146).
•
Demande d’éclaircissement sur le texte (les lecteurs sont avides de réponses,
d’où une impatience qui se traduit par des questions variées sur les personnages
le plus souvent. On lira ainsi des questions du type : « Lequel est bon ? »,
« Pourquoi tel personnage agit ainsi ? », « M'enfin c'est vrai que pour se cacher
derrière un masque, faut avoir des choses à cacher, aussi, nan ? »147. Il est
intéressant de noter que le lecteur n’est pas passif, il s'interroge et fait part de ses
interrogations).
•
Critiques de choix de narration ou d'éléments du récit comme des péripéties,
des descriptions psychologiques de personnages, etc. (par exemple, dans une
fanfiction plusieurs lecteurs n’apprécient pas la justification avancée par l’auteur
pour faire renaître un personnage mort dans le dessin animé. On lira « c’est
facile », « Le caractère de Nox ne correspond absolument pas à un aidesoignant et la situation dans laquelle Tristepin (est) ne permet pas une
résurrection Express 11.95$ TTC ! »148, ou à propos des combats, « les combats
sont trop courts »).
•
Critiques sur le style(un exemple, « Ce que je vous reproche toutefois, c'est
145 Eva-­‐du-­‐73 qui dira "Petit chapitre mais cool" pour la fanfiction Aurore et Fleurette ; Jeune-­‐bijoux, Aurore et Fleurette, wakfu.com [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/81-­‐fan-­‐fictions/253826-­‐aurore-­‐fleurette 146 Madride fait remarquer « Il ne me semble pas non plus que les Dragodinde ont des sabots, elles ont des grosses pattes d'autruches » ; LilyChoco, Wakfu : le passé d’Evangelyne, wakfu.com [en ligne], 2011, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/81-­‐
fan-­‐fictions/89249-­‐wakfu-­‐passe-­‐evangelyne 147 Ce dernier commentaire émane de AlbynnB à propos du personnage de la fanfiction Bomber-­Bat ; WaRaMeRrR, Bomber-­Bat, le renouveau, wakfu.com [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/81-­‐fan-­‐fictions/288070-­‐bomber-­‐
bat-­‐renouveau 148 Commentaire de Tempus-­‐Sanctus à propos d'un élément de la fanfiction Le Passé d'Evangelyne ; op. cit. 68 la surenchère de dialogues qui font planer l'action sans la faire se mouvoir.
Votre style de dialogue ne prend vraiment une certaine profondeur qu'en fin de
discussion (je l'ai noté sur les chapitres premier et second), c'est un choix certes
mais qui, je pense, nuit plus qu'il n'aide au bon déroulement du récit. »149)
•
Demandes sur la suite du récit (On lira par exemple, « Sinon l'histoire bien
mais décris plus »150)
•
Conseils d’écriture (certains lecteurs n’hésitent pas à donner des conseils
d’écriture, pour une fanfiction un lecteur explique qu’il serait bien de rester en
mode « description en détails » un peu plus longtemps pour « qu'on soit bien
dedans ».151) La frontière est ténue entre le style et l'écriture. On pourrait tenter
de dissocier les deux en notant que les remarques sur le style s'attardent à
critiquer une écriture personnelle, tandis que les conseils d'écriture cherchent
plus à faire office de manuel objectif d'écriture (rapport au schéma situation
initiale/élément perturbateur, etc.).
•
Propositions d’aides (assez proche des conseils d’écriture, on trouve
également des lecteurs qui cherchent à aider directement l’auteur pour améliorer
son écrit. Certains proposent de corriger les fautes152 (orthographe, grammaire,
etc.), ou d’imaginer des illustrations153).
Comme on peut le constater, les interventions des lecteurs/commentateurs
sont variées et touchent de nombreux points, souvent en rapport avec l’univers
Wakfu. Du fait de la dissociation auteur/propriété intellectuelle évoquée plus
haut, l’auteur qui s’empare des idées d’un autre est forcément soumis à la
critique pour ce qui est la cohérence entre son travail et la création référentielle.
Avec des interventations variées et qualitativement riches, on est donc loin
del’image que l’on peut avoir a priori des échanges sur les forums entre jeunes
adolescents. Le plus souvent les lecteurs rédigent des commentaires critiques,
réfléchis, et ne se contentent pas d’un simple « j’aime/j’aime pas ».
149 Commentaire de Tempus-­‐Sanctus à propos du style employé dans la fanfiction Le Passé d'Evangelyne ; op. cit. 150 Prestigo pour la fanfiction Wakfu, le chemin de la destinée ; FanFanFiction, Wakfu, le Chemin de la Destinée, wakfu.com [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/81-­‐fan-­‐fictions/280404-­‐wakfu-­‐chemin-­‐destinee 151 Floflora pour la fanfiction Le Passé d'Evangelyne ; op. cit. 152 -­‐LMS-­‐ pour la fanfiction Le Passé d'Evangelyne ; op. cit. 153 Proposition de Copyright6 pour la fanfiction Le Passé d'Evangelyne ; op. cit. 69 C) Le statut de l’auteur et l’influence du lecteur
A côté de cette complexité constatée dans la nature des interventions, il
semble tout aussi intéressant de se questionner sur l’impact de telles
interventions sur l’écriture progressive du récit. En effet, bien que cette écriture
soit a priori solitaire (le récit, même s’il est en cours de construction, reste
l’œuvre d’une personne), ne constate-on pas des modulations de l’écrit du fait
d’une critique variée et rapide ? Pour étudier cet aspect, on mettra de côté les
entraides orthographiques et autres demandes de co-écriture comme la
réalisation de dessins. En effet, ces aspects sont soit techniques, soit du ressort
d’une écriture collective que l’on étudiera plus loin dans cette partie.
En examinant ces fanfictions issues du forum officiel de Wakfu, on
constate que la majorité des réponses de l’auteur, qui publie à chaque fois un
bout de son récit après les commentaires des lecteurs, comprend une part de
réaction aux critiques puis le nouveau chapitre de la fanfiction. Il est très rare de
relever un message de l’auteur ne comprenant que le nouveau chapitre rédigé.
S’il y a réaction aux critiques, c’est qu’il y a bien une interaction entre
l’auteur et les lecteurs. On peut même parler d’influences. Pour mieux
appréhender ces influences, il semble intéressant de dresser une typologie des
types de réaction du fanfiqueur. Il ne s’agit, encore une fois, pas d’une
classification définitive mais d’une première approche.Focalisons-nous pour ce
cas d’étude sur la fanfiction Le Passé d’Evangelyne154.
Pourquoi cette fanfiction ? Principalement du fait de sa popularité. A
l’heure de la rédaction de cette partie du mémoire (mai 2013), cette fiction
s'étale sur seize pages de résultats. Les premières datent d’avril 2011 et les
dernières de mars 2013. On tient donc un écrit qui s'étale sur plus d'un an et
nourrit bien des commentaires. La plupart des fanfictions n'atteignent pas de
telles statistiques.
Du fait d’un tel foisonnement, à la fois au niveau du nombre de chapitres
et des commentaires, ce récit est susceptible de fournir un nombre important et
154 Op. cit. 70 varié de types de réaction de la part de l’auteur. A noter que lorsque les
commentaires sont nombreux après la publication d'un chapitre, l’auteur en
publiant une nouvelle partie de son récit, cite le lecteur à qui il répond, une
convention adoptée sur Internet par la plupart des utilisateurs de forums. Cette
indication permet une meilleure lisibilité et évite tout quiproquo.Voici plusieurs
types d’interventions de l’auteur observés au cours de cette fanfiction fleuve :
•
Remerciement (l’auteur adresse un remerciement à un commentaire posté155).
• Jeu avec les fans sur la publication à venir (le prochain chapitre sera-t-il
publié le soir même ? Le lendemain ? L’auteur, qui se fait éditeur d’une certaine
manière, entretient un suspense qui peut aussi concerner des éléments
énigmatiques du récit : qui est « r » (un personnage) ?156).
•
Annonce sur les publications à venir (proche du type décrit ci-dessus, il s’agit
ici non plus de jouer avec l’impatience des lecteurs mais d’annoncer, comme un
publicitaire, les suites de son récit. Ces annonces peuvent porter sur une date :
« la suite lundi »157, par exemple).
•
Explication sur le rythme des publications (il est parfois possible que l’auteur
ne puisse publier à la date prévue. En général, le fanfiqueur propose une
explication sur ces imprévus, retards...158).
• Explication sur l’écriture du récit (il est également observable à certains
moments que l’auteur évoque son appréhension de l’écriture. Il peut alors parler
du nombre de parties déjà rédigées159, du nombre de chapitres envisagés, etc.).
•
Anticipation sur l’écrit qui est publié plus bas dans le même message
(l’auteur peut annoncer que la partie publiée dans le message sera la fin de
l’introduction160 par exemple).
• Mention de corrections suite à des commentaires.
• Réponses directes aux critiques.
155 LiLyChoco remerciant LMS pour son premier commentaire, "Merci LMS, je pensais pas avoir un commentaire aussi rapidement : ça fait plaisir", op. cit. 156 LMS qui demande à l'auteur, "C'est qui ? C'est qui qui dit moi ? Huhu, je veux le savoir", op. cit. 157 op. cit. 158 LilyChoco qui explique la raison d'un retard par "Désolée pour le retard : petits problèmes avec Internet", op. cit. 159 LilyChoco explique "j'avais déjà écrit les 17 premiers chapitres quand j'ai posté le premier", op. cit. 160 op. cit. 71 Le dernier type de réaction du fanfiqueur nous concerne directement.
Néanmoins, il serait fastidieux de lister tous les cas rencontrés. En effet, ces
réactions forment la plupart du temps une symétrie parfaite par rapport aux
critiques des lecteurs listées plus haut. Ainsi, le fanfiqueur s’expliquera sur les
remarques concernant la narration, le récit en lui-même (pour le cas de la
résurrection de Pinpin, l’auteur avancera l’argument qui consiste à dire qu’il
s’agit d’une « réalité alternée », une notion proche de celle de « monde
possible » vue précédemment), le style, etc.
L’élément le plus intéressant à interroger ne réside donc pas dans les types
de réponse mais dans l’argumentation développée par l’auteur. Seulement, les
stratégies de défense semblent, après l’étude de plusieurs fanfictions émanant
des cinq premières pages des fanfictions du forum officiel de Wakfu, moins
complexes que chez des auteurs classiques et reconnus comme le décrit Gérard
Genette dans Seuils. On dégage le plus souvent une position d’acquiescement ou
d’argumentation consistant à expliciter sa vue de départ.
Dans le cas de la fanfiction Le Passé d’Evangelyne, l’auteur (LilyChoco)
ne peut qu’acquiescer et reconnaître son erreur lorsque le lecteur Madride
souligne une description en partie fausse des Dragodindes. La reconnaissance de
la faute peut être très nette comme c’est le cas ici : « Effectivement, le coup des
sabots pour les dragodindes, j’avais pas remarqué désolé »161.
Au-delà de ces réponses, qui sont globalement le signe d’un vif échange
sur l’écriture, on peut parfois observer une modification de l’écrit par l’auteur
après des critiques de lecteurs. Ainsi, dans la fanfiction Le Passé d’Evangelyne,
on remarque que l’auteur LilyChoco modifie le retour de Pinpin (personnage
mort à la fin de la saison 1 dans le dessin animé) car plusieurs lecteurs jugèrent
ce retour assez peu réaliste et rapidement éludé. On peut ainsi lire comme
commentaire préalable à la réécriture du chapitre incriminé : « Pour commencer,
suite aux remarques sur le retour peu réaliste que j’avais fait à Pinpin, j’ai décidé
de changer sa résurrection en essayant de l’accorder avec l’histoire en cours. J’ai
161 op. cit. 72 donc modifié son retour dont je parlais lors de la remise des dagues. Mais la
suite, vous l’apprendrez plus tard. Eh, Eh ! »162.
Cette réécriture suite à des critiques n’est pas un cas isolé. On retrouve
d’autres exemples de ce type ailleurs sur le forum officiel de Wakfu. Ainsi, TatiiMimii, auteur de la fanfiction Wakfu saison 3 – The Last fight of the world,
reviendra sur son premier chapitre suite à des critiques. Le lecteur Ioslesombrean
notera « trop rapide ce prologue. Ajoute du détail, de la profondeur, du style
mais on te retrouve avec quelques fautes mais cela passe ». De ce fait, TatiiMimii remaniera son premier chapitre en annonçant : « Bon vu que c’était trop
rapide, j’ai rectifié mon premier chapitre, je l’ai refait de A à Z et voilà ce que ça
donne, en espérant que vous aimerez »163.
De même, on relève dans les commentaires de l’auteur certaines
remarques adressées à des lecteurs. Il ne s’agit plus de répondre simplement à
une critique, comme un échange traditionnel auteur/lecteur observé plus haut,
mais de faire une sorte de clin d’œil. Ainsi, à l’annonce du chapitre 15 de la
fanfiction Le Passé d'Evangelyne, l’auteur LilyChoco annonce : « Voila un
nouveau chapitre qui devrait plaire à Akuo pour le coté sous-entendu et prise de
tête. »164 Cette remarque est intéressante car elle prolonge les cas de réécriture
après lecture de critiques. Bien que l’auteur soit seul pour écrire, en lisant de
telles phrases, on peut se demander s’il y a ou non réécriture, même partielle,
après la lecture de critiques. En effet, le chapitre était-il écrit au préalable, avant
publication, ou vit-il le jour après les premiers chapitres publiés et donc les
premiers commentaires lus ?
Dans ce cas précis, on peut affirmer que le chapitre 15 était déjà rédigé.
LilyChoco affirme page 1 : « Pour ce qui est du fait d'écrire vite, j'ai aucun
mérite, j'avais déjà écrit les 17 premiers chapitres quand j'ai posté le
premier »165. Pourtant, cette remarque ne signifie pas que les commentaires
162 op. cit. 163 Tatii-­‐Mimii, Wakfu Saison 3, the Last Fight of The World, wakfu.com [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/81-­‐fan-­‐fictions/281206-­‐wakfu-­‐
saison-­‐3-­‐last-­‐fight-­‐world 164 op. cit. 165 op. cit. 73 répétés d’Akuo n’aient pas influencé l’écriture, ou plutôt la réécriture, du
chapitre s’il y eut remaniement, même léger, avant publication sur le forum.
On ne peut pas toujours être catégorique à propos des processus d’écriture
de ces écrits. On peut néanmoins constater une tendance à la perméabilité entre
l’auteur et les critiques lors de la publication de fanfictions solitaires à l’écriture
progressive. Les commentaires nombreux et variés, les réponses de l’auteur et,
au-delà, les possibles relations en tant que joueurs (pour le critique et l’auteur)
dans le jeu révèlent beaucoup de promiscuité. On est loin de l’image d’Epinal de
l’auteur écrivant seul dans son coin et publiant son récit terminé.
D’ailleurs, cette image doit être questionnée. En littérature propriétaire, on
conçoit en effet l’écrivain comme un être produisant seul une œuvre. On exclut,
pour le moment, de cette vision les exercices littéraires d’écriture collective
comme en proposèrent l’OULIPO ou les surréalistes. Pour ces derniers cas, il
s’agit d’œuvres collectives reconnues et présentées comme telles. A côté de ces
écrits à plusieurs, on relève donc le statut du créateur solitaire. Seulement, ce
statut n’a riende systématique.
Même si une œuvre est le fait d’un auteur, dont le nom est lisible sur la
couverture du livre, sur la page de titre, qui est seul médiatisé, il existe de
nombreux cas dans la littérature de « nègres » littéraires. Des auteurs comme
Alexandre Dumas utilisèrent des assistants pour rédiger des parties de romans
qu’ils signaient pourtant de leur nom.
Pour le cas de Dumas, c’est le pamphlétaire Eugène de Mirecourt qui
dénonça et critiqua la supercherie dans son pamphlet Fabrique de Romans :
Maison Alexandre Dumas & Cie166.Le collaborateur de l’ombre le plus célèbre
de Dumas reste Auguste Maquet.
Pour rester dans la littérature, mais en prenant un cas plus récent, on peut
également citer les nègres de Maurice Druon (comme Edmonde Charles-Roux),
166 De Mirecourt, Eugène, Fabrique de romans : maison Alexandre Dumas et compagnie, Paris, 1845, 64 p. 74 que certains médias évoquent sous le terme « d’atelier littéraire »167, qui aidèrent
l’ancien immortel à la réalisation de sa grande saga Les Rois maudits. Le plus
souvent des historiens, ces personnes qui, pourtant, contribuèrent à l’édification
des différents tomes de cette série à succès ne verront jamais leur nom sur les
livres.
Le cas du nègre littéraire est loin d’être un procédé méconnu. En effet, la
plupart des lecteurs ne sont pas dupes et savent, par exemple, que derrière les
livres d’hommes politiques ou de stars de la télévision se cache le plus souvent
un écrivain professionnel de l’ombre. De plus, de nombreuses affaires à scandale
surgissent, régulièrement, dévoilant au grand jour ce rapport entre l’ombre et la
lumière168.
Pourtant, le cas du nègre littéraire perdure. Il persiste en France une
sacralisation de l’auteur solitaire. Cette sacralisation, ce statut de l’auteur
solitaire, est pleinement ébranlée avec les fictions de fans de Wakfu. Un auteur
de fanfictions ne cherche pas à se draper dans une gloire personnelle, il cherche
à écrire une histoire, à s’améliorer et rendra grâce aux commentateurs qui
l’aideront. Il est moins important pour les fictions textuelles de fans de faire par
soi-même que de bien faire. L’esprit collectif demeure comme un écho à cette
pensée de groupe qui irrigue la création transmédia Wakfu, et encore plus
précisément le fonctionnement d’un MMORPG.
Allant de pair avec ce statut de l’écrivain solitaire, il convient également
d’interroger le rapport imperméable entre l’auteur et ses lecteurs que l’on
suppose en littérature propriétaire. Malgré un caractère plus rigide, des
interactions moins fortes que sur les forums d’Internet, il est tout de même
possible que des remarques de lecteurs (par courriers, lors de séances de
dédicace, etc.) amènent à des corrections d’un ouvrage pour de futures
167 De Montety, Etienne, « Maurice Druon, un seigneur des lettres est mort », lefigaro.fr [en ligne], 2009, [21/05/2013], URL : http://www.lefigaro.fr/livres/2009/04/09/03005-­‐
20090409ARTFIG00653-­‐maurice-­‐druon-­‐un-­‐seigneur-­‐des-­‐lettres-­‐.php 168 Un exemple de best-­‐seller non rédigé par l’auteur pourtant mis en avant sur le livre, Ocean’s songs de Kersauson ; Demonchy, Anne-­‐Sophie, « Kersauson n’a pas écrit Océan’s songs », lalettrine.com [en ligne], 2010, [21/05/2013], URL : http://www.lalettrine.com/article-­‐kersauson-­‐n-­‐a-­‐pas-­‐ecrit-­‐ocean-­‐s-­‐songs-­‐retour-­‐sur-­‐un-­‐
best-­‐seller-­‐45726327.html 75 réimpressions. Même en littérature propriétaire, le romancier n’est pas dans une
tour d’ivoire. Des romanciers s’amuseront à décrire et analyser ce rapport,
comme Henry de Montherlant avec Les Jeunes filles.
Ce rapport de promiscuité observé pour les fanfictions de Wakfu rappelle
surtout un pan précis de la littérature propriétaire. Au cours du XIXème siècle,
les auteurs de romans-feuilletons entretenaient souvent des relations épistolaires
avec leurs lecteurs. Cette proximité, et donc cette interaction, se trouve accrue
avec l’évolution des technologies, Internet en tête. Il ne s’agit plus d’échanges
de courriers mais d’échanges virtuels, sur un forum, permettant une réaction
quasiment immédiate du lecteur.
Pour creuser un peu l'exemple des feuilletonistes, on peut citer le cas le plus
fort d’interaction entre auteur et lecteurs : Eugène Sue. Le romancier fut
particulièrement populaire avec sa grande saga Les Mystères de Paris,publiée
dans leJournal des Débats. Du fait d'une correspondance abondante, Sue publia
parfois des témoignages à côté de son feuilleton, ou modifia son propre récit
après lecture du contenu de certaines lettres. On peut citer le cas d’une lectrice
qui demanda à Sue de peindre la douleur du personnage de Rodolphe apprenant
la mort de sa fille. Afin de se rendre compte de la richesse de cet échange, on se
reporteraà l’étonnante compilation de Jean-Pierre Galvan intituléeLes Mystères
de Paris. Eugène Sue et ses lecteurs169.
En poursuivant sur cette perméabilité entre l’auteur et ses lecteurs, il est
intéressant de noter que les échanges ne sont pas uniquement le fait de ces deux
instances pour le cas des fictions textuelles de fans de Wakfu. Les discussions
dépassent cette relation à double sens et peuvent parfois se faire entre critiques.
Ainsi, un véritable débat sur l’écriture peut émerger dans le fil de discussion de
certaines fanfictions. Les lecteurs évoquent des théories, se lancent dans des
interprétations du texte qu’ils commentent d’abord avec l’auteur avant de
poursuivre entre eux. Le forum officiel de Wakfu n’est plus simplement un lieu
de publication mais de discussions littéraires.
169 Galvan, Jean-­‐Pierre, Les Mystères de Paris. Eugène Sue et ses lecteurs, Paris, L’Harmattan, 1998, 864 p. 76 Reprenons pour exemple la fanfiction Le Passé d’Evangelyne. Au fil des
publications de ce récit, on observe un échange entre Akuo et Machinima (deux
lecteurs) à propos de l’histoire. L’auteur donne des pistes mais laisse le champ
libre à des hypothèses. Ce sont ces hypothèses qu’émettent les lecteurs/critiques
en abordant des thèmes comme, par exemple, l’inceste, le viol pour expliquer le
caractère troublé d’Evangelyne170.
L’écriture solitaire, dans le cadre de fanfictions liées à un univers
transmédia comme Wakfu, est donc un phénomène textuel complexe autant dans
sa production que sa réception. On se rend bien compte que les lignes sont
fragiles et que la porosité est importante entre l’auteur et le lecteur. Cette relation
influence l’auteur, de manière plus ou moins soutenue, ce qui n’est pas toujours
facilement déductible. Elle fait également naître des débats littéraires entre
lecteurs. Il semble ainsi compliqué de parler encore d’écrivain solitaire tant le
mode de publication conduit à de nombreux échanges et peut potentiellement
influencer l’auteur dans son écriture ou sa réécriture. Seulement, à côté de ces
créations solitaires, il ne faut pas non plus oublier les cas d’écriture à plusieurs.
En effet, on a tendance à réduire la littérature à une activité solitaire. Or, en
observant les fictions à travers les siècles, on se rend compte à quel point la
conception d’une œuvre fut parfois le fait de plusieurs auteurs. On peut évoquer
pour l’Antiquité le cas d’Homère, qui divise les spécialistes. Ce nom renverraitil à plusieurs auteurs ? Ou, plus près de nous et de manière plus sûre, des œuvres
écrites à deux comme celles d'Erckmann-Chatrian ou des frères Goncourt.
Le XXème siècle fut particulièrement prolifique en matière d’écriture à
plusieurs. Les surréalistes explorèrent plusieurs jeux collectifs d’écriture comme
le cadavre exquis (tous les participants écrivent tour à tour une partie de phrase
sur une feuille sans connaître ce que les prédécesseurs ont rédigé), le jeu des
définitions (un jeu qui se joue à deux, un des participants écrit une question du
type « qu’est-ce que… ? », l’autre rédige une définition sans connaître la
question), le jeu de l’un et de l’autre (sorte de devinettes) ou encore le jeu des
syllogismes (jeu qui se joue à trois et qui repose sur une subversion du
170 op. cit. 77 syllogisme traditionnel : Majeure/Mineure/Conclusion : « Tous les hommes
sont…Or…Donc… »). Tous ces jeux collectifs d’écriture sont définis dans le
Dictionnaire abrégé du surréalisme171 d’André Breton et Paul Eluard. Les
fanfictions de Wakfu jouent-elles elles aussi sur ces principes d’écriture à
plusieurs ? Poussent-elles ces logiques plus loin que la littérature propriétaire
comme on a pu l’observer pour les relations auteur-lecteur ?
Cette partie de l’étude se focalisera sur le forum officiel de Wakfu. En
effet, le forum est la forme la plus adéquate pour un échange et donc,
potentiellement, pour une écriture à plusieurs. Bien plus qu’un blog personnel.
En interrogeant les cinq premières pages des fanfictions (en février 2013), et en
effectuant
quelques
recherches
via
l’utilisation
de
mots-clés
comme
« plusieurs », « collectif », on recense plusieurs cas d’écriture collective. Afin de
mieux comprendre ce processus, il est important de formaliser les types
d’écriture collective rencontrés.
On note tout d’abord des divergences au niveau du nombre. Certaines
fanfictions collectives se réduisent au strict minimum, un binôme. L’auteur
Tatii-Mimii, par exemple, le précise dans le titre même de son sujet :Une
fanfiction seulement à deux172. Le nombre est un objectif précis sur lequel on ne
transigera pas. Le reste du message donne des indications, comme le rythme de
publication « tous les deux trois jours », mais avec moins de précision et
d’exigence. Sans s’étaler sur le nombre de participants, qui peut fluctuer, on
remarque que certains appels à contribution pour l’écriture collective ne
mentionnent pas de limite de participants. Ainsi, la fanfiction Black Moon et ses
légendes173peut potentiellement accueillir une infinité d’auteurs. Le cadre de la
fiction plantée, chaque intervenant n’a plus qu’à s’imaginer un profil et écrire.
On retrouve là encore ce caractère collectif, résolument tourné vers l’œuvre, et
171 Breton, André, Eluard, Paul, Dictionnaire abrégé du surréalisme, José Corti, 1989, 1938 (1ère édition), 75 p. 172 Tatii-­‐Mimii, Une fanfiction seulement à deux [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/81-­‐fan-­‐fictions/281376-­‐fanfiction-­‐seulement-­‐deux-­‐
petit-­‐casting 173 Tatii-­‐Mimii, Black Moon et ses légendes [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/81-­‐fan-­‐fictions/272026-­‐black-­‐moon-­‐legendes-­‐rp-­‐
multi?page=1 78 non l’ego d’une célébrité littéraire, déjà remarqué plus haut pour le cas des
écritures solitaires.
Il convient également de noter l’origine de l’écriture collective. En effet,
un écrit collectif peut faire l’objet d’un recrutement, comme on a pu le voir plus
haut avec Une fanfiction seulement à deux. Il s’agit d’une écriture progressive, et
d’une publication également progressive. Mais il existe également des cas
d’écritures à plusieurs où la publication montre une œuvre terminée. C’est le cas
de la fanfiction The end of the beginning, duo avec LMS174 postée par TatiiMimii. Comme pour les fanfictions solitaires, il faut distinguer l’écriture de la
publication. Une écriture à plusieurs peut être progressive ou non.
Pour l’aspect pratique, il est impossible de savoir comment s’y prennent
les fanfiqueurs pour confectionner des écrits collectifs. Il faudrait mener une
enquête spécifique en interrogeant les auteurs utilisant de tels procédés pour
éclaircir ce point. Des outils numériques comme Google Drive (stockage en
ligne de documents) semblent totalement en adéquation avec cette nécessité d’un
partage rapide de documents et de corrections.
Plus haut, nous abordions la question du nombre. D’autres contraintes
existent et conditionnent l’écriture collective pour les fictions textuelles de fans
de Wakfu. On peut ainsi trouver une exigence concernant le ton du récit. Certains
cherchent un ton humoristique comme Flabra-le-sacrieur, qui propose un casting
de fanfictions portant le nom Une petite fanfiction humoristique, ça vous
tente ?175, d’autres veulent un « style assez gore »176.
A côté de ces contraintes de ton, on observe quelquefois des projets
d’écritureà plusieurs s’inspirant de jeux littéraires. Ces cas restent plus isolés, la
plupart du temps l’écriture collective est peu contraignante. On peut tout de
174 Tatii-­‐Mimii, The End of The Beginning, wakfu.com [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/81-­‐fan-­‐fictions/282674-­‐end-­‐beginning-­‐duo-­‐lms 175 Flabra-­‐le-­‐sacrieur, [Casting] Un petite fanfiction humouristique, ça vous tente ?, wakfu.com [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/81-­‐
fan-­‐fictions/282414-­‐casting-­‐petite-­‐fanfiction-­‐humoristique-­‐tente 176 SheWolf-­‐90, Appel à la collobration, wakfu.com [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/81-­‐fan-­‐fictions/282294-­‐appel-­‐collaboration 79 même évoquer quelques traces de cet héritage littéraire, comme ici avec le
cadavre exquis177, mais ce rapport reste bien souvent lointain et rare.
Les fanfictions relèvent d’un mode d’écriture riche, qui la plupart du temps
se rapproche de certaines pratiques propres à la littérature. Seulement, il ne s’agit
jamais véritablement, pour le cas des fanfictions de Wakfu, de reproduire un
schéma classique mais de le dépasser en usant de nouveaux d’outils de
communication, comme le forum internet, facilitant l’échange et la mise en
commun. Les relations sont diverses et variées entre l’auteur et ses lecteurs.
L’isolement est rare. Le plus souvent, c’est un processus d’écriture lié au groupe
que l’on constate. Le rapport à la littérature est plus souvent inconscient que
conscient. Les fanfiqueurs ne mentionnent que très rarement des auteurs
classiques ou des jeux d’écriture de la littérature propriétaire. Ils écrivent et
échangent sans connaître cet héritage mais en réactivant parfois, voire en
dépassant dans certains cas, des schémas de la littérature.
Se demander si les fictions textuelles de fans relevent de la littérature nous a
conduit à interroger les textes dans la perspective d’analyses comparées (de
manière théorique et générique, puis spécifique). Seulement, les textes tels qu’ils
sont disponibles et consultables ne le sont que parce qu’ils ont été diffusés. Tout
écrit a, pour parler schématiquement, une forme et un fond mais également une
finalité. Cette finalité semble liée à la question de la diffusion. Un écrit est
littéraire car il est pensé pour être lu et donc doit être diffusé à destination des
lecteurs.
177 Ici un cadavre exquis mêlant texte pur et bandes dessinées ; Kolisssahghkrffh, Notre BD Wakfu !, wakfu.com [en ligne], 2008, [21/05/2013], URL : http://www.wakfu.com/fr/forum/30-­‐fan-­‐arts/42768-­‐eh-­‐bien-­‐existe-­‐cadavre-­‐exquis-­‐
wakfu 80 Partie 3 : Diffusion et légitimation des écrits de fiction
Une œuvre relevant de la littérature propriétaire ou une fiction textuelle de fan
sont toutes deux diffusées mais cette diffusion est-elle similaire ? De même,
l’œuvre de fiction une fois diffusée est soumise à la critique de lecteurs mais
également de critiques spécialisés comme les critiques littéraires. Ce type
d’instance a-t-il encore sa place avec les fictions textuelles de fans ?
I) La diffusion de l’écrit de fiction
A) La diffusion dans la littérature propriétaire
Attardons-nous d’abord sur le système actuel sur lequel se fonde la
littérature propriétaire. Un écrit relevant de cette dernière est majoritairement
publié et diffusé par un éditeur et un distributeur. Ces deux instances sont
nécessaires pour que l’auteur puisse espérer atteindre son public. Il n’y a là rien
de sûr quand on constate que chaque année en France la rentrée littéraire, qui ne
représente pas l’ensemble des publications sur une année, propose plusieurs
centaines de titres aux lecteurs178. Il est évident que la plupart des auteurs ne
connaîtront pas le succès tant le volume total est gigantesque et ne trouvera sa
place ni dans l’espace médiatique ni dans les rayonnages des magasins.Il existe
également un phénomène d’auto-publicationdont on parlera plus tard dans cette
partie ; il s’agit pour le moment de dépeindre la tendance lourde de l’édition
littéraire.
L’œuvre diffusée subira un changement de statut, de l’amateur au
professionnel, de l’œuvre embryonnaire à l’œuvre achevée. L’écrit publié n’est
plus un manuscrit, c’est une œuvre définitive (même si elle peut être remaniée
plus tard, comme ce fut le cas du théâtre de Corneille, intégralement remanié par
l’auteur et accompagné de textes théoriques), qui s’insère dans un circuit
commercial (le circuit du livre, vente de bien culturels) et qui possède des droits
protégeables, par exemple en déposant son œuvre, pour le cas de la France, à la
SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques). Notons qu’il est
178Aissaoui, Mohammed, « La rentrée littéraire en 646 romans », lefigaro.fr [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.lefigaro.fr/livres/2012/06/29/03005-­‐
20120629ARTFIG00461-­‐la-­‐rentree-­‐litteraire-­‐en-­‐646-­‐romans.php 81 possible de protéger à la SACD son écrit avant même toute publication, pour
éviter tout risque de plagiat. L’écrit subit alors le changement qualitatif évoqué
plus haut mais, n’étant pas diffusé, il ne trouvera ni son public ni les jugements
de critiques spécialisés. Il n’aura pas encore atteint son objectif final.
Majoritairement, l’écrit relevant de la littérature propriétaire se repose,
pour atteindre cet objectif final, sur l’éditeur évoqué plus haut. L’auteur de
fictions qui veut publier son œuvre au format papier, afin que cette dernière se
retrouve en librairie par exemple, va proposer son texte à plusieurs éditeurs
jusqu’à ce que l’un d’eux accepte, ou jusqu’à ce que l’auteur fasse les
changements nécessaires pour satisfaire l’éditeur.
Qu’observe-t-on dans une telle relation ? Tout d’abord, comme on l’a
esquissé, elle est exclusive. Elle se limite à l’auteur et à l’éditeur. Exclusive dans
la lecture, même si les maisons d’édition recourent le plus souvent à des comités
de lecture, exclusive au sens juridique puisque le contrat passé entre auteur et
éditeur prévoit une clause d’exclusivité (y compris parfois pour les prochains
ouvrages de l’auteur), etégalement exclusive à propos de la légitimation de
l’écrit. Un texte littéraire avant publication n’est lu que par un comité restreint
(famille, amis) et n’est proposé par la suite au public que par le biais d’un
éditeur. L’éditeur apparait ainsi comme un intermédiaire indispensable.
Grâce au travail de l’éditeur, l’auteur sort du statut d’écrivain en devenir,
possesseur de brouillons (qui ont une valeur littéraire pour des chercheurs mais
ne constituent pas une œuvre aboutie, livrée au regard d’autrui), pour devenir un
écrivain à part entière (plus ou moins connu). Certains écrivains ont décidé de se
passer de l’éditeur pour entrer dans un rapport direct avec le lecteur179. Le cas le
plus extrême en la matière semble être Jean-Jacques Rousseau distribuant dans
la rue des exemplaires manuscrits d’un de ses derniers écrits : Appel à tout
Françaisaimant encore la Justice et la Vérité180.
179 Un exemple avec l’écrivain Marc-­‐Edouard Nabe, refusant de passer par un éditeur et distributeur. Ses livres sont désormais exclusivement accessibles par sa propre plateforme de vente ; Marcedouardnabe.com. Page d’acceuil [en ligne]. Disponible sur : http://www.marcedouardnabe.com [21/05/2013] 180« Et il y a eu cette scène pathétique et burlesque de « M. Rousseau », dans la rue, en plein Paris, distribuant aux passants son Appel à tout Français aimant encore la Justice et la 82 Le passage par l’éditeur n’est pas la finalité de l’écrivain mais représente
le passage le plus aisé pour atteindre le public et les critiques spécialisés. Ces
derniers, officiant dans des magazines spécialisés et autres médias, ont un rôle
d’amplificateur (les médias offrent une visibilité à l’œuvre publiée) mais
participent également, comme l’éditeur, à la légitimation de l’écrit. L’écrit
publié et diffusé est ainsi reconnu comme littéraire et critiqué par des initiés. A
noter que cette légitimation ne retire rien au fait que ce sont les lecteurs qui
décideront du succès d’un livre en se faisant acheteurs.
Attardons-nous un peu sur ce système. La littérature propriétaire n’a pas
toujours fonctionné ainsi. Le livre considéré comme un produit culturel, doté
d’un prix et fonctionnant comme un marché économique, est un fait finalement
récent, émergeant au XIXème siècle. Jusque-là, la littérature était financée par
un système de mécénat. Un mécénat national avec le mécénat des rois comme
les pensions attribuées par Louis XIV et la création d’Académie (peinture,
architecture) pour payer des commandes ayant pour but de glorifier sa personne
et son règne ; et local avec par exemple des nobles protégeant des troupes de
théâtre au XVIIème siècle, comme Philippe d’Orléans protecteur de la troupe de
Molière ou le comte de Saint-Aignan protecteur de Racine. La littérature pouvait
également être financée par une activité secondaire de l’écrivain. Il ne faut pas
oublier qu’au XVIème siècle la plupart des auteurs sont juristes ou médecins
(comme Rabelais) et que leur activité littéraire est secondaire, mais surtout ne
constitue pas la majorité de leurs revenus.
Pierre Bourdieu, dans Les Règles de l’art, analyse cette évolution qu’il
considère achevée avec le Second Empire. On n’est plus désormais dans une
société de clubs aristocratiques ou de mécènats mais dans les prémices d’une
industrialisation de la littérature. La littérature devient un marché de l’économie
comme
d’autres
marchés.
Bourdieu
parle
alors
de
« subordination
181
structurale » . Avec l’apparition des droits d’auteur, l’écrivain peut vivre par
Vérité. », Guillemin, Henri, préface, Les Rêveries du promeneur solitaire, Rousseau, Jean-­‐
Jacques, Lausanne, Edition Rencontre Lauzanne, 1963, 242 p. 181 « On est loin des sociétés savantes et des clubs de la société aristocratique du XVIIIe siècle ou mêm de la Restauration. Le rapport entre les producteurs culturels et les dominants n’a plus rien de ce qui a pu le caractériser aux siècles antérieurs, qu’il s’agisse de la dépendance directe à l’égard du commanditaire (plus fréquente chez les peintres, mais 83 lui-même de son métier. L’alphabétisation grandissante de la France, doublée
d’un développement de la presse, conduit à une demande croissante d’écrivains
pour assouvir la culture de masse. C’est l’ère des romans-feuilletons et des
gloires littéraires, et économiques, d’auteurs comme Eugène Sue avec ses
Mystères de Paris.
L’aspect économique de la littérature pouvait être en sommeil jusqu’à cette
époque. Il était bien question d’argent mais sous forme de pensions, de
commandes et non de produits culturels insérés dans un marché économique
subissant les lois de l’Offre et de la Demande. Avec l’autonomie de l’écrivain,
on découvre donc également l’industrialisation d’un métier, son insertion dans le
secteur économique. Ainsi, l’aspect symbolique (un écrit jugé de qualité, un
auteur considéré comme un grand auteur) est intimement lié à l’aspect
économique (un livre est un produit culturel qui se vend).
C’est cette évolution qui conduit au schéma que nous connaissons, où
l’édition d’un livre par un éditeur, et sa diffusion par un distributeur, tient
beaucoup, pour sa réussite, aux critiques spécialisés qui le recommanderont et le
médiatiseront182. En faisant une bonne réputation au livre publié, l’œuvre
connaîtra de nombreux échos médiatiques et pourra plus facilement connaître un
succès de librairie. Ce succès comblera ainsi autant l’éditeur (une rentrée
d’argent) que l’auteur (la gloire littéraire, le fameux aspect symbolique).
aussi attestée dans le cas des écrivains) ou même de l’allégeance à un mécène ou à un protecteur officiel des arts. Il s’agit désormais d’une véritable subordination structurale, qui s’impose très inégalement aux différents auteurs selons leur position dans le champ, et qui s’institue au travers de deux médiations principales : d’une part le marché, dont les sanctions ou les contraintes s’exercent sur les entreprises littéraires soit directement, à travers les chiffres de vente, le nombre d’entrées, etc., soit indirectement, à travers les nouveaux postes offerts par le journalisme, l’édition, l’illustration et toutes les formes de littérature industrielle ; d’autre part, les liaisons durables, fondées sur des affinités de style de vie et de système de valeurs, qui, par l‘intermédiaire des salons notamment, unissent une partie au moins des écrivains à certaines fractions de la haute société, et contribuent à orienter les générosités du mécénat d’Etat », p.88. Bourdieu, Pierre, Les Règles de l’art, Paris, « Points Essais », Seuil, 1998, 567 p. 182 « La réussite symbolique et économique de la production à cycle long dépend (au moins à ses débuts) de l’action de quelques « découvreurs », c’est-­‐à-­‐dire des auteurs et des critiques qui font la maison en lui faisant crédit (par le fait d’y publier, d’y apporter des manuscrits, de parler favorablement de ses auteurs, etc.), et aussi du système d’enseignement, seul capable d’offrir, à terme, un public converti », p.244, op. cit. 84 Avant d’en arriver à ce stade, le système en œuvre dans la littérature
propriétaire cultive la notion de confidentialité. L’auteur envoie son manuscrit
sous enveloppe à des éditeurs, ne publie que des extraits sur Internet (si l’éditeur
accepte) et ne peut faire lire qu’à un cercle restreint (famille, amis, éditeur) son
récit avant sa publication.
Ce rapport au secret, qui se situe avant la diffusion d’une œuvre pour la
littérature propriétaire, n’a plus lieu d’être pour les fictions textuelles de fans de
Wakfu. Les lecteurs de ces fictions sont nombreux car les écrits sont publics et
c’est bien le nombre que cherchent les fanfiqueurs. Ils souhaitent partager leurs
oeuvres avec le plus grand nombre. C’est pour cette raison que les fanfictions de
Wakfu sont lisibles sur des sites spécialisés de fanfictions, des forums, des blogs
personnels, etc. Contrairement à la littérature propriétaire, l’objectif n’est plus ici
de polir en secret un récit jusqu’à ce que celui-ci soit accepté par un éditeur qui
le publiera, mais d’élaborer publiquement une œuvre, sous les yeux des lecteurs,
avec leurs remarques. On se reportera sur ce dernier point à la deuxième partie
de ce mémoire.
La fiction de fan se propose à qui le veut dans son intégralité. Si l’on
devait chercher un rapprochement dans la littérature propriétaire avec cette
conception de l’exposition de l’écrit, on devrait chercher du côté des
prépublications.Un auteur de fanfictions qui publie son récit en plusieurs
chapitres, pas à pas, la publication progressive observée dans la seconde partie
de ce mémoire, est au fond similaire à l’auteur décidant de prépublier son roman,
par exemple dans un magazine. Pour le cas de la littérature propriétaire, le roman
prépublié est la plupart du temps déjà sous presse pour une sortie en intégralité.
C’est le cas, par exemple, des extraits de romans qui seront disponibles pour la
rentrée littéraire183.
La formule était particulièrement populaire au XIXème siècle. La vague
des romans-feuilletons permit à des auteurs de se faire connaître, comme
Alexandre Dumas ou Eugène Sue, mais également à des journaux d’augmenter
183 Lexpress.fr, « Les extraits de la rentrée littéraire 2012 », lexpress.fr [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.lexpress.fr/culture/livre/les-­‐extraits-­‐de-­‐la-­‐rentree-­‐
litteraire-­‐2012_1150873.html 85 leurs tirages. Le Constitutionnel publia Le Juif errant d’Eugène Sue, le Magasin
d’éducation et de récréation de Pierre Jules Hetzel publia les œuvres de Jules
Verne de manière fragmentaire également.
Ce phénomène de mode couvrit, globalement, le XIXème siècle en France.
Seulement, on ne constate plus, ou presque plus, aujourd’hui un tel procédé. La
littérature propriétaire ne se dévoile que sous sa forme finie, en format physique,
dans les librairies. Ou en numérique sur Internet.
Pourtant, pour rester dans le support physique des journaux ou magazines,
ce procédé de la prépublication (qui est le principe même des fictions textuelles
de fans de Wakfu) existe encore pour d’autres arts. La bande dessinée francobelge, par exemple, utilise encore un peu cette manière de faire. On peut citer
par exemple le magazine L’Immanquable184, feu (A suivre)185 ou Le Journal de
Spirou qui publie chaque semaine de nouvelles histoires qui sortiront plus tard
en volume chez l’éditeur Dupuis.
En regardant dans d’autres pays, on découvre que la bande dessinée
japonaise, les mangas, fonctionne encore plus que la bande dessinée francobelge sur un tel modèle. C’est la manière de fonctionner des Japonais :quasiment
toutes les séries passent par la prépublication avant de sortir en volumes dans les
librairies. On peut citer par exemple Weekly Shônen Jump186, qui publia la série
Dragon Ball et publie actuellement la série One Piece.
B) La diffusion des fictions textuelles de fans
Focalisons-nous désormais sur la diffusion des fictions textuelles de fans.
On peut commencer par étudier les modes de diffusion des fanfictions de
manière générale avant de s’attarder sur le cas Wakfu. Tout d’abord, on constate
que majoritairement les fanfictions se lisent et se diffusent sur Internet. Dans les
années 60, comme on a pu le constater dans le livre de Joan Marie Verba, Boldly
184 L’Immanquable. Page d’accueil [en ligne]. Disponible sur http://www.dbdmag.fr/immanquable/numeros/detail/121.html [21/05/2013] 185 Wikipedia, « (A suivre) », Wikipédia, l’encyclopédie libre [en ligne], 2013, [21/05/2013], URL : http://fr.wikipedia.org/wiki/%28%C3%80_suivre%29 186 The Worldwide Portal of Manga from Shonen Jump. Page d’accueil [en ligne]. Disponible sur http://www.shonenjump.com/e/ [21/05/2013] 86 writing, les fanfictions se diffusaient via des fanzines (format physique). Les
moyens de communication évoluant, Internet a supplanté le papier. Seulement,
Internet est vaste. Il convient alors de dégager de cet ensemble des types de sites
sur lesquels les fanfiqueurs postent pour comprendre où se diffusent le plus ces
écrits.
On
constate
ainsi,
après
plusieurs
interrogations
par
mots-clés
(« fanfiqueur », « fanfiction », « publication », « diffusion ») de moteurs de
recherche (google.fr, voila.fr, yahoo.fr), que les fanfiqueurs diffusent leurs
œuvres sur des sites généralistes (qui recensent des fanfictions portant sur tous
les univers) et des sites spécialisés (focalisés sur un univers précis).
A propos des sites généralistes, on peut citer fanfiction.net187 pour les
anglophones, et fanfic-fr.fr pour les francophones188. Ces deux sites recensent
des milliers de fanfictions réparties à travers différentes catégories. On retrouve,
pour fanfiction.net, par exemple, une catégorie « Books» (livres) avec, pour citer
les trois livres générant le plus de fanfictions, Harry Potter, Twilight et Lord of
the Rings (Le Seigneur des anneaux).
Concernant les sites de fanfictions spécialisées dans un univers précis, on
relève que, statistiquement, ces sites ne génèrent pas autant de fanfictions que les
sites généralistes. Ainsi, le nombre d’écrits se rapportant à Harry Potter sur
fanfiction.net, le 20/05/2013, s’élève à 642 929. A titre de comparaison, le
premier site francophone entièrement dédié aux fanfictions d’Harry Potter,
hpfanfiction.org/fr, totalise 17381 fanfictions le même jour.Les sites généralistes
semblent donc une véritable manne. La spécificité des sites spécialisés s’attarde
surtout sur l’aspect communautaire, beaucoup plus développé que pour un site
généraliste.
Qu’en est-il pour Wakfu ? Tout d’abord on note, une fois de plus, la
spécificité des fanfictions de Wakfu par rapport aux autres fanfictions déjà citées
plus haut. En effet, les fanfictions d’Harry Potter ou de Twilight se réfèrent
essentiellement à des livres. Même si ces séries ont été adaptées au cinéma, le
187 Fanfiction.net. Page d’accueil [en ligne]. Disponible sur http://www.fanfiction.net/ [21/05/2013] 188 Fanfic-­‐fr.net. Page d’accueil [en ligne]. Disponible sur http://www.fanfic-­‐fr.net/ [21/05/2013] 87 site fanfiction.net recense les fanfictions qui s’y rapportent sous la bannière
« books » (livres). Décliner un univers sur d’autres supports ne relève pas de la
création transmédia comme on l’entend dans ce mémoire. Il s’agit plus d’un
phénomène d’adaptation puisqu’on raconte chaque fois, avec les spécificités du
médium employé, la même histoire.
Cette lisibilité de la filiation, et donc la facilité à regrouper et ranger des
fanfictions, ne se retrouve pas pour notre étude. L’auteur de fanfictions de Wakfu
ne se base plus sur une œuvre close, tenant en un nombre déterminé de volumes,
mais sur un ensemble jouant sur plusieurs médias, se construisant
perpétuellement.
Le rapport de la fanfiction de Wakfu à l’œuvre inspiratrice est donc plus
complexe que pour les exemples Harry Potter et Twilight. De fait, la diffusion
sera également plus complexe. Cette complexité se ressent lorsqu’on effectue
des recherches sur les sites généralistes évoqués plus haut. Sur le site
francophone fanfic-fr.net, on constate un recensement de seulement trois
fanfictions189 se rapportant à Wakfu (catégorie « jeux de rôle en ligne » à la lettre
« w »). Le site fanfiction.net affiche, lui, un total de douze fanfictions190. Cette
rareté tient-elle au jeu en lui-même ? A la spécificité d’une création transmédia ?
Afin d’éclaircir ces points, on étudiera un exemple similaire à Wakfu :
World of Warcraft. Ce MMORPG de Blizzard est également une création
transmédia (des romans191, des bandes dessinées192 participent à l’élaboration de
ce monde imaginaire) avec comme point de convergence un jeu de rôle en ligne.
189 Fanfic-­‐fr.net, Wakfu [en ligne], http://www.fanfic-­‐fr.net/fanfics/Jeux-­‐Vid-­‐-­‐o-­‐en-­‐
ligne/W/Wakfu.html, page consultée le 20/05/2013 190 Fanfiction.net, Wakfu [en ligne], http://www.fanfiction.net/search.php?keywords=wakfu&ready=1, page consultée le 27/01/2013 191 Amazon.fr, Livres > SF, Fantasy et Terreur > « Warcraft » [en ligne], http://www.amazon.fr/s/ref=sr_nr_n_13?rh=n%3A301138%2Ck%3Awarcraft&keywords=
warcraft&ie=UTF8&qid=1369056479&rnid=1703605031, page consultée le 20/05/2013 192 Amazon.fr, Livres > Bandes dessinées et Humour > « Warcraft » [en ligne], http://www.amazon.fr/s/ref=sr_nr_n_11?rh=n%3A301133%2Ck%3Awarcraft&keywords=
warcraft&ie=UTF8&qid=1369056479&rnid=1703605031, page consultée le 20/05/2013 88 Sur le site fanfiction.net, on recense pour le jeu de Blizzard un ensemble
de 4 775 fanfictions(catégories « games » et «warcraft »193). Les résultats sont
faibles si on les compare aux premiers de la liste pour la catégorie « games »
(jeux). On trouve en effet Kingdom Hearts avec 69 075 fanfictions ou encore
Pokémon avec 61 301 écrits (relevés effectués le 20/05/2013) (pas de jeu en
ligne comme « point de convergence » pour ces deux cas). Que peut-on en
déduire ?
Tout d’abord que les meilleurs résultats de cette catégorie ne sont pas des
créations transmédia comme World of Warcraft ou Wakfu, même si ces jeux ont
donné lieu à des adaptations sur d’autres médias, et même si parfois on voit
apparaître des créations sur certains supports reprenant des personnages du jeu
vidéo originel. On exploite un monde imaginaire mais ces exemples sont plus
des écarts, de temps en temps, qu’une ligne de conduite. On pourrait dire que
Wakfu est une création, par essence, transmédia et c’est bien là une différence de
taille.
De plus, ces licences (Pokemon, Kingdom Hearts) ne possèdent pas un jeu
de rôle en ligne qui fait office de monde parallèle au nôtre, existant vingt-quatre
heures sur vingt-quatre. Ils proposent une aventure, une plongée dans un monde
parallèle l’espace d’une session de jeu. Par ces quelques différences, on
comprend mieux la spécificité de l’œuvre d’Ankama.
Pour en revenir à notre comparaison, on remarque que l’écart entre le
nombre de fanfictions de World of Warcraft et Wakfu est important mais ne
signifie finalement pas grand-chose au regard du reste. En effet, on est très loin
des trois séries générant le plus de fanfictions pour la catégorie « games », dans
les deux cas. World of Warcraft possède plus de fanfictions que Wakfu pour le
site fanfiction.net, mais cet écart peut s’expliquer par le fait que la création de
Blizzard est américaine et que le site fanfiction.net est majoritairement
anglophone. Ou encore que World of Warcraft194 génère plus d’abonnements
193 Fanfiction.net, Game [en ligne], http://www.fanfiction.net/game/, page consultée le 20/03/2013 194 Uther, « 9,6 millions d’abonnés et « plus de contenus pour rester compétitif » », jeuxonline.info [en ligne], 2013, [21/05/2013], URL : http://www.jeuxonline.info/actualite/38883/9-­‐6-­‐millions-­‐abonnes-­‐plus-­‐contenus-­‐rester-­‐
competitif 89 que Wakfu et qu’il est une création plus ancienne (première version sortie en
France le 11 février 2005195).
En se rendant sur le grand site francophone généraliste de fanfictions,
fanfic-fr.net, on constate que la page dédiée au fanfictions de World of Warcraft
recueille un ensemble de 18 récits196. L’écart est ainsi beaucoup plus serré que
sur fanfiction.net. Cet constat confirme l’idée que les fanfictions Wakfu sont
linguistiquement le fait de joueurs francophones même si on peut lire quelques
rares exceptions ici et là (en anglais par exemple).
On ne peut qu’être étonné, pour rester sur le cas Wakfu, de ne constater
que si peu de fanfictions pour un jeu pourtant très populaire. Afin d’entériner
l’hypothèse d’une raréfaction des fanfictions due à la nature de la création
d’origine, il faut chercher ailleurs. Existe-t-il des sites communautaires de Wakfu
recensant bien plus de fanfictions ou continue-t-on de trouver des résultats
similaires, même en dehors des sites ne publiant que des fanfictions ?
A partir de plusieurs recherches sur Internet, via différents moteurs de
recherche (google.fr, voila.fr, yahoo.fr) et quelques mots-clés déterminés à
l’avance (« fanfictions », « fanfic », « Wakfu »), on peut dresser plusieurs
constats. Voici une première formalisation qui permet de se rendre compte de la
diversité des lieux de diffusion des fanfictions de Wakfu.
•
Forum officiel du jeu Wakfu197
•
Blogs personnels de joueurs de Wakfu198
•
Forums de guildes de Wakfu199
•
Sites généralistes regroupant des fanfictions200
•
Forums de sites généralistes sur les jeux vidéo201
195 Jeuxvideo.com, « World of Warcraft », jeuxvideo.com [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.jeuxvideo.com/jeux/pc/00007906-­‐world-­‐of-­‐warcraft.htm 196 Fanfic-­‐fr.net, World of Warcraft [en ligne], http://www.fanfic-­‐fr.net/fanfics/Jeux-­‐Vid-­‐-­‐o-­‐
en-­‐ligne/W/World-­‐of-­‐Warcraft.html [21/05/2013] 197 Wakfu.com, Fan-­fictions [en ligne], http://www.wakfu.com/fr/forum/81-­‐fan-­‐fictions [21/05/2013] 198 Blog de Wakfu-­‐fiction. Page d’accueil [en ligne]. Disponible sur http://wakfu-­‐
fiction.skyrock.com/ [21/05/2013] 199 Le forum de la guilde Phénomène de Sumens. Page d’accueil [en ligne]. Disponible sur http://phenomene.guildealliance.com/t2-­‐l-­‐enfance-­‐d-­‐evangeline-­‐fan-­‐fic-­‐sur-­‐la-­‐serie-­‐tv-­‐
wakfu [21/05/2013] 200 Fanfic-­‐fr.net, Wakfu [en ligne], http://www.fanfic-­‐fr.net/fanfics/Jeux-­‐Vid-­‐-­‐o-­‐en-­‐
ligne/W/Wakfu.html [21/05/2013] 90 Les lieux de diffusion des fanfictions de Wakfu sont variés mais malgré
cette variété on observe une domination, quantitative, du forum officiel de
Wakfu. C’est surtout là que les auteurs de fanfictions postent leurs œuvres,
reçoivent des critiques, les modifient, etc. En ce jour de relevé, 20 mai 2013, on
note 23 pages de fanfictions dans la partie dédiée du forum de Wakfu
(« communauté> fan média > fanfictions »202). Avec trente sujets par page,
même si parfois une page peut comprendre, ce qui reste rare, un sujet renvoyant
à un sondage et non à une fanfiction, on peut estimer à presque sept cents (30 x
23) le nombre de fanfictions sur cette partie du forum de Wakfu. Le résultat est
bien plus impressionnant que pour les sites généralistes de fanfictions, voire les
blogs personnels.
Ainsi, il est plus pertinent de parler d’une spécificité, pour la diffusion, de
Wakfu plus que d’une raréfaction des fanfictions liées à la nature de l’œuvre dont
elles s’inspirent. Même si les chiffres sont loin du nombre total de fanfictions
d’Harry Potter ou Twilight, on constate tout de même qu’il existe un nombre
important de créations et que ce lieu de diffusion, le forum officiel du site
Wakfu, est vivant, avec de nombreuses réponses et nouveautés au fil des jours.
S’il y a spécificité de Wakfu, c’est bien parce que les fans préfèrent poster
leurs fanfictions sur le site officiel plutôt que d’utiliser les voies plus
traditionnelles, pour un fanfiqueur, autrement dit des sites généralistes comme
fanfiction.net. Cette spécificité semble confirmer l’importance du groupe (dans
le jeu, on découvre souvent des joueurs accomplissant à plusieurs des quêtes a
priori réalisables seul). Un groupe qui se retrouve autant dans le jeu lui-même
que dans l’écriture et la diffusion de fanfictions. Jouer à Wakfu et écrire sur
Wakfu sont les deux facettes d’une participation à un univers imaginaire.
On retrouve avec un tel fonctionnement le concept de l’éditeur de la
littérature propriétaire. En effet, Ankama semble jouer le rôle d’éditeur du fait
que les fanfiqueurs ont peut-être l’impression que leur publication a plus de
valeur si elle est mise en ligne sur le site de la distribution (même si cette
dernière ne sélectionne pas les contenus, hors chartes à respecter. Les
201 Jeuxvideo.com, Forum : Wakfu [en ligne], http://www.jeuxvideo.com/forums/1-­‐11722-­‐
1160-­‐1-­‐0-­‐1-­‐0-­‐0.htm [21/05/2013] 202 op. cit. 91 modérateurs se donnent alors le droit de supprimer des sujets qui
contreviendraient à ces règles). World of Warcraft ne propose pas, dans sa partie
communautaire, un tel espace d’exposition.
Malgré l’aura du site officiel Wakfu, les fanfiqueurs ne pensent pas,
comme les auteurs s’inscrivant dans les schémas de la littérature propriétaire, à
monétiser leurs œuvres comme, par exemple, les proposer sur des sites
d’autopublication d’ebooks(ce qui explique aussi pourquoi Ankama laisse faire
cette utilisation totalement libre de sa propriété intellectuelle). Les fanfiqueurs
semblent vouloir rester dans le cadre de la fiction à usage communautaire, sans
passage par un éditeur ou réception critique d’un critique spécialisé et
professionnel. Le but n’est pas de bâtir une œuvre personnelle ni de faire de cette
pratique son métier.
La finalité de la fiction textuelle de fan, question liée à la diffusion, est
dirigée vers le groupe des autres fans. L’honneur du fanfiqueur est d’avoir des
commentaires, des critiques constructives autant que des éloges. On a vu
plusieurs cas, dans la première partie de ce mémoire, où le fanfiqueur revient sur
son texte pour le modifier en suivant les critiques de lecteurs. Pour utiliser les
notions de Pierre Bourdieu dans Les Règles de l’art, on peut affirmer que le
fanfiqueur se contente du capital symbolique, là où un auteur écrivain de la
littérature propriétaire s’intéresse aussi au capital économique, afin de vivre de
ses écrits. Le fanfiqueur et l’écrivain traditionnel ne se donnent pas les mêmes
rôles ni les mêmes objectifs.
Le critique littéraire est remplacé dans ce cas précis par les autres
fanfiqueurs, les auteurs de fanfictions les plus aguerris. On retrouve dans cette
vision de la légitimation un rapport initié-jeune recrue. Les commentateurs sont
souvent des fanfiqueurs produisant beaucoup. Même si la quantité n’est pas
synonyme de qualité, ces gros producteurs peuvent tout de même donner
quelques conseils par rapport à la narration afin que la fanfiction soit plus fluide
et cohérente. A noter que dans le circuit traditionnel, il arrive souvent que les
critiques soient eux-mêmes des auteurs reconnus. On peut citer par exemple
l’animateur de la célèbre émission littéraire Le Masque et la plume, Jérôme
Garcin, qui publie régulièrement ses propres romans.
92 Même si les « historiens du Krosmoz » regardent les productions
fictionnelles des fans, il n’existe quasiment aucune intrusion de ces scénaristes
du background dans la partie « fanfictions » du forum. Lors d’un échange avec
ces fameux historiens de Wakfu (voir pour cela les annexes), voici la réponse
obtenue à ma question portant sur l’intrusion des scénaristes officiels dans ces
histoires officieuses voire l’influence des fictions de fans sur le travail des
scénaristes.
« Nous essayons de suivre ce que la communauté produit et le moins
qu’on puisse dire c’est que les fans sont très productifs ! Bien entendu nous
gardons un œil sur ce que fait la communauté et les sujets qui l’intéressent.
Quant à savoir si cela inspire les créatifs, très probablement, que ce soit
conscient ou non. Parfois la bonne trouvaille d’un fan peut faire écho à un
scénariste ou à un réalisateur par exemple qui va pouvoir rebondir dessus pour la
réinterpréter ou au contraire prendre le contre-point. Un bon exemple est celui de
Tot qui, à la fin de la saison 1 de Wakfu, avait prévu de faire revenir Tristepin
grâce à l’horloge de Nox. Mais, en lisant sur les forums les nombreux
commentaires des fans persuadés que c’était ce qu’on allait faire, il a décidé de
modifier le script à la dernière minute pour créer la surprise : quand Nox
parvient à remonter le temps, on peut penser qu’à cet instant Pinpin est encore
vivant, sauf que l’horloge n’a reculé dans le temps que de quelques minutes et
Pinpin est déjà mort. » Ainsi, la légitimation de la fanfiction de Wakfu
fonctionne en vase-clos, au sein du site officiel et entre fanfiqueurs même si un
regard des équipes d’Ankama peut exister.
Pourtant, même si l’essentiel de la finalité d’une fanfiction, et sa
légitimation, vient du groupe, il ne faudrait pas oublier de mentionner les
passerelles qui existent entre l’Histoire officielle de Wakfu (celle des scénaristes
travaillant pour Ankama) et l’Histoire officieuse (celle des fans). On vient de le
voir, les « historiens du Krosmoz » regardent, s’inspirentparfois mais
n’interviennent quasiment pas dans cette profusion d’histoires de fans alimentant
le monde des douze. Pour autant, ce rapport entre l’officiel et l’officieux ne
s’arrête pas là. Il existe en effet des jonctions entre ces deux pans. Des jonctions
qui nous montrent à quel point Wakfu est une œuvre collective comme on n’en a
jamais vu dans la littérature propriétaire. Cette dernière étant encore dans la
93 sacralisation de la notion d’auteur, comme l’explique Paul Bénichou dans son
livre Le Sacre de l’écrivain203.
Ankama possède un magazine intitulé Wakfu Mag. L’existence d’un
support physique, et non plus uniquement virtuel, sur un forum, est importante
car on doit reconnaître que le support a encore aujourd’hui une importance dans
la question de la légitimation littéraire d’un écrit, importance aussi au niveau
économique car le modèle économique du livre numérique n’est pas encore très
clair. Le prix pose encore problème et il est le sujet de bien des débats, encore
aujourd’hui204.
Le passé livresque de la France (des incunables aux livres d’aujourd’hui,
disponibles dans les librairies indépendantes ou les grandes surfaces spécialisées
dans la culture ou non) n’est pas étranger à cette vision. S’il y a encore
aujourd’hui des résistances au livre dématérialisé (de nombreux éditeurs, en
dehors des éditeurs de bandes dessinées205, rechignent à porter leurs catalogues
en numérique, et plus encore à les porter à des tarifs décents), c’est bien en partie
parce que le livre physique est sacralisé, il est pour beaucoup le support
irremplaçable. Même si les éditeurs littéraires français se tournent peu à peu vers
le numérique, l’essentiel de leur production sort encore aujourd’hui, en cette
année 2013, sur format papier. Il n’y a qu’à constater la différence entre format
physique et numérique lors des rentrées littéraires. Tous les livres de la rentrée
littéraire ne sont pas disponibles en format numérique et lorsqu’ils le sont le prix
n’est inférieur que de 30% en moyenne à l’édition papier206. Ces données
constituent un frein au développement de la littérature numérique.
203 Bénichou, Paul, Le Sacre de l’écrivain, 1750 – 1830 – Essai sur l’avènement d’un pouvoir spirituel laïque dans la France moderne, Paris, Librairie José Corti, 1973, 492 p. 204 Solym, Clément, « Le juste prix de vente public pour le livre numérique ? 3,999 $ », actualitte.com [en ligne], 2013, [21/05/2013], URL : http://www.actualitte.com/economie/le-­‐juste-­‐prix-­‐de-­‐vente-­‐public-­‐pour-­‐un-­‐livre-­‐
numerique-­‐3-­‐99-­‐42273.htm 205 Le Saux, Laurence, « Livre numérique : la bande dessinée aux avant-­‐postes », telerama.fr [en ligne], 2013, [21/05/2013], http://www.telerama.fr/livre/livre-­‐numerique-­‐la-­‐bande-­‐
dessinee-­‐aux-­‐avant-­‐postes,96641.php 206 Beuve-­‐Méry, Alain, « En France, la rentrée littéraire est placée sous le signe du numérique », lemonde.fr [en ligne], 2012, [21/05/2013] ; URL : http://www.lemonde.fr/economie/article/2012/08/29/en-­‐france-­‐la-­‐rentree-­‐litteraire-­‐
est-­‐placee-­‐sous-­‐le-­‐signe-­‐du-­‐numerique_1752737_3234.html 94 Derrière cet attachement historique au papier, et cette sacralisation d’un
support qui fut le vecteur de bien des combats et œuvres d’envergure, on peut
également penser que le support physique est important aux yeux du grand
public, pour ce qui est de la littérarité, car il sous-entend que le récit a été lu et
validé par un comité de lecture, des professionnels de l’écrit.
On retrouve cette logique d’une légitimation par des spécialistes dans le
passage d’une fanfiction virtuelle au magazine papier. Wakfu Mag est un
bimensuel. Le contenu d’une telle publication est dense. On y trouve des
informations sur le jeu (des guildes, de quêtes, certains lieux géographiques, des
statistiques par rapport au bestiaire, etc.), une prépublication d’une bande
dessinée Wakfu mais également des fanfictions et des fan arts.
Prenons pour exemple le numéro deux207 ; on peut lire dans le descriptif du
magazine : « + les fanfictions et les fan arts ». La chose est confirmée en
feuilletant le magazine sur le site officiel Ankama-shop.com. Le sommaire
montre qu’il existe un espace dédié à la communauté, on y trouve deux sousrubriques, p.76 « Fanfiction » et p.78 « Fan art ».On remarque d’ailleurs dans les
commentaires de cette actualité la réaction d’un auteur dont la fanfiction a été
publiée. Le fanfiqueur Dantounet écrit « Yeah ma fan fiction est publiée ! Avec
une belle illustration en prime ».
Ainsi, Ankama publie des fanfictions dans un de ses magazines dédiés à
Wakfu, gérant alors un espace où la communauté est mise en valeur. Il y a donc
un processus de validation, de l’officieux vers l’officiel. L’officieux n’est plus
simplement un écrit de fan posté par un fan sur une partie du forum officiel,
dédiée aux productions de fans, pour les fans, mais un écrit de fan qui a été lu et
validé par Ankama, qui décide de le publier dans un organe de presse officiel.
On note de plus que l’écrit bénéficied’une mise en page professionnelle
avec une illustration. L’idée de la mise en valeur est nette, il ne s’agit pas
simplement de copier/coller un texte de fan mais de le faire passer par des
instances professionnelles (un maquettiste, un illustrateur) afin de lui conférer
une légitimation.
207 Ankama-­‐shop.com, « Wakfu Mag, n°2 », ankama-­shop.com [en ligne], [21/05/2013], URL : http://www.ankama-­‐shop.com/fr/159-­‐magazines/4117-­‐wakfu-­‐mag 95 Enfin, on se doit également d’évoquer l’émission communautaire,
uniquement diffusée sur Internet, sur les sites officiels d’Ankama, AFK. Cette
émission donne la parole à divers créatifs oeuvrant sur le jeu vidéo Wakfu et
Dofus. Chaque fin d’émission est l’occasion pour les participants d’évoquer
l’œuvre d’un fan. La première émission208 s’attardait sur une fanfiction,Wakfu :
l’histoire parallèle. Il s’agissait là encore de mettre en avant le travail d’un fan
via un moyen d’expression professionnel.
Pourtant, même s’il existe des passerelles entre l’œuvre officielle et
l’œuvre officieuse, les scénaristes de Wakfu ne réutilisent pas ce matériau des
fans pour créer de nouvelles histoires. Ils regardent ce travail, le lisent et parfois
le mettent en avant, comme on vient de le voir, mais les relations s’arrêtent là.
Voici une citation extraite d’un échange par mails avec les « historiens du
Krosmoz » (consultable dans son intégralité dans les annexes). Elle est
particulièrement éclairante sur les limites des jonctions entre les fans et les
créateurs officiels. L’extrait est une réaction à l’idée d’une reprise d’éléments
des fanfictions pour des créations officielles signées Ankama : « C’est une idée
intéressante en effet qui pourrait être davantage développée, mais qui
nécessiterait un important travail de lecture et de recensement sans parler de la
faisabilité des idées. Les productions des fans sont pour nous à la fois un moteur
et aussi une source d’inspiration. On peut citer l’exemple du Boufbowl, qui a été
repris et développé par nos équipes après avoir été créé par des joueurs de Dofus
qui, à l’époque, s’amusaient à lancer des sorts pour déplacer un bouftou jusqu’à
une zone de but improvisée ». Un exemple ici et là mais rien de systématique, ni
de réutilisation soutenue de ce riche matériau.
La littérarité des fictions textuelles de fans constatée en partie dans les
deux premières sections de ce mémoire n’est plus aussi manifeste pour cette
question de la diffusion et de la légitimation de l’écrit. Alors que des analogies
étaient facilement vérifiables lorsque l’on comparait les écrits entre eux (romans
traditionnels et écrits de fans), on constate un plus grand écart entre l’écrit de fan
et l’écrit traditionnel sur ce dernier point.
208 Ankama TV, « AFK #1 », youtube.com [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=JQz-­‐_Bab87Q 96 Avec la fiction textuelle de fan, l’éditeur n’est plus. On quitte le schéma d’une
triangulation (auteur-éditeur-lecteur) pour un rapport plus direct entre l’auteur et
le consommateur. Seulement, du fait des analogies constatées précédemment
entre les fanfictions et la littérature propriétaire, on ne peut ni parler de champs
antagonistes ni d’un ancrage des écrits de fans dans le champ littéraire. On
observe bien plus une dilatation de ce domaine, avec cette extension qui en
résulte, mais n’est jamais pleinement de la littérature propriétaire. En quoi les
fanfictions brouillent-elles les limites de la littérature ? Que peut-on encore
appeler « littérature » aujourd’hui ?
II) La dilatation du champ littéraire
Comme on a pu le voir dans les deux précédentes parties du mémoire, les liens
sont nombreux entre la littérature propriétaire et l’écrit de fan. Même si les
analogies entre ces deux champs ne sont pas totales, elles sont suffisantes pour
nous interroger sur la définition, actuelle, de la littérature. On a cessé de
s’interroger jusqu’à présent sur la littérarité des fictions de fans mais après tant
de rapprochements et de passerelles que peut-on encore appeler « littérature »
actuellement ?
A) De la fanfiction au circuit littéraire traditionnel
Les fanfictions sont originellement conçues pour rester dans le cadre d’une
communauté, comme on l’a étudié pour le cas Wakfu. Mais une fanfiction peut
également connaître un autre destin en passant de cet espace communautaire à
l’espace littéraire traditionnel en s’insérant, par exemple, dans le marché du livre
en tant que fiction (sous la forme d’un roman, d’une nouvelle).
Ce passage pose une question essentielle : un tel écrit relève-t-il encore de
la fanfiction ? Devient-il entièrement littéraire ? Hybride ? Le statut d’une telle
œuvre interroge forcément une approche comme la nôtre, qui concerne la
littérarité. Pour étudier ces cas de transfert, focalisons-nous sur un exemple
récent qui a le mérite d’avoir également créé un phénomène de mode, au moins
97 littéraire209. Il s’agit de la trilogie Fifty Shades of grey (50 nuances de gris) de
E.L. James.
La trilogie d’E.L. James se présente comme une saga érotique où le
sadomasochisme a une place importante. En effet, l’histoire raconte la
tumultueuse relation entre Anastasia Steele, une jeune étudiante en littérature, et
Christian Grey, un entrepreneur. Cette relation sera basée sur le sexe et les
expériences les plus étonnantes.
D’un point de vue économique, Fifty shades of grey a enregistré des
records de vente. Le livre est tout simplement le plus vendu en Grande-Bretagne
depuis l’établissement de l’outil statistique mesurant les ventes de livres. Au
total, la trilogie s’est vendue, article datant du 7 août 2012210, à 5 300 000
exemplaires.
Au-delà du succès de librairie que fut la trilogie, il convient d’évoquer son
origine car c’est bien cela qui nous intéresse pour notre étude. Fifty shades of
grey est au départ une fanfiction, publiée sur fanfiction.net, s’inspirant de
Twilight de Stephenie Meyer211. Le récit s’appelait alors Master of the Universe.
E.L.James s’inspira de la relation amoureuse de Bella et Edward, la jeune
femme et le vampire de Twilight, pour créer sa fanfiction. La spécificité de cette
fanfiction tenait aux rapports sexuels entre les protagonistes. Cette fanfiction
était également « OOC » (out of character), autrement dit il s’agissait de
réutiliser les personnages d’une série existante en les faisant agir de manière
différente.
209 Un exemple parmi d’autres, le roman 80 notes de jaune de Vina Jackson qui est très proche dans son intrigue des romans d’E.L. James ; Jackson, Vina, 80 notes de jaune, Romantica, Edition Milady, 2013, 352 p. 210 Singh, Anita, « 50 Shades of Grey is best-­‐selling book of all time », telegraph.co.uk [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.telegraph.co.uk/culture/books/booknews/9459779/50-­‐Shades-­‐of-­‐Grey-­‐is-­‐
best-­‐selling-­‐book-­‐of-­‐all-­‐time.html 211 KumfuMinou, « « Fifty Shades of Grey, un hamburger dont le goût est sans surprise » », lexpress.fr [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.lexpress.fr/culture/livre/fifty-­‐shades-­‐of-­‐grey-­‐un-­‐hamburger-­‐dont-­‐le-­‐gout-­‐
est-­‐sans-­‐surprise_1186433.html 98 E.L. James publiait ses fanfictions sous le pseudonyme de Snowqueens
Icedragon. Master of the Universe étant énormément consultée sur Internet,
James remania son histoire pour en faire un roman à part entière. Au fur et à
mesure, le roman gagna en popularité jusqu’à devenir un best-seller.
En étudiant cette transition d’un domaine à l’autre, on observe plusieurs
changements du récit. La spécificité de l’histoire reste la même, le sexe sous
l’angle du sado-masochisme, mais d’autres éléments ont été remaniés. Tout
d’abord, le texte n’est plus publié sur un site spécialisé mais est disponible en
format numérique ou physique via l’éditeur Random House (éditeur originel de
la trilogie). Le roman d’E.L. James ne fait plus explicitement référence à
l’univers originel, plus aucune mention n’est visible ou lisible de Twilight.
En passant de la fanfiction au roman publié en tant qu’œuvre littéraire
(chez un éditeur, dans un catalogue voire une collection, intégrant le circuit du
livre), E.L. James a cherché à gommer tout héritage provenant de l’univers des
fanfictions. Pour preuve, il existe sur Internet une archive globale que l’on
appelle « Wayback Machine Archives », archive générée par The Internet
Archive. Normalement, tout site possède une trace dans cette base de données.
Pourtant, la fanfiction à l’origine de la saga érotique a tout simplement été
exclue de cette grande base (212).
On peut se questionner sur cette suppression de toute trace. A noter que
toutes les fanfictions publiées par E.L. James sur fanfiction.net ont également été
supprimées. Il y a probablement là-dedans une envie d’éviter tout procès avec
Stephenie Meyer et sa maison d’édition, ou encore d’inciter les lecteurs à lire le
roman et non la fanfiction, voire plus tard à capitaliser sur les fanfictions d’avant
Master of the Universe en les remaniant.
En tous les cas, ce passage de la fanfiction à l’écrit littéraire édité et
distribué par une maison d’édition, a suscité plusieurs critiques de la part des
212Mediabistro.com, « « Fifty Shade of Grey » History excluded from Wayback Machine Archives », mediabistro.com [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.mediabistro.com/galleycat/fifty-­‐shades-­‐of-­‐grey-­‐history-­‐removed-­‐from-­‐
wayback-­‐machine-­‐archives_b52251 ; Mediabistro.com, « The Lost History of Fifty Shades of Grey », mediabistro.com [en ligne], 2012, [21/05/2013] http://www.mediabistro.com/galleycat/fifty-­‐shades-­‐of-­‐grey-­‐wayback-­‐machine_b49124, 99 fanfiqueurs. Les fanfiqueurs constituent une communauté intéressée non par
l’argent et la monétisation des écrits mais par le fait de laisser libre courte à
« son imagination tout en la faisant partager aux lecteurs »213. Autrement dit,
comme nous l’avons dit, une communauté se souciant plus du capital
symbolique qu’économique.
Pour matérialiser cette volonté de partage, sans monétisation d’aucune
sorte, on retrouve la plupart du temps, avant chaque fanfiction, un avertissement
(disclaimer : avis de non responsabilité). Cet avertissement entérine le statut de
la fanfiction puisque l’auteur précise en quelques mots qu’il n’est pas l’auteur
des personnages et que son utilisation est non lucrative. Le problème, c’est que
lorsqu’E.L. James rédigeait ses fanfictions portant sur Twilight, en tant que
Snowqueen Icedragon, elle n’insérait pas ce disclaimer. On relève ici un premier
problème concernant le transfert d’un champ à l’autre avec la déontologie des
fanfiqueurs qui se trouve transgressée.
Focalisons-nous désormais sur les textes et les écarts observables entre les
deux versions. Que reste-t-il de la fanfiction Master of the universe dans la
trilogie érotiqueFifty shades of grey ? Selon E.L. James et son éditeur, les deux
récits sont totalement différents. Si la base est une fanfiction, cette dernière a
connu bien des modifications pour, justement, ne plus être une fanfiction
imprimée telle quelle214.
Pourtant, un site anglophone, Dear Author, a effectué une comparaison
rigoureuse entre les deux textes : la fanfiction et le premier tome de la trilogie. Il
apparait que les similitudes s’élèvent à 89%215, un chiffre considérable. E.L.
James aurait donc modifié quelques éléments pour éviter tout risque de
procès. La crainte du plagiat était bien réelle. Au-delà de cet exemple, la
213 Mana, « Master of the Universe vs Fifty Shades of grey », mana.over-­‐blog.org [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://mana.over-­‐blog.org/article-­‐master-­‐of-­‐the-­‐universe-­‐vs-­‐
fifty-­‐shades-­‐of-­‐grey-­‐111401523.html 214 Copy, Jacket, « The origins of « 50 Shades of Grey » go missing », latmesblogs.latimes.com [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://latimesblogs.latimes.com/jacketcopy/2012/05/the-­‐origins-­‐of-­‐50-­‐shades-­‐of-­‐grey-­‐
go-­‐missing.html 215 Jane, « Master of the Universe versus Fifty Shades of Grey by E.L. James comparison », derauthor.com [en ligne], 2012, [21/05/2013] http://dearauthor.com/features/industry-­‐
news/master-­‐of-­‐the-­‐universe-­‐versus-­‐fifty-­‐shades-­‐by-­‐e-­‐l-­‐james-­‐comparison/#comment-­‐
356678 100 question reste ouverte. Que reste-t-il d’une fanfiction lorsqu’elle celle-ci s’insère
dans le circuit commercial de la littérature propriétaire?
Au fond, rien qui ne relève de la spécificité de la fanfiction. L’œuvre
nouvelle ne fait plus référence à l’œuvre inspiratrice, par crainte d’un procès, car
il y a là utilisation sans consentement d’une propriété intellectuelle qui
appartient à un autre (un autre dans le cas présent,qui est encore vivant et dont
l’œuvre n’est pas tombée dans le domaine public), s’insère dans le circuit du
livre (un produit culturel qui devient une marchandise) au lieu d’être librement
diffusé sur Internet, etc. La transition entre les deux domaines conduit donc à
une rupture. Une œuvre comme Fifty shades of grey n’est plus une fanfiction
comme Master of the universe. Il ne reste alors qu’un texte de fiction, plus ou
moins remanié mais nettoyé de ses spécifications initiales.
En cherchant d’autres exemples du même type, on retombe chaque fois sur
cette rupture avec l’écrit d’origine. En effet, l’éditeur se doit d’éviter tout procès
mais doit également vendre sa nouvelle œuvre comme un récit original, qui se
démarque de son embryon dématérialisé, parfois déjà lu sur Internet. Par
exemple, la fanfiction The Office, se basant là encore sur le Twilight de
Stephenie Meyer, illustre à nouveau cette inévitable rupture. L’auteure, Christina
Hobbs, a retiré sa fanfiction lorsque celle-ci connut un immense succès. On
parlait à l’époque d’environ deux millions de téléchargements. Un diptyque a été
annoncé, Beau Salaud et Bel Etranger. Seulement, l’éditeur défend ses
publications en affirmant que « seulement 20% (du contenu) proviendrait de la
version Internet »216. La fanfiction d’origine est liquidée et n’est mentionnée que
dans le cadre de la stratégie marketing de l’éditeur.
Le passage est également délicat concernant le changement de statut. Il est
rare qu’un fanfiqueur devienne écrivain comme il est rare que des maisons
d’édition publient des fanfictions (en l’état, sans le profond remaniement
observé plus haut). Il existe de telles maisons d’édition217 mais elles ne
216 Thomann, Xavier, « Une nouvelle fan fiction publiée : Twilight au bureau », actualitte.com [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.actualitte.com/international/une-­‐nouvelle-­‐fan-­‐fiction-­‐publiee-­‐twilight-­‐au-­‐
bureau-­‐38073.htm 217 Voir sur le sujet le mémoire d’Elodie Oger sur les fanfictions, op. cit. 101 représentent qu’un petit pourcentage dans l’industrie du livre en France. Les
gros éditeurs comme le groupe Hachette n’ont publié aucune fanfiction jusqu’à
présent.
On peut évoquer des cas récents (218) faisant écho à l’histoire d’E.L. James
mais il est encore trop tôt pour dire si ces quelques exemples sont la marque
d’un nouveau schéma littéraire (consommation, édition et distribution) ou un
simple phénomène de mode, donc passager, suivant avidement les traces du
best-seller Fifity shades of grey.
Il semble ainsi difficile de passer d’un domaine à l’autre. Les deux champs
ne sont pas solubles (la fanfiction devient un nouveau récit qui n’est plus une
fanfiction) ni clairement opposés (on retrouve après ce transfert une base plus ou
moins forte du récit originel). Une fanfiction n’est pas un roman traditionnel
mais possède de nombreux liens, constatés dans les deux premières parties de ce
mémoire, avec la littérature propriétaire. On peut donc voir dans ce champ
d’écrits amateurs une extension de la littérature et parler de « dilatation du
champ littéraire » pour décrire ce phénomène.
B) La dilatation du champ littéraire
D’ailleurs, la littérature dématérialisée et les fanfictions représentent une
partie de ce tout, a joué un rôle important dans cette dilatation du champ
littéraire. Il n’existe pas de frontières imperméables entre les éditeurs et les
producteurs de fictions sur Internet. Au
contraire, il existe de nombreuses
passerelles dans certains domaines. Internet est devenu un vivier pour les
éditeurs qui trouvent là de possibles talents à engager sur des projets précis. On
peut citer par exemple le cas des blogs BD. Les éditeurs de bandes dessinées
publient désormais régulièrement le contenu de blogs d’auteurs de bandes
dessinées, avec ou sans remaniement du contenu.
218 Mq, « Une fanfiction de Twilight sur la trace de Cinquante nuances de Grey », livreshebdo.com [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.livreshebdo.fr/etranger/actualites/une-­‐fanfiction-­‐de-­‐twilight-­‐sur-­‐la-­‐trace-­‐de-­‐
cinquante-­‐nuances-­‐de-­‐grey/9554.aspx ; Laredacteemix, « One Direction : une fan-­‐fiction bientôt en livre », teemix.aufeminin.com [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://teemix.aufeminin.com/w/star/n695545/news/One-­‐Direction-­‐une-­‐fan-­‐fiction-­‐
bientot-­‐en-­‐livre.html 102 S’il fallait prendre un exemple célèbre, et quantitativement important, on
pourrait évoquer le cas de Bastien Vivès. Ce jeune auteur de bandes dessinées
publie autant des projets originaux imprimés par un éditeur que des compilations
de dessins émanant de son blog. Il est d’ailleurs à l’origine d’une série
pléthorique basée sur des thèmes variés (Les Jeux vidéo, La Bande dessinée chez
l’éditeur Delcourt) dont le contenu a préalablement était posté sur Internet, où il
est encore visible.
Dans le domaine du livre, mais pas de la littérature, on ne compte plus les
blogs de cuisine qui conduisirent à une publication en format physique chez un
éditeur219. Là encore, les auteurs utilisent Internet comme un moyen
d’expression afin de se faire connaître pour être un jour publiés par une maison
d’édition afin d’intégrer le schéma courant du circuit du livre.
A côté de ces tribunes numériques, certaines formules se veulent
complémentaires du système traditionnel tout en cherchant à ne jamais
l’intégrer. Il s’agit de l’auteur auto-publié, que nous avons rapidement évoqué
dans les parties précédentes. L’auto-publication est un phénomène ancien
(Proust avait bien commencé la publication d’A la recherche du temps perdu
avec ses propres deniers) mais prend depuis quelques mois une toute autre
ampleur grâce à Internet. Un auteur comme Daniel Ichibah220, un exemple parmi
d’autres, utilise pleinement ce système.
Daniel Ichibah, qui publie essentiellement des documentaires, n’est pas un
cas isolé. C’est du côté de l’Angleterre et des Etats-Unis que l’on constate les
plus grandes avancées à ce niveau. Par exemple, l’auteur Jeff Noon a décidé
après plusieurs titres publiés par des éditeurs classiques, en format physique, de
publier sa dernière œuvre, Channel Sk1n, en format digital par lui-même.
L’auteur le proclame : il voulait trouver par là plus de liberté dans son écriture
219 Un exemple parmi d’autres, le livre Cuisine atlantique de Bénédicte Baggio-­‐Catalan et Bénédicte Salzes, publié après plusieurs articles sur le blog mylittlespoon.blogspot.com et quelques échos dans la presse comme un article dans Elle. 220 Charlie Bregman, « Entretien avec Daniel Ichibah », charliebregman.kazeo.com [en ligne], 2013, [21/05/2013], URL : http://charliebregman.kazeo.com/la-­‐parole-­‐aux-­‐auteurs-­‐
independants/entretien-­‐avec-­‐daniel-­‐ichbiah,a3570322.html 103 mais également une connexion plus forte avec ses fans221. On pourrait également
ajouter des droits d’auteur plus importants quand on sait le faible pourcentage
qui revient à l’auteur pour un livre vendu. En prenant la base d’un livre imprimé
vendu vingt euros, l’auteur ne touche qu’entre 1,60 et 2,40 euros222, ce qui dans
l’absolu est peu par rapport au rôle moteur qu’a l’écrivain. C’est l’écrivain qui
produit la matière première d’un livre : son contenu.
Il est encore trop tôt pour dire si les nouveaux supports (l’ordinateur, les
tablettes, les smartphones) vont révolutionner l’industrie du livre. Une chose est
certaine : on relève de plus en plus d’initiatives de ce type, en particulier dans les
pays anglo-saxons. David Mamet, après des publications classiques, via un
éditeur, comme pour le roman The Secret Knowledge, a décidé de publier son
prochain livre, Three Stories, par lui-même223. Jackie Collins a également décidé
de publier ses prochains livres par elle-même224, James Frey a aussi choisi cette
voie pour son prochain roman225.
La liste s’étend petit à petit et c’est probablement le signe de nouvelles
envies de la part des auteurs. De grands groupes s’appuient allègrement sur cette
migration, comme Amazon, proposant une véritable tribune à Laurent Bettoni226
qui a choisi la boutique Kindle pour vendre ses œuvres. Amazon propose aussi
bien une plateforme d’auto-publication au format numérique (Kindle Direct
Publishing) qu’au format papier (Create Space).
221 Bridle, James, « Digital-­‐only publishing : an everyday tale of print, pride and prejudice », guardian.co.uk [en ligne], 2013, [21/05/2013], URL : http://www.guardian.co.uk/books/2012/nov/11/ebooks-­‐digital-­‐jeff-­‐noon-­‐channel-­‐skin, 222 Editions-­‐humanis.com, « Combien gagne un auteur ? », editions-­humanis.com [en ligne], [21/05/2013], URL : http://www.editions-­‐humanis.com/combien-­‐gagne-­‐auteur.php 223 Flood, Alison, « David Mamet joins DIY trend as self-­‐published ebooks top charts », guardian.co.uk [en ligne], 2013, [21/05/2013], URL : http://www.guardian.co.uk/books/2013/apr/18/self-­‐publishing-­‐davidmamet 224 Jackie Collins, « On my decision to self-­‐publish », jackiecollins.com [en ligne], [21/05/2013], URL : http://jackiecollins.com/jackies-­‐blog/on-­‐my-­‐decision-­‐to-­‐self-­‐
publish/ 225 Boog, Jason, « James Frey to Self-­‐Publish « Radical Book » about the Messiah », mediabistro.com [en ligne], 2011, [21/05/2013], URL : http://www.mediabistro.com/galleycat/james-­‐frey-­‐to-­‐self-­‐publish-­‐radical-­‐book-­‐about-­‐
the-­‐messiah_b25496 226 Bettoni, Laurent, « L’auto-­‐édition ou la création sans limites », amazon.fr [en ligne], [21/05/2013], URL : http://www.amazon.fr/gp/feature.html/ref=amb_link_174000247_5?ie=UTF8&docId=100
0710323&nav_sdd=aps&pf_rd_m=A1X6FK5RDHNB96&pf_rd_s=center-­‐
B2&pf_rd_r=1MZKTQ6TFH89DF1E8H2R&pf_rd_t=101&pf_rd_p=400184947&pf_rd_i=4053
20 104 Plus organisés que des auteurs isolés publiant eux-mêmes leurs livres (via
de grandes plateformes tout de même), il faut également mentionner
l’émergence de collectifs d’auteurs et de financements participatifs. Attardonsnous sur les collectifs d’auteurs. Des domaines comme la bande dessinée ont vu
récemment naître différentes initiatives. On peut mentionner les magazines
Professeur Cyclope227 ou Mauvais Esprit228, qui trouvent leur origine dans la
réunion de différents dessinateurs.
En proposant un contenu exclusivement digital, ces collectifs cherchent à
s’émanciper de grands groupes pour avoir un rapport plus direct avec les fans, et
donc les consommateurs, dans l’idéal. On retrouve dans ces initiatives des
fictions comme dans des magazines durablement installés tels Le Journal de
Spirou (des gags en une page, des histoires plus développées, etc.).
Mauvais Esprit justifie ainsi son projet : « aller chercher le lecteur du
XXIème siècle là où il se trouve : derrière son écran »229. Ce constat se justifie si
l’on regarde la situation des libraires indépendants en France. Alors qu’on en
dénombre 2 500, qu’ils représentent 40% des ventes de livres au détail, on
observe une baisse de 8% du nombre de librairies sur le territoire entre 2003 et
2012230.
Si l’on continue de se pencher sur les chiffres, on constate que les grands
groupes spécialisés dans la culture affichent des chiffres de plus en plus
inquiétants. Pour la France, la FNAC a enregistré en 2012 un recul de 20% de
son chiffre d’affaire231, Virgin a récemment fermé son grand magasin de Paris
227 Professeur Cyclope – mensuel de bandes dessinées et fictions numériques. Page d’accueil [en ligne]. Disponible sur http://www.professeurcyclope.fr/ [21/05/2013] 228 Mauvais Esprit – revue hebdomadaire drôle, « Pourquoi faire du Mauvais Esprit ? », mauvaisesprit.com [en ligne], [21/05/2013], URL : http://www.mauvaisesprit.com/ 229 op. cit. 230 Ouestfrance.fr, « Culture. Un plan d’aide de 9 millions pour les librairies », ouest-­france.fr [en ligne], 2013, [21/05/2013], URL : http://www.ouest-­‐france.fr/actu/livres_detail_-­‐
Culture.-­‐Un-­‐plan-­‐d-­‐aide-­‐de-­‐9-­‐millions-­‐pour-­‐les-­‐librairies-­‐_3723-­‐2176824_actu.Htm 231 Lemonde.fr, « La Fnac risque de voir son chiffre d’affaires baisser », lemonde.fr [en ligne], 2013, [21/05/2013], URL : http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/02/11/la-­‐fnac-­‐voit-­‐son-­‐chiffre-­‐d-­‐
affaires-­‐baisser_1830004_3234.html 105 sur les Champs-Elysées232, un véritable symbole du déclin des grands groupes.
Les ventes du livre sont comprises dans des ventes plus globales touchant aux
matériels informatiques ou à d’autres biens culturels.
En poursuivant la réflexion de Mauvais Esprit, on devrait constater que les
consommateurs, qu’ils soient lecteurs ou spectateurs, useraient bien plus
qu’avant de produits dématérialisés ou consommeraient par l’intermédiaire des
écrans (achats en ligne). Tout d’abord, sur la question des résultats financiers de
la vente en ligne, on enregistre en effet, contrairement aux exemples précédents,
une vraie croissance. 24% pour le premier semestre 2012, soit un total de 11
milliards233. Pour ce qui est de la stricte consultation d’un contenu sur écran, on
assiste là encore à des migrations du papier vers le numérique mais également à
un début de croissance. Aux Etats-Unis par exemple, en 2011, on relevait plus
de lecteurs pour la presse en ligne que pour la presse papier234.
Toutefois, même si l’on trouve de telles informations, il est clair que le
défi de la monétisation des contenus reste important. En passant du papier au
numérique, actuellement, on constate une baisse du nombre d’exemplaires
vendus et des chiffres d’affaire235. La Demande est croissante, tout comme
l’Offre, mais la question de la viabilité économique n’est pas encore résolue. Il
n’empêche que le lecteur, comme le dirait Mauvais Esprit, passe de plus en plus
par un écran.
Pour en revenir au terrain purement littéraire, on constate comme une
confirmation
de
cette
évolution,
l’émergence
de
maisons
d’édition
exclusivement virtuelles. Il ne s’agit plus de numériser des catalogues existants
232 Lejdd.fr, « Virgin Megastore va déposer le bilan mercredi », lejdd.fr [en ligne], 2013, [21/05/2013], URL : http://www.lejdd.fr/Economie/Entreprises/Actualite/Virgin-­‐
Megastore-­‐va-­‐deposer-­‐le-­‐bilan-­‐mercredi-­‐584972 233 Fauconnier, Flore, « 11 milliards d’euros dépensés en ligne au 1er trimestre », journaldunet.com [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.journaldunet.com/ebusiness/commerce/e-­‐commerce-­‐q1-­‐2012-­‐fevad/chiffre-­‐
d-­‐affaires-­‐de-­‐l-­‐e-­‐commerce.shtml 234 Aubert, Pierrick, « Etats-­‐Unis : plus de lecteurs pour la presse en ligne que pour la presse papier », zdnet.fr [en ligne], 2011, [21/05/2013], URL : http://www.zdnet.fr/actualites/etats-­‐unis-­‐plus-­‐de-­‐lecteurs-­‐pour-­‐la-­‐presse-­‐en-­‐ligne-­‐que-­‐
pour-­‐la-­‐presse-­‐papier-­‐39759019.htm, page consultée le 20/05/2013 235 Fages, Clément, « [Expert] Presse et contenu en ligne : les défis de la monétisation, par Cyrille Franck (1/2) », frenchweb.fr [en ligne], 2013, [21/05/2013], URL : http://frenchweb.fr/presse-­‐et-­‐contenus-­‐en-­‐ligne-­‐les-­‐defis-­‐de-­‐la-­‐monetisation-­‐par-­‐cyrille-­‐
frank-­‐12/113647 106 provenant d’éditeurs réputés, comme le catalogue de la NRF de Gallimard, mais
de proposer aux lecteurs un contenu original (nouvelles créations ou traductions)
exclusivement pour les écrans (de la liseuse au smartphone), donc de proposer
de la littérature propriétaire sur de nouveaux supports, voire en imaginant de
nouvelles formes. On peut citer, comme petites entreprises se lançant dans de
tels projets, les éditeurs Is236, Walrus237, The book Edition238 ou encore l’ivrebook239.
Le passage vers le numérique devient pour la littérature, traditionnellement
attachée au papier, un nouveau terrain à conquérir. Comme pour faciliter cette
migration, on relève également de plus en plus de projets exclusivement
numériques de la part d’auteurs confirmés. Mathias Malzieu a ainsi proposé pour
Ipad, dans une combinaison texte/musique/illustrations, une nouvelle intitulée
L’Homme-Volcan240, Marc Levy (et quatre autres écrivains) a proposé une
nouvelle inédite pour les acheteurs du Samsung Galaxy Note 8241, Stephen King
a déjà utilisé à plusieurs reprises le support numérique, parfois de manière
exclusive, pour s’exprimer, comme avec A Face in the crowd242.
Même si, actuellement, la lecture sur écran doit encore conquérir un large
public pour être une activité réellement populaire, on observe des données
chiffrées encourageantes, comme en Allemagne (le BITKOM groupe annonçait
236 De Sepausy, Victor, « Is Edition : une nouvelle maison tournée vers le numérique », actualitte.com [en ligne], 2013, [21/05/2013], URL : http://www.actualitte.com/acteurs-­‐
numeriques/is-­‐edition-­‐une-­‐nouvelle-­‐maison-­‐tournee-­‐vers-­‐le-­‐numerique-­‐40698.htm 237 Le Walrus bookstore. Page d’accueil [en ligne]. Disponible sur http://store.walrus-­‐
books.com/ [21/05/2013] 238 Le catalogue webcomics. Page d’accueil [en ligne]. Disponible sur http://www.thebookedition.com/webcomics-­‐catalogue-­‐40.html [21/05/2013] 239 De Sepausy, Victor, « L’ivre-­‐book : nouvelle maison d’édition numérique », actualitte.com [en ligne], 2013, [21/052013], URL : http://www.actualitte.com/acteurs-­‐
numeriques/l-­‐ivre-­‐book-­‐nouvelle-­‐maison-­‐d-­‐edition-­‐numerique-­‐38430.htm 240 Malaure, Julie, « L’Homme Volcan », un conte numérique signé Dionysos », lepoint.fr [en ligne], 2011, [21/05/2013], URL : http://www.lepoint.fr/livres/l-­‐homme-­‐volcan-­‐un-­‐conte-­‐
numerique-­‐signe-­‐dionysos-­‐15-­‐12-­‐2011-­‐1408954_37.php 241 Sutton, Elizabeth, « Galaxy Note 8 : les auteurs écrivent des livres numériques exclusifs », idboox.com [en ligne], 2013, [21/05/2013], URL : http://www.idboox.com/ebook/infos-­‐ebooks/galaxy-­‐note-­‐8-­‐les-­‐auteurs-­‐ecrivent-­‐des-­‐
livres-­‐numeriques-­‐exclusifs/ 242 Danilewsky, Daniel, « Stephen King prépare un nouveau livre numérique », idboox.com [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.idboox.com/ebook/infos-­‐
ebooks/stephen-­‐king-­‐prepare-­‐un-­‐nouveau-­‐livre-­‐numerique/ 107 pour 2012 un total de 800 000 ebooks vendus243). Les Français sont encore
timides sur le sujet mais adoptent peu à peu le support numérique244.Si la
question de la disparition du livre papier reste ouverte, et ne sera pas traitée ici
tant elle sort de notre cadre et mérite une étude approfondie, il semble
néanmoins clair que le numérique conduit à bien des bouleversements dans le
monde des livres.
Avec la multiplication des écrans (ordinateurs, smartphones, tablettes,
liseuses), la consommation culturelle, qu’elle soit textuelle, sonore ou visuelle,
passe de plus en plus par cet intermédiaire numérique. Les fanfictions
contribuent à cette dilatation du champ littéraire, tout comme les initiatives
évoquées précédemment, indépendantes ou émanant de groupes déjà installés
dans l’industrie du livre.
Il s’agit désormais, en complément pour l’instant de la littérature au format
papier, de penser, produire et consommer autrement. L’expression « dilatation
du champ littéraire », qui était pertinente pour les fictions textuelles de fans,
prend encore plus son sens avec la littérature numérique, qui commence à se
développer. Avec l’arrivée de nouvelles technologies, donc de nouveaux modes
de consommation et de création, il y a fort à parier que la littérature va se vivre
sous différentes formes. A sa manière, les fanfictions auront joué un rôle dans ce
passage d’un médium à l’autre en proposant une production à lire exclusivement
sur écran.
243 Gary, Nicolas, « Allemagne : marché du livre numérique à l’aube de la Foire à Francfort », actualitte.com [en ligne], 2012, [21/05/2013], URL : http://www.actualitte.com/ebook/allemagne-­‐marche-­‐du-­‐livre-­‐numerique-­‐a-­‐l-­‐aube-­‐de-­‐la-­‐
foire-­‐a-­‐francfort-­‐37285.htm 244 Gary, Nicolas, « Près de 20% des Français ont un livre numérique », actualitte.com [en ligne], 2013, [21/05/2013], URL : http://www.actualitte.com/usages/pres-­‐de-­‐20-­‐des-­‐
francais-­‐ont-­‐lu-­‐un-­‐livre-­‐numerique-­‐40481.htm 108 Conclusion
Une étude de littérature originale
La réflexion menée jusqu’à présent portait sur la littérarité des fanfictions
et autres fictions textuelles de fans de Wakfu. Il s’agissait de vérifier si ces écrits
amateurs relevaient ou non de ce que l’on peut qualifier la littérature
propriétaire, autrement dit toute la littérature de l’âge du papier imprimé.
Une progression logique et des difficultés
Afin de répondre au mieux à cette interrogation, et de vérifier quelle
hypothèse se vérifiait, l’étude s’est focalisée sur divers aspects à travers de
multiples études comparées. La progression est allée progressivement, de
caractéristiques génériques à des spécificités beaucoup plus précises.
Seulement, cette progression n’est pas toujours aisée. S’il est simple de
trouver des fanfictions à analyser en abondance, il est beaucoup moins évident
d’en tirer une analyse des genres littéraires, par exemple. De nombreux textes
publiés mêlent divers genres et rendent, par cette hybridation, toute étude
complexe.
L’autre grande difficulté rencontrée lors de la confection de ce mémoire
concerne l’obtention d’informations de la part des équipes d’Ankama. Il est
souvent délicat d’obtenir des informations d’auteurs ou d’artistes lorsque l’on est
qu’un simple étudiant rédigeant un mémoire.
Le problème d’Ankama concerne l’opacité recouvrant les véritables
scénaristes, nommés « historiens du Krosmoz », du jeu Wakfu. Il me fallut donc
trouver le bon intermédiaire à interroger, ce qui a nécessité une lecture
rigoureuse de la hiérarchie du groupe puis d’attendre plusieurs semaines avant
d’avoir un retour de ces historiens de l’ombre aux questions envoyées.
Ankama protège ses créateurs mais également ses fans. C’est pour cette
raison que j’ai eu également des difficultés à interroger les fanfiqueurs euxmêmes sur leur rapport à la littérature propriétaire. Après le refus d’un sondage
109 en ligne sur le site officiel de Wakfu, j’ai décidé d’approcher les fanfiqueurs, ce
qui n’a pas été évident, via les messageries privées du jeu.
Un canal d’expression, des genres littéraires et une réactivation de
pratiques littéraires anciennes
Afin d’aborder le plus simplement cette question de la littérarité, j’ai
décidé de me focaliser dans un premier temps sur la question de la forme et du
fond. Après tout, un écrit relevant de la littérature propriétaire utilise un médium
unique et exclusif (le texte) et peut être rangé sous un genre, ou sous-genre,
littéraire avant de futurs affinages.
La question de la forme m’a permis de découvrir que les fanfictions,
malgré une publication sur Internet, et malgré le fait que ces dernières se
rattachent parfois à des univers graphiques ou pluri-médiatiques comme Wakfu,
demeurent des créations exclusivement textuelles. Cette exclusivité du texte
s’explique plus par une tradition, remontant à l’époque des fanzines, où il fallait
proposer du contenu à moindre coût, que par une théorisation rigoureuse ou une
définition restrictive.
Tout questionnement sur la forme a son pendant. On ne peut évoquer la
forme sans parler du fond. Alors, pour aborder ce deuxième aspect, j’ai décidé
d’analyser les genres littéraires des fanfictions. Comme j’ai pu le dire, ce fut là
une difficulté à surmonter tant les fanfictions peuvent être brouillonnes et
inachevées.
Mais cette partie de l’étude m’a permis de découvrir que les fanfictions de
Wakfu se rattachaient, majoritairement, au genre de lafantasy. Il ne faudrait pas
non plus oublier de mentionner certains écrits relevant de la science-fiction, du
roman policier ou de genres déjà éprouvés dans la littérature propriétaire comme
la poésie (de forme libre).
Même si ces constats ne sont que des rapprochements et non une
utilisation rigoureuse d’une esthétique, il est assez facile de comprendre l’origine
de la domination de la fantasy. Wakfu est un univers hybride qui demeure tout de
même marqué par ce type de création. Par imitation, et par intérêt pour ce type
110 d’œuvre, les fanfiqueurs écrivent, consciemment ou non, en s’inscrivant dans
cette veine.
Le rapport à la littérature propriétaire existe, même s’il est lâche parfois, et
entraîne souvent à des réactivations inventives. C’est le cas par exemple des
fictions textuelles dans le jeu émanant de la pratique du roleplay. A l’instar des
concours artistiques de l’Antiquité, ou des pratiques poétiques du Moyen-Age,
les rôlistes utilisent le texte pour faire vivre en direct une histoire, devant une
assistance.
La transfictionnalité ponctuelle et par essence
Seulement, s’interroger sur la littérarité des fictions textuelles de fans ne
peut s’arrêter à cette étude de la forme et du fond. Des liens sont relevés, des
dépassements, des innovations par rapport aux modèles mais ces textes
amateurs, au-delà de ces aspects, ont leur spécificité par rapport à la question de
la propriété intellectuelle. Ils relèvent tous de la transfictionnalité.
Ce phénomène n’est pas inconnu de la littérature propriétaire. Il est
constatable dans bien des cas, comme l’usage des types du théâtre antique durant
des siècles. La transfictionnalité, qui n’est qu’épisodique en littérature (il s’agit
là d’une forme d’intertextualité) constitue l’essence même des fanfictions. Par
définition, un tel écrit repose sur l’utilisation par un tiers d’une propriété
intellectuelle qui ne provient pas de lui. Seul importe le monde imaginaire que
chacun fait vivre, à sa manière.
Cette question de la transfictionnalité conduit à bien des interrogations,
autant en littérature propriétaire que pour les fictions textuelles de fans. Par
exemple, la notion d’auteur est malmenée par cette dissociation de l’auteur et de
la propriété intellectuelle. De même, le processus d’écriture est différent de ce
que l’on imagine d’habitude, soumis au regard critique des fans de l’œuvre
originelle, qui sont souvent intransigeants par rapport à la cohérence.
La diffusion des fictions et la dilatation du champ littéraire
Analysées sous un angle générique ou spécifique, les fanfictions présentent
un certain nombre d’analogies avec la littérature propriétaire, sans en être
111 complètement. Ce constat pose un problème à notre étude. On ne peut affirmer
de manière nette que les fictions textuelles de fans relèvent de la littérature. Les
liens existent mais sont parfois lâches et si des bases communes sont constatées,
on constate également des innovations spécifiques aux fictions d’amateurs.
Néanmoins, il serait tout aussi absurde d’affirmer que ces écrits ne sont
pas de la littérature. Les liens entre les deux domaines existent mais ne
permettent pas de fondre l’un dans l’autre. Il vaudrait mieux alors parler de
« dilatation du champ littéraire ».
La littérature voit là une extension de son propre domaine, une manière de
créer, de diffuser et de consommer qui oblige la littérature à quitter ses habitudes
liées au papier. Au fond, les fanfictions et autres fictions textuelles de fans
participent à ce grand mouvement qui émerge depuis quelques années : la
littérature numérique.
Les nouvelles technologies amènent bien souvent de nouvelles conduites
et formes de création. La littérature ne fera pas exception à ce principe. Les
smartphones et tablettes se démocratisant, il y a fort à parier que la littérature
propriétaire va subir plusieurs bouleversements. Des bouleversements qui
concerneront autant sa manière de créer (plus d’hybridations avec d’autres arts),
que
de
diffuser
(rapports
parfois
directs
entre
l’auteur
et
le
lecteur/consommateur conduisant à la suppression des intermédiaires) ou de
consommer (consommation nomade, par les écrans).
Poursuites de la réflexion
Cette étude, bien qu’achevée, pourrait être poursuivie par d’autres
réflexions d’envergure. Par exemple, la question de la dilatation du champ
littéraire est encore neuve mais mérite que l’on s’y attarde. On pourrait,
poursuivant cette amorce, se focaliser sur les formes hybrides qui naissent petit à
petit grâce aux nouvelles technologies et qui conduisent la littérature propriétaire
à de plus grands rapports avec des formes artistiques voisines.
On relève par exemple une utilisation ingénieuse de ces hybridations de la
part d’auteurs spécialisés dans la littérature pour enfants. Empruntant au jeu
vidéo autant qu’à la littérature propriétaire ou la bande dessinée, certaines
112 œuvres téléchargeables pour tablettes et smartphones amènent à repenser les
frontières séparant les différents arts. Ces formes conduiront probablement à
repenser la narration ou encore le rapport au lecteur, dans une vision plus
participative que passive.
113 Bibliographie
Cette bibliographie ne comporte que les sources citées au fil de cette étude.
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Professeur Cyclope – mensuel de bandes dessinées et fictions numériques. Page
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133 Sites divers
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Copaingato, « Etre bien avec un vampire – partie 3 », youtube.com [en ligne],
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134 Tables des matières
INTRODUCTION…………………………………………………………………2
DEVELOPPEMENT PRELIMINAIRE – Présentation de
Wakfu………………………………………………………………………….…..6
DEVELOPPEMENT PRELIMINAIRE – Les fanfictions…………………..……8
PARTIE 1 : La question de la forme et du fond………………………………....11
I) Les formes des fanfictions…………………………………………………….11
a. Les fanfictions des univers textuels…………………………..……………….11
b. Les fanfictions des univers graphiques………………………………………..13
c. Les fanfictions d’un univers transmédia……………………….........................14
II) Les fanfictions et les genres littéraires…………………………………..........21
a. Le genre littéraire de l’univers Wakfu…………………………………………21
b. Les genres littéraires des fanfictions de Waku………………………………...27
III) Réaction de pratiques littéraires anciennes dans le jeu Wakfu………………33
a. Le texte moyen de communication dans Wakfu……………….........................34
b. Synthèse du roleplay…………………………………………………………..35
c. Le roleplay et les concours littéraires………………………….........................39
PARTIE 2 : La transfictionnalité…………..…………………………………….49
I) La transfictionnalité dans les fictions textuelles de fans et en littérature...........49
135 a. La notion de transfictionnalité…………………………………………………49
b. La transfictionnalité et l’exemple de l’Antiquité……………………………...53
c. La transfictionnalité et les romans du XIXème et XXIème
siècles………………………………………………………….............................56
II) Le statut de l’auteur et les processus d’écriture………………………………63
a. Spécificité du fanfiqueur de Wakfu par rapport aux autres
fanfiqueurs………………………………………………………………………..63
b. Les processus d’écriture……………………………………….........................65
c. Le statut de l’auteur et l’influence du lecteur………………….........................70
PARTIE 3 : Diffusion et légitimation des écrits de fiction………………………81
I) La diffusion de l’écrit de fiction……………………………………………….81
a. La diffusion dans la littérature propriétaire...………………...………………..81
b. La diffusion des fictions textuelles de fans……………………………………86
II) La dilatation du champ littéraire……………………………………………...97
a. De la fanfiction au circuit littéraire traditionnel……………….........................97
b. La dilatation du champ littéraire……………………………………………..102
CONCLUSION…………………………………………………………………109
BIBLIOGRAPHIE……………………………………………………………...114
TABLE DES MATIERES……………………………………………………...135
ANNEXES……………………………………………………………………...137
136 Annexes
Liste des annexes :
•
Annexe 1 : Captures d’écran du jeu Wakfu
•
Annexe 2 : Questionnaire adressé aux fanfiqueurs suivi d’une synthèse des
réponses
•
Annexe 3 : Captures d’écran relatives au roleplay
•
Annexe 4 : Questionnaire adressé aux « historiens du Krosmoz » suivi
d’une synthèse des réponses
137 Annexe 1 : Captures d’écran du jeu Wakfu
138 ANKAMA, Wakfu
Exemple d’une scène de combat. Les joueurs se retrouvent dans une arène
délimitée et se battent les uns après les autres. On parle, pour ce type de jeu vidéo,
de « stratégie au tour par tour ».
139 ANKAMA, Wakfu
Un groupe sur les terres de Wakfu
140 Annexe 2 : Questionnaire adressé aux fanfiqueurs, suivi
d’une synthèse des réponses
141 Depuis les années 1970, le ministère de la Culture et de la Communication réalise
une enquête sur les pratiques culturelles des français. Cette étude est devenue,
comme le rappelle le site pratiquesculturelles.culture.gouv.fr, « le principal
instrument de suivi des comportements des Français dans le domaine de la culture
et des médias ». La dernière grande enquête date de 2008 (une enquête tous les
huit ans), cette dernière s’attardait particulièrement sur les nouvelles technologies
et autres pratiques culturelles liées au numérique.
La lecture de cette étude nous apprend qu’il ne faut pas trop se focaliser sur le
critère qualitatif. C’est pour cette raison qu’il faut, lors d’une enquête, penser
autant à l’aspect qualitatif que quantitatif. On retiendra également de cette étude la
triple segmentation des lecteurs que l’on réutilisera pour notre propre
questionnaire. Cette segmentation repose sur la quantité de livres lus.
On trouve ainsi des :
- “ faibles ” lecteurs (ceux qui déclarent lire de 1 à 9 livres par an)
- “ moyens ” lecteurs (de 10 à 24 livres par an)
- “ forts ” lecteurs (25 livres et plus par an)
Comme le quantitatif ne suffit pas, on affinera en s’intéressant aux types de
lecture des fanfiqueurs. S’agit-il de paralittérature ? Lecture classique ? On se
basera pour le choix des genres littéraires listés aux questionnaires lisibles sur le
site pratiquesculturelles.culture.gouv.fr. Voici le questionnaire envoyé aux
fanfiqueurs, synthétisant les études du ministère de la culture sur les pratiques
culturelles des Français :
•
Combien de livres pensez-vous lire par an ?
1. 1 à 9 livres par an (Faible lecteur)
2. 10 à 24 livres par an (Moyen lecteur)
3. 25 livres et plus (Fort lecteur)
142 •
Sur cet ensemble annuel, combien de bandes dessinées ou de mangas selon
vous ?
1. Moins de la moitié
2. Environ la moitié
3. Plus de la moitié
•
Pour les livres lus, quel genre lisez-vous le plus ?
1. Littérature classique française, étrangère (jusqu’au XXe siècle) (Exemple
d’auteurs classiques : Emile Zola, Rabelais, etc.)
2. Romans policiers (Exemple : Agatha Christie, Conan Doyle, etc.)
3. Romans fantastique ou de fantasy (heroic fantasy, etc.) (Exemple : J.R.
Tolkien, etc.)
4. Roman de science-fiction (Exemple : Philip K. Dick, Isaac Asimov, etc.)
5. Romans sentimentaux (Exemple : la collection Harlequin)
6. Romans d’horreur (Exemple : Stephen King, etc.)
7. Biographies (de personnalités de divers milieux) (Exemple : chanson, cinéma,
etc.)
8. Essais (tout livre proposant une réflexion sur un sujet) (Exemple : histoire,
géographie ?)
Sur un total de 337 fanfiqueurs interrogés, seulement 36 fanfiqueurs ont répondu.
On peut affirmer à partir de cet échantillon que les fanfiqueurs sont
majoritairement de « forts lecteurs » (19 réponses) ou « moyens lecteurs » (15
réponses). On ne dénombre que 2 sondés affirmant appartenir à la catégorie des «
faibles lecteurs ». Cet intérêt pour la lecture semble logique par rapport à un loisir
qui consiste à écrire (et peut-être encore plus fort chez ceux qui acceptent de
répondre à un questionnaire). A la manière de la segmentation de Jean-Paul Sartre
dans Les Mots, « lire » et « écrire » sont deux activités indissociables.
Après cet aspect quantitatif, on peut affirmer que, qualitativement, les bandes
dessinées ou mangas constituent une part importante de la lecture évoquée plus
143 haut. En comptabilisant les fanfiqueurs affirmant lire pour moitié des mangas ou
bandes dessinées, voire plus, on arrive à un chiffre de 24 (sur 37), ce qui est
supérieur à la portion la plus basse.
Enfin, pour entrer un peu plus dans le détail par rapport au type de lecture, on
relève une tendance nette pour la fantasy. Sur 37 sondés, 30 évoquent ce choix
comme lecture privilégiée. Un chiffre écrasant par rapport au reste (8 aiment la
science-fiction, 4 les romans sentimentaux, etc.). Cet attrait pour la fantasy est
cohérent par rapport à l’univers de Wakfu lui-même. Comme on a pu le voir au fil
de l’étude, Wakfu est une création hybride mais qui emprunte beaucoup à
l’esthétique de la fantasy.
144 Annexe 3 : Captures d’écran relatives au roleplay
145 ANKAMA, Wakfu
Exemple illustrant la différence entre les phrases de roleplay (RP) et celles qui
n’en sont pas (HRP)
ANKAMA, Wakfu
Entouré d’un cercle rouge, un havresac servant ici d’auberge pour les rôlistes.
Cette auberge se nomme L’Eau Berge
146 Annexe 4 : Questionnaire adressé aux « historiens du
Krosmoz » suivi d’une synthèse des réponses
147 Voici le questionnaire adressé aux « historiens du Krosmoz » :
1. Comment travaillez-vous avec les scénaristes des productions rattachées à
l’univers Wakfu comme le dessin animé, les bandes dessinées ?
2. Organisez-vous des réunions ? Transmettez-vous à ces scénaristes une « Bible
interne » retraçant l’histoire totale du Krosmoz pour qu’ils puissent se situer
dans ce monde imaginaire ?
3. Usez-vous d’un droit de regard sur ces productions annexes pour vérifier la
cohérence, ou la qualité, des scénarios par rapport à l’ensemble qu’est le
Krosmoz ?
4. Pourquoi cet anonymat de votre part ?
5. Pourquoi n'intervenez-vous pas dans le devblog de wakfu.com ? Pourquoi
mettre en avant les game designer ou communicants professionnels et non les
scénaristes eux-mêmes ?
6. Les productions textuelles des fans vous inspirent-elles ? (Background des
rôlistes, fanfictions, tracts politiques, etc.)
7. J’ai constaté que certaines fanfictions étaient évoquées dans l’émission Inside
Ankama ou publiées dans Wakfu magazine. Cette mise en avant des
productions textuelles des fans va-telle plus loin ? Reprise d’idées pour le jeu
ou d’autres oeuvres professionnelles rattachées à Wakfu ?
8. Constatez-vous des contestations des fans sur l’évolution du Krosmoz ?
Incohérence soulignée ? Plainte sur telle ou telle évolution ?
9. Imposez-vous des limites à l’utilisation de votre propriété intellectuelle par les
fans ? Fanfictions érotiques ? Utilisation de l’univers Wakfu pour développer
des thèmes sérieux (homosexualité, etc.) ?
Voici maintenant les réponses des « historiens du Krosmoz » à ce questionnaire :
•
Comment travaillez-vous avec les scénaristes des productions rattachées à
l’univers Wakfu comme le dessin animé, les bandes dessinées ?
Nous avons mis en place un « process » : au début d’un nouveau projet rattaché à
l’univers Krosmoz, les différents intervenants et notamment les créatifs
(scénaristes, écrivains, dessinateurs, storyboardeurs et réalisateurs) doivent venir
nous consulter pour comprendre et se familiariser avec l’historique des
148 personnages qu’ils ont choisis, mais aussi connaître les décors et les lieux qui
correspondent à l’époque où se passe l’action.
Nous essayons de leur fournir tout ce dont ils peuvent avoir besoin : des outils
narratifs transmédia, la storyline de leurs personnages (où se situe tel personnage à
tel moment), les références graphiques des personnages et de tous les lieux où va
se dérouler l’histoire (habitation, ville, île, etc.).
Ensuite, le scénariste doit nous envoyer une première ébauche de son travail : un
synopsis ou un découpage par exemple, afin que nous puissions nous assurer de la
bonne compréhension de l’univers et du respect du background préexistant. Nous
sommes très attentifs par exemple au respect du ton et de l’humour de l’univers,
au fait que chaque histoire soit une histoire originale et aussi au caractère des
différents personnages et aux interactions entre ces derniers.
Une fois la première étape de travail validée, nous faisons au scénariste les retours
nécessaires pour l’aider dans son processus de création et lui permettre de
développer au mieux son histoire tout en restant en accord avec l’univers.
S’ensuit alors plusieurs échanges, des allers-retours entre le scénariste et l’équipe
background. Ce travail de suivi des auteurs et de validation de leur travail est
notamment géré par le coordinateur d’écriture de notre équipe. Etant lui-même
scénariste, il connaît parfaitement les contraintes et les difficultés de cet exercice
de style « imposé » qu’est l’écriture d’une histoire au sein d’un univers transmédia
où tout est interconnecté.
•
Organisez-vous des réunions ? Transmettez-vous à ces scénaristes une «
Bible interne » retraçant l’histoire totale du Krosmoz pour qu’ils puissent
se situer dans ce monde imaginaire ?
Dans un premier temps, nous proposons aux auteurs (scénaristes, écrivains...) de
nous rencontrer afin de pouvoir leur présenter l’univers Krosmoz dans son
ensemble et plus particulièrement l’époque et les personnages sur lesquels ils
seront amenés à travailler.
149 Nous leur fournissons ensuite les supports médiatiques correspondant (DVD de la
série Wakfu, BD ou manga portant sur tel ou tel personnage) afin qu’ils puissent
poursuivre par eux-mêmes leur immersion dans cet univers. Et nous restons ‘en
veille’ s’ils ont des questions, besoins de précisions, etc.
Nous mettons aussi à leur disposition un certain nombre d’outils que nous avons
créés (bibles transmédia, piliers narratifs, fiches de personnages, etc.) dont ils ont
besoin ainsi qu’une storyline globale qui retrace dans les grandes lignes les 11 000
ans de l’histoire du Krosmoz connus à ce jour, afin qu’ils puissent garder une
vision macro de l’univers.
•
Usez-vous d’un droit de regard sur ces productions annexes pour vérifier
la cohérence, ou la qualité, des scénarios par rapport à l’ensemble qu’est le
Krosmoz ?
Nous nous efforçons de rendre toutes les narrations cohérentes, qu’elles puissent
s’intégrer parfaitement dans l’univers global et venir l’enrichir de nouveaux
contenus.
Mais il faut bien comprendre que le rôle de l’équipe BG ne prédomine pas sur le
travail des créatifs. Nous avons avant tout un rôle d’accompagnement, de conseil
et de consultation, pas un rôle décisionnaire. Les créa ont le dernier mot et il est
parfois difficile, pour pouvoir maintenir la cohérence de l’univers, de faire
entendre raison à un scénariste qui a envie « de se faire plaisir ». C’est le plus gros
challenge de l’équipe : réussir à maintenir un univers transmédia cohérent tout en
composant avec un grand nombre de créatifs (narratifs et graphiques) sans que ces
derniers ne se sentent frustrés par nos recommandations.
Quant à la qualité des productions, ce n’est pas du ressort du BG, nous
n’intervenons pas sur cet aspect. Cela dépend plus du directeur d’écriture et des
réalisateurs pour les projets animés, et des éditeurs pour les projets éditions.
•
Pourquoi cet anonymat de votre part ?
Pour préserver nos familles des paparazzis...Plus sérieusement, ce sont les projets
et leurs auteurs qui sont mis en avant, c’est tout à fait normal. Nous sommes les
150 historiens du Krosmoz, nous œuvrons dans l’ombre et cette position nous convient
parfaitement.
•
Pourquoi n'intervenez-vous pas dans le devblog de wakfu.com ? Pourquoi
mettre en avant les game designer ou communicants professionnels et non
les scénaristes eux-mêmes ?
En ce qui nous concerne, certainement par manque de temps. Nous sommes très
occupés avec toutes les productions Dofus et Wakfu qui sortent régulièrement. Et
puis chacun son métier…comme expliqué ci-dessus, nous sommes les hommes et femmes - de l’ombre. Quant aux scénaristes, c’est une très bonne question qu’il
faudrait leur poser !
•
Les productions textuelles des fans vous inspirent-elles ? (Background des
rôlistes, fanfictions, tracts politiques, etc.)
Nous essayons de suivre ce que la communauté produit et le moins qu’on puisse
dire c’est que les fans sont très productifs ! Bien entendu nous gardons un oeil sur
ce que fait la communauté et les sujets qui l’intéressent.
Quant à savoir si cela inspire les créatifs, très probablement, que ce soit conscient
ou non. Parfois la bonne trouvaille d’un fan peut faire écho à un scénariste ou à un
réalisateur par exemple qui va pouvoir rebondir dessus pour la réinterpréter ou au
contraire prendre le contre-point.
Un bon exemple est celui de Tot qui, à la fin de la saison 1 de Wakfu, avait prévu
de faire revenir Tristepin grâce à l’horloge de Nox. Mais, en lisant sur les forums
les nombreux commentaires des fans persuadés que c’était ce qu’on allait faire, il
a décidé de modifier le script à la dernière minute pour créer la surprise : quand
Nox parvient à remonter le temps, on peut penser qu’à cet instant Pinpin est
encore vivant, sauf que l’horloge n’a reculé dans le temps que de quelques
minutes et Pinpin est déjà mort.
•
J’ai constaté que certaines fanfictions étaient évoquées dans l’émission
Inside Ankama ou publiées dans Wakfu magazine. Cette mise en avant des
151 productions textuelles des fans va-telle plus loin ? Reprise d’idées pour le
jeu ou d’autres oeuvres professionnelles rattachées à Wakfu ?
C’est une idée intéressante en effet qui pourrait être davantage développée, mais
qui nécessiterait un important travail de lecture et de recensement sans parler de la
faisabilité des idées. Les productions des fans sont pour nous à la fois un moteur
et aussi une source d’inspiration. On peut citer l’exemple du Boufbowl, qui a été
repris et développé par nos équipes après avoir été créé par des joueurs de Dofus
qui, à l’époque, s’amusaient à lancer des sorts pour déplacer un bouftou jusqu’à
une zone d’embut improvisée.
•
Constatez-vous des contestations des fans sur l’évolution du Krosmoz ?
Incohérence soulignée ? Plainte sur telle ou telle évolution ?
Il y a toujours des contestations et c’est normal. On ne peut pas plaire à tout le
monde, même quand on essaye de contenter un maximum de personnes, il y aura
toujours une part d’insatisfaits. De manière générale, nous essayons d’abord de
nous faire plaisir, partant du principe que si on s’amuse dans nos créations, ce sera
de même pour notre public.
Quant aux incohérences signalées par le public, cela nous amuse et c’est
intéressant de voir que certains fans « hardcore » suivent attentivement et
décortiquent tout ce que nous développons. Mais ils ne savent pas tout, car
lorsqu’un nouveau projet est présenté au public, il y a une partie du background
lié qui n’est pas diffusée. Nous en dévoilons les grandes lignes mais pas les détails
qui rendent l’ensemble cohérent, ce qui laisse place à bien des spéculations de la
part de fans. Nous conservons certaines données secrètes, à la fois pour pouvoir
les ajuster aux besoins d’une future production, mais aussi pour pouvoir dévoiler
du contenu BG exclusif le moment venu.
Ce qu’il faut retenir, c’est que le background de l’univers Krosmoz n’est pas figé.
Il n’a pas été écrit et posé en amont des productions – tel un outil de référence mais évolue et s’enrichit constamment à chaque nouveau projet : chaque créateur
apporte sa pierre à l’édifice Krosmoz et c’est à nous de réussir à faire tenir
l’ensemble dans un univers cohérent.
152 En tout cas, nous sommes toujours agréablement surpris de voir combien nos fans
se creusent les méninges pour tenter d’expliquer les aspects BG qui ne sont pas
encore dévoilés : ils débattent, argumentent, se contredisent parfois… le fait que
ça les intéresse à ce point est pour nous la plus belle des récompenses.
•
Imposez-vous des limites à l’utilisation de votre propriété intellectuelle par
les fans ? Fanfictions érotiques ? Utilisation de l’univers Wakfu pour
développer des thèmes sérieux (homosexualité, etc.) ?
C’est plutôt gratifiant de voir certains fans s’approprier nos personnages pour leur
inventer de nouvelles histoires et généralement ils le font avec beaucoup de
respect pour notre univers et les valeurs qu’il véhicule.
Nous gardons bien entendu un oeil sur l’utilisation faite des personnages et de tout
ce qui touche au Krosmoz. Nous n’intervenons pas, sauf si cela peut nuire à
l’image de notre univers, et à notre connaissance, cela n’est jamais arrivé.
Quant aux fanfictions érotiques, nous avons eu droit l’année à une parodie d’un
passage du dessin animé Wakfu en version érotique. Ça a fait sourire les équipes
de l’animation qui ont d’ailleurs salué la prouesse technique. Ils ont plutôt pris ça
comme un hommage que comme un affront fait à leur travail et à la série.
Enfin, il est toujours délicat de traiter des sujets sérieux dans un univers destiné
notamment aux enfants. Mais notre volonté a toujours été d’aborder ces thèmes
qui font aussi partie de la vraie vie. Sans aller jusqu’à une volonté pédagogique de
notre part, nous sommes conscients qu’un dessin animé et les thèmes qu’il aborde
peuvent jouer un rôle important dans la vie d’un enfant, pour l’aider à se
construire et à définir son identité.
Tout dépend de la façon de présenter les choses au public. Vous parliez
d’homosexualité dans votre question, le sujet est présent dans la série Wakfu à
travers l’humour et la caricature. Mais ce sujet se retrouve aussi dans la série
animée ‘Aux Trésors de Kerubim’, de façon très suggérée. Il est ici abordé comme
un non-sujet, considéré comme parfaitement naturel, et ce message est peut-être
plus fort que si on en avait fait le thème principal d’un épisode.
153