Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au
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Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au
l’Enass Ecole nationale d’assurances La garantie des risques locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP www.enass.fr La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 REMERCIEMENTS A l’exercice incontournable des remerciements, je suis particulièrement heureux d’avoir l’occasion de remercier toutes les personnes qui m’ont permis de m’investir dans ce travail. Mais auparavant, je souhaite remercier mon entreprise VERSPIEREN et plus particulièrement mon directeur, Claude DELAHAYE, qui a accepté avec encouragement, mon inscription au cycle de formation du MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurance. Pour la réalisation de cette thèse professionnelle, je souhaite remercier chaleureusement mon tuteur, Christian JEANVOINE, dont l’investissement sans faille m’a été précieux ! Je profite également de cette occasion pour remercier Eric DURAND qui, en plus de m’avoir succédé à mes précédentes fonctions au sein de VERSPIEREN, m’a apporté son expérience sur ce sujet qu’il connaît si bien… Je remercie tout particulièrement l’ensemble des personnes que j’ai rencontrées pour la rédaction de cette thèse professionnelle et dont les noms figurent p129, qui se sont rendues facilement disponibles pour m’accorder autant d’échanges précieux, que riches d’expériences. Je remercie aussi mes amis qui m’ont apporté leurs aides, leurs encouragements et tout particulièrement, Stéphanie, qui s’est investie dans la lecture d’un document très éloigné de ses compétences professionnelles. Enfin, je souhaite remercier, amoureusement, ma femme Alexandra et mes enfants, Laly et Maxence, qui ont dû supporter mon indisponibilité, mon enfermement et parfois ma mauvaise humeur, durant ces nombreux mois où la vie familiale a souvent été sacrifiée. Votre soutien a été particulièrement important dans la conduite de ce projet auquel je vous associe pleinement. A tous, Merci… 2 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 SOMMAIRE SYNTHESE............................................................................................................................... 4 EXECUTIVE SUMMARY ...................................................................................................... 5 INTRODUCTION ..................................................................................................................... 6 1ère PARTIE – PRESENTATION ET MISE EN ŒUVRE DU DISPOSITIF GRL .......... 9 1 L’initiative de la GRL _________________________________________________ 10 2 Le fonctionnement ____________________________________________________ 21 3 La souscription ______________________________________________________ 34 4 Les attentes et les limites d’un système controversé ________________________ 43 Synthèse de la 1ère Partie ........................................................................................................ 52 2ème PARTIE – LA FIN DU DISPOSITIF 1ÈRE VERSION ET L’ARRIVÉE DE LA GRL2 ....................................................................................................................................... 53 5 Les raisons d’un échec annoncé _________________________________________ 54 6 La prise de contrôle de l’APAGL et le contexte politique ____________________ 65 7 La naissance de la GRL2 ______________________________________________ 77 8 Et à l’étranger … _____________________________________________________ 92 Synthèse de la 2nde Partie ....................................................................................................... 94 3ème PARTIE – LA GRL AUJOURD’HUI ET DEMAIN ................................................. 95 9 Qu’en est-il réellement du dispositif à ce jour _____________________________ 96 10 La volonté politique suffira-t-elle ? _____________________________________ 108 11 Pour maintenir le dispositif GRL, faut-il encore insister sur un modèle assurantiel ? ___________________________________________________________ 114 Synthèse de la 3ème Partie ..................................................................................................... 124 CONCLUSION ..................................................................................................................... 125 LISTE DES INTERVIEWS REALISEES ......................................................................... 129 BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................... 130 ANNEXES ............................................................................................................................. 132 3 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 SYNTHESE « Nous avons dans notre société beaucoup d’établissements de bienfaisance, mont-de-piété, société de prévoyance, d’assurance mutuelle. » Monsieur BERGERE à Paris (1901) – (Histoire Contemporaine IV) - Anatole France L’ironie de cette citation du début du XXe siècle accompagne assez bien la réflexion que soulève la question de savoir si la Garantie des Risques Locatifs (GRL) est légitime à travers un dispositif assurantiel. En effet, bien que la GRL soit construite sur un modèle assurantiel et portée par des entreprises d’assurances qui répondent aux « règles de l’art », on constate que la majorité d’entre elles, ne souhaitent pas distribuer un dispositif qui leur semble avant tout, plus social, qu’assurantiel. En 2006, les partenaires sociaux et les pouvoirs publics, initiateurs de la GRL, ont eu la volonté de proposer un dispositif d’aide pour les locataires les plus fragiles en l’introduisant dans le « circuit économique ». Motivés par la volonté de sortir d’un schéma traditionnel, les « pères » de la GRL, cherchaient par ce biais à pouvoir maîtriser les coûts, où la perte de contrôle, constitue généralement la limite à la pérennité des dispositifs conçus pour une mission : Faciliter l’accès au logement. Mais cette mission, régalienne, peut-elle être aussi celle des assureurs sans risquer d’être incompatible avec leurs intérêts économiques ? Si chaque partie a cru au départ qu’un « deal gagnant-gagnant » était tout à fait possible, la réalité autour d’un marché déjà existant avec la Garantie des Loyers Impayés (GLI), confidentiel et de niche, a rapidement imposé ses limites… De plus, la méconnaissance des partenaires sociaux envers le métier des assureurs et la méfiance dont ils ont fait part à leur égard a, dès le départ, créé une distance déjà naturelle entre ces acteurs. C’est ainsi, que le rôle limité confié aux assureurs, constituera un frein dans le développement du dispositif GRL et subira alors une profonde réforme seulement trois ans après sa mise en place La suppression du PASS-GRL (nom usuel de la 1ère version de la GRL), accompagné d’une reprise de la gestion et de la souscription du dispositif par les entreprises d’assurances, ne suffira pas à les fédérer à travers leurs instances représentatives, FFSA et GEMA, autour du dispositif devenu GRL2. Cette fois alors, ne serait-ce pas les assureurs qui ont fait preuve d’une réticence naturelle à laisser investir leur « pré-carré » ? Les bonnes intentions affichées au départ étaient-elles réelles au regard du maintien indéfectible de la GLI (Garantie des Loyers Impayés) pour rester LE dispositif assurantiel adapté aux besoins des propriétaires-bailleurs. La GRL à ce jour, après cinq ans de fonctionnement et bien qu’ayant trouvé son public, ne pourra plus longtemps supporter sa confidentialité qui ne répond ni aux objectifs sociaux, ni aux contraintes assurantielles au regard de sa mutualisation insuffisante. Il faut donc imaginer une nouvelle suite…ou une fin ! 4 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 EXECUTIVE SUMMARY The irony of this quotation of the beginning of the XXth century, accompanies well enough the reflection that raises the question to know if the Guarantee of Tenant's risks (GRL) is justifiable through an insurance-related plan. Indeed, although the GRL is built on an insurance-related model and carried by insurance companies which answer the " rules of the art ", we notice that the majority of them, do not wish to distribute a device which seems to them above all, more social, than insurancerelated. In 2006, labor and management and public authorities, initiators of the GRL, had the will to propose a help facility for the most fragile tenants by introducing him into the "economic circuit". Motivated by the will to go out of a traditional plan, the "fathers" of the GRL, looked by this way to be able to master the costs, where the loss of control, establishes generally the limit in the sustainability of devices conceived for a mission: facilitate the access to the accommodation. But can this kingly mission also be the one insurers without risking to be incompatible with their economic interests? If every part grew at first that one “win-win deal" was completely possible, the reality around a market already existing with the Guarantee of the Unpaid Rents (GLI), confidential and of niche, quickly imposed its limits … Furthermore, the misunderstanding of labor and management to the job by the insurers and the distrust which they announced towards them has, from the beginning, create a distance, already natural, Between these actors. It is so, that the role limited, confided to the insurers, will establish a brake in the development of the device GRL and will undergo then a profound reform, only three years after its implementation. The abolition of the PASS-GRL (usual name of the 1st version of the GRL), accompanied with a resumption of the management and with the subscription of the plan by insurance companies, will not be enough to federate them through their representative authorities, FFSA and GEMA, around the device become GRL2. This time then, it would not be the insurers who showed a reluctance natural to let invest their "presquare"? The good intentions posted at first were real towards the indestructible preservation of the GLI (Protected from the Unpaid Rents) to remain THE insurance-related device adapted to the needs of the owners-landlords. The GRL this day, after five years of functioning and although having found his public, can no longer support his confidentiality which does not answer either the social objectives, or the insurance-related onstraints towards its insufficient mutualization. It is thus necessary to imagine a new continuation ...or the end! 5 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 INTRODUCTION Le logement est depuis toujours une source de préoccupation première pour les hommes et ce, quel que soit les époques et les cultures. Ce sujet universel pose néanmoins des problèmes toujours aussi cruciaux dans nos sociétés modernes. En France et en 2007, le coût du logement dans le budget des ménages représentait 24% des revenus devant l’alimentation (17%).1 Depuis 2000 et selon la FNAIM2, les loyers ont progressé de 4,6% par an soit plus du double du montant de l’inflation. Aujourd’hui, seuls 6% des logements dans le parc privé ont un loyer de niveau HLM contre 50% en 1990. Parallèlement, 4 millions de salariés sont payés au SMIC, la moitié des ménages a un revenu mensuel inférieur à 2 050 € et le revenu des Français était en baisse en 2004 pour toutes les catégories, sauf pour les 5% des ménages les plus aisés. Ces chiffres mettent en évidence un contexte préoccupant sur la demande de logement fragilisée par l’évolution du marché du travail, des nouveaux modes de vie améliorant les surfaces et le confort, et des situations familiales qui multiplient les besoins. Sur ce dernier point il est intéressant de constater l’augmentation du nombre des ménages d’environ 27% 3 au cours des 20 dernières années dû en partie et naturellement à notre dynamisme démographique mais surtout à l’érosion des modes traditionnels de cohabitation réduisant ainsi le nombre de personnes composant un ménage ! Bien entendu, la crise économique que nous connaissons depuis 2008 a tout autant accentué ces problématiques. D’autres données : Il manquait en 2007, 900 000 logements économiquement et socialement accessibles (logements sociaux, logements conventionnés et logements à loyer maîtrisé) et l’on comptait 1,3 million de demandeurs de logements sociaux en 2005. Les possibilités d’accueil dans le parc HLM ont atteint un niveau historiquement bas malgré les 421 000 logements mis en chantier en 2006. De plus, sur les 410 000 nouveaux logements construits en 2005, moins d’un quart étaient compatibles avec les ressources de 2/3 des Français. Fort de ce constat, une des pistes de réflexion, menée par les partenaires sociaux a été de créer un nouveau dispositif en 2006 : Le PASS-GRL ! Ce dispositif devait constituer un nouvel outil pour favoriser l’accès au logement locatif en sécurisant les propriétaires-bailleurs du 1 Source APAGL – Présentation PASSGRL - Septembre 2007 Fédération Nationale de l’Immobilier 3 Source Etude Xerfi 2011 2 6 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 secteur privé qui représentent 6 millions de logement sur un total de 10 millions, soit une cible privilégiée ! Le LOCA-PASS mis en œuvre en 1998 devait pourtant déjà répondre à ces préoccupations en proposant une sécurisation des loyers, mais le constat avait vite fait état d’un dispositif extrêmement coûteux d’une part et qui ne répondait pas suffisamment à l’attente des bailleurs en matière de sécurisation des loyers d’autre part. Parallèlement, le marché assurantiel proposait depuis plusieurs années aux propriétairesbailleurs, une assurance qui leur permettait de se couvrir contre le risque d’impayés de leurs locataires et dont la souscription connaissait une croissance continue depuis 10 ans. Le PASSGRL s’est donc inspiré du développement de ces produits afin de proposer un « calque » de cette assurance reposant sur des entreprises d’assurances mais dans lequel les critères de sélection des locataires seraient plus larges que ceux habituellement exigés avec, en contrepartie, des compensations financières dédiées aux entreprises d’assurances qui accepteraient de commercialiser ce dispositif. Toutefois, si abaisser le seuil de solvabilité requis revient à augmenter le risque certes compensé, cela ne revient-il pas à remettre en question, à partir d’un certain seuil, un élément essentiel du contrat d’assurances : L’aléa ? Le risque ne devient-il pas alors quasi certain lorsque les critères de solvabilité minimum exigés sont mathématiquement insuffisants ? De plus, comment doit-on interpréter le fait que les taux de prime exigés dans ce type de contrat restent identiques à ceux pratiqués dans les contrats où le risque est pourtant plus limité ? L’approche sui generis du dispositif apporte bien entendu une réponse à ces questions, puisque le fondement premier du PASS-GRL ne semblait pas devoir s’inquiéter d’un déséquilibre technique, paradoxe original d’un dispositif assurantiel. Mais dans ce cas, le rôle des entreprises d’assurances est-il toujours celui d’un « preneur de risque en contrepartie d’une prime adéquate » ? L’assureur ne devient-il pas un simple gestionnaire de sinistres ? Pire, sachant que ses actions de recours sont limitées et conditionnées par le retour vers le fonds GURL des sommes recouvrées, ne devient-il pas alors un simple bureau de distribution ? Pourquoi aussi faire appel aux entreprises d’assurances, répondant comme toute entreprise privée à une logique commerciale, concurrentielle et mercantile, pour proposer une solution qui doit répondre à une problématique sociale ? Certes, le régime des catastrophes naturelles (CAT NAT) existe déjà 7 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 sur la base d’un partenariat entre l’Etat et les assureurs via la CCR 4 , mais le modèle est sensiblement différent et semble avoir trouvé un fonctionnement pérenne. L’originalité au regard des précédents dispositifs d’aide au logement (à l’instar du LOCAPASS) tient certainement au fait qu’on utilise ici « l’outil assurantiel » pour mettre en place un dispositif d’Etat, dans lequel les parties prenantes ne perdront rien au plan financier. Le risque de perte ne devait pas exister puisque des compensations financières sont prévues, pour assurer aux compagnies un rapport Sinistres/Primes prédéfini ! Tous ces éléments ont certainement fait l’objet de nombreux débats en amont et en aval de la mise en place du PASS-GRL plus simplement nommé « GRL », mais cette Garantie des Risques Locatifs a-t-elle fait l’unanimité auprès des assureurs ? De la même façon, a-t-elle convaincu les propriétaires-bailleurs ainsi que les professionnels de l’immobilier ? Il semble en tout cas qu’elle n’ait pas fait l’unanimité auprès de certains de ces acteurs et une réforme importante du dispositif a alors été nécessaire en 2009 pour assurer à la GRL l’avenir prometteur que les assureurs et les pouvoirs publics lui promettaient… Une loi, des réorganisations et une répartition des rôles différente, des pressions politiques importantes n’ont cependant pas forcément suffit à faire émerger la GRL version 2 des difficultés de la GRL 1 ! A ce jour, on parlerait d’une GRL 3, ultime ou énième remaniement d’un dispositif qui, ayant pourtant trouvé sa cible, ne semble cependant n’avoir jamais réellement trouvé sa place. Nous proposerons donc ici et dans un premier temps, une présentation détaillée du dispositif GRL et de sa mise en œuvre en reprenant les problématiques et les réflexions qui ont menées à l’initiative GRL, présentant les acteurs et le fonctionnement tout en levant les attentes et les limites d’un système très vite controversé. Puis dans un second temps, nous nous attarderons sur la réforme du dispositif GRL en tentant d’élucider les raisons d’un échec pourtant annoncé ainsi que des réflexions et préconisations d’un sauvetage périlleux ! Enfin et dans une dernière partie, nous vous proposerons de comprendre la réalité de la GRL à ce jour suivie d’une réflexion sur son avenir et des pistes à explorer. 4 Caisse Centrale de Réassurance 8 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 1ère PARTIE – PRESENTATION ET MISE EN ŒUVRE DU DISPOSITIF GRL 9 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 L’initiative de la GRL 1 Données et problématiques autour du marché locatif en France à l’aube de la GRL 1.1 Selon les chiffres INSEE de 2006, le parc de logements à usage d’habitation principale comprend environ 40% de locataires ce qui représente plus de 11 millions de logements décomposés comme suit : - 59% relevant du parc privé soit 6,5 millions de logements - 41% relevant du parc social soit 4,5 millions de logements Le parc HLM, chargé d’accueillir les ménages présentant les niveaux de ressources les plus modestes, rencontre des difficultés pour répondre à sa mission compte tenu d’une demande qui n’a cessé de croître ces dernières années ; une demande estimée aujourd’hui selon l’Union Sociale de l’Habitat, à 1,4 millions de demandeurs en attente d’un logement. De même, le taux de rotation dans le parc social a considérablement diminué, s’établissant à 9,6% en 2006 alors qu’il était de 15% quinze ans plus tôt.5 Cela signifie une perte de 200.000 logements portant ainsi l’offre disponible, à environ 450.000 logements par an. C’est donc dans le parc locatif privé que l’on trouve l’offre de logements la plus importante avec un taux de mobilité de 26,5% offrant ainsi annuellement 1.700.000 logements, soit 80% de l’offre locative totale alors que ce même parc représente 59% des logements loués en France. 6 Le montant des loyers du parc privé en France s’élevait en 2006 à 37,6 milliards d’euros 7 et il est à noter que 94% des bailleurs du parc privé sont des particuliers représentant eux-mêmes entre 7% et 8% de l’ensemble des ménages Français. 8 Parallèlement entre 1998 et 2006, le prix des loyers a augmenté de 25% alors que dans le même temps, le revenu moyen des salariés à temps complet des secteurs privés n’avait progressé que de 7% et l’ensemble des salaires était globalement resté stable. Cet écart créé bien entendu une pression de plus en plus importante sur le budget des ménages avec cependant de fortes disparités selon les revenus. En effet, le poids budgétaire décroît régulièrement et rapidement à mesure que l’on s’élève dans l’échelle des niveaux de vie. Ainsi, le poste « logement » représente 25% dans le budget des 20% des ménages les plus modestes contre 11% pour les 20% des ménages les plus aisés. Cette différentiation provient 5 Source FFSA 2010 + Interview JL Berho Source Clameur 2010 7 Source Compte du Logement Provisoire 2006 8 Source Enquête Nationale Logement 2002 6 10 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 notamment et principalement du fait que les ménages les plus modestes sont souvent locataires (48% pour les plus modestes contre 18% pour les plus aisés).9 Entre 1979 et 2006, si l’on compare les autres postes de dépenses principales des ménages français tels que les produits alimentaires, on observe que l’écart entre les franges de la population sur la part consacrée au logement augmente très significativement alors qu’il tend à se resserrer sur les autres postes (cf. tableau 1). Tableau1 - Évolution des écarts de structure de consommation entre groupes sociaux, de 1979 à 2006 (en %) Produits alimentaires et boissons non alcoolisées Santé Logement, eau, gaz, électricité et autres combustibles (hors loyers fictifs) Boissons alcoolisées et tabac Éducation Communications Articles d'habillement et chaussures Autres biens et services Loisirs et culture Meubles, articles de ménage et entretien courant de l'habitation Hôtels, cafés et restaurants Transports Champ : France Métropolitaine Source : Insee, Enquête Budget de famille 2006 Ecart entre le 5e quintile (ménages aisés) et le 1er quintile (ménages modestes) de niveau de vie 1979 2006 - 16,9 - 4,5 -2,8 1,0 - 1,5 - 13,5 Ecart entre les cadres, professions intellectuelles supérieurs, professions libérales et les ouvriers 1979 - 11,1 - 1,4 0,2 2006 - 4,0 0,8 - 7,4 - 0,5 0,0 0,3 1,5 2,1 3,0 3,2 - 1,0 - 0,1 - 1,5 0,8 0,9 6,4 3,1 - 1,2 0,8 0,8 1,2 1,3 2,3 1,3 - 1,3 0,5 - 0,8 1,0 0,7 5,2 2,7 5,2 6,3 3,2 5,0 3,5 2,3 2,7 - 0,2 De ce fait, le logement devient un poste qui marginalise un nombre croissant de ménages, en témoigne la part des allocataires CAF 10 dont le taux d’effort reste, après les aides personnelles, supérieur à 40% (ce qui représente 20% des allocataires soit 318.000 ménages dans le parc privé en 2006 contre 190.000 en 2002 et seulement 15.000 dans le parc social) ainsi que l’augmentation des procédures d’expulsion. Ces indicateurs sont d’ailleurs beaucoup plus significatifs dans le parc privé que dans le parc social.11 Notons ici que dès 1990, par le biais de la Loi N°90-449 du 31 mai (dite loi Besson) visant à la mise en œuvre du droit au logement, des Plans Départementaux d’Action pour le Logement des Personnes Défavorisées (PDALPD) seront mis en place pour favoriser l’accès ou le maintien des personnes dans le logement. 9 Source Enquête INSSE Budeget des Familles - 2006 Caisse d’Allocation Familiale 11 Source Rapport Baïetto-Besson / Béguin - 2008 10 11 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Auparavant, le droit à l’habitat comme « droit fondamental » sera déjà cité par la loi Quilliot du 22 juin 1982, ainsi que par la loi Mermaz du 6 juillet 1989. La loi Besson, dont l’objet principal porte sur le droit au logement, réaffirmera la notion de « droit au logement »12 en indiquant que « garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l’ensemble de la nation ». De son côté, la loi du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions traitera des mesures relatives au maintien dans le logement et la loi SRU du 13 décembre 2000 précisera la notion de « logement décent ». Mais jusqu’ici, la notion de « droit au logement » n’était accompagnée que d’une obligation de moyens, pas de résultats. Il faudra attendre le plan de cohésion sociale de 2005 puis la Loi DALO (le Droit au logement opposable) adoptée le 22 février 2007 pour que la notion de « droit au logement» comme un « droit fondamental » se renforce en un « droit opposable »13 ! De plus, la structure du parc de résidences principales qui compte environ 26,5 millions de logements est composée 14 : - d’une majorité de propriétaires (56%) dont plus de 60% sans charge de remboursement (en comparaison à l’autre partie considérée comme accédant) et dont la proportion croît régulièrement - d’une partie importante de locataires (40%) dont la proportion reste stable depuis 30 ans. - D’une très faible proportion (4%) logés gratuitement, hébergés etc… qui diminue. Financièrement entre 1997 et 2007 on constate que : - les prix de vente des appartements anciens ont été multipliés par 2 en France en euros constants (+100%) et celui des maisons anciennes par 1,7 (+85%) soit une augmentation globale de 146% 15 12 Notion qui est considérée comme découlant, en France, de la rédaction des 10è et 11è alinéas du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui fait partie de textes à valeur constitutionnelle : 10. La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. 11. Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence. 13 Le sens juridique de « opposable » signifie « que l’on peut faire valoir contre autrui ». Le « droit au logement opposable » permet aux personnes qui ne sont pas en mesure d’accéder par leurs propres moyens à un logement décent, de recourir auprès des autorités de manière d’abord amiable puis juridictionnelle, pour faire valoir leur droit à un logement. 14 Source Rapport Baïetto-Besson / Béguin - 2008 15 Sources notariales « Perval » et « Paris Notaires Services » - 2008 12 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 - les loyers ont augmenté globalement de 25%, principalement par les loyers des nouvelles locations puisque que minorés sur l’existant par un encadrement réglementaire et « indexatif » 16 - le revenu moyen des salariés à temps complet des secteurs privés et semi-privés avait progressé de 7% environ et celui de l’ensemble des salaires était globalement resté stable compte tenu du développement de l’emploi à temps partiel. 17 Ces différents éléments amènent à constater que le parc locatif constitue la réponse principale aux besoins des ménages les plus modestes et des nouveaux venus (jeunes, mobiles etc…) qui subissent par conséquent et principalement la hausse des prix des loyers dans le secteur privé. Enfin, le taux de logements vacants (donc potentiellement disponibles) est d’environ 6% et baisse continuellement depuis 40 ans sachant que les ¾ des logements sont en fait indisponibles compte tenu de raisons techniques qui empêchent leur mise sur le marché (travaux, problèmes juridiques…).18 Ces éléments accentuent alors autant, la compétition pour l’accès aux logements et influent sur le niveau des loyers aggravant les différents phénomènes vus précédemment. 1.2 Réflexion et enjeux : Comment a germé la mise en œuvre de la GRL et pourquoi à travers un dispositif assurantiel ? D’un côté, la part du logement est comme nous venons de le voir, une variable qui a pris ces dernières années une position dominante dans le revenu des ménages français et a alourdi leurs taux d’effort. De l’autre, l’insuffisance de l’offre dans les zones en croissance économique et/ou démographique a exacerbé la compétition pour l’accès aux logements. Conséquence : un décalage entre, les taux d’efforts 19 habituels de 25 à 30% ainsi que la stabilité des ressources face aux réalités économiques et les attentes des propriétairesbailleurs, créant un déséquilibre sur le marché locatif. Ce phénomène a ainsi, et principalement sur les zones tendues (Paris et alentours notamment), conduit les propriétaires-bailleurs a accentué leurs critères de sélections favorisant de fait, les candidats à la location les plus solvables. Car parallèlement, les propriétaires s’inquiètent dans 16 Sources INSEE et Clameur - 2008 Source Atlas de l’habitat privé - 2008 18 En 2008 par exemple, la municipalité de bordeaux avait relevé qu’intra-muros et sur 19.000 logements vides, seuls 3.000 étaient en état d’être reloués. Ce qui au regard des 300.000 habitants de l’époque, est significatif ! 19 Issu du rapport entre le montant des loyers et les revenus 17 13 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 ce contexte du bon paiement de leur loyer et semblent également ne pas avoir confiance dans les procédures contentieuses et judiciaires, qui doivent leur permettre de récupérer leurs biens en cas de non-respect des obligations du locataire. En effet, ces procédures sont généralement lourdes, longues, coûteuses, incertaines et les indemnisations de l’Etat longues et difficiles à obtenir en cas de refus au concours de la force publique pour procéder à l’expulsion suite à une décision judiciaire. Le recours à la caution personne physique (parfois morale) est alors de plus en plus fréquent, notamment en zone tendue comme en région parisienne où elle est demandée dans 2 cas sur 3 ! Bien qu’elle ne soit pas considérée comme une sécurité financière absolue, elle rassure néanmoins les bailleurs qui la considèrent comme un outil psychologique efficace dans la négociation amiable en cas d’impayé. Or le recouvrement amiable sous toutes ses formes et notamment l’injonction par commandement d’huissier, permet de recouvrer ¾ des créances de loyers impayés20. Hormis le recours quasi systématique à la caution personne physique ou morale, les critères de sélection des locataires s’effectuent sur les mêmes critères depuis les années 50. Or et comme nous venons de le voir plus haut dans les données économiques et sociales, le mode de vie des ménages a pourtant bien évolué depuis ! Le LOCA-PASS Fort de ce constat en secteur privé, le 1% logement 21 crée en 1999 la garantie LOCA-PASS qui propose un double service : - Une avance qui permet de financer par un prêt à 0% et sans assurance, le dépôt de garantie exigé par le bailleur - Un système de cautionnement pour la location d’un logement dans lequel le 1% logement s’engageait à régler au bailleur le loyer et les charges locatives en cas de difficultés financières rencontrées par le(s) locataire(s) sur une durée de 18 mois maximum. 20 Source Rapport Baïetto-Besson / Béguin - 2008 Organisme qui empruntait l’appellation usuelle de la PEEC (Participation des Employeurs à l’Effort de Construction), en charge de la collecte et qui se nomme depuis 2009, Action Logement. Cet organisme est né en 1943 par l’initiative privée des industriels du Nord de la France qui décident de consacrer 1% de la masse salariale pour trouver une solution aux problèmes de logement, importants pendant la seconde guerre mondiale. En 1953, le 1% logement devient une obligation légale pour toutes les entreprises non agricoles de 10 salariés et plus qui sont alors tenues de réserver annuellement 1% de la masse salariale pour la construction de logements sociaux. En 1992, le taux est abaissé à 0,45% après plusieurs baisses successives depuis 1972, mais l’appellation 1% Logement demeure. En 2006, la loi des finances relève le seuil d’assujettissement de 10 à 20 salariés. L’organisme de tutelle de Action Logement est l’UESL (Union d’Economie Sociale pour le Logement). 21 14 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Ce dernier aspect devait ainsi permettre de favoriser l’accès aux logements du parc privé aux ménages les plus fragiles et réduire les discriminations opérées entre les dossiers présentant une caution personne physique et les autres. Toutefois et bien que 232.900 garanties LOCA-PASS (pour la partie garantie de loyer) aient été distribuées entre 2000 et 2003 sur le parc privé (contre 248.300 dans le parc HLM) 22, cette garantie n’offrait pas toujours dans la pratique, la sécurisation attendue par les bailleurs. En effet, son statut juridique n’étant pas défini de façon précise par le 1% logement, elle pouvait être considérée (constat réalisé principalement auprès des professionnels de l’immobilier gérant pour le compte des propriétaires-bailleurs) comme une forme de « crédit revolving » 23 , de caution ou de prêt. Cette lacune permettait au locataire d’allouer éventuellement ses revenus dédiés normalement à son loyer, à d’autres postes de dépenses. Dans ce cas, les loyers étant pris en charge par le 1% logement, aucune action judiciaire n’était permise au propriétaire-bailleur pour faire constater auprès des autorités compétentes, une créance. En effet avec le LOCAPASS, le compte du locataire est vis à vis du bailleur, créditeur, et seul l’organisme « prêteur » peut mener une procédure. Mais à l’issue de la prise en charge par le LOCAPASS, la situation devient alors rarement recouvrable à l’amiable, compte tenu de la situation débitrice souvent déjà importante du locataire au moment de la reprise du dossier par le bailleur. Parallèlement, le coût du dispositif semblait devenir une source de difficulté de plus en plus évidente24 qui a menée certains responsables du 1% logement à réfléchir sur l’avenir de cette offre. Une des pistes alors suggérée par Etienne Guena25 est d’imaginer comment réintégrer le dispositif LOCA-PASS dans un « process » économique de façon à faire payer la prestation à ceux qui en bénéficient, c’est à dire aux propriétaires-bailleurs. 26 22 Source ANPEEC - Bilan des aides LOCA-PASS à fin 2003 Crédit permanent consistant à mettre à disposition d’un emprunteur une somme d’argent sur un compte particulier ouvert auprès de l’établissement prêteur de ce crédit, de façon permanente et avec laquelle il peut financer les achats de son choix. 24 Selon le rapport ANPEEC de 2008 (Agence Nationale pour la Participation des Employeurs à l’Effort de Construction), à fin 2003, c’est un peu plus de 160 millions d’euros qui ont été versés au titre des garanties de loyers. A fin 2007, ce montant atteindra quasiment 370 millions d’euros. 25 Etienne Guena a été le Président de l’ANPEEC (1% Logement) pendant 20 ans, depuis sa création le 31 décembre 1987 jusqu’au 26 septembre 2007 26 Source interview thèse MBA Henri Deligne qui a été interrogé en 2005 par Etienne Guena sur ce sujet. 23 15 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 La CLU (Couverture de Logement Universelle) En 2001, reprenant le principe même de la CMU (Couverture Maladie Universelle), MarieNoëlle LIENEMANN 27 alors secrétaire d’Etat au logement sous le gouvernement JOSPIN28, propose d’instaurer un nouveau système d’aide au logement, la CLU. Cette Couverture Logement Universelle reprend alors l’idée d’une solidarité autour du logement (une forme de sécurité sociale du logement) afin d’en favoriser l’accès au plus grand nombre tout en sécurisant les bailleurs contre les risques d’impayés par le biais de la création d’un fond collectif qui bénéficierait aux propriétaires et aux locataires. En février 2002, Marie-Noëlle LIENEMANN déclare alors sur France Info : « L’idée, c’est de dire qu’on ne soit plus obligé de débourser un droit d’entrée quand on rentre dans les lieux » en précisant qu’il ne fallait pas que le locataire soit confronté à des « obstacles financiers pour avoir accès au logement ». Concernant le propriétaire, il faut garantir qu’ « en cas de détérioration de l’appartement à la fin du bail, on puisse y financer les travaux, parfois bien au-delà de ce que les systèmes de caution permettraient ». Pour elle, ce système mettrait par ailleurs les locataires et les propriétaires à l’abri « des moments d’impayés de loyers liés au chômage ou des difficultés lourdes de la vie qui peuvent apparaître, passagères, ou parfois un peu plus durables quand ce sont des catégories très défavorisées ». Dans ce cas-là, la CLU constituerait « un système de garantie qui ferait que le loyer est payé au propriétaire même si le locataire est devenu insolvable. C’est une avance qui est faite et c’est aussi un mécanisme qui permet de simplifier les aides sociales quand elles s’imposent ». Enfin elle ajoute « le système de couverture universelle est un système gagnantgagnant entre le propriétaire et le locataire, avec une sortie d’intermédiation par un fonds collectif qui garantit les uns et les autres ». Ici, l’évolution avec le LOCA-PASS est nette puisqu’il ne s’agit plus de se substituer au locataire défaillant mais bien de proposer une indemnisation au propriétaire… Si les bases d’un dispositif indemnitaire sont donc posées (et qui s’approche alors des contrats d’assurances de loyers impayés), le changement de gouvernement qui intervient quelque mois plus tard (mai 2002) laisse le projet dans les cartons… Mais n’est cependant pas tout à fait abandonné ! 27 Ancienne vice-présidente du Parlement Européen, elle est membre du bureau National du Parti Socialiste, anime le club Gauche Avenir. Présidente de la fédération nationale des Coopératives HLM, elle siège au Conseil Economique Social et Environnemental. 28 Premier ministre entre le 2 juin 1997 et le 6 mai 2002 16 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Le Rapport du CNH29 en novembre 2004 : Le berceau de la GRL. Le changement de gouvernement n’a pas pour autant balayé les difficultés économiques et sociales, et les problématiques du logement restent toujours aussi profondes. L’idée de MarieNoëlle LIENEMANN est alors reprise par le CNH présidé à cette époque par Marc-Philippe DAUBRESSE30 et qui constitue un groupe de travail avec à sa tête, Jean-Luc BERHO31, qui remet en novembre 2004 un rapport complet sur la « Garantie des Risques Locatifs ». Toutefois, le terme ici ne désigne pas encore le produit tel qu’on le découvrira par la suite, mais plutôt l’ensemble des systèmes d’aide autour du logement qui existent alors (APL32, FSL33 , Locapass, etc.…) et sur lequel le groupe de travail du CNH propose dans certains cas des améliorations ou une refonte afin de mieux constituer les dispositifs concourant à Garantir les Risques Locatifs. Toutefois un élément essentiel apparaît dans cette approche de Garantie des Risques Locatifs : La création d’un fonds unique pour l’ensemble du parc locatif sous plafond de loyer dont les modalités de financement varieraient selon le niveau de loyer pratiqué, contrepartie d’un engagement plus ou moins social des bailleurs. Ce fonds serait alors abondé en partie par la cotisation des bailleurs ainsi que par le 1% logement et l’ensemble des partenaires concernés par le champ des bénéficiaires. Il assurerait ainsi la prise en charge des impayés de loyers et de charges, le financement de travaux faisant suite à des dégradations, la prise en charge d’une couverture juridique et le financement d’un diagnostic social. Le principe de cotisation mentionnée ici fait appel sans équivoque à la logique d’un dispositif assurantiel dont le terme est même clairement mentionné dans le rapport du CNH. Mieux, l’idée d’un rapprochement entre l’UESL34 et les entreprises d’assurances pour étudier les modalités d’un « couplage » entre le Loca-pass et l’assurance, est même avancée ! Le principe assurantiel semble donc essentiel pour légitimer la cotisation des bailleurs et entrer dans un mécanisme indemnitaire dont le bénéficiaire doit participer financièrement. 29 Comité Nationale de l’Habitat Député de la 4ème circonscription du Nord, il a occupé plusieurs fonctions ministérielles et notamment comme Secrétaire d’Etat chargé du Logement entre mars et octobre 2004. 31 Secrétaire Nationale de la CFDT (Confédération Française Démocratique du Travail) et Ex-Président de l’APAGL (Association Pour l’Accès aux Garanties Locatives) 32 Aides Personnelles au Logement 33 Fonds de Solidarité pour le Logement 34 Union des Entreprises et des Salariés pour le Logement 30 17 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Mais surtout, il semble que vouloir adosser un dispositif social sur un système assurantiel, permettrait un effet de levier important compte tenu notamment des masses de plus en plus grandes auxquelles le LOCA-PASS était confrontées. prémisses du contrat Pass-GRL sont alors en marche… Mais l’objectif affiché, Les d’apporter une solution aux problématiques du logement ne cache-t-il pas en réalité une autre volonté : Mieux optimiser les fonds du 1% logement dédiés au LOCA-PASS ainsi que conserver le contrôle de ces masses financières en dehors de l’Etat ? 1.3 Les textes : Convention, loi et décret Sur la base du rapport du CNH que nous venons de détailler et dont les travaux ont débuté en avril 2003 pour être présentés en novembre 2004, les réflexions pour la mise en place d’un dispositif spécifique qui sera nommé Pass-GRL vont alors s’accélérer. Les partenaires sociaux35 réunis au sein de l’UESL ainsi que certains « hommes de l’ombre » comme Henri DELIGNE36, vont contribuer activement à l’élaboration concrète du dispositif. De même, des juristes réputés dans le monde de l’assurance comme H. GROUTEL 37 , Jérôme KULLMANN38 ou encore Maître PARLEANI seront consultés pour asseoir la mise en place du dispositif. Quatre grandes étapes officielles constituent la mise en place du dispositif : En premier : La loi du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale. Plus précisément, l’article 32 de la loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005 modifie l’article L. 313-1 du code de la construction et de l’habitation, afin de prévoir au paragraphe g) dudit article que des ressources du 1% logement pouvaient être consacrées au financement de compensations versées aux entreprises d’assurance de dommages, 35 Regroupement des principaux syndicats professionnels à savoir les syndicats de salariés et les organisations patronales, dans certains comités de travail et de réunions ainsi que dans la gestion de certains organismes paritaires comme l’UNEDIC ou l’assurance retraite. 36 Henri DELIGNE a été directeur général de l’OPAC du Nord (1993-98) puis membre du directoire et directeur général du groupe SERGIC (1998-2005) et depuis 2005 il est président de la société EPGI. 37 Professeur émérite de l’Université Montesquieu-Bordeaux IV Président de l’Institut pour le droit européen de la circulation 38 Professeur à l'université Paris-Dauphine Directeur de l'Institut des assurances de Paris Président de l'AIDA-France 18 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 pour les contrats d’assurance contre le risque de loyers impayés respectant un cahier des charges social approuvé par décret39. En second : Le 20 décembre 2006, la signature de la convention entre l’Etat et l’UESL relative à la Garantie des Risques Locatifs. Cette convention définit entre autre : L’évolution du dispositif LOCA-PASS en en faisant une garantie complémentaire de produits d’assurance, dans le cadre d’un dispositif global de garantie des risques locatifs en s’appuyant sur l’article 32 de la loi du 26 juillet 2005 vu plus haut. Les conditions dans lesquelles l’UESL apporte les compensations prévues au g) de l’article L. 313-1 ainsi que les conditions dans lesquelles l’Etat assure un financement analogue pour les catégories de ménages non couvertes par le 1% logement. L’accord sur le cahier des charges social qui définit les modalités des compensations financières prévues pour les entreprises d’assurances. En troisième : Le décret d’application n° 2007-92 du 24 janvier 2007 portant approbation du cahier des charges social mentionné au g) de l’article L. 313-1 du code de la construction et de l’habitation. Ce cahier des charges en annexe du décret, définit principalement : La mise en place d’une structure dédiée, filiale à 100% de l’UESL et ayant le statut de SAS : GRL Gestion ainsi que d’une association chargée de garantir la finalité sociale du dispositif : l’APAGL 40. Nous reviendrons plus en détail sur leurs fonctionnements dans le chapitre suivant. Les conditions d’éligibilités aux compensations financières (prévues au g. de l’article L.313-1 du code de la construction et de l’habitation) des contrats d’assurances proposés par une entreprise d’assurance. Les conditions relatives aux règles de gestion des contrats en cas de sinistre notamment. Les contraintes tarifaires des contrats qui ne doivent pas excéder celles des contrats d’assurance de loyers impayés « classiques ». Les catégories de locataires qui permettent de distinguer, lorsque le financement des compensations relève de l’UESL ou bien de l’Etat. 39 40 Extrait de la convention du 20 décembre 2006 entre l’Etat et l’UESL. Association Pour l’Accès aux Garanties Locatives 19 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 En quatrième: La création du Fonds de Garantie Universelle des Risques Locatifs, qu’on dénommera plus communément le fonds GURL instauré par la loi loi n°2007290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale et qui modifie notamment les articles L.31320 du Code de la construction et de l’habitation et L.310-12 du Code des assurances. Nous consacrerons le chapitre 2.4 de cette partie, au fonctionnement de ce fonds. 20 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 2 Le fonctionnement Le fonctionnement de la GRL est très spécifique et s’il ressemble en façade au schéma classique d’un contrat d’assurance de loyers impayés, il en est dans le fonctionnement, quelque peu éloigné. Son rôle social est bien évidemment le postulat qui définit l’ensemble des particularités que nous allons, dans ce chapitre, développer. 2.1 La mécanique du contrat Pass-GRL Le Pass-GRL est un contrat d’assurances fonctionnant sur les bases d’un contrat d’assurances de loyers impayés qui permet au propriétaire-bailleur de bénéficier d’une couverture d’assurance proposant les garanties suivantes : - De loyers et des charges locatives pendant toute la durée du bail ou indemnités d’occupation acquises jusqu’au départ du locataire - Des honoraires d’huissier de justice et d’avocat ainsi que les frais annexes de procédures judiciaires - De détériorations immobilières dans un plafond de 7.700 € TTC par sinistre et par logement (avec une franchise absolue équivalent à un mois de loyer hors charges et taxes locatives pour les baux conclus à compter du 10/02/08 et équivalent à deux mois de loyer, charges et taxes locatives comprises pour les baux conclus avant le 10/02/08)41 Le montant de la prime annuelle est calculé sur le montant total des loyers, charges et taxes annuels à garantir, en appliquant un taux de prime qui était fixé alors à 1,80% TTC ou 2,50% TTC (taux de la taxe : 9%), selon si le contrat s’adresse à des propriétaires-bailleurs individuels ou bien, pour le taux le moins important, à des propriétaires-bailleurs ayant confié leur bien à un professionnel de l’immobilier. Les garanties s’exercent exclusivement en France et s’appliquent à la location de lots à usage d’habitation principale, aux garages loués accessoirement à l’habitation principale assurée et aux baux meublés. 41 A compter du 10 février 2008, le dépôt de garantie exigé au locataire a été ramené à 1 mois au lieu de 2 auparavant. La franchise appliquée en cas de détérioration immobilière étant « calée » sur le dépôt de garantie détenu par le propriétaire, celle-ci a donc évolué à la suite de la nouvelle législation entrée en vigueur en matière de dépôt de garantie. 21 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Dispositif à ambition sociale, le contrat a pour vocation de permettre de garantir les propriétaires qui acceptent de conclure un bail avec des locataires dont les critères de solvabilité ne répondent pas aux critères habituellement exigés par les bailleurs (que nous détaillerons en 2.3). Les entreprises d’assurances qui acceptent de proposer la souscription de ce contrat, reçoivent en contrepartie des compensations financières du 1% Logement ou de l’Etat (selon la catégorie des locataires). Le financement des indemnisations versées par l’entreprise d’assurance aux bailleurs est prioritairement assuré par la restitution par l’UESL, de la fraction des primes qui lui sont confiées et les produits financiers générés. Cette fraction de prime, dite prime pure, est définie forfaitairement à partir de la prime brute en déduisant une fraction représentative : - des frais de chargement (notamment commercialisation et gestion) - des frais de commission des courtiers et/ou des agents généraux - des taxes - d’une marge raisonnable Par conséquent, l’assureur qui adhère au dispositif conserve à ces titres, 33% de la prime brute et confie le reste soit 67%, au fonds GURL constituant ainsi la partie dite « prime pure ». Le solde du financement des indemnisations au titre des contrats est assuré par ce fonds spécifique (que nous détaillerons au chapitre 2.4) au titre des compensations dues par l’UESL à l’entreprise d’assurance. Enfin et dernière disposition particulière de la mécanique GRL : L’accompagnement social du locataire en cas d’impayé. En effet, une autre contrepartie de la finalité sociale du dispositif vise en cas d’impayé, à mettre en place une procédure de traitement adapté qui consiste à accompagner le locataire afin de l’aider à résoudre ses difficultés de paiement et lui permettre de rembourser sa dette en mesurant ses capacités de remboursement via un diagnostic budgétaire réalisé avec lui. En cas d’incapacité, une expertise sociale et financière doit être effectuée et peut donner lieu à un protocole social. 22 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 2.2 Les acteurs : Politiques, de pilotage et assurantiels Autour du dispositif, plusieurs acteurs sont présents et partagent des missions ainsi que des rôles différents et spécifiques. L’Etat Chargé d’organiser le cadre règlementaire et législatif du PASS-GRL, l’Etat définit également les critères d’éligibilité des publics dits « hors 1% logement » et assure la compensation financière pour ces publics. Or il est intéressant de savoir qu’au départ de « l’initiative GRL » telle que nous l’avons évoquée précédemment et jusqu'à octobre 2006 (avant que les textes législatifs aient cadré le dispositif), seuls les publics relevant de la cible du 1% logement étaient concernés, à savoir et principalement les salariés des entreprises privées soumises à la PEEC (Participation des Employeurs à l’Effort de Construction). Par conséquent, plusieurs catégories de la population française étaient exclues du dispositif comme par exemple, les fonctionnaires, les salariés agricoles, les étudiants non boursiers, les retraités, les chômeurs et les allocataires de minima sociaux. Fort de ce constat, le gouvernement De VILLEPIN42 s’empare du sujet et Jean-Louis BORLOO alors ministre du Travail et des Affaires sociales 43 , propose d’apporter un caractère Universel au dispositif GRL en finançant, les compensations qui ne relèvent pas des catégories financées par l’UESL. De cette façon, la convention du 20 décembre 2006 entre l’Etat et l’UESL que nous avons détaillée plus haut, voit le jour, avec les modalités de leurs responsabilités respectives relatives à la GRL. 42 43 Premier ministre français 31 mai 2005 – 15 mai 2007 Entre le 31 mars 2004 et le 15 mai 2007 23 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 L’Union d’Economie Sociale pour le Logement (UESL) A l’origine, l’UESL est une Fédération nationale des organismes gestionnaires du 1% Logement créée par la loi n°96-1237 du 30 décembre 1996, afin de représenter les intérêts communs de ses associés et de piloter la mise en œuvre des politiques nationales d’emploi des fonds du 1% Logement. Depuis le 2 décembre 2009, l’UESL est une société anonyme coopérative à capital variable, à conseil de surveillance paritaire et à Directoire et a pour associé : - les CIL44 et CCI45 collectrices dont la participation est obligatoire, - les organisations interprofessionnelles et représentatives au plan national de salariés (CFDT 46 , CFE-CGT 47 , CFTC 48 , CGT 49 , CGT-FO 50 ) et d’entreprises assujetties au versement de la PEEC (MEDEF51, CGPME52). L’UESL est administrée par un conseil de 15 membres, représentant à parts égales les associés collecteurs, élus par le Comité des collecteurs, les organisations syndicales d’employeurs associés et les organisations syndicales de salariés associés. l’UESL doit définir les modalités de la mise en œuvre du PASS-GRL et financer le dispositif pour les publics du 1% Logement. La déclinaison de cette mise en œuvre s’effectue par la mise en place : - d’une société de gestion : GRL Gestion - d’une association : l’APAGL (Association Pour l’Accès aux Garanties Locatives) 44 Comité Interprofessionnel pour le Logement – Association loi 1901 destiné à collecter auprès des entreprises les fonds du logement. 45 Chambre de Commerce et d’Industrie 46 Confédération Française Démocratique du Travail 47 Confédération Française de l’Encadrement – Confédération Générale des Cadres 48 Confédération Française des Travailleurs Chrétiens 49 Confédération Générale du Travail 50 Confédération Générale du Travail – Force Ouvrière. Plus communément appelé FO après sa scission avec la CGT en 1947. 51 Mouvement des entreprises de France 52 Confédération Générale du Patronat et des Petites et Moyennes Entreprises 24 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 GRL Gestion Société de gestion ayant le statut de SAS, filiale à 100% de l’UESL, qui assure la promotion et le développement du PASS-GRL, ainsi que la gestion opérationnelle du dispositif. Selon l’article 3 de la convention du 20 décembre 2006 entre l’Etat et l’UESL relative à la GRL, cette société de gestion : « signe avec toutes les entreprises d’assurances désireuses de proposer un contrat respectant le cahier des charges social, sur mandat de l’UESL, une convention prévoyant les modalités de fonctionnement du contrat qui permettent le versement des compensations ainsi que les modalités d’information et de contrôle nécessaires au bon fonctionnement du dispositif. Cette convention est conforme à une convention-type approuvée par le Conseil d’administration de l’UESL prise après avis simple des organismes professionnels représentatifs des entreprises d’assurance (leur silence gardé pendant un délai d’un mois valant décision implicite d’acceptation). Elle exerce les missions principales suivantes : - elle favorise la diffusion du contrat d’assurance contre les risques de loyers impayés auprès des propriétaires, courtiers, apporteurs d’affaires et professionnels de la gestion répondant aux dispositions légales en vigueur ; - elle assure la mise en œuvre du dispositif. A ce titre, elle assure notamment les fonctions suivantes : - conception et réalisation du processus de validation des « locataires éligibles » ; - interface entre les entreprises d’assurances et l’APAGL pour les opérations de traitement social et de recouvrement en cas de loyers impayés ; suivi des suites données aux déclarations de sinistres concernant les locataires éligibles ; - interface entre les entreprises d’assurances et l’UESL pour les opérations relatives aux compensations financières ; communication à l’UESL des éléments d’information nécessaires à l’UESL afin de lui permettre d’évaluer le montant de ses engagements de garantie ; communication à l’UESL des informations lui permettant de verser, via le fonds d’intervention, les compensations aux entreprises d’assurances ; - responsabilité de la distinction entre les flux comptables relevant de la prestation classique d’assurance et les flux comptables relevant des compensations susceptibles d’être apportées par le fonds spécifique de l’UESL, et parmi ces compensations, de celles faisant l’objet d’un remboursement de l’Etat ; gestion du suivi comptable des contrats des locataires éligibles, notamment la distinction entre « locataires éligibles 1% Logement » et « locataires éligibles hors 1% Logement » ; - suivi statistique du dispositif » 25 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 A la lecture de ces missions, on constate que cette structure de gestion a un rôle central dans le pilotage du dispositif GRL ; tellement central, alors que GRL Gestion n’est pas une entreprise d’assurances, que nous comprendrons pourquoi (dans la 2ème partie), cela a constitué un des éléments principaux qui a conduit à la réforme du dispositif seulement 2 ans après sa mise en place et à la disparition par conséquent, de cette structure ! L’Association Pour l’Accès aux Garanties Locatives (APAGL) Créée à l’initiative de l’UESL, l’APAGL dans la 1ère version du dispositif, est chargée de garantir la finalité sociale du dispositif, d’étudier ses effets, ses coûts et les conditions de son développement. De ce fait et sur saisine de la société de gestion (GRL Gestion), elle doit définir la nature des suites à donner aux déclarations de sinistres concernant les locataires en impayés et déterminer ainsi si ils bénéficieront d’un traitement social ou bien devront faire l’objet d’un recours et d’une procédure de recouvrement. Cet arbitrage s’appuiera sur « le terrain », par les compétences d’un partenaire agrée par l’APAGL (CIL/CCI ou association d’insertion par le logement) ; dans les faits, ce seront principalement les CIL qui assumeront cette mission dont l’objectif principal est d’éviter, dans la mesure du possible, toute procédure contentieuse grâce à un traitement à l’amiable. Ainsi, 3 étapes constitueront cette démarche amiable : - Le diagnostic social : Analyse de la situation sociale et budgétaire du locataire en impayé afin de déterminer sa capacité mensuelle de remboursement. - Le protocole d’apurement de la dette : Dès lors que la capacité de remboursement est suffisante, un plan d’apurement amiable est alors proposé au locataire comme suit : o Détermination des modalités de remboursement de la dette, o Contractualisation avec le locataire, o Mobilisation des aides du 1% Logement o Conseil et orientation éventuelle du locataire vers un organisme spécialisé. En cas de refus du locataire, le dossier est transmis à GRL Gestion pour recouvrement contentieux. 26 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 - Le diagnostic complémentaire : Si la capacité de remboursement est insuffisante, une analyse approfondie est réalisée pour aboutir à un protocole social avec engagement réciproque du locataire ; Le schéma ci-dessous illustre le mécanisme global 53 Locataire en impayé GRL Gestion APAGL Prescription par APAGL : recouvrement contentieux Si constat de mauvaise foi CIL/CCI de rattachement Diagnostic situation sociale et financière Recouvrement amiable de la dette Et/ou Traitement social POSSIBILITE DE RECOURS DU LOCATAIRE 53 Source APAGL 27 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 2.3 Les locataires : Règles de solvabilité et catégories La vocation du dispositif vise les candidats locataires ayant des difficultés à trouver un logement, compte tenu des critères usuels de solvabilité, ou à se maintenir dans leur logement. Par conséquent, certains critères ont été définis afin de cibler au mieux les bénéficiaires de la GRL et un système informatique permettait même d’obtenir en ligne, un passeport PASSGRL attestant de l’éligibilité du locataire. Règle de solvabilité : - Les locataires qui présentent un taux d’effort supérieur à 33% et dans la limite d’un plafond de 50% - Les locataires qui présentent un taux d’effort inférieur à 33% mais qui ne répondent pas aux règles usuelles de garanties demandées par les bailleurs et qui exigent par conséquent une caution personne physique ou morale ; notamment pour un salarié, ne pas justifier d’un CDI sans période d’essai en cours. - Plus globalement, tous les locataires dont le bailleur a exigé une caution personne physique ou morale. Catégories des locataires (deux principales): - Les locataires éligibles au 1% Logement relevant de l’UESL, locataire éligible à la garantie LOCA-PASS et tout locataire d’un logement du parc privé faisant l’objet d’une convention APL (Etat ou ANAH). Sont considérés relevant du 1% Logement : o Salariés des entreprises du secteur privé non agricoles, y compris les anciens salariés retraités depuis au moins cinq ans et les travailleurs saisonniers, sans critères d’ancienneté, et ce quels que soient leur ancienneté, la nature de leur contrat de travail et le nombre de salariés que comptent leurs entreprises. o Jeunes de moins de trente ans, en situation d’emploi ou de recherche d’emploi. o Etudiants boursiers de l’Etat. o Tout locataire du parc privé conventionné. - Les locataires hors 1% Logement relevant de l’Etat : o Fonctionnaires o Retraités depuis plus de 5 ans. o Professions indépendantes. 28 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 o Demandeurs d’emploi. o Jeunes de moins de trente ans, titulaire d’un emploi permanent de la Fonction publique o Etudiants non boursiers de l’Etat. o Salariés du secteur agricole. o Bénéficiaires des minima sociaux. Les locataires bénéficiaires du dispositif étaient alors dispensés de fournir une caution personne physique ou morale car dans le cas contraire, ils ne devenaient plus éligibles au dispositif (pour éviter justement le maintien de cet exigence par les bailleurs). Or ce principe a été finalement mal accueilli par les propriétaires et les professionnels de l’immobilier tel que nous le verrons dans le chapitre 3.2 et 3.3. Enfin, l’élargissement du dispositif aux locataires « en place » a été effectué à la demande du Ministère du Logement afin qu’ils puissent bénéficier, en cas de difficulté, des avantages du traitement social tel que prévu pour les locataires « entrants ». Le but a été de maintenir une égalité de traitement pour ces deux catégories de locataires, qui s’inscrit dans l’application du Plan de Cohésion Sociale, afin de répondre aux problématiques liées aux expulsions. La règle appliquée dans ce cas est la suivante : « Lorsqu’à la prise d’effet de la garantie, un bail est en cours concernant le bien visé ou déclaré à l’Assureur, la garantie ne saura acquise à l’Assuré que dans la mesure où : - le locataire est à jour du paiement de ses loyers, charges et taxes et/ou qu’aucun incident préalable de paiement ne l’aura opposé au Bailleur quelle qu’en soit la raison et ce, dans les six mois qui précèdent la prise d’effet de la garantie sur le lot concerné. On entend par incident de paiement, le non-règlement en tout ou partie de deux termes consécutifs de loyers dans les délais prévus au bail. Cette situation du locataire est une condition objective de prise d’effet de la garantie. »54 54 Extrait des Dispositions Générales du contrat d’assurance PASS-GRL de la DAS 29 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Le financement de l’indemnisation des sinistres : ne m’appelez pas Réassurance mais GURL ! 2.4 Comme nous l’avons vu précédemment, un des principes de fonctionnement particulier du dispositif tient par son mécanisme de compensation financière des indemnisations sinistres versées aux entreprises d’assurances. Pour cela, la création d’un fonds dédié appelé GURL55 a donc été prévu et instauré par la loi n°2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable (DALO) et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale. Celle-ci a permis de modifier les articles : - L.313-20 du Code de la construction et de l’habitation précisant : o « L’union d’économie sociale du logement dispose d’un fonds d’intervention, d’un fonds de soutien et d’un fonds dénommé fonds de garantie universelle des risques locatifs » o « Le fonds de garantie universelle des risques locatifs verse les compensations prévues au g de l’article L. 313-1. » o « En dehors des contributions des associés collecteurs et de toutes ressources de l’Union d’économie sociale du logement, le fonds de garantie universelle des risques locatifs est alimenté par une fraction des primes ou cotisations qui lui sont confiées par les organismes d’assurances qui proposent la souscription de contrats d’assurance contre le risque de loyers impayés respectant le cahier des charges sociales mentionné au g de l’article L.313-3. Il peut également recevoir des versements de l’Etat au titre des locataires que ce dernier prend en charge, dans des conditions fixées par convention entre l’Etat et l’union d’économie et sociale du logement, ainsi que des contributions volontaires des collectivités territoriales ou de leurs groupements. » - L.310-12 du code des assurances qui précise que l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles 56 « contrôle le fonds de garantie universelle des risques locatifs mentionné à l’article L. 313-20 du code de la construction et de l’habitation. » 55 Garantie Universelle des Risques Locatifs L’Autorité de Contrôle des Assurances et des Mutuelles (ACAM) a fusionné avec la Commission Bancaire en 2010 pour devenir l’Autorité de Contrôle Prudentiel (ACP) 56 30 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Par conséquent, les entreprises d’assurances qui adhèrent au dispositif GRL se voient offrir une compensation au titre de la sur-sinistralité à laquelle les exposerait normalement la couverture des risques d’impayés de loyers dit « classique ». Notons ici, que cette notion de sur-sinistralité est arbitraire puisque fixée sur un ratio sinistres/primes identique pour tous les assureurs. Chaque assureur ayant pourtant, des frais et des charges distincts définissant leur propre niveau de marge, cette sur-sinistralité n’est alors pas appréhendée de la même façon selon les entreprises d’assurances. Ces compensations sont alors versées par le Fonds GURL dont les modalités pratiques sont fixées par les conventions de gestion conclues entre chaque assureur adhérant au dispositif et GRL Gestion, et détermine les point suivants : - L’assureur adhérent perçoit une prime dite « prime brute » de la part de l’assuré. - L’assureur adhérent conserve 33% de cette prime au titre de sa rémunération pour le chargement, des frais de commission des intermédiaires, des taxes et d’une « marge raisonnable » qui correspond à la rémunération de l’Assureur. - L’assureur adhérent confie une fraction de la prime brute à hauteur de 67% au fonds GURL et dénommé « Prime Pure ». - Le financement de l’indemnisation des sinistres est assuré par l’UESL : o Prioritairement par la restitution de tout ou partie des « primes pures » confiées par l’assureur adhérent au Fonds GURL ainsi que par les produits financiers tirés du placement de ces primes ; o Eventuellement par une compensation versée « sous forme d’avance au début de chaque période et sous forme de solde à la fin de chaque période. Cette compensation est assurée par un fonds spécifique au sein du Fonds GURL et financée par le 1% Logement ou par l’Etat qui aura été abondé en 2007 pour un montant de 100 millions d’euros. Cette compensation garantit à l’assureur adhérent, aux termes des conventions de gestion conclues par les assureurs adhérents avec GRL Gestion, que le rapport sinistre sur prime par exercice de survenance n’excède pas 67%. En effet, si la sinistralité dépasse 67%, le fonds prend en charge l’excédent ; dans le cas contraire, les assureurs se voient restituer la différence entre 67% et le taux constitué en fin de liquidation qui peut s’apparenter à une participation aux résultats. 31 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Par conséquent, le principe général de fonctionnement des relations entre les assureurs et l’UESL peut être décrit par équivalence avec le schéma existant dans le cadre de la réassurance, quote-part à 100% avec participation aux résultats : Chaque assureur cède l’intégralité de la prime perçue, avec versement par l’UESL d’une commission d’apporteur de 33% de la prime et en date d’inventaire d’une participation aux résultats. Mais la comparaison avec la réassurance s’arrête là surtout si nous portons notre attention sur deux points cruciaux : - La rémunération : A l’instar de Picard et Besson qui considèrent que la réassurance consiste en « un contrat par lequel un réassureur, vis à vis d’un assureur professionnel qui répond seul et intégralement vis à vis des assurés des risques par lui assumés, prend en charge, moyennant la rémunération, tout ou partie de ces risques, s’engageant à lui rembourser, dans des conditions déterminées, tout ou partie des sommes dues ou versées aux assurés à titre de sinistre. »57, il doit être considérée la question de la rémunération de l’UESL en tant que réassureur des entreprises d’assurances adhérentes au dispositif ? Et là, force est de constater que la rétrocession de la prime versée par l’assureur à l’UESL (67% de la prime brute) ne s’apparente pas à une rémunération puisque cette rétrocession vise à alimenter uniquement le Fonds GURL. - La directive de la Commission Européenne : Aux termes de son article premier, 1, d) qui précise que la réglementation ne s’applique pas « à une activité de réassurance exercée ou totalement garantie par le gouvernement d’un Etat membre agissant, pour des raisons relevant d’un intérêt public important, en qualité de réassureur en dernier ressort, y compris lorsque ce rôle est rendu nécessaire par une situation où il est impossible d’obtenir une couverture de réassurance adéquate par le marché. » La démonstration faite ici, permet aisément de limiter la comparaison avec la réassurance dont le terme a été emprunté simplement pour illustrer le mécanisme du financement de l’indemnisation des sinistres. Rappelons d’ailleurs que la modification de l’article L. 313-20 du code de l’habitation et de la construction apportée par la loi n°2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable précise bien que le versement des compensations mentionnées au g de l’article L. 57 Picard et Besson, Les assurances terrestres, 1982, p.26 32 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 313-3 ne « constitue pas une activité de réassurance au sens de l’article L. 310-1-1 du code des assurances. Pour clôturer ce chapitre consacré au fonctionnement de la GRL 1ère version, voici un schéma proposé par Macifilia58 résumant schématiquement le fonctionnement du dispositif : 58 Compagnie d’assurance filiale de la MACIF spécialisée dans les risques de loyers impayés 33 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 3 La souscription 3.1 Assureurs partenaires Sans avoir encore pris le soin de nous arrêter spécifiquement sur ce point, nous avons bien compris jusqu’ici, que le dispositif GRL est un dispositif assurantiel qui repose sur un partenariat avec les entreprises d’assurances. A ce titre, l’article 3 du décret n°2007-92 du 24 janvier 2007 rappel que : « Sont éligibles aux compensations prévues au g de l’article L. 313-1 du code de la construction et de l’habitation les contrats d’assurance proposés par une entreprise d’assurance disposant d’un agrément, tel que défini à l’article L. 321-10 du code des assurances, de la branche 16… » De cette façon, le conseil d’administration de l’UESL a adopté, une convention type de gestion59 pouvant être signée entre la SAS GRL Gestion et toute entreprise d’assurance qui souhaite proposer le contrat d’assurance PASS-GRL. Cette convention type prévoit « l’architecture de ce contrat » afin de respecter les spécificités du dispositif, étant rappelé que ce contrat reprend, dans les grandes lignes, les dispositions des contrats proposant des garanties de loyers impayés. Car il convient de rappeler à ce stade, que le dispositif calé sur le fonctionnement des contrats de loyers impayés « classiques » s’adresse donc aux entreprises d’assurances opérant déjà sur ce marché. Or celui-ci est resté depuis son apparition dans le début des années 80, un micromarché considéré de « niches » 60 et qui représentait en 2004, 0,04% du marché de l’assurance (100 millions d’euros environ)61 ainsi qu’un taux de pénétration qui stagne depuis son développement au milieu des années 90 entre 10 et 15%. Les compagnies présentes alors sur ce segment sont, pour les plus significatives : - CORNHILL France devenu MACIFILIA - L’EQUITE62 - AXA - ADS (Assurance du Sud)63 59 Annexe n°1 Selon une estimation de la FFSA, 800.000 logements sont assurés en GLI fin 2010 61 Donnée interne GRL Gestion obtenue auprès de la FFSA 62 Filiale de GENERALI 63 Filiale du Crédit Mutuelle 60 34 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 - CGI Assurances64 - SADA Assurances65 - DAS66 - GAN EUROCOURTAGE67 - CIAM68 - ACM69 Ces dernières ont bien entendu été les premières à être sollicitées pour adhérer à la GRL, mais très peu ont répondu favorablement à leur entrée dans le dispositif, comme nous le verrons au chapitre 3.4. La GRL constituait-elle alors une opportunité pour ces entreprises d’assurances ou bien représentait-elle une menace ? C’est ce que nous tenterons d’expliquer tout au long du chapitre 4. 3.2 Les propriétaires-bailleurs Deux préoccupations majeures occupent les propriétaires-bailleurs : Recevoir tous les mois et à bonne date les loyers constituant leurs revenus locatifs, ainsi que récupérer lors du départ du locataire, un bien en bon état. Bien évidemment et à l’inverse, si un impayé de loyers ou une dégradation du bien loué peuvent avoir des conséquences financières dommageables pour le propriétaire-bailleur, cela n’est pas pour autant supporté de la même façon selon le type de propriétaire. D’un côté nous trouvons, les propriétaires-bailleurs « opportunistes » engendrés par la succession des différents régimes de défiscalisation de ces quinze dernières années70qui ont incité aux investissements immobiliers. Ces propriétaires ne possèdent généralement qu’un ou deux lots et leur endettement (lié à cet investissement) supporte mal le préjudice d’une perte de loyer ou d’une détérioration immobilière, financièrement très dommageables. De l’autre, une catégorie de propriétaire plus aisés et moins endettés dont la priorité est la recherche d’une « bonne » rentabilité de l’investissement locatif. Ceux-là supportent plus facilement une perte de loyer et peuvent accepter un risque (ne pas se couvrir par une assurance de perte de loyers) s’il permet d’accroître la rentabilité de leur investissement. 64 Filiale assurance de la Caisse de Garantie de l’Immobilier (CGAIM) Filiale du groupe allemand DEVK 66 Filiale de MMA 67 A cessé la souscription de GLI en 2008 68 Caisse Industrielle d’Assurance Mutuelle 69 Assurance du Crédit Mutuelle 70 Perissol de 1996 à 1999, Besson de 2000 à 2002, Robien de 2003 à 2005, Borloo de 2006 à 2008 et Scellier depuis 2009 65 35 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 C’est entre ces deux catégories que la garantie des loyers impayés est parfois « écartelée » puisque si elle répond assez bien aux attentes de la première catégorie, son coût réduit parallèlement la performance que recherche en priorité la deuxième, malgré un taux de prime raisonnable71 et une incitation fiscale !72 Néanmoins, l’accroissement des évènements aléatoires autour des locataires tels que baisse du pouvoir d’achat, mutation professionnelle, perte d’emploi, cessation d’activité, séparation, divorce, maladie, décès… entraînent des conséquences que tout propriétaire cherche avant tout, à éviter. De plus et comme nous l’avons vu un peu plus tôt, les délais des procédures contentieuses s’allongent et alourdissent d’autant les préjudices financiers des bailleurs. La sécurisation des revenus du propriétaire-bailleur facilite alors les conditions exigées lors de la souscription du bail. En dehors des dispositifs d’aide aux locataires (dont certains sont évoqués dans le chapitre 1) les contrats d’assurance de loyers impayés répondent à cet objectif de sécurisation des revenus en offrant une garantie de loyer, une indemnisation en cas de détérioration et une couverture pour les frais de contentieux. Par conséquent elle facilite d’une certaine façon, l’accès au logement… Et c’est principalement dans ce contexte et sur cet axe que la GRL s’adresse aux propriétaires-bailleurs. Toutefois, elle introduit une notion supplémentaire auprès de ces derniers que les garanties de loyers impayés n’abordent absolument pas : La « solidarité sociale ». Notion qui, selon l’UNPI,73 n’a pas été réellement prise en considération par les propriétaires qui considèrent que cette mission ne leur incombe pas, mais relève des responsabilités de l’Etat. La problématique du logement, au regard des droits et devoirs qu’elle implique, et précisés par le législateur, n’est-elle pas une mission régalienne ? 71 En moyenne autour de 2% du quittancement des loyers pour les contrats souscrits par un professionnel de l’immobilier et autour de 3% pour un propriétaire-bailleur individuel 72 La prime est 100% déductible des impôts conformément à l’article 31 du Code Général des impôts. En cas de logement conventionné, un crédit d’impôts de 50% du montant de la prime peut être obtenu selon l’article 32 du Code Général des impôts. 73 Union Nationale de la Propriété Immobilière – Avis recueilli lors de l’interview du 30 novembre 2011 de Jean PERRIN (Président de l’UNPI) 36 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 3.3 Les professionnels de l’immobilier Les professionnels de l’immobilier ont très vite, représenté un axe stratégique pour le développement du dispositif GRL. En effet, les lots gérés en gestion déléguée auprès des professionnels représentent environ 40% de la totalité du parc privé soit 2,6 millions de logements.74 Or c’est sur cette partie du parc privé, qu’est assurée la grande majorité des 800.000 lots car seuls 3% du parc géré en direct par les bailleurs, sont garantis, soit environ 100.000 lots. Toutefois et pour mieux comprendre les limites de l’accueil des professionnels de l’immobilier pour la GRL, il convient de s’attarder quelques instants sur les missions de cette profession et son « attachement » aux assurances de loyers impayés « classiques ». La profession d’administrateur de biens (comme celle des agents immobiliers) est réglementée par la loi du 2 janvier 1970 relative à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, dite « loi Hoguet ».75 L’ADB, mandataire, doit justifier d’un ensemble de garanties légitimant son aptitude en justifiant d’un certain niveau d’études / de diplômes ou une expérience suffisante et spécifique dans le domaine de l’immobilier ainsi que disposer d’une garantie financière et d’une assurance de responsabilité civile et professionnelle. Dans ses différentes missions auprès de son mandant76, il est redevable d’un devoir de conseil qui peut relever de sa responsabilité civile en cas de faute et de préjudice causés en cas de manquement. Par conséquent, la recherche, la sélection et la mise en place d’un locataire peut constituer une source de litige entre le professionnel de l’immobilier et le propriétaire-bailleur lorsque le locataire ne satisfait pas à ses obligations. C’est dans ce cadre que l’assurance des loyers impayés s’est développée chez les professionnels de l’immobilier avec néanmoins, un cheminement bien spécifique. Au début de la commercialisation de la GLI 77 et pendant de nombreuses années, cette assurance était souvent considérée par les professionnels de l’immobilier comme 74 Donnée FFSA – Diagnostic et préconisations des assureurs sur le dispositif GRL2 - 2010 Loi N°70-9 du 2 janvier 1970 – Décret d’application n°72-678 du 20 juillet 1972 76 Dans le cas qui nous intéresse ici, le mandant est le propriétaire-bailleur (le mandant peut-être aussi par exemple un syndicat des propriétaires lorsque l’administrateur de biens est gestionnaire d’immeuble) 75 37 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 « antinomique » avec une de leur mission première : La mise en œuvre de tous les moyens pour s’assurer que le locataire présente les éléments de solvabilité suffisants en vue du bon paiement de son loyer. Souscrire un contrat de groupe contre le risque d’impayé en vue de proposer à son bailleur une assurance contre ce risque, était alors parfois considéré comme un avoue d’incompétence ! Puis, la mise en cause de la responsabilité de certains professionnels en cas d’impayés fondée, non pas sur une faute lors de la vérification de la solvabilité du locataire, mais sur la non présentation d’une solution d’assurance de loyers impayés pour couvrir les évènements non prévisibles amenant à l’impayé (cités au paragraphe précédent), ont quelque peu conduit progressivement à une appétence plus naturelle pour ces garanties. L’objet du contrat d’assurance de loyers impayés (contrat d’assurance à part entière) étant bien de couvrir un risque aléatoire, l’évènement qui ne peut être prévu par le professionnel peut alors être couvert par ce contrat qui complète parfaitement, sa mission. Enfin, les « honoraires complémentaires » de gestion adossés au contrat d’assurance et prélevés par un grand nombre d’administrateurs de biens, constituent une rémunération supplémentaire à laquelle se sont attachés bon nombre d’entre eux. D’autant que celle-ci est facilitée par les taux avantageux consentis aux contrats groupe (par opposition aux contrats individuels) ainsi qu’à l’individualisation des taux proposés par les entreprises d’assurances, selon : - l’historique des impayés du cabinet, - du nombre de lots déjà assurés (en cas de remplacement du contrat) - du nombre de lots gérés (représentant le potentiel assurable) qui permet à certains professionnels de ne pas être totalement transparents sur le taux de prime « acheté » et donc de la rémunération complémentaire que la prime d’assurance constitue pour lui. Nous verrons dans le chapitre 4.2, et selon ce qui précède, en quoi la GRL ne répondait pas aux attentes des professionnels et a constitué un frein important à son développement. 77 Garantie de Loyers Impayés 38 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 3.4 Les premiers résultats Au 31 mars 2008, soit après 8 mois d’activité (considérant que le déploiement du dispositif a démarré 8 mois après la signature de la convention du 20 décembre 2006 entre l’UESL et l’Etat), les résultats semblent, selon les données avancées par l’APAGL, plutôt prometteurs : - 100.000 logements sont assurés par l’intermédiaire des professionnels de l’immobilier répartis sur : o 650 contrats cadre qui ont été signés par ces mêmes professionnels de l’immobilier o 2.500 contrats signés par des propriétaires particuliers - 30.900 passeports PASS-GRL ont été émis sur l’ensemble des départements français - Plusieurs associations, collectivités locales et opérateurs nationaux ont adhéré. - 97 collecteurs du 1% sur 11678 ont été agrées par l’UESL pour effectuer le traitement social du dispositif. - 8 compagnies d’assurances ont signé une convention de gestion : o Swiss-Life o Brit Insurance (Lloyd de Londres) o DAS (Groupe Mutuelle du Mans) o CAMEIC o CGI Assurance o C.F.D.P (Compagnie Française de Protection Juridique) o PROTEXIA (AGF) o SADA o SOLUTIA (Groupe APRIL) - 7 conventions de partenariat avec des courtiers ont été régularisées : o Solly-Azar (Groupe VERSPIEREN) o Cabinet SEGAP o Cabinet BESSE IMMOPLUS o Cabinet 2MR 78 Avant la réforme du 1% Logement qui réduira le nombre de CIL à 21 en 2010 39 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 o VERSPIEREN o Cabinet Lyonnaise de Garantie o S.A.A (Suffren Assurances Associés) Sur la page suivante, nous trouverons deux schémas qui représentent la répartition des contrats ouverts par compagnie et selon la nature des bailleurs (individuels ou via ADB)79 : 79 Source GRL Gestion 40 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Répartition du nombre de contrats ADB par assureurs communiquée au 12/09/2008 CFDP 134 SADA 84 LG 160 Brit Insurance 136 CFDP SADA CGIA 422 CGIA Cameic April DAS Brit Insurance LG DAS 952 Cameic 252 April 111 Répartition du nombre de contrats bailleurs isolés par assureurs communiquée au 12/09/2008 264 976 76 57 CFDP Cameic April DAS Brit Insurance 5284 41 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 De leur côté, les courtiers en assurances qui distribuaient les produits GLI des principales compagnies se sont dans l’ensemble, tous intéressés à la GRL dans une double logique : - D’intermédiaire qui doit pouvoir répondre aux besoins et attentes de ses clients face à un nouveau produit - Concurrentielle pour ne pas prendre le risque de se faire « distancer » sur ce qui pouvait constituer un nouveau marché. Ils ont d’ailleurs et à ce titre, exercé une certaine pression auprès de leurs partenaires assureurs habituels pour que ces derniers rejoignent le dispositif GRL afin de leur permettre de distribuer le PASS-GRL. Bien que pour ceux, spécialisés dans le domaine de la GLI et bénéficiant de délégation de gestion des compagnies, perdaient avec la GRL, leur délégation ainsi que la rémunération qui l’accompagne, puisque seul GRL Gestion était habilitée à gérer les sinistres. 42 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Les attentes et les limites d’un système controversé 4 4.1 Objectifs et limites de croissance du système Bien que ces chiffres paraissent de prime abord très encourageant, il convient néanmoins de les regarder un peu plus en détail pour en permettre une analyse plus pertinente et de comprendre les limites du dispositif dans sa première version. Premièrement, si la progression a certes était très rapide, elle n’a pas connu la même ascension dans les mois qui ont suivi, laissant place à une quasi-stagnation jusqu’à la réforme du dispositif en décembre 2009.80 Les objectifs étaient néanmoins ambitieux, souhaitant atteindre en 2010 : - 2 millions de contrats PASS-GRL - 50.000 logements du parc privé remis sur le marché - Une réduction de 50% du nombre des procédures contentieuses Ces chiffres ne seront jamais atteints avec le PASS-GRL puisque une réforme du dispositif en arrêtera son développement fin 2009 (que nous détaillerons dans la 2ème partie) ; malgré tout la GRL2 qui suivra ne permettra pas non plus d’atteindre ces objectifs. Tout d’abord et sur les 100.000 lots annoncés assurés au 31 mars 2008, 70 000 le seront réellement à cette date et précisons qu’à peu près 38.000, ont été constitués à la suite de la bascule, par un important administrateur de biens, de son portefeuille déjà assuré en GLI. Lorsque la GRL1 s’arrêtera fin 2009, c’est 130.000 lots qui seront finalement assurés. Sur les 650 contrats cadre81 mis en place, en réalité beaucoup d’entre eux semblent avoir été ouverts sans pour autant être alimentés ou dans de très faibles proportions. Par exemple, le cabinet VERSPIEREN avait ouvert en 2008 396 contrats pour ses clients constituant 1.192 lots assurés soit 3 lots par contrat ! 80 Au 30 septembre 2009, 2253 contrats auprès des ADB avaient été signés, soit quasiment 30% du marché des ADB. Pour autant, le nombre de lot n’a pas réellement progressé, les nouveaux contrats ouverts étant très peu alimentés. 81 Un contrat cadre dans ce contexte, est un contrat proposé à un professionnel de l’immobilier pour lui permettre d’assurer plusieurs lots dont on lui a confié la gestion. On parle aussi de contrat « à aliment » 43 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Les 2.500 contrats signés par les propriétaires-bailleurs individuels semblent significatifs mais ne permettent pas d’envisager d’atteindre un objectif conséquent s’agissant principalement de propriétaires possédant en grande majorité qu’un seul lot. A ce titre, notons qu’une campagne d’information sur le PASS-GRL a vu le jour en avril 2008, principalement dans la presse et sur les ondes radios afin de promouvoir le dispositif auprès du grand public. Du 7 au 30 avril 2008, 2 spots radios ont été diffusés avec les accroches suivantes : - « un appartement inoccupé, ça ne sert à rien ni à personne » - « Propriétaires, il est temps de prendre de vrais locataires ». Fin septembre 2008, environ 6.600 contrats82 avaient été signés par les propriétaires-bailleurs individuels ; la compagne d’information « grand public » n’a semble-t-il pas eu l’écho escompté. Doit-on s’en étonner lorsque les locataires sont, en quelque sorte, représentés par des araignées ou des souris ?! Concernant les passeports PASS-GRL83, si 30.900 ont été émis, cela signifie que seulement 1/3 des 100.000 lots assurés l’ont été dans le cas d’un nouveau locataire entrant. On peut alors constater qu’une des missions de la GRL consistant à favoriser l’accès au logement, n’a pas été la plus significative du dispositif puisque les 2/3 ont concerné des locataires déjà en place. Ce chiffre est d’ailleurs peut-être plus important car un passeport émis ne signifie pas forcément que son bénéficiaire, le locataire, a été automatiquement retenu par le bailleur. Toutefois, la volonté se situait aussi pour l’Etat, dans une volonté d’éviter au maximum les expulsions consécutives à un impayé de loyer et en cela, l’adhésion en GRL devait être massive en concernant également, les locataires déjà en place ! Cependant et face à la résistance des assureurs sur ce point, l’Etat fera « marche arrière » quelque mois plus tard et la croissance de la GRL ne se fera que « locataire entrant par locataire entrant », limitant ainsi son développement. Côté assureur, si on peut recenser 9 compagnies ayant régularisé une convention avec GRL Gestion, leur participation n’est pas pour autant équitable et non significative pour certaines d’entre elles. Plus précisément, on constate que : 82 83 Source GRL Gestion Le Passeport GRL est le document obtenu par le locataire via internet et qui justifie son éligibilité au PASS-GRL 44 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 - 61% des contrats d’assurance sont diffusés par une seule compagnie, DAS - 27% Par une seconde, Brit Insurance (principalement pour les contrats dédiés aux particuliers) - Le reste soit 12%, par 3 autres compagnies ; les 4 autres compagnies n’ont pas (ou très peu) diffusé de contrats d’assurance en GRL ! De plus, il est intéressant de noter que parmi les compagnies d’assurances principales présentes sur le marché des loyers impayés et que nous avons citées au paragraphe 3.1, seule DAS et CGI Assurances ont rejoint le dispositif GRL, ce qui ne peut pas être perçu comme une reconnaissance massive des assureurs sur ce sujet. 4.2 Conséquences et imbrications avec un « vrai » dispositif assurantiel : la GLI Nous avons vu un peu plus tôt (chapitre 3.3) que le développement de la GLI a été très progressif avec un déploiement finalement limité. Pour autant et chez les professionnels de l’immobilier, la GLI a fini par occuper une place légitime dans les services proposés et facturés à leurs mandants. Elle répond ainsi à leur devoir de conseil sans faillir à leur mission et constitue, pour certains d’entre eux, une rémunération complémentaire. Sur ces deux aspects, le PASS-GRL est rapidement apparu inconciliable : Concernant la rémunération, il semblait difficile à la partie de la profession facturant des honoraires complémentaires de gestion, d’en faire autant sur un dispositif où les taux étaient identiques pour tous (1,80% pour les contrats de groupe) et donc connus par les propriétairesbailleurs. Car si normalement, les honoraires complémentaires adossés à la GLI sont identifiables84, il règne très souvent une confusion entre ce qui relève de la prime d’assurance et des honoraires de gestion (cf. note de bas de page 73). Avec le PASS-GRL, les honoraires 84 Pour les contrats dit « pour compte » qui correspondent à un contrat souscrit par l’administrateur de biens dans lequel le propriétaire est considéré comme « tiers » au contrat et identifié comme le bénéficiaire de l’indemnisation. A l’inverse et pour les contrats dits « ducroires », le bénéficiaire est également le souscripteur, le propriétaire n’apparaît donc pas. Dans ce cas, le schéma consiste à n’assurer que le mandataire afin de lui permettre d’indemniser son mandant dans le cadre d’un mandat de gestion où il s’est engagé à prendre en charge les impayés. Ici, il ne facture donc pas une prime d’assurance mais un service (soumis à TVA contrairement à la prime d’assurance qui contient déjà une taxe de 9%) qu’il intègre sans distinction avec ses honoraires de gestion. Toutefois ce schéma est parfois appliqué par certains professionnels de l’immobilier souscripteur d’un contrat « pour compte » et qui mal informé, applique ce modèle où la prime d’assurance n’est donc plus transparente pour le bailleur. 45 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 complémentaires de gestion deviennent de fait, facilement identifiables et requièrent d’être justifiés. Sur le deuxième aspect, les choses paraissent quelque peu plus complexes. En effet, si la GRL permet de couvrir l’impayé de loyers, la question de l’aléa constituant cet impayé peut être débattue. Nous avons rappelé au chapitre 3.3, que la GLI s’inscrit parfaitement dans la mission de l’ADB qui cherche par tous les moyens à limiter les risques d’impayés, de détérioration et de tous litiges en général entre le bailleur et son locataire. La GLI permet dans ce cadre, de couvrir ce qui ne peut être prévu par l’ADB et notamment les événements incidentels relevant de l’aléa. Or c’est précisément sur ce point que la GRL a dès le départ fait débat : Elargir les règles de solvabilité des locataires permettant notamment un taux d’effort de 50%, ne revient-il pas à faciliter l’accès à un logement qui va représenter une charge non supportable par le locataire ? Accepter un dossier sans la caution d’un proche, lorsque la situation professionnelle du candidat locataire n’est pas pérenne (CDI en période d’essai, CDD, Intérim etc…), permet-il encore à l’ADB de réellement maîtriser le risque dans le cadre de ses obligations professionnelles ? A ce titre, la GRL ne positionnerait-elle pas l’ADB, en défaut au regard des dites obligations professionnelles ? Et dans ce cas, quid de sa Responsabilité Civile et Professionnelle ? A ces questions, une partie des acteurs de la profession ont considéré que la GRL, à minima, dévalorisait leur mission ! De la même façon, le passeport obtenu par les locataires a souvent été considéré par les professionnels de l’immobilier comme un « droit au logement » à durée indéterminée auquel il était difficile de s’opposer et qui remettait en question le libre choix du professionnel. La GLI de son côté, construite sur des règles de solvabilité correspondant aux critères habituellement exigés par les ADB et les propriétaires, ne remet pas en question ces principes et maintient la maîtrise du choix. 46 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Pour se développer, un contrat d’assurances peut-il changer les règles observées par son souscripteur sans prendre le risque de ne plus répondre aux besoins de celui-ci ? La GLI dans une logique assurantielle, tente d’apporter une solution aux besoins du souscripteur ou de l’assuré, en couvrant un risque à la condition que ce dernier s’assure d’un minimum de moyen pour l’éviter. La GRL, dans sa vocation sociale, cherche avant tout à atténuer les conséquences pécuniaires d’un « risque » pour inciter l’assuré à le prendre ! D’une autre façon et dans le 1er cas, on délivre une couverture d’assurance parce que certaines actions ont été menées afin d’en limiter le risque. Dans le second, on délivre une couverture d’assurance en contrepartie d’un risque à prendre… 4.3 Les limites d’une intervention publique dans un marché privé de libre concurrence Une question principale autour du dispositif consiste à se demander comment considérer la libre et équitable concurrence sur le marché assurantiel, entre un produit financé en partie par des fonds publics et un produit économiquement indépendant qui offrent tous les deux les mêmes garanties et répondent au même besoin pour l’assuré, de sécuriser ses revenus locatifs ? D’autant plus lorsque le coût pour le premier se situe dans la fourchette basse de coût du second ? Peut-on également considérer qu’il y a entente anticoncurrentielle dès lors que les taux de prime sont préalablement fixés en retenant un principe de tarification unique ? Sur ce dernier point, rappelons que le Fonds GURL assure la compensation de la sursinistralité lorsque le rapport S/P dépasse 67%. Mais ce rapport est calculé sur la base d’un niveau de prime de 2,50% pour les contrats dédiés aux bailleurs individuels et de 1,80% pour les contrats de groupe. Cela signifie que les assureurs qui fixeraient une prime inférieure à celles-ci (fixées par l’UESL), devraient assumer eux même les risques et les coûts de cette réduction. Or et si on se souvient des critères de solvabilité particulièrement élargis en comparaison à ceux appliqués dans les contrats de loyers impayés classiques, on peut alors considérer que la prime fixée en GRL constitue une prime « minimale » qui peut représenter 47 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 en vertu des règles communautaires de la Commission Européenne, 85 une restriction de concurrence caractérisée. De même, les assureurs adhérents à la GRL ont tous appliqué logiquement cette prime « minimale » qui pourrait s’apparenter à un alignement des prix et ainsi à une entente illicite ! Toutefois, les assureurs étant libres de distribuer ou non le dispositif, la restriction de concurrence et l’entente paraissent moins évidentes. Reste pour les compagnies qui ne souhaitent pas entrer dans le dispositif, un risque de concurrence déloyale qui pourrait être défendue par ces dernières dès lors que leur calcul du risque sur ce marché, se situe sur la base d’un taux de prime supérieur à 1,80%. Toutefois, cette notion de concurrence a-t-elle réellement un sens dès lors qu’on élève le débat à une notion de protection des bailleurs ? Sur ce point, la GLI distribuée par une entreprise d’assurance disposant de la branche 16, 86 est-elle la seule solution ? Certains comme FONCIA, 87 ont par exemple mis en place des garanties couvrant leurs propriétaires-bailleurs, sans que cela soit cadré par le code des assurances. La GRL aurait d’ailleurs pu être élaborée sur la base d’un Partenariat Public-Privé autre qu’assurantiel. Néanmoins la GRL étant un produit d’assurances, impose alors d’ellemême et en ce sens, le problème de concurrence. Car enfin, notons qu’un vrai risque de cannibalisation de la GLI par la GRL existait et que l’ambition de la GRL a certainement été au départ, d’investir un marché finalement peu couvert par la GLI et ainsi plus rapidement « généralisable ». Deux facteurs permettent d’étayer cette hypothèse : 85 Article 4 du règlement communautaire N° 2790/1999/CE Les assureurs, qu’il s’agisse des entreprises d’assurances, des mutuelles ou des institutions de prévoyance, doivent, pour être autorisés à exercer des opérations d’assurances, recevoir un agrément administratif de la part d’organismes représentants de l’Etat. L’agrément doit être délivré branche par branche aux organismes d’assurance, pour que ces derniers puissent commercialiser des contrats dans les branches où ils sont légalement autorisés à opérer. La branche 16 correspond à l’activité Pertes pécuniaires diverses comprenant : a)Risques d’emploi ; b)Insuffisance de recettes (générales) ; c)Mauvais temps ; d)Pertes de bénéfices ; e)Persistance de frais généraux ; f)Dépenses commerciales imprévues ; g)Perte de la valeur vénale ; h) Pertes de loyers ou de revenus ; i)Pertes commerciales indirectes autres que celles mentionnées précédemment ; j)Pertes pécuniaires non commerciales ; k)Autres pertes pécuniaires. 87 FONCIA, constitué d’un réseau d’environ 600 agences, est un groupe leader dans les services immobiliers résidentiels depuis plus de 35 ans. 86 48 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 - L’éligibilité au dispositif de tout locataire à qui il était exigé une caution. Par ce mécanisme simple à justifier, n’importe quel locataire nonobstant ses critères de solvabilité, devenait éligible et pouvait ainsi bénéficier du PASS-GRL. - L’élargissement du dispositif aux locataires « en place » effectué à la demande du Ministère du Logement afin de faire bénéficier à ces derniers et comme pour les locataires « entrants », des avantages du traitement social en cas d’impayé. Un but louable si il ne permettait pas dans le même temps, des bascules complètes de portefeuilles déjà assurés en GLI, sur les contrats GRL. Toutefois cette « volonté » d’investir le marché de la GLI ne paraît totalement anormale si on considère que le dispositif devait impérativement, pour être pérenne, trouver une mutualisation suffisante. Sa coexistence avec la GLI pouvant le cantonner à un risque ciblé et certain, ne répondant plus aux critères même d’un dispositif assurantiel. Devant l’ensemble de ces raisons, l’imbrication avec la GLI semblait dès le départ, impossible ! Sur un modèle assurantiel cherchant une mutualisation saine, il pouvait difficilement coexister deux dispositifs… C’est d’ailleurs sur ce constat, entre autres, que la réforme du dispositif a cherché une approche différente que nous détaillerons dans la 2ème partie. 4.4 La position de la FFSA88 et du GEMA89 Tout au long de la mise en place de la GRL, les rôles de la FFSA et du GEMA ont certainement évolué. D’abords ouvertes à la discussion et favorables pour participer à la mise en place du dispositif, ces instances ont au final, pris une position visant à déconseiller formellement aux entreprises d’assurances et aux mutuelles d’entrer dans le dispositif. 88 89 Fédération Française des Sociétés d’Assurances Groupement des Entreprises Mutuelles d’Assurances 49 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Le premier élément qui a conduit ce cheminement de position est très certainement l’aspect concurrentiel de la GRL sur le marché des garanties de loyers impayés visant les locataires ne se trouvant pas dans une situation « fragile ». Comme nous l’avons vu un peu plus haut, l’éligibilité des locataires « en place » ainsi que ceux à qui il est simplement exigé une caution, empiète sur un marché qui ne devait normalement pas être visé par la GRL. Car la FFSA ne manquera jamais de rappeler son attachement au maintien d’une libre concurrence entre les assureurs sur ce marché. En tant que représentants des entreprises d’assurances, la FFSA et le GEMA, ont ainsi régulièrement demandé aux pouvoirs publics90, une définition précise et officielle du domaine d’intervention de GRL Gestion. En second, le traitement prudentiel des flux financiers entre les différents intervenants a également posé problème. En effet, on peut considérer que le mode de calcul de la provision à constituer par les assureurs pour faire face aux engagements souscrits envers les assurés dans le cadre des contrats GRL, ne devait pas être différent de celui utilisé par les entreprises d’assurances en ce qui concerne leur activité de loyers impayés traditionnelle. Or la délégation totale de l’instruction et de la gestion des sinistres confiées à GRL Gestion, ne permettaient pas la mise en œuvre de ces principes habituels pour les compagnies, sans obliger GRL Gestion à s’astreindre à un reporting extrêmement régulier afin de fournir les états sinistres. Dans les faits, la compagnie n’était parfois informée du sinistre qu’après la clôture de celui-ci. La provision à constituer n’avait alors pas lieu d’être. Toujours sur la problématique prudentielle, le fait que l’assureur cède 67% de la prime encaissée au Fonds GURL pose la question de la trésorerie destinée au règlement des sinistres ainsi que celle de l’inscription comptable de cette cession ? De même, l’évaluation du montant de la créance de l’assureur sur le Fonds GURL pose la même difficulté que celle des provisions à constituer dès lors qu’on considère que la créance est admise en représentation de ladite provision. Néanmoins, ces questions ont été posées et validées à l’époque, par la comptabilité nationale ainsi que l’ACAM. 90 Par exemple dans son courrier du 3 octobre 2007 au Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Emploi 50 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Toutefois et enfin, l’incertitude sur la pérennité de l’engagement financier de l’Etat (souhaitant viser un public élargi à celui initialement couvert par les fonds du 1% Logement) qui intervient également pour abonder le fonds GURL, n’a quant à elle, jamais été totalement levée et a, en ce sens, découragé les instances fédératrices des compagnies et des mutuelles d’inciter ces dernières à s’engager dans un dispositif où devoir en sortir, pourrait leur être dommageable. 51 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Synthèse de la 1ère Partie Comment pouvons-nous définir le PASS-GRL au regard d’un dispositif assurantiel ? Techniquement, il en a bien les mécanismes de base : D’un côté un assureur qui propose un contrat constitué d’un ensemble de garanties pour couvrir un risque, et de l’autre un souscripteur qui bénéficie en cas de réalisation de ce risque, d’une indemnisation. La souscription et la distribution du dispositif que nous avons présentées dans cette 1ère partie ne contredit pas la structure assurantielle du dispositif, mais sa philosophie semble néanmoins éloignée d’un contrat d’assurance traditionnel, qui cherche avant tout, à être rentable. Quant au fonctionnement du PASS-GRL, nous avons vu qu’il n’est pas exempt d’interrogations sur son approche assurantielle : Le financement, la tarification, le recouvrement et la gestion des sinistres sont autant d’éléments habituellement gérés par les assureurs, qui en GRL, leurs échappent ! C’est ainsi que les assureurs vont alors « monter au créneau » pour tenter de reprendre la main sur un dispositif qui, pour se prévaloir « assurantiel », devra compter dorénavant avec eux. C’est tout l’enjeu de la GRL2… 52 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 2ème PARTIE – LA FIN DU DISPOSITIF 1ÈRE VERSION ET L’ARRIVÉE DE LA GRL2 53 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 5 5.1 Les raisons d’un échec annoncé Le « pré-carré » des assureurs menacé ? Nous venons de le voir dans le dernier paragraphe du chapitre précédent, les assureurs via leurs instances représentatives, ont très vite émis des réserves quant à la gestion du dispositif. Le système « gagnant-gagnant » imaginé, n’avait pas pris en considération le fait que les compagnies accepteraient mal de limiter leur rôle au seul « portage » du risque du dispositif, selon leur agrément branche 16, et devoir rendre des comptes à une société de gestion, qui n’est ni intermédiaire en assurance et encore moins entreprise d’assurances (dispositif sui generis). De plus, celle-ci semblait pouvoir obtenir à terme, un quasi-monopole du marché des assurances de loyers impayés en s’appuyant sur des conditions d’agrément (que nous avons rappelées précédemment), visant un public beaucoup plus large que celui prévu initialement par le dispositif. Le sentiment que la règle du jeu n’était pas respectée est alors régulièrement exprimé par les assureurs ! Dès lors, on peut imaginer les différentes pressions exercées par la profession auprès des pouvoirs publics via leur ministère de tutelle, Bercy, pour ne pas leur voir échapper le marché des assurances de loyers impayés dont l’élargissement pouvait néanmoins être induit par ce dispositif, mais qui en contrepartie, pourrait en cannibaliser l’ensemble… Quant à la marge financière des assureurs, qui d’un point de vue comptable, semble les satisfaire, elle ne leur apparaît néanmoins pas comme une rémunération. Au vue de leurs missions ici abandonnées, cette marge s’apparente plutôt à une participation commerciale offerte mais dont ils n’auraient aucun contrôle et ne maîtriseraient pas la baisse, si elle était souhaitée ou arbitrairement nécessaire. Parallèlement, la volonté politique pour développer la GRL semble renforcée notamment depuis le discours du Président de la République, Nicolas SARKOZY, le 11 décembre 2007 lors d’un déplacement à Vandoeuvre-lès-Nancy. A cette occasion, le Président de la République réitère un engagement de campagne, visant à faciliter l’accès au logement locatif privé, par la suppression du dépôt de garantie et de la caution personnelle, compensée par une sécurisation généralisée des bailleurs fondée sur une très large mutualisation du risque. 54 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 L’idée d’un caractère universel du dispositif est abordée et légitimera ainsi, l’élargissement des critères visant l’éligibilité des locataires ; cette universalité peut se traduire en langage assurantiel par « mutualisation »… Or cette mutualisation pour être réelle et suffisante, doit nécessairement viser la cible des locataires assurables en GLI. Une partie des règles sont donc modifiées et à ce nouveau jeu, les assureurs veulent revoir la totalité des règles et notamment celles, où ils confient la gestion des sinistres ! Le dispositif dans son état, ne peut continuer à satisfaire aux assureurs qui pensaient participer à un contrat distinct des leurs, et plaire aux pouvoirs publics qui veulent concrétiser leurs promesses électorales en matière de logement privé. Une réforme du dispositif est donc nécessaire pour répondre aux attentes des principales parties, au risque de sacrifier certains acteurs sur l’autel de la concession politique ! 5.2 Le passeport face à la caution Comme nous l’avons évoqué brièvement dans les chapitres 2.3 et 4.2, une des particularités du dispositif dans sa 1ère version, est liée à la nécessité d’obtenir pour chaque nouveau locataire, un passeport PASS-GRL. Par le biais d’une saisie « en ligne » via un site internet dédié, le locataire devait remplir toute une série d’informations liées principalement à sa situation91 et à ses revenus, pour justifier auprès d’un bailleur qui agrée ce dispositif, son éligibilité au contrat d’assurance PASS-GRL. Dans le cas d’un candidat locataire intéressé par un logement dont le bailleur avait souscrit à la GRL, la saisie en ligne permettait de savoir immédiatement si le candidat pouvait prétendre à ce logement. De la même façon, un candidat n’ayant pas encore « repéré » un bien pouvait tout autant obtenir un passeport (à finaliser une fois le logement trouvé) qui lui permettait de faire valoir le montant de loyer maximum, auquel il était éligible. Dans la pratique, certains candidats se présentaient alors dans une agence immobilière par exemple, « passeport en main », considérant le « précieux document » comme un sésame devant leur permettre d’obtenir sans discussion possible, l’accord des bailleurs dès lors que le loyer ne dépassait pas le montant figurant sur le Passeport ! Le logo de la république française sur « l’en-tête » du document pouvait d’ailleurs accentuer ce sentiment de « droit » absolu. Les professionnels de l’immobilier, sur fonds de « droit au logement » craignaient que leurs 91 Afin de déterminer s’il relève du public 1% ou du public Etat pour la répartition des compensations financières 55 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 responsabilités puissent être mises en cause s’ils refusaient le dossier de candidature alors qu’un passeport PASS-GRL avait été obtenu. Une autre difficulté liée à ce Passeport tient à son caractère « déclaratif d’assurance ». En effet, le Passeport n’a de valeur que si le propriétaire-bailleur a souscrit un contrat PASSGRL ; cette notion est d’ailleurs logiquement mentionnée sur le document qui précise la nature du contrat d’assurance rappelant qu’il vise à « garantir les impayés de loyer et charges pendant toute la durée du bail, ainsi que les détériorations immobilières et les frais de justice ». Or le fait même d’informer le locataire que son bailleur est couvert pour ces risques, n’inciterait-il pas celui-ci et d’une certaine façon, à ne pas consacrer les efforts nécessaires pour s’astreindre à ses obligations ? Pire, le fait de préciser sur le document que l’un des « plus pour le locataire » est qu’il peut « avoir la garantie d’une analyse sociale et d’un traitement financier adapté en cas de difficultés, par l’intermédiaire de l’APAGL » n’achèverait-il pas le locataire de le convaincre ? Sur ces deux éléments, le caractère déresponsabilisant du Passeport a été très vite mis en avant par de nombreux acteurs qui les ont alors amenés, à préférer au Passeport, et donc au PASS-GRL, la Caution solidaire ! Alors même que ce Passeport devait apporter au bailleur, un caractère de caution quasi certaine visant à se substituer à cette dernière. Le caractère des passeports selon les zones géographiques Une autre dimension qu’il est important de mentionner se situe au niveau des distinctions géographiques de la demande. Dans les secteurs dits « tendus », principalement les grandes villes comme Paris et sa région où la demande est plus forte que l’offre, les bailleurs ont le choix, ce qui leur permet de sélectionner les dossiers qui correspondent au mieux à leurs attentes. Or et comme nous venons de le voir, le passeport peut apparaître parfois comme une restriction de ce choix et favorise un effet pervers à celui initialement recherché : Rendre éligible un locataire à la seule exigence d’une caution permet alors et à l’inverse, de le rendre inéligible dès lors qu’on maintient cette exigence afin de préférer la caution à un Passeport ! Par conséquent et dans les zones « tendues », exiger une caution permet de maintenir un avantage intrinsèque lié à la sectorisation : Le choix… et ainsi, la sélection du risque ! 56 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 La conjugaison de l’ensemble de ces facteurs autour du Passeport a été sans conteste, une des raisons qui a conduit à la refonte du dispositif et qui, dans sa 2ème version, abandonnera définitivement et logiquement, le Passeport, pour continuer à chercher l’approbation des entreprises d’assurances ; et ce, dans une volonté de maintien d’un dispositif assurantiel. Mais la concurrence de la caution restera pour autant une difficulté évidente sur le développement d’une nouvelle version de la GRL, principalement dans les zones encore une fois « tendues », ou la caution en plus des « vertus » évoquées, présente le bénéfice indéniable de la gratuité pour le bailleur. La suppression de la caution semblerait dans ce contexte, une solution ? La loi BOUTIN s’en préoccupera… 5.3 Bilan de la GRL1 : Les résultats techniques et la gestion des sinistres En préambule et au 31/05/2008, il est intéressant de noter que pour 69% des passeports délivrés, le logement et ses caractéristiques sont connus, ce qui permet d’établir le taux d’effort médian92 des déclarations concernées : Il s’établit à 31%. Ce chiffre fait valoir que l’essentiel des dossiers en GRL à ce moment, ne sont pas constitués majoritairement de locataires présentant des taux d’effort au bord de la limite autorisée (50%) qui pourrait présager un risque de « rupture » accru. Toutefois, ce chiffre doit être considéré avec vigilance car il est important de préciser que les aides aux logements (APL) perçues par les locataires viennent directement en déduction du loyer pour le calcul du taux d’effort ; cette approche change bien évidemment de façon avantageuse, le calcul du taux d’effort qui serait plus important si, par exemple, les aides aux logements venaient s’ajouter aux revenus… Pour illustrer ces propos, prenons un exemple sur la base des éléments suivants : 92 - Loyers = 500 € - APL = 150 € - Revenus = 800 € La médiane est la valeur pivot qui divise en 2 parties de même effectif la distribution de la variable. 57 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Dans le calcul du PASS-GRL, le calcul du taux d’effort s’effectue donc de la façon suivante : Charges = Loyers (500) – APL (150) = 350 € Ressources = Revenus = 800 € Soit taux d’effort = (350/800)*100 = 43,75% Dans le second cas et si nous devions ajouter les aides aux revenus plutôt que de les déduire du loyer nous obtiendrions alors : Charges = Loyers (500) = 500 € Ressources = Revenus (800) + APL (150) = 950 € Soit taux d’effort = (500/950)*100 = 52,6% Dans cet exemple et avec les mêmes données, dans le 1er cas le locataire est éligible alors qu’il ne l’est pas dans le second ! Si le dispositif permet donc un taux d’effort jusqu’à 50%, le mode de calcul de la prise en compte des aides n’est donc pas anodin sur la considération du risque accepté. Dans la version 2 du dispositif GRL que nous détaillerons plus tard, cette question autour du calcul du taux d’effort sera d’ailleurs pris en considération puisque les APL ne viendront plus diminuer le montant du loyer mais bien, comme dans l’exemple ci-dessus, s’ajouter aux ressources pour ainsi avoir une vision plus juste de la nature risque. D’autant qu’il convient de rappeler ici que les APL ne sont pas forcément versées directement aux bailleurs et peuvent dans ce cas et parfois, être utilisées à d’autres fins… Les résultats techniques arrêtés au 30 septembre 2009 (Sources FFSA) Sinistres : 2007 1% Etat Total général Nombre sinistre indemnisé 35 13 48 Fréquence 10,93% Charge sinistre avec évaluation Prime HT S/P 265 792 56 291 470 % 58 Montant indemnisé 177 393 87 399 264 792 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 2008 1% Etat Total général Nombre sinistre indemnisé 2 122 660 2 782 Fréquence 5,93% Charge sinistre avec évaluation Prime HT S/P 13 584 726 € 6 303 858 € 215 % Montant indemnisé 6 702 520 € 1 757 537 € 8 460 057 € 2009 1% Etat Total général Nombre sinistre indemnisé 1 553 537 2 090 Fréquence 1,98% Charge sinistre avec évaluation Prime HT S/P 19 508 625 € 10 794 636 € 181 % Montant indemnisé 2 864 374 € 810 770 € 3 675 144 € Les chiffres parlent d’eux-mêmes… la sinistralité est au rendez-vous ! Si 2007 n’est pas représentative compte tenu du faible volume dû au démarrage du dispositif cette même année, 2008 et 2009 sont plus significatives bien que les chiffres de 2009 publiés en 2009 ne font pas état de la réalité de la situation. Car le retard dans l’ouverture des sinistres dû notamment à des moyens informatiques encore insuffisants à cette époque, permet de clôturer un exercice qui ne fait pas apparaître encore, plusieurs milliers de sinistres existant et non ouverts. Rappelons que le mécanisme des compensations financières se déclenche au-delà d’un ratio S/P de 67% ; Toutefois les montants de ces compensations ne sont pas exorbitants puisque la volumétrie du dispositif n’est pas à la hauteur des attentes des pouvoirs publics. Sur la base des chiffres ci-dessus on peut par exemple et grossièrement en déduire que le montant des compensations était de : 59 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 En 2008 : 13584726-(6303858*67%) = 9 361 141 € En 2009 : 19508625-(10794636*67%) = 12 276 219 € Il reste cependant intéressant de projeter ces résultats techniques avec les objectifs attendus en nombre de contrat pour se rendre compte des montants qui pourraient être alors engagés par le 1% logement et l’Etat : Base : 1 millions de contrats Estimation prime : 100 millions € Estimation sinistre : 190 millions € Estimation compensation : 190M-(100M*67%) = 123 millions € Répartition de la sinistralité selon le taux d’effort : Proportion 29% 19% 52% 100% Taux d'effort entre 40% et 50% Taux d'effort entre 33% et 40% Taux d'effort entre 0% et 33% TOTAL Fréquence 12% 6% 2,50% 5,92% On voit bien ici comment à partir d’un taux d’effort au-delà de 33%, les fréquences d’incidents de paiement augmentent de façon importante et atteignent jusqu’à 12 % dans la dernière tranche. On comprend mieux alors et selon notre démonstration en début de paragraphe, l’intérêt de revoir le mode de calcul du taux d’effort. Répartition des dossiers selon l’état d’avancement du traitement social (source APAGL): Répartition des dossiers selon l'état d'avancement du traitement social 0% 10% 1% Création Plan amiable en cours 14% 6% 10% 50% 0% 9% Plan amiable traité Protocole social en cours Protocole social traité Contentieux en cours Contentieux traité Recours Clôture 60 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Ici, on constate que finalement 1 dossier sur 2 fait l’objet d’un traitement contentieux et ne bénéficie pas du traitement social permis par le dispositif. La crainte de certains acteurs de voir tous les dossiers d’impayés faire automatiquement l’objet d’un traitement amiable malgré le caractère « discutable » du motif de l’impayé, ne semble donc pas avérée. Pourtant c’est bien l’image d’un dispositif cherchant « à tout prix » à maintenir les mauvais payeurs en place, qui restera « collé » au dispositif ! La gestion des sinistres : Selon la FFSA, la GRL1 a dû traiter 28 000 dossiers sinistres pour 130 000 lots garantis en 2 ans et demi. Faute de moyens, les dossiers ont mis du temps à être traités ; d’autant que ce délai était déjà allongé à la réception des dossiers qui avaient tous fait l’objet d’un diagnostic social en amont puis d’un traitement social pour la moitié d’entre eux. Les professionnels de l’immobilier qui sont les principaux clients des contrats de risque locatif (GLI ou GRL) ont alors vite fait la comparaison sur les délais d’indemnisation entre les deux dispositifs ; leur constat est simple : Les délais en GRL sont beaucoup trop longs et irréguliers ce qui les mettent parfois en « porte à faux » vis à vis de leurs propriétairesbailleurs qui attendent à dates régulières les indemnisations, habituellement trimestrielles en GLI. GRL Gestion qui gère les indemnisations sinistres sans avoir encore été dotée d’un outil informatique dédié, est alors pointée du doigt et fera, dans la refonte du dispositif, les frais de ce constat pour disparaître dans l’organisation de la version 2 de la GRL. 5.4 Le rapport 3B et la loi MOLLE dite Boutin Nous l’avons évoqué un peu plus tôt dans le paragraphe 5.2, la caution reste un frein indiscutable au développement de la GRL. Ce constat est alors repris dans un rapport établi en mars 2008, à la demande à l’époque, de Madame Christine Lagarde93, Ministre de l’Economie de l’Industrie et de l’Emploi, et de Madame Christine Boutin94 Ministre du Logement et de la Ville. Ce rapport communément appelé 3B en raison de ces auteurs, Madame Sabine Baïetto93 Elle a occupé ce poste entre le 19 juin 2007 et 29 juin 2011 ; elle est aujourd’hui directrice générale du Fonds Monétaire International 94 Elle a occupé ce poste entre le 18 mai 2007 et le 23 juin 2009 ; Elle est à ce jour présidente du Parti chrétien-démocrate, mouvement politique associé à l’UMP et candidate à l’élection présidentielle de 2012. 61 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Besson 95 , et Monsieur Bernard Béguin 96 , avait pour but conformément à leurs lettres de missions respectives,97 de « procéder à l’ensemble des auditions nécessaires, notamment avec les représentants des propriétaires-bailleurs, des locataires, des administrateurs de biens, des gestionnaires du 1% logement et des compagnies d’assurances », pour « proposer le système assurantiel le mieux adapté pour assurer le succès de la réforme du dépôt de garantie et de la caution ». Ce rapport de 60 pages a été remis en avril 2009 et propose notamment de répondre à la question de savoir si il faut rendre la GRL obligatoire afin de généraliser le système (et de tenter d’atteindre les objectifs fixés par les pouvoirs publics qui comme nous l’avons vu plus tôt, ne sont pas au rendez-vous). A cela, les auteurs semblent s’y opposer en arguant trois arguments principaux : - Cela pourrait être vécu comme inutilement couteux pour les petits bailleurs isolés - Un risque de déresponsabilisation général des locataires pourrait apparaître - Le coût de la mesure pour l’Etat pourrait engendrer un besoin de financement public annuel 2,5 fois supérieur au budget nécessaire à un dispositif non obligatoire chiffré lui, entre 50 et 100 millions d’Euros. Le rapport préconise alors de faire coexister deux dispositifs assurantiels non-obligatoires : La GRL limitée à un rôle social et la GLI placée sous un marché concurrentiel. Enfin et en fonction des acteurs, il est également proposé une solution non dénuée de conséquences : - Pour les bailleurs personnes morales telles que les sociétés d’HLM ou les Institutionnels, supprimer la caution d’une personne physique sans obligation d’assurance compte tenu du fait qu’ils disposent d’un parc suffisant pour organiser une mutualisation du risque et sont les mieux à même de gérer le recouvrement. - Pour les bailleurs privés individuels, privilégier l’initiative privée combinant GLI et GRL en favorisant une diffusion forte de l’assurance par les professionnels. Associée 95 Inspectrice Générale de l’Equipement et Directrice Générale de l’ANAH entre 2007 et 2010, elle est aujourd’hui Viceprésidente de la Commission des comptes du logement. 96 Directeur de l’Equité, Groupe Generali. 97 Annexe N°2 62 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 à cette idée, il est également proposé d’interdire à ces bailleurs, d’imposer une caution solidaire dès lors qu’ils ont souscrit une assurance de loyers impayés ; le cumul assurance/caution ne serait alors plus possible. Quelques mois plus tard, lors du conseil des ministres du 28 juillet 2008, Christine BOUTIN présente son projet de loi en faveur de la mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion qui retient que « le cautionnement ne peut être demandé que pour un logement loué par un bailleur personne physique ou par une société civile immobilière constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu’au quatrième degré inclus. Dans tous les cas, dès lors que le bailleur a souscrit une assurance garantissant les obligations locatives du locataire, il ne peut exiger un cautionnement. » Ce projet visera également à réduire les délais d’expulsion dans le logement locatif, en permettant au juge de suspendre l’exécution d’une décision judiciaire d’expulsion pour une durée d’une année au maximum, au lieu de trois et précise « ces dispositions s’inscrivent dans l’objectif général du Gouvernement de réduire les cas d’expulsion locative, grâce à une politique de prévention des expulsions fondée notamment sur la généralisation des commissions départementales de prévention des expulsions et le développement de la garantie des risques locatifs aux populations les plus fragiles. »98 Ces propositions verront concrètement le jour avec la promulgation de la loi de Mobilisation pour le logement et Lutte contre l’Exclusion (MOLLE) le 27 mars 2009 et rendue immédiatement exécutoire. Plus précisément, l’article 55 de cette loi visera l’interdiction de cumuler une caution solidaire et une assurance de loyers impayés, en ajoutant au début de l’article 22-1 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 quatre alinéas ainsi rédigés : « Le cautionnement ne peut être demandé par un bailleur qui a souscrit une assurance garantissant les obligations locatives du locataire. 98 Notons ici que la loi du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions aura déjà traité des mesures relatives au maintien dans le logement. Cette loi dite « loi Aubry », a instauré le régime de la trêve hivernale et interdit l’accomplissement de toute mesure d’expulsion entre le 1 er novembre et le 15 mars de l’année civile suivante. Toute la difficulté du régime des mesures d’expulsion tient au fait qu’il cherche à concilier le droit de propriété ayant valeur constitutionnelle, et le droit au logement qui constitue un objectif à valeur constitutionnelle. 63 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Si le bailleur est une personne morale autre qu’une société civile constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu’au quatrième degré inclus, le cautionnement ne peut être demandé que : - s’il est apporté par un des organismes dont la liste est fixée par décret en conseil d’Etat ; - ou si le logement est loué à un étudiant ne bénéficiant pas d’une bourse de l’enseignement supérieur. » L’ambition de cet article est finalement double : Sur les populations dites « fragiles », favoriser le développement de la GRL face à la « caution » dont le choix paraît moins sécurisant pour le bailleur, tout en limitant la concurrence de la GLI sur une partie de cette cible qui peut être acceptée en GLI dès lors qu’elle présente une caution solidaire. Sur la base de cette nouvelle loi, ainsi que sur les autres propositions du rapport 3B vues plus haut, la réforme de la GRL s’engagera pour refondre un dispositif dans lequel les espoirs des pouvoirs publics seront toujours aussi importants. Nous verrons néanmoins et dans la dernière partie, quels ont été les effets pervers de la loi MOLLE qui n’aideront finalement pas au développement de la GRL2 ! 64 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 La prise de contrôle de l’APAGL et le contexte politique 6 Evolution du rôle et de la mission de l’APAGL 6.1 Au départ et comme nous l’avons développé dans le chapitre 2.2, l’APAGL a été créée à l’initiative de l’UESL, pour garantir la finalité sociale du dispositif, étudier ses effets, ses coûts et les conditions de son développement. Ainsi et lors d’un sinistre, elle doit déterminer si le locataire bénéficiera d’un traitement social ou bien devra faire l’objet d’un recours et d’une procédure de recouvrement. Toutefois et comme nous venons de le voir dans les chapitres précédents, les problématiques de la GRL vont amener des réflexions sur son évolution et son aménagement ; le tout premier est alors la prise de contrôle totale du dispositif par l’APAGL et de fait, la disparition de la société GRL Gestion. Ainsi deux assemblées générales extraordinaires du conseil d’administration de l’APAGL qui auront lieu le 22 juillet 2009 puis le 21 octobre 2009, modifieront ses statuts mentionnés à l’article L.313-33 du Code de la Construction et de l’Habitation et approuvés par deux décrets : - Décret n° 2009-1155 du 30 septembre 2009 - Décret n° 2010-464 du 6 mai 2010 De cette manière, l’APAGL proposera l’ensemble des missions suivantes :99 Assurer le pilotage et le développement du dispositif : - Garantir la finalité sociale du dispositif - Concevoir et réaliser le processus de validation des « locataires éligibles » - Signer avec toutes les entreprises d’assurances désireuses de proposer un contrat respectant le cahier des charges fixé par décret en Conseil d’État, une convention prévoyant les modalités de fonctionnement du contrat qui permettent le versement des compensations prévu au g) de l’article L. 313-3 CCH ainsi que les modalités d’information et de contrôle nécessaires au bon fonctionnement du dispositif. Chaque fois que nécessaire, et notamment en cas de modification des critères d’éligibilité, cette convention fera l’objet d’un avenant. 99 Extrait des statuts de l’APAGL du 29 octobre 2009 65 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 - Etudier les effets et le coût du dispositif de garantie, au regard notamment des paramètres d’ouverture des droits - Favoriser la promotion institutionnelle du dispositif de garantie universelle des risques locatifs. - Etudier les conditions de développement et d’évolution du dispositif. Assurer la mise en œuvre opérationnelle du dispositif : - Garantir le respect par les entreprises d’assurance des règles définies dans le cahier des charges fixé par décret en Conseil d’État, en matière de souscription du produit de garantie universelle des risques locatifs, de ses modes de gestion, de ses flux financiers, de reporting et de taux d'équilibre ; - Réaliser le traitement social des impayés de loyer des locataires éligibles, et prescrire, auprès des sociétés d’assurance, la nature et les modalités de recouvrement adaptées à la problématique économique et sociale des locataires en impayés de loyer. Pour ce faire, l’Association pourra déléguer tout ou partie de ces tâches à des structures agréées à cet effet par l’UESL ; - Suivre la mise en œuvre par les entreprises d’assurance des prescriptions de recouvrement donné - Assurer le suivi statistique du dispositif et l’évaluation de l’efficacité économique et sociale de la GRL - Fournir à l’UESL tous les éléments utiles à l’appréciation des choix des paramètres à mettre en place, ainsi que leur évolution nécessaire à la bonne gestion du fonds de garantie universelle des risques locatifs (FGURL) - Assurer l’interface entre les entreprises d’assurance et l’UESL pour les opérations relatives aux compensations financières ; communiquer à l’UESL les éléments d’information nécessaires afin de permettre d’évaluer le montant des engagements de garantie ; communiquer à l’UESL des informations lui permettant de verser, via le fonds de garantie universelle des risques locatifs (FGURL), les compensations aux entreprises d’assurances - Gérer les sinistres éventuels générés par les contrats GRL souscrits avant la publication du décret portant approbation du cahier des charges mentionné au g) de l’article L.313-3 du code de la construction et de l’habitation 66 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 L’Association peut également entreprendre toutes activités qui concourent à son objet. Elle peut aussi, mais seulement de manière accessoire, faire des actes de commerce qui concourent à cet objet, pour autant que la recette soit consacrée au but pour lequel elle a été créée. Nous comprenons donc à la lecture de ce qui précède, que l’APAGL dispose dorénavant d’une autorité totale pour piloter le dispositif dans sa globalité. Un intérêt réellement partagé entre les partenaires sociaux et l’Etat ? 6.2 Nous l’avons vu dans la première partie s’attachant à la présentation du dispositif, la GRL est un produit proposé par les structures du (anciennement) 1% Logement, lui-même piloté par les partenaires sociaux. Rappelons ici que l’expression « Partenaires Sociaux » désigne les représentants des forces sociales du pays : les syndicats de travailleurs et les dirigeants d’entreprises. Ce terme s’est également généralisé pour caractériser et de façon plus large, les relations socioprofessionnelles. La dimension politique autour du dispositif est donc, d’une certaine façon, présente et peut influer sur les conduites à mener dans la mise en œuvre de la GRL. Car rappelons également que L’APAGL, en tant que structure d’Action Logement (nouvelle dénomination du 1% Logement) fonctionne paritairement avec un conseil d’administration composé de 20 membres (10 représentants permanents et 10 suppléants) répartis dans deux collèges : - L’un pour les syndicats ou groupements d’employeurs avec 10 membres dont 8 désignés par le MEDEF et 2 désignés par la CGPME. - L’autre pour les représentants des « salariés » avec 10 membres dont 2 désignés pour chacune des organisations syndicales CFTC, CFE-CGC, CFDT et FO. 100 Notons ici, l’absence de l’Etat qui est pourtant bien partie prenante du dispositif… 100 Toutes ces organisations ont déjà été mentionnées dans le paragraphe dédié à l’UESL p26, puisqu’elles sont également représentées au Conseil d’Administration de l’UESL. 67 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Le président du conseil d’administration est quant à lui, élu parmi les membres désignés par les organisations syndicales de salariés et pour une durée de 5 ans. Depuis la création de l’APAGL et jusqu’en février 2012, son président qui est par ailleurs Secrétaire Nationale de la CFDT (Confédération Française Démocratique du Travail), était Jean-Luc BERHO101. Vient de lui succéder Jean-Jacques DENIZARD, par ailleurs secrétaire confédéral de la CFDT. Les pouvoirs du Conseil d’Administration permettent notamment et comme mentionné dans les statuts de prendre : - Les décisions relatives à la détermination ou à la modification des conditions d’éligibilité ou de garanties du dispositif - Les décisions relatives à la politique de promotion du dispositif - L’approbation de la convention type entre l’APAGL et les entreprises d’assurances ainsi que la validation des conventions signées entre l’Association et les entreprises d’assurances - Les mesures de sanctions à l’égard d’un assureur adhérent au dispositif en cas de non-respect des règles édictées par le cahier des charges - L’agrément et le retrait d’agrément des sous-traitants qualifiés en traitement social Pour la mise en œuvre de ses missions l’APAGL peut également : - Demander aux entreprises d’assurance tous documents, renseignements, éclaircissements ou justifications nécessaires à l’exercice de sa mission - Mettre en œuvre des mesures de sanctions nécessaires en application des dispositions des conventions signées avec les entreprises d’assurances - Mettre en œuvre tous autres moyens jugés nécessaires par le Conseil d’administration L’évolution des statuts de l’APAGL que nous avons mentionnée dans le paragraphe 6.1, s’est accompagnée dans le même temps d’une réforme profonde du 1% Logement amorçant un nouveau virage. En effet, la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion dite MOLLE du 25 mars 2009 (que nous avons déjà citée au travers de son article 55 visant à interdire le cumul caution/assurances) a prévu en son article 8, une réforme structurelle de la PEEC102 101 Jean-Luc BERHO, considéré par certains comme le « père de la GRL » était également vice-président de l’UESL jusqu’en novembre 2011. 102 Voir note de page n°22 P17 68 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 (appelée couramment 1% Logement et rebaptisée dorénavant par les partenaires sociaux présents à l’UESL « Action Logement ») qui transforme ses modalités d’intervention pour les salariés des entreprises cotisantes ainsi que les relations entre les entreprises et leurs « collecteurs » du 1% (en réalité 0,45%)103. Ainsi, la loi MOLLE réforme la gouvernance de la PEEC et les modalités de fixation de l’emploi des fonds.104 Elle modifie l’article L.313.19 du CCH en supprimant l’alinéa de cet article qui prévoyait des conventions entre l’Etat et l’UESL et organise le régime de fixation de l’emploi des fonds à l’article L.313 du CCH par : - l’engagement d’une concertation relative aux emplois des fonds tous les trois ans par le Gouvernement et les partenaires sociaux - la répartition des ressources de la PEEC entre chacune des catégories d’emploi fixée par un document de programmation établi pour trois ans par les Ministres du Logement et du Budget, après concertation avec les partenaires sociaux - la fixation, pour chaque catégorie d’emploi, de la nature des emplois correspondants et de leurs règles d’utilisation par décret pris en Conseil d’Etat, après concertation avec les partenaires sociaux - la fixation des enveloppes minimales et maximales consacrées annuellement à chaque emploi ou catégorie d’emplois, pour une durée de trois ans par décret, après concertation avec les partenaires sociaux. De cette façon elle redonne une définition de l’emploi des fonds du 1% Logement comme suit : - aides à des personnes physiques pour leurs projets d’accession à la propriété, de réhabilitation de leur logement, d’accès au logement locatif, de changement de logement ou de maintien dans celui-ci ; - soutien à la construction, à la réhabilitation et à l’acquisition de logements locatifs sociaux ainsi qu’à la production de logements locatifs intermédiaires ; - intervention à caractère très social dans le domaine du logement, notamment sous la forme d’opérations relatives au logement ou à l’hébergement des personnes défavorisées et de dépenses d’accompagnement social ; 103 104 mise en œuvre du programme national de rénovation urbaine ; Selon article R.313-1 du Code de la construction et de l’urbanisme (CCH) et ordonnance n°2005-895 du 20 août 2005 Annexe n°3 69 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 - mise en œuvre du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés ainsi que soutien à l’amélioration du parc privé ; - participation à des actions de formation, d’information ou de réflexion menées par des associations agréées par l’Etat ; - versement de compensations à des organismes d’assurances qui proposent des contrats d’assurance contre les impayés de loyer qui respectent un cahier des charges fixé par décret en Conseil d’Etat. La réforme change donc le régime de fixation des fonds d’Action Logement. Jusqu’alors fixés par une négociation entre l’Etat et les partenaires sociaux, le nouveau régime fixe l’orientation des fonds sur un mode législatif et réglementaire avec une concertation des partenaires sociaux. Dans les faits, cette concertation s’apparente plus à une consultation qui laisse entrevoir la perte de pouvoir décisionnel des partenaires sociaux en la matière. De façon chiffrée, les engagements prévisionnels d’Action Logement pour 2009 étaient de 4,3 milliards d’euros et répartis comme suit : 770 millions d’euros pour l’ANRU (Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine) 480 millions d’euros pour l’ANAH (Agence Nationale de l’Habitat) 600 millions d’euros au titre du Plan de cohésion sociale 500 millions d’euros pour la Foncière Logement 1,3 milliard d’euros pour les prêts accession, le PASS-FONCIER, le LOCA-PASS, le PASS-GRL, le MOBILI-PASS et le SECURI-PASS le solde (soit 660 millions d’euros) pour les quartiers dégradés, prêt « 1% Renouvellement Urbain » et quelques autres concours à des programmes engagés par l’Etat La manne financière autour du financement d’Action Logement est comme nous pouvons le voir, colossale et digne d’intérêt pour l’Etat qui a, semble-t-il, voulu à un moment, pouvoir les intégrer dans les recettes directes de Bercy ! Toutefois, notre objet n’est pas ici d’extrapoler sur les « tractations » politiques et des différents intérêts en la matière ; notons simplement que cet aspect politique est présent autour de la mise en place d’un dispositif assurantiel à vocation sociale et que le ministère de tutelle des assureurs, se nomme Bercy… 70 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 6.3 Le rôle des Comités Interprofessionnels du Logement (CIL) Association régie par la loi de 1901, son objet, défini par le décret n°90-392 du 11 mai 1990, est de concourir au logement des salariés et de ce fait, elle peut promouvoir : 105 - l’information des entreprises et de leurs salariés en matière de logement ; - la gestion de logements en vue de la location aux salariés ; - la construction, l’acquisition, l’aménagement ou la remise en état de logements ; - la réalisation d’équipements sociaux ou d’annexes à usage commun, complémentaires aux opérations ci-dessus ; - l’acquisition et l’aménagement de terrains destinés exclusivement aux opérations cidessus ; - et toutes opérations prévues par la réglementation en vigueur. Elle exerce son activité soit selon les règles prévues pour l’emploi des sommes recueillies au sens du code de la construction et de l’habitation, soit par l’intermédiaire de sociétés commerciales dont les dispositions statutaires et les modalités particulières de contrôle et de financement sont décrites au titre V des présents statuts » Dans les faits, son rôle principal tient chaque année, de la collecte de 0,45% de la masse salariale auprès des entreprises adhérentes. Parallèlement, elle informe les entreprises et les salariés sur le logement, propose des prêts pour l’accession à la propriété des salariés, ou pour l’acquisition, la construction et la remise en état de logement par des bailleurs qui les loueront aux salariés. Depuis la création en 1997 de l’UESL, « l’indépendance » des CIL a été réduite puisque l’UESL intervient dorénavant dans la définition de la stratégie d’emploi de leurs fonds. Par ailleurs, la réforme de la PEEC que nous avons mentionnée dans le paragraphe précédent, a eu pour conséquence de diminuer le nombre des CIL. D’environ 110 avant la réforme, ils sont désormais regroupés en 25 CIL ! Responsables du service aux salariés et de la diffusion des « produits » d’Action Logement, ils sont dans le cadre du contrat GRL et comme nous l’avions présenté au chapitre 2.2, le principal relais « terrain » de l’APAGL pour l’accompagnement social du dispositif. Cette réforme a donc inévitablement eu une 105 Extrait du décret n°90-392 du 11 mai 1990 71 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 conséquence sur le déploiement de la GRL sur le terrain, mais pas forcément dans le sens que l’on croit. En effet et jusqu’à cette réforme, le LOCA-PASS, autre produit du 1% Logement, était également proposé par les CIL et faisait concurrence au PASS-GRL ; concurrence d’autant plus importante que les CIL étaient rémunérés 68,50 € par LOCA-PASS distribué et ne nécessitait pas de suivi social. Par comparaison la GRL1 n’offrait aucune rémunération aux CIL et exigeait un suivi social qui pouvait être lourd et qui, en l’absence de rémunération, n’était « disons », pas effectué dans les meilleures conditions ! Avec l’arrivée de la GRL2, les CIL seront rémunérés 250 € pour leur mission de traitement social des impayés par dossier à traiter. De plus et dans le même temps, le LOCA-PASS disparaît presque totalement puisqu’il sera réservé aux seuls logements appartenant à des personnes morales faisant l’objet d’une convention au titre de l’article L.351-2 du CCH, ou de l’ANAH. Ainsi et dans un courrier de Action Logement du 4 janvier 2010 adressé à tous les présidents de CIL106, il est précisé les missions qu’ils pourront mener par le bais de la GRL afin de les sensibiliser sur l’importance de leur rôle autour du déploiement (et du succès) du dispositif :107 - « Mobiliser le parc privé au service des entreprises et des salariés, parc dont l’importance quantitative et la mobilité en font un des moyens privilégiés de la mobilité résidentielle et professionnelle des salariés du fait de la faiblesse de l’offre locative sociale qui découle à la fois de l’insuffisance des politiques publiques en ce domaine et de la spécialisation revendiquée de ce même parc social dédié au logement des plus fragiles ; - Prendre en compte l’évolution des besoins sociaux des entreprises et des salariés, besoins caractérisés par l’ampleur de la précarisation des contrats de travail, le partenariat avec les entreprises étant porteur de réponses adaptées ; - Renforcer leurs ancrages dans les politiques locales de l’habitat en participant ou en initiant les partenariats avec les collectivités locales ; - Réaffirmer l’objet social d’Action Logement au service des besoins des entreprises et des salariés. 106 107 Annexe n°4 Extrait du courrier d’Action Logement du 4 janvier 2010 destiné à tous les présidents des CIL 72 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 - Assurer la promotion institutionnelle du dispositif GRL auprès des acteurs concernés par l’intermédiaire des entreprises et de leurs salariés, des acteurs sociaux locaux, des élus, des organismes représentatifs des professionnels de l’immobilier, et autres acteurs du logement ; - Etre également en charge de la communication à destination des entreprises, des salariés, des autres partenaires, en lien avec les services communication de l’APAGL. - Etre parties prenantes des accords de partenariat passés avec les collectivités et les entreprises et chargés de leur animation, tant au niveau des permanences communes avec ces collectivités ou entreprises, que de la certification de l’éligibilité des locataires aux dispositifs mis en place dans ce cadre. - A conserver et renforcer leur place centrale dans le dispositif de traitement des impayés de la GRL dont le volume devrait sensiblement être augmenté. » Les conditions pour le relais sur le terrain du déploiement de la GRL 2 (que nous détaillerons dans le chapitre 7) semblent donc ici, mieux réunies que dans la première version ! 6.4 Le suivi social des sinistres Nous l’avions déjà abordé et détaillé dans la présentation de l’APAGL au chapitre 2.2, le suivi social des sinistres est LA spécificité du traitement des contentieux de la GRL. Habituellement et dans les contrats d’assurances de loyers impayés, l’assureur a la faculté d’exercer un recours à l’encontre du débiteur afin d’espérer récupérer une partie ou la totalité des indemnisations versées ainsi que les frais engagés dans le cadre d’une procédure contentieuse. Toutefois et dans la pratique, les entreprises d’assurances constatent que la récupération des sommes engagées est faible, compte tenu notamment de l’insolvabilité des débiteurs, des difficultés parfois à retrouver les locataires « indélicats » partis à la « cloche de bois » ou bien encore en faillites personnelles. Ainsi et en moyenne, le taux de recouvrement des entreprises d’assurances à l’issue des procédures contentieuses se situent entre 20 et 30% sur une période moyenne de 36 mois.108 Sur ce constat, il paraît alors logique et compréhensible que les compagnies cherchent à limiter au maximum qu’un impayé de loyers conduise à une procédure contentieuse. Pour cela, la phase précontentieuse appelée communément « phase amiable » ainsi que sa conduite 108 Chiffres constatés par le service des Loyers Impayés de VERSPIEREN 73 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 est primordiale pour limiter le « glissement » en phase contentieuse et ainsi, réduire le coût final. Pour assurer le succès de la phase amiable, qui se traduit par la reprise du paiement des loyers, on constate principalement les actions suivantes : - une déclaration de sinistre avant d’entrer dans le 3ème mois d’impayé - une injonction de payer par voie d’huissier (commandement de payer) délivrée entre le 1er et 3ème mois qui suit le 1er terme impayé - Instauration d’un dialogue amiable pour trouver une solution d’échelonnement de la dette constituée En GRL, la volonté de favoriser le traitement amiable est d’autant plus une priorité, qu’en sus de ce que nous venons de citer, la finalité sociale du dispositif vise principalement à limiter les expulsions, dernier acte souvent inévitable d’une procédure contentieuse ! Toutefois et comme évoqué dans le chapitre 5.2 consacré au Passeport GRL, l’accompagnement social proposé par l’APAGL paraissait à certains acteurs, comme déresponsabilisant pour les locataires car promu par le dispositif et connu alors en amont de l’entrée dans les lieux, par ces derniers… L’enjeu avec la réforme du dispositif, est alors de limiter cet aspect « déresponsabilisant » lié à l’accompagnement social voire même, à inverser cet aspect en permettant à cette étape, de responsabiliser le locataire en l’accompagnement dans la reprise de ses paiements. Là encore et selon ce que nous avons développé dans le chapitre précédent, le rôle des CIL est primordial pour mener cette mission dans le « bon sens ». La distinction entre les locataires de « mauvaise foi » et les autres est primordiale. Pour cela, une analyse de la situation familiale, sociale et financière du locataire est réalisée afin de déterminer si cette situation nécessite un traitement social ; à l’issue, l’APAGL va prescrire à l’assureur des modalités de recouvrement adaptées, soit à l’amiable soit au contentieux. Dans le premier cas, la procédure consiste d’établir avec le locataire un plan d’apurement de la dette adapté à sa situation qui doit s’accompagner le plus souvent, d’une reprise à minima partielle, du paiement des loyers. Dans le second cas, l’APAGL considère ne pas devoir accorder d’accompagnement et laisse alors à l’assureur, le soin de mener ses recours contentieux habituels auprès du débiteur. 74 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Ci-dessous, un schéma proposé par la compagnie DAS qui explique le circuit entre les différents acteurs dans la gestion des sinistres et qui met en exergue le traitement social : Le traitement social effectué par l’APAGL via ses partenaires n’est pas différent de ce que nous avons vu au chapitre 2.2. La différence tient principalement à la présence de l’assureur dans le schéma compte tenu de sa réintégration dans la deuxième version du dispositif, au détriment de la société de gestion GRL Gestion, qui aura entre-temps disparu. Néanmoins, le nouveau cahier des charges distinguera une démarche préventive des sinistres et une démarche curative sans que celles-ci aient pour effet « d’exonérer les locataires de leur propre responsabilité ». On voit alors dans cette phrase, que les pouvoirs publics ont cherché à répondre à l’inquiétude dont avaient fait part, certains acteurs en GRL1 (et que nous avons déjà mentionnés précédemment), sur le risque de « déresponsabilisation » que peut entrainer le traitement social. La démarche préventive consiste à informer les locataires éligibles 1% Logement/Etat « sur les précautions utiles pour réduire les risques de difficultés financières en fonction de leur situation et sur les dispositifs d’aide et de soutien existant » ainsi que de les orienter « vers 75 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 des organismes susceptibles d’apporter aide et soutien, est mise en œuvre par l’APAGL afin de prévenir les risques d’impayés de loyer. »109 La démarche curative quant à elle, intervient après la déclaration de sinistre pour un locataire éligible 1% Logement/Etat et selon les modalités vus plus haut. En cas d’incapacité de remboursement suffisant, un protocole social peut-être alors être soumis afin d’orienter le locataire défaillant vers des organismes de droit commun ou spécialisés afin de trouver, notamment, une solution de relogement plus adaptée. Mais le sort de la dette qui perdure dans ces procédures qui peuvent allonger la durée habituelle, ne « sied » pas forcément aux professionnels. Les assureurs ou ADB, savent par expérience, qu’il faut agir vite lorsque la stratégie de recouvrement est basée sur la bonne foi et le consensus amiable. Nous l’aurons donc bien compris, l’APAGL devient l’organe principal du dispositif GRL. Mais dispose-t-il de l’expérience nécessaire, d’une vision suffisamment large et d’une souplesse suffisante pour comprendre, anticiper et répondre aux problématiques « terrains » qu’entraineront le déploiement de la GRL2 ? Car l’APAGL ne semble pas parler au départ, la même « langue » que les assureurs et les professionnels de l’immobilier… 109 Extrait du cahier des charges annexé au décret n°2009-1621 du 23 décembre 2009 - Article 2 « Le contrat socle de GRL », chapitre IV « Les démarches préventives et curatives » 76 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 7 La naissance de la GRL2 Les trois décrets du 23 décembre 2009 et le cahier des charges social110 7.1 En filigrane du chapitre 6, nous venons de voir que la réforme de la GRL était en œuvre depuis plusieurs mois, menant à de nombreuses discussions et négociations entre l’Etat, les partenaires sociaux et les compagnies d’assurances, pour permettre à ce dispositif de ne pas sombrer vers un échec auquel il se prédestinait à peine deux ans après sa mise en place. La réforme de la GRL initiée par la loi « Boutin » du 25 mars 2009, voit alors officiellement « le jour » le 23 décembre 2009 avec la parution de trois décrets : - Décret n°2009-1621 fixant le cahier des charges prévu au g de l’article L.313-3 du code de la construction et de l’habitation au titre de la garantie universelle des risques locatifs. - Décret n°2009-1620 fixant les règles de gestion et de fonctionnement du fonds de garantie universelle des risques locatifs - Décret n°2009-1623 relatif à la garantie de l’Etat au titre de la garantie universelle des risques locatifs pris en application de l’article 85 de la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificatives pour 2007 Soit quasiment trois ans après le décret n°2007-92 du 24 janvier 2007 qui avait lancé la GRL en portant approbation du premier cahier des charges social mentionné alors au g de l’Article L.313-1 du CCH (et que nous avons détaillé au chapitre 1.3). On parle désormais et jusqu’à aujourd’hui d’une GRL2 qui se veut donc sensiblement différente de la GRL1 sur de nombreux points que nous allons détailler ci-après. En préambule, notons que le décret de 2009 fait mention de la notion « universelle » qui n’était pas présente jusqu’alors et qui démontre le souhait d’une généralisation du dispositif au plus grand nombre afin de pouvoir espérer la mutualisation nécessaire à son bon équilibre. Parallèlement, le cahier des charges annexé au décret comporte 15 pages au lieu de 3 pour le premier « opus », et se veut en ce sens, bien plus précis dans le fonctionnement et les dispositions. 110 Annexes n°5, 6 et 7 77 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Les différences essentielles sont : Un contrat dit « socle » qui selon l’article 2 du cahier des charges, comprend trois garanties principales : une garantie couvrant les Loyers impayés sans limitation de durée et jusqu’à la récupération effective du bien dans un plafond limité à 70.000 €. Le sinistre est constitué soit en cas d’impayé total pendant deux mois consécutif ou non, soit en cas d’impayé partiel, lorsque le cumul des sommes impayées, sur une période de 12 mois maximum, atteint 1 mois de loyer. Une garantie de Détériorations immobilière qui prend en charge les coûts des travaux de remise en état du logement en cas de détériorations immobilières imputables au locataire, causées durant sa période d’occupation et constatées lors de la reprise effective du logement. L’indemnisation proposée au propriétaire-bailleur est limitée à 7.700 € TTC et réduit à 3.500 € TTC pour les locations meublées. Une garantie frais de contentieux qui couvre, dans la limite du plafond commun avec la garantie Loyers impayés (70.000 €), le paiement des frais engagés pour la récupération des sommes dues par le locataire dont les frais de procédure y compris les commandements de payer, les honoraires d’huissier, d’avocat ou d’avoué ainsi que les frais visant à l’expulsion du locataire tels que les frais d’intervention du serrurier et de la police, les frais de garde meubles et les frais de déménagement. Des critères d’éligibilité qui, selon l’article 3 du cahier des charges, doivent permettre l’accessibilité pour tous les locataires à partir du moment où leur taux d’effort est ≤ à 50% A la différence du 1er volet, la GRL2 propose un contrat avec un socle unique à tous les locataires y compris ceux qui ne sont pas éligibles 1% Logement et Etat. On distingue alors trois catégories :111 o Les locataires éligibles au 1% Logement : Ce sont, d’une part, les ménages locataires dont le taux d’effort est inférieur ou égal à 50% et qui sont considérés comme relevant d’une situation précaire en raison de leur statut de titulaires de contrats de travail dans le secteur privé non 111 Extrait du cahier des charges 78 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 agricole autres que les contrats à durée indéterminée dont la période d’essai a expiré. Ce sont, d’autre part, les ménages locataires dont le taux d’effort est supérieur à 28% et inférieur ou égal à 50% et qui relèvent d’une des situations suivantes à l’exclusion des situations précaires mentionnées ci-dessus : Les salariés des entreprises du secteur privé non agricole, y compris les anciens salariés retraités et les travailleurs saisonniers, et ce quels que soient leur ancienneté, la nature de leur contrat de travail et le nombre des salariés de l’entreprise ; les jeunes de moins de trente ans en recherche ou en situation d’emploi ; les étudiants boursiers o Les locataires éligibles Etat Ce sont, d’une part, les ménages locataires dont le taux d’effort est inférieur ou égale à 50% et qui relèvent d’une situation précaire, en raison de leur statut relevant de l’une des catégories suivantes : titulaires de contrats de travail en dehors du secteur privé non agricole autres que les contrats à durée indéterminée dont la période d’essai a expiré ; bénéficiaires des minimas sociaux ; demandeurs d’emplois indemnisés ; étudiants non salariés, non boursier. Ce sont, d’autre part, les ménages locataires dont le taux d’effort est supérieur à 28% et inférieur ou égal à 50% et qui ne relèvent ni des situations mentionnées cidessus. o Les autres locataires éligibles au contrat socle Ce sont les locataires dont le taux d’effort inférieur ou égal à 28%, à l’exception des locataires relevant d’une situation précaire définie ci-dessus. Ces catégories permettent de distinguer sur quels fonds seront versés les compensations financières aux entreprises d’assurances qui acceptent de distribuer ces nouveaux contrats, ou de ne pas en percevoir pour la dernière catégorie. Ainsi, le contrat socle se veut accessible à la quasi-totalité des locataires et limiter la collusion avec la GLI, qui dans ce nouveau cadre, serait dédiée aux baux dont le montant des loyers est au-dessus du seuil accepté en GRL2 soit 2 000 €. Nous verrons dans le chapitre 7.3, que cela ne sera pas vraiment appliqué ! 79 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 A noter également, que les locataires en place peuvent de nouveau, bénéficier du dispositif (rappelons qu’en cours de route dans la GRL1, les locataires en place ne pouvaient plus en bénéficier) selon la règle suivante : - Si la date d’effet du bail est antérieure d’au moins six mois à la date de souscription du contrat : o Le locataire est éligible au contrat socle au titre de la catégorie « autres locataires éligibles », sous réserve qu’il n’y ait pas eu deux mois, consécutif ou non, d’impayé total ou partiel de Loyer au cours des six mois précédant la date de souscription du contrat ; o Dans le cas contraire, le locataire n’est pas éligible au contrat socle - Si la date d’effet du bail est antérieure à la date de souscription du contrat mais que l’antériorité est inférieure à six mois, le locataire n’est pas éligible au contrat socle. Par dérogation et en cas de transfert de contrats entre assureurs, les locataires des logements concernés, relevant initialement des publics éligibles 1% Logement ou Etat, restent dans configuration au sein du contrat socle. Selon le V de l’article 2 du cahier des charges, un taux de cotisation unique quel que soit le locataire et fixé par l’assureur Dans la première version, le taux était fixé par la société de gestion, GRL Gestion, à 1,80% TTC appliqué sur le montant des quittancements. Toutefois, seuls les locataires éligibles 1% logement et Etat, bénéficiaient du taux GRL puisqu’en dehors de ces règles, les locataires devaient être assurés en GLI à des taux qui variaient selon l’assureur, la nature du contrat etc… Dorénavant et avec l’éligibilité de la catégorie « autres locataires », le taux est alors identique pour toutes les catégories de locataires dans la limite d’un taux d’effort qui ne dépasse pas 50%. Le taux en GRL2 a toutefois évolué puisqu’il est dorénavant de 2,18% TTC appliqué sur le montant des quittancements. De même, les assureurs ont la possibilité d’ajouter des garanties complémentaires telles que la protection juridique112, le départ prématuré113 ou bien encore la vacance locative114 afin de proposer des contrats complets, tels que peuvent l’être les contrats GLI. 112 A distinguer de la garantie « frais de contentieux » déjà proposée dans les garanties du contrat socle, la protection juridique permet au bailleur de prendre en charge les frais d’une procédure amiable ou judiciaire issue d’une action subie 80 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Une gestion des sinistres effectuée par les assureurs conformément à l’article 7 du cahier des charges Nous l’avions largement expliqué dans le chapitre 4, les assureurs ont en grande partie « boudé » la GRL1 compte tenu du fait qu’il ne gérait pas les sinistres dans le cadre de ces contrats. Les négociations pour la réforme du dispositif ont alors très largement porté sur cette question et ont permis aux compagnies, de récupérer totalement la gestion des sinistres. De même et plus largement, c’est l’entière gestion du contrat qui est réalisée par l’Assureur, depuis la commercialisation à la gestion des sinistres et jusqu’au recouvrement des impayés. Libre à eux par la suite, de déléguer certaines de ces missions, aux partenaires de leur choix. Des plafonds de garanties et de loyers modifiés En GRL1, l’indemnisation des loyers impayés était sans plafond global et seul un plafond d’indemnisation de 2.300 € par mois était auparavant appliqué. Ceci ne limitait cependant pas le quittancement, dès lors que le bailleur acceptait de ne pas être indemnisé sur la partie des loyers supérieurs à ce plafond. En GRL2, un plafond global par lot et par sinistre est fixé à 70.000 €, ainsi qu’un quittancement non assurable au-delà de 2.000 € par mois. Ceci évite de mettre sous garantie des biens avec des loyers qui de par leur montant, ne paraissent pas répondre à une visée sociale. Mais n’est-ce pas quelque peu discriminatoire ? Le plafond en détérioration reste identique à 7.700 € mais se voit appliquer une limitation à 3.500 € pour les locations meublées. Un calcul du taux d’effort revu selon le II de l’article 3 du cahier des charges Nous l’avions illustré dans le chapitre 5.3, la façon dont sont intégrées les aides aux logements peut changer le résultat du taux d’effort. En GRL1, les allocations étaient soustraites au montant du loyer ; en GRL2, celles-ci sont dorénavant ajoutées aux revenus afin d’obtenir un taux d’effort plus réaliste et doivent être versées directement au Bailleur en tiers-payant par l’organisme payeur pour diminuer l’exposition au risque d’impayé. de la part du locataire ou en droit d’exercer à son encontre, pour des motifs différents d’un sinistre impayé ou de dégradation (déjà couvert) et liés à l’application du bail. 113 Cette garantie permet de prendre en charge les loyers en cas de départ prématuré (décès par exemple) du locataire sans respect des délais jusqu’à la récupération des locaux par le propriétaire. 114 Cette garantie prend en charge les loyers, charges et taxes comprises, en cas de non-location du bien à partir de la date de fin de bail du dernier locataire et de son départ effectif. 81 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 De plus, le taux d’effort a été élargi puisque le seuil compris entre 33% et 50% passe dorénavant dans une tranche comprise entre 28% et 50%. Concrètement, les locataires qui disposent de revenus jusqu’à 3,5 fois supérieures au loyer deviennent éligibles au dispositif. Pour rappel, en GRL1, il n’était pas permis aux locataires disposant de revenus supérieurs à 3 fois le montant du loyer d’être éligibles sauf conditions particulières. La disparition du Passeport-GRL Sans surprise et selon ce que nous avons présenté au chapitre 5.2, le Passeport-GRL disparaît dans la nouvelle version. Le cahier des charges prévoit alors, en son article 11, la mise en place d’un système d’information qui devra permettre d’assurer la gestion et le suivi du dispositif. Les assureurs sont alors responsables de la saisie et de l’alimentation périodique des données relatives aux conventions, contrats d’assurance, lots garantis, sinistres, recouvrements, indemnisations et mécanique de compensation, pour les locataires éligibles 1% Logement/Etat. Par conséquent, le locataire ne doit plus, par lui-même, justifier de son éligibilité et être ainsi « automatiquement » informé que le propriétaire est garanti contre ses éventuels impayés de loyers et détériorations immobilières. Son éligibilité doit être recherchée par le propriétaire ou son mandant (par l’obtention des justificatifs habituellement demandés pour la constitution d’un dossier de solvabilité) qui le justifie auprès de la compagnie d’assurances. 7.2 Les engagements des acteurs : Etat, Assureurs et Partenaires sociaux Les nouvelles règles sont en place et chacun des acteurs doit s’employer, en quelque sorte, au bon déploiement du dispositif. En effet, les négociations menées en amont entre l’Etat, les Assureurs et les Partenaires sociaux ont permis d’« accoucher » du cahier des charges que nous venons de détailler et la phase de mise en place peut débuter. Pourtant et très vite, les règles imposées et les engagements de chacun paraissent poser certaines difficultés, car le cahier des charges n’a pas fait l’objet d’un consensus total. 82 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 La première difficulté concerne l’engagement minimal des assureurs sur la part des contrats socles, parmi l’ensemble des contrats. En effet, une règle visant leur distribution a été prévue au VI de l’article 2 du cahier des charges. Celle-ci précise que la distribution du contrat socle doit représenter : - Pour les Bailleurs administrateurs de biens, 80% de la distribution de l’ensemble des contrats portant sur les logements éligibles - Pour les autres Bailleurs, la distribution du contrat socle doit être exclusive et donc représenter 100% Cette règle a pour but d’éviter la sélection du risque et que la distribution du contrat socle ne soit limitée qu’aux seuls locataires les plus risqués. La distribution est alors appréciée en fonction du nombre de lots couverts par : « les contrats souscrits par l’Assureur ou par une Société anonyme ou mutuelle d’assurances contrôlée à compter de la date d’entrée en vigueur de la convention ; ainsi que par les contrats souscrits avant la date d’entrée en vigueur de la Convention par l’Assureur ou par une Société anonyme ou mutuelle d’assurances contrôlée dans le cas où les logements couverts par ces contrats font l’objet d’un changement de locataire à compter de cette même date. »115 Autrement dit, toute nouvelle adhésion de lot sur un contrat d’assurances Loyers Impayés auprès d’une compagnie ayant rejoint le dispositif, devra se faire sur ces contrats socles. Mais les compagnies sont-elles réellement prêtes à se « restreindre » à la promotion de la GRL en tant qu’unique et exclusive solution des risques locatifs ? Nous y répondrons au chapitre 7.3… La seconde difficulté concerne les sanctions prévues par l’APAGL dans la convention partenariale fixée avec les assureurs et que ces derniers considèrent comme trop sévères et arbitraires. En effet, la convention prévoit la possibilité que l’APAGL, de façon unilatérale, puisse appliquer des sanctions allant du simple avertissement à la résiliation de convention (avec éventuellement restitution des compensations versées par le fonds GURL). Ces sanctions peuvent également être financière. Si, devoir se faire sanctionner par une « autorité » qui ne relève ni de la FFSA, ni du comité d’éthique partenarial116, n’enchante guère les assureurs, ils 115 Extrait du chapitre VI, Article 2 du cahier des charges du dispositif de garantie universelle des risques locatifs Le comité d’éthique partenarial est chargé de veiller au respect par l’ensemble des Assureurs, des principes d’éthique et de déontologie inhérents à la bonne mise en œuvre du dispositif. Il est composé de trois collèges avec : 116 83 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 sont encore moins disposés à risquer de perdre la réassurance du fonds GURL, en cours d’année et/ou avec effet rétroactif. De plus et à l’inverse, il n’est pas prévu de sanctions à l’encontre de l’APAGL dans le cas où elle ne remplit pas ses obligations… Une autre difficulté est aussi mise en avant par les assureurs et qui concerne les obligations de transmission d’informations (annexe n°3 de la convention partenariale). 117 En effet, de nombreuses données sur les sinistres ainsi que sur les lots assurés, locataires et les primes doivent être régulièrement transmises sous un format numérique. Or une partie de ces informations sont détenues par les ADB qui les transmettent bien aux compagnies, mais le plus souvent sur un format papier ; le développement informatique de ces structures étant limité, l’APAGL s’attardera donc à développer un système d’information que devront utiliser les ADB… Mais, comme nous le verrons dans le chapitre 7.3, il n’est pas forcément évident que ces derniers l’acceptent facilement ! Enfin, une dernière difficulté est liée au doute qui subsiste chez les assureurs concernant la participation de l’Etat dans la dotation financière du fond GURL. En effet, et en cas d’insuffisance de ce fond (dans le cas d’une sur-sinistralité) et plus précisément sur la partie du public « éligible Etat », les fonds d’Action Logement ne sont normalement pas mobilisables. Dans ce cas, les assureurs souhaitent la confirmation que l’Etat s’engagera à réapprovisionner le fonds afin qu’ils n’aient pas en assumer eux-mêmes, le risque. Sur ce point, l’Etat a tenté de rassurer les assureurs comme l’atteste le courrier adressé par les ministres de l’Ecologie, de l’Economie et du logement à la FFSA et au GEMA.118 Mais les arguments avancés n’ont à priori, jamais totalement convaincu les assureurs ; à moins que ce soit ces derniers qui n’ont jamais voulu être convaincus ?! Il semble que ce sur point, l’Etat ne bénéficie pas de la confiance des entreprises d’assureurs qui craignent les possibles changements de position… un représentant de chacune des deux organisations professionnelles de l’assurance (FFSA, GEMA) un représentant de l’UESL et un de l’APAGL un représentant du ministre chargé du logement et un représentant du ministre chargé de l’économie 117 Annexe n°8 118 Annexe n°9 84 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 7.3 Le double jeu des assureurs et l’influence des professionnels de l’immobilier Les entreprises d’assurances ont-elles réellement souhaitées dès le départ entrer dans le dispositif ? A cette question et concernant la 1ère version, nous avons vu à la fin de la 1ère partie, qu’il semblait évident que toutes les conditions n’étaient pas réunies pour séduire les compagnies… Mais les évolutions apportées à la GRL, suite à la réforme, suffisentelles réellement ? Nous venons de voir que de nombreuses réserves semblent freiner l’engouement des entreprises d’assurances, si engouement il y a eu ? Car pour celles déjà présentes et « bien installées » sur cette niche d’activité que représente l’assurance Loyers Impayés, y-a-t-il réellement un intérêt, à devoir distribuer quasi-exclusivement, la GRL2 dès lors qu’elles acceptent d’entrer dans le dispositif ? Pas sûr si toutes n’ont pas la même démarche… En effet, on constate dans les premiers mois qui suivent la réforme, un comportement « attentiste » des compagnies qui s’observent pour déterminer celles d’entre elles qui vont entrer en GRL2. Car pour celles qui choisissent, en premier, de s’investir dans le dispositif, elles prennent le risque que les autres ne suivent pas, préférant rester sur le marché de la GLI et tenter même de récupérer les parts de marché de celles entrées en GRL2 ! D’autant que, plusieurs facteurs favorisent ce comportement influencé par les professionnels de l’immobilier : D’une part, la concurrence qui se crée naturellement entre la GRL2 et la GLI, sur le « terrain » Garanties/Taux de prime. Si le cahier des charges précise que « chaque Assureur détermine librement le taux de prime correspondant aux garanties minimales du contrat socle »119, la réalité est quelque peu plus complexe. Car le nouveau calcul des compensations financières (que nous détaillerons dans le chapitre suivant) est réalisé sur la base d’un taux de prime qui ne peut être inférieur à 2% HT. Par conséquent, si une compagnie décide (puisque dorénavant, elle le peut) de distribuer la GRL2 à un taux inférieur, elle risque en cas de sur-sinistralité, d’être « perdante » sur les compensations financières. C’est d’ailleurs pour cette raison, que toutes les compagnies qui décideront de distribuer le contrat socle, le feront au taux de 2,18 % TTC (soit 2% HT). 119 Extrait du Chapitre V de l’Article 2 du Cahier des charges du dispositif de garantie universelle des risques locatifs 85 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Mais à ces nouvelles conditions tarifaires (rappelons que la GRL1 était proposé au taux de 1,80%TTC), la GRL2 devient moins intéressante que la GLI qui propose souvent, un contrat plus étendu120 à un taux, rarement supérieur et souvent inférieur121 ! Bien entendu, l’assureur a la faculté d’associer des garanties complémentaires et/ou optionnelles, en sus des garanties du contrat socle. Mais dans ce cas, les primes et les sinistres relatifs à ces garanties doivent alors être distingués et n’entrent pas dans le mode de calcul des compensations de l’UESL et/ou de l’Etat. De plus, le taux de prime peut alors « s’envoler », creusant ainsi l’écart avec la GLI. Sur la page suivante, nous trouverons un exemple de tableau de garanties proposées par la compagnie DAS : 120 Il est courant de voir dans les « packages » GLI les mêmes garanties socle de la GRL accompagnées des garanties suivantes : Protection juridique Départ prématuré du locataire/inoccupation d’un lot Frais de déménagement & Propriétaire Non Occupant 121 Pour exemple, le portefeuille assuré par Verspieren, et dont les contrats font partie des garanties les plus étendues, fait ressortir un taux de prime médian à 1,99% TTC. 86 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 87 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 D’autre part, la lourdeur des informations à transmettre, que se refusent de faire les ADB Nous l’avons également évoqué plus tôt, les informations à transmettre à l’APAGL sont très lourdes et exclusivement sous un format numérique. Or les ADB, transmettent pour la très grande majorité d’entre eux, en GLI, une partie seulement de ces informations et en un format « papier ». Par conséquent, le système d’information que l’APAGL mettra en place, constituera une contrainte de « double saisie » pour ces professionnels de l’immobilier, qui utilisent déjà leur propre système informatique pour leur gestion « quotidienne » des lots. Des tentatives pour adapter les outils informatiques de gestion des ADB ont bien eu lieu, mais deux freins principaux sont apparus : - Le nombre important d’éditeur de logiciel, difficile à « fédérer » - Le coût important que l’évolution de ces outils peut représenter pour les ADB Sur ce dernier point d’ailleurs, il est intéressant de constater que ce même point de blocage est avancé par les entreprises d’assurances, qui considèrent pour certaines, que le coût des modifications informatiques, est également trop lourd. Sur cet argument, il semble pourtant plus facile de l’entendre chez les ADB que chez les assureurs…. Enfin et depuis la loi « Boutin » qui depuis mars 2009, interdit de cumuler une assurance de loyers impayés avec une caution, les assureurs ont revu leurs critères d’éligibilité pour ne pas devoir subir un phénomène de « désassurance » des bailleurs. Concrètement cela se traduit par : - Modification du taux d’effort : Limité auparavant à 33%, beaucoup de compagnies ont accepté de l’élargir à 37%. Cela revient à accepter des locataires dont les revenus représentent que 2,7 fois le montant du loyer au lieu de 3 fois jusqu’alors. - Modifications des statuts éligibles : Restreint pour les salariés, à un statut en CDI (plus en période d’essai, ni en préavis), sont dorénavant régulièrement acceptés : o CDI en période d’essai o CDD o Intérimaire o Intermittents du spectacle 88 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Ces aménagements déjà en place au moment du passage à la GRL2, et dont les ADB ont profités automatiquement sans surcoût quelques semaines après la promulgation de la loi « Boutin », n’ont cependant pas aidé à rendre plus attractif le nouveau dispositif auprès des professionnels de l’immobilier qui avait déjà obtenu une solution aux contraintes imposées par la loi « Boutin » dont l’article 55 visait justement à promouvoir la GRL. Pour conclure, rappelons que les bailleurs majoritairement assurés en GLI sont ceux qui confient la gestion de leurs biens à un ADB. Ce que nous venons d’évoquer, laisse donc présager que le démarrage en GRL2 risque d’être compliqué, même plus que celui de la GRL1. Nous en débâterons dans l’état des lieux que nous vous proposerons dans la dernière partie. 7.4 Le fonds GURL : Cette fois, appelez-moi réassurance ! La réforme de la GRL a également et logiquement, entrainé une refonte du fonctionnement du fond GURL, présenté au chapitre 2.4. Un premier changement, de forme, concerne l’Article L.313-20 du Code de la construction et de l’habitation qui a été modifié par la loi « Boutin » et qui confirme que le Fonds GURL assure le versement des compensations mentionnées au g non plus de l’article L.313-1 mais de l’article L.313_3. Plus intéressant, il complète surtout cette mention en précisant que « ce versement ne constitue pas une activité de réassurance au sens de l’article L. 310-1-1 du code des assurances » Cette précision n’est pas anodine car la reprise de la gestion des sinistres de la GRL par les assureurs, induit un mécanisme de compensation différent, qui s’apparente beaucoup plus à de la réassurance que dans la 1ère version. D’ailleurs notons que l’article 10 du cahier des charges qui décrit le mécanisme de compensations financières, emploi dans le titre de présentation de cet article, le terme « Stop-Loss » ! Rappelons alors, que ce terme Anglais qui signifie « Excédent de perte » désigne un des mécanismes en réassurance non proportionnelle dans lequel le réassureur intervient lorsque l’assureur est en perte. Plus précisément, cela signifie qu’un seuil et une limite d’intervention 89 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 du réassureur sont définis en fonction d’un pourcentage du total des primes perçues par la cédante (l’Assureur). Cela permet à la cédante de protéger par exemple, l’équilibre technique d’une branche couverte en Stop-Loss. En GRL2, c’est donc bien un mécanisme de Stop-Loss qui est proposé aux assureurs avec un seuil de déclenchement fixé à 55% ; car au-delà d’un ratio S/P de 55%, c’est le fond GURL qui prendra en charge l’excédent de sinistres. Toutefois, les compensations sont calculées de manière indépendante pour chaque assureur et ce seuil peut être individualisé par compagnie. Il peut également être modulé à la hausse ou à la baisse de façon individuelle. Par exemple, si l’APAGL constate que le portefeuille d’un assureur est constitué, majoritairement, d’un public situé dans la tranche compensable 28% à 33% (considéré comme un «« bon risque »), le seuil de déclenchement du stop-loss peut être alors réévalué à la hausse. A l’inverse, si un assureur est très sinistré suite à une problématique conjoncturelle spécifique à son secteur (comme la fermeture d’une grande entreprise locale), le seuil de déclenchement du stop-loss peut être abaissé. De même, les provisions sont évaluées selon l’une ou l’autre des différentes méthodes de provisionnement visées au dernier alinéa de l’article R. 331-26 du code des assurances122 de manière à assurer une appréciation du montant des compensations à l’égard de chaque assureur selon des modalités comptables et techniques cohérentes entre tous les assureurs. En principe, les compensations sont égales, pour chaque Exercice de rattachement, au résultat de la formule suivante, si le résultat est positif : Compensation = (Sinistres – Primes × Taux de référence) si positif, 0 sinon 122 Cet alinéa précise que les évaluations seront calculées en utilisant concurremment les deux méthodes suivantes, l’évaluation la plus élevée étant seule retenue : première méthode : évaluation par référence au coût moyen des sinistres des exercices antérieurs deuxième méthode : évaluation basée sur les cadences de règlement observées dans l’entreprise au cours des exercices antérieurs En outre, une évaluation dossier par dossier peut également être utilisée pour ces sinistres. Dans ce cas, l’évaluation la plus élevée résultant de ces trois méthodes est retenue 90 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Notons que les primes prises en compte123 : - s’entendent hors taxe, - incluent la fraction éventuellement reversée aux intermédiaires dans le circuit de distribution ; - sont celles encaissées ou à encaisser depuis plus de 3 mois depuis le début de l’Exercice E jusqu’à la fin du trimestre T, y compris les primes reçues non éligibles aux dispositions de l’article R.332-6 du code des assurances, au titre de l’Exercice E ; - résultent de la tarification effectivement pratiquée sauf si le tarif annuel apprécié dans les conditions fixées aux trois alinéas précédent est inférieur à 2% de la base garantie : dans ce cas, les Primes prises en compte sont établies sur la base d’une tarification fictive en prime hors taxe de 2% du montant annuel des Loyers garantis On voit donc ici la différence avec le mécanisme du 1er volet du dispositif : Auparavant l’assureur percevait l’intégralité de la prime et reversait au fond GURL 67%, puisque l’assureur n’indemnisait pas directement, et gardait 33% des primes brut pour ses charges, ses frais d’intermédiation et sa marge (dite raisonnable). Dorénavant, il perçoit toujours l’intégralité des primes mais en conserve la totalité pour pouvoir indemniser les sinistres. Il percevra néanmoins des compensations financières au titre du risque supplémentaire qu’il accepte selon les critères de solvabilité élargi en GRL2, dès lors qu’il présentera un ratio S/P supérieur à 55%. Il est donc considéré ici, que l’équilibre technique pour l’assureur se situe à 55% (et non plus à 67%) compte tenu principalement, de ses frais inhérent à la gestion des sinistres. 123 Extrait de l’article 10 du cahier des charges du dispositif Garantie Universelle des Risques Locatifs 91 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 8 Et à l’étranger … Quels sont les mécanismes de garantie des risques locatifs à l’étranger ? Existe-t-il des systèmes identiques à ce que nous connaissons en France et/ou des systèmes spécifiques ? Une enquête auprès des missions économiques à l’étranger, proposée dans les annexes du « rapport 3B » a cherché à faire cette comparaison internationale, dans un champ recouvrant les grands pays européens ainsi que les Etats-Unis, le Canada et la Nouvelle Zélande. Dans l’ensemble, un des premiers constats relève que la caution d’une personne physique est très peu utilisée dans les pays faisant l’objet de la comparaison, à l’exception de l’Espagne. Les garanties demandées par les propriétaires relèvent généralement plus du dépôt de garantie qui équivaut à plusieurs mois de loyers. Aux Etats-Unis, il est habituellement de 1 mois alors qu’il est de 6 mois à 1 an en Espagne. En suisse, il est constitué entre 1 et 3 mois de loyers déposés sur un « compte garantie de loyer » ouvert conjointement avec le propriétaire qui permettra à ce dernier, d’y puiser son dû en cas de défaut de paiement. Dans ce même pays, il existe également des structures qui peuvent se porter caution pour le locataire mais ce service est payant. En Belgique et en Allemagne, ce dépôt de garantie est versé sur un compte bancaire bloqué et rémunéré (au profit du locataire) et peut aussi être directement constitué par la banque qui assure la disponibilité de la totalité du dépôt de garantie au propriétaire alors que le locataire reconstitue progressivement pendant le bail et sous forme de versement régulier, la somme globale. De la même façon qu’en France, plusieurs pays tels le Royaume-Uni et la Belgique disposent de mécanismes d’aides publics pour aider les populations fragiles, à constituer le dépôt de garantie. Ce tour d’horizon des différents pays met en exergue un élément important : L’assurance Loyers Impayés est très peu déployée à l’étranger. Seuls la Suisse, l’Allemagne et le Royaume-Uni propose des solutions. 92 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 En Allemagne cependant, elle est dédiée uniquement aux baux commerciaux et s’inscrit donc dans un cadre différent qu’en France où très peu de compagnies acceptent d’assurer ce type de risques. En Suisse, les contrats d’assurances qui existent sont majoritairement souscrits non pas par le propriétaire, mais directement par le locataire ! Car ces contrats apparaissent comme une alternative au dépôt de garantie que doivent bloquer les locataires, sur des comptes bancaires accessibles aux propriétaires. Néanmoins et depuis peu, certaines compagnies comme Swisscaution proposent désormais des assurances de loyers impayés dédiés également aux propriétaires. Enfin au Royaume-Uni, l’assurance est un peu plus démocratisé mais présente des conditions moins intéressante qu’en France : Le taux de prime est d’environ 3,5% du montant des loyers et s’accompagne de deux conditions : Le loyer doit être réglé avec un mois d’avance et le montant de l’indemnisation est limité en nombre de mois ou en montant (6 mois ou 30 000 €). Globalement, on peut donc considérer que les mécanismes de garanties des loyers impayés sont relativement peu développés à l’étranger et cela peut s’expliquer par une raison principale : Les investigations des propriétaires sur la solvabilité des locataires sont souvent plus approfondies qu’en France (et les mesures conservatoires et comminatoires sont plus expéditives aussi). En effet et selon les pays, il existe des fichiers publics ou privés, qui recensent les historiques de crédits des locataires et permettent ainsi, aux propriétaires, d’apprécier du niveau d’endettement des locataires et leur capacité à faire face au bon paiement de leur loyer. Comparativement et en France, cette notion n’existe pas et l’appréciation de la capacité du locataire s’effectue, comme nous l’avons vu précédemment, principalement sur le taux d’effort que représente le loyer en fonction des revenus ; mais ce taux d’effort ne tient pas compte du niveau d’endettement réel du locataire. Cette investigation plus précise de la solvabilité répondrait-elle alors mieux au besoin de sécurisation des bailleurs ? C’est ce que nous pouvons d’une certaine façon en déduire… 93 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Synthèse de la 2nde Partie Il était certainement indispensable de réformer le dispositif GRL, et en ce sens, se rapprocher un peu plus des entreprises d’assurances constituait certainement le bon choix. Mais les erreurs issues de la GRL1 étaient encore trop ancrées dans les esprits des assureurs et des assurés pour que l’engouement soit réel. Cette situation a alors créé un comportement « attentiste » des entreprises d’assurances, qui se sont demandées, durant de nombreux mois, s’ils allaient finalement investir le « marché » de la GRL. Dans le même temps, la dégradation économique générale que la France a connue sur cette période, a accentué les besoins : - Pour les propriétaires, de la protection de leurs revenus. - Pour les locataires, de souplesse sur les critères d’éligibilités exigés en amont de la signature d’un bail. Cet ensemble, a ainsi amené un effet d’aubaine profitant non pas à la GRL, mais à la GLI que les assureurs ont préférés adapter. Mais compte tenu des enjeux politiques en matière de logement et des engagements qui ont été pris dans ce domaine, les assureurs vont-ils pouvoir tenir cette position sans s’attirer les « foudres » des pouvoir publics ? 94 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 3ème PARTIE – LA GRL AUJOURD’HUI ET DEMAIN 95 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 9 Qu’en est-il réellement du dispositif à ce jour Dès le départ de la GRL2, il a semblé à plusieurs acteurs, que la situation était quelque peu compliquée et que le dispositif ne prenait pas le meilleur « chemin »… En tant qu’observateur, nous avons rédigé deux articles, à 1 an d’intervalle et qui illustraient les doutes que la réforme de la GRL laissait présager. Le premier en mars 2010 proposait une rétrospective rapide du dispositif depuis sa création et ce qu’il risquait de se passer dans les mois suivants ; le second article, constatait que nos prédictions étaient juste… LA GRL2 sur le terrain… Article pour le journal Transversales Immobilières124 du mois de mars 2010, soit 3 mois après l’entrée en vigueur de la GRL2. « A l’heure où deux premières compagnies viennent de signer une convention de partenariat avec l’APAGL et permettre ainsi la diffusion des premiers contrats socles, quels sont finalement les enjeux de ce nouveau dispositif ? Si du côté politique, ils sont clairement établis, côté assureurs, professionnels de l’immobilier et propriétaires, ils sont nettement moins bien identifiés… Quels sont les besoins, les offres et le positionnement de ces différents acteurs face à la GRL2, c’est ce que nous vous proposons de tenter d’éclairer ici. Débutons par un rapide coup d’œil dans le rétroviseur de la GRL : 2006, l’Etat et les partenaires sociaux proposent un dispositif innovant afin d’apporter une solution à la problématique du logement, basée sur une souscription volontaire des propriétaires bailleurs à un dispositif assurantiel acceptant de couvrir le risque d’impayé pour des locataires considérés plus « fragiles » et habituellement non retenus par les bailleurs sans une caution solvable. Cependant, les entreprises d’assurances ont massivement « boudé » ce dispositif dont la gestion ne leur était pas confiée, considérant ici un risque important de « cannibalisation » de leur propre marché déjà existant, la GLI. 124 Transversales Immobilières est le journal proposé par l’UNIS (Union des Syndicats de l’Immobilier) 96 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Parallèlement, les professionnels de l’immobilier et les propriétaires ont immédiatement été méfiants face à une ouverture perçue souvent comme trop « déresponsabilisant » et n’étaient pas prêts à abandonner la caution solidaire, condition sine qua non pour adhérer à la GRL. Enfin, la gestion des sinistres centralisée par GRL Gestion, ne donnait pas la satisfaction apportée par les compagnies d’assurances sur les dispositifs traditionnels. Par conséquent et 3 ans après, les objectifs de la GRL n’étaient pas atteints. Depuis, la loi Molle du 25 Mars 2009 et plus particulièrement son article 55 interdisant le cumul caution et assurance couvrant les risques d’impayés, a contraint les assureurs à se remettre autour de la table avec les partenaires sociaux et l’Etat, afin de réformer le dispositif GRL. Résultat, un dispositif profondément revu pour permettre de mieux répondre aux attentes de chacun et dont le détail des modalités vous ont été présentées dans les pages précédentes. A ce jour, deux compagnies ont pour le moment choisi de rejoindre le dispositif : la première125 était déjà très liée à la GRL ayant vu à l’époque un moyen de capter un marché sur laquelle elle était peu présente. Son entrée dans la nouvelle version était alors inévitable compte tenu de ses engagements dans la version 1. Pour la seconde126 et malgré ses réticences connues sur la première version, il semble qu’elle ait souhaité répondre aux besoins de son marché. Une troisième127 a d’ores et déjà officialisé son intention et d’autres devraient naturellement suivre mais pas toutes… Car il est important de préciser ici une règle, visant la distribution des contrats socles, lourde de conséquence après l’entrée des compagnies dans ce dispositif. En effet, le cahier des charges validé par le décret du 23 décembre dernier prévoit une règle de distribution du contrat socle par les compagnies visant un engagement minimal de 80% parmi l’ensemble des contrats de leurs portefeuilles portant sur la part éligible. Ceci afin d’éviter la sélection du risque et que la distribution du contrat socle ne soit limitée qu’aux 125 DAS, filiale de MMA CGAIM 127 MACIFILIA mais qui finalement, fera marche arrière... La 3ème compagnie qui rejoindra le dispositif sera la MAL. 126 97 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 seuls locataires les plus risqués. Cette règle passe à 100% et devient donc exclusive, pour les adhésions des propriétaires individuels (hors contrat groupe dédié aux administrateurs de biens). Cette distribution est appréciée en fonction du nombre de lots couverts selon la rédaction suivante : «Les contrats souscrits par l’Assureur ou par une Société Anonyme ou mutuelle d’assurances contrôlée à compter de la date d’entrée en vigueur de la convention ; ainsi que par les contrats souscrits avant l’entrée en vigueur de la Convention signée par une Société Anonyme ou mutuelle d’assurances contrôlée dans les cas où les logements couverts par ces contrats font l’objet d’un changement de locataire à compter de cette même date ». Autrement dit, toute nouvelle adhésion de lot sur un contrat d’assurance loyers impayés auprès d’une compagnie ayant rejoint le dispositif, devra se faire sur ces contrats socles ; tout comme les changements de locataire entraîneront la bascule du lot concerné sur ces mêmes contrats ! Les 20% restant devant permettre aux assureurs de maintenir leur solution GLI aux administrateurs de biens hermétiques à la GRL2, désireux de ne proposer que leur contrat « classique ». Cette règle étant définie, le problème se complique au vu des garanties « diminuées » proposées par les contrats Socles et le taux de prime majoré : 2,18% TTC. Un taux retenu pour servir de base aux compensations financières des compagnies et qui conduit ces dernières, à ne pas vouloir s’en écarter faute de recul suffisant. Dès lors un constat s’impose : La GRL2 ne risque-t-elle pas de n’intéresser que les propriétaires ayant peu de candidats présentant des critères de solvabilité habituellement attendus (33% de taux d’effort maximum et une situation professionnelle pérenne). Les autres n’ayant que peu de raison d’accepter une diminution des garanties assortie d’une hausse de prime ! Associés aux contraintes informatiques exigées par l’APAGL, la GRL2 ne démarre pas avec les meilleurs atouts… Fort de ce constat, certaines compagnies pourraient être susceptibles de ne pas entrer dans le dispositif voir même, le contrer en proposant une offre alternative dans laquelle les critères de solvabilités seraient légèrement allégés. 98 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Dans ce cas, nous nous retrouverions dans une situation de marché proche de l’actuelle : deux dispositifs qui coexistent, la GLI et la GRL, isolant la seconde pour les locataires les plus risqués, effet que ses initiateurs cherchaient justement à éviter ! Pire, nous pourrions supposer alors que le risque non mutualisé de la GRL2 entraîne très vite des résultats techniques désastreux et un développement insuffisant pour les compagnies qui se désengageraient de leurs conventions. La fin de la GRL2 serait alors une évidence. Espérons que cette vision ne soit pas réalité et imaginons très vite quels sont les axes à développer. Le premier que Verspieren préconise est un nivellement des garanties du socle à celles des garanties des contrats GLI existants, sans augmentation supplémentaire d’un taux déjà majoré. La bascule progressive des propriétaires se ferait alors à moindre mal. Le deuxième pour parfaire l’attrait des propriétaires déjà assurés, un ajustement de la prime sans attendre ! N’oublions pas que seuls, 20% des lots du parc privé sont actuellement assurés contre les risques d’impayés mais que le taux d’équipement des professionnels de l’immobilier en GLI est déjà très élevé. Les enjeux sont donc de taille. » Les assurances de Loyers Impayés : La GLI et le plan de relance de la GRL2. Article pour le journal Transversales Immobilières du mois de mars 2011 « Dans le numéro 87 du mois de mars-avril 2010, nous vous proposions un état des lieux de la GRL depuis sa mise en place. Nous faisions alors le constat de l’échec de sa première version et d’un tout aussi possible échec de sa deuxième version pourtant juste finalisée, compte tenu principalement de la règle de distribution imposée aux compagnies d’assurances dite des « 80/20 », des lourdeurs de gestion et des contraintes qui en résultent pour les professionnels de l’immobilier. Un an après quasiment jour pour jour, nous devons bien constater que notre prédiction était juste ! En effet et depuis, seules trois compagnies au total ont rejoint le dispositif, les autres dont les principales sur ce secteur des garanties de loyers impayés, ayant préféré proposer une solution alternative comme nous le supposions : L’élargissement des critères de solvabilité dans les contrats GLI comme l’augmentation du taux d’effort à 40% ou l’intégration des statuts 99 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 « précaires » tels que les CDI en période d’essai / les CDD, qui a effectivement permis de répondre à la grande majorité des besoins limitant ainsi les adhésions en GRL2. Cette situation a vite été comprise par les pouvoirs publics qui n’ont pas souhaité une nouvelle fois constater cet échec sans réagir. Première intervention, celle des sénateurs qui ont tenté de taxer la Garantie des Loyers Impayés (GLI) à hauteur de 25%, en adoptant une première fois un amendement début décembre 2010 dans le projet de loi de finance 2011. Leur objectif : Compenser les pertes techniques de la GRL2 du fait de la sélection des risques opérés entre la GRL2 et la GLI. Toutefois le texte présenté le 13 décembre dernier devant la commission mixte paritaire n’a pas été adopté. Non loin de se décourager, les sénateurs ont à nouveau voté un amendement (cette fois dans le projet de loi Finances rectificatives 2010) ramenant la taxe à 15% et qui a également été refusé par cette même commission mixte paritaire. Dans le même temps, Benoist Apparu, secrétaire d’Etat chargé du Logement, a réuni à plusieurs reprises les assureurs et l’APAGL (qui pilote le dispositif GRL2) afin de comprendre les difficultés ainsi que missionner des audits plus larges auprès des différents acteurs de ce marché. Résultat : Un plan de relance du dispositif (pour ne pas parler de GRL3…) vient de voir le jour proposant des changements importants. A l’heure où nous écrivons ces lignes, nous ne disposons pas encore de tous les détails mais pouvons néanmoins vous en livrer les grands axes : Le premier concerne la fameuse règle de distribution dite « 80/20 » mentionnée plus haut et qui freinait l’engouement des compagnies qui ne souhaitaient pas ne plus pouvoir distribuer ses produits de base GLI : Cette règle est dorénavant et tout simplement supprimée ! Le second attrait au taux d’effort des locataires inscrit dans la GRL2 fixé à 50% ; souvent contesté par les propriétaires et les professionnels de l’immobilier le considérant comme trop risqué, il est réaménagé puisque dorénavant, les allocations logements ne pourront plus être retenues pour le calcul du taux d’effort ; Conséquences, si celui-ci reste fixé à 50%, il est dans les faits, sensiblement abaissé (environ 40%). Le dernier et sur lequel nous manquons à cette heure de détail, concerne les procédures du dispositif jugées à juste titre, trop lourdes et contraignantes, et qui seront considérablement 100 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 simplifiées. Celles-ci concernent principalement les pièces du dossier des locataires et les modalités de gestion des sinistres. Quant aux sanctions financières également dissuasives pour les compagnies d’assurances en cas de non-respect de la convention, elles devraient être remplacées par des pénalités « proportionnelles aux préjudices ». Enfin et concernant la pérennité des compensations financières publics, elles semblent être considérées comme « satisfaisante » selon une note transmise par la FFSA (Fédération Française des Assureurs) et du GEMA (le Groupement des Entreprises Mutuelles d’Assurance) à leurs adhérents. Ce plan de relance permettra-t-il réellement de sauver la GRL2 ? Une partie de la réponse est aujourd’hui entre les mains des compagnies qui savent dorénavant en cas de refus de leur part, qu’elles seront dans le collimateur des pouvoirs publics. » Ces deux articles mettent ainsi en évidence, les difficultés que la GRL2 a connu dès le départ et précise un point qui n’a à ce jour, pas évolué depuis la réforme de la GRL : Les assureurs ne voulaient pas du dispositif GRL et ce, dès le début avec une position quasi dogmatique du sujet. Car ils n’ont jamais, finalement, accepté l’arrivée d’un acteur non assurantiel. Par conséquent, seules trois entreprises d’assurances ont rejoint le dispositif ! Ce qui en fait six de moins qu’en GRL1 où, comme nous l’avions vu dans la 1ère partie, neuf compagnies avaient accepté d’entrer dans le dispositif… La réforme aurait-elle plutôt fait fuir les assureurs que de les fédérer autour du dispositif ? Elle ne les a en tout cas pas convaincu puisque d’un côté, certaines compagnies n’ont donc pas reconduit leur implication en GRL, et d’un autre côté, les principales compagnies présentes en GLI, comme Macifilia, AXA, l’Equité ou les ACM et qui avaient déjà refusé d’entrer en GRL1, ont reconduit leurs réticences envers la GRL2 ! Un schéma « pernicieux » et prévisible, toujours d’actualité à ce jour, s’est alors rapidement installé, puisque la position des assureurs a permis d’offrir une double solution aux bailleurs : 101 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 - La GLI qui a dans certains cas, ouvert (de nouveau)128 ses critères de solvabilité pour permettre de continuer à répondre à la grande majorité des besoins. En effet, certains contrats ont proposé d’accepter des taux d’effort allant jusqu’à 40%, en contrepartie d’une légère majoration de prime (0,20% TTC). - La GRL2 qui de ce fait, s’est retrouvée isolée et « cantonnée » aux publics « très » fragiles puisque les autres, continuaient d’être assurés en GLI. L’esprit « socle » n’a alors, pas eu lieu du fait que les principales compagnies ne sont pas entrées dans le dispositif. La sélection du risque est devenue systématique, les bailleurs (via les ADB, principalement) répartissant volontairement le bon risque sur la GLI et le mauvais sur la GRL. Les courtiers en assurances, spécialisés sur les risques locatifs, ont aussi favorisé d’une certaine façon, le clivage entre la GLI et la GRL et ce, pour deux raisons principales : - Pour répondre aux besoins de leurs clients ADB. Au plus près de leurs problématiques, les courtiers ont vite compris que la GRL apportait des contraintes importantes, dans les actes quotidiens de gestion, de leurs clients. Celles-ci risquaient alors de limiter le déploiement par les ADB, des garanties de loyers (GRL ou GLI) auprès de leurs propres clients que sont les assurés « finaux » : les propriétairesbailleurs. - Les courtiers spécialisés sur ces risques, bénéficient souvent, de la part des compagnies avec lesquelles ils travaillent, d’une gestion déléguée des sinistres. Par conséquent, toutes les obligations auxquelles ces dernières étaient contraintes avec la GRL, se répercutaient ainsi et directement sur les courtiers. Cela nécessitait des moyens humains et informatiques très importants dans lesquels, beaucoup d’entre eux, n’ont pas voulu investir. Par conséquent, ils ont limité la promotion du dispositif qui ne répondait pas au mieux, à leurs ambitions : Satisfaire leurs clients et développer commercialement, un marché économiquement profitable. 128 Rappelons que certaines compagnies avaient déjà élargi, sans surprime, les critères d’éligibilités de leurs contrats GLI ainsi que le taux d’effort accepté, à la suite de la promulgation de la loi « Boutin » en mars 2009. 102 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 De cette situation globale et à la fin 2011, l’état de la GRL2 est le suivant129 : - Environ 250 000 lots sont assurés, assez loin des objectifs ambitieux de 1 millions de logements. Toutefois, il semble que la GRL ait trouvé son public puisque 75% des locataires entrants, sont salariés mais les 2/3 en situation de précarité. Ces derniers ont néanmoins pu trouver un logement grâce à la GRL. - 3 compagnies distribuent le dispositif : o DAS avec 82% de la souscription du dispositif. Compagnie peu présente en GLI avant l’apparition de la GRL, elle a souhaité mieux investir cette niche en entrant massivement dans la GRL1. A la suite de la réforme, elle était certainement trop investie dans le dispositif pour ne pas « se reconduire » en GRL2 o CGAIM avec 12% de la souscription du dispositif. Compte tenu de sa « représentativité » et de son « exposition » sur le marché des professionnels de l’immobilier, l’assureur de la FNAIM a choisi d’entrer en GRL2. o MAL (Mutuelle Alsacienne Lorraine) avec 6% de la souscription. Cette mutuelle n’était absolument pas présente en GLI et a certainement souhaité investir cette niche par ce biais. Toutefois et n’ayant pas de « savoirfaire » dans ce domaine, elle s’est associée à un courtier grossiste, Solly Azar (filiale du groupe Verspieren) en lui confiant une délégation totale. - Un taux de fréquence des déclarations de sinistres en augmentation continue avec environ 8% (comparativement, le taux de fréquence des déclarations en GLI se situe entre 2% et 3%) - Un coût moyen par sinistre de 4.000 € représentant une durée moyenne de 8 mois sur la base d’un loyer moyen de 500 €. - Une augmentation de la souscription entre 2010 et 2011 de 15%, considérée comme insuffisante. Or si la GRL devenait une solution d’assurance Loyers Impayés 129 Sources issues des différentes interviews menées pour la rédaction de cette thèse professionnelle. 103 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 « quasi unique », certaines prévisions de l’APAGL estiment que la GRL pourrait couvrir 79% du marché, sur la base d’une progression de 200.000 lots /an et une couverture qui aurait pu atteindre, fin 2014, 1,250 millions de logement ! - Un coût du Fonds GURL d’environ 5 millions d’euros mais qui ne tient pas compte des provisions. Ce montant n’est pas représentatif de ce que sera le coût global annuel du montant des compensations en « vitesse de croisière » après un retour d’expérience suffisant. Toutefois et ne disposant pas du montant des provisions (qui ne serait pas non plus, significatif) nous pouvons proposer une estimation en retenant les postulats suivants : o Une hypothèse basée sur un ratio S/P à 250% (qui selon certains experts rencontrés sera proche de la vérité)130 ; sur la base d’un stop-loss à 55% cela ramène la prise en charge par le fonds GURL à hauteur de 195% de la prime (250-55) o Nombre de lots assurés en GRL = 250.000 o Quittancement moyen annuel = 6.000 € o Prime GRL selon la répartition évoquée ci-dessus = 3,04% TTC pour 82% des lots assurés 3% TTC pour 6% des lots assurés 2,18% TTC pour 12% des lots assurés Nous aurions alors une compensation annuelle du fonds GURL de : (205.000 x 6.000 x 3,04% x 195%) + (15.000 x 6.000 x 3% x 195%) + (30.000 x 6.000 x 3,04% x 195%) = 93.480.000 + 5.265.000 + 10.670.400 = 109.415.400 € Notons que ce montant ne paraît pas surestimé compte tenu de l’accord triennal (2012, 2013 et 2014) de 480 millions qui vient d’être validé pour le financement de la GRL par le décret n° 2012-353 du 12 mars 2012 relatif aux enveloppes minimales et maximales des emplois de la participation des employeurs à l’effort de construction131. 130 Le ratio « Sinistres sur Coût réel payé » est aujourd’hui d’environ 55% mais n’est, à dire d’expert, pas représentatif de ce que sera la sinistralité du dispositif d’ici deux ou trous ans. 131 Annexe 10 104 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 - Un taux d’effort moyen en GRL de 35% ; seuls 25% des locataires présentent un taux d’effort compris entre 40% et 50%132. Toutefois la sélection du risque que nous venons d’évoquer et qui conduit à un déséquilibre, se matérialise par une répartition du public assuré en GRL comme suit : o Entre 0 et 28% (sans compensation) = 10% du public o Entre 28% et 50% (avec compensation) = 90% du public Preuve que la mutualisation du risque n’est absolument pas équilibrée. Sur ce dernier point, Il est intéressant de constater les données du tableau ci-dessous, proposées par la FFSA dans un rapport réalisé en décembre 2010 sur la GRL2 : Ce tableau met en exergue l’augmentation importante de la fréquence dans la tranche « 40 à 50% » et de sa sinistralité estimée. A noter, l’effet exponentiel en matière de marge dégagée compte tenu des coûts de gestion des sinistres dus aux procédures lourdes et coûteuses dans cette activité. De plus, ces données semblent indiquer que la tranche « 0 à 28% » non compensable ainsi que la tranche « 28 à 33% » compensable, ont toutes deux, une fréquence, une sinistralité, une marge et un volume de locataires (en nombre), identiques ! Or ces deux tranches sont 132 Selon les données de l’APAGL 105 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 aujourd’hui couvertes par la GLI et semblent, à la lecture de ces données, être rentables pour les assureurs. Cela signifie donc que les assureurs qui entrent en GRL2, acceptent de fait, de perdre une partie de leur marge (sur la tranche compensable de « 28 à 33% ») et d’entrer dans une gestion sinistre beaucoup plus importante… Un autre schéma de ce même rapport, apporte des éléments d’analyses complémentaires : A noter, les auteurs précisent que les taux de marge qui accompagnent chaque tranche de locataires, constitue une moyenne et que tout locataire de la tranche « 33 à 44% » ne génère pas une marge négative de -260% ; de même que tout locataire de la tranche « 0 à 27% » ne génère pas une marge de 5%. Ces chiffres permettent principalement à la FFSA, d’apporter des éléments d’arbitrage aux compagnies pour leur permettre de décider d’entrer ou non en GRL2. Cela pourrait se résumer à un tableau « Pour et Contre » comme suit : 106 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 POUR CONTRE Protection sur sa sur-sinistralité dans la tranche « 28 à 33% » Perte de la marge générée par la tranche Bien que traditionnellement rentable, elle « 28 à 33% » peut subir d’un exercice à l’autre, des dérives techniques corrélées à la situation Considérant que la tranche « 0 à 28% » est quasiment identique à celle des « 28 à 33% », économique et de ses conséquences tels que c’est à peu près la moitié de la marge totale le chômage et la baisse du pouvoir d’achat. que l’assureur doit accepter de perdre au profit de la mutualisation des tranches Ouverture du périmètre de ses contrats Qui permet d’accéder à de nouveaux marchés supérieures auxquels la GLI ne peut pas « s’attaquer » En cas de hausse de la sinistralité, cette balance penche en faveur de la GRL ; à l’inverse, c’est du côté de la GLI, qu’elle bascule. Mais dans la situation actuelle, où la grande majorité des compagnies ont vu leur sinistralité en GLI augmenter, notamment en 2010 par répercussion à la situation économique difficile de 2008, elles n’ont malgré tout pas profité de l’opportunité offerte par la GRL, pour compenser une partie de leurs pertes (qui risquent de s’étendre également sur l’exercice 2011) ! 107 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 10 La volonté politique suffira-t-elle ? « Un dispositif Gagnant-Gagnant ! » Ce terme a été mainte fois repris par les politiques qui ont longtemps cru que la GRL serait la solution « intelligente » pour apporter une des réponses aux problématiques du logement. Le Président de la République lui-même avait plébiscité la GRL dans son discours de Vandoeuvre-lès-Nancy le 11 décembre 2007 : « Aujourd’hui, les locataires doivent verser un dépôt de garantie qui s’élève à deux mois de loyer et qui s’ajoute au premier mois de loyer versé. Le plus souvent, s’y ajoute en outre l’obligation de présenter une caution… Pour un jeune ménage ou pour un salarié précaire, ces obligations peuvent constituer un obstacle à l’accès au logement. C’est pourquoi, comme je m’y étais engagé pendant la campagne, nous allons réformer le dépôt de garantie et la caution. S’agissant du dépôt de garantie, le projet de loi pour le pouvoir d’achat demain matin prévoit de la plafonner à un mois de loyer. S’agissant de la caution, d’ici la fin de l’année, l’Etat va apporter sa garantie financière pour que les risques d’impayés de loyers de toutes les personnes à faibles revenus puissent être couverts par une « garantie des risques locatifs ». Mais je veux un système plus ambitieux encore. Je souhaite que soit mise en œuvre une assurance contre les risques d’impayés de loyers qui concernent l’ensemble des propriétaires et des locataires. En mutualisant les risques pour tous, on en réduira le coût pour chacun. La caution pourra disparaître. Elle n’aura plus de raison d’être. » Ce discours présageait donc de la forte volonté politique, puisque défendu au plus haut niveau de l’Etat, sur le déploiement de la GRL. Or nous venons de voir tout au long de ces pages, que le résultat en a été, quelque peu différent… Remarquons que la notion « Universelle » avait été employée, reprise d’ailleurs plusieurs fois à l’époque par la Ministre du logement en poste, Christine BOUTIN. Mais quelle signification lui avait-elle été réellement donnée ? Celui de permettre l’accessibilité en GRL à tous les locataires ou bien signifiait-elle de rendre obligatoire le dispositif à l’ensemble des propriétaires pour obtenir une diffusion globale ? Les professionnels du monde de l’Assurance et de l’Immobilier ont en tout cas très vite réagi en considérant qu’il y avait une volonté d’une diffusion obligatoire et ont alors, contré cette option… 108 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 L’universalité du dispositif s’est restreinte à l’ouverture de la GRL à une catégorie de locataire plus large, grâce à la participation de l’Etat dans l’approvisionnement du Fonds GURL, comme nous l’avons évoqué dans la 1ère partie. Mais ne nous trompons pas… La volonté de rendre obligatoire la GRL a été, au départ, soutenu par les politiques et au vu du constat d’échec de la diffusion à ce jour, avaient-ils réellement tort ? La mutualisation du risque, dans une approche obligatoire de souscription, aurait sans aucun doute était suffisante à la pérennité du dispositif. Toutefois, sur le constat que les assureurs « boudaient » le dispositif alors que la FFSA et le GEMA s’étaient engagés à faire venir leurs adhérents dans le dispositif sous un schéma d’adhésion facultative, et que dans ces conditions, l’équilibre et la diffusion de la GRL serait insuffisante pour assurer son maintien dans le temps, les politiques ont tenté de réagir. La première tentative fut celle du Sénateur Vanlerenberghue 133 qui a déposé un amendement le 5 décembre 2010 dans le cadre du Projet de Loi de Finances (PLF) 2011. Celui-ci visait à taxer la GLI à hauteur de 25% des cotisations pour mutualiser les risques avec la GRL et d’en compenser les pertes techniques compte tenu de la sélection des risques volontairement opérée entre la GRL et la GLI. En novembre 2010, et lors d’échanges au cours des travaux de la commission des affaires sociales qui procédait à l’examen du rapport pour avis du projet de loi de finances pour 2011, Jean-Marie Vanlerenberghue expliquait alors : « Le problème est le suivant : la garantie des loyers impayés (GLI) assure également les bailleurs contre les risques d’impayés de loyer, mais à des conditions restrictives concernant le locataire. Or, comme la GLI ne couvre que les locataires sans risques, la totalité du risque se reporte sur la GRL, ce qui entraîne une augmentation significative de son coût pour les assureurs et les bailleurs : 2,18% du loyer contre 1,7% en moyenne pour la GLI. La modification envisageable est donc simple : il s’agit d’instituer une petite contribution sur les contrats GLI, de l’ordre de deux euros mensuels pour des loyers de cinq cents euros, de manière à assurer la mutualisation des risques entre la GRL et la GLI. L’objectif n’est pas de 133 Sénateur du Pas-de-Calais depuis le 23 septembre 2001 et réélu le 25 septembre 2011. Il est vice-président de la commission des affaires sociales et siège au sein du Groupe Union Centriste. Il a notamment participé à la création du Modem dont il est vice-président. 109 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 perturber le marché des risques locatifs mais simplement de corriger ses effets pervers socialement. La contribution demandée aux assureurs qui prennent peu de risques permettra de compenser le surcroît de risques pris par les autres assureurs, de manière à ce que les propriétaires puissent souscrire une GRL sans pénalité financière, et qu’ils puissent ainsi louer leur bien à des personnes en situation de précarité. » Cet argument, s’il se comprend, pose néanmoins la problématique du « libre arbitre » des assureurs. Au motif qu’ils refusent d’investir un produit à visée sociale, ils seraient financièrement pénalisés… Il peut paraître normal de chercher une juste compensation pour les assureurs qui ont accepté d’entrer en GRL et qui se retrouve dans une situation lourde en coût de gestion du fait de la position des autres assureurs. Mais est-ce toujours aussi justifié si l’on considère que certaines de ces compagnies sont entrées en GRL avant tout, pour investir un marché en profitant d’un effet d’aubaine ?! On aiderait alors une compagnie à compenser ses erreurs stratégiques au motif qu’elle ait fait le choix d’un positionnement d’intérêt général… Mais on peut se demander si cela était réellement son ambition première. De plus, on crée un impôt supplémentaire à l’encontre des propriétaires-bailleurs qui font le choix de se protéger d’un risque via un contrat d’assurance. Cela ne pourrait-il pas conduire les propriétaires-bailleurs, à se détourner des solutions assurantielles au profit notamment de la caution ? Système que les pouvoirs publics considèrent justement comme discriminant, et qu’ils souhaitaient voir à terme, disparaître. Un effet pervers intéressant ! Toutefois ce texte présenté le 13 décembre 2010 devant la commission mixte paritaire n’a pas été adopté. Les sénateurs ont alors tenté un passage en force, en atténuant le montant de la taxe. Ils ont « dans la foulée » voté un nouvel amendement, dans le projet de loi Finances rectificatives 2010, ramenant la taxe à 15% mais qui a également été refusé par cette même commission mixte paritaire. Cependant, cette tentative a eu l’effet d’un « coup de pied dans la fourmilière » qui a initié de nouvelles discussions entre les pouvoirs publics, les partenaires sociaux et les assureurs ainsi qu’un audit commandé par le ministre actuel du logement, Benoist Apparu, afin de mieux comprendre ce qui ne fonctionnait pas ! 110 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Si les amendements n’ont pas abouti, ils ont certainement servi de « levier de négociation » en « matérialisant » les menaces auxquelles les assureurs s’exposaient en cas de « mauvaises volontés »… D’ailleurs, Benoist APPARU ne cachait pas ce fait dans une interview accordée à l’Argus le 17 décembre 2010, où il répondait à 3 questions : « Qu’attendez-vous des assureurs ? Je souhaite qu’ils s’engagent dans la GRL. Nous avions fait un premier bilan en juin dernier et conclu que le monde de l’assurance n’était pas suffisamment rentré dans le dispositif. L’objet de notre rencontre, vendredi 10 décembre (2010) avec Action Logement, la FFSA et le ministère des Finances était donc d’écouter, six mois plus tard, le bilan et les propositions de la FFSA. Rien n’a encore été décidé, et des divergences subsistent encore, notamment entre Action Logement et la FFSA. Mais le dispositif doit être maintenu, sans le bouleverser à nouveau. La prochaine rencontre avec la FFSA et Action Logement est prévue dans une dizaine de jours. Comment pensez-vous rendre le dispositif GRL plus attrayant ? Il faut simplifier le dispositif, et nous sommes tous d’accord sur ce point. Reste à en définir les modalités. Soutenez-vous l’amendement des sénateurs proposant de taxer les contrats GLI ? Non. Et pour deux raisons. La première est que c’est une arme de négociation, qu’il n’est pas logique d’actionner avant la négociation. La deuxième est que la taxe dissuade les assureurs de faire non seulement de la GLI, mais aussi de la GRL. » L’issue de ces discussions a par la suite (courant mars 2011), abouti à des préconisations concrètes constituant un plan de relance de la GRL2 : - La suppression des quotas de distribution 80% en GRL et 20% en GLI, une règle particulièrement bloquante pour les assureurs comme nous l’avions vu précédemment - L’allocation logement ne serait plus prise en compte dans le calcul du taux d’effort, ce qui réduirait, de fait, le périmètre des personnes éligibles au dispositif. En moyenne, cela reviendrait à abaisser le taux d’effort à 40% au lieu des 50% actuellement autorisé. 111 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 - Simplification de la procédure prévue par la convention partenariale, notamment sur le libre choix laissé aux assureurs, pour exiger les pièces nécessaires au calcul de l’éligibilité des locataires ; ainsi que sur les modalités de gestion des sinistres - Allègement des sanctions « lourdes et dissuasives » prévues initialement à l’encontre des assureurs qui ne respectent pas la convention. Mais étonnamment, ces mesures n’ont pour le moment pas été adoptées car Action Logement considère que les assureurs n’ont pas encore à ce jour, fait preuve d’une réelle volonté pour entrer massivement en GRL. A l’inverse, les assureurs considèrent que, tant que ces mesures ne seront pas adoptées officiellement, ils ne « bougeront » pas ! Une situation qui semble ridicule mais à laquelle, on ne peut difficilement donner tort à Action Logement et l’APAGL, compte tenu des précédents et de la réalité de l’engouement des assureurs… Car il n’est absolument pas certain que ces derniers se mettent à « jouer le jeu » de la GRL même après l’application de ces nouvelles mesures ! Et puis côté menaces, peuvent-elles inquiéter les assureurs qui assistent à une succession de « projets » qui n’aboutissent pas… En effet et après les tentatives de la fin 2010, c’est au tour du Député Lionel Tardy134, de proposer un amendement dans la loi de Finances rectificatives pour 2011. L’idée est ici quelque peu différente puisque cet amendement ne vise pas la taxation de la GLI, mais plutôt d’instaurer un produit unique de garantie des risques locatifs en fusionnant la GRL et la GLI qui mettrait fin à leur cohabitation. En imposant aux assureurs qui proposent de la GLI de distribuer la GRL, il n’y aurait alors plus de concurrence entre les deux produits qui aujourd’hui coexistent, en espérant de ce fait, un accroissement du taux de pénétration de l’assurance Loyers Impayés, simplifiée et unique. De même, ce projet ambitionne que la GRL à travers sa généralisation, « concrétise le choix politique de répondre aux évolutions de la société et des besoins, refonde les outils œuvrant à la cohésion sociale, tout en apportant aux assureurs une garantie de gestion pluraliste, telle que portée par plusieurs assureurs aujourd’hui, et d’équilibre sur les risques hors marché. » 134 Lionel Tardy est député de la deuxième circonscription de la Haute-Savoie depuis le 20 juin 2007. Il siège dans le groupe UMP à l’Assemblée Nationale 112 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Enfin, la déductibilité de la prime d’assurance loyers impayés (selon l’article 31 du Code Des Impôts) serait supprimée au motif que la généralisation qui augmentera le volume de contrats souscrits et donc le coût pour l’Etat, ne changera pas, à l’inverse, l’impact moyen de l’avantage fiscal pour un propriétaire « mono-lot », ni celui déjà inexistant pour les propriétaires « multi-lots » compte tenu du plafonnement du montant des charges déductibles… Pas sûr que cette mesure favorise réellement l’attrait de cet amendement, qui a été également rejeté par les députés, 10 jours après son adoption par les sénateurs le 4 décembre 2011. Enfin, deux dernières manœuvres politiques pourraient être encore envisagées : - Rendre obligatoire la GRL. A l’instar de la Multirisque Habitation pour les occupants d’un bien, on obligerait tous les propriétaires-bailleurs à souscrire un contrat GRL. - Imposer la distribution de la GRL aux assureurs même à ceux qui ne distribuent pas de GLI Si la dernière option semble « utopique » compte tenu du puissant lobbying des assureurs qui ne manqueraient pas de s’élever haut et fort, sur une telle proposition, la première idée pourrait néanmoins être une piste intéressante si elle était liée par exemple, à une participation des locataires. Cette idée est depuis longtemps proposée par l’UNPI dont nous développerons l’éventuel intérêt, dans le dernier chapitre. 113 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 11 Pour maintenir le dispositif GRL, faut-il encore insister sur un modèle assurantiel ? Proposer un contrat d’assurance unique, conformément au projet du député Tardy que nous venons de citer, entend nécessairement un partenariat entre, d’un côté les partenaires sociaux et l’Etat, et de l’autre la FFSA et le GEMA. Celui-ci, pour fonctionner sur son modèle actuel, devra conduire les entreprises d’assurances à accepter l’idée d’abandonner la recherche d’un intérêt économique au profit d’une démarche solidaire et d’intérêt général. Mais est-ce vraiment le rôle des assureurs ? Au fil de ces pages, nous avons pu constater que si le modèle assurantiel semblait être une réponse adaptée à certaines problématiques du logement, le contexte concurrentiel et dogmatique des assureurs n’a pas été suffisamment pris en compte. De même, l’ambition d’un PPP (Partenariat Public/Privé) pouvait-il vraiment fonctionner dès lors que les partenaires sociaux et les entreprises d’assurances ne parlaient pas la même langue… Car il semble bien que le problème vient avant tout, d’un manque de confiance entre des « institutions » qui n’ont, au départ, pas les mêmes ambitions : Sociales d’un côté et mercantiles de l’autre. Pourtant, il existe des exemples réussis d’un partenariat entre les entreprises d’assurances et l’Etat. Notamment, la Garantie de l’Assurance et de la Réassurance des risques Attentats et actes de Terrorisme (GAREAT) ainsi que le régime d’indemnisation des Catastrophes Naturelles (CAT NAT). Prenons ici l’exemple du régime CAT NAT : D’un côté la Caisse Centrale de Réassurance (CCR)135, société anonyme détenue par l’Etat qui intervient dans la plupart des branches et des marchés de la réassurance et de l’autre une convention, passée entre elle et les pouvoirs publics, qui lui permet d’intervenir sur des couvertures en réassurance grâce à la garantie de l’Etat, pour couvrir notamment et de façon illimitée, le domaine des catastrophes naturelles. 135 La Caisse Centrale de Réassurance est une entreprise de réassurance Française créée en 1946. 114 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Issue de plusieurs réflexions sur la mise en place d’un régime couvrant les dommages causés par des phénomènes naturels, traditionnellement exclus des contrats d’assurance136 , la loi du 13 juillet 1982137 proposera de mettre en place un système mixte qui fait appel à la fois à l’Etat et à l’assurance… La comparaison avec la GRL est évidente même si le régime d’indemnisation CAT NAT est bien spécifique ; mais la genèse reste commune : Plutôt que de créer un fond « perdu » par l’Etat pour prendre en charge un ensemble de sinistres non assurables, il paraît plus efficace de créer un fonctionnement, via des mécanismes de réassurance, entre l’Etat et les assureurs qui partagent un risque financièrement compensé. Pour les assureurs il est compensé par l’Etat et pour ce dernier, il est atténué par une partie des primes d’assurances qui lui sont reversées. Si on pousse la comparaison, on retrouve même dans le mécanisme de réassurance du régime Cat Nat via la CCR, une formule qui intervient en excédent de perte annuelle dit « StopLoss » (cf. intra 7.4) ! La grande différence entre le régime d’indemnisation des Cat Nat et la GRL, tient très certainement à la présence, en GRL, des partenaires sociaux. Ces derniers n’ont jamais réellement su, instaurer un dialogue de confiance avec les assureurs, craignant une mauvaise gestion des fonds du 1% dont ils pensent être les gardiens… A l’inverse, les assureurs n’ont certainement jamais accepté la possibilité qu’un acteur non assurantiel puisse faire « main basse » sur un marché, si petit soit-il, qui relève de leur corporation. Dès lors, on peut considérer que sur les problématiques du logement, le modèle assurantiel n’est pas le plus adapté pour apporter une garantie aux risques habituellement non assurables. En effet, le contrôle paritaire autour du système des aides aux logements, intègre normalement la présence des partenaires sociaux dans la plupart des dispositifs dédiés aux logements. Et l’entente entre ces deux mondes, Assureurs et Partenaires sociaux, paraît au final, difficilement possible. 136 Les événements naturels du type séismes, raz-de-marée, inondations, éruptions volcaniques, etc. étaient traditionnellement exclus des contrats d’assurances compte tenu principalement de l’absence de statistiques fiables sur ces phénomènes, d’un risque important de cumul lié à un même événement qui complique la provision des engagements des assureurs et d’un risque d’anti sélection important. 137 Loi n° 82-600 du 13 juillet 1982 relative à l’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles, modifiée par la loi n°95-101 du 2 février 1995 115 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Pourtant, la FFSA semblait plutôt favorable d’avoir l’occasion de montrer que les assureurs pouvaient avoir, en dehors d’une utilité « marchand », une utilité sociale ! Mais surement selon leurs règles… L’APAGL, de son côté, et après avoir imaginé la mise en place d’une caisse de garantie, reste certainement convaincue que compte tenu des coûts du dispositif GRL, le portage assurantiel semble nécessaire et la piste assurantielle reste prédominante dans la continuité du dispositif. Mais si elle considère les assureurs comme un « mal nécessaire », il n’est pas sûr que cela permette la meilleure entente possible, élément indispensable, à la pérennité de la GRL ! Quelles pourraient-être alors, les solutions pour assurer un avenir assurantiel à la GRL ? Augmenter les taux de prime Initié par deux compagnies sur les trois actuellement engagées en GRL2, la DAS et la MAL viennent respectivement d’augmenter leurs de taux de prime à 3,04% TTC et 3% TTC. Si cette majoration d’environ 38% doit permettre de compenser une partie des coûts de gestion importants dus à la sinistralité de la GRL, cette approche relève néanmoins d’une stratégie court-termiste qui risque d’accentuer la « confidentialité » du dispositif. En effet, si l’isolement de ces compagnies qui ont accepté de distribuer la GRL, peut justifier cette augmentation des taux, elle séduira encore moins, les propriétaires-bailleurs et les professionnels de l’immobilier. Ces derniers accepteront de payer une prime majorée, uniquement lorsqu’ils devront choisir un locataire avec un profil forcément « risqué ». Pire, la différence du taux de prime entre la GRL et la GLI « officialiserait » la GRL comme un produit dédié aux seuls publics à « fort potentiel d’impayés » et finirait de l’isoler définitivement ! On renforcerait ici l’effet pervers rencontré actuellement sur la sélection volontaire du risque, dans un quasi-consensus des acteurs, « arbitré » par le financement du fonds GURL. Celui-ci fonctionnerait alors « à plein régime »… Mais jusqu’à quand ??? 116 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Taxer la GLI Conformément aux projets d’amendements vus plus haut, et afin d’atténuer l’effet de la sélection volontaire du risque en GRL ainsi que pour financer la sur-sinistralité observée sur les contrats GRL, il pourrait être proposé de nouveau, l’application d’une taxe sur la GLI. Toutefois, il conviendrait de réaliser une étude actuarielle précise afin de déterminer si les montants des taxes qui ont été envisagées, 25% dans la tranche haute et 15% en tranche basse, seraient suffisants pour compenser la sur-sinistralité de la GRL. Plus grossièrement ici, afin d’obtenir une idée de ces montants, et selon l’estimation que nous avons réalisée dans le chapitre 9, nous pourrions tenter de savoir dans quelle proportion, la taxe pourrait compenser les pertes du fonds GURL: - Lots assurés en GLI = 800.000 - Taux moyen = 1,80% HT - Loyer annuel moyen = 6.000 € Sur la base de 15%, le montant de la taxe serait de : 800.000 x 6.000 x 1,80% x 15% = 12.960.000 € Avec les mêmes calculs, et sur la base de 25%, le montant de la taxe serait alors de : 21.600.000 € Soit dans le 1er cas environ 12% de notre estimation du coût du fonds GURL (109.415.400 €) et dans le second presque 20%... Par conséquent et si cette mesure pourrait dans une certaine proportion, satisfaire à l’effort de financement du fonds GURL, elle risque dans le même temps d’atténuer l’attrait des propriétaires-bailleurs envers les solutions assurantielles pour se prémunir contre le risque d’impayé (comme nous l’avons évoqué dans le chapitre précédent). Néanmoins, nous pouvons aussi envisager que cette mesure pourrait avoir un effet plus positif : Celui de ne plus marquer l’avantage tarifaire de la GLI au détriment de la GRL en faisant 117 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 coïncider les taux et amener ainsi, les propriétaires-bailleurs et les professionnels de l’immobilier à ne plus faire de sélection… Au moins sur ce plan. C’est dans cette approche plus positive, qu’une étude précise devra corréler l’augmentation du nombre de lots assurés en GRL obtenue, avec l’impact sur la mutualisation du risque, pour connaître plus précisément l’impact financier de la taxe sur le coût du dispositif. Cependant, cette mesure pour être efficace, aurait dû intervenir dès la réforme de la GRL et être imposée comme une condition sine qua non à la mise en place de la GRL2. A ce stade, elle aurait immédiatement permis de savoir si la réforme de la GRL pouvait laisser espérer le développement du dispositif, ou pas. En effet, à cette contrainte imposée au moment de la réforme, les entreprises d’assurances auraient réagi de deux façons : - Un blocage total face à cette contrainte permettant de « démasquer » la volonté des assureurs de ne pas s’investir dans la promotion d’un contrat unique. L’abandon de la GRL dans un format assurantiel ou bien d’autres contraintes à imposer aux entreprises d’assurances auraient alors pu être envisagé. OU - Un accord sur la taxe qui supprimait l’avantage tarifaire de la GLI et confirmait le « bon vouloir » des assureurs pour permettre le succès de la diffusion du contrat socle. La règle des 80/20 avait cette même ambition mais n’agissait que sur les entreprises d’assurances qui décident (quand elles le veulent) d’entrer en GRL. La taxe de la GLI aurait, elle, impactée immédiatement tous les assureurs présents dans cette branche… On éclairci ainsi plus facilement les projets de chacun ! Mais aujourd’hui, cela parait trop tard pour obtenir le même effet. 118 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Rendre obligatoire la distribution de la GRL aux assureurs distribuant la GLI Cette mesure pourrait avoir un effet similaire à celui que nous venons d’imaginer à l’instant (avec l’application d’une taxe de la GLI dès la réforme) : Obtenir plus de transparence sur les ambitions des assureurs et une plus grande clarté sur le devenir de la GRL… Toutefois la différence ici, est liée aux conséquences : Avec l’obligation de distribution et en cas de refus des assureurs, celui-ci se traduirait par leur retrait du marché des assurances de loyers impayés. Cependant il y aurait un avantage, dans cette conséquence extrême, à la pérennité de la GRL : L’Etat et les partenaires sociaux porteraient seuls, un dispositif qui deviendrait unique en matière d’assurance des risques locatifs. Il n’y aurait alors plus d’anti-sélection du risque entre deux contrats… Mais ce retrait possible des assureurs, conduirait aussi à une autre conséquence : La fin du « portage » assurantiel. De ce fait, rendre obligatoire la distribution de la GRL signifie, prendre le risque, en cas de refus des entreprises d’assurances, de signer la fin définitive de la GRL en tant que dispositif assurantiel… Sauf à ce que l’Etat et les partenaires sociaux créent une « compagnie d’assurance publique » dédiée notamment à ce risque, qui serait d’ailleurs quasi-obligatoire pour maintenir la contrainte de devoir distribuer la GRL pour les assureurs GLI… Car en cas de retrait de la GRL en tant que telle, comment justifier son obligation de distribution ?! Le retour de la GLI ne pourrait être évité, qu’en l’interdisant ! Un schéma qui est loin d’être réaliste. Toutefois, cette obligation de distribution pourrait aussi conduire les assureurs à l’accepter, afin d’éviter de laisser échapper le marché des assurances de loyers impayés, ou de le laisser aux trois compagnies déjà présentes en GRL et qui « rafleraient » ainsi, l’ensemble du marché. Cette possibilité pourrait tout à fait fonctionner si les parties s’entendent sur une règle de distribution. Rappelons cependant que la règle « des 80/20 » a fortement bloqué l’entrée des entreprises d’assurances en GRL2 ; mais peut-on vraiment éviter une règle ? Cela semble finalement difficile sans risquer de tomber de nouveau, dans les travers « d’antijeu » des assureurs. 119 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Par conséquent, avec ou sans obligation de distribution de la GRL, une règle de distribution reste néanmoins nécessaire pour assurer un équilibre au dispositif. Dès lors, imposer la distribution de la GRL aux entreprises d’assurances proposant de la GLI, paraît au final une approche intéressante qui mériterait d’être défendue, devant un lobbying des entreprises d’assurances qui dans ce cas, serait certainement redoutable. Mais les assureurs préfèreraient-ils perdre définitivement le marché des assurances et dans ce cas l’Etat souhaiterait-il devoir porter seul le risque ? Ou bien les entreprises d’assurances désirent-elles, avant tout, garder la main sur son marché, même très petit, dans une volonté dogmatique plus qu’économique ? C’est avec ces postulats, que les négociations devront s’engager, si les pouvoirs publics souhaitaient imposer la distribution de la GRL… Rendre obligatoire la GRL pour les propriétaires-bailleurs Cette proposition, a un avantage immédiat: Permettre à la GRL de retrouver un caractère aléatoire et de pouvoir être définie, sans faille, comme un vrai dispositif assurantiel. En effet, en imposant la GRL à tous les bailleurs, on permet une mutualisation parfaite du risque qui assurerait ainsi, un équilibre répondant bien mieux, à la logique assurantielle. De la même façon que le GAREAT évoqué dans le chapitre 10, on imposerait à tous et donc également à ceux qui ne présentent pas de risque, une garantie qui pour être viable, doit en quelque sorte, reposer sur la solidarité de tous les propriétaires-bailleurs ! Toutefois, la comparaison avec le GAREAT reste limitée car rappelons que celui-ci a été rendu obligatoire afin de pouvoir assurer des grands risques, excluent des traités de réassurance après les attentats du 11 septembre 2001 et le sinistre AZF survenu le 21 septembre 2001. La GRL ne porte pas sur des grands risques, mais sur des petits risques avec une fréquence élevée (cf. intra chapitre 9). La légitimité de son obligation est en ce sens, contestable, et comptons sur la fronde puissante, des propriétaires et de leur représentant, si une telle mesure venait à être proposée. 120 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Néanmoins, un terrain d’entente sur cette question pourrait être envisagé si cette obligation concernait également les locataires. Cette idée, promu par l’UNPI permettrait de répartir le coût entre celui qui subit le préjudice, le propriétaire-bailleur, et celui qui le cause, le locataire. Cette approche pourrait, plus facilement, permettre d’envisager la mise en place de cette idée. Mais les pouvoirs publics sont-ils prêts, dans le contexte économique et électoral actuel, à imposer une charge supplémentaire aux locataires pour sauver un dispositif qui s’adresse avant tout, aux locataires les plus fragiles ? Dans l’état actuel de la GRL, c’est pourtant une des pistes qui le mieux, permettrait de proposer un vrai dispositif assurantiel répondant à une logique économique ; car ne doutons pas que les assureurs dans ce contexte, seraient totalement disposés à vouloir distribuer la GRL ! Néanmoins des difficultés resteraient à « régler » sur cette proposition : - QUID du locataire qui ne règle pas sa prime ? Comment envisager l’indemnisation totale du bailleur, si la partie de prime à la charge du locataire n’est pas réglée ? Eventuellement à ce que la prime soit prise en charge par les aides aux logements par exemple… - L’obligation d’assurance ne risque-t-elle pas d’entraîner un phénomène de déresponsabilisation des locataires ? Si le risque existe, il sera certainement moins important si le locataire participe au paiement de la prime. En effet et dans ce cas, son « irresponsabilité » entrainerait une augmentation des sinistres qui se répercuterait, in fine, sur le coût dommageable alors autant pour le locataire que le propriétaire. 121 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Supprimer la caution Si l’article 55 de la loi MOLLE a entreprit partiellement cette démarche (cf. intra 5.4), envisager la suppression définitive de la caution permettrait de s’approcher des effets de ceux espérés, en rendant la GRL obligatoires à tous les propriétaires-bailleurs, sans imposer la souscription à un contrat d’assurances. Si cette mesure semble intéressante dans une approche moins « dictatoriale », elle a cependant un inconvénient majeur : Le risque que les propriétaires-bailleurs imposent à leurs candidats locataires, des critères d’éligibilité élitiste ! Principalement dans les zones tendues où l’offre reste moins importante que la demande et pour se prémunir du risque d’impayé sans pouvoir se prévaloir d’une caution, cette optique semblerait très probable. Proposer un nouveau mode de souscription des risques d’impayés de loyers Reprenant l’idée d’une garantie obligatoire partagée entre propriétaires et locataires, il pourrait être imaginé la mise en place d’une garantie intégrée dans des contrats déjà existants: Du côté du locataire, dans son contrat Multirisque Habitation (MRH) qui est déjà obligatoire. Côté propriétaire, dans le contrat Propriétaire Non Occupant (PNO) 138 dont le caractère obligatoire devra être imposé. Ici, et à la différence de rendre obligatoire la GRL (contrat dédié uniquement aux risques locatifs d’impayés et de dégradations), on assoit la prime nécessaire à ce risque, dès lors parfaitement mutualisé, sur deux contrats : l’un déjà répandu sur tous les locataires et l’autre, diffusé auprès de certains bailleurs, qui couvre également leur responsabilité civile de propriétaire non occupant. Ne serait-ce alors pas plus légitime et acceptable pour ces derniers, de se voir imposer une obligation en RC qui couvre aussi le risque d’impayé ? N’oublions pas qu’à ce jour, et en dehors des CATNAT et GAREAT que nous avons vu plus haut, les seules obligations d’assurances portent aujourd’hui sur des contrats en RC. Toutefois, deux limites peuvent être soulevées : 138 Les garanties PNO permettent aux propriétaires-bailleurs de couvrir certains dommages non couverts par les polices multirisques habitation du locataire et multirisques immeuble de la copropriété où en cas de défaut de celles-ci, ainsi que la responsabilité civile du propriétaire non occupant. 122 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 La première concerne la problématique du contrôle de la solvabilité du locataire. Sans contrat spécifiquement dédié aux risques d’impayés, ils semblent difficiles d’imposer contractuellement des règles d’éligibilités sur le taux d’effort des locataires ; que ce soit des seuils minimum, pour cadrer le risque, et des seuils maximum, pour maintenir l’intérêt social. La seconde limite de cette proposition, concerne les segments de spécialisation des assureurs concernés : Si d’un côté, il ne semble pas très difficile à tous les assureurs présents en MRH et en PNO, d’obtenir un agrément en branche 16 pour distribuer des garanties de pertes de loyers, à l’inverse, et pour les assureurs présents en GLI et GRL qui ne font pas de PNO ni de MRH, vouloir investir ce segment spécifique et très concurrentiel, relève d’une tout autre problématique qui relève du savoir-faire, de l’expérience et de la stratégie de l’entreprise ! 123 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 Synthèse de la 3ème Partie Malgré la réforme du dispositif GRL, les ambitions politiques n’ont certainement pas été suffisantes pour contrer le lobbying des assureurs. Pourtant, les menaces des politiques n’auraient-elles pas permises une autre issue, si elles avaient été prises plus au sérieux ? Le manque évident de volontarisme de ces derniers contraste avec leurs responsabilités en matière de logement, qui auraient dues légitimer des actions plus directives ! En conclusion de nos réflexions, si plusieurs pistes pour « sauver » la GRL et la maintenir dans une approche assurantielle, semblent envisageables, certaines nous paraissent néanmoins plus réalistes que d’autres. Si nous devions en préconiser une seule, rendre obligatoire la GRL auprès des propriétairesbailleurs nous paraît certainement, la plus efficiente. Cette nouvelle approche pourrait d’ailleurs être assimilée à un nouveau « droit au bail » comme l’était la Contribution sur les Revenus Locatifs (CRL) en son temps. A la différence que le propriétaire bénéficie ici, d’une prestation financière qui l’éloigne quelque peu, du sentiment d’être soumis à un impôt supplémentaire. La mutualisation serait totale et les entreprises d’assurances investiraient certainement le marché. Un cercle concurrentiel vertueux se mettrait alors en œuvre et renforcerait la pérennité du dispositif. 124 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 CONCLUSION La GRL est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Cette question souffrait dès le départ d’une réponse compliquée au regard de la forme sous laquelle elle se pose. A travers ces pages, nous aurons vu que la question n’autorise pas, sans parti-pris, une seule réponse évidente. Certains auront compris que la GRL est mécaniquement un contrat d’assurance à part entière alors que d’autres argueront avant tout que la GRL, est « philosophiquement » un dispositif social qui ne répond pas aux codes classiques de l’Assurance. La réponse souffre en fait du même mal que la GRL : Sa dimension politique. La question sous-jacente autour de la GRL que nous avons également traitée, est de savoir si ce dispositif devait reposer, lors de sa création, sur une mécanique assurantielle ? Sur ce point, nous avons voulu démontrer que si asseoir la pérennité d’un dispositif social en l’intégrant dans le circuit économique via un contrat d’assurance, semblait une bonne idée, le dogmatisme des assureurs comme celui des partenaires sociaux en a bloqué le mécanisme dès le départ ! Car il ne suffisait pas d’imaginer le « bon schéma » pour en espérer le succès, il fallait aussi s’assurer que les ambitions et les intérêts de ses acteurs, soient réellement compatibles… Le bilan de la GRL, au regard de ces objectifs initiaux, est aujourd’hui très mitigé. Sa pertinence et son efficacité ne semblent pas aujourd’hui prouvées, et la question sur son devenir est très certainement ouverte. A ce titre, notons que la grande majorité des personnes rencontrées lors de nos recherches, croient plus facilement, à une fin du dispositif, qu’à son maintien. Les prochaines échéances électorales ajoutent également à ce sentiment d’incertitude sur le sort de la GRL, qui n’est pas du meilleur augure lorsqu’un grand quotidien national publie au mois de février 2012, une note faisant suite à une réunion autour du Président de la République sur le thème du logement et qui précise : 125 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 « L’option assurantielle ayant échoué, remplacer la GRL par un mécanisme de caution publique ciblée sur les ménages modestes et précaires, limitée dans le temps, accordée par Action logement (retour au Loca Pass) et/ou les collectivités locales, cofinancée par les partenaires sociaux, l’Etat et les contributions des locataires, avec un suivi social assuré par les CAF ou les collectivités locales cohérent avec l’existence des FSL. Elle serait d’autant moins nécessaire que le bail « gagnant-gagnant » serait largement diffusé. » Cette proposition, qui s’inscrit dans une série d’idée visant à protéger les abus et à desserrer les contraintes sur le parc privé, s’accompagnerait d’une autre mesure liée à celle que nous venons de citer : « Expérimenter dans les communes volontaires de zone tendue un bail « gagnant-gagnant », dans lequel le propriétaire accepterait de pratiquer des loyers faibles (définis par les communes) et de renoncer aux garanties à l’entrée (caution ou assurance), en échange de délais de préavis minimes (6 mois aujourd’hui) voire de procédures d’expulsion accélérées. » A la lecture de ces deux propositions, nous pouvons comprendre que le maintien de la GRL ainsi que plus globalement, celui d’un dispositif assurantiel pour faciliter l’accès au logement dans le parc privé, ne semblent pas ici, envisagés par l’actuelle majorité si elle devait être reconduite. Quant aux ambitions de l’opposition, on peut se demander si elle souhaitera, en cas de victoire aux élections présidentielles de mai 2012, soutenir un dispositif initié par l’ancienne majorité et contesté par une partie de ses acteurs… Sur les autres pistes non assurantielles visant à favoriser l’accès au logement dans le parc privé, la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM) vient tout juste de proposer une solution baptisée « Bail puissance 3 », et qui viserait l’institution d’un nouveau régime fiscal pour les propriétaires privés qui s’engageraient à pratiquer des loyers modérés. Ainsi et selon la FNAIM, 60% de la population française pourrait en bénéficier et permettrait « un gain du pouvoir d’achat de 22,7% pour une famille disposant de 1.441 € nets par mois (1,3 SMIC, soit le salaire médian en France) ». C’est alors près de 100.000 logements par an qui seraient concernés par ce dispositif pour lesquels la « dépense logement n’excède pas un taux d’effort du locataire supérieur à 25% ou 30% en zone très tendue ». En contrepartie de l’effort des propriétaires sur des loyers modérés pendant au moins neuf ans, ces derniers 126 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 bénéficieraient d’une « déduction spécifique de 100% au titre des revenus fonciers et sociaux pendant huit ans reconductible deux fois trois ans » Cette mesure, si elle trouvait un écho favorable, est cependant estimée à 2 milliards d’euros, en perte de recettes fiscales sur neuf ans. Rappelons qu’une convention de trois ans vise à abonder le fonds GURL à hauteur de 500 millions, soit 1,5 milliards sur neuf ans. Dans un contexte économique difficile, ne risquerait-il pas alors, de s’opérer un arbitrage entre deux dispositifs : L’un assurantiel, qui finance les impayés provoqués par l’acceptation d’un taux d’effort du locataire qui peut s’avérer trop important pour respecter ses obligations locatives. L’autre non assurantiel, qui finance la modération des loyers pour obtenir un taux d’effort du locataire acceptable et qui limite ainsi, le risque d’impayé. Seule certitude à ce jour, une étude menée par l’APAGL est actuellement en cours afin de mesurer si les objectifs initiaux de la GRL, ont démontré leurs intérêts politiques. Les conclusions doivent être rendues fin mai 2012, coïncidant ainsi avec le calendrier électoral. Quelles seront alors les ambitions des pouvoirs publics ? Si le constat des résultats du dispositif aura une incidence, c’est principalement les différentes propositions accompagnant cette étude qui devront influer sur le devenir de la GRL. Si de notre côté, nous avons formulé plusieurs propositions dans le dernier chapitre en soulignant leurs avantages et leurs limites, confions-en ici, une dernière plus légère : Dans un modèle assurantiel et quoi qu’il en soit des solutions proposées, la GRL devra impérativement changer de nom et restructurer ses principales règles autour des conditions d’éligibilité, telle que le taux d’effort notamment. Ce « relookink » qui peut être considéré comme un simple artifice marketing, reste néanmoins indispensable pour s’éloigner de la caricature trop sociale, à laquelle la GRL est aujourd’hui associée et qui ne s’accommodera jamais, des modèles économiques assurantiels ! 127 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 La grande difficulté du maintien de la GRL, tient aussi à son historique et de la position arrêtée par les entreprises d’assurances qui n’ont pas accepté d’y entrer. Celles-ci ne se contenteront surement plus de simples aménagements du dispositif pour changer d’avis. Dans un maintien d’une souscription volontaire des bailleurs, des changements plus majeurs devront leur être proposés, pouvant aller jusqu’à sortir les partenaires sociaux de la gestion du dispositif… Pas facile à réaliser ni vraiment souhaité. La souscription obligatoire des bailleurs, représente certainement un des rares leviers économiquement pertinents, pour permettre d’instaurer de nouveau, un dialogue « sincère » entre les entreprises d’assurances et les partenaires sociaux en vue de créer un VRAI produit unique et assurantiel, dédié aux risques locatifs. D’une façon ou d’une autre, les décisions qui devront être prise seront difficiles et/ou courageuses. A l’inverse, il faudra alors chercher à sortir définitivement d’un schéma assurantiel… Ce qui signifie la FIN de la GRL. 128 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 LISTE DES INTERVIEWS REALISEES - Bernard BEGUIN – Directeur EQUITE (Groupe GENERALI) Rencontré le 14 novembre 2011 - Jean-Luc BERHO – Vice-Président Action Logement (ex 1% logement) Rencontré le 15 décembre 2011 - Henry BUZY-CAZAUX – Président Institut du Management des Services Immobiliers Rencontré le 25 novembre 2011 - Lucie CAHN – Directrice APAGL Rencontrée le 22 novembre 2011 - Henri DELIGNE – Président EPGI Rencontré le 24 novembre 2011 - Eric DURAND – Ex directeur GRL Gestion Rencontré le 17 janvier 2012 - François-Xavier d’HUART – Directeur AXA Rencontré le 21 décembre 2011 - Stéphane PENET – FFSA Rencontré le 13 décembre 2011 - Jean PERRIN – Président UNPI Rencontré le 30 novembre 2011 - Roger THUNE – MEDEF Rencontré le 18 novembre 2011 129 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 BIBLIOGRAPHIE Publications : Article de l’Argus du 1 octobre 2010 « La garantie des risques locatifs ne fait pas recette » Article de l’Argus du 7 décembre 2010 « La GRL ne marche pas » Article de l’Argus du 13 décembre 2010 « Dispositif GRL : Benoist Apparu convoque les assureurs » Article de l’Argus du 17 décembre 2010 « Garantie des risques locatifs : il faut sauver le dispositif » Article de l’Argus du 18 mars 2011 « La GRL 2 fait peau neuve » Article de l’Argus du 21 décembre « 2011 PLF 2012 rejeté en bloc par les sénateurs » Article Universimmo du 17 décembre 2010 « La GLI ne sera pas taxée » Article Universimmo du 24 mai 2011 « Imminence d’un plan de relance de la GRL » Article Universimmo du 25 juillet 2011 « Quelque chiffres sur la GRL » Règles législatives : Décret n° 2007-92 du 24 janvier 2007 portant approbation du cahier des charges social mentionné au g de l'article L. 313-1 du code de la construction et de l'habitation Décret n° 2009-1621 du 23 décembre 2009 fixant le cahier des charges prévu au g de l'article L. 313-3 du code de la construction et de l'habitation au titre de la garantie universelle des risques locatifs Décret n° 2009-1620 du 23 décembre 2009 fixant les règles de gestion et de fonctionnement du fonds de garantie universelle des risques locatifs Décret n° 2009-1621 du 23 décembre 2009 fixant le cahier des charges prévu au g de l'article L. 313-3 du code de la construction et de l'habitation au titre de la garantie universelle des risques locatifs Décret n° 2009-1623 du 23 décembre 2009 relatif à la garantie de l'Etat au titre de la garantie universelle des risques locatifs pris en application de l'article 85 de la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007 130 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 LOI n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion Documents professionnels : Agence Nationale pour la participation des employeurs à l’effort de construction « Bilan des aides LOCA-PASS à fin 2003 » Cour des comptes- Rapport public annuel 2010 «La réforme de l’organisation et de la gestion du 1% logement » Conseil Général de Vendée « Plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées » Conseil National de l’Habitat « Rapport Garantie des Risques Locatifs » Rapport de Madame Sabine Baïetto-Beysson, et de Monsieur Bernard Béguin « Faciliter l’accès au logement en sécurisant bailleurs et locataires – Place d’un système assurantiel » Enquête INSSE « Budget des Familles – 2006 » Enquête INSSE « Enquête nationale du logement – 2002 » Agence Nationale de l’Habitat « Source Atlas de l’habitat privé – 2008 » Sites Internet : www.ccr.fr : Caisse Centrale de Réassurance www.ffsa.fr : Fédération Française des Sociétés d’Assurances www.largusdelassurance.com www.gareat.com : Gestion de l’Assurance et de la Réassurance des risques Attentats et actes de Terrorisme www.apagl.fr : Association Pour l’Accès aux Garanties Locatives www.universimmo.com 131 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 ANNEXES SOMMAIRE DU CAHIER DES ANNEXES Annexe 1 : Convention de gestion du PASS-GRL ______________________________ 3 Annexe 2 : Lettre de Mission du rapport "3B" _______________________________ 12 Annexe 3 : Article 8 de la Loi MOLLE ______________________________________ 13 Annexe 4 : Lettre d’action logement au CIL du 16 décembre 2009 _______________ 17 Annexe 5 : Décret N°2009-1620 du 23 décembre 2009 _________________________ 18 Annexe 6 : Décret N°2009-1621 du 23 décembre 2009 _________________________ 25 Annexe 7 : Décret N°2009-1623 du 23 décembre 2009 _________________________ 53 Annexe 8 : Annexe 3 de la convention partenariale ____________________________ 58 Annexe 9 : Courrier adressé par les ministres de l’Ecologie, de l’Economie et du logement à la FFSA et au GEMA __________________________________________ 68 Annexe 10 : Décret N°2012-353 du 12 mars 2012 _____________________________ 70 132 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 TABLE DES MATIERES REMERCIEMENTS ................................................................................................................ 2 SYNTHESE............................................................................................................................... 4 EXECUTIVE SUMMARY ...................................................................................................... 5 INTRODUCTION .................................................................................................................... 6 1ère PARTIE – PRESENTATION ET MISE EN ŒUVRE DU DISPOSITIF GRL .......... 9 1 L’initiative de la GRL _________________________________________________ 10 1.1 Données et problématiques autour du marché locatif en France à l’aube de la GRL .. 10 1.2 Réflexion et enjeux : Comment a germé la mise en œuvre de la GRL et pourquoi à travers un dispositif assurantiel ? ........................................................................................... 13 1.3 Les textes : Convention, loi et décret ........................................................................... 18 2 Le fonctionnement ____________________________________________________ 21 2.1 La mécanique du contrat Pass-GRL ............................................................................. 21 2.2 Les acteurs : Politiques, de pilotage et assurantiels ...................................................... 23 2.3 Les locataires : Règles de solvabilité et catégories ...................................................... 28 2.4 Le financement de l’indemnisation des sinistres : ne m’appelez pas Réassurance mais GURL ! .................................................................................................................................. 30 3 La souscription ______________________________________________________ 34 3.1 Assureurs partenaires.................................................................................................... 34 3.2 Les propriétaires-bailleurs ............................................................................................ 35 3.3 Les professionnels de l’immobilier .............................................................................. 37 3.4 Les premiers résultats ................................................................................................... 39 4 Les attentes et les limites d’un système controversé ________________________ 43 4.1 Objectifs et limites de croissance du système .............................................................. 43 4.2 Conséquences et imbrications avec un « vrai » dispositif assurantiel : la GLI ............ 45 4.3 Les limites d’une intervention publique dans un marché privé de libre concurrence .. 47 4.4 La position de la FFSA et du GEMA ........................................................................... 49 Synthèse de la 1ère Partie ........................................................................................................ 52 2ème PARTIE – LA FIN DU DISPOSITIF 1ÈRE VERSION ET L’ARRIVÉE DE LA GRL2 ....................................................................................................................................... 53 5 Les raisons d’un échec annoncé _________________________________________ 54 5.1 Le « pré-carré » des assureurs menacé ? ...................................................................... 54 5.2 Le passeport face à la caution ....................................................................................... 55 5.3 Bilan de la GRL1 : Les résultats techniques et la gestion des sinistres ........................ 57 5.4 Le rapport 3B et la loi MOLLE dite Boutin ................................................................. 61 133 La Garantie des Risques Locatifs (GRL) est-elle légitime au travers d’un dispositif assurantiel ? Stéphane GRANDCHAMP – MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances – 2010-2012 6 La prise de contrôle de l’APAGL et le contexte politique ____________________ 65 6.1 Evolution du rôle et de la mission de l’APAGL........................................................... 65 6.2 Un intérêt réellement partagé entre les partenaires sociaux et l’Etat ?......................... 67 6.3 Le rôle des Comités Interprofessionnels du Logement (CIL) ...................................... 71 6.4 Le suivi social des sinistres .......................................................................................... 73 7 La naissance de la GRL2 ______________________________________________ 77 7.1 Les trois décrets du 23 décembre 2009 et le cahier des charges social ........................ 77 7.2 Les engagements des acteurs : Etat, Assureurs et Partenaires sociaux ........................ 82 7.3 Le double jeu des assureurs et l’influence des professionnels de l’immobilier ........... 85 7.4 Le fonds GURL : Cette fois, appelez-moi réassurance ! .............................................. 89 8 Et à l’étranger … _____________________________________________________ 92 Synthèse de la 2nde Partie ....................................................................................................... 94 3ème PARTIE – LA GRL AUJOURD’HUI ET DEMAIN ................................................. 95 9 Qu’en est-il réellement du dispositif à ce jour _____________________________ 96 10 La volonté politique suffira-t-elle ? _____________________________________ 108 11 Pour maintenir le dispositif GRL, faut-il encore insister sur un modèle assurantiel ? ___________________________________________________________ 114 Synthèse de la 3ème Partie ..................................................................................................... 124 CONCLUSION ..................................................................................................................... 125 LISTE DES INTERVIEWS REALISEES ......................................................................... 129 BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................... 130 ANNEXES ............................................................................................................................. 132 134 Thèse soutenue en 2012 pour l’obtention du diplôme du MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurance Sous la direction de : Christian JEANVOINE Président du Jury : François EWALD Une école est un lieu de production et de diffusion de connaissances. L’Ecole nationale d’assurances s’organise pour répondre le mieux possible à cette mission en direction de ses élèves d’abord, mais aussi de la profession de l’assurance et de ses partenaires : • les « séminaires innovation » animés par les auditeurs du Centre des Hautes Etudes d’Assurance (CHEA), permettent aux professionnels de suivre les grandes innovations en assurance telles qu’on peut les observer à l’étranger ; • « les travaux de l’Enass » sont destinés à faire bénéficier la profession des travaux menés au sein de l’Enass par ses professeurs et ses élèves, à tous les niveaux, dans la mesure où les jurys qui les ont évalués ont noté leur qualité et leur originalité. Ces travaux vous seront adressés par Internet, certains d’entre eux pouvant faire l’objet d’un tirage sur papier ou même, être édités. Nous souhaitons que toutes ces initiatives vous soient profitables. François Ewald Directeur de l’Ecole nationale d’assurances